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RÉPERTOIRE
UNIFERSE LET RAISONNÉ
DE JURISPRUDENCE
CIVILE, CRIMINELLE,
CANONIQUE ET BÊNÉFICIALE;
OUVRAGE DE PLUSIEURS JURISCONSULTES:
Mis en ordre & publié par M. GuYOT, écuyer, ancien
magiftrat.
Nouvelle édition corrigée , & augmentée tant des lois nouvelles que des arrêts
rendus en matière importante par les parlemens & les autres cours du
royaume , depuis l'édition précédente*
TOME TREIZIÈME.
A PARIS,
Chez VISSE, Libraire , rue de la Harpe, près de la rue Serpente,
Et chez les principaux Libraires des provinces de France.
M. DCC. LXXXIV.
Avec approbation & privilège du Roi,
BlBUOJUiCA
LISTE ALPHABÉTIQUE
Des Jurîfconfuhes qui ont coopéré avec t Editeur à la compofition
de cet ouvrage.
Messieurs,
.ssELiN , avocat en parlement.
Bekthelot , dofteur en droit , agrégé de
la faculté ^^^ droits de Paris , & cenfeur
royal.
Bertholio .( l'abbé), avocat au parlement
de Paris.
Boucher d'Argis , avocat au parlement de
Paris , & confeiller au conîeil fouverain
de Bouillon.
Boucher d'Argis , confeiller au chatek-t de
Paris, de l'académie royale des £ciences ,
belles-lettres & arts de Rouen, 5cc.
BoTSsou , avocat au parlement de Paris.
BuGNiATRE , avocat en parlement.
Dareau, avocat en parlement, de la fociéré
littéraire de Clermont-Ferrand.
De Corail de Sainte Foi, avocat au par-
lement de Touloufe.
De la Croix, avocat au parlement de Paris.
De Mirbeck, avocat aux confeils , ôc fecré-
taire du roi y maifon & couronne de
France.
De Polverel, avocat au parlement de Paris.
De Rogéville, confeiller au parlement de
Nancy.
Desessarts , avocat &: membre de plufieurs
académies.
De Vozelle , avocat au parlement.de Paris.
Du Caurroi de la Croix , lieutenant-
général du bailliage d'Eu.
Elie de Beaumont, avocat au parlement
de Paris , & intendant des finances de
monfeigncur Comte d'Artois, frère du
roi.
François de Neufchateau , dodeur en
droit, procureur-général du roi au confeiï
fûuverain du Cap-François, des académies
de Dijon, Lyon, Marfeille, Nancy , &:c.
Garât , avocat au parlement de Paris»
Garran de Coulon, avocat au parlemenî
de Paris.
Gilbert de Marette-, avocat au parlement
de Bretagne.
Guenard de Lisle , confeiller au bailliage
& fiège préiidial de Chaumonr en Balligny.
HtNRioN DE Pensey, avocat au parlement
de Paris.
Henrion de Saint - Amand , avocat aux
confeils du roi.
Henriquez , avocat & procureur -fifcal de
S. A. S. monfeigneur le prince de Condé,
à Dun.
Henry, avocat au parlement de Paris.
Lacretelle , avocat au parlement de Paris.
I Laforet, avocat au parlement de Paris.
Lambert, avocat & {ecrécaire des commarf-
demens de S. A. S. monfeigneur le prince
de Condé,
Lanjuinais , avocat 8c dodeur régent en
droit des facultés de Rennes.
Laubri (l'abbé), avocat au parlement de
P-aris .
Lhuillier , avocat en parlement.
AIerein^ avocat an parlement de Flandres ,
& fecrétaire du roi , maifon &: couronne
de France.
Minier, avocat au parlement de Paris.
M^ONTiGNY, avocat au parlement de Paris.
'MouRot _, avocat & profefleur du droit
françcis dans l'univerfité de Pau.
Piales , avocat au parlement de Paris.
REMY'(rabbé), avocat au parlement de Paris.
RouBAUD, avocat en parlement.
Sanson Duperron , Hvocat aux confeils d*
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Seur , avocat au parlement de Bordenux.
Treilhard , avocat au parlement de Parîs^
Tauchon, avocat au parlement de Paris»
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RÉPERTOIRE
UNIFERSE L ET RAISONNÉ
DE JURISPRUDENCE
CIVILE, CRIMINEL LE,
C A N O N I Q U E E T B É N É F I CI A L E.
PATURAGE.
r ATURAGE. C'eft ce qui fert à nourrir les
beftiaux.
Les règles à obferver pour l'exercice du droit de
Pâturage dans les forêts du roi , font déterminées
pr le titre 19 de l'ordonnance des eaux & forêts
du mois d'août 1669.
Suivant l'article premier, il n'y a que les com-
munautés ou habitans dénommés dans l'état arrêté
au confeil , qui puiffent envoyer leurs beftiaux
pâturer dans les forêts du roi , & ceux à qui ce droit
eft accordé ne peuvent en ufer que dans les endroits
que les officiers des eaux & forêts ont déclarés dé-
fenfahles. Ces endroits font ceux où le bois eft
affez fort pour que le bétail ne puifle pas l'endom-
mager.
L'ordonnance n'a point fixé le temps auquel les
taillis doivent être déclarés défenfables. Cela dé-
pend tout à la fois de la nature du fol & de l'efpèce
des bois qui y croiffent. Un règlement de la raaî-
trife des eaux & forêts d'Orléans du 20 janvier
1720, a fixé ce temps à cinq ans pour les bêtes au-
PATURAGE.
mailles , & à trois ans pour les chevaux.
Le même règlement a défendu aux habîtans qui
ont droit de Pâturage dans la forêt d'Orléans , d'en-
voyer paître leurs beftiaux dans les endroits incen-
diés depuis dix ans.
Les habitans , qui ont droit de Pâturage, doivent
déclarer le nombre des beftiaux qu'ils pofledent, &
cette déclaration doit être enregiftrée au grtffe de
la maîtrife. C'eft ce qui refaite de l'article 2 du titre
cité.
L'article 3 veut que les ofRcicrs affignent à cha-
que communauté ufagère une contrée particulière,"
la plus commode qu'il foit pofiible, où les beftiaux
de cette communauté puiffent être menés &. gardés
fé parement, fans mélange d'autres troupeaux. Cette
loi doit être exécutée fous peine de confifcation des
beftiaux , & d'amende arbitraire contre les pâtres
contrevenans, 8c de privation de leurs charges con-
tre les officiers ou gardes qui viendroient à per-
mettre le contraire. Il eft d'ailleurs défendu aux
officiers , fous peine de concuflion , de percevoir
Aij
4 PATURAGE.
aucun droit pour les permiffions relatives à l'exer-
cice du droit de Pâturage.
La déclaration des contrées dont on vient de
parler , & de la liberté d'y envoyer paître le bétail ,
doit, fuivant l'article 4 , être publiée aux prônes
des me/Tes des paroifTes ufagères, l'un des diman-
ches du mois de février de chaque anné , à la dili-
gence du procureur du roi (i) ; & il doit en même-
temps être fa:itdéfenfe aux ufagers d'envoyer leurs
beftiaux paître en d'autres lieux, à peine confifca-
tion & de privation de leurs ufages.
Le droit de Pâturage ne peut être exercé que par
les pofl'efTeurs des fiels & maifons défignés dans les
états drefles par les commiffaires réformateurs ou
les grands maîtres des eaux & forêts , & confor-
mément à ce que ces ofHciers ont réglé pour le
nombre des beftiaux , eu égard à la pofîibilité des
forêts. C'eft ce qui résulte de l'article 5.
» Tous les beftiaux , porte V article 6 , appartenans
M aux ufagers d'une même paroifte ou hameau
» ayant droit d'ufage, feront marqués d'une même
3> marque, dont l'empreinte fera mife au greffe,
» avant que de les pouvoir envoyer au Pâturage,
5> & chacun jour aflemblés en un lieu qui fera
j» deftiné pour chacun bourg , village ou hameau ,
j) en un feul troupeau, & conduit par un feul
5> cKemih, qui fera déïïgrié par les officiers de la
n maîtrife, le plus commode & le mieux défendu,
9* fans qu'il foit permis de changer & prendre une
t> autre route en allant & retournant, à peine de
D> confifcation des beftiaux , amende arbitraire con-
j) tre.les propriétaires des beftiaux, & de punition
» exemplaire contre les pâtres & gardes ».
L'article 7 veut que les particuliers mettent au
cou de leurs beftiaux des clochettes dont le fon
puiffe avertir des lieux où ils font, afin qu'en cas
de dégât les pâtres y courent, & que les gardes fe
faifiirent des bêtes trouvées en dommage hors des
cantons défignés & déclarés défenfables»
Aucun habitant ne peut mener fes beftiaux à
garde féparée , ni les envoyer dans la forêt par fa
femme , fcs enfans ou fes domeftiques, à peine de
dix livres d'amende pour la première contraven-
tion , de confifcation pour la féconde , & de pri-
vation du droit de Pâturage pour la troifiéme : cette
règle doit être obfervée par toutes fortes de per-
fonnes indiftinftement, même par les feigneurs
eccléfiaftiques & les gentilshommes qui jouift^ent du
droit dont il s'agit, comme habitans, nonobftant les
droits de troupeau à part , &• toute coutume ou
f (i) Cette formalité n'eft plus néceffaire depuis l'cdit du
mois d'avtil ti$^ , & la déclaration du 16 déceiTibre 1598.
Ces lois ont établi que les tarés ou leurs vicaires , & les au-
tres ecclclîaftiaues, ne feroient plus obligés de pablier au
prône, ni pendant le fervice divin, les ades de julHcc Ar
autres qui concernent les affaires du roi ou l'intérêt particu-
lier de ies fujetî: ainlî les publications faites par les hui/îîers
ou fergens, font aujourd'hui fuftîfantes, & tiennent lieu de
celles ^ui dçYQicat pûcéden^ueat fe fai(G i>\X7i prônct^
PATURAGE.
pofl*e/non contraire. Telles font les difpofitions de
l'article 8.
Les pâtres & gardes doivent être choifis & nom-
més annuellement à la diligence des procureurs
d'office ou fyndics de chaque paroifte, par les ha-
bitans aflemblés en préfence du juge des lieux , qui
doit en délivrer afte fans frais, ou en préfence
d'un notaire. Cela eft ainfi réglé par l'anlcle 9 , qui
déclare , en outre , la communauté refponfabie des
pâtres qu'elle a choifis.
Un particulier ufager ne peut prêter ni fon nom
ni fa maifon aux habitans des paroififes voifines ,
pour y retirer leurs beftiaux ; &, dans le cas de
contravention à cette défenfe, les beftiaux doivent
être confifqués , & l'ufager condamné à une amende
de cinquanrc livres pour la première fois, & privé
de fon droit de Pâturage en cas de récidive. C'eft ce
qui réûdte de l'article 10.
L'article 1 1 défend à toutes fortes de perfonnes-
d'envoyer leurs beftiaux en Pâturage, fous prétexte
de baux ou congés des officiers receveurs ou fu-
miers du domaijie, même des engagiftes ou um-
fruitiers, à peine de confifcation des beftiaux trou-
vés en Pâturage , & de cent livres d'amende.
11 eft pareillement défendu par l'article 13,3 tout
ufager de mener ou envoyer paître dans les forets,
ni même dans le voifinage, aucune chèvre ou bête
à laine , à peine de confilcation de ces bêtes , & de
tiois livres d'amende pour chacune. Les bergers ou
gardes de ces fortes de bêtes , doivent , d'ailleurs ,
être condamnés à dix livres d'amende pour la pre-
mière fois, & à être fouettés & bannis du refiort
de la maîtrife , en cas de récidive. Les propriétaires
des beftiaux font déclarés refponfables civilement
des condamnations prononcées contre les bergers.
Ces difpofitions rigoureufes font fondées fur ce
que les animaux , dont il s'agit , caufent aux bois un
dommage certain.
Suivant l'article 1 4 , les habitans des maifons ufa-
gères ne doiv^ent jouir du droit de Pâturage que
pour les beftiaux qu'ils ont nourris, & non pour
ceux dont ils font trafic & commerce , à peine
d'amende Se de confifcation (1).
(l ) Le* ahus qui sàoitnt in:riitiits rtLniviment d rexerckt
des droits de Pâturege , fanait, ù'c. en di'Jirtn'es mcîirif.s du
défârtemtnx de Paris , ey*at excité le ^èle dts procureurs du
roi de ces mahrifes , le grand mahre dfs eaux & forêts de et
département rendit fur leur réquifition , /e }o mars i7iS , une
ordonnance générale guil importe de faire connoître , attendu
quelle peutferiiir de modèle pour en rendre de pareilles dans
les autres déparremens , autunt que les cirronjtaaces- locales
peuvent le permettre. Elle contient les vingt-huit articles Juivâns,.
Article i. Nous, ayant égard à la remontrance &: ré-
quifition deldifs procureurs da roi, ordonnons que les or-
donnances &: réglemens concernant les droits de Pâturages,
panages & glandées , feront exécutées fclon leur forme &
teneui .■& en conféquence , avons fait ic faifons inhibitions
Se défcnfes à tous feigneurs particuirers &: comnunautts , tanr
eccléfiaftiques que laïcs , dont les droits de Pâturages, pana-
ges &: glandées ont été liquidés en argent, & à- tous autres ^
de quelque qualité & condition qu'ils foienc, qui n'ont au-
cun droit 4'ufagc , d'envoyer paîtie aucuns bclliaux daaj
PATURAGE.
Obfervez que la prohibition portée par cet arti-
cle , ne s étend pas aux bertiaux qu un ufager tient
I ■■ ' ■iiiili""' il T mil-
les toièts, bois & buiflbns du toi, même dans ceux tenus
•at indivis, ufufruit, apanage & engagement, à peine de
pcite de ieuis droits , couhlcacion deidits belliaux , & d'a-
mende arùiitaiie pour la première fois , & de plus grande
jtn cas de récidive.
a. Ordonnons que les héritiers d'une maifon ufagère ne
poutTOtvc jouir que d'un feul dtoit d'ufage , à l'effet de quoi
Jedit ulage lera loti entr'eux, comme bon leur femblera, dont
fera mis aite au greife de la maîtrife , à peine de perte dudit
droit & d'amende arbitraire.
3. tairons dofcnfes à tous ceux qui ont droit de Pâtu-
rages dans Icfdites forces , bois Se buillons , d'y envoyer paî-
«re aucuns beftiaux , qu'après avoir obtenu notre ordonnance
fur l'avis des ofticiers des maitriles , portant dclignation de
cantons dcfenlables , qui ne pourront être au - deflous de
l'âge de fept ans dans les taillis, &: de vingt cinq dans les
revenus de t'utaye.
4. Ordonnons qu'en exécution des ordonnances qui fe-
ront par nous annuellement rendues fur l'avis des officiers ,
leldits orHciers feront tenus d'alligner à chajue paroille, ha-
meau , village ou coaimunautc ufagère , une contrée parti-
culière, la plus commode qu'il fe pourra, en laquell^ç , es
Jieux dcfenlables feulement, lel'dits ufagers pourront en-
voyer paùre levrs belliaux , qui feront gardes fcparèment ,
fans mélanges de ceux des autres ula:gets , à peine de confif-
cation & d amende arbitraire comre les pâtres , &: d'interdic-
tion contre les oHîciers & gardes qui perinettroicnt ou fùL;f-
friroient le contraire , &: feront totjtes les délivrances faites
fans frais ni droits , à peine de concuHion.
5. Ordonnons pareillement que la d.livrance des contrîes
& de la liberté d'y envoyer en Pâturage , fera publiée au
prône des melles des paroifTes des lieux ufagers, l'un des
dimanches du moi* de f.:vrier de chaque année, ou à l'illiie
defdites melTes, par le fergent à garde, à la diligence du
procureur du roi; & fera le certificat du curé, ou proccs-
verbal du fergent à garde , mis & regiftré au gietie de la
maîttife , à la même diligence, fans frais ni dioits.
6. Faifons défeiifes a tous ufagers d'envoyer p»itre leurs
belliaux en d'autres cantons ou triages defdites forêts &: buil-
fons , à peine de contîfcation &: d'amende arbitraire, même
de privation de leurs ufages en cas de recrdive.
7. Enjoignons à tct>s lefdits ufagers de comparoir aux af-
fifes de la maîtrife de leur reflort , par leurs l'yndics ou mar-
guiLiers , pour y entendre la leèlute des téglemens qui les
concernent, &: donner aux officiers nouvelles déclarations
des habitans par Icfquels les niaifons ufageres feront polie-
dées, les changemens lurvenus en icelles, bien &: dûment
certifiés & lignés pat les curés , Officiers ôc principaux habi-
tans defdirs lieux , comme aulfi la déclaration des belliaux de
chacun ufager , à peine , faure de ladite comparution , de
dix livres d'amende contre chacun deldirs lyndics ou niar
guilliers, ou folidaircmenc avec lefdits ufagers, & feront
Jefdits marguillicts réajournés & pouifmvis juli^u'à ce qu'ils
aient fatisfait,
8. Faifons défenfes aux officiers defdites maîrrifes d'em-
ployer ni fouffrir qu'il foit employé dans les rôles des ufa-
gers, les noms d'aucuns des d-failians auxdites affi es , ni
aufli aucuns de ceux qui fc trouveront avoir été condamnés
auxdites amendes , ou autres, pour délits commis dans lel-
Jits bcis, &c y mettre aucuns belliaux au Pâturage, qu'au
préalableil ne leus foit apparu du payement defdites amen-
des, à peine par lefdits officiers & fergens à garde d'en ré-
pondre en leurs noms.
5» Ordonnons que fi aucuns ufagers & fermiers des fer-
mes ufagèrcs , condamnés en des amendes non payées, fe
trouvent avoir été employés fur lefdits rôles, &: leurs bef-
tiaux mis en Pâturage pour la préf'tnte année, leurs noms,
^autc de fayeiucm ^ f«oi« rayéi defdi;s jôles vais jouis j.
PATURAGE. ç
à cheptel. Le parlement l'a ainfj jugé par deux arrêts
des 24 juillet 1028 & T} juin. 1722.
—'~"-~ . — — ... . >
aprcs un limple commandement de payer leurs condamna-
tions d'amende , &: qu'à ia requête du procureur du roi il
fera inceflamment , par le fergent colleèleur, procédé à la
faifie& vente de leurs vaches & de leurs luivans, jufqu'à con-
currence des fommes contre eux prononcées , à: des frais qui
ie trouveront avoir étc faits pour y parvenir, Icfquelles va-
ches le pâtre fera tenu , & par corps , de repréfentér, fan»
qu'il foit bcfoin d'autre jugement , à peine contre lefdit»
oflicies & fcrgeni-colieaeur , d'en répondre en leurs noms ,
& contre ledit pâtre, de trente livres d'amende, &: dépa-
reille lommc de trente livres par l'évalution de chacune;
deldites vaches non repréfentées , defqueiles fommes les ha-
bitans demeureront loiidaireraent refponfables.
10. Permettons aux pauvras habitans ufagers, de prendre
à moitié ou à louage des autres ufagers , & non d'autres ,
jufques au nombre de deux vaches &: deux fuivans de deux
ans , pour être mifes avec les autres au Pâturage.
11. Faifons dtfenfes à tous proptiétaires de bediaux d'en
louer, donnera moitié, ou vendre à crédit à aucuns defdits
pauvres ufagers , qu'au préalatle ils aient pris des certilîcafs
qui leur feront délivrés fans frais pat les lergenscollecleurs ,
qu'il ne leur fera dû aucune amende par l€f<iits ufagers , à
peine contre lefdits proptréiaires rfe belliaux, de payer e»
leurs noms les amendes auxquelles leldir» pauvies ufagers
fe trouveront avoir été condamnés ay jour deidits marchés
ou amodiation,
II. Pour sûreté defdites amendes, les belliaux qm z\t-
roni été ainii amodiés ou vendus, feiont failis à la requête
du procureur du i©i, & , faute de p.iyement dans les trois
jours aptes la lignificarion faite de ladite failje aux proprié-
taires , ils feront vendus en la forme ordinaire par le fergcnt-
collec-tcur au plus prochain jour de marché , & le prix en
provenant , employé au payement d'ice'.les amendes Ôc des
trais , fi tant f« montent , finon l'excédent relliaié audit
propriétaire ; laquelle veifte fera faite nonobftaiit toutet
apportions , revendications & faifies quelconques , m-mc
de la part de ceux qui auroient prêté leurs deniers pour
le» acqifL-rir.
I}. Les propriétaires feulement des maifons ufa^ères pour-
lont jouir defdits ufages & Pâturages, à raifon d'un fe.il
iiiager & d'un feul feu pour chaque mailbn , fans que les
cù propriétaires ou locataires d'icclles puiflent u fer d'aucun»
Je ces droits, ni, fous ce prétexte, envoyer leurs befliaujc
dans lefdites forêts : faifons dcfenfcs auxdits ofliciers de le
loutirir , ni même que leurs noms foient employés dans les
rokh des ufagers pour lefdits Pâturages , à peine contre lef-
dits locataires &c co-propriétaires , de conlifcaiion & de trente
livres d'amende, & contre les officiers de la maîtrife, d'a-
mende arbitraire.
I+. Fail'oas pareillement défenfes à tous lefdits u^a'-er»
loit qu'ils loienc prcpriétaires de fiefs, fermes , ou de°plu^
iieurs maifons , d'envoyer paître plus de deux vaches & lerirr
lurvans de deux ans pour chacun u(iger, avec un tauieajj
pour toute la paroiflc ou- hameau, fans aucuns chevaux
l'Oulins, moutons, brebis ni chèvres-, à peine dé confifca-^
uon & d'amende arbitraire pour la première fois ; &: en cas
de récidive , de perte de leur droit d'ufage , cent livres d'a-
mende, & d'être refponfables des abrouciflemens,
15. Ordonnons que les gardes ou pâtres feront choifîs ic
nommés annuellement à la diligence du procu^ret»? d'offi«
fyadic ou marguillier de chacune paroi (îè, ou principal h»^
bitant d'un hameau, & par les habitans aflemblés en pré-
fcnce du- juge des lieux , qui en délivrera atte fans frais
ou du notaire, ou tabellion. Se que la communauté ferï
dans ledit afte fa foumiflion de Jcineurer folidairenieut ref-
ponfable de eelui qu'ell-e aura clioilî , dom fera mis une expé-
Jirion au gietîé de la maîtrife, & ferment ptêœ par îeldir»
gâucs avant (^ij* lefdits bcftiaus entrent dans i'ç^itcs forèw
6 PATURAGE.
Ce que nous avons dit jufqirà prtfent ne s'ap-
plique qu'à l'exercice du droit de Pâturage dans les
& buiffons , à peine de cinquante livre; iraa!en4e foliiaire-
mcnt contre leidits ha'oitans,
i6. Tous les bellia'jx de chaque paroilTe ou vilJjge fe-
ront gatdils par un l'eul pitre , qui ne poiiira Jes con.iuire
dans leliiites forets & buidons , qu'apics qu'iJs auront ct^
marqués d'une marque Jifferenie pour chacun dcrditi villa -
:gss ; que lenipreinte en aura étc mile au grefte de la inai
«life , £<. qu'ils en auront pris le cettihcat du gtei+ier , &:
îcelui reprijleiitij au garJc du canton , à peine de confif
cation & d amende arbicrairc contre Icldits patres pour li
premiè.e fois, & de punition coiporellc pour la l'econde.
I7. Lcl'diiJ befiiaux feront aficmblcs, en chacun village
ou hameau , en un même lieu , & conduits chaqae jour en
ïroupeaux , par un feul chemin qui fera dcligné par les
o.-iîciers de la maîirife, fans qu'il puillc ctie changé ni en
ctie pris un autre , foi: pour aller ou revenir. Comme auiL
failbns défcnfes démarquer d'autres &: plus grand nombre
<ie bcfriaux que ceux qui auront été employas dans les
rôles ; ôc à cet effet , enjoignons aux gardes d'en pieuJce
le compte de huitaine en huitaine par r^coiementj & d'en
faire mention fur leurs regiflres, le tout à peine de con-
±;fc3tion des beitiaux , amende arbitraire contre les pro-
priétaires , ic de punition exemplaire contre les pàues Se
gardes.
iS. Enjoignons à tous lefdits ufager» de mettre au cou de
Jeurs beiiiaux des fonncttcs , dont le foîi puiilc avertir du
lieu où ils pourront échapper U faite dég.it, afin que les
ya leurs y courent , & que les gardes fe faifident des bètti
■écartées fic trouvées en dommage hors les cantons délignéi
iSc publics défenfables , à peine , contre leiJits ufigtrs , de
•ïrcis livres d'amende pour chacune b.ce, &: ce plus grande
■en cac de récidive.
19. Taifons défcnfes à tous lefdits ufagers de mener leurs
l>ell;iaux , i garde ùparce , dans les forets , bois Se buif
Ions, par leurs femmes, entans ou dometriques, à peine
de dix livres d'amende pour la ptemière fois , confîfcation
pour li féconde , & pour la t.ioiiicme , de privation du droit
d'ufage.
ao. Faifons dcfepfes à tous particuliers de prêter leurs
noms & maifons aux marchands des villes , bourgs & pa-
roiflis voiùncs , pour y re:irer leurs beiiiaux, à peine de
confilcaticm defdits beiiiaux , Se de cinquante livres d'a-
mende pour la première fois contre Tufager, & de demeurer ,
*n cas de récidive , privé de tout ufage.
il. Faifons pareillement défenfes à tous lefdits particu
liers d'envoyer leurs beiiiaux en Pàtjrage, fous prétexÉfe de
baux ou congés d'aucun* o*^icicrs , seceveurs ou fermiers des
domaines, même des engagillcj, propriétaires pat indivis,
OH ufuftuiiiers, â peine de con'ifcarioa des beitiaux trouvés
en Pâturages , &: de ceijt livres d'amende.
11. Ordonnons qu'où il y a de jeunes ventes de fi.taye ou
de taillis le long des toutes ou chemins, où les belUrux
palfenc pour aller es lieux dsftinés au Pâturage, lefdits offi-
ciers tiendront la main à ce qu'il fuit fait des fofléj fuffifam-
jncnt larges & profonds , ou les anciens feront enttetenns
aux dépens defdits ufjgers par contribution.
aj. Faifons défenfes aux habirans des paroiffes ufagèrcs ,
îc|à toutes petfonnes ayant droit de'panage dans les ftsrcts ,
bois & builions du roi , & en ceux des ecclélialiqucs , com-
munautés & particuliers , d'y mener ou envoyer bétes à laine
ou chèvres , ni même dans les lan Jes , bruyères , places vaines
&■ vjgues , aux rixes defdites forets, bois àr buifTons , à
peine de contîfcaticn des befiiaux , & de tr«is livres d'amende
tonne les propriétaires pour chacune bète ; de dix livres
contre les bergers peur la première fois , qui feront fu il igés
*<: bannis du reifort de la maîttife en cas de récidive ; &: les
maîtres demeureront civilement reiponfablcs de leurs ber-
gers Si dorueliiijues.
PATURAGE.
forets. A l'égard du droit d'envoyer paître les bef-
tianx dans les autres lieux, il fe régie ordinaire-
ment par des ufages locaux. 11 y a , par exemple ,
des communautés où les habitans ne peuvent jar
mais faire paitre Jeurs bêtes à laine dans les com-
nmnaux , parce qu'ils font uniquement deHinés au
Pâturage des chevaux, des bœufs & des vaches :
dans d'autres paroiffes, les bétes à laine ne peuvent
paître dans les communaux , que depuis la faint
Jean jufqu'au premier mars.
La coutume d'Amiens interdit le Pâturage dans
les prés aux bêtes à laine, & celle de Tours le
leur permet.
11 cft défendu, par- tout , de mener les cochons
paître dans les vignes Si dans les prés ; on ne peut
les envoyer que dans les jachères ik dans les terres
en friche.
Le procureur général du roi , au parlement de
Paris , ayant été informé qu'il fe commettoit dans
beaucoup de paroiffes fituées fous le reffort de
la fénéchauffée deSaumur, des délits occafionnés
par la multiplicité des moutons & brebis que
14. Comme auJii i tous lefJitj ufagers de mener on en-
voyer en P.itutage d'autres befiiaux que ceux de leur nourri-
ture , & non ceux dont ils font trafic & commerce, à peine
d'amende arbitraire & de confîfcation.
2ç. Faifons en outre défenfes à tous lefdits ufagers de
vendre leurs droits d'ufage féparément de leurs maifons ufa-,
gères, & à toutes perfonnes de les acheter, ni d'envoyer,
fous prétexte de plulieurs acquifitions, paître plus de deux
vaches Se leurs fuivans de deux ans , à peine d'amende arbi»
tiaire. Déclarons nuls tous contrats à ce contraires , ii aucuns
ont été faits,
2o. Lefdiis ufagers fe conformeront au furphis à tout ce
qui efl porté pat les réglemens généraux de rtformation Se
ordonnance des eaux & forêt de 1639, Se feront en con-
féquence tenus de fe pourvoir, de règne en régne , pour ob-
tenir des lettres de continuation de leurs ufages ; leur en,oir
gnons de rapporter lefdits ufages, fie d'être, en cas t'e con-
travention , pourfuivis comme délinquaas, fuivant la rigueiu
des ordonnances.
i/. Enjoignons pareillement auxdits officiers & gardes de
tenir bon ôc hdcle rcgillre des déclarations , pour nous les re-
piéfentèr lors de nos viiites : leur faifons défenfes de permet»
tre ni fouffiir autres Pâturages &: panages dans lefdites fo-
rêts , bois &: builTons , même ceux fixés par le: volumes de
réformations , fans nouvelles lettres de co»:îrmatiûn , i peine
de privation de leurs charges , Se de répondre en leurs noms
de tous les abroutiflemens & délits qui fe trouveront avoir été
commis par lefdits ufagers.
x8. Ordonnons qu'.i la pourfuite Se diligence de chaque
procureur du roi , il fera inceflamment informé contre les
propriétaites des maifons & fermes riveraines derd'ccs foiêrs,
bois &: buiffons, Se leurs fern.iiers qui ont mis Se fait mettre
en Pâturage grand nombre de btftiai.x Se tiré terre pour tui-
leries, marnes ou autres contraventions, pour être jugés au
fiége de chaque maîtrifc, fuivant la rigueur des ordonnan-
ces , à peine , par lefdits procureurs du roi , d'en répondre
en leiJts noms. Et fera notre préfente ordonnance regi/frée
es greffes defdites maîtrifes, lue, publiée Se affichée par-
tout ou befoin fera,- Se icelle exécutée nonobftant oppolî-
tions ou appellations quelconques , & fans préjudice d'i-
celles. IJonné à Paris , en notre hôtel, ce 30 mars 17 iS.
Signé Le Fevre de LA FAX.UÉRE. Et par moudit fcigneur,
i.'lNS.rKUJSEUK,
PATURAGE.
beaucoup d'habitans envoyoient pâturer dans h
campagne au-dfla du nombre fixé par les re^^^le-
ïnens,fuivHnt Iclquels on ne peut avoir, par ar-
pent qu'une bète à laine & fon fuivant ; qu'on me-
noit les bétes à laine dans les vignes ou dans les
bois; que d'autres habitans avoient chez eux beau-
coup' de vaches & des chevaux qu'ils envoyoient
dans la campagne à la pâture fur différens héritages,
quoiqu'ils ne diiii'ent les conduire que dans les en-
droits oîi il y a des communaux , & dans les vaines
pâtures , depuis le temp, 6ù la moiAon eft hite ,
lulqu'au temps où les terres font enfemencées ; que
d'autres habitans avoient des porcs & des oies qu'ils
lailToient vaguer, foit dans les prés & fainfoins, ou
dans les terres enfemencées, &c.
Ce magiftrat, pour faire celfer ces abus, a pré-
fenté à la tour une requête fur laquelle a été rendu ,
le 9 mai 1777 , un arrêt ainfi conçu:
» La cour ordonne que les habitans des paroiffes
3) fnuées dans l'étendue du relTort delalcncchaudéc
w de Saumur, ne pourront avoir qu'une bête à laine
») & fon fuivant par arpent de terre labourable ,
9> leur fait défenfes d'en avoir une plus grande
») quantité , ce à tous autres habitans qui ne font
» valoir aucunes terres, d'en envoyer paître dans
« la campagne , fous quelque prétexte que ce puiilc
y> être , à peine contre les contrevenans de dix
»> livres d'amende , & de faifie & confifcation des
ï» bêtes à laine qui fcroient trouvées dans la cam-
») pagne ; fait défenfes , fous les mêmes peines , de
» mener paître lefdites bêtes à laine & les vaches ,
r chevaux & beftiaux,foit dans les vignes, foit
»i dans les bois : ordonne que ceux qui n'ont au-
j) cune pâture, ne pourront conduire leurs che-
»t vaux , vaches & beftiaux , paître que dans les
î» communes qui peuvent être dans les paroifles ou
« dans les vaines pâtures , dans h campagne , de-
» puis que la moiffon eft faite jnfqu'au temps cù
» les terres font enfemencées ; fait afifTi défenfes
»» de mener paître , foit dans les prés & fainfoins ,
» ou dans les vignes & terres enfemencées , à
V l'exception des fermiers Se propriétaires, lorfque
»» la récolte & les vendanges font faites , les porcs ,
r> oies & autres bêtes volatiles ; fait défenfes à
5> toutes perfonnes , excepté aux propriétaires &
»> fermiers, d'aller dans les blés pour y arracher
5> des herbes lorfqu'ils commencent à épier , d'al-
»> 1er dans les vignes , d'y pratiquer des fentiers
» à pied & à cheval , d'y laiHer vaguer Jein's chiens ,
» ni d'y commettre aucun autre délit en façon
» quelconque , à compter du premier mai de cha-
î) que année , jufqu'après la vendange faite : en-
I) joint à ceux qui font commis à la garde des bcf-
•I tiaux , de veiller attentivement à ce qu'il ne foit
•♦ commis aucuns dommages, foit aux arbres Si.
•» haies , foit dans les terres qui font enfemen-
»» cées , le tout fous peine de dix livres d'amende
t> contre chacun des contrevenans , & même de
f> plus grande peine fi le cas y échet ; de laquelle
» amende les piîres & mères à l'égard de kur$ en-
PATURAGE. 7
» fans , Si les maîtres & maîtrcHes à l'égard de
1) leurs domeftiqucs , feront civilement g.rans &
» refponfables , & fauf au furplus les droits Hc
n avions de. ceux auxquels il auroit pu avoir été
n fait quelques dommages ; fait défenfes à toutes
» peribnnes de glaner dans les champs avant que
» les blés aient été enlevés , ni avant le lever ni
" après le coucher du folcil , de grapper dans les
» vignes avant que la vendange ne foit faite, fous
» peine de trois livres d'anencle contre chacun des
n contrevenans , & de plus grande peine fuivant
>» l'exigence des cas : enjoint aux fyndics des pa-
n roiffes & aux gardes-mciTicrs , de veiller, cUa-
M cun à leur égard , à ce qu'il ne foit contrevenu à
» l'exécution du préfent arrêt ; & , en cas de con-
» travention , d'en donner avis furie-champ aux
» officiers de juftice des lieux & au fubftitut du
» procureur général du roi en la fénéchanûée de
« Saumur , pour y être pourvu ainfi qu'il appar-
» tiendra : enjoint aux officiers de la fénéchaufféc
» de Saumur , de veiller à l'exécution du préfent
n arrêt , & au fubftitut du procureur général du
n roi audit fiége , de certifier le procureur général
w du roi de fon exécution : &c. ".
Il a été rendu par le mêtne parlement, le 12
novembre 1778 , un autre arrêt de règlement dont
voici le difpofr.if r
« La cour fait défenfes à tous propriétaires ,'fer-
» micrs , cultivateurs, journaliers 6c habitans ù*
M la campagne , de mener paître en aucun temp*
n les boucs 8c chèvres dans les vignes, bois &
i> buifibns , & dans les jardins , prairies & vergers
î} appartenans aux propriétaires defdits boucs ik.
ï» chèvres, que lefdits jardins, prairies & vergers n<i
n foient enclos de murs ou de haies, à peine
» de l'amende de trois livres par chacune bête , 6c
)> des dommages intérêts envers ceux qui en au-
)» ront fouflert des dommages ; ordonne que ceux
>» qui mèneront paître lefdits boucs & chèvres dans
)> les campagnes & terres non enfemencées , fe-
n ront tenus de les tenir attachées avec une corde
)» fans 'pouvoir les lailî'er approcher des vignes
3j haies ou arbres, ni des terres enfemencées, fous
)7 peine d'amende & de telle autre peine qu'il ap-
>» parriendra ; ordonne que les pères ck mères ,
j> à l'égard de leurs enfans, & les maîtres oc maî-
>j trèfles à l'égard de lein-s domeftiqucs, feront
» & demeureront ga^ans & refponfables desamen-
>» des & dommages & intérêts qui feront pronoa-
» ces pour raifon des contraventions au préfeat
5> arrêt , & des dégâts qui auront été cccafionnes
>i par les boucs & chèvres ; enjoint mm fabftitirts
» du procureur général du roi, dans k$ bailtiaoes
» & fénéchauffées , (Se aux ofikicrs des julltces ûzs
» lieux, de tenir la main à l'exécutioir du pré-
» fent arrêt , 8c de pourfuivre les contreveuans
)i par les voies de droit , ainfi qu'il appartiendra;
>j enjoint pareillemgnt aux fyndics Si gardes-mcf-
)» fiers des paroifîes , de dénoncer les contrevç-
» nans, & aux officiers Si cavaliers de mar^baui
n PATURAGE.
»» fées de prêter main-forte pour l'exécution dudit
3» arrêt , &c. }>.
Le procureur général du roi ayant été informé
que dans plufieurs pa. :;iiïes les difpofuions de cet
arrêt ne s'exécutoient point, à caufe que d'un côté
les fyndics des paroriTes ne dénonçoient pas les
contrevenans ; & que d'un autre côté , lorfque les
huiffiers fe préfentoient pour conftater les contra-
ventions , ils étoient expofés à être maltraités par
les habitans des campagnes ; & qu'enfin la plupart
des officiers des juAices fubaltcrnes ne faifoient
aucune pourfuite contre les contrevenans , dans
la crainte que les frais ne fuffent trop onéreux
au domaine des jufticcs ; ce magiftrat a préfenté
un réquifitoire pour qu'il plut au parlement de
faire céder ces abus ; en conféquence , cette cour
a rendu, le 30 avril 1781 , un nouvel arrêt ,
par lequel, en ordonnant l'exécution de celui du
12 novembre 1778 , elle a enjoint aux officiers
des juflices des lieux de pourfuivre les contreve-
nans par les voies de droit , ainfi qu'il appartien-
droit ; elle a pareillement enjoint aux fyndics èi.
gardes-mefliers des paroifles, de dénoncer les con-
trevenans aux fubftituts du procureur-général , dans
les fièges royaux , & aux procureurs-fifcaux des
juflices fubalternes ; elle a aufll ordonné que faute
par les fyndics & gardes-mefllers de faire ces dé-
nonciations , ils demeureroient garans & refpon-
fables en leur propre £c privé nom , de la peine
de l'amende ; & qae faute par les officiers des
jufticcs fubalternes de faire les pourfuitcs conve-
nables contre les contrevenans , il y feroit pourvu
à la requête des fubrtituts du procureur- général
des fièges royaux , où ces juÂices relèvent , &
aux frais du domaine des mêmes juAices ; elle a
d'ailleurs autorifé les fubftituts du procureur-gé-
néral du roi, 8c les procureurs-fifcaux, à envoyer
des huiffiers dans les campagnes, pour y conftater
les contraventions ; & elle a fait défenfe aux ha-
bitans des campagnes & à tous autres , d'infulter
ou maltraiter les huiflîers , fous peine d'être pour-
suivis cxiraordinairemcnt ; enfin elle a ordonné
que fon arrêt feroit imprimé , publié & affiché
par tout où befoin feroit , & que leflure en
leroit faite , au moins une fois chaque année , à
la porte des églifes des paroifles , un jour de di-
jnanche ou de fête, à l'iffiie de la meffe paroiffiale ,
à la requête des fubfiituts du procureur-général
dans les fièges royaux , & des procureurs-fifcaux
dans les fieges fubalternes.
Les lieux où chaque habitant d'une communauté
peut faire pâturer fon bétail, font les héritages qui
font dépouillés de fruits & qui ne font point en-
tourés de murs ni de haies.
f^a'me pâture , porte l'article ç du chapitre 3 de
la coutume de Nevers, Joit ctre entendue en chemin
prés 6" prairies dépouillés, terres, hois & autres hé-
ritages non clos ni fermés , excepté toutefois où &
^uand Itfdits héritages font de défenfe par la coutume.
On ne peut point acquérir fans titre & par la
PATURAGE.
fjmple pofTeflîon , le droit de pafler dans le fondf*
d'autrui pour conduire du bétail au Pâturage. Tel eft
le droit commun , & c'eft ce que décident formelle-
ment plufieurs coutumes (i).
Les ordonnances défendent très - expreffément
de faire paître le bétail la nuit , parce qu'il peut
s'écarter & caufcr du dommage dans les héritages
cultivés.
yoye^ l'ordonnance des eaux & forêts du mois
d'août 166^, 6* les commentateurs ; la pratique des.
teriiers ; le traité du gouvernement des biens des com-
munautés d' habitans , &c. Voyez auffi les articles
Parcours, Mésus, Berger , Bestiaux, &c.
PAVL. Il fe dit , tant des matériaux dont on fc
fert pour paver , que du lieu qui eft pavé.
La police à obferver dans les atteliers des pa-
veurs , & la confervation de leurs ouv'rages , ont
èié l'objet d'une ordonnance que le bureau des fi-
nances de la généralité de Paris a rendue le a
août 1774 , & qui contient les difpofitions fui-
vantes :
" Article i. Faifons défenfes à tous ouvriers
» & compagnons paveurs qui feront employés à
» la réparation du Pavé de Paris & des routes en-
» tretenues par ordre du roi , & pareillement à
'» tous carriers employés à fabriquer du Pavé pour
» les entrepreneurs du Pavé de Paris & des ponts
» & chauffées , de défemparer les atteliers , & de
» paffcr au fervice, foit des particuliers, foit de
» quelqu'autre entrepreneur , fans un congé par
» écrit de celui des entrepreneurs pour lequel ils
» auront été employés , à peine de cinquante livres
» d'amende contre chacun , conformément aux or-
» donnances des 25 février ôc 4 juillet 1669.
» 2. Défendons aux ouvriers , manœuvres &
■>■) compagnons paveurs , & pareillement aux ou-
1» vriers employés dans les carrières de Pavé , d'a-
» bandonner leurs atteliers , & de quitter hors des
j> temps des repos, les ouvrages commencés , (ous
» prétexte de mécontentement , à peine de quinze
j> livres d'amende chacun , au paiement de laquelle
» ils feront contraints même par corps ; leur dé-
» fendons d'exciter aucun trouble dans lefdits at-
■>•> teliers, d'ameuter les ouvriers pour abandonner
» les ouvrages, d'injurier de paroles, msna.cts ,
» voies de fait ou autrement , les entrepreneurs,
» leurs commis ou autres prépofés fur les atte-
j) liers à la conduite de leurs ouvrages, à peine
)) de cinquante livres d'amende chacun , & autres
» peines même affliflives , fuivant l'exigence des
(1) L'article tj du titre I4 de la coutume de Lorraine,"
porte , « qu'aucun pour aller , venir , pafler , repafler , ou
« Biener fon bétail vain pâturer en l'htritage d'autrui, \ot(-
^1 qu'il n'eit en garde ou défenfe , n'acquiert droit ni pof-
n fcllion de fervitude , de piflage ou vain Pâturage, Se
M n'empêche que le feigneur, cenonobftant, n'en puifTe faire
» profit, fi ce n'eft qu'il confie de tî:re , ou que depuis la,
>> contradiaion du feigneur , il y eût prefcription de trente
» ans »,
M casjf
PAVÉ.
y> Cas; faiif néanmoins aiixdits ouvriers à fe pour-
» voir devant naiis contre iefclits entrepreneurs ,
»♦ leurs commis ik prépofés , dans les cas où ils
»> auroient quelque demande ou plainte à former,
» relativement à leurlcliis ouvrages.
» 3. Renouvelons les défenfes faites aux ma-
î> nœuvres & compagnons paveurs , aux voituriers
» & à toutes perfonnes , d'enlever aucuns Pavés
w des mes , chemins & atteliers, fables ou autres
»» matériaux deftinés aux ouvrages publics , ou mis
» en œuvre, à peine, contre les contrcvenans ,
» d'être , pour la première fois , attachés au carcan ,
>» & en cas de récidive , condamnés aux galères ;
j> faifons défenfes à toutes perfonnes de recevoir
>» ou receler en leurs maifons , même d'acheter
n aucuns dcfdits Pavés ou autres matériaux volés,
3) à peine de mille livres d'amende, letoutainfi
n qu'il eii porté par le règlement du 4 août 173 i ,
» & par les ordonnances des 29 mars 17^4» &
« 30 avril 1772.
» 4. Reitérons pareillement les défenfes faites
y* à toutes perfonnes, de quelque rang & qualité
'> qu'elles puilient être , de troubler Tes paveurs
»» dans leurs artelicrs , foit dans Paris , foit fur les
»> routes ; d'arracher les pieux & barrières établis
» pour la (ùrcté de leurs ouvrages , d'endommager
»' leurs hârardeaux , d entreprendre d'y paifer avec
»» voitures , d'injurier & maltraiter lefdits paveurs
»> & ouvriers, à peine de trois cents livres d'a-
tf mende , & de plus grande fi le cas y échet ,
« même affliflive , conformément aux ordonnances
» des 14 février 1670, 29 mars 1754 , & 30 avril
» 1772.
» 5. Faifons défenfes à tous carriers travaillans
« pour les entrepreneurs du Pavé de Paris & des
n ponts & chauffées , de vendre le Pavé qu'ils au-
" ront façonné, à d'autres qu'auxdits entrepreneurs,
5» à peine de cinquante livres d amende , au paie-
»' ment de laquelle , & pour fureté des deniers qui
>» auroient été avancés auxdits carriers par lefdits
»» entrepreneurs , ils feront contraints par corps
'» par le premier huiffier ou fergent fur ce requis.
" Ordonnons que le Pavé qui aura été livré à d'au-
ï' très qu'auxdits entrepreneurs, enfemble les clie-
>» vaux & harnois, feront faifis à la diligence del-
« dits entrepreneurs , pour enfuite être pourvu
« ainfi qu'il appartiendra , fur la confifcatîon des
« chofes faifies , conformément à l'ordonnance du
» 4 juillet 1669.
» 6. Défendons à tous carriers travaillans pour
»> le Pavé de Paris ou des ponts & chauffées , de
î> fabriquer pour les entrepreneurs aucuns Pavés de
>» grès tendre ou d'autres roches que celles qui leur
î) auront été indiquées par les infpeéleurs du Pavé
>» de Paris & des ponts & chauffées; leur défen-
« dons de fabriquer du Pavé de moindre échan-
î> tillon que de fcpt à huit pouces en tous feus ,
ï) à peine de confifcatîon du Pavé d'échantillon
»» prohibé, de cent livres d'amende contre chacun
w des carriers en contravention , pour la première j
Tomt X ilU
"5) fois , & en cas de récidive , d'empriforinement
M de leur perfonne ; & de fix mille livres d'amende
» contre les entrepreneurs qui auront fait fabriquer
}> ledit Pavé , conformément à l'arrêt du conleil
•)i du premier juillet 1687.
■)i 7. Détendons à toutes perfonnes, de qulque
11 rang & qualité qu'elles puiffent être , de faire
i-> faire faire aucune tranchée ou ouverture quel-
» conque , foit dans le Pavé de Paris & de fes
)> faubourgs , foit dans le Pavé ou dans les ac-
» cotemens , revers & glacis des routes royales ,
» traverfes des villes & villages , & fur tous che-
>» mins entretenus par ordre de fa majefté , pour
» quelque caufe que ce puiffe être , telles que vi-
>» fîtes 6c réparations des tuyaux de fontaines , re«
M gards, conduites d'eaux, appofition d'étaies , rac-
» cordemens de feuils & bornes , ou autres quel-
» conques , fans en avoir pris la permifîion des
» fieurs tréforiers de France & commiffaires du
>» Pavé de Paris & des ponts 6c chauffées , à peine
» de cent livres d'amende, tant contre les parti-
» culiers qui auront fait faire lefdites fouilles , que
» contre les plombiers , fontenlers , maçons &
» charpentiers qui y auront travaillé fans avoir
)> pris lefdites permiffions ; au paiement dcfquelles
11 amendes ils (êront contraints même par corps,
» conformément aux ordonnances des 3 i mai 1666,
» 25 février 1669 , & 29 mars 1754 \ ôc ne pour-
■)■> ront lefdites fouilles , tranchées ^ raccordemens
» de Pavés, être comblés ^ rétablis que par les
)» entrepreneurs du Pavé de Paris 6c des ponts &
» chauffées , 6c ce aux dépens des particuliers pour
» qui lefdites fouilles 6c raccordemens de Pavés
» auront été faits.
M 8. Pour affurer l'exécution de notre préfente
» ordonnance, ainfi que les édits , arrêts, régle-
» mens 6c autres ordonnances rendus en matière
» de voierie , autorifons tous licutenans, brigadiers
» ^ cavaliers de niaréchauffées , & fergens du guet
» dans Paris, à vérifier, en faifant leurs rondes
>» 6c tournées , les contraventions auxdits rtgle-
» mens; à s'informer des noms 6c demeures des
» contrevenans , les dénoncer , foit aux fieurs com-
i> miffaires du Pavé de Paris 6c des ponts 6c chauf-
» fées, foit aux infpefteurs généraux-, foit au pro-
i> cureur du roi, pour, fur lefdites dénonciations
» les délinquans être aUignés pardevant nous , à
» la requête du procureur du roi ; mime arrêter
» les deiinquans qui feront pris fur le fait , &
11 ainf) qu il eft prefcrit parles ordonnances pour
î> les cas de flagrant délit ; à la charge par lefdits
)> oïliciers 6c cavaliers de maréchauffée , de dreffer
» leur procès-verbal fominaire , 6c de le remettre
)> dans ie jour, au procureur du roi, pour Icf-
» dits délinqucus être aflîgnés fur le champ par-
» devant nous, à la requête du procureur du Roi.
)» Le tie'sdes amendes qui feront prononcées contre
)> les contrevenans , appartiendra auxdits officiers
ji & cavaliers de maréchauffées , le tout confor-
•n inémeni &. en exécution «le rarrêi du confeil du
B
id PAVÉ.
j) 17 juin 1721 , du règlement du 4 août T731 »
M ordonnances des 23 août 1743 ,19 mars 1754'
w ÊC 30 avril 1772.
V 9. Et pour que perfonne n'en puifTe prétendre
H caufe d'ignorance , ordonnons que la préfente
jj ordonnance fera imprimée & affichée par-tout où
» beibin fera , notamment dans la ville , tauxbourgs
» & banlieue de Paris, & dans les villes , bourgs
» & villages , grands chemins & autres endroits
3» de cette généralité, même publiée dans les villes
3> à la diligence des maires & échevins ; & dans les
j» bourgs & villages par les fyndics des paroifles ,
}■> le dimanche le plus prochain , au fonir de la
» méfie paroiflîale , dont ils feront tenus de certi-
» fier dans le mois l'un defdits fieurs commiffaires,
3) chacun dans leur département, ou le procureur
« du roi , à ce que perfonne n'en ignore : Se fera la
j> prèfente ordonnance exécutée , nonobftantoppo-
ï> fuions ou empêchemens quelconques , pour lef-
3) quels ne fera différé , fauf l'appel au confeil.
3j Fait , &c. ».
PAVILLON. C'eft une efpèce de bannière ou
d'étendard qui varie félon les pays , & qu'on arbore
au haut des mâts ou fur le bâton de l'arrière , pour
faire connoitre la qualité des commandans des vaif-
feaux , & la nation à laquelle ils appartiennent.
Le roi ayant confidété que la couleur blanche
avoit été de tout temps la marque diflinftive de
la nation françoife , & que les Pavillons bleus » ou
blancs & bleus, qui, fclon l'ordonnance du 25
mars 1765 , dévoient être les marques de comman-
dement des chefs de fes armées , efcadres & divi-
fions , relativement au nombre des vaifieaux dont
elles é. oient compofcts, les mettoient dans le cas
<le ne pas être reconnues comme françoifes par les
flottes & ciradelles maritimes des autres puiffances ;
fa m.iiefté a jugé néceflaire de pourvoir aux moj'ens
de prévenir des méprifes qui auroieni pu conipro-
mcitre l'honneur de fou Pavillon, & donner lieu à
plufieurs aiures inconvéniens : en confèquence ,
elle a rendu , le 19 novembre 1776 , une ordon-
nance qui contient les difpofitions fuivantes :
n Article i. Dans quelque occafion quecefoit,
» & de quelque nombre de bâtimens que foient
3* compofées les armées, efcadres & divificrs , la
» marque de commandement du chef qui fera à leur
y tête , ne pourra jamais être que toute blanche.
5} 2. Le feul vaiiTeau que montera l'aniiMl en per-
j> fonne , portera au grand mât un Pavillon carré
» blanc, avec l'écuflon de Frjnce au milieu, &
V d^ux ancres en fautoir derrière Técufion.
» 3. Un vice-amiral, commandant en chef une
» armée, portera un Pavillon carré blanc au grand
» mât.
» 4. Un lieutenant général , foit qu'il commande
» en chef une ef;adre . ou qu'il foit employé en
• » fa qualité fous l'amiral ou fous un vice amiral ,
« portera un Pavilloil carré blanc au mât de la'i-
n (aine.
j?5,Un chef d'efcadie, foit qu'il cojîunaude en
»
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T)
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PAVILLON.
chef une efcadre , ou qu'il foit employé dan*
une armée ou efcadre en fa qualité, lous un
officier général d'un grade fupéneur , portera un
Pavillon carré blanc au mât d'artimon.
» 6. Un capitaine de vaifieau, commandant en
chef une divifion , de quelque nombre de bâti-
mens qu'elle foit compofée , portera un guidoa
blanc au grand mât , placé comme un pavillon.
» 7. Un officier de la marine duroi, dont le grade
fera au-deflbus de celui de capitaine de vaifléau ,
& qui aura fous fes ordres plus d'un bâtiment
de fa majefté , portera au grand mât un guidoa
blanc envergué , flottant comme flamme.^
^- 8. Tout vaiffeau, frégate «u autre bâtiment
appartenant à fa majefté, étant feul, quelque
grade qu'ait l'officier qui le commande , ne por- •
tera qu'une flamme blanche au grand mât.
J5 9. Tous les vaifleaux , frégates & autres bâti-
mens appartenans à fa majeilé, réunis par fon
ordre , ou fortuitement fous le commandement
d'un officier général , capitaine de vaiffeau ou
autre officier de fa marine , à la mer ou dans les
rades, porteront tous, fous le Pavillon ou gui-
don de celui qui commandera, une flamme blan-
che au grand mât ; cette flamme ne devant être
confidérée que comme la marque fpéciale diflinc-
tive de tout bâtiment appartenant à fa majeflé.
5) 10. Dans les grandes armées , oii il efî effentiel
que les trois corps principaux ou efcadres qui
les compofent , aient des marques de comman-
dement qui les diftinguent entr'eux , le général
de l'armée , qui, dans l'ordre de bataille , fe trou-
ve au cer.îre du premier corps ou efcadre ap-
pelé efcadre blanche ^ portera un Pavillon carré
blanc au grand n àt.
» II. L'officier gér oral , quel que foit fon grade ,
commandant, fous !e<; ordres du général, le fé-
cond corps ou efcadre appelée efcadre blanche &
bleue , portera un Pavillon carré, mi - parti blanc
& bleu, au grand mâr.
■)i 12. L'officier général , quel que foit fon grade ,
commandant fous les ordres du général , le troi-
fiéme corps ou efcadre appelée efcadre bleue ,
portera un Pavillon carré bku au graad mât.
j> 15. Chacun des trois corps de l'armée étant
partagé en trois divifion;, les officiers généraux
qui feront à la tête des fécondes divifions de
chacun de ces trois corps, poiteront au mât de
mifains le Pavillon carre àt la couleur de leur
efcadre.
JJ 14. Les officiers g V.érax qui feront à la tête
des troifièmes dlvifio;;s de ;liaque corps , porte-
ront au mât d'artim-on le Pavillon carré de la
couleur de leur efcadre.
j> 15. S'il y a «'autres officiers généraux dans
l'armée qui ne commandent vÀ corps ni divifion ,
ils porteront au grand rrât un guidon de la cou-
leur de l'efcadre à hiq^icllc ils ieront ..itachés.
JJ x6. Les capitaines des vaiiTeaux & autres offi-
ciers conamandani ks bâtimens de l'armée , pot-
PAVILLON.
»> tcront les flammes de la coiileur de leur efcndre
>» au màt qui itidique la d'ivifion dont ils feront.
V 17, Si dans une armée il n'y a pas autant
>» d ofiiciers généraux qu'il en faudroit pour en met-
>» trc à la tête des trois efcadrcs & de leurs divi-
>» fions, les capitaines des vailfeaux de l'armée à
»7 qui on donnera ces conimandeniens , porteront ,
»» au lieu de Pavillons carrés , au màt qui indiquera
j) h divifion qui fera à leurs ordres, des guidons
n de la couleur de lefcadre dans laquelle ils feront
»> employés en cette qualité.
» i8. Les Pavillons mi-parti blancs & bleus, &
»> tout bleus, ne feront employés que dans les
>' grandes armées, dont la force exigera ces mar-
>» ques de dirlinélions defcadres Se de divi/ions
» particulières ; & dans les efcadres moins nom-.
V breufes , il ne fera , autant qu'il fera polTible,
» employé que la couleur blanche, pour en niar-
» quer les divifions.
» 19. Si le général de l'armée en faifoit un déta-
»> chement auquel il donnât une million particu-
» lière qui l'en féparât , le commandant de ce corps
j> féparé, s'il portoit dans l'armée un Pavillon de
» divlfiOn mi - parri-bbuc & bleu , ou tout bleu ,
»> le quittera pendant le temps de fa féparation ,
j> peur porter le Pavillon blanc de fon grade , &
»> tous les vailTeaux ii (es ordres en uferont de
r> même, & ils ne remettront les marques de dif-
»» tinâion qu'ils portolent dans l'armée , que lorf-
»> qu'ils l'auront rejointe.
n 20. Nonobftant la difpofition générale des Pa-
r> viilons affc£lés aux grades des officiers généraux ,
»> portes par les articles 3 , 4 & 5 , fa majefté fe ré-
" ferve de donner des ordres particuliers fur les
» Pavillons qu'elle voudra que les commandans de
»> fes armées on efcadrcs, portent, félon la force
« defdites aimées ou efcadres , ou les circonftan-
w ces de leur deftination.
« II. Si le général eft obligé de changer de vaif-
>» feau par la fuite du combat , ou dans quelque
» autre circonftance , il portera fo;i Pavillon fur
»> celui des vaiffeaux de l'armée qu'il jugera à pro-
»» pos de choifir.
» 22. En cas de mort du général , ou d'abfence
» par maladie, ou autrement, le Pavillon qui lui
» étoit affeRé demeurera arboré au même mât pen-
j> dant le refle de la campagne , fous le comman-
» dément de l'ofRcier général ou autre qui com-
»> mandera l'armée , foit qu'il pafTe fur le vaifleau
» que le général a laiffé vacant, foit qu'il préfère
J» de conferver fon propre vaiffeau , fur lequel ,
3) en ce cas, le Pavillon fera porté, & la même
» chofe fera obfervée pour les autres Pavillons
m dans les mêmes circonftances.
>> 23. Deux efcadres ou divifions fe rencontrant
M à la mer ou dans les rades , fi leurs commandans
» portent des marques de commandement à la
>» même place, le commandant moins ancien chan- |
» géra la marque du fien en prenant celle de dif- |
PAVILLON". I V
» tlnflion immédiatement inférieure à l'autre, tant
» qu'ils relieront enfciri!..le.
« 11 en fera ufé de jHeme, fi un officier généi-al
» fe trouve employé dans une cfcadre , fons le
'» commandement d'un autre officier général du
» même giade.
" 24. Four conferver à la flamme blanche au
» grand mât, qui carafléilfe fpécinleme:-t roiit b.i-
» timcnt appartenant à fa niajefté , le V'^fneQ Si !;i
)> prééminence qui lui eft due , les feuls bâtimers
)> appartenans à fa majeflé & armés pour fon fer-
» vice , auront le droit de la porter à la mer, dans
yy les ports Se rades du royaume, & dans les rades
}} étrangères,
j» 24. Un officier de la marine royale, comman-
5> dant un bâtiment de guerre ou de commerce ,
» même quand il appartiendroit à famaîeAé,sil
» n'eft pas armé dl règlement pour fon fervice à fs
» folde, ne pourra jouir, pendant tout le temps
» qu'il aura ce commandement particulier , d'au-
» cune des marques de diffinélion Se. prérogatives
j> attachées à la marine royale, & qui la caraéléri-
» fent ; & , quel que foit (on grade, il n'en portera
5) jamais la marque.
>» 26. Dans les grandes rades de commerce , aux
» colonies françoifes, ou chez l'étranger , où il fe
» trouve tCHJourî beaucoup de bâtimens marchands
» françoisrafiemblés , l'ancien capitaine marchand,
M chargé de la police des bâtimeuG de fa nation , en
5; l'abfence des bàiimens du roi, ne pottera qu'au
» mât de .mifaine la flamme blanche deiliuéc à le
» faire rcconnoîrre , & il i'amene:adès qu'un bi i-
» ment de fa majcfté voudra mouiller dans ceiti
» rade.
» 27. Il fera permis , pendant la guerre , aux bi-
n timens armés en courfe pour le particulier , de
» mettre la fiiinme blanche au grand màr, irais i'tu-
» lement quand ils (eiont à la mer , Se dans les cir-
» conftances 011 ils croiront cette marque de dif-
» tinâion néceflaire au fuccès de leur manoeuvre.
n Dans tous les cas, ils l'amèneront devant tout
» bâtiment de fa majeflé.
3> 28. Le feul général , commandant en chef l'ar-
i> mée ou cfcadre, portera un Pavillon blanc à
» l'avant de fon canot , pour le diftinguer des au-
» très officiers généraux & des Capitaines de van-
» feau, qui ne le porteront qu'à la poupe.
>' 29. Le général commandant l'armée ou eft..,-
« dre , portera fon Pavillon de diflinfiion au mit
» de fon canot ; Se fi l'armée eft partagée en trois
H corps, dont chacun ait fa couleur, les comman-
» dans des fécond & ttoifième corps , porteront
» également, au mât de leur canot , leur Pavillon
» de diftinâlon, pour être reconnus des vaifleaux
» de l'armée.
» 30. Les officiers généraux, qtii ne commande-
î) ront aucun corps dans l'armée, les capitaines
» chefs de divifions, & les autres capitaines coin-
n mandans , porteront au màt de leur cannot un
12 PAVILLON. -
»» guidon ou flamme, félon qu'il eft attribné à leur
3> grade ou à leur divifion.
M 31. Les canots de 1 amiral, ou, en fon abfence,
m du vice-amiral , porteront , lorfqu ils y feroHt
j> embarqués en per(onne , leur Pavillon en avant,
») foit dans le Port , foit en rade ou à la mer ; mais
i> les autres officiers généraux amèneront leur Pa-
j) villon d'avant en rentrant dans le port , s'ils ne
M commandent qu'en rade, ou en entrant en rade,
»> s'ils ne commandent que dans le port, & qu'il
» y ait un officier général en rade.
» 32. Les Pavillons de poupe & de beaupré fe-
» ront toujours blancs , foit pendant la navigation,
î> foit pendant le combat , quelle que foit ia cou-
M leur des Pavillons , guidons ou flammes de dif-
» tindion que les vaifleaux porteront.
>» 33 Les Pavillons de commandement mis au
j) haut des mâts , auront deguindant un tiers de
9>la longueur du maître-bau du vaifleau fur lequel
3> ils feront arborés , & un tiers plus de battant
» que de guindant.
}} 34.Les guidons auront deguindant ou enver-
» gure deux neuvièmes du maître-bau , Se de lon-
» gueur les deux tiers du maître-bau du vaifTeau
j> fur lequel ils feront arborés; ils feront fendus
î)dans les deux tiers de leur longueur, & tcrmi-
») nés en pointe. Les flammes auront un neuvième
» du maitre-bau d'envergure , & de longueur une
« fois le maître-bau , & un tiers en fus.
«35. Le général de l'armée ou efcadre, & tous
»» les ofirciers généraux, porteront trois fanaux à la
» poupe de leur vaiffeau. Le général portera de
5) plus un fanal dans la grande hune i 6i fi l'armée
5) eft partagée en trois corps, les conimandans
«des fécond & troifième corps porteront aufli un
» fanal dans la grande hune.
3> Tous les autres vaifleaux de l'armée & autres
» bâtimens à la fuite, ne porteront qu'un fanal à
ji la poupe.
M 36. Le vaifleau amiral , dans les ports de Breft,
î> Toulon & Rochefort , & dans les autres ports
j> de fa ma eflé , portera un Pavillon carré blanc
» au grand mât.
»37. Les pavois feront, pour les fenis vaif-
« féaux , frégates 8c autres bntimens de fa majeilé,
>3 de couleur blsue , bordés de blanc & femés de
wfleurs-de lys jaunes.
» 38. Veut fa majefté que tout ce qui e{ï pref-
» crit par la préfente ordonn;,nce foit exécuté fe-
3» Ion fa forme Si teneur , dérogeant en ce à toutes
}) ordonnances contraires à icelie ».
PAULETTE. C'efl le nom qu'on donnoit au-
trefois au droit qu'on appelle aujourd'hui *î/2/2«f/ ou
centième denier. Voyez Annuel.
PAUVRE. C'eft celui qui eft dans le befoin.
Quelque égale qu'on fuppofe avoir été dans l'ori-
gine la fortune des citoyens d'un état quelcon-
que, il étoit impoffble que cette égalité lubfiftàt
long-temps. Un peuple qui commence à fe for-
mer, fait des conquêtes; il fe partage les terres
PAUVRE.
qu'il a ufurpèes fur des voiflns ; il les cultive aprèfr
la guerre, 6i fe trouve pourl'inftantà labii delà
miière. Mais bientôt la négligence, la pareflé , le
défaut d'économie , la diflipation , viennent ravir
à une partie de ces conquérais les biens dont ils
ont dépouillé leurs ennemis. Forcés de vendre ces
mêmes terres qu'ils avoient acquifes les armes à la
main , ils fe trouvent réduits en peu de temps à la
condition même des vaincus , n'ayant plus de ref-
fources pour vivre , que leur travail Ôc leur induf-
irie. Voilà la fource primitive de l'inégalité des
fortunes, des conditions, & par confcquent de
l'indigence.
D après ce principe , il ne refloit aux chefs des
empires 6i des républiques, d'autre parti à pren-
dre , que de chercher les moyens de pourvoir à
lafubhftance des citoyens furvenus après le par-
tage des terres conquifcs , ou déchus de ce partage
par leur inconduite. Aufll en ont-ils tous fait un-
point capital de leur adminiftration , en s'efTor-
çant de faire naître le commerce & les arts , aux-
quels fe dévouoient par befoin ceux qui n'avoienr
point dans l'état de propriétés en biens fonds ; ou
en employant à la guerre , à la culture des champs ,
aux travaux publics , ceux dont les bras pouvoient
être utiles à la patrie, & en procurant d'autres
moyens de fubfifler à ceux que leur âge ou leur
inHrmité rendoient incapables de travailler. Le
commerce , les arts , rag.riculture , paroiflb^ent des
reifources tellement affeélées au peuple , c'efl-à-
dire à la clafle la plus pauvre , que les cito-y ;ns
ai(és & poiTefléurs de terres ou de dignités , déd.ii-
gnèrent long temps de s'en occuper, regardant ces
objets comme indignes d'eux. 11 n'y a pas deux
fiècles que ce préjugé fubfifloit encore en France
dans toute fa force , foit que notre noblefle eût v.a
mépris réel pour ces profeffions , qu'elle plaçoit
inhniment au-deflous du métier de la guerre , foit
qu'elle le fît un point d'honneur de les abandon-
ner à ceux qui n'avoient pas d'autres moyens pour
vivre.
Dans tous les états bien rêgl-fs , les Pauvres
font l'objet de l'attention fpécialc du gouverne-
ment. La France , à cet égard , ne le <:àû^. à aucun.
Dans tous les temps , on y a vu émaner du trône
& des cours , interprétées de fcs volontés , les or-
donnances & les réglemens les plus fages en fa-
veur des Pauvres ; mais , par malheur , on n'a pas
toujours veillé afléz foigneufement à leur exécu-
tion. Selon l'efprit de toutes ces ordonnances &
de ces réglemens , les Pauvres d'un endroit quel-
conque doivent être nourris par les habitans du
lieu , tant laïques qu'eccléfiaftiques , lefquels font
invités à fe cotifer volontairement pour cet effet,
finon ils font impofés par la loi du fouverain , à
une taxe proportionnée à leurs facultés.
Un arrêt du parlement de Paris de i'î3 3 ' ^^'
donne que les chapitres & couvens de religieux
qui font dans cette ville, contribueront pour la
ta^se des Pauvres, finon qu'ils y feront contraints
PAUVRE.
parlafalfie de leur temporel. Cet arrêt Te trouve
dans les preuves des libenés , tom. 2 , chap. 35,
lîomb. 52.'
Le parlement de Dijon déclara par un arrêt du
7 juillet M99» que ks ecclefiafliques étoient im-
pofables pour la nourriture des Pauvres. Le clergé
a toujours reconnu cette jurifprudence par l'em-
preflemcnt qu'il a témoigné dam toutes les occa-
fions pour fubvenir aux befoins des pauvres tle
l'état. On peut voir les réglcmens qu'il s'eft tracés
lui-même fur ce point dans les mémoires du clergé,
première édition, tom. 3 , part. 3 , tit. 4» c- i-
Le parlement de Touloufe , par un arrêt du mois
de juillet 1592, 6xa pour fon dillritlla part que
chaque bénéHcier eccléfiaftique & régulier devoir
fournir fur le revenu de fon bénéfice pour l'en-
tretien & le foulagement des Pauvres ; il ordonna
par cet arrêt , que la fixième partie du revenu des
évêchés , prieurés , cures & autres bénéfices , même
ceux des religieux , les décimes daduires , feroit
employée & difiribuée aux vrais Pauvres , fans
dol &. ians fraude , par le titulaire du bénéfice ou
fon reprélentant , en préfence du feigncur juridic
tionnel & conful du lieu, & du curé ou de fon
vicaire. Le même arrêt ordonna que ceux qui re
fufcroiem ou qui diffcreroient de s'y conformer,
firoient contraints, parla faifie de leurs fruits, à
payer les fommes auxquelles ils auroient étécotifcs.
Ce ne font pas les feuls eccléfiaftic[ues & reli-
gieux bénéfi^iers que la loi afiiijettit à la taxe pour
les pauvres ; les laïcs , de quelque rang & condi-
tion qu'ils foient, n'en font pas plus difpenfés. Un
arrêt du parlement de Bretagne du 16 avril 1570,
ordonne que les préfidens 6c confeillers qui ont
maifon en ville, payeront comme les autres habi-
tans , de ce que libéralement ils fe voudront co-
tifcr pour les Pauvres.
Nous ne finirions pas fi nous voulions rappor-
ter to-us les arrêts rendus par les tribunaux fupé-
rieurs du royaume en faveur des Pauvres , ainfi
que les ordonnances de nos rois fur le même fujet.
Une des plus fages & des plus effcntielles de ces
dernières, eft la déclaration du 22 mai 1586, re-
giftrée au parlement le 23 du même mois , ik. par
laquelle les habitans de chaque ville du royaume
font tenus de nourrir &. entretenir tes Pauvres qui
font dans leur ville , fans que ces Pauvres puif-
fent fc tranfporter d'un lieu dans un autre pour y
exercer le métier honteux de mendians.
Toutes ces difpofitions prouvent les droits in-
conteftables que les pauvres ont à la bienfaifance
de leurs concitoyens , & comnîe hommes , &
comme membres du même état. Les fecours que
le gouvernement s'efforce de leur proctiier , font
une dette facrée qu'il acquitte. Il faut convenir
néanmoins que cette dette ne l'oblige pas égale-
ment envers tous les individus qu'il voit réduits
à l'état de pauvreté. Il en eft qu'il ne peut regar-
der que comme des membres iomiles & à charge
même à la patrie ; tels fout ceux que. la pareffe ou.
PAUVRE.
lî
le libertinage dévouent à une vie errants S.: va-
gaboiidc, qui les transforme bientôt en fcclérats.
Nous avons rapporté ailleurs les lois 'agcs que ht
juftice a portées contre eux. Voyez MeNiJIANT.
Mais autant les Pauvres de cette dernière cl:ifie pa-
roilfent mériter l'animadverfion du gouvernement,
autant les autres , qu on nomme les vrais Pauvres , &c
qui ne fe trouvent dans cet état d'indigence que par
des revers de fortune , des maladies , des ii:firmi-
tés naturelles , ou par le manque abfolu de tra-
vail , font dignes de fes foins ik de fon attention.
Pour fe faire une idée des reffources prodigieu-
fes que les Pauvres trouvent en France , Si dans
la capitale en particulier, il n'y a qu'à jeter les
yeux fur les ctabliffemens fans nombre que la piété
ik la juftice y ont érigés en leur faveur.
Un des plus vafîes &c des plus utiles de ces éta-
blifiemens, eft fans contredit V hôtel-dieu. On y re-
çoit indifiinélement tous les Pauvres malades hors
d'état de fe faire foigner chez eux , de quelque
pays & de quelque religion qu'ils foient. On s'y
charge de même de toutes les femmes grollii ,
à qui leur pauvreté ne permet pas de fc faire déli-
vrer chez elles & de fe procurer les fecours fi né-
ceftaires à leur fituation. On y admet encore ton»
les cnfans , fruits malheureux de la loiblenc ou.
du libertinage, que leurs parens abandonnent eu
naiiiant, foit par indigence, foit pour fauver les
reftes d'un trifte honneur qu'ils n'ont pas crairu
d'immoler.
A côté de l'hôtel-dieu , on peut ^\^cerrhùphui
gèlerai 6l hicctre , deux maifons de charité & de
force tout enfcmble, dans iefqueiles une infiniti
de Pauvres des deux fexes trouvent des retraites-
particulières , moyennant une penfron modique ,
qui par-tout ailleurs ne leur fulfiroit pas jjour vi-
vre; l'hôpital immenfe des petites rtuifons , celui
de la. trinité , celui des quinj^e vingts . des irxurahles ,
Ians parler d'une foule de maifons d'hommes & de
nlles fpécialement confacrées au fervice des Pau-
vres malades, ou adonner des aûles aux orphe-
lins, & l'hofpitalité aux pafiagers indigensi- fans,
parler des hôpitaux particuliers qu'on projcttcr
d'attacher à chacune des paroilfes de Paris , pro-
jet qui C'jmiPince déjà à s'exécuter, & qui yrui-
fcmblablement amènera ujie adminlftiation nou-
velle & plus fage des biens deflinés aux Pauvres y
car, il faut le dire à la gloire de notre fiècb , u-
maison ne s'eft tant occupé des moyens de oan-
nir l'indigence du royaume ; jamais le ntiniftère n'a
reçu tant de plans & de mémoires fur ce fujet.
Toutes nos académies invitent à l'envi les plu-
mes des gens de lettres &: des favans à s'exercef
fur cette matière, fi propre à {aire briller lenr élo-
quessce & leur fenfibiliié. Nous avons déi.à ks
idées des droits & des devoirs des vrais Pauvres • le
tableau delà bïenfaijance & ds T humanité; Vam] ds
ceux epi'c rien ant point ; ouvrages dignes d'être asé-
dites.
On peut mettre encore au nonjBre des erabfîf-
14 PAUVRE.
ferr.ens iitUss aux Pannes, le magnifique hôtel des
iivaiu'cs , clcftiné à oflrir une retraite honorable
iws. citoyens que les blefTutes re;uw^ pour la dé-
hn(c de I état reiîdcnt incapables de gagner hur
via ; la fiipcrbe maifon de jaint Cyr , ouverte à
rir.ftri!£^!on & à l'entretien des jei;nes demoifelles
de condition dont les parens foin hors d'état, par
le défaut de fortune, de leur procurer une éduca-
tion convenable à leur naiffance ; le bel éiabliffe-
reent de X'ccoU royale mH'uaire.
Ajoutons à toutes ces reflources les fecours abon-
dans verfés fur les Pauvres par les mains du grand
aumônier de France , par celles des princes , des
évêques , des citoyens riches, des cutés , des reli-
gieux, des villes, des communauté^; les amendes
que IcurconGicrent les tribunaux , les bourfes éta-
blies pour eux dans les collèges , les inftruflions
qu'on leur offre gratuitement , &: une infinité d'au-
tres établiiTennens que nous paflbns fous filence.
Il y a de plus à Paris un bureau , connu fous le
tirre àzg.rand bureau des Pauvres de la ville & faux-
bourgs de Paris ^ établi poisr la perception d'une
taxe impofée en fiaveur des Pauvres fur tous les ha-
hitans domiciliés dans cette capitale. Ce bureau eft
eoinpofé de M. le procureur général , api y prcfide
les affemblées par lui-même ou par l'un de fes fubf-
tifuts , des commiiTaires des Pauvres répartis dans
chacune des pnroilTes de Paris, du greffier, des huif-
iiers , des diftributeurs & des vergers.
Les coir.nijflaires des Pauvres des paroiffes de
Paris doivent être nommés chaque année par les
curés , les mnrguilîiers , les anciens commiflaires
des Pauvres St les notables paroiflîcns , dans une
îifi'embléc que chaque curé cft tenu d'annoncer au
prône le dimanche ou autre fête qui précède celle
de noël : ceux qui font aiiîfi nommés doivent fe
prcfentcr à la première affemblée du bureau des
Pauvres , pour y prêter ferment & recevoir les
rôles, à peine nVy être contraints par établiffement
de garnifon , Jufqu'au payement de cinq cens livres
au piofit des Pauvres, fans répétition. C'eft ce qui
réfulte de divers arrêts , &. fingulièrement d'un du
15 mars 1709.
Les contei^;at!ons qui s'élèvent au fujet de la no-
jnination des cemmiffaires des Pauvres de Paris ,
doivent erre portées au grand bureau des Pauvres ,
qui a, relativement à cet objet, ainfi qu'à la re-
cette que font ces commifiaires, une juridiâion
dans laquelle il a été maintenu par arrêt du confeil
du 29 juillet 175Î.
Dans la plupart des paroiffes de province où il
V a des revenus deftinés à foulager les Pauvres ,
î'adminiflration en eff confiée à des compagnies
ou bureaux de charité, qui font ordinairement com-
pofés du curé , d'un certain nombre de femmes ,
appelées dames ou demoifelles des Pauvres , dont
ime fait les fonflions de tréforiére , & d'un rece-
veur des Pauvres , qu'on nomme quelquefois
procureur de charité.
Suiyant un arrêt de règlement reodu le 25 fé-
PAUVRE.
vrlcr 17^3 , pour Nogcnt-fur-Marne , les dames
des Pauvres doivent être choifies par les dames qui
coirpofent rafleniblée de charité.
Le procureur de charité doit être élu, dans une
aflemblee générale des habitans , pour deux ou
trois ans , ix on peut le continuer. Il doit être
dune probité & folvabilité reconnues, favoir lire
ûi écrire , & réfider fur les lieux. Il a le droit d'af-
fifter à toutes les aflêmblees générales & parti-
culières , mais fans y avoir voix délibérative : il
ne doit délivrer aucune femme qu'en vertu des
délibérations des affemblces générales & particu-
lières , ik il peut être deftituê par l'aflembléc gé-
nérale. C'eft ce qui réfulte des articles 43 & 44
du règlement qu'on vient de citer , & des arti-
cles 3, 4 6c 13 de l'arrêt de règlement rendu
pour la paroiffe de faint Chamont, le 8 mars 1764.
•Divers arrêts du parlement de Paris , &c. ent?e
autres un du 14 février 176 1 , pour la paroiffc
de faint Gcrmain-l'Auxcrrois , un autre du 4 mars
1763 , pour la paroiffe faint Barthélemt , & un
autre du 7 feptembre 1764, pour la paroiffe de
faint Nicoias-des-champs , ont ordonné que quand
il auroit été remis entre les mains du curé quel-
ques fommes de deniers pour être diflribuées par
lui feul,ou qu'il auroit été donné d'autres fom-
mes par ade aux Pauvres de la paroiffe, fous la
condition impofée par les donateurs , que la dif-
tribution en feroit faite par le curé , il pourroit
feul faire cette diftribution félon fa difcrétion ,
prudence & fidélité, fans être tenu d'en rendre
aucun compte : à l'égard des revenus fixes qui ont
été donnés ou légués aux Pauvres de ces paroiffes ,
avec condition Ipécialc de la part des donateurs
ou teftateurs , que la diftribution s'en fera par le
curé & fes fucceffeurs en la cure , ou autres termes
équipollens, les mêmes arrêts veulent que le tré-'
forier chargé de la recette de ces revenus , les re-
mette à CCS curés fur leurs fimples quittances ,
pour la diftribution en être pareillement faite par
eux, félon leur difcrétion , prudence & fidélité,
8c fans être tenus d'en rendre aucun compte : mais
il ces revenus avoient été légués ou donnés aux
Pauvres de la paroiffe , fous la fimple condition
que la diftribution s'en feroit par les mains du
curé, fans aucune mention ou vocation de fes fuc-
ceffeurs , cette condition n'auroit d'effet que pour
le temps pendant lequel le curé en place , lors de
l'aâe portant legs ou donation , conferveroit fa
cure ; & fes fucceftêurs ne pourroient pas , fui-
vant les mêmes arrêts , exiger que la diftribution
de ces revenus leur fiJt confiée : ils rentreroient
alors dans la maffe commune de ceux dont la dif-
tribution doit être réglée par l'afferablée des da-
mes de charité.
L'article 5 a de l'arrêt de règlement rendu le
25 février 1763 , pour Nogent-fur-Marnc , veut
que les quêtes qui ont lieu en faveur des Pauvres
pendant les offices divins, fe faffent fuivant l'u-
fage de la paroiffe , & que le produit en foit rc'
PAUVRE.
mis fur le champ , en préfence du curé , au pro-
cureur de chante , qui doit l'cnregiArer fur un
journal deftiné a fervir de pièces juftiiicatives de
cette recette ; à l'égard de ce qui peut être donné
en chanvre , fil , ou autre choie en nature , il doit
être remis, fuivant le même règlement, à la tré-
forière , pour en être rendu compte dans une af-
femblée particulière.
L'article 53 veut que , lors de chaque affemblée
de charité , il foit remis par le procureur de cha-
rité, entre les mains de la tréforiérc , une fomme
de deniers telle que raffemblée l'aura réglée , pour
être employée aux befoins iirgens qui peuvent fur-
venir, de laquelle fonimc h tréforière doit ren-
dre compte en détail à l'aiTerablée fuivante.
Dans les lieux où il ny a point de tréforier
des Pauvres ni de procureur dt; charité , les de-
niers néceffaires pour les betoins urgens des Pau-
vres , doivent être remis à la tréforiére par le
maiguillier en exercice, ou autre perfonne char-
gée de la recette des aumônes ëc biens des Pauvres.
Dans toutes les aflemblées de charité , le curé
doit avoir la première place, & recueillir les fuf-
fiages , à la pluralité defquels doivent fe faire
les délibérations; & en cas de partage d'opinions,
il a la voix prépondérante : fi le curé eft abfent ,
c'eA l'ancien marguillier qui doit préfider , & les
autres perfonnes n'ont aucun rang entr'elles. C'eft
ce qu'ont réglé deux arrêts rendus le 2 avril
1737 & Je 7 feptembre 1764 , pour les paroi/Tes
de faint Jean-en-Grêve & de faint Nicolas-des-
champs.
1! faut , fuivant les mêmes arrêts , que les dé-
libérations des aflemblées de' charité foicnt inf-
crites de fuice fur un regiflre & fans aucun blanc ,
ainfi que les noms des perfonnes qui y ont aflîfté,
lefqueiles doivent figner ces délibérations ; & (1
quelques-uns de ceux qui ont affifté au commen-
cement des délibératiors fe font retirés avant la
fin de l'affemblée, les délibérations de ceux qui
font reliés jufqu'à la fin , doivent être exécutées
comm.e fi tous les avoient fignées.
Les diflributions des charités doivent être faites
fur des mandemens figues du curé &: de deux ou
trois perfonnes du nombre de celles qui ont afllfté
à l'affemblée ; à l'effet de quoi il doit être nommé,
tous les trois mois , une des perfonnes qui ont
droit de fe trouver aux afiemblces , pour, con-
jointenîent avec le curé , figner les billets ou man-
demens qu'il peut être convenable de délivrer
dans l'intervalle des aflemblées. Ces billets ou
m.indemens doivent contenir le nom du Pauvre
qui doit être aflîfté, & la fomme ou la quantité
tic viande , psin , ou autre ciiofe qu'en doit lui
donner. Les mandemens en argent doivent être
tirés directement fur le tréforier ou procureur de
la charité; mais les mandemens en denrées peu-
vent être tirés fur le boucher ou fur tout aurrc
Biarcliand choiu par l'aiTemblée pour les fournir
aux Pauvres. C'cft ce qui réfuke de l'aiticle 56
PAUVRE. M
de l'arrêt de règlement, rendu pour Nogent-fur-
Marnc, le 15 février 1763. Voyeiaiifi l'anct Je
ttgUment rendu pour la paroijfe de Moniarg'is le 2^
février \7'^6.
Suivant l'article t8 de l'arrêt de règlement , ren-
du le 8 mars 1764, pour la paroitTe de la ville
de faint Chamond, il ne doit être entrepris ni fou-
tenu aucun procès , ni fait aucun emploi ou rem-
ploi des deniers appartenans aux Pauvres, ni fait
aucun emprunt, ni aucune acquifition , dans le
cas où elie feroit permife , fans wne délibération
au préalable, prife dans une aiTemblée générale :
mais les délibérations prifes daiîs les aiîemblécS
particulières , font fufrlfantes pour faire les pour-
fuites relatives au recouvrement des revenus or-
dinaires des Pauvres , ainfi q\ic pour tous les aéicî
relatifs à l'acceptation & délivrance des legs ou
Ubéralités faits à la charité , & pour faire paffer des
titres nouvels aux débiteurs des rentes.
Les titres , contrats & papiers concernnnt les
biens & revenus des Pauvres, ainfi que les re-
girtres des délibérations , autres que ceux des dé-
libérations courantes, doivent être mis dans une
armoire , & il doit en être fait un inventaire fig-â
du curé, des marguiiliers 6i du tréforier des F.;-_'-
vres ; enfemble un récolcment chaque année, ('ù
doivent être ajoutés les nouveaux comptes & au-
tres titres de l'année courante, lequel doit être fi-
gné par les mêmes perfonnes : il faut d'ailleurs
qu'il y ait deux exemplaires de chaque inventaire
& récolement , dont l'un doit être renfermé dans
l'armoire, Se l'autre remis au tréforier. Cela efl
ainfî prefcrit par divers arrêts de règlement rendus
pour différentes paroifles.
J'oyci^ les lois citées dans cet article , & les mots
MisÉRicoRDS, Mendiant , Vagabond, Hôpi-
tal , &c. ( Cet article efl de MM. R... & G.. . )
PAYEMENT. C'eft ce qui fe donne pour ac-
quitter une dette, une obligation.
Pour qu'un Payement foit valable, il faut que
la perfonne qui le fait ait le droit de difpofer de
la chofe donnée en Payement : d'où il fuit , qu'urï
Payement n'cfl pas valable quand il eft fait par quel-
qu'un qui n'eft pas propriétaire de la chofe donnée
en Payement , ou qui n'efl pas capable de l'alié-
ner. Cependant û le Payement fait par la perfonna
incapable, étoit une fomme d'argent ou quelque
chofe qui ie confumât par l'ufage , comme du blé,
du vin, &c. , la confommation que le créancier
en auroit faite de bonne foi, v:;ltderoit le Paye-
ment.
Au refle. Il n'eft pas néceO^iire , pour que le
débiteur foit délibéré de fon obligation , que ce foit
lui ou fon commiiTionnaiie qui paye le créancier :
toute perfonne peut faire ce Payement, même mal-
gré le débiteur, & l'obligation n'en eÀ pas moins
éteinte. C'eil ce que décide la loi 39 , jf, de nepr.
s4' (0-
( J') Qbfïivei ccpîn^awr i\ni ce::s déciiu-ii ne s'appiinu» eiv
i6
PAYEMENT.
Mais on demande û le créancier eft obligé de
recevoir le Payement, iorfqu'il lui efl oflerl par
im étranger qui rj'a aucun pouvoir pour gérer les
affaires du débiteur, ni aucun intérêt à acquitter
la dette.
La loi 72 , par. 2 , D. de folut. dccide que les
offres de payer qu'une perlonne quelconque fait
au créancier au nom & a l'infu du débiteur, conf-
tuuent ce créancier en demeure. Et l'article 3 du
titre 5 de l'ordonnance du commerce du mois de
mars 1673 , porte, quV« cas de protâ d'une lettre
de c/umgc , elle poiirni être acquittée par tout autre
^ue celui fur tjui elle aura été tirée , & quau moyen
du Payement ^ il demeurera fubrogé en tous les droits
du porteur de la. lettre , quoiqu'')l n'en ait point de
traujpart yfubrogaiion ni ordre.
Il rélulte de ces décifions, que les offres de payer
faites au créancier, par l'étranger dont on a parlé,
l'ont valables & conflituent le créancier en de-
meure , quand le débiteur a intérêt à ce Payement;
comme dans le cas où les offres font faites pour
arrêter les pourfuites commencées , ou pour faire
ccfler le cours des intérêts, ou pour éteindre les
hypothèques. iMais files offres de payer ne pro-
curoient aucun avantage au débiteur , & ne pro-
tluiloient d'autre effet que de lui faire changer de
créancier , elles pourroient être refufées , fans
que, par ce refus, le créancier fût conflitué en
demeure.
Il fautaufli, pour la validité d'un Payement,
«ju'll foit fait au créancier ou à quelqu'un qui ait
pouvoir de lui ou qualité pour recevoir.
Il fuit de cette décifion , que quand un créan-
cier a laiffé pluficurs héritiers , on ne peut valable-
ment payer à chacun que la portion qui lui appar-
tient dans la créance, à moins que fes cohéritiers
^e l'aient autorifé à recevoir pour eux.
Lorfqu'un créancier a cédé fa créance par vente ,
donation ou autrement , le ceffionnaire devient le
créancier , par la fignification qu'il fait de fon titre
deceffion au débiteur, ou par l'acceptation volon-
taire que celui-ci fait i\u tranfport. Ainfi après cette
Signification ou acceptation , le débiteur ne peut
plus payer valablement l'ancien créancier.
Quelquefois on répute pour créancier véritable,
celui qui ne l'eff qu'en apparence , &. le Payement
qu'on lui fait ne laiffe pas d'être valable. Suppo ez,
par exemple, que Pierre poffèile une terre de la-
«^uelle dépendent des mouvances féodales & ceo-
luelles; vous payez valablement entre fes mains
les cens & autres droits feigncuriaux , quoique je
fois le véritable propriétaire de la terre : ainfi ,
général qu'aux obligations de donner que]q'.:e cho(e , parce
*ju'il n'inii^crtenulltmenc au créancier cjue ce Toit Pierre ou
Paul qui lui donne la criofe due , pourvu qu'on la lui donne
efteiîlivement : mais il n'en ell pas de même à IV-gard d'une
obligation qui confifte à faire quelque choie. S'il s'agit . par
«xeaiplc , d'un ouvrasse qu'un aitilte dont je confidère le ta-
lent , t'en obligé de taire , (on obligation ne pourra paj s'ac-
•juivccc pat ud aude, à moi&t «jue je n'y coafeace»
PAYEMENT.
lorfque je me la ferai fait rendre , je ne pourrai pas
vous demander ces droits. La raifon en eft , que
tout poffeffcur étant de droit réputé propriétaire
de hi chofe qu'il pofîède , tant que le véritable pro-
priétaire ne fe préfente pas, la bonne foi du débi-
teur doit rendre valable le Payement qu'il a fait
au poîTeffeur, qu'il a dît confidérer comme le créan-
cier légitime.
Il faut encore, pour la validité du Payement,
que le créancier, ou ceux qui le repréfentent ,
foient des gens capables d'adminiftrer leur bien.
Ainfi , dans le cas où le créancier feroit un mineur,
un interdit ou une femme fous puiffance de mari ,
le Payement qui lui feroit fait n'éteindroit pas la
dette.
^ Le Payement fait à celui que le créancier a
chargé de recevoir pour lui, étant réputé fait au
créancier lui-même, il faut en conclure qu'il im-
porte peu au débiteur, que celui qui a le pouvoir
d'un créancier capable d'adminifèrer fon bien, foit
un mineur, un religieux, ou une femme fous
puiffance de mari ; le" Payement n'en eft pas moins
valable, parce que c'eA la perfonne de celui qui
a donné le pouvoir, qui doit être confidérée, 6c
non celle qui a reçu le pouvoir.
Lorfqu'un créancier a donné pouvoir aune per-
fonne de recevoir pour lui, tandis qu'il feroit ab-
fent , ou durant un certain temps, le Payement
fait à cette perfonne après l'expiration du temps,
ou depuis le retour du créancier , ne feroit pas va-
I lablc , parce que le pouvoir de recevoir ne fubfifte-
[ roit plus.
Il en feroit de même fi le créancier avoit révo-
qué le pouvoir par lui donné : mais il faudroit pour
que le Payement fait depuis la révocation ne fût
pas valable, que le débiteur eût eu connoiffance de
de cette révocation, ou qu'elle lui eût été flgnifiée.
Le titre de créance dont un huiffier eft por-
teur pour le mettre à exécution , équivaut à ua
pouvoir de recevoir la créance : ainfi la quittance
que cet huiffier donne au débiteur, a le même effet
que fi le créancier la lui avoit donnée.
Mais il en eft différemment du procureur ad
lites , que le créancier a chargé d'intenter une ac-
tion contre fon débiteur : cette commiflion ne ren-
ferme pas le pouvoir de recevoir le Payement de
la créance.
Lorfqu'on paye à une perfonne à laquelle la loi
donne qualité pour recevoir ce qui eft dû nu créan-
cier , le payement eft valable. Ainfi le tuteur reçoit
vaiablement'ce qui eft dû à fes mineurs , le curateur
ce qui eft dû à l'interdit , le mari ce qui eft dû à fa
femme, à moins qu'elle ne foit féparée de biens ;
un receveur d'hôpital , ce qui eft dû à l'hôpital , &c. ,
& le débiteur qui paye entre les mains de ces
perfonnes,eft parfaitement libéré, quand même
elles deviendroient infolvables. On ne fuit pas par-
mi nous la loi 25 , cod de aJm. tut. , qui exigeoit le
déctet du juge , pour que le débiteur qui payoit au
tuteur
? AYEMENT.
^lJteur fût à couvert, en cas d'inlolvabilité de ce
dernier.
La raifon de parenté ou d'alliance n eft pas une
raifon fuffifante pour recevoir ce qui eft dû au
créancier. Ainfi le débiteur ne peut pas valable-
ment payer au fils ce qu'il doit au pèro , ni au man
ce qu'il doit à la femme féparée de biens d'avec lui.
Quelquefois on ftipule dans un a6te que le Paye-
jnent auquel on s'oblige , pourra fe faire à une per-
fonne tierce qu'on indique , comme au créancier
même. En ce cas le Payement fait à cette perfonne
libère incontefiablement le débiteur.
Les tierces perfonnes, entre les mains defquelles
•n autorifc le débiteur à payer , font ordinairement
des créanciers du créancier qui les défigne. Par
exemple , je vous vends une maifon pyur trente
mille livres, fous la condition que vous en payerez
à mon acquit dix mille livres à Pierre , ÔC vingt
mille livres à Paul , qui font mes créanciers de
pareilles fommes.
Quelquefois néanmoins la perfonne tierce , qui
eft autorifée à recevoir le Payement , eft un man-
dataire ou un donataire.
L'indication de la perfonne tierce, autorifée à
recevoir le Payement, peut fe faire pour un lieu,
ou pour nn temps différens du lieu ou du temps
auxquels la chofc doit être payée au créancier mê-
me. Nous pouvons, par exemple , ftipuler que je
vous payerai chez vous à Bordeaux, ou chez votre
banquier à Lyon. Nous pouvons aulîî convenir que
fi je ne vous paye pas à la foire de Beaucaire ,
je payerai après cette foire entre les mains d'une
rdle perfonne.
Quoique régulièrement le payement ne foit
valable qu'autant qu'il eft fait à la perfonne in-
diquée par la convention , cependant fi le ven-
deur ftipule en vendant un héritage, que le prix
en fera payé à un tel, fon créancier, l'acquéreur
pourra valablement payer, non feulement à la per-
fonne même du créancier, mais encore à fes lieri-
tiers ou autres qui ont foccédé à fa créance. La
raifon en efl , que , dans ce cas , c'eft bien moins la
perfonne indiquée, que fa qualité de créancier qui
a été confidérée, par l'intérêt que le vendeur avoit
que la dette s'acquittât ,^& par celui qu'avoit l'ac-
quéreur d'être fubrogé à l'hypothèque du créancier.
Si la perfonne indiquée venoit à changer d'état
depuis l'indication , & qu'elle vîat , par exemple ,
à être privée de la vie civde, ou à être interdite ,
ou à paiTer fous la puiflance d'un mari , le débiteur
De pourroit plus payer valablement entre fes mains.
Cette décifion eu fendée fur ce qu'oû ne préfume
pas que le créancier auroit indiqué cette perfonne,
s'il eût prévu les cas dont on vient de parler.
Suivant le droit des novelles , le débiteur qui de-
voir une fbmme, 8c qui n'avoit ni argent ni meu-
bles à vendre, pouvoit obliger fon créancier à re-
cevoir des immeubles en Payement , conformément
à l'ertimation qui en feroit faite , fi mieux n'aimoit
le créancier trouver des gens qui vouluffentacqué- '
Tmc XIIL *
PAYEMENT. 17
rlr ces Irwmcubles; mais cette difpofition du droit
romain n'e/t pas fuivie en France ; nous y tenon»
pour maxime , qu'un débiteur ne peut obliger fes
créanciers à recevoir en payement autre chofe que
ce qu'il leur doit. Voyez cependant ce que nouj
avons dit à l'article CoLLOCATiON , relativement
à la Provence.
Le débiteur ne peut pas non plus obliger (en
créancier à recevoir par parties le Payement de fa
créance, d'où il fuit, que la confignation d'une
partie de la fomme due n'arrêteroit pas le cours de»
intérêts, même pour la partie confignée.
Il ne fuffit même pas au débiteur d'offrir la fom-
me principale, lorsqu'elle produit des intérêts , il
faut encore qu'il offre ces intérêts , fmon le créan-
cier peut refufer le Payement.
Obfervez néanmoins , que quelquefois le juge
ordonne, en confidération de la pauvreté du dé-
biteur , que la fomme due fera divifée en un certain
nombre de Payemens : c'eft aufli ce que les par-
ties flipulent fouvent par la convention. Dans ce
cas, la fomme qui doit compofer chaque Paye-
ment eft déterminée , ou elle ne l'eft pas : fi elle
n'eft pas déterminée , on décide que les parties ont
entendu que les Payemens feroient égaux enrr'eux.
C'eft pourquoi fi la convention porte que vous me
payerez douze mille francs en fix payemens, cha-
que payement fera néceffairement de deux mille
francs; mais vous pourrez faire deux ou trois Paye-
mens à la fois , fi vous le jugez à propos.
La règle fuivant laquelle le débiteur ne peut pas
obliger le créancier de recevoir fon Payement par
partie, foufTre une exception dans le cas oîj il y a
conteftation fur la quantité de ce qui eft dû. Par
exemple , par le compte que je rends de la geftiort
que j'ai faite à'unc affaire commune, je me recci-:-
uois débiteur de dix mille francs feulement envers
mes aflbciés : ceux-ci prétendent au contraire que
je leur dois quinze mille francs. La loi 31 , ^<^c
reb. cred. , veut qu'en ce cas je puiffe obliger mes
créanciers de recevoir le Payement de la fomme
que j'ai déclaré leur devoir, fauf à payer le furplus,
fi cela eft ainfi ordonné par le jugement qui déci-
dera la conteftation.
La règle dont il s'agit fouiTre une féconde ex«
ception dans le cas de la compenfaiion , attendu que
le créancier eft obligé de compenfer la fomme qu'il
doit, avec celle qui lui eft due, quoique cette der-
nière foit plus c»nfidérable que l'autre.
Si vous êtes débiteur de plufieurs dettes envers
le même créancier , vous pouvez l'obliger de rece-
voir le Payement d'une dette , quoique vous n'of-
friez pas de payer les autres.
Ceft en conféquence de cette règle , que Du-
moulin décide qu'un emphithoote , qui, félon fcn
bail , peut être privé de ion droit s'il cefTe per-
dant trois années le Payement de la redevance an-
nuelle , évitera cette peine , en olîVrint le Payement
d'une année avant l'expiration de la troiûème.
Lorfqu'une deits eft d'un corps certain & dét&r>
C
i8 PAYEMENT.
miné, elle peut être valablement payée en quel-
que état que la chofe foit, pourvu que , û elle a
été détériorée depuis la convention , ce n'ait été ni
par le fait du débiteur , ni par la faute, ni par celle
des gens dont il doit répondre.
Mais il en feroit différemment û la dette étoit
d'un corps indéterminé. Si, par exemple, je me
fuis obligé de vous donner un mouton de mon
troupeau , 8c que depuis la convention un de mes
moutons foit devenu galeux, (je ne pourrai pas
acquitter la dette avec celui-ci ; il faudra que je
vous en délivre un qui foit fain.
Lerfqu'une obligation a été contradlée fans ter-
ine , le créancier peut auflîtôt eu exiger le Paye-
ment ; mais lorfqu'elle renferme un terme , le Paye*
ment n'en peut être exigé avant l'expiration du
terme.
Le terme diffère de la condititar», en ce que la
condition fupend l'engagement que doit former la
convention : le terme au contraire , ne fufpend
pas l'engagement , il en diffère feulement l'exé-
cution. Celui qui a promis fous condition , n'efl
pas débiteur avant l'échéance de la condition : il y
a feulement efpérance qu'il pourra l'être. C'eft pour-
quoi s'il venoit à payer pat erreur avant la condi-
tion , il feroit fondé à répéter ce qu'il auroit payé ,
comme chofe non due.
Mais il en eA autrement de celui qui doit à uh
certain terme; il ne peut rien répéter , parce qu'il
n'a payé que ce qu'il devoir effeiflivement.
Obfervez cependant que quoiqu'en général le
Payement fait avant le terme foit valable, il y a
néanmoins des exceptions à cette règle , quand il
paroit par les ciïconflances, que le temps du Paye-
ment a été limité eu faveur du créancier auffi bien
qu'en faveur du débiteur. Par exemple, un tcflateur
lègue une fomiue de dix mille francs à un mineur ,
& pour empéclier que le tuteur de ce mineur ne
la diilipe , il ordonne qu'elle ne fera payée qu'à la
majorité du légataire : il eft certain que fi le débi-
teur du legs vient à payer la fomme auparavant, il
fe reud-a refpnnfabl'e de l'infolvabillté du mineur.
Comme le terme que le créancier accorde au
débiteur , efl cenfé avoir pour fondezucnt la folva-
bilité de ce dernier, il faut en conclure, i".. qne
s'il vient n f:;:re faillite , & que le prix de fes meu-
bles fe di/îribue , le créancier peut demander {on
Pavement, quoique le terme de la dette ne foit
pas échu.
Remarquez à ce fujet , que û de deux débiteurs
folidaires, il y en a un qui faffe faillite, le créan-
cier peut bien exiger de celui-ci le Payement de fa
dette avant le teme ; mais il ne feroit pas fondé à
taire p.'.yer celui qui eft demeuré folvable. Ce der-
nitv ne peu: Hiême pas être obligé de donner cau-
tion à la place de fon codébiteur en faillite. Anne
Roberr rapporte un arrêt du 29 février 1592 , qui
l's aiufi j-:gé.. Cette décifion e(l fondée fur ce que
la faillite n'étant pas le fait du débiteur qui efî de-
nieurè folvabie , elle ne peut pas lui préjudicier ,
PAYEMENT.
en l'obligeant à plus que ne porte la ccnvcnriort»
C'eû le cas d'expliquer la msxime ,. nemo ex altc
rius faflo prœgraviri débit.
2°. Le créancier hypothécaire , qui a formé ôp-
pofjtion au décret des immeubles de fon débiteur,
8c qui fe trouve en ordre d'être utilement collo»
qué , peut aufli exiger le Payement de fa créance,
quoique le ternae de crédit ne foit point écoulé. La
raifon en eft , que fon hypothèque venant à s'étein-
dre , l'effet du terme de crédit doit ceffer.
Quand la convention défigne un lieu pour y
payer la dette , ce lieu eft cenfé déterminé pour
l'utilité du créancier comme pour celle du débi-
teur; ainfi le Payement ne peut pas fe faire ailleurs
contre le gré de l'une ou de l'autre des parties,
C'cft ce qui réfulte de la loi 9 ,ff. de eo quod certa
loco.
Si par la convention il n'y aaucun lieu défigné
pour payer , & que la dette foit d'un corps cer-
tain , le Payement doit fe fiaire au lieu où eft la
chofe. Suppofez, par exemple , que vous ra'ayer
vendu le bled qui eft dans ks greniers de votre
métairie , c'eft-là où je dois vous en faire le Paye-
ment, & que vous devez me le livrer.
Si poftérieurement à notre convention , vous
aviez tranfporté le blé dont il s'agit dans un lieu
d'où l'enlèvement me feroit devenu plus difpen-
diâux , je ferois fondé à exiger de vous , par forme
de dommages 8c intérêts , ce que j'aurois payé pour
cet enlèvement , au-dlà de ce qu'il m'en auroit
coûté , fi le blé ffu refté au lieu ou il ét®ii dans le
temps de la convention.
Mais où fera le lieu du Payement fi la dette eft
d'une chofe indéterminée , comme fi vous étiez
obligé de me livrer deux chevaux , un tonneau de
vin, une paire de flambeaux , 8cc. .'' L'indétermi-
nation de la chofe empêchant qu'on ne puiffe alîî-
t»ner un lieu où elle foit , il eft clair que le lieu du.
Payement ne peut pas être celui où elle eft; il fau-
dra donc la payer au lieu où elle fera demandée ,
c'eft-à-dire, au domicile du débiteur.
Cette décifion eft fondée fur ce qu'une conven-
tion dans laquelle les parties ne fe font pas expli-
quées, doit's'interpréter en faveur du débiteur,
plutôt qu'en faveur du créancier ; d'où il fuit , que
le lieu du Payement n'ayant pas été défigné , il
doit être celui qui eft le moins onéreux au débiteur.
Obfervez néanmoins que la juriiprudsnce qu'on
vient d'établir , fouffre une exception lorfque le
créancier & le débiteur réfîdent à peu dediflance
l'un de l'autre, par exemple , dans la même ville,
& que la chofe due confifte dans une fomme d'ar-
gent ou dans quelque effet qui peut être porté
fans frais chez le créancier : en ce cas , le Paye-
ment doit fe faire chez le créancier ; c'eft llavis.
de Dumoulin.
Si par la convention on ftipule que la chofe due
fera payée au domicile du créan^cier qui étoit alors,
dans la même ville que celui du débiteur , &: que
poftérieurement le créancier viçnne à fixer fa ré;ûr
PAYEMENT.
tlence dans une autre ville , le débiteur fera fondé
à demander que , pour recevoir fon Payement ,
It; créancier élife an domicile dans la ville oii il de-
m:uroit , lorfque la convention eft intervenue ; Qc
faute par lui d'élire ce domicile, le débiteur doit
être autorifé à configner la chofe due. Cette dé-
cifion ert fondée fur ce que la tranilation du do-
micile du créancier ne doit point être onéreufe
au débiteur,
Lorfque le débiteur qui fe libère , veut une
quittance pardevant notaires , il doit en payer les
frais.
Il arrive fouvent que par Keffet d'un feul Paye-
ment, plufieurs obligations de différentes perfon-
nes fe trouvent acquittées ; comme quand un dé-
biteur paye par l'ordre de fon créancier à un au-
tre, envers qui ce créancier étoit obligé ; mais
■quoiqu'il ne paroi/Te en pareil cas qu'un leul Paye-
ment, il s'en fait, dans la vérité , aurant qu'il fe
trouve de dettes payées : en effet, il en eft de
même que fi chacun de ceux qui fe trouvent payés
& qui payent à d'autres par ce feul Payement ,
recevoit des mains de fon débiteur ce qui lui eft
dû, & le mettoit entre celles de fon créancier.
11 peut auffi arriver qu'un même Payement ac-
quitte en un inftant deux obligations d'une même
perfonne envers un même créancier; par exemple ,
fi un teftateur, créancier d'un mineur qui peut fe
faire relever, lui fait un legs fous la condition qu'il
payera la dette à l'héritier , le Payement que fera
le légataire acquittera fa dette , & remplira la con-
dition impofée pour le legs.
Un débiteur qui paye volontairement une dette
qu'il auroit pu faire déclarer nulle en juftice , mais
que l'équité naturelle rendoit légitime, ne peut
revenir contre cette approbation. Ainfi un mineur
devenu majeur , qui paye une dette contraâée du-
rant fa minorité , n'eft pas fondé à répéter ce qu'il
a payé. Il en eft de même d'une femme qui ayant
contraâé une dette fans l'autorifation de fon mari ,
la paye lorfqu'clle eft veuve.
On exécute dans le commerce une fentence des
^uges-confuls de Paris du 9 janvier 1730, fuivant
laquelle les Payemens de fommes un peu confi-
dérables doivent fe faire en facs de douze cents
livres , de mille livres ou de fix cents livres.
On juge d'.iilleurs dans tous les tribunaux , que
celui qui paye douze cents livres dans un fac , peut
exiger fix fous pour le fac, cinq fous fi le Paye-
ment eft de mille livres , 6c trois fous s'il eft de fix
cents livres.
Par arrêt du premier août 1738 , le confeil avoit
réglé que ceux qui fcroient des Payemens au def-
fus de quatre cents livres , ne pourroient obliger
le créancier de recevoir plus d'un quarantième en
fous ; mais , par un autre arrêt du 21 janvier 178 1 ,
le confeil a ordonné que les fous ne fe délivre-
roient plus dans les Payemens que pour les ap-
points qui ne pourroient être payés en écus.
Des lettres-patentes du 1 1 décembre 1774 , en-
PAYEMENT.
ï?
reglftrées à la cour des monnoies le 6 février 1775 ,
ont pareillement ordonné que les pièces de fix fous,
douze fous & vingt-quatre fous , ne pourroient en-
trer dans les Payemens que pour appoints & en cC-
pèces découvertes.
Par arrêt du 28 avtil 1781 , la cour des mon-
noies a fait défenfe à tout particulier de refufer
en payement , & de donner & recevoir , fous quel-
que prétexte que ce pût être , les pièces de deux
fous pour une valeur moindre que celle portée
par l'édit d'oftobre 1738 , lorfqu'il paroîtroit fur
ces pièces , de l'an ou de l'autre côté , des vefti-
tiges de l'empreinte qu'elles avoient reçue , à peine
contre les contrevenans d'être pourfuivis extraor-
dinairement,& punis comme billonneiu-s , fuivant
la rigueur des ordonnances.
Payement, fe dit aufli, en matière de com-
merce , de certains termes fixes & arrêtés , dans
lefquels les marchands , négocians & banquiers »
doivent acquitter leurs^dettes ou renouveler leurs
billets.
Jl y a à Lyon quatre Payemens , de même que
quatre foires franches ; favoir ,
Le Payement des rois , qui commence le pre-
mier de mars , & dure tout le mois.
Le Payement de pâques , qui commence le pre-
mier juin, & dure tout le mois.
Le Payement d'août , qui commence le premier
feptembre , & dure tout le mois.
Et le Payement de touflaint , qui commence au
premier décembre , & dure pareillement tout le
mois.
Suivant le règlement de la place des changes
de la ville de Lyon, du 2 juin 1667, l'ouver-
ture de chaque Payement doit fe faire le premier
jour non férié , de chacun des quatre Payemens »
fur les deux heures de relevée > par une aftera-
blée des principaux négocians de la place , tant
françois qu'étrangers, en préfence du prévôt des
marchands , ou en fou abfence , du plus anciea
échevin»
C'eft de cette aflemblée que commencent les ac*
ceptations des lettres de change payables dans le
Payement; ce qui continue jufqu'au fixlème du
mois incluûveraent , après quoi les porteurs de»
lettres peuvent les faire protefter , fawte d'accepta-
tion , pendant le refte du mois.
Le troifième jour non ferlé du même mois ,
on établit le prix des changes de la place avec les
étrangers, dans une affetiiblée qui le fait en pré-
fence du prévôt des marchands; & le fixième jour
jion férié, on fait l'entrée & l'ouverture du bilan
& virement des parties ; ce qui continue jufqu'au
dernier du mois inclufivement , après lequel il ne
fe fait plus d'écritures ni de virement des par-
ties ; & s'il s'en faifoit quelques-uns , ils feroient
de nul effet.
Les lettres de change acceptées, payables en
Payement, & qui n'ont point été payées avant le
dernier du mois inclufivement, doiveni; être payées
Cij
1© PAYEURS DES GAGES.
fn argent comptant , ou proteftées dans les trois
jours luivans , entre lefqucis les fêtes nefontpoint
comprifes.
\ oyez les lois civiles de Domat ; le journal des
audiences , 6* celui du palais ; les auvrcs dt Henry s ,
& celles de Pothier ; les centuries de le Freftre; les
arrêts de Papon ; la jurifprudenci de Guypape ; les
arrêts de Maynard ; Carondas en fes réponfes , ô-e.
Voyez aufli les articles Imputation , Garan-
tie, NovATiON, Compensation, Change,
Protêt, Prescription, Arrérages, Offres
R££LLES , Subrogation , Caution , 8cc.
PAYEURS DES GAGES. On donne ce titre à
lolficier chargé de payera tous les membres d'une
cour fouvcraine , les gages attribués à chacun de
kurs offices. Ils font eux-mêmes partie du corps
auquel cette foniftion les attache , & ils jouiflcnt de
tous les droits , honneurs , prééminences & préro-
gatives qui appartiennent aux principaux officiers,
rotamment delà noblefle au premier degré, du
droit de commitimus. Sec. Les Payeurs des gages du
parlement font précéder ce titre de celui de tréfo-
ritrs.
Le roi ayant reconnu que le fervice des offi-
ciers attachés à la chambre des comptes pour payer
les gages de fes membres , quoique partagés entre
plulicurs , pouvoit fe faire par un feiil , 6c que le
prix des finances de leur charge avoit été porté
à une fomme û confidérahle, qu'il n'y avoit plus
de proportion entr'elle & les émolumens qui y
avaient été fixés, fa majefté les a tous fupprimés,
pour ne recréer qu'un feul & unique office de
receveur & Payeur des gages , dont la finance plus
modérée niît le titulaire en état de remplir moins
onéreufement les fondions de fa charge.
Un édit du mois de juillet 1775 , enregiftré à
la chambre des comptes de Paris , a accordé au
fieur Bertrand Dufrefne , «c l'agrément de la charge
■» de Payeur des gages de cette cour , en l'au-
» torifant à en faire l'exercice , à compter de la
» même année , & en lui accordant les hon-
» neurs & privilèges dont jouifToient les titubi- J
j> res des offices fupprimés. »
Par l'anicle 4 dii même édit , la finance de
cette office efî fixée à la fom.'ne de cent cinquante
mille livres.
Par l'article ^ , le roi attribue au titulaire , pre-
inièremenr, « fept mille cinq cents livres de gages ,
■n fur le pied de cinq pour cent ; fecondemenr ,
» cinq mille livres de droit d'exercice, lefquels
w gages & droits d'exerctce font fujets au dixième
» d'amoniflement établi par l'édit du mois de dé-
» cembre 1764 , & doivent être employés dans
jj les états des gages des officiers de la chambre
j> des comptes ; troifièmement enfin , le roi ac-
w corde annuellement au même titulaire quinze
V cents livres d'augmentation de droit d'exercice , '
» pour tenir Heu de frais de bareau & autres frais
7> de compiahilité, lefaiHcls ne peuvent, en zu-
9 cua temps être fu;ets ï là letçniie da dixième , ^
PAYEURS DES GAGES.
» ni à aucune autre retenue quelconque ».
Les fonds deftinés au payement des gages font
affignés fur les fermes générales. Se payés par l'ad-
judicataire.
Les titulaires de la charge de Payeur des gages ,
doivent rendre le compte de leurs exercices à 1»
chambre des comptes.
Une déclaration du rei du 15 août 1777, pouf
prévenir toute difficulté relativement aux privilè-
ges & au rang du Payeur des gages de la chambre
des comptes , porte exprtffément , que le titulaire
de cette charge jouira de la noblefTc au premier
degré . & la tranfmettra à fes defcendans s'il meurt
dans l'exercice de fa charge, ou s'il a obtenu des
lettres d'honoraire après vingt ans d'exercice , de
même que les Payeurs des gages des cours de par-
lement & des cours des aides. A l'égard du rang
qu'il doit occuper, la même déclaration veut qu'il
foit réputé être du corps , & faire partie des offi-
ciers de la chambre, t(u'il y ait entrée aux jours de
ccrémonies feulement , « qu'il y affifle en robe de taf-
K fêtas ou moire noire, & qu'il prenne place entre
» les greffiers enchef & les Iwifliers ». (^Article de
M, DE Ljt Croix ^ avocat au parlement^,.
PAYEURS DES RENTES. Les Payeurs des
rentes font des officiers établis pour payer toutes
les rentes , foit perpétuelles , foit viagères , due»
par le roi : leur cvrigine remonte à l'année 1 576.
Les édits de création de leurs offices , leur don-
nent la a qualué des confeillcrs du roi , tréforiers
» receveurs généraux & Payeurs des rentes da
» l'hôiel- de-ville de Paris, receveurs des confi-
» gnations , dépofitaires de débets de quittances *
» commiifaires aux rentes faifies réellement , &
» greffiers des feuilles & immatricules ». Ces édits
leur accord."nt différens privilèges & exemptions ,
& notamment ceux des receveurs généraux des
finances , qui font les mêmes que ceux qu'on a
attribués aux officiers des bureaux des finances :
ces privilèges font énoncés dans la déclaration du
roi du 28 janvier 1576 , & les édits d'avril 1594 ,.
mai 1608, & 5 avril 1707, auxquels les différens
édits de création fe réfèrenr.
Le grand intérêt qu'ont prefque tons les ordres
de citoyens dans les rentes dues par le roi , exige
que nous donnions un détailun peu circonftancié
des fonâions de ces officiers.
Les Payeurs des rentes font tenus de faire leurs
payemcns à bureau ouvert à l'hôtcl-de-ville , fous
les yeux de MM. les prévôt des marchands 8c
échevins , juges en première inftance de toutes les
difficultés qui peuvent furvenir non-feulement aa
moment du payement, mais antèrieurejrent ou
poftérieuremcntà iceltii, defqnels jngemens l'appel
fe relève an parlement. Le payement, conformé>-
ment à l'ordonnance de. 1672 ^ doit hixc précédé
de l'appel des rentiers quionr dû fournir leur quit-
tance an Payeur au moins huitaine auparavant , 6c
ter appel doit être fait par ordre alphabétiq^Rc t
PAYEURS DES RENTES.
cette obligation de la pan des rentiers de foHrnîr
leurs quittances &c leurs pièces au Payeur huit
jours avant le payement , paroit au premier coup-
d'œil injufte & l'ujette à des inconvéniens ; mais
elle eft abfolument nécelfaire pour les intérêts du
roi , &: par fuire pour ceux du Payeur , qui ne doit
acquitter que ce que le roi doit , & qui n'en doit
faire le payement qu'à ceux qui ont réellement
droit de l'exiger. Cette remife de quittances anté-
rieurement au payement , ne peut d'ailleurs en-
traîner aucun abus , parce que le Payeur ne peut
pas être libéré parla feule quittance' des rentiers,
mais feulement par la réunion de la quittance &
du contrôle , qui conflate que le payement a été
cffeélué. La preuve du contrôle eft de nature à être
admife feule en cas de défaut de quittance , fi par
cas fortuit le Payeur fe trouvoit hors d'état de re-
préfenter les acquits des rentiers à l'appui de fon
compte.
La forme du contrôle des paycmens de l'hôtel-
^c-ville , eft peut-être la feule qui fub/îfte en fi-
nance , fans abus; la feule où le contrôleur ait
vraiment des fondions utiles au roi , au public &
au Payeur. D'après fon inftitution , le contrôleur
a/n/le toujours en perfonne aux payemens ; il tient
regiftrc de tous les rentiers qui répondent, exa-
mine f\ ceux qui fe préfentent aux payemens font
les propriétaires des rentes, porteurs des contrats
ou des procurations & pouvoir des rentiers ; alors
il décharge les parties aux noms de ceux qu'il trouve
dans le cas de toucher , & le Payeur en fait le paye-
ment effedif. C'eft lui qui eft véritablement le juge
du payement , dont il donne fon certificat au
Payeur , au pied d'un double regiftre d'appel tenu
par le Payeur ; & cet officier, à la fin de chaque
payement , fournit au bureau de la ville & à l'ad-
miniftration , un extrait de ce même regiftre , con-
tenant le total du payement qui a été fait : par ce
moyen l'adminiftration a jour par jour le bordereau
de la caiffe des Payeurs des rentes.
Ce regiftre de contrôle a un autre grand avantage
pour le public, c'eft qu'en vertu d'un extrait du
contrôle , il peut obtenir la contrainte par corps
contre un receveur infidèle & rétentionnaire.
Les Payeurs des rentes n'ét«ient point dans l'ori-
gine receveurs des confignations , mais bien dépo-
fitaires des débets de quittances , ce qui devoit
opérer le même effet: mais dans un befoin de l'état,
le gouvernement imagina de créer un receveur des
confii^nations ; cet office fut à peine créé par édit
de feptembre 1625 » H*^''' ^"t fupprimé 8c uni pour
toujours aux offices de Payeurs des rcfltes, d'abord
par arrêt du confeil du 3 juin 1626, & enfin par
édit de juillet de la même année.
parce qu au moyei
de ce que ces titres ne font point exercés par d'au-
tres officiers, la plénitude des fonds faits parle rof,
jf«-t eu eutier à l'acquit des rentiers , & tous les
PAYEURS DES RENTES. 21
débets des quittances , qui , fuivant différenscdits,
dévoient plus ou moins long-temps refter entre les
mains des Payeurs, avant d'être par eux reverfésaii
tréfor royal , doivent fervir journellement au paye-
ment des arrérages courans & des remplacemens
réclamés par les rentiers , qui n'ont plus à attendre
qu'il foit ordonné un fonds nouveau pour ces rem-
placemens.
Ce nouvel ordre de finance, qui ôte tout foup-
çon fur l'emploi que les Payeurs pouvoient faire
de leurs débets , a été fixé par l'article 8 de ledit
de mai 1772 » qui ordonne , en dérogeant aux dif-
pofitions de l'ordonnance de 1669 , pour la préfen-
tation [des comptes , que les trente Payeurs réfervés
par ledit édit , ne feront plus tenus de préfenter leurs
comptes , qu après que les états </e d'iflrihutian des ren-
tes auront été arrêtés au cvnfeil , lesquels états ne con-
tiendront,, à compter de Cannée ijyi , que les fommes
qui auront été effeSlivement payées par lefdits Payeurs,
fur chacun de leurs exercices.
Un arrêt ûu parlement de Paris, rendu contra-
diâoirement le 16 juin 1777, portant règlement,
maintient les Payeurs des rentes de rhôtel-de-ville
de Paris dans leur qualitéde feuls receveurs des con-
fignations , commiJiaires aux rentes faiftes réellement ,
depojtt aires des débits de quittances , & de feuls jequcf-
tres des arrérages de rentes fur l'hôtel-de-ville ; ordonne
en outre que , conformément à l'article 10 ■ie Pédit du
mois de février iji6, concernant la police aefdites
rentes ,tûutei fignificjtions d'arrêts ,jugemens & fen*
tences à faire , 6* toutes offignations à donner aux
Payeurs défaites rentes , pour raifon également defdites
rentes , feront vfés & paraphés par les Payeurs d'icellts ;
qu'à cet effet , tous huijfiers , porteurs defdites affi<rna-
tions& fignifications , feront tenus de laiffer les origi-
naux & copies défaits exploits de fignifications & affi-
gnations , auxdits Payeurs defdites rentes^ pour les
reprendre dans vingt-quatre heures , viféi & paraphés,
le tout à peint de nullité.
La qualité de commiifaires aux faifies réelles des
rentes , n'a point été conférée expre/Tément aux
Payeurs des rentes , lors de leurs premières créa-
tions ; on voit cependant qu'elle avoit toujours été
cenfée comprife dans celle de dépofitaires des dé-
bets de quittances : car le roi ayant , par édit de fé-
vrier 1626 , créé en titre d'office des officiers com-
milTaires receveurs des deniers des faifics réelles ,
donna, le 24 mars 1627, une déclaration qui fixe
les objets auxquels lefdits officiers pourront être
établis commiffaires, & détermine ceux qui feront
exceptés de leurs commiflîons , du nombre des-
quels font les rentes fur la ville.
^ L'édit de création des commiflaires aux faifie*
réelles des jurifdidions de la ville de Paris , de dé-
cembre 1639, leur donnoit le droit d'être établis
commiflaires aux rentes faifies réellement ; mais ,
fur la réclamation du bureau de la ville , le roi , par
édit de février 1641 , révoqua ce titre à l'égard
des commiftaires aux faifies réelles, & le conféra
aux Payeurs àss rentes , pour être par eux exercé
ai PAYEURS DES RENTES.
comme lefdits commifiaires avoient droit de le faire ,
aux termes de Tédit de leur création : le roi fe déter-
mina d'autant plus volontiers à conférer ce titre aux
Pleurs des rentes , qu'il fupprimoit , d'après leurs
offres , lui droit de douze deniers pour livre , qui
étoit attribué aux commiffaires aux faifies réelles fur
les rentes faifies réellement.
Depuis cet édit de février 1642, la fonâion de
commiffaires aux faifies-réelles a été confirmée aux
Payeurs des rentes par tous les édits de création de
leurs offices ; & toutes les fois qu'elle a été atta-
quée , ce qui a été rare , elle a été confirmée , tant
par les tribunaux ordinaires , que par le confeil.
On fe contentera de citer l'arrêt rendu contradic-
toirement au confeil , avec le fieur Forcadel ,
commiflaire aux faifies réelles , le premier avril
1704, qui fait défenfe audit Forcadel de s'immif-
cer-en la recette des arrérages de rentes , & d'ap-
porter aucun trouble aux Payeurs ; les édits d'août
1707 , feptembre 1714 , juin 1714 , & février
1716 , confirment exprefTément cette qualité. L'en-
regifirement de la faifie réelle chez le Payeur , im
mobilife les arrérages , de manière qu'ils font dans
le cas d'être difiribués par ordre d hypothèque ,
après l'ordre fait ou ordonné en jufiice.
Enfin les Payeurs des rentes font greffiers des
feuilles & immatricules. L'édit de juillet 1637 leur
attribue , en cette qualité , trois livres pour l'imma-
tricule des rentes de cent livres & au-deffus , trente
Tous pour celles qui font au-defiibus , vingt fous pour
l'enregiftrement de chaque faifie , & dix fous pour
chaque main-levée. Tous les édits de création pof-
térieurs rappellent ou confirment ces qualités aux
Payeurs des rentes, & les attributions deîdits droits.
L'édit de février 1642 , eft le premier qui ait
érigé en titre d'office , des commis principaux des
Payeurs , avec pouvoir de faire les payemens ,
figner les vifa des faifies & autres afles , à la charge,
par les Payeurs qui jugeroient à propos de leur
iaiffer lefdites fonflions , d'être garants de leurs
ecfiions. Comme cet édit donnoit la permiffion aux
Payeurs d'unir & incorporer ces offices aux leurs ,
il y a grande apparence que cette réunion a été
faite. Auffi tous les édits poftérieurs créent les
Payeurs avec cette nouvelle qualité , d'où réfulte
le droit qu'ils ont de fe faire fuppléer, dans les
cas forcés , par leurs commis , dont ils font tou-
jours garans.
Les anciens règlemens avoient flatué , pour la
commodité du public, que les Payeurs des rentes
donneroient chaque femaine une matinée pour
donner au public les éclairciffemens qu'il pourroit
defirer relativement à fes rentes : cet établiirement
fubfifte dans toute fa vigueur.
Le deCr de fatisfaire de plus en plus le public ,
a donné lieu de former en 176a un autre érabliffe-
ir.ent , c'eft celui du comité des Payeurs des rentes.
Ce comité , compofé d'anciens officiers de la com-
pagnie , fe tient tous les jeudis de chaque femaine.
PAYEURS DES RENTES.
Toutes les plaintes que le public peut avoir à
former , toutes les queflions qu'il peut avoir à faire
réfoudre , font traitées , entendues & difcutées;&
ce tribunal intérieur, qui n'a aucune autorité coac-
tive p«ut faire exécuter fes décifions , efl néan-
moins , par la confidération qu'il s'eft acquife de
la part de tous les Payeurs & du public , l'oracle
qui décide fans frais de tout ce qui eft journelle-
ment foumis à fou jugement.
Avant rie finir cet article , il faut dire que les
Payeurs des rentes jouiflent encore d'un privilège
qui leur eft particulier ; c'eft celui de ne pouvoir
être contraints en leurs perfonnes , ou biens pour
le fait des rentes dont ils font Payeurs ; mais qu'ils
peuvent l'être feulement en leurs bureaux à l'hôtel-
de ville. L'édit d'avril 1671 , qui enjoint à tous
huiffiers porteurs d'arrêts, jugemens ou fcntenccs
qui condamnent les Payeurs des rentes à vider
leurs mains des arrérages d'icelles, de fe rendre à
l'iiôtel de ville aux jours ordinaires des payemens,
pour exécuttr les condamnation? & recevoir les ar-
rérages des Payeurs , ordonne que lefdits huiffiers
porteurs de contraintes feront tenus de les commu-
niquer huitaine auparavant aux Payeurs , & de leur
en laifl'er copie , & qu'en cas de refus du Payeur , il
lui fera donné affignarton pardevant les prévôt des
marchands & échevins , pour être la caufe jugée
fur le-champ.
L'ordonnance de 1672 , chap. 3 i , article 5 , re-
nouvelle les difpofitions de cet édit. Une multitude
d arrêts , foit antérieurs , foit poftérieurs à ces édit»
& ordonnances , l'ont ainfi jugé. Un arrêt de rè-
glement du 10 mars 1746 , lignifié à toutes les
communautés d'kuiffiers de cette ville , ordonne
l'exécution defdits édits & ordonnances , enjoint
au bureau de la ville de tenir la main à l'exécution
de l'arrêt Si des règlemens concernant le payement
des rentes; & en cas de contravention , rébellion
& violence , permet de faire emprifonner les con-
trevenans , à la première réquifition du Payeur re-
fufaat.
Ce n'eft pas fans quelque fondement que les
Payeurs des rentes font perfuadés qu'ils étoient au-
trefois membres du corps de ville, & qu'en confé-
quence ils avoient droit d'y fiéger , lorfqu'il s'agif-
foit des affaires relatives aux rentes ou à leurs
charges ; c'eft , fuivant toute apparence , à ce titre
que le doyen d'entr'eux recevoit autrefois annuel-
lement , de la part de la ville, une certaine quan-
tité de livres de bougies &. de jetons. Ils ont laifle
enfevclir fous le temps ces prérogatives , & il fe*
roit peut-être difficile de les faire revivre.
Le nombre des rentiers augmentant infenfiblc-
ment , il fallut augmenter graduellement celui des
officiers prépofés à leur payement. En 1719, ils
étoient portés au nombre de 79.
Ces officiers ayant été enveloppés dans la prof-
cription générale qui frappa alors tous les offi.ces
delà finance, furent fupprimés. Le papier mon-
noie , qui étoit fubftitué aux contrats , rendoit efr
PAYEURS DES RENTES.
feâivement leur fervice inutile ; mais les cliofes
ayant été rétablies en lyao , on en créa alors
douze , & à mefure que les liquidations des créan-
ces fur la ville s'avançoient , on en augmenta le
nombre jufqu'à cinquante , nombre auquel ils ont
été fixés pendant trente-huit ans.
Les quatre pour cent de 1758 , occafionnèrent
une création de dix Payeurs des rentes; en 1760,
on leur en ajouta quatre. Enfin l'édit du mois de
juin 1768 , qui ordonnoitla convcrfion en contrats
de tous les effets au porteur , créa dix nouveaux
©fficiers pour en faire le payement ; ce qui en re-
mit le nombre à foixante-quatorze.
Mais en 1772 , première époque de tous les ©ra-
ges qui ont fondu fuccefTivcment fur toutes les
parties de la compiabiliié , les Payeurs des rentes ,
par une fuppreflîon de quarante-quatre d'entr'cux ,
fe font trouvé réduits à trente ;&. tel eu. le nom-
bre où ils font aujourd'hui.
Pour donner un apperçu rapide des fecours que
ces officiers ont donnés à l état , on fe contentera
de dire qu'en 172a, leur finance étoit de cent cin-
quante mille livres , à quoi turent ajoutées fuccef-
vement, en 1725 , fept mille livres, en 1728 qua-
rante mille livres » en 1734 cinq mille deux cents
livres » en 1735 quarante mille livres, en 1743 ^"^"
rante quatre mille huit cents livres, en 1759 vingt-
cinq mille livres, en 1760 vingt-cinq mille livres ,
en 1770 vingt-cinq raille livres , & enfin en 1770
cent foixante-quinze mille livres.
Les gages des offices de Payeurs ont été de
tout temps de cinq pour cent fans retenue, avec
attribution de 1 & demi , connu fous le nom de ta-
xations. Les édits que nous n'avons fait qu'indi-
quer, s'accordent tous dans cette fixation de rêve
nus. Si , à l'époque de 1764, ce privilège a paru
recevoir quelque atteinte relativement à la non re-
tenue d'impofitions royales fur leurs gagi^s, l'in-
demnité proportioiînelle qui leur en fut payc'-e pen-
dant plulieurs années fucceflîves, prouve que l'édit
de décembre 1764, n étoit qu'un arrangement de
finance , pour éviter le trop grand nombre de ré-
clamations.
Les charges des Payeurs des rentes ayant tou-
jours été polîédées par des citoyens honnêtes &
qui jouilTent de la confidération que donne une
fortune légitimement acquife, elles ont toujours
été recherchées, & c'efl-là une des raifons du prix
énorme aquel elles fe font toujours vendues.
Un édit de janvier 1634 porte,, u qu'en cas de
» rachat & amortififement des rentes , extinctions
V & fuccefiions defdits offices ou autrement, ne
» pourront lefdits receveurs être rembourfés fur
î» le prix de la finance defdits offices , ains fur le
M prix courant, fuivant les dernières ventes & ac-
» quifuions qui en auront été faites par eux ou
M leurs confrères , par contrat eu compromis paf~
» fés devant notaires fans fraude , ou fur le pied
» du courant de la vente d'iceux , & de ce qu'ils
» auront payé pour jouir de ce q^ue deiTus , éc de
PAYEURS DES RENTES, aj
M leurs frais & loyaux coijts , dépens , dommages
» Si. intérêts w.
Cet édit, qui, loin d'être révoqué par aucune
loi fubféquente , fe trouve au contraire confirmé
par ceux de mars i6éo, & de juin 1714, a fait
la bafe de l'enregirtrement de là fupprelTion des
Payeurs des rentes en 1772. On peut ajouter qu'il
a été invoqué avec fuccès par ces officiers fuppri-
més ; c'efl a la juftice & à l'évidence de leurs re-
préfentations , qu'cfi due l'indemnité qu'ils ont d'a-
bord obtenue du minière même auteur de leur
deflruâion , par un intérêt dans les domaines ; in-
demnité qui a été enfuite remplacée par un contrat
fur les aides & gabelles.
La comptabilité des Payeurs des rentes eu en-
core un objet qui a fubi bien des variations > qu'il
n'efl pas inutile au moins d'indiquer.
Long-temps ils furent dépofitaires pendant vingj
ans des fommes qui n'étoient pas réclamées , Bc
ce n'étoit que la deuxième année qu'ils portoient
au tréfor royal le montant de ces fommes , qu'on
appeloit débets. Les befoins de la finance ayant
éveillé l'attention du miniflre fur cet objet, ces
vingt années furent réduites à fept ; en 1770,
on reftreignit ces fept années à quatre. Enfin , l'é-
dit de 1772 abolie entièrement les débets. Cet édit ,.
qu'on peut regarder comme un chef-d'œuvre,
quant à la partie de la comptabilité , a fervi de mo-
dèle à la plupart de ceux qui l'ont fuivi. Les Payeurs-
des rentes ont donc été les premiers de tous les of-
ficiers des finances qui ont été réduits à des taxa-
tions fixes pour tout émoUimenr.
Une autre difpofiiion de cette nouvelle comp-
tabilité confifîe en ce qi!-3 4es fonds ne font jamais-
complétés fur un exercice, qu'après fa clôture en-
tière, quant à la dépenfe. D'après un tel plan ,
point d'excédent ni de déficit de fonds du fait des
Payeurs des rentes, leurs comptes font toujours
jugés partant ^ai/re.f. Quoique ce nouvel ordre de
chofes paroifTe tarir la fource des bénéfices qu'on
atttibuoit autrefois à ces charges , il n'en cft pas
moins précieux pour les titulaires. 1°, Il les lave
de tout foupçen envers le public, de recourir à
des fubtilités pour retarder des paycmens. 2".
Comptables de norri feulement , ils font de fait
moins comptables qu'aucun tréforier. La chambre
dos comptes a mis le dernier fceau à cette vé-
rité p-ar fon arrêt du 20 février 1779 5 îeauci'
porte t « qu'en cas d'excédent de fonds fur au-
)) cuns des comptes des Payeurs des rentes , ces
j) officiers , au lieu d'en porter le montant au
n tréfor royal, comme ils le faifoienr ci-devant.
)? en feront reprife dans un. des exercices ûiivans ».,
Payenanf des rentes^
En vain on voudroit remonter plus haut que
1672, pour découvrir d'une manière certaine la
forme fous la<}uelle fe faifoient les payemens de
la ville y à déf.i-ut d'autre guide, l'ordonnance qui
porte cette date y nous iaflrult Taffifamment de U
î4 PAYEURS DES RENTES.
marche qui étoit alors obfcrvée.
En effet, elle nous apprend, chapitre 31, 1".
que les rentes ne fe payoïent pas par ordre al-
phabétique : 2'. qu'elles s'acquittoient tous les
trois mois : 3°. par une conféquence néceflaire ,
que les parties de rente étoient alors très-peu
nonibreuics.
L'ordonnance de 1671 , en introduifant de nou-
velles formes , commandées par l'accroiffement
des rentiers , en lailToit fubfirter d'anciennes qui
n'ont pu fe foutenir long-temps ; elle permet , par
exemple , article 6 , à tous ceux qui étoient char-
gés de mandats fous feing-privé des rentiers , de
recevoir leurs rentes ; cette difpofition de faveur
ne pouvoit avoir lieu, qu'autant que le petit nom-
bre des rentiers permettoit au Payeur de connoî-
tre les fignatures de chaque individu , mais aujour-
d'hui il n'eft plus permis à aucun particulier de
s'immifcer dans des recettes de rentes , qu'il ne
foit muni J'un contrat ou pièce équivalente , ou
d'un pouvoir devant notaire, & avec minute.
Les Payeurs renfermes à la ville dans l'exer-
cice unique de leur charge , qui efl d'y d<;livrer
des deniers , n'y font plus juges des pièces, comme
ils le font dans leurs bureaux particuliers de celles
Ïiii leur font préfentces à l'appui de quittances,
,es conrrôleurs (om feuls chargés de cet examen ,
tk. ils foat cautions parla de la validité des Paye-
wens.
Quelques perfonnes, preflees de toucher leurs
revenus , ont fouvent murmuré contre la marche
des payemens de la ville , & f« (ont plaints qu'elle
fût û pefante ; mais elles en excuferoient fans
doute la lenteur , fi elles faifoient réflexion que
fi cet ordre de chofe eft incommode pour quel-
qu'un , il l'eft prefque autant pour le Payeur
ue pour le rentier ; que cette multiplicité de
ormes aflure l'intérêt du roi & celui des par-
ticuliers.
Et en effet, un Payeur qui a reçu la veille une
fomme quelconque , ne peut fe difpenfer d'en faire
emploi le lendemain fous les yeux du public & du
miniflre lui-même, qui en a le bordereau aufïï-tôt
après le payement. C'efl par-là que le miniftre ,
fuivant de l'œil jour par jour la conduite de cha-
que Payeur, ell certain en même-temps de l'em-
ploi des deniers & fur la forme & fur le fond.
Le publie eft aufli tranquille fur la manière dont
fa rente eA acquittée ; il eft siîr qu'une rente ne peut
être payée qu'au rentier lui-même ou à celui qu'il a
chargé de la recevoir.
D'après ces réflexions, ne doit-il pas paroître très-
étonnant que , fous un miniftère auffi éclairé que le
nôtre, on voie encore quelques tréforiers payer
dans des bureaux particuliers 8c fans le concours
d'un contrôleur: on frémit , quand on penfe aux
défordres qu'une difpofition fi légère pwurrolt au-
torifer. En effet , une quittance fournie d'avance
ne pouvant jamais faire préfumer un payement ,
qui peut empêcher un tréforier , jujje & partie dans
l
PAYEURS DES RENTES.
fa propre caufe , d'établir des feuilles de payemens l
& de le créer des décharges à fon gré .•* £n vain on
inculperoit fes regiftres ; ce contrôleur , que per-
fonne ne voit , que perfonne ne connoît , eft à
toute heure fous la main & aux ordres de fon tré-
forier. Celui-ci peut donc en tirer en tout temps
tous les fecours qu'il feroit dans le cas de lui de-
mander.
Une déclaration du roi a fait difparoître des paye-
mens un fujet de mëcontement qui renaifToit cha-
que fois que les rentiers recevoient leur argent. Le
roi , en banniffant de toutes les caifTcs l'abus de
payer un quarantième en facs de fous, fur lefquels
les particuliers perdoient un fixiéme par la fraude
qui avoit altéré ces facs , a donné le premier l'exem-
ple de cette réforme , en interdifant à fes Payeurs
des rentes la faculté de paffer des facs de fous
dans leur payement , & en ne les autorifant à don-
ner cette monnoie que pour compléter la fomme
& faire les appoints.
L'ordre de la diftribution des fonds efl , comme
on le voit, porté au plus haut degré de perfeéfion.
La police relative aux difficultés qui peuvent s'éle-
ver entre les Payeurs & les rentiers , n'eft pas
moins digne d'éloges. Il exifte, comme nous la-
vons déjà dit , un tribunal intérieur parmi ces
ofKciers , où toutes les caufes de refus qu'on y dé-
nonce, font examinées, réfléchies & balancées
avec la plus férieufe attention ; la décifion de cette
efpèce de juridiâion , facrée peur la compagnie des
Payeurs des rentes , eft fuivie par tous fes diffe-
rens membres avec la plus grande déférence pour
l'impartialité de leurs confrères. Mais fila décifion
de ce tribunal , qui ne peut s'écarter des formes
reçues , ne paroît pas jufte aux parties intéreffées ;
elles ont leur recours au bureau de la ville. Le
rentier y préfeote une requête ; fur le rapport , le
procureur du roi conclut^jr un /bit cêmmuniqué au
Payeur , pour que celui-ci déduife fes raifons. Le
payeur , qui ne demande qu'une décharge , expofe,
dans fa réponfc figncc , les motifs de fon refus , en
concluant ordinairement qu'il s'en rapporte à la
prudence du bureSu. Si la Ville prononce que la
partie peut être payée, le Payeur y adhère avec
d'autant plus d'emprcfî'ement , que la fentence lui
produit une décharge fuffifante , & qu'il n'a point
d'autre objet à defirer.
Foyei le recueil imprimé fous le titre de contrôle des
renies , & les mots Re^VTE PERPÉTUELLES & VIA-
GÎiRES , Saisies, &ç. {Cet article ejî M. de la
Choix f avocat au parlerriint^.
PAYS REDIMES. On appelle ainfi, en matière
de gabelle, les provinces qui ont été adœifes au
rachat des droits de gabelles.
Les habitans du Pcitou , de la Saintonge » des
villes bi gouvernement de la Rochelle , de l'Angou-
mois , du baut îk. bas Liraofm , de la haute &. bafTc
Marche, du Périgord , & des enclaves & anciens
rellorts de ces pays , offrirent à Henri II une
fomm»
PAYS REDIMES.
fomme de quatre cent cinquante mille livres pour
obtenir la fuppreirion de la gabelle établie par
François premier , ainfi que des greniers & maga-
fins a fel, &. des officiers qui avoient été créés 6l
inftitués à ce iiijet : ils fe foumettoientà rembourCer
les finances que le roi avoit reçues pour ces offi-
ces , ik Tupplicient le roi de rétablir les chofcs
dans leur ancien état , qui étoit le payement du
quart Sf demi-quart fur le Tel , qu'ils s'engageoient
de porter chaque année jufqu'à la concurrence de
quatre-vingt raille livres.
Ces ofires furent acceptées par un édit donné
à Amiens au mois de feptembre 1549. Les droits
furie Tel furent réduits au quart & demi-quart ,
fuivant l'ancienne forme : les greniers à fel , ainfi
que les officiers qui y avoient été prépofés, furent
Supprimés; ces provinces furent chargées du rem-
bourfement de ces officiers en deux termes fixés
par ledit , & les quatre cent cinquante mille livres
déclarées payables, favoir, les deux tiers par les
gens du tiers état , & l'autre tiers par les gens d'é-
glife 8c les nobles , par égale portion. Les états fu-
rent chargés en outre , fuivant leurs offies , de
faire valoir le quart & demi-quart , jufqu'à concur-
rence delà fomme de quatre-vingt mille livres de
deniers clairs 6t nets , & toucs charges déduites,
&. autoiilcs à faire un bail général ou des baux
particuliers pour une , deux ou trois années , à
commencer du premier janvier fuivant.
Les droits de quart & demi-quart , quint &
demi-quint, que laifToit fubfifter cet édit , furent
depuis rachetés & entièrement éteints par un édit
du mois de décembre 15^3.
Les pays compris dans cet édit , font le Poitou
& ancien reflbrt , la Saintonge , les villes & gou-
vernement de la Rochelle, Marennes , Oleron ,
AUevert , Hieres , Rhé & autres îles adjacentes ,
l'Angoumois , le haut & bas Limofin , la haute &
baffe Marche ,1e pays de Combrailles , Francaleu ,
le Périgord , la fénéchauffée de Guienne & le pays
Bordelois, y compris Soulac , l'At.enois , Baza-
dois , Quercy , Condomois , le's Landes , Arma-
gnac , Felenzac , Comminges , Saint-Giron , les
vigueries de Rivière & Verdun , & autres pays &
lieux qui fe fourniiToient de fel dans les marais fa-
lans de Poitou , Saintonge , Guienne , & dès îles
adjacentes.
Tous ces différens Pays font rappelés dans l'édit ,
ou comme fujets au droit de quart & demi , ou
comme devant retirer du profit & des avantages de
fon abolition.
Il paroît par le préambule de l'édit, que Henri II ,
preiré par la néceffité des conjondures , avoit fait
propofer aux -états de difïérens Pays , de racheter
cet impôt fur le pied du denier douze du produit
de la ferme qui en fubfiftoit alors. Les fyndics
& députés de ces états , munis de procurations fuf-
fifantcs ,s'étoient rendus à Poitiers au jour qui avoit
été indiqué, où, d'ajîrés leurs infircélioris & en
préfence des commifiaires du roi, ils avoient de-
T»me XIII.
PAYS REDIMES. iç
mandé d'être admis à ce rachat , comme auflî utile
que profitable à leurs Pays.
Le roi , acceptant leurs offres , leur vend &
tranfporte, par contrat perpétuel & irrévocable,
fes droits de quart & demi-quart de fel , s'engage
pour lui & fes fucceffenrs à ne les point rétablir ;
veut que la perception en cefle , à commencer du
premier janvier fuivant, & qu'à l'avenir les habi-
tans de ces pays puiffent franchement & librement
vendre, débiter, troquer & échanger , diflribucr
& tranfporter par mer , par rivière & par terre , &
dans tous les endroits defdits Pays , îles & marais
falans , le fel, ainfi que bon leur femblera , fans
qu'ils puiffi;nt être inquiétés ni troublés par quel-
ques perfonnesque ce foit, pour ra:fon dudit quart
& demi.
Le prix de cette vente & ceffion eft fixé par
l'édit à un million cent quatre-vingt-quatorze mille
livres , fur le pied du denier douze du produit
de la ferme , d'après la liquidation qui en a été
faite.
Il eft dit que dans cette fomme ne fera point
comprife celle de neuf mille fix cens livres pour
la compofition de la province d'Auvergne.
L'édit contient des défenfes, fous peine de con-
fifcation de corps & de biens, de tranfporter le
fel des P.'.ys déchargés du quart & demi , dans ceux
où la gabelle a cours ; & interdit , pour prévenir les
verfcmens, les magafins &: dépôts de fel dans la
lieue limitrophe des Pays de gabelle , en exceptant
néanmoins les villes cîofes defdiyjj Pays redîmes ,
qui pourroicnt (e trouver dans cette diftance.
On vient de voir que l'édit de i 5 if 3 énonce que
dans la fomme fixée pour le rachat de la gabelle,
n'étoit point comprife celle de neuf mille fix cens
livres pour la compofition de la province d'Au-
vergne : il jaroît que cette province , à l'exception
d'une partie de la haute Auvergne , qui étoit des
gabelles du Languedoc , avoit été admife à payer,
pour tenir lieu de la gabelle , un équivalent ou
fomme annuelle , qui avoit d'abord été fixée à neuf
mille fix cens livres : diflérens édits & lettres-pa-
tentes de; Charles VU & de Charles VIII , & entre
autres l'édit du 14 oâobre 1493 , avoient fixé les
rivières d'Alagnon ^ de Jourdanne, comme de-
vant fervir de limites dans les montagnes d'Au-
vergne pour régler les paroiifes qui Aeyo\ent être
affijjetties à fe fervir du fel de Languedoc , & celles
qui avoient la liberté de fe fervir cïu fel de Guienne
& de Poitou.
François premier ayant ordonné le rétablifTc-
ment des greniers à fel en Auvergne , Henri II,
par difîércns édits , & entr'autres par des lettres-
patentes du mois d'oélobre 1557 , permit aux ha-
bitans de la partie de l'Auvergne , étant hors de la
gabelle de Languedoc, de prendre, où bon leur
fembleroit, le fel dont ils auroisnt befoin , fans
payer aucu-i droit de gabelle, moyennant une
fomme de quatorze mille quatre cens livres , que
les gens du tiers état du pays s'obligèrent de payer
D
2(S
PAYS REDIMES.
aniuicUmcnt au roi par forme d'équivalent.
Cet équivalent a été impofé avec la taille , &
diftingiié longtemps par un article Céparé ; il eft
atijoiird Iiui confondu avec le principal de la taille.
11 s'agit maintenant de faire connoître la police
à laquelle les provinces dont il s'agit ont été aflu-
jetties dans les parties qui avoifinent les pays de
gabelles.
Il a éo^établi des dépôts auxquels ont été affec-
tées un nombre de parcifles des Pays redîmes ,
dont les liabitans font obligés de fe fournir chez
les marffhands de fel autorifés & fournis à des rè-
gles , qui ont pour objet de reflrcindre la confom-
mation des relTortiffans à des quantités proportion-
nées à leur famille & déterminées par l'ordonnan-
ce , afin de pourvoir aux inconvéniens d'une com-
inunication inévitable avec les pays de gabelles.
Le titre 16 de l'ordonnance de 1680, détermine
les lieux où ces dépôts feront établis , en fixe les
arrondiflemens & la confommation des hnbitans
des paroiffes qui y font fujettes , à raifon d'un mi-
not par an pour fept perfonnes , tant pour le pot
& la falière que pour les greffes fulaifons ,à peine
de confilcation de l'excédent , & de deux cens li-
vres d'amende ; il défend de faire aucun amas de
fel dans l'étendue de ces paroiffes , à peine decon-
iifcation & de quinze cens livres d'amende pour ^
la première fois , & en cas de récidive , d'être punis ^
comme faux-faunieis.
Quoique les différentes difpofitlons de ce titre
de l'ordonnance de 1680 , euffent réglé la police
& l'adminlflration de ces dépôts, il s'y étoit ce-
pendant gliffé différens abus, foit par une interpré-
tation vicieufe de quelques-uns des articles de l'or-
donnance , foit par le relâchement qui s'étoit in-
troduit dans fon exécution : cela détermina le
roi à expliquer, par une déclaration du 22 novem-
bre 1722 , les articles qui pouvoient avoir quelque
obfcurité, & à affurer, d'une inanière convenable,
la réttie de ces dépôts, en ajoutant de nouvelles
iprécautions à celles qui avoient déjà été prifes par
l'ordonnance. ^
La déclaration annulle & révoque toutes les per-
miffions qui avoient été données jufqu'à cette épo-
que, aux reffortiffans des Pays redîmes, pour ame-
ner du fel au dépôt; elle ordonne qu'il en fera donné -
Renouvelles. . ,, . „ ,
Elle défend aux juges des dépôts d en accorder
à l'avenir finon à des perfonnes folvables , domici-
liées & connues pour telles, & du^confentement
eu fermier ou des commis aux dépôts par lui pré-
pofés , à peine d'interdiction.
Elle enjoint aux juges de ne donner les permif-
fions que j^ufqu'au nombre néceffaire & fuffifant
pour le fervice & fourniffement des dépôts , & ce
àraifon de la confommation qui s'y fait année com-
mune , & de cinq cens boiffeaux ou cent foixante-
dix-fept minots, mefare de Paris, pour chaquo
foiirniffeur, dérogeant à cet égard à l'article 7 du
titre 16 de l'ordonnance de ji^Sq, qui permette u
PAYS REDÎMES.
d*amener aux dépôts telle quantité que bon leur
fembleroit, à ceux qui s'étoient fait iiifcrire au
greffe du dépôt , & en prenant fmiplement du co;r.-
mis, des paffavans contenant le lieu de leur de-
meure, lé nom des marais ou falorges où ils leve-
roient le fel , & le temps dans lequel ils le feroieni;
arriver au dépôt.
Les nouvelles permiffions doivent être accordées
aux particuliers déjà infcrits aux greffes des dépôts ,
eu égard à leur conduite & à leurs facultés.
Ceux dont les permiffions n'auront pas été re-
nouvelées en conféqucnce de la déclaration, ne
pourront à l'avenir s'immifcer à amener au fel aux
dépôts , à peine de deux cens livres d'amende pour
la première fois, &, en cas de récidive, d'être
pourfuivis comme faux fauniers,
La déclaration révoque auffi les pcrmiiTions qui
avoient été accordées jufqu'alors aux marchands
pour revendre au peuple les fels des dépôts ; elle
enjoint aux juges d'en réduire la quantité au nom-
bre néceffaire , dans la même proportion que celle
qui efl prefcrite ci-delfus pour les fourniffeurs , &
du confentement du fermier ou de fes commis.
Elle défend , fous les mêmes peines que celles-
qu'on a prononcées contre les fourniffeurs , aux
marchands qui n'auront pas été infcrits de nouveau
au greffe, de s'immifcer , à l'avenir , à revendre
du jGïl au peuple.
Elle enjoint aux collefleurs des tailles des paroif-
fes flijettesaux dépôts, auxconfuls, maires , fyi>
dics des villes franches, abonnées 6c tariflfées , qi'i
y reffortiffent , de délivrer aux commis aux dépôtî ,
des rôles de dénombrement de tous les reffortif-
fans, dans le mois de février de chaque année,
à peine de quarante livres d'amende, conformé-
ment à l'article 17 du titre 16 de l'ordonnance ds
1680.
Ces rôles doivent contcnfr le dénombrement des
chefs de famille , de leurs enfans & domefiiques r
&, par un article féparé, le dénombrement des
chapitres , communautés régulières , ecdéfiafiiques ,
nobles, officiers d'épée & de judicature, ainfi qu;?
les coUeâeurs , maires &fyrdics ; ils ne doivent
point y comprendre les raendians & autres non do-
miciliés dans le reffort des dépôts , ni augmenter la
nombre des perfonnes dont chaque familleeft coni-
pofée, à peine de dix livres d'amende pour chaque
perfonne augmentée.
La déclaration enjoint à tous les reffortiffans des
dépôts, de prendre du fel aux dépôts dans le ref-
fort defquels ils font domiciliés ;&elle leur défend ,
fous quelque prétexte que ce foit , d'aller aux fa-
lorges, ni même aux dépôcs plus proches des lieux
de leur demeure, prendre le fel néceffaire à leur
confommation , à peine de cent cinquante livres
d'amende, 8c en cas de récidive, d'être punis com-
me faux-fauniers.
Les habitans des paroiffes du reffort des dépôts ,
lorfqu'ils ont à y lever le fel de leur provifion, font
tenus de fe faire connoître aux commis, ôc de leur
PAYS RÉDïMÊS.
repréfonter les certificats des curés , pour juftlfier
de leur domicile dans les reffons des paroiffes fu-
jettes aux dépôts , relativement aux rôles dans les-
quels ils l'ont compris ; il eft fait défenfe aux cu-
rés , à peine de vingt livres d'amende &i de faifie
de leur temporel , de donner des certificats à d'au-
tres perfonnes & fous des noms fuppofés.
La déclaration défend aux commis aux dépôts de
délivrer à l'avenir aux reflbrtifîans de ces dépôts,
fous quelque prétexte que ce puifle être , aucun
pafiavant , foit pour aller aux falorgcs , foit en d'au-
tres dépôts que ceux dont ils rcHortiffent , pren-
dre du fel pour leur confommation, dérogeant à
Q^t égard à l'article i8 du titre i6 deTodonnance
de 1680.
Elle veirt que les formalités & conditions pref-
crites par l'article 7 du même titre de l'ordon-
nance, pour ceux auxquels il fera permis d'ame-
ner du fel aux dépôts , foient exécutées félon leur
forme & teneur.
Pour obvier aux inconvéniens qui réfultoient
de la différente contenance des mefures qui étoient
en ufage aux dépôts ,& établir à cet égard l'unifor-
mité & la relation entre ces mefures & toutes
celles des Pays de gabelle , la déclaration ordonne
qu'à commencer au premier janvier fuivant, le
boiffeau des dépôts demeurera fixé au quart de
minot , mefure de Paris : elle défend à tous four-
nilTeurs, minotiers, revendeurs & autres, de fe
fervir d'une autre mefure , à peine de deux cens
livres d'amende : enjoint au fermier de compter
à l'avenir de la recette & dépenfe en fel, faites
aux dépôts , félon la manière ufitée dans les greniers
des gabelles de France , par muids , fetiers , mi-
nots & quarts de minot.
Enfin , elle défend l'ufage qui s'étolt abufive-
«lent introduit dans plufieurs des bureaux de la
recette des droits de la traite de Charente , d'y
inefurcr les fels à pelle forcée ; elle ordonne qu'ils
feront mefures à pelle renverfée , ainfi & de même
qu'ils le font & le doivent être aux dépôts, à peine
de deux cens livres d'amende, & de plus grande
s'il y échet.
PÉAGE. C'eft un droit qu'on perçoit pour le paf-
fage des voitures, beftiaux,marchandifes & den-
rées , même pour celui des hommes qui partent des
rivières ou qui traverfent certains chemins , ou des
places , ponts , chauffées, &c.
En général, les droits de Péage appartiennent
au roi & ne peuvent être levés qu'au profit de
fa majefté ou des engagiftes des domaines , ou de
ceux auxquels ils ont été accordés à titre d'inféo-
dation ou d'oftroi. Les feigncurshauts-jufliciers ne
peuvent les exiger fans conceflion exprefle , ou du
moins s'ils n'ont en leur faveur une pofleffion im-
mémoriale.
Ces droits font quelquefois préjudiciables au
commerce : néanmoins différens feigneurs fe font
immifcés fans titre à les faire percevoir à leur
profit; mais le fouverain a pris des précautions
P É AG E, iT
pour f'^nrimer ces ufurpations : la déclaration de
Loi is X(V dn 31 janvier 1663, contenant régle-
glem.cnt pour la levée des droits de Péage , 'ant
par eau que par terre , dans tout le royaume , &
l'ordonnance du mois d'août 166^, concernant les
eaux & forêts , déterminen:: ceux de ces droits qui
doivent être perçus , & la manière de les régir.
Cette dernière loi n'a admis que les Péages 8c
droits établis avant cent années par titres légitimes,
dont la pofl"effion n'avoit point été interrompue;
& pour connoître les Péages qui ne doivent pas
fubfifter , il a été ordonné que les feigneurs &
propriétaires eccléfiaftiques ou laïques, de quelque
qualité qu'ils fu/Tent , juftifieroient de leur droit &
porte flîon.
11 a même été établi , par arrêt du confeil du 29
août 1724, un bureau compofé de confeillers d'é-
tat & de maîtres des requêtes , pour examiner les
titres de ceux qui fe prétendoient propriétaires de
droits de Péage.
L'exécution de cet arrêt a portérieurement été
ordonnée par d'autres arrêts du confeil des 24 avril
1725 & 4 mars 1727.
C'eft en conformité de ces réglemens , que deux
arrêts du confeil des 15 août & 20 feptembre 1759,
ont fait défenfe aux repréfcntans de M. de BuUion
d'Efclimont, prévôt de Paris, de percevoir aucun
droit de Péage fur les voitures , bêtes de fomnie ,
beftiaux, denrées & marcbandifes partant dans Té-
tendue des feigneuries de Marell & Montain-
ville , à peine contr'eux de reftitotion des fomm^s
qui auroient été exigées , & d'une amende arbi-
traire au profit du roi, & contre les ferrriers ou
receveurs , d'être pourfuivis extraordinairement
comme concuflionnaires , & d'être punis comme
tels, fuivant la rigueur des ordonnances.
Deux autres arrêts du 12 avril 1764 , ont aufTi
fupp*imé les droits de Péage que l'abbaye royale
de Maubuifl'on & M. le Pelletier de Montme I-
lant prétendoient leur appartenir au lieu de la Cha-
pelle en Serval & à Plailly.
Ces fupprertions , & plufieurs autres qui ont ('té
prononcées jufqu'à ce jour, font des preuves des
ufurpations qui avolent eu lieu au préjudice du
commerce.
Un nouvel arrh rendu par le roi en fon con-
feil le 15 août 1779, annonce que l'intention de
fa majefté eft dé fupprimer , lorfque les circonf-
tances le lui permettront , les Péages établis fur
les grandes routes & fur les rivières navigables ,
à la réferve feulement de ceux qui font établis
fur les canaux ou fur les rivières qui ne font na-
vigables que par le moyen d'êclufes ou d'autres
ouvrages d'art, & qui exigent un entretien jour-
nalier (i).
(I) Comme cet arrêt n'ejl pas moim intértjfant dans fis mo-
tifs que dans f s difpofirions , nous allons le rapporter tn enthr.
Le roi s'accupant avec intérêt des moyens de lienfaifance
envers Ces peuples , que le retour de la paix peur a lui procu-
rer, croit dcvoitoiuonncrà l'avance les lecbeich.-s &les tra-
Dij
28
PÉAGE.
Au refte, les feigneurs &. autres particuliers qui
font valablement autorifés à jouir des droits de Péa-
vaiix propres â féconder l'exécution de Ces dsiïeins. Entre les
principaux objets de ce genre qui ont fixé fon attantion , fa
inajelté .» fortement à cxar de djiivret la nation de ces nom-
lireux Péages établis à-la fois & fur Jes grandes routes , &: fur
les riviè.es navigables. Elle eu inllruite que cette perception
arrête Se fatigue le commerce ; que , n'étant point réglée par
des tarifs uniformes , leur complication &: leur divetlité exi-
geoient une véritable étude de la part des maichands &: des
voitutiers ; que cependant des difticuhés s'élevaient fans
celle , ic qu'il ctoit aicme une inhnité de petites vexations
«jue l'adn'iinifttation générale la plus acteuii/e ne pouvoir
ni fur\^eil'er ni punir; que tous ces droits enfin, nés, pour
la plupart , des malheurs &: de la confuiion des anciens
temps , formoient autant d'obllacles à la facilité des é-chan-
ges , ce puillant encouragement de l'agriculture &c de j'in-
dullrie.
Sa majefté fur-touC a été frappée de la partie confidérable
de ces droits dont la navigation des rivières eîl: furchargée ,
& qui fouvent ont contraint le commerce à prcfcier les
routis de terre. Cet abus d'adminiftration a paru à faniajeilé
d'autant plus important , que fon excès ne tendroit à rien
moins qu'à rend;c inuiiles cette diveriité &C cet:e heureufe
dilliibution des rivières , fi propres à cotitribucr effentielle-
ment à la profpérité du royaume , bienfait précieux de la na-
ture , dont le gouvernement doit d'autant plus faciliter la
• ouiffance , qu'il prcfente l'avantage inelUniable de ménajcr
Jes grandes rouies , de diminuer la néceflité des corvées ou
des coutriburions qui les remplacent , & d'arrêter les progrès
de ce nombre excedifd'animaux de tranfpou , qui partagent
avec l'homme les fruits de la tcne.
Sa majefté , pour ne pas étendre trop loin les rembeurfe-
siens qu'elle auroit à faire , ne comprend point dans les
Péages qu'elle a delTein de fupprimer , ceux établis fur les
canaux ou fur les parties de rivières qui ne font navigables
que par des éclufes oa d'autres ouvrages d'art , puifque ce
lontdes navigation^ , pour ainfi dire , acquifes & conletvées
au prix d'une induftrie, dont la rétribution , bien loin d'être
un facririce onéreux pour le commerce , cil la juile récom-
penfe d'une entreprife utile à l'état.
Sa majefté a vu avec fatiifaûion , que tous les autres Péa-
ges , quoiqj'inlinimen: multiplias , ne formoient pas un pro-
d>iit aifez confidérable j pour qu'il ne fût aife de le rempla-
cer par quelque autre revenu beaucoup moins à charge à fes
peuples ; c'ctoit mcme un des foulageniens «jue fa majefté fe
propofoit de leur accorder en entier, iî la guerre n'étoit pas
venue confumer le fruit de Ce& foins & de fon économie.
Quoi <]u'i) en foi: , comme c'eli encore un véritable bien-
fait d'adminiliration , que de changer k\- de modiîet les im-
po:s qui nuifcnt à l'état &: contrarient la richells publique ,
la mijet'té- veut connoître exactement quelle e!l la partie de
Fénges dont la fupprelTîon donneroir ouverture à des rem-
bourfemcns ou à des indeiumtcs ; «S: comme cette liquidation
exige du temps pour être faite avec foi« , fa majellc a juiré à
propos de prefcrire , dès-à-préfent , Je travail néceiTiire à cet
égatd , afin qu'au moment où la paix permettra l'exécution
des projets gcnéraifx d'amélioration que la gierre tient luf-
pendus , le roi puifie , en aboli irant tous les Péages , faire
nnrcher d'un pas égal fa juiHce envers les particuliers, &
£a bienfaifance envers l'état. A quoi voulant pourvoir : ouï
le rapport -, le toi étant en fon ccnfeil , a ordonné & ordonne
ce qui' fuie :
'Art. I. Tous le'; propriétaires des droits de Vti^cs qui
fout perqas fur les rivières aa'igables dï k'ur nature , de fur
Jes routes & chemins du royaume, à titre d'engagement ou
patrimonialement , feront tenus d'envoyer inceilammeBt au
toiifeil , favci: , les cngagii'tis defciits droits , une expéditio,i
en forme Je leur conttAî d'engigemtnt j fie les prcf riéuires
PÉAGE.
ge, font pour l'ordinaire obligés d'entretenir en bon
état les ponts , chemins Si paffages : c'efl ce qui
rélulte de différentes lois, & particulièrement de
l'article 107 de l'ordonnance d'Orléans, Se de l'ar-
ticle 5 du titre 29 de l'ordonnance des eaux & fo-
rêts du mois d'aoïlt 1669.
Dans les lieux oîi fe fait la perception des droits
de Péage, foit au proht du roi ou des engagifies>
foit pour des feigneurs ou autres particuliers, il
doit y avoir en évidence des tarifs ou pancartes en
bonne forme , afin que les redeyables puifient fe
convaincre qu'on n'exige d'eux que ce qui eft
légitimement diJ.
C'eft ce qui réfulte, tant de la déclaration du 31
janvier 1663 , que de l'article 7 du titre 29 de l'or-
donnance qu'on vient de citer. C'eft encore ce qui
a été ordonné par un arrct du confeil du 6 juillet
1776, rendu contre le nommé Monneron & fa
femme , régifTeurs des droits de Péage qui fe lè-
vent au bourg de Tain en Dauphiné (i).
à titre patrimonial , l'arrêt du confeil rendu lur l'avis des
fleurs commiffaires du bureau des Péages, qui les a mainte-
nus dans le droit de percevoir Jefdits Péages , ainli que les
derniers baux .i ferme defdits droirs , s ils font aiîcrniés , oa
les regiih'es des recettes des dix dernières années, fi lefdits
droits ont été régis.
X, Les engagiites & propriétaires devront joindre aux fuf-
dites pièces , un état des charges dont Us font tenus , à rai'on.
defdiis Péages Se des travaux faits à leurs dépens aux ponrs ,
chaufTées 5: chemins , à l'entretien defquels ils font obligés ;
auquel état fera joint un certificat du (leur inrendant de la
généralité , qui conftate qu'ils ont fatisfait e-xaûement à la
loi qui leur étuit prefcrite à cet égird.
j. Il fera procédé à la fi.xaiion de ladite indemnité par le
roi en fon confeil , fut l'avis des fleurs commillaires que fa
majedé commettra à cet effet.
4. Sa majefté feréferve de faire connoître fes intentions
fur la manière de pourvoit au payement des fommes ainlî
liquidées par l'airêr qui ordonnera la fupp e/Tion de tous Jes
Péages; fie jufqiies-U fa majeilé veut que tous ces droits con-
tinuent à être payés exailieœent , & comme par le paflè , à
qui il appartient.
^. N'entend point fa majefté comprendre dans les difpofi-
tions des articles i , 2 & 3 , les Péage? établis fur les canaux
ou fur les rivières qui ne font navigables que par le moyen
déclufes ou d'autres ouvrages d'art , ôcqui exigent un entre»,
tien &: un fetvice journalier.
É. Enjoint fa majefté aux fieurs inrendans &: commifTaires
dcpa!t:s dans les ditrérentes généralités du royaume , de tenir
la main à l'exécution du prcfcnt arrêt , qui fera lu, piib'ic
&: ajîché pat-tout où befoin fera. Fait au confeil d'état da
roi, fa majefté y étant , tenu à Vetfailles le 15 août 1779.
Signé, Amelot.
(I) yoici cet arrêt:
Le roi ayant été informe que le nommé Gafpard Monne-
ron &: fa femme , régilTeurs du Péage qui fc lève au lieu de
Tain en Dauphiné , èc de celui qui fe perçoit fous la déno-
mina-.ion de la grande gabelle de Romans , ont perçu mal-
à-piopos diiFérentes fommes de divers voitnriers , fous pré-
texte qu'ils n'avoient point payé tout ou partie des droits
dont la perception leur efl: confiée; fa majefté auroit jugé
devoir réprimer les vexations de ceux qui font prépcfés .i la
levée de ces fortes de droits; en conféquence, ei'e a donné
lesorJres r.écefTaires po'.it que les faits imputés auxdits Mon-
neron & fa femme fufi'ent conftaiés. Il réfulte d'une in-
foimasioii foniajairç , fsite fur kslieu.^ ht î^ Ce 3 1 niai.dsïw
PÉAGE.
Une doit être perçu aucun droit de Péage, dé-
pendant de la ferme des domaines , pour les mar-
ricr, que le 25 novembre pr^cdent , ledic Monn^ion & fa
femme ont, p.u menaces de fai'îes, forci le nommi Route
Péricard, voituiier, conduifant une charrette chargée d'a-
mandes , de payer une fomme de deux cent feize livres ,
qiioiqu'en pafljnt au bureau il eût payé trois fous pour le
P^age , que h régiiTcufe avoi: re^us fans lécUmaiion ; que
Je 10 mars fui»ant , Je même Monaeton &: fa femme ont
exigé quatre-vingt feize livres du nommf Efpiit Vidas , domel-
tique d'Antoine Minât , habitant à Cabane , quoique ledit
Vidjs eût paye dans le bureau ce qui lui avoir étw demandé :
enfin, que le premier avril dernier , le même régiffeur & la
femme , après avoi- reçu quatre fous lîx deniers des nommés
Lazard & Coutuiiir, conduifant deux charrettes chargées de
douze pièces de vin pour M. le comte d'Artois , les ont fait
fuivre jufqu'à ,S"aint Valh'erpar dics huiffiers efcorcés de cava-
liers de maréchiufTce , & ont exigé d'eux, par [accommo
dément, une femme de cenc loixaa^c huit livres, &: vingi
livres pour les frais , quoiqu'ils n culTent pas été refufans de
payer, & qu'il ne fût véritablenrjeHt dû que neuf fous par voi-
ture: il réluJte pareillement de ladite information , que ledit
Woianerûn 6: fa femme affcdent de laifler paffer les voitu
ricts , en fe contentant de recevoir ce qu'ils donnent pour
l'acquit du Péage, ahn d avoir occaiîon de les mettre à con
tribution lorfqu'ils ont palll , qu'ils cxpofcnt les pancartes
dans un lieu ii élevé , qu il elt prefque importible de les
lire, ce qui eft coatfaire à la difpoiîtion des réglemens in-
tervenus fur la police des Péages. A quoi voulant pourvoir ;
vu l'informition faite les -9 & 5 1 mai dernier, & l'avis du
Ceur intendant &: commillaire départi en la généralité de
Dauphiné , ouï le lapporr du fieur de Clugny , confeillcr er
dinaire au confeiJ royal , contrôleur général des finances; le
roi étant en conleil , a condaniné Se condamne ledit Mon-
ncron &c Ci. femme, régilTeurs defdits Péages de Tain , fo!i-
dairemenc & par corps , à rendre & rellituer aux nommés
Pierre Lazard , vcitutierde Chau.^ en f.anguedoc , & à jeaii
Couturier, au<fi voiiurier à Nimes , la fomwic «Je cent foi
xantc-h'(;t livres d'une parc, & vingt livres de l'autre , par
eux exig.e par prétendu accommodement, fous la déduction
toutefois delà fommc de treize fous lîx deniers reliante .i
paytrr pour les droits de Péage dus au bureau établi à Tain :
condamne pareillement fa majerté lefdits Monneron & fa
femme, folidairement 8c par corps, à rendre & relHtuer au
nommé î'èricard, voiturier d' A ix, la femme de cent quarante-
quatre livres d'une parc , & celle de foixâucc-do.izc livres
d'autre, indûment exigées par ledit Monneron 5c fa femme ,
dudit Pcricard; les condamne éga'ement & par corps à rendr;
fie reflituer au noramé Efprit \jdas, donieflique tin nommé
Minât, habitant de Cabane , la fomme de 5>5 livres d'une
pait,& 4 livres iS fous d'autre, pareillement exigées mal-
à-piO)*os dudit Vidas. Condamne en outre lefdits Monneron
& fa femme , foliilaircment Ik. par corps , à une amende de
cent livres, laquel'e fera , furies ordres du fieur incendanc-
commiiTaire dêp.irti en la génctjlité de Oauphiné , employée
aux réparations du chemin de Tain à Saint-Vallier : Se cepen-
dant ordonna famajeiié que la i)'écIara;ion du 31 ianvier{j6é3 ,
dùwentcnregiftrée, fera exécutée félon fa forme &: teneur;
en conféquencc , que les propriétaires ou fermiers dsi Péages
de Taia feront tenu?, fur-le-champ & fans délai, défaire
infcrirele tarif defdits Péages en grofies lettres & bien lifi-
bles , dan; Mn tableau d'airain 011 ter blanc , qu'ils affîelieront
au lieu où la levée s'en doit faire , à telle hauteur &c eniroit
qu'ils puiGl nt ètie lus par les ruarchands , voitut'ers Se paf
fans, lei'queîs feront déchargés Jefdirs droits aux jours que
Jefàits table lux ne feront pas cxpofés, conforméitient à l'arti-
cle 3 de ladit.: déclaration. Enjoint fa majeilé audit lieuv in-
tendant & commiffaiue dépat.i en la }irovlnce de DaupUinc ,
de tenir !a main à l'exécutioa du préfent arrêt, qui fera im-
friiréj, publié Se a/Hché au.x ùih dsi^d'.U Moançrcii & fa.
PÉAGE. 2^
chaiidiTes qui pa/îent, tant par ean que par terre,
pour le compte du roi , ou potn- le fervice de fa
rnajefté. Cela eft ainfi réglé par les baux qui ont été
pafTés à Fauconnet , à Charrière , à Carlier , à For-
ceville , &c. adjudicataires des fermes.
Des arrêts du confeil des 19 février & 25
août 1695 , ^"^ ^'''"^ défenfe aux fermiers des do-
maines, receveurs des droits de Péage , travers p
octrois, entrées des villes, & tous autres, de
faire payer aucun droit , fous quelque prétexte
que ce (m , aux adjudicataires des bois du roi »
lorfqu'ils feroient conduire & débiter eux-mêmes
les bois.
Cctce exemption pour les boîs du roi n'étant ac-
cordée qu'aux adjudicataires qui les font conduire
& débiter pour leur compte , un arrêt du confeil
du 10 odîobre 1716, a prefcrit différentes forma-
lités pour empêcher les fraudes (i).
Par un autre arrêt du confeil du 23 feptembre
1719 , les munitions de guerre & de bouche , defti-
nées à être tranfportécs aux armées de France , ou
dans les arfenaux & places fortes , les bois , les
attirails & agrêts pour les vailTeaux , ports & arfe-
femme, dans les bourgs de Tain &: de Saini-Vallier , dans
les villes, fui la route de Lyon en Provence, & ailleurs où
befoin fera. Fait au confeil d'état du roi, fa majerré y étant ,
tenu à Mir'y le fîx juillet mil fept cent foixante-fei^e. Signé,
Saint-Gepmain.
(i) Cet arréc a été rendu fur une contellacion élevée à
Saint-Quentin ; mais il ne lajfl'e pas de fervir de rè^le pour
les autres provinces, & l'exécution en a été ordonnée dans
la généralité de Rouen, pat une ordonnance de l'intendant
du II juin 174Î. Il porte , « que les adjudicataires des bois du
M roi ne payeront aucuns droits d'entrée, o£lrois , Péages,
» travers & autres , peur tous les bois prosensns de leurs
« ventes, lorfqu'ils les feront conduire & débiter, lour
« leur compte, en la ville de Saint-Quentin & autres lieu;: •
w que lefdits adjudicataires ou leurs commis fie gardes-ven-
M tes , feront tenus de m.irquer de leur marteau deux bûches
« fur chacun des chaiiots Se autres voitures de bois qu'ils fc-
M ront conduire &: débiter pour leur compte; de donnera
M chacun des voitutiers &: conduéleurs de leurs bois, un cer-
» tificat ligné d'eux, qui contiendra les noms , furnom^ &
M demeures defdits voicuriers , les quantité & quaiitc des cois
« qu'ils auront chargés , & le jour de leur départ des foiécs
0 & ventes qui y feion; aufli dénommées ; que lefdirs vcitu-
» tiers & conduûeuts remettront Itfdiis certificats aux bu-
« reaux- des entrées &: otatois de ladite ville, & que les ir.ar-
« chands adjudicataires ou leurs fadteurs & garde ventes
a feront tenus d'cnregiftrcr lefdits ceriiricats fur des reoirtres
j> qu'ils auront à cet efrVt cotés & paraphés par le maure par-
X. ticulier ou le lieutenant de la maîtrife oii l'adjudication
» iu--a été faite. Je tout à peine de trck cens livres d'ame ide
.:. contre les contrevenans. Fait fa .-«ajefté dcFenfei à tous
» marchands & blanchilfeurs de toiles, & i tous au.-res ds
« fe fervir du nom des adjudicataires de fes bois, pour faire
» entrer dans la-iice ville ceux donc ils auront befoin le
« aux adjudicataires de prêter leurs noiBS à cet efler , à nèine
o de tous dépens , dommages & iiitércrs , & de'p.ireii.'e
» amende de trois cens livres, fauf rotitïfois lorfque lefciits
» marchaud3& blanchhTeurs de toiles feront adiudi;ata'rt;s
J9 des bois de fa niajefté; auquel cas iJs jouiront, pour laiicn
» de leurs adjudications , des mêmes privilèges & exemptions
n <ius ceux qui foui accoriiés- ma autres adjudiû^caiccs ..-,
3© PÉAGE.
«aux de ia marine , ont auffi été affranchis de tout »
droit de Péage.
Les blés , grains , farines & légumes , verts
ou fecs , font pareillement exempts de droits de
Piage , paiTage , pontonnage , travers , coutu-
mes , &de tout autre droit généralement quelcon-
que , tant par eau que par terre , foit pour les
droits appartenant à des villes & communautés,
ou à des feigneurs eccléfiartiques ou laïques , ou
autres perfonnes fans exception. C'eft ce qui ré-
fulte d'un arrêt du confeil du lO novembre
1739 (i)-
Une ordonnance rendue le 18 mars 1713 » P^*"
le bureau des finances de la généralité de Paris ,
a défendu aux voituriers par eau ou par terre ,
de pafler & repaffer les travers & Péages, fans
payer fur le champ & fans délai , les droits qui font
dus ; & en cas de refus , il eft permis au fermier
des domaines , fes procureurs & commis , de faire
contraindre les débiteurs au payement, tant par
faifie & arrêt des chevaux , chariots , coches , ca-
ToiTes , harnois, & autres chofes fujettes auxdits
droits , que par autres voies dues & raifonnablcs ,
comme pour deniers royaux.
Par fentence du prévôt des marchands & des
échevins de Paris, du 3 oâobre 1720, les fieurs j
Freret , voituriers par eau, & leur contre-maître ,
(1 ) Cet arrct ejl ainfi conçu :
Le roi étant informé <]ue , contre (es intentions, les pro-
priétaires des «lroi;sJe Péage, paflage , pontonnage, travers
&: autres, dans le royaume, font percevoir ces droits furies
bits , grains , farines & légurre* verts ou fecs : & fa majafté
voulant y pourvoira: faite coanoître fes intentions; ouï !c
rapport, &c. , le roi étant en fon confeil, a ordonné Se ot-
^•nne qa'à l'avenir les blés , grains , farines & légu»es verts
ou fecs, feront exemps , daas toute l'étendue du royaume,
des droits de Péage , paffage , pontonnage , travers , coutu-
80CS , ôc de tous autres dtoits gcnGralement quelconques ,
tant par eau que par terre , foit que lefdits droits appartien-
nent à des villes & communautés, ou â des feigneurs ecclé-
£aftiques ou laïcs , ou autres perfonnes fans exception; en
conféquence, fait fa majefté ttcs-exprelTes inhibitions & dé-
fenfes aux receveurs , commis & autres prépofés i la percep-
lioa defdits droits ,d'en exiger aucun fut lefJits blés , grains ,
farines &: légumes , verts ou fecs , nonobftant tous arrêts , ré-
Siemens, tarifs ou pancaites à ce contraires , auxquels fa ma-
jefté a déroge ficd^-togepar le préfent arrêt î le tout à peine
contre lefdics receveurs, comniij & autres prépofés à la per-
ception defdits droitt, de rellitution du quadruple, même
d'être pourfiiivis exttaordinai.emeiit comme concuflîonnaires ,
&r punis comme tels fuivantla rigueur des ordonnances. Fait
en outre fa majefté main-levée pure &c (impie de toutes les
faifiesqui pourroienr avoir été faites à cette occafion , faute
de payement des droits fur lefdits blés , grains, farines &
Jégumes verts ou fecs. Enjoint aux fieurs iatendans & ccm-
miflaires départis dans les provinces âc généralités du royau-
me, de tenir la main à l'exécuiion du préfent arrêt , lequel
fera lu, publié & afEché par-tout où befoin fera, & exécuté
nonobftantto«tes eppofitions ou autres empêchemens géné-
ralement quelconques , pour lefquels ne fera différé , & dont ,
Cl aucuns interviennent , fa majefté fe réfcrve & à fon con-
feil la connoiffance , icclle interdifant à toutes fes cours &
autres juges. Fait au confeil d'état du roi , fa majefté y étant,
tenu à Fonujflcbleau Je JO novembre 175^. S'gnéj Pheiï-
pEAUXj
PÉAGE.
ont été condamnés folidairement au payement de
l'excédent des droits dus pour des marchandifes
qu'ils avoient fait pafferdans un bateau au Péage
d'Ande'y, &à 300 liv. d'amende pour la fauffô
déclaration , conformément à un arrêt du confeil
du 29 août 1682.
La déclaration de 1663 veut que les commis &
prépofés à la perception des Péages donnent des
quittances des fommes qui leur ont été payées,
quand le droit excède cinq fous.
Si un fermier des droits de Péage laifToit paf-
fer les voituriers fans leur demander ces droits,
& fans faire conftater du refus de les acquitter ,
il ne feroit pas fondé à fuivre ces voituriers &
à exiger d'eux quelque fomme que ce fût par
accommodement. C'eft ce qui réfulte d'un arrêt
rendu au confeil , le 17 oftobre 1779 » contre
le nommé Robuftel , fermier du Péage de Mor
ret (i).
(j) Viici cet arrtt :
Le toi ayant été infornaé que les fermiers des Péages de
Ponthietry &: de Morct , font dans l'ufage abufîfde laifTer
pafTer les voituriers fans leur demander les droits de Péages ,
&: qu'enfuite , fous prétexte qu'ils n'ont point acquitté lef-
dits droits, quoique rien ne conftate leur refus , ils les fui-
vent accompagnés d'nuilTleis &: de cavaliers de aiaréchaufiée ,
& en exigent , fous le nom d'accommodement , des fommes
confidérables ; que le (leur Robuftel , fermier de Moret, »
exigé de cette manière , le 11 janvier dernier , des domefti-
ques du lieut dcMarfangy, capitaine réformé à la fuite du
régimei)t"_Dauphin, cavalerie , une fomme de 40 livres ; qu'il
n'a point été dteiré procèî-vcrbal du prétendu refus fait pat
lefdits voituriers; que cette formalité eft d'autant plus efTea-
tielle, qu'elle feule peut être le bafe des pourfuitei du fer-
mier; que tolérer un tel abus, feroit autorifer les fermierj
des Péages à laifTer pafTer les voituriers , pour fe procurer le
prétexte de courir après eux , & en exiger à main armée det
fommes confidérables. A quoi voulant poutvoir , vu Ja quit-
tance du nommé Robuftel , dudit jour 1 1 janvier dernier , &
l'avis du fieur intendant & commifTaire départi en la généra-,
lité de Paris : ouï le rapoort du fieur Moreau de Beaumont ,
confeiller d'état ordinaire au confeil royal des finances; le
roi étant en fon confeil , a condamné Se condamne par corps
le nommé Robuftel, fermier du Péage de Motet , à rendre
&: reftituer à Etienne Gazer, domeftique du fieur de Mai-
fangy, la fomme de 40 livres par lui reçue dudit Gazet par
accommodement. Fait fa majeité défenfes , tant audit Ro-
buftel qu'au fermier de Ponthierry , de fuivre lefdiis voitu-
riers ou rien exiger d'eux par accomraodemenr, fans avoir
fait conftater du refus fait par les voituiers de payer le»
dtoits dus : leur enjoint défaire , dans huitaine , établir un
poteau à I3 porte du bureau de perception , auquel poteau
fera attachée la pancarte ou tatif defdits droits infcrits dans
un tableau d'airain ou de fer-blanc , en caraftères très-lifî-
bles, &à telle hauteur qu'ils puifTent être lus par les mar-
chands & voituriers £<. paffans, lefquels feront difpcnft» d'ac-
quitter lefdits droits aux jours où lefdits tableaux ne feronc
pas expofés, conformément â l'article 5 de la déclaration du
3I janvier 1661. Enjoint fa majefté aux jCeuis intendant &:
conamiffaire déparri en la généralité de Paris , de tenir la
main à l'exécution du préfent arrêt, qui fera imprimé, pu-
blié & affiché à Moret Se à Ponthierry , & dans tous le»
lieux de ladite généralité où les Péages font établis. Fait au
confeil d'état du roi, fa majefté y étant , tenu à Mady le 17
odobtc f.77?. Signé, AîilZl 01,
PÉAGE.
Péage de Pèronne.
On perçoit dans les bureaux des cinq greffes
fermes, depuis le pont d'Arches près de Me^ières ,
jufques & compris les poits & bureaux de Calais
& S. Valéry, un droit connu (bus la dénomina-
tion de Pi-igt de Pèronne ; ce droit eft établi fur
un ancien tarif qui eft dépofé au bureau des fi-
nances d'Amiens , & qui forme le titre le plus an-
cien que l'on connoiffe à cet égard.
La perception de ce droit étoit tombée dans une
telle confufion , qu elle fe faifoit dans quelques
bureaux d'une manière toute différente , & qu'elle
étoit entièrement abandonnée dans d'autres.
Par une déclaration du roi du 5 janvier 1723 ,
il fut ordonné qp'à compter du jour de la pu-
blication de cette déclaration, le droit de l'an-
cien Péage de Péronne , enfemble le parifis , lou
& fix deniers pour livre , feroient & demeureroient
fixés à un feul droit uniforme de deux pour cent
pefant , poids de marc , & que ce droit feroit perçu
fur toutes fortes de marchandifes & denrées indif-
tin<ftement , qui entreroient dans l'étendue des cinq
groffes fermes, ou qui en fortiroient , depuis le
pont d'Arches près de Mézières, jufques & com-
pris les ports &. bureaux de Calais & S. Valéry ,
à l'exception néanmoins des beftiaux , bois , char-
bons & grains de toutes cfpèces, qui en feroient
exempts.
Depuis, & fur les repréfentations qui furent
faites , fuit fur l'excès du droit , relativement à
certaines marchandifes , foit fur les difficultés
qu'entraînoit la perception , telle qu'elle avoit lieu ,
il fut donné , le 5 décembre 1724, une nouvelle
déclaration par laquelle le droit de Péage de Pé-
ronne a été fixé à raifon de fix deniers pour livre
des droits du tarif de 1664, & aux fous pour livre
de ces fix deniers , tant que ces fous auroicnt lieu ;
les fels voitures de Calais, Boulogne & Etaples ,
dans l'Artois , la Flandre & autres provinces du
pays conquis , pour l'ufage des rafineries , ont été
déchargés de ce droit.
Sa majefté en a pareillement affranchi les mar-
chandifes & denrées qui entrent par mer dans les
ports de Calais , S. Valéry & autres , ou qui fortent
de ces ports, & n'y a affujetti que celles qui font voi-
turées par terre, ou par les rivières ou canaux qui
entrent dans les cinq greffes fermes , ou qui en for-
tent par les bureaux de la même étendue. C'eft d'a-
près cette déclaration que fe fait la perception du
droit de Péage de Péronne.
Péage royal (TAix,
On perçoit fur toutes les marchandifes qal paf-
fcnt dans la ville & territoire d'Aix, un droit conrru
fous la dénomination de Péage royal d'Aix, & qui
avoit été établi par les comtes de Provence plu-
iieurs fiécles avant que cette province eût été
réunie à la couronne ; il en eu déjà fait mention
PÉAGE. 3 »
dans les lettres de Bérenger, comte de Provence ,
de 1237.
Charles , comte de Provence, ayant fondé , dans-
la ville d'Aix , le monaflère de Notre - Dame de
Nazareth , qui fe nomme afluellement Saint-Bar-
thélemi , ordonna > par fon teftament , qu'il feroit
remis par le tréforier général du pays , chaque an-
née, 325 livres des deniers du Péage tl'Aix , entre
les mains du prieur de ce monartere , qui en retien-
droit une partie pour le couvent , & diAribueroit
le furplus aux religieux mcndiansdela ville d'Aix ,
pour la rétribution des obits , meffes & prières por-
tées par le même teilament.
Les officiers de la cour fouvcraine & les habi^
tans delà ville d'Aix, furent les premiers exemptés
de ce Péage par des lettres - patentes de 1294 »
1318, & 1387.
Les habitans de Toulon, Colmar, Beauvezet ,
Martigues & autres endroits , le furent enfuite pa-
reillement, ainfi que plufieurs marchands & arti-
fans , comme merciers , verriers & autres , tant
étrangers que provençaux.
Toutes ces exemptions réduifirent le Péage en
queftion à iin fi foiiile objet, qu'il n'étoit plus fuffi-
fant pour acquitter les 325 livres dont il étoit an-
nuellement chargé. Le prieur du monaftére , qui
n'en pouvoit plus être payé, obtint, en 1402 , de
nouvelles lettres-patentes, pour faire de nouveau
publier le Péage , dont la perception avoit été plu-
fieurs fois abandonnés , & pour l'affermer & en
recevoir le prix.
En 1559 , le prieur &. les religieux de Nazareth
le tranfportèreni aux confuls de la ville d'Aix, qui
font procureurs du pays, moyennant urve penfion
annuelle de trois cents livres : l'objet des confuls
étoit, félon les apparences , de libérer la province
de ce Péage , paifqu'on ne voit point que la per-
ception en ait été continuée jufqu'en 1685 , que
les fcrmiersdu domaine en demandèrent la réunion ,
comme n'ayant pu être aliéné aux confuls d'Aix
parles religieux de Nazareth, auxquels la propriété
n'en appartenoit pas , & qui n'en avoiem qu'une
fjmple rente à prendre fur le produit.
Cette réunion fut prononcée par un jugement
descommiffaires du domaine en Provence, du 9
juillet 1686 , en exécution duquel la levée de ce
droit de Péage a été rétablie : le jugement de
réunion en déclare exemps les habitans de la ville
d'Aix.
Il ordonne que levée en fera faite fur une an-
cienne pancarte dépofée dans les archives de Pro-
vence , & que les taxes feront évaluées au quadru-
ple , à caufe de la différence des monnoics ancien-
nes aux monnoies courantes.
Ce tarif ou pancarte ne rappelle qu'un petit nom-
bre de marchandifes , & porte , par une claufe
finale , qu'à l'égard de celles qui n'y font poirrt
comprifes , on en recevra les droits àproportiort
des autres ; & comme rien n'indique fur quel pied
les marchandifes contenues dans cette pancarte;
•31 PÉAGE.
ont été taxées , il réfulte f©uvent de cette dernière
claufe des difficultés dans la perception.
Péage de Pont- fui -Yonne,
On nppelle ainfi un droit d'aide , dont on ne peut
fixer l'origine avec précifion. Il faifoit ancienne-
ment partie d'un oflroi accordé à la ville de Sens
pour le payement de la taille & des dettes de cette
ville: il tut compris dans le bail du 25 feptembre
1630 , pour être levé avec d'autres droits de Péage
au profit ûv. roi ; & en conféquence de ce bail , la
perception qui s'en faifoit à Sens , fe fit à Pont-fur-
Yonne : la moitié en fut accordée depuis à la prin-
celfe de Melckelbourg , & enfuite réunie au do-
maine.
Ce Péage ne fe perçoit qu'à raifon de quatre
fous par muid de vin , au lieu de huit fous dix de-
niers qui fe payoient anciennement : on ignore le
temps & le motif de cette réduélion.
Il fe lève fur tous les vins qui paflent deffus &
deiTous le Pont-fur- Yonne , à l'exception de ceux
cjui foiit dettinés pour les habitans de la ville de
Sens.
PÊCHE. 11 fe dit tant de l'aâion que du droit de
pêcher.
Dans Torigine , la pêche étoit perniife à tout le
monde par le droit des gens , tant dans la mer que
dans les fleuves, les rivières, les étangs Si autres
amas d'eau ; mais le droit civil ayant diftingué ce
que chacun poflcdoit en propriété , il fallut établir
des règles pour la Pêche. Les unes concernent la
Pêche des rivières , & les autres Pêche maritime :
nous parlerons de ces deux fortes de Pèches fuc-
ceflivement.
De la Pêche des rivières .
Comme les fleuves & les rivières navigables
appartiennent au roi, fa raajefl;é y a feule le droit
de Pêche, à moins que quelque particulier n'ait
titre ou pofleffion valable pour jouir de ce droit.
C'cft ce qui réfulte de l'article 41 du titre 27 de
l'ordonnance des eaux & forêts ( i ).
A l'égard des rivières non navigables , les fei-
gneurs du territoire où elles coulent, y peuvent
exercer le droit de Pêche. Dans la plupart des pays
de droit écrit & dans différentes coutumes , telles
que Bourbonnois , Anjou , Tours , la Pêche efl at-
tribuée au feigneur haut-jufticier , à l'exclufion du
feigneur de fief: mais dans les coutumes qui n'ont
point de pareilles difpofitions , on regarde le droit
de Pêche comme un droit de fief dont doit jouir le
feigneur féodal du cours d'eau , quoique la juflice
(i) Déclarons , porfe en crticle , la propiiété *c tous les
flf uves & rivières portant bateaux de leur fond , fans artifice
&: ouvrages de mains , dans notre royaureie & tertes de notre
obéiffance , faire pittie du domaine de notie couronne ,
nonobllant tous titres & poflc/iîcns ccntraires , fauf les droits
de Pêches , moulins , bacs, & autres ufajes que les particu-
liers peuvent y avoir par titr«j &: poÛieîïions valables , aux-
quels ils fecoric maintenus*
P E C H E.
appartienne à un autre feigneur.
Aux refte , les loix qui concernertt le droit de
Pêche s'appliquent également à la Pêche qui fe fait
dans les rivières navigables , & dans celles qui ne
le font pas.
Suivant ces lois, il n'eft permis à perfonne de
pêcher dans une rivière ou un ruilTeau quelconque ,
fans la permiffion expreiTe de celui à qui appartient
le cours d'eau , fmon il doit être prononcé , pour
la première lois , contre chaque contrevenant , cin-
quante livres d'amende , outre la confifcation du
poilfon & des inftrumens de Pêche ; & en cas de
récidive , l'amende doit être de cent livres outre la
confifcation. Il peutrïiéme être prononcé une puni-
tion plus fèvére félon les circonftances. C'eft ce
qui réfulte de l'article premier du titre 3 i de l'or-
donnance des eaux 6c forêts du mois d'août 1669.
La police générale fur les rivières & les ruilTeaux,
appartenant aux roi. par rapport à la confervation
du poifl'on , à laquelle le public a intérêt , il faut en
conclure que les officiers des maîtrifes des eaux Sc
forêts ont infpe^lion & juridiélion fur les rivières
feigneuriales , pour raifon de la Pêche , de même
que fur les fleuves & rivières navigables. C'eft ce
qui ei\ établi par différentes lois ,& fingulièrement
par deux arrêts du confcil des 27 novembre 1701
& 8 mars 1740.
Le premier a fait défenfe à toute perfonne de
pêcher avec des engins prohibés par les ordon-
nances , tant dans les rivières navigables & flotta-
bles , que dans les autres dont la propriété même
appartient à des feigneurs particuliers , & à enjoint
zux. grands maures des eaux & forêts d'y veiller chacun
en droit foi.
Le fécond a cafl"é une fentence rendue par le juge
de Montignac contre un garde de la maitrife d'An-
goulême , parce qu'il avoit averti des gens qui pê-
choîent dans la rivière de Charente , de fe confor-
mer à l'ordonnance , ce que le procureur fifcal avoit
pris pour trouble dans les droits du feigneur, &c.
Et il a été fait défenfe au même juge de rendre à
l'avenir de pareilles fentences , fous peine de nul-
lité , de caflation de procédures , 6c de tous dépeas,
dommages & intérêts.
Lorfque , par une concefîîon particulière , un
feigneur jouit du droit de Pèche fur une rivière
navigable , fes officiers ne peuvent pas prendre
connoiffance des épaves qui fe trouvent fur cette
rivière , ni des délits que les pêcheurs peuvent y
commettre : les officiers des maîtrifes font feuls
compétens pour connoître de ces objets. Cela eft
ainfi réglé par l'article 3 du titre premier , & par
l'article 22 du titre 31 de l'ordonnance des eaux
& forêts.
Lorfqu'une rivière ou un ruiffeau coule entre
deux feigneuries , chaque feigneur peut exercer le
droit de pèche depuis le rivage qui lui appartient ,
jufqu'au milieu du lit de la rivière. Divers arrêts,
cités par Guyot dans fon traité des fiefs , & en-
tre autres un du 7 avril 1745 , rendu entre les
feigneurs
PECHE.
feigneurs de Coudre & celui de Montreull , l'ont
ainfi jiigé.
Suivant les articles i & i du titre 31 de l'ordon-
nance des eaux & forêts, il n'y a que les maîtres pé-
cheurs reçus pir les officiers des maîtrifes , qui
puliTent pêcher fur les fleuves & rivières naviga-
bles ; & aucun ne peut-être reçu qu'il n'ait au
moins l'âge de vingt ans.
On auroit pu croire ces difpofnions abrogées à
Paris par l'édit du mois d'août 1776, qui amis
l'état de pêcheur au rang des proférions que cha-
cun peut exercer librement , fans autre formalité
que celle d'en faire déclaration devant le lieute-
nant général de police : mais le procurent du roi
au fiége général de la table de marbre du palais à
Paris , a remontré qu'il éioit de fon devoir de re-
quérir qu'il fût tenu au grefle de la maitrife des eaux
éi forêts de Paris , un regiflre pour y infcrire fans
frais tous ceux qui voudroient faire le métier de
pêcheur, 8c de demander l'éxecution des ordon-
nances & réglemens concernant cet état , afin que
ceux qui voudroient profiter de la liberté que le
Toi avoit accordée , ne puffent point, par un abus
exceflîf & fans bornes , porter trouble au bien pu-
blic , &fc nuire à eux mêmes, en dépeuplant les
rivières , qui nourrirent les hommes un tiers de
l'année , & forment un revenuconfidérable pour le
fouverain 8c pour fes fujets.
» L'article premier du titre 31 de l'ordonnance
« de J 660, ej}-il dit dans le réquifitoire dont il s'assit ,
j) défendant à toutes perfonnes , autres que les
» maîtres pêcheurs reçus es fiéges des maîtrifes ,
» de pêcher fur les fleuves & rivières navigables ,
» fous les peines y portées , ne femble point
») aboli par l'édit qui rend libre la profcflîon des
« pécheurs à verge & à engin : toute la différence
» confifle à fe faire infcrire , au lieu de fe faire
» recevoir , ce qui entraînoit la preflation d'un
» ferment. Cet article & l'article 20 du même titre
w 31 doivent donc avoir leur exécution , fous la
») feule obligation de fe faire infcrire à la maîtrife
»» de Paris , fans y payer aucun droit , & à la charge
^> par le greffier de ladite maîtrife , d'envoyer tous
" les trois mois au fleur lieutenant général de po-
» lice les rôles de ceux qui auront fait leur décla-
j> ration. L'article 2 du même titre, qui défend
» d'être reçu maître pêcheur fans avoir au moins
>• 1 âge de vingt ans , ne paroit pas contredit par
» le nouvel édit , qui permet d'admettre aux maî-
5' trifes à vingt ans ; mais ce même édit permettant ,
» par l'article 10, aux filles & femmes de fe faire
j> admettre dans les différentes profefTions , & per-
jf mettant auflfi, par l'article 12, de les admettre
7> aux maîtrifes dès l'âge de dix-huit ans , on pour-
>» roit en induire que les fdles Se femnaes pour-
î) roient , à l'âge de diz-hijit ans, fe faire infcrire
ï> fur les regiflrcs des pêcheurs , &, en cette qua-
» lité , parcourir les rivières; que le precureur-gé-
» néral du rOi , également effrayé du défordre qui
Tomt Xlll
PECHE. 35
5» pourrolt s'enfuivre pour les bcnt^es mœurs, &
)> du danger qu'il y auroit que le fexe , de com-
» plexion trop foible , s'expofant à conduire les^
» bateaux néceflaires à la Pèche , ne fût bientôt la
M viéiime de fon indifcrétion ; pour éviter que les
» frlles & femmes ne foient noyées par le défaut
»> de forces & d'expérience dans l'art des travaux
yy fur les rivières, croit qifil efl de fon minifîèie
» de conclure à l'exécution de l'article 9 de l'édit
» du mois de février 1776, qui avoit commencé
» d'introduire la liberté de tous les arts , article au-
>» quel il n'a pas été dérogé, & qui porte, que 1
> ceux dts ans 6* métiers dont les travaux peuvenc
■> occafionner des dangers notables , foit au public,
> /oit aux particuliers , continueron t d'être ûjfujeltis
> aux règlemens de police faits ou à faire pour préve-
> nir ces dangers , & de requérir , fous le bon plai-
V fir du roi , l'obfervation des anciennes ordon»
nances concernant la profefîîon de pêcheurs, qui
ne refiera praticable qu'aux hommes de vingt ans
> au moins , fans que les filles & femmes puiffent
> fe faire infcrire pour l'exercer , jufqu'à ce que fa
> majeflé ait manifcfté fur ce fujet fes intentions
) plus particulières. Que le maintien des autres
» articles de l'ordonnance de 1669 , concernant la
police de la Pèche , efl d'une néceffité fi effen-
> tielle pour obvier au dépeuplement, foit en ce
> qi^ls prefcrivent la marque des filets à l'écufTon
des armes du roi , dont le coin efl gardé par fes
ordres dans les maîtrifes , foit en ce qu'ils défen-
dent une infinité de filets deflru£leurs , comme
tramails , éperviers , cliquettes &;aiitres inven-
tés pour le dépeuplement ; que la cour a , dans
tous les temps , rappelé l'exécution de ces lois ,
notamment par fon arrêt du 21 o£lobrei762,
qui contient en abrégé les difpofitions de l'or-
dormance ; que toutes perfonnes doivent donc
être affujetties à s'y conformer , à peine , contre
les contrevenans, d'encourir les peines & amen-
des telles que de droit ; mais que l'expérience
faifant connoître que les lois les plus fages font
bientôt & toujours violées , s'il n'y a des gardes
chargés de les faire obferver & de contafier les
contraventions , il efl nécclTaire d'y pourvoir.
Que jufqu'à ce moment les gardes ont été de
deux efpèces. Il y avoit les jurés & maîtres des
deux communautés, que les pêcheurs étoient
tenus d'élire tous les ans , en comparoifTant aux
afl"ifes tenues tous les ans par les maîtres des eaux
Se forêts , aux termes des articles 1 2 du titre 12,
3 & 20 du titre 3 i de l'ordonnance de 1669. II y
avoit aufTi des infpe^leurs Se fergens prépofés fur
les rivières, dont M. le grand-maître du dépar-
tement de Paris avoit fait nouvelle nomination
par fon ordonnance du 28 avril 1761 , en con-
féquence de l'article 23 du titre de la Pêche de
l'ordonnance de 1669. Que cependant l'état de
pêcheur étant déclaré libre par le dernier édit,
n'y ayant plus ni maîtres de communauté , ni
jurés , dans l'inftant raêms où le nombre des pê-
34 PECHE.
y> cheurs va fe multiplier à l'infini , il penfoit dc-
3» voir requérir que , conformément à l'article 2.3
s» du titre de la Pèche de rordonnance de 1669 ,
M les inipefteurs & gardes nomméspar M.le grand-
» maître , continueront à faire exa6tement les fonc-
s> tions de leurs offices, & qu'en outre, dans le nom-
M bre des pêcheurs préfentés & admis , feront choi-
»> fis annuellement , lors de la tenue des affiles, des
» lyndics & adjoints reconnus dignes de confiance
•>■> par leurs probité & bonnes moeurs , à l'effet de
» vcUler à l'exécuiion de tous les réglemens. Que
» Itiu mmiftère ne fe bornera pas à reclamer l'exé-
« cution des feuls articles de police fur les rivières ,
» fon devoir le foUicite encore à conferver les
» droits^facrés & iraaliénables^du domaine. Les pê-
M cheurs à verge 6f à engin , font aftreints de temps
» immémorial à payer un droit de dommne, mwn-
» tant à 6 fous 3 deniers, lors de chacune des afli-
î> fcs que les maîtres des eaux & forêts doivent
ï) tenir dans toute l'étendue de leur martrife ; ce
M droit doit êttc perçu par le receveur des amen-
j) des de la maîtrife , qui eft tenu d'en compter au
» profit du roi , ainfi que des autres deniers de fa
») recette. La perception de ce même droit cil con-
ï) firmée par arrêt du confeil du 2 décembre 173S.
■»» Le dernier édit accordant la liberté de la Pèche ,
j) la multitude d'hommes qui va s'y livrer, prcten-
j» dra fans doute que le roi ne faifant pas de relerve
T) de fon droit de domaine , ils n'y feront pas z(Tu-
» jettis ; que cependant, le roi n'en ayant pas fait
>» la remife , {es droits ne doivent foufFrir aucune
M atteinte , & le procureur-général ne peut fe dif
j> penfer de conchire à ce que tous ceux qui vou
j» dront jouir de la hberté de la Pêche accordée par
3> les édits , foient tenus , lors de leur déclaration
») en la maîtrife particulière des eaux Si. forêts de
»> Paris, & de leur infcription fur les regiftres à
J» ce deftinés, d'y faire en même-temps la foumif-
n fion d'acquitter , lors de la tenue des affifes , le
» droit de domaine , montant à 6 fous 3 deniers, fi
» le roi le requiert m.
Sur ce réquifitoire eft intervenu, le 3 feptembre
1776 , un arrêt ainfi conçu :
» Les juges ordonnés par le roi pour juger en
» dernier rcflbrt & fans appel, les procès de ré-
« formation des eaux & forêts de France , au fiége
V général de la table de marbrç du palais à Paris,
3) erdonnent que les ordonnances, arrêts & régle-
» mens fur le fait de la Pèche & police des rivières ,
« & notamment les titres 12 Si 31 de l'ordonnance
3> de 1669 , concernant les alTifes & la Pèche ; les
ac articles 17 & 18 du titre 25 , concernant les pê-
î> chéries des gens de main-raorre; Tarticle ç du
m titre 26 , concernant la Pêche des particuliers ;
3» les ordonnances du grand-maître des eaux &.
o> forêts, des 28 avril & 11 juin 1761 ; l'arrêt de
3> la cour du 21 octobre 1762 , & l'article 9 de
»5 l'édit du mois de février dernier, fur les arts 8c
M métiers ;^enfemble les ordonnances & réglemens
I» concera<uit h perception & l'ioaliénabilké de&
PECHE.
» droits du domaine , feront exécutés ; en conK-
» quence ;
» Article i . Tous ceux qui voudront être ad-
» mis à pêcher dans la rivière de Seine & autres
i> y afRuentes , feront tenus , pour profiter de la
M liberté accordée par les édits, de faire leur dé-
» claration devant le maître particulier de la maî-
» trife des eaux & forêts de Paris , ou fon lieu-
j> tenant , laquelle déclaration fera reçue fans au-
» cuns droits ni frais , fera infcrite fur un regiftïc
» qui fera tenu à cet effet an greffe de ladite maî-
1) trife , & contiendra les noms , fur-noms , âges
» & demeures de ceux qui fe préfenteront , &
» leur foumiilîon de payer, fi le roi le requiert,
)» lors de la tenue des affifes , entre les mains du
» receveur des amendes de ladite maîtrife , le droit
» de domaine de fix fous trois deniers chaque fois ,
» à peine , à défaut de fe faire infcrire , d'être pu-
» nis comme dèlinquans , 6c à dcfaut de compa-
» roître aux afiïfes , de trois livres d'amende , &
» de fix livres en cas de récidive; defquelles dé-
» clarations & iijfcriptions le greffier de la maî-
» trife fera tenu d'envoyer tous les trois mois, au
» lieutenant de police , le rôle généra!.
» 2. Les hommes de vingt ans au moins pour-
5> ront feuls fe faire infcrire pour la profeffion de
» pêcheur,
» 3. Dans le nombre des pêcheurs préfentés
» & admis , feront choifis annuellement , lors de
" la tenue des affifcs , des fyp.dics & adjoints»
>» qui feront tenus de veiller à l'exécution de tous
" les réglemens.
" 4. Les gardes Se infped^eurs nommés par Fe
»» grand maître en avril 1761 , ou ceux qui leur
» ont fuccédé , ou qu'il nommera par la fuite en
» nombre fuPnfant , conformément à l'article 23
» du titre 31 de l'ordonnance de 166^ , veille-
» ront avec les fyndics & adjoints , conjointe-
" ment ou féparément , fur les pêcheurs, à ce
» qu'ils ne contreviennent à aucun règlement ; &
» s'ils étoient trouvés péchant en temps de frai ,
» faifons prohibées , ou jetant dans les rivières
>» aucune chaux , noix voraique , coque de levant,
n momie ou autres drogues ow appâts , comme
» aufH dans le cas oii ils employeroicnt des filets
" non marqués aux armes du roi , ou des filets pro-
" hrbés , comme gille, tramail , furet , épervier ,
» châlon , fabre , cllcjuetts ou autres inventés au
» dépeuplement des rivières, lefdits gardes, inf-
n pei51eurs , fyndics & adjoints , laifiront lefdits
» filets , & les dépoferont au greffe de la maîtrife,
'» avec leurs procès - verbaux , qu'ils affirmeront
)> véritables , & affigneront les c'élinquans en la-
« dite maîtrife, au premier jour, pour y répondre j
5» leur font défenfes de recevoir aucune fommc
» de qui que ce foit, ni de compofer avec les dé-
T> linquans , fous tell» peine qu'il appartiendra,»
î> fauf à leur être adjugé leurs frais & faîaires lé-
» gititnes, lors du jugement qui interviendra fut
n les procès-verbaux..
PECHE.
» 5. Toutes les épaves qui feront péchées fe-
» ront garées fur la terre , & les pêcheurs en don-
ï> nerom avis aux gardes , fyndics & adjoints ,
>> qui les donneront en garde à perfonnes folva-
>♦ blés , lefquelles s'en chargeront fur le procès-
»» verbal qui en fera drefie, & le fubOitut du pro-
» cureur général du roi en la maîtrife de Paris,
>) fera tenu de faire faire les publications & d'en
» requérir la vente , conformément aux articles 16
» & 17 du titre 31 de l'ordonnance de 1669, dans
j> le temps, les délais Se en la manière qui y eft
j» ordonnée.
i> 6. Toutes perfonnes infcrites fur les regiftres
V des pécheurs, & tous autres qui entreprendront
» de pêcher fur fleuves ou rivières navigables ,
ï7 feront tenus de répondre aux affignations qui
»i ne pf^urront leur être données que pardevant
» les otficiers de la maîtrife, exclufivement à tous
a autres juges , même des feigneurs , conformé-
» ment à l'article 22 du titre 31 de l'ordonnance
.» de 1669 ; & fi lefdits pêcheurs font trouvés cou-
» pables,ils feront condamnés fuivant la rigueur
» des ordonnances , fauf l'appel en la cour.
» 7. Enjoignent à tous huifllers , archers ou
M gardes de ports qui feront requis , conformé-
» ment à l'article 28 du titre de l'ordonnance de
« 1669 ,de prêter main forte auxdits gardes , inf-
» pecleurs, fyndics & adjoints, moyennant fa-
» laires raifoniiables «.
Comme celui qui eft propriétaire d'un moulin
l'eft auffi de l'eau du canal , à moins qu'il n'y ait
titre au contraire , la jurifprudence a établi que
le droit de Pêche dans ce canal appartenoit à un
tel propriétaire Hcnris rapporte deux arrêts des
15 décembre 1668, & 15 juillet 1656, qui l'ont
ainfi jugé.
L'article 4 du titre 31 de l'ordonnance des eaux
& forêts , défend aux pêcheurs de pêcher aux jours
de dimanche Se de fête , fous peine de quarante
livres d'amende.
Et l'article 5 leur défend pareillement de pê-
cher , en quelque temps que ce foit , avant le
lever & après le coucher du foleil : mais cette
défenfc n'a pas lieu pour la Pêche qui fe fait
aux arches des ponts ^ aux moulins &. aux gardes;
on peut pêcher dans ces endroits la nuit comme
le jour , excepté les fêtes Se dimanches & le temps
du frai.
Un arrêt du confeil du 21 mars 1676, a auffi
permis de pêcher au grand filet la nuit dans la
rivière de Loire.
Lartlcle 6 du titre cité défend aux pêcheurs de
pêcher dans le temps du frai , afin d'empêcher le
dépeuplement des rivières. Ce temps eft depuis
le pr.;mier février jufqu'au !<) mars, dans les ri-
vières où la truite abonde fur les autres poiffons (1);
(I) Ces difpofi'Aons une (té ckangi'es re'arivemcnt à quelçyes
rivières , par une dcclaration du 14 celt 1775,5121 efl a'mji
tonçuc :
J-ouis , &c. Salut. L'otdonHancc donnée au mois d'août
PECHE. 35
Bc depuis le premier avril jufqu'au premier juin
dans les autres rivières. Chaque contrevenant doit
être condamné à vingt livres d'amende & à un
mois de prifon pour la première fois ; à quarante
livres d'amende & à deux mois de prifon en cas
de récidive , & au carcan , au fouet & au bannif-
fement du relîbrt de la maitrife pendant cinq an-
nées pour la troifiême fois.
L'article 7 excepte de la prohibition dont on
vient de parler , la Pèche aux faumons , aux alofes
I lii^ , fur le fait des eaux ^' forêts : contenant un rcglemenc
gincral de police pour la i'cche , il n'a pas ai poflib^e d'y ia-
i'érer des dil'politions particulières & propres à chaque pays Se
à chaque rivière ; maisil e(l de nGtre juftice d'en étendre,
ch.ingcr ou inodihet , fuivant l'exigence des cas , les difpol:-
tions dont l'exécution littcrale feroit contraire aux vues mc-
mes du bien public qui les ont diulées. L'article 6 du titre de
la Pêche de cette ordonnance , porte, que les pêcheurs ne
pourront pêcher pendant le temps de frai ; favoir, aux riviè-
res où li truite abonde luv tous les autres poiflTons , depuis le
premier février jufqu'à la mi mars ; cette fixation , pour le
temps de frai , ne nous a point paru devoir être uniforme
pour toutes les rivières , atren lu que nous fommcs informé»
que la trui-.e , qui abonde dans les rivières qui fe rendeac
dans h Manche, &: notamment dms celles d'Eaune, de Bé-
thiine ou NeufChâtel, d'Arqués , de Scie SiT de Saune ,
commence à remonter dans cet rivières &: à y dépofer le frai
des le J5 décembre; cependant les propriétaires de pêche-
ries les plu's voifines de la mer ^ autorifés par les dil'polltione
de ladite ordonnance , 'c^|jennent exailement fermées juf-
qu'au premier Rvrier, &fWhipéchent pat ce moyen la truite
de reraoster Se de frayer dans ces rivières , ce qui prive de ce
poilTon les auftes propriétaires de ces riv/ères ; défirant faire
celier cet inconvénient, nous avons réfolu de faire coanoîtrc
nos intentions à ce fujet. A ces caules , & autres à ce nous
mouvant , de l'avis de notre confeil & de notre certaine
fcieace , pleine puiflance & aurorité royale, nous avons, par
CCS pféfcntes lignées de noire main , dit, déclaré Se oidonné,
difons , déclarons & ordonnons , voulons & hous plaît co
qui fuit :
Art, I. Toutes les pêcheries établies fur les petites rf-
vièies d'E.-une, de Réthune ou Meuf-Châtel , d'Arquss, de
Scie & de Saune, demeureront ouvertes depuis le 1 5 décem-
bre de chaque année , jufqu'au premier février fuivant , vou-
lons en conféquence que les vannes qui donnent dans ces
pêcheries , foient exactement fermées pendant ce temps.
1. L'une defdites vannes qui font au-dclfus de ces pêchc-
ijss,&: donnent dans l'arrière fofle des moulins à volets ou
à aubes , lîtués fiir lefdites ri\ icres , fera & demeurera tou-
jours ouverte pendant ledit temps , pour que la truite ait un
libre partage ; ne pourra néanmoins cette di'polîtion avoir
lieu à l'égard des moulins à auges, dont les meuniers au-
ront , comme par le paiPe , la liberté de te.Tir leurs vannes
fermées.
3, l-aifons trcs-exprertes inhibitions & défenfes à toutee
perlcnnes, d'interpofer dans aucun endroit defdites rivières ,
dcsgilles, râteliers, lilets & autres engins, de quelque cf-
pècc que ce foit , qui puiflVnt empêcher la truite de remonter
librement dans toute l'étendue defdites rivières, &: d'y frayer.
4. Défendons pareillement, fous les peines portées par
l'ariicle jo du titre de la Pèche de l'ordonnance des eaux &c
forérs du mois d'aoùr 166 j , à tous pêcheurs de pêcher dans
lefdites rivictes depuis ledit jour l\ décembre de chaque aa-
néc, jufqu'au premier février fuivant inclulivement, na-n-
obitant ce qui cft porté par ledit aiticle , auquel nous avons
dérogé & dérogeons pour ce regard feulement.. Si donnons
en nundcmcnt , &c.
56 PECHE.
& aux lamproies , laquelle peut avoir lie» en tout
temps.
Il eu défendu , par l'article i8 , à toutes fortes
de perfonnes d'aller fur les mares , étangs &
foiTés , lorfqu'ils font glacés ; d'en rompre la gla-
ce , 6c d'y porter des flambeaux ou d'autres feux ,
pour y prendre du poiflbn, à peine d'être punies
comme pour vol.
Il y a diftérentes communautés à qui le droit de
Pêc'ne appartient dans les rivières dont leur ter-
ritoire eii arrofé ; mais il eft clair que ce droit ne
pourroit être exercé fans abus par chaque habi-
tant : c'eft pourquoi l'article 17 du titre 25 de l'or-
tlonnance des eaux 6c forêts, a r-.glé que la part
des habitans dans la Pêche feroit , après les publi-
cations convenables, donnée par adjudication de-
vant le juge des lieux , en prèfcnce de la partie
publique 6c du fyndic de la paroiffe , au plus of-
frant 6c dernier enchérîfleur , 6c que le prix de
l'adjudication feroit employé aux réparations de
l'églifc , ou à d'autres befoins de la communauté.
L'article fuivant défend à tout habitant , autre
que les adjudicataires , qui ne peuvent être que
deux dans chaque paroi/îe , de pécher en aucune
manière , même à la ligne , à la main ou au panier ,
dans les rivières , éiangs , fofles , marais 6c pêche-
ries communes , nonobftant toute coutume 6c pof-
feffion contraires , à peine de trente livres d'a-
mende 6c un mois de prifon-pour la première fois ,
& de cent livres d'amende avec banniffement de la
paroifTe en cas de récidive.
L'article 10 du titre 31 défend ex preffément aux
pêcheurs de faire barrer les rivières pour pêcher, Se
«le fe fervir des engins condamnés par les ancien-
nes ordonnances (i), ainfi que de ceux qui font
appelés gilles , tramail , furet , épervier , châlon ,
Cabre, dont elles n'oBt pas fait mention , 6c de tout
autre qui pourro'it être inventé pour le dépeuple-
ment des rivières , fous p>eine de cent livres d'a-
mende pour la première fois , Se de punition cor-
porelle en cas de récidive.
H Leur défendons en outre , porte l'article 1 1 ,
» de bouiller avec bouilles (2.) ou rabots , tant
j» fous les chèvrins , racines, faules, oziers , ter-
j> riers Si arches , qu'en autres lieux , ou de met-
•» tre lignes avec efchets 6l amorces vives ; en-
îj femble de porter chaifnes 6c clairons en leurs ba-
î> telets , 6c d'aller à la fare, ou de pefcher dans
3» les noues avec filets , 6c d'y bouiller pour pren-
w dre le poilTon 6c le fray qui a pu eftre porté par
( I ) Ces engins font le bas , rebouer ou robotin , & tous les
aunes bas quels qu'ils foicnt ; le panier , ricUiTe , le chiffre
garni de valois , l'ameHde , le pliiterois , la ttuble à bois , la
liourache , la chatte, le marche-pied , le cliquet, la rouaille
l'cchiquier , l'epcivier , la ram^e , le fagot, la nafle pelée , l,i
jor.chée , la ligne de long à menus hatneçons , la braye , la
chaulTe & le boucet efptz.
(:.) Bouiller ave; houiilts , (îgnifie retruci la vafe avec de
longues perches, pour en fiire foitir le pollFon qui s''y çft
«ùré.
PECHE.
» le débordement des rivières , fou? quelque pré«-'
» texte , en quelque temps 6c manière que ce fo;t ,.
» à peine de cinquante livres d'amende contre les
» contrevenans , 6c d'eflre bannis des rivières pour
5> trois ans , 6c de trois cents livres contre les maif-
V très particuliers ou leurs lieutenans , qui en au-
>» ront donné la permfîîon ».
Les pêcheurs doivent, fuivant l'article 12, re-
jeter dans la rivière les truites , carpes , barbeaux ,
brèmes , meuniers , qu'ils ont pris , 6c qui ont
moins de fix pouces entre l'œil 6c la queue; 6c les
tanches , perches 6c gardons qui en ont moins de
cinq , à peine de cent livres d'amende , 6c de con-
fifcation contre les pêcheurs ou marchands qui en
auront vendu ou acheté.
L'article 13 défend aux pêcheurs de fe fervir
d'aucun engin ou harnois , même de ceux dont l'u-
fage ert permis par les ordonnances , avant qu'ils
aient été i'cellcs des armes du roi , gravts fur un
fceau de plomb , avec le nom de la maîirife à l'en-
tour , fous peine de confifcation 6c de vingt livres
d'amende. La loi veut qu'il foit tenu regiîlre des har-
nois qui ont été i'ccllés , du jour auquel ils l'ont été ^
ik du nom du pêcheur à qui ils appartiennent.
L'article dont il s'agit avoit ordonné que les of-
ficiers ne pourroient percevoir à cet égard aucun
falaire ; mais un édit du mois de mars 1708 a déro-
gé à cette difpofition » 6c a permis à ces officiers de
percevoir cinq fous pour la marque des grands fi-
lets , quatre fous pour celle des moyens, 6c trois
fous pour celle des petits.
Pour l'exécution des articles de l'ordonnance
dont nous venons de parler, un arrêt du confeil
du 22 novembre 1735, a enjoint à toutes fortes
de perfonnes indiflinâemcnt , de montrer aux of-
ficiers des maitrifes , lorfqu'ils l'exigeront , les poiA
fons qu'elles auront péchés 6c les filets dont elles
fe feront fervies.
En cas de contravention , il doit être dreflé pro-
cès-verbal de la quantité 6c de la qualité du poifibn
qui n'elî pas de la longueur prefcrite, 6c des engins
défendus; enfuite les délinquans doivent être afli-
gnés à comparoir au premier jour d'audience , pour
répondre.
Si les officiers des maîtrifes jugent que les engin»
ou harnois faifis font prohibés , ils doivent les faire
brûler à Tifliie de leur audience, au-devant de la
porte de leur auditoire, 6c condamner les contre-
venans aux peines 6c amendes prononcées par l'or-
donnance, fans pouvoir les modérer, à peine de
fufpenfion de leurs charges pendant un an. Arti-
cle 2 5 du titre 3 i .
11 eft défendu, par l'article 14 > à toutes fortes
de perfonnes de jeter dans les rivières aucune
chaux, noix vomique , coque de levant, 6c au-
tres drogues ou appâts , à peine de punition cpr-
porcUe.
Divers arrêts du confeil ont pareillement dé-
fendu de faire rouir du chanvre & du lin d^s les
PECHE.
TÎvlères » parce que ces fubflances attirent le pôil-
fon & le font mourir.
L'article 1 5 défend à tous mariniers , contre-
maîtres, gouverneurs & autres compagnons de ri-
vière , conduifant leurs bateaux, flettes ou nacel-
les , d'avoir engins à pécher , même ceux qui font
permis , à peine de confifcation & de cent livres
d'amende.
La déclaration du roi du 11 juin 1709, & l'or-
donnance militaire du 25 juin 1759 , ont attribué
aux ofiiciers des états-majors des places, la Pèche
des fofl'és qui en dépendent.
De la Pèche dans la province de Lorraine.
L'ordonnance de 1669 n'eft pas connue en Lor-
raine. On y fuit, relativement à la Pêche, les dif-
pofitions du titre 5 du règlement général des eaux
& forêts , donné par le duc Léopold au mois de
novembre 1707; voici ce qu'il porte :
j> Article i. La Pèche de nos rivières & ruif-
y> féaux fera adjugée , ainfi que du paffé , par-de-
» vant les oiKciers i3e nos gruries ( i ) , lefquels
» veilleront à l'exécution de nos règlemens fur ce
» fait.
» 2. Défendons à tous pêcheurs de pêcher les
» jours de fêtes & dimanches, & généralement
» pendant toute l'année , depuis le foleil couché
» jufqu'au foleil levé.
»> Défendons pareillement de pêcher pendant
» les mois du frai , à peine de cinquante livres
»> d'amende.
» 4. Le temps de réfervc dans les rivières &
3> ruifleaux où la truite abonde , fera depuis le pre-
» mier du mois de novembre jufqu'au 15 janvier
» ( 2 ) ; & pour les autre» rivières & ruiffeaux, les
j> mois d'avril & de mai.
» 5. L'amende ordinaire , fur le fait de la Pêche ,
Y> fera de vingt cinq livres pour les délits & méfus
»> qui feront commis de jour, & du double pour ceux
» qui feront conimis de nuit ; & fi quelques-uns
« étoient trouvés jetant A^ns nos eaux, de la chaux,
î' noix-vomique , coqire de levant , ou autres dro-
» gucs ou appâts , ils feront condamnés à cent li-
» vres d'amende pour la première fois , & punis
» corporellement en cas de récidive.
y> 6. Voulons que dans chacune de nos gruries
» il y ait un coin portant l'empreinte de nos armes,
» avec le nom de ladite grurie, duquel coin feront
»» fcellés en plomb tous les engin^s & harnois des
(1) I es officiers des gruries des diics de Lorraine , font
aujourd'hui repréfentés par les officiers des m.iîcrifes gui ont
été établies dans cette province depuis qu'elle a été cédée à la
Fiance.
(j) L'article 4«l'une déclaration du ^t janvier 17Î4 , fer-
rant de fupplcment au règlement général des eaux & forêts
de Lorraine , a ordonivc que le temps delà réferve ou la dé
fenfe de pêcher dans les rivières. Se ruifieaux où la truite
abonde , feroit prorogé jufqu'au premier février, Et l'article 4
du titre j de l'édit du mois de janvier 1-2? , a voulu que cette
frorogacion s'ccendîtju 'qu'au premier mars d« chaque année.
PECHE. 37
» pêcheurs, dont les mailles des filets, pour les
» grandes rivières , auront fix pouces de circonfé-
» rence, & pour les petites, où les truites abon-
•)■> dent, auront au moins quatre pouces, & feront
M ajuflés fur ce pied avec les moules des gruries.
» Défendons de fe fervir d'aucuns qui ne foienf
» fcellés, à peine de confifcation & de vingt-cinq
» livres d'amende ( i ) "•
L'article 7 avoir pour objet le rempoiflbnnement
des étangs du fouverain , & enjoignoit aux ofKciers
des gruries d'y tenir la main. Aujourd'hui ces
étangs font partie de la ferme ou régie des do-
maines de Lorraine.
u 8. Si les communautés de nos domaines fe
, n trouvent propriétaires de quelques étangs , ri-
5> vières , ruilTeaux ou droits de Pêche , elles fe-
» ront lailfées à ferme , après publications faites
w pardcvant les officiers de nos griMÙes , dans les
n lieux de leur réfidence , fmon pardevant le*
5» maires & gens de juftice des lieux , aux plus of-
» frans & derniers enchérifleurs , au profit de la
)> communauté, fans que les particuliers, autres
'- que les adjudicataires , puùTcnt pêcher ou ex-
» ploiter leurs droits , & fans que les adjudica-
» taires puifTent s'aflbcier ea plus grand nombre
» que de trois.
» 9. Les communautés ou particuliers qui auront
n droit d'abreuver leurs beAiaux, ou de les mener
>» vain-pâturer dans les étangs, feront tenus en
» prohibition de les y mener pendant les mois de
)» mai & de feptembre , à peine de cinquante livres
» d'amende , & dommages & intérêts envers les
» propriétaires ou fermiers.
» 10. Et d'autant que l'expérience fait connoître
» que les chanvres , que la plupart des particu-
» liers , par un ufage abufif , mettent dans les ri-
» vières & ruifieaux poin©nneux , font très-pré-
» judiciables aux poi/Tons , défendons à toutes for-
j» tes de perfonnes d'y en mettre à l'avenir , fous
» quelque prétexte que ce puifle être, à peine de
n dix livres d'amende pour la première fois , du
>» double pour la féconde , & de plus grande peine
» en cas de récidive; leur permettons néanmoins
>j de faire rouir ou mouiller leurs chanvres dans
M les layes reculées & bords des rivières naviga-
5) blcs , pourvu qu'ils ne nuifent pas à la navi-
» gation.
» II. Tous ceux qui ont droit de pécher dans
j> les rivières & ruiffeaux , feront tenus d'obferver
>) & faire obfcrvev notre préfcnt règlement par
» leurs domeHiques ou pêcheurs auxquels ils les
» auront affermés , à peine de privation de leurs
■>■> droits.
» 12. Les mêmes peines, amendes 5i conûfca-
i't) L'article 4I de l'éJit du duc Léopold , d» 1 4 août lyzr
&: l'anic'e 5 de la déciatation de ce prince du ji janvier
1714 , ont ordonné que ces dirpofitioaa fcroier.t exécutées
dans les hautcs-juftices des vaflaus , de laênae que dansks
JoiuaJaes du fouverain.
38
PECHE.
î> t'ions cî-de(Tiis ordonnées pour nos enux & io-
î> rets , auront lieu pour les eaux oc torêrs des com-
35 mv.nautcs , fctgneuvs & parv.culiers , Icfqucls fe-
»> ront obfervcr le préfent règlement par leurs offi-
ï> cieis, foiêtiers ou bûcherons, dans les coupes,
« vidange & balivages de leurs bois.
n 13. Voulons au furplus que les ordonnances,
« données par nous ou par les ducs nos prédécef-
jj feurs , fur le fait des eaux & forêts , chaffes ou
j> Pèches , foient fuivies & exécutées en ce qu elles
« ne le trouveront contraires aux préfentes, le tout
»> réan;r.oins fans déroger aux p'iviléges Se concef-
»> cefiions qui peuvent avoir été obtenus par quel-
» ques communautés ou particuliers, qui auront
j» été par nous confirmés ».
L'article 43, de l'édit du 14 août 1721 , a défendu
aux fermiers des rivières , tant du prince que des
hauts-jufîiciers, de faire barrer ces rivières pour la
Pèche , à peine de cinq cens livres d'amende , & de
pareille fomme de dommages intérêts, fans que les
hri;:s juO.iciers , cenfuaircs ou donataires , puflent
accorder aucune perraifTion contraire.
Et l'article 2. de la déclaration du 31 janvier
1724 , a défendu à toutes pcrfonnes de détourner
le cours des rivières & des ruifleaux, tombant im-
inédinteraent dans les rivières de Lorraine , ni d .'
les couper par des digues & retenues , pour y pê-
cher ; à peine de cinquante livres d'amende pour
la première fois , & du double en cas de récidive ,
outre les dommages & intérêts , félon l'exigence
du cas.
L'article 3 de cette déclaration défend, fous les
jnênics peines, de pêclier, vendre ni débiter aucune
truite ni ombre, qui n'ait au moins fix pouces en
vof;2;es , & neuf pouces en barrois entre la tête &
la queue , ni des écrevlifes , qui n'aient au moins
deux pouces entre la tête (k la queue. .
Par l'article 6 , les officiers des grurics font auto-
rlfés à vif ter , quand bon leur femble, les rivières,
ruifieaux & pêcheries de leur reflbrt ; Se même , en
cas de négligence de la part des officiers dvîs vaf-
faux , ils peuvent étendre leurs vifites dans les hau-
tes jufiices contigues à leurs gruries , & doivent
veiller à ce que les règlemcns concernant le moule
6c la marque des filets , engins ou harnois fervant
à la Pèche , foient exaftement obfervés par tout :
la même loi veut que ces officiers faififient les filets,
engins on harnois qui ne font pas conformes aux
rèf'lemens , qu'ils en dreffent leurs procès- verbaux ,
Se qu'après les pourfuites & jugemens néceffaires ,
ces filets , engins ou harnois, foient briilés au de-
vant de la porte de l'auditoire.
L'article 7 autorife pareillement les officiers du
prince & ceux des hauts-jufticiers , à vifiter les ré-
fervoirs de poifibn , huches, paniers & boutiques
des marchands , foit dans les places des marchés ,
foit ailleurs , pour reconnoître fi leurs poiiTons font
de la qualité prefcrite par les ordonnances, & en
cas de contravention , les frùfir & confifquer , avec
condamnation d'aia;iende félon Iss circouftançes.
PECHE.
L'artlcles 8, vclit que les gardcs-Pèchesjouiiïent
des mêmes gages, droits , franchifes& exemptions
que ceux dont jouiflcnt les gardes des forêts.
Toutes les difpofitions que noss venons de rap-
porter, ont été renouvelées & confirmées par ledit
du duc Léopold du mois de janvier 1729.
De la Pêche maritime.
Par l'article premier du titre premier du livre ^
de l'ordonnance du mois d'août 1681 , le roi a dé-
claré la Péclie de la mer libre à tous fes fujets, &
leur a permis de la faire, tant en pleine mer que fur
les grèves , avec les filets & engins autorifés par
cette ordonnance.
L'article 2 , veut que les particuliers qui iront
faire la Pêche des morues , hartngs & maquereaux ,
fur les côtes d'Angleterre , en Amérique, & en gé-
néral dans toutes les mers où elle peut fe faire ,
prennent un congé de l'amiral pour chaque voyage,
Mais ceux qui font la Pêche du poifibn frais avec
bateaux portant mâts, voiles & gouvernail, ne
font obligés , fuivant l'article 3 , qu'à préfenter un
feul congé chaque année , & ils font difpenfés de
faire aucun rapport à leur retour à moins qu'ils
n'aient trouvé quelques débris , vu quelque flotte,
ou fait quelque rencontre confidérable à la mer. En
pareil cas , ils font tenus de faire leur déclaration
aux officiers de l'amirauté, qui doivent la recevoir
fans frais- La même règle a lieu à l'égard des pê-
cheurs dont parle l'article 2.
L'exception que le légiflatcur a faite en faveur
des pêcheurs de poiflbn frais , c{\ fondée fur ce que
les voyages qu'ils font en mer font fort courts , &
que c'eiJt été furcharger ces fortes de pécheurs , fî
on les eût aflreints à prendre un congé de l'amiral
pour chaque voyage.
Le meilleur moyen d'améliorer la Pêche & d'en
corriger les abu*, étant d'empêcher qu'on ne pêche
le frai Se les poifions du premier âge , It fouverain
a jugé qu'on ne pouvoit mieux remplir ces objets ,
qu'en réglant la maille & l'ufage des filets ou en-
gins qui peuvent être employés à la Pêche. •
C'eft d après ces vues , que le légiflateur ayant ^
par l'article premier du titre 2 du livre 5 de l'or-
donnance citée , autorifé les pêcheurs à fe fervir
des rets ou filets appelés folles , a ordonné par l'ar-
ticle 2 , que ces folles auroient leurs mailles de
cinq pouces en carré , & qu'elles ne pourroient
êtrelaiiïées à la mer plus de deux jours , à peine
de confifcation &. de vingt-cinq livres d'amende.
Il faut d'ailleurs , fuivant l'article 3 , que ceux
qui pèchent avec des folles foient toujours fur leurs
filets tant qu'il-s font à la mer, pour les vifiter de
temps en temps & de marée à autre , à moins qu'ils
n'en foient empêchés par la tempête ou par les
ennemis.
Ces difpofitions font fondées fur ce que ces filets
étant defîinés à pêcher les plus gros poifTons, tels
que les efturgeons , les marfouins , &c. ils font
extrêmement forts , & pourroient par cotiféquent
PECHE.
eaufer du dommage aux petits bàtimens de mer
qui viendroient à les aborder, fi les pécheurs n e-
tûient pas préfens, pour avertir les navigateurs
d'éviter cet abordage.
L'ufage du filet appelé dreigc étoit autonlc par
Tarticle 4 , qui en avoit réglé les dimeniions ; mais
dans la fuite on s'en fervit d'une manière fi abu-
five , que le frai du poiflbn s'y trouvoit pris (ans
pouvoir échapper. Cela fit un tel préjudice à la
Pèche maritime, qu'il s'éleva un cri univerlel à
ce fujet fur toutes les côies du ponant.
Pour remédier à ce mal, & rétablir la Pêche du
poilTon de mer , le roi donna la déclaration du 2.3
avril 1726 , qui fut enregiftrée au parlement le 18
mai' fuivant. Cette loi ht défenfe d'employer à
l'avenir pour la Pêche maritime, les filets appelés
tirciges, & tout autre filet traînant, excepté pour
la Pèche de l'huitre , & elle fupprima l'ufage des
bateaux fans quilles , mâts , voiles , ni gouvernail ,
pour faire la Pèche en mer , le long des côtes &
aux embouchures des rivières ( 1 ).
( I } Vuki cet e déclaration.
Louis, S:c. Salac. L'attention qjc nous avons à procurer
l'abondance dans notre royaume , nous a Jcterminé à faire
rechercher d'où provient la Jiiecte du poilTon de mer: il a
été reconnu qu'elle ne peut être attribuée ([u'à la pratique de
la Pè.he avec le tilet nommé dreigi ca dr.'guc , letiucl traî-
nant fur les fonds avec rapidité , gratte & laboure tous ceux
fur lefquels il pafTe , de manière qu'il diir.icine &: enlève les
herbes qui fervent d abri & de réduit aux poifTons, rompt les
lits de leur frai , fait petit ceux du premier âge , fait fuir tous
ceux qu'il n'arrête point, ou les cioigne li confidérablemenc,
que les pêcheurs font obliges de les ali;r chercher au large ;
où là l'ccl.e fe fait avec' de plus fos rifques Se à plus grands
frais. Il n'clt pa; poflible d'elpérer de trouver les cotes ic la
mer qui les avoilîne , poitronnetifes , rant que la Pêche fera
faite avec un pareil Hier &: avec les filets traînans dont les pê-
cheurs fe fervent. Le mauvais ufage de la Pêche avec la dreige
a été reconnu depuis très-long temps , aufli-bien que celui
des rets traînans ; ils furent défendus par édit du mois de
mars IÎS4, à peine de punition corporelle ; & il n'y avoir
alors que deux feuls bateaux tolérés pour faire la Pêche avec
ladieige, pour nos bouche & maifon. Les repréfentations
des intèreffcs aux Pêches , plus touchés de leur in:crct parti-
culier que de l'avantage du bien public, htent changer de fi
fages difpolîtions; il ellà préfumer que ces intéiefl>;s expo-
fèrent diffiremment la manière don: fe fait 1* Pèche avec la
dreige , de ce qu'elle étoit efFeitivement , puifque , quoi-
qu'elle fe fafle avec un rets traînant, elle fat permife par l'or-
donnance du mois d'août i6^\ , pendant que cette nicme or-
donnance défend la Pêche avec toutes forres de rets traînans ,
à peine de punition corporelle. Il y eut d'abord un grand
Bonibre di bateaux qui fjrent employés d faire la Pêche avec
k dreige ; la quantité de poilTon diminua conlidératlement ;
& les pêcheurs dreigeuis furent obligés d'eux-mêmes de (e
léduirc à un moindre nombre de bateaux, connoiflant , mais
trop tard , que s'ils continuoient , ils détruiroient abfolument
le fond de la Pèche. L'ufage des petits bateaux plats , fans
quilles, mifî, voilcî ni gouvernail, n'ell pas moins perni-
cieux à la multiplication des poilTonsSc à l'empoiironnement
«les côtes , que la pratique de la dreige , parce que les pê-
cheurs riverains fe fervent de ces fortes de petits bateaux,
qu'ils appellent pfcorr ou p/corcyrj, pour aller traîner aux bords
des fab'es , le long des grèves , & aux embouchures des ri-
vières , des feines, traînes, collerets, drancts &: auties fem-
bUbles cffècss de itts défendus £&r ]'«tdQuaance dit mç'n
PECHE.
té informé qui
foa nommé blanche ou blanquct
39
Le roi ayant été informé que la Pêche du poif-
. i ui__-i ui ,,- caufoit la def-
d'août 16 )I, ce qui détruit abfolument le fiai du poillon.
Ces pêcheurs courent aulîi de grands rifques dans ces petits
bateaux , & ils périllent au moindre vent qui les y furpiend ,
qu.ind ils fe trouvent un peu éloignés de la cote. Toutes ces
railons nous ont détexminés à défendre la Pêche avec la
dreige, en nous réfervaut néanmoins la tacultj de laiflTet
fublil'ter quelques bateaux pour faire cette Pèche pour le fer-
vice de nos tailles , dans des tenps & dans des lieux où elle
ne peut faire aucun tort au frai du poillba ni ai:x poiflorw
du premicc âge , le nombre defquels bateaux fera diminue
ainli qu'il fera réglé pat ces-préfentes , en forte qu'ils feionc
cous fup^riines après le carême de l'année 17^4 expiré. Nous
avons téfolu aufli d'interdire l'ufage de ces petits bateaux ,
connus fous le ncm de pifiîrj ou depicoteurs , &: de renouve-
ler , fous des peines plus févères , les défenfes faites par les
ordonnances, de fe fetvir de rets traînans, de quelque efpêcc
Se fous quelque nom que ce puifTe être ; nous efàmons ces
difpoùtions nccellaires pour empêcher les Pêches abuiîves. A
ces caufes , 5c autres à ce nous mouvant , de notre cettaine
Icience , pkiiiepuillancc & autorité royale , nous avons dit ,
dcclaré Je oraonné , &: par ces préfentes (ignées de notre
main , difons , déclarons , voulons &: nous plajr ce qui fuit :
Art. I . Défendons à toutes perfonnes , de quelque qualité
&: condition qu'elles puiflcnt être , de faire faire la Pèche du
poiffon avec rets, filets ou trameaux nommés dreiges ou dre-
gues , 3. peine de confifcation des bateaux , rets , filets Scpoif*
fons , & de ceat livres d'amende contre le maître , & iceluj
déclaré d_-chu de fa qualité de maître, fans pouvoir en faire
aucune fonftion à l'avenir, ni même d'être reçu pilore , pilote
lamaneur ou locman ; &: en cas de récidive , de trois ans de
galère.
V article 2 bf lesfuivms ctnccrntnt ce qui dévoie être chftrvé
relativement aux per/nij]:ons que le roi s'était réfervé d'accarder
au pourvoyeur de fa maifon jufqu'en i 7 j 4 ,fijurpec/t£r eicc Iti
dreige.
17. Ordonnons à tous casitaines, maîtres & patrons, qui
auront vu pratiquer la Pèche avec la dreige , d'en faire men-
tion dans leurs rapports aux officiers de l'amirauté , en mat>>.
quant le parage 6c le hgnaleinent du bateau pêcheur.
18. Ordonnons auHi à tous pêcheurs faifant la Pcihe du
poiffon frais , de taire leurs déclarations aux officiers de l'ami-
rauté, des bateaux dreigeurs porteurs de ro; permilTions ,
qu'ils pourront trouver faire la Pêche avec la dreige dans les
quatre lieues du bord des cotes , & des autres bateaux qu'ils
pourroienr avoir vu pratiquer la même Pèche , fans être por-
teurs denos permillions , laquelle déclaration fera reçue fans
frais; &: taat fur icelle que fur celles des capitaines, maîtres
&: patrons, feront les délinquaDS pouifuivis à la requête Se
diligence de nos procure tirs dans les fièges de l'amirauté,
19. Faifons défenfes À toutes perfonnes de traînera la mer ■
le long des côtes & aux embouchures des rivières, des feincî
collerets» traînes, dranets , draignaux , draveneis £c autres
femblables filets ôc inlîrumens traînans, fous les pein;s por-
tées par i'anicle preruicr des préfentes.
ro. Défeiïdons , fous les mêmes peines, aux pêchetirs quî
fe fervent des rets , nommés picots , de traîner leurs filets ,i
la mer pour faire la pêche , ni de fe fervir, pour battre l'eau ,
piquer &: brouiller les fonds , de perches ferrées & pointues ^
de cablières , pierres, boulets , chaînes de fer & tous autres
inftrumens.
zr. Faifoni au/Tî défenfes à totrs pècfieirrs & atjtres , feus
Ic8 mênies peines , de fe fervir de muletières & de tramauat
dérivans à la marée , tant avec bateau que fans bateau, ea
qitclqae temps & fous quelque prétexte que ce piiiffe être i
comme auflî de fair? la Pèche de la petite traîne» dreigs ou
dragrre , nommée cauche on cbjufle , âc celle delà dieice
ou drague , armée & montée de fer.
Zi, Les pècbçuES , & toas ïu^çî, d« ^uel<jp« «iualîw &
40 PECHE.
truiflion du frai du poinçon, & du polffon du pre-
mier âge, en ce que ce blanquet n'ayant pas plus
condiïion qu'ils foient , qui aa.onc des tramaux ^^our la
d'eige, ies rauleticreî , des rramaux dtrivanî, des chaufles ou
cauches, des facs fetvantà la dreige ou drague armîcde fer,
des feines, coilerets , corecs ^ traînes , dranets , draignaux ,
«iravenets, & toutes autres efpèces de rets, HIcts, engins &:
Snfttuinens traînans, connus fous quelque dcnomination que
cepuiff; éne , feront tenus de les démonter &: Je les employer
à d'autres ufages,dans le tenT.ed'un mois , du jour de l'en-
regilhement des prcfenres au fiège de l'amirauté de leur ref-
fort , à peine , aprèsledit temps paflc , de cent livres d'amende
& de conl.fcation defdits rets , filets & inftrumcns, que nous
ordonnons être briilés publiquement , & les armures de fer
con!ïfqucas &: btifées,
2 ;. Défendons en confcquence aux marchands fabricateurs
de rets, intéreflls aux Pèches, maîtres ôc compagnons pè-
clieurs ,& à toutes fortes de perfonnes , de quelque qualité
& condition qu'elles puillent être , de faite ou fabriquer ,
vendre ou garder chez, eux aucuns tramaux de dreige , tra-
miaux & muletières Jéiivans , chauffes ou cauches , facs fer-
vans à la driige ou drague armée de fer , &: toutes autres
cfpèces de reis , engins & inllrumcns défendus par J'anicle
précédent, à peine de confifcation d'iceux , &c de trois cents
Jivrcs d'.unende , !e tiers applicable au dénonciateur.
14. Enjoignons aux officiers de l'amirauté, chacun dans
leur reffoit , de faire , un mois après l'enregiilrement des
préi'entes , une exa^^e perquiliiicn des tramaux de drtigc ,
des ir.uletièrcs dérivans ,dci facs , cauches ou chauflls, pour
]a dreige armée de fer , des feines , coilerets , traînes , dra
nets , draignaux & draveneis , de toutes autres efpèces de rets ,
rngins & inllrumens défendus par nos ordonnnaces & par
ces prcfcntcs , qui pourroieat fe trouver, tant dans Jes mai-
fons des pécheurs que des autres riverains de la mer , privi-
légiés & non privilégiés , qui pourront être foupçonnés d'à
voii des filets défendus , & de continuer la même recherche
de tKv.s mois en ti;«is mois, à peine d'interdiâion de leurs
charges, &: d'en drefl'er des procès-verbaux, qu'ils nous en-
verront quini.iine après la confeûicn d'iceux.
L'article 10 du titre ïo de la déclaration du tS mars '7:7,
çai eft rapportée ci-aprls , a modifié ces difpofitions rtlatire-
mint aux vifites , qu'il a réduites à deux chfique annér.
15. Otto -.nons aux officiers des clafTes, lorfqu'ils feront
leurs rcvuîs dans les paroifles de leurs quartiers, de faire en
nième-terrps ia vilîr» des rets, filets , engins &; inftruaicns
des pêcheurs ; &: s'ils en trouvent d'abufifî 3c défendus par
les ordonnances & par ces préfentes , d'en donner avis à no-
tre procureur au fiége de l'amirauré du reflbrt , pauc pour-
faivre les délinquans.
16 Faifons défenfes à tout pécheurs qui fontia Pèche à la
mer , le Icng des cotes , &: aux embouchures des rivières , de
fe fcrvir de bateaux fans quilles, mâts, voiles ni gouver'
nails , à peine de confifcation defdits bateaux, des fiKt; &
poifTors qui s'y trouveiont , de cent livres d'amende contre
Je :na't:e , & d'être déchu de fa qi'alité de maître , fans pou-
-yoit jamais en faire aucanes fondtioni à l'avenir , ni être reçu
pilote, pilote lamaneur ou Jocman ; en conféquence , défen-
dons la conlhuclion des bateaux plars , connus fous le nom
de p:cots ou picoteurs , & autres femblables , i peine de
■contiication defdits bateaux, de cent livres d'amende contre
le charpentier conftracieur , & d'être déchu peur toujours de
fa maîttife : accordons néanmoins aux pêcheurs le terme de
irois mois , du jour delà publication des préfentes , pour fe
pourvoir de bateaux ayant quilles & portanr mâts, voiles Se
gouvernails, ic voulons qu'après leJit temps , tous les ba-
teaux fiats , nommés picots ou picoteurs , & autres fembla-
bles, foient confifqués Se dépecés , & les propriétaires d'iceux
condamnes à cent livres d'amende.
17. Enjoignons à nos procureurs dans les amirautés , de
dçnner avis aux çfficiets dct claflçs j des maîtrçj qui j pour
PECHE.
de froîs pouces Se demi de long , un demi pouce 9c
quelques lignes de largeur , & environ trois lignes
d'épaiiTeur, les péciieurs , pour faire cette Pêche,
étoient obligés de fe fervir d'un filet vulgairement
appelé favoncau , qu'ils pouifoient devant eux en
contravention aux préfentes, feront déclarés déchus de leur
qualitél de maîtres, & fur ledit avis, voulons que Jefdits offi-
ciers des clalTes les rayent du regillre des maîtres, les portent
fut celui des matelots, & les commandent en cette qualité
pour fervir fur nos vaiffeaux.
28. f allons dtfenfes aux pêcheurs & à tous autres , fous
les peines ponces par le premier article des prefentes , de pé-
cher ni faire pécher avec quelque forte de hlets, iniliumens
5c engins que ce loic , ni de quelque manière que ce puiflTe
être , aucun frai de poilTon connu fous les noms de blanche-
melie, noenufTe , faunionelle , guildre , manne , femence , &
fous quelque autre nom & dénomination que ce puifle être ,
d'en laler ni d'en vendre , fous quelque prétexte & pom
quelque ufage que ce foit,
29. Défendons à tous marchands chafTe-roarées, marayeurs ,
poifibnniers, vendeurs & tegrattiers de poiffons , d'acheter
ni d'expofer en vcn:e aucun frai de poiiTon , à peine de
cinquante livres d'amende.
}o. laifons d.fenfes audi à toutes fortes de perfonnes, de
quelque qualité & condition qu'elles puifTent être , d'enlever
ou taire enlever du fiai de poillcn , foit pour noiurir les
porcs , volailles & autres animaux , futaet & engrailFer les
tenes & le pied des arbres , & pour tout autre ufage que ce
puille être, à peine de confifcation des chevaux & harnois ,
de cinq cents livres d'amende pourr la première fois , & de
punition corporelle en cas de récidive.
}1. Déclarons comprendre fous le nom de frai depoiflbn ;
tous les petits poiffons nouvellemeat éclos , &: qui n'auront
pas trois pouces de longueur au moins entre l'œil &: la queue.
3 X. Permettons néanmoins aux Pêdieurs , fit à tous autres ,
de défouir des fables qui reftent à fec de baflc mer , les poif-
fons qui s'cnfablent , pour fervir d'appât à leurs Pêches , tell&s
que font les éguilles ,>équillej, lançons &: autres poiffons de
femblaUIe efpcce, tels qu'ils puiffent être.
î 5. Défendons à routes perfonnes , de quelque qualité &
condition que ce foit , de jeter dans les eau< de la mer , le
lo»g des cotes , ?c aux embouchures des rivières , dans lot
maries &: Jes étangs falùs , aucunes chaux , noix vomiques ,
noix de cyprès, coques de levant , momie, mufc & aurrcs
drogues, pour feivir d'appât & ompoifonner le poiffon , à
peine de trois cents livres d'amende pour la première fois, &
de mille livres en cas de récidive.
54. Les contraventions aux articles ci-devant des préfen-
tes, feront pourfuivies à la requête de nos procureurs dans
les amiraurés, &: les fenrences qui en interviendront contre
les délinquans , feront exiciitées pour les condamnations
d'amende , nouobrtant l'appel & fans préjudice d'icelui , juf-
qu'à concurrence de trois cen:s livres , lans qu'il puiffe être
accordé de défenfes , mêaje lorfque l'amende fera plus forte ,
que julqu'i concurrence de ce qui excédera la fomme de
trois cemts livres.
}(. Ceux qui ag^elleront defdites fentences , feront tenus
de faire flatucr fut: leur appel ou de le mettre en état d'être
jugé définitivement dans un an , du jour &: date d icelui ;
lÎBOn Se à faute de ce faire , ledit temps paffé , ladite fen-
tence fortira fon plein & entier effet , & l'amende fêta diflri-
buée conformémenr à ladite fentence , & le dépofitaire d'i-
celle bien & valahlemewt déchargé,
}6. La Pêche de l'huitre continueta d'être faite avec la
dreig; armée de fer , de la même maaièrc & ainfi qu'il s'eft
pratiqué jufqu'â préfent.
La déclaration dont il s'agit crlonru avfurplus que l'orion-
nanct it isiiferd exécutée tu ce qu'elle n'j «pas déroge.
raclant
PECHE.
raclant les fonds ; ce qui leur fâifolt pfendrc quan-
tité de frai de poinbii , à caufe du peu d étendue
des mailles de ce filet; fa majeflé , pour faire cel-
fer cet ahus , donna une déclaration le 2 feptenibre
1726, qui défendit la Pêche dont il s'agit, lous
peine, contre les contrevenans , de contilcation
des rets, filets & poiflbns , & de cent livres d'a-
mende pour la première fois ; & , en cas de récidi-
ve , de trois ans de galères.
La confervation du frai du poifllm a encore
donné lien à la déclarajion du 24 décembre 1726
( I ), qui a ajouté de nouvelles difpofitions à celles
(i) Voici c tte loi :
Loais, &c. S»Iut. Un des moyens les plus certains pour
parvenir à ràahlir l'abondance de la Pèche du poill^^n de mer ,
étant d'enijiccher ]a Jeltracûon du irai &: des poilTons du
piemier âge , nous autions , par notre dcclaration du ij avril
dernier, défendu l'ulage de tous las filets traînans à la mer ,
lur les bords des cot^s iJ: aux embouchures àes rivières , parce
que l'opération de ces Hlets qui giat;ent & labourenr les
fonds fur lefquels ils tiaînent , détruit nécefTiirement le frai ;
lious aurions auii , par les articles : 8 , 19 &: 3 o de cecte même
déclaration , fait dttenfes de pécher iti faire pécher, cX;>ofer
en vente ni acheter , enlever ou faire eiilever aucun frai de
poid'on connu fous quelque nom Se dénomination que ce
piiiflc être , pour quelque ufage que ce foit ; nous aurions
cncùre , par notre déclaration du 1 fcptembre dernier ^ dé-
fendu la Pcche dupoil^or^, nommé blanche ou b!anquet,qui
Me pouvoic fe faire fans prendre &: faire périr en m»me temps
beaucoup de frai , qui fe trouve toujours confondj avec cette
blanche; & étant informé que, nonobllanr ces di("po(îtion's ,
les pécheurs continuent de taire Ja Pèche du frai du poilTcn ,
&c qu'il s'en vend publiquement dans plufieurs villes de notre
royaume , nous avons réfolu de renouveler les drfenfes que
nous avons faircs à cet égtrJ , &: d'impofer des peines plus
fcvères contre ceux CjUi y contreviendront. A ces caufes Se
autres à ce nous mouvjnr ,de no:re certaine fcience , pleine
puiflancc& autoiitc royale , nous avons dit , déclaré &: or-
donné, & par ces ptéfentes figaées de notre main, diions ,
iidicoTM ic ordonnons , voulons & nous plaît ce qui fuit :
Art. I, Failons défenfes aux pécheurs , faifant leurs Pèches
â la mer, & à tous autres, de pêcher ou faire pêcher avec
quelques foires de tîlers , inllruraens &: engins que ce foit ,
5ii de quelque manière que ce puiffe être , le poiflôn nommé
fclanchc ou blanquet , ni aucun frai de poiflbn connu fous
les noms de blanche, méllc , menulTe , faumonellc,guilcire ,
maanc, femence, &: foys quelque aurre nom Se dénomina-
tion que ce pHiiïe être , d'en faler ni d'en vendre , feus
quelque prcrexte &c pour quelque ufai^e que ce foit , à peine
Àe confifcation des bateaux , rets, filets , engins , inftruiaens
& poiffons , & de cent Jivres d'amende contre Is mucre, &
îcelui djciaré déchu de fa qualité de maître , fans pouvoir
"jamais en faire aucunes fonctions , ni être reçu pilote , pilote
lamansurou Jocman , & en cas de récidive, de trois ans de
galère.
2. Faifons pareillement défenfes, fous les mêmes peines ,
aux pécheurs riverains, tendeurs de bafl'e eau, 6c à tous au-
tres faifant leurs Pêches le long des cotes & aux embouchu-
res des rivières , dépêcher ou faire pécher, faler ou vendre
ledit poiflen nomaïc blanche ou blanquet, ni aucun frai de
poiflbn.
5. Détendons audî , fous les mêmes peines, .î tous pêcheurs ,
ferniiers des parcs & d'autres pêcheries exchifives, de pêcher
ou faire pêcher dans l'enceinte defdits parcs ou pêcheries
cxclulîves , de faler ni vendre ledit poifTon nommé blanche
en blanquet, ni aucun frai de poiffon , de quelque nature
^u'iJ .'"oir.
4. Ordonnons que les parcs & autres pccbeties cxdufives
Tomt XIII,
PECHE.
41
que contenoient fur cette ma.il'reîes déclarations
des 23 avril & 2 fepternbre pré:édcns.,
où il aura été pêchj deux loii dudit pollîon , i-.oiuii.v: bi.mche
ou blanquet, ou du fai de poiHon , feront détruits, Uiis
pouvoir être rétablis par la fuiie , pour quelqee cau.'c & fous
quelque prctc-xte que'ce foit , &: que les propriétaires d'iceux
foicnr: privés du droit de parc &: de pêcherie exdufivc.
5. l-aifons défenfes à toutes uerfonnes , de quciq'je qualité
& condition qu'elles puiflent être, d'enlever ou faire enlever
le poiflbn nommé blanche eu blanquet , ni aucun frai de
poiflbn , fcit pour nourrir les porcs , volailles & autres ani-
maux , fumer '6i engiaifl^er les terres &: le pied des arbres , Se
poui tout auae ufage que ce puilfe être , à peine de confifca-
tion des chevaux &: harnois , &: de cinq cent» livres d'amende
pour la première fois, &: de punition corporelle en cas de
récidive.
6. Défendons i tous marchands , chafTe - marées , nia-
rayeurs , poidcnniers , vendeurs , regratciers de pcifTon , &: i
tous autres , enfemblc à tous receveurs , commis & autres
chargés de la vente du poiflbn forain & étranger, d'acheter ni
expcler en vente le poilTon nommé blanche ou blanquet >
ni aucun frai de poiflbn , i peine de faiûe & confilcaticn.
Se de cinquante livres d'amende pour la première fois , &: de
punition corporelle en cas de récidive.
7. Déclarons les pères, mères & chefs de familles, ref-
ponfables des amendes encourues par leurs enfans &: autre»
qui demeureront encore avec eux , Se les maîtres de celles
auxquelles leurs valets & domeiliques auront été condamnes
pour contravention aux préfentes.
8. Dans le cas où la peine des galères efl: ordonnée contre
les hommes , la peine du fouet & du banniflemcnt à temps
oui perpétuité fera ordonnée contre les femmes, les filles 6c
les veuves , fuivant la qualité du délit.
5. Déclarons ccniprendre fous Je nom ie frai de poijfon ,
tous les petits poiflbns nouvellement édos , Se qui n'auront
' pas trois pouces de longueur au moins entre l'œil Se Ja
queue. Permettons néanmoins aux pêcheurs Si à tous autres ,
de défouir des fables qui relient à fec de balTc mer, les poif-
fons qui s'çn'ab.'cBt , pour fervir d'appât a leurs Pèches , tels
que font les éguillcs, lançons & autres poiflans de fetofela-
bie efpècc.
10. Ordonnons aux officiers des amirautés, chacun dans
leur relTort , de veiller exaûement à ce qu'il ne foit point
péché du poiflbn nommé blanche ou blanquet, ni aucun frai
de poiiron ; qu'il n'en foit point aulTi débatqué fur les grè-
ves, quais, ports; & feront les délinquans pourfuivit a la
requête Se diligence de no;re procureur à leur fiège.
1 1. Enjoignons à nos procureurs dans les amirautés , de
donner avis aux oSciers des clafTes, des maîtres qui , pour
contravention aux préfentes , feront déclarés déchus de leur
qualité de maître ; Se fur ledit avis , voulons que lefdits offi-
ciers des clafles les rayent du regiftre des maîtres , les por-
tent furcelui des matelots, Se les commandent en cette qua-
lité pour fetvit fur nos vaifleaux.
I z. Ordenions à tous les officiers chargés de la police dans
les villes de notre royaume , d'empêcher la vente Se le tranf-
port du poillon comme blanche ou blanquer , Se du frai de
poifTon , dans les lieux Se endroits qui font de leur compé-
tence , &: feront les délinquans poutfuivis à la requête &: dili-
gence de notre procureur à leur fiège.
15. Leur enjoignons d'informer notre procureur du Gègc
de l'amiriuté dans laquelle ledit poifTon nommé blanche ou
blanquet, ou le frai de poifTon aura été péché , du nom des
pêcheurs qui l'auront vendu auxdits marchands, chafTc ma-
rées, maraj-eurs , poiflonniers , vendeurs & regrattiers de
poiflbn.
14. Lis fcntences qui interviendront contre les délinquans,
feront exécutées pour les condamnations d'amendes , non-
obllant l'appel U lans préjudice d'icelui , jufqu'à concurrence
de troii cents livres , fans qu'il puiffc être accordé de dcfen-
41 PECHE.
L'article ç , du titre cité, avoir pertn's de faire
la piche des vives avec des mailles de treize lignes
f;n carre, depuis le 15 février jufqu'au 15 avril
<ei;îetnent : mais comme l'intention du roi avoir
éré de n'acccrder cette permiffion que pendanr le
carime , fa majefté a rendu en fon confeil , le 24
mars 1^187, un arrêt par lequel , en interprétant
Varticlc dont il s'agit , elle a ordonné qu'à l'avenir
Citte Pèche commcnceroit deux jours avanr le ca-
rême, & durcroit jufqu'à la vcilie de pàqucs ; &
elle a fait défenfe à tout pêcheur de commencer
cette Pèche plutôt , & de la continuer plus tard,
à peine de confifcation des baieaux , clialoupes &
équipages, & de cent livres d'amende.
Les pêcheurs qui veulent pêclier pendant la nuit ,
doivent , fuivant l'article 6 , montrer trois diffé-
rentes fois un feu dans le temps qu'ils mettent
leurs filets à la mer, à peine de cinquante livres
d'amende , 6c d'être condamés à réparer les dom-
mages réfultans du défaut d'obfervation de cette
règle.
Remarquez qu9 fi les filets étoicnt placés dans
des lieux périlleux , il ne faudroit point allumer de
feux, parce qu'alors ceferoiont des feux trompeurs,
qui donneroient lien aux peines prononcées par
l'article 45 du titre des naufrages.
L'article 9 défend aux pécheurs qui arrivent à
la mer , de jeter leurs filets dans un endroit où ils
puilfent nuire à ceux qui fe trouvent les premiers
fur le lieu de la Pèche , ou qui l'ont déjà commen-
cée , a peine de tous dépens , dommages & intérêts ,
& de cinquante livres d'amende.
Les mêmes peines doivent être prononcées, fui-
vant l'article 10, contre tous les pécheurs qui , fe
trouvant dans une flotte de pécheurs , quittenr leur
rang pour fe placer ailleurs , après que les pêcheurs
de la flotte ont mis leurs filets à la mer.
Il efl permis , par l'article 1 1 , de faire la Pêche
de la fardine avec des filets ayant des mailles de
ouatre lignes en quarré. La raifon qui a fait auto-
rifer des filets dont la maille efl fi peu étendue, efl
que les fardines ne f e mêlent guère avec les autres
poifibns, & qu'elles fe raflemblent de manière
«u'on en trouve des amas confidérables.
L'article 12 défend aux pécheurs d'employer de
la réfure pour attirer la fardine , & à tout marchand
d'en vendre avant qu'elle n'ait été vifitée & trouvée
bonne , à peine de trois cens livres d'amende.
Il efl défendu , par l'article 1 3 , de faire la Pêche
du gangui & du bregin , & celle du marquefeque
fcs , mêine lorf^ue l'amende feri plus fûiie , que jufqu'à
foncurrenccde ca qui cxccdera ladite 10 «me de trois cents
Jivies.
15. Ceux qui appelleront rfefcliKs fentences feront tenas
fîe faire (lin;er fur leur app:I , ou de le mettre en état d'être
jogc diHDirivenient dans un an du jour 5c date d'icelui ; finon
l( à faute de ce faire , ledit temps paflTé , ladite fentence for-
tiia Ton pkin & entier efFet, & i'ameaJe fera Hifiriboée corr-
lornûnaînt à ladire fcnsenct; , Si le dcpofltaire d'icelle bien &
viîablcinînt décharge. Si donnons en nundîment j &c.
P E G H E.
ou du nonnat, pendant les mois de mars , avril &
mai, à peine de confifcation des filets & bateaux,
& de cinquante livres d'amende.
L'article 14 prononce les mêmes peines contre
ceux qui péchenr durant les mêmes mois, avec bou-
liers, à deux cens brafl'es près des embouchures des
étangs & des rivières.
L'article 15 défend d'ailleurs aux pêcheurs qui
fe fervent d'engins appelés fichures , de prendre les
poiiions enfermés dans les baflides ou autres filets
tendus dans les étangs falés , à peine de puaition
corporelle.
La même loi doit être appliquée aux pccheur»
qui prennent du poiflbn dans des filets tendus ail-
leurs que dans les éilangs falés , & avec des engins
autres que ceux qui font appelés fichures. En effet,
ils commettent un vol dans l'un comme dans l'au-
tre cas.
Il doit y avoir au greffe de chaque fiège d'ami-
rauté un modèle c'es mailles de chaque efpéce de
filet , dont les pécheurs , qui demeurent dans l'éten-
due de chaque juridiéiion , peuvent fe fervir pour
faire leur Pèche, tant en mer que fur les grèves.
L'article 16 enjoint aux procureurs du roi de faire
ibigneufement exécuter cette règle , à peine de ré-
pondre des contraventions en leur nom.
Les articles i , 2 & j du titre 3 du même livra
5 de l'ordonnance de la marine, permettent de
tendre fur les grèves de la mer & aux embouchures
des rivières navigables , les filets appelés hauts &
bas parcs , ravoirs , courtines , & venets , & règlent
la forme des mailles de ces filets , ainfi que la ma-
nière dont ils doivent être tendus.
Ces articles ont depuis été interprétés par la dé-
claration du 18 mars 1727, qui a prefcrit la manière
d'en ufer , & les peines qui doivent être pronon-
cées dans le cas de contravention ( i ).
Il) Ctrte déclaration ejl d'auTant plus imyortinte à coii-
nclirt , qu'elle a inrer^rcré »u renoiveU la plupurt da difpojî^
lions de Tordonnance concernant ta Pûhe , &• qu'elle forme d
cet fgerd le dernier c'tat de la jurifprudence ; ûinjl nous allons
la rjpporter en entier,
Louis , &'c. Salut: nous avons, par netre dtclaration du
ij avril dernier, interdit l'ufage dts fileis & inltiumeiis traî-
nans , &: pat celle du 24 (fé:en:bre auffi dernitr , nous avon«
dtsfendula Pèche, le ttanfport & la vente du frai de poiflbn
de mer; nous n'avons tendu ces déclarations que pour con-
ferver le fiai du poiflbn Se le poilTon du preraiet âge , à l'clFct
de procurer l'afeondance du poiflbn de met, & de rendre let
côtes de notre royaume auflî poiflbnneufes qu'elles l'étoient
par te paflé ; mais comme il pourrait être cotnrais des abus
par rapport aux Pèches permifes à la cote , qui détrutroient le
frai du poilTon du premier âge , nous avons téfolu de tégler
la forme dans laquelle elles pourront ctre faites , Ix grandeur
des mailles des filets qui y feroient employas , &: la manière
dont ils feront établis. A ces caufes Se autres à ce nous mou-
vant , de l'avis de notre conl'cil , & de notre ccitaine fci^ace ,
pleine puiflance & autorité royale, n'sus . interprétant e»
tant que de befoin l'ordonnance du mois d'août iC!- 1 , avons
dit, décliré & cnlonné , difons , déclarons & ordonnons ,.
voulons &: nous pl.iît, que h Pcche (ar les boids Je \» mer
foit &: demeure libre & conimane .1 tous nos fujctî , qui pour-
rcBtiafaite & praticiueravecleîreiî, (îlets, engiosS: inlli»-
PECHïï.
Par l'article
kfquels il emro'it des pierres ou du bois , feroie
4,b roi ordonna que le? parcs, danî j démolis,
PECHE. 43
^ h réfcrvc de ceux qui avoient été hâta
avant l'année 154^ Les poffefieurs de ceux-ci ont
mens permis pai: ces prélcntes; & en conféquence, leur per-
mettons de tai.e à h cùte , dans Jes bayes &: aux embouchures
des rivil-ces , les pêcheries dont Ja police fera ci-aprés réglée ,
même d'y piaii(]uer Us nouvelleî pichcrict qu'ils pourraient
învenier, pourvu qu'ils fe conforment, pour celles dont les
filets feront montés lut des pieux, pii^uets ou piochons, à la
police qui fera régL'c pour les bas parcs ; Se pour celles qui
feront pratiquées avec des filets flottés , à la police qui fera
réglée par les tentes de balle eau , le tout à peine, contre
les concrevenans , de confîfcation des rets, filets, engins,
ïnrttumens, pieux , piquets ou piochons, & de vingt-cinq
livres d'amende pour la première fo?s, de pareille confifca-
non, & de cinquante livres d'amende en cas de récidive.
Titre premier.
Des hauts pures.
Article I. Les mailles des filets fcrvant »ux pêcheries
noninvles hauts parcs ou étangs , étales, hautes pentières ,
hauts étaliers, pâlit, raarfaïquts & haranguiéres, feront d'un
pouce ou de neuf lignes en carré, & le filet fera tendu en
telle forte , que le bas ne touche point aux fables , Se qu'il
en foit éloigné de trois pouces au inoins.
t. Les perches fur lefquelles les filets defdites pêcheries
feront tendus , auront au plus quinze pieds de hauteur hors
des fables, feront éloignées les unes des autres de huit pieds
au moins , ^' plantées en droite ligne d'un boHt à terre. Se
de l'autre à la mer ; permettons néanmoins aux pêcheurs de
faire , aux extrémités de la ligne du côté de la aier , une ef-
péce de demi-enceinre ou crochet, qui fera formée avec de
parei'les perches, & garnie d'un femblable filer.
5. Ordonnons à tous ceux qui pratiqueront lefdites pêche-
lies , de les éloigner les unes des autres de fix bralles au
inoins.
4. Les rets entre roches , traverfis & muletières , feront
cenfi.' du genre des hauts pa:cs,&; comme tels, nous per-
metton; à ceux qui les voudront pratiquer, de les former
avec des perches de quinze pieds de haut , &: des fileiï ayant
Jes mailles d'un pouce ou neuf lignes de haut au moins en
carié , à condition Je fe cor^former , pour le furplus , à la
police établie pour les hauts parcs.
5. Faifons dcfenfes aux pécheurs & à tou«. autres, de fe
fcrvir des hlets des hauts parcs pour garnir aucune autre pê-
cherie que ce foit.
6. Les difpofitions contenues aux articles du préfent titre
feront exécutées , à peine , contre les contrevenans , de con-
ffcation des filets &: des perches fut lefquelles ils feront ten-
dus , &: de vingt-cinq livres d'amende pour la première fois ,
de p.ircil'e conrifcation & de cinquante livres d'amende en
cas de récidive.
6. Déclarons ne permettre les p:cheries contenues au pré-
fent titre, avec les (ilets y mentionnés , dont les mailles
font au-defTous de deux pouces en carré , que parce qu'il ne
j'y peut prendre que des poiflbns paflagers à la côte , tels
que font les harengs, cclans, fardines, maquereaux , fan-
fonnets , rabiots , bars , mulets, lieux , ccolins & furmulets ,
^ui fc niaillejit dan< lefdits filets.
Titre II.
Dm bas parcs.
Article i. Let filets fervans aux pêcheries, nommés bas
parcs , ou tournées , foutées , fourefles , courtines, bas éca-
iiers & venets, auront les mailles de deux pouces au moins
€n carré , & ils feront attachés à des pieux , piquets ou pio-
chons plantés à cet elFet dans les fables fur lefquels le filet
fera rendu , fans qu'il y puille être enfoui.
1. Lei pieux , piquets ou piochons (^ui fonueront lefdites
pêcheries , auront au plus quatre pieaJ «^e h.au^eur hors des
(ables ; ils pourront être plantés en cquerre , fer à cheval ,
demi-cercle ou crochet , & feront éloigné» les uns des autrei
d'une bralTe au moins,
j. L'ouverture ou embouchure i:s pêchetîe» qui feront
formées en équerre , fer à cheval & en demi cercle , ne pourra
être que de cinquanre brafles au plus.
4. Lefdites pêcheries formées en équerre ne pourront avoir
les aîles , pannes , brafTes ou côrés , que de einquante brades
de long, & celles formées en fer à cheval Se en demi-cercle
ou crochet, ne pourront avoir que cent brafTes de contour j
en forte que pour la garniture de chacune defdites pêcheries ,
il ne paifl'e être employé que cent brafles de filets,
5. Ordonnons aux pêcheurs , & à tous autres qui plante-
ront les pieux , piquets ou piochons de leurs pêcheries en
forme d équerre , de les placer en ligne droite , { our ne for-
mec qu'un feul angle dans le fond de la pêcherie.
6. Lefdites pêcheries ne pourront être établies qu'à la dif-
tance de vingt brafles les unes des autres ; il pourra néan-
moins en être placé d'autres au- deflus &: au-deflous des pê-
cheries déjà établies , pourvu qu'elles foient fur la même
ligne , allant de la côte à la mer , &: à la difiance de dix braf-
fcs au moins de l'angle ou du fond de la pêcherie qui en fera
la plus propre.
7. Toutes lefdites pêcheries , foit qu'elles foient placées
les unes au-deflus des autres , ou qu'elles le foient à côté ,
feront cenfées du genre des bas parcs , Se , comme telles , ne
pourront être montées que d'un filet ayant les mailles do
deux pouces en carte , qui ne pourra erre enfoui dans le fable.
8, Il pourra être mis au fond defdires pêcheries, des guideaux ,
benâtres , verveux & autres inftrumens dénommés au titre V
des préfentes , pourvu qu'ils foient faits dans la forme qui j
fera prefcrire.
9. Les difpolîtions contenues aux articles du préfent titre
feront exécutées, à peine, contre les contrevenans , de con-
fîfcation des filets &: des pieux , piquets ou piochons fur lef-
quels ils feront tendus , &: de vingt-sinq livres d'amende pour
la première fois , de pareille confifcation , & de cinquante
livtes d'amende en cas de râcidive.
Titre III.
Des parcs dtfiUts couverts (f non couverts.
Article, i. Les rets fervant à la pêcherie des parcs Je
filets, foit couverts ou non couverts , qui font auili connus
fous le nom de perd temps , auront les mailles de la challe ,
de l'enceinte Se de la couverture , de deux pouces au moins
en carré.
1. Ils feront attachés fur des pieux, piquets ou piochons
qui ne pourront être tlevés que de quatre pieds au-ieflùs des
fables , &: feront tendus de manière que le bas n'y foit point
enfoui.
';. Les pieux , piquets ou piochons, tant de l'enceinte que
de la chalfe du parc , feront éloignés au moins d'une braflc
les uns des autres.
4. La longueur de la chafle qui aboutit i l'embouchure
du parc , ne pourra être que de trente brafTes au plus.
5. Lesdifpofitions contenues aux articles du préfent titre
feront exécutées , à peine , contre les contrevenans , de con-
fîfcation des filets & des pieux , piquets ou piochons fur lef-
quels ils feront tendus , & de vingt-cinq livres d'amende pour
la première fois , de pareille confifcation , &: de cinquante
livres d'amende ca cas de récidive.
T l T R E I V.
Des ravoirs.
i ARTICIE I. Les filets fctvans »ux pêcbeiîes, nomKHé*
Fij
44 PECHE.
été maintenus dans leur joui/Tance , à la cha^^e ue
le conformer , pour la conftru>îliûij , nux règles que
rayoirs amples , ouieuentre J'cau, auront lestnailles de Jeux-
pouces au niuifis Cil carte , & ceux fervans aux ravoirs ou
rets îiitre l'eau ti-arasiilcs, auront les mai'Ies de la toile,
nape, Hue ou rçt du milieu, de deux pouces auili en carré
au moins , U celles des ttiineaux ou hameaux qui font des
deux çôrti, feront d<; neuf pouces au moins en carré.
t. I.efdits f.iets feront attachés à des pieux , piquets ou
clochons « Se ils y feront tendus de manière que le bas , qui
fera fftroufié , foit éloigné du fable de lix pouces au moins.
î. Les pieux , piquers ou piochons qui formeront lefdites
pêcheries, auiont au plus quatre pieds de hauteur hors des
fables; ik feiont éloignés d'une btafle au moins les uns des
autres, &: plantés en droite ligne.
4. Chacune defdites pêcheries fêta éloignée l'une Je l'autre
de dix brafTes au moins.
^, Les difpoliiions contenues aux articles du préfent tife
feront exécutéts , à peine contre les contrevenans , de con-
fifcation des filets & des pieux, piquets ou piochons fur lef-
tjuels ils feront tendus , & de viugt-cinq livres d'amenJe
pour la première fois, & de pareille contilcation &: de cin-
ijuante livre» d'amende en cas de récidire.
Titre V»
Dt la jêcktne nommit guidtaux à b«i e'tilîtr , b dt celUs
ntmmées henâtrt b" vtrvtuK, ù^ autres pêcherie: nenfinctées ,
mantées fur piquées-
Article i. Les filets qui fervîront aux pccheties nom-
mées guideaux à bas étaliers , & guideaux volans , aux be-
llâtres volans , bâches , chauffes , facs , gonnes , tonnes &:
nalTes ; aux vcrveux , clirets , entonnoirs & tonnelles vo-
fans , & aux autres pêcheries non flottées , montées fur pi-
quets , auront les mailles de deux pouces et» carré au moins.
1, Les filets qui fetviront à la pêcherie des guideaux à bas
étaliers , ou guideaux volans >. feront faits en forme de chauf-
fes , fie feront pofés entre deux pieux , piquets ou piochons ,
qui ne pourront être élevés plus de quatre pieds audefTus
des fables, &: il fera obfervé une didance d'une braffe au
plus de l'un à l'autre pieu , piquet cm piochon.
f. Les filets qui formeront la pêcherie des benâtrcs vo-
lans, bâches, chauffes, facs, gonnes , tonnes & naffes, fe-
ront faits da*s la même forme que ceux des guideaux à
bas étaliers ,& attachés à unchaflisen carrure de bois, qui
fera pareillement pofé encre deux pieux , piquets ou pio-
chons éloignés d'une brafle au plus l'un de l'autre > & qui
ne pourront aulU être élevés plus de quatre pieds au-deflus
des fables.
4, Les filets qui fervironi à la pâcheric des verveux , cli-
rets , entonnoirs & tonnelles volans, feront faits en forme
d'entonnoir , dont l'entrée fera amarrée fur un demi cercle
de bois , oui fera arrêté par une t;avcrfe de corde , & le
rcfte du filet fera tenu ouvert par plulîeurs cercles de bois
q*i feront éloignes de deux pieds au moins les uns <fts au-
tres ; lefdits filets ainll formés , feront pofés entre deux
pieux .piquets ou piochons, qui ne- pourront auilî cire éle-
vés plus de quatre pieds au-deflus des fables. Se qui feront
éJoignés l'un de l'autre de deux brafTes au plus,
5, Les pêcheries ci-JefTas nommées , ne pourront être
que de dix brafTes de long au plus; il en pourra être établi
d'autres au-defTus 8f au-delTous , pourvu qu'elles foient éloi-
cnées les unes des autres de quinze brafTes au moin.'.
6. Les filets & inftrumens fervans aux pêcheries mention-
nées au préfent titte , pourront être placés à l'ouverture ou
«goûts des bouchons ou parcs de clayonnagcs , depuis le pre-
mier oilobte jufqu'au diernier avril.
7. Lefdits filets & inflrumcnspourront auffi être placés au
ifend des bas parcs pendant toute l'année.
S» Les difpo^tions conteau«t aux atcicles du ptéfcot titre
Ï^ECHÉ.
prêfcrîvent les articles fuivans.
Les parcs de pierre doivent , fiiivant rarticlej^
feront exécutées, à peine j contre lescontrevenans ^ de confif*
cation des filets &c inllrumens , &; des pieux , pijucts ou pio-
chons fur lefquels ils feront tendus , & de vingt cinq livres
d'amende poui la première fois , de pareille conhication , Se
de cinquante livres d'amende en cas de récidive.
5. Les pêcheurs , & tous autres qui voudront pratiquer
les autres pêcheries non flottée», montées fur pieux , pi-
quets eu piochons, connus fous tel nom 5c dénominatioa
que ce puiflc être , feront tenus d'obferver la police rcgiée
par le préfent titre , pour la maille des tilecs , la hauteur
des pieux, piquets ou piochons, leur éloignement de i'ua
à l'autre , & la dillance de chaque pêcherie , fous les peincï.
7 portées.
Titre VI.
[Des Hnvenets.
Article i. Les mailles des rets qui formeront les fac»
des havenets, connus auifi fous les noms de havets , havaux ,
bichettes , grandes favenelies & fanonceaux , feront de quiaie
lignes au moins en cairé , à peine de confifcaiion des rets
&: filets. Se de vingt cinq livres d'amende fOur la première
fois, de pareille conE cation, de de cinquante livres d'a^
mende en cas de récidive.
2. Lefdits filets feront montés fut deux perches croifées ,'
qui auront chacune douze ou quinze pieds de long , & qui
feront tenues ouvertes par une travcrfe de bois qui fera pla-
cée proche l'endroit où. lefdites perches feront croifées ; l'ou-
verture du filet ne pourra avoir que quinze pieds de Jarçe
au plus , & la corde qui. fera mife au bout defdites deux
perches, pour fûurenir ledit filet, ne pourra être chargte
que d'un quarteron de plcmb par bralTe , le tout à peine de
pareilles amendes & confifcations.
3. Faifons défenfes , fous les mêmes peines , à ceux qui
fe ferviront dudit inllrument , de le poufTer ni tiaînei dcvan;
eux fut les fonds où ils feront la Pêche,
T I t R E V I !►
Dwlcuxtux eu lent de qukurt-, &* autret injlramens qui fervent
pour U Piche des chevrettes tf/olicots.
Article t. Le ret qui formera le fac du bouteux oa
bout de quieure , connu aulli fous le nom de buhauticrs ^
faunets, fautes, lanets , paniers , ruches, ruchers , chapeau
à famerelles & grenadiers , aura la maille de lîx. lignes au
moins en carré..
X. Il fera attaché fur une fourche ou flir un cercle , fan<
qu'il puifTe y être mis, au lieu du filet, delà toile ou fac
à tamis, fous prétexte de prendre des puces Se des fautc-
tellcs de mer.
3. La travetfe de cet inftrument fera formée d'un bâtoa
rond eu d'une corde qni ne pourra être chargée que J'uQ
quarreron de plomb au plus.
4. Les pêcheurs &■ tous autres ne pourront fe fervirdudk
inflrumenc pour faire la Pêche pendant les mois de mais ,'
avril , mai , juin , juillet Se août.
j. Les articles ci-defTus feront exécutés, à peine , coiure
les contrevenans , de confifcaiion des filets & inJfrumens fiC
de vingt cinq livres d'amende pour la première fois , de
pareille confifcaiion & de punition coiporelle en cas de
récidive.
f. Sera néanmoins permis aux pêcheurs &.' à tous autres de
faire la pêche des chevrettes & folicots pendant toute J'an-
née , avec chaudières & autres inllrumens féieniaire» fur les
foiads & entre les rochers, pour\u. que les mailles des filet»
qui feiont arrachés auxJits inlriumeiis aient au moins iix li,-
gnes en carré , à peine , contre les contrevenans , de confif-
cation des filets & inflrumens, &: de vingt-cinq livres d'a-
msTide £cur la £refnièrc fois, de pareille confilcaùçn & de
PECHE.
être conftrults de pierres , rangées en forme de de-
mi-cercle , &. élevées à la hauteur de quatre pieds
cinriuinte livres d'jmende en cas de récidive.
7. Leur pcimettons aufli de fe fervir d^ clajres , paniers ,
boutaqucs, nafTcs, caziers & autres feniblables engins tbt-
més d'ofiers à jour, pour faire la Pêche des crables , ho-
mardSj rocailles 5c poifTons à croûte, à condition que les
verges feront éloignées les unes des autres de douze lignes
au moins, à peinf , contre les comrevenanj, de pareille
amende & contifcation.
Titre YIII.
Du carreau.
Article i. Le filet du carreau, connu aurtî fous let noms
it hunier &: cchi-juiet , aura les mailles de fii lignes en
carré au moins, à peine de confîlcation Se de vingt cinq
livres d'amende pour la première fois, fie pareille confifca-
lion , &: de punition corporelle en cas de récidive.
1. Faifons défenlcs, fous les mêmes peines , aux pcclieurs
& à tous autres, de faire la Pêche avec ledit Hlet, pendant
Jes mois de février, naars , avril, mai , juin, juillet, aoiît
6c feptenibre.
Titre IX.
Dti rtti (:' Jiltts Jlvttc's , &• tente à la hajfe eau.
Article i. Pourront êtra tendus à la côte 8c à la balTe
eau les hlets nommés folles , demi folles , grandes & petites
canières , grandes & petites pantières , grands ôc petits rieux ,
cibaudières , C\x doigts , mailles royales , Icl'qucs , berce liètes ,
bauilières, Hues Hottée», muletières, têts à croc, rets en-
tre roches , travcrâs, maquereautiéres , trameaux , & tous
autres rets de pied flotté, pouivu que la maille foit de la
grandeur ci apièi prefcrite,
1. Les mailles des folles auront cinq pouces ea carré au
moins , & celles des demi- folles , grandes canières , grandes
pcntieres & grands rieux , auront a« moins trois pouces
en carré.
}. Les mailles des petites canières, petites pentièrei ,
petits rieux, cibaudières, fix doigts, maillet royales» Icf-
^es , bertelières , haudîères , flues Hoctées , muletières, rets
à croc, rets erttre roches, traverfis, maquereautières, tra-
îneaux , & cous aunes rets de pied flotté , qui fe tendent
fur les fables Se grèves, connus fous tels noms & déno-
minations que ce puifîe être , auront au moins deux pouces
en carré.
4. Les ttameaux fédentaires , 6C toutes autres efi-èces de
rets traniaillés, auront les mailles d« la toile, nape, fiue,
feuillure , ©uret du iniJieu, de deux pouces au moins en
carré; les niailks des trameaux ou humeaux , des deux
côtés , feront de neuf pouces auili en carré , & Je bas
dudit filet ne pourra être garai que de pierres «u de torques
ie paille.
f. Les articles contenus au préfenc titre feront exécutés,
à peine, centre les cont, evenans , de coBfifcation & de
vingt cinq livret d'amende pour la ptemière fois, de pa-
leille confifcation, & de cinquaiue livres d'amende en cas
de récidive.
T I T K E X.
De la {olice commum d toutes les Fiches à pjei (y tentes
à la baffe eau^
Article j. Faifons défenfes à tous ceux qui feront la
Pèche à la côte avec des rets , filets , engins & inllrumcns
montés fur peri.fu:s ,. piquets, pieux ou. piochons , de Ué ten-
dre dans le piflage ordinaire des vaïlTeau.\, ni à deux cents
braffes près, à peine de Caifie &: confifcatien des rtcs, fi-
lets , engins ,in{lrunttnï , perches, piqacts , pieux ou pio-
chons, de cinqiante livres d'amende ,. & de réparation des
pertes & dommages ^ue ces gèchciieiauroiçat caufés,
PECHE. 4/
au plus , fans chaux , ciment ni maçonnerie, & ils
doivent avoir dans de fond , du côté de la mer ,
1. Faifons pareillement défenfes i toutes perf»nncs de
traîner à la cote, dans les bayes, flc aux embouchures des
rivières , aucun des filets & inftrumens dénommés dans
ces préfentes , ni aucun autret fous quelque dénomination
que ce foit, ÔC pour quelque caufe & fous quelque pré-
texte que ce puifle ctrc , à peine de confifcation des filets
8c inftrumens , ôc de cen: Hyrcs d'amende pour la première
fois , de pareille confifcation & de trois ans de galère en
cas de récidive.
j. Défendons auflî à toutes perfonnes, fous les mènict
peines, de fe ferrir pour battre l'eau , piquer ôc brouillée
les fonds , de perches ferrées Je pointues , de cablières , pierres,
boulets, chaînes de fer, ôc tous autres inihttmens.
4. Défendons pareillement à toutes perfonnes de faire x
la baffe eau, foit i pied ou à cheval, la Pèche avec des
herfes, râteaux, ôc autres femblabies engins 6c inllrumeos
qui grattent ôc brouillent les fonds , i peine de confifcaiioa
des chevaux, harnois & iirrtriimens , ôc de cent livres d'a-
mende pour la ptemiète fois , de pareille confifcation, ÔC de
crois ans de galères en cas de récidive.
j. Il y aura toujours au greffe de chique fiége d'ami-
rauté , un modèle des mailles de chaque efpèce de filets
dont les pêcheurs de pied, riverains &: tendeurs de baffe
eau, demeuraas dans l'étendue de la juridiclioa, f« fervi-
ront pour faite la Pêche à la côte, dans les baies ôc em-
bouchures des rivières. Enjoignons i nos procureurs des
amirautés de tenir foigneufement la main à l'exécution du
préfcnt article } à peine de répondre des contraveations en
leur nom.
*.' Lçs pêcheurs ÔC cous autres qui auront des filets pour
les pêcheries dénommées dans les préfentes, dont les mailles
ne feront pas de la proportion qui y eft marquée, fcronc
tenus de les démonter , ôc de les employer à d'autres ufagcs ,
dans le terme d'un mois de la date de l'enregifirement def-
dftes ptéfentes , au fiége de l'amirauté de leur refTorc , i
peine, après le«lit teinps palTé, de cent livres d'amende &Z
de confifcation defdits filets, que nous ordonnûm être btû-
lés publiquement.
7. Défendons aax marchands fabricareurs des rets Se fi»
lets, ôc i tous autres, de faire ou fabriquer, vendre on
garder chez eux aucuns fïlett propres pour lefdices pêche-
ries, dont les mailles feronr d'un calibre moindre qu'il
n'ell porté par les préfentes, àpeiae de confifcation d'iceux:
ôc de trois cents livres d'amende , le tiers applicable an
dcnoncîateur.
8. Enjoignons aux officiers de Tamirauté , chacun Jans
leur refTort, de faire, un mois après l'enregiftrement des
prcfentes , une exaile perquifition de tous les filets propres
pour les pêcheries de pied ôc tentes de baffe eau , dont les
mailles ne feront pas de la proportion réglée par ces pré-
fentes , tant dans les maifons des pêcheurs _, que da;ns celles
des autres riverains de ^a mer , privilégiés , qui pourront être
foup<^onnés d'avoir des filets défendus, ôc d'en dielTes de»
procès-verbaux qu'ils nous enverront c^uinzaine après la.
confefti«n d'iceux.
3. Voulons que lefdits officiers de Pamirauté , chacm»
dans leur reffbrr, fafTent dans les mois de mars ôc de fep-
tenibre de chaque année , à peine d'interdidion de leurs
charge», une vifite exacte des rets, filcR , engins Se inf-
trumens des pêcheries e.^cJufives , &: de celles qui font libres;
ôc perraifes par ces préfenres, i l'effet Je faite exécuter le»
difpofitions portées par lefdites préfentes, pat notre décli-
raiioa du ij avrif dernier , &c par les ordonnances des. rot*
nos préJécefTeurs.
19. Voulons aulïï qu'il* fafTcncen mêrae temps vifîreôt
perquifition chez tous les riverains de la met, prîvilégréj oia
non privilégiés j qui pourront être foupç,onné3 d'avoir des
fiUts dé'fendus , & qne de chaq^ue vifite «qu'ils ferenî ils dr»£-
a6
PECHE.
une otrvcrture de deux pieds de largeur, qui ne
peut être fermée que dune grille de bois , ayant
fencdes proccîveibaux iju'ils nous enverront quinzaine aprèj
la confeaion d'iceux; à l'eiFet de quoi nous les avons dif-
penfés & dilpenfons des quatre vifîtes auxquelles ils étoient
tenus par chaque année, par l'article 14 de notre déclara-
tion du ^l aviil dernier.
II. Ordonnons aux officiers des clafTcs , lorfqu'ils feront
la revue des gens de mec dans les patolfles de leu s quar-
tiers , de faire en même temps la viflte d^s pèche.ies ex-
clufives , & de celles qui font libres &: permifes par ces
préfentes, enfemble des rets , filets , engins & inftrumens
des riverains , pêcheurs de pied ic tendeurs de baffe eau :
& s'il s'en trouve d'abufifs &: dcfendus par nos otdonnan
CCS & par ces préfentes, d'en donner avis à notre procureur
»u fiége de l'amirauté du reflott , pour pourfuivie les dé-
linquans.
IX. Faifons dcfenfes aux feigtîeurs des fiefs voifins de la
mer, &à tous aurres, de Lver aucun droit en deniv-:s ou
en efpèces fur les pêcheries Je pied & tentes de bafTc eau ,
& de s'attribuer aucune étendue de côtes &: de grèves, pour
y pêcher à l'exclulîon d'autres, finon en vertu d'aveux & dé
nombreiTXpns tendus en nos chambres des comptes, avant l'an-
née 1544, ou de conceiîion en benne forme, à peine de
tcflitution du quadruple de ce qu'ils auront exigé, & de quinze
cents livres d'amende.
13. Défendons en confcquence aux propricraîres & fer-
miers des pêcheries exclufivcs , confervées , de troubler ni
inquiéter les pêcheurs de pied, riverains, tendcu's de baffe
ea.i , & tous autres , qui tendront leurs rets , filet», engins
le inllruniens , tant flottés que non flottés , à dix brafTes
du fond defdites pêcheries exclulives, à peine d'amende ar-
bitraire , ni d'exiger deldits pêcheurs aucune chofe , à peine
de concufCun.
14. Faifons dîfeflfes à tous gouverneurs, officiers & fol-
jats des îles & du forts , villes &: châteaux conrtruits fur le
fivage de la mer, d'apporter aucun obftacle à la Pêche dans
le voiflnage de leurs places, & d'exiger des pêcheurs argent
eu poilTon pour la leur permettre, à peine , contre les offi-
ciers , de perte de leurs emplois, & contre Izi foldats , de
punition corporelle.
\S. Déclarons lei pères , mères & chefs de famille, rcf-
ponfables àts amendes encourues par leurs cnfans & autres
qui demeureront encore avec eux, & les maîtres, de celles
auxquelles leurs valets & domeftiques auront été condam-
nés pour contravention aux préfentes.
16. Dans le cas où la peine des galères eft ordonnée contre
les hommes, la peine du fouet & du banniflement , à temps
ou à perpituité, fera ordonn-c contre les femaaes, les filles
Ce \çi veuves , fuivant la qualité du délit.
Titre XI.
Dts amendes.
Article i. Les contraventions aux articles des prrfentes
feront pourfuivies â la requête de nos procureurs dans les
amirautés , Se les fcntcnces qui interviendront contre les dé-
linquan» , feront exécutées , pour les condanmations d'amen-
des, nonobflant l'appel & fans préjudice d'icelui , jutqu'à
concurrence de trois cents livres, fans qu'il puilTe être ac-
cordé de défenfe, même lotfque l'amende fera plus forte, que
jufqu'i concurrence de ce qui excédera ladite fomme de rrois
cents livres.
t. Ceux qui appelleront defdites fentenres feront tenus de
faîte ftatuer fur leur appel , ou de le mettre en état d'être
jugé définitivement dans un an du jour & date d'icelui ; finon
& à faute de ce faire, ledit temps palTé, ladite fentence for-
tiia fon plein Se entier eft'et ; & l'amende feia dilhibuce con-
formément à ladite fentenee, Se le dépolitaire d'icellc bien
ic valablement déchargé. ^
PECHE.
des trous, en forme de mailles, d'un pouce au
moins en carré , depuis la faint Renii julqu'a pi-
ques , & de deux pouces en carré depuis paques
jufqu'à la faint Rémi.
L'article 6 concerne la conftruâion des parcs ap-
pelés bouchots. Voyez le mot Bouchot.
» Et pour les parcs de bois & de filets, porte
» Tartieie 7, ils feront faits de fimples clayes d'un
» pied & demi de hauteur , auxquelles feront atta-
» chés des filets ayant les mailles d'un pouce en
» carré , & les clayes auront dans le fond , du côté
n de la mer , une ouverture auffi de deux pieds ,
>» qui ne pourra être fermée que d'un filet , dont
» les mailles feront de deux pouces en carré , de-
» puis pàqiies Jufqu'à la faint Rémi , & d'un pouce
» au moins depuis la faint Rémi jufqu'à pâquesj».
L'article 8 fait défenfe à tout particulier, de
quelque qualité qu'il foit , de bâtir à l'avenir fur les
grèves de la mer aucun parc dans la conôruâion
duquel il entre du bois ou de la pierre , à peine de
trois cens livres d'amende, & de démolition du
parc aux frais du contrevenant.
Il eft aufli fait défenfe , par l'article 9 , aux fei-
gneurs des fiefs voifuîs de la mer & à tous autres ,
de lever aucun droit en deniers ou en efpèces fur
les parcs ou pêcheries , & fur les Pèches qui fe font
en mer ou fur les grèves, & de s'attribuer aucune
étendue de mer pour y pêcher , à l'exclufion d'au-
tres , à moins que ce ne foit en vertu d'aveux &
dénombrcmens reçus à la chafi:!bre des comptes du
reffort , avant l'année 1544, ou de conceffion en
bonne forme , à peine de reftitution du quadruple
de ce qu'ils auront exigé , & de quinze cens livres
d'amende.
L'article] 10 (f^.t pareillement défenfe aux gou-
verneurs, officiers & foldats des îles & des forts ,
villes & châteaux conftruits fur le rivage de la mer,
d'apporter aucun obftacle à la Pêche dans le voi-
finage de leurs places, & d'exiger des pécheurs,
argent ou poiffon pour le leur permettre , à peine
contre les officiers de perte de leurs emplois , 6c
contre les foldats de punition corporelle.
Ces difpofitions ont été renouvelées par l'article
14 du titre 10 de la déclaration dn iS mars 1717.
L'article 12 du titre cité de l'ordonnance, avoit
prefcrit ce que dévoient obferver ceux qui font la
Pèche avec les guideaux ; mais le titre ^ de la dé-
claration dont on vient de parler, a établi de nou-
velles règles à cet égard.
Les pères & les mères font refponfables des
amendes encourues par leurs enfans , lorfqu'ils de-
meurent avec eux , & les maîtres font pareillement
refponfables de celles qu'encourent leurs valets 8c
. — . Il _ . m — ■ I -- 1» -~ '
Le contenu en nqfdites préfentes fera exécuté dans no«
provinces de Flandres, pays conquisse reconquis, Boulon-
nois, Picardie «Je Normandie.
Seroutau furplus l'otdonnancedu mois d'août isSj , coti-
cetnant la Pêche , & la déclaration du I) avril dernier , exécu-
tées félon leur forme & teneur , en ce qu'il n'y eft dérpgé pac
ces prcfentcs. Si donnons en mandement, &c«
PECHE.
domeftiques , pour railbn des cunrraventions qu'ils
commettent relativement a la recae. (^ elt ce qui
réliilte de différeates lois.
Les officiers de l'amirauté ("ont autorifés par l'ar-
ticle 20 du titre cité de l'ordonnance de la marine,
à appliquer le tiers des amendes au payement des
frais faits pour parvenir aux condamnations.
Les règles qui doivent être fuivies au iujet de la
Pèche des moules , font établies par la déclaration
du 18 décembre 1728, enregiftrée au parlement
le 5 février 1729 ( i ).
(i;Cetre loi cft divijcc tn q^uatre titres, dont noui allons
rapporter Us difpojîtions.
Titre premier.
D: la Pcche dis moules fur les mouliùres qui découvrent de
baffe mer,
ArtjCI-E I. Les pêcheurs. Se tous autres. Ce feiviront ,
pour cueillir les moules qui feront en état d'être pêchces
lur les moulicres cjui découvrent de bafTe mer, de cou-
teaux de fer de deux pouces de large au plus , & qui
Be pourront avoir que fept pouces de long, y compris le
manche.
2. Leur dilfendons de fe fervir d'aucun autre infttumenr,
foit de bois ou de fer, pour faire ladite cueillette, fie pour
arrachei les moules des rochers ou elles peuvent être at<-
tachces.
3. Ils ne pourront faire ladite cueillette fans avoir été
leurs chauffâtes , excepté pendant les mois de novembre ,
décembre, janvier, février &c mars.
4. Leur faifcn. dtfénfes de cueillit des moule» qui aient
moins de quinze li^:,nes de long, à la rtferve de celles qui
Cfoiir-'i)t (ul lis motlières de Luc, Lyon &: d'Hermanvillc ,
ami auté d ' iyfterliain , qui pouitoni être cueillies à douze
lignes de longueur.
5. Leur faiLons pareillement défenles d'arracher les moules
en gioflcs poi;;nces, ni le frai des moules, & de racler le
fond des pjGuiiercs avec couteaux ou autres inllrumens de
bois ou dï ict ,
6. Les difpoluions contenues aux articles du préfent tirre
feront cxécuttes , à peine , contre les contrevenans , de con-
fifcation des moules & in.irumens , & de vingt cinq livres
d'amende pour la rremicre fois , de pareille conlifcaiicn ;>^
de cinquante livri-s d'amende en cas de récidive,
Titre II
De la Pèche des moules fur les mou'.iêret qui m découvrent
point.
Article i. les pci h. urs , 8f tous autres, fe ferviront de
râteaux de bois , ga.nis de dents de fer, pour faire la Pèche
des moule fur es mo-li-res qui ne découvrent point ; leur
faifons dLfen(\s de fe fervir, pour ladite Pêche , d'aucun autre
inlltumcnt.
1. Tl fca obfeivé une dil^ancc de quinze lignes entre cha-
cune des d.nts defdits ; sreaux.
i. Les uirpofuions contenues aux articles dti préfent titre
feront exécutif s , à peine, contre les contrevenans » de con-
f;fcation des moules & in!>rumens , &• de vingt cinq livres
d'amende pour la première fois , de pareille confifcation, &
de ciaquance livies d'amende en cas de récidive.
Titre III.
De la po'ic: commune à la Puhe des moules fur les moit-
lUres qui découvrent de baffe mer, (J fur celles qui ne dt-
co:ivrent poiiv.
AKTi::tE I. Les pêcheurs, &: tous autres, ne pourront
diïigerdans les moulures , à pcies de cerjf.ltaticn q£s ba-
PECHE.
47
L'article premier du titre 4 du lîvrc > de l'ordon-
nance de 168 1 , défend à toutes fortes de perfonnes
de pofer en mer des madragues ou filets à pêcher
des thons , & d'y conftruire des bordigues fans ijne
permilTion exprelTe du roi, à peine de confifcation
& de 3000 liv. d'amende.
Ceux qui ont obtenu des permiffions de cette
nature, font obligés, fuivant l'article 2 , de les faire
enregiÔrer au greffe de l'amirauté du dlflridoù iU
doivent faire leur Pèche.
L'article 3 enjoint aux propriétaires des madra-
gues , de mettre fur les extrémités les plus avan-
teaux & inllrumens , enferahle des moules qui auront été pc*
chces; & de cinquante livres d'amende contre le maître pour
la première fois , de pareille confifcation ôc de deux cent*
livres d'amende en cas de récidive.
1. Il ne pourra être fait aucun dépôt de moules dans Aa
réfervoirs ou paves , à peine de confifcation des moules , & de
trois cents livres d'amende contre ceux à qui Icfdites moules
appartienilront , & moitié de l'amende , ainfi que de la con»
filcation, appartiendra au dénonciateur,
3. Faifons défenfes à routes perfonnes de jetter fur les
moulières aucunes immondices de quelque nature qu'ellci
puiffcnt être , ni le lelt des vaifleaux , à peine de troii
cents livres d'amende, dont la moitié appartiendra au dé>
nonciateur.
4. Donnons pouvoir aux officiers des amirautés , dans le
reflbrt defquels il fe ti ouvera des moulières en partie dcttuitei,
d'interdire la Pêche fur lefdices moulières pendant le temps
& dans les faifons qu'ils edimeront convenables pour parve-
nir à les établir.
j. Leur donnons auflî pouvoir d'interdire la Pèche des
moules fur les moulières nouvellement découvertes ou quî
pourront l'être dans la fuite , pendant le temps & dans les
laitons qu'ils eftimeront néceffaires pour que les moules puif-
fent fe former bc acquérir leur groffeur natmeile.
6. Voulons que les moules qui auront été péchées dans le»
temps défendus par les oiïiciers de< amirautés , foicnt con'f-
quées , & que ceux qui les auront pclues foicnt condan:;iés
à vingt-cinq livres d'amende pour la |>reinière foii > ôc en
cas de récidive , à cinquante livres d'amende.
T 1 T R E I V.
Dt) amendes.
Article 1. Les contraventions aux articles c!es préfenres
feront poutfuivies à la requête de nos procureurs dans les
amirau es, &: les fentences qui interviendront contre les dc-
linqua's, feront exécu-ées pour les condamnations d'amende,
nonobftant l'appel & fans pré/udice d'icelui , fans qu'il puilFc
être accesdé de défenfes.
1. Ceux qui appelleront defdites fentences, feront tenus
de faire ftatuer fur leur appel ou de le mettre en état d'ê-
tre jtigc définitivement dans un an du jour & date d'î-
celui , finon & à faute de ce faire , ledit temps paffi,
lefdites fentences fortiront leur plein & entier effet âc
les amende» feront diftribuées conformément auxditfs fen-
tences , & les dépofitaires d'icelles bien ic valablemenc
déchargés.
3. Déslaions les pères & nières & les chefs de famille
refponfables des amendes encourues par leurs enfans, 8c
autres, qui demeureront encore avec eux, & les maîtres,
de celles auxquelles leurs valets & domefliques auront été
condamnés pour conrravention aux préfentes.
Le contenu en nofdites préfentes fera exécuté dans nos
provinces de Flandre», pays conquis & reconquis, Boa-
Jonnois , Picardie & Normandie. Si donnons en manJo»-
1 ment, &:c.
4S
PECHE.
cées en mer, des hoirins, bouées ou gavîtcaux,
pour avertir les navig.-iteurs, à peine de répondre
clc^ dommages & intérêts auxquels ils auront donné
lieu en y manquant, & de privation de leur droit
de pêcherie.
Il eft défendu fous les mêmes peines , par Tarti-
cle 4 , de placer aucune madrague ou bordigue ,
clans les ports ou autres lieux , ou ces filets puiffent
Jiuire à la navigation , & d'y laifler en levant les
madragues , les pierres ou baudes qui y étoient at-
tachées.
Ces autres lieux dont parle l'ordonnance , s'en-
tendent non - feulement des avenues des ports,
mais encore de tout endroit qui n'eft pas éloigné
de deux cens brafTes du pafTage ordinaire des vaif-
fcaux. C'cfl ce qui réfulte de l'article premier du
titre lo de la déclaration du i8 mars 1727, rap-
portée ci-devant.
Ainfi , quand la permifllon du roi auroit défigné
l'emplacement des madragues & bordigues , la dé-
molition de ces pêcheries ne feroit pas moins iné-
vitable , fi elles nuifoient à la navigation, parce
qu'alors on fuppoferoii que la permifllon n'a été
obtenue que par furprife ; &, d'un autre côté, les
propriétaires des madragues & bordigues ne fe-
roient pas moins refponfables du doinmagc ar-
rivé aux vaiffeaux , quand même ils fe feroient
conformés à l'article 3 , attendu que cette loi ne
concerne que les établiflemens faits dans les en-
droits convenables & non prohibés.
Les capitaines des madragues ne peuvent, fui-
vant l'article 5 , ôter la liberté aux autres pêcheurs
de tendre des thonnaires ou combrières , & de pê-
cher dans le voifmage de la madrague , pourvu qu'ils
ne l'approchent pas plus près que de deux milles
du côté du levant , & d'abord des thons.
Les propriétaires & fermiers des bordigues font
tenus, par l'article 6 , d'en curer annuellement les
foïïes & canaux , en forte qu'il y ait en toiit temps
quatre pieds d'eau au moins, à peine de 3db^riv.
d'amende, & d'y être mis des ouvriers à leurs
frais.
On conçoit que ces difpofitions ont pour objet
la sûreté & la facilité de la navigation. Nous nefai-
fons cette remarque qu'à caufe que l'auteur du com-
mentaire de l'ordonnance de la marine , imprimé
en 17575 a dit, ridiculement, que la loi que nous
venons de rapporter avoit été faite crainte que les
iordigues contrariant l'odeur du poijjon qui de foi ejî
très-puant , particulièrement quand il ejl vieux péché ,
n'empuanti[fent fair du voijînage.
L'article 7 fait défenfeau/Ti , à peine de 300 livres
d'amende , aux mêmes propriétaires Oc fermiers de
fermer leurs bordigues , depuis le premier mars
^ufqu'au dernier juin , & il enjoint aux officiers de
l'amirauté de les faire ouvrir pendant ce temps, à
peine de fufpenfion de leurs charges.
L'objet de cette défenfe a été la confervation du
frai que les poiflbns dépofent ordinairement dans
ics m^is àçt^iïi, aYi:il,ni}ai &)uin, Qn ? voulu
PÉCHÉ.
que le petit poîiïbn pût s'échapper.
Les propriétaires ou fermiers des bordigues ne
peuvent, fuivant l'article 8 , prétendre aucun dé-
dommagement contre le marinier dont le bateau a
abordé leurs bordigues, à moins qu'ils ne juftifient
que l'abordage a été fait par fa faute ou malice.
Le titre 5 du livre ç de l'ordonnance de la ma-
rine de 1681 , a pour objet la pêche du hareng.
L'article premier veut que les mailles des rets
ou aplets deftinés à la pêche du hareng, aient un
pouce en carré, fans que les pécheurs puiffent y
en employer d'autres , ni fe fervir des mêmes filets
pour d'autres Pêches, à peine de 50 livres d'amende
& de confifcation des filets.
Lorfqu'un équipage met fes filets à la mer pour
faire la Pêche du hareng, il doit, fuivant l'article
a , les jeter dans une diftance de cent braffes au
moins des autres bateaux , & avoir deux feux hauts ,
l'un fur l'avant & l'autre fur l'arrière de fon bâti-
ment, fous pareille peine de 50 livres d'amende ,'
& de réparation des pertes, dommages & intérêts
réfultans des abordages qui pourroient arriver à dé-
faut de feu.
Chaque équipage , après fes filets jetés à la mer ^
cft obligé, fous les mêmes peines, de garder un
feu fur l'arrière de f<»n bateau , & d'aller à la dérive ,
le même bord auvent que les autres pêcheurs. C'eft
ce que prcfcrit l'article 3.
L'article 4 enjoint, fous pareilles peines, aux
maîtres de barqwes , qui pendant la nuit veulent
s'arrêter & jeter l'ancre , de fe rendre fi loin du lieu
où fe fait la Pêche, qu'il n'en puiffe arriver aucun
dommage aux barques & bateaux qui font à la
dérive.
Lorfqu'un équipage eft forcé , par quelque acci-
dent, de ceffer fa Pêche ou de mouiller l'ancre,
il efl tenu , fuivant l'article 5 ,de montrer un feu
par trois différentes fois ; la première quand il com-
mence à lever fes filets, la féconde quand ils font
a moitié levés, & la troifième après les avoir en-
tièrement tirés i & alors il doit jeter fon feu à la
mer.
Si les filets font arrêtés à la mer, l'équipage ne
doit point jeter fon troifième feu ; il eft au contraire
obligé d'en montrer un quatrième, & d'en garder
deux jufqu'à ce que les filets foient dégagés. Telles
font les difpofitions de l'article 6.
L'article 7 défend, à peine de punition corpo-
relle, à tout pêcheur, de montrer des feux fans
néceJité , ni autrement que comme le prefcrivent
les articles préccdens.
Si la plus grande partie des pêcheurs d'une flotte
cefi'e de pêcher & mouiller l'ancre, l'article 8 veut
que les autres pêcheurs faffent de même, à peine
de réparation de tout le dommage , 8c d'amende
arbitraire.
La Pêche des harengs fe fait avantageufement en
automne , vers l'équinoxe : elle doit finir k noël ,
parce que le hareng ayant alors frayé , efl de mau-
vaife qualité, & que le quantité qu'on ch prend
fait
PECHE.
fait tOft à la Pèche qu'on en a faite dans la bonne
faifon, C';.ft povu cela, ainii que pour fane ce/Ter
l'abus où étoient les pêcheurs d'acheter du hareng
abord dts vailTeaux étrangers, qu'a été rendu l'arrêt
du confeildu 24 mars i^>87, portant défdnfe à tout
pêcheur de faire la Pèche du hareng après le mois
de décembre paiTé, Se d'en acheter d'aucun vaifleau
étranger , à peine de 500 livres d'amende , de con-
fifcation du hareng , des équipages & vaiffeaux , &
d'autres peines , !ê cas échéant ( i ).
Comme la Pêche du hareng çû difficile en temps
de guerre , le roi accorde quelquefois la permiflion
de prolonger cette Pêche jusqu'au 15 mars: mais
cette dérogation à la loi n'eft jamais que momen-
tanée.
Le titre 6 du livre dté concerne la partie des
morues.
L'article premier porte , que : <t quand les fujets
»» du roi iront faire la Pèche des morues aux côtes
»» de 1 ile de Terre-Neuve , le premier qui arrivera
» ou enverra fa chaloupe au havre appelé du
»» peut maure, aura le choix, & prendra l'étendue
» du galet qui lui fera néceffaiie , & mettra au
>» lieu dit Yéchûjau.l du cr.'C ^ une affiche fignée de
« lui , contenant le jour de fon arrivée & le nom
»> du havre qu'il aura choifi ".
Les avantages que le légiflateur a accordés au
maître du navire qui arrive le prem.ier, doivent na-
turellement exciter chaque maître à devancer les
(i) Ce: arrit ejl ami conçu :
iitr ce qui a été repié enté an roi , fa maisfié cianr en
fon confcil , que la Pêche des harengs (e faifant tous ies
ans par les pêcheurs François, tant de Dieppe que des au-
lnes pcrts de Normandie & Picardie, Jaque le commence à
Ix faint Denis & doit finir à iioil , jufques aujutl temps
les harengç qui fe pèchent font de bonne qualicé pour ap ■
prci'ter ?■; être vendus & débicts par tout le royaume; cet
ufage avoir été pratiqué tie tous temps , fars qu'on eût en-
trepri<; de faire ladite Pêche au delà dudit temps ,Ti ce n'elb
depuis environ fix ans que lefdits pêcheurs ont entrepris de
contiiuer îaiite Pêche après noel , dans lequel temps ie ha-
reng ayant frayé, devient de miuvaife qualité ; ce qui ruine
entièrement leidites côtes , par la quantité qu'on en prend
& ies Pêches qu'on fait en bonne faifon prur le vil prix
auquel on !c vend ; comme audi que de; parti. ulieis , contre
lis prohibitions exprefîes portées par rtitdonnsnce du mois
de juillet iC^t , titre des droits d'abord de confommation ,
achètent du hareng à bord des vailT^aux étrangers, ce qui
caufe un grand préjudice au commerce , par le mélange qu'ils
en font , Se au débit de celui de la première Pèche , qui
fe fait dan^ la bonne faifon. Auxquels abus étant nécelliiie
de reméîiier, fa majerté étant en fon confei! , a fjit & fait
Kcs-exprellcî inhibitions & défenies à tous pêcheurs &c au-
tres perfoBoes , de quelque qualité à: condition qu'elles
foient , d'aller ni d'envoyer à la Pêche t'u hareng après le
n.Ois de décembre paffé , ni d'en acbettt i bord d'aucun
vailTeau érranger , en quelque faifon que ce foit , à peine
de cinq cents livres tl ainende , confifcation du haieng,
des équipages & vaiffeaux, & autres peines , s'il y cchet.
Enjoint aux diciers de l'amiiauté de tenir la main à l'exé
ciition du préfent arrêt , à peine d'en répondre en leurs
propres & prives noms. Fait au ccnfeil d'ét'at du roi , fa
majelié y étant, tenu à VerfaiTes, le vingrquatricoie jour
rie mars mi! C.r. cents quau-e-vincc-fcpt. Sien.é COIBERT.
Tom€ Xni,
PECHE.
49
autres. C*étoit autrefois le capitaine qui envoyoit
le premier fa chaloupe au jiavre du petit m;.itre»
qu'on réputoit devoir jouir de ces avantages. Il
arrivoit de-là , que quoique les capitaines euffent
encore plufieurs lieues à taire poitr atteindre le but,
ils mettoient à l'envi leurs chaloupes à la mer avec
leurs meilleurs matelots , & que ceux ci forçant
de voiles & de rames pour an iver les premiers, il
en réfultoit fouvcnt la perte de plufieurs chalou-
pes & de leurs équipages : pour remédier à cet
abus, le roi rendit, le 8 mars 1702 , une ordon-
nance qui fit défenfe à tout capitaine, allant à la
Pèche de la morue, d'envoyer fa chalotipe à terre
avant d'avoir mouillé l'ancre, à peine de mille li-
vres d'amende pour la première fois , & de puni-
tion corporelle en cas de récidive ( i ).
La même loi a réglé que ce feroit à l'avenir le
capitaine du premier navire qui mouilleroit l'an-
cre fur les côtes où fe feroit la Pèche, qui feroit
le maître du choix du galet , & jouiroit des préro-
gatives & privilèges que l'ordonnance de 1681 a
attribués au premier arrivé.
Il cft dit par l'article 2 , que : « tous les maî-
» très qui arriveront enfuite, feront tenus d'aller
■n ou envoyer fucceffivement à l'échafaud du croc,
» & d'écrire far la même afHche le jour de leur
» arrivée , le nombre de leurs matelots , & les
« havres ou galets qu'ils auront choifis à propor-
♦» tion de la grandeur de leur vaifTeau & de leur
» équipage ».
Il n'y avoit fans doute point de meilleur expé-
dient que de régler que le choix du galet appar-
tiendroit à celui qui arriveroit le premier, & Aic-
cefhvement aux autres , à mefure qu'ils arrive-
roient, à la charge néanniuins d'envoyer à l'écha-
(i) Cette ordonnance ejl conçue ainjl :
Sa majellé a réglé par fou ordonnance du mois d'août
1^0 1 , livre f , litre 6 , que quand ùs fujets iroient fai.e la
Pêche de la morue aux côtes de l'île de Terre Ntuve, le
premier qui a rivera ou enverra fa chaloupe , aira le choix
de Drendre l'étendue du galet qui lui fera néccfiaire ; maïs
ayitic été informée qu'il eft arrivé depuis que les capitaines
Je vaifieaux , parle défir d'avoir ce choix, dctachoienc de
fort loin leurs chaloupes , ce qui en a fait perdre plufieurs
avec leurs équipages, &■ elHmant nécelTaiie de remédier à
un abus d'une ii dangereufe conféquence, fa majeilé a fait
trcs-exprelîes inhibitions Se dcfenfes aux capitaines qui com-
manderont les vailTeau.x de fes fujerj qui feront envoyés
à la côte de Terre N?uve pour y faire la Pêche de la ii,o-
rue , d'envoyer leurs chaloipe? à terre avant d'avoir mouillé,
à peine de mille livres d'amende pour la première fois , ^: de
punition corporelle en cas de récidive, èc a. ordonné &: or-
donne que ce fera à l'a/enir le maître du pemier naviie
q-ui mouillera l'ancre fur les côtes de ladite île , qui aura
le choix & prendra l'étendue du galet qui lui fera néceffaire ,
fa majefté lui attribuant pour le furplus toutes les préroga-
tives & Privilèges accordés par ladite ordonnance de 1S81 ,
à celui dont la chaloupe aborderoic la première à ladite côte.
Enjoint fa majcllé au gouverneur 6c autres ofF.c ers com-
mandans pour ion fervice dans ladi:e île, de tenir la main
à l'exécution de ladite ordonnance, &: aux officiers de l'a-
mirauté de\ la faire publier &: afficher, afin que les capi-
taines defdics bâiimens n'en prétendent caufe d'ignorance.
50 PECHE.
faud du crofr, écrire fur l'affiche ou taVleau le jour
de leur a' rivée , avec déclaration des havres ou
galets qu'ils auroient choifis.
Mai» comme le temps de faire cette déclaration
n'é oit pas fixé , il s'élevoit fréquemment entre les
p,;cheurs des contcftations qui étoient affez f©u-
YiitK fuivies de la démolition & du pillage des
échafauds.
Pour empêcher à l'avenir de pareils dcfordres ,
•il a été rendu au confeil d'état , le 3 mars 1684 ,
Un arrêt qui a ordonné que les capitaines , maî-
t, es Si officiers des vaifleaux françois , qui iroient
picher aux cotes de Terre-Neuve, leroient tenus
de faire la déclaration dont il s'agit , une heure
après leur arrivée ( i ).
(1) Voici C€[ arrê: :
Le roi s'étant l'ait reprérenter , en fon confeil , l'arrêt
rendu en la cour de parlement de Bretagne, le iç mars
loéi , par letiuel ladite cour autoit ordonné que les ar-
riclcs contenus en la dclibération de la commwnai-té de
Saint Maîo, du 31 décembre 1*61 . pottant que tous les vaif-
feaux qui arriveronr à la côte du Chapeau Rouge , en 1 î'e
«le Terre-Neuve, pour y pêcher , feront obliges , dans vingt-
quatre heures aprcs leur arrivée , de choilir le havre où ils
voudront faire leur Pêche & fc'cherie, oc que difenfes fe-
roiert faites à toutes perfonnes d'abattre ni déiuolir les écha-
fauds , ni le faiiir d'aucune chofe fervant à la.iite Pèche, ap-
partenant à d'autres , enfemWe les articles contenus en l'état
du 7 avril i 66i , contenant le nombre d'hommes que chaque
galet ou havre peut contenir commodément, feroient exécu-
tés , avec d.fïnles à tous propriétaires de vailTeau , capitaines ,
pilotes & autres , d'y contrevenir , à peine de cinq cents livres
d'amcrnle, applicible à l'hôpital de la ville de Saint-Malo ;
autre arrêt de ladite cour du 24 avii] ifiSi , par laquelle elle
autoit ordonné qu'en exécutant les precédens arrêts , les capi-
taines , maîtres &: officiers des vaifleaux déclareroient par
écrit , auili-tô: leur arrivée , ou au plus tard une hiure après ,
les havres ôf gilets où ils voudroieni faire leur l'cchc &: fé-
chcrie , fclen le rang & ordre de leur ari.éi , & que l'a-
mende de cinq cents livres, portée par J airct du S février
lî'ii . Icroit payée par les capitaines, maîtres & autres OrTî-
ciers qui auroient ce ntrevenu feulement; Se fa majefté étant
îrfjrmce, que quoique lefdits arrêts du pirlement de Breta-
gne fcient conformes à l'ordonnance de la marine du mois
d'août 163 1 , néanmoins ils for.t prefque demeuics fans exé-
cution , &: pluùeurs négocians de la ville Je Saint-Malo &: au-
tres du royaume , refufent d'y obéir; de forte qire l'année det-
jiièreilya eu pluficurs conteftations entre les capitaines &
maîtres de navires pour le choix àçs havres & galet? , & p-ef-
que tous leséchafauds du Chapeau Rouge ont été rompus. A
quoi voulant pourvoir, fa majefté étant en fon confeil , a or-
«'cnné 6c ordonne, que conformément à l'ordonnance de Ja
marine du mo^s d'avril kîSi , &c aux arrêts du parlement de
Bretagne , des iç mars 1 66z hc 14. avril 16? i , qui feront exé-
tutés félon Itur forme & teneur, les capitaines , maîtres &:
ohîciers des vaifleaux françois qui iror.t pêcher aux côtes de
Terre neuve, feront tenus de déclarer p2r écrit, une heure
après leur arrivée , les havres ou galets qu'ils auroient choifis
pour faire leur Pêche Jv- fécherie, fJon leur rang & ordre de
leur arrivée, avec défcafcs d'y contrevenir ni démolit au-
cuns échatauds , loges ou autres ouvrages fervant à .'alite Pê-
che , à peine rie cinq censs livres d'cmende , applicah'e aux
hôpitaux des lieux d'où les \ai(Teaux feront partis , laquelle
fera payée par les capitaines , maîr.es & autres officiers qui
«uront contrevenu. Fait au confeil d'ctat u roi , fa majefte y
étant , tenu à Veffaiiles le troilicme jour de mirs mij fi,x cent
quauc-vingt quatre. Sipié ^ Colbert,
PECHE.
L'article 5 veut que le capitaine arrivé le pre*
mier fafle garder l'affiche par un des hommes de
fon équipage, qu'il doit faire refter fur le lieu juf-
quà ce que tous les maîtres y aient écrit leur décla-
ration : quand cela eft fait , l'affiche doit être re-
mife au capitaine arrivé le premier. Elle fert a
prouver les contraventions de ceux qui entrepren-
nent fur les poAes des autres.
Il cû défendu , par l'article 4 , à tous les maîtres
ou mariniers, de s'établir dans un havre ou de s ac-
commoder d'un galet avant d'avoir fait la décla-
ration dont on vient de parler, & de troubler au-
cun maître dans le choix qu'il aura fait , à peine de
500 livres d'amende.
L'article ç règle ce que doivent' obfcrver les
fiijets du roi qui vont faire la Pèche des morues
dans la baye du Canada. Il doit y être obfervé la
même police que celle que l'article premier apref-
crite relativement à ceux qui vont faire cette Pêche
aux côtes de l'ile de Terre-Neuve. Ceft le premier
arrivé dans cette baye avec fon vaifTeau , qui eu le
maître du galet pour y prendre la place qui lui efl
néceffaire , même pour y marquer fucceffivement
aux pêcheurs qui viennent après lui , celles dont ils
ont befoin , eu égard à la grandeur de leurs vaif-
feaux & au nombre des gens dont ils font équipés.
Il eft défendu par l'article 6, au gouverneur ou
capitaine de la côte , depuis le cap des Rofiers juf-
qu'au cap d'Elpoir , Si à tout autre , fous peine de
défobéiffance, de troubler , dans le choix &c la dif-
tribution des places fur le galet , le maître qui efl
arrivé le premier dans la baye.
Il efî auffi défendu , fous peine de 500 livres
d'amende , aux maîtres & équipages des vaifTeaux
qui ariivent, tant aux côtes de Terre-Neuve qu'à
la baye du Canada , de jeter le left dans les havres,
de s'emparer des fels & huiles qui s'y trouvent , &
de rompre , tranfporter ou brûler les échafauds.
Ces chofes doivent appartenir aux maîtres qui
ont choifi les havres ou galets fur Icfquels elles ont
été laifTées. C'efl ce qui réfulte de l'article 7.
Il eft pareillement défendu par l'article 8 , aur
maîtres & équipages des vaifTeaux , de s'emparer
des chaloupes échouées furie galet, ou laiiîées dans
la petite rivière de la baye des morues, fans un
pouvoir fpécial des propriétaires de ces chaloupes ,
à peine d'en payer le prix,& de 5 olives d'amende.
Cependant , fi les propriétaires des chaloupes
n'en faifoient aucun ufage & n'en avoiert pas dif-
pofé , le capitaine le premier arrivé pourroir, fui-
vant l'article 9 , permettre aux pêcheurs qui en au-
roient befoin , de s'en fervir pour faire leur Pêche ,
à condition d'en payer, à leur retour , les loyers
aux propriétaires.
Le pécheur quia été antoriféà fe fervir de quel-
ques chaloupes , doit mettre entre Its mains du
maître qui le lui a permis , ou en fon abfence , en-
tre celles du capitaine établi fur le galet voiHn , un
état contenant le nombre de ces chaloupés, avec
fa fouoiiflion d'en payer le loyer , même de les
PECHE.
remettre au proptlétaire , s'il arrive à la cSte , ou à
ceux en faveur de qui il aura jugé à propos d'en
difpofer. C'eft ce qui réfulre de l'article lo.
Ce pêcheur eft d'ailleurs obligé , fuivant l'article
n , de remettre en lieu de sûreté , après fa Pêche ,
les chaloupes dont il s'eft fervi ; ce qu'il doit jufti-
fier par le certificat du capitaine qui lui a permis de
faire ufage de ces chaloupes , ou par celui d'un
autre capitaine qui foit encore à la côte.
On demande fi le propriétaire deschaloupesétant
inconnu , le loyer du par celui qui s'en cil fervi ,
doit être confidéré & partagé comme une épave ?
Il faut répondre que non. Ce loyer doit être mis
dans la clafle des fels & des huiles , dont parle
article 7 , ce qui appartiennent aux maures qui ont
choifi les galets où ces fubftances fe font trouvées.
L'article la enjoint au capitaine du premier na-
vire arrivé aux côtes de Terre Neuve ou dans la
fcaye du Canada , de dre/Ter procès-verbal de tou-
tes les contraventions à l'ordonnance, de le figner
& faire figner par les officiers de fon équipage , &
àç le mettre à fon retour entre les mains des juges
de l'amirauté , pour y être pourvu.
Il eft défendu par l'article 12, aux maîtres des
navires qui font la Pêche des morues fur le banc de
Terre-Neuve ou dans la baye du Canada, défaire
voile pendant la nuit, à peine de payer le dom-
mage qu'ils pourroient caufer s'ils venoient à abor-
der quelques vai/Teaux , de 1 500 livres d'amende &
de punition corporelle , s'il arrivoit perte d'homme
dans l'abotdage.
Pour prévenir le danger du feu, le roi rendit, le
^3 juillet 1737, une ordonnance par laquelle il dé-
fendit aux gens de mer de l'équipage des navires
dertinés pour la Pèche de la morue , d'embarquer
des paillafles & d'autres meubles où il y eût de la
paille, du foin ou d'autres herbes fèches, à peine
de cinquante livres d'amende , dont moitié appli-
cable au dénonciateur. Ce fut un navire brûlé dans
la rade de Saint-Malo , par le moyen d'une pail-
laffe où le feu avoit pris , qui donna lieu à cette or-
donnance.
Par l'article premier du titre 7 du livre cité, le
roi a déclaré poiflbns royaux , les dauphins , les
cHurgeons , les faumons & les truites , & qu'en
cette qualité ils appartenoient à fa majefté lorf-
qu'ils étoient trouvés échoués fur le bord de la mer.
Et , fuivant l'article 2 , les baleines , marfouins ,
veaux de mer , thons , fouffleurs & autres poi/Tons à
lard , échoués & trouvés fur les grèves de la mer ,
doivent être partagés comme épaves.
Mais lorfque les poiflbns royaux ou à lard ont
été piis en pleine mer, l'article 3 les attribue aux
gens qui les ont péchés , fans que les receveurs du
roi, ni les feigneurs particuliers & leurs fermiers,
puiÏÏent y prétendre aucun droit , fous quelque
prétexte que ce foit.
En conformité de l'article premier du titre 8 du
même livre 5 . il doit y avoir au greffe de chaque
amirauté une lifte des pécheurs âgés de 18 ans & |
PECHE. Çï
au-deflus , qui vont à la mer, dans laquelle (doivent
être fpècifiés le nom , l'âge & la demeure de cha-
que pêcheur, & la qualité de la Pêche dont il fe
mêle.
L'article 2 veut que le premier jour de carême
de chaque année , les deux plus anciens maîtres pé-
cheurs de chaque paroiffe envoyent au greffe du
fiége de l'amirauté, dans le reffort duquel ils réfi-
dent , un rôle de tous ceux de leur paroiffe , de
l'âge de la ans & au-deffus, qui fe mêlent d'aller
à la mer pour pêcher, à peine de dix livres d'a-
mende folidaire contre les anciens maîtres.
Cette loi ne s'exécute plus dans la plupart des
amirautés , à caufe faus doute que l'objet s'en
trouve rempli par l'obligation oii font tous les maî-
tres des bâtimens pécheurs , de prendre chaque
année un congé de l'amiral de France. En effet ,
comme il eft défendu par les réglemens , aux dif-
tributeurs des congés de l'amiral, d'en délivrer à
aucun maître de bâtiment de mer, qu'il n'ait dé-
pofé au greffe de l'amirauté un double de fon rôle
d'équipage , il arrive delà que l'on connoît à l'ami-
rauté , non-feulement tous les pêcheurs & leurs
matelots de l'âge de 18 ans & au-dcffus, mais en-
core les jeunes gens qui fervent avec eux en qualité
de moufles.
Les pêcheurs de chaque port ou paroiffe où il y
a huit maîtres &au-deffus, doivent, fuivant l'arti-
cle 4 , élire annuellement l'un d'entre eux pour
garde juré de leur communauté : ce garde doit
prêter ferment pardevant les officiers de l'amirauté ,
vifiter journellement les filets & faire rapport aux
officiers des abus & contraventions à l'ordonnance ,
à peine d'amende arbitraire.
Lorfqu'il y a moins de huit maîtres dans une pa-
roiffe , ils font tenus d'en convoquer des paroiffes
voifmes , ou de fe joindre avec eux pour procéder
à réieéîion du juré, qui doit être faite fans frais,
préfens ni feftins , à peine de vingt livres d'amende
contre chaque contrevenant. Telles font les difpo-
fuions de l'article y.
L'article 6 veut que dans les lieux où il y a des
prud'hommes, les pécheurs s'affemblent annuelle-
ment pour les élire pardevant les officiers de l'ami-
rauté, qui doivent recevoir le ferment des élus,
& entendre fans frais les comptes des deniers de
leur communauté.
Il y a à Marfeille des particularités remarquables ,
relativement aux quatre prud'hommes que les pê-
cheurs élifent annuellement entre eux. Auffitôt que
ces prud'hommes ont prêté ferment , ils font leurs
juges fouverains pour tout ce qui concerne la po-
lice de la Pêche.
Ces juges exercent leur juriditîîion d'une manière
auffi fingutière que fommaire. C'efl le dimanche , à
deux heures de relevée , qu'ils donnent audience.
Le pêcheur qui a quelque plainte ou demande à
former contre fon confrère, au fujet de la Pêche
lui fait donner aflîgnation par k garde de la com-
Gij
5^
PECHE.
?c
ruinante, & met pour cela deux fous dans nnc
fccîte.
Le dimanche fuivant, le défendeur, avant de
plaider, met aiiffi deux fous dans cette boîte, &
ce font-là toutes les épices des juges. Enfuite les
deux parties , fans être affilées ni d'avocat ni de
procureur , difent leurs raifons , & les prud'hom-
mes prononcent en conféquence un jugement qui
doit s'exécuter fur-le-champ , fmon le garde va
faifir la barque Se les filets de la partie condamnée ,
ui ne peut obtenir main-levée , qu'en payant la
bmme ou l'amende énoncée dans la condamnation.
Si l'exécution d'un jugement rendu par les pru-
d'hommes, étoit empêchée par voie de fait , le
fous-viguier feroit tenu de faire lever l'obûacle
par Tes fergens fur la réquifition des prud'hommes ,
à peine de çoo livres d'amende.
Cette fingulièrejuridi^lion a été établie en 1452
par le roi René , comte de Provence. Elle a depuis
été confirmée par différentes kttres-patentes des
rois Louis XII', Ftançois I , Henri II , Charles IX ,
Louis XIII , Louis XIV S: Louis XV , &. enfin par
im arrêt du confeil du 16 mai 1738(1).
Cet arrêt a été rendu au fujet du refus que les
pêcheurs catalans , fréquentans les mers de Mar-
feille , avoient fait de reconnoître la juridiflion
«les prud'hommes , en s'adreflant à l'amirauté de
Marfeille , Si. fur l'appel au parlement d'Aix, pour
( I ) Fb/cf ce (juil porte :
Le rci ttant en Ion confeil, faifant ciroit fur !s tout, fans
aToir c'gird à la (entencede rainirautc Je .Maifeille du 9 dé-
ceir.Ir.e Ijî , q le fa majelh'- a cafll-c , rtvcquée & annulhe ,
te a couc ce qui s'en eft cnfuivi, a maintenu &: confirme Its
jicu.i'homnies élus en la manière accoututnce par la comma-
«aucj des pattcrs pécheurs de la ville de Marfeillc, & ce,
fuivaitôc confoimcnient à k'Uis titres, dans 1; droit de con
noître ("culs, dans l'ctendue des tnets de Marfeilie , de la po-
lice de la Pèche ,&: de juger foiivcrainement , fans forme ni
fgiue d." procii &• fans écritures , ni appeler avocats ou pro-
eureiKs , les contiaventions à i.i Jite police , par quelques pê
cheurs , foit frjnçois ou étrangers , fréi^u:ntans Icidites mers ,
<]u'elles foitnt conunifes , &: tous les difltrens qui pcuvem
naître à l'occihon de ladic profefiion etuie icfdits pccheuts.
Fait fa majedc défenfes aux offkiers de l'amirauté de Mar-
feille, Ôc à toutes fes cours £>: juges , de prendiC connoilTance
de ladite police & defdits dilK-renJs • &: à cols pêcheurs de fc
pourvoir, pour rai:or; d'iccux , ailleurs que pardevant lefdits
prjd hommes , à p.-ine de n.illrcé , caf'a.ion de procédures,
quirzi cents livres d'amende , &: de tovis dépens, dommage,
i..' intérêts. Ordonne fa majefté que l'-irrè: de fon confeil dr,
* mars T 728,1 poriant homologation de la délibtration piii-
par les prud-hommes defdirs patrons pécheurs d; la ville de
>larl.:ille, du 1 décembre 1715 , pour l'inipolîtion de la demi
pire, &: celui du 13 décembre 1715, ccnccrn^nt !a Itvéc dir
ïadlte impolition , feront exécutés félon leur forme &: teneur :
&: en conféquence, que les pécheurs catalans fréquenrans
lefdites nicrii, feront &: demeureront afTujettis , de «ncine qut;
les autres pêcheurs étrangers, tant qu'ils vienitonc à Niarfeiile
J5c en Provence, le produit de leurs Péc!ies au payement dj
ht demi pa-rt , de la mar.ijrc & ainfi qii'il ell porté par lefdirs
anc**, &: fur le u.plus des doirai des oc contciiations des par-
Hes , fa raajeiléks a miles hors de cour &: de procès, hait su
coivf'erl d'état dis roi , fi majellé y étant , tenu à Verfailles le
PECHE.
être dîfpenfés de contribuer aux charges de la
communauté des pécheu ; s : l'arrêt cité a cafié Sc
annuliéla fentence rendue par l'ami-rautéle 9 dé-
cembre 1715, & tout ce qui s'en étoit fuivi , Se a
maintenu les prud'hommes dans leur droit de ju-
ridiflion fouveraine, avec défenfe à tous juges de
connoître des caufc= foumifes à leur décifion , a
peine de nullité, de 1500 livres d'amende , & de
tous dépens , dommages & intérêts^
Obfervez néanmoins i". que le droit accordé aux
prud'iiommej pécheui s de connoître des contraven-
tions commifes par les pêcheurs contre la police
de la Pèche, n'empêche pas que le procureur du
roi de ramirauté ne puiffe pourfuivre les contreve-
nans , non feulement au criminel , lorfqu'il y a lieu
d'inflruire une procédure extraordinaiie , mais en-
core par aflion civile , lorfque la contravention n'a
pas été déférée aux prud'hommes , ou qu'ils ne
l'ont pas punie.
2". Q^ue le droit qu'ont les prud'hommes de con-
noître des conteflations qui s'élèvent entre les pê^
cheurs au fujet de leur profelïion , ne les affran-
chit ni de la juridiâion de l'aniiiauré , ni de celleS'
des juges ordinaires , dans les affaires indépendan-
tes de leur profcffion.
3°. Que ce droit des prud'hommes n'empêche
pas qu'ils ne foient , ainfi que tous les pécheurs ,
uijcts à la police de l'amirauté , (oit pour la vifite
de leurs filets & la confifcation de ceux qui fe trou-
vent prohibés , foit pour les contraventions qu'ils
peuvent commettre contre les ordonnances & ré-
glemens concernant la Pèche.
Foye:^ , avec Us lois citées dans cet article , les di/^
fé-ens commentaires publiés fur V ordonnance des euux
& forêts du mois X.iaîit 1669 » 6»///^ Celle d^: la nzarim
du mois d'août 1681. Voyez uufîl les articles de
Bouchot , Garde-Peche , Rapport , Poisson ,,
Bouée , &c.
PÉCULAT. C'efl un crime qui eft devenu très-
commun en France , quoiqu'on fe foit efforcé de le-
profcrire par les ordonnances les plus févères ( i )»
Tout dépofraire, tout rece\eur de deniers û:. roi
qui fe permet d'en difpofer, foit pou.r Tes affaires-
perfonnelles, foit pour fubvenir au befoin dun au-
tre, fe rend coupable de ce crime , Sc s'expofe à
une peine très-ngouretife. L'argent qu'il a reçu , &
dont il ef^le gardien , doit être pour lui fi facré, qu'il
n'y a aucun cas où il foit excufable de s'en ctre
fcrvi. Le befoin le plus preffant ne peut jamais l'y
avitorifer : mais il eft bien plus coupable , lorf ]ue ,
tourmenté par le défir de s'enrichir , il a la témérité
d'employer ces fonds qui appartiennent à l'état,
pour des entreprifes qui lui fort perfonnelles , ou
pour en retirer un intérêt quelconque.
En vain chercheroit-il à pallier fon infidélité , cri'
difant qu'il a une fortune confidt'rable qui répond
des emprunts fiits à fa calffe ; i! rr'tn a pas moin»
prévariqué 8i. trahi la confiance du fouvcrain , dont
^v) Il vient «lu mot Fcçulatas , iiuaji' gicmiic tblaônr
PÉCULAT.
îl reçoit des gages pour réunir , pour conferver
fcrupuleuferaent les deniers dont il eft dépolitaire ,
jufqu'au moment où il recevra des ordonnances
tirées fur lui par le chef auquel il doit rendre les
comptes. Et en effet , qui lui a alTuré que demain ,
qu'auiourd'iiui , une opération imprévue n'exigera
pas qu'on retire de fcs mains tout l'argent qui lui a
été coiiiîé ? Comment pourra-t-il raflembler, dans
un moment, toutes les efpèces qu'il s'eft permis de
difperfer ? Il par'.e de fa fortume , qui ell , dit-il,
vue sûreté pour l'état contre les banqueroutes &
les pertes qu'il pourroit effuyer ; mais û fa fuperbe
habitation alloit devenir la proie des flammes, fi
des procès alloient jeter de l'incertitude fur fespof-
feffions , faudroit-il que l'état fût vifrime de fes
malheurs ©u des jugemens dont il aiiroit n fe
plaindre ?
Enfin, s'il efl contre la probité d'expofer des
fonds qui ne nous appartiennent pas, fans l'aveu
de celui qui nous les a connés . il eft bien plus mal
encore de le faire contre fa volonté cxpreiTe , 6i.
lorfque nous fommes payés pour n'en pas lailTer
échapper une parcelle fans fon ordre.
Le tréforier public doit confidérer fa caiffe com-
me une fortc'reiTe dont chaque écu eft un prifon-
nier mis fous fa garde.
La loi Julia, chez les Romains, comprenoit ,
fous le nom de Peculat , deux crimes qui, à nos
yeux , font bien différens ; le vol des Utniers publics ,
& celui des ch^fes fuintis. Peut-être penfoit on que
l'argent de la république étoit aufîi facré que ce qui
étoit deftiné au culte divin & aux cérémonies reli-
gieufes , 8c que celui qui touchoir à l'un ou à l'autre,
commettoit également un facrilége.
La peine du Péculat a beaucoup varié chez ce
peuple légiflateur. Par la conftitiirion des cmperekrs
Guticn & Vdlentinien , les officiers qui, dans la
foniHion de leurs charges, déroboient les deniers
publics , dévoient être dégradés de leurs offices , &c
réduits à la condition des derniers du peuple , fans
pouvoir jamais afpirer à aucune dignité.
Par les lois i & 2 du code Théodofien , les ma-
giftrats ou gouverneurs de province & receveurs
qui avoienr fouflrait les deniers publics, ou favo-
rite la fouftraftion faite par d'autres pendant leur
adminiftration . étoient condamnés au banniffement,
aux mines , & même à la mort. L uU. ThsoJof. de
criminc Ptculatûs , ubi nomine capitalis p<ena ulti-
mum fupplicium inteltigititr, quia ubi dicitnr eas fcve-
rijjimâ animiidverjîone cocrciti.
Après la mort de Théodofe le Grand , fon petit-
fiîs ajouta : u que ceux qui auroient aidé de leur mi-
J7 nifîère les officiers , pour dérober les deniers pu-
» blics, encourroient la même peine qu'eux; &
» qu'à l'égard des fîmples citoyens romains qui
r n'aiiroient pas été en fituation de commettre au-
r> cun abus de pouvoir , ils fcroient feulement con-
r "'amnésàla déportation (^ccû-k-dire . déchus du
ïj droi: de citoyen romain ) & à ta coafifcation de
PÉCULAT. 53
»» leurs biens , s'ils étoient convaincus d'avoir volé
» les deniers publics ».
Par une loi de Léon, furnommé le Philofop/ie ,
la peine capitale pour le Pcculat fut abfolument
abrogée. Tous les coupables furent indiftinikment
déchus du droit de citoyen romain , & condamnés
à la rtfiitutlon du double.
Dans ce temps, oli le plus beau titre que l'hom-,
me piit porter étoit celui de citoyen romain , com-
bien la privation de ce titre devoit être une peine
affreufe l
On avoit d'abord fait une diftinflion entre celui
qui déroboit les deniers d'uae ville , & le coupable
qui voloit ceux de l'état : la raifon qu'on en don-
noit étoit , quia pecunia civitatis propriè publica non
ejî. Par la fuite on a fenti que les intérêts particuliers
de toutes les villes qui forment un empire , ne peu-
vent pas être divifés de l'intérêt public , & il a été
décidé, par les conftitutions des empereurs , que
ces deux fortes de Péculats feroient punis de même.
Toutes ces variations, toutes ces modifications
prouvent l'embarras où font les légiflateurs les plus
ùges de trouver le juftc point de punition contre
le crime qu'ils veulent arrêter; ils commencent par
lui oppofer la crainte de l'indigence , de la capti-
vité , l image des fuppiices , & l'efTroi de la mort»
La multitude des coupables, groffie par l'intérêt ,
leur fait fentir enfuite l'impuiflance de ces tliâti-
mens. La nécelTité de détruire ou de faire gémir
tant de criminels , ajoute encore au malheur que
produit le crime. On eflaye alors des moyens plus
modérés & plus relatifs au délit. Un receveur des
deniers publics fe permet d'y toucher , ou pour
éblouir fes concitoyens par fon luxe, ou pour
groffir fa fortune. En le faifant defcendre dans la
claiTe inférieure , à celle des fimples citoyens , en le
condamnant à reftituer le double de ce qu'il a dé-
robé , 11 eft puni , & dans fon orgeuil , & dans fat
cupidité ; voilà donc le véritable degré de juftice
faifi. La loi n'a point répandu le fang du coupable,
parce qu'il n'en a point verlé. La république a
perdu un citoyen ; mais elle ne peut pas le re-
gretter , puifqu'il trahiflbit fa confwince & immo-
loit l'intérêt général à fon intérêt particulier. Le
citoyen n^eft plus , mais l'homme rcfte au milieu de
ceux qui le font encore , pour leur fervir d'exem-
ple, & leur prouver que l'amour de l'argent , an
lieu de conduire à la fupériorité & à l'opulence,
fait fouvent defcendre celui qui s'y livre à l'abailTe-
ment & à la pauvreté.
On rencontre dans nos ordonnances fur h pu-
nition du Péculat , la même inftabilité que dans les
décifions des empereurs. La plus ancienne qui ait
paru en France fur ce crime, eft du mois de juiii
1532; elle porte : <c que tous financiers, de quef-»
n que état ou qualité qu'ils foienr, qui fe trouve-
V ront avoir falfiné acquits, quittances , comptes
» & rôles , foienc pendus n.
Par l'article 6 qui fuit , le roi, « entend que rar-
» ^ent de fes finances ne foit employé à autre
Î4
PÉCULAT.
ï) chofe , fi ce n'eft à fes affaires ; & par ainfi , eft-11
« ajouté, s'il fe trouve quelqu'un maniant fes fi-
»♦ nances , qui prête fes deniers , les billonne , les
j» baille à ufure , les mette en marchandife , les
» applique à fon profit particulier, ou les conver-
« tifle en autre chofe que les commiffions , les or-
M donnances & leurs offices portent, ils foient pu-
n nis de la même peine que ci-deljus ».
Cette ordonnance, qui ne fut point exécutée,
parce qu'elle avoit feulement été adreflee à la cham
bre des comptes , & n'avoit point été enregiftrée
au parlement, manquoit de cette équité fagement
graduée , qui caraûérife les bonnes lois. Punir éga-
lement de la peine de mort le tréforier qmi a prêté
l'argent du roi à ufure , & celui qui l'a prêté fans
intérêt ; celui qui a falfifîé des quittances ou des
comptes , & celui qui a fait de l'argent du roi un
ufage différent de l'ordre porté en fes commiffions,
c'étoit confondre un intérêt fordide , avec unebicn-
faifance téméraire , le crime de faux avec la fimple
défobeiffance ; & il y a pourtant des différences
bien fenfibles entre ces diverfes prévarications .
En 1545, François premier publia une féconde
ordonnance enregifirée au parlement & à la cham-
bre des comptes : celle-ci porte : « que le crime de
« Péculat fera puni par la coniîfcation de corps 8c
ï> de biens; que fi le délincfuant ejl noble, il fera
« privé de noblefle lui & fes defcendans ».
Cette loi , moins févére que la première, feroit
peut-être encore plus équitable, fi la confifcation
de corps ne devoir avoir lieu que dans le cas où
celle de biens ne fuffiroit pas pour payer ce que
le coupable auroit détourné, & l'amende pronon-
cée contre lui ; alors fa perfonne feroit faifie com-
me la caution , comme le gage de l'état.
Quant à la dégradation de nobleffe , toucher à
l'argent d'un autre eft une aftian fi baffe, fi vile ,
que celui qui l'a commife doit avoir abfolument
terni pour lui l'éclat de la nobleffe que fes ancêtres
lui avoienttranfmife ;il ne pourroit plus que désho-
norer l'ordre auquel il fe vantoit d'appartenir. Mais
dans un état où la nobleffe eft acquife à l'enfant au
moment où il a reçu le jour.d'un noble , peut-être
n'eft-il pas juffe que cet enfant foit tout-à-coup dé-
pouillé d'un bien dont il étoit déjà en poffeffion ,
parce que fon père a prévariqué. Il nous femble que
tout enfant né noble ne doit ceffer de l'être que pour
fon propre fait. Ce ne devroit donc être que du
jour où un coupable auroit été dégradé lui Si fes
defcendans , qu'il ne lui feroit plus poffiblc de don-
ner le jour à des gentilshommes , parce que , de ce
moment, la fource de nobleffe auroit été tarie
en lui.
Il feroit trop long d'analyfer ici les ordonnances
de Charles IX & de Louis. XllI fur le Péculat. La
première paroît avoir plus gradué les peines fur la
qualité du coupable & fur les circonftancesqui ca-
r^âérifoient fon infidélité ; la féconde né fait que
renouveler ce que les autres ont prononcé.
Ea 1791 , parut , contre le Péculat, une décla-
PÉCULAT.
ration d'une févérité effrayante , 8c pour les cou-
pables , & même pour les juges : elle déclare vou-
loir que « les acculés reconnus coupables de Pecu-
j> lat foient punis de mort , fans que les juges puif-
j» fent modérer cette peine, à peine d'interdiftion '
»> & de répondre en leurs noms des dommages &
j> intérêts ».
La preuve que l'effet des lois n'eft pas , à beau-
coup près , en raifon de leur rigueur , c'eft qu'en
1716 le» infidélités, les déprédations que commet-
toient les tréforiers, les caiffiers , les gens de finan-
ces, s'étoient multipliées à un tel point, malgré
cette ordonnance de 1701, qu'on crut néceffaire
de créer une chambre , appelée la chambre de juf'
tice , comme fi toutes les autres n'euffent été que des
chambres d'indulgence. Ce fut une efpèce de flam-
beau, à la lueur duquel on nevoyoit plus que des
coupables tremblans, des familles alarmées. L'effroi
fut fi univerfel, qu'il fallut, pour raffurer les ef-
prits , convertir, par une déclaration du 18 feptem-
bre 1716, en peines pécuniaires, les peines capitales
ou affiiélives que l'édit du mois de mars précédent
avoit permis aux juges d'infliger.
En 1717 , cette chambre fut fupprimée, & une
amniflie générale ramena la fécurité dans l'ame de
tous les comptables.
Depuis l'anéantiffement delà chambre de juftice ,
les cours fouveraines ont rendu piufieurs jugemens
fur des accufations de Péculat ; les coupables ont
été condamnés , les uns à l'amende honorable ,
d'autres au baniffement.
Centre quelques-uns , la peine des galères limi-
tées , ou même des galères à perpétuité, a été pro-
noncée ; ce qui annonce combien l'inffabilité de la
loi, fur un même point, fait régner d'incertitude
& d'arbitraire dans les décifions les plus importan-
tes , & qui doivent être les plus invariables.
Les criminalifles , qui rangent dans la claffc des
coupables de Péculat , ceux qui donnent ou qui
reçoivent de l'argent pour ne pas preffer les comp-
tables , font trop févères : mais il feroit bien plus
injufte de juger comme tels , indiftinâement , tous
ceux qui font des omijfions ,faux ou doubles emplois ,
faujfes rtprifis , comme le prétend le dernier éditeur
de la colleâion de jurifprudence, à moins d'avoir
la preuve que ces omiflîons ou doubles emplois ne
proviennent pas de l'oubli, mais de la fraude^ ce
qui eft prefqu'impoffible à conftater.
Une ordonnance du 14 juin 1531 , condamnoit
ceux qui avoiciu gagné beaucoup d'argent au jeu
avec les receveurs des deniers du roi , à renc^re cet
argent , & à la peine du double. Quelque fage que fût
cette loi , il étoit diflicile de l'exécuter , à moins
que le gain n'eût été fait par les mêmes perfonnes
dans un délai très-court , & dans un lieu oà l'état
de ceux qui fe raffemblent pour jouer fût connu
de tous.
Une autre déclaration qui feroit encore d'une
exécution difficile, c'eft celle qui condamne les
perfonnes qui ont reçu de la main des comptables dt»
PÉCULAT.
dtn'urs t^i^ïlt n'ignorent pas appartenir au rot , à les
rendre avec le quadruple. Comment convaincre un
homme qu'il favoit que l'argent dont un comptable
lui a fait préfent ne lui appartenoir pas, & appar-
tenoit au roi? Aujourd'hui les héritiers ou donatai-
res des tréforiers , financiers , redevables envers le
roi , font feulement condamnés à reflhuer jufqu'à
concurrence de ce qui eft dû par celui qui les a en-
richis de deniers qui ne lui appartenoient pas. Cette
jurifprudence eft plus équitable, en ce qu'elle n'o-
blige les donataires à rapporter que ce qu'ils n'au-
roient jamais touché , fi le donateur eût été irrépro*
chable dans fes fondions.
Par une déclaration du 7 février 170S , rendue
contre les coUeâeurs des tailles , il eft dit : « «{ue
M ceux qui, ayant touché aux deniers de leur col
» lefle , ne les rapporteront pas dans la qmnzune
■n du jour que la vérification aura été faite , feront
y> condamnés au carcan & au fouet , & même aux
M galères, lorfque le divertilTement fera de plus
Vf de cent cinquante livres, dans les paroiftés im-
» pofécs à cinq ceus livres , ou de pl-us de trois
i> cens livres , dans les paroiffes impofées à plus
M de cinq cens livres ^^
En ne confiant cette recette qu'à des habitans
qui aient en fonds de terre au moins la valeur de
la fomme à laquelle cette recette peut monter ,
il feroit poffible de les contenir par la crainte de
payer une forte amende, & de voir leurs héritages
confifqués au profit du roi.
En employant des malheureux qui n'ont que
leur liberté & leur perfonne, on fe met dans la
néceffité , pour ne pas laifter le crime impuni, de
prononcer des pemes corporelles. L'impuilTance
de punir utilement pour l'état , rend cruel envers
le coupable indigent. Sa faute & fon malheur pro-
viennent fouvent de ce qu'on a trop expofé fa mi-
sère à la tentation de fe foulager aux dépens de la
juftice; & alors il eft puni , moins pour avoir été
criminel , que pour n'avoir pas eu le courage de
la vertu.
L'article 8 de l'ordonnance de 1670 , fait en
faveur des accufés du crime de Péculat, une ex-
ception pai'titulière ; il permet aux juges de leur
accorder un confeil après leur interrL'gatoin. Il n'eft
pas aifé de deviner pourquoi ce fecours , qui fera
fans doure un jour accordé indiftindement à tous
les accufés , parce que la raifon & l'humaniré le
follicitent pour eux , a paru au légillateur ne de-
voir être toléré que pour ceux qui femblent en
avoir le moins befoin. En effet, pert'onne ne (Àt
mieux qu'un caiflier, qu'un receveur, s'il a efTefli-
vemcnt touché l'argent dont il eft chargé en re-
cetre , 8c quel emploi il en a fait.
Le crime de Péculat , fuivant le fentiment de
plufieurs auteurs , ne fe prefcrit que par vingt ans.
D'autres , tels que Corbin en (es loix de France ,
veulent que ce crime fe prefcrive par cinq ans :
il faudroit au moins diftnguer celui qui laifte des
ttaces par écrit , de celui qui , s'étànt manifefté feu-
PÉCULAt. î^
lement par des a£lions paiTagères , ne peut plus (c
prouver que par témoins.
Il eft d'une belle légiflation d'abréger les follici-
tudes des citoyens , & de ne pas fufpendre fur leur
tête , pendant le cours de leur vie , la crainte d'une
accufation criminelle & le danger d'une peine ca-
pitale ou infamante.
Suivant l'édit du mois de mars 1716 , ra<^ion
civile pour le Péculat s'étei.d jufqu'à trente ans.
Lacombe , dans fon traité des matières crimi-
nelles, & Theveneau dans fon commentaire fur
les ordonnances , font d'avis que trois témoins ,
dépofant de trois faits finguliers , valent , dans une
information fur le crime de Péculat , autant qu'uit
témoignage entier : mais ces diftinâions fubtiles
font toujours dangereufes à adopter. Lorfqu'il s'a-
git d'infliger à un accufé une peine qui lui fafte
perdre l'honneur ou la vie , la Juftice ne doit
pas varier fur la force des preuves , de quelque
crime qu'il foit queftion. Si elle exige dix témoins
de faits particuliers fur l'accufation de l'ul'ure , qui
fe commet toujours lecrètement, pourquoi fe con-
tenteroit-elle de trois fur l'accufation du Péculat ,
qui eft lui crime moins obfcur ?
Il ne faut pas croire que le crime de Péculat
foit exclufivement attaché à la clafTe des tréforiers
ou des financiers ; il s'étend fur tous ceux qui , par
leurs places , ont , ou à recevoir ou à diftribuer
les deniers du prince. L'hiftoire nous apprend qu'il
s'cft trouvé , parmi les hommes du plus haut rang ,
des coupables de Péculat , & que l'élévation de
leurs dignités , l'éminence de leurs places , ne les
ont pas mis à l'abri du châtiment. E.n 1539, l'a-
miral Chabot , accufé & convaincu d'avoir diverti,
les deniers royaux ,(\\l, par arrêt rendu contre lui,
dejiiiué de tous honneurs , condamné à l'amende ,
& relégué.
Quatre ans après , le chancelier Poyet , fur
l'accufation du même crime , fut condamné « à
» une amende de cent mille francs, à être dé-
n gradé de fa charge , & au banniffement pour
>» cinq ans ».
Par arrêt du parlement de Teulaufe , le maré-
chal de Bie^, convaincu d'avoir détourné , à foa
profit , une partie des deniers deftinés à la folde
de fa compagnie des gendarmes, & à la paye de
la garnifon de Fronfac , fut déclaré " indigne de fes
» charges, condamné à de fc-^-tes reftitutions, de(-
» titué de fon grade de maréchal de France pour
>i cinq ans , & banni de la cour ».
On peut mettre au nombre des illuftres rîccufés-
qui furent punis pour crime de Péculat , le maré-
chal de MdriUac, auquel le cardinal de Richelieu-
fit faire fon procès, & qui, par un jugement que
rendirent des commiftaires trop dévoués au car-
dinal , fut décapité en 1632.
Tout le monde iiiit quelle fut la pi.:nition du
célèbre Fouquet , convaincu d'avoir , dans fa pl.icc
de furintendant des finances,, employé les déniais
de l'état à fe taire des créatures , à éclipier, par ii.
56 - PÉCULAT.
magnificence , par la pompe de fcs fêtes , tous les
coiirtilans de fon fiècle.
Ainfi donc un mini.flre qui feroit convaincu d'a-
voir groffi fa fortune, ou donné à fa repréfenta-
tion plus d éclat avec une partie de l'argent confa-
cré à fon département; un gouverneur de pro-
vince qui fe feroit dégradé jiifqu'à garder pour lui
les fonds que la juftice du roi auroit deftinés à
récompenfer la valeur Ou à fouhiger la noblefle
indigente ; un intendant qui auroit eu la témérité
de difpofer à (on gré, &i pour fon intérêt per-
fonncljdes deniers confacrés à des travaux pu-
blics, à la sûreté des voyageurs, ou à des em-
plois de charité , courroient le rifque d'être pour-
îuivis comme coupables du crime de Péculat ,
& de fuccomber fous des condamnations flétrif-
fantes.
Mais comme les prévarications , les abus de
confiance dont nous venons de parler , pourroient
avoir des conféquences plus on moins funefles ,
partir de motifs plus excufables les uns que les
autres, il ne feroit pas jufte qu'ils fuflent punis
de même ; Se c'cft cependant-là malheureufement
un des inconvéniens auxquels cxpofent la pau-
vreté de notre langue , ou le laconifme des regif-
lateurs , qui, en défignant fous un même nom des
délits très-différens, ont mis les juges, efclaves
de la loi , dans la nécefTité de prononcer contre
etix indiftinflement la même peine. Notre légifla-
tion criminelle p^l'che foKvent tout à la fois , & par
une dirlufion obfcure & contradidoire, & par une
précifion barbare.
Quoi q',;'il en foit, la difficulté de confiater le
crime de Péculat, ladrelTe de ceux qui le com-
rnettent , le crédit de ceux qui font accufés , ren-
dront toujours ce crime auiïi fréquent qu'irnpuni.
La réforme récente de tant de caiffiers ou tré-
foricrs fuperflus , a coupé bien des branches au
Péculat, & détruit une partie de fes racines. Une
adminifiration des finances bien éclairée , qui fuit
le cours de la recette , fubdivifée en une multi-
tude de canaux prefque invifibles , fi attentive-
inent que l'intérêt n'en puifle affoiblir ni détourner
aucun , & qui après l'avoir attiré dans un même ré-
fervoir , préfide à fa diftribution , de manière qu'elle
retourne à fa fource , en vivifiant tous les lieux
qu'elle baigne fur fon pafiage ; une telle adminif-
tration prévient plus d'infidélités , plus d'abus de
confiance , que la meilleure loi fur le Péculat n'en
pourroit punir ou arrêter. (^Article de AI. de la
Croxx^ avocat au parlement. )
FÉCULE (en matière ecclésiastique ). On
appeloit autrefois Pécule des clercs y toutes lesxpar-
enes que fiifoient les eccléfiaftiques fur les reve-
nus de leurs bénéfices, &. ce Pécule appartenoit
à réglife , dans le temps de la compilation des
décrétales : c'eft la remarque du rédafleur des lois
eccléfiaftiques : ils ne pouvoient en diijjofer, foit
«ntre-vifs , foit par teftament. Un concile , dont
la décifion çft rapportée fous ce titre, décide que
PÉCULE.
les clercs qui font des acquifitions fous des noms
empruntes , pour empêcher de connoître leurs
épargnes, commettent un crime pareil à celui de
Judas, qui, chargé des aumônes qu'on failoit à
Jéfus-Chrift & à les apôtres, en vola une partie.
Les biens de Téglife n'ont pas cefié d'être ce
qu'ils étoient autrefois , le patrimoine des pauvres
& de l'égllfe ; & les bénéficiers font louiours
obliges de les employer aux ufages auxquels ils
font deftinés ; mais ils ne fe règlent à cet égard
que par le for intérieur ; on ne leur prefcrit d'an-
ire loi que leur conftiencc , & on n'examine
point, dans les bénéficiers qui ont la capacité de
difpofer , d'où leur viennent les biens dont ils
diipofenr, foit entre-vits , foit par te/lament. Dans
le temps que le Pécule des clercs , fans diflirrc-
tion , appartenoit de droit à l'églife qu'ils avoient
defiervie , on préfumoit que toutes les acqtifî-
tions faites par les eccléfiafliques qui n'avoienc
pas de biens de patrimoine dans le temps qu'ils
étoient entrés en poffcirion , étoient im effet de
leur Pécule.
En généial, on peut dire que le Fécule a tou-
jours été en horreur dans l'églife ; & aux yeux
de la morale , le bénéficier qui amafie trouve peu
dexcufe. Sijr de ne pas manquer des chofes né-
celTaires à la vie, chaque jour lui offre afiez d'oc-
cafions pour employer fon fuperflu à faire le bien.
Le chapitre 1 1 , monachi de Jlatu monachorum , re-
nouvelé par le concile de Trente (SefT. 25 , ch. 11),
prive de la fépulture parmi leurs frères , ceux desr
religieux, qui, au mépris des canoss , amaflent
un Pécule. On pourroit citer une foule d'autori-
tés, d'où il réfulte que c'crt une témérité aux reli-
gieux de foutenir que le Pécule ne détruit point
le vœu de pauvreté, & qu'il n'en eft qu'une modi-
fication que l'églife tolère &autorife. Oa peut con-
fulter à cet égard van Efpen , de vitio pecularitatis.
Tout religieux , dit la Combe , dans fon recueil
de jurifprudence canonique, tel obfliné qu'il foit,
s'il n'eft perfuadé , au moins fera convaincu en
lifant cet ouvrage , combien ce mal efi grand , Sc
combien il eft contraire à toutes les loix de l'é-
glife & à fes propres vœux, de la ce>ntravention
defquels rien ne peut mettre en fiîreté de confcience
un religieux qui amafie un Pécule.
Cependant l'églife s'étant relâchée de fon an-
cienne rigueur, tout ceci pourroit être regardé
comme une déclamation ; fes anathémes ne frap-
pent bien réellement que les bénéficiers , qui ,
comme nous l'avons obfsrvé d'abord, acquièrent,
fous des noir.s empruntés , des biens des deniers
de l'églife, & en changent la deftination en fraude
des lois.
Cette matière embrafie fept diftinâions : la pre-
mière concerne le Pécule du religieux abbé; la fé-
conde, le Pécule du chanoine régulier qui dcfifert
dans les églifes cathédrales ou les collégiales , les
prébendes affeélées à l'abbaye ; la troifième , le
Pécule des religieiix- curés; cette forte de Pécule
cft
PÉCULS.
dipliis particulièrement défignée fous le nom de
Cote morte', on en a traité fous ce mot; la qua-
trième , le Pécule du religieux vivant & mourant en
communauté ;la cinquième , le Pécule du religieux
de l'ancienne obfervance de Cluny ; la fixlème , le
Pécule du religieux transféré ; la feptiéme, le Pé-
cule du religeux fugitif.
On examine enluitc le pouvoir du religieux
dans la difpofirion de Ton Pécule , & ce à quoi font
tenus ceux tjui fuccèd&nt au Pécule.
Les bénédiflins de la congrégation de Sainr-
Maur, de Saint-Vannes & de Cluny réformés ,
nen pofledent pas, parce que les offices clauftraux
ont tous été fupprimés chez eux , & réunis aux
raenfes conventuelles en faveur de la réforme»
Le Pécule fubfifle encore dans le grand ordre de
Saint Benoit & d^ns la congrégation de Cluny ,
parmi tes non-réformés, & même dans l'ordre de
Saint-Auguftin , à moins Cfue cela n'ait été réglé
autrement par des concordats.
§. L
Le Pécule d'un religieux abbé appartient à la
communauté dont il c\\ abbé , par droit d'accroiffe-
ment. Ceci ei^ fondé fur la propriété folidaire en-
tre rabbé& les religieux.
Duperrai , dans fon traité du partage des fruits ,
a recueilli l'arrêt du ii février 1706, rendu au
parlement de Paris, qui femble avoir fixé la jurif-
prudence à cet égard. Cet arrêt .idjuge 3 l'abbaye
«le faint Léger de Soiffons, le Pécule de M. Bour-
lon , qui en étoit abbé , au préjudice de fes héritiers.
On cite plufieurs arrê.s plus anciens. Un du 4
août 1654 , rapporté au journal des audiences, a
admis des diftinétions. Cet arrêt déboute l'abbé
commendataire delà fucceffion du Pécule délaiffé
par le prieur de Saint-Pierre-Ie Moutier, & adjuge
aux religieux Se au couvent les meubles fervans à
l'églife & d:;ftinés au fervice divin , cnfembîe la bi-
bliothèqiie;&au prieur fuccefleur, les meubles meu-
blans. Cet arrêt ordonne que defcription fera faite
du fuiplus du Pécule , à la diligence du fubllitut du
procureur généi al à S.'.intPicnele Moutier , pour
être vendu au plus offrant & dernier enchérifTeur
& les deniers de la vente adjugés , moitié aux pau-
vres du lieu , l'autre moitié à 1 hôtel-dieu de Paris.
6. î L
Le Pécule du chanoine régulier qui de/Tert dans
les églifes cathédrales ou les collégiales , les pré-
bendes affe>âées à leurs abbayes , appartient au mo-
naflère dont il a été tiré & dans lequel il fait fa
demeure; c'eft ce qu'ordonne Tarrêt du 30 août
Ï714, rendu en faveur du monaHère de faint
Quentin de Beauvais , contre le chapitre de Nefle ,
concernant le Pécule de fiére François de Lallouete.
Cette jur:r,Trudence eft fondée fur ce que ces pré-
bendes font partie de la dot des religieux & de
leur fiibriflance : on a trouvé jufîc en ce cas que le
chanoine deflervant n'en ayant pas coiifommé tous
Tome XUU
PÉCULE. 5f
'les fruits , la partie qu"il avoit lai/Tée retournât
après fa mort au monaftèrc, comme le réfidii d'une
part d'un bien qu'ils po/Tédoient en commun.
§. IIL
On a obfeivé au mot CÔTE morte , que le Pé-
cule du religieux curé appartient aux pniivres & à
la fabrique de faparoiflé, pour être dirtribué fur
l'avis de l'évêque. On y a rapporté l'arrêt qui a con-
facré cette jurifpr udcnce , &. ceux qui y font con- .
traites.
On a eu foin de remarquer à ce mot, que la ju-
rifprudence du parlement eft diflcrente de celie du
grand confeil , qui adjuge le Pécule du religieux
curé au monaflère où il eft profés.
§. IV.
A l'égard du religieux qui eft toujours reflé fou-
mis à îa règle , on a formé des diftinâions , foit par
rapport aux différens monaftéres qui pouvoienJt
avoir droit à fa iucccffion , foit par rapport aHJC
biens dont (on Pécule pouvoil provenir.
\}n religieux qui , après avoir vécu fous l'obéif^
fancc de fes fupérieurs , meurt dans le monaftèrè
où il a fait profefîion , laifle fon rfionaOère héritier
de fon Pécule : ce point nÊ peut être conteHé ; oh
ne diftingue pas même d'où ce Pécule eft provenu :
que ce foit des revenus du monaftére ou des fonc-
tions du religieux, ou delà libéralité des fidèles ,
il importe peu ; C*eft toujours pour le mona^ère
qu'il a acquis ; c'eft au monaftére à en hériter. C'eft
dans ce casque s'applique dans toute fon étendue
la maxime , quidquid acquirit monachus , acquirit
monafterio.
Et lorfqu'il y a un abbé commendataîre , il con-
court avec les religieux , & le partage fe fait à rai-
fon de ce que chacun perçoit des fruits. Cette ju-
rifprudence eft univerfelle dans tout le royaume.
Lorfque l'abbé eft cardinal , il ne fouffre pas de
concurrence ; il exclut les religieux. Ainfi jugé par
un arrêt du 2 décembre 1 546 , en faveur du cardi-
nal deFcrrare, abbé de Chaft*iS.
Augeard , dans fes arrêts notables , propofe la»
queftion de favoir à qui le Pécule du religieux qui
a poffédé quelque bénéfice dépendant d'un monaf-
tére autre que celui dans lequel il eft décédé , doit
appartenir. Il décide en ce cas que le Pécule doit
appartenir au monaftére du bénéfice.
Cette queftion s'eft préfentée au grand confeil ,
& l'opinion àè ce jurifconfulte n'a point été ftû-
vie ; le Pécule a été adjugé au moiisftère auquel \à
religieux étoit lié par fa profeftion. L'arrêt a été
rendu le 19 janvier 1748, fur les concluions de
M. l'avocat général de Tourny , en faveur des re-
ligieux de faint Nicolas de la Chefnce , contre les
religieux du PlelTis Grimout.
§. V.
Nous venons de pofer en principe que les abbés
commendatsircs partagent le Pécule du religieux
H
'^8 PÉCULE.
avec la communauté , à proportion des fruits qu'il*
perçoivent. Les religieux de l'ancienne obfervance
de Cliiny ont une jurifprudence qui leur eft parti-
culière. Le Pécule appartient en* entier à la com-
munauté , à l'excluilon des abbés Si prieurs com-
mendataires. Ainfi jugé par arrêt du grand confeil
du 2.2 août 1735 ' contre le prieur commendataire
de Lihons. Sur quoi il faut obferver que cette ju-
rifprudence cû conforme à l'ancienne : on cite deux
arrêts du parlement de Paris , l'un du 23 mars 1 516 ,
l'autre du 27 avril 1553 » qui refufent la concur-
rence à l'abbé commendataire.
§. V L
Augeard agite encore la queflion de favoir à qui
appartient le Pécule du religieux qui a été transfert :
il diRingue fi la translation s'eft faite du confeute-
nient de fes fupérieurs; il décide, en ce cas,
qu'étant affranchi de la puiifance de fon premier
monaftère , & étant entré fous celle du fécond ,
c'eft à celui-ci que fon Pécule doit appartenir ; il
excepte le cas où l'ancien monaftère pourroit jui-
tifier que ce Pécule auroit été amaffé dans le temps
qu'il vivoit dans ce momlîère , comme fi l'on troi;-
vOit une obligation datée du temps que le reli-
gieux étoit dans fon premier monaftére. On ne fe
règle pns par la diftin^tion qu'il introduit ; elle eil
peu judicieufe. l,e religieux étant ferf , ce qu'il
poffède eft un acf eToire de ce qu'il eft; fon Pécule
fuit la condition de fa peribnne , & doit apparte-
nir au monaftére fous la domination duquel il a
paffé.
Voici ce que la jurifprudence a admis à ce fujet.
La tranflation d'un monaflèreà un autre fait per-
dre au premier le droit qu'il avoit au Pécule , lorf-
que le bref de tranflation a été fuivi de noviciat &
de nouvelle profeffion ; mais iorfqu'il n'y a point
eu de nouvelle profeffion , par exemple , quand on
eft transféré dans un ordre moins auîfère du même
ordre , le grand confeil adjuge le Pécule aux an-
ciens fupérieurs du religieux transféré. Ainfi jus^é
par arrêt du fam.ttdi 11 m'ai 1748, fur les coucfu-
fions de M. l'avocat général de Tourni.
Dans Tefpèce de cet arrêt, dom Eftevenon . pro-
bes dans la congrégation de faint Maur, après avoir
apoftafié , obtient un bref de tranflation dans l'an-
cien ordre de faint fienoît ; l'abbé de N:inteuil lui
accorde un bénévol ; & quoique le bref fulminé
porte à la charge ai futre noviciat^ p^'ofejjîon , il
p'en f.'.it point, il vit publiquement dans la vie de
bénédiélin non réformé , pendant fcpt ans, ù.ns,
nucune réclamation de fes anciens fupérieurs de la
congrégation de faint Maur j à la fin de 1747 , il
meurt : l'arrêt adjuge fon Pécule à la congrégaiion
de faint Maur.
§. V I L
le
îpp
PÉCULE.
autreirent fi ce religieux décédoit dans rintervalle
des pourfiiites de fon fupérieur , pour l'obliger à
rentrer dans fon monaftére. Tel eft l'efprit de» ar-
rêts qu'on pourroit citer ccnrre le pri: cipe. Aime
de la Croix, capucin , avoit quitté (on couvent &
s'en étoit allé à Rome, où il avoit fait profeffion
dans l'hôpital du faint Efprit : fon inconftance
l'ayant rappelé en France , il y avoit vécu comme
féculier, & y avoit amafté des biens. A fa mort,
par arrêt du parlement du n février 1702 , le do-
nataire du roi fut déclaré non-recevable dans foa
appel comme d'abus, & les religieux du faint Ef-
prit non recevables dans leur demande; & au fur-
plus , il fut dit que le roi feroit informé de la qua-
lité d'Aimé de la Croix , qui avoit dû être confi-
déré comme capucin jufqu'.i fa mort, pour (avoir
à qui les biens dévoient appartenir ; le 8 mai 1702,
eft intervenu arrêt du confeil , par lequel le roi
déclare que fa volonté eft que les biens du défunt
(oient partagés entre le donataire du roi, 6c l'hôpi-
tal général de Paris par moitié.
Du pouvoir du religieux fur fon Pécule.
Le religieux n'a aucun pouvoir pour difpofer de
fon Pécule ; il n'en jouit que pour lui-même : il
n'en peut difpofer ni entre-vifs ni par teftament.
La rigueur de cette loi foudre peu d'exceptions.
D'abord elle n'en fouffre aucune pour la partie du
Pécule qui confifte en immeubles ; & , quant à la
partie des meubles, on diftingue le religieux qui
pofTêde un bénéfice hors de fon monaftére ; celui-
ci peut en difpofer de fon vivant , mais il faut que
la tradition en foit faite avant fa mort , & par le fait
du donateur. C'eft dans cet efprit qu'a été rendu
l'arrêt d'audience du 14 mai 1587. Dans l'efpèce
de cet arrêt , frère Jean Ponccl , religieux profés
de faint Pierre de MeUin , & depuis curé de fairt
Pierre- des- Arcis à Paris , dofteur en théologie , &
connu par une vafte érudition , avoit formé une
bibliothèque qu'il légua , & dont il fit la délivrance
de (on vivant à M. Hervé. Cette difpofiîion fut at-
taquée après fa mort par le prieur de l'abbaye où
il avoit fait fes vœux ; elle fut mginteni :e par l'arrêt.
Le religieux en généra? ne peut difpofer qi?e des
cfiofes modiques ; toute difpofition , même entre-
vifs, & même d'effets mobiliers, feroit déclarée nulle
fi elle étoit à titre univerfel ; elle feroit cenfée faite
en fraude des lois ; c'eft ce qui faifoit la difficulté
de la matière dans l'arrêt cité. La bibliothèque du
curé de faint Pierre-des-Arcis eût pU 'être regardée
comme une difpofition à titre univerfel.
Il faut tenir pour maxime certaine qu'il n'eût
pu en aucune forte en difpofer par teftament.
Les profès de l'ordre de Malte jouiffent de quel-
que adouciffemeni. Suivant leurs ftatuts , approu-
vés du pape & autorifés par le roi, ils peuvent,
avec la permiffion du grand-maître, tefter de la
fixiême partie de leur argent 8c de leurs biens meu-
bles', les dettes préalablement acquittées , deduciis
ex ejufmodi b-onis omnibm debitis & &'* alieno , tutn
PÉCU LE.
communis ararà ordiiùs , cjuàm aliarunt ac credkïs
qu£ intègre releryaîiiur ipfi (nano.
Cette dirpofuioii a reçu la fanâion par un arrêt
du 28 janvier 1604, au '"J'^f '^'-' teftament de Juve-
nal de Lanaoy , chevalier de Malte , fait avec la
permiffioii du grand-inaître , en faveur de fes pa-
rens , à'nns iommc de douze mille livres ; on
nomma des commiflaires pour procéder à la liqui-
dation du Pécule , & cependant on adjugea fix
mille livres de provifion aux légataires.
Dti obligations de ceux à qui appartient le Pécule.
Ceux à qui appartient la dépouille d'un religieux
ne font pas héritiers , mais fucceflcurs ; dès-lors ils
ne peuvent être condamnés qu'en cette qualité au
payement des dettes & jufqu'à concurrence des
h\tns qute ad eos ferpencrunt ; & comme ils ne font
pas faifis de droit par la coutume , labbé ou le
couvent doivent fe borner à demander à jouir de
tels biens & héritages , comme étant de la fuccef-
(lon d'un tel religieux décédé , avec défenfe de les
troubler dans la polTeiTion & la jouinance de ces
biens , avec rellitution des fruits depuis l'indue dé-
tention. S'il s'agit de meubles , il faut en demander
la reflitution.
Voyc:^ Kicjrd, traité des donations , partie pre-
m:èr: ; U quatrième tome des mémoires du clergé ;
Efpen de vitio pectilarltatis ; U receuil des arrêts à.e
Billion; le chapitre quod dei t\moxQm , aux décre-
tales de flatu monach. ; Bardet , liv. 7 , chap. 22 ;
Chopin de polit, fac, llv. 2 , tit. 8 ; Brodeau ^ur
Louet , lettre R ; Ptnfon de peculio clericorum ; Du-
perrdi , traité du partage des fruits ; Bingï de pecu-
lio MonachoruHJ ; Fevret , Buyer , Augeard ; le re-
cueil de jurifprudence canonique de Lacoinbs , 6* M. di
Hericourt s ^c. Voyez aufiî CÔTE-MORTE , MORT
CIVILE, Religieux et vœux.
PÉCULE (droit civil). Les auteurs varient
fur l'origine de ce moi ; M. Cujas croit qu'il efl
gaulois : quel que foit le mérite de ce jurifcon-
fulte , l'opinion contraire a prévalu. On le dérive
à pecuniâ 6» pecoribus , parce que tout le bien con-
fiftoit autrefois en argent &. en beftiaux.
Lorfqu'on ne confulte que les hiftoriens , l'ori-
gine derome paroîtfabuleufe : c'eft de la légiflation
que cette origine , fi différente de ce degré d élé-
vation où elle parvint , même fous fes confuls ,
reçoit la croyance que ion hiftoire ne peut infpirer.
Si elle eiit été fondée par un peuple , c'efl-à-dire,
par un aiTemblage d'hommes des deux fexes & de
de tout âge , fa légiflation n'eiJt pas été auflî injufte
envers les fils de famille ; il fe fût trouvé parmi
ceux-ci des hommes faits , qui auroient revendiqué
les droits de la nature; les mères elles-mêmes au-
roient prévenu cette rigueur, qui ne leur laiflbit
voir que des efclaves dans leurs enfans : les fils de
famille , parvenus à la virilité , auroient voulu avoir
quelque chofe à eux , & c'eft ce qu'ils n'avoient pas.
t)?{n$ le berceau de la république , tout fils de fa-
mille , fans diAinâion , ne pouvoit rien pofTéder
PÉCULE. -59
en propre : ce qu'il acquéroit par fon indufirie ou
pjr Ton travail , appartenoit à ion péie. Le premier
adouciffement que reçut cette loi , fut en faveur des
gens de guerre : il eft à croire que des liommes
qui s'étoient expofés à tous les périls , & qui fou-
vent avoient vcrfé leur fang , n'abandonnoient pas
voloiniers le butin qui en étoit le prix. Le fils de
famille eut donc la liberté de difpofer à fa volonté
de ce butin ; c'eft ce que l'on connoît dans la légifla-
tion romaine fous le nom de l'.cuîc caflrcnfe ; on ne
connut que cette forte de Fécu'e fous les confuls.
Sous les empereurs, on admit le Pécule ^i/^y? caf-
trenfe : telles font les deux fortes de Pécule du fils
de famille.
On voit aflez ce qu'on doit entendre par Pécule
cùflrenje : le Pécule quafi caftnnfe ne fut pas le mê-
me fous tous les empereurs. Sous les empereurs
idolâtres , il s'entendit de ce qu'un fils de famille
acquéroit au barreau &. dans les charges civiles,
ou dans le palais au fervice du prince ;& fous les
empereurs chrétiens, il s'entendit auflî des épargnes
d'un fils de famille qui pofledoir un bénéfice.
( Hac ratiune Pecuiium triplex vulgb diflinguitur ,
togaturn fcilicct , paljtinum , & eccle/îajllcuni ). <
Le Pécule eft encore adventice ik. profe6^ice.
Le Pécule adv ntice , eft ce qu'un fils de famille
s'eft procuré par fon induftrie ik. fon travail , ou
ce qu'il a reçu de la libéralité de fes amis ; il eft
encore des biens qui lui font échus du côré mater-
nel, & en général tout ce qu'il fe procure fans le .
fecours de (on père.
Le Pccule profidice , eft celui qui procède des
biens dont un père confie l'adminiftration à fon
fils pour les faire profiter.
Le fils de famille obtint le droit de difpofer
en pleiiie propriété du Pécule caflrenfe & quafi
cajlrenfe.
Les pères eurent beacoup de peine à fe relâcher
fur le Pécule adventice ; cette diftinélion fut intro-
duite fous Conftantin : ce fut cet empereur qui en
adjugea partie aux enfans ; il leur donna la pro-
priété des biens qui leeir étoient échus du côté ma-
ternel, laiflant l'ufufruit aux pères Ses fucceftéurs
étendirent par degré le droit des fils de fr^rùille fur
les biens adventices , jufqu'à Juftinien . qui abolit
toute diftindion. Cet emperereur voulut que le fiîs
de famille poffédàt fans partage tout ce qu'il fe pro-
curoit fans le fecours de fon père , dont le droit
fur ces biens fut borné à l'ufufruit.
A l'égard du Pécule profeâlce, Juftinien n'ap-
porta aucun changement à l'ancien droit : la pro-
priété & l'ufufruit ne ceflèrent jamais d'en appar-
tenir au père ; le fils de famille n'en eut que la fim-
pie adminiftration.
Voilà quel fut le Pécule à Rome fous les confuls
& fous les empereurs.
Dans nos provinces de droit écrit , on fuit les
diftin6tioHS qui furent infoduites fous les derniers,
empereurs : le père y acquiert par fon fils le Pé-
cule profcdice en pleine propriété &c jouiffancs ,
Hij
éo
PÉDÉRASTIE.
il y acquiert aufîî ordinairement rufufrult des biens
adventices.
A l'égard du Pécule caftrenfe & quafi caftrenfe,
les enfans en difpofent avec une entière liberté;
le père n'y a aucune efpèce de droit.
Le droit de la puiflance paternelle n'eft point re-
connu dans les provinces où les coutumes ont pré-
valu : le père n'y acquiert rien par fes enfàns ; le
Pécule §t les lois qui le régiflent y font ignorés.
Quant au Pécule des eldaves , le droit romain
n'en reconnoifToit que d'une forte ; il fe bornoit aux
chofes dont leurs maîtres leur permettoient de jouir
4k de difpofer.
Foyei le corps du droit civile l. l>§-5)^de
coll. bon. T. T. C. de caftr. omnium palatin, pecul.
l.\,C. Theod. de mat. bon. il. 6 , C. eod. /. 1 1 ,
th. 9 , de lib. in poteft. La traduflion des injïiiuies
de M. de Ferriere , &c. Voyez aufli PUISSANCE
PATERNELLE.
( Cef article ejî de M. MONTIGSY , avocat au
parlement ).
PÉDÉRASTIE. La nature bienfaifante a vouhi
que les deux fexcs , entraînés par une impnllîon
commune , fentiilent le befoin irréfiftible de fe réu-
nir , qu2 ce befoin fût un plnifir , & même la fource
de la réproduftion humaiiae. Conçoit-on le délire
d'un fenciment contraire } il exifte cej)endant , &
il exifte avec des différences ; il s'eft perpétué juf-
qu'à nous d'âge en àge;& ce vice opéreroit in-
failliblement l'anéantifTement de la fociété en-
tière , s'il étoit po0îble que la contngion devînt
générale. L'hiftoirc facrée nous attefte que le ciel
Îiuait , par un embrâfement univerfel 6c miracu-
eux , deux villes entières livrées à ces excès hon-
teux. Lacïdémone elle - même , qui le croirait l
Lacédémone, l'une des villes les plus célèbres de
l'ancienne Grèce, l'émule d'Athènes , la patrie de
tant de grands hommes , étoit tellement fouillée
dé ce crime, qua Lycurgue, fon légiflateur, fe
crut obligé d'otdonner que les femmes y marche-
Toient nues , pour rappeler les hommes au fenti-
ïncnt de la nature.
Les crimes contr'elle font de plufieurs efpèces :
en difiingue la Pédéraftie ou la fodomic , la raaftur-
bation, & la beftialité.
La Pédérafîie ou la fodomie , efî le crime de tout
komir.e avec un homme , de toute femme avec imt
femme ; même d'un homme avec une femme, lorf-
^ue , par une débauche inconcevable, ils ne fe fer-
vent point des voies ordinaires de la génération.
• La beftialité, le plus révoltant & le plusdégoû-
tant de tous les crimes contre les mœurs , eft celui
qui fe commet par la copulation d'un homme avec
uce béte , oii d'une bête avec une femme.
La mailurbation , eft le libertinage foLiralre de-
«out homme, ou de toute femme. Voyez Ahjîur-
h^iticn.
Nous ne traiterons dans cet article que de la Pé-
4«jrafti«, La loi cuin vir yi , au coc!. d* adule, , gro-
PÉDÉRASTIE.
nonce que ceux qui fe rendront coupables deP^
déraftie, feront punis des peines les plus graves.
Qum vir nubic in faaiinum viris porreHur^jm , e]uiJ
cupiatur ! Ubi (exus ptrdidit locurn ! ubijcelus efl id
qmd non proficit fcire ! ubi Venus mulMur in alteram
fonrum \ ubi arwr qvœritur , n:c videtur l. Jubemus
infurgcre leges , armart jura gl idio ultore , ui exquifitis
pœnis fubdamur infâmes qiù funt vel futuri funt rei.
Le commentateur de cette loi obîerve , avec rai-
fon : Lex HU tra^ÎJt de quodam turpijjimo jlupro , &
efl materîa hujus legis H/rpiJfima^iamen per eleganti,*
verba tradita efl : quod laudabiliter fecit imperacor.
L'incertitude des peines applicables à ce crime a.
été fixée par notre juùfprudence, qui remonte à
cet égard jufqu'aux, établifi'emcns de Saint Louis:
on en trouve la preuve dans le ciiapitre 83, de pu-
nis mtfcreant & hérite. Se aucuns efl f)upçoneus de bou^
grcrie (i), la juutijfe le doit prendre & envoyer à l'evef^
que , 6" Je il en efloit prove^ , l'en le devrait ardoir^ 6»
tait fi meuble [uni au baron & en telle manière doit:
s'en ouvrer d'homme hérite , parcoi il en fou prove^ , &
tuit fi meuble funt au baron ou au prince.
On trouve dans Papon un arrêt qu'il ne date
point , mais qui fut exécuté un premier février (2) ,.
par lequel Nicolas Dadon de Nujfi Saint-Front, qui
avoir été redeur de l'univerfité d^ Paris peu de
temps auparavant , fut condamné, pour fodomie,,
a être pendu & brûlé avec fon procès.
« Deux femmes, fuivant le même auteur, fe-
)> corrompant l'une l'autre enfemble fans mafles,.
» font puniffablcs à la mort , ôc eft ce délit hou-
5» grerie contre nature Et de ce fiirent ac-
3» cufées Françoife de l'Eftage & Catherine de la-
» Manière , contre elles y eut témoins , mais pour
» autant qu'ils croient valablement reprochés on
j» ne put les condamner à la mort , & feulement
» pour la gravité du délit furent prinfes les defpo«
n filions pour indices, & fur ce le^dites femmos
» condamnées à la: queftion par le fénécltal dei
» Landes »..
Par arrêt du 7 juin 1750 , Bruneau Lenoir & Jearî
Diot ont été condamnés a être brûlés pour crime
du même genre.
Par arrêt rendu à la chambre des vacations du
parlement de Paris le 10 oélobre 17S3 : « Jacques^
j) François Pafchal a été déclaré duement atteint Sc
n convaincu de s'être livré aux excès de la débau-
n che la plus, criminelle, envers un commiffion»
» naire âgé de quatorze ans , qu'il avoit attiré dans-
)> fa chambre ; 8c irrité par fa rcfiflsnce, de l'avoir
» afTafiîné en lui portant un grand nomhra de coups
n de couteau , tant fur la tête que fur les reins &
(,i) On fait que ce raoc grotTier , dérivé d'un aucre encore
plos familier à li populace , vienr Je Bulgare; les Bulgares-
étoicnr, dit-Ort, livres plus fju'aucun autre peuple à la loJo-
mie , delà on appeloit Piilgate toat henime gui s'en rendoic-
coupable , £f ce mot <îe Bulgare défiguré e(l aujourd'hui B..„.
(i),Yid. Pà£on ,liY. 1, u'r. 7, g. nj'^
PÉDÉRASTIE.
V> dans le dos , lefquels coups ont mis & mettent
» encore la vie dudit commilTionaire en danger.
j> Pour réparation deqiioi ledit Jacques François
« Pafchal a été condamné à faire amende hono-
» raiîle an devant de la principale porte de réglife
» de Paris , où il feroit conduit par l'exécuteur de
}> la haute juftice , dans un tombereau , nuds pieds ,
ï> nue tête & en cliemife , tenant en Tes mains une
j> torche ardente du poids de deux livres , ayant
» la corde au col , & écriteau devant 6c derrière
» portant ces mots : Débauché contre n.iture & <jfftf-
^1 fin-y & là , étant à genoux , dire & déclarer , à
» haute Se intalligibie , &c. &c. ; de là mené , dans
» le même tombereau , en la place de grèv<2 , pour
» y avoir les bras , cuifTes , &c. rompus vifs , &c.
»> de fuite )-té dans un bûcher ardent , & fes cen-
w dres jetées au vent, fes biens contîfqucs, &c. ».
( Anicle ae M. Boucher d'Agis ,confe'dUr au
châietet , membre de l'académie de Rouen , &c, ,
PÉDON. CoHreur à pied.
Le tifre lO de l'ordonnance du roi du 23 avril
1780 , portant règlement fur le fervice aux batte-
ries, corps-de garde d'obfervdtioii Scfignaux éta-
blis fur les côtes , contient fur les Pédons & le
pédonage , les difpofuions fuivantes :
« Article i. Sa majeftî ayant réglé par l'article
î» 69 de l'ordonnance du 23 décembre 1778, que
j> les compagnies des canonniers poftiches , ou
5) compagnies du guet, feroier.taffujettics en temps
j> de guerre au fervice du pvédonnage , ou à fournir
» les hommes nécefTaires pour porter d'un lieu ou
» d'un poAe à un autre , les lettres & paquets des
» officiers commandant fur les cores, lefdites com-
npagnies du guet feront inceffamment formées
«dans toutes les paroifles garde-côtes des provin-
« ces maritimes , de la même manière & ainfi qu'il
» eft prefcrit par les articles 66 , 67 & 68 de bdite
y> ordonnance.
!■> 2. Les capitaines des compagnies du guet fe-
»? ront chargés de diriger le fervice du pédonage ;
»» & dans le cas où lefdits capitaines n'auroient pas
»le;;r domicile dans le bourg ou le village où de-
» vront pafier les lettres & paquets , le lieutenant ,
w ou un des lieutenans , s'il y en a plufieurs dans
>i le bourg ou village , rscevra & fera partir lefdi
» tes lettres & paquets.
j> 3. Comme il fe trouve dans l'étendue des pa-
» roides , des lieux principaux qui en dépendent ,
» tels que les annexes , dont les habitans doivent
M être compris dans les compagnies du guet defdi-
» tes paroi/Tes, il fera établi dans chacune des an-
» nexes , quelle qu'en foit la dénomination , un
n lieutenant, pour être chargé de diriger & furveil-
75 1er le fervice du pédonage.
» 4. Les gens mariés ou garçons, deputs l'âge
» de dix-huit ans jufqu'à. foixante , qui auront leur
î» domicile dsns les. bourgs , villages & annexes où.
n feront établis les. capitaines ou lieutenans , feront
j». afTeftés au fervice du pédomigc de préférence aux
» tuîies. hafcitaas i & dans h ca^ où leiiiits lieux ne
PÉDON. 6ï
« feroient pas aflez peuplés pour fournir le nombre
» de Pédons fufKfant pour remplir le fervice, on
» y affujettira ceux qui demeureront le plus à por-
yj tée. Il fera tenu par chaque capitaine on lieutenant
» tlu guet , un rôle exa£l du nombre des habirans
n de chaque paroilfe , conformément à ce qui eft
» expliqué dans le prêtent article.
» 5. Chaque capitaine ou lieutenant choifira
» parmi les habitans les plus proches de fon domi-
» cile , deux hommes intelligens , qu'il établira fec-
» gens du guet.
>» 6. Le rôle des habitans fujets au pédonage
'> étant arrêté, le capitaine ou lieutenant du guet
» en commandera tous les dimanches à l'iflue de
» la grand'mefTe , deux au moins & fix au plus, fui-
" vaut les circonftances , pour faire le fervice pen-
» dant la fcmaine, à commencer le lundi matin; il
» fuivra exadement le tour de rôle pour comman-
» dsr ce fervice , & fera relever de femaine en
" femaine les Pédons qui auront été commandés
" qiuiid même ils n'auroient pas marché.
»» 7. Dès que les lettres & paquets feront remis
'> ou apportés au capitaine ou lieutenant du guec, il
» notera fur lefdites lettres ou paquets, l'heure de
'> l'arrivée , & chargera un des fergens de les porter
" à celui des Pédons de femaine qui fera à marcher.
'> Le fergent dira au Pédon le nom, du lieu & du
» correfpondant auquel le paquet devra être porté ,
'» 8l il viendra rendre compte du départ au capi-
"taine ou lieutenant de la compagnie.
» 8. Les capitaines du guet , qui tiendront des
» rôles exa.£is & détai'dés du nombre des habitans
» de leur paroiife , depuis dix-huit ans Jufqu'à foi-
» xante, & qui dirigeront eux-mêmes le fervice
» du pédonage avec l'aaention Si l'exaélittide qu'il
» exige, fuivant ce qui vient d'être dit, jouiront
» des exemptions ci-après :
" 1°. Ils feront exempts du tirage pour le reni'e
» placement des. compagnies de canonniers-g.irde-
» côtes :
» 1". Ils Jouiront de la même exemption pour
» un de leurs enfans, à leur choix , on pour ujî
» valet , en cas qu'ils n'aient ^oint d'enfans r
» 3". Ils ne pourront être commandés pour les
» applaniHemens , folTbyemens & autres ouvrages
') préparatoires de grands chemins-, qui fe font
» ordinairement en commun par les paroifles;^:
» feront difpenfés de travailler à leur tâcïie pen-
» dant la campagne :
w 4". Ils feront également difpenfés des travaux
» auxquels les compagnies du guet font tenues pour
» les réparations des retranchemens dé la côre,
)?• ainfl que des chemins qui y cond'uifent & com-
n miiniquent aux batteries;, mais ils continueront
» d'être employés à Tarmement & défarmemcnr
» defditcs batteries, qui doivent être exécutés par
n les paroiflcs garde-côtes.
» Ceux defdits cripitaiFres qui tiendront des rô-
» fes esadls & détaillés- de la population d-e leurs;
» uaraiiTes, mais qui ue dirigeront pas eux-iaè-
6x P É D O N.
>7 mes le fervi«e du pédonage , jouiront des
n exemptions énoncées ci-deffns , à lexception cie
» la troifiéme.
?* 9. Les lieutenans du guet qui dirigeront le
j> fervice du pédonnage , jouiront de toutes les
n exemptions de l'article précéd<;nt , à l'exception
j> delà féconde , & ils feront de plus exempts du
» fervice aux corps de-garde d'obfcrvation & fi-
" gnaux de la côte.
» Les fergens jouiront de la quatrième exemp-
» tion; ils feront pareillement exempts du fervice
3> aux corps-de-garde d'obfcrvation & fignaux , &
» ne feront tenus qu'à recevoir les lettres & pa-
» quets des capitaines ou lieutenans , pour les re-
j) mettre aux Pédons qui devront les porter.
rt Les habitans qui feront infcrits fur le rôle des
j» Pédons , jouiront des mêmes exemptions que les
ï> fergens , & feront tenus à porter les lettres &
n paquets , comme il a été expliqué.
M 10. Toutes les lettres 6c paquets (pu feront
» portés par les Pédons, feront contrc-fignés du
j» nom decelui qui les enverra , & qui marquera
» l'heure à laquelle il les fera partir, & le lieu où
» il les enverra.
» II. Le capitaine ou lieutenant du guet de
>> chaque paroilTe, tiendra un érat des lettres &
»> paquets , dans lequel feront marqués le nom de
» ceux qui les auront contre figncs , & les lieux où
» ils auront pafle , & il l'enverra tous les mois au
>> capitaine en chef de la divifion.
» 12. Aucun officier, de quelque grade qu'il
» puiffe être , ne pourra faire marcher les Pé-
» d4>ns pour des objets étrangers au fervice , cette
I) correfpondance n'étant établie que pour faire
»> paffer promptemènt les nouvelles de la mer
« aux ofliciers fapét'ieurs, & leurs ordres dans
« les cas imprévus , & qui exigent de la célérité :
j> Veut fa majefté que dans les cas très-prefies,
j) & lorfque le mauvais temps, la difficulté des
>> chemins ou l'éloignement des lieux paroîtront
>) l'exiger , il foit fourni des chevaux aux Pédons
ï> par les paroiffes garde-côtes , fur la demande
j> qui en fera faite aux maires ou fyndics def-
» dites paroiiTes, par les capitaines ou lieutenants
>» du ftviet. "
PEINE. C'eft la punition d'un crime.
Les peines qu'on inflige aux coupables font
appelées capitales , quand elles font perdre la vie
ou qu'elles privent pour toujours de la liberté
ou. du droit de citoyen. Telles font la mort na-
turelle , les galères perpétuelles , le banniffement
à perpétuité hors du royaume , & la prifon per-
pétuelle.
On appelle Peines affliSlives , celles qui ne
foQt point capitales , mais qui affligent le corps
ou le privent de fa liberté. Telles font les ga-
lères à temps , le fouet , la flétriffure , le carcan
& le pilori.
Et l'on appelle Peines infamantes , celles qui
déshonorent le coupable & le rendent infâme.
PEINE.
Telles font l'amende honorable, le bannifTcment
à temps , le biâme , & l'amende en matière cri-
minelle.
Il y a encore d'autres punitions qui ne font
ni afflitVives ni infamantes : telles font l'admo-
nition , l'aumône , les injonflions d'être plus cir-
confpeél, 6ic.
Les Peines dont on vient de parler font celles
que les tribunaux ordinaires ont coutume de pro»
noncer félon les clrconftances.
Il y a en outre les Peines que prononcent les
confeils de guerre , & que pour cette raifon on
appelle Peines militaires : telles font la condam-
nation à avoir la tête caflee , à paffier par les ba-
guettes , 8cc.
Il y a auffi des Peines particulières , établies con-
tre les efclaves des colonies ; telles que celles d'a-
voir les oreilles & le jarret coupés.
Enfin , il y a des Peines que les juges d'églife
peuvent prononcer, & qu'on appelle Peine: ca-
noniques.
Ces peines font de deux fortes ; les unes font
purement fpirituelles, comme l'excommunication ,
la dégradation , la dépofition , la {'ufpenfe & lin-
terdit ; c'eft ce qu'on appelle cenfures eccléfiafti-
ques, dont la première, qui eft l'excommunica-
tion, peut être prononcée également contre les
laïcs & contre les eccléfiaftiques , ainfi que l'inter-
dit; au lieu que la dépofition, la dégradation, &
la fufpenfe, ne peuvent tomber que fur les ecclé-
fiaftiques. Les autres Peines canoniques partici-
pent du temporel, comme le jeûne , les prières,
& la retraite dans un féminaire.
Outre ces Peines , il y en a encore d'autres que
les juges d'églife peuvent prononcer contre les ec-
cléfiaftiques, mais non à l'exclufion de tous les autres
juges : telles font la privation du bénéfice , la répa-
ration honorable, la prifon dans un monaftère ,
la privation pour un temps de rang dans Téglife ,
la privation de voix délibérative en chapitre, la
privation des diflributions ou d'une partie dure-
venu du bénéfice, l'aumône, &c.
C'eft une belle chofe que les leçons que donne
Montefquieu aux légifîateurs dans le chapitre 4 du
livre la de l'efprit des lois. Cejl , dit ce fublime
philofophe, le triomphe de la libirté , loi fque les lois
criminelles tirent chaque Peint de la nature particu-
lière du crime. **'
Et pour faire connoitre la Peine qui devroit
être infligée pour chaque crime , il divife les cri-
mes en quatre clafles : il met dans la première ,
ceux qui choquent la religion; dans la féconde,
ceux qui blefient les mœurs ; dans la troifiéme ,
ceux qui troublent la tranquillité ; & dans la qua-
trième, ceux qui attaquent la fureté des citoyens.
Montefquieu ne met dans la claffe des crimes
qui intéreffent la religion , que ceux qui l'attaquent
direâement , comme font tous les facriléges fim-
ples : « Car, ajoute-t-il , les crimes qui en troa-
M bleot l'exercice , font de la nature de ceux qui-
PEINE.
• choquent la tranquillité des citoyens ou leur (ù-
n reté, & doivent être renvoyés à ces clafles.
» Pour que la Peine des facrilèges (impies foit
» tirée de la nature de la cliofe, elle doit conlifter
» dans la privation de tous les avantages que donne
» la religion; l'expulfion hors des temples ; la pri-
» vation de la fociété des fidèles , pour un temps
1» ou pour toujours ; la fuite de leur préfence , les
1» exécrations, les conjurations.
» Dans les chofes qui troublent la tranquillité
» ou la fureté de l'état , les atftions cachées font
» du reffort de la juftice humaine. Mais dans
M celles qui bleffent la divinité , là où il n'y a
i> point dation publique, il n'y a point de ma-
» tiére de crime : tout s'y pafie entre l'homme
M & Dieu , qui fait la mefure & le temps de fes
»> vengeances.
» La féconde claffe, continue l'auteur cité, eft
V des crimes qui font contre les mœurs. Telles
I) font la violation de la continence publique ou
« particulière, c'eft-à-dire , de la police fur la ma-
») nière dont on doit jouir des plaifirs attachés à
n l'ufage des fens & à l'union des corps ; les
»» Peines de ces crimes doivent encore être tirées
» de la nature de la chofe ; la privation des avan-
5) tages que la fociété a attachés à la pureté des
i> mœurs , les amendes , la honte , la contrainte
» de fe cacher , l'infamie publique , l'expulfion
» hors de la ville & de la fociété, enHn toutes les
» Peines qui font de la juridi61ion correélionnelle,
» fuffifent pour réprimer la témérité des deux
n fexes. En effet , ces chofes font moins fondées
n fur la méchanceté que fur l'oubli ou le mépris
» de foi-méme.
» Il n'c/} ici queflion que des crimes qui in-
« téreffent uniquement les mœurs, non de ceux
>» qui choquent auffi la fureté publique , tels que
j> l'enlèvement Ôi le viol , qui font de la quatrième
M cfpèce.
V Les crimes de la troifeme claffe font ceux
r> qui choquent la tranquillité des citoyens ; & les
» Peines en doivent être tirées de la nature de la
» chofe , & fe rapporter à cette tranquillité ; com-
V me la privation , l'exil , les corredions & autres
» Peines qui ramènent les efprits inquiets & les
M font rentrer dans l'ordre établi ».
Monrefquieu reftreint les crimes contre la tran-
quillité , aux chofes qtii cohfienuent une fimple lé- ,
•iion de police ; car celles qui , troublant la tian- ;
tjuillité , attaquent en-méme temps la fureté , doi-
vent être mifes dans la quatrième claffe.
w Les Peines de ces derniers crimes , ajoute
î) ce philofophe , font ce qu'on app&Ue des fup-
-i> pliees. C'ell une efpèce de taillon , qui fait quç '■■
yi la fociété refufc la fureté à un citoyen qui '
T> en a privé ou qui £n a voulu priv-ei; un awrev
?> Cette Peine eft tu"ée de la nature de la chofe, ;
5> puifée dans la raifon,,& dans les fources du
» bien & du mal. Un citoyen mérite la mort ,
» lorfqu'il a violé la fureté au point qu'il a ôté
PEINE. 63
» la vie, ou qu'il a entrepris de l'ôter. Cette
j> Peine de mort eft comme le remède de la io-
}> ciété malade ».
Rien de plus judcieux fans doute que cette ap-
plication de la Peine de mort. Cependant un au-
teur dont l'oiivrage a été loué â outr.ince ^ même
par des gens de mérite , a effaji'é d'établir que
quelque crime qu'eût commis un citoyen, il n'é-
toit ni utile ni néceffaire de le condamner à morr.
Il a de plus prétendu que la Peine de morr n'c-
toit appuyée fur aucun droit. On voit bien que
l'ouvrage dont je parle ici eft le fameux traité des
délits & des Peines attribué ait marquis de Beccari;'.
Examinons fi la doélrine de cet auteur doit être pré-
férée à celle de Monteiquieil , ix à celle des plus
grands légiflateurs de toutes les nations & de tous
les fiècles , qui ont cru devoir foumettre à )a
Peine dont il s'agit, une certaine claffe de cri-
minels.
Le droit cjuc les hommes s"* attribuent d'égorger leurs
fanblabUs , dit M. le marquis de Beccaria , nefl: en-
tairiement pas celui dune réfuUerc la fouveraineté &
les lûïx ; elles ne font que la Jvmme des portions dt
liberté de chaque p4rticulier , les plus petites que cha-
cun ait pu céder. Elles reprifentent la volonté génc"
raUf qui ejl fajfemblage de toutes les voLntés par-
ticulières. Or, qui jamais a voulu donner aux autns
hommes It droit de lui ôter la vie ^ Comment , dart
les plus petits fjcnfices delà liberté de chacun ,pnit
fe trouver compris celui de la vie , le plus grand de
tous les b:ens ? Et fi cela était , comment ce principe
s'accordcroit-il avec la maxime qui défend le fuicide ?
Ou l'homme peut difpofer de fa propre vie , eu il n'a
pu donner à d'autres un droit quil na^'o'u pas
lui-même.
Voilà ce que l'auteur cité appelle une démonf.
tration, que la Peine de mort n' ejl appuyée fur aur
cun droit. ' • „ -
Mais cette prétendue démonftration ne feroit-
elle pas plutôt une fuite de raifonnemens vicieux
dans les principes , & abfurdes dans les confe-
quences ? C'eft ce qu'il convient d'examiner.
Il a fallu pour la confervation de l'efpèce hu-
maine , que quand une fociété s'eft trouvée com-
pofee d'un certain nombre d hommes , chaque in-
dividu fe dépouillàt_ de fa force & de fa liberté,
pour former une fomme de forces qui , n'a^^iffant
que par le moyen d'un feul mobile, protéoeàr le
plus puiffamment qu'il feroit polTiblé, la perfonne
& les biens de chaque affocié.
Le mobile qui fait agir ainfi les forces réunies eft
le fouverain : d'où il fuit , que la fouveraineté re-
préfente la volonté générale , qui eft , comme l'ob-
fetve M. ;le. marquis, de Beccaria ,J'aJfimbla^e- (tt
touiei. les volontés particulières.
: Mais dire que chaque individu s'eft réfervé un*»
portion de fa liberté ou de fa volonté, c'eft i\a
paradoxe infoutenaôk. Il eft évident que dans ce
cas , il n'y auroit plus de contrat focial , ou du
moins l'union des membres de la fociété feroit Im-
^4
PEINE.
parfaite. En effet, s'il reftoit quelques droits aux
particuliers, comme il n'y'auroit aucun juge com-
«niH qui pût prononcer entr'eux & le public , 1 e-
tat de nature fubûfleroit , & l'aflbciation devien-
droit nécefTairemcnt illufoire.
Il faut donc, pour la perfe6lion du contrat fo-
cial , que chaque allocié fe donne fans réferve avec
tous fes droits à la communauté.
De ce principe inconteftable dérive la confé-
quence , que le fouvcrain a pu légitimement éta-
blir la Peine de mort , lorfqu'il a cru que 1 intérêt
de la foci -té l'exigeoit.
Prétendre d'ailleurs , comme le fait M. le mar-
quis de Beccaria , que la Peine de mort ncd m
utile ni néceiTaire, c'eft affe(fler de méconnoitre
cette puiflante loi à laquelle la nature a fournis
l'homme , en l'obligeant de s'occuper fans cefie
des moyens de conlerver fa vie. En effet , la vie
cft , comme le remarqua M le marquis de Bec-
caria lui-même , le plus grand de tous les biens.
La crainte de la perdre doit donc être la plus
grande de toutes les craintes , & par confjquent
le plus grand obftacle qui puifTe empccher un
fcélérat de commettre un crime qui entraîne la
Peine de mort. Cette Peine eft donc utile ; elle
eft donc nécefTaire pour le maintien de 1 ordre.
Qu'un homme foit livré à une h,.ine atroce ,
& qu'il foit fur de conferver fa vie en poignar-
dant fon ennemi , fa paffion lui fera commctire
ce crime, parce que les paffions , tout avcugles
qu'elles font, ne laifTent pas de calculer : or , le
réfultat du calcul en cas pareil , eft qu'on fait plus
de dommr.ge à fon ennemi qu on ne peut en re
cevoir foi même , ce qui fufllt pimr déterminer
la h.iine.
M. le marquis de Beccaria cite , pour appuyer
fa doftrine , l'exemple de l'impératrice de R,uflie ,
Elizabeth , fous le régne de laquelle on n'a puni
de mort aucun criminel : mais fi une pitié ex
ceffive a déterminé cette princefl'e à faire fubir
de moindres Peines aux gr.nnds criminels , elle
r'a du moins abrogé la Peine de mort par au-
cune loi : aufli fous l'impératrice qui occi:pe au-
jourd'hui le trône, & que 1 Europe a déjà placée
au rang des grands hommes , on punit de mort,
fans dirticuité , tous les criminels dignes de cette
Plijr) f-
eine. *• ,
M. le marquis de Beccaria fe fonde encore fur
ce que , félon lui , Wxpcricnce de tous les fihdes
prouve que la Peine de mort na jamais empêché les
fcélérats déterminés de nuire à la foc'tété.
Mais ne peut on pas demander où ont les mo-
numens qui étabhfi'ent cette expérience.'' Ne fe-
roit-il pas au contraire démontré , fi Ion avoir une
confemon exa(Se de tous les fcélérars , c^ue la
crainte du dernier fupplice a feittle empêché qu'ils
ne commiffent une infinité de crimes }
C'eft d'après les allégations qu'on vient de rap-
porter de M. le marquis de Beccaria, qu'il fe flatte
d'avoir plaidé ôc gagné la caufe de l'humanité. Mais
PEINE.
on peut lui dire avec plus de vérité , qu'il a plaidé
la caufe de la fcélératefie , Si qu'heureufement il
l'a perdue.
Il ne faut toutefois pas imaginer que je veuille
faire ici l'apologie des lois de iang : je crois au con-
traire qu'on n'a pas toujours fait une jufîc applica-
tion de la Peine de mort. Il me feinble, par exem-
ple, que le vol , de quelque efpèce qu'il foit, ne
devroit jamais être puni de mort. Peut-être qu'il fe
commettroit quelques vols déplus; mais, à coup
fur, il fe commettroit beaucoup moins d'aflaflinats.
En effet, fi l'on ne condamnoit àniort les voleurs
de grand chemin que quand ils ont afTafliné , ils
n'aiiairmeroient jamais ; ils fe contenteroient de
voler : mais comme un voleur de cette efpèce, qui
ne fait que voler , eft puni aufl*! févérement que
celui qui vole & affaflîne en même-temps, il doit
naturellement raifonner de la manière fuivante :
» Si je vole ce pafiant fans le tuer, & que je fois
r> convaincu du vol , je ferai rompu vif. Si je tue
y> ce partant en même-temps que je le volerai , je
1) n aurai pas à craindre un fupplice plus cruel j
■n il m'eft donc plus avantageux de tuer ceux que
n je vole , que de les voler fans les tuer , puif-
)j qu'en les tuant je rends mon crime plus diffi-»
» cile à découvrir ».
Il en feroit ben différemment fi on ne puniffoit
du dernier lupplice que les voleurs aHaffins , &
que le^ galères perpérueiles fuifent la peine des au-
tres vols qualifies. Alors la crainte de rifqucr fa
propre vie éloigneroit du voleur toute idée d'af-
taffiner. On ne commet point le crime pour le
(.ommettre , mais pour en profiter.
La peine que l'ordonnance de 1670 avoir éta-
blie, comme plus rigoureufe après le dernier fup-
plice , étoit iiï ijiitflion , avec la ré/erve des preuves
en leur entïsr : mais elle eft aujourdhui abrogée ,
comme on le vera à l'article Question.
Viennent enUiite les galères perpétuelles , le
banniffement perpétuel , les galères à temps , le
fouet , l'amende honorable , & le bannifTement à
temps. Article x-^ du titre 25.
Il n y a que le miniftère public qui puiiTe con-
clure à des Peines afflidiives ou infamantes contre
les accufes : un particulier ne peut demander que
la réparation civile ou les dommages & intérêts
qui lui font diJS.
Cette règle reçoit néanmoins une exception en
matière d altulière ; le mari peut conclure, con-
tre fa femme, à la Peine àQÏ authentique Voyez
Adultfre.
Lorfqu'une procédure a été civilifée , le juge ne
peut plus prononcer de Peine afïïiâive , à moins
que la partie publique ne vienne contre le juge-
ment de civilifation par tierce oppoiition ou par
la voie d'appel, ou que la partie civile n'interjette
appel de ce même jugement.
Voye^ au furplus ce que nous difons en parlant de
chaque crime & de chaque Peine en particulier.
PEINE CONTRACTUELLE On entend par
paru
PEINE CONTRACTUELLE.
peUe en matière de contrats , une claufe par la-
quelle oiî s'engage à quelque chofe en cas d'inexé-
cution de la promefTe qu'on a faite.
En ouels cas eft-il permis on défendu deflipulcr
des p/ines ? Quels font les eiFers qui en rélulteni ?
Quelles font les circonAanccs qui y donnent ou-
verture ? Ces fortes d'obligations (ont - elles di-
vifibles ou indivifibles? Telles font les queflions
que cette matière nous offre à difcuter.
6. ï. De la validité ou nuUitc des Jlipulalions
pénales.
Une obligation pénale eft toujours acceffoire à
une obligation primitive ; ainfi , d'après le principe ,
qu'un accefloirc ne peut CnhCiûer fans la chofe
principale ( i ) , la première condition requife pour
la validité d'une claufe de cette efpèce, efi que
l'cblis^ation primitive foit elle-même valable.
La loi 69 , D. di verbunun où!i^tUionil>us , nous
en fournit un exemple. Un particulier avoir promis
à un autre de lui repréfenter un efclave qu'il igno-
roit être mort, finon, de lui payer une certaine
fomme par forme de Peine. L'obligation principale
étoit évidenmient nulle , puifqu'eile portoit fur
Vne chofe impoflîble : & c'efl pourquoi Ulpien
a décidé que la flipulation pénale ne pouvoir pas
Yaloir ( 2 ).
La loi 61 du même titre contient une décifion
femblable : » On ne peut , dit-elle , faire une fli-
» pulation en cette forme : y? vous m minfiitiu\^ pas
n votre héritier , vous me donnerez telle foinme , parce
3» que cela eft contre les bonnes mœurs ".
Si cependant la nullité de l'obligation principale
ne provient que du défaut d'intérêt de celui en fa-
veur duquel elle efl: flipulée , la claufe pénale, qui y
eft ajoutée ,Moit avoir l'on effet ; c'eft ce que déclare
le §. 18, aux inf^vmiQS de inuùlibus (lipulationibus.
»> On ne peut ftipuler pour autrui ( ce font les ter-
*f mes de ce texte ) ; & lorfqu'on veut le faire , il
M eft eftentiel de mettre la claufe qu'en cas d inexé-
» cution de la flipulation , il y aura une peine au
» profit de celui ^ui ftipule , quoiqu'il n'ait point
»> d'intérêt à la chofe ». Cette exception eft fondée
far une raifon rrès-fjmplc : «L'obligation principale,
») dit Pothier, n'eft nulle en ce cas que parce que
M le débiteur y peut impunément connevenir ; ce-
»> lui envers qui elle a été contrariée n'ayant alors
N nuls dommages- intérêts à piétendre en casd'in-
»» exécution : l'obligation pénale, qui y eft ajou-
»> tée , purg« ce vice , en empêchant le débiteur
i> d y pouvoir contrevenir impunément ".
Par la même raifon , quoiqu'on ne puiffe pas pro-
mettre dir3'£lement la fait d'autrui , on peut ajoiuer
Mne peine à une obligation de cette efpèce , parce
i ' - - *
(l) Cum piincipalis caufa non conûliir, nec ea quiJem qiix
fcquuntuv locum obtinent. L. I15 , ^arcg. i , D. i< rculis
JMrh.
(1) Si homo mortuiis fi(li non potcft , nec pcena ici impclïï-
tilis comniicietut , queniacimcsiura fi quis Siic.hum lUQnuum
dsic iHpiilatLS , Ç\ dacus non effet , pœnam ftirulccur.
Toim XIII.
PEINE CONTRACTUELLE. 65
, que la claufe pénale fait voir qu'on n'a pas eu fim-
plement l'intention de promettre !e fait d'un tiers,
mais qu'on a voulu fe conftituer fa caution & s eri
porter fort , ce qui renferme une promefTe pour ioi
6c non pour autrui. C'eft ce que décident exprefîé-
ment le §. 21 du titre cité, & la loi 38 , §. 2 , D.
de verborum obligationibu^. C'eft aufti ce qu'a jwgi
un arrêt du parlement de Bretagne du 12 janvier
1621 , rapporté par Frain. Le parent d un chanoine
de Saint-Malo qui avoit offenfé fon évêque , avoit
promis à celui ci que le chanoine ne paroîtroit pas
dans la ville pendant quatre rHois , & s'étoit obligé
de payer , en cas de contravention , une fommede
trois cens livres. Le chanoine ayant rompu la pro-
mefte que fon parent avoit faite pour lui , la con-
vention fut jugée valable Ôcla peine encourue.
La féconde condition , ncceffaire pour la validité
d'une claufe pénale , eft qu'il n'y ait rien d'impof-
ftble ni de contraire aux lois on aux bonnes mœurs ,
dans la preftation de la chofe qui en eft l'objet ;
mais le défaut de cette condition n'annulle que
l'obligation pénale , parce que le principal ne dé-
pend pas de l'acceflbire & peut fubfifter fans lui.
La loi 92 , D. de verborum vbli^atiornbiis , en con-
tient une décifton exprefte f '^ Si on s'eft obligé,
n dit-elle, de vous repréfenter quelqu'un , ou de
» donner un hyppocentaure, en cas qu'on ne puiffe
)» ou qu'on ne veuille pas le faire , ce fera la rhéme
» chofe que fi on n'avoiccontradlé que l'obligation
» de repréfenter ». La loi 126, §.3 du même ti-
tre, porte également, que dans cette hypqthèfe ,
detri:dâ jecundû jlipulatione , prior manet uiilis.
La troifiénie condition , eft que l'obligation prin-
cipale ne foit pas de nature à faire rejeter les claufes
qui emportent quelque peine. Ainfi lorfqu'il eft quef^
tion d'argent ou d'autres chofes qui fe confomment
par l'ufage, & que le contrat n'eft point un de ceux
qui produifent des intérêts ou en légitiment la fti-
pulation , on ne peut ftipuler une peine en cas de
défaut ou de retard du payement ; cela dégénére-
roit en ufure.
Mais , par la raifon contraire , il eft permis d'in-
férer des claufes pénales dans toutes les promeffes
de deniers ou de chofes fungibles qui admettent les
ftipulations d'intérêts : par exemple, on peut ftipu-
ler les intérêts des fommes que des débiteurs s'obli-
gent de payer par des tranfacTions , parce que ces
intérêts font partie du prix des déf)ftemens qui font
accordés , «Se que, fuivant la loi 20, C. de tranfac-
tionicus, les tranfaitions ont la nicme force que les
jugtmens : delà vient, «qu'en la caufe d'entre les
» fe'igneurs de Chateauroux , du Bouchage & de
» Loué,plaidèe folemnellement , le lundi dernier
» décembre 1 573 , Marion & Chopin plaidans , la
5) fupulation faite par tranfaâlon de payer par ledit
ij fieur de Chateauroux dix mille livres dans un an ,
îj &, à faute de payer , s'obliger au doublement 8c
n tiercement de ladite fommc , a été confirmée par
M arrêt , & ledit fieur de Chateauroux condamné à
» payer ladite fomme dans deux mois , aliàs , dès i
66 PEINE COxNIR ACTUELLE.
" prêtent condamné au double de ladite fomme.
» Ce qui étoit âc particulier , c'efl que ledit ficur
)» de Loiié , j:o.ir n'avoir reçu ladite fomme de dix
V inlile livres au jour convenu , tomboit en de
« grands intérêts, & ne fut reçue l'offre dudit fei-
» gneur de Chateauroux , de payer audit fieur de
» Loué les intérêts de ladite fomnie de dix mille
» livres au denier douze ". Ainfi s'exprime M.
Louet , lettre P , §. 4 ; 6c Brodeau ajoute , que « le
« même a été jugé par arrêt de mercredi 19 avril
î7 «575 , à la grand'chambre ».
On peut Aipuler les intérêts d'une dot ou d'une
penfion de religieufe: on peut donc auflî convenir
d'une peine pour le cas où le payement , foit de la
dot , foit de la penfîon , viendroit à manquer ». Il
» a été jugé , dit M. Louet , que la peine de cinq
f> (ous par jour, à faute de payement de dix écus
» par an , dus pour la penfion d'une religieufe de
3j Fontevraud , étoit bonne & valable , & le fieur de
« Melligny , frère de la religieufe , condamné à
« payer ladite peine pour l'avenir, & néanmoins ,
» d'autant que les arrérages du paffé fe montoient
Ȉ une grande fomme de deniers , la cour, pour
3> aucunes caufes , les a modérés à cent écus, à mon
yy rapport, en la cinquième des enquêtes , en avril
» 1588 y.
Brodeau fait menrion d'un arrêt femblable , rendu
le 3 août 1574 , » pour la peine de cinq fous pour
j> chacune ieniaine, appofée à un bail emphytéoti-
j> que , au cas que le preneur fût en demeure de
j) payer la penfion au jour préfix »,
C'eft ce qui a encore été jugé , fuivant le même
auteur, par arrêts des 6 feptembre 1 570 , premier
feptembre 1571 , 3 décembre 1 588 , au fujet de la
peine de trois fous par jour, appofee à des renies
de fondation & de libéralité.
Il faut cependant obferver qu'on ne Jugeroit plus
aujourd'hui avec tant de rigueur ; en confirmant les
peines ajoutées , foit à des tranfaélions , foit à des
conftitutions dotales , foit à tous autres ades dans
lefqiiels il eft permis de flinuler des intérêts , on
ne manquero't pas de les réduire au taux des in-
térêts légitimes. Voyez l'article Intérêts , partie
6 , & la loi I 3 , §. 26 , D. de aâionibus empt.
Les promeffesde mariage n'admettent pas de fll-
puLitions pénales. Ainfi le décide la loi 134,0. de
verôorum obligattombus , conçue en ces termes :
5) Titia , qui avoit un fîls d'un premier mari , a
3> époufé en fécondes noces Gaïus Seins, qui nvoit
» une fille d'une autre femme , & il a été flipulé par
V le contrat de mariage , que la fille de Gains Seïus
3) feroit mariée au fîls de Titia , à peine de payer par
j> celle des parties qui y mettroit obflacle , une
r> fomme d'argent convenue. Gaïus Seïus étant
n venu à mourir pendant le mariage , fa fille n'a
» pas voulu époufer le fils de celle-ci. On a de-
» mandé fi les héritiers cFe Gaïus Seïus étoient re-
» nus de payer la peine, & il a été décidé que non ,
» parce qu'elle avoit été fiipulée contre les bonnes
« mœurs y car iJ feroit indécent que ^ noîud des
PEINE CONTRACTUELLE.
» mariages tût ferré par la crainte des peines ».
Le chapitre 26 , de fponfalibus , aux décrétales ,
décide la même chofe ; voici comme il efl conçu ;
c'eflle pape Grégoire IX qui parle: " La femme
» Gemma nous a expofé que fa tille s'étant mariée
» à C. B. de Alferio , l'a mife en juftice pour la
» faire condamner à la peine quia été fîipulée en-
» tre fon fils & la fille de Gemma, lors des fiançail-
» les contraélées entre ceux-ci , dans un temps où
» ils n'avoient pas encore atteint leur feptième an-
» née ; comme les mariages doivent être libres , &
» que par cette raifon toute convention pénale qui
» y a rapport doit être rejetée , nous vous man-
» dons que fi la chofe efl ainfi que nous l'a expofcc
» Gemma, vous forciez B. par les cenfures ecclé-
» fiafliques , à fe défiilcr de fes pourfuiies contre
» cette femme ».
La décifion de ces textes a été adoptée par plu-
fieiirs arrêts. Ecoutons d'abord M. Louet ; » Deux,
» ayant , l'un un fils , l'autre «ne fille , defirant con-
» ferver leurs maifons proche l'une de l'autre j
» contraâent enfemble & promettent que leurs en-
» fans venus en âge nubile fe marieront enfemble :
» & pour fureté de ce , la mère de la fille fe départ
» de l'enchère par elle faite d'une certaine fortie de
y> leur maifon , & le père du fils en demeure adju-
» dicataire , du^ confentement de la mère de la fille ,
» en faveur dudit mariage ; il y a ftipulation de
» dommages & intérêts contre celui qui contre-
» viendra auxdites promeffes de mariage , & d'ac-
» complir de fa part le mariage : par arrêt du 9 mars
» 1606 , les parties ont été mifes hors de cour , iSc
» néanmoins celui qui avoit la terre , condamné à
» rétrocéder, autrement es dommages Si' intérêts
» procédans à caufe de ce »,
Brodeau dit en fes notes fur cet arrêt, qifil y
en a plufieurs « autres femblables remarqués par
» Chenu en fes que/lions, centurie 2 , que/lions
» 43 , 44 , 45 & 48 ; Bacquet , au traité des droits
» de jutHce , chapitre 21 , n. 329 ; M. le Prêtre ,
» centutie i , chapitre 68 ; M. Fremin, en fes àc'
» cifions du parlement de Metz, livre 2, décï-
» fion 3 >'.
Dtfghewiet , en fes întlitutîons au droit beigi-
que , après avoir dit que « la promefTe de certaine
» fom.me à défaut d'époufer, quoique par écrit, efl
» nulle )j , ajoute que " le parlement de Flandres en
» a ainfi décidé par arrêt de 1700 en faveur du fieur
» Cardon, & que les maïeurs & échevins de Tour-
» nai en jugèrent de même par fentence du 23 fé-
» vrier 1704 ».
Cette jurifprudence n'efl cependant pas fans con-
tradiéfeurs. L'empereur Léon a tenté d'abolir par fa
novelle 18, les lois de Juftinlen, qui défendent les
ftipulations pénales dans les promeffes de mariage ,
& cette novelle a été reçue dans plufieurs endroits ;
Vo'ét , célèbre jurifconfnlte hollandois , affure qu'elle
eft adoptée dans fon pays ; necjue hoc îpfurn à nofîris
moTibus alienum cjl , & Zypaeus , canonifle d'An-
vers, foutient qu'elle devroit l'être par- tout. £a
PEINE CONTRACTUELLE.
effet , on ne peut diflîmuler qu'elle ne foit plus con-
forme aux principes de notre droit , que n'y font
les lois qu'elle abroge. Les Romains lailToient aux
fiancés une liberté entière de réfilier leurs promefies
de mariage , alii defponfatci renunciare condhioni &
rtubere alii nonprohibentur; ce font les termes de la
Iji I, C. de fponfaUbas, Parmi nous , au contraire,
les fiançailles produifent une aélion véritable & ef-
feflive ; les juges d'églife font autorifés fuivant les
canons à les faire exécuter par la voie des cenfures ;
& fi les tribunaux féciiliers fe bornent à condam-
ner les parties qui en refufent l'accomplifiément ,
aux dommages-intérêts occafionnés parleur rétrac-
tation , c'eft parce que l'expérience a prouvé que
les mariages forcés ont toujours de fàcheufes fuites ,
& il n'y a pas un juge qui , en prononçant de h
forte , ne reconnoifle l'obligation de droit & de
confcience qui réfulte des fiançailles. D'après cela ,
il femble qu'on auroit dû abandonner fur ce point
les lois romaines, & regarder comme valables rou-
tes les flLpulations pénales qui tendent à empêcher
des réfiliemens en cette matière. Mais la décrétile
du pape Grégoire IX , rapportée ci deflus , a fermé
les yeux aux jurifconfultes ; 8c quoiqu'elle fût don- «
née fur un cas tout à fait particulier, car la pro-
mefTe de mariage dont elle parle avoir été faite en-
tre des enfans mineurs de fept ans, ils n'ont pas
laiffé de la regarder comme générale , & cette doc-
trine , une fois affermie par un concert unanime
d'autorités , a fait fans peine dans les tribunaux les
progrès qu'atteftent les décifions que nous venons
de retracer.
Mais cette erreur a enfin été dévoilée & prof-
crite. Dès le 28 mars 1658 , le parlement de Paris ,
en confirmant une fentence du châtelet, condam-
na, fuivant le témoignage de Brodeau , « Fran-
5» çois le Secq au payement de la fomme entière de
» douze mille livres de peine flipulée par le contrat
» de mariage qu'il n'avoit pas voulu exécuter (i). j
3> Par un autre arrêt du 9 mars 1643 » '^^ enfans ik
» héritiers de celui qui avoit promis époufer nnc
» fille dans quatre ans , & en cas qu'il vint à décé-
» der avant ce temps, lui faire payer par fes héri-
" tiers la fomme de quatre mille livres, furent con-
» damnés à lui payer cette femme, avec les inté-
» rets du jour de la demande , la cour ayant jugé
>» que cette fomme étoitdue par forme de domma-
)> ges & intérêts pour l'inexécution du mariage ».
^ On peut ajouter à ces arrêts tous ceux qui ont
réduit les peines ftipulées par les promefies de ma-
riage, à la jufte mefure des dommages-intérêts ré-
fultans de l'inexécution ; car cette réduéîion efi
une preuve de leur légitimité , Si on verra ci-après
que toutes les efpèces de fiipulations pénales y font
fujettes.
^ L'auteur des conférences de Paris fait mention
d'un arrêt du 11 juillet 171 1 , qui réduit à deux
(») Bardetdaùe cet axrèc du îS mats 15351,
PEINE CONIRACTUIILLE, 67
mille livres un dédit de mille écus, fiipulé par une
promefile de mariage.
Le journal des audiences nous en fournit un au-
tre du 29 août 1713 , qui réduit à cinq cents livres
une fiipulation pénale de la m^îme fomme que la
précédente.
Bafnage , fur l'article 369 delà coutume de Nor-
mandie , en rapporte un du parlement de Rouen ,
qui confirme cette jurifprudence. « Une fille nom-
" mée Loudier pourfuivoit un fils de famille , pour
» l 'époufer ou lui payer trois mille livres fuivant
'» fa promefie ; le fils , & le père qui étoit interve-
» narit , foutenoient que cette promefie étoit nulle ,
» & môme qu'elle avoit été faite par un mineur, &
» que d'ailleurs la fille s'étant abandonnée à ce jeune
»» garçon , cette promelfe n'étoit , à vrai dire ,
» qu'une taxe & une compofition qu'elle avoit faite
"de fon honneur, ce qui la rendoit honteufe &
" nulle. Néanmoins , par arrêt du 10 mai 1662 , on
"lui adjugea deux mille livres pour tous intérêts ,
» dommages & dépens ».
§. n. Des effets que produifent les conventions pénales -
lorfqu elles font valables.
L'objet d'une Peine contradîuelle , eft d'afliirer
l'exécution de l'obligation principale.
Ainfi la fiipulation de la peine n'éteint ni ne ré-
fout l'obligation principale, & on ne doit pas pré-
fumer que les parties aient eu l'intention de fondre
celle-ci dans celle-là. C'efi ce que porte exprefié-
ment la loi 122 , §. 2, D. t/*? verhorum obli^ationibus.
Delà il réfulte, que quand il y a ouverture à la
peine par le défaut d'accomplifiement de roblii^a-
tion principale, le créancier peut , au lieu de de-
mander la première , pourfuivre l'exécution de la
féconde. C'efi la difpofition du texte que nous ve-
nons de citer , & de la loi 28 , D. de aEllon'ibus enipt.
Si , en fiipulant une certaine fomme en cas d'i-
nexécution d'une obligation, les parties avoient
témoigné clairement vouloir qu'il ne fût plus dû
autre chofe que la fomme , dès que le débiteur
auroit été mis en demeure de remplir fa première
promefie, une telle convention ne feroit pas une
fiipulation pénale, mais une obligation aiifil prinpale
que la première , & faite par forme de novation de
celle-ci. C'efi Tefpèce de la décifioa de la loi ^4 ,
§. dernier, D. de obligaiionibus & actionibus.
Quoique l'obligation pénale ne porte ^ar elle-
même aucune atteinte à l'obligation principale ,
cependant , comme l'une n'eft que compenfatoire
des dommage-intérêts produits par l'inexécution de
l'autre, le créancier ne peut pas exiger les deux à
la fois ; il faut qu'il fe contente de la peine ou de
la chofe. Mais fi la peine ne l'indemnife pas fufii-
famment , il peut , après l'avoir reçue , demander
le furplus des dommages-intérêts qu'il a foufi'erts
par l'inexécution de l'obligation principale. Les lois
28 , D, de adionïbus empt. ,41 &. 42 , pro focio , le
décident cxprefiement ainfi.
Pothier tait fur ces textes une obfervarion im-
62 PEINE CONTRACTUELLE.
|)ortante. « Le juge ne doit pas être facile à écouter
5' le créancier, qui prétend que la peine qu'il a
j> perçue ne le dédommage pas {'ufiirainment de
j> l'inexécution de la convention ; car les parties
» ayant, par la fixation de la peine, réglé & fixé
ï5 elles-mêmes les dommages & intérêts qui rcfulte-
« roient de l'inexécution de la convention , le créan-
» cier, en demandant de plus gros dommages &
» intérêts , fcmble revenir contre une eilimation
ï> qu'il a faite lui-même, en quoi il ne paroît pas
« recevable, à moins qu'd n'ait la preuve à la n;ain
X» que le dommage par lui foufiert excède la fomme
i) convenue , comme dans cette efpèce : fi un mar-
» chand m'a prêté fa voiture, à condition que je
»> la lui rendrois un certain jour auquel il en auroit
« befoin pour mener fes marchandifes à vme cer-
») taine foire, àpeine de tt^^nte li\'res faute de la
» lui rendre au jour indiqué; ce marchand , à qui
s> j'ai promis de la rendre , peut ne fe pas con-
j) tenter de cette fomme de trente livres , s'il a la
» preure à la main qu'il a été obligé d'en louer une
j> pour cinquante livres, & que le prix commun
« des voitures pour aller à cette foire, étoit de la
» fomme de cinquante livres dans le temps auquel
« je lui dévois rendre la fienne ".
La règle qui e^i^pêche le créancier d'exiger tout-
à-la- fois Is principal & la peine, admet deux ex-
ceptions. Laprcniiêre , efl lornqu'il ert dit exprefré-
irient , que, faute par le débiteur d'accomplir fon
obligation dans un certain temps-, la peine fera en-
courue & exigible, fans préjudice de l'obligation
principale , rato mancntt puêlo , comme s'exDï'ime la
loi i6 , D. de tranfaâicr.ibus. La féconde eft lorfqu'il
pareît que la peine efl ftipulée pour réparation des
ilommages-intéréîs que doit foaffrir le créancier ,
non de l'inexéciuion abfolue de l'obligation , mais
du fimple retard de fon accomplifTcment.
La cianfe pénale n'ôte pas à celui qui l'a ftipulée ,
les exceptions & les fins de non-recevoir qui peu-
vent réfuher pour lui du fond de l'engiigement prin-
cipal. Là loi lO , §. I , D. c/c paFl'ii, déclare for-
rtie'ikment qu'il ^ycnt encore les faire valoir, mais
que dj.ns ce cas il eu tenu de renoncera la chntfe
péMaie ; ce qui doit s'entendre avec les deux excep-
tions o;ne nons venons de remarquer.
Potuier noiis donne un exemple de cette déci-
fion, » Si je fuis convenu avec un mineur devenu
11 majeur, qu'il ne reviendroic poijit contre la vente
» d'un héritage qu'il m'a faite en majorité ,& que
)» j'aie flipulé de lui , par forme de peine , uns
3> certaine fomme en cas qu'il contrevint à la con-
» vention ;s'il vient par la fuite à m'affigner en en-
ï) lériiiement de lettres de refcifîon contre cette
5) aliénation, la claufe pénale inférée dans notre
n ir?itc, n'empêchera pas que je ne puiiïe oppofer
» contre d demande la fin de non-recevoir qui
3j rêfulte de i engagement principal qu'il a coiJrraOé
M dïris notr-c traité , de ne point revenir contre
v cette aliénation. Ma'is comme celui q^ii a flipulé
w la peine ne peut pas percevoir £i la peine & ce
PEINE CONTRACTUELLE.
M qui eft renfermé dans l'engagement principal , (t
» j'ufc de la 'fin de non-recevoir, & que je le faffe
■>» déclarer non-recevable , je ne pourrai plus exiger
» de lui la peine que j'ai fîipuléei &, vice versa ^
" fi j'ai exigé de lui la peine , je ne pourrai pas
» ufer de la fin de non-recevoir».
Nous avons dit qu'on ne peut à la fois , dans-
l'efpècc dont il s'agit, oppofer la fin de non-rece-
voir & fe faire payer la peine; mais cela n'efl-il
point contraire à la la loi 122, §.6, D. de ver-
corurn obl/guti^'ibiis ? Poîhier répond que non , 6c
fait clairement difparûître cette antinomie, a Lorf-
j> que j'ai eu convention fous une certaine peine,.
» avec vous devenu majeur, que vous ne revien-
V driez pas contre la vente d'un héritage qu« vous
» m'aviez faite eu minorité , l'objet de cette con-
»> vention a été de me procurer la libération d'une
" aclion refcifoire que vous aviez eiTe'flivement
'> contre moi; c'cft pourquoi , lorfqu'en vous op-
j> pofant la fin de non-recevoir qui reluire de cette
» convention, &L en vous faifant en conféquence
» déclarer non recevable dans votre aélion , je me
» fuis pi"ocuré la libération de cette aclion , je n»
" peux plus vous demander la peine ; autrement,
» j'aurois tout-à-la-fois & la chofc Si. la peine; ce.
)> qui ne peut pas être : telle eft l'efpéce de la loi
» 10 , §. I , D. de paS'is. Celle de la loi 122 eft
» trèî-différente :, après un partage qui efi par lui-
» même valable & non fujet à aucune aflion ref-
» cifoire, dans la crainte d'effuyer un procès,-
» quoique mal fondé, nous fommes convenus foi:s
» une certaine peine de ne pas revenir contre ;
» l'objet de cette convention n'efl pas , comme
3) dans l'efpéce précédente, de me procurer la ii-
') bération de qi:clque aélion refcifoire que vous
i> eufllez contre ce part.ge , puifque vous n'ca
j) aviez aucuns; le feul objet de cette convention
» eft de ne pas effuyer un procès ; c'eft pourquoi ,
D fi vous m'en aviez fait un , quoique j'aie obtenu
1) le congé de votre demande > il y ':nra lieu à la
)> peine; car la feule chofe qui faifoit l'objet de
» notre convention ,^ étant de ne pas c/Tiiyer un
j? procès, quoique mal fondé, m'en ayant f;it
y elïïiyer un , il eft vrai de dire que vous m'avez
» privé de ce qui faifoit l'objet de cette conven-
» tion , d^3Ù il fuit qu'il y a lieu à la peine t>.
On demande fi le juge peut modérer & réduire
à de juftes bornes la peine à laquelle un débiteur
s'eft fournis en cas de contravention à fon engage-
ment. La négative ne fouffre dans le droit romain
aucun doute raifonnable. Il eft vrai que la loi uni-
que ^ C. de fi'iieniïis qna pio eo quod intcrcfl pra-^
feruntur , défend de porter les dommages intérêts
au-delà du double de la fomme principale ; mais
cette défenfe ne concerne que l'indemnité judi-
ciaire, & n'a aucun rapport à l'indemnité conven-
tionnelle. Il y a d'ailleurs une très-grande différence
de l'une à l'autre. Tout homme qui contrafte une
obligation principale ne s'impofe que fecondaire-
ment celle des dommages-intérêts ç^ui peuvent t*;
PEINE CONTRACTUELLE.
fulter de l'inexccuiion de (on engagement; & 11
n'eft pas probable qu'il ait entendu s'obliger indé-
finiment a ces dommages-intérêts, mais feulement
jufqii'à concurrence de la fomme à laquelle ils pa-
roiflbient devoir monter. On ne peut pas dire la
même chore de l'indemnité conventionnelle. Les
lois défendent de fe livrer aux préfomptions , lorf-
qnon a des preuves claires de la volonté qu'il
s'agit d'exécuter: ainfî, quelque exccifive que foit
la fomme flipulée par forme de peine , le débiteur
ne peut pas clifconvenir de s'y être obligé , & c'efi
à lui à s'imputer fon imprudence ou (a légèreté.
Le §. 20 , aux inftitutes de inutilibus flipulatïonibus ,
& la loi 38, §. ij ,Y), de verbiirum obligdnonibus ,
fortifient cette opinion, en décidant que dans une
claufe pénale il ne faut pas confidérer Tintérêr de
celui qui l'a fîipulée , mais feulement la quantité de
la fomme qui en eft l'objet : panam ciim quisjlipu-
latUT, non infpicitur quid interjît ejus , fed qux ft
quantitas in candinone flipulaiionis. La loi 56 ? D. de
eviétionibus , n'eft pas moins pofitive ; elle étal)lit
nettement qu'on peut dans un contrat de vente (K-
puler la reftitution du triple ou du quadruple du
prix en cas d'cviéiion.
Quelque folides que foient ces raifons , tous l^s
auteurs modernes enfeignent , & une foule d'ar-
rêts ont décidé que la peme conventionnelle peut ,
lorfqu'elle eft exceffive , être réduite Si mo4éfée
mr le juge. Voici les motifs d'équité fur lefquels
ruthicr fonde cette jurifprudence : « Lorfqu'un dé-
y> biteur fe foumet à une peine excelfive , en cas
ï> d'inexécution de l'obligation primitive qu'il con-
î) traâe , il y a lieu de préfumer que c'cft la faiiffe
» confiance qu'il a qu'il ne manquera pas à cette
«obligation primitive, qui le porte à fe foumet-
» tre à une peine aufii exceffrve ; qn'il croit ne
K s'engager à rien en -s'y foumettant , & qu'il eft
n dans la difpoStion de ne s'y pns founïetfre, s'il
» croyo:t que le cas de cette peine pût arriver ;
» qu'ainfi le confentement qu'il donne à l'obliga-
« tien d'une peine aufiï excejTive , étant un can-
« ftnrement fondé fur une erreur & fur une iilu'
•n fion qu'il fe fait, n'eft pas un confentemeiK vala-
» b!e ; c'eft pourquoi ces peines exceflives doivent
3? erre réduites à la valeur yraifemblable à laquelle
» peuvent raontsr au plus haut les dommages &
» intérêts du créancier, réfultans de l'inexécution
3> de l'obligation primitive ". Pothier ne fait ici que
répéter ce qu'avoient dit avant lui Dumoulin , de eo
quod interefl , n. 159; le préfident Favre en fon
code , livre 7 , titre 23 , dccifton a jGroeneweghen
fjr la loi unique, 'C. dt fentcnùis i/uœ pro eo <iucd
ir-.tcre'jï; 'Vanheuwen , cenfura fotenfis , pa^rtis i , i
livre 4 , diapitre 15 ; Voëtflir le digeHe , de ver-
•buriim ohli^^aùoinbiis :,Q^xo\\à-i'i ., livre 6, rcponfe
59 j-'Socisnis, tom. I , confeil 133; Maranta ,
dijput. 7 , «. a6.
Cette doftrine a été, comme nous Tavons dit ,
approuvée par les arrêts. Papon.en rapporte ^^n un ,
jo mars 1525 , parlet^tidila été jugé,, ^ue « û-ua ,
PEINE CONTRACTUr .LE. ^9
» pleige ou débiteur promet de payer, faire rati"
j» her , ou autre chofe , à peine de cinq cents livres ■
5> dans certain temps , &; ce néanmoins ne peut 1*
» faute de ce tant importer au créancier , il ne doit
"demander plus contre le défendeur que l'intérêt
'> que ce lui eft ».
Le même arrêtifle nous retrace une autre efpèce
dans laquelle on a encore fuivi l'opinion des au-
reurs cités, a Deux gentilshommes tranfi'^ent (n* la
» préférence des bancs Se honi:«nrs dans leur pa--
» roi^e, & promettent faire ratifier leurs femmes ,
" à peine de c^ent livres. L'un fait ratifie* fa femme ^
» l'autre ne peut: conve<aupour la peiaa ,Ufe dé-
" fend, i*. fur ce qu'iil n'a pu , ^°. fur l'excès de
M la peine. 11 y eft condamné. Il app^ii*. l^ar arrâ;
» 4e. Paris , il eft coïKlamné , à faute de faiie rati-
M tier , es dommages Si intérêts ».
Nous trouvons da.ns Oufail *m arrêt du parle-
ment de iBretagne qui juge de vc^fHQ. Ua »articuUer
avoit promis de faire ratifier une tranfînaio-fl fou»
peine de cent écus ; n'ayant pu remplir fa pro-
niefle , il fut attaqué pour le payement de la peine.
Après avoir été condamné fuccefîivement au fjège
deDinan & au préiïdial de Rennes , il. obtint, le
7 août 1565 , un arrêt qui infirma les xleuxfenten-'
ces , & le condamna à tels domm-ages 6c intérêts
que de raifon , modérés & arbitrés à yln^jt-cinq
livres.
Cette jurifprudence eft aufti reçue au grantl con-
feil de Malines, témoin l'arrêt 186 du xecueil de
M, Dulaury ; voici Jes tQimçs de ce rnagiftrat: u Au
V proxès eurre les fjeiu-s de Loyens & de Tilly , ce
» dûrnier conclut à une peine de fix cents florins ,.
>♦ iflipulée p-ar certain contrat à fon profit , au cas que
» le.fieur de Loyens , fa partie , n'etîtretînt pas î'ac-
vcorA dont ils étoieirt convenus outre 8c par-def-
>r.1us la pro ra elle iiifcréc au Jîiêfne .contrat de ré-
3) foudre rous intérêts en pareil cas de contraveti-
» rion. Il fut tenu au grand .confsil & jugé par ai-
» rêt du i7 juin 1618 , que ladite peine n'étoit pas
"due , quoique I2 fieur de Loyens eût difomé fbit
» nelle n'eft pas due , outre la. portée de Tintérét
» légitime >?.
'Nous avons fous Its yeux deux arrêts du confeil
fc>uverain de Mons , dont l'un préjuge & l'autre
décide définitivement la même chofe^qije les pré-
cédens: ils ont été rendus les 6 mars I7i4'& i^
novembre 1715 , au rapport de M. Tahon , entra
la veuve Jean le-Dru 6c le fieur Vanderkefkove
avocat à Gand. '
Les juges ne doivent pas exercer indifcrétement
la faculté que ces arrêts leur donnent de réduire
la Peiiîe contraéluelle à k jufte indemniié • ils.
ne doivent le faire que quand l'excès de l'un^
fur l'aiure eft évident fc palpable ; en ..tout«
autre circonftance , on icro'ix ua plus grand mal
en jetant les parties daas kv euoiïarras '& k^
70 PEINE CONTRACTUELLE.
frais d'une liquidation de dommages-intérêts »
qu'en condamnant celle qui a enfreint fa pro-
mefle , au payement d'une peine excenive. On
trouve dans Papon , livre 12 , titre 9 , n. 4 ,
un arrêt fans date , qui a refufé , fur ce fon-
dement , la réduâion d'une peine qu'on préten-
doit trop conlidérable.
Un autre cas où, fuivant quelques-uns des au-
teurs cités ci-deilus , le juge ne doit pas modérer la
peine, eft lorfqu 'elle n'eit pas flipulée au profit de
l'un des contraâans, mais d'un tiers. M. Dulaury
dit que cette efpèce a été propofée au grand confeil
de Malines, lors de l'arrêt du 27 juin 1618 , & que
« la cour igclina à ce que telle peine appofée au
M profit d'un tiers , eft due ; 8c fur ce fujet, ajoute-
» t-il , fut rappelé que les pères cordeliers avoient
j> autrefois obtenu payement d'une peine à eux
» appliquée en ezs de contravention à un certain
)» contrat ».
§. m. En quel cas y a-t-il ouverture aux Peines
contratluelles ?
Four traiter cette queftion avec ordre , il faut la
confidérer & par rapport à l'obligation de ne pas
faire , & relativement à la piomefle de faire ou de
donner quelque cliofe.
Il n'y a guère de difficulté fur la première hy-
pothèfe. Il eft évident que la peine eft due aufli-
tôt que celui qui s'étoit engagé à ne pas faire quel-
que chofe , a fait ce dont il devoit s'abflenir.
La feule queflion qu"«n puifTe élever là-defliis ,
eft s'il faut que l'aile qui donne ouverture à l'o-
bligation pénale ait eu (on effet , ou fi la feule ten-
tative fiiffit pour rendre la peine exigible. On ne
peut réfoudre cette queflion que par l'intention des
parties , & il faut juger de cette intention par l'ob-
jet du contrat.
J'ai flipulé avec vous , fous une certaine peine ,
que vous ne loueriez votre raaifon, voifine de la
mienne , à aucun ouvrier travillant du marteau ;
nonobflant cette convention , vous faites un bail
à un ferrurier , mais ce bail demeure fans exé-
cution : puis-je vous demander la peine à laquelle
vous vous êtes fournis? Non, parce que le feul
objet que je me fuis propofé en traitant avec
vous , a été d'empêcher que votre maifon ne fût
habitée par des ouvriers qui m'auroient incom-
modé par leurs travaux bruyans, & que le bail
n'ayant pas eu d'exécution , n'a pu me caufer au-
cune incommodité.
C'efl fur la même raifan qu'efl fondée la loi
6, D. de fervis exportandis , dans laquelle Papinien
décide que lorfqu'en vendant un efclave , il a été
convenu , fous une certaine peine , que l'acheteur
ne l'afTranchiroit point , un affranchiffement nul
qui en efl fait par celui-ci , ne donne pas ouver-
ture à la claufe pénale.
La loi 122 , §• 6 , D , de verborum ohligatîoni-
l'us , nous offre une efpèce & une décifion toute
différente ; nous l'avons analyfée dans le paragra-
PEINE CONTRACTUELLE.
phe précédent ; 6i il en réfulte , que la feule ten-
tative , quand même elle feroit infrudueufe , fuf-
fit pour donner lieu à la peine , lorfqu'il paroît par
la nature du contrat ou autrement , que l'intention
des parties a été , en flipulant celle-ci , de fe mettre
à l'abri de celle-là.
Lorfque la promefTe à laquelle on a ajouté une
claufe pénale , eil de donner ou de faire quel-
que chofe , la peine eft encourue dès que le dé-
biteur a été mis en demeure de remplir fon obli-
gation ; la loi 122, g. 1 , Y^. de verborum obliga-
tionibus , lui permet même de purger fon retard
jufqu'à la conteftation en caufe ; qucrro an fi Ftavii
Hermttis hares à Claudii harede pœnam fuprafcrip-
tJtn peten vuluerit , Claudii hxres lîbertatcm Stic/19
prejlare pojfit ut pœnâ Uberetur : refpondit pojfe.
Cette réfolution n'avoit cependant lieu , dans
le droit romain , que quand l'obligation étoit
pure & fimple ; fi les parties ctoient conve-
nues d'un terme , la Peine avoit lieu de plein
droit aufTi-tôt que ce terme étoit écoulé ; il ne fal-
loit pas d'interpellation pour la rendre exigible,
& le débiteur ne s'en exemptoit pas , en offrant ,
après l'expiration du temps convenu , de fatisfaire
à l'obligation principale. C'eft ce que portent la
loi 23 , L). de obligatiombus & aBionibus ; la loi 23 ,
D. de receptis qui arbiirium receperunt ; la loi 38 ,
§. 17 , D. de verborum obligationibus ; la loi 24 ,
§. 4 , D. lecatt.
Les jurifconfultcs romains étoient fi attachés à
ce principe , qu'ils regardoient la Peine comme
encourue de plein droit , lors même que le dé-
biteur étoit mort avant l'expiration du terme , &
que , par le défaut de fes héritiers de prendre qua-
lité , il ne fe trouvoit perfonne qui pût être confli-
tué en demeure. La loi 77, D. de verborum obliga'
tionibus , le décide ainfi.
Ces jurifconfultcs alloicnt plus loin encore ; la
loi 113 du titre que nous venons de citer, porte,
que quand l'obligation à laquelle on a ajouté une
claufe pénale , confifte à faire , dans un terme dé-
figné , un ouvrage dont la confîrudion exige un
certain temps, la peine eft due même avant l'expi-
ration du terme , auffitôt qu'il efl certain que l'ou-
vrage ne peut être fait dans l'intervalle réglé entre
les parties , en forte que la prorogation du terme
qui feroit depuis accordée au débiteur, ne le dé-
chargeroit pas de la peine encourue auparavant.
Dans nos mœurs , le feul laps de temps ne fufïït
pas régulièrement pour conflituer une perfonne en
demeure , ni conféquemment pour donner ouver-
ture à la Peine contraftuelle ; il faut de plus que le
débiteur foit interpellé judiciairement de remplir
fon obligation. Voyez les articles Comminatoire ,
Demeure, Clause pénale, & l'arrêt du 31 dé-,
ccmbre 1573 , rapporté ci-devant, paragraphe i.
La loi 122 , §. 3 , D. <^<r verborum obligationi: us ,
décide qu'il n'y a point lieu à la peine , lorfque le
créancier a lui-même été caufe que le débiteur n'a
pu s'acquitter de fon obligation.
PEINE CONTRACTUELLE.
%.IV. Lis obligations pénales font-elles divifibUs ou
indivifibhs ?
Cette queftion en renferme trois : le débiteur
peut il, en s'acquittant d'une partie de fon obliga-
tian , éviter une partie de la peine à laquelle H s eft
fournis en cas d'inexécution ? C'eft la première.
Lorfque le débiteur eft décédé , la contravention
d'un de fes héritiers donne-t-elle lieu à la peine
pour le total & à !a charge de tous les autres ? Ceft
la féconde. Lorfqu'au contraire c'eft le créancier
qui eft mort , la contravention envers un de fes hé-
ritiers fait-elle -tc >ii'ir toute la peine , & les au-
tres héritiers peuvent-ils l'exiger PC'eft latroifième^
PREMliÈRE QUESTION. L'acquittement J'itne partie de
l'obligation fouflrait-elle le débiteur à une partie de
la peine ?
Un débiteur ne peut forcer fon créancier à rece-
voir une partie de ce qu'il lui doit ; ainfi l'offre
d'un payement partiel n'a pas d'elle-même la vertu
d'éviter à celui qui la fait , une partie quelconque
de la peine ftipulée pour le cas d'inexécution.
Mais fi le créancier a reçu volontairement une
partie de fa dette, pourra-t-il, en cas de défaut de
payement de ce qui refte , exiger la totalité de la
peine ? La loi 9 , §. i ,fiquis cautionibus in judicio ,
répond , qu'encore qu'à raifonner félon la fubtilité
du droit, il pui/1'e paroître que la peine doit avoir
lieu pour le total , néanmoins l'équité demande
que cette peine loit réduite proportionnément à ce
qui refte à acquitter de l'obligation principale. On
fent la raifon de cette décifion : la peine, comme
nous l'avons déjà dit , n'eft cenfée promife que
pour dédommager le créancier de l'inexécution de
l'obligation principale, & le créancier ne peut re-
cevoir l'une 8c l'autre. Ainft , lorfaue l'obligation
principale eu acquittée jufqu'à concurrence d'une
certaine partie , on ne peut plus exiger la peine
pour cette partie ; autrement ce feroit cumuler
deux chofes que les lois & les principes empêchent
d'admettre enfemble fans une convention exprefle.
Cette décii'ion eft indiiliridement vraie à l'égard
des obligations dont les objets font divifibles; mais
elle eft régulièrement fauffe par rapport à celles qui
ont des objets indivifiblcs.
On dit régulièrement , car. Pothier remarque deux
cas ou les obligations de cette dernière efpèce font
fujettes fur ce pointa la même règle que celles de
1,1 première. "Voici comme s'explique cet auteur.
« 1°. Quoique l'exercice d'une fervitude pré-
H diale foit quelque chofe d'indivifible , & qu'en
}j conféquence l'obligation que contraéîe le poftef-
n feur de l'héritage fervant , de fouftrir l'exercice
» de la fervitude, foit une obligation indivifible ,
V néanmoins fi cette fervitude eft limitée à une cer-
» taine fin pour laquelle elle a été conftituée , la-
« quelle fin fe termine à quelque chofe de divift-
» ble, la peine fe divifera fi cette fin a été remplie
» pour partie , oc n'aura lieu que pour la partie
PEINE CONTRACTUELLE. 71
>» pour laquelle elle n'aura pas été remplie. Ceci va
« s'éclaircir par un exemple. J'ai un héritage qui a
» un droit de fervitude fur le vôtre , lequel droit
» confifte en ce que les poftTefteurs de l'héritage fer-
» vant font obligés, au temps des vendanges, de
n fouffrir que mes gens tranfportent ma vendange
'> par cet héritage , à peine de cent écus en cas de
r» trouble fait à mon droit de fervitude. Dans cette
') efpèce, fi, après avoir laift^é pafler la moitié de
» ma vendange , vous avez empêché le tranfport du
n furpiuspar votre héritage, vous n'avez encouru
» la peine de cent écus que pour moitié ; car quoi-
» que la fervitude de paftage foit indivifible, & que
» l'obligation de fouffrir l'exercice de cette fervi-
» tude foit l'obligation de quelque chofe d'indivifi-
» ble, néanmoins comme cette fervitude eft limitée
» à une fin , qui eft le tranfport de ma vendange ,
» & que ma vendange eft quelque chofe de divifi-
n ble , on ne peut difconvenir que j'ai joui en partie
» de la fin pour laquelle la fervitude a été impofée ,
" 8c que vous m'en avez laift^é jouir en me laiftant
" tranfporter par votre héritage la moitié de ma
" vendange ; je ne pourrai donc demander quq la
>' moitié de la peine, car je ne peux pas percevoir
» la peine pour le total , & jouir en partie de l'uti-
" lité de mon droit de fervitude ; je ne peux pas
M avoir tout à-la- fois l'un & l'autre. Ceft ce qu'^en-
» feigne Dumoulin dans l'efpèce que nous venons
>' de rapporter, quia , dit-il , hcec fervitus de fe indi-
» vidua dividuatur ex accidenti & ex fine dividuo.,,.
)> & débet judicari fecundàm regulam dividuorum.
>» 2°. Nos principes reçoivent encore quelque
j) application, même à l'égard des obligations indi-
» vifibles , dans l'efpèce fuivante & autres fembla-
» blés : Vous vous êtes engagé , par un traité , fous
}» une certaine peine , à me faire conftituer un droit
11 de fervitude de paftage fur un héritage dont vous
"avez l'ufufruit, & qui eft voifin du mien , en
» vous faifant fort des propriétaires. Trois des pro-
» priétaires ratifient ; un feul refufe d'impofer la
» fervitude ; la peine , à la vérité , m'eft due en ert-
11 lier , car le refus d'un feul propriétaire d'impo-
') fer la fervitude , empêche qu'elle ne foit aucune-
33 ment impofée, nonobftant la ratification des trois
n autres , un droit de fervitude ne pouvant être inv«
)» pofé pour partie , & ne pouvant par confé-
» quent être impofé que par tous les propriétaires.
«Mais comme cette ratification , quoiqu'elle foit
» entièrement inutile pour impofer un droit réel de
j> fervitude fur l'héritage, a néanmoins un effet qui
■>■) confifte à obliger perfonnelîement ceux qui ont
5) ratifié à me laiffer paftTer , je ne peux exiger toute
» la peine , qu'en me défiftant de mon droit , qui
» réfulte de cette obligation ; autrement je ne pour-
)) rai exiger qu'une partie de la peine, ne pouvant
■>•> pas percevoir toute la peine , & en même-temps
» percevoir quelque chofe de l'obligation princi-
>» pale (i) ».
(0 Drii; ouiin ,iif dh\i\xb' i/;É(t;'iiLi. ,p.irî }, n. ,^71 c;^ .^ - j.
7i PHNE CONTRACTUELLE.
La maxime que la peine n'eA due qu'à propor-
tion de la part pour laquelle Tobligation principale
n'a pas été exécutée , s'applique même au cas où la
peine confifteroit dans quelque chofe d'indivlfible.
Je vous ai prêté cent louis , à condition que vous
ïTie les rendriez dans un an , & il a été convenu ,
entre nous , qu'à défaut de payenoent , vous m'ac-
corderiez pour mes cent louis un droit de vue fur
votre maifon , voifine de la mienne. J'ai reçu de
vous cinquante louis , mais le furphis n'a pas été
payé au terme ftipulé : dans cette circonftance , il
eft clair, d'un côté , que je ne peux pas exiger la
peine en totalité , puifque l'obligation principale
eft exécutée en partie , & de l'autre côté , que la
peine ne peut être demandée pour une partie feu- *
îement, parce qu'elle confifte dans un droit de fer-
vitude , qu'on ne peut divifer fans le détruire. Il
faut donc concilier ces deux principes l'un avec
l'autre , & c'efl ce que fera le juge en m'ordon-
rant, lorfque je demanderai à jouir de la fervitude ,
de vous payer la moitié de l'eflimation qui en fera
faite par experts (i).
Seconde question. La contravention d'un feîil
héritier de robli^é donne-t-cUe ouverture à la peine
pour le total & contre tous les autres héritiers ^
Il faut, pour réfoudre cette que/tion dans toute
fon étendue , diftinguer fi l'obligation contraflce
fous une claufe pénale , eft indivilible ou non,
Lorfque cette obligation eft indivifible, la con-
travention qu'y fait un feul des héritiers du débi-
teur , donne lieu à toute la peine , non-feulement
contre celui qui l'a ftipulée , mais même contre
toui fes cohéritiers. Par exemple, quelqu'un s'cfi
obligé de me laifîer paiTer fur fon héritage contigu
à ma maifon, à peine de dix livres de dommages-
intérêts en cas d'empêchement : un de fes héritiers
•me ferme le paflagc fans la participation & contre
le gré des autres ; la peine entière eft encourue
contre chaque héritier , parce que l'objet de l'obli-
gation étant indivifible , la contravention qui y a
été faite par l'un des héritiers , porte fur toute l'o-
bligation , & que par conféquent elle doit faire
encourir la peins par tous les rcpvéfentans de ce-
lui qui l'a ftipulée. C'eft la difpofirion cxpreffe de
la loi 4 , §. I , D. de vetborum obligaiionibus , & de
la loi 85 , §.3 du même titre.
Mais le créancier peut il demander la peine en-
tière à chacun des héritiers ? Le premier des textes
que nous venons de citer , déclare qu'ils n'en font
tenus que proportionnément à leur portion hérédi-
taire: ab omnibus hczrcdibus pccnam committi pro por-
tiene hareditariâ. Si cependant l'aé^ion étoit dirigée
contre celui des héritiers qui a fait la contraven-
tion , elle ferolt folidaire à fa charge , par deirx
raifons qu'en donne Pothier. La première eft ,
« qu'étant tenu d'acquitter fes cohéritiers des parts
»> dont ils font tenus de la peine , le créancier doit
(ij Dumoulin , à l'endroit cité , n. jif .
PEINE CONTRACTUELLE.
^ être admis , pour éviter le circuit d'aflions , à lui
» demander la peine , non-feulement pour (a part,
" mais pour celle de fes cohéticiers , dont il eft
>» tenu de les acquitter , &: par conféquent pour le
» total 3?. La féconde eft tirée de la loi 9 , D. depa-
(hi. •>■) Il eft décidé par ce texte , que l'héritier en
» partie du dépofitaire qui , par fon fait , a caufé la
» perte de la chofe donnée en dépôt au défunt, eft
» tenu pour le total des dommages & intérêts en-
" vers celui qui l'a donnée en dépôt, parce que,
» quoique l'obligation principale de reftituer la
» chofe dépofée , foit une obligation divifible , l'o-
•>•> bligation acceflbire de la preftation de la bonne
» foi pour la confervation de la chofe dépofée ,eft
» une obligation indivifible, dont chacun des héri-
» tiers du déporuaire eft tenu pour le total , 8f qui
" le rend débiteur pour le total des dommages &
» intérêts du créancier , lorfqu'il y contrevient. Si
» un héritier pour partie, qui contrevient par fon
» fait à une obligation indivifible du défunt , eft
» débiteur pour le total des dommages & intérêts ,
" il doit l'être auftl pour le total de la peine, puif-
'> que la peine tient lieu des dommages Se intérêts ,
»> & n'en eft que la liquidation convenue par les
» parties elles-mêmes ».
Lorfque l'obrligation à laquelle eft ajoutée unç
claufe pénale , porte fur un t'ait divifible , il fem-
ble, d'après la loi 4, §. i , D. de verkorum oblis;atio-
nibus , que celui des héritiers du débiteur qui y con-
trevient, encourt feul la peine, jufqu'à concur-
rence de fa portion héréditaire. Si de eo cautum fit
quod divifionttn recipiat , veluti ampliùs non agi , eum
htcredem qui adverfùs eafacit , pro portione Juà folhm
pcenam committere.
Mais le §. 4 de la loi ç du même titre paroît
contraire à cette décifion. Il porte, que quand un
des héritiers du débiteur a (atisfait à l'obligation
pour la part dont il étoit tenu , il ne laifle pas d'en-
courir la peine, fi fon cohéritier n'y fatisfait pas
également pour la fienne, fauf à lui d'exercer fon
recours contre ce dernier ://' fortem promijeris , & fi
ea foluta non ejje! , pœnatn , etiarrfi unus ex hcsrcdi-
bus tuis portionem fuam ex forte foUerit , nihilcmi'
niis pœnam commictet , douce portio coh(tredis jolva-
tur fed à coharede ei f^isfitri débet , nec enim
aliud in lus ftipulaiionibus fine hijuriâ fiipulatori
confîitui potefl.
De toutes les manières de concilier ces deux
textes, il n'en eft point de plus fatisfaifante que
celle qui eft propofce p;ir Pothier , d'après Cujas &
Dumoulin, ii- Lorfque l'obligation, dit- il , eft indivi*
* fible tam folutione quàrn obligation: , lorfque l'in-
V tention des parties , en ajoutant la claufe pénale,
j» a été fimplement d'afiurcT l'exécution de l'obli-
>» gation , & non d'empêcher que le payemem ne
M pût s'en faire par parties par les difiérens héritiers
n du débiteur , lur-tout lorfque le fait qui fait lob-
« jet de l'obligation primitive, eft tel que les dif-
>» térens héritiers du débiteur ne peuvent l'accom-
» plir auireœeni que chacun pour la part dont il
eft
PEINE CONTRACTUELLE.
■*> eft héritier , en ce cas , la loi 4 , §.1 , tlolt avoir
» lieu ; celui des héritiers du débiteur qui contre-
■i> vient à l'obligation , doit feul encourir la peine ,
») & pour la part feulement dont il efl héritier.
î> Le tait rapporté dans ce texte , arnpliùs non agi
» ( de fe défifler d'une aélion ) , eft de ces faits di-
» vifibles tam folutione quàm obligations , & qui ,
^> par la nature des chofes , ne peuvent s'accom-
j> plir par les différens héritiers de celui qui a con-
■î> tra^lJ l'engagement, que pour la part dont cha-
■Î5 cun eft héritier ; car aucun de ces héritiers ne
^> fuccédant que pour fa part au droit 6c à la pré-
« tention que le défunt s'eft engagé de ne pas excr-
»» cer , chacun des héritiers ne peut que pour fa
ï» part contrevenir à Cet engagement , ou l'exé-
« cuter , en renouvelant ou ne renouvelant pas
« cette prétention pour la part qu'il y a.
» Au contraire , lorfquc l'obligation eft divifi-
« ble , à la vérité quoad obligauonem , mais indi-
w yiC\h\s quoad fol utionem, & que l'intention des
M parties a été, en ajoutant la claufe pénal;, que
»» le payement ne pût fe faire que pour le total ,
" & non par parties ; en ce cas , chacun des héri-
»» tiers , en fatisfaifant pour fa part à l'obligation
« primitive, n'évitera pas d'encourir la peine ; &
»» c'eft àce cas qu'on doit reflreindrelaloi 5 , §• 4 ».
Voici un exemple de cette décifion '» : Un né-
»> gociant a Aipulé avec fon débiteur une certaine
» fomme par forme de Peine , au cas que la fom-
» me principale à lui due ne lui fût pas remife
» dans un certain lieu, au temps d'une certaine
" foire ; les offres que l'un des héritiers feroit de
♦> lui remettre fa part de la fomme , ne doivent
»> pas empêcher que la peine ne foit due pour le
>' total , faute d'offrir le total , parce que le né-
« gociant ne pouvant faire les affaires qu'il a à la
»> foire, qu'avec le total de la fomme qui lui eft
» due, l'intentien des parties a été , en ftipulant
» la peine , qu'elle fût encourue pour le total , faute
" du payement du total de la fomme due , & no-
»> nobllant le payement partiel qui en feroit fait ;
« car ce payement partiel ne peut réparer , même
" pour partie , le tort que le créancier fouffre du
« retard du payement du furplus, & c'eft pour
» la réparation de ce tort que la peine a été flipu-
» léc. Obfervez aufli que, dans l'efpèce delà loi
" *! ' §• 4 5 hi peine eft ftipuiée pour le retard de
n l'exécution, & non pour l'exécution ; c'eft pour-
5J quoi le créancier doit recevoir le principal &
« la peine v.
Troisième question. Zj contravention faite en-
vers Vun des héritiers du créancier , donne-t elle ou-
verture à la peine pour le total & contre chacun de
fcs cohéritiers l
La négative ne fouffre aucun doute, non-feule-
ment lorfque l'obligation eft divifible, mais encore
lorfqu'elle eft indivifible : c'eft ce qui réfulte de
la loi 2 , §. dernier , D. de verborum ohligationibus ,
dont voici l'efpèce. Vous vous êtes oblige par une
rw*r xîu.
PEINE CONTRACTUELLE. 75
tranfaâion de me laifTer pafTer, moi & mes héri-
tiers par votre parc , fous peine de douze livres
en cas de contravention à votre promefTe : j'ai
laifTé quatre héritiers , dont trois ont toujours tou-
vé l'entrée du parc libre , & l'autre a éprouvé de
rotre part des empêchemens qui la lui ont inter-
dite : on demande fi la peine eft encourue pour
le total au profit de tous les héritiers. Paul ré-
pond qu'il en devroit être akrfi , fclon la fubtilité
du droit , puifqu'il s'agit de contravention à une
obligation indivifible ; & c'eft en effet de cette
forte qu'Ulpien réfout la queftion dans la loi 3 ,
§. I , du titre cité. Cependant Paul décide que l'é-
quité doit prévaloir en ce cas à la rigueur des prin-
cipes, & que la Peine ne doit être adjugée qu'à
celui des héritiers qui a effuyé l'empêchement ,
& feulement jufqu'à concurrence de fa portion
héréditaire. Sijliputator decefferit , qui Jlipulatus erit
fibi hœredique fuo agere licere , & unus ex hceredibiu
ejus prohibeatur , fî pœna fit aJjeâîa , in folidum
commiitetuT ; fed qui non func prohibiti , doli excep.
tione /ummovebuniur. « La raifon en eft , dit Po-
» thier , qiîe l'équité ne permet pas que les trois
» héritiers à qui le débiteur a accordé l'entrée de
» fon parc , puiffent eii même temps percevoir
i> tout le fruit de l'exécution de l'obligation, &
» percevoir la peine ftipulée pour l'inexécution de
» cette obligation. Si qu'ils puiffent fe plaindre
" de la contravention que le débiteur a faite à
j) fon obligation envers leur cohéritier, à laquelle
)> contravention ils n'ont aucun intérêt. Non de-
)) bet aliquis habere fimul implernentum obligationis
>» & pœnain contraventionis , & pœna qua Jubroga'
» tur loco ejus , quod interejl non débet committi his
)) qui non funt prohibiti , & quorum nulla interejl co-
» hceredem ipforum effe prohibitum v.
Voye[ le traité des obligations de Potkier ; f-^oet
fur le digejle , titre de verborum obligationibus ;
les contreve'-fes de Fachini , 6'c. & les articles CON-
TRAT , Obligation , Clause pénale , Com-
minatoire, &c. (^Article de M. Merlin , avo-
cat au parlement de Flandres. )
PEINE SERVIE. La coutume de Cambrefls ap-
pelle obligation par Peine fervie , tout a6le pafle
devant des perfonnes publiques , & par lequel le
débiteur foumet fa perfonne & fes biens aux exé-
cutions de la juftice, fous peine de foixante fous
cambréfiens , qui font trente patards de Flandres.
Pour mettre à exécution un a<Re de cette ef-
pèce , on s'adreffe à l'ofîicier du lieu qui remplit
les fondions de haut-juflicier , parce que, fulvant
l'article 7 du titre 21 de la coutume , matière de
Commandement concerne la haute jujlice ; on lui fert
la Peine , ou , en d'autres termes , on lui paye
trente patards, & il donne commiffion à l'un de
les fergens d'exécuter le débiteur.
L'ariicle 45 du titre 25 porte , que cette exé-
cution « fe fait ordinairement en la cité contre
M manans, par appréhenfion de la perfonne obli-
» gée par Peine fervie ; mais contre forains ou
74
PEINE SERVIE.
M hors de la cité , Ce peut faire , tant par r.ppréiien-
M (ion du ia perfonne que par des biens meubles »,
Ot voit par ces termes , que la coutume ne per-
met pas de Taifir les meubles des bourgeois ; en
ciiet , dit M. Desjaunaux dans fon commentaire ,
" ils ne font jamais fujets aux exécutiops des fai-
j> fies &c arrêts, fi ce n'eft par clain de déga^?-
3> ment pour falaircs Se journées de domefliques
» ou artifans (article 4 de ce titre), ou lorfque
»> le débiteur les a fpécialemeiit hypothéqués par
" obligation paOee devant échevins (article 24 ) ,
'! ou enfin dans les caufes privilégiées de louages ;
" rentes, «Sic 1»
La coutume , dit encore le même commen-
taire fur l'article 1 du titre cité , en a ainfi dif-
pofé par rapport aux bourgeois , parce qu'elle " a
» eftimé que la honte & la crainte de la prifon les
" engageroient , plus puiiTamment que tout autre
» motif, à fatisfaire prompteraent leurs créan-
V ciers 57.
L'article 46 du même titre déclare , conformé-
mentaux principes du droit commun, que « contre
5» l'héritier ou héritiers de la perfonne obligée ,
3> le créancier ne peut faire procéder par voie d'exé-
'> cution, par Peine fervie , mais doit procéder par
» clain ou fimple ai5tion ».
L'article 47 porte , qu'une « obligation pafleo
» pardevant le bailli , prévôt , châtelain & jufHce ,
» n'eft exécutoire par Peine fervie , finon en la
» feigneurie où elle eft palléc )>.
L'article 150 décide, d'après le même principe ,
qu'une « obligation paffée hors du pays de cam-
» brefis, ne vaut en icelui que pour cédille, &
>» n'eft exécutoire par Peine fervie ».
Deux arrêts du parlement de Flandres des 30
juillet 1705 , Si 27 mars 1711 , rendus l'un au rap-
port de M. Hanecart , l'autre au rapport de M.
Pancouques , ont jugé , fuivant M. Desjaunaux ,
« qu'un fimple archer de maréchauffée ne peu:
» décliner la jurididllon du juge ordinaire , & bieiî
j) moins prendre à partie à Cambrai le prévôr de
5) la ville, pour avoir accordé commiiîîon exécu-
» toire contre lui , fur un titre où il s'étoit fournis
» à fon office fous obUgnion de Peine fervie ».
Voyez les articles Exécution , Clatn , Obli-
gation , Grand , &c. ( Article de M, Merlin ,
avocat au parlement de Flaridres. )
PEINE TESTAMENTAIRE. Il arrive fouvent
qu'un teflateur prononce des peines contre les hé-
ritiers ou légataires , pour le cas où ils n'exécute-
roient pis fes dernières volontés.
Les difpofuions pénales peuvent avoir trois
objets : elles forment, ou une libéralité, ou une
révocation de libéralité , ou une tranflation de li-
béralité.
Si le tefîateur dit : « Je défends à mon héritier
» de donner fa fille en mariage à Titius ; & s'il la
»> lui doni>e, je veux qu'il paye mille écus à Sem-
» pronius » , c'eft un legs pénal.
Mais s'il dit : u Je rcvoque le legs que j'ai fait
PEINE TESTAMENTAIRE.
» à Titius, EU cas qu'il donne fa fille en mariage
j) à Sempronius », c'eft \xr\e révocation pénale.
Si enfin il difpofe de cette manière : « Je lègue
» à Caïus cent écus , & s'il donne fa fille en nia-
» riage à Sempronius, je donne les mêmes cent
» écus à Titius », c'efl une révocation pénale.
On doit appliquer les mêmes exemples aux inf-
titutions d'héritiers, aux fidéicommis , & à toute
autre libéralité tefiamentaire.
Les difpofuions pénales ont beaucoup d'affinité
avec les difpofuions conditionnelles ; on remar-
que la même forme dans les unes Se dans les au-'
trcs , & même , à parler exadement , celles-ci ne
difièrent de celles-là que dans les principes du droit
ancien, La loi 2 , D. (/e his qua fanx cciufâ reltn-
cjuuntur , nous donne une règle pour les difcer-
ner. La queflion de favoir , dit- elle y fi une difpo-
fuion eft pénale ou conditionnelle , eft un point
de fait qui dépend de la volonté du teflateur, ;»œ-
nani à conditione voluntas teflatoris Jeparat. Mais
cette règle eft fi vague , qu'à peine en tireroit on
quelques traits de lumière , fi elle étoit ifolée. Go-
defroy la développe en ces termes : Lorfque la dif-
pofuion ell faite en haine de l'héritier , elle eft pé-
nale; lorfqu'elle tend à gratifier le légataire, elle
cft conditionnelle. Si odio haredis id appofitum efl ,
pœ/ia ejl : fi in fivorem legutuni , conditio. Cujas
s'explique à peu-près de même. Un legs eft pénal ,
dit-il , lorfqu'il n'efl point fait par affeélion pour
le légataire , mais dans la vue de punir riiéntier.
Legatiim relinquiiur pœna caufd , qubd non relincjui-
lur Le^atarïi gratiâ . fd in odïum & pœi.im hctredis^
Cette théorie c' calquée fur la déhnition du legs
pénal , telle qu'on la trouve dans les fragniens
d Ulpien , titre 24 , §. 16 : pœna autem caufd leoaiur
quod coercendi hxr^dis Caufâ relinquirur , ut faciat qui'
dem aut non faciat, non ut legatum pertineat ; & cette
définition a été adoptée par l'empereur Jufiinien en
fes inflittites, §. 36 , de legatis ; voici les termes de
ce légiflateur : « On lègue par forme de Peine ,
» quand on lègue pour punir fon héritier , en cas
» qu'il fafîe ou biejî qu'il ne fafi^e pas quelque
» chofe ;. comme fi l'on dit : Je veux que mon héri-
)) ticr , i'il donne fa fi'.li en mariage à Titius , ou au
» contraire , /i/ ne donne pas fa fille en mariage à
» Titius , paye dix écus d'or à Seias. Ou s'il dit : Je
» veux que mon héritier, s'il aliène Stychus , OU au
» contraire ,^ s'il ne l'aliène pas , donne dix écus d'or
» à Titius ».
L'empereur Antonin le Pieux fut le premier qui
défendit les difpofitions pénales; primus conjlituit
ne pœnx caufd legatum maneret , dit Capitolin dans
la vie de ce prince. Cette loi fut confirmée par fes
fucceflturs , comme on le voit dans la loi 2 , D.
de his qu<z pana caufi relinquuntnr , & dans les frag-
mens d''Ulpien, titre 24, §. 16 , Si titre 25 , §, 13 ;
« & elle étoit fi étroiiettient obfervée , dit l'empe-
» reur Jufiinien^ à l'endroit cité , qu'il étoit ftatué
» par plufieurs ordonnances , que le prince même
» né pouvoir pas recevoir un legs de cette nature.
PEINE TESTAMENTAiaE.
H qui lui auroit été tait : quoique dans les tefla-
» mens militaires la volonté du teftateur tût en
» toutes choies exécutée poaâuellement , les legs
» de cette efpèce qu'on y laliloit, n'en étoient pas
« plus valables. On avoit même réglé que la li-
» berté ne pouvoit être léguée par forme de Peine ;
» & Sabinus étoit d'avis qu'on ne pouvoit pas ie
M fervir de cette voie pour ajouter un co-héritier
V à un héritier déjà inftitué , comme û quelqu'un
M difoit ; que Titius fait mon héritier ^ 6* i'// donne fa
V fille en mariage à Scïus , que Seius fait aujp. mon
}f héritier ; car il n'importoit pas de quelle ma-
j> nière on punît un héritier, ou en le condam-
» nant à fournir un legs, ou en lui donnant un
M co héritier ».
Cette jurifprudence n'avoit aucun motif raifon-
nable ; elle étoit même diredement oppofée à la li-
berté indéfinie que la loi des douze tables avoit ac-
cordée à tout père de famille de difpofer à Ton gré
de tous fes biens; car rimpofuion des Peines dc-
voit faire partie de cette liberté. Auflî a-t-elle été
abrogée par Juftinien. « Ce fcrupule , dit-il dans
V le texte déjà cité, nous a déplu , &: nous avons
>» généralement ordonné que tous les legs qui fe-
» roient faits ou révoqués , ou transférés par forme
» de Peine, ne feroient pas différens des aune,,
» & que la confe61ion , révocation ou tranflation
w qui en feroit faite , auroit tout fon effet , à
» moins que les conditions fuffent impoflîbles , ou
i> défendues par les lois , ou contraires à la pu-
n deur & à la décence ; car la religion dans la-
j> quelle nous vivons, ne permet pas que es
» fortes de legs foient valables ". L'abrogation
dont parle ici Juflinien cft confignée dans la loi i ,
C de his qutz pœna nomine , portée en 528.
Les rédadeurs du journal du palais font au fujet
d'un arrêt du premier août 1676, une differtation
pour prouver que cette loi ne doit pas être fuivie
dans les pays coutumiers du royaume. Ils foutien-
nent d'abord que la conflitution d'Antonin étoit
fondée fur un principe très-jufle. « Les legs , di-
» fent-ils , font des bienfaits introduits dans la fo-
» ciété civile pour gratifier & honorer nos amis ;
n ce feroit donc abufer du motif de leur inftitu-
« tion , que de les faire fervir de Peine ; 8c de
>» même qu'une convention eft nulle quand elie
» cft contre la nature du contrat que lés parties
« veulent paffer, auili un legs cft nul , lorfque ,
»> contre la nature des bienfaits, le teftateur ne
» lègue pas dans l'imentian de gratifier & d'ho-
» norer le légataire , mais dans le deftein d'impo-
» fer une Peine à un autre qu'il veut punir ....
»> 11 eft contre la nature du legs d'y mêler l'amer-
n tume de la Peine à la douceur du bienfait, &
I» il eft impoffible de faire qu'un legs foithono-
» rable au légataire , quand il eft injurieux à ce-
» lui qui, par manière de punition, e(l obligé d'en
n faire délivrance. La bienlcance ne fouffie pas ce
» mélange; car dans ces fortes de legs la Peine
I» prévalant , & étant le premier motif qui a en-
PEINE TESTAMENTAIRE. 75
» gagé le teftateur à donner, cette Peine efface
» tout le mérite 6c tout l'honneur du bienfait ".
Ces auteurs ajoutent que la loi d'Antonin doit
l'emporter parmi nous fur celle de Juftinien , parce
que les Gaules faifoient partie de l'empire lorfque
1.1 première fut portée , & en étoient détachées aa
temps de la promulgation de la féconde. Enfin ,
Us prétendent que leur fyftême a été adopté par
l'arrêt même àont ils rendent compte ; en voici
l'efpèce : M. l'abbé de Flecelles ,confeiller au par-
lement de Paris , avoit choifi pour fes légataires
univerfels , Nicolas de Flecelles fon frère, & fes
enfans; & il avoit légué à la dame diî Coudray
fa mère, une fomme de douze mille livres, fous
la condition qu'elle ne pourroit demander ni fa
part dans les propres , ni les dix mille cinq cens
livres qu'il étoit obligé de lui reftituer; & la claufe
expreftTe , qu'en cas qu'elle en fit la demande , il
la privoit , en faveur de l'hôtel dieu de Paris, de
fon legs de douze mille livres. La dame du Cou-
dray trouva plus d'avantage à fe porter héritière ,
qu'à prendre la qualité de légataire ; en confé-
quence,elle fe fit payer les dix mille cinq cens
livres que le teftateur lui avoit interdit d'exiger;
alors les adminiftrateurs de l'hôtel-dieu firent la
demande du legs de douze mille livre j , qu'ils fou-
tinrent leur être transféré ; mais par l'arrêt cité du
premier août 1676 , les parties ont été mifcs hors
de cour & de procès.
Tout cela eft fpécieux , mais peu décifif. 1°. Les
raifons par lefquelles on cherche.à juftifier la confti-
tution d'Antonin, font plus dignes de la fubtiliié
des Papinien & des Scœvola , qu'aftbrties à cette
fimplicité fi jufte & fi naturelle, dont l'empereur
Juftinien nous a donné tant d'exemples, & que notre
jurifprudence a perfedionnée. Un grand principe ,
qu'il ne faut jamais perdre de vue , eft que l'inten-
tion du teftateur fait la loi aux héritiers & aux léga-
taires qu'ils s'eft choifis : il a le droit de leur im-
pofer telles conditions qu'il lui plaît ; fuus quoqiie
hxres fub omni conditione hczres potefl infiiiui , dit la
loi 4 , de hœ-redibus inflituendis ; fa volonté , qui fait
leur titre, s'étend avec la même force fur le don &
fur la condition. Produits 1 un & l'autre par la mê-
me caufe , ils font indivifibles ; ils ne peuvent fub-
fifter l'un fans l'autre, & au défaut d'exécution
de la condition , le don s'éclipfe & s'évanouit. En
vain prétendroit-on analyfer fes motifs , il n'en doit
compte qu'à lui-même ; dès qu'ils font fubordon-
nés à la décence 8f à la religion, peu importe qu'ils
confiftent dans une jufte bienveillance pour un lé-
gataire , ou dans une précaution quelquefois nécef-
faire contre fa négligence à remplir les difpofitions
dont il eft chargé.
2°. « Quoique du temps de l'empereur .Tuftinien
« ( c'eft Furgole qui parle ) , les François euftient
j> leurs rois qui étoient indépendans de l'empire
5) Grec , il eft également vrai que le droit de Jufti-
5» nien a été adopté comme raifon écrite, dans la
» France coutumièrc. Voilà pourquoi on ne fe rè-
Kij
76 PEINE TESTAMENTAIRE.
» glc plus en France par les loix renfennées dans
3» le C0de Théodofien , mais par celles de Juftinien,
3» pour les cas qui ne font pas décidés par les cou-
3> tuines &. par les principes du droit françois »,
3"- L'arrêt du premier août 1676 ne juge pas
flue la loi d'Antonin doit l'emporter en France fur
celle de Jufiinien.Les rédaâeurs du journal du pa-
lais conviennent eux-mêmes que deux raifons par-
ticulières ont pu motiver la nullité qu'il prononce
tlu legs transféré par forme de. peine à l'hôtel-dieu
de Paris. D'abord il eft certain , difent-ils, que la
conftitution par laquelle Juflinien a autorifé les
Peines teftamentaires, ne fe doit entendre que des
iJH,s où les Peines tombent fur ceux qui ont contre-
venu à la volonté du teflateur ( i ). Or la Peine
dont il s"agiffoit dans le teftament de M. l'abbé de
Flecelles , ne tomboit pas fur la dame du Coudray,
mais fur Içs légataires univerfels , qui n'étoient
coupables d'aucune contravention. En fécond lieu ,
il eftde principe, ajoutent les mêmes auteurs, que
l'intention du teflateur doit toujours prévaloir aux
cxpreiTions dont il l'a revêtue : or, quelle a été
l'intention de M. l'abbé de Flecelles ? Il n'efl pas
difficile de la connoître ; elle réfulte de la claufe
même dont les adminiftrateurs de l'hôtel-dieu de-
mandent l'exécution. En eflet , s'il veut obliger
la dame du Coudray à fe contenter de 12000 liv. ,
c'eft en faveur de fes légataires univerfels , &
pour faire leur condition plus avantageufe ; voilà
fon vrai & unique motif. Mais fi la claufe pénale
«oit exécutée, il arriveroit tout le contraire ; fcs
' r 1 1 1 III I
( I ) Balde , {ur la loi 1 , C. de his qux pan<t nomine , traite
h queftion de faveic fi celui qui n'a point contcevenu peut
êtrepiini parje teftateur 6c poiter la peine d'une contia/en-
lion qui procède du fait d'un tiers. .11 proppfc à ce fujct deux
cas qu'il it-lbut pour la négative.
Voici le premier. Un tellateur ordonne que fes exécuteurs
teftamentaires lui feront lùiic une chapelle dans un certain
«cmps , &:, à faute dq ce faire , il veut que fon lé. iiier paye
par forme de peine mille écus.à une églife ou .-i ua hôpital.
j\prcs le dccès du teP.accur , les extcutçurs laflTent patlef le
temps picfcrit , fans faire bâtir la cKapelle. On demande la
peine à I héritier : queftiyii de favoirs'il en eft tenu. J3alde
répond que non , parce que pœiia nue: culi'tt autores , (^ non
elios- C'eft la rzïfon qu'il en rend.
Dans k feco.-id cas, un teîtaieur inlHtue Je fils de Titiuj
pour fon hériiier, niais avec cette clau'Cj que fi ce fils é-toit
troublé dans la jouillance de l'hérédité , il rcvoquoit fou inlH-
tuiion &: nomnicit un autre à fa place.- Le tcitateur décède;
Titius , qui avcit des ptéteniions de fon chef fur bfucccfiion ,
fe pourvoit contre fon hJs , & par ce moyen le trouble dans
la pofTslfion ies biens du défunt. On demande , par forme
de peine , que le fils foii privé de l'hérédité: Balde décide
qu'on n'y ell pas fondé. Si te^ator fjciut me h^redem , (y ju-
lient quàd partr meus non me molefie: , tf in cafu moUflix me
f rivet hareditati, ejuj/nodl privatio non valet. En général , dit
ie wcme doAeur , aut ficrna indiciiur inobtdl.nti , b^vaiec;
aiit chedicnti adfa£liim inobedientis , tf^mn vain.
Telles font les autorités fur Icf juelki Irj réir,i5egr» du
journal du pa'ais fondent leur prétendu principe , que les
dirpcfifions pénales font fans tffet ioifque les pîines ne tom-
bent pas diteûcmeTiî fur eaux qui oit eofreinc J*s intenticnç
«lu tcliatevir. ^ïais on verra dans un instant <jue ceuc affcr-
liçp ert .cça;raùe aux filBes niaxi»^««. .
PEINE TESTA MENTAPRE.
légataires univerfels feroient tenus de payer à l'ho»
tel-dieu une fomme de 12000 livres , Se ils ne fe-
roient pas pour cela déchargés des prétentions de
la dame du Coudray, qui montent à des fommes^
confidérables. Ainfi le teflateur n'efl pas préfumé
avoir voulu furcharger , ou plutôt punir ceux qui:
n'ont point contrevenu à fa volonté.
Quoique ces raifons fuffifent pour écarter l'appli-
cation qu'on voudroit faire de l'arrêt dont il s'agit,,
au fyflêmedes rcda<fleurs du journal du palais, ce-
pendant il faut, pour maintenir les principes dans
la pureté du droit , faire voir qu'elles- font l'une &
l'autre dénuées de: toute efpèee de fondement.
1"^. Pourquoi un teflateur ne pourroit-il pas faire
de la contravention d'un tiers a fa volonté, l'objet'
d'une claufe privative .'' Qu'importe qu'au lieu de
difpofer en cette forme , j'injlitue Scmpronius (l
Caïus monte au capitule , il emploie une autre tour-
nure ,. & dife :Je veux que Caïus monte au capitale^,
£• s'il ne le fait pas , au lieu de Sempronius que f ai
injlitué ,finjlitue Titius ? Ces deux formules revien-
nent certainement au même; or, la condition eft
valable dans la première , comme on l'a vu au mot
Institution ; pourquoi la claufe privative feroit-
elle nulle dans la féconde ?
2". On ne doit jamais élever de doHte fur l'in-
tention d'un teflateur, lorfquefes paroles font clai-i
res. M. l'abbé do Flecelles, en appelant l'hôtel die'i
au legs de 12000 livres par lui lallfé à la dame du
Coudray , ayoit témoigné, bien msnifeftement que
(on intention n'étoit pas de faire accroître ce legs à
fes légataires univerfels ; d'appès-cela, il étoir fort
indifférent que la Peine prononcée par le tcflater.r
contre la dame du Coudray., tournât au profit o\\
au défavantage de ceux qu'il avoit e^i intention de
favorifer à fon préjudice ; les exprcflions ne pré-
fentoient aucune équivo*[ue , & c'étoii le cas ds
dire , jlat pro ratione vo!untas.
Il n'efl donc pas poifible que l'arrêt du premier
a^i'ût 1676 ait été rendu fur, les motifs que lui prê-
tent les auteurs '\\.n le rapportent. Nous indiquerons
dans la . fuite do cet article la raifon qui en a été la
véritable fondement ; il nous fuffit ici d'avoir prour
vé qu'il n'a point profcrit la loi par ia^^uelleJufli-!
nien a autorifé les teflateurs à. difpofer par forme
de peine.
Encore une fois, les difpofitlons pénales n'ont,
rien que de valable, de légitime & de conforme
auxprincipes.de notre jurifprudence ; mais cette
règle admet les mêmes exceptions , eue celle qui
autorife un teflateur à difpofer fous telles condi-^^
tions qu'il trouve à propos. Comme on rejette dans
les difpofiîions canditionnelles tout ce qui eft ou
impoflîble , ou contraire aux bonnes mœurs , oa
di.fendu par les loix, il faut pareillement rejeter
& regarder comme non écrites les claufes pénales ,
qui ont psur obj.'t des faits au-defliis de la capacité
de rhomme , déshonuêtes ou prohibés.
Il y a cependant une différence fur cette ma-,
tièrc. enue la,difpofiti.on conditionnelle & la claufe-
PEINE TESTAMENTAIRE.
pénale. Lorfqu une cendition eft imporùble ou con-
traire, Coit aux bonnes mœurs, foit aux lois, le
legs ou Vlnftitution que le teftateur en avoit affeâé
ne lailTe pas d'être valable : mais quand le fait , qui
fert de fondcm-ent à la Peine , eft marqué au coin
de l'impoP/ibilité de droit ou de fait, kclaufe pé-
nale ne produit aucun eflfet en faveur de celui pour
qui elle étoit faire , & la chofe demeure à l'héritier
eu légataire contre qui le tefiateur|avoir voulu fé-
vlr. La raifon de cette différence efl très-fenfible :
dans le cas d'un legs ou d'une inftitution funple-
ment conditionnelle, c'eft le légataire ou l'héritier
iaftitué , qui eft l'objet principal & même unique
de la libéralité du teflateur ; conféqucmment c'eft à
lui que doit profiter le legs ou 1 inftitution déchar-
gée par la loi d'une condition impoiTiblc ou déshon-
nète. Dans le cas d'une difpofuion pénale , celui
qui eft défignè pour en recueillir l'efiet , n'eft pas
le véritable objet de la libéralité; il ne doit en
profiter qu'en cas de contravention de la part de
celui que le teftateur a voulu gratifier principale-
ment ; & comme il n'y a point de contravention
lorfque la loi difpenfe deTaccomplifi^ement du fait
ordonné par l'homme, il faut néceflairement que
la Peine demeure fans effet. C'eft auffi ce que l'em-
pereur Juftinien a décidé de la manière la moins
équivoque ( i ).
C'eft donc à ce point que fe réduifent toutes les
difficultés relatives aux difuofitions pénales. Le fait
fur lequel rouie la Peine eft-il licite & pofrifaje, ou
ne l'eft-il pas? Dans la première hypothéfe , la dif-
pofition eft valable ; dans la féconde , elle eft nulle
& confidéréc comme non écrite.
Ceci s'éclaircira par des exemples : commençons
par les difpofnions licites. Un teftateur défend à
ion héritier de marier fa fille à Caïus , & lui or-
donne , en cas de contravention à cette défenfe,
de payer cent écus à Sempronius. Si l'héririer ne
refpeae pas la volonté du défunt, & donne fa fille
en mariage à la perfonne prohibée, Sempronius
pourra le forcera lui compter les cent écus. On fe
rappelle que c'eft un des exemples allégués dans le
§. 36, L ^/e /é'^-j/w,- rapporté ci- deffus.
Un teftateur a,des biens dans une coutume qui
en; interdit la dlfpofition, foit en tout , foit jufqu'à
concurrence d'une certaine quotité; il lègue ces
biens à im étranger, & en casque fon héritier ne
veuille pas confentir à l'exécution de ce legs , il
déclare le priver, en faveur du légataire , de tout
ce qu'il laiffe de diffjonible. Il femble d'abord que
cctre claufe ne peut avoir aucun effet , puifque la
Peine qu'elle renferme tombe fur un fait proliibé ;
& il y a dans Chopin , de priviUgih ruflicomm , liv.
3, cliap, 7, un arrêt du 23 décembre i ^70, qui l'a
aiufj décidé. Cependant on- juge aujourd'hui dans
tous les tribunaux, (Qu'elle àovt être exécutée, &
( } '^Liod 11 aiK]uid raccre vci legibus iiuer.iidum , vel aliis
probfofum j vçl eciani impoiîîiifle jufTus aiiquis eouinfuetic;
tune fine ul'o damno , etiam negledo tslUtG[is''pt2cepto ,
fctyabiuit. L, i , C> dt bis gua ^xatt-jiomim.,.
PLEINE TESTAMENTAIRE. 77
que fi l'héritier ne s'y conforme pas , il perd tous
les biens libres du teliateur. Parmi les arrêts qu'on
trouve à ce fujet dans les différens recueils , nous
en remarquons un que Ricard rapporte en ces ter-
mes : « M" Charles Defmarets , avocat à la cour,
» faifant fon teftament, avoit difpofé de fes propres
■>■)■ au profit de Magdeleine Defmarets fa fœur ,
» quoique la coutume ne lui permît d'en léguer
)) que le quint; mais il avoit d^nné par le même
j» teftament à fes autres préfomptifs héritiers , fes
i> meubles & acquêts , dont il avoit la liberté de
n difpofer au profit de telles perfonnes que bon lui'
» fembloit; &c prévoyant que ces derniers légatai-"
)» res , qui étoient habiles à lui fuccéder , pour-
w roient éluder fa difpofition en renonçant aux legs-
» «}ui leur avoient été faits , & en fe portant héri-
» tiers, en laquelle qualité ils prendrôient toujours
r> les mêmes biens qai feroient rentres dans la fuc-
» ceft^îon , 8c pourroient encore demander la ré-'
M duélion des propres , il ordonna qu'en cas que le-
)) legs qu'il avoit fait de fes propres à Magdeleine ,
n fût contefté par les autres , il révoquoit les legS'
Il qu'il avoit faits à leur profit; & vouloit que tout
» ce dont il pouvoit difpofer appartint en ce cas à<
j> Magdeleine; ce qui fut contefté par les autres ,-
» qui prétendoient que cette difpofition étant pé-
» nale , elle ne devoit pas avoir d'effet ; néanmoins-
■>•> elle fut confirmée par arrêt du 23 août 1662,.
» conformément aux conclufions de M. l'avocat*
j; général Talon ».
On a vu à l'article Clause-FRIVàtive, que.
les Chartres générales adoptent expreflement cett»
décifion. Mais fiU- quoi eft - elle fondée? Eft-cc,-
comme le prétendent Ricard & M. l'avocat-gé-
néral Joly de Fleury dans fon plaidoyer du 28
août 1708 , rapporté au journal des audiences ,,
eft^ce parce que la peine eft prononcée par forme
d'alternative , & que l'alternative ejft légitime ^■
Non fans doute : une difpofuion qui feroit illicite
par elle-même, n'en feroit pas f plus valable pour
êti-e conçue en forme d'alternative. Il faut donc
dire avec Furgole , que la claufe dont il s'agitu
doit avoir fon exécution, « parce qu'on n'eft- pas
n dans le. cas d'une difpofition véritablement pé--
» nale dans le fens de la loi ; car , comme nous.
«l'avons obfervé. plus haut, ,1a di-fpofition pénale
» eft celle qui n'a pas pour objet de gratifier ie.
» légataire, mais qui a pour but de punii- rhéiitier:
» OT, dans le cas propofé, le but du teftateur eft'
» de gratifier le légataire, & non de punir rhdri-
» tler ; par confécjuent les difpofitions font condi-
» ■ tionnelles fimplemcnr, & non pénales ; elles doi-
» vent donc être efficaces , comme le feroit un:
)> legs conçu en ces termes : Je lègue à ma firmne:
M dix muids de blé par an , & fi mon hérhier ne paye.
» pus cette quantité , yV veux /ji^il lui donne cent écus^
n L. 1 , D. de pc^r.â Ugatâ. On doit dire ia mcme.
}> chofe dans tous les autres cas où ia condition.
K porte fur des biens non difponibles , comme far
n lei>ien d'autrui , lorfqu'il paroît par la dippi^tion,-
yS PEINE TESTAMENTAIRE.
»> que l'objet du teftateur a été de gratifier le léga-
I» taire , ut legsium pertineac , felofi les expreffioiis
» d'Ulpien dans fes fragmens , titre 24 , §. i6 , &
» non pour punir l'héritier , car c'efl la véritable
■» règle pour diftinguer les dirpofitions pénales ,
j> de celles qui font fimplement conditionnelles ,
» comme le prouve le paflage d'Ulpien que nous
» venons de citer ».
Mais s'il paroiflbit par les expreflîons du tefta-
teur , que fon principal motif, en difpofant par
claufc privative des biens auxquels la loi lui dé-
fend de toucher, eiJt été de punir fon héritier d'une
réfiftance légitime à {a volonté , la difpofition fe-
roit nulle & la Peine fans effet. C'eft par cette rai-
fon que l'arrêt déjà cité du premier août 1676 a
débouté les adminiftrateurs de l'hôtel-dieu de leur
demande en payement d'un legs de 12000 livres
que M. l'abbé de Flecelles avoir fait à la dame du
Coudray , fous la condition de ne rien demander
de fa portion des propres , & qu'il avoir transféré
à l'hôtel-dieu au cas de contravention à fa volonté
de la part de fa légataire. « La loi prohibitive des
» difpofitions pénales , dit Furgole , n'a pas été
» totalement abrogée ; fon effet a été confervé ,
5> toutes les fois que la condition, fervant de fon-
>) dément à la difpofition pénale, porte fur un fait
» prohibé par la loi. On cfl donc dans le cas de la
« nullité , lorfque le teftateur veut , par une efpéce
n d'arrogance ou d'orgueil , s'élever au-deffus de
» la puiuance de la loi , & affujcttir à fa difpofition
» des biens que la loi en a foullraits ».
Du principe que toute claufe pénale , dont le
fondement eft une condition inipoffible ou illi-
cite , eft encore foumife à toute la rigueur de la
loi d'Antonin , réfulteHt plufieurs décifions très-
intéreffantes.
Un particulier fait un teflament dans lequel il
omet quelques formalités , 6c voulant empêcher fes
héritiers de fare valoir ce défaut , il dit : " Je veux
« que mon teftament foit exécuté tel qu'il eff ; &
» fi quelqu'un de mes fucceffeurs légitimes en de-
j> mande la nullité, j'inflitue pour héritier un tel
j> hôpital. Cette difpofition ne fera d'aucun effet ,
« parce que c'eft une contravention à la loi , que
» de vouloir tefter contre les formalités qu'elle a
Il prefcrites , & que , fuivant la loi 55, D. de le-
gatis 1", ncmo potefl in teflamento fuo cavere ne
leges in fuo teflarnento locuin habeant. C'eft auflî ce
que décide expreffément M. Joly de Fleury dans
fon plaidoyer du 28 août 1708 : « Comme les hom-
»> mes , dit il , ne peuvent empêcher par des voies
5> indire6îes que les lois n'aient leur effet, on n'a
»» jamais eu égard auxpeines appofées dans les tef-
jf tamens , quand elles ont eu pour objet d'éluder
» la difpofition de la loi. Ainfi, quand un teftateur
» veut, par une peine, 'fuppléer aux formalités
» d'un teftament , on ne peut y avoir égard , at-
i> tendu que ces formalités font de droit public ».
Un teftateur ordonne à fon héritier d'accepter
fa fucceffion , purement & fimplement , Se veut
PEINE TESTAMENTAIRE.
qu'en cas de recours de fa part au bénéfice d'in-
ventaire, il foit privé de l'hérédité. Cette clauie
pénale , dit Furgole , >^ fera inefficace , parce que
>» l'inventaire eft un bénéfice de la loi que le tefta-
» teur ne peut pas prohiber ». C'eft en effet ce
qui a été jugé in terminis par arrêt rendu au parle-
ment de Touloufe le 15 janvier i6j2, & rapporté
au journal du palais. Mais il en feroit autrement
dans les Pays-Bas , au moins pour les fucceffions
collatérales; car, aux termes de l'édit perpétuel de
161 1 , article 35 , " advenant qu'aucun , parordon-
» nance de dernière volonté , & es lieux où les
T) biens font difponibles , défende à fon héritier
» d'accepter fon hoirie fous le fufdit bénéfice , telle
» défenfe eft valide, pourvu que tel héritier ne
)» foit de fes defcendans ».
Par la même raifon , a fi un mari , dit Furgole,
» dans la vue d'affurer à fa féconde femme une li-
» béralité fujette au retranchement de la loi hac
» edlHdli ( ou de l'édit des fécondes noces) , révo-
» quoit les libéralités faites à fes enfans ou à quel*
» qu'un d'eux , ou les tranfportoit à d'autres , en
» cas que la libéralité faite à la femme fût attaquée,
M une telle difpofition pénale devroit être rejetéc,
» comme contraire à la difpofition delà loi ».
Un mari veut avantager fa femme dans une cou-
tume qui défend toute donation entre conjoints; il
lui fait un legs , & , pour en affurer l'exécution,
il déclare qu'au cas que ces hériners viennent à le
coniefter , il appartiendra 'aux pauvres, à un hôpi-
tal , ou à un particulier qu'il défigne. « Une telle
M difpofition, dit encore Furgole, fera nulle &
» confidérée comme non écrite , parce que le fait ,
» duquel elle dépend, eft prohibé par loi ou la
» coutume ». C'eft ce qtii a été jugé par deux ar-
rêts , l'un du parlement de Dijon , du 1 1 mai 1587,
rapporté par Bouvot ; & l'autre du parlement de Pa-
ris , du 17 août 1708, inféré dans le journal des
audiences. Le dernier a été rendu , au rapport de
M. le Meunier , dans une inftance concernant le
teftam ent de M. deThierfault , confcillerau grand
confeil.
Une novice fait un legs au monaftère dans lequel
elle fe difpofe à faire profeffion, & ordonne que
les pauvres recueilleront ce legs, fi fes héritiers le
conteftent. Par arrêt du parlement de Dijon , du 17
mars 1664 , la difpofition a été déclarée nulle , &
la chofe léguée adjugée aux héritiers.
Un père chargé de trois enfans légitimes & de
quatre bâtards , avoir fait des donations entre-vifs
à ceux-ci & à fa concubine ; par fon teftament, il
leur fait de nouvelles libéralités ; & , après avoir
inftitué un de fes fils légitimes héritier univerfel *
avec charge de'fubftitution , il s'exprime ainfi : Pro-
« hibant & défendant à mondit héritier de mettre
r ou donner aucun empêchement à mefdits enfans
w naurels & à leur mère, en ce que dépend def-
» dites donations & légats , foit en pétitoire ou en
)» poffeffoire , en quelque manière que ce foit, di*
»> reniement ou indireâement ; & au cas qu'aucune
PEINE TESTAMENTAIRE.
M contieverfe , querelle ou empêchement leur foit
M mis par mondit héritier , je veux qu'il demeure
» inftitué en fa légitime feulement, & que le fur-
i> plus de mes biens retourne aux fubiîituès fijf-
n nommés , félon l'ordre de ladite fubllitution )?.
Après la mort du teftateur , l'héritier forme un pro-
cès pour faire annuller les donations & les legs
faits aux bâtards & à leur mère ; & par une tran-
fa&ion , ces libéralités font confidérableraent ré-
duites. L'afle figné, celui qui étoit appelé le pre-
mier à la fubflitution en demanda l'ouverture, fur
le fondement de la contravention commife par
l'héritier à la défenfe du teftateur : mais comme
cette défenfe portoit fur un fait prohibé par les lois
générales du royaume , il intervint au parlement
de Dole, arrêt du lo décembre 1602 , qui le dé-
bouta de fes conclufions , & le condamna aux dé-
pens. Cette efpèce fe trouve dans M. Grivel , dé-
cifjon 87.
On pourroit oppofer à toutes ces décifions la loi
55 , D. de conditionibus 6* demon(ïra!ionihus ; mais
ce feroit fans fondement ; en voici refpèce : Un
testateur lègue un fonds à Maevius , fous la condi-
tion de donner cent écus à Callimaque. Celui-ci fe
trouve incapable de recevoir aucune libéralité teOa-
mentaire ; néanmoins le légataire du fonds doit ac-
complir la condition & compter la fomme à Calli-
maque , pour pouvoir profiter du legs , >; parce qu'il
« ne s'agit pas d'une condition pénale , mais de ce
>♦ qu'on appelle mort'is causa capio », C'efl la raifon
qu'en donne Furgole.
Le même auteur explique très-bien quel doit
être l'effet de la charge ou condition de ne point
troubler un légataire ou cohéritier , à peine d'être
privé de ce qu'on a reçu du teftateur. « Cet effet ,
M dit-il, doit être réglé par les principes que nous
» avons établis. La condition at-elle un mauvais
w motif, a-t-elle pour fonâemsnt iin fait prohibé
» par la loi , ou contraire aux bonnes mœurs ? il
» faut la rejeter fans balancer. Mais au contraire
»*a-telle un motif jufle , raifonnable , ou an fait
« qui n'a rien de contraire aux lois ni aux bonnes
n mœurs, il faut l'exécuter, & lui faire opérer
» tout l'effet que le teflateur y a attaché , & de la
« manière qu'il l'a ordonné , parce qu'une telle
» condition n'affeéte pas moins la libéralité à la-
>» quelle elle eft attachée , que les autres efpèces
» de conditions auxquelles la loi fait opérer leur
)' effet de plein droit ; que la charge ou condition
j' de ne point troubler fait partie des difpofitions
M pénales, dont l'effcnce confide dans la défenfe
» ou l'injoi dUon de faire , coercendi hceredis causa
3> qub m,ï^is aliquid faciac aut non faciit ^ §. ^3 , \,
j) de legatis , & que, felon le même texte, ces
M fortes de difpofitions , foit qu'elles tendent à
M laiffer, ou à révoquer, ou à transférer, ne dif-
» fèrent en rien des autres difpofitions non péna-
w les , nih'd diflare ,ï cœter'is Uga'is conjlituimus ,
» vel In dando , vel in adimendo , vel in trans-
it fercndo ».
PEINE TESTAMENTAIRE. 79
Il faut cependant convenir que dans la pratique
on ne donne guère d'effet à ces fortes de claufes.
Paul de Caftres , Balde, Surdus , Stockmans , Voct,
Ricard & une foule d'autres auteurs les regardent
comme purement comminatoires ; en forte que
n<Bn- feulement les peines qu'elles établiffent ne
font pas encourues de plein droit par la contra-
vention , mais ne fe prononcent que dans les cas
innniment rares où les procès fufcités par ceux à
qui le tedateur avoit défendu d'en élever , font
trouvés n'avoir d'autre bafe qu'un efprit de calom-
nie 6c de vexation. C'eft ce qui a été jugé par un
arrêt du 28 août 1708, rapporté au journal des
audiences. M. Etienne Braquet , ancien avocat au
parlement de Paris, avoit légué à chacun de MiVl. le
Ftvre, fes deux neveux , 25000 livres , à la charge
de ne rien prendre fur fes propres , & de renon-
cer à fa fucceffion : au cas que l'un ou l'autre
voulût y prendre part ou former quelqu'aatre pré-
tention fur fes biens, il ordonnoit qu'ils fuffent
réduits tous deux aux quatre quints , & il révo-
quoit le legs à eux fait de 25000 livres , s'ils in-
quiétoient fes exécuteurs teftamentaires, ou inten-
toient aucune demande , foit contr'eux , foit contre
fa fucceffion. Les deux légataires ayant conteflé les
difpofitions du défunt , les adminiilrateurs de plu-
fieurs hôpitaux , qui étoient inîVuués légataires uni-
verfels , demandèrent qu'ils fuffent privés de leurs
legs ; mais la caufe portée à raudien(;e de la grand'-
chambre, M. Joly de Fleury , avocat général , a
dit : « On a agité la queftion de favoir fi les peines
» dévoient être feulement comminatoires, & otr
" voit que c'eft le fentiment de Ricard. En effet ,
" il femble que les teflamens n'étant autre chcfe
" que l'exécution de la volonté des tertateurs , il
" ne faut pas leur donner plus d'étendue que cerre
" volonté, quoique les termes foient contraires.
n Or, quelle eft la volonté de M" Etienne Bra-
» quet? Que fes deux neveux aient 50000 livres ,
*» & que tes légataires univerfels aient le refie ; s'il a
)j révoqué en cas dt conteftation , c'étoir une me-
» nace pour empêcher qu'ils ne conteftaffent; ce
n n'éioit pas qu'il eût intention de donner davan-
» tage aux légataires univerfels ; ainfi cette peine
j> ne doit pas avoir lieu au profit des hôpitaux, qui
). ne doivent pas être fi favorables dans ces {ori&%
» de peines : s'il y avoit vexation , cela feroit bon ;
)) mais ici il n'y en a point , par confêquent ils
•>•> ne peiivent rien prétendre de plus que leur legs n.
L'arrêt ché a adopté ces conclufions.
M. Pollet nous retrace deux arrêts femblables
du parlement de Flandres; voici comme il s'ex-
prime : « Pour affurer l'exécution de (es dernières
» volontés, on prend ordinairement la précautioiï
» d'impofer la peine de privation à ceux des héri.
" tiers qui entreprendront de les débattre. Cette-
» précaution eft aujourd'hui fans effet : l'héritier
» qui fe pourvoit en juftice contre la difpofitij^n
» du detunt, n'encourt pas la peine de la pr-
)> vation , à moins que la pourfwte ne puiffe éu-c
8o
PEINE TESTAMENTAIRE.
j> accufée d'une calomnie toute évidente. 11 a été
ï> ainfi jugé au rapport de M. Muyfîart , par re-
î) ieniuin du 17 avril 1681 , & par arrêt rendu au
j» rapport de M. Cordouan , le 31 janvier 17015?.
Nous avons dit qu'on exceptoit de cette jurif-
f>rudence, le cas oii les pourfuites de celui à qui
e teftateur avoir défendu d'en faire aucune , dégé-
nèrent en calomnie & en vexation évidente : alors ,
dit Ricard , « la cour adjuge de femblables Peines ,
3' particulièrement lorfqu'elles font modiques ,
« comme faifant fon6^ion dédommages-intérêts....
î> M^ Raoul Ricard , mon père , étoit neveu dune
j> femme qui avoit «les magiflrats fouverains pour
« habiles à lui fuccéder ; faifant fon teAaraent ,
j> elle reconnoît les obligations qu'elle avoit à mon
» père &. fait quelques difpofitions en fa faveur ,
» avec cette précaution , qu'en prévoyant le crédit
•» & l'autorité de fes héritiers , & qinls ne maa-
»> queroient pas de contefler ce legs , elle déclara
» qu'au cas que mon père fût traverfé dans la dé-
57 livrante & jouiiTance de fon legs par fes héri-
» tiers , il eût , outre fon legs principal , une rente
» de cent livres par chacun an. En conféquence de
•* quoi ce teflament ayant été traverfé avec toutes
»> les vexations imaginables, mon père préfenta
j> incidemment fa requête, à ce qu'en confirmnnt
a> le teftament , la peine y contenue fût pareille-
« ment adjugée ; ce qui fut fait, en l'un & l'autre
» chef, par l'arrêt qui intervint le 25 mars 1622 ».
Ce que cet arrêt a jugé par forme d'exception ,
devroit avoir lieu dans tous les cas , fi on s'attachoit
plus aux vrais principes qu'à l'autorité des jurifcon-
fuites mordernes, trop favorables aux procès. En
effet , dit Furgole : « le droit romain attribue aux
35 difpofuions pénales , lorfqu'elles ont pour fon-
3) fondement un fait honnête, licite & poffible,
3J le même effet qu'aux autres difpofitions non pé-
y> nales , qui tendent à biffer , ou à ôter , ou à trans-
j» férer.... Où peur donc être la raifon qui puiffe
s» faire confidérer comme comminatoire la condi-
3> tion attachée à la difpofuicn pénale , tandis que
3) les conditions attachées aux autres libéralités non
y> pénales opèrent leur effet de plein droit , & que
» la loi ne met aucune différence entre les difpo-
m fitions pénales & celles qui font fimplementcon-
3) ditionnelles. ''.... La contravention doit donc opé-
3) rer fon effet de plein droit, parce que la loi l'y
3) a attaché , & que c'efl par elle qu'on doit fe ré-
37 gler , & non par des confidération arbitraires,
}> qui font des injullices réelles & des contraven-
» tions , non-feulment à la loi, mais encore à la
j) volonté du teftateur, qui n'a fait ni voulu faire
3> la libéralité, que fous la condition qu'il a impo-
3> fée ; que cette condition affeéle la libéralité & en
3> fait partie , & que c'eft contre toute forte de
M droit de féparer la charge, de la libéralité à la-
31 quelle elle eft attachée ( i ) »»•
(0 Negue euini ffcendus e/t qui lucruui quidcm ampJec-
PEINE TESTAMENTAIRE.
On demande à qui doit appartenir ce qui eft
ôté par forme de Peine, lorfque le teflateur n'ea
a pas fait lui-même la deftination ? S'il s'agit d'une
partie de l'hérédité, elle doit appartenir au co-
héritier de celui à qui elle eft ôtée ; cela rèfultc
de la loi 69, D. de Ugatis. 2". S'il eft queftion de
l'hérédité entière , elle fera dévolue aux fuccef-
feurs al> inteftdt. Quant au legs ou fideicommis dont
le légataire ou fideicommiffaire eft privé pour avoir
contrevenu à la volonté du teftateur, il doit de-
meurer ou revenir à l'héritier qui en a fait ou qui
en devoit faire la délivrance.
Lorfque la peine a été impofée en confidération
d'une certaine perfonne, comme lorfque le tefta-
tetir a dit : « Je prive mon héritier de ma fuccef-
" don, s'il ne traite pas bien ma femme i>, la
chofe ôtée doit-elle appartenir aux héritiers légi-
times , ou à la perfonne en faveur de qui la condi-
tion a été impofée.'' Dumoulin, fur la loi commo-
dijjimè , D. de liberis & poflhumis , n. 48, embraffe
ce dernier parti. Il fonde fon opinion fur la loi 2j ,
C. de legatis ; la loi 5 , §. i , D. de his quct ut indi~
gnis auferuntur-, la loi i , C. de ratiociniis operum pu-
blicorum ; la loi dernière , D. de Utigiofis ; la loi y ,
C. de fuis & legitimls hczredïbus , & la loi 2 , §. pen,
D. de collat'tone honorum , textes dont il tire cette
règle, que quand l'indignité ou la privation eft in-
fligée en confidération de quelque perfonne, c'eft
à celle-ci que doit appartenir l'émolument. Mais
Bartole & Julius Clarus ont penfé que rhérédité
ne pouvoit être réclamée dans l'efpèce propoiée ,
que par les héritiers du fang; & cette opinion,
dit Furgole , « paroît la feule vraie, parce que la
'> privation infligée par le teflateur ne peut jamais
'7 produire une difpofition ni une tranflation ; c'eft
77 une pure négation, incapable detranfporterl'hé-
77 redite à la perfonne, en contemplation de h-
» quelle la Peine eft infligée : on ne doit point
» donner de l'e.xtenfion aux difpofitions, ni au-
77 cun autre effet que celui que le teftateur y, a
^■^ attaché. Si l'objet du teftateur étoit de faire paf-
n fer l'hérédité à la perfonne qui a occafionné la
7» défenfe , il devoit faire en fa faveur un tranf-
» port de l'hérédité; & s'il ne le fait pas , lorfqu'il
" prive l'héritier de l'hérédité qu'il lui avoit def-
77 tinée , il laiffe fes biens fous la difpofition de
» la loi qui les défère aux fucceffeurs «t intcflat ^
» dès qu'il n'y a point de teftament capable de
« les déférer efficacement à l'héritier ; du refte ,
» les textes dont Dumoulin a voulu tirer fa rè-
« gle , font hypothétiques , ils ne règlent que des
77 cas particuliers , qu'on ne peut pas tirer à confé-
7? quence )».
titur, cnus auiem ei annexum contemnic. L. i , far. 4 , C.
di caiiic'u tdhndJs.
Nequc enim débet cîrcumYeniti teftantium volunus. L,
■)i , D. de conJitionihus 6" demonfîrctionibus.
Difponat unufq'aifq'je fuper fuis ut dignum efl: , & fit lex
ejus voluntas. NtvelU 21, chapitre 1,
Voyei
PEINTURE.
Voyei Ricard , traité des donations , parlje 3 J
chapitre iz ; Voet , ad pandeflas , livre 34 , titre 6 ;
J^urgole, traité des teftarnens ^ chapitre 11 ; les jour-
naux du palais & des audiences ; les arrêts de MM.
Follet , Grivel & Stochmans , &c. Voyez auffi les
articles Legs, Légataire, Institution d'hé-
ritier, Clause pénale, Clause privative,
Renvoi, Testament , &c. ( Article de M. Mer-
ZIS , avocat au parlement de hhndres. )
PEINTURE. C'eft l'art de repréfenter la nature
€n relief fur une furface plate , en y traçant l'i-
mage de tous les objets avec les couleurs qui leur
font- convenables.
11 y a à Paris deux corps de Peinture : l'un , cé-
lèbre & diftingué , eft racadémie royale de Pein-
ture & de fculpture , Si l'autre la communauté des
peintres fculpteurs.
La Peinture Se la fculpture , qui font partie des
arts libéraux , concourent non feulement à la gloire
nationale par des nionumens qui confervent la mé-
moire des aiSlioHS vertueufes & des grands hom-
mes ; mais ces arts contribuent encore a l'avan-
tage , ainfi qu'à la perfei^ion de la plupart des
arts d'induftrie , & à rendre plufieurs branches
de commerce plus étendues & plus floriffantes.
Ceft par ces motifs, que , tranfportés d'Italie en
France par François premier, ils ont depuis été
finguliérement protèges par les fucceffeurs de ce
prince. L'intérêt que le roi prend à ce que ces
arts fe perfcéiionnent de plus en plus, a déter-
miné fa majefté à accorder à ceux qui les culti-
vent , des difiindions 6c des encouragemens par-
ticuliers. Elle a pour cet effet donné la déclara-
tion du 15 mars 1777, que le parlement a enre-
giftrée le 2 feprembre de la même année , & qui
contient les difpofitions fuivantes.
« Article i.Les arts de Peinture 8f de fculp-
« ture feront & contiueront d'être libres , tant
»' dans notre bonne ville de Paris que dans toute
M l'étendue de notre royaume , lorfqu'ils feront
"exercés d'une manière entièrement libérale,
») ainfi qu'il fera expliqué par les deux articles ci-
»> après. Voulons qu'à cet égard ils foient parfai-
>' tement affimilés avec les lettres , les fcienc^s
5> & les autres arts libéraux, fpécialement l'archi-
Jt teflure ; en forte que ceux qui voudront exer-
5» cer de cette manière les fufdits arts, ne puiflent,
ï> fous quelque prétexte que ce foit , être trou-
ï» blés ni inquiétés par aucun corps de commu-
3> nauté ou maîtrife.
" 2. Ne feront réputés exercer libéralement les
« arts de Peinture & de fculpture , que ceux qui
»> s'adonneront , fans aucun mélange de com-
« merce, à quelqu'un des genres qui exigent ,
î> pour y réulTir , une connoilïnnce approfondie
3) du dcflin & une étude réfléchie de la nature ,
3> tels que la Peinture & la fculpture des fujets
j) hiftonques , celle du portrait , le payfage , les
j) fleurs, la miniature, & les autres genres def-
» dits arts qui font fufceptibles d'un degré de ta-
Tome XllL
PEINTURE. St:
5) lent capable de mériter à celui qui le poflede;
» l'admiffion à l'académie royale de Peinture &
» de fculpture,
» 3. A l'égard de ceux qui , indépendamment
)) de l'exercice de ces arts , ou fans les exercer
'j perfonnellement , voudront tenir boutiqiieou-
3» verte , faire commerce de tableaux , deffins ,
» fculptures , qui ne feroient pas leur ouvrage }
» débiter des couleurs , dorures & autres accef-
)» foires des arts de Peinture & de fculpture ; qui
» s'immifceroient enfin , foit dire£teraent , foit
» indire(Sement dans l'entrenr^e de Peinture ou
î> fculpture de bâtimens ou cmures ouvrages de
» ce genre, fufceptibles d'être appréciés & payés
5) au toifé , ils feront tenus de fe faire recevoir
» dans la communauté des peintres-fculpteurs, éta-
» blie par notre édit du mois d'août 177'J j & de
» fe conformer aux difpofitions de cet édit.
5) 4. Dans la vue de donner à notre académie de
» Peinture &. de fculpture établie à Paris, une mar-
» que fpéciale de notre proteéKon , nous ordon-
» nons qu'à l'avenir, & dans toute l'étendue de
3> notre royaume , elle foit diftinguée de toute au-
3) tre académie des mêmes arts , qui pourra être
1» dorénavant établie , tant par l'honneur d'êtrç
» fous notre proteflion immédiate, que par le titre
11 d'académie royale de Peinture & de fculpture
Il première & principale. Voulons qu'elle foit re-
» gardée comme la mère & l'appui de toutes celles
» qui feront dans la fuite établies pour l'exercice
)> des Peinture , fculpture & arts en dépendans , &
j) qu'elle foit leur guide en tout ce qui concernera
» la culture & l'enfeignement defdits arts.
■)■> 5. Les peintres & fculpteurs admis dans no-
j> tre académie royale de Peinture & de fculp-
j> ture établie à Paris , pourront feuls prendre
» le titre de peintres & fculpteurs du roi ; dé-
3> fendons à tout autre artifte de fe donner la fuf-
» dite qualité.
» 6. Renouvelons, en tant que befoin , les dif-
yt pofitions des lettres-patentes du mois de no-
» vembre 1676 , concernant l'établiOement des
j> académies de Peinture & de fculpture dans les
» principales villes de notre royaume ; voulons
» en conféquence , que le direéleur & ordonna-
» teur général de nos bâtimens , jardins , arts , aca-
1» démies & manufaftures royales, comme chargé
» fpécialement par nous du foin de veiller au pro-
« grès defdits arts , foit le chef & le protecteur
» unique des académies qui feront à l'avenir éta-
3) blies dans notre royaume pour pratiquer Si. en-
•)■) feigner les arts de Peinture & de fciilpture, &
33 autres en dépendans ; qu'il leur donne , aiito-
3» rife ou confirme leurs flatuts & réglemens, fans
3» (\\\\\ foit befoin à cet effet d'autre aéle de notre
3» volonté.
33 7. Comme le moyen le plus fur de faire prof-
33 pérer lefdits arts , eft l'unité & la communica-
33 tion des principes, lefquels doivent être plus fûrs,
» plus connus &. plus rixes dans notre acadéiriie
Si PEINTURE.
>» royale première & principale de Peinture & de
n fciilpture, que par-tout ailleurs , foit à caufe de
" la tradition des lumières des artiftes célèbres
« qu'elle a produits, foit à caufe de l'avantage
» qu'ont la plupart de ceux qui la compofent , d'a-
M voir été , fous nos aufpices , former leur goût
» par l'étu le des beaux monumens de lltalie, &
» d cire plus fréquemment employés à de grands
» ouvrages , nous avons fait & faifons exprefTes
» inhibitions ik défenfes à toutes perfonnes de
M quelque qualité & condition qu'elles foicnt ,
j> d établir des exe»cices publics defdits arts de
V Peinture & de fculpture , de pofer le modèle ,
K faire montre ou donner des leçons en public ,
» touchant le fait defdits arts, qu'en ladite aca-
M demie royale ou dans les lieux par elle choifis S:
» accordés , & fous fa conduite ou avec fa per-
» miflîon.
w 8. La réputation Si. la gloire méritées par d'cx-
« cellens ouvrages , étant le but principal qve
» doivent fe propofer les artiftes de notre aca-
« demie royale , afin de prévenir le tort qu'ils re-
« eevroient , fi l'on faifoit paroître fous leur nom
î> des ouvraj^es qui nen feroient pas , ou fi l'on
« dèHguroit à leur infu ceux qui en feroient ,
V nous avons jugé à propos de renouveler les d*-
M feiifes faites à cet égard à tous graveurs Si au-
»> très , de faire paroître aucune cliampe fous le
»> nom d'aucun des membres de ladite académie,
y> fans fa permifiîon , ou, à fon défaut, celle de
î) l'académie ; comme aufTi défendons à tous gra-
« veurs , de graver ou contrefaire les ouvrages
j> des graveurs de ladite académie , & d'en ven-
M dre dts exemplaires contrefaits, en telle ma-
» nière & fous tel prétexte que ce puiffe être, à
■» peine , contre chacun des contrevenans , d'a-
M mende telle qu'il fera vu appartenir , & de con-
» fifcation , tant des exemplaires contrefaits , que
■» des planchas gravées, ôc autres uftenfiles qui
» auront fervi à les contrefaire & imprimer, ainfi
« que de tous dépens , dommages & intérêts ; fai-
» fons pareillement, & fous les mêmes peines,
n très-exprefies inhibitions & défenfes à tous fculp-
j; leurs, & autres de quelque qualité & condi-
î> tion , & fous quelque prétexte que ce puifle être ,
V de mouler, expoferen vente , ni donner au pu-
» hllc aucim des ouvrages des fculpteurs de notre
)> acdém'.e royale de Peinture & de fculpture
rt ni copie d'iceux , fans la permiflîon de leur au-
» teur, ou, à fon défaut, celle de l'académie.
« 9. Notre intention étant de irsettre notredite
)> académie royale , première Se principale , de
5> Peinture ik de fculpture de Paris , en état de
« f.ibven'r aux frais qu'entraîne néceffairement
» l'entretien de fon école, nous lui avons fait &
5> faifons don de la fomme de dix mille livres par
» ch.;cun an , pour être lefdits deniers employés
î> au payement des honoraires des profefTeurs qui
;» vaque- ont à enfeigner lefdits arts de Peinture &
n de fculpture , «3i des officiers qui la defferveat , |
PEINTURE.
»♦ à celui des modèles & autres frais qu'il convicn-
)» dra faire pour l'augmentation & entretien de la-
» dite académie; de laquelle fomme de dix mille
» livres emploi fera fait annuellement dans 1 état
» de nos b.ltimens.
» 10. Pour que ceux qui compofent ladite aca-
» demie royale aient moyen de vaquer à leurs
» fonâions d'enfeignement avec toute 1 attention
)> & l'affiduité poflibles, nous les déchargeons à
» préfent & pour l'avenir , Jufqu'au nombre de
» trente , de toute tutelle , curatelle , guet & garde ,
» favoir, le directeur, le chancelier, les quatre
n re<f]eurs , les douze profefleurs , les huit confeil-
» lets, le tréCorier, le fecrétaire & les deux qui
» rempliront les principales places de ladite aca-
)» demie , félon leur rang d'ancienneté ; comme
» auffi nous avons accordé & accordons auxaUs
)» trente le droit de commit ti mus ^ pardevant les
» maîtres des requêtes ordinaires de notre hôtel ,
11 ou aux requêtes du palais à Paris , .à leur choix,
)» tout ainfi qu'en jouilfent ceux de notre acadé-
)j mie françoife & les officiers comraenfaux de
» notre maiibn.
» II. Arin que ceux qui fe vouent à étudier
i> les arts de Peinture & de Iculpture, fous la di-
» redion de ladite académie royale , jouirent de
5) la tranquillité nécetfaire pour cultiver leurs dif-
» pofitions , nous les avons exemptés & exemp-
» tons à l'avenir de toute milice & enrôlement
)> pendant le temps qu'ils feront étudians à ladite
» académie , & comme tels infcrits fur la lifle
n qu'elle tient de fes élèves.
» 1 2. Pour donner enfin à notre académie royale
M de Peinture & de fculpture une forme plus fia-
)) ble 6c plus con'orme aux vues de Çon établiflTe-
» ment , nous nous fommes fait repréfcnter fes
» divers réglemens & fl;atuts , defquels nous avons
-Il fait former un règlement général en quarante ar-
<c ticles (i) , lequel nous avons arrêté & fait atta-
(l) Voici ce régUmtat :
ARTICLE I. L'acaJémie roylecle Peinture &: de fculpture
étant delànce à raflembUr dans fon {«.in les arcilles qui , par
les calens les plus diibngu s , méri cont d'y être admis , feia
la feule à l.iijuel e fa majelU accordera à l'avenir fa protec-
tion immédiate. PJIe aura feule le daitde fe qualifier Acadê-
mit rpyaU , prinàpjli: fe* f 'entière, & elle recevra les ordrei
du roi par le d'redcut & oid>.rinateur général de fes bâti-
mcns, jardins , ans , académies iS: manufaïaures layales.
1, Le nombre deï u ets qui conipof^ioiit l'académie fera il-
limité, & leur adoption dépendra toujours du vceu de l'aca-
dénie, déterminé par le jugement qu'elle fera dans le cas de
po, ter far les lalens d- s 'ujets qui fe préfenteront ; mais fon
adminiftiation fêta repr.f'încée par un direfteur , un chance-
lier, quatre refteu s deux adjoints à retteiirs , feize hono-
laircs , dont huit amaiears Se huit aflociés libres , douze pro-
felleurs de Peinture &: de fculpture, lix adjoints à profeffeurs,
un profeflTeur de Gtomcttie pour donner des leçons d'archi-
;e;luie&:de pcrfpc£iive, un profefTeurd'anatomie, huit con-
leillers , un tréforier & un lecrétaire hirtoriograpbe. Tous
ces dilférens titres &: grades , à l'exception des feize honorai-
ri's & des profcfTeurs de géouiétiie & d'anatomie , ne pcrur.
lOtuêue cynfétés cju'à de« fujw déjà membrçs de l'acadé-
PEINTURE.
w cher fous le contre fcel de la préfente cléclara-
w tion, 6c fuivant lequel nous entendons que la-
mie, Se par Voie a'elc-tion.
j . Les titres d'honoraires cant amateurs qu'afTociés libres ,
font JeitiriLS & feront confères , par voie d'Hettion, à des
psrfonnes qui , fans exercer les arts comme les académiciens
pioprem;nt dits , feront diltin^juces pwr leurs connoilljnces
d.ins la théorie des ar'j &' de leurs parties accefToires , par leur
goàc po'jt ces mimes avrs , i Jeur amour pour l^r progrès ,
«nin , par une intelligence en matière d'affaires , qui puifle
rerdre leur fiirveillance utile pour le maintien & la confer-
v.ition des drci:s & des intérêts de l'académie. La voix délibé-
rative , conjoiatement avec les officiers de l'académie ( hors
les cas où elle fera coiiimcne à tous les académie ions , comme
an jugement des grands prix , ou dans des obj'.-ts de délibéia-
tion pour lefque^s l'acadcmie a coutume ou jugproit à propos
d'admettre leurs voix ) , n'appaïti:?ndra néanmoins ou'aux
huit honoraires amareurs ; mais nul ne pourra pirvenir à ce
litre qu'après avoir paiïl- par la clalTe des honoraires afTijcicj
lilires , &c ce fera toujours le p'us ancien de cette clalfe qui
pafTera de plein droit, & fans qu'il foit befoin d'éleilion , à
celle d'honoiaire amateur , quand il y aura une place vacante.
A l'égard des profefieurs de géomtt-ie &d'ana;omie , ils fe-
ront à la nomination du dire<2:eur &: ordonnateur gênerai de
nos bârimens.
4. Il ne pourra être pourvu à tous les titres, grades &: cm
pleis compofant l'adminiltratioa de l'académie , que dius une
afTemblée géa'rale de ladite adninirttation , à la pluraiiré dis
fulFrages recueillis par fcrutins. Pour procéder à ces élections ,
il fera fait une convocation générale de ladite adminiflration ,
d'aptes laquelle l'aflemblée fera formée de ceux de fes mem-
bres qui auront pu s'y tendre , &: pour le moins au nombre
de quatorze.
f. Les éleOions, même de fimples académiciens, érant fai-
tes, racad.;mie les fera connoître au direiteur & ordonna
teur général de nos bâtimens , afin qu'il nous en fafTe Ton
rapport , que nous les confirmions , èc que , par ce moyen ,
nojs connoilîions tous les artiiles qui compoTent noue aca-
dcmie ; &: ces éleiiions ne pourront avoir hur etFet qu'après
ni tre confirmation.
6. Le directeur fera changé tous les tro's ans, à moins que
l'académie ne juge convenable de le conciiiuer pour trois au-
tres années ieulement; & , à chatjue mutation, il notis en
fera fait r.ipport par le direileut &c ordonnateur général de
nos bâtimens , pour avoir notre confirmation. Dans le cas
cependant où le diretteur de l'académie fe trouveroit être
notre premier Peintre , l'académie pourra ie continuer tant
& auffi long-temps qu'elle le jugera à propos.
7. Nul ne pourra être chancelier qu'il n'ait été re^eiir ,
afin qu'il foit connu être capable de la iite charge ; il aura la
garde des fceaux de l'académie, pour en fceller les aftes ,
Hiectre le vi/a fur les expédirions , &c la place fera à vie.
8. Le fceau de l'académie aura d'un côté l'image du roi,
& de l'iutre les nouvelles armes que nous accordons à. notre
acadmie ; favoir, Miiurvi , &: pour exergue : Libenas artibus
reflitur.a.
9. Il Y aura qu.itre refteurs perpétuels choî.'îs J'entre les
profefleurs , l'un defquels préfidera par quartier en l'abfence
du diredeur , Se fera obferver l'ordre dans l'académie, tn cas
de décès de l'un defdits reiSeurs , la place fera remplie par ua
des deux aJjoints à reiteurs , fuivant fon r^ng. Le reoteur de
qua tier f^ra obligé de fe trouver tous les famedis en ladite
académie , pour , conjointement avec le profelTe^r en mois ,
pourvoir à toutes les affaires d'icelle, vaquer â la correction
des éh'ves , &: remire compte à la dernière afTemblée du mois ,
des affaires furvenues & de la conduite des élèves. En cas
d'abfence du rcâeur, fon adjoint, qui aura fait leifonaions ,
re:evra les honoraires dudit recteur pour le remps ou il aura
fait les fonctions de rcéieur.
10. Le direaeur & les leéteurs jugeront toas les difFérendj
PEINTURE. 85
» dite académie fe régifle à l'avenir; dérogeant
j) à toute autre difpofition contraire , & con.'ir-
qui furyiendront touchant la conroifTance de^ arti de Pein-
ture &c de fculpture , & feront arbitres des ouvrages deiditî
arcs , dans toutes les fontettations qui furviendi-oient entre
les membres de l'académie.
II. Les profelTeiirs ferviront chacun unmois do l'année ,
&: fc trouveront tous les jours à l'heure prefcticc pour faire
l'ouverture de l'tccle , pofet le modèle, le defliner où mo-
deler, afin que leur ouvrage ferve d'exemple aux c'udians;
ils auront foin de ks inlliuire , les corriger , les maintenir
dans l'ordre & l'attention qu'exige 1 étude pendant les bearcs
de ces exercices , &: de remplir toutes les tondions <Jc leu s
charges. En cas d'abfence eu maladie du profeffeur , l'aJ'^
joint, qui aura fait fa fonction , recevra les gages 8c la ré-
tribution dtijit profelTeur , relativement au temps qu'il en
aura rempli les fondions ;& , lotfqu'il arrivera changement
ou dc-cès d'aucun deldits profelTeurs , la phce fera rempliepac
celui d'entre les adjoints qu'il plaira à l'académie de choilir.
11. Nul ne. fera reçu en ladite charge de profeffeur qu'il
n'ait été nommé adjoint , & nul ne fera nommé adjoint qu il
n'ait fait connoître fa capacité à delTîner la figure & à compo-
fer l'hifïoire , ou en Peinture , ou en fculpture , &•' qu'il
n'a't remis à l'-icaJimie le tableau d hiltcire ou l'ouvrage qui
lui auraé é ordonne.
15. Les proftlTeurs qui auront fervi affidimient en cette
quali:é pendant dix années révolues , fie qui dennnderont la
vétérancc, l'obtiendront fî l'académie le juge convenable. Ili
prendront alors le rang de profefTeurs anciens. L'académie
pourra conférer ce titre d'ancien profefTeur , ou même dcs
graJcs plus élevés, à ceux de fes officiers qui fe leront dif-
tinguésàla tête de l'école lOyale académique de Rome oH
dans la caur de quelque fouverain , avec l'agrément de (a
majeité.
14. Le fecrétaire hifloriographe fera à vie , à moins qu'il
ne fe démette par taifon de fanré , d'âge ou autre caufe auiïî
.'avorable; dans lequel cas il aura qualité, fonction & féance
de confeilier de l'acadénaic , quanJ nié;)ie les h lir places de
confeiliers feroient remplies au moment de fa démiliion. Set
fondions , pendant fon exercic: , feront de propofer les ob-
jets de délibération , fuivant ce qui eft ci-après rég'é par l'ar-
ticle ai , de tenir regifire iournal de toutes les délibérations
qui feront prifes dans les aflemblées l'e l'académie, des expc-
diti ns qui en réfulteront ; toutes les feuiihs "eront lignées
des diteïtciirs , claneclier, reéteurs , profefTeurs & aurres
membres de l'adminilbation qui fe trouveront préfens. Le fe-
crétaire auraaufli la garde de tous les titres & papiers de l'a-
cadémie; &, en cas de mort du chancelier, ou d'abfeoce pro-
longée &: peimife par le roi , la garde des fceaux fera confiée
au fecrétiire, à la charge néanmoins de ne pouvoir en ufer ,
f our quelque caufe que ce foi: , qu'en préfence de racadémie
afTemblée.
I{. Les expéditions, tant des délibérations que des provi-
fions pour admettre dans le corps de ladite aca lémie ceux qui
en feront jugés dignes , feront purement émanées & intitulées
de l'académie , lignées du di cc\eur , du chancelier , du rec-
teur en quartier &z du profeffeur en mois , fcellces du fcel de
l'académie, &: contre/ignées par le fecrétaire; dans lefdites
provifions feront énoncés Se fpécifiés les ouvrages préfentés
par les afpirans lors de leur réception , afin qu'on fâche a quel
titre ils ont été .idmis à l'académie. Celui qui fe trouvera pré-
fîder l;ur fer*, prêter ferment de garder & obferver religicu-
leinent les flatuts êc réglemens er. préfence de l'afT-rablée ; Se
nul ne fera cenfé du corps de ladite académie , qu'il n'ait f»
lettre de provilîon , laquelle ne lui fca délivrée qu'après qu'il
aura donné fon tableau ou ouvrage de fculpture pour demeu-
rer à l'académie.
ï6. Pour faire la recette & la dépenfc des deniers com-
muns de ladite académie , elle nomnieia celui des officiers-
artiiUs qui fera ttouvé le plus propte pour cet empioi , ea
S4
PEINTURE.
» niant au furplus toutes autres lettres-patentes ,"
(qualité de tréfoiier , & il aura la direaion & principale garde
d;s ta'iieaux, Iculptures , meubles , ullenfilesde l'acadhnic ,
donc il rend.a compte tous Jes ans en prcfence de ceux qui
auront été nommés pour cet efFet; & ledit tr^forier pourra
erre changé ou cântlnué tous les trois ans , ainii tjue l'acaJé-
sne l'elHmera à propos. Ledit trifQrier pourra , de (on coté ,
remercier &: quitter fa place , Ci des raifons psnbnnellcs l'y
déterminent.
17. Dans le cas oii l'académie croira devoir foulager ou
fuppléer le profefleur de géométrie ou ceiui d'anatomi» , il
lui feiapermjs dechoilira chacun des deux un adjoint. Elle
pourra auffi nommer un adjoint fecrétaite , pour le foulager
ou le fuppléer en cas de maladie ou d'abfence; & cesad/oints
n'auront pas de voix.
18. Il n'y a ira qu'un feul Heu deftiné aux aflfemblées de
l'acadéniiî royale première & principale. Dans ce lieu fc dé-
cideront tous les dift\rends qui pourroicnt fucvcnir relative-
inent à la peinture Se à la fculptuie , & au.\- autres arts qui y
ont raflât t. Un y proccdira aux éleclions des otficiers , aux
réceptions des académiciens, & à la dilhribuiion des grands
piix qui feront propofés aux ccudians. Il fera libre cepcndint
à Ldite académie de deftiner, lorfqu'ellc le jugera convena-
ble, des lieux particuliers pour y faire les études du modèle,
fous les ordres & la conduite des oiiicicrs qu'elle nommera ,
&: qui rendront compte à cet égard aux alTemblées de l'acadé-
mie ; aucune autre afiemblée de Peinture S<: de fculpturc ne
pourra s'ctablir en cecte ville & pofer le modèle , pour inf-
jruction publique, fans leconfenteraent de l'acidéniie royale,
première &: principale. Les cpntrcifenans feront avertis &:
çontrainis de fc conformer, à cet égard , aux difpohiioiis du
préfent article.
19. Le lieu où l'académie tiendra fe? alTciublées , étant con-
facré à la vertu &: à l'étude, doit être en vénération à tous
ceux qui s'y raflemb/ent ; en confé.^uencc ^ on ne parlera dans
lefJites artemblées académiques que. des arts de Peinture , de
fculpture , &: de ce qui y a rapport, fans qu'il fait permis d'y
traiter d'aucune autre matière ; &, s'il anivoit que qudqu'un
de ceux qui compofent ladite afleroblée bleflat la religion ,
les mœurs ou l'état, il fera exclus de ladite académie , Ik dc-
chu de la grâce qu'il avoir plu à fa majellé de lui accorder en
l'y admetwnt.
10. Tous les jours de la femaine , excepté les dimanches !k
fêtes , l'aadémie feia ouverte aux élèves , peur y delîîaer &:
modeler l'efpace de dt'ux heures après le modèle, &: profiter
des leçons du profeffeur qui le mettra en attitude , pour rece-
voir du profeffeur de perfpeûive les leçons de géornéirje, de
perfpeétive & d'architecture , & de celui d'anatomie , celles
de cette fciencc qui conviennent au^; arts de Peinture & de
fculpture, Le profeffeur de perfpeiftivc donnera fes leçons au
moins une fois par femaine, &: le profefleur d'anatorriie en
donnera un cours tous les ans. .
21, L'académie s'afTcmblcra tous les premiers & derniers
faraedis du iHois , pour s'entretenir & s'exercer par des confé-
rerices fur les Peintures , fculptures &: autres arts de leur dé-
pendance, &: pour délibérer fur les atFaites qui la concernent.
lî. Les propofitiens feront ouve.tespar le fecrétaire ; Se
J'on délibérera fur ce qu'elles conrienironc, avec ordre , avec
décence, fans partialité, fans palTîon , fans brigue , fans fortir
de fa place &: fans s'interrompre rHutuellemenc.
23*. Dans les aficinblées qui auront pour objet, foit des
êleé\ions d'officiers , foit les afFaires de l'adminiftration inté-
rieure, économique &c de po'icede l'académie , foie lé juge-
ment des ouvrages prél'entés poiu- être ngréés ou pour être
admis comme académicien , la voix délibérative n'appartien-
dra qu'au corps de l'adminiiiration, tel qu'il eil dé.igné par
l'ivticle z , en exceptant néanmoins les aflbciés libres. Il
fudîra., pour que les délibérations fur les objets du préfer.t
article -foient valables , qu'elles aient été arrêtées entre quatorze
.délibçuûs, dQC.c Je-direftcur, Je fectétaire & dçuzs j^uçies /
peinture:.
» arrêts 81 réglemens donnés en fa faveur , eti
membres du corps de l'adminirtraiion .ayant voix délibérative
& les dclib^taticns ain'.i formées feront confignées dans les
regidres de l'académie , pour être exécutées, (auf néanmoin
l'approbation du roi , quant à celles qui auront eu pour ob;e
des élections à qu.;lque place ou titre , fuivant la dilpolition
de l'article 5. Au furplus, les huit honoraires alTocics hb.es
&: les fimples académiciens au.ont la liberté d'aliiller auxdites
alTemblées ^ais ils n'y jouiront que de la voix confultatice ,
&i même ne pourront l'énoncer que par la communication
qu'ils en donneront à un des o-ficiers de l'adminiftration
joui fiant de ia voix dclibéraiive.
14, Lotfque quelqu'un des oSciers de l'académie, ayant
donné fi démiffion par quelqu'un djs motifs énoncés dans les-
articles ij &i4,aura obrenu Je titre tle vétéran ^ il jouira
de la voix délibérative , quand rnême le nombre des titu'aires-
hxc par l'article 2 feroit complet ; il fera , comme tel , com-
pris dins les convocations faites pour les objets de l'acticle-
précédent , &: jouira des mêmes dtoics & prérogatives que les'
titulaires aéluels.
2;. Nul ne pourra être admis au titre d'académicien , fans
avoir j au préalable , obtenu celui d'agréé ; & il ne fêta déli-
béré fur l'admiifion à l'un ou à l'aut-ctittc, que dins une-
affemblée générale du corps de l'adminifiration de Tacadè-
mic , convoquée pour cet elRt, & tenue fuivant la forme-
prefcritepar Jes deux articles précédens ; nul afpirant à l'un
ou à l'autre de ces titres ne l'obtiendra qu'en rcunidant le»-
deux tiers au moins des voix qui feront prifes par icrutin ,
fans que, pour aucun prétexte que ce foit , on puifle éluder
la rigueur de cette loi.
26. Dans le cas oii un afpirant au titre d'agréé aura crc
refufé, il lui rcftera la faculté it fe repréfenter i!e nouveau
p3ur obtenir ce titre fur d'auties ouvrages ; maiî lorfqu'iitv
artille déjà admis au titre d'agréé , &: afpir.int à celfii d'acadi-
iiiicien , aura été refufé, il demeurera privé même du titre
&: des avantages d'agréé , jufqu'à ce que , par de nouveaux-
efforts préfcmcs à l'académie, il ait obtenu d'être réintégré
dans c;itî claflc.
17. Et comme ce titre, un: fois obtenu, pourroit conduire-
que'ques fujets à un rei.ichement aulîi préjudiciable à eux-
mêmes qu'a jx arts , tout agréé peintre f.-ratenu, dans les
trois ans de fon adni'lfion, de fe préfinter pour êt'e reçu»
acaiéinicien, fous peine de perdre nasme le titre Scies avan-
tages d'agréé , &c de ne pouvoir le recouvrer que furde nou-
veaux ouvrages & nouvel examen dî l'acadéraie alTemblée ,
comme s'il fe préfentoit pout la première fois. A l'égard de5
agréés fculpteurs ou graveuis , comme les o'J-vtages deman-
dés pour leur réceptioir font ordinairement difjjenJieux tic do
loneue exécution , l°acadé;nie pourra , fur la coniiiieration
de la nature & de l'étendue de tes morceaux , proroger de
quelques années le terme ci defTus fixé.
iS. Nui ne pourra remplir une place d'académicien, s'il
n'ell de bonnes mœurs & de pcobicé reconnue ; &: pour que
l'académie n'admette pas dans fon fcin des artiftes fur Ica
mœurs defquels il y auroit de l'incertitude, chaque afpirant
fe procurera un préfentateur, q^ji fera toujours un des ohfi^
ciers de l'académie, leqtael préviendra la compagnie , dans
une aiTembiée précédente, fur les mœurs de l'affirant Se fur
le' genre de fon talent , après quoi il fera procédé par la voix
du fcrutin à fon .agrément ; & , s^il eft agréé , Je nom t^u pré-
fentateur fera infcrit fur les regiftre-..Le jour du fcrutin , Ici
ouvrages de l'afpirant feront placés dans les falles , pour êtrs
jugés par tous les officiers ayant veix ; &: dans le cas d'ab»
fence ou de mort du préfentateur pendant l'intervalle de l'a»
grément à la réception, l'acadé nie en noinmera un d'odice,
efl fe conformanr fut le refte à ce qui eft dit ci dclîus dan»
l'article précédent;
19. Les ouvrages que les académiciens auront donnés à
l'acadéiuie roeir leur réception , y demeureiont , fans qu'on
puiffç e» difpQlçj gu ca fubitituec d'auttes foiu ^ueJtjuejfiçg-
PEINTURE.
S> ce qui ne fe trouvera point contraire a la
texte que ce l'oit , ce n'ell pat dcLbétation gcnêiale faite
dans une allsaiblee inoi-;u,<; lur les billets d'invitation pouf
cet etfet.
3 û. Les ajréés jouiront , ainfi qu'ils ont joui ,^ de tous les
privilèges accordes à la 'lua.'ité d académicien , à l'exception
delaJniiiIîon aux iflan: Les Vautres -avantages intérieurs
qui feront à la difpolition de l'académie , Se lut lefquels elle
luivrales uTages établis. j • i r >
il. Pour prévenir tout fujet de diFFcrenJ Se de jalouUe a
J'occafion des langs & des fcances, le dircrteur aura la place
d'honneur en l'abfence du direiteur Ôc or.ionnateur général
des bâtimens du toi ; à fa droite feroru le chancelier , le rec-
teur en quartier , les ancis;ns diredcurs , les ledeurs , les
aijoints à reûeur, les p-.ofelTiurs, tré'.oner ^' adjoints; Se à
la gauche dudir préfident feront le profelTcur en exercice , les
honoraires anaatcuts &c affociés libres., les anciens piofifleurs ,
leî profeireuis d'anatomie &c de petfpedive-, kiconfeillers
Je l'académie, & les adjoints aux profeffeurs d'anatomie &
de perfpcdi/e , s'il y en a; le fecrétaite fera placé comme à
l'ordinaire, & de la maniéie qui fera jugée la plus convena-
tle pour l'exercice de ia fonctions.
) ^ Il fêta fait tous les ans une affemblce générale le pre-
mier faniçdi de juillet , auquel fera faite l'cledion des oHi-
ciers , pour remplir les places vacantes ; & lorfque ces places
regardercacle fcrvice de l'école, les académiciens qui afpire-
rontau titre d'adjoint, apporteront de leurs ouvrages a l'af-
femblée, & les adjoints qui afpireront au profelTorat , feront
tenus d'y apporter aufli des ouvrages.
j j. L'acadjiTiie choilîra deux huiUîers qui auront la charge
Ju nettoyement & entretenement dis logjmens d^ Peinture
& de fculpture, meubles & ullenGles , d'ouvrir &: fermer la
porte , & de fervir aux autres befoins &c affaires de ladite
académie..
^4. Tout arcille , membre Je l'académie, qui fera com-
merce de tableaux , deffins , matières & meubles dellinés à
la mécanique des arts ^ ou fe mettra en fociété avec des mar-
chands brocanteurs, fera e.vc.'us de l'académie
5i. Si aucun de ceux qui compofent ladite académie , ou
^ui feront Mçus ci-après , fe petmettoient des dilcours de^^o-
bligeans & infultans pour leurs confrères , ils feront avertis,
pour la première fois , d'être plus circonfpeds ; 5: en cas de
■récidive, ils feront privés de l'entiée aux affemblées , aulTi
Jiing-teiwps qu'il fera, déterminé par l'acadcmie , d après les
circonftances.
i6. Dans le cas où quelque officier des académies provin-
ciales , affilices à racad.mie royale , fe trouveroit à Paris , il
jouira du privilège d'aflifter aux affeniblécs de l'académie
loyale , première & principale ; mais placé hors de rang , &:
fans avoir de voix aux fcrutins ; il pomta feulement rendre
compre des progrès de fon école &: des objers de diicudion
qui pourroient s'élever dans ces académi>;s provinciales, au
fujet des arts qui y font pratiqués &c enfeignés.
J7. Le concours pour les grands prix fera ouvert au com-
mencement du mois d'avril de chaque année. L'académie ,
généralement convoquée, jugera du degré de capacité nécef-
feire , fut les c quilles peintes ou delfinées pour la claffe de
la Peinture , ainli que fur celles dcflinées ou modelées pour
celle de la fculpture, qui auiont éré fjites dans l'académie
&: en préfcnce du profelTiUr du mois. Les élèves qui auiont
été ad.iiis, feront leur tableau ou bas-relief fur le fujet tiré
de l'hilloire qui leur a^ra éré donné par le profeffeur en
exercice , dans les loges préparées à cet effet danî l'académie ,
&: feront exclus du concoiits , s'ils ersploytnt aucun fecours
étranger & frauduleux. Leurs ouv;ages feront examinés pat
rac.idcrtiie avint que d-ètre expofés en public, S: feront jugés
daiis une afîemli'ée g^néralede l'académiE fp^cialènient con-
voijuée pour ce jugemenr , le dernier famedi du mois de juin.
)'è\ La diiiributiondes prix de^l'cinture & de feulpture fera
feiçe par le dircdeur Se ordonnateur gcnéraJ de nos b.uimeas ,
PÈLERINAGE. 8j
« préfente déclaration. Si donnons en mander
M ment , &c. ».
PÈLERINAGE. Ceft le voyage que quelqu'un
entreprend par dévotion pour aller prier la vierge,
un faint , &c.
Le Pèlerinage le plus célèbre parmi les chré-
tiens, étoit autrefois celui de la Terre-Sainte. Il
donna naiffance aux croifades. Le voyage de Rome
eut enfuite la vogue. Il fut un temps où l'on ne
croyoit pas pouvoir être fauve , fi l'on n'alloit
dans cstte capitale du monde chrétien vifiter les
tombeaux des apôtres. Les pères racontoient à
leurs enfans les aventures de leurs voyages , 6c
leur infpiroient le défir de les imiter. Les femmes
quittoient leurs maris, les moines leurs couvens,
pour faire cette pieufe caravane. Il ed probable
qu'ils n'en revenoient pas meilleurs; & les abu&
vifibles de ces courfes donnèrent lieu au pro-
verbe : On ne s^amende pas pour allier à Rome.
Aujourd'hui les plus fameux Pèlerinages font
celui de faint Jacques en Galice & celui de Notre-
Dame de Lorette.
Poftr obvier aux abus dont les Pèlerinages hors
du royaume font fufceptibles , nos rois ont pu-
blié différentes lois , dont la dernière eft la décla-
ration du premier aoiit 1738 , enregiftrée au par-
lement le 5 décembre de la même année (i).
dans une alTcmblée de l'acaoémie indiquée par lui , & que ,
fuiv.int les circonftances , il pourra rendre publique.
jj. Les pri-l'enî. Ilatuts S: réglemens feront lut chaque an-
née une fois , dans une des aflèmblées générales de l'acadé-
mie , atîn que pcrfonne n'en ignore ; & , dans le cis ou il y
feroit contrevenu eu quelque partie , le directeur en infor-
mera le directeur & ordonnateur général de nos b.îtimens ,.
afin qu'il prenne nos ordres fur ce qu'il conviendra ftatuer ,
fuivant l'exigence du cas , ainli que s'il fe préfencoit quelque
cas non pr' vu par le ptéfent règlement:.
40. Quoique lesftatuts & réglemens ci-delTus doivent avoir-
leur exécution , à compter de Finftant de leur pufclicaiiou
dans l'acadéiaie , cependant ii ne fera rien innové , jufqu'aui
moment des prochaines élevions, dans l'érat oii ladite aca>
demie fe trouve aûuellennent. Tous les membres qui la corn--
pofent , en quelqu" grade & quelque qualité que ce foit, con--
ferveront rerpeûivement leurs état, droits & foiiulions; mais
de cet inllant , ceux qui ne tiennent à l'académie que par le;
titre d'agréé , demeureronî fou.nis , pour obtenir celui d'aca-
démicien , aux difpofidcns de l'article 17 ci-deiTus,
(i) Certe déclarAthn -.fi ainfi conçu .
Louis, Sec. Salut. Le feu roi notre ttès-honoré fcii^neiir &
bifaïeul voulant réprimer les abus qui fe commeitoient fous
le prétexte fpérieux de dévotion & de Pèlerinage , légîa, par
fa déclaration du mois d'août IS71, les formalités qui dé-
voient être obfervées par ceux qui voudroient aller en Péléti--
nageà Saint Jacques en Galice, à Noc;e-Dauie de Lorette '.
&: aux autres lieux faint: hors du roysume , Se ordonna que"
les coH'revenans feroient arrêtés Si punis', pour ]j: premièie'
fois , du carcan ; pour la féconde , du fouet par manière de;
cartigaiion ; & que, pour h troifième , ils feroient. condam-
nés aux galères^ comme vagabonds 8e gens fan? aveu. Mais-
ceux que l'oiliveté &: kr débauche détetrainoienr à entrebren.;.-
dre ces 'O-tes de voyage", ay.-^nt trouvé le moyen de feVeofi-
traire à l'ojfervaticn des forraaliiés qui leur étoient pfefcrii-
tes , 5e aux peines dues à iei;t$ coniraventiorjs, Jèfcirrcî^
jugea àpropoi d'y pourvoir de nouveau? &, par fa (leclara--
tio^du 7 jamiet ISSÏ ,. il fit défeafts à coiu fe* fujeis d'aller-
85
PÈLERINAGE.
Suivant cette lai , aucun François ne peut aller
en Pèlerinage hors du royaume, fans une permif-
fion exprelîe du roi, l'ignée d'un fecrétaire d'état ,
en conféquence de l'approbation de Tévêque dio-
célain , à peine des galères à perpétuité contre les
hommes, & de telle peine affliflive que les juges
auront trouvée convenable , contre les femmes.
PELLAGE. Ceft un droit fingulier appartenant
aux feigneurs qui ont des terres ik ports le long de
la Seine , dans les bailliages de Mante & de Mcu-
lan ; il confifte à percevoir quelques deniers fur
chaque niuid de vin chargé ou déchargé dans leurs
ports.
PÉNITENCERIE. Ceftun tribunal ou confeil
de la cour de Rome , dans lequel s'examinent & fe
ëclivrcnt les bulles , brefs ou grâces , & difpenfes
fecrètes qui regardent les fautes cachées , &. par
rapport au for intérieur de la confcience, foir pour
l'abfolution des cas réfervés au pape , foit pour
les cenfiires , foit pour lever les empcchcmens des
mariages contraftés fans difpenfe.
Les expéditions de la Pénitencerie fe fo^nt au
notn du pape; elles font fcellées en cire rouge , &
s'cnvoyent cachetées à un do6lcur en théologie ,
approuvé par l'évcque pour entendre les confef-
fions, mais fans en défigner aucun fpécialement ,
foit par fon nom , foit par fon emploi.
Le grand Pénitencier de Rome , au nom duquel
1c bref eft expédié , enjoint au confeffeur d'abiou-
cre du cas exprimé , après avoir entendu la con-
en Pèlerinage liors du royaume fans fa perniiffion cxpreffe ,
figiice par 1 un Je ics fecrctiiies d'état & de l'es command.-
mens , lut l'appiobation des cvêques diocclains , à peine des
galères à perpttiiitc contre les hommes , & de telle peine af-
fliftive contre les femmes, qui feroic eùmce convenable par
Jes juges. Quoiqu'une loi C\ fage dût faire ceflei: enù-rement
cet abus, nous fonimes cependant inform:s qu'ils ont repris
leurs cours, & que plufieuis femmes , enfans de famille ,arti-
<ans, appreniii &: autres perfonncs , abandonneiit leurs fa-
iTiillcsôc Icu'-s piofclTions , pour mener une vie errante &
licencieufe , &: pour fortir de notre royaume fous pKtexre de
Pèlerinage. Et voulant nraiiitcnit une loi ii coiforme .i la
pureté de la religion & à l'intérêt public, nous avons jugé à
propos û'tn ordonner de nouveau l'exécution. A cts cau-
les, &c, voulons &: bous plaît: Qu'aucuns Je nos fujets ne
puifTent aller en Pèlerinage à Saint-Jacques en Ga'ice , à
Kotte-Dame de Locetcc , & autres lieux hors de notre
royaume, fans une permillion exprefle de nous , lignée ^par
1 un des fecrétaires d'état & de nos commandemens , fur l'ap-
probation de l'évèque diocéfain , s peine des galères à per-
pétuité comte ks hommes, & de telle peine affliaive contre
les femmes, qui fera eftimèe convenable parnos juges. En-
joignons pour cet effet à tous juges, magiftrats , prévôts des
maréchaux, vicefénéchaux , leurs lieucenans, exempts &:
autres officiers , maires , confuls , échevins, jurats , capitouls
&fyndicsdes villes ic bourgs de nos frontières dans Iclquel
les pafferoientlefdits Pèlerins, un mois après la publication
-4ccesprcfentes,de les artèter & condui-e dans les prifons
deflites villes & bourgs, ou , s'ils font arrêtés à la campagne,
dans celles de la ville la plus prochaine, pour leur être le
procès fait &c parfait comme à gens vagabonda Se fans aveu ,
pat les juges des lieux où ils auront été pris en première inf-
tance , & par appel en nO* cours de parlement. Si donnons
en Biandcnicnt , &c.
PÉNITENCERIE.
feffion facramenrelle de celui qui a obtenu le bref,
en cas que le crime ou l'empêchement du mariage
foit fecret. Il eft enfuite ordonné au confeiîeur de
déchirer le bref auffitôt après la confeffion , fous
peine d'excommunication, fans qu'il lui foit permis
de le rendre à la partie.
Les abfoUition» obtenues & les difpenfes accor-
dées en vertu des lettres de la Pénitencerie, ne
peuvent jamais fervir dans le for extérieur : ceci
doit fur-tout s'obferver en France , où les tribu-
naux , tant eccléfiaftiques que féculiers , ne recon-
noiflent point ce qui e(l émané de la Pénitencerie.
Le grand Pénitencier de Rome efl ordinairement
un cardinal : il a fous lui un régent de la Péniten-
cerie, & vingt-quatre procureurs ou défenfeurs de
la facrée pénitence ; il eft auflî le chef de plufieurs
autres prêtres pénitenciers , établis dans ks églifes
patriarchales de Rome, qui vont le confulter i\it
les cas difficiles.
Les expéditions de la Pénitencerie fe font toutes
gratis ^ & Ton peut fe les procurer par toutes fortes
de voies , fans aucune obligation de recourir pour
cet effet au miniflère des banquiers expéditionnai-
res en cour de Rome.
PÉNITENCERIE fe dit aufli , en France , du titre
ou bénéfice de celui qui a le pouvoir d'abfoudre
des cas réfervés dans un diocèfe. Voyez Péniten-
cier.
Par une déclaration du 13 mars 1780 , enre-
giftrée au parlement le 14 avril fuivant , le roi a
ordonné qu'à l'avenir la Pénitencerie du diocéfe de
Beauvaisdemeureroit affranchie de toute expe61a-
tive royale ou non royale , & qu'elle ne pourroit
être impétrée en cour de Rome par prévention ,
ni tranfmife parréfignation ou permutation , à peine
de nullité des provifions, mais que la difpofuion en
refieroit à l'évèque diocéfain fur tous les genres de
vacance , à la charge qu'il ne pourroit la conférer
qu'à un prêtre âgé au moins de quarante ans.
Le roi a donné une autre femblable déclaration
le premier feptembre 1781 , relativement à la Pé-
nitencerie de l'églife métropolitaine de Reims.
PÉNITENCIER. C'eflun prêtre établi dans un
diocèfe pour abfoudre des cas réfervés.
Dans l'origine, on donnoit le titre de Pénitcrt-
cier à tous les prêtres qui étoient chargés d'enten-
dre les confefTions : mais les évèques ayant dans la
fuite établi dansleurs églifes cathédrales un Péni-
tencier en titre pour abfoudre des cas réfervés , on
lui donna le titre de grand-Pénitencier ^ pour le dif-
tinguer des autres confelTeurs qui éioient appelés
Pénitenciers.
Quelques-uns font remonter l'inflitutlon des
grands Pénitenciers au pontificat du pape Corneille,
qui fiégeoit en 251. Mais Gomez prétend que cet
office ne fut établi que fous le pontificat de Benoit
II , qui fut élu pape en 684.
Quoi qu'il en foit , le grand Pénitencier eft le
vicaire de l'évèque pour les cas réfervés. Il efl or-
dinairement établi en dignité dans la cathédrale ;
PÉNITENCIER.
mais il n'a point de juridiflion dans le chœur, ni
en dehors, ni dans le diocèfe. Il a fous lu» un ou
plufieurs fous-Pénitenciers; mais ceux-ci ne font
pas en titre de dignité ni de bénéfice i ils n'ont
qu'une fimple comminion verbale du grand Péni-
tencier , laquelle eu révocable ad nuium. ^
La fonéîion de Pénitencier a toujours été regar-
dée comme fi importante, que le concile de Trente
& plufieurs conci.es provinciaux du royaume ont
ordonné que la première prébende vacante feroit
affeftèe au Pénitencier, & que cette place feroit
remplie par un pcrlonnage doué de toutes les qua-
lités néceffaires , dofteur ou licencié en théologie
ou en droit canon , & âgé de quarante ans , ou le
plus idoine qu'on pourra trouver.
Ce décret du concile de Trente a été renouvelé
par l'aflemblée de.Melun en 1 579 , par les conci-
les de Bordeaux & de Tours en 1583 , par ceux
de Bourges en 1584 , d'Aix en i<;85 de Bordeaux
en 1624 , & par le premier concile de Milan , fous
iaint Charles.
L'ufage du royaume eft que dans l'cglife où la
Pénitencerie eft un titre de bénéfice , il faut êtrj
gradu: en théologie ou en droit canon , pour la
pofféder , quand même ce bénéfice n'auroit pas
litre de dignité.
Le Pénitencier eft obligé àréfidence; c'eft pour-
quoi il ne peut pofféder en même temps un béné-
fice cure; aulTi le concile de Trente veut-il qu'il
foit tenu préfent au chœur quand il vaquera à fon
miniflère ; & fi l'on en décidoit autrement, il y
auroit abus.
La fonction d'official & celle de promoteur font
incompatibles avec celle de Pénitencier.
Le concordat comprend la pénitencerie dans les
bénéfices qu'il affujettit à l'expeâative des gradués.
Mais , fuivant l'ordonnance de 1606 , les dignités
des églifes cathédrales en font exceptées , & con-
féquemment la pénitencerie , dans les églifes où
elle eft érigée en dgnité.
Un ecclefiaOique peut être pourvu de la Péniten-
cerie par réfignation en faveur , ou par d'autres
yo'iss qui en rendent la collation néceftaire.
l oye[ leiret, traité de l'abus; Us mémoires du
clerf;é ; le traité de rexpeâativi des gradués ; les lois
eccléfiafliques de France , &e. Voyez auftl les arti-
cles Confesseur , Confession , Dispense ,
Collation , Gradué , Pénitencerie , &c.
PENSION. Ceft une fomme d'argent qu'on
donne pour être logé & nourri.
A Pcris , il eft d'ufage qu'un penfionnaire paye
fa Penfion par quartier, quand on n'a flipulé aucun
terme pour faire ce payement.
Et par arrêt du 30 juillet 1766 , le parlement de
Paris a maintenu les maîtres-ès-arts & de Penfion
de l'univerfité de Paris , dans le droit & poiTeffion
d'être payés de la totalité du quartier commencé,
pendant le cours duquel un écolier ou penfion-
naire s'eft retiré de chez eux volontairement.
La même cour a rendu un arrêt i«mblable le 17
PENSION. tj
cflobre 1799 , «n faveur du fieur de Bras , maître
de Penfion , contre le fieur Hardy de Levare.
Par un autre arrêt du 6 août 1779 » '^ même cour
a ordonné que dans les villes de (on reflbrt ou il
y a des collèges , les maîtres de Penfion , même
ceux qui font maîtres-ès-arts , fe'borneroient à faire
lire & écrire leurs penfionnaires , & à leur enfei-
gner les preruiers élèmcns de la langue latine , pour
les mettre en état d'entrer en cinquième : mais l'ar-
rêt leur a permis de faire répéter à leurs penfion-
naires & à tout autre écolier fréquentant le collège ,
les leçons de leurs profeffeurs : il a en même-temps
été ordonné que les maîtres de Penfian feroicnt
tenus de mener ou envoyer par des perfonnes fû-
tes , aux collèges établis dans les villes de leur reli-
dencs, tous leurs penfionnaires étudiant en langue
latine, qui feroient en état de fréquenter la cin-
quième.
Pension, fe dit auffi de ce qui eft ordonné ou
légué à quelqu'un pour fa fubfiftance.j
Nous parlerons ici des Penfions accordées parle
roi , & de celles qui font établies fur les bénéfice»
eccléfiaftlques.
Des Pcnjlons accordées par h roi.
Par ime ordonnance du 22 décembre 1776^, le
roi a réglé que les demandes des Penfions 6c au-
tres grâces pécuniaires ne pourroientà l'avenir être
préfentées à fa majellé que dans le mois de dé-
cembre de chaque année.
Cette difpofition a été confirmée par les lettres-
patentes du b novembre 1778, portant établilfc-
ment d'un nouvel ordre pour le payement dts
Penfions.
Cette dernière loi a d'ailleurs ordonné qu'aucure
Penfion , gratification annuelle ou autre grâce via-
gère , fous quelque dénomination que ce (m, ne
feroit plus payée à l'avenir que par le garde du
tréfor royal , que fa majefté auroit choifi à cet
eff^t ( I ). En conféquence , il a été défendu à la
chambre des comptes de pafiér en dépenfc , fous
quelque prétexte que ce fût, dans les comptes de
tout autre autre comptable , que ceux de ce garce
du tréfor royal , aucun payement de Penfions ou
autres grâces viagères (2).
(l' C'eft M- Savalète qui eft aujouid'hui chargé de ces
fori trions.
(i)Obfervex que ces règles reçoivent différenta exceptions
énoncées dans l'article 1 des lettres-parerttes dent il s'ayit &
l'article 17 de la déclaration du 7 janvier 177J. Ctt articlt ejl
ainfi conçu :
Conformémenc lux exceptions portées par nos lettres-pa-
tentes du 3 iio^enibve 1778 , nous n'entendons pas comnren-
dre dans les difpolitions de notre ptéfente déclaration , les fol-
ces &.' demi fcldes, & récompenfes militaires accorJtes pour
tetraites aux loldats & bas-ofliciers invalides , ainli que les
Penliocs ou gratirtcitions annuelles, attachées invaiiablc-
ment à différentes charges; les TuppléiDens d'appointemens '
fixes loïs de la nouvelle compoluion des troupes en 17-»^
aux me'.tres-de-camp de cavalerie , de huffudî , de di-agcVf '
& à çjuçlijues colonels cwoiraandans , colonels eu iccond Jtj
n
PENSION.
L'article 6 des mêmes lettres-patentes a réglé
qu'à l'avenir les penfionnaires pourroient recevoir
leurs Penfions fur leurs fimples quittances , fans
être obligés de foUiciter chaque année une ordon-
nance , en joignant toutefois à leur quittance vn
certificat de vie dans la forme ufitéepour les ren-
tes de l'hôtel-de-ville.
Les Penfions qui n'ont point été réclamées pen-
dant trois années confécutives , font cenfées étein-
tes , fauf néanmoins à les rétablir lorfque les pen-
fionnaires jiiflifient de leur exiflence & rapportent
un certificat du fécrétairc d'état dans le départc-
rncnt duquel leur brevet a été expédié , pour conf-
tater qu'ils n'en ont point encouru h perte, con-
formément aux ordonnances. Ccft ce qui réfulte
•le l'article ii de la déclaration du 7 janvier 1779.
L'article 12 veut que les appointemcns, traite-
inens , gratifications annuelles & autres grâces
dent jouiiTent quelques-uns des officiers ou fujets
du roi, en attendant qu'ils aient obtenu d'autres
griices , places ou emplois , foient éteints lorfqu'ils
ont obtenu les grâces ou emplois ; à l'effet de quoi
les fécrctaires d'état doivent donner , chacun dans
leur département, à l'adminiflratcur général des
finances , avis de ces extinctions , à mefure qu'elles
s'opèrent par l'efi'et de la grâce promife : la même
loi défend expreffément à ceux qui ont joui de ces
grâces conditionnelles , d'en demander le payement
à compter du jour où elles ont du cefler.
Suivant l'article 13 , les Penfions & grâces via-
gères ne peuvent être (âifies ni cédées pour quel-
que caufe & raifon que ce foit , fauf aux créan-
ciers d'un penfionnaire à exercer , après fon décès ,
fur le décompte de fa Pcnfion , toutes les pourfuites
éi diligences néceifaires pour la confervation de
leurs droits & avions , & fans préjudice des or-
dres particuliers qui peuvent être donnés par les
fécrétaires d'état , pour arrêter le payement de
quelques-unes de ces grâces , félon ce qui s'eft pra-
tiqué précédemment.
Les décomptes des Penfions & autres grâces des
départemens de la guerre ou de la marine, qui fe
trouvent dûs à la mort des penfionnaires , ne peu-
vent être payés aux veuves, enfans , héritiers ou
créanciers de ces penfionnaires, qu'en rapportant
par eux un certificat du fecrétaire d'état du dépar-
régimens d'infanterie , & autres officiers en activité , pour
les indeninifer de partie d'appointemcns qu'ils ont perdus en
paflant d'un grade à un ajtre ; (erquels iuppicmens d'appoia-
lemens s'éteindionc loilque Icfdits officiers pafleronc à des
grades fupd-rieuis ou qui:teront leur corps ; les retraites dont
jouiflenr les officiers étrangers ^ ci-devant à notre Tervice , re-
tires dans leur patrie, ôc cui font payées par la voie de nos
anibafiadeurs ; & enfin , les Penfions ou retraites accordées ,
Se qui le feront pat la fuite , aux officiers reçus à 1 hôtel des
invalidas, pourvu toutefois qu'elles n'excèdent pas quatre
cents livres par an. Le payement de toutes lefquelles grâces
continuera «'être fait par le tréforier de la guerre , comme par
le paffé. Et nous voulons aiifli que les Penlions aiiignées fur
notre domaiue de Verfailles , & dont les fonds ont une delVi-
Biition f aaiculiète , CQr*tinucnt d'être payées fur ledit fonds.
PENSION.
ment , qui conftate que les défunts font quittes en-
vers le corps dans lequel ils ont fervi , & qu'il
n'exifle aucune répétition à faire fur eux par les
départemens de la guerre ou de la marine • Se la
chambre des comptes ne peut allouer les dépenfes
de ces décomptes que fur ce certificat. Telles font
les difpofiiions de l'article 14.
Suivant la déclaration du 8 aoijt 1779 > enre-"
giflrée à la chambre des comptes le 4 feptembre
fuivant , les femmes mariées , les mineurs , les re-
ligieux & les autres perfonnes de même état qui
ont obtenu des Penfions ou d'autres grâces du roi,
font affranchis de l'obligation de fe faire autorifer
par leurs maris , tuteurs ou fupérieurs , pour la va-
lidité des quittances qu'ils donnent eux-mêmes re-
lativement à ces objets , & pour celle des procura-
tions qu'ils paffent , à. l'effet de jecevoir pour eux.
Des Penfiom établies fur les bénéfices
eccléjiajliques.
L'ufage de réferver des Penfions fur les bénéfices
aux* titulaires qui s'en démettent, eft fort ancien.
On cH a trois exemples dans le concile de Calcé-
doine , célébré en 4^ I. L'un eft en faveur de Dom-
mes , évêque d'Antioche , qui avoit été dépofé , &
à la place duquel on avoit mis Maxime. Le fécond
eft en faveur de deux prétendus évêques d'Ephèfe,
à qui le concile réferva le titre d evéque & une
penfion fur l'évéché , qui fut fixée à deux cens fous
d'or par les magiflrats impériaux. Le troifième
exe<î)ple eft celui de la Penfion que ce concile ad-
jugea â l'un des deux contendans à l'évéché de
Perrha, en maintenant l'autre contendant en pof-
feffion de l'évéché.
Jean Diacre dit que le pape falnt Grégoire ,"
mort en 604, qui étoit fort zélé pour l'obfervation
de la difcipline eccléfiaftique , vouloit qu'on don-
nât des Penfions aux évêques , lorfque leurs infir-
mités les mettoient hors détat de remplir leurs
fondions , & les obligeoient de demander des fuc-
ceffeurs. Ce pontife vouloit auffi qu'on envoyât
dans des monaftères , pour y faire pénitence , les
clercs qui avoient mérité cette peine ; mais à condi-
tion que l'églife , dont on avoit été obligé de les
faire fortir, payeroit leur Penfion.
M. Fleury & le père Thomaffin , rapportent que
faint Perpétue , évêque de Tours, défendit par fon
tellament de rétablir deux curés qu'il avoit dépofés ;
mais il ajouta , qu'il falloir que l'églife les alîifiât
dans leur indigence.
A l'exception de ces cas extraordinaires , on re-
gardoit les Penfions comme des contraventions ma-
nifeftes aux règles de l'églife, fuivant lefquelles
celui qui deffert un bénéfice doit en percevoir tous
les fruits. Mais dans la fuite on multiplia le nombre
des cas où les réferves de Penfion furent cenfées
légitimes. Le pape Alexandre III approuva ces ré-
ferves pour le bien de la paix & pour terminer les
conteflations élevées entre des eccléfiaftiques qui
pretendoient avoir droit fur un même bénéfice. On
autorifïj
PENSION.
imorlfa auffi les rèfervcs de Penfion dans le cas de
permutation, lorfqu il y avoit beaucoup d'inégalité
entre les revenus des bénéfices permutés :elhs fu-
rent encore permifes pour les réfignations en fa-
veur ( I ).
Les ambaiïadeurs de France demandèrent au
concile de Trente , que l'on condamnât toutes les
Penfioiis fur les bénéfices : mais leurs remontrances
fur ce fujet ne furent point écoutées.
Indépendamment des Penfions avec caufe, dont
on vient de parler , il y a encore les Penfions fans
caufe , c'eft-à-dire , celles qu'on accorde fur|Un bé-
néfice à ceux qui n'en ont jamais été titulaires , &
qui n'y ont eu aucun droit. Elles doivent leur ori-
gine à ce que les papes , s'étant regardés comme
les maîtres de tous les revenus eccléfjaftiques , ju-
gèrent à propos d'en réferver quelques-uns , pour
gratifier leurs domeftiques & ceux des cardinaux ,
ou les cardinaux eux-mêmes. Cet ufagc de la cour
de Rome donna lieu à nos rois , quand ils eurent
obtenu la nomination des bénéfices confiftoriaux,
de réferver des Penfions par les brevets. Mais l'or-
donnance de 1629 porte: quelUs ne feront accor-
dées que pour grandes coiJîJérations , 6* en faveur des
perfonnes eccléfid(liques jeulcmcnt.
Comme les Penfions fur les bénéfices contien-
nent une contravention à la jurifprudence eccléfiaf-
tique , fuivant laquelle le titulaire d'un bénéfice
doit jouir de tout le revenu qui y eft attaché , on
ne les rsconnoit légitimes parmi nous , que quand
elles font autorifées par le pape , qui diipenfe en
ce cas de la févérité des canons.
Cette règle reçoit néanmoins quelques excep-
tions. 1°. Le collateur ordinaire peut valablement
conftinuer une penfion ^en faveur du réfignant ,
quand la réfignation n'a eu lieu que pour parvenir
à l'union d'un bénéfice à quelqu'autre.
1°. Divers auteurs prétendent que le roi , en
P^ENSI^CÎN.
S9
Cl) F. r mule de procuration pour réjîgner en faveur avec ré-
ferve de Penfion.
Pardevanc les notaires , Src.
Fut préfent A... pticur coinaisndacaire du p ieurc de Notre-
Dame de... ordte de Saint-Benoît , diocèfe de... demeurant à
Paris, rue... p»-oifle S... lequel a fait &: coniiitué fon procu
reur général A: fpccial maître B... auquel il a donné pouvoir
de , pour lui &: en fon nom , réfigner , céder &: remettre entr^
les mains de notre faint père le pape , inonf^igaeur fon
vice-Chancelier, ou autre ayant à ce pouvoir, ledit prieure
de Notre-Dame de..., avec la commetiHe d'icclui , enfemble
fes droits, appartenances ôrdépcndaiices , pour & en favei.'r
toutefois de M... &: non d'autre, 6c fous iaréferve néanmoins
que fait ledit conllicuantde trois cents livres de rente &: pen
fion viagère fa vie durant , à lui payable par cl.acun an , fur
les fruits & revenus dudit prieuré , & ce de trois en trois
mois , à compter du jour que ledit M... fera pourvu & en pof
fellion dudit prieuré , laquelle penfion fera exempte de toute
charge ordinaire Se extraordinaire , iuipofée ou à impofcr,
fous quelque prétexte & par quelque autorité que ce foie ;
confcntii- à l'expédiiion de toutes lettres lur ce néceflaires ,
même jurer Se affirmer qu'en ce que defius il n'ctt intervenu
& interviendra aucun dol , fraude & limonie , ni autre pac-
tion illicite, &c généralement promettant, &€. , obligeant
*c. Fait & pafTe , &c.
Tome XIII,
conférant en régale fur une réfigation en faveur,
peut admettre les Penfions ; mais il ert d'ufage que
fa majeflé , après avoir conféré le bénéfice au réfi-
gnataire , renvoie en cour de Rome pour l'homo-
logation de la Penfion.
3°. Boniface rapporte un arrêt du 19 décembre
1658 , par lequel il a été jugé au parlement de Pro-
vence , que le vice-légat d'Avignon pouvoit ad-
mettre une démiflion pure & fimple entre fes mains,
avec la claufe de la réferve d'une Penfion, quand
les facultés du légat , dûment enregifirées , lui don-
noient ce pouvoir.
4°. Par arrêt du 22 mars 1728 , le parlement de
Flandres a maintenu l'évêque de Tournai dans le
droit , autorité & poffeflïon de créer des Penfions
réelles fur les cures &. fur les autres bénéfices de
fon diocéfe , pour caufe légitime & canonique. Cet
arrêt efi fondé fur ce qu'autrefois, comme l'r, dé-
montré le père Thomaffin , on confiituoit des Pen-
fions fur les bénéfices , fans avoir recours au pape ,
& que depuis il n'y a eu aucune loi qui ait léfervé
au fouverain pontife le droit de créer des Penfions ;
d'où on a conclu , que la plupart des évoques n'avant
perdu ce droit que pour n'en avoir point ufé, il
falloit le conferver à ceux qui s'étoient maintenus
dans la poiTefilon de l'exercer.
Au refie, les caufes ordinaires pour lefqueîles
une Penfion peut être établie valablement fur un
bénéfice parmi nous, font réduites à trois : la pre-
mière , qu'on qualifie pro bono pacis , ou gracia con-
Icordiœ , ou propter concordiam, a lieu quand , potir
le bien de la paix , l'un des contcndans à un béné-
fice renonce à tout le droit qu'il prétendoit fur ce
bénéfice, à la charge que celui qui rofie paifible
poffefieur lui tera une certaine Penfion.
Cette caufe paroît avoir été réprouvée par le
Pape Alexandre III, qui, confulté fur la quefiion
de favoir s'il étoit permis de tranfiger fur le liirc
d'un bénéfice qui étoit en litige, répondit qu'une
tranfaélion fuper re factâ & liiigiosâ , qui fe feroit
aiicjuo data vel retento feu proiniffo , ne feroit pas
exempte de fimonie : mais cette même caufe fe
trouve autorifée par Innocent III , qui a approuvé
la voie qu'avoient prife des arbitres, en donnant
à l'un le titre du bénéfice , & à l'autre une Penfion.
Pour qu'une Penfion pro bono pacis foit admife
parmi nous , il faut le concours de deux condi-
tions : l'une, que celui qui fe réferve la Penfion
paroifie avoir droit au bénéfice fur lequel elle eft
impofée ; ce qui fignifie qu'il doit avoir été pourvu
du bénéfice, ik que le titre qu'il en a obtenu doit
être au moins coloré : la féconde, que le litige
qui s'eft élevé ou qui eft fur le point de s'élever
entre les deux pourvus, foit férieux , c'eft à-dire .
exempt de fraude & de collufion.
On a agité la queftion de favoir fi, depuis l'édit
de juin 167 1 , on peut fe réferver des Penfions
pro bono pacis , fur les cures & fur les prébendes,
fans avoir defTervi les bénéfices pendant le temps
fixé par cet édit ? Brillon rapporte , tome i , page
M
ço PENSION.
8or , un afrêt du 9 Juillet 1711 , qui a jugé l'affir-
mative , contre l'avis de M. ravocat-géiu.ral La-
moignon : mais, malgré ce préjugé, M. Pialcs
confeille de fe pourvoir, en cas pareil, au roi,
pour obtenir de fa majefté de* lettres dérogatoires
à l'édit , quand ce ne feroit que pour rendre la
Penfîon réelle contre le fucceffeur per oiiinm.
La féconde caufe , pour laquelle la téferve de
Penflon peut avoir lieu , eft appelée , caufj refi-
gnacionis , ou propter exprejfam intentionem rejîgnan-
tis. On a confidéré qu'il étoit juftc qu'un béné-
ficier, auquel fon grand âge ou fes infirmités ne
permettoient plus de deflervir fon bénéfice, pût
en le réfignant, fe réferver une Penfion pour fub-
lifler félon fon état.
La troifième caufe, appelée caufz permutatïoms ,
a lieu dans le cas d'une permutation , quand l'un
des bénéfices permutés a plus de revenus que l'au-
tre. On permet en ce cas , que celui qui fe trouve
pourvu du bénéfice le plus confidérable , faffe une
Penfion à fon co-permutant , pour établir l'égalité
qui doit fe trouver dans un échange.
On admet encore deux fortes de Penfions fans
caufe fur les bénéfices : l'une , quand un titulaire
pacifique , confent à la création d'une Penfion fur
ion bénéfice , fans qu'il y ait eu ni permutation ni
réfignation en faveur : l'autre, quand le roi charge,
par fon brevet, d'une ou de phifieurs Penfions,
celui qu'il nomme à un bénéfice confiftorial.
Pour la validité de la première de ces deux ef-
pèces de Penfions , il ne fuffit pas qu'elle foit au-
torifée par le pape ; il faut encore des lettres-pa-
tentes homologuées au parlement , qui dérogent
fur cet objet aux libertés de l'églife gallicane.
Les Penfions créées fur les bénéfices confifto-
fiaux , ne doivent fe payer que du jour de l'homo-
logation en cour de Rome , à moins qu'il n'en foit
autrement ordonné par le brevet du roi. C'cft ce
qui réfulte d'un arrêt du règlement, rendu au con-
feil d'état le 17 juillet 1679. Cependant le même
coafeil d'état a rendu un arrêt contraire le 9 fep-
tembre 1718 , dans l'efpèce fuivante.
Le roi nomma à l'archevêché de Cambrai M.
Vabbé d'Eftrées , à condition qu'il payeroit vingt
mille livres de Penfion viagère à différens particu-
liers. M. l'abbé d'Eftrées étant mort fans avoir eu
de bulles , M, le cardinal de la Tremoille fut pour-
vu du même archevêché , à la charge des Penfions
que M. l'abbé d'Eftrées devoit payer. Les penfion-
naires demandèrent au nouvel archevêque les ar-
rérages de leur Penfion , à compter du jour de leur
brevet : ils fe fondèrent non-feulement fur les ter-
mes de ce brevet, mais encore fur un certificat du
fecrétaire d'état du roi d'Efpagne, donné le 19
novembre 1638 , qui porte que les abbés de Saint-
Vaaft , Saint- Amand , Vigogne , &c. ont payé les
Penfions aftlgnées fur le temporel de leurs maifons ,
quoique le pape ne les ait pas confirmées ; & fur
la lettre de l'archiduche/îe Ifabelle du 3 i oétobre
jôi} , qui marque à i'abbé d'Anchin de pa^er les
PENSION.
Penfions alignées fur fon abbaye , quoique le*
penfionnaires n'aient point obtenu des lettres de
confirmation. M. de la Tremoille, qui prétendoit
ne devoir payer les Penfions que du jour qu'elles
avoient été admifes à Rome , alleguoit l'arrêt de
1679 , qui établit une efpèce de droit commun fur
cette matière. Mais l'arrêt qui intervint au confeil
du roi , ordonna que les penfionnaires feroient
payés par M. de la Tremoille & par fes fucceffeurs ,
depuis le 21 janvier 1716, date de leur brevet
pour la Penfion fur l'archevêché de Cambrai. On
avoit réglé la même chofe au confeil le 10 feptem-
bre 1714 & le 29 juillet 1717, pour les Penfions
aflîgnées fur les abbayes de Saint-Paul de Verdun
& de Vigogne. Ces arrêts font fondés fur l'ufaee
particulier des provinces dans lefquelles font 11-
tués les bénéfices pour lefquels ils ont été rendus,
& fur les claufes du brevet confirmées par le pape,
qui a dérogé, conjointement avec le roi, aux rè-
gles générales.
Le grand confeil rendit au contraire, le 17 août
173Ô, contre le titulaire de l'archevêché de Nar-
bonne , & un curé pcnfionnaire fur cet archevêché ,
un arrêt par lequel il régla que la Penfion ne de-
voit fe payer que du jour de l'homologation du
brevet en cour de Rome : qu'elle étoit payable à
Narbonne , lieu du bénéfice , & que le penfion-
naire n'étoit pas obligé d'attendre les délais que le
bénéficier donnoit à fes fermiers.
Par un autre arrêt du 18 janvier 1731, rendu
entre le fieur Capet , pcnfionnaire de douze cens
livres fur l'abbaye de Saint-Jean en vallée de
Chartres , & le fieur Duprat , titulaire de cette ab-
baye , le même tribunal a jugé que la Penfion dont
il s'agit devoit fe payer du jour du brevet, quoique
le brevet ne le portât pas : mais, le 24 novembre
1730 , le fieur Capet avoit obtenu du confeil d'état,
un mois après l'aflignation , un arrêt qui portoit
que la Penfion feroit payée du jour du brevet.
Pour établir une Penfion, fondée fur les caufes
ordinaires , on doit obtenir en cour de Rome une
fignature différente de celle qui admet la réfigna-
tion ou permutation ; fi celui qui eft pourvu du bé-
néfice chargé de la Penfion, ou fon procureur,
confent à cette Penfion , on étend le confentement
au dos de la fignature : mais lorfque le pourvu n'a
pas confenti à la Penfion , il faut obtenir du pape
une difpenfe de ce confentement ( 1 ). On ob-
(I>II y a une règle de chancellerie , appelée de prttjfand»
tonfcnfu in penJJoRibus , qui veut qu'on n'expédie aucune lettre
de création &: réfervation de Penfion , fi ce n'efl avec le con-
fentement du débiteur de la Penfion ; c'cft pourquoi il en faut
demander la dérogation , quand le réfignatahe n'a pas été
préfent à la procuration & n'a pas confentt à la Penfion. En
ce cas, la fignature de Penfion eft CJtpédiée avec cette reftric»
tion : Et cum derogadone regulx de prcejland'o confenfu in pen-
Jisnihus y attenta quod refiçnatiofit in favorem abfentis .û'
orator qui verf , realicer 6" paàficè poffldet , aliter rejîgiiare
non intirdicit. Cette dérogation ne fouffre jamais de diffi-
culté quand Je rtfignaat eft paifible poOefTeur ; il n'en eft
pas de mênae quand t'çlï une ceiVion de icoin 5 U raifon ea
PENSION,
fcfve les mêmes formalités pour les Penfions fans
caufe.
Lorfqu un bénéfice eft chargé d'une Penfion ,
on ne peut plus le charger d'une nouvelle , fans
faire mention exprefle de la première dans la fiip-
plique qu'on préfente au pape pour obtenir la
iignature.
Il arrive quelquefois que celui qui réfigne en
faveur d'un tiers un bénéfice chargé d'une Pen-
fion , fe réferve une Penfion égale à la première ,
mais pour n'en jouir qu'après le décès du premier
penfionnaire. Dans le ftyle de la cour de Rome ,
on appelle cette forte de Penfion eventuia. On
qualifie de même , mais par une raifon contraire,
la Penfion qu'un des co-permutans retient fur le
bénéfice qu'il a permuté , jufqu'à ce que fon co-
permutant lui ait fait conférer un bénéfice dont le
revenu foit égal à la Penfion ftipulée par la per-
mutation.
Comme aucune réfignation en faveur , ou per-
mutation, ne peut être admife fans le confente-
ment du patron laïque , de même il ne peut
point être créé de Penfion fans fon confentemenr.
Si la préfentation appartient alternativement à
un patron laïque & à un patron eccléfiaftique , &
que le bénéfice ayant vaqué dans le tour de ce-
lui-ci , ait été chargé d'une Penfion par le pape ,
cette Penfion s'éteint quand le bénéfice vient à ra-
quer dans le tour du Patron laïque.
Suivant l'ancienne jurifprudence du royaume ,
on ne pouvoir point conftituer de Penfion fur les
bénéfices à charge d'ames; mais cette règle n'é-
toit pas fi générale, qu'on ne s'en écartât quel-
quefois , comme le prouvent les arrêts rapportés
par Tourner. Pour établir de l'uniformité fur cette
matière, Louis XIV donna l'édit du mois de juin
1671 (i). Cette loi a autorifé les titulaires pour-
eft fcnfible : car , fuppofé que le bénéfice foit litigieux , &
que le ticuliire veuille cédei- fon droit à un autre moyennant
une Peufion , il faut c^ue le ccflîonnairef confente , attendu
qu'on ne peut le charger d'un ptoccs &: d'une Penûon fans
fon confcntement.
(i) Voici cctéiit :
Louis , &:c. Salut. Bien que la création des Penfions fur
les bénéfices , cures &: prébendes qui requièrent une réfidence
&: un fervice annuel Se continuel , foit contraire à l'ancienne
difcipline de l'églife &: à la pureté Ans canons, &: qu'elles
n'aient été tolérées dam la fuite des temps que pour de ttcs-
juftes csnfidéraii Bs , particulièrement à caufe du grand âge
& de l'infitmité de ceux qui avoient defleivi long temps leurs
bénéfices , Se ne fe trouyoienrplus en état d'en faire les fonc-
tions. Néanmoins cet ufage , favorable en fon origine , a de-
puis dégcncré en de grands abus par l'ouverture qu'il a donné à
une efpcce de commerce des cures & prébendes , en les fai-
fant pafler en différentes mains , avec rétention de Penfions
cxceflives , & beaucoup au delà d'une légitime proportion ; ce
qui a mis les titulaires hors d'état de les (erviravec l'afliduité
& la décence qu'ils doivent, &: donné lieu à piulieurs con-
tedatirns fuivies de différens arrêts , tant de notre confeil
que des autres compagnies de notte royaume ; ce qui étant
diredemen: contraire à l'efprit des canons, des conciles àc
des décréiales , comme auffi aux libertés de l'églife gallicane ,
SOUS avoa: clh'tné ncccfliirc de retranchei" les abus qui t'y
PENSION. 91
vus de cures ou de prébendes ordinaires ou théo-
logales , tant dans les églifes cathédrales que col-
légiales , à les rèfigner avec réferve de Penfion ,
pourvu qu'ils les eufi^ent deffervies durant l'efpace
de quinze années , ou que des maladies ou infir-
mités connues de l'ordinaire , les euffent mis hors
d'état de continuer leurs fondions.
Le parlement de Paris a néanmoins jugé pofté-
rieurement , qu'une Penfion pouvoit être réfer-
vée fur une cure après fept années & demie de
deficrte : l'affaire fur laquelle cet arrêt a été ren-
du, eft ainfi rapportée dans la coUeâion de ju-
rifprudence.
« Le fieur Serpe , en permutant la cure de Cau-
j> vigny , dont il étoit titulaire , contre un cano-
» nicat de faint Michel de Beauvais , fe réferva
» une Penfion de deux cens trente livres , exempte
» de toutes charges fur la cure.
■» La création de Penfion fut admife à Rome ,
» où le fieur Serpe obtint une fignature conte-
>» nant la claufe ordinaire , liberèque tranfeat ad
» fucccjfores , fur laquelle le roi accorda des lettres-
j> patentes le 23 janvier 1716, contenant déroga-
11 tion à l'exécution de l'édit de 1671 , qui furent
» enregiftrées le 17 août fuivant.
i> La Penfion fut exaâement payée par le co-
» permutant du fieur Serpe : mais ce copermutant
>» étant mort , & la cure de Cauvigny ayant ère
» conférée au fieur de Dampicrre, comme gra-
» due, celui-ci refufa de payer cette Penfion, &
» prétendit qu'elle avoit dû cefl^er par la mort de
font gli(l!;s , en renouvelant les difpofîtions faites par les ca-
nons. Acescaufes, & autres confidérations à ce nous mou-
vant , de l'avis de notre confeil , & de notre certaine fcience ,
pleine puiflànec &: autorité royale, nous avons dit , flarué bc
ordonné , & par ces préfcntcs, lignées de notre main, difons ,
(latJOHS Se ordonnons , voulons & nous plaît , que ci-après
les titulaires pourvus de eûtes , de prcbendcs ordinaires ou
théologales dans les églifes cathédrales ou collégiales , ne
pourront les rèfigner avec réferve de Penfions , qu'après \tt
avoir aduellement deffervies pendant le temps &c efpace de
quinze années entières , fi ce n'eft poitr caufe de maladie ou
d'inliniiité connue & approuvée de l'ordinaire , qui les mette
hors d'état, le relie de leurs jours , de pouvoir continuer de
faire leurs fondions & defl'ervir leurs bénéfces , & fans n^an-
moins qu'audit cas les Penfions que les réfignans retiendront
puilTent excéder le tiers du revenu defdites cures & prében-
des, le tout fans diminution ni retranchement de la fomme
de trois cents livres , qui demeurera aux titulaires defdites
cures &: prébendes pour leur fubfillance par chacun an , fran-
che &: quitte de toutes charges , fans comprendre en ladite
fomme le cafucl & le creux de l'églife , qui apparricndra pa-
reillement aux curés , cnfemble les diftributions manuelle»
qui appartiendront aux chanoines. Et quant aux Penlions qui
fe trouveront avoit été ci-devant créées fut les cures & fur
les chanoiaies à: prébendes des églifes cathédtales ou collé-
giales en faveur des réfignans , noui voulons fie otdonnons
qu'elles foient réduites au tiers, fans diminution defdites trois
cents livres , ainfi qu'il eft exprimé ci-defluj , nonobftant
tous traités & concotdats pour caufe de procès, rèfignations,
permutations , demandes en regrès , faute de payement deldi-
res Penfions , & tous cautionnemens , dcfquels nous avons
dcchatgé te déchargeons les ©bligés. Si donnons en mande-
ment, &.'c.
Mij
91 PENSION.
ï> ion prédécefleur , qui l'avoit confentie.'
» Le fieur de Dampierre difoit , d'après une
« confultation de M*^. de Blaru , avocat , qu'une
j> Penfion lur une cure étoit incompatible avec
j> un canonicat qui exige réfidence : il ajoutoit ,
>) d'après une confultation de M% Fuet, que le
j> fieur Serpe ne pouvoir conferver fa Penfion , au
» moyen de ce que , depuis qu'elle étoit créée , il
j» ayoït été pourvu de bénéfices qui lui procuroient
S) largement les aifances de la vie ; les caufes de la
» î'enfion étoient ceflées, félon le nouveau cuvé,
j) 6i il en concluoit qu'il étoit bien fondé à réfuter
J5 de la continuer.
» Le fieur Serpe réj>ondoit qu'il étoit en règle ,
3> que fa Penfion éioit admife à Rome , qu'elle étoit
1) autorifée par lettres-patentes enregiftrées contra-
» di<51oirement j qu'il n'y avoit , ni canon , ni loi ,
5) ni ordonnance , ni même aucun arrêt qui dé-
>' clfirât éteinte une Penfion fur une cure , par la
5> raifon .que le penfionnaire avoir été depuis re-
}) vêtu de bénéfices fimples.
« Cette afiaire avoit d'abord été portée devant
« les juges de Beauvais : mais comme il s'agiffoit
«i de l'oppafition à un arrêt d'enregiflrement de
j> lettres-patentes, ils renvoyèrent les parties à
.»> la cour ; & par arrêt du ii mars 1733, le fieur
îi de Dampierre a été débo-uté de fon oppofition
5j & demande, & condamné à continuer la Pen-
» fion , avec dépens ».
Les tlifpofitions de l'édit de 1671 doivent avoir
lieu, non-feulement pour les cures 6c les prében-
des ordinaires 8c théologales , mais encore pour
toutes les autres dignités, perfonats , femi-pré-
bendes , vicairies , chapelles 6c autres bénéfices des
églifes cathédrales 6c collégiales qui requièrent ré-
fidence, de quelque qualiré 81 dénomination qu'ils
puiflent erre. C'eft ce qui refulre de la déclaration
du 9 décembre 1673.
Obfervez que la Penfion réfervée fur les béné-
fices énoncés dans les lois dont on vient de parler ,
ne doit point excéder le tiers des revenus du béné-
fice, llfaut d'ailleurs qu'il refte au titulaire , après'
la Penfion payée , trois cens livres franches &
quittes de toutes charges , pour fa fiibfiflance : on
ne comprend pas dans cette fomnie le cafuel fie
le creux de léglife pour les curés , ni les diftribu-
tions manuelles pour les chanoines; mais les dif-
tr'ibutions qui fe gagnent par mois ou par année , en
aîTiflant aux offices, fe comptent pour remplir les
trois cens livres, parce qu'il ne tient au titulaire
que d'en profiter, en fe rendant exaft au fervice
de fon égiife. Le parlement de Paris a rendu un
arrêt conforme à ces règles , le 22 mai 1647 » ^"*
tre le {leur Charles des Couleurs & le fieur
Jacques Proft , au fujet d'un canonicat que le pre-
mier avoit réfigné au fécond (i).
(1) Ca arrh ejl rapporté au journal du la'ais , t^mi i , pagt
^6j. Enroici h difpcfitif;
Nodîdttc cfci» , par fon Jugemens fie arrêt ^ « mis 8i met
PENSION.
On compte aufli dans l'évaluation du revenu
d'un bénéfice pour fixer la Penfion , le produit des
obits, des fondations Sc des dîmes novaies dont
jouiffent les curés , quoiqu'on n'y ait point d'égard
lorfqu'il faut fixer la portion congrue.
Pour rendre une Penfion réelle , de man.êre
que le fuccefleur de celui qui l'a confiituée en foit
chargé , on exige au parlement de Paris , que la fi-
gnature y ait été homologuée fur les conclufions
du procureur-général. Cette jurifprudence a lieu
pour toutes les Penfions établies fur les cures , fur
les canonicats 6c fur les autres bénéfices , dont les
titulaires font obligés à la réfidence. C'eft en con-
formité de cette règle , que , par arrêt du 7 fep-
tembre 1697 ,il fut jugé que le fuccefiTeur du réfi-
gnataire d'im bénéfice cure , n'étoit point chargé
de la Penfion , quoique la fignature qui l'avoit éta-
blie contînt la claufe ad fuccejfores , parce que cette
fignature n'avoir point été homologuée au parle-
ment. L'auteur des lois eccléfiafiiques de France
remarque que cet ufage peut être fondé fur ce
qu'autrefois le parlement ne perraettoit pas qu'on
chargeât les cures de Penfion , 8c qu'il faut une
efpèce de difpenfe de cet ufage , pour confiitucr
v;:!ablement une Penfion fur un bénéfice cure.
Nous avons dit que la Penfion réfervée fur les
bénéfices dent parlent l'édit de 1671 8c la décla-
ration de 1673 , ne devoir point excéder le tiers
rappellition & fenttnce de laquelle il a été appelé au néant,
émend.int , fans s'arrêter aux oifres dudit l"ro1 ,'Ie condamr.c
(.le payée audit de Cojleurs le relie des arrérages de la Pen-
fion de trois cents livres qu'il i'eil réferv.'e fut la prébende 8c
chanoinie don" eft qutllion , échus jufqu'au jour de la dé-
mande du ^ .loîit liTi , & encore du confentcment dudit
Proll, les fonuTies de foixante-leize livres d'une part, &
foixantc livres d'autre, en affirmant par ledit de Couleurs,,
pardevanc le confciiler-rapporieur , que lefdiics rommes de
loixante-ltize livres d'une parc , 5: foixame livres d'autre , lu»
font dues depuis ledit temps & jour ; &; pour l'avenir ordonne
r que ledit Ptod aura &: recevra par chacun an la fomme de
trois cents livres fiM' les fruics & revenus de ladite prébende
ciianoinie , en ce nom compris les diitributicns txiraotdinai-
ics, caCuelles &: manue'ics , qui fe font par chaque jour &:
heurts canoniales , lefquelles appartiendront enriérenient au-
dit Proft , & le furplus des gros fruits , enferable les diftiibu-
tions certaines & orJin.ir:es qui fe payent par talile , par fe-
maine , pat mois & autre temps, baillés & déliviés audit de
Coiileuis jufqu'à concurrence S: fur & rant moins de la Pen-
lîon de trois cents livres réfervée fur icelJe; le tcftint t^efqiicl-
les diftiibutions ceitaines Se oïdinaires appirtierd a audit
Proft , fi aucun y a, & à faute par lui de réfidence , f.iie te*
fondions & affifter au ferrice actuellement , sM n'a empêche-
ment légitime ; ce qui fera rayé des diliributions certaines &C
ordinaires lui fera imputé far ladite femme de ciois ccm*
livres pai an, à lui ordonnée par le préfent artêt, fi mieux
n'aime ledit Prort abandonner audit de Couleurs tous Ici
g'os f uits , diltributions certaines &' ordinaires de ladite pré-
bende, à la charge de la réfidence ci deffus ordonnée ; quoi
fai.ai.t, de Couleurs fêta tenu de payer audit Piolt lafomme
de trois cents livres , fuivant fes otFrcs portées par Cet griefi ,
ce qu'il fera tenu d'opter quinzaine après la CgnifùatioB du
prcfenr arrêt , à pecfonne ou domicile , autiçmcnc dccliu ca
Tcuu d'icdui , tcus dépens coœpenfésv
PENSION.
des revenus de ces bénéfices; mais cette règle ne
s'applique pas aux bénéfices confiftoriaux qui font
à la nomination du roi : quelque fortes que foient
IcsPenfions conftituées par le brevet dénomina-
tion, on ne les réduit jamais; le titulaire ne peut
même pas être admis à abandonner tous les fruits
du bénéfice aux penfionnaires; il faut qu'il acquitte
les Penfions en entier, ou qu'il remette le titre en-
tre les mains de fa majeflé. Telle eft la jurifpru-
dence qui s'obferve au grand confeil. Elle efl éta-
blie par pUifieurs arrêts , 6c fondée inr ce que ces
fortes de Penfions font l'effet d'une volonté fu-
préme , à laquelle les cours ne peuvent apporter
ni changement ni modification.
On ne feroit pas admis à fe réferver, au lieu
d'une Penfion , une partie des revenus du béné-
fice, ni les collations qui en dépendent, parce
que, comme lobferve Rebuffe , cela approcheroit
trop de la divifion du titre , qui , de fa nature , eft
indivifible. On m pourroit pas non plus céder le
droit de collation d'un bénéfice, moyennant une
Penfion.
Obfervez que, par une bulle d'Urbain VIII , en-
regiftrée au parlement & au grand confeil , il a été
permis aux bénédi6lins de la congrégation de faint
Maur, de donner des Penfions égales au revenu
des bénéfices , aux religieux non réformés 3i. aux
féculiers commendataires qui voudroient réfigner
les bénéfices dépendans de leur maifon , en fa-
veur d'u/i des religieux de la congrégation. L'ob-
jet de cette grâce lingulière a été de faire rentrer
ces bénlfices entre les mains de ceux à qui ils
font naturellement deflinés , & de mettre les mai-
fons en état de jouir des fruits qui en provien-
nent, fuivant la règle établie par les bulles de leur
fondation.
Les cures à portion congrue ne peuvent pas être
rcfignées avec réferve de Penfion. C'eft ce que le
parlement de Paris a jugé par arrêt du 9 juin 1736 ,
dans l'eTpèce fuivante.
Le fieur Colas, curé de Breteuil depuis quinze
ans, réfigna fa cure en 1724, en faveur du fieur
Bafin , à la charge d'une Penfion de deux cens
quatorze livres. Le pape n'ayant pas voulu fe prê-
ter à cette condition , & le réfignataire ayant ap-
pelé comme dabus de ce refus , la cour le ren-
voya pardevant l'évêque de Beauvais , qui lui ac-
corda des provifions avec cette charge. Il les fit ho-
mologuer, & prit pofleirion de la cure. Après avoir
payé la Penfion fept à huit ans , il obtint , en 1732 ,
des lettres de refcifion , & aflîgna le réfignant au
parlement, pour les voir entériner avec reflitu-
tion des arrérages , fur le fondement que la cure
étoit à portion congrue , ce qu'il juflifia par une
tranfaflion de 1692.
11 étoit prouvé que cette cure produifoit, an-
née commune , au moins fept cens livres , par
la nature des fruits indiqués au curé pour fon
gros.
M. l'avocat-général, Joly de Fleury , obferva
PENSION. 9J
que quoique la portion congrue fe payât en fruits,
qui augmentent ou diminuent félon les temps , &
que l'ade de notoriété , donné par les paroilSens
de Breteuil , portât que le produit de cette cure
alloit , année commune , à fept cens livres , elle
n'étoit pas moins à portion congrue, & que c'é-
toit à ce titre feul qu'il falloir s'arrêter. En confé-
quence , il conclut à ce qu'il fijt ordonné que la
Penfion demeureroit éteinte & fupprimée , & que
les arrérages reçus depuis la demande feroient ref-
titués au fieur Bafin.
L'arrêt cité fut rendu conformément à ces con-
dufions , & le fieur Colas condamné aux dépens.
Cette décifion doit s'appliquer à toute autre ré-
ferve de Penfion fur des cures à portion congrue.
Il n'eft pas libre au pape d'admettre la réfigna-
tion en faveur , & d'accorder des provifions au ré-
fignataire fans admettre la Penfion , parce que la
Penfion eft une condition fans laquelle la réfigna-
tion n'auroit point eu lieu.
Le pape ne peut pas non plus admettre la per-
mutation de deux cures , & rejeter la Penfion ré-
lervée à l'un des copermutans. Le parlement de
Paris l'a ainfi jugé par arrêt du premier mars
1696 , qui déclaia les provifions accordées au
contraire de cette règle , nulles & abufives. Cette
junfpriidence eft fondée fur ce que le pape eft
regardé parmi nous comme un collateur forcé ,
qui ne peut pas divifer la réfignation ni la permu-
tation , de la condition fous laquelle elles ont été
propofées.
Au refte, quand la réfignation & la Panfion font
admiies en cour de Rome , Se que le réfignataire
fait réduire la Penfion comme exceffive, le réfi-
gnant ne peut demander à rentrer dans le béné-
fice , fur le fondement qu'on n'exécute point dans
toute (on étendue la condition fous laquelle il
avoir fait fa réfignation.
Suivant l'article 50 des libertés de l'églife gal-
licane, le pape ne peut, fans abus, transférera
d'autres la Penfion qui a été créée fur un bénéfice
en faveur de quelqu'un, même du confentement
du titulaire.
On ne peut pas non plus permuter une Pen-
fion pour un bénéfice , parce qu'une Penfion n'eft
qu'un revenu purement temporel , auquel il n'y a
rien de fpirituel d'attaché.
Comme le droit de percevoir une Penfion fur
un bénéfice , forme une aélion perfonnelle contre
le titulaire , celui à qui elle eft due peut en deman-
der 29 années à celui qui a joui ou dû jouir des
fruits : mais fi le titulaire vient à mourir , on n«
doit demander à fon fuccefteur que la dernièie
année de la Penfion , attendu qu'il feroit injufte
que le penfionnaire & le bénéficier puflent laiffer
accumuler les arrérages au préjudice de ce fuc-
cefifeur.
Au parlement de Paris, & dans la plupart Je s
autres cours fouveraines du royaume, les réfiera-
taires lent autorifés à accepter les cautions que les
<)4 PENSION.
réfignans leur fourniiTcnt pour sûreté du payement
des Penfions réfervécs ; mais le grand confeil &
le parlement de Flandres ne rcconnoiffent point
ces fortes de cautions , fur le fondement que les
conventions de cette nature paroiflent trop appro-
cher des biens profanes , les Penfions dont les bé-
néfices font chargés-
Obfervez toutefois que, conformément à l'édit
de 1671 , les cautionnemens ne pourroient pro-
duire aucun effet dans aucun tribunal , fi les Pen-
fions excédoient le tiers des fruits des bénéfices
à charge dames ou fujets à réfidence , ou qu'il
ne reflât pas trois cents livres de revenu au ré-
ilgnataire.
Lorfqu'une Penfion eft éteinte , même par le dé-
faut d'homologation , la caution çefle d'être obli-
gée comme le principal débiteur.
La Penfion qui a été accordée fur un bénéfice ,
avec les formalités ordinaires , à l'ancien titulaire,
empêche qu'il ne puiffc faire ufage de fes grades
pour requérir un autre bénéfice. Mais cette règle
ne s'applique pas aux Penfions que le roi accorde
aux gradués fur les bénéfices confiftoriaux : celles-
ci ne mettent aucun obflacle à l'exercice du droit
des gradués ; le parlement de Paris l'a ainfi jugé
par arrêt du 17 août 175 i.
Les caufes qui font vaquer les bénéfices de plein
droit , comme le mariage , l'aflaflînat , la mort ci-
vile , éteignent la Penfion , parce que celui que
l'églife juge indigne ou incapable de remplir un bé-
néfice , ne doit recevoir aucune partie des fruits
qui en dépendent.
Il y a néanmoins une exception à cette règle en
faveur des chevaliers de faint Lazare. Des bulles
de Pie V & de Paul V, des années 1567 & 1607,
enregiftrées au grand confeil , en vertu de lettres-
patentes qui les ont confirmées , ont autorifé ces
chevaliers à pofleder , fans être clercs , une ou plu-
fieurs Penfions fur des bénéfices confiftoriaux ou
autres , jufqu'à la valeur de cinq cens ducats de
la chambre appoftolique : de plus , ils peuvent
conferver ces Penfions lorfqu'ils fe marient , même
en fécondes noces ; mais ils en feroient privés dans
le cas d'un troifième mariage.
On accorde aufTi quelquefois de femblables dif-
penfes à des particuliers qui ne font pas de l'ordre
de faint Lazare : c'eft ainfi que par des lettres-pa-
tentes du mois de feptembre 1668, confirmatives
d'un bref du pape du 11 août précédent, il a été
acccrdé difpenfe & permiflîon à Henri de Bour-
bon , duc de Verneuil , pour pofféder cent mille
livres de Penfion fur toutes fortes de bénéfices du
royaume, Se en jouir , même en fe mariant une ou
plufieurs fois.
Par d'autres lettres-patentes, confirmatives d'un
bref d'Innocent XI , il fut réfervé fur l'évêché de
Cahors , une Penfion de dix mille livres de rente
au comte de Marfan , pour en jouir fa vie durant ,
même au cas qu'il époufàt une veuve & qu'il con-
traâât fuccefllvement plufieurs mariages. L'évê-
PENSION.
que , fuccefîeur de celui qui avoit confentî la Pen-
fion , interjeta appel comme d'abus du bref, & for-
ma oppofition à l'arrêt d'enregiftrement des lettres-
patentes ; mais, par arrêt du 15 feptembre 1683,
le grand confeil maintint le comte de Marfan dans
)a jouiflance de fa Penfion. Cet arrêt fe trouve au
journal des audiences.
Quoique la promotion à l'épifcopat fafl*e va-
quer de plein droit les bénéfices dont le nouvel
évêque eft pourvu , nos tribunaux jugent , contre
la difpofition des bulles de Léon X & de Clément
VU, que cette promotion n'éteint pas les Penfions
fur les autres bénéfices; la raifon en efi, qu'une
Penfion n'eft point regardée en France comme un
bénéfice , attendu qu'on ne permet pas de la réfi-
gner , comme cela lé pratique en Italie.
C'eft conformément à cette jurifprudence , que ,
par arrêt du 14 janvier 1661 , le parlement de Pa-
ris a jugé que M. Tubeuf , évêque de faint Pons ,
étoit tonde à fe faire payer de la Penfion qu'il s'é-
toit réfervée fur la cure de faint Sulpice de Paris.
Obfervez néanmoins que la déclaration du 7 jan-
vier 1681 , concernant l'incompatibilité des béné-
fices , a été fuivie de plufieurs arrêts des parlemens
de Paris & de Rouen , qui ont privé de leurs Pen-
fions les pourvus de bénéfices incompatibles avec
ceux fur lefquels ils avoient des Penfions , lorfque le
bénéfice dont ils jouifi!bient étoit reconnu fuffifant
pour leur fubfiftance.
On a agité au grand confeil la queftion de favoîr
fi labbé, général de Grandmont, avoit pu retenir
la Penfion qu'il avoit fur un prieuré de fon ordre,
par lui réfigné fous cette charge avant d'être élu
général. De la part du réfignataire qui conteftoit la
Penfion , on diibit , qu'aux termes du chapitre cùm
finguU , dpprebendis 6» dignitatibus , in fexto , un re-
ligieux ne peut avoir de droit fur plufieurs bénéfi-
ces ; que l'abbé de Grandmont étant en certains
cas eollateur des prieurés de fon ordre, il ne pou-
voit avoir de Penfion fur ces bénéfi«es, fans pofte-
der en même temps la mère & la fille. On ré-
pondoit, de la part de l'abbé de Grandmont, que
le chapitre cùm finpiU défend aux religieux de te-
nir en même temps plufieurs bénéfices fans dif-
penfe ; mais qu'il ne parle point de la Penfion des
bénéfices j qu'on ne doit point étendre la difpofi-
tion de ce chapitre d'un cas à un autre. On raifon-
noit de la même manière fur le fécond moyen , &
on difoit , que quand même on regarderoit l'abbé
de Grandmont comme eollateur des prieurés de
fon ordre , parce qu'il difpofe des quatre premiers
qui vaquent après fa promotion au généralat , on
ne pourroit lui difputer la Penfion qu'il s'eft ré-
fervée fur un de ces prieurés , parce que les lois
qui défendent de tenir deux bénéfices , dont l'un
rend eollateur de l'autre, ne s'étendent point aux
Penfions qui ne doivent point être regardées com-
me des bénéfices. L'arrêt qui intervint au grand
confeil fur cette conieftation , au mois de juin
1682, conferva la Penfion au général de Grand-
PENSION.
biont. On avoit déjà rendu au grand confeil un
arrêt femblable en 1654 , en faveur d'un autre gé-
néral du même ordre.
Les Penfions peuvent s'éteindre par un rachat ,
de la manière fuivante : le penfionnaire pafie avec
le bénéficier un concordat par lequel celui-ci s'en-
gage à payer à l'autre cinq , fix ou fept années de
la Penfion : ce concordat s'envoie enfuite à P^ome ;
& quand le pape l'a autorifé , la Penfion s'éteint
par le payement convenu (1).
Mais celui qui a obtenu une Penfion fur un bé-
néfice, peut-il valablement la vendre à un tiers?
Voyez la décifion de ce piiint de jurifprudence à
rarikU Simonie.
L'édit du mois de décembre 1691 , veut que
les fignatures de la cour de Rome pour la créa-
tion ou pour l'extinâion d'une Penfion , & les
procurations pour y confentir, foient infinuées
au greffe des infinuations eccléfiafiiques du dio-
céfe où les bénéfices font fitués , dans trois mois ,
à compter du jour que les banquiers ont reçu les
fignatures.
Foye:^ Glgas , de Penfion. Rtbtiffe ,fur le concor-
dat ; Pinfon , de Penfion. Fcvret , traité de l'abus ;
les lois ecclcfijjliques de France ; Chopin , de facr.
polit. Fuet , traité des matières bénéficiales ; le re-
cueil de jurifprudence canonique'^ Gohard ^ traité des
bénéfices ; le journal des audiences & celui du palais ;
Brodeau fur Louet ; les libertés de l'églife gallicane ;
les arrêts de Brillon ; les mémoires du clergé ; Du-
noyer^ fur les définitions canoniques ; le traité des
ufages & pratiques de la cour de Rome ; Van Efpen ,
jus ecclef. univ. ; les œuvres de Duperray & celles
de Piales ; bibliothèque canonique , &c. Voyez auffi
les articles Bénéfice, Collation, Évêque,
Pape, Incompatibilité de bénéfice, Résigna-
tion , Permutation , Regrès , &c.
PNESION VIAGÈRE CONSTITUÉE sans titre.
Une Penfion viagère eft , comme l'on fait, une
rente fans capital , conftituée au profit de celui
11) Formule de procuration pour rextinSlion d'une Penfion
en conféquence du rachat.
Fardevanc les notaires , &'c.
Fut préfcnt A... prêtre du diocèfe de— demenrant à.,, an-
cien prieur commcndataire du prieuré de... Jeque] a fait, conf-
titué fon procureur général & fpécial M... auquel il a donné
pouvoir de , pour lui &: en fon nom , confentir en cour de
Rome l'extinftion &c amortiflement de la Pentîon de cinq
cents livres par chacun an, crééeàfon proht en cour de Rome,
Jors de la rélignation par lui faice dudit prieuré en faveur de
T... à condition néanmoins par le it fieuc T... débiteur de
Jadite Penfion , à ce préfent & acceptant , demeurant... de
payer audit fieur conflituant , comme il s'y oblige par ces
prélentes en fa demeure à.... ou au porteur des préfentes ,
auliitét après l'homologation en cour de Rome de la préfente
extindion de Penfion , la fomme de trois mille cinq cents
livres pour fept années de ladite Penfion , en conféquence de
cjuoi ledit T... &: fes fuccefieurs audit prieué en demeureront
bien Se valablement quittes S: déchargés ; donnant les patries
refpedlivcnicnt pouvoir audit fieur procureur de jurer &: af-
firmer qu'en la préfente cftimation de Penfion , il n'eft in-
tervenu &z n'interviendra aucun do! , & rien de fimonia-
que , &C.
PENSION. ^$
qu'on veut gratifier , ou dont on veut reconnoître
les fervices.
Un tel afle de libéralité, qui n'a d'autre prin-
cipe qu'une volonté libre , qui n'eft commandé que
par un fentiment de bienfaifance , n'auroit pas be-
foin, en apparence, d'être affujetti à toutes les for-
malités des autres engagemens : qwi pourroit pré-
fumer que celui qui promet dans un temps de payer
annuellement une Penfion à un vieux ferviteur , à
fon ancien inftituteur, oubliera dans un autre cette
parole facrée , & refufera d'y fatisfaire ? L'héritier
du confiituant pourroit-il le faire ? Pourroit-il allé-
guer qu'une Penfion payée fans titre conftitutif &
obligatoire, n'a été qu'une libéralité annuelle , qu'il
a dépendu de fon auteur , & qu'il eft lui-même le
maître de fupprimer à volonté ?
Cette quefiion , affez rare dans les tribunaux,
s'eft préfentée au châtelct de Paris en 1784. En
voici l'efpèce. Ce détail , de notre part, fera d'au-
tant plus fidèle , que nous avons été fur le point
de prendre part à|la décifion , & que nous avons,
en ce moment, fous les yeux les mémoires que
les parties ont fait refpeâivement imprimer pour
leur défcnfe.
Le fieur Cavelier avoit été choifi , par le fieur
Randon père , pour préfider à l'éducation du fieur
Randon de Launay , l'un de fes fils.
Le fieur Randon , craignant que le féjour de la
maifon paternelle ne fût un objet de diflratîtion trop
habituel , voulut , contre l'ufage ordinaire des gens
opulens , que Ion fils demeurât chez fon inftitu-
teur. Le fieur Cavelier avoit donc reçu chez lui le
fieur Randon de Launay à titre de penfionnaire,
moyennant 3500 livres par an pour la dépenfe de
la maifon , & 1 200 livres pour fes honoraires.
Le fieur Randon de Launay avoit demeuré en
conféquence chez le fieur Cavelier, depuis le mois
de mars 1759 jufqu'au premier ou au 2 feptembre
1764 ; ce qui fait cinq années.
A cette époque, le fieur Randon père, ayant
repris chez lui le fieur Randon de Launay fon fils ,
dit au fieur Cavelier -. « en reconnoiftannce de»
3» peines & foins que vous vous êtes donnés pour
» mon fils , il vous fait une Penfion de 300 liv. ».
Au moins , cette promefle 8c ce difcours étoient
allégués dans la caufe par le fieur Cavelier.
Quoi) qu'il en foit , le fieur Randon père étant
mort, le fieur Randon de Launay fon fils, conti-
nua de payer cette Penfion , & elle fut accquittée ,
avec exaâitude, jufqu'au premier mars I774, qu'elle
éprouva une première fufpenfion. Le fieur Cavelier,
s'étant plaint , reçut du fieur de Launay , le 27 juil-
let 175 1 , une lettre conçue en ces termes : « Votre
» lettre du 21 juillet, moucher Cavelier, eft venue
H me trouver à Chili , auprès d'Orléans , où je fuis
n depuis quelques jours; j'arrive de mes terres de
M Bourbonnois , & je compte refter ici jufqu'en-
V viron la Notre - Dame d'août , après quoi je
» compte pafTer par Paris , pour aller m'établir à
c)6 PENSION.
>» Verneuil iufqu'à la fin de novembre; je continue
5> à me bien porter ; je ferai fort aife de vous voir
1» à mon pafTage à Paris ; à l'égard de votre Pen-
« fion , j'ai été forcé de la mettre une année en
» arrière; j'en fuis fâché, mais j'y ai été forcé.
•n D'ailleurs , s'il y a jour à vous payer plutôt , je
n franchirai , avec grand plaifir, en votre faveur,
» la règle que je me fuis prefcrite. Dites bien des
V chofes pour moi à votre femme ; adieu, mon
« cher Cavelier , je vous embraffe. Signé, de
j> Launay ».
En 1778 & 1779, le fieur Cavelier reçut les deux
années échues en 1776 & 1777 ' '^^^ avoient effuyé
quelque retard ; & ce n'eft que fur les années fui-
vantes qu'eft tombée la ceflation entière des paye-
niens.
Il faut obferver que le fieur Cavejicr donnoit
une quittance , chaque fois qu'on lui remettoit cette
femme de 300 livres.
Le fieur de Launay ayant été afligné , on a pré-
tendu pour lui , lors de la plaidoierie de la caufe
& dans le mémoire qui a été imprimé pour fa dé-
fenfc , que la femme de 300 livres n'avoit été
payée annuellement au fieur Cavelier qu'à titre de
gratification & non pas de Penfien : que la lettre
miflive , dont argumentoit le ficur Cavelier, ne
prouvoit aucun engagement, & que le mot de
Perijîon qui y étoit employé étoit vague , & ne
pouvoit en conftituer une ; que les quittances don-
nées à l'homme d'aÉFaire du fieur de Launay ,
n'avoient été exigées que pour la décharge de ce
comptable envers fon commettant ; qu'enfin , le
fieur Cavelier étoit fans droit dans fa demande,
puifqu'il n'avoit aucun titre , & qu'il ne tenoit rien
que de la libre reconnoifTance du fieur Randon
de Launay.
De la part du fieur Cavelier , il fut répliqué que
le fieur de Launay étoit tenu de l'engagement con-
traélé par lui , fous l'autorité & par l'organe de (^n
père ; que cet engagement pour n'avoir point été
écrit, n'en étoit pas moins obligatoire; & que
riViUeurs le fieur cle Launay lui-même avoir ratifié
cet engagement , par le payement qu'il avoir fait
de cette Penfion pendant quatorze années , & par
la lettre qu'il'avoit écrite au fieur Cavelier , pour le
prier d'excufer les retards qu'il lui faifoit éprouver.
■ A l'appui de ces circonf^ances, les défenfeurs
du fieur Cavelier , M^ Dandafne & M" Hardouin
de la Reynerie , invoquèrent l'opinion d'un jurif-
confulte , Papinien, fur une efpèce abfolument
femblable : Aquilius Regulus , jeune Romain , écrit
a fon précepteur Nicoflrate , & après lui avoir rap-
pelé que , par fes inflruélions & fes foins . il l'a
rendu meilleur, il lui dit, qu'en reconnoifTance,
il lui accorde un logement chez lui. Quoni^m 6*
cum pâtre meo femper fuifli 6» me cloquentiâ 6* dili-
gentia tua meliorem reddidijîi , dono & permhto tibi
hdbitare in illo cœnaculo eoque uti. Nicofljate regarda
ggtte lettrç comme l'affurancc d'unlogemçntpcn-
PENSION.
dant fa vie dans la maifon de fon difciple. Aqui-
lius Regulus n'auroit pas trompé fes efpérances ,
mais il mourut ; 8c l'héritier entreprit de contefter
le logement , fous prétexte que c'étoit une dona-
tion qui n'étoit point revêtue des formalités requi-
fes. Papinien , confultè , répond que Nicoflrate
doit conferver ce logement, parce que ce n'efl
point une donation pure & fimple que Regulus a
entendu faire à Nicoflrate ; mais les bons ofHces
d'un maître qu'il a prétendu récompenfer : Dixipojfe
dcffendi non meram donationem veriim oficiurn ma-
gijhl quadam mercedc r.-muneratum Regulum , idco que
non videri donationem fequentis tcmpoiis irritam ejfc.
Ce (ont les propres termes du/urifconfuke, infcrits
dans le digefle , au titre de donationibus , lib. 39 , tit.
5 > leg- 27.
La Glefe dit , fur cette loi , que ces fortes de
récompenfes font le payement & l'acquit d'uae
dette. Ideo dicitur dcbiii Jolutio.
Par fentence rendue au préfidial dachâteletde
Paris, le 30 janvier 1784, plaidants M" Thorel
pour le fieur de Launay , & M'' Hardoin de la
Reynerie pour le fieur Cavelier , le fieur de Launay
a été condamné a continuer, au ficur Cavelier, le
payement de la Penfion viagère de 300 livres , &
aux dépens. ( Article de M. Boucher d'Argis,
confeiller au châtelet , & membre de l'académie de
Rouen, &c.
PÉPINIÈRE. Plant de petits arbres;
Suivant l'article 516 delà coutume de Norman*
die, «les Pépinières, chefnotières , haiflrières ,
» oulmières , & autres jeunes arbres provenus de
j> plant ou de femence , & tenus en réfervoir pour
» être tranfportés, fuivent le fonds. Néanmoins
» les vcufves ufufrultières, & autres héritiers, pren-
» nent part aux Pépinières comme aux meubles,
» advenant la diflblution du mariage en l'année
» qu'elles doivent être levées ».
Et, fuivant l'article 517, les fermiers qui ont
planté ces Pépinières ou jeunes arbres , peuvent
les enlever après leur bail expiré, en en laifTant
la moitié au propriétaire : mais il faut pour cela
qu'elles aient été faites du confentement du pro-
priétaire ou fix ans avant la fin du bail ; autre-
ment le fermier ne pourroit répéter que fes frais
de culture.
Pour afTurer le fuccès & augmenter rutlllté des
Pépinières établies dans quelques généralités du
royaume, le feu roi rendit, le ^ février 1767,
en fon confeil d'état , un arrêt qui contient les dif-
pofitions fuivantes :
» Article i. Il fera établi à la Rochette, près
5> Melun , une Pépinière de plants foreflisrs , d'ar-
V bres fruitiers, d'arbres étrangers, d'arbres d'ali-
» gnemens , lefquels feront difiribués gratuite-
j> ment ; favoir , les arbres fruitiers princioale-
w ment aux gens de la campagne , & toutes les
5) autres efpéces d'arbres , à ce.ix qui fe propo-
n feront de faire des plantations. Cette Pépinière
iera
PÉPINIÈRE.
» fera cultivée par cinquante enfans trouvés ,
« choifjs dans le nombre de ceux de l'hôpital gé-
»> néral de Paris , & dont Tinlpedeur de ladite
« Pépinière , ci-après nommé , fournira fa recon-
» noiiTance pour la décharge des fieurs adminflra-
» teurs dudit hôpital.
" 2. Lefdits enfans trouvés feront inftruits dans
» la culture de toutes les efpèces de plans , ik fe-
» ront tirés de ladite Pépinière pour cultiver en-
» fuite les autres Pépinières que fa majefté fe
» propofe d'établir dans différentes provinces du
M royaume.
» 3. Pour parvenir à former lefdites Pépinières,
» l'infpedeur dreffera des mémoires qui feront re-
» mis aux commi/Taires départis pour l'exécution
» des ordres de fa majefté dans lefdites générali-
» tés , pour donner leur avis , & éire en fuite lef-
>» dits mémoires envoyés au fieur contrôleur gé-
»» nérai des finances , poNr être par fa majeflé fta-
w tué ce qu'il appartiendra.
>» 4. Il fera établi dans les Pépinières qui vont
w être formées en exécution du préfent arrêt, un
" maure pépinier qui fera prcfenté par l'ii.fpec-
» teur , & agréé , s'il y a lieu , par le commiflaire
» départi pour l'exécution des ordres de fa majefté
» dans chaque généralité , & il fera fourni audit
}y pépinier, par ledit infpeéleur, quatre enfans-
« trouvés , de l'âge de douze à quinze ans , pour
J> être lefdirs enfans nourris & entretenus par le-
« dit pépinier , conformément aux règlemcns du-
» dit hôpital général , & être par lui employés
" aux travaux de fa Pépinière, jufqua ce qu'ils
» aient atteint l'âge de vingt-cinq ans.
'» 5. Ceux qui feront nommés par la fuite maî-
» très pépiniers , feront choifis de préférence par-
» mi les élèves de la Pépinière établie à la Ro-
» chette ; à l'eftet de quoi l'infpe£leur formera cha-
» que année un état des fujets qu'il jugera pro-
" près audit emploi , lequel état fera remis au fleur
» contrôleur général des finances, pour être par
» lui pourvu aux demandes que pourront en faire
j» les commiflaires départis pour l'exécution des
» ordres de' fa majefté.
M 6. S'il y a lieu de changer ou de remplacer
M lefdits pépiniers , il y fera pourvu par le ficur
» contrôleur général des finances , fur l'avis des
n commiftaires départis ; & lefdits maîtres pcpi-
» niers ne pourront renvoyer les enfans qui tra-
» vailleront dans leurs Pépinières , qu'après en
« avoir préalablement averti lefdits commiftaires
j> départis , & fur leurs ordonnances , que lefdits
» pépiniers feront tenus de faire pafter à l'inf-
M peélion , qui les remplacera auflî-tôt par de nou-
j» veaux fujets.
» 7. Lefdirs enfans employés aux Pépinières ,
n ne feront libres d'en fortir qu'à l'âge de vingt-
» cinq ans , auquel temps & fur le compte qui
V fera rendu nu fieur contrôleur général des fi-
» nances par lefdits commiftaires départis , de
» leur capacité & bonne conduite, ou ils feront
Tome XUI,
PÉPINIÈRE.
97
» placés en qualité de pépiniers, ou s'il y a lieu,
H il leur fera accordé une gratification de trois
» cens livres fur le fonds que fa majefté deftinera
» à cet eftet.
» 8. Le fonds de chaque Pépinière fera diftribué
» par l'infpeileur , de façon qu'elle puifte fournir
)i annuellement dix à douze mille pieds d'arbres ,
» & cent cinquante milliers de plans foreftiers ,
)> pour la culture & entretien de laquelle il fera
» donné des gages au pépinier, qui fera tenu de
» nourrir &: entretenir à fes frais les quatre en-
» fans-trouvés attachés à la Pépinière.
» 9. Les gages du pépinier feront fixés à douze
>' cens livres , & réduits à huit cens livres lorf-
» qu'il commencera à livrer des plans de la Pé-
» pinière ; & alors il lui fera payé, par les per-
» l'onnes à qui il fera accordé des arbres ou plans,
» un fou pour arracher chaque pied d'arbre , &
" vingt-quatre fous pour arracher chaque millier
» de plans foreftiers.
» 10. Aucun pépinier ne pourra délivrer d'ar-
» bres ni de plans que fur les ordonnances des
» commilTaires départis, lefquels fa majefté charge
» fpécialement de veiller , à ce que par chaque
» pépinier il foit fait un fonds de mille arbres frui-
» tiers par an, pour être lefdits arbres fruitiers dé-
» livrés gratuitement, &. par préférence, aux gens
» de la campagne.
» 1 1. Chaque pépinier enverra tous les ans , au
» mois d'aoijt , à Tinfpe^leur , un état de toutes
j» les fournitures qu'il pourra faire , de leurs qua-
» lité & quantité ; & fera tenu de remettre un pa-
»> reil état au commiftaire départi , qui l'enverra
» avec fon avis au fieur contrôleur général des fi-
n nances , pour être chaque fourniture fixée S«: ar-
'» rêtée, 6i ledit état renvoyé cnfuite au commif-
» faite départi, pour qu'il délivre des ordonnances
» en conféquence.
» 12. Chaque pépinier pourra cultiver pour fon
»» compte jufqu'à la concurrence de trente perches
« de Pépinière d'arbres fruitiers ou étrangers , qu'il
» pourra vendre à fon profit, toutefois après la
» fourniture arrêtée du fonds de mille pieds d'ar-
)i bres porté par l'article 10 ci-deftîis ; il lui fera
» libre auflî de cultiver deux arpens de terre , à la
» mefure de 20 pieds pour perche , & cent perches
» pour arpent, pour enfemenccr en blé ou légu-
j> mes pour fa nourriture , à la charge d'en payer
») le loyer à fes frais ; mais aucun pépinier ne
» pourra faire valoir d'autres fonds , îoit en pro-
I) priété , foit à ferme , loyer ou autrement.
» 13. N'entend fa majefté comprendre dans les
I» difpofitions du préfent arrêt , les Pépinières de
» miiriers blancs , fur lefquelles il fera particu-
» lièrcment ftatué parla fuite, ni les Pépinières
» royales de la généralité de Paris & autres , qui
» continueront d'être adminiftrées ainfi que par le
» pafte n.
PÈRE. C'eft celui qui a un ou plufieurs enfans.
Les Pères 6i les mères doivent des alimens à
" N
c)8 PÉREMPTION,
leurs enfans, foit naturels, foit légitimes, du moins 1
jufqu'à ce qu'ils foient en état de gagner leut vie.
Les enfans doivent aufli des alimens à leur Père
& à leur mère , au cas que ceux-ci tombent dans
l'indigence.
Chez les Romains , le pouvoir des Pères fur leurs
enfans étoit extrêmement étendu ; ils dévoient tuer
ceux qui leur naiflbient avec des difformités confi-
dérables ; ils avoient aufli droit de vie & de mort
fur ceux mêmes qui étoient bien conftitués , & ils
pouvoient les vendre ; ils pouvoient aufll les expo-
fer &. leur faire fouffrir toutes fortes de fupplices.
Les Gaulois & plufieurs autres nations prati-
qnoient la même chofc ; mais ce pouvoir trop ri-
goureux fut reftreint par la fuite , & préfente-
ment les Pères n'ont plus fur leurs enfans qu'un
droit de correction modérée.
Les enfans doivent porter honneur & refpe<fl à
leur Père & à leur mère.
Les Pères font obligés de doter leurs enfans , &
fmgulièrement leurs filles ; mais cette obligation
naturelle ne produit point d'adlion civile.
Le Père & le fils font cenfés une même perfonne ,
foit par rapport à leur fuffrage ou témoignage ,
foit en matière de donations.
La fucceflîon des meubles & acquêts des enfans
décèdes fans poftérité , appartient au Père & à la
mère, comme plus proclies parens,
L'article 251 de la coutume d'Anjou eft ainfi
conçu : « Si femme noble fe fait dépuceler hors
» mariage , avant l'âge de vingt-quatre ans , &
»> en foit atteinte , elle pourra être privée par le
» Père & mère, aïeul ou aïeule, de leurs fuc-
>» ceffions ».
L'article 269 de la coutume du Maine ne diffère
du précédent , qu'en ce que l'âge de vingt-quatre
ans fpécifié par celui-là, eft fixé à vingt ans par
celui-ci. Foyei Enfans , Puissance paternelle ,
Mariage , Dot , &c.'
PÉREMPTION. C'eft une efpèce de prefcrip-
tion qui annulle les procédures des affaires civiles ,
quand il y a eu difcontinuation de pourfuite pen-
dant trois ans.
La Péremption tire fon origine de la loi prope-
r^ndum, au code de judiciis, fuivant laquelle tous
les procès criminels dévoient être terminés dans
deux ans , & les procès civils dans trois ans , à
compter de la conteftation en caufe.
Cette loi a toujours été fuivic en France , com-
me le prouve l'ancien flyle du parlement de Paris,
mais avec cette différence, qu'anciennement la
Péremption avoit lieu par une difcontinuation de
procédure pendant un an , à moins qu'on] n'eût
obtenu des lettres de relief contre le laps d'une
année.
Dans la fuite ,1a Péremption ne fut acquife qu'au
bout de trois ans.
Suivant l'article lao de l'ordonnance de 1^39,
il ne devoir point être expédié de lettres de relève-
ment de la Péremption d'injlance»
PÉREMPTION.
Et l'article 15 de l'ordonnance de Charles IX ,'
de l'an 1563 , porte , que rinjlance intentée , encore
quelle foit contejlée , fi par le laps de trois ans elle ejî
difconiinuée , n'aura aucun ejfet de perpétuer ou proro-
ger radian ; mais aura la prefcription fon cours, com-
me fi ladite injlance n avoit été formée ni introduite ,
if fans quon puiffe prétendre ladite prefcription avoir
été interrompue.
L'article 91 de l'ordonnance de 1629, a ordon-
né que la loi que nous venons de rapporter feroit
exécutée dans tout le royaume. Mais comme l or-
donnance de Charles IX n'a point été enrcgiftrée
au parlement de Grenoble , la Péremption d'inf-
tance par le laps de trois ans n'y a pas lieu. C'cft
ce qu'atteflent Baffet & Expilly.
La Péremption d'inftance n'a pareillement pas
lieu en Franche -Comté, fi ce n'eft après trente
ans , félon le témoignage de Dunod dans fon traits
des prefcriptions,
La Péremption de trois ans n'a pas lieu non plus
en Artois, comme le prouve un afie de notoriété
du confeil provincial d'Artois du 24 novembre
1691. Cet ufage de l'Artois a été confirmé par un
arrêt de la grand'chambre du parlement de Paris,
du 5 janvier 1734 : mais il y a dans cette pro-
vince l'interruption annale, qui équivaut à la Pé-
remption. Ainfi lorfqu'on a laiffé écouler un an fans
faire de procédures dans une affaire commencée
par commiffion , ou par exploit , & qui n'eft pas
appointée , on regarde la procédure comme non
avenue.
Aux parlemens de Bretagne & de Normandie ,
on n'admet la Péremption que qnand «lie emporte
la prefcription entière de l'aftion. C'eft ce qu'attef-
tent Menelet dans fon trahé des Péremptions , §• 6,
& Hevin fur Frain , dans l'annotation fur le cha-
pitre 83 , nomb. 20.
Dans une differtation faite pa> M. Nudpied fur
les Péremptions , & inférée au tome 5 du journal
des audiences, on lit qu'en Bretagne la Péremp-
tion d'un appel ne s'admet que quand l'aftion eft
prefcrite ; cela eff néanmoins contraire à l'ordon'
nance de 1667 , qui fait paffer en force de chofe
jugée la fentence dont l'appel eft périiné.
Au parlement de Bordeaux, un fimple exploit
non fuivi de procédure, tombe en Péremption par
le laps d'un an. C'eft ce qu'a remarqué Boucheul
! fur l'article 372 de la coutume de Poitou.
Au parlement de Touloufe, les arrêts interlo-
cutoires étant regardés coinme des afles d'inftruc-
tion , en exécution defquels il dépend des parties
• d'agir, ils font fuiets à la Péremption : mais fi
l'arrêt contient quelque chef qui foit jugé défini-
tivement, ce chef proroge pendant trente ans le
' temps de l'interlocution. Cet ufage eft fondé , fe-
' Ion Graverol , fur ce que l'arrêt interlocutoire qui
juge définitivement quelque chef, eft un aâe in»
divifible à l'égard de la prefcription.
Albert rapporte un arrêt du 9 février 1645 ,
i par lequel cette cour a jugé qu'un arrêt qui or-
PÉREMPTION.
donnoît le fequcftre, étoit un ade d'inftru£lîoff,'
& que par conféquent, il étoit fujet à la Pé-
remption.
Suivant la jurifprudence du même parlement ,
une inftance n'eft pas fujette à la Péremption de
trois ans , mais feulement à la prefciiption de
trente ans , lorfque la caufe a été mife au rôle ,
ou que le procès eft remis entre les mains du
rapporteur.
Obfervcz toutefois qu'il en feroit différemment
fi rinftance étoit pendante aux requêtes du palais ;
la Péremption y a lieu quand même le procès eft
entre les mains du rapporteur.
Il eft auiïi d'ufage dans la même cour , que le
décès d'une des parties ou d'un des procureurs ,
avant que la Péremption foit acquife, fuffit pour
interrompre cette forte de prefcription.
Par arrêt du 6 mai 1730 , il a été jugé au même
parlement , que la Péremption pouvoit être oppo-
sée par la partie même dont le procureur avoir le
procès en communication , attendu qu'on ne l'a-
voir pas mis en demeure de le rendre.
Il eft encore d'ufage dans ce parlement, que
les clameurs, les lettres de rigueur, les commit-
timus & les commandemens de payer , tombent
en Péremption par le bps d'un an , quoique les
faifies & les ailignations fubfiftent pendant trois ans.
Dans le même parlement, les faifies d'hérita-
ges , quoique fuivics d'établifTement de féqueftres ,
font affujetties à la Péremption de trois ans ; mais ,
au parlement de Paris, le feul établiffement de
commiflaire empêche la Péremption.
Tous ces ufages du parlement de Touloufe font
atteftés par Vedel, Catclan & Graverol.
On trouve dans le recueil des édits & déclara-
tions concernant l'ordre judiciaire de ce parlement,
im arrêt de règlement fur les Péremptions , pour
faire ce/Ter les différens ufages qui s'obfervoient
dans certaines chambres de cette cour. Ce règle-
ment porte, quune infiance arréiéf , conclue & dif-
tribuée , 6* dont la fommation à produire aura été
faite , ne tombera pas en Péremption par la cejja-
tion des pourfuites pendant trois ans , 6* que les cau-
fes mifes au rôle ne feront pas fujettes à Péremption
pendant le temps quelles y feront ; mais que, quand
elles en feront tirées ou qu'elles feront appointées,
elles fuivront le fort des autres procès conclus.
Par arrêt du 28 mars 1692, le parlement de
Paris fît fur les Péremptions d'inftance un régle-
roent, portant , 1°. a que les inftances intentées ,
j> bien qu'elles ne foient conteftées, ni les affi-
" gnations fuivies de conftitution & de prjfenta-
•>■> tion de procureur par aucune des parties, fe-
» ronr déclarées péries , en cas qu'on ait ceffè
» & difcontinué les procédures pendant trois ans ,
■»> & n'auront aucun effet de perpétuer ni de pro-
» roger 1 aélion , ni d'interrompre la prefcription.
» 2°. Que les appellations tomberont en Pé-
» remption , & emporteront de plein droit la con-
» firaiation des fentences , fi ce n'eft qu'en la cour
PÉREMPTION. 99
« les appellations foient conclues ou appointées
» au confeil.
" 3°- Q"^ ^^* faifies réelles & les inftances de
» criées , héritages & autres immeubles , ne tom-
» beront en Péremption , lorfqu'il y aura établif-
» fement de commiflaire & baux faits en confé-
3J quence.
5) 4°. Que la Péremption n'aura lieu dans les
» affaires qui y font fujettes , fi la partie qui a
j) acquis la Péremption reprend l'infiance, fi elle
j> forme quelque demande , fournit des défenfes ,
j> ou fi elle fait quelqu'autre procédure , ou s'il
» intervient quelque appointement ou arrêt in-
» terlocutoire ou définitif, pourvu que Icfdites
M procédures foient connues de la partie & faites
)> par fon ordre >».
La difpofition de ce règlement, fuivant laquelle
les appellations tombent en Péremption & empor-
tent de plein droit la confirmation de la fentence,
n'efl point obfervée au parlement de Bordeaux , où
l'on eft reçu à appeler de nouveau pendant trente
ans , en refondant les dépens.
On juge pareillement à Touloufe que la Péremp-
tion d appel n'emporte point la confirmation de la
fentence. On y eft admis à appeler de nouveau ,
pourvu qu'on foit encore dans les dix ans.
Les parlemens de Paris & de Bretagne tiennent
pour maxime , comme celui de Touloufe , q\ie le
décès d'une des parties, ou de fon procureur, em-
pêclie le cours de la péremption.
L'article 4 du règlement du parlement de Paris,
fuivant lequel la Péremption eft couverte lorfqu'il
intervient quelque appointement ou arrêt interlo-
cutoire , eft oppofé à la jurifprudence qu'obferve le
parlement de Rouen ; cette cour juge que tout in-
terlocutoire, même par arrêt , efl fujet à Péremp-
tion. C'eft ce qu'attefte Bafnage fur l'article 547
de la coutume de Normandie.
On a vu précédemment que le parlement de
Touloufe jugeoit à cet égard comme celui de Rouen.
Par arrêt du 19 mars 1742 , le parlement de Pa-
ris a jugé que quand l'appelant n'a pas relevé l'ap-
pel, & que l'intimé l'a anticipé , cet appel ne laifte
pas de périr par une difcontinuation de procédure
pendant trois ans, quoiqu'il n'y ait eu aucune pré-
fentation fur l'aflîgnation, de la part d'aucune des
parties. Cette jurifprudence eft fondée fur ce que
l'intimé qui relève l'appel , ne le fait que par une
efpèce de fubrogation , 6c que c'eft par conféquent
à l'appelant à veiller à ce que fon appd ne tombe
pas en Péremption.
La même cour avoir jugé précédemment , par
arrêt du 2 avril 1727, que la Péremption d'une
procédure s'étendoit non feulement à l'oppofition
formée dans la huitaine, à une fentence obtenue
par défaut , mais encore à cette fentence , qui de-
voit être regardée comme non avenue.
La Péremption a lieu contre les mineurs , fauf
leur recours contre leurs tuteurs ou curateurs ,
mais elle ne s'acquiert point dans les caufes & pro-
Nij
/ --i^iHECA V
nsiS
100 PÉREMPTION.
ces qui concernent le domaine du roi. La raifon |
qu'en donne Chopin , efi que ra61;on domaniale
ell perpétuelle à caufe de l'imprefcriptibité du do-
maine. Ainfi on peut toujours reprendre ces fortes
d'inflances , en quelques tribunaux qu'elles foient
pendantes , foit fous le nom des receveurs ou ad-
miniftrateurs du domaine qui les ont intentées , foit
fous le nom de leurs fucceffeurs , par un fimple
&Rc de reprife.
C eft en conformité de cette règle , que , par
arrêt du 29 août 1754» le confeil a réformé une
ordonnance de l'intendant de Languedoc, par la-
quelle il avoir jugé la Péremption acquife pour
les droits d'un teftaraent , faute par le fermier
d'avoir fiiivi l'exécution d'une contrainte fignifîée
en 1730, & a jugé, en conféquence,que ces droits
tioient di)S.
La Péremption ne s'acquiert pas non plus dans
les caufes de régale , les appellations comme d'a-
bus , & toutes celles qui concernent le roi, le pu-
blic, la police ou l'état des perfonnes.
La Péremption n'a pareillement pas lieu en ma-
tière criminelle, même lorfqu'il ne s'agit que d'in-
jiues, & de tout ce qu'on nomme petit criminel.
Le parlement de Paris l'a ainfi jugé par arrêt du 4
iii.ii 1750, dans une affaire où il ne s'agiflbit que
d'injures verbales. Mais il en feroit différemment ,
i\ l'affaire avoit été civil ifée ; elle feroit alors fu-
jttte à la Péremption. Tel eft l'avis de Louet & de
Rouffeau de Lacombe.
Le parlement de Bordeaux & celui de Provence,
jugent que la Péremption n'a pas lieu contre l'é-
glife. C'efl ce qu'atteOent la Peirère & Boniface.
Duperrier penfe que la Péremption ne court con-
tre les hôpitaux , que dans le cas oiii ils peuvent
avoir leur recours contre les admini/lrateurs.
Au parlement de Paris , on penfe que la Péremp-
tion peut s'acquérir contre l'églife, quand il n'efl
queftion que des fruits qui concernent l'intérêt
d'un bénéf.cier; 'mais qu'elle ne peut avoir lieu lorf-
qu'il s'agit de la perte d'un fonds. Brodeau fur
Louet raj>porte deux arrêts de cette cour des 13
avril 1518, Si. 23 décembre 1630, qui l'ont ainfi
jugé au profit de l'hôtel dieu de Paris, & des mar-
guilliers d'une églile paroiflîale de la même ville.
La Péremption ne s'acquiert pas de plein droit ;
il faut la demander (i) ; & avant cette demande ,
(1) fttmuh de demande en Pc'remptien.
l 'an , kÇ/îli requête du fieur Gafpard Crctal , bourgeois
J; Pacis , je... huiHicr... fouiTîgué, cenifie avoir donné afli-
gnacion au ficur Antoine Lellrar , &c. à comparoir à... ( ûu
tribunal cù Fwfîanet pf'rie (toit ptnddute , ) pourvoir dire
ou'atttniu la ccfTairoa des procédures depuis plus de troJs
années , fur laderrande i fii> de payement de la fomme de
ïoo livres formée par leJit (iear Lellrat , contre Jedit fleur
Xretal, par exploit du... ladite demande eiifemble l'inflance
introduira pa.-icelle , feiontdéclarces à: demeureront pcries ;
en cciiféquence , q'ie ledrt fieur Lcltrat fera condamné aux
dépen.s_ae hdite iïillance; &' pour en outre répondre &: pro-
céJer, ccro.ne de laifon , àfia àç dépens lui la préfencc de-
mande , &C.
PÉREMPTION.
la moindre procédure couvre la Péremption St
fait fubfiffer l'inftance. C'ert ce qui réfulte de di-
vers arrêts du parlement de Paris , & particulière-
ment de celui que cette cour a rendu le la aoijt
1737, entre les fieurs de Barbançon & Chardon
de Chaume Blanche.
Au parlement de Lorraine, on fuit, en matière
de Péremption d'inHance, les règles établies par
le titre 1 1 de l'ordonnance du duc Léopold de
Lorraine, du mois de novembre 1707; voici ce
qu'il porte :
Article i. La Péremption d'inflance aura lieu
" dorénavant dans tous les tribunaux de nos états ,
» & en conféquence l'inftance qui fera difconti-
" nuée par défaut de pourfuite , pendant l'efpace
» de trois ans continus , demeurera périmée &
» éteinte, fans que les procédures puiffent fervir
»» pour interrompre la prefcription , les afles pro-
» batoires néanmoins demeurant dans leur force
» £c vertu , pour la preuve qui en pourroit réful-
» ter , telle que de droit.
» 2. La Péremption d'inftance fera interrompue
» par la mort de l'une des parties , foit principa-
» les , foit intervenantes , ou par celle de l'un de
» leurs procureurs.
» 3. Si Tune des parties révoque fon procureur,
» la révocation ne fera valable , & pourra la pro-
» cédurc être continuée contre le procureur revo-
» que , s'il n'y a conftitution de nouveau procureur
» par le même afte.
î> 4. Les inflances ou procès qui feront en état de
» juger dans nos compagnies fouveraines , ne fe-
» ront fujettes à la Péremption , non plus que les
» caufes qui feront mifes au rôle.
» 5. La Péremption d'inflance n'aura lieu contre
» les mineurs ni contre les abfens , pour caufe
» publique ; & elle ceffera de courir contre une
» fille majeure qui fe fera mariée, ou une veuve
» remariée , s'il y a reprife d'iuftance avec leurs
» maris.
» 6. L'inftance étant périmée, il en pourra être
» commencé une nouvelle , fi l'aflion n'eft point
i> prefcrite; mais l'appel étant périmé , un fécond
w appel ne pourra être reçu.
M 7. Les procédures criminelles feront fujettes
j» à Péremption , fmon à l'égard de nos proca-
Ju^m'W qui admit la péremption.
Nous déclaions la demande formée par la partie d'"A... afin
de payeaienc de la fomme de... ôc TinAance introduite par
icelJe , péries; en conféquence la condamnoos aux dépens
lant de ladite inlUnce, que de ceux faits fur la demande eo
Péremption
Jugement qui rejeue la Péremjition. ^
Ncu5 , fans nous arrêter ni avoir égard à la demande en Pe-
reraptickn de la partie de B... dont Pavons déboutée , difons...
( on décide enfuit e fur l'objtT deiinfl.mce ''o-^t on dentundeittu
Féremprion i flmn , on met ) .■ que les parties procédcroni fur
ladite inftancc , fur la demiers erremens ; conJamncas b
partie de B... aux dépens delà demande e» Pétenvpiionj au
principal , dépens léfsrvés.
PÉREMPTION.
» reurs , ou ceux des feigueurs , pour l'intdrét
» public.
» 8. Les exploits de faifie &. commandement
j» de payer , ainfi que la faifie réelie , feront a<51es
T> valablement interruptifs de prefcription , à 1 é-
« gard du débiteur , pourvu qu'ils lui aient tté
M iignifiés , quand même l'inftance ou les criées
» qui s'en fcroient enfuivies feroient demeurées
j) périmées.
» 9. Es adions annales , l'inflance intentée ne
» pourra durer au delà de TatSion , û elle n'ert
*> conteftée : mais fi elle eft conteftée, elle durera
I) refpace de trois ans , ainfi que les antres inf-
» tances.
j> 10. L'inftance fera cenfée conteiîée par le prc-
» mier règlement ou appointement qui iera rendu
»> entre les parties.
M II. La Péremption d'inftance pourra être op-
« pofée par voie d'aélion ou par exception >i.
Suivant une déclaration du ao janvier 1699 , les
infîances formées contre les fermiers du roi , (ont
fujettes à la Péremption comme les autres.
Par arrêt du ^ nip.rs 1725 > le parlement de Pa-
ris a jugé que la Péremption n'avoit pu s'acquérir
dans une affaire fur laquelle les parties convenoien*
avoir compromis verbalement.
La même cour a jugé , par un autre arrêt du
15 mars 1737, que de fimples lettes miffives
avoient fvffi pour interrompre le cours de la Pé-
remption.
Divers auteurs ont établi , que quand une caufe
eft évoquée anx requêtes du palais ou dans une
autre jiiridi6îion , le cours de la Péremption ne com-
mence que quand il eu intervenu un jugement de
ïétention , attendu qu'auparavant la juridiélion n'e/1
pas réglée. En effet , on peut contefler l'évocation ,
& alors le iuge eff incertain ; d'oii il fuit que , n'y
ayant ni juge ni inftance , il ne peut pas y avoir lieu
à la Péremption
Cet avis a prévalu au grand confeil dans l'efpèce
fnivante que rapporte ainfi l'auteur de la colleélion
de j irifprudence.
» Dom Dupuis , prieur de Suffet , ayant , par
>» exploit du 4 novembre 174T , évoqué au grand
» confe 1 une conteflation pendante dans un autre
» tr;bunal , entre lui & le fieur Boirot , ne fit point
M de pourliites pendant plus de fix ans ; en confé-
» qucnce , le ficur Boirot dem.anda , le 21 juin
» 17^-4 , que . conformément à l'article 15 de l'or-
» donnance de Rouflillon , la demande de dom
» Dupuis fût déclarée périe.
» Dom Dupuis foiitinr que la Péremption ne
« pouvoit pas avoir lieu , au moyen de ce que la
» caufe n'avoit pas été retenue. Il cita Brillon , Du-
» plefiTis , &c. Enfin, pnr arrêt du 24 mai 175',,
» fans s'arrêter à la requête en Péremption, le
V grand confeil a retenu la caufe, &c. ».
La Péremprion n'a pas lieu dans les inftances
pendantes au confeil du roi, ni mcme pour les
procès portés cfevam Us intendans d; province.
PÉREMPTION. loi
Ceft ce qu'obferve Menelet dans foa traité des
Péremptions.
Voye^ rôrdonnance de 1^39 ; celle Je RonJfillon
& celle de 1629 ; les traités des prejcnptions par Du-
nod , & celui des Péremptions par Menelei ; Hevin fur
Frain ; les notes fur Dupleffis, traité des prefcriptions ;
les arrêts de Papon ; les quejlions alp/iabéiiques de Bre-
tonnier ; le journal des audiences & celui du palais ;
les arrêts de Bajfet , d'Expilly , de Catelan 6" de Bo-
ni face ; Brodeau fur Louei ; Chopin fur la coutume de
Paris , & Bouchiul fur celle de Poitou ; la jurifpru-
dence civile de Lacombe ; le praticien français , &€.
Voyez auiTi les articles Action , Prescription ,
Retrait, &c.
Addition à Vanicle Péremption.
La Péremption n'a pas lieu au grand confeil de
Malines ; dès qu'une inftance efi commencée en
cette cour, elle s'y perpétue, & ne périt par aucun
laps de temps : M. Dulaury en rapporte un arrêt
du 3 décembre 1622 , qui adjuge à un plaideur les
intérêts de fa demande depuis la requête introduc-
tive , quoique le procès eût demeuré fans pour-
fuite pendant plus de cinquante ans. Ce magirtrac
ajoute : « La pratique eff notoire au grand confeil ,
» que la Péremption d'inflance n'a pas lieu ; &
11 ainfi j'ai vu réfumer des caufes qui avoient été
•n impourfuivies plus de quatre-vingts ans; j'ai vu
T> auiîi une enquête turbière, en laquelle tous nos
1» avocats & praticiens avoient dépofé que la Pé-
)) remption dinfiance eft inconnue au même grand
■>■> confeil , & qu'elle n'y a jam;iis été admife , quel-
» que efpace de temps que la pourfuite de la caufe
Il ait été interrompue ». Deghewiet , en fes inrtitu-'
tions au droit bclgique , parle auffi de cette enquête
par turbes , &. la daté du 23 Janvier 1699.
Le parlement de Flandres ayant été fiibrogé au
grand confeil de Malines pour les Pays-Bas fian-
çois , ne pouvoit manquer d'adopter, fur la matière
des Péremptions , les mêmes principes que ce tri-
bunal : il ne les a pourtant pas portés auffi loin
car il admet, non pas une Péremption proprement
dite , mais une prefcriprion d inihnce , qui s'en-
court par le laps du temps qu'exige la coutume
pour prefcrire l'objet litigieux : <t de forte , dit De-
11 ghewiet, que fi une caufe entre particuliers y
» avoit ceffé d'être pourfuivie pendant trente ans
rt l'aéïion feroit éteinte, à titre, non de Péremp-
» tion , mais de prefcriptïon ; il en a été ainfi
« décidé au rapport de M. de la Verdure , par arrêt
)) du 24 juillet 1702 , entre le fieur d'Ogimont &
)> le fieur de Jumelles ». Par la même raifon , fi im
procès concernant une communauté eccléfiaftique
eff demeuré quarante ans fans pourfuites, il efi re-
gardé comme prefcrit, parce ^uc le droit commun
fixe à ce terme la prefcription contre l'églife. « II
» en a été ainfi décidé , dit De^hewiet , le 7 dé-
T) cembre 1691 , au rapport de M. Cordduan , en-
» tre le chapitre de Saint- Omer S^ Us fcafciians
I02 PÉREMPTION.
» de Bambeqiie, châcellenie de Berghes - Saint-
» Winock ;».
Le principe qui fait réfultcr la prefcription d'inf-
tance du laps du temps requis par la coutume pour
prefcrire la chofe litigieufe , eft fi conftant au par-
lement de Flandres, qu'il a même étéfuivi,dit De-
ghewiet , « contre une majeure de coutume , quoi-
» que mineure de droit , parce qu'ayant , comme
3> majeure de coutume , été habile à faire des pour-
5j fuites en juftice , la prefcription d'inftance avoit
M été par elle encourue. L'arrêt eft du 24 janvier
» 172,4, au rapport de M. Vifart de Ponanges ,
» entre François Hoflbn & le fieur d'Aouit de
» Francières ».
La pratique des tribunaux de la province du Hai-
naut, diffère entièrement, fur la matière des Pé-
remptions , de l'ufage obfervé au parlement de
Douai. Voici ce que porte l'article 2 du chapitre
107 des Chartres générales de cette province :
5» Dorénavant, en notredit pays. Péremption aura
M lieu, fi comme pour matière criminelle, parle
» terme de deux ans; & pour la civile , de quatre
" ans , tant pour les matières entamées qu'à enta-
" mer après la publication des ordonnances pré-
V fentes».
On a demandé fi cette difpofition pouvoit avoir
lieu pour les caufes portées au parlement de Flan-
dres par appel des juges de Hainaut. « Et comme
w il s'agiflbit, dit M. Pollet , d'établir une règle ,
» il a été délibéré , les chambres affemblées, & il
37 a parte à l'avis de fuivre le ftyle de la cour, par
M la raifon qu'en ce qui concerne l'inftrudtion , en
M doit fuivre le ftyle du lieu où Ton plaide. L'ar-
î) rêt a été rendu , au rapport de M. Bruneau , le
» 27 mai 1693 "•
Quelques praticiens ont été plus loin , & ont
foutenu que la Péremption d'inftance ne devoit
avoir lieu dans aucun des tribunaux de la partie
françoife du Hainaut. Ils fe fondoient fur une dé-
claration du 17 novembre 1714, qui ordonne,
article 3 , que l'inftruéiion des procès civils , dans
tous les bailliages , prévôtés Se fièges de cette pro-
vince, fe réglera à l'avenir fur le ftyle du parlement
de Flandres.
Mais ce fiyle ne contient rien de relatif à la
Péremption ; ce n'efc point d'après ce règlement
Qu'elle a été rejetée au parlement de Flandres, mais
fur le fondement de certains principes que cette
cour a trouvé à propos d'adopter, fans jamais les
ériger en loi. Le ftyle dont il s'agit n'abroge donc
pas l'article 21 du chapitre 107 des chartres géné-
nérales, &, par une confèquence néceflaire , cet
article doit encore fubfifter dans toute fa force :
cela réfulte de la maxime qui défend d'étendre les
abrogations au-delà de leurs termes précis , 8c plus
pncore de les fuppléer dans les cas où il n'en eft
pa.5 queftion. IJ)'5illcuis , l'article 3 de la déclara-
tion de 1714 eft tombé dans une efpèce de défué-
tude , ou du moins il eft plus ordinaire de voir allé-
guer dans les fiégss de Hainaut , les textes des char^
PÉREMPTION.
très générales qui concernent l'ordre de la procé-
dure , que le ftyle du parlement de Flandres.
Auftî a-t-il été jugé par plufie»rs arrêts de cette
cour que la Péremption d'inftance a encore lieu
dans les juridictions du Hainaut. M. Delatre de
Portionville , chevalier du Saint-Empire , & colo-
nel au fervice d'Efpagne , avoit , par aéle du 6
juillet 174 1, vendu au fieur Prcfcau , procureur
du roi à la prévôté de JVlaubeuge , la terre de
Manège fituée dans le territoire de cefiége,avec
la claufe de réméré pour l'efpace de deux ans.
Le 4 juillet 1742, c'eft-à-dire , avant que le terme
convenu ne fût expiré , le vendeur donna requête
ri la prévôté de Maubeuge , pour faire condamner
le fieur Prefeau à lui recéder le bien. Le (leur
Prefeau défendit à cette demande, & la caufe de-
meura fans pourfuites jufqu'au 19 Juillet 1752. En
ce moment , le feigneur de Walhain , frère & hé-
ritier du vendeur, reprit Tinflance par un placer de
fournijfement. Le fieur Prefeau oppofa la Péremp-
tion , & obtint fur ce fondement une fentence , qui
déclara le feigneur de Walhain non recevable en
fa reprife. Celui-ci en interjeta appel au parlement ;
mais par un arrêt rendu en 1759, ^" rapport de
M. Gouillart de laFeuillie, la cour mit l'appella-
tion au néant.
La queftion s'eft repréfentée poftérieurement dans
les circonftances les plus favorables en apParence à
la Péremprion. Les nommés Defcamps de ^olefme «
étoient demandeurs en reprife d'inftance contre la
veuve Riche. Celle-ci leur oppofoit la Péremption ;
ils répondoient : 1". que la Péremption ne s'en-
court pas de plein droit, & que tant qu'elle n'a pas
été décrétée par le juge , elle peut être couverte
par les pourfuites de la partie qui a intérêt de l'écar-
ter ; 2". qu'il étoit intervenu dans la caufe dont il
s'agiflbit , une fentence interlocutoire , qui devoit ,
fuivant l'opinion des auteurs françois , empêcher
la Péremption ; 3°. que l'une des parties étoit décé-
dée avant que le temps requis pour donner lieu à
la Péremptioo , ne fîit écoulé ; circonftancc, qui,
d'après la maxime des tribunaux de l'intérieur du
royaume , devoit encore écarter toute idée de Pé-
remption. Mais CCS raifons n'ont produit aucun
effet : par arrêt du 23 décembre 1774, rendu au
rapport de M. V/arenghien de Flory , la cour a dé-
claré l'inftance périmée, & par-là elle a confirmé
le fentiment des meilleurs praticiens du Hainaut ,
qui tiennent que la Péremption s'acquiert de plein
droit dans cette province , nonobftant un interlocu-
toire S>c la mort d'une des parties ou de fon pro-
cureur.
Voyez les articles Interruption d'instance ,
Comparution , Douai , Hainaut , &c. ( Arti-
cle de M. Merlin , avocat au parlement de flan-
drei & fecrétaire du roi ).
PERINDE VALERE. On appelle ainfi un yc(-
crit du pape , dont l'effet eft de valider une provi-
fion qui auroit pu être attaquée pour quelque dé-
faut qu'elle renfermoit,
PERMUTATION.
Cette forte de refait ne s'obtient que quand les
provifions ont été expédiées par bulles ; car quand
elles ont été expédiées par fimple fignature , on
les ratifie par une autre fignature , appelée cui prias,
à laquelle on met la même date qu'à b première. Il
en eft autrement des provifions qui coiatiennent la
claufe Perindè vaUn ; elles n'ont d'effet que du jour
de la date : c'eft pourquoi, fi entre les premières
provifions & les nouvelles , quelqu'un en avoit ob-
tenu de régulières, elles prévaudroient.
Obfervez avec Rebuffe , fur le refcrit Perindè va-
1ère , t°. que le pape ne peut jamais fuppléer les
défauts naturels, faire, par exemple, qu'un fou
foit réputé fage.
a°. Que dans la nouvelle fupplique on doit ex-
primer généralement tous les défauts qui ont rendu
la première grâce invalide.
PERMUTATION. Échange. Il fe dit particuliè-
rement en parlant de l'échange d'un bénéfice con-
tre un autre.
Avant le douzième fiècle , les Permutations n'é-
toient proprement que des tranflations des bénéfi-
ces d'une églife à une autre , félon que l'utilité de
ces églifes , exaâenient reconnue par l'évèque ,
pouvoir l'exiger. On étoit alors bien éloigné de
penfer que deux bénéficiers puiTent s'entendre en-
tr'eux , de manière que l'évèque fût obligé de con-
fcntir à ce que l'un psfiat dans l'cgUfe de l'autre ,
fans prendre aucune connnoifiance de ce change-
ment, comme la chofe efl: arrivée dans la fuite.
On prétend que le concile da Tours, tenu l'an
1163, où préfidoit le pape Alexandre III , eft le
premier qui ait autorifé les Permutations ordinai-
res, en défendant la divifion des prébendes & la
Permutation des dignités. Aujourd'hi les collateurs
font obligés de conférer les bénéfices permutés ,
aux co-permutans.
La démifiîon contient toujours qu'elle eft faite
pour caufe de Permutation , avec la claufe non aliàs ,
non aliter , alio modo.
Ceux qui peuvent admettre les Permutations,
font le pape , le légat , le vice-lcgat , dsns l'étendue
de fa légation, & le collateur ordinaire.
Quand le bénéfice ne dépend point de l'évèque,
on s'adrefiie ordinairement au pape ( i ).
( i) Formule de Permutation en cour de Rome crée rijvve de
ptnfion.
Pardevant lis notaires , &:c.
Furent prcfens A... Clerc du diocèfe de Paris , 7 demeurant
rue... paroilTe S... au nom & comme procureur de B... proto-
notaire du faint ficge apoftolique , licentié es droits, & prieur
commendataite da prieuré de... ordre de... diocèfe de... fondé
de fa precuration, portant pouvoir de fubftitucr aux fins ci-
après , paffée devant... notaires apoftoliques , du diocèfe de...
réfidans à'., préfens témoins , le... dont l'original duement
contrôlé & Icgalifé , & de la réfignation dudicA... eii de-
meuré ci-joint , après avoir été de lui certifié véritable &
paraphé en préfence des notaires foullîgnés , d'une part ; &:
D... prêtre, curé de l'églifeparoilliale de... diocèfe de... derncu-
rant ordinairement en fa maifon curia.'c dudit-.. étant de pré-
fent à Paris , logé. . d'auue part; lefqueJs ont fait , conaitué
PERMUTATION. loj
Quoique le collateur auquel on s'adrefie ne
puifife pas conférer le bénéfice à un autre , il peut
cependant examiner s'il n'y a point de fraude ni
de paélion fimoniaque , ou autre vice qui doive;
empêcher l'effet de la Permutation.
Si le collateur ordinaire refufoit des provifions fur
la Permutation , on pourroit s'adrciTer au fupérieur
eccléfiaftique, pour en obtenir de lui. Le parlement
de Paris l'a ainfi jugé par arrêt du 27 juin 1631 ,
contre le chapitre de Saint- Pierre de Soiftons, fur
les conclufions de M. l'avocat-général Talon.
Lorfque les bénéfices qu'on veut permuter dé-;
pendent de différens collateurs , chacun d'eux conr
(ère , fur la démifiîon pour caufe de Permutation ,
le bénéfice dont il a droit de difpofer ; ou l'un
des collateurs donne à l'autre le pouvoir de donnée
les provifions des deu;c bénéfices.
L'auteur des obfervations inférées dans le dixiè-
me volume des nouveaux mérnoires du clergé , a
prétendu que les évèques ayant eu feuls autrefois
le droit d'admettre les. Permutations dans lewrs
diocèfes , ce droit avoit éié étendu aux autres col-
lateurs , fans en dépouiller les évèques; d'où il
fiiit qu'on pourroit, fuivant cet a,uteur, s'adrefter
pour les Permutations à l'évêquic ou au coilateuc
ordinaire : mais cette opinion n'eft pas reçue : on
penfe au contraire que ce n'eft point à l'évèque à
donner^ les provifions d'un bénéfice qui n'eft pas
h fa difpofition , lorfqu'il s'agit d'un genre de va-
cance fur lequel le collateur ordinaire eft autorifé
à difpenfer de la rigueur des canons.
Quand la régale eft ouverte , il n'y a que le roi
qui puiffe admettre la Permutation des bénéfices;
_■———"———- -. .._ — r- 7 — — ,
&: fubllitué pour leurs procureurs };cncrju>; &/pcciaux M. S;
N... auxquels & à chacun d'eux ils ont donne pouvoir de ,
pour& aux nomsdetdics lîeursB. . & D... rélîgner, céder &
remettre entre les mains de notre faint père le pape, mon-
feigneur fon vice chancelier , ou antics ayatît à ce pou-
voir ; favoir de la part dudi: fieur B... fondit prieuré de... Se
la commende d'icelui, avec fes droits , appartenances Se dé-
pend.inces, en faveur dudit fieur D.., ; & de la part d'iceluî
fieur D... , fadite cure ou églife paroiiTiale de... auffi avec fes
droits, appartenances & dépendances, en faveur dudit fieuc
B.r. & ccpour caufe de vraie &: canonique Permutation entra
eux de bénéfice pai/îble à bénéfice auffi pailible, ni chargé»
l'un & l'autre d'aucune penfion , fi ce n'eli celle de trois cents
livres , dont ledit A... audit nom fait rcfetve audit fieur B ..
peur lui être payée fa vie durant par ledit fieur D... & ['s.
fucceiïèurs audit prieuré, par chacun an , en deux termes 5c
payement égaux d; fix en fix mois , dont le premier éche-ra &
fe payera iix mois après que ledit fieur D... fera pourvu dudic
prieuré, & enfuite continuer jufqu'au décès duiit fieur B. .
du jour duquel ladite rente fera & demeurera éteinte & amor-
tie , & ledit fieur D... ou fes fuccefTeurs audit ptieué dé-
chargés du payement de ladite penfion , laquelle néanmoins
!era payable tant qu'elle aura cours , audit fieur B... en fa
demeure , ou au porteur , franchement & quittement de tou-
tes charges ordinaires &: extraordinaires , imposes ou à impo-
(er, par quelque autorité & fous quel.-ue prétexte que ce 'ou -
confeiitir refpeclivement à l'exp.-ditiôn de toutes lettres fur
ce n-jceflaires , même jurer & aSrmer qu'en ce que delTus il'
n'eit intervenus: intervienira aucun dol , fraude, fimonic
niautrepaaiondlicite, & généralement pro.netum , obli-
géant, f au &pafle, &c.
t©4 PERMUTATION.
non cures ; & il peut en tout temps admettre la
Permutation des bénéfices qui font de collation
royale. Cette règle s'applique auflî aux autres col-
lateurs laïques.
Quoiqu'on ne foit pas obligé pour les Permu-
tations d'obtenir ni même de demander le confen-
tement du patron ecffléfiaftique , il en eft différem-
ment du patron laïque ;• le ccnfentement de celui-
ci eft néceflaire avant la prife de polTelTion , fous
peine de nullité de tout ce qui pourroit être fait
au préjudice de ce patron. C'eft ce qui réfulte
d'une déclaration de Louis XIV du mois de fé-
vrier 1678 ( i).
II y a des Permutations qui font illicites , notam-
ment celle qu'on appelle triangulaire. Elle a lieu
quand un titulaire réfigne fon bénéfice à un autre
eccléfiafiique , à condition que celui-ci réfignera à
lin tiers le bénéfice dont il efi pourvu ; aucune
tlifpcnfe ne peut autorifer une telle convention.
Boniface rapporte un arrct du dernier juin 1666,
par lequel le parlement de Provence a condamné
une permutation de cette efpèce.
Il n'cft pas permis de ftipuler que l'un des co-
permutans fera chargé de faire faire les réparations
des bâtimens dépendans du bénéfice , quoique ces
réparations foient du temps du co-permutant ; il y
auroit fimonie dans cette claufe.
Il en feroit de même de celle qui obligeroit le
co-permurant à entretenir les baux faits par fon
prédécefieur.
Mais, fuivant l'ufage commun, le co-permutant
peut faire dreffer un procès-verbal de l'état des
lieux dépendans du bénéfice qu'on lui a rèfigné, &
obliger fon réfignant de faire les réparations qui
feront efiimées nécefiaires.
Obfervcz néanmoins que notre jurifprudence
permet de flipuler que l'un Se l'autre co-permutans
feront chargés, chacun de fon côté, de faire faire
les réparations des bâtimens dépendans du béné-
fice dont ils refteront titulaires ; mais il faut pour
cela que les frais qu'exigent ces réparations foient
à peu-près égaux de part & d'autre. Une telle fti-
pulation ne pourroit pas avoir lieu dans le cas de
réfignation en faveur.
Rien n'empêche de permuter un bénéfice contre
plufieurs autres ; mais on regarde comme firao-
niaque la Permutation d'un titre fpirituel contre un
droit temporel. Ainfi on ne permet pas de permu-
ter un bénéfice avec une penfion fur un autre bé-
néfice , ni un office de la chapelle du roi , qui eft
une charge vénale, avec un bénéfice. On ne per-
met pareillement pas de permuter un bénéfice
(i) Voulons Se nous phît , po.-rc cette loi , que dorénavant
tous les concordais Je Permutation de bénéfices étant en pa-
iionage laïque, & les réfignations & aûes partes en ccnfé-
quence , demeurent nuls &: abulîfs , lî les patrons laïque»
n'ont accordé leur préfentation , ou doi\né leur confentc-
nient pat écrit avant la prife de poffeiHon , quoique Jefdits pa-
tronj en aient été requis 8c fommés ; lelquelles réquilicions &:
fommaçions nous déclatons de nul effsï k valeur.
PERMUTATION.
contre un droit de patronage , parce que ce droit
eft regardé comme U)i bien profane, quoique l'exer-
cice en foit fp, rituel.
La Permutation des bénéfices peut avoir lieu
fans diliiculré , au pr'-judice du droit des indul-
taires , des gradués, & des autres expeflans. C'eû
ce qu'a décidé Boniface VIII , cap. unie, de rer,
permut. in fexco.
Toute procuration à l'effet de permuter , doit
être pafféc conformément aux règles prefcrites par
la déclaration du 14 février 1737, enregiftrée au
parlement le l'j mars fuivant (1).
Quand une Permutation fe fait en cour de Rome,
les procurations pour permuter doivent être infi-
nuées au greffe du diocéfe dans lequel les notaires
les ont reçues , avant d'être envoyées en cette
cour, C'eft ce qui réfulte de l'article 1 1 de l'édit du
mois de décembre 1691.
Tandis que le coUateur n'a point donné de pro-
vifion fur la Permutation , chaque co-permutant a
le droit de révoquer fa procuration pour permu-
ter , en faifant fignifier ia révocation à celui qui
doit conférer.
Si la révocation fe fait en cour de Rome, & qu'un
permutant veuille révoquer fa procuration , il doit
faire fignifier fa procuration au co-permutant, avant
que la date foit retenue.
Cette fignification doit être faite par un notaire
apofiolique , à l'exclufion de tout autre officier.
C'eft ce qui réfulte de l'article premier de l'édit
de création des notaires royaux 6c apoftoliques ,du
mois de décembre 169 1.
(i) Formule de procuration pour permuter un bénéfice contre
un euire.
Pardtrvant les notaires fut préfent A... fous-diacre du dio-
céfe de Paris j y demeurant rue... au nom & comme procureur
de B... cure de l'églife paroi/îiale de... diocèfe Je... fondé de
fa procurarlon fpéciale , à Tcffet àes préfentes pafTces devant...
&: fon conf. ère , notaires à F'aris , le... dont le brevet original
repréfenté par ledit A... cft demeuré ci-joint pour y avoir re-
cours ; ( //' /aproc«rati»nfe trjuvf pajjce devant d'autres notai-
res que de Paris , on ajoutera après ces mots demeuré ci-joint ),
après avoir été dudit fieur A... certifié véritable , & paraphé
en préfcnce des notaires fouiïipnés , d'une part , & C... prêtre,
chapelain de la chapelle ou chapellenic de S... fondée Se
defTeivie dans l'églife collégiale de... dioccfe de... demeurant
ordinairement audit., étant de préfent à Paris, logé rue...
d'autre part; lefquels ont fait , coni^itué 6c fubflitué pour
leurs procureurs généraux & fpéciaux D.,. & E .. auxquels &
à chacun d'eux lefdits A... audit nom Se C... ont donné pou-
voir de , pour & au nom deîdits B... 8c C... réfigner , céder
&c remettre entre les mains de notre fainr père le pape , mon-
feigncur fon vice Chancelier, ou autres ayant à ce pouvoir^
favoir, de !a part dudit B... fa cure eu fglife paroiffiale deJl,
en faveur dudir C... & de II part d'icelui fieur C... faditc cha-
pelle ou chapellerie de... le coût avec leurs droits , apparte-
nances & dépendances, & ce pour caufe de vraie Se canoni-
que Permut.ition entre lefdiis R... & C... Se de bénéfice pat-
(iblc à bénéfice aufi; paifible, ni chargés l'un & l'autre d'au-
cune penfion , cenfentir refpeaivement à l'expédition de
toutes lettres fur ce néceflaires , même jurer & affirmer qu'en
ce que deffus, circonftances & dépeiidanccs , il n'eft inter-
venu &: n'injiei'riendts , ^'c.
La
PÊÎlMUTATîON.
La furifprudence <iu parlement 4e Paris diffrre
de celle du grand confcil.iur la «fae/Uon de ia-
voir quand les Permutations doivent être cenfées
efit'fluées.
Autrefois le grand confeil jugeoit qu'une Per-
mutation étoit e'fieLluée , quand chacun des co-
permutans avoir paflfé procuration pour réfigner ,
quoique le coUateur n'eût point admis les réfi-
gnations. L'article 21 de l'édit du mois de novem-
bre 1637 , ayant paru porter atteinte à cet ufage ,
en ce qu'il déclarait nulles Us prov'tjïons par Permu-
tation y fi celui qui voulait s en fervïr n^avoit fait
tout ce qui était en fan pouvoir pour que fan copermu-
tant fût pourvu du bénéfice à lui réfigné ; & le grand
confeil ayant craint que ces termes , n^avoic fait
tout ce qui étoit en fon pouvoir ^ ne s'interprétaflent
dans un fens contraire à la jurifprudence de fes
arrêts , il mit fur cet objet , dans l'enregiftrement
de l'édit , la modification fuivante : à la charge que
les Permutations feront cet} fées effefluées après que cha-
cun des copcrmutans aura paffé procuration pour réfi-
gner refpeêlivemenr.
Cette modification n'étant pas entièrement con-
forme à l'intention du légiflateur, le roi donna des
lettres-patentes , le 25 août 1638, par lefquelles il
ordonna que les Permutations feroient cenfées eff.c-
tuées 6» exécutées aux fins contenues en C article 21
de redit de i6jy , lorfque l'un des' copermutans au-
rait été pourvu du bénéfice à lui réfigné, & que de
fa part il aurait pajfé la Procuration néceffaire pour
la Permutation.
Ces lettres furent enregiftrées au grand confeil
le 4 feptembre fuivant ; &, depuis cette époque,
on y a confliamment jugé que les Permutations
étoient accomplies , lorfque l'un des copermutans
avoit obtenu les provifions du bénéfice qui lui
avoit été donné en échange , & qu'il avoit pafTé
procuration pour réfigner le fien.
Mais au parlement de Paris & dans la plpart des
autres cours , ce n'eft pas aflez pour rendre accom-
plie une Permutation , que l'un des permutans ait
obtenu des provifions Se qu'il ait paffé procura-
tion pour réfigner le bénéfice qu'il donne en échan-
ge ; il faut que de part & d'autre les collateurs
aient accordé la grâce, & que chacun des coper-
mutans ait un droit acquis au bénéfice qui lui a été
donné en échange. Cette jurifprudence eft fondée ,
tant fur l'article 14 de la déclaration du mois d'oc-
tobre 1646 , que fur la déclaration du 11 mai
1684 (i).
(i) V»\c\ ces lois :
Pour retrancher an notable abus qui s'eft gliflè dans quel-
ques provinces de notre royaume, en ce qu'on tient les Per-
mutations bonnes & valables, bien qu'elles n'aient été effec-
tuées ni accomplies pat l'une des parties , ce qui efl; contre
h nature & forme eflcntielle des Pcrmutiiions ; nous , fans
rien dérogera (a règle depublieandis , &: en cas que i'un des
permutans meure aptes le temps de ladite règle , lans avoir
pris poireflion du bénéfice permuté , voulons & ordonnons
^ue le furvivant delditspernautaas dcreeuie enticrcinent privé
T»mt XIII. ^
PERMUTATION. 105
Autrefois, quand l'un des permutans venoit ^
décéder latjs avoir pris polîefiion du bénéfice qt.«
lui avoit été conféré, en vertu de la Permutation ,
le furvivant confervoit les deux bénéfices , & cet
événement s'appeloit une bonne fortune : rt:a s
l'article 21 de l'édit de novembre 1637, a aboli
cet abus.
La dix-huitième règle de chancellerie porte , que
quand un bénéficier malade réfignc ou permute {on
bénéfice , & qu'il décède de la «lènic maladie dans
les viugt jours , à compter du jour du confente-
ment qu'il a donné aux provifions accordées à fon
réfignataire ou copermutant , les provifions font
nulles & le bénéfice eft cenfé vaquer par la mort
du réfignant. Cette règle a été établie en faveur
des ordinaires , afin qu'ils ne foîent pas fi fou\ e:it
fruftrés du droit de conférer. Nos ordonnances ,
& particulièrement l'article 3 de la déclaration du
mois d'oélobre 1646 , l'ont mife au rang des lois
eccléfiafliques du royaume; mais le pape peut y
déroger, ôt même cette dérogation eft tellement
de ftyle, que fi elle ne fe trouvoit pas dans une
fignature, on la fupplécroit de plein droit. 11 y a
néanmoins des collateurs , tels que le roi, les car-
dinaux & les collateurs de Bretagne, au préjudice
defquels le pape ne peut pas déroger à la règle des
vingt jours.
Les provifions obtenues fur les Permutations
font nulles , quand elles n'ont pas été iiifinuées
deux jours francs avant la mort de l'un des per-
mutans , non compris le jour de l'infinuation &
celui de la mort. Cependant fi le premier décédé
de deux copermutans n'avoit pas fait infinuer fes
provifions deux jours francs avans fa mort , & que
le furvivant eût rempli toutes les formalités prcf-
crites pour la validité des Permutations , fes pro-
vifions ne feroient pas nulles. C'eft ainfi qu'on juge
du bénéfice par lui baillé, & du droit qu'il avoit en icelui ,
&c qu'il n'y puiffe rentrer fans nouvelles provilions , foit que
ladite Permutation ait été faite en maladie ou autrement ;
que les Permutations foient effeéluées de part &: d'autre , &
les provifions , au refus des ordinaires , expédiées auparavant
le décès de l'un des permutans, s'il arrive. Comme auiTi tou»
réfignataires feront tenus de prendre poflcdîon, au plus tard
dans trois ans après la date des provifions expédiées en cour
de Rome du vivant du réfignant ; & après ledit temps , elles
demeurerbnt de nul effet & valeur, Aitkle i^ de la déclar ••
tion de 1 ^4.6.
Voulons qu'en cas que cî-après , dans les Permutations des
bénéfices , l'un des permutans vienne à décéder après le temps
pcr;é par la règle de publicaaiis , fans avoir pris pofleflion du
bénéfice 'permuté , le furvivant defdits permutans demeure en-
tièrement privé du bénéfice par lui baillé , &c du droit qu'il
avoit en icelui, & qu'il n'y puilTe rentrer fans nouvelles pro-
vifions, foit que ladite Permutation ait été faite en maladie
ou autrement. Voulons pareillement que les Permutations
foient effeûuées de part & d'autre; & que peur cet effet les
pro'vifions furicelles foient expédiées, ou par les ordinaires ,
ou par les fupétieuts fur leur refus , s'il y échet, auparavant
le décès de l'un des permutans ; à faute de quoi, û leJit décès
arrive , lefdites Perniatations demeureront nulles d fans ef-
fet. Déclaraùdn du u mdi i6i^f edrejét &u parlement i^
B9rdtaux.
loé PERMUTATION.
au parlement de Paris , comme le juftifîe l'arrêt
rendu par cette cour le 9 février 171 3.
Mais au grand confeil on fuit à la rigueur la
difpofition de l'édit du mois de novembre 1637 ,
qui veut que fi les deux permutans ayant laiffé
pafler le temps de la règle de publicandis , fans y
avoir fatisfait , l'un des deux vient à décéder avant
d'avoir pris poflefîîon , ou d'avoir fait infinuer
l'aéle de prife de pofleflion deux jours francs avant
fa mort ; les deux bénéfices , tant celui du permu-
tant qui a fatisfait à toutes les formalités de la rè-
gle , que celui du copermutant qui a négligé d'y
fatisfaire , demeurent vacans.
Quand on n'a pas pu obtenir le confentemcnt
du patron laïque d'un des bénéfices permutés , ou
que l'un des collateurs a refufé de donner des pro-
vifions , la Permutation demeure fans effet , & cha-
cun des titulaires conferve tout le droit qu'il avoit
fur Çon bénéfice.
Lorfqu'un des permutans ne peut pofféder le
bénéfice que la Permutation lui a attribué , foit
à caufe du défaut de confentement du patron
laïque, foit parce qu'un tiers l'évincé de ce bé-
néfice , ou parce que le même bénéfice eft chargé
d'une penfion dont il n'a pas été fait mention
dans l'ade de Permutation , il rentre dans le bé-
néfice qu'il avoit donné en échange, en vertu d'un
fimple jugement, & fans qu'il foit obligé d'obte
nir de nouvelles provifions. Cela eft fondé fur ce
qu'une Permutation eft toujours conditionnelle ,
comme le parlement de Paris l'a jugé par arrêt
du 31 janvier 17 '4, entre le curé de faint Sym-
phorien du Vieil-Baugé , £c le Curé de Drocourt.
M. Fuet dit dans fon traité des matières bé-
néficiales , qu'il a vu juger , en 1720 , qu'une Per-
mutation étoit nulle, fur le fondement que l'un
des permutans avoit fauflement déclaré que fon
bénéfice n'étoit chargé que d'une penfion de
cent cinquante livres , tandis qu'elle étoit de deux
cens livres.
La Permutation des bénéfices confiftoriaux ne
peut fe faire qu'entre les mains du roi , qui donne
des brevets aux Permutans pour obtenir des bulles
du pape , conformément au concordat.
Il faut obferver à ce fujet , que quoique celui
"qui a été pourvu d'un bénéfice confifiorial , n'en
foit proprement dépouillé que quand fa démiflion
pour caufe de Permutation a été admife, & que
les bulles en font expédiées , on juge au grand
confeil , qu'auflî-tôt que le roi a agréé la Permuta-
tion & fait expédier les brevets de nomination ,
l'un des permutans ne peut plus révoquer fa pro-
curation , tant parce qu'une telle révocation feroit
injurieufe au roi , qu'à caufe que fa majeflé , te-
nant la place des éledeurs, ne peut pas varier dans
fa nomination.
Remarquez cependant que la règle fuivant la-
quelle le roi ne peut pas varier dans fa nomina-
tion , reçoit exception pour le cas où un fécond
PERMUTATION.
brevet de nomination contient une révocation ex-
preflc du premier.
Le droit de contrôle des aâes de Permutation eft
fixé à cinq livres en principal par l'article premier
du tarif du 29 feptembre 1722.
On n'eft pas fondé à exiger deux droits de con-
trôle d'un ade de Permutation, fous prétexte qu'il
renferme les démiflîons de deux titulaires , parce
qite ces deux démiflîons réciproques font nécef-
faires pour former la Permutation , & que le légif-
lateur n'a affujetti cette Permutation qu'à un feul
droit, fixè à cinq livres , de même qu'il n'a affujetti
l'échange de biens temporels qu'à un feul droit de
contrôle, quoiqu'il s'y trouve deux aliénations. Il
paroît néanmoins que la prétention d'un double
droit a été formée ; mais elle a été condamnée par
une décifion du confeil du 28 mars 1733 , qui,
en jugeant qu'il n'eft dû qu'un droit de contrôle /
pour les Permutations, a ordonné la reftitution de
ce qui pouvoit avoir été perçu de plus.
Voyez les mémoires du clergé ; Fuet , traité des ma-
tières bénéficiales ; les lois eccle/îaflitjues de France;
Fevret , traité de l'abus ; Dumoulin fur les règles de
publicand. refignat. é* de infirmis refignant. ; le re-
cuil de jurifprudence canonique ; Rebuffe fur le concor-
dat ; les arrêts de Boniface ; le recueil de Bardet;
le journal du palais & celui des audiences ; les œu-
vres de M. Piales ; les moyens canoniques de Du-
perray ; Brodeau fur Louel ; Gohard , traité des bé-
ncfiees , ^e. Voyez aufli les articles Procura-
T10^f , RÉSIGNATION , POSSESSION , NOMINA-
TION ROYALE , Patron, Pension , Regrès , &c.
PERPRENDRE , PERPRISE , PERPRISION.
Ces mots nous viennent de la baffe latinité , Per-
prendere , perprehcnjio , perprenfio , perprijîo , perpri-
funt , proprifa.
Ces mots répondoient à ceux-ci, acquérir, s'em-
parer , ufurper , s'approprier de fon autorié.
Ils fignifioient plus fpécialement , clorre un ter-
rein de murs , de haies ou de foffés.
Et c'eft de-là que nous eft venu le mot pour-
pris , que plufieurs coutumes emploient pour dé-
figner un enclos, un terrcin entouré de murs, de
haies ou de foffés.
Perprendre , \x(tï àQ perprife ou de perprîjîon , c'e/I,
dans la coutume de Dax , prendre , de fa propre
autorité , des terres communes , fans congé du fei-
gneur , fans lui payer des lods Ôc ventes , mais feu-
lement à la charge de payer fa quotité de la quêie
ou rente. Coût, de Dax , tit. 9 , art. 18.
Ce droit àeperprife ou de perprifîon n'eft pas ufité
dans toute la fénéchauffée de Dax ; il n'a lieu que
dans les terres que la coutume appelle terres de
quére. Telles font la vicomte de Marempnes , les
baronnies de Marenfin, d'Herbe Saveyre, de Lâfa-
rie , de Majefc , de Sabres & de Cap Breton , & les
fiefs du feigncur de Poylhoaut,
Il y a même quelques terres de <juête dans cette
fénéchauffée , qui ne pratiquent plus 1« droit de
PERPRENDRE.
perprîfe : ce font les baronnics de Go£e , de Sert'
han^ & de Saubujfe. Les habitans de ces trois terres
renoncèrent au droit de ferprife , lors de la rédac-
tion de la coiiturHe de Dax.
Il ne faut pas confondre les terres de quête de
la coutume de Dax , avec les terres de quête dont
p.irlent quelques coutumes de main-morte.
La coutume de Dax appelle terres de quête , celles
dans lefquelles la rente feigneuriale eft uniforme
fci générale , payée en commun pour raifon déroute
une paroiflfe, ou de tous les tenemens & terres
d'une baronnie, & où chaque habitant contribue
au payement de la quête ou rente en proportion de
h quantité des terres qu'il a prifes ou qu'il polTède.
Coût, de Dax , ;/:. 9 , art. i 5 .
C'ed dans ces terres , où la rente eft générale ,
uniforme Ôi impofée en commun, que le droit de
perprije a lieu.
Et ces terres rcffemblent fi peu aux terres de main-
morte, que la coutume appelle celles fur lefquelles
le droit de perprife s'exerce , terres communes &
franches.
Quelle eft l'origine , quelle eft la nature de ce
droit de perprife ? quels en font les avantages
& les inconvéniens } C'cft ce que je vais exa-
miner.
Origine du droit de perprife.
S'il eft vrai, comme quelques obfervateurs ont
prétendu le prouver, que les communes forment au
moins la dixième partie des terres du royaume ,
il eft bien étonnant qu'on n'ait commencé que
dans le fcizième fiècle à s'occuper d'un objet auffi
intéreftant pour l'état , 6c que nous n'ayions , de-
puis cette époque , qu'un très - petit nombre de
lois , toutes très-imparfaites fur cette matière.
Même oubli , même imperfeélion dans ce nom-
bre prodigieux de coutumes qui gouvernent la
France ; la plupart gardent un {ilencc abfolu fur
ïc« tcrrc-s communes , & celles qui en parlent ne
règlent que la îoa.nJère dont on doit en jouir &
les adminiftrer : je n'en connois qu'une , outre celle
de Dax, qui ait porté fes vues plus loin; c'çft la
coutume de Lorraine.
Elle dit que les communautés ayant bois , paf-
quis , terres & autres chofes communes, ne peu-
vent, 1°. les aliéner à quelque titre que ce foit;
2°. ni échanger leur nature fans l'aveu & confen-
tenient du feigneur haut-jufticier.
Ce n'eft donc ni aux ordonnances de nos rois
ni aux coutumes que nous devons ce principe reçu
depuis long-temps en France , que les membres
d une communauté ne peuvent ni partager cntr'eux
les communes , ni en intervertir & changer l'ufage :
c'eft la jurifprudence des cours qui a confacré ce
principe j M. le Bret paroît en avoir donné la pre-
mière idée.
« Jb initia , difoit ce magiftrat , hac fuit diâd
9 Icx agr^ compafcHO ^ ut communiter pafcerctur ,0
PERPRENDRE.
107
» fuh uno ejufdem univerfitatjs dominïo : or , c'eft
» une maxime tirée de la loi , qu'il n'eft pas per-
» mis d'intervertir ni de changer l'ufage établi de
M tout temps , comme il eft traité dans la loi ambi-
V tiofa ff. de decrttis ab ordine faciendis : & de
» plus, ces communes faifant part de la républi-
M que, il importe qu'elles foient éternellement en
» même état >».
Telle eft le droit commun du royaume fur cette
matière, La propriété des terres communes ap-
partient à la communauté ; les membres de la
communauté n'en ont que l'ufage , & elles doi-
vent reftcr à jamais indivifes, parce qu'elles ont
été deftinées , dès le commencement, à l'ufage
comm.un.
Mais ce principe , ni les motifs fur lefquels il
eft fondé , ne peuvent pas s'appliquer aux com-
munes des terres de quête dans la fénéchaulTée de
Dax. Là , les feigncurs ont fait la conceftîon des
communes , non pour qu'elles reftaflent à jamais
en pâturage , indivifes & confaçrées à l'ufage com-
mun , mais pour qu'elles fuftent employées au plus
grand avantage de chacun des membres de la com-
munauté. Là, ab initia lex nan fuit diêla agro com-
pafcuo , ut communiter pafceretur; on n'y a envi-
fagé d'abord que la plus grande utilité de chaqut
habitant; on a voulu laifîer le champ libre à l'in-
duftric du cultivateur, que chaque liabitant mît
en valeur tout ce qu'il voudroit , tout ce qu'il
pourroit cultiver , & qu'il ne reftât poar l'ulagc
commun , que ce qui ne trouveroit pas de cul«
tivatcur.
Nature du droit de perprife^
Ce droit n'a lieu, dans chaque communauté ,'
qu'entre les habitans , membres de la commu-
nauté ; les étrangers en font exclus.
Chaque habitant a la faculté de prendre, de clore
& de cultiver à fon profit telle partie des terres
communes qu'il juge à propos.
Il les prend de fa propre autorité , fans le
confentement du feigneur , fans être afl"ujetti à
aucune formalité, & même fans être obligé de
demander le confentement des autres habitans.
La barennie de Cap Breton eft la feule où le
droit de Perprife tte peut s'exercer que du confen-
tement du juge & des habitans*
Ce n'eft que fur les terres vraiment vacantes
qu'on peut exercer ce droit. La coutume dit qu'on
ne pourra Perprendre terre connue £autre voifin ,
c'eft-à-dire , la terre qui eft connue pour apparte-
nir à un autre membre de la communauté; car tel
eft le fens du mot voiftn dans la coutume de Dax
& dans celles de Bayonne & de Saint-Sever.
La coutume dit aufti qu'on ne pourra , par le
droit de perprife , empêche t chemin public ni privé ,
ni chemin de bétail.
Celui qui s'empare, par droit éc perprife , d'une
portion de terre commune , n'eft pas obligé de
payer des lods 6c ventes,
Oij
loS PERPRENDRE.
il cAr feulement tenu, tant qu'il poiTéde la terre
perprife , de contribuer au payement de la (]uct£ ou
tente générale , à proportion de ce qu'il pofiede.
Ce droit dç perprife n'anéantit point la propriété
de la communauté fur la terre perpnje , Si cspen-
dant il procure à l'habitant qui perprend , à peu près
tous les avantages de la pleine propriété.
Cet habitant emploie la terre perprife à telle
efpèce de culture & de produâion qu'il juge à pro-
pos , en perçoit les fruits , en ufe & en difpofe
cjnime de fa chofe propre, la tranfmet à fes héri-
tiers » peut U donner ou la vendre , pourvu que
l'héritier , le donataire ou l'acquéreur foit auffi
membre de la communauté.
Mais il ne peut la tranfmettre , la donner, ni la
ve uire à un étranger.
S'il l'abandonne , ou qu'il meure fans laiflcr
d'hîritiers membres de la communauté , la terre
perprije rentre dans la communauté primitive , re-
devient foiunife à l'ufage commun de tous les ha-
bitans, jufqu'à ce qu'elle foit de nou.yi?M perprife
par quclqu autre habitant.
Avantagti 6» inconvéniens du droit de perprife.
On convient aflez générale.Tient aujourd'hui ,
eue les communaux font inutiles , nuilibles même
aux progrès de l'agriculture. De là, ces écrits fur
la neceifité de partager les communaux, pour les
mettre en valeur ; de là , ces projets de partage qui
ie font multipliés depuis quelques années , & don:
plufieurs ont été exécutés ; de là, cette Loi qui a
permis aux habitans de la province des trois évè-
chés , de partager leurs communaux ; de là , enfin ,
cette difpofitiou du gouvernement à encourager ,
à favorifer tous les projets qui tendront à mettre
les communaux en culture.
Ce n'eft pas que le partage abfolu des commu-
naux n'ait aulîi fes inconvéniens. Rien de plus fage ,
rien de mieux combiné que la loi qui a été faite
pour les trois évêchés ; elle a pris d'excellentes
précautions pour empêcher l'aliénation des lots qui
feroient échus à chaque habitant dans le partage ,
pour exclure à jamais tout étranger de la jouiflancc
de ces portions de communaux , pour rendre im-
poffible la réunion de plufjeurs deces portions dans
une feule main , pour que les portions qui devien-
«Iroient vacantes tournaffent au profit de la com-
munauté , ou fuflent diflribuées à d'autres habitans
qui n'en auroient pas encore reçu.
Mais voici des vices inféparablcs de tout partage
abfolu & univerfel des communaux , auxquels par
conféquent la loi qui autorifoit ce partage univerfel
ne peuvoi't pas remédier.
Toutes les terres communes étant partagées en-
tre les habitans aéluels , & chaqiie portion devant
être à jamais ihdivifible dans les générations futu-
res , toujours tranfmifes à un feul enfant, il eil
évident qu'il ne reftera rien à donner aux étrangers,
çut viendront dans la fuite former de nouveaux
PERPRENDRE.
r ménages dans la feigneurie ou dans la paroifie;
! il arrivera même très-fréquemment, que les cn-
fans d'un habitant, habitans eux mêmes , n'auront
cependant aucune portion des terres communes.
De là , réfuhera néceffairement une injuftice ou
un obftacle à l'accroilTement de la population , &
peut-être l'un & l'autre à-la-fois.
Par la deftination primitive des commiines , tout
membre de la communauté devoit y avoir à jamais
un droit égal à celui de tous les autres habitans.
Par le partage , vous enlevez l'ufage commun à
toutes les générations futures ; vous déterminez
le nombre de vos portions fur le nombre des mé-
nages qui exigent lors du partage ; vous déclarez
donc, ou que vous ne voulez pas un ménage au-
delà du nombre déterminé par celui des portions ,
ou que vous excluez tout ménage fjmumerairc^
de tout droit , de tout efpoir de propriété &. de
jouiflance fur les terres communes.
Dire qu'il y aura des portions vacantes , foit par
la migration de quelques habitans, foit parce que
d'autres habitans mourront fans poilérité , c'eft
d abord compter fur un'futur contingent , qui petit
très-bien ne pas arriver; d'un autre côté,c'eft limi-
ter irrévocablement votre population au nombre
des ménages qui exiftoicnt lors du partage, c'eft
inviter même vos enfans , vos habitans furnume-
raires à s'expatrier; c'eft dire aux uns Si aux au-
tres : « Soyez , fi vous le voulez, membres de no-
» tre communauté, mais vous n'aurez aucune part
» à nos biens communs ».
Quel eft donc le meilleur fyftême d'économie
politique concernant les terres communes ? Je ne
crains point de le dire , c'eft le droit de perprife. Le
mot eft barbare ; à la bonne heure , je l'aban-
donne ; c'eft la chofe que j'examine: je ne dis point
que ce droit de perprife , tel qu'on le pratique dans
k coutume de Dax , foit le plus parfait de tous.
I les fyftèmcs ponîbles ; mais je crois que c'eft celui
; qui approche le plus de la perfeélion , que c'eft le
! plus iimple & le plus utile de tous ceux qui ont été
imaginés jufqu'à préfent.
Cette communauté , qui eft établie dans les terres
de quête de la fénéchauffée de Dax , nous retrace:
l'image de la communauté primitive que la nature
avoir établie entre tous les hommes.
Les terres communes n'y font point condamnées
à une éternelle ftérilité ; elles s'offrent au premier
cultivateur qui voudra les féconder. On ne con-
facrc à l'ufage commun que celles qui n'ont pas
trouvé de cultivateur , ou dont on a abandonné la
, culture.
; L'inégalité des fortunes eft un mal inévitable
'. dans nos inflitutioris fociales , & ce n'eft pas dans
nos focietés. modernes de l'europe qu'il faut efpé*
rer de voir rétablir l'égalité : on ne peut entre-
prendre qu'avec des nations neuves , ce que Ly-
curgue fit à Sparte , ce que les jéfuites ont fait au,
Paraguay,
Mais la nature a prefcrit à cette inégalité , de*
PERPRENDRE.
bornes qu'aucune inAitution fociale ne peut frtîn-
chir. C'eft de la nature que l'homme a reçu le
^roit , c'eft elle qui lui a impofé l'obligation de
pourvoir à fa confervation : puifqu'il eft né , )1
faut qu'il vive ; il a donc le droit d'ufer de toutes
les chofes qui font néceifaires à fa fubfiftance. Dans
l'état de fociété , il ne faut pas fans doute que cha-
que individu puifle r^^gler à fon gré la quantité &
la qualité des chofes neceffairesà fa fubfiftance , ni
çhoifir les moyens de fe les procurer ; c'eft la fo-
ciété , la nation elle-même qui doit y pourvoir :
elle doit le faire de manière à aifurer à tous les
individus qui la compofent, la plus grande fomme
de bonheur poflible . en excitant leur travail &
leur induftrie , pour obtenir de chacun d'eux la plus
forte contribution poftîble à la félicité publique.
Une nation qui auroit des terres en réferve pour
en donner à ceux qui n'en ont pas ; qui ne feroit
fervir à l'ufage commun que le fuperflu de ces
terres , c'eft à-dire celles qui n'auroient pas trouvé
de cultivateur; qui feroit rentrer dans la commu-
nauté générale , ou diftribueroit à de nouveaux
cultivateurs celles dont la culture auroit été aban-
donnée; cette nation feroit celle qui auroit le
mieux rempli le premier de fes devoirs envers fes
membres & envers elle-même, qui auroit pourvu
îe plus sûrement au bonheur des individus & à
la propriété nationale.
Telle devroit être Ij deftination de cette immen-
fîté de communaux qui font répandus dans le
royaume. Telle eft en effet leur deftination d.ins
les lieux où le droit de perprife s'exerce.
j» Ces terres communes demeureront donc in-
» cultes , en attendant qu'elles trouvent un culti-
» vateur ? Et ft les cultivateurs fe multiplient au
» point de mettre entîn toutes ces terres commu-
» ncs en valeur, quelle reffonrce aurez-vous pour
>» la fubfiftance des furnuméraires »?
"Voilà les objedions , voici les réponfes.
Les terres communes demeureront incultes ! Le
font-elles moins dans votre fyftême d'aliénabilité
& d'indivifibilité des communaux ? Dans votre fyf-
tême, elles feront à jamais incultes. Cekii du droit
de perprife tend nécefiairement à les mettre tôt ou
tard en valeur.
Elles demeureront incultes en attendant qu'elles
trouvent un cultivateur ? Vraiment oui , dans tous
les fyftémes poffibles , il faut qu'elles demeurent
incultes jufqu'a ce qu'il y ait des bras pour les cul-
tiver. Le meilleur de tous eft donc celui qui tend
le plus promptement & le plus efficacement à
multiplier les bras.
Or , que peut produire à cet égard le partage
univerfel & abfolu des communaux ? Il donnera
de nouvelles terres à cultiver à l'habitant qui en
a déjà ; il fixera à jamais le nombre des cultiva-
teurs , & les furchargera d'une nouvelle culture.
Au lieu que le droit de perprife donne dss ferres
à celai qui n'en a pas ; il doane de nouveaux cul-
PERPRERDRE. 109
tivateurs à la terre ; il doit donc multiplier les cul-
tivateurs.
» Mais la population pourra devenir exceftlve ,
r» il pourra ne plus refter de terres incultes & com-
» munes à défricher ■»,
Cette époque eft loin encore : il y a encore biert
plus de terres incultes que d hommes capables de
cultiver, qui n'aient pas de terres ; &: de plus, la
mafte commune fera perpétuellement recompofée
des terres dont la culture aura été abandonnée , &
de celles dont le cultivateur n'aura lailfé , en mou-
rant , aucun héritier membre de U communauté.
Je fuppofe ( & puiflc cette fuppofition fe réalifer
un jour!) qu'enfin toutes les terres du royaume
foient cultivées , qu'il n'y refie plus aucune friche ;
alors nous aurons atteint le plus haut dtgré de po-
pulation & de richefîc nationale , & Ton convien-
dra fans doute que cette perfpe^ïive n'eft pas faite
pour effrayer un bon adminiftmteur. Je ne dirai
point qu'alors la nation fera dégagée de l'obligation
de pourvoir à la fubfiftance des individus qui n'ont
point de terres ; mais je dirai qu'alors elle aura
beaucoup plus de reftburces que de befoins , qu'a-
lors elle pourra, fans danger, étendre & multi-
plier à l'inftni fon commerce, fa navigation, fes
travaux publics , fes mnnufiiflures & fes coloni s ;
qu'elle pourra employer utilement tous les hommes
fuperftus dont l'agriculture n'aura pas befoin ; qu'en
leur procurant ainfi des moyens de fubfiftance , elle
ouvrira des fourccs inépuifables de nouvelles ri-
cheftes , foit pour elle-même , foit pour les culti-
vateurs des terres.
Voilà les avantages que je crois voir dans le plan
de légiftation dont le droit de perprife m'a donné
l'idée. Mais je ne fuis pas efclave de mon modèle ,
au point de m'aveugler fur fes imperfedions.
i". Dans tous les lieux où le droit de perprife
s'exerce ( à l'exception de la baronnie de Cap Brc
ton ) , chaque habitant s'empare de la terre com-
mune , dé fa propre autorité. C'eft bien là le droit
du premier occupant dans toute fa pureté , tel qu'il
ctoit établi par la loi de nature dans l'état de com-
munauté primitive. Mais dans des fociétés bien or-
données, il n'eft pas poffible de tolérer ces inva-
fions d'autorité privée.
Pourquoi dans l'état de nature l'a^îe d'occupntion
a-t-il dû fuffire pour donner la propriété ? Parce
quejl'ufnge exclufif de la terre vacante n'appa't':'noit
encore à perfonne; parce qu'il éroit impoffible
d'aftembler l'univerfalité des hommes qui avoient
droit de communauté fur la terre vacante , pout
obtenir d'eux une conceftlon ; qu'on ne pou- -■
^„ -qiient exiger qu une conceflîon ' - •
leur part, & que ce^te conceffion ^^^,^ ^^^^^
ère pr ftinr^e, par cela feul r„.,^,,„„ ^^^^ J
s etoît oppofe a 1 aéle d occu-^itfon
Au liet. que chaque na-:^n , chaque communauté
eft véritablement pro;^îétaire, a véritablement l'u!
f',ge exclufif d^_, ferres communes; qu'elle feule
en peut ta;^ f» conceffion ', ^ue nos petites coa»-
iio PEIIPRENDRE.
raunautcs d'habitans peuvent s'afTcmblcr facile-
ment ; que les nations qui ne s aflemblent plus , 8c
les grandes communautés qui font ti cp nombreufcs
pour s'afTembler fréquemment , ont des repréfen-
tans [auxquels on peut s'adrefler pour obtenir la
conceffion.
2 . Cette liberté que la coutume de Dax donne
à chaque habitant de Perprendrc de fa propre autorité ,
entraîne d'autant plus d'inconvéniens , qu'elle eu.
abfolument illimitée. Ce n'eft pas feulement à l'ha-
bitant qui n'a pas de terrres que la coutume donne
le droit de Perprendrc ; elle'le donne à tous les ha-
bitans indiftinâement : elle ne borne pas le droit
de Perprendre à la quantité de terres que chaque ha-
bitant pourra cultiver ; elle le donne fans reftridion
& fans limites.
Ainfi l'habitant qui a déjà beaucoup de terres ,
pourra prendre tout ce qui fera à fa bienfcance ,
agrandir des poiTeffions déjà trop étendues , enlever
à celui qui n'a rien , la feule refTource que les terres
communes lui offroient pour fa fubfiftance : &
quel fera le dernier réfultat du droit de Ferpiife }
Le pauvre ne fera pas foulage , & les terres com-
munes ne cefferont d'être incultes que pour être
mal cultivées.
Le droit de perpr'ife fur les terres communes ne
fera donc vraiment utile &: jufle , que lorfque
l'cxevcice en fera fubordonnc à l'autorité publique ,
comme il i'eft dans la baronnic de Cap Breton ; lorf-
qu'on ne donnera des terres communes qu'à celui
qui n'en a pas, ou qui n'en a pas affes pour fe pro-
curer un bien - être; lorfqu'on ne lui donnera que
la quantité qu'il peut cultiver ; lorfque dans chaque
ménage on proportionnera la conceffion au nom-
bre des enfans qui confomment & qui travaillent;
lorfqu'on excitera l'émulation entre les cultivateurs,
par de petites concevons , qui feront le prix de la
meilleure culture, &c.
Voilà , en peu de mots , tout le fecret de mon
fyftême économique fur les communes. Peut-être
trouvera-t-on mauvais que j'aie propofé le plan
d'iinc légiflation nouvelle dans un ouvrage de jurif-
prudence , 8c fur un mot qui n'ctoit prefque pas
connu dans la jurifprudence ; mais c'cft parce qu'il
étoit peu connu , que j'ai dià le faire connoître ;
& je ne me croirois pas digne de traiter de la ju-
rifprudence , fi je me contentois de dire ce qui eft ,
fans indiquer ce qui devroit ne pas être, ou ce qui
pourroitêtre mieux. (^Article de M, de PoLVERELy
avocat au parlement ).
PERQUIRATUR. Terme de chancellerie ro-
maine, par lequel on défigne la commiffion que
donne le dataire, pour connoître fi dans les regif-
tres il n'a pas été reicnu telle ou telle date dans un
tel temps ( ï ).
(l) VdTmvJit d'un Perqwratur.
Pcrqiiiratur in libriseminenuffirai cîoînîîji prodatarii , Jî /?
datairé elîcerdinal , & illuftnirirci àiizni , quand il ne L'cji
pus , à die ... . ufouc êc "Cï tp:un» mervftm , vsl f çc totuai
PERRUQUIER.
Un préventionnaire feroit inutilement ufage du
Perijuirdtur pour prouver une rétention de date :
on n'admet parmi nous d'autres preuves à cet égard,
que le regiftre du banquier expéditionnaire charge
de la commifficn. Voyez Date.
PERRUQUIER. C'eft celui qui fait des
perruques.
Lorfque la fabrique des perruques s'établit en
France ,Ue débit en futfi peu confidérable , qu'il ne
parut d'abord pas néccflaire.de mettre les ouvriers
qui les fabriquoientj enmaîtrifeoiren com-munauté.
Quand l'ufage des perruques augmenta , on créa
quarante - huit barbiers - baigneurs-étuvitles-perru-
quiers fuivant la cour.
En 1656, le roi Louis XIV créa, par édit du
mois de décembre, un corps & une communauté
de deux cens barbiers-perruquiers, baigneurs &
ètuviftes , pour la ville éc les fauxbourgs de Paris ;
mais cette loi n'eut point d'exécution. Far un autre
édit du mois de mars 1673 , il s'en fit une nou-
velle création , & c'eft cette communauté qui fub-
fifte encore aujourd'hui.
Les ftatuts de ce corps ont été dreflés au confeil
le 14 mars 1674. Ils ont enfuite été renouvelés,
augmentés Se enregiftrés au parlement le 7 fcptem-
bre 1718. Ils contiennent 69 articles.
* Les places de Perruquier doivent-elles être afli-
milées aux offices dont parle l'édit de 1683 , &
doit-on , fous ce point de vue ,les regarder comme
immeubles .''
Brillon , au mot barbier , dit quen fa'ifit réellement
un ofice de barbier- Perruquier ; ce qui fuppofe ,
comme l'on voit , qu'on regarde ces fortes de pla-
ces comme immeubles.
Cependant il ajoute que , par arrêt contradifloire
du 3 février 1686 , le parlement de Paris a rçfufé
des défenfes fur l'appel d'une fentence du châtelet,
qui avoit jugé qu'un pareil office ne peut pas être
mis en bail judiciaire ; & il rapporte une note de
M. le Cœur, avocat célèbre de fon temps, qui eu
ainfi conçue ; « On tient que ces fortes d'offices
» font meubles , & ne peuvent être faifis réelle-
» ment ».
Nous rapportons fous le mot office un arrêt du
parlement de Paris , qui juge nettement pour la qua-
lité de meuble.
La même opinion paroît reçue en Bourgogne.
Le parlement de cette province femble avoir fixé
fur ce point la jurifprudence par deux arrêts con-
formes des II janvier 1691 Si 4 Juillet 1742: dans
l'efpèce du premier , Pierre Pillet , Perruquier , en
mariant fa fille avec Star, lui donna en dot fa let-
tre de barbier. Star & fa femme empruntèrent , le
2.4 janvier 1 686 , de la veuve Bardet , 700 livres ,
dont ils créèrent rente , & encore plufieurs fommej
en d'autres temps , & lui engagèrent la lettre de
annum .... qui & quot fine impétrantes canonicatum , &
prebendim ecclefix N. , per relîgnationcm five per obitum
N. , aut alio qucviTmodo vacantis ,• & annotcntur nomiua &
cognomica impctranûuni geneta vacationum modi &cditx.
PERRUQUIER.
barbier , qu'ils lui remirent avec d'autres titres qui
y avoient rapport.
Dans la fuite , un autre créancier , antérieur a la
Bardet, faifit la lettre ; ce qui donna lieu à des con-
teftations entre le faihflant & les débiteurs, lel-
quelles furent portées au parlement de Dijon ; la
veuve Bardet intervint, & demanda q^u'en cas de
vente de la lettre de barbier, elle fut payée de
ce qui étoit dû fur le prix , par privilège & préte-
rencc , comme fur un effet mebilier , & l'arrêt jugea
eonformément à fes conclufions.
Dans les circonftances du fécond , Oriame ven-
dit , le 4 juin 1706 , à Bontrou & à fa femme , une
lettre de barbier - Perruquier , pour 2500 livres,
dont les acquéreurs créèrent une rente. La lettre
relia entre les mains du vendeur pour sûreté de fa
créance. Le premier janvier 1714, les débiteurs ,
après avoir payé 500 livres, empruntèrent du fieur
Bernard 2000 livres , aux arrérages de 83 livres 6
fols 8 den. dont ils remboursèrent la veuve Oria-
me , qui fubrogea le fieur Bernard dans tous les
droits & privilèges acquis à fon mari, & lui remit
la lettre de barbier avec les titres qu'elle avoit en
fon pouvoir. Le 3 novembre 1740 , la veuve Bou-
trou vendit fa lettre pour 3700 livres au nommé
Badel , qui paya 200 liv. comptant , promit 2000 1.
lorfqu'il fe feroit recevoir , & fe chargea du prin-
cipal de 1500 livres dû au fieur Gaudrillet , con-
feiller à la table de marbre , & à la dame Bernard
fa femme, qui étoient dans les droits d'Oriame.
La veuve Boutrou devoit remettre à Badel une
copie collationnée de la lettre, & l'extrait de la
réception de Boutrcu fon mari. Les fieur & dame
Goudrillet s'opposèrent à la réception de Badel. La
veuve Boutrou les fit afligner pour les faire dé-
bouter de l'oppofition , ôc les forcer à dépofer au
greffe ou chez un Notaire, la lettre ou privilège
qu'Oriame avoit vendu à fon maître , pour en tirer
une copie callationnée.
Ils y confentirent , pourvu qu'on les remboursât.
Le 16 avril 1742 , meifieiirs des Requêtes du Palais
ordonnèrent que , fur les deniers provenus de la
vente de la lettre, le fieur & la dame Gaudrillet
feroient payés par privilège & préférence à Bou-
trou , & à tous autres, de 1500 livres & des in-
térêts , au moyen des offres qu'ils firent de remet-
tre à la veuve Boutrou , lors du payement, la let-
tre & les autres pièces ; on la condamna aux dé-
pens ; elle interjeta appel à la cour , où elle dit
que la lettre de barbier étoit un immeuble , qu'elle
avoit pu en faire la vente , & déléguer le prix à fon
créancier , qui n'avoir pas dû s'oppofer à la récep-
tion de l'acquéreur.
Les intimés répondoient que le privilège de bar-
bier étoit un meuble. Se que le créancier pouvoir
conferver fon gage , & demander la préférence fur
tous les autres; qu'ils en étoient en pofTeflion ,
pojjcjfio ptnès aeditorem ; que l'appelante n'en jouif-
foit que précsirement , precirià & pro con.:uchi.
qu'on devoit décider de ce cas comme fi elle leur
PERRUQUIER. i^^
avoit laifie à gage de la vaiffelle d'argent ; que de-
puis l'arrêt de 1691 on ne pouvoir douter que les
lettres de barbier ne fuffent meubles. Et fur ces
raifons , le parlement confirma la fentence par ar-
rêt du 4 juillet 1742 *.
En exécution de l'édit du mois de février 177^ »
& de l'arrêt du confeil du 18 mars 1774 , les pro-
priétaires de charges ou places de barbiers-Perru-
quiers des différentes villes du royaume, ont été
obligés de faire l'évaluation de leurs charges dans
une affemblée de leur communauté , par une déli-
bération prife Se arrêtée à la pluralité des voix. C'efl
en conféquence de cette évaluation , que chaque
maître Perruquier doit payer annuellement le cen-
tième denier auquel l'édit de février 1771 a afTu-
jetti les propriétaires de charges ou offices.
L'article 5 de l'arrêt qu'on vient de citer, a réglé
qu'au cas que les propriétaires des charges ou pla-
ces de maîtres Perruquiers , ou leurs veuves &. hé-
ritiers, viendroient à vendre ces places après en
avoir acquitté le centième denier, le droit de mu-
tation ne feroit payé que fur le pied de quatre de-
niers pour livre ou du foixantième de l'évaluation ,
au lieu du vingt-quatrième porté par l'article 19 da
redit de février 1771, auquel le roi a dérogé à cec
égard feulement ,& fans préjudice du double & du
triple droit , dans le cas prévu par les règlemens
des revenus cafuels.
A l'égard des propriétaires qui n'ont pas acquitte
le centième denier , ils ne peuvent difpofer Ae.
leurs charges ou places par vente ou autrement,
qu'en payant le trentième de l'évaluation, au lieu
du foixantième dont on vient de parler.
Les acquéreurs de ces charges ou places ne fontpas
tenusjd'obtenir des provifions ,^comme celui qui ac-
quiert un office de judicature ou autre : la quittance
du droit de mutation qu'on leur délivre, & les lettres
de maîtrifel qui , pour la première fois, s'expédient
au grand fceau, palTent entre les mains de ceux qui
fuccèdent à ces places. Il fuffit que ceux-ci faiTent
enregiflrer leurs titres de propriété au bureau de
la communauté , & qu'ils prêtent ferment entre les
mains des lieutenans du premier chirurgien du roi,
pour être autorifés à ouvrir boutique & à travailler
ou faire travailler du métier de Perruquier.
Obfervez toutefois qu'il efl défendu aux lieute-
nans du premier chirurgien & à tout autre , de
procédera aucune réception de maître Perruquier,
qu'il ne leur ait apparu du payement du droit de
mutation ,à peine de nullité de la réception & de
trois cents livres d'amende.
Voyei à ce fujet les édits de mars 1673 , juillet
1746 , mai 1760 , & février 1771 , 6. l'arrêt du con-
feil du 18 mars 1774 ; voyez aufil l'article Office.
Les Perruquiers de Paris s'étant plaints des abus
qui s'étoient intioduits à leur préjudice, relative-
ment à la coiffuie des femmes, ils obtinrent, le
22 juillet 1771 , des lettres-patentes partant inter-
prétation de l'article 58 de leurs ftatus. Le roi y
j dit que les mots, toutes fortes d'ouvr.î^es de chc-
PERRUQUIER.
m
VI.UX, tant pour hommes qiu pour femmes , énOTlcés
dans cet article 58 , comprennent la frifure & rac-
commodage des cheveux naturels & artificiels des
hommes & des femmes , & que cette frifure
& accommodage appartient aux maîtres Perru-
quiers , privativement à tous autres , à l'exception
néanmoins des coiffeurs de femme, au nombre de
cent fix , infcrits en cette qualité au bureau de la
communauté des maîtres Perruquiers , en vertu
des arrêts du parlement des 27 juillet 1768 , & 7
janvier 1769 (i).
•■^■"i*»»^"""-— ^w* I ' ' •••^■™*"~i"«i»— ^■^■^■•^i^— «-i***"^"*-*— «i*^
(I) Outre ces cent fix coiffeurs , la iéclaration du roi du 1 8
fiodc l~ 7 <i agrégé a la communauté des mJtres barbiers
Perruquiers de Paris fix centi autres coiffeurs de femme. Voici
cette loi :
Louis, &c. Salut. Par l'article 4 de notre édit du mois
d'août dernier , iious avons ordonné qui! ne fecoit rien in-
nové en ce qui cjnccme la communaut. des maîtres barbiers
Perruquiers baigneurs Se étuviitcs , jui'qu'à ce qu'il en fùipar
nous autrement ordonné ; nous avons permis , par le mcine
article, aux coifFeules de femmes d'exercer librement leur
profellîon ; mais un grand nombre de particuliers exerçant
ladite ptofefl^on^ nous ayant reprcfenté que ce genre de tra-
vail qu'ils avoient enrrepris depuis long-temps, étoit la feule
reflburcequi pût les faire fubàllcr, & nous ayant fait fup '
plier de leur faciliter les moyens de le continuer , à telles
conditions qu'il nous plaitoit, nous avons cru devoir venir à
leurs fecours en les agrégeant à la communauté des maîtrci-
l-atbie s-Perruquiers-baigneurs & étuvillcs , i la charge par
eux de payer une modique l'Inance , an moyen de laquelle
ils pourront exercer librement , fous rinfpection de ladite
communauté, la profcfiion de coifteurs de femmes ; & par
cette agrégation , nous préviendrons une multitude de con-
traventions qui fe commettent journellement , &C qu'il e(l
néceffairc de réprimer par des voies moins rigoureufes &
moins fufccptibles d'inconvénient. A ces caufes , & autres à
ce nous mouvant , de l'avis de notre confeil , & de notre
certaine fciencc, pleine puiflancc &: autorité royale, nous
avons , partes ptéfcntes fignées de notre main, dit , déclaré
& ordonné , difons , déclarons & ordonnons , voulons & nous
plaît ce qui fuit.
Article i. Les particuliers qui voudront exercer à l'ave-
nir la profeffion de coéfFeurs de feturaes , feront tenus d'en
faire leur décla:ation au fieur lieutenant général de police ,
laquelle fera infcrite fur un régi Ire à ce deftiné, doBtilleur
fera délivré un extrait, fur le ^u duquel ils feront agrégés,
au nombre de fix cents feulement , à la communauté des
barbiers Perruquiers-baigneurs & étuvifles ; à la charge de
*ayer pat chacun d'eux la fomme de fix cents livres , dont les
trois quats feront perçus à notre profit pat le tréforier de nos
Parties cafuellcs , Ce l'autre quart au profit de ladite commu-
nauté.
Per arrêt du confcil du 9 avril I778, «tf« finance a cte
réduite d trois cents livres , 6" il « été réglé çut les coiffeurs j«i
pnyeroiint les fix cents livres énoncées dans icrtide frtmitr dt
la déclaration , feraient propriétaires de deux places b^ auroient
la faculté d'avoir un garçon pour Us aider 9u remplacer en cas
d'ahfence ou dt maladie.
a. Sut le quart revenant à la communauté , il fera pre-
Jevé une fomme de quarante-cinq livres; favoir, douze livres
pour notre premier chirurgien , fix livres à fon lieutenant,
quatre livres à chacun des fix fyndics en charge, & tiois livres
au greffier : le furplus fera employé aux frais ordinaires de
l'adminirtration & aux charges dont les offices des maîtres
barbiers Perruquiers-baigneurs * étuvilles font tenus envers
nous. .
3. Au moyen de la repréfentation des quittances deidits
paycmens & d« l'extrait de la déclaration faite à la police ,
PERRUQUIER.
Ces lettres-patentes conticnncn auflî une excep-
tion en faveur des femmes ou fiiies qui s'occupent
de la frifure ou coiffure des perfonnes de leur fexe ;
elles font autorifées à continuer cette profeiTion,
nonobflant le droit exclufif des Perruquiers ; mais
il leur eft défendu , fous peine de punition , de
taire ou conipofer des boucles , tours de cheveux
ou chignons artificiels, & de tenir école de coif-
fure, à peine de faifie. Elles font d'ailleurs tenues
de fe faire infcrire fur le regiftre du bureau de la
communauté des maîtres Perruquiers , & d'indi-
quer leur nouvelle demeure trois jours après leur
changement.
Les mêmes lettres patentes font défenfe aux gar-
çons Perruquiers de s'afîbcicr, s'affembler ou at-
trouper fous quelqite prétexte que ce foit. Elles veu-
lent que ceux qui travaillent à Paris ne puiffent
entrer chez les maîtres Perruquiers fans repréfen-
tcr le certificat de ceux qu'ils ont quittés, confor-
mément à l'article 56 des ftatuts de la communauté
des maîtres Perruquiers; & que les garçons Per-
ruquiers qui arrivent des provinces à Paris , fe faf-
fcnt enregirtrer au bureau de cette communauté,
fous peine d'être emprifonnés à la réquifition des
fyndics Perruquiers. Le certificat d'enregifiremcnt
de ces garçons doit leur être délivré fans frais , &
il eft défendu à chaque maître , fous peine de cin-
quante livres d'amende, de les occuper avant
qu'ils aient repréfenté ce certificat.
Les difpofitions qu'on vient de rappeler ont été
rendues communes aux communautés de Perru-
quiers des provinces du royaume , par d'autres let-
tres-patentes du 21 décembre 1771 (1).
leldits particuliers feront infcrits, fans autres frais ni forma-
lités , à la fuite du tableau de ia communauté, pour jouir de
la fasulté d'exercer ladite profelficn de coiffeurs de femmes,
fans pouvoir participer aux droits ni â l'adminillratîon de la
communauté, & fans pouvoir, fous aucun prétexte , s'itnmif-
cer dans la coiffure des hommes, faire aucuns ouvrages de
cheveux, de quelque efpèce qu'ils foient, tenir éccle de
coéffurc , ni avoir de compagnons , à peine de faifie , con-
fifcation & amende , même de privation de ladite profeilîon
en cas de récidive.
4. N'entendons comprendre dans ledit nombre de fix ce»»
coiiFeurs , ceua qui fe font fait infcrire fitrles regiftres de
la communauté , en exécution des arrêts de notre cour de
parlement, des 17 juillet 176% Se 7 janvier 17^9, lefquels
continueront d'exercer leur profeffion jufqu'a leur entière
extinâion. Si donnons en mandement, &c.
{,i) Ces lettres- fdtintcs font ainfi conçues :
Louis, &c. Salut. Les abus qui fe fout introduits depuîi
quelques années au préjudice des droits & privilèges des maî-
tres barbiers-Perruquiers , touchant la coéfFure des femmes,
qu'on a voulu faire envifager comme une branche indépen-
dante de la profeflîon deldits mni^tzs Perruquiers , ayant
donné lieu à Pari» à plufîenrs conteftations fur lefquelles il
étoit de note prévoyance de ftatuer, nousavons, entre autre»
chofes, déclaré par arrêt de notre confeil d'état du 9 juillet
1771 , fur lequel ont été expédiées des lettres-patentes le 21
du même mois , enregiftrées au parlement le 14 août fui-
vant , que par ces mets , toutes fortes d'ouvrages de cheveux ,
tant peur hommes que peur femmes f énoncés en l'article 5 S de»
ftatuts de la communauté des maîtres batbiers-Perruquiers-
baigncurs-ctuviftes de ladite ville, ngus entcndioas qu« I*
Par
PERRUQUIER.
. Par arrêt du confell du 30 juillet 1774 > ij ^^^e
ordonné que toutes les affemblées, tant ordinaires
frifure &: l'accommociage des cheveux naturels & artifciels
des hommes Se des femmes , y fuirent compris , en foite que
les maîtres Perruquiers de Paris en euflent le droit cxdulit ,
faut" les modifications que nous avons jugé à propos d'y ap-
pcrcer : pareiJ'ement , pour prévenir les troubles & les dj-
fordres qu'occalîo.inoit la licence des garçons Perruquiers ,
nous leur avons, par le même arrêt de notre confeil d'état ,
fait djfenfes de s'alTocier , s'affenibler ou attrouper, fous quel-
que prétexte que ce fut , à peine de prifon. Mais les mêmes
abus s'étant également multipliés dans les provinces; Scies
communautés de Perruquiers qui y font établies nous ayant
fait infiainmeiit repréfenter qu'elles étoient continuellement
léfées dans leurs droifs par un nombre confidérable de parti-
culiers , qui , fous le prétexte de ne s'occuper que de la coif-
fure des femmes , s'imi>iif(;oient indillinitemcnt dans toutes
1. 'S fondions de leur piofcilion , au grand dilttiment des maî-
tres dudit métier , Se qu'elles n'étoient pas moins troublées
par la conduite inéguUcie de !a plupart de leurs garçons :
nous avons jugé à propos de rendre communes auxdites com»
munautés de Perruqiiie;s des povinces de notre royaume .
auxquelles nous devons une éga'c proceflion , les difpofitions
dudit arrêt de notre confeil du 9 juillet 1771, afin d'établir
dans toi'tcs ces communautés une difcip'ine uniforme , &
qu'il n'y ait qu'una feule loi fur cette maiiè.e. A ces caufes ,
de l'avis Je notre confeil , & de notre certaine fciencc , pleine
puifl'ance & autoiité royale , nous avons dit, déclaré & or-
donné par ces préfentes figncc>; de notre main , difons, dé-
clarons, otilonnons , voulons &: nous plaît, que dans toutes
les vil'es & liïux de notre royaume , la frifure Se l'accommo-
diigc des chevv • x naturels & artilicieis des hommes &: des
femmes, comme auflî l'exercice de la barberie , appartien-
nent , fans aucune exception ni dii'cradion , aux feuls maîtres
Perruquicis , à t't e exclullf &: privativement à toutes perfcn-
nés quelconques , fans préjudice toutefois du droit dont font
en polFeillon les chirurgiens de no^s provinces qui n'ont pas
renoncé à la barberie , d'en continuer l'exercice comme par
Je paflc , à la charge de s'y renfermer, fans s'entremettre dars
aucune des autres fondions dcpeniantes de l'état de Per u-
«)uier;&: néanmoins, pour procurer aux femmes & tilles qui
s'occupent actuslîemenr, &: qui s'occuperont par la fuite de
la frifure & de la coiffure des femmes , les moyens de fublîf-
ter , voulons qu'elles puillent continuer ledit exercice , non-
obftant le droit excluhf attribué auxdits maîtres Perruquiers,
à la charge par elles Se fous peine de puairion , de ne pou-
voir faire ni compofer des boudes, tours de cheveurou chi-
gnons artinciels , tenir école Je coiffure ni faire des appren-
ties , à peine de faille ; Se en outre , de faire infcrire dans le
mois leurs noms, furnoms & demeures fur le regilire du bu-
reau de la communauté des maîttes Perruquiers, en payant
pat cliacuaes d'elles, lors de la première infcription feule-
ment, favoir , trois livres au lieutenant de notre premier
chirurgien , trois livres pour les prévôts en charges en tel
nombre qu'ils foient , & i]uarante fous au greffier , qui fera
tenu de leLt délivrer gratuitement un cxirait en forme de cet
enregiftrement , pour qu'elles puillent le repréfenter auxdits
prévôts fyndics, lors des vilïtes qu ils ferrnt autoiifcs à faire
chez elLs , fans que pour raifon defdiies /iites elles foient
tenues de payer aucuns droits ni frais ; & à la charge encore
par elles , conformément aux arrêts de notre cour de parle-
ment de Paris (^es 27 juillet 1748 Se 7 janvier 1765 , de faire
infcrire fur Içfdits regi:lrcs leurs nouvelles demeures trois
jours après leur changement ; & ce fous les tnèmes peines. Et
quant aux garçons Perruquiers , leur faifons défenfes de s'af-
focier , s'afleuibler ou attrouper , fous quelque prétexte que
ce foir , à peine de prifon. Voulons qu'ils ne puiflent entrer
chez les maîtres Perruquiers , fans repréfenter le certificat de
ceux qu'ils auront qui^és , ^ que Içfdics garçons , en arrivant
Tvm< XUL
PERRUQUIER. ii|
qu'extraordinaires des communautés de Perruquiers
du royaume , ne pounoient être convoquées que
fur les mandemens des lieutenaus du premier chi-
rurgien A\\ r©i (1).
Les coiffeurs de femmes s'étant pourvus au con-
dans les villes , fe faffent entegillrer au bureau de la commu-
nauté dcfdits lieux , où il leur fera délivré fans frais un certi-
ficat de cet enregiflrement , fous peine pareillement d'être
emprifonnés à la requête d&s fyndics des Perruquiers. Faifons
défenfes aux maîtres Perruquiers de les occuper , que lefdits
garçons n'aient repréfcnté ce ctrtilicat , à peine conire chaque
maître de cinquante livres li'amende. Confirmons au furplus
les difpofitions de nos lettres patentes du 6 février 1715 , por-
tant règlement pour toutes les communautés de Perruquiets
de nos provinces. Voulons qu'elles continuent d'être exécu-
tées Se obfervécs félon leur forme Se teneur. Si mandons , Sec,
(i) Vùici cet arrêt :
Le roi étant informé qu'au préjudice des droits & privilè-
ges attribués aux lieutenaus de fon premier chirurgien , les
piévots-fyndics de plufieurs communautés de Perruquiers , no-
tamment ceux de Èordeaux , prétendent s'arroger le droit de
convoquer des affemblées de leur communauté , fous le pré-
texte que l'article i de l'arièt de fon confeil du lij mars der-
nier, en prefcrivant l'évaluation des charges de Perruquiers,'
ordonne qu il fera procédé aux déclaiations qMÏ en feronc
faites , dans une aflemblée qui fera convoquée par les pré-i
VOIS fyndics ; mais f.» majeîlé ayant feulement voulu , fousr
cette dénomination de prévôts fyndics , défif;ner ceux à quï
il apparrenoit d'affcmbler leurs communautés , Se ce droit
étant attribué exclulivement aux lieutcnans de fon premier
chirurgien, aux ptivi éges deùjuels fa majellé n'a pas eu in»
tentiod de donner atteinte par ledit attét ; voulant au con-
traire les y maintenir , Se f.:ire ceffer la entrepiifes qui pour-
roienr y être contraires. Se prévenir en même-temps Ws diffi-
cultés que poorroient faire naître les termes trop généraux de
l'article 5 da même arrêr du iS mars dernier, où fa majelîé ,
en faifant défen.és aux juges de police Se auxdits prévots-fyn-
dics de procéder à aucune réception ou inftallation de maître ,
qu'il ne leur fût apparu du payement du centième denier ,
fembleroit infinuer que ledit droit d'iaflallation pourroic re-
garder lefdits officiers de police, ou lefdits prévdts-fyndics ,
au préjudice des mêmes droits defdits lieutenans du premiec
chirurgien. Ouï le rapport du fieur Abbé Terray , confeilleu
ordinaire au confeil royal , contrôleur général des finances j
le roi étant en fon coafeil, a ordonné Se ordonne que lest
cdits, arrêts, flatuts Se régicmens donnés pour les commu-
nautés de Perruquiers du royaume ; les droits, privilèges ic
prérogatives attribués fur icelles à fon premier chirurgien ,
lés lieutenans , greffiers Se commis , en fa qualité d'infpeéleuc
génétal de la barbette Se de la profcffion de Perruquier , fe-
ront gardés, maintenus Se obfcrvés ; en conféquence , veut:
Î3. majefté que toutes les affemblées ordinaires ou exrraordi-
na'res defdites communautés , pour les affaires communes,^
élection de prévôts-fyndics , rcdilitioa de comptfs, réceptiort
des maîtres , Se autres généralement quelconques , ne puif-
fent être convoquées que fur les mandemens ou billets des
lieutenans de fon premier chirurgien , dans les communau-
rés , qui auront feuls le droit d'y recevoir le ferment àts
maîtres après If ur réception. Fait fa majefté exprefles défen-
fes Se inhibitions , tant aux prévôts-fyndics qu à tous autres -'
de convoquer aucune affemblée de leur autorité , comme
audî de procéder à la réception d'aucun maître ou de rece-
voir leur ferment : caffe Se annulle ia. majellé les affemblées
convoquées au préjudice des difpofitions ci-deffus par les pré-
vôts-fyndics de la communauté des Perruquiers de Bordeaux ,
ainiî que tout ce qui s'en eft enfuivi ; leur fait défenfes de
récidiver , fous telle peine qu'il appartiendra ; ordonne ai}
fgtplus fa majerté l'exécutioa dudit arrêt du iS mars dernier.
Fait , &.'c.
114 PERRUQUIER.
feil d'état du roi pour être érigés en communauté
particulière , diftin6te & féparée de celle des Per-
ruquiers , (bus le titre & qualification de maîtres
coiffeurs de femmes , avec le droit cxclufit de frifer
&. coiffer les femmes, fans que d'autres qu'eux,
& notamment les Perruquiers, partent s'immlfcer
à faire ces coiffures, &c. il efl intervenu, le 25
janvier 1780, un arrêt qui, en les déboutant de
leur demande (i) , a ordonné , entre autres chofes,
l'exécution de la déclaration de 1777» & de l'ar-
tide 28 des ftatuts des Perruquiers , & en coriié-
quence a fixé le nonîbre des coiffeurs à fix cens ;
a fait défenfe aux Perruquiers de faire plus d'un
apprenti tous les trois ans , & leur a défendu ,
ainfi qu'aux coiffeurs , de tenir claffc & école
ij* ■* ■ ■ '
(l)Vo''ci le '-ijiiojini liece arrêt:
Le roi en fon confcil , fans s'arrèrerà la demande des coif-
feurs dt femmes, tcnlante â être ériges en corps de conimu-
n.iutc ditlinae l: féjjar^-e de celle des maîtres Perruquiers ,
dont i!s font dcboutcs, ordonne que l.i déclaration du 18 août
1777 , rc^iîhce au parlement le 2 fcptembrc fuivant,'i&: J'ar-
î3t du comeil du 9 avril 1-73, )e;ont cxccutccs félon leur
firme &; teneur , & v^u'en con(cc]ucnce le nombre des coit-
f';urs de femmes demeurera Hxc àlixccnts, lefijuels conti-
i.ueront d'être agr'gés à la communautc des barbiers Perru-
quiers, fans qu'ilj puitTent s'entremettre à aucuns des euvra-
gvs rèfeiv'-s aux Peiruquiers , f.ire des apprcnris, &: s'affem-
bler ; ordonne ^-areilltment fa majelK' qje lesllatu s des maî
très Perruquiers du 7 feptcmbre I i S , &; notamment 1 aiJcle
iS , feront exécutes lelon leur forme i: teneur; en conR
auence , fait fa majellé dcfenfes à tous maîtrt» Peruquicis
d'a/oir & de faire plus d'un apprenti taus les trois ans , &
de taire enregidrer au bureau comme compagnons aucuns
garçons qui ne feront pis domicilitï chez eux, à peine de
cent livres d'amende , & de plus forte en cas de récidivt ^ dé-
fend pareillement , tant auxdits maîtres Perruquiers qu'aux
coiifeurs dcf.mme';, détenir claflcs &.- écoles publiques de
«oiiJure , & de n)ettre d.ins leurs cnftigncs : Académie de coif-
fure , à peine de pareille femme de cent livres d'amende con-
tre chaque lontrcvcnatit. En ce qiiii concerne les coiffeules de
femmes , dont la profefiion a été djclaréc libre par l'édit du
mois d août 1776 , ordonne fa majellc que les fl.'ei, femmes
ûc veuves qui voudront dorénavant exercer Jadite profefîion ,
teront tenues de fe confvtrmer à l'arrêt du confeil du 2y oc-
tobre 17;^ : veut & enteiid 1* majcllré, qdC les veuves ou
f.lK-s non mariées , qui s'occupent ailuclie-nent , ou qui s'cc
«upeontpatla fuite de la ftifure & de ia coiffure des fem
mes , & qi'i , en vertu de l'édit d'août 1776 , & conforoiément
à la déclaration du 1 9 décembre fuivant , fe for t fait ou fe fe-
i«iuiiifcrire lur les livres de la police, &: fur ceux delacora»
jnunaaté des Perruquiers, jouiront feules , exclullvement à
tous autres, du droit de tenir claffes & écoles publiques peur
apprendre aux hlles ou femmes à coiffer , lans toutefois que
Jefdires coiffeufes piii fient faire des apprenties , nis'immiicer
à faire 6c vendre des boucle», tours de cheveux &: chignons
aniKciels ,, à peine de faiiie , couhfcation & amende ; &
pour empêche tous proccs & conteltarions entre lis Peiru-
«uie:s& les coiffeurs de fjmmos , ordonne fa uajeité que ,
pai- le iîeur lictnonant génér.l de police de la ville de î^v'ris,
il fera annuelle. i.ent nommé deux coiffeurs brevetés , pour
accompagner les fyndics Perruquiers dans les viiî'os qu'ilî
continueront de faire , confo:mJmenr aux anciens réglemens
de leur comnunauté ^ tant chez leurs ma très S: agrégés , que
chez les ouvriers fans qualité; enjoint au iieur lieutenant gé-
néral de police de tenir la ma'n à l'exécution du préfent '
arrêt , qui fera irapria»* & aiSché pat-tout où befoin f«ra.
i^ic , &c»
PERRUQUIER.
de coiffure» & de mettre '.^ns leurs enfeignes j
Académie de coipir.s , à peine de cent livres d'a-
mende.
Les coiffeurs de femmes de la vAle de Lyon s'é-
tant plaints des vexations continuelles qu'ils éprou-
voient de la part des maitres P. rruquicrs de cette
ville, & ayant fupplié le roi dailurcr leur état,
en les autorifant à travailler en vertu d'un brever,
ainfi qu'il en avoir été aie à l'égard des coiffeusr
de femme à Paris , fa majefté a rendu en leur fa-
veur, en fon confeil, le 12 juin 17S0, un arrêt
qui contient les difpofitions fuivantes :
« APvTICLE I. Les particuliers qui voudront exer-
» cer à l'avenir la profeffion de coiffeur de fem-
» mes dans la ville de Lyon , feront tenus d'en
» faire leur déclaration au confular, laqueHe fer.a
» infcrice fur un regiftre à ce deftiné , dont il leur
» fera délivré un extrait, fur le vu duquel ils le-
» ront agrégés , au nombre de cent leulement , à
» la communauté des maîtres Perruquiers; à la
» charge de payer, par chacun d'eux, la fom-
» me de trois cens livres , dont les trois quarts
M feront verfes dans la caiffe du receveur de nos
» revenus cafuels , & l'autre quart au profit de la
» communauté.
» 1. Sur le quart revenant à la communauté ,
» il fera attribué fw livres à notre premier chirur-
j> gien , quatre livres dix fous à fon lieutenant ,.
» trois livres à chacini des fyndics en charge, &
i> deux livres au greffier; le furplus fera employé
^> aux frais ordinaires de l'adminiftration , & aux
» charges dont les offices des maîtres Perruquiers
M font tenus envers nous.
« 3. Au moyen de la repréfentation des quit-
» tances deldits payemcns & de l'extrait de la de-
» clararion faite au confulat , lefdits particuliers
M feront infcrits , fans autres fraits ni formalités ,
» à la fuite du tableau de la communauté, pour
" jouir de la faculté d'exercer ladite profeffion de
» coiffeurs de femmes , fans pouvoir participer
» aux droits , ni a ladminiftration de la commu-
» nauté, & fans pouvoir, fous aucun prétexte ,
» s'immifcer dans la coiffure des hommes, faire
» aucuns ouvrages de cheveux de quelque efpece
M qu'ils foient, tenir éco'es de coiffures, ni avoïc
» compagnons ni apprentis , à peine de laifie , con-
» fifcation & amende , même de privation de la-
« dite profeflîon en cas de récidive : veut nean-
» moins fa majefté, que les propriétaires de deuK
)> brevets aient la facuiré d'avoir un garçon ou
- ■>■> compagnon pour les aider , ou remplacer eir
» cas d'abfcnce eu de maladie;
j> 4. Fait fa majellé très expreffes inhibitions &
» défenfes à tous maîtres Perruquiers , de faire
M enregiftrer au bureau, comme compagnons,
■ )7 aucuns garçons qui ne feront pas domiciliés chez
M eux, à peine de cent livres d'amende, 5c de
» plus forte , en cas de récidive : défend pareil-
» lenient auxdits maîtres Perruquiers ,. de tenir
n çlafl«s & écoles publiques de coiffures, & de
PERRUQUIER.
» mettre dans leurs enfelgnes, académie de coïf-
>» fure , à peine de pareille Tomme de cent livres
» d'amende contre chaque contrevenant.
Il 5. Ordonne fa majefté , que les filles ou veuves
w qui s'occupent afluellemeut ou qui s'accuperont
» par la fuite de la frifure & de la coiffure des
j> itmmQS , joujffent feules , exclufivement à tous
») autres , du droit de tenir claiTes & écoles pu-
» bliques pour apprendre aux filles ou femmes
w à coiffer, après néanmoins s'être fait infcrire au
•n confulat , & fur les regiftres de la communauté
»> des maîtres Perruquiers , le tout fans frais ;
M fans toutefois que lefdits coiffeurs puiffent faire
>♦ des apprenties, ni s'immifcer à f^iire &; vendre
» des boucles , tours de cheveux ou chignons
M artificiels , à peine de faifie , confifcation Si
» amende.
» 6. Pour empêcher tous procès & conteflations
« entre les Perruquiers & les coiffeurs de femmes ,
yi ordonne fa majcfté , que par les Prévôt des mar-
» chauds & échcvins , il fera annuellement nom-
« mé deux coiffeurs brevetés pour accompagner
y* les gardes des maîtres Perruquiers dans les vi-
>» fîtes qu'ils pourront faire , conformément aux
» anciens règlemens , tant chez les maîtres & agré-
" g>^s,que chez les ouvriers fans qualité. Enjoint
» aux prévôt des marchands & échevins de la
» ville de Lyon , de fe conformer aux difpofuions
M du préfent arrêt i & au fieur intendant & com-
« miffaire départi en la généralité de Lyon, de te-
« nir la main à l'exécution dudit arrêt, qui fera
« imprimé & affiché par-tout où befoin fera , &
n fur lequel toutes lettres-patentes feront , fi be-
n foin eft , expédiées. Fait, &c. » (Ce qui efl entre
des afiérifjues appartient à M. MERLl^f , avocat au
parlement de Flandre ).
PERSONNAT. C'eft une forte de bénéfice qui
donne à celui qui en eft revêtu, quelque préro-
gative ou prééminence dans une églife ou dans un
chapitre , mais fans juridiflion. Le Perfonnat dif-
fère donc de la dignité qui donne préfêance & ju-
TÎdiiftion. Dans plufieurs textes du droit canonique
néanmoias , les dignités & les Perfonnats font re-
gardés comme fynonimes.
Il n'y a aiicune règle générale pour connoître la
nature des bénéfices auxquels la dignité ou le Per-
fonnat eff attaché; cela dépend de l'ufage, qui ell
différent dans les églifes.
Par arrêt du 15 avril 172^, le grand confeil a
jugé que la prévôté de fainr Caprai d'Agen , étoit
un Perfonnat, & non une dignité, attendu qu'il
n'y avoit aucune juridiction attachée à ce béné-
fice , dont le titulaire étoit cependant à la tête du
chapitre.
PERTURBATEUR Le Perturbateur eft l'hom-
rae qui trouble le repos &: la fécurité publique ,
qui porte atteinte à lorlre , & rompt l'harmonie
d'où rèfuit- le bonheur 6c la paix dcs'individus qui
vivent en fociété.
Le Perturbateur fe montre fous des afpefls fi
PERTURBATEUR. 115
dtffcrens, le mal qu'il occafionne a des mefures Çi
disantes l'une de lautre, qu'il eft difficile de fixer
d'une manière précife , ce qui le caraflèrife effen-
tiellement, & la peine qui doit lui être infligée.
C'eft-là, il faut en convenir , un des inconvéniens
des mots qui préfentent une idée trop vague ,
parce qu'on court le rifque , en fe rendant trop
efclave de la lettre , d'appliquer à une aâion peu
importante , à un délit léger, un fens plus grave ,
& par conféquent une peine plus rigoureufe qu'elle
ne le iiiérite.
Il ne faut pas confondre le féditieux avec le Per-
turbareur. Le féxi<tieux ne trouble pas feulement
par lui-même le repos public , il excite encore les
autres à le troubler. Le Perturbateur n'eft dange-
reux que par le mal qu'il fait ; le féditieux eft pu-
niffable par le mal qu'il veut faire commettre.
Celui qui cherche à répandre l'effroi, pour do-
miner dans les affemblées, pour fe faire rendre
des honneurs qui ne lui font pas dus, pour trou-
bler les jeux, les fpe6lacles , eft un Perturbateur.
Il mérite ce nom , lorfqu'ribufant de la foibleffe
des femmes ou de la timidité du citadin paifrble ,
auquel (on air menaçant en impofe , il bleffe ou-
vertement la pudeur , offenfe les mœurs publi-
ques, ou excite, par une conduite bruyante, in-
jufte , vexatoire , un murmure général contre lui.
On peut regarder auffi comme Perturbateurs , ceux
qui interrompent les cérémonies religieufes , qui
empêchent les miniftres de la juftiee de remplir
leurs fon>îlions. Mais il faut convenir qu'il y 2
Une grande diftance entre ces délits , qui ne font
pour ainfi dire que des importunités , 8c ceux
d'un feigneur qui contraindroit fes habitans à faire
des corvées qu'il n'auroit pas droit d'exiger : Ou
d'un audacieux qui efcaladeroit les maifons pen-
dant la nuit, & s'y introduiroit , foit pour fatis-
faire fes partions , foit pour jeter l'épouvante.
Les premiers ne méritent que d'être contenus ;
tandis que lès autres au contraire doivent être
punis févèremenr. Jouffe met au rang des Pertur-
bateurs, les prédicateu?s qui , dans leurs fermons ,
ufent depgrohs fcandaleufes , &]qui tendent à émouvoir
le peuple, u Ceux qui ont pour objet d'établir un
» fchifme dans l'état , fous prétexte de réforme , ou
n qui, par un concert injufte , veulent fe fé parer
» de la communion de certaines perfonnes , foit en
» refufant de communiquer avec eux , foit en leur
)> refufant publiquement les facrcmens auxquels
» ils ont droit de prétendre , ou des prières pu-
)> bliques qui leur font demandées pour eux ,
M ou la fépulture eccléfiaftique. Ceux qui com-
5» pofent ou fèment des écrits qui peuvv nt trou-
» bler la tranquiller de l'état & corrompre les
» mœurs ».
Suivant la loi finale, de re militari, le Pertur-
bateur devoir être puni de mort ; c'eft auffi la dif-
pofition des articles i & a de l'édit du mois de juil-
let i$6i. Mais comme il étoit contraire à toute
Pi)
ii6
PERTURBATEUR.
jiifHce d'envelopper dans la môme punition , des
délits d'une conléquence plus ou moins dange-
reufe , émanés d'un principe plus ou moins crimi-
nel , les ordonnances poftérieures ont apporté de
fages modifications à cette dccil'ion trop générale
& beaucoup trop févère ; elles ont même adouci
la peine prononcée contre quelques-uns de ces dé-
lits défignés particulièrement. Ainfi quoique l'édit
de 1 561 prononce la peine de mort contre les pré-
dicateurs féditieux , \a déclaration du 22 feptem-
hre 159c les condamne ^îh bannijjement & à avoir
la langue percée. La douceur de nos mœurs ac-
tuelles ne permettroit pas qu'on infligeât cette
dernière peine à un prédicateur , quelque auda-
cieux qu'il eût été , à moins que fes difcours n'euf-
fent eu l'effet le plus funcfte.
A l'égard des eccléfiaftiques qui , par un accord
injufte , refufent publiquement la fépulture ecclé-
fiaftique , ou les facremens Sx. les prières à ceux
qui ont droit d'y participer , pUifieurs arrêts ren-
dus depuis 1752, ont prononcé contre les coupa-
bles la peine du banniffement à temps ou à perpé-
tuité hors du royaume.
Quant à ceux qui font convaincus d'avoir com-
pofé & fait imprimer des ouvrages tendans à trou-
bler la tranquillité de l'état , & qui , par cette rai-
fon , peuvent être regardés comme des Perturba-
teurs du repos public , la déclaration du 1 1 mai
1728 les condamne pour la premier.; fois au bannif-
fement à temps , & en cas de récidive , â perpétuité
hors du royaume.
C'eft en faifant une très-fauflé application de
cette déclaration à un ouvrage ( qui avoit reçu l'ap-
probation d'un cenfeur royal) , que les juges du
châtelet condamnèrent , il y a quelques années , au
banniffemcnt , un homme de lettres très eflimé ,
& dont la captivité excita en fa faveur un intérêt
prefque univerfel. AuHi leur fcntence fut-elle in-
firmée par le parlement, trop éclairé pour ne pas
fentir qu'une pareille févérité porteroit la crainte
& le découragement dans l'ame de tous les écri-
vains diftingués, qui peuvent embraffer i\n faux
fyflème , fans être criminels & fans avoir eu l'in-
tention de jeter le trouble dans la fociété , fur la-
quelle ils ne fe propofent au contraire que de ré-
pandre la lumière de la vérité.
En fuppofant que Jean-Baptifte RoufTeau , dont
la verfjficaiion riche & harmonieufe a tant fait
d'nonntur à la poéfie françoife, fût, comme l'arrêt
qui l'a banni hors du royaume nous autorife à le
croire , véritablement l'auteiir des couplets qu'on
lui attribua , il étoit certainement plus coupable
qu'un écrivain emporté par le feu de fon imagina-
tion dans un fyfîême oppofé à celui qu'une raifon
éclairée nous a fait adopter ; le premier n'eut cer-
tainement pour objet que de calomnier, que de
diffamer ceux contre lefqueîs il avoir compofé ces
couplets, & il leur nt un mal réel ; l'autre, au
contraire , peut être de bonne foi dans fes erreurs ,
& U ne fait fouvent qu'exciter la pitié pour fes
PERTURBATEUR.'
écarts. Ce n'efl; donc , en général , qu'aux auteurs
des libelles diffamatoires , ou des ouvrages qui
peuvent véritablement jeter le trouble dans la fo-
ciété, qu'on doit appliquer la févérité de l'article
4 de la déclaration du 1 1 mai 1728. Les articles 23'
ik 10 de la môme déclaration condamnent ceux qui
ont imprimé & colporté ces fortes d'ouvrages ,
au carcan pour la première^fois , &en cas de réci-
dive, aux galéres'pour cinq ans.
Ceci mérite encore, de la part des juges , une
grande attention , car ils n'ignorent pas que fou-
vent l'imprimeur a multiplié machinalement & par
le fecours de mains étrangères , les copies du ma-
nufcrit qui lui a été apporté & qu'il n'a fouvent pas
lu. Il eft lui-même tout étonné , après l'imprefllon ,
que l'ouvrage dont on lui cite quelques fragmens
foit forti de les preffes : certainement il y auroit une
rigueur exceflîve à punir cet homme comme un Per-
turbateur , & à le déshonorer lui & toute fa famille
p.ir une condamnation aufli flétriffante que celle du
carcan. Une interdiflion plus ou moins longue , fui-
vant la nature du libelle qu'il a eu l'imprudence
d'imprimer, eff ordinairement la peine dont on
punit fon infraâion aux réglemens de la librairie.
Cette peine eft d'autant plus fage, quelle poite
fur la véritable caufe du délit , qui eff le defir aveu-
gle du gain.
Il en eff de même du colporteur ignorant que
le befoin détermine à fe charger des exemplaires
qu'on lui confie, pour les préfenter à ceux chez
lefqueîs fon commerce l'introduit ; aufli arrive-t-il
rarement que l'on condamne au carcan ou aux galè-
res ces prétendus Perturbateurs , à moins que l'ou-
vrage qu'ils ont débité n'offenfe la majeflé royale ,
£<. qu'il ne foit néceffaire d'en arrêter la difiribu-
tion,par un exemple de févérité capable d'épou-
vanter le befoin & la cupidité.
L'ordonnance de Blois,ariicle 280, prononce
contre les gentilshommes & autres nobles du
royaume « qui auroient vexé leurs habitans par
» des contributions injuffes de deniers ou grains ,
j> corvées ou autres exaflions indues » , la peine
d^étre (déclarés ipicbles & roturiers , & privés à jamais
de tous les droits qu'ils auroient à exercer legiiimement.
On n'a pas befoin d'obferver que pour qu'un gen-
tilhomme ou un feigneur de terre encoure cette
peine, il faut qu'il foit démontré qu il eft de mai:-
valfefoi dans fes perceptions. Car s'il étoit induit
en erreur par une pofieffion ancienne , par de fauf-
fes déclarations ou de faux titres , certainement il
ne mériteroit pas d'être dégradé, parla raifon qu'il
auroit exigé dinjuftes contributions.
L'article 192 de l'ordonnance de Blois , pour
éviter les troubles qui naiflent fouvent de la force
Se de la fupériorité des armes , veut « que les hauts-
» jufficiers qui fouffriront les ports d'armes , &
» qu'il foit fait des violences en leurs terres, foient
» privés de leurs juftices , & les ofiîciers, en cas de
» connivence, privés de leur état ».
Malgré cette fage difpofuix)n y on ne rencontre
PERTURBATEUR.
dans les villes & dans les villages , que trop d'hom-
nics armés , auxquels le libertinage , la chaleur des
difputes , les fumées du vin , font commettre des
meurtres c :i ncuiïcnt point troublé l'ordre de la
fociété , fi l'on en eiàt ôté les moyens aux coupa-
bles.
Tous les criminalités s'élèvent avec force con-
tre ceux qui efcaladent de nuit les maifons des par-
ticuliers ,/v«iimoni cju/i , foit pour d'autres mo-
tifs , quand même ce ne feroit pas pour y com-
mettre des vols, parce que ces Perturbateurs vio-
lent l'afyle le plus facré , & dans le temps où le
citoyen doit repofer tranquille fous la proteâion
des lois.
Comme les délits du Perturbateur attaquent la fo-
ciété , ils font mis au nombre de ceux qu'on défigne
fous le titre de cas royaux , & que l'article 1 1 de
l'ordonnance de 1670 déclare « devoir être connus
5> & jugés , prlvativement aux autres juges & à
j) ceux des feigneurs , par les baillis , fénéchaux &
j> juges préfidiaux u.
Si par un effet de (on crédit ou de la terreur que
fon courage , que fa force infpirent , ou eniin par
l'éloignernent qu'on a pour les fuites d'une accufa-
tion criminelle , pas un des offenfés ne rend plainte
contre le Perturbateur , le minillvîre public , en fa
qualité de proteéleur de l'ordre , doit le poiufuivre
à fa requête fur les faits qui lui ont été dénoncés',
ou que la renommée a portés jufqu'à lui ; d'après
l'information qui eft fuivie de décrets plus ou moins
févéres, les juges ayant enfuite égard à la gravité
du trouble, prononcent contre Taccufe, ou une
injonction , ou une admonition, ou une forte amen-
de , ou même le blâme.
L'auteur d'un nouvel ouvrage qui a pour titre
ejfai fur les réformes â faire dans notre U^ifiaiion cri-
7fl;>2///e , propofe de punir , principalement par un
temps de prifon plus ou moins long , fuivant la
gravité des clrconftances , « les Perturbateurs du
n repos public , ceux qui cherchent querelle dans
■>■) les rues, injurient, & battent les autres; ceux
J> qui, par efprit d'infubordination , refufent d'o-
•>■> bcir aux ofRciers de police dans leurs fondions
», &. leur manquent de refpeâ; ceux qui commet-
' ^'tent du fcandale dans les églifes & ailemblées
j) publiques ; ceux qui auront gêné la liberté des
'» autres, en les tenant en chartre privée , ou qui
« auront furpris du gouvernement , fur un faux
»> expofé , des ordres pour faire renfermer un ci-
" toyen 53.
L'auteur , avant d'indiquer la prifon pour peine
de ces délits , avoit obfervé avec raifon , que dans
l'ordre judiciaire , tel qu'il exiile parmi nous , a la
« prifon n'eft point une peine ; cependant, ajoute-
» t-il , il femble que Thomme eft aïïez jaloux de fa
» liberté, pour que la peine deia prifon trouve fa
» place parmi celles qu'il efl permis de lui infliger.
)) Dans l'état focial , il ne jouit que dune liberté
j> reftreinte ; cette liberté eftfubordonnéeà fes de-
j; voirs i elle dégénère en licence s'il les enfreint.
PERTURBATEUR. 117
5) Cette licence , dans tous les cas qui n'ont trait
V ni à vol ni à aflaffinat , & qui ne préfcnrent qu'un
■)■) trouble paffager , peut être juftement punie par
» un temps de prifon : une telle peine contrarie
» même parfaitement avec l'efprit d'indépendance
» qui porte l'homme à de pareils écarts ; elle cft
» donc efficacement réprimante pour cette nature
» de délits »».
Ces réflexions nous ont paru diclées dans un
efprit de modération & d'équité ; au furplus , elles
ont été en partie d'avance adoptées; car dans les
villes où il y a un juge de police établi, fur-tout
pour arrêter le trouble , contenir l'audace & veil-
ler à la tranquillité publique , il arrive rarement
que la juftice des tribunaux ordinaires foit dans le
cas de juger les Perturbateurs , qui font pour l'ordi-
naire punis miniflériellement , c'eft-à-dire , con-
damnés à fubir une captivité plus ou moins lon-
gue, plus ou moins humiliante , en raifon de leurs
délits & de la confidération attachée à leur nom , à
leur fortune , & à leur profeffion.
On fent bien que nous ne comprenons pas dans
cet article l'aftion de ceux qui portent le dom-
mage aux habitations , aux héritages , & qui, par
cette raifon , s'expofent à être pourfuivis, foit au
civil , foit au criminel , & à être condamnés à des
réparations & des indemnités proportionnées au
tort réel qu'ils ont occafionné , & aux moyens
qu'ils ont employés pour nuire. Ces fortes d'atten-
tats , qui offenfent plus les particuliers que la fo-
ciété, font compris fous la dénon)ination de trou-
ble , qui fait le fujet d'un autre article. ( Cet article
ejî de M. DE LA Croix , avocat an parlement ).
PÉTITION D'HÉRÉDITÉ. Voyc^ Héritier ,
Succession.
PÉTITOIRE. Ce mot fignlfîe une demande
faite en juflice pour obtenir la propriété d'un hé-
ritage ( I )•
( I ) Formule de cette demande.
L'an. . le... à la cequète du iîeur Felîx Tapvé , msrcliatirl ,
&:c. je... huiffier... foullîgné, cercifie avoir donné afïigaafion
au (leur Charles Cadaux , bourgeois , 6:c. à comparo r d'buî
en huitaine à l'aud'ence du parc civil ciu châtelit de Paris,
pour voir di e qu'il fera tenu d'abandonner & délaiffer au
demandeur la polTelTion d'une pièce de terre'fife .i.,. apparte-
tenante au demandeur, au moyen de l'acquifition qu'il en a
faite du f Heur Etienne le Roi , bourgeois de Parii, par con-
trat paffe le... de laquelle jjicce ledit lieur Cadaux s'eft em-
perc 5 qu'il Cen en i utre condamné à payer au demandeur la.
fomme de... pour... années de fermages &: joiiilTances d'icelle,
fi mieux il n'aime rellituer les fuits de ladiie pièce déterre,
par lui perçus & à percevoir en la manière ci-après; ce qu')l
fera tenu d'opter dans trois jours de la fentence à intervenir ,
finon , déchu de l'option , & ladite fentence exécutée pure-
ment & fimplement pou- ladite fomme ne... ; & en cas d'cp-
tion de refliiution de fruits, qu'elle fera fsie , fa voir , la
dernière année en efpcce.T, &: les aurres fuivant la )i:]uidaiicn
qui en fera faite , eu fgud aux qaatre faifon': &: prix commun
de chaque année , aux termes de l'or^orinnce ; à l'effet de
ruoi, & pour y parvenir , tenu le défendeur , à la première
ro:r mation qui lui en fera faite , de repréfenter pardevant le
conimiflaire,., ou autre qu'il plaira à I.1 cour commettre , les
ii8 PÉTITOIRE.
On dit clans le inème fens adion Piiïtolre.
Le Pétitoire eft oppofé au pofTcflbire : celui-ci
fe juge pai- la pofTeflion d'an l'Si jour ; &. celui-là ,
par le mérite du fond , fur les titres ik la pofleinon
immémoriale.
Suivant l'article 4 du titre 18 de l'ordonnance
du mois d'avril 1667, celui contre lequel la com-
plainte ou réintégrande a été jugée , ne peut for-
mer fa demande au Pétitoire qu'après la ceflation
du trouble , & que celui qui a été dépoffédé , a
été rétabli dans la polTelTion , avec reftitution des
fruits & revenus : il faut en outre que ce dernier
foit payé des dépens, dommages & intérêts qu'on
a pu lui adjuger. Cependant s'il néglige de faire
taxer fes dépens, & liquider les fruits , revenus ,
dommages & intérêts dans le temps qui lui a été
fixé , fon adverfaire peut pourluivre le Péti-
toire, en donnant caution de payer le tout après
la taxe & liquidation qui en fera faite.
Les demandes en complainte ou réintégrande
ne peuvent être jointes au Pétitoire , ni le Péti-
toire pourfuivi avant que la demande en com-
plainte ou réintigrande ne foit terminée , & la con-
damnation exécutée : ainfi il cft défendu d'obtenir
des lettres pour cumuler le Pétitoire avec le pof-
fedoire. Telles font les difpofitions de l'article 5.
En matière bénéficiale , on diflingue , comme
en matière civile , le Pétitoire & le poflelToire.
Lorfque la demande eft au Pétitoire d'un béné-
fice , elle ne peut être portée que devant le juge
d'églife i mais iorfqu'elle ne tend qu'au polTelfoire,
le juge laïque eft feul compétent pour en connoî-
tre : c'ert un des principaux articles des libertés de
l'églife gallicane. Dans ce dernier cas, c'efl-à-dire,
lorfque la caufe fur le poiTefibire dun bénéfice cfl
portée au tribunal laïque , le juge ordonne de trois
chofes l'une : fi le droit de l'un des contendans eft
vifiblement fupérieur à celui de l'autre , on le main-
tient dans la poflefiîon du bénéfice, & ce jugement
de pleine maintenue ou au plein poflefToire , étant
rendu fur le vu des titres des parties au fond , on
ne peut plus enfuite agiter de nouveau la queftion
au Pétitoire devant le juge eccléfiaftique , parce
«[ue ce feroit indireélement foumettre le jugement
laïque à l'examen & à la corredion du juge ecclé-
fiaftique. Si la matière ne fe trouve pas difpofée
à maintenir définitivement l'un des contendans
plutôt que l'autre, mais cependant que l'un des
deux ait un droit plus apparent , on lui adjuge la
recréance, c'eft-à-dire , la podeffion provifoire pen-
dant la conteflatîon. Enfin, files deux parties n'ont
comptes , papiers de recette & baux à ferme , & de donner
par déclaration les frais de labours , femenccs &: récoltes de
ce cju'il aura fait valoir par (es mains , «Se de la quantité des
fruits qui en font provenjs , pour, après la dédudHon faite
des frais , être le l'urplus ( (î aucun y a ) payé dans un mois
pour tout dMji ; qu'il fera en outre condamné aux dommages
1^ inté.èis du demandeur , rci'ulranc de la non jouiffance de
ladite pièce de terre , à donner par état , & aux dépens 3 &
fignitic que W A... procureur , occuper» , ôcc.
PIED- FOURCHÉ.
pas un droit plus apparent lune que l'autre, (5>n
ordonne le fequeflre provifionnel des fruits du Lé-
n.iice contentieux, jufqu'à ce que le fonds foit
jugé.
La grand'chambre du parlement de Paris efi feule
compétente pour connoitre du Pétitoire des béné-
fices qui viennent à vaquer en régale : cette con-
noifiance lui a été attribuée par l'article 19 du titre
15 de l'ordonnance de 1667, privativement aux
autres chambres du même parlement, & à toutes
les autres cours & fiéges.
Voyez les articles Complainte. Possession,
RÉINTÉGRANDE, RÉGALE, <kc,
PEZADE. Voyei Alby.
PIÈCE. Ce mot fe dit des différente? fortes de
titres , papiers ik procédures qui fervent pour ua
procès.
Voyez Faux , Inscription de faux , Pro-
duction, Appointement , Vérification d'é-
criture , Compulsoire, Collation, &c.
PIED-CORNIER. C'efi , en termes d'eaux &
forêts , l'arbre qu'on laifle à l'extrémité d'un ar-
pentage, d'un héritage, pour fervir de marque &
de renfeignement. •>
Suivant l'article 9 du titre 15 de l'ordonnance
des eaux & forêts , les Pieds-corniers doivent être
marqués du marteau du roi & de ceux du grand
maître & de l'arpenteur , fur les deux faces qui
regardent directement les lignes ou brifées à droite
& à gauche.
Lorfqu'il ne fe trouve pas dire<Sement dans l'an-
gle d'arbre fur lequel on puilTe appliquer les mar-
teaux , l'arpenteur eft autorifé à en emprunter ; &
les arbres ainfi empruntés doivent être fpécialc-
ment défignés dans les procès-verbaux d'aflîette,
par leur âge , qualité , nature & grofleur , & par
la diftance où ils fe trouvent de l'angle & des au-
tres Pieds-corniers. Cela eft ainfi réglé par l'article
6 du titre cité.
L'amende pour chaque Pied-cornier abattu eft
de cent livres , & s'il a été arraché on déplacé , de
deux cens livres. C'eft ce qui réfulte de l'article 4
du titre 32.
Lorfque , pendant l'ufance ou exploitation , un
Pied-cornier vient à être abattu par le vent ou autre
accident, l'adjudicataire doit en avertir le fergent
à garde , qui de (on coté eft obligé d'en informer
les officiers de la maîtrife, pour marquer un autre
Pied-cornier, fans frais, conformément aux difpo-
fitions de l'article 46 du titre 1 5.
PIED FOURCHÉ. On appelle ainfi un impôt fur
l'entrée & la vente de quelques animaux qui ont le
pied fendu , tels que les bœufs , veaux, moutons,
brebis , chèvres , cochons , &c.
On ignore quelle eft l'origine de cet impôt ; il eft
fixé par une ordonnance de 1680, rendue pour le
reftbrt de la cour des aides de Paris.
Un édit du mois de mars 1633 , regiftrc à la
cour des îildes de Rouen , a ordonné l'exécution
PIERRE. PIERRIER.
d'un ancien tarif de ce droit, & de quelle manière
il tlwvoit être perçu dans le Cotentin.
Voyez le traité des aides de la Bellande , n". 1S4
& fuivans, & n". 729 & fuivans. Voyez aulfi les
iettres-patentes du 19 juillet 1729. {^Article de M.
Boucher d'Arcis, confàUer au châtdci ., &
membre de Pa adêmie de .Rouen , &c.
PIERRE. PIERRIER. La pierre e/î une matière
fort dure , qu'on employé dans les bâtimens &
dans les pavés; & l'on nomme Pierùsr, un ou-
vrier qui tire la Pierre des carrières , £: la façonne.
Nous avons rapporté iVus le mot GRAis , un
règlement fait fur cette matière pour la châtellenie
de Lille.
" Le parlement d:: Guyenne s'en eA occupe pour
fon rellort. Trois arrêts de cette cour des 26 mai
1751, 5 avril 175S S: 17 inars 1767 , ont fixé la
jaiige de la Pierre de Bourg îk de Roque-de-tau,
^ui fe port: jk divsnt de la. ville de Bordeaux ^ &
ont pris différeates précautions pour que cette
jaii^e im exadcment obfervée. Le troifréme, par
exe.nple , ordonne que chaque année , il fera nom-
mé par les marchands de Pierre de R.oque-detau
& de Bourg , ou , à lei.r défaut, par les bailes des
maiires architet^es de Bordeaux , quatre fyndics
parmi les marchands , deux pour Roque-de-tau , &
deux pour Bourg , qui veilleront , chacun en droit-
foi , à l'exécution de l'arrêt, & en cas de contra-
vention , feront tenus à en faire leur dénoncia-
tion au procureur du roi du fiège royal de Bourg ,
auque' il enjoint d'en faire informer à fa requête
&. de poufuivre extraordinairement les contre-
venans , jufqu'à fentence définitive inclufivement ,
fauf l'appel à la cour.
Le 25 avril 1768, M. le procureur-général du
parlement de Bordeaux , a remontré à fa compa-
gnie que cet arrêt ne recevoit pas une exécution
auffi exaâe qu'on étoit en droit de l'exiger. « Les
» quatre fyndics ( a-t-il dit ) ont été nommés en
» conféquence par les marchands ; mais l'arrêt
« n'en eft point pour cela mieux exécuté. Non-
» feulenaent la Pierre qui eft portée au-devant de
» cette ville , n'eft point de la jauge fixée par les
»> arrêts , mais encore elle eil déte6tueufe , en forte
« que le public ne retire aucun fruit des précau-
» tions prifes par la cour. Cela a donné lieu au
»> pri^cureur - général du roi de faire faifir partie
« de cette Pierre , tant au préjudice des marchands ,
» que des fyndics eux-mêmes , qui prétendent qu'il
» ne leur eft pas poffible de faire exécuter les
» arrêts de la cour, malgré les dénonciations qu'ils
ï> ont pu faire au fubftitut du procureur-général
» du roi au fiége de Bourg ; ils expofent que la
» Pierre eft tirée dans différentes carrières par plu-
» fieursPierriers ou carrieurs, qui ne la tirent pas
» de jauge ; que ces pierriers font commandés par
j» divers chefs de carrières ou maîtres de dotes ,
>5 qui ont la confiance & font chargés de recevoir
» les droits des propriétaires detdites carrières;
« qu'eux marchands , n'ont aucune inf^edioii fur J
PiERRE. PIERRIER. 119
n lefdits pierriers , dcfqucls ils ne font qu'acheter
» la Pierre, & qu'ils devraient avt»ir quatre adjoints
» parmi les maîtres des clotcs , lefquek veilleroient
» fur les pierriers , & les obligeroicnt à tirer la
M Pierre de la jauge.
» Ces raifons paroiftent d'autant plus foibles,
» que les arrêts font faits pour être exécutés par
» les pierriers comme par les marchands; & que
» ceux-ci n'auroient , pour contraindre lefdits pier-
» riers à s'y conformer, qu'à ne pas acheter d'eux
» de la Pierre qui ne fût de la jauge fixée par lefdits-
j> arrêts. Cependant, comme le moyen propofé
'> parles marchands ne peut que contribuer encore
i> à l'exécution des règlements, le procureur-géné-
» rai du roi penfe que la cour peut l'adopter , en
" ordonnant au furplus l'exécution de cet arrêt >».
En conféquence, arrêt eft intervenu le même
jour, par lequel : « la cour faifant droit fur le réqui-
)' fitoire du procureur général du roi, a permis &
" permet aux fyndics des marchands de Pierre de
" Bourg & de Roque-de-tau , de nommer par aâc
'> devant notaire , immédiatement après la publi-
» cation du préfent arrêt , & chaque année le
" même jour de la nomination defdits fyndics
» marchands, quatre adjoints parmi les chefs des
" carrières, ou maitres de dotes, pour chacun
» defdits endroits de Bourg ou de Roque tie-tau •
'> lefquels adjoints , après que ledit ade leur aura
» été notifié & fignifié , feront tenus de veiller
» chacun en droit- foi, 8c conjointement avec lef-
" dits fyndics & marchands , à ce que la Pierre foit
" tirée par les pierriers , de la jauge fixée par les
» arrêts de la cour ; & en cas de contravention
)> de h part defdits pierriers, feront tenus, tant
'» lefdits adjoints que lefdits fyndics, d'en faire
» leur dénonciation au fubftitut du procureur eé-
» néral du roi au fiêge royal de Bourg , auquel ef^
n enjoint de faire faifir & confifquer au profit des
» pauvres , la pierre qui ne fe trouvera pas de
» jauge, de faire informer à fa requête devant le
» juge du lieu , & de pourfuivre les contreve-
» nants extraordinairement jufqu'à fentence défi-
» tive inclufivement , fauf l'appel à la cour • la-
5> quelle Pierre qui ne fera pas de jauge, ou qui' fe-
» roit défeâueufe, s'il en eft porté fur le port &
n havre de cette rille, fera pareillement faifie à la
» requête du procureur-gêuéral du roi , & confif-
>i quée au profit des pauvres. Ordonne au furplus ,
j) que les arrêts de la cour des vingt-fix mai mil
)j fept cent cinquante & un , cinq avril mil fept cent
» cinquante-huit, & dix-fept mars mil fept cenr
i> foixante-fcpt , feront exécutés fclon leur forme
T) 8c teneur ".
PIGEON. Sorte d'oifeau fort connu.
Des lettres-patentes , données par Charles V en
1368, & un arrêt du confeil 10 décembre 1689
ont fait défenfes de nourrir des pigeons dans la
ville , les f^uxbourgs Se la banlieue de Paris.
Phîfieurs villes ont des règlemens de police qi?i.
comiennem dépareilles défenfes, fondées fur cr
1 10 PIGEON.
que ces oifeaux peuvent altérer la falubrlté de l'air.
Un arrêt du confeil du 12 décembre 1737, a
ordonne à tous les fermiers du roi , ayant colom-
biers de Pigeons bizets , & aux particuliers ayant
colombiers ou volières dans les parcs du roi , d'en
dvltruirc les pigeons.
Par arrêt du 16 juillet 1779, le parlement de
Paris a autorifé les officiers , t nt des fièges royaux
que des hautes-jufticcs , de faire tels règlemens
qu'ils jugeioient convenables, pour empêcher que
les Pigeons ne caufafTent du dommage aux blés
couchés par les pluies.
L'artice 12 de l'ordonnance du mois de juillet
1607 , difend 4 toute perfonne, de quelque é!ût &
condïtiun qu elle f oit , de tirer de l'arquebufe fur Ls
Pigeons , à peine de vingt livres d'amende.
Suivant l'article 193 de la coutume d'Etampes ,
quiconque prend des pigeons avec des filets ou col-
Lts, doit être puni comme pour laicir.
L'article 3^,0 de la coutume de Bretagne, porte,
qii'on ne doit tirer ni tendre iiiix Pigeons de colowbicr
tivcc filet f , glu , cordes ni autrement , // on na droit
de le faire , fur peine de punition corporelle.
La coutume de Bordeaux veut , article 1 1 1 , que
ceux qui fe rendent coupables de cette forte de
délit, foient condamnée à une amende de foixante
fous pour la première fois , & ;iu fouet, en cas de
ricidive, indépendamment de l'obligation de payer
le dommage.
Par arrêt du 24 oflobic 1731, le parlement de
Paris a confirmé une fentence du bailli de Meudon ,
en ce qu'elle déclare it Dcnife le Loup , femme de
Mathieu Auboin , atteinte & convaincue d'avoir
fiit tuer une grande partie des Pigeons du fieur
Pommier, fecrétairc du roi , mcme d'avoir été pré-
fente lorfque fes domefliques les tuoient par fes
ordres , & en ce que cette femme étoit condamnée
au blâme & à dix livres d'amende; mais la même
fentence a été infirmée , en ce qu'elle n'avoit pro-
noncé que c'eux cens livres de réparation civile
contre la femme Aubcin , & que celle-ci n'avoit
pas été condamnée à tor.s les dépens folidaircment
avec fon mari , qui étoit partie au procès ; en con-
féquence , l'ï-rrèt a condamné Auboin & fa femme
folidaircment à quatre cens livres de réparation ci-
yjle & à tous les dépens. Il leur a d ailleurs été
fait défenfe de récidiver, fous peine de punition
corporelle, & les dome.Aiques ont été condamnes
chacun à trois livres d'an^cnde.
Par un autre arrêt du 27 mars 1733 > '^ niême
cour prononçant fur l'appel d'un décret de prife
de corps décerné contre le nommé Seguin , accufé
d'avoir tiré fur les Pigeons du feigneur de Ver-
jîienton , a évoqué le principal , & y faifant droit ,
a fait défenfe à Seguin de récidiver, fous peine de
punition corporelle ; Ta condamné à trois livres
d'aumône , & à cent liv. de dommages & intérêts ,
§>i aux dépens.
Voyez les articles Colombier & Volet.
f IGNORATIF, On appelle (ontr^j Pignoratifs
PIGNORATIF.
une forte de contrat de vente d'un héritage qu'un
débiteur pafTe à fcn créancier , avec ftipulation que
le vendeur pourra retirer l'héritage pendant un
certain temps , & qu'il en jouira a titre de loyer,
moyennant une certaine fomme , qui eft ordmai-
remtnt égale aux intérêts de la fomme prêtée , &
pour laquelle la vente a été faite.
Ce contrat cft appelé Pignoratif, parce qu'il ne
contient qu'une vente fimulée, & que fon véritable
objet cft de donner l'héritage en gage au créancier ,
Se de procurera celui-ci des intérêts d'un prêt, en
le déiuiifant fous un autre nom.
Le droit civil Se le droit canon admettent égale-
ment ces fortes de contrats, pourvu qu'ils foient
faits fans fraude.
Ils font pareillement autorifés par différentes
coutumes , telles que celles de Touraine , d'Anjou ,
du iVIaine, & quelques autres. Comme dans ces
coutumes \\n acquéreur qui a le ténement de cinq
ans , c'ed-à-dire, qui a poffédé paifiblement pen-
dant cinq années, peut fe défendre de toutes ren-
tes , charges & hypoil-.èques ; les créanciers , pour
éviter cette prefcnpiion , acquièrent par vente la
chofe qui leur eft tngngce, arln d'en conferverla
pofl'elîion fiéllve , jul'qu à ce qu ils foient payés de
leur dû.
Les contrats Pignoratifs différent de la vente à
faculté de rcméré & de l'antichièfc , en ce que la
première tranfmet à l'acquéreur la pofieffion de
l'iiéritage , & n'eft point mêlée de relocation ; & à
l'égard de lantichrèle , elle a bien pour objet,
comme le contrat pignoratif, de procurer les inté-
rêts d'un prêt ; mais avec cette différence , que dans
rantichrèfe c'eft le créancier qui jouit de 1 héritage ,
fiour lui tenir lieu de fes intérêts , au lieu que dans
e contrat Pignoratif c'eft le débiteur qui jouit lui-
même de fon héritage , Si en paye les loyers à
fon créancier, pour lui tenir lieu des intérêts de
fa créance.
Quoique ces fortes de contrats femblent con-
tenir une vente de l'héritage, ce:te vente eft pu-
rement fiélive , tellement qu'après l'expiration du
temps flipulé peur le achat, l'acquéreur, au lieu
de prendre poffe/îlon réelle de l'héritage , pro-
roge au contraire la faculté de rachat & la reloca-
tion ; ou à la fin , lorfqu'il ne veut plus la pro-
roger, il fait faire un commandement au vendeur
de lui payer le principal & les arrérages , fous le
nom de Loyers ; & faute de payement, il fait fai-
fir réellement l'hiritage en vertu du contrat ; ce
qui prouve bien que la vente n'eff que fimulée.
Dans les pays où ces contrats font ufités , ils
font regardés comme favorables au débiteur, pour-
vu qu'il n'y ait pas de fraude , & que le créancier
ne déguife pas le contrat , pour empêcher le dé-
biteur d'ufer de la faculté de rachat.
Les circonrtances qui fervent à connoître fi le
contrat efl Pignoratif, font: i**. La relocation,
qui efl la principale marque dimpignorstion : 2°.
la vérité du prix : 3°. confuetiido fcnnerandi , c'eft-à'
dirç j
PIGNORATIF.
dire , lorfque l'acquéreur eft connu pour un ufu- i
rier. La ftipulation de rachat perpétuel peut auffi j
concourir à prouver l'impignoration ; mais elle ne
formeroit pas feule une preuve , attendu qu elle
peut èîre accordée dans une vente férieufe. Les
autres circonflances ne formeroient pareillement
pas feules une preuve , il faut au moins le concours
des trois premières.
Les principales régies qu'on fuit en cette ma-
tière , font que le temps du rachat étant expiré , le
débiteur doit rendre la fomme qu'il a reçue , com-
me étant îe prix de fon héritage , fmon il ne peut
en empêcher la vente par décret , ni forcer fon
créancier à proroger la grâce, ou àconfentirà la
converfjon du contrat Pignoratif en conflitution
de rente.
Il eft aufli de règle que les intérêts courent fans
demande , du jour que le temps du rachat eft ex-
piré, & alors le créancier peut demander fon rem-
bourfement; mais jufqu'à ce que le rembourfe-
ment foit fait , le contrat Pignoratif eft réputé im-
meuble , quand même il y auroit déjà un juge-
ment qui condamneroit à rembourfer.
Suivant l'article 49 du tarif du 29 feptembre
1722 , le droit de contrôle des contrats Pignora-
tifs , doit être payé fur le pied réglé par les articles
3 & 4 du tarif. Voyez Contrôle.
Les contrats Pignoratifs ont été affujettis an droit
de centième denier, par l'article 6 de la déclara-
tion du roi du 20 mars 1708; cependant les no-
taires de Tours prétendirent, en 171 5, que le cen-
tième denier ne devoit pas être perçu à cet égard ,
fur le fondement que ces contrats n'opéroient point
•Je mutatitfs de propriété : mais le confeil décida ,
le 3 aoiit 171Ç , contre l'avis de l'intendant, que
la loi qui avoit afilijetti ces contrats au centième
denier devoit être exécutée.
PILLAGE. C'eft le dégât , le ravage & l'en-
lèvement d'effets que font les fôldats , les ennemis.
Les lois de la guerre permettent d'abandonner
au Pillage les villes prifes d'aflaut; mais comme
dans le défordre qui s'enfuit, il n'eft point d'afles
de licence ni de crimes que le foldat ne fe croie
permis , l'humanité doit engager , lorfque les cir-
conflances le permettent, à ne rien négliger pour
empêcher ces horreurs : on peut obliger les villes
à fe racheter du Pillage, & fi l'on diftribue exaéîe-
ment & fidèlement au foldat l'argent qui peut en
revenir , il ne peut fe plaindre d'aucune injuf-
fice à cette eccafion ; au contraire , tous en pro-
fitent alors également, au lieu que dans le Pillage,
le foldat de mérite eft fouvent le plus mal par-
tagé ; ce n'eft pas feulement parce que le hafard
en décide , mais c'eft , dit M. le marquis de Santa-
Crux , qu'un foldat qui a de l'honneur refte à fon
drapeau jufqu'à ce qu'il n'y ait rien à craindre de
la garnifon ni des habitans ; tandis que celui dont
l'avidité prévaut fur toute autre chofe , commence
à piller en entrant dans la ville , fans attendre qu'il
lui foit permis de fe débander.
Tornt XllL
PILLAGE, 121
Outre le Pillage des villes , qui arrive très-rare-
ment, il y en a un autre qui produit le relâche-
ment de la difcipline ; c'eft la dévailation que fait
le foldat dans le pays oii le théâtre de la guerre
eft établi : ce Pillage accoutume le foldat à fecouer
le joug de l'obéilTance & de la difcipline ; l'euvie
de conferver fon butin peut amortir fa valeur ,
& l'engager même à fe retirer : d'ailleurs , en rui-
nant le pays, on le met hors d'état de payer les
contributions , & l'on expofe l'armée à la difcttc
ou à la famine. On fe prive ainfi, par cette li-
cence , non-feulement des reffources que le pays
fournit pour s'y foutenir, mais on fe fait encore
autant d'ennemis qu'il contient d'habitans : le Pil-
lage de tout ce qu'ds pofsèdent , les mettant au
délefpoir , les engage à profiter de tous les
moyens de nuire à ceux qui les oppriment fr
cruellement.
Lorfque les troupes font une fois accoutumées
au Pillage , au défaut de l'ennemi , elles pillent
leur propre pays, & même leurs magafins; c'eft
ce qu'on a vu dans plufieurs occafions , entr'au-
tres dans la guerre de Hollande de 1672; mais
M. de Louvois fit retenir fur le payement de
toute l'armée , ce qui étoit uéceftaire pour dé-
dommager les entrepreneurs , 8i il ordonna d'en
ufer de même toutes les fois que pareille chofe
arrlveroit.
En matière de prife maritime , le Pillage étoit
autrefois fi commun , que les équipages en étoient
venus au poiftt de jurer devant un prêtre , que de
tout ce qu'ils pourraient prendre & dérober des prifes ,
foit or y argent , bijoux, & autres chofes de valeur ,
ils nen révéleraient aucune chofe à juflice , ni aux
propriétaires armateurs , 'ni {à d'autres , & qu'ils en
feraient le partage entreux.
Les ordonnances de 1543 & de 1584 profcri-
virent cet abus , en enjoignant aux corfaires de
repréfenter aux officiers de l'amirauté, fous peine
de confifcation de corps & de biens, tout ce qui
feroit delà prife; & il fut fait défenfe aux prêtres
de recevoir à l'avenir de pareils fermens , fous
peine de prifon , & d'être pourfuivis extraordi-
nalrement.
Cependant les mêmes \o\s,pour donner , difent-
elles , meilleure volonté aux gens des corfaires , d'eux
vertueufement employer aux efets de la guerre, leur
accordèrent toute la dépouille des habillemens , har-
nais & bâtons des ennemis , avec For & l'argent qu'ils
trouveraient fur eux jufqu'à la fomme de dix écus ,
le furplus rapportahle à la maffe du butin. Elles leur
accordèrent auffi les coffres & communs habillemens
des ennemis , excepté ceux de grande valeur ou qui
auraient été deflinés a être vendus , & toutes les mar'
chandifes , avec l'argent qui fe trouverait dans lef-
dits coffres & ailleurs , dont ils n auraient tout de
même que lefdits dix écus.
Les ordonnances citées réglèrent en outre , qu'on
ne regarderoit pas comme Pillage , ce qui n'excé-
deroit pas la valeur de dix écus : mais cela ne
Q
m
PILLAGE.
fignifioit pas que chacun des gens du corfaire pour-
voit s'emparer de tout ce qu'il trouveroit fous fa
inain dans Je vaiffeau pris , JLifqu'à concurrence de
dix écus ; le légiflateur avoit feulement voulu dire
que de tout ce que les gens du corfaire auroient
pris dans les chofes même fujettes à Pillage , ils ne
pourroient garder, à titre de Pillage licirc, que la
valeur de dix écus.
11 paroît que c'eft en conféquence de ces lois
que la dépouille des ennemis , leurs coffres, leurs
hardes, leurs armes, & les inftrumens de leur
profeffion , appartiennent à l'équipage du cor-
faire, félon le grade de chacun : ainfi le capitaine
corfaire emporte la dépouille du capitaine pris ,
avec fon coffre ; le pilote , la dépouille du pi-
lote pris, avec les inftrumens du pilotage ; &c.
& les matelots , la dépouille des matelots pris ,
chacun pour ce qu'il peut en prendre , Si fans
aucun rapport, foit au profit de l'armateur, foit
entre eux.
11 n'y a d'exception que par rapport au coffre
du capitaine, dont la valeur ne lui eft acquife que
jufqu'à concurrence de cinq cens écus : le furpliis
doit être rapporté à la maifo ; c'eft pourquoi ce
coffre doit être vifité & inventorié féparéinent par
les officiers de l'amirauté, en préfence de l'arma-
teur, après que la prile a été ju^ée bninne. S il pa-
roît évident que la valeur du coffre, & de ce qu il
contient , n'excède pas la (omme fixée , la déli-
vrance s'en fait fur le champ au capitaine corfaire ,
pour en difpofer à fa volonté : fi au contraire le
coffre & les effets qui s'y trouvent valent phis de
cinq cens écus, on en ordonne la vente, & fur
le prix qui en provient , le capitaine eft payé de la
fomme à lui due , & le furpUis fe joint au pro-
duit des marchandifes de la prife. C'eft ce qui ré-
fuite de l'article 15 du règlement du 25 novem-
bre 1693.
Au refte , on fe rend coupable du Pillage d'une
prife, non feulement quand on fait l'ouverture des
coffres, ballots, facs , tonneaux , &c., mais encore
quand on tranfporte ou qu'on vend quelque mar-
chandife de la prife ; de manière qu'il fuffit d'en
avoir tiré fecrètement & mis à terre quelque por-
tion fans l'ordre Sc l'aveu des officiers de l'ami-
rauté, pour être fujet à la punition prononcée par
l'article 20 du titre 9 du livre 3 de l'ordonnance
de la marine du mois d'août 1681 , dont voici
les termes :
n Défendons de faire aucune ouverture des
I) coffres, ballots, facs, pipes, barriques, ton-
j> neaux & armoires ; de tranfporter ni vendre au-
j» cune marchandife de la prife, & à toutes per-
j> fonnes d'en acheter ou receler, jufqu'à ce que la
j» prife ait été jugée, ou qu'il en ait été ordonné
» par jiiftice , à peine de reftiturion du quadruple,
» & de punition corporelle v.
On voit que cette loi prononce une double
peine; la reftitution du quadruple Si. la p'unitio;!
corporelle : céue double peine s'applique natu-- j
PILLAGE.
rellement à tous les cas exprimés par l'article dé
i ordonnance qu'on vient de rapporter : cepen-
dant comme cette punition auroit pu être trop
rigoureufe en pluficurs circonftanccs , Louis XIV
jugea à propos de la tempérer par la lettre qu'it
écrivit le 25 feptembre 1709 , à M. le comte da
Touloufe , amiral de France , laquelle eft ainfi
conçue :
» Mon fils , je fuis informé de la diverfité des
» avis qui fe rencontrent tous les jours devant
» vous , en exécution ou interprétation de l'ar-
» ticle 20 de mon ordonnance de 1681 , concer-
" nant la marine , qui porte , défendons de faire au-
» cune ouverture des coffres , &c. , & que cette di-
» verfité de fentimens , qui ne peut que caufer
» des difficultés Si. de l'embarras dans le jugement
» des prifes , vient de ce que les deux peines,.
» l'une du quadruple & l'aiure corporelle , pa-
» roiftent fi unies & fi jointes enfenible par la
'» conftruélion des termes , qu'on les peut croire
" inleparables , en forte qu'on ne les puifte pro-
» nunccr que l'une avec l'autre; ce qui cepen-
" (lant n'a jamais été mon intention dans cette
» ordonnance , ayant au contraire toujours penfé
» que chaque peine devoir être ordonnée fuivanfc
» chacun cas particulier; en forte qu'en certains
" cas dans lefqucls la contrijvention fe tro' vt-roit
» légère , la punition ne fût que du quadruole ^
» outre la reftitution. Se que dans d'autres cas,,
^ au contraire, dans lefquels la contravention fe
" trouveroit plus grande , & pourroit être regar-
" dée comme un crime plus puniftable, la peine
» corporelle pût être ajoutée à la peine civile do
" la relhtucion & à celle du quadruple. Pour le--
» ver donc les difficultés , & vous laiffer dans
" les jugemens toute la liberté que j'ai toujours
" eu intention de vovis donner , je vous écris cette
" lettre , pour vous dire , que je me remets ahfo-
" lument à vous à décider & à déterminer cha-
» cun de ces deux cas ; en forte que dans ceux-
" OLi vous jugerez que la peine du quadruple fuf-
" ht, outre la reftitution , vous l'ordonnerez fans
" parler de la peine corporelle ;& que dans l'au-
" tre cas où vous jugerez que la peine du quadru-
'» pie, outre la reftitution , ne fuffira pomt pouf
" la punition de la contravention, vous puiffiez,
" après avoir condamné les contrevenans à ces
" peines pc;cuniaires, renvoyer le procès aux of-
» ficiers de l'amirauté, pour procéder extraordi--
» nairement contre les coupables, & les condam-
» ner aux peines corporelles qu'ils cro ront qu'ils
" méritent, fuivant la qualité du crime & de la
>» contravention, & fans qu'en aucun cas les offi-
» ciers des amirautés puiffent prétendre avoir
«droit de prendre la voie extraordinaire, quand
» vous ne la leur aurez pas renvoyée par vos ju--
» gemens ; & la préfente n'étant à autre fin , &c. »•
Il réfulte ce là , i**. qu'en exécution de cet ar-
ticle , il eft laiffé ;'i la prudence de M. Tamiral de;
déterminer & diflinguer les cas ou la peine ci?.
MLLAGÈ.
vile (iiffit, de ceux on la peine corporelle doit y
être ajoutée.
2°. Que dans ce dernier cas, M. l'amiral ne
"peut prononcer que la peine civile , & que pour
îa corporelle il doit renvoyer l'affaire aux officiers
de l'amirauié, en les chargeant de la pourfuivre à
l'extraordinaire.
3". Enfin que, quoiqu'il folt du devoir des officiers
de l'amirauté de ^'inforir-er s'il y a eu du Pillage
dans les prifes , & de travailler à conftater le fait ,
il ne leur eft pas permis néanmoins de prendre
d'office la voie extraordinaire, & qu'ils ne le peu-
vent qu'autant qu'ils en reçoivent l'ordre de M.
l'amiral dans les jugemens qu'il rend fur le fait
des prifes.
Cette dernière difpofitlon a fouffert du change-
ment par l'ordonnance du mois d'août 1710(1 ).
( I ) Cttte Ordonnance eji ainfi conclue :
Sa majeltc étant informée tjuï quelque foin qu'on ait pi Js
par les ordonnances anciennes & noiivcHcs fur Je fait de la
marine , quelquei prècau-ions qu'on ait apportées jufqu'à
préfent pour enipcchec les Pillages, d.'prLt!,tciens d'etFets ,
diveiriflcmens , & autres rhâlvctfations femblables qui fe
commettent fouvent dans les prifes faites par les armateurs ,
quelque révères qu'aient été les peines prononcées par ces
lois, 6c notamment par l'article 10 du titre des prifes de l'or-
donnance de I éSl ; cependant tous ces réglemens n'ayant pu
arrêter une licence qui augmente tous le» )ours , par l'impu-
nité des coupables , pa, le peu d'attention des ortii-iers des
fièges de rainirautc à «n procurer la punition , ôc par les
difficultés qui empêchenî fouvent qu'on ait une preuve cer-
taine & juridique de ces délits : fa majellé connoiflant la
néceflité d'en arrêter le cours , tant par rapport au bon ordre
de la marine & âla difcipline que doivent oLiferver le» offi-
cier* , foldats Se matelots , que parla conlidération de 1 Uïilité
que l'état peut retirer t'cs armeiiieas , auxquels rien n'ell plus
préjudiciable que la continuation de ce d^forJre , fa majeUé
voulant y pourvoir, &c léfirant pareillement que la preuve de
ces nialverfations puilTc être aflurée par une procédure , afin
que l'amiral , jugeant feJon le pouvoir atttiUué à fa charge ,
de la validité des prifes & de tout ce qui leur eft incid, nt ,
avec les coniniiffaires nommes avec lui peur y llatucr, &: que
les oftcietç de l'amirauté puiifent aufli prononcer juridique
tnent Icspc'nes proiioriionntes à la qualité des délits, fuivant
]a difpofirioii des ©Ldonnances , &: félon les cas différensdont
la connoifTance doit être portée devant eux , fa majefté a or
donné i-: ordonne ,
ARTiCLE I. (^u'à l'avenir, auïïl tôt qu'une prife aura été
amenée en quelques rades ou ports du royaume , & que le
capitaine qui l'auu faite, s'il y elt enperfonce, ou celui qu'il
en aura chsrgé , Eurent fait leur rappçirt ^ repréfenté les pa
piers &c les prifonniers , les officiers de l'amirauté les inter-
rogèrent , 3c ceux de l'équipage qu'ih jugeront à propos , f r
le fait & les cire «nilances de la p.ife , conformément aux
anicles ii Se 7.4c.! titre des prifes de l'ordonnance de içs,.
2. Si par les d';oficions ou interrogatoires de l'équ'pag.
pris, par la viiite du vaiflcau & dci marchandifes , &: par
J'examcj des papiers du chargement, les officiers de l'ami
lauté ont lieu de prélumçr qu'il y ait eu des Pillages faits ,
des efic.'î recelés ou divertis , ou d'autres nialverfations fem
blables coinuiifes, ils ordonneront qu'à la requête du procu-
reur de fa nujeftc au fiège de l'amirauté, les prifonniers ou
les gens de l'éq.'.ipage feront répétés fur leurs interrogatoires
& déclarations; pourront lefdits officiels de l'amiraucé , fu.-
ces répctitions, c!ecréter cor;:e ceux qui fc trouveront char-
gés , Se procéder à l'interrogatoire des accufés.
j. Les officiers de l'iaiiiautc ordonneront enfuîte qucles
PïLLAGE, iij
Cette loi a réglé que quand il y auroît des prd^
fo m ptions de Pillage par les dépofitions ou inter-
rogations des gens du navire pris » ou d'autres in-
dices , il feroit procédé , à la requête du procureur
du roi, par voie de répétition , au récolement &
confrontation, contre les acci'fés ; &. que quand
cet officier auroit donné fes concliifions définitives ,
la procédure feroit envoy'e au fecrétaire général
de la marine, afin que hi. l'amiral pût juger de la
peine méritée par les auteurs du Pillage. S'il paroît
qu'outre la reiîitution des chofes pillées, la peine
du quadruple efl fuÊfarite , en égard à la qualité du
délit, M. l'amiral peut prononcer cette peine ci-
vile fans autre inflru(5^ion, & condamner en outre
les accufés aux dommages & intérêts envers la
partie : mais s'il juge que le délit mérite peine
afflidive, le procès doit être renvoyé aux officiers
témoins feront recelés 8c confrontés aux accufés , s'ils font
préfens; &: s'il paroit qu'ils ne foient pas revenus dans les
ports du royaume , ou qu'ils fe foient abfentés pour fe fouf-
traire à l'inlhuAioi», & pour empêcher ou détourner les preu-
ves, il fera ordonné que le récolement des témoins vaudra
confrontation.
4. Si l'accufé fe préfente, il fera interroge, & les té.noins
lui i'eiont confrontés , s'ils font encore dans le royaume ,
lorfqu'il fera de retour ; mais s'ils en font fortis , ou en caï
de contumace de l'accufé, le procès fera continué fur la pro-
cédure qui aura été faite pendant fon abfence ; il pourra néan-
moins , en tout état de caufe , propofer des reproches, s'ils
font juitifiés p»r écrit.
î. Fait fa niajeflé très-exprefles défenfes aux officiers de
l'amiraiité d'admettre ni ordonner la preuve d'aucuns faits
jullificatifs , ni d'entendre aucuns témoins pour y parvenir , i.
moins que le procès ne leur ait été renvoyé par l'amiial , pour
le juger définitivemenr, ainfi qu'il fera expliqué ci-après. Se
ne pourront l'ordonner en ce cas qu'aprèsla vilîte du procès, &
en la forme prefcrite par le tit-e 28 de l'ordonnance de 1670.
6. Lorfque les officiers de l'amirauté auront fait les procé-
dures marqtiées ci-defl'us , 5c que le procureur de fa niajefté
aura donné fes concliilions , le tout fera envoyé au fecrétaire
général de la marine , afin que l'amiral , avec les commif*
faites nommés pour juger avec lui , puiffe procéder au juge-
ment de la validité des prifes, & en même-temps de la peine
que méritent lefdits Pillages Se malverfations.
7. Si la preuve des Pillages, déprédations Se malverfations;
efl fuffifammcnt établie par ces procédures, &: que l'amiraf
5e lefdits commilTaires eftiment que la reiîitution des chofes
pillées & la peine du quadruple foient fuffifantes pour la qua-
lité dudéiit, ils pourront la prononcer fans qu'il foit belbin
de nouvelles conclufions ni d'un nouvel interrogatoire de
l'accufé , êc le condamner encore aux dommages & iatétêts
envers la partie , s'ilyéchet; en forte qu'après le jugement
ainfi rendu pat l'amiral , l'accufé ne puifl'e plus être pour-
fuivi ciiminellement pour taifon du même fait.
8. Si l'amiral ^: Icfdirs commiflaires elliment qu'il y a lieu
de prononcer peine afHidtive , ils renverront Je procès aus
officiers de l'amirauté pour juger les coupables , & les con-
damner à la punitioa corporelle qu'ils naériteront , fuivant l;k
qualité du délit ôc de la contravention aux ordonnances , à I2
leftitution des effets , à la peine du quadruple , &c aux dom-
mages Se intérêts di la partie , fans que l'amiral puilTe dans
ce cas y flatuer , mais feulement juger Je la validité de la
prife. Msnde fa majefté â M. le comte de Touloufe, amiral
de France , de faire exécuter le préfent règlement ; 5c enjoint
aux officiers de l'amirauté de le faire lire , enregiftrerfic affi^
cher par-tout où bcfoin fera. Fait à Marly le 51 août 1710,
Sisnép LOVIS. E: plus bas , Phelypeaux.
114 PILLAGE.
de l'amirauté , pour prononcer toutà-la-fois cette
peine , la rcftitution des effets, le quadruple, & les
dommages intérêts.
L«s anciennes ordonnances avoient réglé que
ceux qui feroient reconnus coupables de Pillage,
demeureroient privés de leur portion dans la prife ;
mais elles n'avoient point prononcé , comme celle
de 1681 , la peine du quadruple. On peut deman-
der , d'après cela, û la peine ancienne de la priva-
tion des parts eft tellement fous-entendue dans l'or-
donnance de 1681, qu'elle doive avoir lieu con-
jointemeHt avec celle du quadruple contre les au-
teurs du Pillage?
Il y a à cet égard un premier jugement de M.
l'amiral, du 5 juillet 1696, peur !e cas d'un Pillage
d'or & d'argent , mais fans effraflion , dans lequel
tous les gens du corfaire avoient trempé , à l'excep-
tion d'un feul , que fes bleflures avoient empêché
d'y participer. Ceux qui avoient pillé ont été con-
damnés à rapportera la mafTe la valeur de ce qu'ils
avoient pris, & ils ont d'ailleurs été privés de
leurs portions dans la prife, lefquelles ont été con-
fifquées au profit de M. l'amiral.
Par un fécond jugement, rendu le 12 du même
mois de juillet 1696 , dans le cas d'un Pillage
fait avec fra61ure & violence exercée contre ceux
des compagnons mêmes qui s'y étoient oppofés,il
n'y a point eu de plus grande peine civile pro-
noncée, mais il a été ordonné que le procès feroit
fait ôc parfait aux coupables par l'amirauté de
Vannes , fuivant la rigueur des ordonnances , fauf
l'appel au parlement de Rennes.
Par un troifième jugement du 18 novembre
1709 , les nommés Tanqueray & Fret ont été con-
damnés folidairement à rapporter à la maffe les
huit marcs d'or qu'ils avoient détournés d'une prife ,
& la peine du quadruple a en outre été pronon-
cée , ainf] que la privation de leur part dans la prife.
Quant aux autres délinquans , convaincus d'avoir
fait quelque Pillage peu confidérable , & aux mar-
chands qui avoient acheté d'eux , on s'eft contenté
de les condamner à une amende de dix livres en-
vers M. l'amiral , & à la reftitution des effets pillés.
Ainfi il réfulte , tant de ces jugemens que de la
lettre du roi que nous avons précédemment rap-
portée , que M. l'amiral peut prononcer telle peine
civile que bon lui femble , contre ceux qui font
coupables de Pillage ; favoir , la peine du quadru-
ple conjointement avec la privation des parts dans
la prife , ou l'une de ces peines fans l'autre , Se mê-
me une fimple amende , fi le Pillage eft léger , ou-
tre la reflitution des effets pillés , qui doit avoir
lieu dans tous les cas.
Lorfqu'un vaiffeau vient à faire naufrage fur les
côtes , les feigneurs & les habitans des paroifles
voifvnes font obligés d'en faire avertir les officiers
de l'amirauté, & ils doivent, en attendant l'p.rri-
vée des ces oflîciers , travailler à fauver les effets
naufragés & à empêcher le Pillage , à peine de
répondre ea leurs noms des pertes & dommages ,
PILORI.
dont ils ne peuvent être déchargés qu'en reprc-?
fentant les coupables , ou en les indiquant & pro-
duifant les témoins à juftice. C'eft ce qui réfulte
des articles 3 & 4 du titre 9 du livre 4 de l'ordon-
nance de la marine du mois d'août 1681. Voyez
le mot Naufrage.
Lorfqu'un corfaire ennemi qui a pris un navire
l'a relâché après l'avoir pillé en partie , ce Pillage
eft une avarie fimple , qui tombe fur les proprié-
taires des chofes pillées. Il en feroit différemment
fi le preneur du navire ne l'avoit relâché que
moyenant certains effets dont on lui auroit fait
l'abandon; ce feroit alors une avarie commune.
Au refte, l'afTureur doit répondre du Pillage & en
dédommager l'affuré. Voyez Police & Contrat
d'assurance.
PILORI. Petit bâtiment en forme de tour , avec
une charpente à jour , dans laquelle eu. une efpèce
de carcan qui tourne fur fon centre. Ce carcan efl
formé de deux pièces de bois pofées l'une fur
l'autre , entre lefquelles il y a des trous pour pafTer
la tête & les mains de ceux qu'on- met au Pilori ,
c'cfl-à-dire qu'on expofc ainfi pour fervir de rifée
au peuple, & pour les noter d'infamie. C'eft la
peine ordinaire des banqueroutiers frauduleux ;on
leur fait faire amende honorable au pied du Pilori ;
on les promène dans les carrefours; enfuite on
les expofe au Pilori pendant trois jours de marché ,
deux heures chaque jour , & on leur fait faire qua-
tre tours de Pilori, c'efl-à dire , qu'on fait tourner
le Pilori quatre fois pendant qu'ils y font attachés.
On tient que ce genre de peine fut introduit par
l'empereur Adrien , contre les banqueroutiers ,
leurs fauteurs & entremetteurs.
PILOTE. Officier de l'équipage qui prend garde
à la route du vaiffeau , & qui le gouverne.
Le fécond & le troifième pilote fécondent le pre-
mier dans fes fondions. Il n'y a trois Pilotes que
dans les plus grands vaifleaux , ou quand il s'agit
de voyages de long cours. Dans les autres vaif-
feaux , il y a un ou deux Pilotes , félon la qualité
du vairteau & du voyage.
On diftingue deux fortes de Pilotes ; favoir, le
Pilote hauturier , qui fert pour la navigation en
pleine mer & les voyages de long cours; & le Pilote
côticr ou lamancur , qui ne s'emploie que pour la
navigation de port en port & le long des côtes.
Nous avons parlé de ce dernier à l'article lamancur^
ainfi il ne fera queflion ici que du Pilote hauturier.
Suivant l'article premier du titre 4 du livre 2 de
l'ordonnance de la'marine du mois d'août 168 1 ,
aucun ne peut être reçu Pilote & n'en peut faire
les fondions , qu'il n'ait fait plufieurs voyages en
mer , & qu'il n'ait été examiné fur le fait de la na-
vigation , 8i trouvé capable & expérimenté par le
profeffeur d'hydrographie, deux anciens Pilotes,
Sfdeux maîtres de navire , en préfence des ofîiciers
de l'amirauté.
Il faut aufrî , fuivant fes lois pofîérieures , que
le fujet qui veut être reçu Pilote , foit âgé de vin^t-
PILOTE.
cinq ans accomplis , & qu'outre les voyages requis
fur les vaifleaux marchands, il ait fait deux cam-
pagnes de trois mois au moins chacune-, fur les
vaifleaux du roi.
Pour prouver les voyages en mer , le Pilote eft
tenu d'en repréfenter les journaux lors de Ion exa-
men. C'eft ce que porte l'article r du titre cité.
Le Pilote doit, fuivant l'article 3 , commander à
la route &. fe fournir de cartes , routiers , arbalètes
aftrolabes , & de tous les livres & inlîrumcns né-
celTaires à fon art.
Dans les voyages de long cours , le Pilote doit
tenir deux papieis-journaux. Sur le premier , il doit
écrire les changemcns de route & de vent , les
jours & heures de ces changemcns , les lieues qu'il
cftime avoir avancées fur chacun , les réduélions
en latitude & longitude , les variations de l'aiguile ,
en'emble les fonds & terres qu'il a reconnus : fur
le fécond, il doit mettre au net, de vingt-quatre
heures en vingt-quatre heures , les routes , longi-
tude &. latitude réduites, les latitudes obfervées ,
& tout ce qu'il a découvert de remarquable dans
le cours de fa navigation. Telles font les difpofi-
tions de l'article 4.
Il falloit d'ailleurs , conformément à l'article 5 ,
qu'au retour dë^ voyages de long cours , le Pilote
mit copie de fon journal au grefirc de l'amirauté ,
& qu'il en prît certificat du grefRer , à peine de
cinquante livres d'amende : mais cette obligation
e(l tombée en défuétude ; il fuffit que le Pilote re-
mette {on journal entre les mains du profeflcur
d'hydrographie , qui l'examine & y fait des cor-
re61i,ons , s'il y échet.
Si , par ignorance ou négligence , un Pilote vient
à faire périr \\n bâtiment, il doit être condamné à
cent livres d'amende , & privé pour toujours de
l'exercice du pilotage , fans préjudice des dora-
mages & intérêts des parties. Et s'il faifoit périr le
bâtiment par malice, il encourroit la peine de mort.
C'eft ce qui réfulte de l'article 7.
L'article 8 défend aux capitaines ou maîtres de
ravire , de forcer les Pilotes de paficr dans des lieux
dangereux , & de faire des routes contre leur gré :
mais fi le capitaine & le pilote ne font pas d'ac-
cord fur la route à faire , ils doivent fe régler par
l'avis des principaux de l'équipage.
Le titre 70 de l'ordonnance de la marine du 25
mars 1765 , prefcrit aux pilotes des vaifleaux du
roi les règles fuivantes.
» Le Pilote nommé pour fervir fur un vaifl"ean ,
« recevra , en préfence d'un des ofiiciers du vaif-
« feau & de l'écrivain , fes effets & uftenfiles ; il
j> obfervcra s'ils font de la qualité & en la quantité
« requife, fi les compas de routes & de variation
» font bien touchés , & fi les horloges font d'une
« jufte mefure de temps.
» Il fe fournira de cartes , de routiers , de livres
v> & inftrumens néceflaires à la navigation ; il les
■» préfentera au capitaine , à qui il en donnera un
» état.
PILOTE. 115
J> Avant que de fortir du port, il éprouvera 1*
» gouvernail du vaifleau , pour voir s'il eft en bon
» état , & il en vifltera les ferrures.
») Il s'aflurera fouvent, par des obfervations af-
» tionomiques , pendant \a navigation, fl les bouf-
» ioles n'ont point varié , & il aura attention à
» éloigner de l'habitacle , le fer , qui pourroit
■)■) changer la direélion des aiguilles & tromper dans
» les routes.
» Il éctira exaâement fur la table de loch le
») détail des routes du vaifleau pendant chaque
» quart , marquant l'aire de vent , la quantité de
" chemin de chacime , les changemcns de vent &
» de voilure, la durée des uns &des autres.
» Il prendra hauteur tous les jours au foleil ou
" aux étoiles , obfervcra la variation au lever &
)» au coucher du foleil , vérifiera les horloges, &
» fera régulièrement fon point d'un midi à l'autre ;
» il le rapportera toujours au méridien de Paris ,
" & il tiendra la main à ce que tous les Pilotes fc
» fervent du même méridien.
« Il donnera tous les jours fon poinr au capi-
" taine , Si il lui fera défendu , de même qu'aux
" autres Pilotes , de le communiquer aux officiers
» 8i aux gardes du pavillon & de la m.arine , mais
» feulement ce qui aura été écrit fur la table de
» loch.
« Il fera foigneufement fon journal , conformé-
'> ment au modèle qui lui fera donné ; il s'appli-
» quera à la connoiflance des terres , les obfervant
» exaftementen paflant auprès , examinant comme
'» elles fc démontrent à chaque aire de vent où il
» les pourra voir, deflïnant leurs différentes vues
» ou afpeéls ; il lèvera le plan des rades, y mar-
') quera les fondes , la qualité du fond , le cou-
» rant , & l'heure des marées.
» Si l'on découvre au large quelque haut fond
n ou roche fous l'eau , il les marquera fur fa carte,
» de même que la direélion des courans.
» Au retour du voyage , il fera vifer fon journal
" par le capitaine, & le remettra, ainfi qu'il eft
>» expliqué au titre du confeil de marine (i).
» Sous voile & en rade , il donnera des leçons
» réglées de navigation aux gardes du pavillon &
» de la marine ».
PIRATE. Ecumeur de mer , celui qui court les
mers avec un vaifl^eau armé en guerre , pour voler
les vaifl^eaux amis ou ennemis , fans eliftinélion. Il
diffère d'un armateur , en ce que celui-ci fait la
guerre en honnête homme , n'attaquant que les
vaiffeaux ennemis , à quoi il efl autorifé par une
commifllon de l'amiral.
La peine due aux Pirates efl celle de mort , con-
(1) Lotfqu'un vaifleau du toi défarme à Prtft , ou à Tou-
lon , ou à Rochefort , le Pilote doit , conformément à ce titre
du confeil de marine , remettre fon journal aa commandant
du poit : s'il défarme dans un autre port , le fecrctaire d'état
au département de la marine indique celui des trois ports
dont oi\ vient de parler , où le Pilote doit cemçtcie fon journal.
i6
PIRATE.
formément à rordonnancc du ç feptembre 1778-
En eiTet , ce font , comme l'obferve un auteur mo-
derne , des ennemis déclarés de la fociété , des
violateurs du droit des gens , des voleurs publics à
main armée & à force ouverte.
Suivant l'article 3 du titre 9 du livre 3 de l'or-
-donnance de la marine du mois d'août i68i,ileft
défendu à tous les fujets du roi de prendre aucune
commiffion d'aucun prince ou état étranger, pour
armer des vaifleaux de guerre 8c courir la mer Ibus
leurs bannières , à peine d'être traités comme des
Pirates,
L'article 4 déclare de bonne prife les vaiiTeaux
appartcnanS aux ennemis du roi ou commandés
par des Pirates , forbans ou autres gens courant la
irser fans commifTion d'aucun prince ni état fou-
verain.
L'article ç porte, que tout valfieau combattant
fous un antre pavillon que celui de l'état dont il a
commiflTion , ou qui a commiffion de deux différens
princes ou états , efl de bonne prife , &. que s'il cft
armé en guerre , les capitaines 8i officiers doivent
être punis comme Pirates.
Les navires & eflet» des fujets ou alliés du roi ,
pris fur les Pirates , & réclamés dans l'an Ôc jour
de la déclaration qui en a été faite à l'amirauté ,
doivent être rendus aux propriétaires , en piyant le
tiers de la valeur du vaiiTeau tk des marcliandifes ,
pour frais de rccoufie. Telles font les difpofitions
de l'article 10.
L'article 10 du titre a du livre premier de la
même ordonnance , attribue aux juges de l'ami-
rauté la connoi/innce des pirateries.
Un édit du mois de juillet 1691 , a ordonné que
les corfaires ennemis qui cntreroient dans le$ ri-
vières du royaume & y fcroient pris , fcroient trai-
tés comme Pirates , ôc en conféquence condamnés
aux galères par les juges des amirautés (1).
(1) Voici cette loi:
Louis , &.'c. Salur. Les petits corfaires entremis qui ofent
entrer dan5 les rivières de notre royaume, interrompant en-
tièrement la navigation de nos fujers , par les défordies qu'ils
font , & leur étant coût moyen de la continuer par l'incendie
ie leurs bât!inens&: la crainte d'être à tout moment attaqués
par ces corl'aires , dont il eft difficile de fe défendre, parce
*jue , pour éviter d'être reconnus, ils naviguent comme pê-
cheurs , jufqu'i ce qu'ils aient occafion de furprenJre les bâ-
tiiiiens de nos fujets 5 nous avons eftiraé néceffaire, pour ré-
rablir la fùretc dans la navigation de nos rivières, 'de ne plus
traiter ces corfaires , qui naviguent tous fans commiffion,
comme piifonniers Je guerre , mais comme Pirates Si for-
bans, pour les cn-pêcher , pat la crainte d'une peine févèrc ,
de continuer les défordres qu'ils y caufcnt depuis quelque
lemps , à quoi nous a-jiions été excités pat l'exemple même
de nos ennemis , qui les punifTcnt de mort, A ces caufes ,
de l'avis de notre confcil Si de notre certaine fcience, pleine
puiflance & autorité royale , nous ayons par ces préfentes
iîgnces de notre main , dit , ordonné & déclaré , difons , dé-
clarons & ordonnons , voulons & nous plaît, que les corfai-
res ennemis qui entreront à l'avenir dans les rivières de no-
tre royaume &c y feront pris , foient condamnés aux galères ,
nntles capitaine; que les éijuifages, foi( qu'ils aienc com*
PISTOLET.
Voyez les articles Pillage, Prise, Echoue^
MENT .Naufrage , &c.
PISTOLET. Arme à feu qu'on porte ordinaire-
ment à l'arçon de la fcUô.
L'article 5 du titre 30 de l'ordonnance des eaux
& forêts du mois d'août 1669 , autorife les parti-
c'iliers de condition honnête , à porter des Pifto-
lets pour la fureté de leurs perfonnes , lorfqu'ils
voyagent , même dans les forêts du roi.
Il a pareillement été permis, par l'article 6 , aux
gardes des plaines 8c des bois du roi , de porter des
Ptflolets pour la défenfe de leurs perfonnes , quand
ils fcroient leurs charges & qu'ils feroient revêtus
de leurs cafaques , Si. non autrement.
Ces difpofitions ne s'appliquent qu'aux Piflolets
d'aiçonou de ceinture ; car, par une déclaration
du i8 décembre 1660 , renouvelée par une autre
du 23 mars 172.8 (1) , le roi a défendu , fous dif-
midion ou qu'ils n'en aient pas, & fans que, fous quelque
prétexte que ce foit , ils puiffent être difpenfés de fubir cette
peine , fur le procèt-verbal des juges de l'amirauté , contenant
leur déclaration , Si fans autres procédures , forme ni Fgure
de procès, dérogeant pour ce regaid à toutes ordonnances à
ce contraires , fans ti/er à conL'quence dans les autres itia-
tières crimiiiclles. Voulons que le prix du bâtiment foit ad-
jugé à ceux de nos fujets qui découvri.ont ces corfaires &
donneroiu moyen de les furj^rendre dans les endroits OJ ils
fe retirent, ou qui en prendront , & qu'il leur foit outre ce
payé trente livres par cliacun desmateletsqui compoferontré:
quipage du bâtiment piis. Si donnons en mandement , &c,
(i) Cette dernière loi tfi ainfi conçue :
Louis, &c. Salut. Les différens accidens qui font atrîvésdc
l'ufage & du port des couteaux en forme de poignards, de»
bayonnettes & piflolets de pèches , ont donné lieu à diffé-
rens réglemens , &: notammenr à la déclaration du 18 fep-
tembre i^S^o, & à l'édit du mois de décembre 1666. Néan-
moins , quelque exprefles que foient les dcfenfes à cet égard ,
l'ulage & le port de ces fortes d'armes paroît fe renouveler;
& comme il importe à la fureté publique que les anciens ré-
glemens qui concernent ces abus foient exaûement obfervés,'
nous avons au devoir les remettre en vigueur. A ces caufes ,
nous avons dit Se djdaré , difons , déclarons par ces préfentei
fignées de notre main , voulons &: nous plaît, que la décla-
ration du i8 décembre l66o , au fujct de la fabrique &: port
d'armes , foit exécutée félon fa forme &c teneur. Ordonnons
en con'i'èquence qu'à l'avenir toutes fabriques, commerce,
vente , dcbit, achat , port & ufage des poignards , couteaux
en forme de poignards, foit de poche, foit de fulî! , dw
bayonnettes , pillolets de poche , épées en bâtons , bâtons à
ferremens , autres que ceux qui font ferrés par le bout, &
autres armes offenfives cachées Se fecrètes, foient &: dcmeu»
rent pour toujours généralenaent abolis & défendus. Enjoi-
gnons à tous couteliers, fourbifr«ur5,arimjriers &: marchands,
de les rompre Se brifer inceflammenr ap.ès renregi(lren«enc
des préfentes , fi mieux ils n'aiment faite rompre & arrondir
la pointe des couteaux , en forte qu'il n'en puifTe arriver d'in-
convéniens , à peine contre les armuriers , couteliers, foui:-
bifleurs & marchands trouves en contravention , de confifca-
tion pouf la première fois , d'amende de cent livres , & d'in-
terdidion de leur maîtrife pour un an, & de privation d'icelle
en cas de récidive, même de peine corporelle , s'il yéchet;
& contre les garçons qui travailleront en chambre, d'être fuf-
tigés &.' flétris pour la première foi», & pour la féconde d'être
condamnés aux galères. Et à l'égard de ceux qui porteronrfur
eux lefdiis couteaux , bayonnettes , piftoleis, âc autres arme*
offenfire» , cachées & fecrètes , ils feront condamnés en la
PLACARD.
fêrentes peines , de fabriquer , vcnJre & porter des
Piftolets de poche , &c.
Vdyez l'article Armes.
PLACARD. Ccftunécritouun imprimé qu'on
affiche dans les places, dans les carrefours , afin
d'informer le public de quelque chofe. Voyez Af-
fiche.
A la chancellerie & dans les greffes, on appelle
un aBc expédie en F Uc ard , ce\ui qui eu écrit fur une
feule feuille de papier ou parchemin non pliée, &
qui n'eft écrite que d'un côté.
PLACARDS. C eA le nom que portent dans les
Pays-Bas les édits & déclararions émanés des fou-
vcrnirs de la maifon d'Autriche.
Les Placards qui ont été donnés dans l'intervalle
des guerres d'entre François premier & Charles-
Quint, aux conquêtes de Louis XIV , ont con-
fervé toute leur autorité dans celles des provinces
Belgiques qui appartiennent aSueliement à la Fran-
ce : c'eft ce qui réiulte des différentes capitulations
accordées aux principales villes de ces pays. Celle
de Lille, entre autres, porte, article la , « que
n lefdites vUles de Lille , Douai & Orchies , Si
îj châtellenies , jouiront paifiblemcnt & pleinement
n de tous privilèges , coutumes , ufages , immuni-
n tés , droits ,. libertés , franchifes , jurididton ,
« juftice, police & adminiftration à eux accordés,
n tant par les rois de France par ci-devant , que
»> parles princes fouverains de -ce pays 'v
Les Placards les plus célèbres & les plus impor-
tans qui ont force de loi dans les Pays Bas fVançois ,
font les Placards des premier o6lobre r^io & lo
mars 1523 , concernant les dîmes infolites ; le Pla-
card du 4 o^lobre 1540, touchant les banquerou-
tes , les monopoles , l'ufure, les fondions des no-
taires , les donations des^ pupilles à leurs tuteurs , la
?rercription bier.nale, les mariages clandcflins; le
lacard du 15 juin 1 5 =; 3 , communément appelé le
nouveau tranfport de Flandres , & portant règle-
ment fur 1 s tailles & impofitions ; le Placard du
5. mars 1571, fur les rentes en grains ; le Placard
du 28 juin 1575 , fur la chaffe ; le Placard du pre-
jnierjuin 1 587, rendu pour l'exécution des décrets
du concile te^ui à Mons en 1586; le Placard du
3 1 o^nhte de la même année , « fur le payement ,
ï> quittance, modération &atterminatiôn des cens ,
5) rentes foncières, feigneuriales , &. autres hy^o-
w théquées ou non hypothéquées, & femblables
» redevances échues ou à écheoir durant lestrou-
M blés, &. Tur quelques autres points concernant &
» dépiïndans de cette matière n. Le Placard du 2.5
iBoii de prilf n ■'i en cinn cenrs Ijvi sd:ain> nie. N entenuons
n('a 'Il oiii« comprendre en ces prifences djftntcs les bayon-
netesà relFurt fj li fe mettent u haut -Irs a: es à fcu. poux
l'u^'flg»' de la g'ierre, à ct^^^d)^on tjut I ïouvrie s qui le^ fa
bfiqiKiont erort tenus i'-n. f^ire déclaration a'; )Uge de po'
Jicedi) Heu, 5 fan', qu'ils puWrent les ven lie ni débiter qu'aux
offii'e-s ^e nos troupct , qui leur en. délivre onc certihcat ,
dont ieflîrj O' r''î-s ticn-lront rrgi •-e, paraphé pat noldics
juges de police. Si Jonnaûs en mandement j ôic.
PLACE. ii7
juin 1^01 , fur les rembourfemens de rentes, de
prêts & de dépôts ; le Placard ou édit jxerpctucl du
12 juillet 161 1 , contenant 47 articles fur différen-
tes matières. Le Placard du 31 août 1613 , fur la
chaffe i les Placards du 28 mars 161 1 Se 2 oélobre
1613, furies réparations des églifes ; le Placard
du 14 décembre 1616, fur la nobleffe 8f les ar-
moiries ; le Placard du 29 juillet 1653 ,furlesen-
gagemens & hypothèques; le Placard du 30 juillet
1672 , concernant l'adminiftration des villes ou-
vertes & villages de la Flandre flamande.
Toutes ces lois & une infinité d'autres qu'il ferolr
ti'op long de rappeler , font renfermées dans des-
recueils très - volumineux , intitulés PUcjrds (te
Flandres , Fhcardsde Brabant. On trouve le précis-
de la plupart dans deux ouvrages d'Aufelmo , j,u-
rifc(;n/iilie d'Anvers , qui ont pour titre. Codex'
bel^icus & tiibonïanui heigicus. Zypœus , ofRcial de
la même ville , en a aufli donné une certaine notice
dans l'efpèced'inftitution au droit belgique qu'il a.
pubhée. On peut encore confulter là dcffus l'ou-
vrage qu'adonné dans le même genre M. Deghe-
wiet, avocat au parlement de Flandres. ( Article
dt M. Merlin ^ avocat an parlement de Flandres )..
PLACE. C'cft un lieu public, découvert & en-
vironné de bâtimens , foit pour l'embelliffement
d'une ville , foit pour la commodité du commerce^
Les Places publiques des villes royales , les lieux
où l'on rend la juftice au nom du roi, 8c les autres
lieux i'emblables font ccnfès dans la cenfive de f*
majefté, & font partie de fon domaine: c'cft pour-
quoi les particuliers ne peuvent y pofféder des;
maifons , boutiques , &c. fans une conceftîoa-
exprefîe , & fans payer pour cela une redevance
au fouverain»
Le roi eft pareillement , en vertu de fa fouverai-
neté , ;proprié:aire de toutes les Places qui ont fervi
aux foff^'S , contrefcarpes , murs , remparts , portes-
Si fortifications, tant anciennes que nouvelles , de
toutes les villes du royaume, foit quelles appar-
tiennent à fa majefté ou à des feigneurs particu-
liers : il faut en dire autant de l'efpace qui eft enti
dedans àts villes, près des murs, jufqu'à concur-
rence de neuf pieds: ainfila direéle dès maifons-
&. édifices coiiftruits fur ces Places , ne peut appar-
tenir qu'au roi.
C'ell en contormite de ces règles établies par dif-
férentes lois , qu'un édit du mois de décembre
i^ai , a ordonné que toutes les- Places des rem-
parts , murj, , foffés , contrefcarpes & dchor»^^ des>
vd es du royaume, feroienr vendues. au profit du;
roi ,& que les propriétaires de celles qui avoi^nt'
été précédemment aliénées ,, feroient confirmés^
dans. >eur polTtlîïon , en payant les fo:n mes aux-
quelles ils fëroienr taxés, fans qu ils puftenîî être'
tenus d'aucune charge envers- qui que ce lût, finon;
d'un cens aiinuelenvers-fa majeftéi.
Comjne. ia p'uparr des Places dey anciens fofi
fés" , rempans ot fortificafions dés villes étoiènt- oc-
cupées par dés gamcuiiier&-qui. sein éioientemça-»-
11^ PLACE.
rés d'autorité privée , ou qui les tenoient à titre cis
ventes ou concédions que leur avoient faites les
maires ou échevins de ces villes , le roi donna ,
le zo février l'^.fjS , une déclaration par laquelle il
maintint & conHrma les détenteurs dans leur pof-
feflîon &. jouiflance, foit que ces Places leur eufîent
été vendues ou concédées par les maires, ou éche-
vins , foit qu'ils s'en fuffeni mis en poflefiîon fans
titre, en quelque manière que ce {«t , a la charge
qu'ils payeroient une finance, 8c qu'ils tiendroient
les mêmes Places dans la cenfive de fa majefté ; à
l'efTet de quoi ils payeroient annueilemeut un
cens de douze deniers par arpent , & les droits
de lods & ventes aux rnutations , fuivant les
coutumes.
Par arrêt du lo février 1740 , le parlement de
Paris a jugé qu'une maifon fituée rue Dauphine ,
donnant par derrière fur la rue Contrefcarpe , dont
le terrein avoit autrefois fait partie des anciens
fofles & remparts de la ville de Paris , étoit dans
la cenfive & direéle du roi, & a condamné les pro-
priétaires à en payer les droits de lods & ventes
au receveur-général du domaine.
On appelle Place du change , ou Place commune
des marchtinds , un Heu p\iblic établi dans les villes
de négoce, où les marchands , nigocians, ban-
quiers, courtiers ou agens de change, & autres
perfonnes qui fe mêlent du commerce des lettres
5c billets de change , ou qui font valoir leur ar-
' gent, fe trouvent à certains jours de la femaine,
pour y parler ik traiter des affaires de Ipur com-
merce, & favoir le cours du change.
A Paris on dit fimplement la Place, à Lyon on
la nomme auffi la Place ou la Place du change ; à
Touloufe , à Londres , à Amfierdam , & prefque
dans tous les pays étrangers, la bourfe.
Faire des Usités &• remifes de Place en Place , ce(\.
faire tenir de l'argent d'une ville à une autre parle
moyen des lettres de change , moyennant un cer-
tain droit qui fe régie fuivant que le change eft plus
ou moins haut.
Quelquefois le mot de Place fe prend pour tout
le corps des marchands & ncgocians d'une ville.
Oii dit en ce fens que la Place de Lyon efl la plus
confidérablc &• la plus riche de France; pour dire
( qu'il n'y a point dans le royaume , de banquiers &
de marchands plus riches ni plus accrédités que
ceux de Lyon.
Place fe dit auffi d'une forterefle.
Les Places fortes n'appartiennent qu'au roi , &
elles font abfolument inaliénables , comme fervant
îi la défenfe publique & à la fureté de l'état. Voyez
le traité de la fonvcrainetè de M. le Bret.
PLACET. Ce mot fe dit d'une demande fuc-
çinte , formée par écrit pour obtenir juftice , grâce ,
faveur , &c.
Dans les fièges où les affaires font en fi grand
nombre , que les parties ne peuvent pas être
entendues à mefure qu'elles fe préfentent , on
flonnç un Placer au chef de la compagnie, pour
PLACITÉ.
demander a;idi;ince. Au chârclct de Paris, les Pla-
cées concernant les caufes qui doivent être portées
au parc civil, fe préfentent à M. le lieutenant ci-
vil : ceux qui concernent les affaires du préfi-
dial , fe préfentent au lieutenant particulier qui
y préfide.
PLACITÉ. Ce mot fignifioit autrefois plaid ou
a/tije de juHice.
Nos rois des deux premières races avoient leur
Placité général ou grande affife , leur cour plénière
qu'ils tenoient avec les grands du royaume , la-
quelle affcmblée , fous la troifiéme race , a été ap-
pelée parlement.
En Normandie, on appelle Placités ou articles
Placitês , certains articles arrêtés par le parlement
les chambres aflémblées le 6 avril 1666, concer-
nant plufieurs ufages de la province, lefquels arti-
ticles furent envoyés au roi, avec prière à fa ma-
jefté de trouver agréable qu'ils fuflent lus & pu-
bliés , tant à l'audience de la cour , que dans toutes
les juridiflions du reflbrt.
PLAGIAT. C'eft le crime de celui qui vole des
enfans.
Celui qui retient de force chez lui la femme , les
enfans , ou les domeftiques d'autrui, efl auffi cou-
pable du crime de Plagiat.
Chez les Romains on prononçoit pour crime de
Plagiat , la peine de la condamnation aux mines
contre les perfonnes difîinguées , & celle de mort
contre les autres.
Il n'y a parmi nous aucune loi particulière con-
tre ce genre de crime : mais on punit ceux qui en
font convaincus, comme les voleurs, quelquefois
de mort, & quelquefois d'une moindre peine, fé-
lon les circoniîances. Par exemple, on condamne
à mort les mendians qui volent des enfans & qui
les miuilent , & l'on ne prononce contre eux que
la peine des galères, quand il n'y a point de
mutilation.
Godefroi rapporte dans fon hiftoire de Char-
les "VII, que le famedi 18 avril 1449 , on pendit
deux hommes & une femme convaincus d'avoir
volé de petits enfans.
yne mendiante qui avoit enlevé à Paris un en-
fant , & qui l'avoit gardé plufieurs années avant de
l'y ramener, a été condamnée , par arrêt du 6 juil-
let 1740 , au fouet , à la marque , & à être renfer-
mée à perpétuité dans la maifon de force de l'hô-
pital général.
Par un autre arrêt du 23 janvier 1756 , le parle-
ment de Paris a prononcé les mêmes peines contre
Françoife Chabanoue , convaincue d'avoir volé un
enfant de fix mois.
PLAIDOYER. C'eft un difcours prononcé à l'au-
dience en préfence des juges , pour défeixlre le
droit d'une partie.
Dans les tribunaux où il y a des avocats , ce font
eux qui plaident la plupart des caufes, à l'excep-
tion de quelques caufes légères qui ne roulent que
fur
PLAIDOYER.
(lir le fait & la procédure, que les procureurs font
admis à plaider.
Une partie peut plaider pour elle-même , pour-
vu que le juge la difpenfe.
Un Plaidoyer contient ordinairement fix parties ;
favoir , les conchifions , l'exorde, le récit du fait ,
celui de la procédure, Tétabliffement dos moyens,
& la réponfe aux objeftions.
Les conclufions ne fe pr,jnoient autrefois qu'à
la fin du Plaidoyer; le juge difoit à l'avocat de
conclure , & le difpofitif du jugement étoit tou-
jours précédé de cette claufe de flyle , polïijuàm
conclufum fuit in caufi; mais depuis long-temps
il eft d'ufage que les avocats prennent leurs
conclufions avant de commencer leur Plaidoyer;
ce qui ert f.igement établi , afin que les juges fâ-
chent d'abord exaftement quel efl l'objet de la
caufe.
PLAIDS. On donne ce nom à certaines affcm-
blées de juflice.
On diftingue deux fortes de Plaids ; favoir ,les
Plaids ordinaires , & les Plaids généraux.
Les Plaids ordinaires font les jours ordinaires
d'audience.
Les Plaids généraux, qu'on appelle en quelques
endroits afftfis ,{ont une affemblée extraordinaire
des officiers de la juilice , à laquelle ils convo-
quent tous les vadaux, cenfitaires, 8f jufliciables
du feigneur.
Ces fortes de Plaids généraux fe règlent fui-
vant les coutumes , iSc dans celles qui n'en parlent
pas , fuivant les titres du feigneur , ou fuivant l'ii-
fage des lieux, tant pour le droit de tenir ces fortes
de Plaids en général, que pour la manière de les
tenir, & pour le temps.
La tenue des Plaids généraux ne fe pratique
guère , parce qu'il y a plu"^ à perdre qu'à gagner
pour le feigneur , qui efl obligé de donner les alli-
gnations à fes dépens.
Quand le feigneur veut faire tenir fes Plaids, il
doit faire afllgner fes vaflaux à perfonne ou a do-
inicile , ou faire donner l'afîjgnation au fermier &
détenteur du fief.
Il faut que cette affignation foit donnée par le
miniAère d'un huiffier ou fergent, & qu'elle foit
revêtue des formalités prefcrites pour les ajour-
nemens.
Le délai doit être d'une quinzaine franche.
Le vaffal doit comparoître en perfonne, ou par
procureur fondé de f.i procuration fpéciale.
Faute par lui de comparoître à l'aHlgnation ,
s'il n'a point d'empêchement légitime, il doit être
condamné à l'amende , qui eft différente félon les
coutumes ; cette amende eft, par exemple, fixée
à dix fous parifis , ou douze fous fix deniers ,
par les coutumes de Péronne, Montdidier ik Roie.
Le feigneur peut faifir pour faire p^yer cette amen-
de ; mais il ne fait pas les fruits fiens , & la faifie
Toau XIÎl,
PLAINTE.
1:9
tient jufqii'à ce que le vaffal au payé l'amende &
les frais.
Le feigneur peut faire tenir fes Plaids dans toi te
l'étendue de fon fief, & dans les maifons de fes
vafi'aux.
On tenoit aurrefois les Plaids généraux dans les
lieux ouverts & publics, en plein champ, fous des
arbres, fous lorme , dans la place , ou devant la
porte du château ou de l'églife.
Il y a encore quelques juftices dans lefquelles
les Plaids généraux ou affifes fe tiennent fous l'or-
me, comme à Anières près Paris , dont la feigneu-
rie appartient à faint Germain des-Prés.
La comparution des vaffaux aux Plaids géné-
raux , a pour objet de faire connoître les rede-
vances qu ils doivent , & de leur faire déclarer en
particulier le> héritages pour lefquels elles font
dues, & fi depuis les derniers aveux ils ont acheté
ou vendu quelques héritages venus de la feigneu-
rie , à quel prix, de qui il les ont achetés, à qui
ils en ont vendu , enfin , devant quel notaire le
contrat a été paffé.
Voyez le traité des fiefs par BHUcocq.
PLAINTE. C'eft une déclaration par laquelle
on défère à la juftice quelque injure , dommage
ou autre excès qu'on a fouffert de la part d'un
tiers.
Les Romains diftinguolent les délits privés, des
dHits publics. Chacun pouvoit rendre Plainte re!?-
tivement à ceux-ci ; mais il n'y avoir que les jrar-
ties intéreffées qui puffent fe plaindre de ceux-là.
En France, il y a dans tous les crimes deux for-
tes de perfonnes qui peuvent rendre Plainte; fa-
voir , la perfonne offenféc, & la partie publique.
Les procureurs du roi ou fifcaux , Sec. peuvent
intenter Plainte ou accufatio.n pour raifon de plu-
ficurs crimes en même temps , contre le même
accufé , ou pour raifon du même crime contre
plufieurs accufés , & les envelopper tous dans une
feule & même accufatien. Ils doivent même le
faire dans le cas où les accufés font complices
d'un même crime , ou que les crimes font con-
nexes.
Ils peuvent auffi ajouter, quand ils veulent , à
leur première accufation , lorfqu'ils découvrent de
nouveaux complices , ou que quelqu'un des ac-
cufés eft prévenu de quelque nouveau crime qui
n'étoit point encore venu à leur connoiffance , ou
lorfque le crime pour lequel i'accufé étoit pour-
fnivi . vient à changer de nature , comme loi fqi.e
la bleffurc d'un offenfé , qu'on ne croyoit pas
mortelle , vient à être fuivie de la mort de cet
offenfé.
Piufieurs perfonnes peuvent en même teaij-s
rendre Plainte , lorfqti 'elles ont toutes intérêt à
l'offenfe , mais une feule fuffit pour la pourfuitc
du procès criminel.
Les trois premiers articles du titre 3 de l'ordon-
nance du mois d'août 1670, règlent comment &
R
130 PLAINTE.
devant qui une Plainte doit fe former (i).
Suivant ces lois , une Plainte peut être rendue
par requête ou par procès-verbal (2). Si elle eft ren-
(i) Voici ces trois arûclts,
!• Les Plaintes pourront fe faire par requête , Se auront date
du joue feulement que le juge , ou en fon abfence ic plus an-
cien praticien do îieu , les aura répondues.
1, Pourront auifi les Plaintes être écrites par le greffier c 1
préfence du juge. Défendons aux huiflierj , fergens , arches
& notaires, de les recevoir, à peine de nullité , &:auxjug.s
de les leur adrefl'er ,à peine d'intcrdittion.
j. N'entendons néanmoins rien innover dans la fondiîo i
des cotnmilTaires de notre châtelet de Paris , pour la réceptio 1
des Plaintes , qu'ils feront tenus de mettre au greffe , enfem
ble toutes les informations 8t procédures par eux faites dam
les vingt-quatre heures , donr ils feront faire mention parle
grefticr au bas de leur expédition , ôc ù c'eft, avant ou apte?
midi , à peine de cent livres d'amende , moitié vers nous , &
moitié vers la partie qui fe plaindra,
_(x) Formule d'une Plainte par requête.
A monfieur.
Supplie humblement... difant... ( «noncer 7ci les faits de li
Plétinte b" toutes leurs circonjiances ). Ce confidérc, monlîeur ,
il vous plaife donner adc au fuppliant de la Plainte ci-deflus ,
lui permettre de faire informer des faits contenus en fa pré-
fçnte requête , circonflances & dépendances , pour, l'infor-
mation faite & .lappoitée, être ordonné ce qu'il appartiendra
( Quand il y a lieu à monitoire , on y ajoute ; ) nicme d'obte
nir & faire publier monitoire en forme de droit, pour, c:
fiit & communiqué au procureurdu roi , ou au procureur fi f^
cil de ce fiége , être ordonné ce qu'il appartiendra 5 ôc vou;
ferez juftice.
Piainte du procureur du roi cufifcaU
A monfieur....
Vous remontre le procureur du roi oufifcnl , qu'il a eu avii
que... Ce conlidéré , monfieur, il vous plaife permettre an
remontrant de faire informer des faits contenus en la préfentî
tequcce , circonllanccs &: dépendances , pour , l'information
faite & à lui communiquée , requérir ce qu'il appartiendra.
Orionnanct du juge.
Vu la ptéfente requête , nous avons donnS Aùe de la
Plainte au fuppliant ( ou au procureur du roi oufifcnl ) , per-
mis défaire informer pardevant nous ( Jî c'fj'î au chatclet ,
pardevant... commiffaire ) des faits contenus en icclle , cir-
c»iirtances &: dépendances. (Etfila requê:e tend à mtnitoirt ,
on ajouti : ) même d'obtenir & faire publier monircire en
forme de droit ; pour ce fait , communiqué au procureur du
toi ou a'x procureur fifc al de ce ûège , être ordonné ce qu'il
apparticaJra.
Formule de Flainte par proccs-verlal.
L'an.,., le.... jour de.... heure de... pirdevant nou5.... ell
comparu... lequel nous a dit 6c fait Plainte que ( ditailler ici
les faits qui donnent lieu d la PLnnte , ) en conféquence , a
requis qu'il nous plût lui permettre de faire informer des faits
contenus en fa Plainte ci-deilus, ciïconitances &: dépendan-
ces , & a ligné , ( ou déclaré ne favt'.r écrire ni fignir ) de ce
enquis fuivant l'ordonnance. Sur quoi noirs avons donné ade
audit.,, de fa Plainte, permis de faire informer des faits y
contenus, circonftances &: dépendances, pa-dcvant... pour
Ci faitSc communiqué au procureur du roi ou fifs.ïl , ètie or-
donné ce que de raifon. { Et fi celui qui rend la Plain-e v:ut
en mîmt-temps fi rendre partie civile , on ajoute : ) déclarant
ledit plaignant qu'il fe rend partie civile , !k a li^rxé (ou a
déclaré ne favoir figner ).
PLAINTE.
due par requête , elle n'a date que du jour que la
requête eft repondue. Quand on rend Plainte par
procès-verbal , il doit être écrit par le greffier en
prôfence du juge.
Autrefois , plufieurs officiers partageoient avecle
juge le droit de recevoir les Plaintes & de faire les
informations. Les huiffiers du châtelet, entr'auties,
étoient pour cela dans unepoffeiïion immémoriale,
fur-tout lorsqu'ils avoient été commis par les juges
à cet effet. La cour commettoit aufl'i quelquefois ,
par arrêt, des huiffiers du parlement pour informer.
Cet ufage étoit fondé fur une apparence d'utilité
publique , en ce qu'il en coiitoit beaucoup moins
aux pariies pour le tranfport d'un huiffier que pour
celui d'un confeiller ou autre juge: mais la/acilitè
qu'on trouvoit à corrompre ces officiers fubalter-
nes , & les autres inconvéniens fans nombre qui
réfultoient de cet ufage , ont déterminé le Icgifla-
reur à l'abolir , comme abufif , &. à ne confier qu'aux
Ceuls juges la réception des plaintes & la confec-
tion des informations.
Il n'y a d'exception à cette règle qu'en faveur
des cemmiflaires au châtelet de Paris, qui , ayant
toujours été regardés comme alTocics à la magiftra-
ture , ont mérité cette diflinflion : mais pour qu'ils
ne reftent pas long temps les maîtres des Plaintes
& des charges , qui ne peuvent être trop tôt confi-
gnées dans un dépôt sûr, le légiflateur a voulu
qu'ils les remiflent au greffis dans les vingt-quatre
heures. L.i date de cette rçmife , & fi c'eft avant ou
après midi , doit être conftatée par le greffier. La
peine du défaut d'exécution de la loi à cet égard
contre le commiffaire, eft une amende de cent li-
vres , dont la moitié eft applicable au roi , &. l'autre
moitié à la partie plaignante C ' )•
Il peut arriver que le juge foit abfent ou malade,
ou qu'il fe récufe ; & comme les affaires criminelles
doivent être inftruites fans délai, le plaignant eft
alors fondé à s'adreffer au plus ancien praticien , &
non à la partie publique dont le miniftêre eft nécef-
faire. C'tft en conformité de cette règle que, par
?,rrêt du 2 oâobre 1711 , le Parlement de Paris a
fait déftnfe au procurer.râfcal de la juftice de Ber-
gereffe , de faire aucune fonâion déjuge, en cas
d'abfence ou autre empêchement du juge ordinaire,
dans les affaires fujettes à communication ,& no-
tamment dans les matières criminelles ; & a or-
donné qu'en pareil cas la fonéîion de juge feroit
dévolue à l'ancien procureur poftulanr.
La même cour a rendu deux antres arrêts fem-
blublcs les 21 juin & 23 juillet 17 12.
Obfervez toutefois que le praticien qui fupplée
(1) Remarquez qu'a Pa;!!, quand la garde de la ville con-
duit chez un commifTaire quelques pcrfonnes accufées d'a-
voir contrevenu aux ordonnances de police , i-1 a le droit de
les renvoyer après les avoir entendues ; & fi ce font des gens
ians aveu, il peut les faire conduire en prifon en drelfanc
procès verbal : mais lorfqu il s'agit de perforn;s domiciliées
qui lui paroiffent mériter la )>cifoa, il cil obligé de les faitç
cjtiduïie devant le juge.
PLAINTE.
le iage en pareille circonftance, doit réfider clans
le iieu de la juridiflion. C'eû ce que le parlement
de Paris a encore jugé par arrêt du 12 feptembre
Le juge d'inftriiâion ne doit permettre d'infor-
mer ni recevoir aucune Plainte , qu'autant que les
faits allégués peuvent être confidérés comme gra-
ves : autrement il doit renvoyer fur la Plainte à Ce
pourvoir à fins civiles , ou ordonner que les parties
en viendront à l'audience.
Ainfi , quand il ne s'agit que de fimples injures
verbales , le juge ne doit pas permettre de prendre
la voie criminelle, & il doit en ce cas ordonner
que les parties fe pourvoiront au civil.
Mais (i la Plainte eA de nature à être pourfuivie
criminellement, le juge ne peut refufer de la ré-
pondre , & il doit permettre d'informer des faits
qui y font contenus.
De même il ne doit point recevoir de Plaintes
pour raifon de faits, qui ne regardent & n'intéref-
fent point les parties.
Le juge, en recevant une Plainte qui renferme
d'.fférens faits , ne doit permettre d'informer que de
ceux qui intérefient le plaignant , & non des au-
tres ; autrement cette procédure feroit nulle & vi-
cieufe. Mais fi les autres faits quin'intérefTenr point
l'accufé, font de nature à mériter l'animadverfion
publique, le "uge peut ordonner dans ce cas que
la Plainte pour raifon de ces faits fera communi-
quée au procureur du roi ou fifcnl , pour être par
lui prif^s telles condufions qu'il jugera à propos ;
& enfuite, fur ces conclufions , le juge peut in-
former , s'il y a lieu dz le faire.
La Plainte n"eft pas abfolument néce/Taire pour
que le juge puiffe informer contre quelqu'un , lorf-
que le coupable eft arrêté en vertu d'un ordre fu-
périeur , ou qu'il eft pris en flagrant délit , ou
arrêté à la clameur publique, 6c en général , toutes
les fois qu'il a été emprifonné par autorité du juge.
A Paris , les commiftaires au châtelet peuvent aufli
informer par eux-mêmes des crimes , ftns réqui-
fuion ni miniftère du procureur du roi ou de fes
fubftituts , dans le cas de flagrant délit , fans Plainte
d'aucune partie privée.
Il n'eft pas même néceflâire, lorfque le juge a
informé d'ofiice, que le procureur du roi ou fiYcal
donne enfuite la Plainte ; il fuffit que cette partie
publique agilTe en conféquence contre l'accufé. Il
y a plufieurs procès criminels célèbres , dans lef-
quels il n'y a aucune Plainte. Dans celui qui fut
fait en l'année 1674 au chevalier de Rohan &à
fes complices , pour crime de lèz^-majefté, il n'y
a aucune Plainte; & le premier afte qui paroît de
la part du procureur-général de la commilHon
établie pour l'inftruâion de ce procès , c'eft les
cenclufions pour recommander le chevalier de Ro-
(i) Cet arrêt a fait défenfe au fieuc Balet de faire les
fondions de juge cans la juflice d'Uffon , ayan; d'avoir établi
fon domicile dans le lieu de la juridiction.
PLAINTE. 131
li^ , qui avolt été arrêté par ordre du roi , & mis
prifonnicr à la baftille.
En effet, l'objet de la Plainte n'étant que pour
parvenir à s'aflurer du coupable & à inftruire fon
procès , û le criminel eft arrêté , il eft évident
que cette Plainte devient inutile, & qu'il fuffit que
la procédure foit communiquée à la partie publi-
que , afin qu'elle agifiè enfuite pour la pourfuite 6c
l'inftrufHon du procès , fur le vu de l'information ,
foit en concluant au décret , foit à quelqu'autre
jugement d inftruf^ion , & quelquefois même à la
peine.
La Plainte faifit la juridi£lion du juge à qui elle
cftpréfentée, quand même il feroit qiteftion dans
cette Plainte d'un fait purement civil , & qui ne
pourroit intcrefter la jtiridiélion du juge criminel.
Dans ce cas , ce n'eft point au juge civil à en
connoître , mais au juge criininel à qtii elle eft p:é-
fentée; & c'eft à ce dernier à la recevoir, ou à
renvoyer le plaignant devant le juge qui en doit
connoitre.
Lss plaignans ne font point réputés parties ci-
viles , s'ils ne le déclarent formellement , ou par
la Plainte, ou par aâe fubféquent, qui peut fe
faire en totit état de caufe ( i ) ; ceci a été éta-
bli pour faciliter la punition des crimes , fans obli-
ger les parties de fe mettre dans le cas de fuccom-
ber aux frais.
On peut être plaignant, fans être partie civile ,
comme on le voit par l'ordonnance de 1670 , titre
30, article 5; mais on ne peut être partie civile •
lans être plaignant.
Lorfque le plaignant ne fe porte point partie ci-
vile parla Plainte, mais par un aâe fubféquent,
cet afte doit être fignifiè à l'accufé , Si. au procureur
du roi ou fifcal, s'il eft joint à la pourfuite.
Quand un plaignant s'eft porté partie civile , foit
par la Plainte , foit par un afte fubféquent, il peut
s'en départir dans les vingt-quatre heures ; & dans
ce cas dedéfiftement, il n'eft plus tenu des frais faits
depuis qn'il a été fignifié , mais feulement de ceux
qui ont été faits avant ce défiftement, fans préju-
dice néanmoins des domimages & intérêts des par-
ties accufées , dans le cas oij l'accufation feroit
injufte ou calomnieufe ( i ).
(1) Formule d'aile pir lequel le pLi^nant fe rend yartie
cifile.
L'an. . le,., neuf heures du matin , à Ja requête de... pour
lec|uel domicile eft élu en h maifon de M*... je... huiiïicr à .,
fouffigné , certifie avoir ilgnific & déclare à M. le procureur
du roi au bailliage de... au doreicile de M'., greftîer dudit
bailliage, demeurant à... en parlant à... que le requérant fc
rend partie civile , & entend pourfuivre à fa requête fur la
Plainte qu'il a hier rendue devant M^. contre... & j'ai à mon-
dit fieur procureur du roi , toujours à. domicile , Se parlant
comme dclTus , iaiflè copie du préfent adc.
(2) Fcrmule à'a£le de defifiement.
L'an... le. . huir heures du matin , à la requête de... pour
lequel iomicile eft élu en la maifon de M',,, fon prociire'ur
au bailliage de... demeurant à.,, je... huiffier à... fouffîgnc ,
cetiifie avoir fignifié 8c déclaré à M'... en fon domicile, e>
Rij
i3i PLAINTE.
Lorfque le plaignant s'eft porté partie civile con-
tre plufieiiis pi-rlonncs , il pciit fe dèfjfler à l'égaid
des unes , (ans être obligé de le faire à l'égard des
antres , pourvu que ce déMement fe faffe auffi dans
les vingt-c;natre liçurcsde la Plainte.
Ce temps de viiigt quatre heures cfl limité prin-
cipalement en faveur de raccufé, afin qu'il puilTe
demander que le plaignant, qui ne fe défifteroit
qu'après ce temps, demeure en caufe pour pou-
voir obtenir contre lui des dommages Se intérêts ,
en CriS d'a<nion calomnicjufe. La partie publique
peut aulfi empêcher le défiilement qiù feroit fait
après les vingt-quatre heures, & demander que le
plaignant, qui ne fe défifteroit qu'aprîs ce temps ,
demeure paitie civile.
Faute de faire ce défiftement dans les vingt-qua-
tre heures, les plaignans qui fe font portés parties
civiles, ik qui ne fe défiflent qu'après ce temps ,
font tenus de tous les frais, tant envers l'accufé
qu'cavcrs le domaine, ainfi qu'il rcfulte de la dif-
pofition de cet article 5 qu'on vient de citer.
Quand une fois on s'eft défifté d'une Plainte
contre un accufé, il n'eA plus permis de reprendre
la pourfuite , & de fe porter de nouveau partie ci-
vile contre lui.
Lorfqu'une Plainte ert calomnieufe ou téméraire,
8c que le plaignant n'a pu faire fa preuve , il arrive
affcz fouvent que l'accufé qui a entendu parler de
cette Plainte par les témoins , ou autrement , donne
do fon côté une autre Plainte contre le premier
plaignant, pour raifon des difcours calomnieux
par lui répandus.
Comme la Plainte eft un des principaux a61es de
la procédure criminelle , il eft jufle qu'elle foit aflii-
jetrie à tout ce qui eft nécefiaire pour en conftater
ia vérité. Ainf/ ,
1". Elle doit contenir le no.Ti du plaignant, ou
du moins fa qualité , fi c'eft une Plainte donnée par
la partie publique ; la qualité du crime , le lieu où
il a été commis , & dans quel temps.
Une plainte peut néanmoins être bonne , quoi-
que le lieu du délit ne foit pas fpécifié, quand on a de
juHes raifons pour l'ignorer, attendu que cela peut
fe fuppléer par l'information & par les preuves ; &
îl en ef!: de même du temps , du moins quant au
jour précis oii le déVit a été commis.
Dans la Plainte pour crime de faux , on n'exprime
jîi le temps ni le lieu où le faux a tté commis ,
palant à... &: à M, le procureur du roi ai biilli.ige de... au
do.^iicile de M'... greiîier dudic bailiiage , deme'ranc à... en
parlant 3 .. t]ue le reoul-rant n'eniend point être pa lic civile ,
nialgré la litclara.ion tju'il en a faite hioi, concic ledit, . de
laijuelle dcclaraiion il fe dclîlle , à ce que mondit ùeur pro-
cuveur du roi &: ledit. . n'en ignorent ; fauf à M. le procureur
du oi à pourfuivie , ainfi riue bon lui Temblera , ponr la vin-
cifle pubiitjue , & fous la réferve cjue fit le recjuérant de
fa're ce qu'il fera nécefT.iiie pour obier)ir les réparaticrs &:
intérêts civils, (]ui lui font dus , quand & ainfi qu'il ayifera •
Si j'ai .1 mr^ndit fieiir le procureur du roi, &: ai dit... tjuiouis
à dom'.cile , Ce parlant comme deffiis , làiiTc copie à diacoD
{«paiement du ptéfeai clfirteiueui.
PLAINTE.
parce qu'ordinairement on ne peut avoir cette con-
noilTance.
Il n'eft pas nécelTaire non plus que la Plainte
contienne le nom de l'accufé, parce que la Plainte
cft plutôt un aik pour expofer aux yeux delà juf-
tice le critne qui a été commis , que l'imputation
faite peur raifon du même crime , à celui qui en
eft l'auteur , ou qu on croit l'être ; ce qui ti\ , à pro-
prement parler, le vrai de l'accufation , & fa dif-
férence effentielle d'avec la Plainte.
Dans les Plaintes rendues pour raifon d'inju-
res , il eft néceffaire qu'elles contiennent , i". la
qualité de l'injure reçue ; &' s'il y en a plufieurs ,
tant par paroles que par voies de fait , elles doivent
être fpécitiées : il faut auflî indiquer le temps où
CCS mjures ont été faites, & même le lieu.
2". La plainte doit être énoncée d'une manière
claire & intelligible , bien circonftanciée , fans au-
ci;ne équivoque ni obfcurité, & elle doit contenir
l'cxpcfirion du fait & les conclufions du plaignant ;
c'eli-à-dire , que le plaignant doit demander per-
miflîon , par cette requête , d'informer des faits qui
y font contenus, circonflances & dépendances,
même d'obtenir & faire publier monitoires , s'il y
a liîu de prendre cette voie.
3°. L'ordonnance veut que tous les feuillets deÇ
Plaintes foient fignés par le juge & parle plaignant,
s'il fait ix peut figner , ou par fon procureur fondé
de procuration fpéciale , & il doit être fait mention
e~ïprefl"e fur la miniiie &c fur la groile , de la figna-
ture ou du refus de figner; ce qui doit aufîi être
obfervé par les commlffaires du chàtelet de Paris.
Le défaut de cette fignature ou de cette mention
emporte la nullité de la Plainte.
Ces form.alités font établies pour empêcher qu'on
ne puiflé altérer la Plainte , ou en changer la date
& la fubftance , en y ajoutant ou diminuant ; ce
qui pouvoit fe faire aifément avant que l'ufage iùt
établi de faire figner les Plaintes au juge & à la
partie.
Par arrct du parlement de Rouen du 9 novembre
1728, il a été )Ugé qu'une Plainte fignée par une
femme fous le nom de fon mari & fans procura-
tion , étoit valable entre le nommé Hue & les nom-
més Garnier. Pareil arrêt du 11 oélobre 1709, fur
nnc Plainte donnée par un père contre fon fils.
Autre arrêt du 15 février 173$.
Dans les Plaintes qui fe donnent par les parties
privées pour crime de faux incident, il faut une
infcription de faux delà part du plaignant.
Quand il y a Plainte rcfpeélive , le juge doit,
après les interrogatoires & l'examen des charges,
juger lequel des deux plaignans demeurera accufé
ou accufateur. 11 doit déclarer accufé celui contre
lequel les charges font les plus fortes ; &: accufa-
teur cf lui contre lequel elles font moins confidé-
rables.
f^oyt^ i*ordonnan:e criminel It du mois d'acût iCyo ,
6* les commentateurs ; Airault , en fon injlrun.iûn ja-
PLAINTE EN MAT. CIVILE.
'Jlcîûire ; It traité des matières criminelles; JuUus Cla-
Tus , pra£tica criminalis ; Z/{" , '" J' pratique crimi-
nelle 1 Thcveneati fur les crdonnaiiees ; le traité de la
jujlice criminelle de France ; le journal du palais ,
&c. Voyez auflî les articles CoMMlssAlftE , Par-
tie CIVILE , Procureur du roi , Accusé , Ac-
cusation Information, &c.
PLAINTE EN MATIERE CIVILE. Le mot
Plainte efi fréquemment employé dans les Char-
tres Se cou:umes de Hainaut , pour défigner une
aflion purement civile.
Il y a entre une Plainte proprement dite & une
requête, la même différence que le droit commun
admet entre l'adion réelle & l'adîion perfonnelle.
On lit dans la forme de procéder en Hainaut , page
I , que « toutes caufes commencent , ou par re-
>» quête , ou par Plainte , ou par complainte >». C'eft
comme fi Ton difoit , toutes les actions font, ou
perfonncUes , ou réelles , ou po/leffoires. « Toutes
« aftions perfonnelles ( continue l'auteur de cet
» ouvrage ) fe motivent par requête ». Donc les
aflions réelles doivent s'intenter par Plainte ; cette
confèqnence cft aulTi claire que fjmple , 6c la cou-
tume du chef lieu de Mons , chapitre 1 5 , §• i > la
confirme de la manière la plus évidente; en voici
les termes : " Pour abrévier tous procès par loi ,
» qui le feront pour cas réel & propriétaire, tous
" plaindans, quand ils mettront outre leurs Plain-
« tes, devront, &c. ».
Cette didiniftion de la requête d'avec la Plainte ,
n'eft pas feulement dans les mots, elle eft encore
dans les chofes.
Lorfqu'on agit par a<^Ion petfonnelle , on pré-
fente la requêre au chef de la juridiflion , qui la
répond d'un foii communiqué ; & même au confeil
fbuverain de Mons , chaque confeiller a le droit
d'expédier en fon nom les ordonnances de compa-
roir (ur les requêtes qui font préfentées à la cour.
C'eftce que décide l'article 1 du décret du roi d Ef-
pagne du premier feptembre 1702 , imprimé à la
luite de la coutume de Mons , édition de 176 1 ; &
c'eft ce que confirme l'auteur de la/ar/ne de procé-
der en Hainaut , page 2, : « La requête, dit-il , étant
>j formée & fignée d'avocat , doit être préfentée
1) à un confeiller, pour avoir !ev//i, lequel fe met
» au pied de la requête en cette forte : Appeler par-
» tie à tiers jour péremptoire n,
Lorfqu'on agit au contraire par a(îlion réelle ,
il faut préfenter la requête en pleine cour , &
l'apoftille doit être donnée au nom de tout le
fiége , & fignée ou de chaque juge, ou du gref-
fier par ordonnance. C'cft ce qu'infinue très-clai-
rement l'article 4 du chapitre 45 des chartres gé-
nérales : « Les Plaintes qui fe feront pour cerque-
» manage devront être jugées à ajournement pour
w comparoître aux prochains plaids enfuivans ».
Pourquoi les Plaintes, dont parle ce texte, doi-
vent elles être ;/i_g-(r« à ajourneme;:s , c'efl-à-dire ,
répondues d'un jugement donné par tout le fiége
qui ordonne d'ajourner la partie f CeA , répond
PLAINTE EN MAT. CIVILE. 133
l'article 3 du chapitre fuivant , parce qu'elles (ont
propriétaires , ou réelles. "Voici les ternies de ce
texte : « Les Plaintes qui fe feront pour répara-
» tion (ou bornage) feront propriétaires. . .. fur
" laquelle Plainte fe jugera d'ajournée partie, pour
n y procéder comme en atitres matières proprié-
» taires ». On ne peut rien de plus formel que ces
dernières paroles; il en réfulte évidemment , que
toutes les Plaintes , ou , fi l'on veut , toutes les
requêtes en matière réelle y doivent être jugées d'w
journée partie.
Ainfi les demandes en retrait lignager , qui font
en Hainaut de véritables actions réelles , doivent
être préfentées au fiégc aliemblé , & répondues
d'un jugement en forme ordinaire. Ecoutons M^
Cogniaux , avocat au confeil fouvcrain de Mohs ,
dans la pratiijue du retrait; chapitre 5, n°. 78:
« Outre le devoir de préfentation & nantilfement,
" le retrayant doit s'adrelTer par Plainte à la cour
» dominante , & cette Plainte doit être jugée à
» ajouniemeiis &. fignirications pour y répoadie
» aux prochains plaids ». L'auteur de la farine de
procéder en Hainaut , enfeigne la même chofe ,
page 129: a La Plainte en retrait, dit-il, fe pré-
» fente en plein confeil, Se l'appointement fe fait
» comme s'enfuit: les grands bailli , préfident &
» gens du confeil fouverain de Hainaut , ordon-
» nent à N... huifiier', de bien & duement ajourner
» celui contre lequel la Plainte s'adrefle , pour l'ac-
» complir , venir ou fuffifamment envoyer dire
» contre aux prochains plaids , qui fe tiendront
» fuivant les devoirs d'ajournemens ».
La Plainte diffère encore de la requête , relati-
vement aux juges à qui elle doit être adreffée.
En effet , on ne peut agir par Plainte que de-
vant les, officiers de la cour féodale dominante,
fi c'eft pour fief; ou devant les mayeur & échcvlns
de la fituation de l'héritage , fi c'efi pour main-
ferme ; ou devant ceux du domicile du débiteur ,
fi c'efi: pour meubles. Cela efl fi vrai, que dans
le Hainaut Autrichien , on ne peut fe pourvoir par
Plainte au confeil fouverain de Mons , que lorf-
qu'on agit pour un fief relevant du comté de Hai-
naut, & qu'alors l'apoftille doit fe donner au nom
des p-and bailli , préfident & gens du confeil fouverain
de Hainaut.
On n'agît par requête que devant les juges
royaux fubrogés aujourd'hui à la cour de Mons ,
©u devant les officiers des hautes jufiices , les feul*
qui, en Hainaut, peuvent connoître des adious
perfonnelles.
Cette manière d'agir par requête eft tellement
attachée aux juridiélions royales, que les aélions
réelles, lorfquellcs en peuvent connoître , conme
les bailliages du Quefnoi Se d'Avefnes, s'y inten-
tent par cette voie ; on ne peut s'y pourvoir par
Plainte, que lorfque les officiers qui les compo-
fent, réunifient à la qualité de juges royaux celle
de jugts fonciers , tels que font pour l'eactinte-d^
134 PLAINTE EN MAT CIVILE.
la ville d'Avefnes, les officiers du baillage 4e cette
ville.
La coiitiime du thef-lieu de Mons règle la ma-
nière dont fe doit faire lafignitication d'une Plainte,
lorfqu'elle eft donnée contre un étranger de la ju-
rldidion des juges à qui elle eft adrefiee. Voici ce
que porte le décret du 12 juin 1556, article 2:
*' Suivant la chartre de l'an 1534 , article 3 t , eft
" ordonné que deux échevins , pour le moins , de-
>» vront avertir le cenfier ou louager des héritiers
j> contre lefquels Plaintes propriétaires , ou autres
j> femblables , fe feront demeurans hors du juge-
j> ment , & davantage , outre le contenu de ladite
« chartre , afin que les héritiers en foient mieux
>i avertis , Ton devra attacher brevets à Téglife ,
» & à l'héritage amaré , s'il y en avoit aucun ».
Le même texte ajoute , que par Plaintes pro-
priétaires , ou antres femblablts , il faut entendre les
Plaintes de rendue à nouveau héritier , exécution pour
penfwns ou dettes , droits feigneuriaux , Plaintes de
par tape, pojj'ejfoire , 6» autres concernant propriété.
On voit par-là que le mot Plainte peut être pris
dans un fens plus étendu que nous ne lui avons
donné jufqu'à prêfent; mais pour ne pas nous jeter
dans le détail prefque infini de toutes les efpèces
de Plaintes qu'occafionne la multiplicité des caufes
civiles , nous nous bornerons à parler de quelques-
unes des Plaintes que les coutumes citées appellent
propriétaires , & qui n'ont lieu qu'en matière réelle.
Plainte d'arrêt.
On nomme ainfi une requête par laquelle le
créancier d'une rente hypothéquée demande que
le furcens (1) produit parla vente de Théritage af-
ie6>é foit faifi , pour acquitter les arrérages qui lui
font dus.
On ne trouve rien dans les chartes générales ni
dans la coutume du chef-lieu de Mons, de relatif
à cette efpèce de Plainte ; il n'en eft parlé que dans
les chartes préavifées , chapitre 37 ; voici ce
qu'elles portent à cet égard :
Article 23. « Suivant Plainte d'arrêt & jugement
« rendu furicellc , pour ledit arrêt faire , d'icy en
» avant, il fuffira de deux échevins ......
On a voulu par cet article introduire un droit
nouveau ; mais il n'a pas été obfervé : & l'on a
toujours tenu depuis qu'il falloit pour les Plaintes
d'arrêt le même nombre d'échevins avec le mayeur ,
que pour les autres Plaintes , c'eft à-dire , quatre.
24. » Lequel mayeur fera tenu rendre compte
» dudit arrêt au profit de ceux qu'il appartiendra...
25. « Et ne fera nécefl'aire renouveler leUit ex-
î> ploit , non plus que du paffé.
26. » Et en cas de concours en même-temps de
» plufieurs veuillans faire ladite Plainte d'arrêt, le
« premier rentier fera préféré , & les autres félon
« l'ordre de leur conftitution ».
Cet article eft conforme à l'ufage, Se la difpofi-
(i) Voyez fouj ce mot ce qu'on entend par là en Hainaut.
PLAINTE EN MAT. CIVILE.
I tïon en eft fondée fur ce nue les arrérages doivent
fuivre le même ordre que ks reines dont ils font
l'accefibire. Voyez Hypothèque.
27. « Ne fera queftion nu'un fécond rentier fafte
» nouvel arrêt , mais fufhraj rencharge es mains du
» mayeur préfent... échevins , ou bien au greffe... )t.
Cet article eft aufîî calqué fur la jurifprudence
de la province, fuivant lai]ue\\e fai/îe far faijîe ne
vaut , mais fe convertit de plein droit en ren-
charge. Voyez ce mot.
Plainte de cens & de loi.
On appelle ainfi une requête , par laquelle le
créancier d'une rente hypothéquée demande que
les meubles ik effets mobiliers qui fe trouvent tant
fur le fonds fournis à l'hypothèque , que dans les
autres endroits du territoire du juge , foient pris
par exécution & vendus publiquement , pour fa-
tisfaire aux arrérages échus.
11 eft parlé de cette Plainte dans les chartres gé-
nérales de Hainaut, chapitre 46 , article 7, & dans
la coutume du chef-lieu de Mons, chapitre 14 ;
mais ces deux lois font également muettes fur la
forme & les fuites de cette a6tion. Les chartres
préavifées en parlent avec plus d'étendue. Voici
ce qu'elles portent , chapitre 38.
« Article i. Moyennant qu'il y ait un terme de
" rente , de telle nature que ce l'oit , échu quand
» la rente écherra à deux termes, ou d'une année
» lorfqu'elle écherra à un terme , ou bien déplu*
» fieurs années jufqu'à trois , l'on pourra faire &
» intenter Plainte , que l'on dit de cens & loi , . ,
2. » Sur laquelle le jugement devra porter , que
» le maieur , ou fon lieutenant, ou fergent, arrê-
j> tera ks dépouilles & meubles appartenans aux
» débirentiers , étant fur l'héritage hypothécaire
» de la rente , enfemble tous autres meubles étant
» au jugement ( c'eft-à- dire dans le territoire) des
» échevins , & iiiffira d'arrêter une pièce pour tout.
3. ». Lefquellcs dépouilles feront vendues à cri
» & recours , en faifon convenable & ordinaire ;
» & au regard des meubles en dedans fept jours
» enfuivans l'arrêt ,& non plus avant que le pré-
î) tendu du plaidant , lois & dépens ne portent . . .
5. » Où les héritages hypothécaires feroient mis
» à cenfe , l'on ne pourra arrêter les dépouilles ni
» les meubles étant fur iceux , appartenans audit
» fermier ou autres; mais bien pourra-ton acheter
» fon rendage , pour s'en faire payer qnand il
» écherra , & que le pied foit coupé.
6. » Et s'il étoit échu , ledit maïeur s'en pourra
» faire payer par exécution fur les biens dudit fer»
» mier».
L'article 7 porte , qu'en cas d'oppofition de la
part du débiteur , le maïeur doit fe tenir nanti du '
prétendu , pour en répondre en temps & lieu, & l'article
8 ajoute, que 'e créancier pourra obtenir main-
levée des deniers confignès , en donnant caution.
Toutes ces difpofuions font puifées dam l'ufage
PLAINTE EN MAT. CIVILE.
& dans la jurifprudence même de la province de
Hainaut.
Les Plaintes de cens Se de loi font maintenant
fort rares. Peu s'en faut même qu'elles ne foient
abfolumcnt tombées en défuétude celles ont cepen-
dant un avantage fur les autres : c'eft que celui
qui a obtenu un jugement fur une Plainte de cette
nature, précède tous les fermages & loyers pour
trois années d'arrérages , non-feulement fur les
meubles qui fe trouvent dans l'héritage hypothé-
qué à la rente ; mais encore fur tous ceux qui exif-
tent dans l'étendue de la juridiâion ; c'eft ce qui a
été jugé a Mons le 17 juin 1683.
Mais c'eft une quefKon fi celui qui feroit muni
d'un jugement rendu fur une femblable Plainte ,
iWoit préféré au créancier qu auroit en rapport ou
nantiifement certains meubles qu'on auroit , au
moment de la falfie, trouvés, tant danslamaifon
hypothéquée , que fous le dirtriâ: des échevins qui
ont le jugement : cette queftion s'efl préfentée au
confeil fouverain de Mons , le 7 juillet 1683 ; mais
"un partage furvenu dans les opinions en a empêché
la décifjon. L'affirmative paroît cependant ne de-
voir faire aucune difficulté : fuivant l'article 10 du
chapitre 75 des Chartres générales, le créancier à
qui des meubles ont été rapportés pour sûreté de fa
créacce , ne ,doit être colloque qu'après les loyers
& les fermages ; or, il eft confiant que les loyers
& les fermages ne vont en ordre qu'après le créan-
cier qui a intenté Plainte de cens & de loi ; pour-
quoi donc le créancier qui a les meubles en rapport
feroit-il préféré à celui-ci ? Cette préférence feroit
évidemment contraire à la règle : Si \inco vincen-
tttn te , à fortiori ti vinco (i).
Plainte de cerquermriage.
On entend par ces mots , une requête tendante
à faire féparer Se borner deux ou plufieurs héritages
contigus , dont les limites font incertaines. Voyez
Cerquemanagf.
L'article 19 du chapitre 45 des chartres généra-
les, déclare que le nu propriétaire peut, aulîi bien
que le fimple ufufruitier , faire Plainte de cerquema-
nage pour la garde de fi propriété , à caufe qu enquête
à futur ne jt peut faire à. certitude , comme en autre ma-
(i) Voici un modèle des Plaintes de cens 6" de loi i
A Meffieurs ks raaïeur & cchevins de...
»• Supplie humblement N... difant qu'il lui eft dû une
» rente de... hypothéquée fur un hétiiage iiiué en cette juii-
x> diclion , conliftant en..., mefures , & tenant à.,., que le
» Heur... aduel héritier ( ou propriétaire ) de cet héritage ,
» eil en défaut d'en payîr ure année , quoique due.neat
» fommé & interpellé par exploit de N... fergent de votre
» juridiction. A ces caufes , le fuppliant a été confeillé de
M vous donner la préfente Plainte de cens & de loi , ^f ef-
» fleurs , pour qu'il vous plaife ordonner que les meubles &
» effets duiiit N,. e)£ii>ans en fa maifon& même dans l'éten-
»t due de votre juridiûion , foient faifij & exécutés , pour ;"a-
» tisfaire au payement de ladite année de rente , avec dé-
» pens ; le réfervant en cas de déficit, de prendre telle voie
» (;u"il jugera convenir ■■>,
PLAINTE EN MAT. CIVILE. 135
tlcre,fans prialdhlement frapper Us coups pour le dèfoi-
vre ( ou féparatlon ) de Lliéritage. Voyez ENQUÊTE
A FUTUR & FRAPPER LES COUPS.
L'article 26 autorife im co-héritier par indivis à
faire Plainte de cerquemanage contre le proprié-
taire de l'héritage coniigu au fien , fans adjonction
de fon co-héritier.
L'article 23 veut : « qu'incontinent Plainte de
» cerquemanage faite, & partie ajournée fur icelle,
" le plaidant & l'ajourné ne pourront folTer, cou-
" per ni abattre les anciens bois , étocquier & au-
» très étant fur la metc du différend , jufque le cer-
'> quemanage décis , à peine d'en être punis &
» corrigés , ne que folt par requête & proyifion fur
» ce donnée».
Plainte d'exécution.
C'efl le nom d'une requére qui tend à faire dé-
créter un héritage dont le débiteur s'eft déshérité
entre les mains des juges fonciers de la fituation ,
ou même pour faire vendre judiciairement des effets
mobiliers qu'on a reçus en nantiffement. C'eft de
cette Plainte qu'il s'agit dans l'article 2 du chapitre
118 des Chartres générales : « Quand quelque
» pourfuite fe fera pour exécuter fiefs , alloets ,
5) lettriages , vaiffelles , joyaux ou autres bagues
» rapportées , fi l'obligé fait payement de fon dû
» & des dépens auparavant l'exécution parache-
» vée , icelle devra ceffer , demeurant toujours
» l'obligation & la sûreté d'icelle en vertu».
Le chapitre 25 de la coutume du chef-lieu de
Mons , renferme plufieurs difpofitions fur ce point.
Voici ce que por e l'article premier : Qua'id Plaintes
fe feront pour exécuter sûtetés & rapports d'héritages
de main-fermes ou de meubles , il doit être fait trois
dénoncemens par trois dimanches , avec fommation
à tous ceux qui ont intérêt dans la chofe , de venir
avant le dernier dénoncem-nt montrer payement ,
répit ou quittance , payer les arrérages & ks dé-
pens, ou donner fes moyens d'oppofition à la
vente; & s'il s'agit d'une rente, &que le débiteur
paye tout ce qu'il doit durant les trois dimanches ,
la Plainte d'exécution demeure fans effet, l'hypo-
tîièque conferve toute fa force , & la rente conti-
nue comme auparavant.
Suivant l^article 2 du chapitre cité , lorfque le
bien qui eft l'objet de la Plainte d'exécution , eff
une terre labourable , & qu'elle fe trouve affermée,
les fru'ts qui y font pendans doivent être compris
dans l'exécution , fauf au fermier à fe faire coUo-
quer dans l'orâre pour les frais de labour Se de
femenccs , & à exercer fon recours contre le dé-
biteur pour fes dommages & intérêts.
Tout ce qui concerne le fond & h forme dos
Plaintes d'exécutions, fait la matière des chapitres
41 & 42 des Chartres préavifées ; on peut les con-
fulter , finon comme des lois , au moins comme
des timoins affez fidèles de l'ufage du chef- lieu de
Mons firv cet objet important.
L'article 6 du fécond des chapitres cités , «)a-
156 PLAINTE EN MAT. CIVILE.
tient une difpofuion remarquable; il déclare qu'en
cas d'oppofition de la part rlu débiteur à la Plainte
d'exécution , « les parties étant en caufe l'une
» contre l'autre , elles fe régleront en leurs procèdu-
5> res , ainfi qu'eft porté par le règlement des pro-
V cédures propriétaires ci devant >».
Plainte impartabU.
Ce mot eft fynonyme avec celui de demande en
lïcitation.
Lorfqu'il fe trouve dans une fucccffion quel-
que bien qui ne peut pas fe partager commodé-
ment , celui des héritiers qui veut fortir de Tindi-
vifion , donne une Plainte par laquelle il conclut à
ce que ce bien foit vendu par recours , c'eft-à-dire
au plus offrant & dernier enchérifleur.
Sur cette Plainte , dit l'article ii du chapitre 52
des chartes préavifées, « les héritiers pourront ac-
î> corder ledit recours , foit qu'ils foient puifTans
5> (d'aliéner) ou point; auquel cas le jugement
>> des gens de loi devra porter , que lefdits héri-
» tages foient proclamés à rente, à léal recours ,
j) par fix dimanches continuels, en attachant bre-
» vêts tant à l'églife qu'aux biens mefurés , s'il y
» en a , aulTI aux églifes d'aucuns autres villages
j) circonvoifins , pour, au lundi fuivant le dernier
V dénoncement , pafler à rente , au mort (ou à
» l'extinfîion de la chandelle ».
Ces motspajferà rente, méritent une attention par-
ticulière. Il ert d'ufage, dans le chef-lien deMons,
que l'adjudicataire fur licitation retienne , à titre de
rente, le prix de fon adjudication : les héritiers ne
peuvent même recevoir, au préjudice de cet ufage ,
le capital de leur part dans le prix , à moins qu'ils
n'aient toutes les qualités requifes peur aliéner.
C'eft ce qui réfulte de l'article 16 du chapitre que
nous venons de citer : « Et fera au pouvoir des
»> héritiers de mettre telles devifes & conditions
» que par mutuel confentement ils trouveront con-
3> venir fauf qu'ils ne pourront recevoir les de-
î) niers capitaux defdits rachats , ne foit qu'ils
j> foient puiiïans de ce faire , fuivant la loi de ce
5> pays de Hainaut ».
L'article 13 du même chapitre porte , que les
héritiers pourront enchérir dans la licitation comme
les étrangers, & qu'en aucun cas il ny aura quelque
droit fei<peurial au profit des feigneurs , non plus que
du pajfé.
L'article 14 veut que fi les héritiers contre lef-
quels eft donnée la Plainte impartable, ne compa-
roilTent ni en perfonr.e ni par proci:reur pourcon-
fentir à fon exécution, les juges foient tenus d'en
ordonner la figniiïcation, « comme pour autres Phin-
» tes , afin qu'en dedans un mois fuivant lefdits
j5 dénoncemens expirés , en 40 jours après lafigni-
« fication , ils aient à s'oppofer Si fervir de réponfe ,
J» à péril de forclufion ».
Suivant l'article 15 , lorfque ce terme eft écoulé
fans que les héritiers aient donné leur réponfe , on
doit ordonner que les biens feront réunis en procla-
PLAINTE EN MAT. CIVILE.
mations , pour , au hindi fuivant , pajfcr à rente à
leal recours; ce qui doit avoir lieu , aux termes de
cet article, fans plus être queflion de faire aucune
Plainte de querelle atteinte. Ces mots , fans plus être
quefii.n , prouvent que les rédaéleurs des Chartres
préavifées ont voulu introduire un droit nouveau
fur ce point, & par conféquent que l'ufage delà
Plainte de querelle atteinte fubfifte encore dans le
cas dont il s'agir. On trouvera ci-après la définiton
de cette Plainte.
Plainte de Partage.
C'eft ainfi qu'on appelle en Hainaut les avions
qui tendent à fortir de l'indivifion , & que l'on con-
noît en droit fous les noms de familiœ ercifcunda
6i communi dividundo. Voyez le chapitre 48 de la
coutume du chef-lieu de Mons , & le chapitre 52
des Chartres préavifées du même pays.
Plainte de querelle atteinte.
On entend par ce mot une efpèce de requête
dans laquelle un plaideur conclut à ce que faute par
fa partie adverfe d'avoir comparu ou fourni fes
moyens de demande ou de défenfes , elle foit dé-
clarée défaillante & forclofe. L'article 8 du chapitre
23 des Chartres préavifées , porte, « qu'en toutes
)) forclufions emportant fin de caufe , fi comme
, •>•> faute de fervir de réponfe, & de montrer parle
» plaindant, l'on devra intenter Plainte au droit
•n qu'on difoit ci-devant Plainte de querelle atteinte ^
T» pardevant loi , comme du pafte ; mais au regard
» des forclufions qui n'emporteront fin de caufe ,
» icelles fe devront déclarer par le chef-lieu , fans
» par les parties ufer de telles Plaintes Partie
» néanmoins entière, en l'un & l'autre cas , de fe
» faire redreffer par voie de relief précis, en dedans
n un an, tant pour les préfens que pour les ab-
1) fens ». Voyez les articles Relief précis 8c
Charge d'enquête.
Plainte de rendue à nouvelle loi , eu nouvel héritier.
Cette Plainte refTcmble à celle d'exécution , en
ce qu'elles tendent l'une comme l'autre à dépofTédcf
6f exproprier le débiteur ; mais la première n'a lieu
que pour les rentes affeélées fur des main-fermes ;
la féconde peut être pratiquée pour des fomn^s
une fois payées; dans celle-ci l'adjudicataire paye
ou configne tout le capital de fon atljudication ;
dans celle-là , au contraira , il retient à fa charge
la rente dont le défaut de payement a déterminé
les poarfuites du créancier.
Voici un modèle de Plainte de rendue à nou-
velle !ei ; il diflère un peu de celui qu'en donne
Dumées , dans fa jurifprudence du Hainaut ; mais
il a du moins l'avantage d'être plus conforme à
la pratique journalière du chef-lieu de Mons :
A Mefîieurs les mayeurs & échevins de ... .
a Supplie ttès-humblement N. difant qu'il lui
i> compète & appartient une rente de . . . au de-
» nier . . . due par chaque année le jour de . . .
affeâée
PLAINTE EN MAT. CIVILE.
»» affectée fur une maifon , appartenances & dé-
» pendances, fife . . . tenante à ... , actuellement
>» poffcdée par B. lequel eu en demeure d'acquit-
» ter l'année d'arrérages de ladite rente échue
»• le ... ; défaut qui oblige le fuppliant de vous
« donner la préfente Plainte de rendue à nou-
» VcUe loi, Meflieurs , pour qu'il vous plaife or-
r> donner que ladite maifon , ainfi qu'elle fe com-
» prend 8c extend, foit rendue à nouvel héritier
» capable de la tenir Se décharger de rentes dont
« elle eft grevée , après toutefois les formalités &
» folemnités de loi duement obfervées v.
Le jugement qui intervient fur cette Plainte
cft le même que fur une Plainte d'exécution.
On demande i''. combien il faut d'années d'ar-
rérages pour que le créancier puifle intenter une
femblable Plainte? Dumées infmuc qu'il en faut
trois ; l'article 20 du chapitre 36 des chartes préa-
vifées le fait entendre aufTi ; « Ton fera capable,
» y eft-il dit, de faire Plainte pour trois années
» de rentes héritières en argent. »
Mais l'ufage ell contraire , & l'on tient dans
le chef-lieu de Mons , qu'on peut auffi bien in-
tenter la Plainte de rendue pour une feule année
d'arrérages que pour trois. D'ailleurs les chartes
préavifées ne difent pas quon ne fera capable de
faire Plainte que pour trois années de rentes heri-
iières en argent, mais feulement qu'on ne peut
faiie Plainte pour plus de trois années; c'e/l ce
que démontre la fuite de cet article : u & au re-
p gard de celles en plumes & toutes autres ef-
w péces de grains qu'elles foient dues fur tels hé-
w ritages , bien qu'il y ait argent joint à telles
9) redevances , non excédant la valeur defdites
V plumes ou grains , fe pourront lefdites Plaintes
V faire pour 20 années & non plus .... n
On demande 2°. fi une Plainte de cette efpèce
doit, à peine de nullité .être précédée d'une (om-
anation extrajudiciaire de payer } On le jugeoit
ainfi conftamment autrefois , & on fondoit cette
jurifprudence fur l'article 3 du chapitre 15 de la
coutume du chef-lieu de Mons , fuivant lequel
V tous falaires de Plainte qui s'adrefferont contre
« partie , fe rendront , par celui ainfi pris à partie ,
J> quel accord qu'il faffe depuis la mife outre
)) d'icelles , pouvu que fommation lui en foit
» faite ou à fon domicile , huit jours devant la
5' mife outre d'icelles , de fournir au prétendu du
» plaindant ».
On s'appuyoit encore fur l'article 7 du chapitre
37 des chartes préavifées, qui décide que, « tous
» plaindans à rendue à nouveaux héritiers ne fe-
>» ront fondés de répéter aucuns frais, pour rentes
3} non accoutumées payer par l'héritier du fonds;
j> ne foit que huit jours auparavant la mife outre
» de Plainte , ils aient été requis ou les fermiers
ï> d'iceux d'en avoir payenrent, à peine de de-
» meurer le plaindant chargé des dépens ».
Mais cette jurifprudence ell changée , & l'on
lient aujourd'hui dans les diffcrens tribunaux du
Tome XllI.
PLAINTE EN MAT. CIVI LE. 137
chef-lieu que le défaut de fommation n'emporte
ni déchéance , ni nullité , & que tout ce qui peut
en réfulter , c'eft, comme le font voir les deux
articles que nous venons de tranfcrire, que le
plaignant en ce cas n'a pas le droit de fe faire
rembourfer des frais 8c des dépens qu'il a pu avan-
cer; encore même à cet égarrl diftingue t-on les
rentes que le propriétaire du fonds eft accoutumé
de payer, de celles qu'on exige de lui pour la
première fois. Quant à celles-ci , il faut une fomma-
tion préalable pour fe faire adjuger les dépens de
la Plainte ; à l'égard de celle-là , il n'en faut au-
cune , parce que le propriétaire ayant déjà payé
la rente, ne peut prétexter caufe d'ignorance, &
que par rapporta lui dies interpellât pro homine.
On demande 3"., quelles font les formalités qui
doivent fuivre la Plainte de rendue à nouvelle loi ,
pour parvenir au décret qui en eft l'objet.'' Elles
font réglées par les articles i & 2 du chapitre 37
des chartes préavifées ; en voici les difpofitions :
» I. Sur toutes Plaintes de rendue, les jugemen»
» devront porter que les héritiers , ou leurs loua-
1' gers , foient duement fignifiés & avertis par la
" mayeur ou fon lieutenant .... par attaches da
» brevets aux lieux ordinaires, & au furplus, que
n dénoncemens foient faits par trois dimanches
» confécutifs, à l'ilHie de la mefle paroiftiale , afin
" de, par l'héritier & tous autres auxquels fe peut
» toucher , venir à la dcfaute propoféc montrer
5> payement, répit ou quittance, payer ou fuiïï-
n famment oppofer ; & fi perfonne ne venoit ce
)) faire, que les héritages fur lefquels l'on auroit
5> fait ladite Plainte , foient proclamés à rente & à
5> recours , par trois autres dénoncemens & di-
1» manches , durant lefijuels l'on pourra veni»
)) payer. Se non s'oppofer.
» 2. Et fi nui ne venoit au lundi fuivant le der-
n nier d'iceux dénoncemens , fera pafle outre au
» recours , au mort de l.i chandelle ».
Ces formalités font communes aux Plaintes
d'exécution Se aux Plaintes de rendue. Voyez
DÉCRET.
Lorfque la Plainte a pour objet une maifon , il
faut , outre les affiches qu'on met à la porte de
l'églife , les appofer également à la porte de cette
maifon ; c'efl ce que décident le chapitre 12 de la
coutume du chef-lieu de Mons, article 11, & le
décret du fouverain chef-lieu du 12 juin 1556 , ar-
ticle 2. Et c'eft fur ce fondement qu'une fentence
du cenfeil ordinaire , confirmée par arrêt du confeil
fouverain de Mons, le 12 février 1662 , a déclaré
nulle une Plainte d'exécution, pratiquée fur une
maifon fituée à Mons , parce qu'il n'avoii été mis
à cette maifon aucune affiche pour notifier la mife
outre de la Plainte, quoique le greffier 5c l'huiffier
audiencier, ouïs d'office, atteftaffent qu'il n'étoit
plus d'ufage d'afficher aux maifons les trois pre-
miers dénoncemens , mais feulement les trois der-
niers.
Quoiqu'on ne puifte ordinairement s'oppofer
S
13^ PLAINTE EN MAT, CIVILE
après les trois derniers dénoncemens , on pem nénn*
inoins le faire avec une autorlfation particulière du
chef lieu ( aujourd'hui avec des lettres d; requête
civile). Ced ce que décide l'article 14 du même
chapitre 37.
Remarquez encore que lorfqu'il furvientune in-
terruption dans les dénoncemens , pour quelque caufe
que ce foit , fi c'eil: dans les trois premiers, on
ordonne feulement que les dénoncemens interrom-
pus feront continués , au lieu que fi c'eft dans les
trois derniers , il faut ordonner qu'ils feront recom-
mencés : la rai fon de cette différence eft fenfible :
les trois premiers dénoncemens ne fervent qu'à aver-
tir les iutéreffés à la Plainte , pour qu'ils aient à
venir payer , défendre ou s'oppofer ; ce n'eft donc
que de leur part que peut furvenir l'interruption
des trois premiers dénoncemens ; 8c dès lors , ils ne
peuvent pas fe plaindre de ce qu'on ne les a pas
recommencés. Les trois derniers, au contraire,
fervent feulement à annoncer le jour de l'adjudi-
cation , & à y inviter les amateurs ; fi la coutume
a jugé qu'il n'en f;illoit pas moins de trois pour
ran"emb]er un nombre fuffifant de perfonnes afin de
porter l'héritage décrété à fon jufle prix, il faut,
par une conféquencc néceflaire , qu'ils foient re-
C")m:iiencés , lorfqu'ils ont fouffert quel-que inter-
ruption; autrement le but de la coutume efl man-
qué ; beaucoup d'amateurs ignorent le jour de
l'adjudication , & l'héritage eft donné à vil prix. .
Uiie autre obfervation importante, & qui s'ap-
plique aufll bien à la Plainte d'exécution qu'à celle \
de rendue à nouvelle loi , efl; que quand l'héritage
afteélé à une rente, eft tenu en faifie par des créan-
ciers chirographaires , on peut, au lieu de fe pour-
voir par l'iuie ou l'autre voie , donner une fimpîe
requête au juge, fous l'autorité duquel la faifie 2
été pratiquée. C'eft ce que décide l'article 55 du
chapitre 2 des charires générales : a pour parvenir
V au payement des rentes, penfionsou autres re
j) devances annuelles fur terres ou feigneuries
5» gouvernées par notredite cour , requête fe pourra
j) faire à icelle , laquelle après appaifement fur ce
«"pris, y baillera telle provifion qu'elle trouvera
» convenir. Le femblable fera fait par les officiers
»> ordinaires ou feigneurs vaflauxqui auront terres
« en arrêt , fans qu'il foit befoin d'y procéder par
># plainte ».
Plainte dc'jétablîJJ'cmint.
Ces termes défignent la demande à fin d'être
réintégré dans ta pofieffion o£ propriété d'un bien ,
£aute de payement des rentes ou redevances dont
il efi chargé.
11 y a en Hainaut des feigneurs qui font en oof-
feffnn de rentrer de cette manière dans les biens
tenus d'eux en main-fermss: cette efpèce de coin-
mife eft autorifée par l'article 4 du'chapitre 130 des
charti-es géiiérales : « Les cas de bailc-juftice font
j» avoir cens , rentes foncières &r droit feigneuri.T!...
>j & de pouvoir, par ledit feigneur de la baffe-
PLAINTE EN MAT. CIVILE.
1» juflice, retraire les héritages tenus de lui ,à faiife
» de payement de fes rentes.... fi avant qu'il en au-
M roit l'ufance & pofieffion ».
Les particuliers peuvent même ftipuler dans les
baux à rente rachetable , que faute parles preneurs
de payer les redevances qui forment les prix de
leurs acquifitions , il leur fera libre de retirer des
mains de ceux-ci les biens qui font l'objet de ces
a£les. C'eft ce qu'établiiTent formellement les Char-
tres générales de 1534, chapitre 95 , article i ;
celles de 1619 , chapitre 96 , article 8 ; la coutume
du chef-lieu de Mons , chapitre 34, & lei Chartres
préavifées , chapitre 48, articles i 6c 2.
Il réfulte encore de tous ces textes , que le pre-
neur eft reçu , même après la fignification de la
Plainte de rétabliffcmcnt , à purger fa demeure.
Cogniaux dit en fa pratique du retrait, que cette
Plainte doit être précédée d'une fommation , 6c
que cela a été ainfi jugé par arrêt du confeil fou-
verain de Mons du 3 juillet 1648, rendu en faveur
du nommé Ghiflain , contre les religieufes de Re-
becque. La raifon en eft , fuivant cet auteur ,
u qu'autrement le débîrentier pourroit prétexter
■>■> caufe d'ignorance ».
11 faut que le titre fur lequel on fe fonde pour
demander le rétaHiJfcment , foit joint à la Plainte.
Cogniaux attefte que dans une charge d'enquête
donnée le 5 mai 1557, par les écJicvins de Mons
a ceux de Virclles , « il fut dit que le plaindai-at avoit
11 dû joindre fon titre ou chirographe à fa Plainte i
» c'eft pourquoi le plaindant fut renvoyé »,
Flainie de retrait.
C'eft ainfi qu'on appelle la requête par laquelle
on demande l'adjudication d'un retrait, foit féodai ,
foit lignager,foit conventionnel , foit focial. Voyez
l'article Retrait. ( Article de M. Merlin , avocat
au parlement de Flandres^.
PLAINTE A LOI. Terme employé dans la cou-
tume de la châtellenie de Lille , pour défigner une
efpéce de cLin ou faifie introdudive d'inAance.
Les jurididlions féodales & cottières de la châtel-
lenie de Lille ne peuvent régulièrement connoître
qi:e des caufes intentées réellement, c'eft-àdire,
par appréhenfion judiciaire de biens meubles ou
immeubles fitués dans leurs territoires (i); delà
vient que l'ufage des Plaintes à loi eft très-fréquent
dans Cette province , & que la coutume a pris tant
de foins pour en régler la forme.
Une Plainte à lei peut avoir deux objets : elle
tend , ou à la revendication par retiait lignager ou
autrement, des biens fur lefquelselle eft pratiquée,
ou à procurer fur ces mêmes biens le payement
d'une dette.
L'article 3 du titre 21 diftingue clairement ces
deux objets. «Si quelqu'im appréhende fiefs , mai-
I) foHS ou héritages par Plainte à loi & faifine , fi le
» défendeur eft pofl'elfeur d'an & jour, doit avoir
(i) Voyez l'article GoUVSnNy\KCE , tome $■.
PLAINTE A LOI.
« la jouiiTance durant le litige , s'il le requiert en
» temps tiû , la main de ju/lice tcriant au fond»
» Mais fi lefdites Plainte & faiiinc font faites pour
)> quelque dij , eft requis , avant avoir main-levée ,
j> bailler caution fuffifante au fourniffement du jugé'».
Lorfqu'on veut poursuivre par Plainte à loi le
payement d'wne dette ou l'exécution d'un contrat ,
il faut attendre , pour le faire , que la dette foit
échue, ou que le terme appofé au contrat foit ar-
rivé : les rendages de fermes font exceptés de cette
régie , mais le propriétaire qui veut s'en affurer le
payement avant l'échéance , doit fupporter tous
les frais de la Plainte à Loi. C'eft ce que porte l'ar-
ticle 7 du titre cité : « Par la coutume , l'on fe peut
)> par Plainte à loi , faire afTurer pour rendages de
» cenfe non échus , aux dépens du plaintifl'ant , &
I) non pour fommes de deniers ni autres chofes
» non échues ".
L'exception que renferme la coutume en faveur
des rendages, femble devoir exclure toutes les au-
tres qvi'on pourvoit imaginer ; cependant.il cft d'un
iifage confiant de regarder comme valables les
Plaintes à loi qui fe pratiquent pour des dettes non
échues , à la charge de perfonnes infolvables.Nous
trouvons même dans des notes nianufcrites , que
la chofe a été ainfi jugée au bailliage de Lille. On
peut voir par ce que nous avons dit à l'article
Clain , que ce n'eft pas la feule matière où l'in»
folvabilité des débiteurs fait pafler au-defliis des
règles prefcrites par les coutumes.
11 a été pareillement jugé par arrêt du parlement
de Flandres du 23 juin 1706 , qu'un décimateur
peut, pour fureté du payement de fa dime, faifir
par Plainte à loi les grains fur pied qui la doivent.
Les cultivateurs foutenoient , dit M. Desjaunaux ,
« que les plaintiffans n'étoient point recevables dans
« la Plainte par eux faite pour avoir la dîme de
»» colzat de la récolte à faire , attendu qu'elle n'étoit
»» point encore échue , mais encore croiffante ».
Les décimateurs répondoient, «« que leur adhon
î> n'étoit point prématurée ; qu'à la vérité les col-
« zats étoient encore fur terre , mais qu'ils étoient
» mijrs & prêts à recueillir , Sc qu'ils avoient été
>» obligés d'en prévenir l'enlèvement ; que la dîme
» étoit une portion des fruits , pour le rendage
w defquels la coutume permettoit aux propriétaires
« de faire Plainte avant qu'il fût échu ». Sur ces
raifons , il intervint fentence au bailliage de Lille,
qui , fans avoir égard au moyen de nullité propofé
par les cultivateurs, appointa les parties à faire
preuve au principal , & cette fentence a été confir-
mée par l'arrêt cité.
La form« de procéder à une Plainte à loi , mérite
une attention particulière : il faut commencer par
annoncer à la juftice , pardevant lefàgntur^ bailli ou
lieutenant , trois hommes de fef, trois juges ou quatre
ichevinsdu moins , qu'on entend former une Plainte
à loi fur tels biens appartenans à telle perfonne ;
c'eft ce qu'on appelle fe fonder en Plainte verbale.
Sur cette Plainte, il intervient un jugement à la
PLAINTE A LOL ly^
femonce ou conjure du feigneur, du bailli ou d'^
Ion lieutenant , qui ordonne au conjureur de pren'
dre 6' mettre en la main de jujiice verbalement tous
les biens meubles & immeubles fur lefquels «ft
dirigée la Plainte , en faifant défenfe à tous de non
emporter ni tranfporter lefdits biens jus ( hors ) da
lieu , à péril d'encourir ramende de foixanie fous , 6»
de réparer le lieu. L'a6le doit enfuite contenir , de
la part du fernonceur , aflignation à la partie faifie
en fpêcial , & à tous autre i en ginérai , de comparoir
au jour ordinaire d'audience du fiège ; & s'il n'y a
point d'audiences réglées , à la quinzaine ; & il doit
être terminé par un jugement, par lequel lefdits
hommes de fiefs , échevïns ou juges , à ladite femonce ,
doivent répondre qut ledit bailli a pris & mis fufifam-
meni en ladite main de juflice lefdits biens , quil peut
& doitfuffire à loi, pourvu que le furplus ft parj^^ffe
en temps & lieu. Tout cela eft prefcrit par l'article 4
du titre 21.
Dans les fept jours de cet afte , il faut , fuivant
l'article 5 , que le demandeur en Plainte à loi fe
tranfporte fur les lieux avec le fàgncur, h.iilU , ou
lieutenant oufergent, & deux hommes de fiefs , ju-
ges cottiers ou échevïns, & qu'il leur indique les
biens meubles ou immeubles qui font l'objet de fa
Plainte ; c'eft ce qu'on appelle vue & montrée. Il faut
enfuite que l'officier fernonceur touche ces biens
de fa maffe , ou y lève un gazon , & qu'il en dreffe
procès -verbal ; c'efl ce qu'on appeUe faifie réelle ,
ou mettre effe^uellement les biens fous la main de juf-
tice , en faifant fernblables défenfes 6* ajournemcns que
dcffus. Il faut enfin que le demandeur dénonce tous
ces devoirs judiciaires à la partie faifie ,fi on la peut
recouvrer , & finon au lieu de fon domicile, à fe s fa-
miliers 6* domefiiques , fi aucun y en a . & en faute de
ce , par un cri public en l'églife paroifjiale , par un jour
de fête , au lieu des héritages 6- biens faifis ; & c'efl
ce que la coutume & les praticiens appellent fceute.
Les officiers du bailliage ont fait fur ce dernier
point une efpéce de règlement dont voici les ter-
mes: «En l'afremblée du 6 mars 1737 , il a été ré-
w fclu que les fceutes des Plaintes & faifies exploi-
» tées par les fergens de ce fiège , qui feront faites
» à cri public aux perfonnes demeurantes hors la
» juridiflion de ce fiège , dont le domicile efl
» connu , continueront de fe faire paraffixion def-
» dites Plaintes Se faifies, aux lieux ordinaires, &
" par envoi de lettres miffives contenant lefdites
» Plaintes & faifies , par la pofte ou par exprès,
» fans qu'il foit befoin de faire aucune publication
» es églifes des paroifTes fous lefquelles les biens
» faifis font fitués , lefquelles publications es égli-
» fes paroiiîiales nous déclarons ne devoir avoir
i> lieu , conformément à l'article 5 du titre des
n Plaintes à loi de la coutume , que lorfque lefdites
» fceutes ne pourroient être faites aux propriétai-
j> res des biens faifis, en perfonne ou à leur domi-
11 elle ,à caufe que le plaintifTant ne pourroit en
)j avoir connoiflance ».
Ub favant |urifconfulte de Lille a fait la critique
Sii
140
PLAINTE A LOI.
de ce règlement dans un mémoire imprimé pour le
fleur Guette, contre le baron de Hainin. « On ne
» connoît pas , dit-il , d'autorité compétente dans la
ï> perfonne des officiers du bailliage, pour déroger
ï» à la coutume; les lettres-patentes du fouverain
» qui l'ont homologuée, défendent au contraire
» bien poruivement à. tous ju'iicurs , o£icicrj , Ju-
if jets , confeilUrs , avocats , procureurs , praticiens
»> de la gouvernance , bailliage & châtelUnie de Lille ,
» d'introduire , pofer , articuler ou vérifier , en temps à
ï> venir ^ aucunes coutumes ou iifages généraux ou par-
» ticuliers d'icelle châtellenie & gouvernance cjuc ceux
« y fpécifiès. Tout ce que prouve donc la réfohi-
5) tion tranfcritc , c'eft qu'en 1737 on combattoit
ï> l'abus de ne pas faire la fceutc à cri public , en
») l'églife paroillîale du lieu des héritages iaifis ,
5> quand elle ne fe faifoit pas à la perfonne du pro-
•» priétaire ou à fon domicile , foit à caufe que le
« domicile étoit ignoré , foit à caufe qu'il étoit fitué
. il au dehors de la juridiâion du bailliage de Lille.
« Nous convenons d'ailleurs que fi la coutume étoit
« obfciire ou équivoque, la réfohition du 6 mars
■>■) 1737 pourroit être de quelque poids ; mais l'on
« foutient que fi elle efl claire & pofitive , cette ré-
» folution ne (auroit lui porter la moindre atteinte.
jj Or, il efl h«rs de'doute que l'article cité de la
V coutume n'autorife qu'une feule forme de faire
i} la fceute à cri public , celle rju'elle inriique en
« termes qui ne font pas fufccptibles d'un double
» fens ".
Un exemple confirme ces réflexions. On a vu
plus haut que le délai des affignations fur les Plain-
tes à loi dcit être de quinzaine, aux termes de l'ar-
ticle 4 du titre 21. Les officiers du bailliage de
Lille ont tenté, en 1714, de changera cet égard
le ftyîe de leur fiège ; mais un arrêt du parlement
de Flandres du 30 mars 1716 , rendu fur le réqui-
lîtoire de M. le procureur général , a déclaré leur
règlement nul & incompétemraent porté , 8c leur
a fait défenfes d'en porter de pareils à l'avenir.
On a remarqué ci-devant une diâférence très-
fenfible entre les articles 4 & 5 du titre ai , par
rapport aux officiers qui doivent intervenir dans
les Plaintes à loi, foit pour conjurer, foit pour
exécuter. L'article 4 veut que la Plainte verbale foit
faite pardevant l: feigneur , baïUi on lieutenant ; &
l'article 5 , qu'après la Plainte faite , les biens foient
faifis réellement par ledit feigneur , bailli , lieutenant
ou SERGENT.
La coutume ne dit pas , dans le premier de ces
articles , que la Plainte peut être fondée devant un
fergent , au défaut du feigneur , du bailli ou du
lieutenant ; mais en difant dans le fécond , que le
demandeur doit faire faifir réellement les biens par
ledit feigneur , bailli , lieutenant ou fergent , elle an-
nonce , ce ferable , afTez clairement, qu'en l'ab-
fence des trois premiers , c'eft au fergent qu'il faut
avoir recours pour les remplacer. Les mots le dit
ne paroifTent pas permettre d'en douter ; ils ren-
dent, en quelque forte>Les deux articles cora-
PLÀINTE A LOI.
muns , en ce qui concerne les perfonnes établies
pour recevoir les Plaintes verbales & faire les fai-
fies réelles ; ainfi de ce que le fergent eft nommé,
par l'article 5 , après le feigneur , le bailli & le lieu-
tenant, pour faire la faille réelle, il s'enfuit qu'il
eft également compétent pour préfider à une Plainte
verbale.
Ce qu'il y a de certain au moins , d'après le texte
de la coutume , c'efl ipie l'abfeuce du feigneur ,-
du bailli & du lieutenant, ne feroit pas un motif
fuffifant pour adrelTer la Plainte verbale à l'un des
juges , quand même il prendroit la qualité de lieu-
tenant extraordinaire. C'eft ce qu'a décidé un arrêt
du parlement de Flandres du ii janvier 1768,
rapporté au mot COXJURE.
On trouvera fans doute étrange que la coutume
attribue en cette partie plus d'autorité à un fergent
qu'à un confeiller; mais, étrange ou non, la cou-
tume le règle aiafi , Se toute formalité courumière ,
fur-tout eu matière de iaifie, doit ètreobfervée à la
lettre. Il ne faut pas d'ailleurs s'étonner que la cou-
tume ne confonde pas l'ordre deî officiers. Les uns
font faits pour conjurer , pour femoncer , pour re-
quérir que juflice foit faite aux particuliers ou au
public ; les autres , pour connoître des caufes &
porter les jugemens. Le bailli , le lieutenant , le fer-
gent , font de la première claffe ; ils font , par état ,
officiers ièmonceurs. Les confeillers, les hommes
de fiefs , les échevins , font de la féconde claffe ;
leur état efl de juger. Or la coutume veut que parmi
ceux qui préfident à la Plainte verbale, il y ait un
officier femonceur ; en cela, rien d'extraordinaire
& qui ne foit même de convenance. Mais fa difpo-
fition eft-elle remplie , quand un juge prend da
lui-même la qualité de bailli ou de lieutenant ?
Non , il fort de fa pl.ice , fans pouvoir fe mettre â
celle de l'officier conjureur, parce qu'il ne dépend
pas de lui de fe donner un caraélère qu'il n'a pas.
L'officier conjureur ne peut pas fe faire jiige ; l'of-
ficier juge ne peut pas fe faire conjureur; le boa
fens diéle ces notions , & elles ne peuvent recevoir
d'exception que de la volonté expreffe du légifla-
teur. Voyez l'article Mayeur.
Mais reprenons la fuite des formalités de la
Plainte à loi. L'article 5 du titre 21 porte, qu'au
jour fixé par l'affignation , le demandeur doit fe
préfenter en perfonne ou par procureur , tant con-
tre la partie faifie que contre les ajournés en général ;
expofer que tel jour il s'eft fondé en Plainte de-
vant les officiers du fiège; que fur cette Plainte il
a été rendu un jugement , qui contient telles défen-
fes ; que ce jugement a été fignifié à telles perfon-
nes ; enfuite ramener à fait lefdites Plainte & faifine y
c'eft-à-dire , prendre les conclufions pourlefqucUes
il les a fait pratiquer.
Si les affignés ne comparoifient pas , le deman-
deur doit, aux termes de l'article 6, obtenir contre
eux , par divers plaids , dûment entretenus dis heures
de premier, fécond , tiers & quatrième jour, c'eft-à-
dii^^uatre défauts confécuùfs : au troifièrae défaut^
PLAINTE A LOI.
il peut faire débouter de défenles ceux qui l'ont
encouru ; & après !s quatrième, on doit luiadjiigar
fa demande , fi elle fe trouve juAe & raifonnable :
les afllgnés font cependant admis , aprè; le tioi-
fième déiaut , ou , comme dit la coutume, en de-
dans ["heure de tiers jour obtenu: , à fepréfenter &
donner leurs moyens de défenles.
Ce grand nombre de défauts n'eft point nécef-
faire, lorfqti'au jour du ramené à fait le demandeur
déclare s'en rapporter au ferment des ajournés :
dans ce cas , on lui donne un premier défaut , dont
le profit eft de faire réalîigner ceux-ci ; & fi à la fé-
conde journée ils ne comparoiflent pas encore, il
obtient un fécond défaut, dont le profit eft que le
ferment lui eft référé. C'cft toujours d'après l'ar-
ticle 6 que nous parlons.
On voit par ces détails combien font longues les
procédures qu'il faut faire pour parvenir au décrè-
tement d'une Plainte à loi. De là réfulte un très-
grand inconvénient, c'eft que quand la Plainte à
loi eft pratiquée fur des meubles pour avoir paye-
ment d'une dette, les frais de gardien confument
prefque toujours le produit entier de la vente qui
s'en tait après lafenience de décrètement. Cet in-
convénient a donné lieu à un ulage certifié par un
acle de notoriété des procureurs de Lille du 16 mai
1780, dont voici les termes : « Certifions qu'il eft
» d'ufage, lorfqu'on agit à fin de recouvrer une
» dette quelconque , par Plainte à loi , au bailliage
9» de Lille, qu'on préfente une requête au juge
« après la Plainte exploitée, par laquelle on de-
« mande que l'buiffier exploiteur foit autorifé à
j» vendre les effets faifis ; qu'on donne pourapof-
31 tille fur cette requête , foit montré à partie pour
5» y dire au tiers jour , Si qu'au jour de la compa-
w rution l'exécuté n'eft reçu oppofant fur ladite
» requête, qu'après avoir nanti ou donné caution ».
Il faut convenir que le remède eft ici pire oue le
itial. Un créancier eft fans doute bien à plaindre ,
lorfqu'il voit fe confumer en frais de jiiftice tous
les meubles & effets fur lefquels il fondoit l'efpé-
xance du recouvrement de fa dette. Mais , 1". peut-
on fous ce prétexte dépouiller un débiteur avant
qu'il ne foit jugé tel.' Peut-on affimilor, contre
l'efprit de la coutume, la Plainte à loi qui fe pra-
tique pour toutes fortes de dettes & de prétentions ,
à l'exécution parée , qui , fuivant l'article i du ti-
tre 23 , ne peut avoir lieu que contre une perfonne
condamnée par juge compétent , ou ohlif^ée par obli-
gation portant vigueur d'exécution > 2». Rien n'oblige
un créancier de prendre contre fon débiteur la voie
«le Plainte à loi ; c'eft'à la vérité la plus sfn-e , mais
elle n'eft point unique : on peut, en toutes fortes
de caufcs, fc pourvoir par requête devant les ju-
ges qui en doivent connoître.
La pratique du b,rilliage & des fièges inférieurs
de la châtellenie de Lille , efr donc un abus vérita-
ble ; auftia-t-elle été condamnée récemment par le
parlement de Flandres.
Le nommé Adrien Bachekt a fait pratiquer , le
PLAINTE A LOL 141
3 feptembre 1778, une Plainte à loi fondée au
bailliage de Lille, fur tous les meubiei & effets de-
la veuve Thorer, demeurant à Pont-à-Vendin. Le"
9 du même mois , il a donné requête pour être au-
torifé à faire vendre provifionnellement , & fa de-
mande lui a été accordée par fentence du 12. La
veuve Tborer a appelé de ce jugement , ainli
que de la veiue faite en conféquence ; par arrêt
rendu le 8 mai 1779 , au rapport de M. de Ja Vief-
ville , la cour , « fans s'arrêter à ladite fentence , a
" déclaré l'exécution & vente nulle & tortion-
'> naire, condamné Adrien Bschelet aux domma-
" ges &. intérêts qui. en font réfultés , &c. ». Le
rédadeur de cet article écrivoit poiu la veuve Tho-
rer ; U a employé contre la vente dont il s'agi'foit ,
difîé."ens moyens également péremptoires , & ii a
lu que les juges avoient été particulièrement tou-
chés de l'injuftice qu'il y a d'exécuter par provi-
fjon un débiteur qui n'eft ni condamné par fenten-
ce , ni obligé par acle authentique.
Cet arrêt n'étoit cependant point aft!ez précis
pour réformer l'ufage des tribunaux de la châtel-
lenie de Lille ; mais bientôt la queftion s'eft repré-
fentée dans des circonftances plus fimples. Le 18
avril 1780, le fieur Jonville fait faifir par Plainte
à loi fondée devant les bailli & hommes de fiefs
de Waterlos , tous les meubles & effets apparte-
nans au nommé Lorfebvre , /^o/zr yùr iceux avoir
payement de lu fomme de izoo Hures parifis quil lui
doit , tant pour livraifons de bierres <jue pour loyir.
Le Lendemain 19 , il demande par une requête
que le fergent exploiteur de la Plainte à loi, foit
autorifé à vendre par provifion les meubles & effets
faifis. Lorfcbvre s'oppofe à cette demande ; il fou-
tient que c'eft le cas d'ordonner aux parties d'en-
trer en liquidation, & que par couféquent il f.iut
fufpendre la vente jufqu'au jugement définitif :
mais ces raifon.; ctoient trop contraires à l'ufa-^e ,
pour être accueillies des premiers juges : par fen-
tence du 29 du même mois , rendue fur l'avis de
plufieurs avocats de Lille, il a été ordonné que
les meubles &: effets feroient vendus par provi-
fion , & Lorfebvre a été condamne aux dépens.
Appel ^u parlement de Flandres ,&, nonobftant
l'afie de notoriété tranfcrit ci-deffus , arrêt du g
juin 1780, au rapport de iM. Rémi des .Tardms ,
par lequel « la coiir , fans s'arrêter à ladite (cn-
» tence, & avant faire droit fur la demande du-
» dit Jonville , ordonne aux parties d'entrer err
» compte & liquidation amiablemenr , finon par-
n devant le confeiller rapporteur : ordonne néan-
n moins que les meubles & effets dont il s'ai-it atî
» procès feront fequeftrés dans tel endroit quî fera
n défigné par les bailli & hommes de fiefs dudit
n "Waterlos ^ que la cour commet à cet effet , dé-
n pens réfervés.
Cette dernière difpoiltion eft un fempéramenr
très fage entre l'inconvénient de laiffer trop ion->-
temps des gardiens dans une maifon ^ & celui d'exé-
cuter par provifion & fans titre.
r4i PLAINTE A LOI.
On a vu à l'article MiSE de fait , que les meu-
bles font fufpceptibles d'hypotlièque dans la cou-
tume de la châtcUenie de Lille. Ccft fur ce fonde-
ment que l'article 2 du titre 21, dit, que parla
faifie pratiquée en vertu de Plainte à loi , fur des
biens meubles ou héritaoes , « hypothèque eft créée à
» la confervation & sûreté du prétendu & contenu
« efdites Plaintes , dès l'inftant de ladite faifine ,
» pourvu que fentence s'en enfuive au profit du
3> plaintiflant ».
Mais pour conferver cette hypothèque, il faut
pue les meubles ne foient pas un inftant fans gar-
diens ; autrement on court rifque de la perdre. " Si
»> aucuns biens meubles mouvables étoient judi-
» ciairement faifis par Plainte à loi ou autrement ,
î> en la maifon & pourpris du débiteur, & fulTent
" après trouvés fans gardes ayant pouvoir à ces
» fins , tels biens font réputés décalengés & dé-
" chargés de ladite faifme : de forte que i\ autres
» faifoient judiciairement par après faifir lefdits
'> biens , & à iceux mettre garde ayant pouvoir ,
" feroient à préférer». Ce fcnt les termes de l'ar-
ticle 8.
L'article 9 ajoute , que l'appel d'une Plainte à loi
ne doit pas empêcher la faifie , « tant & jnfques à
j> ce que. la main de juftice foit garnie , ou caution
j) baillée, fi avant que le plaintiflant auroit fait
ï) préparatlvement apparoir de fon dû ».
Les officiers du bailliage de Lille ont autrefois
prétendu que quand on fe pourveyoit devant eux
par Plainte à loi , ils n'étoient pas tenus de dé-
férer à la demande que pouvoit faire l'ajourné ,
afin d'être renvoyé devant fes juges immédiats ç
ils ont même ainfi jugé par une fentence du 9 mai
1689 : mais comme la Plainte à loi n'eft par elle-
même aucunement privilégiée, cette fentence a été
infirmée par arrêt du parlement de Flandres, du
10 février 1690, rapporté dans le recueil de M, de
Baralle.
Voyez les articles Gouvernance , Clain , Exé-
cution , Saisie, Mise de fait. Main-mise,
^c.i^AnicU de M. Me rl ly , avocat au parlement
de Flandres & fccrétaire du roi ).
"" PLAISIRS DU ROI. On appelle ainfi l'étendue
de pays qui eft dans une capitainerie royale , ©ù la
chaÂe eft réfervéc pour le roi.
Suivant les articles 14 & 15 du titre 30 de l'or-
donnance des eaux & forêts du mois d'août 1669 ,
il eft défendu aux feigneurs & autres de chafler
fur leurs terres au menu gibier, lorfqu'elles ne
font pas à la diftance d'une lieue des Plaifirs du
roi , & de chafier au chevreuil & aux bêtes noires ,
à moins que ce ne foit dans des endroits éloignés
de trois lieues des mêmes Plaifirs.
Il leur eft pareillement défendu par l'article 16
de tirer au vol , fi ce n'eft dans la même diftance de
trois lieues des Plaifirs du roi, à peine de deux
cents livres d'amende pour la première fois , du
double pour la féconde, 6c du triple pour la troi-
PLAIT.
fième , outre le banniffement à perpétuité hors de
l'étendue de la maîtrife.
PLAIT, on appelle ainfi une forte de droit fei-
gneurial , connu particulièrement en Dauphiné.
C'eft une efpèce de relief dû aux mutations de
feigneur Se de vaffal , ou emphitéote , ou aux mu-
tations de l'un ou de l'autre feulement , fuivant ce
qui a été ftipulé par le titre d'inféodation au bail
emphitéotique.
Il a lieu fur les fiefs comme fur les rotures.
Il n'eft dû qu'en vertu d'une ftipulation expreflc ;
cependant il fe divife en trois fortes; favoir, le
Plait conventionnel , le Plait accoutumé , & lePlait
à merci.
Le Plait conventionnel eft celui dont la quotité
eft réglée par le titre ; il peut être unpofé en argent ,
en grain , &c.
Le Plait accoutumé eft celui dont la quotité fe
règle fuivant l'ufage du lieu , & en tout cas, lui-
vant l'ufage le plus général en Dauphiné.
Le Plait à merci eft communément le revenu
d'un an , comme le relief dans la coutume de Paris.
On a propofé la queftion de favoir , fi lorfqu'il
y a échéance de plufieurs Plaits dans la même an-
née, il font tous dûs , ou s'il n'en eft dû qu'un feul.
M. Salvaing penfe qu'on ne peut en exiger qu'un ,
à moins qu'il ne s'agifle du cas où le Plait eft dû
tant à la mutation du feigneur, qu'à celle du tenan-
cier : fi l'un & l'autre meurent dans la même an-
née , M. Salvaing eft d'avis qu'on peut percevoir
deux droits , parce qu'ils ont deux caufes diffé-
rentes.
L'auteur qu'on vient de citer rapporte des exem-
ples de fiefs purement honoraires , qui ont droit
de Plait fur le feigneur dominant.
Voye\ Salvaing de Cufage des fiefs , le dïllthnnalre
des arrêts , & Guyot , traité des fiefs.
PLANCHÉEUR. On appelle ainfi à Paris de
petits officiers , dont les fondions font réglées par
l'article 8 du chapitre 4 de l'ordonna'tce du mois
de décembre 1672; il contient les difpofitions fui-
vantes :
M Enjoint aux Planchéeurs de mettre fur les ba-
» teaux de fortes planches , portées fur \\v\ tel nom-
» bre de trétaux qu'il conviendra, depuis le bord de
» la rivière, jufques fur les bateaux charges de mar-
» chandifes, & d'en mettre de travers fur les ba-
» teaux qui fe trouveront vides auxdits ports , au*
» trement demeureront lefdits Planchéeurs déchus
» & privés des droits à eux attribués , & condam-
» nés aux dommages & intérêts des bourgeois,
» marchands , officiers, ou gagne-deniers , travail-
» lans fur lefdits ports : enjoint aufti aux Plan-
» chéeurs du port au vin , de fournir & mettre des
» Planches pour aller du bord de la rivière dans les
» bateaux , par autres endroits que ceux où les dé-
» chargeurs de vins auront farit leurs chemins &
» pofé leurs chantiers, fous les peines ci-deflus ,
j> Se d'amende arbitraire >».
PLANCHETTE. Faire Planchette eft une ex-
PLANCHETTE.
prefTion ufitée dans les coutumes de Ponthieu , de
Boulonnois & de Saint-Pol , pour défigner un ordre
de fucceflion tout-k-tait particulier à ces lois.
La coutume de Ponthieu n'admet qu'un héritier
dans chaque luccefTion , & cet héritier eft toujours
le plus âgé de tous les parens du même degré. Sui-
vant l'article n , quand les parens collatéraux d'un
défunt font frères & fœurs , ou , comme dit la cou-
tume, nés d'un même wntre, c'eft à l'aîné mâle
qu'appartient la fucceffion ; mais s'ils font collaté-
raux entr'eux comme au défunt , c'eft-à-dire , s'ils
font nés de divers ventres, en ce cas, on ne diflin-
gue plus un fexe d'avec l'autre , & c'eft à l'aîné
mâle ou femelle que tous les biens font dévolus :
tel eft du moins le témoignage qu'ont rendu de
leur coutume la plupart des praticiens de Ponthieu ;
car il s'eft trouvé, dit l'article cké, aucuns auires
coutumiers dudit Pontliicu , cjui n'ont voulu dépoferla
coutume être telle , mais ils les ont par ci-devant re-
mis & remettent au droit. Ce partage d'opinions a
été caufc que les commifTaires prépofés pour la ré-
da6}ion de cette coutume, ont laiifé la queftion in
décife , avec déclaration cxprefle , " que tous &
î> chacun qui ont & pourront avoir procès touchant
3' ladite fucceffion en ligne collatérale , pourront
« conduire , démener & mettre à fin leurfdits pro-
>> ces, ainfi qu'ils verront bon être & qu'il appar-
M tiendra >».
De la manière qu'étoit rédigé l'article dont il
s'agit , on pouvoir aifément s'appercevoir que l'opi-
nion la plus générale & même la plus favorifée
des commiffaires , étoit celle qui donnoit la préfé-
rence à une fille aînée fur un mâle puîné dune
autre branche , & c'eft en effet celle qui a prévalu
dans la fuite.
Mais de là eft venue une autre queflion, c'étoit
de favoir fi la fille aînée , qui excluoit un puîné
mâle d'une autre branche , ne devoit pas être elfe-
niême exclue par un puîné mâle de la fienne. L'af-
firmative a été adoptée par deux arrêts remarqua-
bles, qui nous ont été confervés par Ricard &
Brodeau , dans leurs notes fur l'article cité. Voici
comme s'exprime le premier de ces auteurs :
« Sed quid , fi en un même degré il y a un mâle
» & une fille d'un même ventre, dont la fille foit
j) plus âgée, un mâle d'un autre ventre plus âgé
» que l'autre mâle, mais moins que la fille ? Jugé
" en ce cas que la fucceffion appartient au mâle
» moins âgé , ik. que la fœur lui faifoit ouverture
» contre l'autre, & que de fa part il excluoit fa
» fœur, par arrêt du 19 mars 1612 ". Thomas
Chauvelin date ce même arrêt du 24 mars , & le
cite comme confirmatif d'une fentence du fénéchal
de Ponthieu , du 4 décembre 16 10.
La note de Brodeau eft conçue en ces termes:
« La femelle aînée étant feule, elle exclut le colla-
» téral puîné d'un autre ventre ; mais quand avec
3» cette femelle il fe rencontre un mâle né de
" même ventre , quoique puîné de la femelle &
>' du collatéral de l'autre ventre, il exclut ruo&
PLANCHETTE. 143
» l'autre, la femelle ne fcrvant que pour exclure
)j le collatéral , & non celui qui eft né de même
» ventre qu'elle, nonobftant la règle ,^vinco vin'
» centem , qui n'a lieu fmon eodem génère vincendi ;
» & tel eft l'ufagc conftant de la province , con-
)> firme par arrêt donné à la cinquième chambre
» des enquêtes , au rapport de M. Hatte,le....
» 1617, en la fucceffion de Parde ; ce qu'ils ap-
11 pellent en Ponthieu le droit de Planchette ".
La coutume de Boulonnois ne s'explique guère
plus clairement que celle de Ponthieu , voici ce
qu'elle porte , articles 8i & 82 :
« Si aucun va de vie à trépas & adhérité d'au-
» cuns héritages féodaux o-u cortiers , fans enfans
» de fa chair procrées en mariage , délaiftant plu-
» fieurs de fes parens en ligne collatérale en pareil
J7 degré , iffus de divers ventres , tous venus du
» côté dont font (uccédés les héritages; à l'aîné ,
n foit mâle ou femelle, appartient la totale (\.\ccqÇ-
>7 fion féodale ou cottiêre. Mais fi lefdits parens
» étoient tous dun ventre, le fils en déboute du
»i tout la fille , pofé qu'elle fût aînée.
3> Et ab intcftat s'en fait pareillement des biens
» meubles , cattels & acquêts ».
On voit que cette coutume garde pareillement
le filence fur la queftion de favoir fi la fille aînée
eft exclue par fon frère cadet , lorfqu'elle exclur
elle-même un parent d'une autre branche plus âgé
que celui ci ; mais ce doute eft nettement réfolu
par la manière dont s'explique M. le Camus d'Hou-
louve en fon commentaire, tome i, page 377:
a La coutume , dit-il , admet un ordre de fuccef-
■>■) fion entre neveux & nièces, ou autres parens
T) plus éloignés , qui paroît affez fingulier. Quand
» ces parens, quoiqu'en parité de dégrés, font
i> iffiis de diverfes branches, & tous également des
» lignes dont Ls propres , foit féodaux , foit rotu-
11 riers, font provenus , elle défère la totalité de la
» fucceffion au plus âgé d'entr'eux, mâle ou fe-
■)■) melle ; & elle ne préfère le mâle à la femelle ,
» que quand ils font également iffijs d'une même
1-1 branche. 11 y a plus ; fi plufieurs branches d'hé-
■n ritiers en parité de degré, viennent à la fuc-
» ceffion , lorfque dans une de ces branches il ne
)7 fe trouve qu'une feule femelle plus âgée que
» tous les autres, elle recueille la fucceffion à leur
)» exclufion ; mais fi cette femelle a un frère moins
)» âgé qu'elle & que tous les autres parens , celui-
J7 ci fe fert de fa fœur pour exclure tous les au-
» très , qui fans elle l'auroient exclu lui-même , &
■)■) il devient le feul héritier du défunt : c'eft ce
» qu'on appelle en "QouWonnohs faire planchette ^
» c'eft-à-dire, de la part d'une fœur, fervir de de-
11 gré à fon frère pour lui procurer un avantage
» dont elle ne profite pas. Cette façon de fuccé-
î» der de la part d'un mâle par i'à;^e de fa fœur ,
Ti réfulte du texte comme de l'efprit de la coutu-
■» me ; elle accorde le droit d'aineffe dans une fuc-
» ceffion à la femdle la plus âgée , à défaut de
j> mâle ; mais il fuffit qu'il y ait un mâle , quoi-
^144 - jPLANCHETTE.
5> que moins âgé qu'elle , dans «ne même bran-
7) che, pour qu'il lui donne rexclufion. Ainfi il
« étoit juile de ne pas faire paffer dans une autre
j> branche , ce qu'elle àvoit arrêté dans la Tienne ,
î> & ce qu'elle auroit eu fans fon frère , comme il
5> eft convenable de donner à fon frère ce qu'elle
« ne peut recueillir à fon exclufion »
Cette do6îrine eft conforme à celle de le Roy
de Lozembrune , dans fes notes fur les textes que
nous examinons : « En certains cas ( ce font fes
>» ternies) , la fcsur aînée, quoiqu'elle n'hérite pas ,
« iait hériter fon frère cadet : par exemple , un
« oncle décède ai intejlat ; il laiffe une nièce âgée
« de trente ans , fîlle de fon frère ; il laifié en-
î) corc une autre nièce âgée de trente-cinq ans ,
j> & \\n neveu âgé de vingt ans, enfans de fa fœur :
>» cette fille, âgée de trente-cinq ans , & par con-
3» féquent plus âgée que fa coufme germaine de
» cinq ans, exclut, à la vérité , cette coufinegcr-
3> niaine de cette fucceffion collatérale, à caufe de
•)■> (on âge, & néanmoins elle n'en profite en au-
55 cune façon ; mais fon frère, qui n'a que vingt
y> ans , fe fert de l'âge de fa fœur pour en profiter ,
» & emporte cette fiicceiîion à l'exclufion de fa
» fœur Se de fa confine , quoique toutes deux plus
" âgées que lui. C eft ce que nous difons vulgai-
« rement dans notre coutume , droit de PLir.chcitc ,
« en ce que la fœur aînée fait Planchette à fon
j> frère cadet , & lui prête, s'il faut ainfi dire,
J) fes ans , pour fuccéder à fon oncle décédé ab
»> inteflat. Cette belle quefiion a été jugée dans
« cette coutume par un arrêt folcmnel du 26 fé-
j> vrier 1645 , confirmatif dune fentence que j'a-
» vois rendue m.
La coutume de Saint-Fol efi des trois coutumes
de Planchette ^ celle qui développe le mieux la na-
ture de ce droit , & ce qu'elle en dit eft exaflement
conforme à ce que les arrêts & les commentateurs
ont décidé par rapport au Ponthieu Si au Boulon-
nois. Après avoir établi, titre 2, article 4, qu'en
fucceflion collatérale , les fiefs & anciens manoirs
appartiennent à l'aîné, foit mâle ou femelle , des
parens {([ui de divers -ventres , & à 1 aîné mâle , en-
cure ^uil y eût femelle plus ancienne , fi c'était tout
d'un ventre^ elle ajoute, article 5 , « & d'abon-
» dant, advenant contre les co-héritiers de divers
» ventres en même degré , encourent frère & fœur
î> de même ventre, en ce cas, le frère, quoique
■» puiné de la femelle plus ancienne , néanmoins
M que les autres co-héritiers fufient mâle & fe-
ij melle , exclura Icfdits aurres co-héritiers mâles
ï) plus anciens que lui , par le bénéfice de fadite
r> fœur plus ancienne que lefdiis autres ce-héri-
î» tiers, laquelle lui fert de Planchette en ce cas ,
5» comme l'on dit ordinairement audit comté de
I» Saint-Pol V,
Voyez les articles Héritiers , Makoir, Suc-
cession , &c.
(^Article de M. Merlin, avocat au parlement
de Flandres &> Jecrétaire du roi ).
PLANT.
PLANT. On donne ce nom aux jeunes arbra»
d'une forer.
L'article 11 du titre 27 de l'ordonnance des eaux
& forêts du mois d'août 1669, a trés-exprelfément
défendu d'arracher aucun Plant de chêne, charme
ou autre bois dans les forêts du roi , fans une per«
miffion exprelfe de fa majefté Se l'attache du grand
maître, à peine de punition exemplaire , Si. de cinq
cens livres d'amende.
Et par l'article 18 du titre 3 , il eft défendu aux
grands maîtres des eaux & forêts de permettre ou
loulïrir qu'il foit arraché aucun de ces plants, à
peine d'amende arbitraire, & des dommages & in-,
térêts du roi.
Ces difpofitions ont été confirmées par un arrêt
du confeil du 17 janvier 1688 , par lequel il a en
outre été ordonné que les Plants nécefiaires pour
les parcs & jardins des maifons royales, ne pour-
roient être arrachés qu'en vertu d'un ordre exprès
du roi ou du furintendant des bâtimens , lequel
ordre contiendroit la qualité Si quantité des Plants
à arracher , & feroit vifé du grand maître des eaux
Se forêts du département, ou en fon abfence, par
le maître particulier dans le reffort duquel les Fiants
s'arracheroient , Se que cette dernière opération fe
feroit en préfence du garde du canton, qui en dref-
feroit procès-verbal ik. le dépoferoit au greffe, pous
y avoir recours au befoin.
PLANTATION. Ccll l'aOlon de planter.
L'article 6 du titre 27 de l'ordonnance des eaux
& forêts du mois d'août 1669,3 défendu à tout
particulier de faire des Pl.intations de bois à la dif-
taace de cent perches des forêts du roi , fans une-
permiffion exprefiè de fa majefié; à peine de cent
livres d'amende , Si de voir arracher 6c confifquer
les arbres plantés.
L'article 42 du même titre, a pareillement dé-
fendu , fous peine d'iamende arbitraire , de faire
aucune Plantation d'arbres qui puffent nuire au
cours de l'eau & à la navigation dans les fleuves
Se rivières du royaume, à peine d'amende arbi-
traire.
PLÉBISCITE. Décret émané du peuple remain,
féparément des fénateurs Se des praticiens.
11 y avoit dans l'origine pluficurs différences en-
tre ks Plébifcites Si les lois proprement dites.
1". Les lois , leges , étoient les conflitutions faites
par les rois & les empereurs , ou par le corps de
la république, au lieu que les Plébifcites étoient
l'ouvrage du peuple feul , c'eft-à dire des plé-
béiens.
2°. Les lois faites par tout le peuple, du temps
de la république , étoient provoquées par un ma-
giftrai patricien. Les Plébifcites fe faifoient fur la
réquifition d'un magiftrat Plébéien , c'eft-à-dire ,
d'un tribun du peuple.
9°. Pour faire recevoir une loi , il falloir que
tous les diâerens ordres du peuple fuffent affem-
blés , au lieu que le Plébifcite émanoit du feul
tribunal des plébéiens ; car les tribuns du peuple
PLÉBISCITE.
nepouvoîent pas convoquer les patriciens , ni trai-
ter avec le fénat.
4°. Les lois fe publioient dans le champ de Mars ;
les Plébiicites fe faifoient quelquefois dans le cirque
de Flaminius, quelquefois au capitole, & plus fou-
vent dans les comices.
5°. Pour faire recevoir une loi , il falloir a(rem-
bler les comices par centuries ; pour les Plèbif-
cites , on aflembloit feulement les tribus , & l'on
n'avoit pas befoin d'un fénatufconfulte , ni d'aruf-
pices ; il y a cependant quelques exemples de Plé-
bifcites pour lef({uels les tribuns cxaminoient le
vel des oifeaux, & obfervoient les mouvemens du
ciel avant de préfenter les Plébifcites.
6". C'étoient les tribuns qui s'oppofoient ordi-
nairement à l'acceptation des loix , & c'étoient les
patriciens qui s'oppofoient aux Plébifcites.
Enfin , la manière de recueillir les fuftVages étoit
fort diôérente; pour faire recevoir un Plébifcite ,
on [ recueilloit fimplement les voix des tribus ,
au lieu que pour une loi il y avoit beaucoup plus
de cérémonie.
Ce qui eft de f\ngulier , c'eft que les Plébifcites ,
quoique faits par les Plébéiens feuls , ne laiflbient
pas d'obliger aufli les Patriciens.
Le pouvoir que le peuple avoit de faire des lois
ou Plébifcites , lui avoit , dit-on , été accordé par
Romulus. Ce prince ordonna que quand le peu-
ple feroit aflémblé dans la grande place , ce qu'on
appeloit rajfemblce des comices , il pourroit faire des
lois ; Romulus vouloit, par ce moyen, rendre le
peuple plus fournis aux lois qu'il avoit faites lui-
même, & lui ôter l'occafion de murmurer contre
la rigueur de la loi.
Sous les rois de Rome , & dans les premiers
temps de la république, les Plébifcites n'avoicnt
force de loi qu'après avoir été ratifiés par le corps
des fénatenrs affemblés.
Mais fous le confulat de L. Valerius & de M.
Horatius, ce dernier fit publier une loi qui fut
appelée de fon nom Horatia , par laquelle il fut ar-
rêté que tout ce que le peuple féparé du fénat, or-
donneroit , auroit la même force que fi les patri-
ciens 8f le fénat l'euflfent décidé dans une aflem-
blée générale.
Depuis cette loi , qui fut renouvelée dans la
fuite par plufieurs autres , il y eut plus de lois
faites dans des aflemblées particulières du peuple ,
que dans les alTemblées générales où les fénateurs
fe trou voient.
Les Plébéiens , enflés de la prérogative que leur
avoit accordée la loi Horatia , affeétèrent de faire
un g^and nombre de Plébifcites , pour anéantir j
s'il é:oit poflible , l'autorité du fénat ; ils allèrent
même jufqu'à donner le nom de loi à leurs Plé-
bifcites.
Le pouvoir légiflatif que le fénat & le peuple
exe-çoient ainfi par émulation , fut transféré à l'em-
pereur , du temps d'Augufte , par la loi re^la ,
au moyen d.- quoi il ne fe fit plus de Plébifcites.
Tome XJlU
PLOMB. 145
PLEIGE. Ancien terme de pratique qui figni-
fie caution ou fidéjuffcur. Voyez CAUTION ET
Obligation.
PLOMB. C'eft une forte de métal d'un blanc
bleuâtre.
Par arrêt rendu au confeil le 15 février 1757»-
il avoit été impofé un droit de cinq livres par quin-
tal fur les Plombs ouvrés apportés de l'étranger;
mais ayant été repréfenté au roi que le nombre
des fabricans de Plomb en table & en grenaille,
s'étoit tellement augmenté dans le royaume, que
les fabriques qu'ils y avoient établies , pouvoient
fuffire aux befoins de la confommation , fans le
concours des étrangers ; fa majefté , pour favo-
rifer ces fabriques, a rendu en fon confeil , le a6
novembre 1783 , un nouvel arrêt , fuivant leqijel
les Plombs fabriciués chez l'étranger , foit en ta-
ble ,foit en grenaille ou autrement, doivent payer,
à toutes les entrées du royaume , huit livres par
quintal.
Cette difpofition ne peut d'ailleurs pas s'appli-
quer aux Plombs fabriqués en Angleterre. Ceux-ci
doivent refter dans la prohibition portée par les
arrêts des 6 fepterabre 1701 , 2.0 mai 1738, & 15
février 1757.
Le procureur du roi au châtelct de Paris ayant
préfeHté au fiége de la police de cette ville , un
réquifitoire expofitif que la multitude des vols de
Plomb pourfuivis à fa requite , & fouvent fans
preuve , lui avoit fait remarquer qu'une des cau-
fes les plus capables de multiplier ces fortes de
délits , étoit la facilité que trouvoient les voleurs
de Plomb à s'en défaire chez des marchands de
Paris ^ui achetoient fans information & fans au-
cune des précautions prcfcrites par les régle-
mens , &c. il eft intervenu fur ce réquifitoire ,
le 21 décembre 1784 , une ordonnance de police,
dont voici le difpofitif :
u Nous , faifant droit fur le réquifiteire du pro-
» cureur du roi, ordonnons que les arrêts, régle-
j» mens & ordonnances de police , & notamment
» celle du huit novembre 1780, concernant les
î) potiers d'étain , fondeurs , plombiers , chaudron-
» niers, vendeurs de vieux fers, & autres mar-
» chands , &. tous artifans qui achètent , fondent
» & revendent du Plomb en lame, en lingots,
j» en balles , en grains & de toute efpèce , de l'é-
j» tain , cuivre , ferraille , & autres effets & mar-
5» chandiles de hafard , feront exécutés félon leur
» forme & teneur ; en conféquence , que lefdits
» marchands & artifans ne pourront faire ledit
3> commerce , fans avoir & tenir deux regiflres,
jj fur lefquels ils infcriront jour par jour, de fuite
H & fans aucun blanc ni rature , les noms , fur-
« noms, qualités & demeures de ceux de qui ils
» achèteront & avec qui ils échangeront & tra-
M fiqueront des effets & marchandifes de hafard
» & des efpèces ci-defliis , enfemble la nature,
« la qualité & le prix defdites marchandifes , lef-
j) quels regiftrcs auront, au premier feuillet , l'or-
14^ PLOMB.
V donnance du commiffaire ancien , prépofé pour
M la police de leur quartier , & feront de lui cotés
»• iSi paraph is par premier & dernier feuillet ; fe-
»> ront teni-.s lefdits marchands de repréleiKer leurs
»» regiftres , au moins une fois le mois , favoir ,
» l'un audit commiflaire ancien , & l'autre à Tinf-
» peiSleurde police de leur quarrier, à l'effet d'ê-
J' tre chaque fois paraphés par le commiflaire ,
j» & vifés par l'Infpefleur ; faifons trés-exprcffes
V inhibitions & dcfenfes auxdits marchands & ar-
» tifans de cette ville Se des fauxbourgs , même
»> à ceux qui demeurent dans l'étendue des lieux'
» privilégiés ou prétendus privilégiés, d'acheter
» lefdits Plombs , étain, cuivre, ferraille & autres
j? CiTets & marchandifes de hafard d'aucunes per-
i> fonnes dont le nom & la demeure ne leur foient
>i connus, ou qui ne leur donnent cautions & ré-
» pondans d'une qualité non fufpe61e , le tout à
« peine de cinq cens livres d'amende , de répon-
« dre en leur propre & privé »om des chofes vo-
» lées , & même d'être pourfuivis cxtraordinaire-
> ment fi le cas y échet.
" Mandons aux commiiTaires au châtelet , & en-
» joignons aux autres officiers de Police , & notam-
V ment aux inlpetfleurs chargés du département du
>» bureau de sûreté , de tenir la main à l'exécution
^> de la préfente ordonnance , qui fera imprimée ,
» lue , publiée & affichée dans tous les lieux & en-
» droits accoutumés de cette ville , & par-tout
» ailleurs oii befoin fera , à ce que perfonne n'en
» j) Ignore ».
PLUMITIF, Ceû le papier otigiflsl & primitif
fur le(|uel on écrit les fommaires des arrêts & des
J'entences qui fe donnent à l'audience , & des déli-
bérations d'une compagnie.
On appelle greffier au Plumitif, celui qui tient la
plume à l'audience.
L'article 5 du titre 26 de l'ordonnance du mois
d'avril 1667 , veut que celui qui a préfidé , voie ,
à l'iffue de l'audience ou dans le même jour, ce
que le greffier a rédigé , qu'il figne le Plumitif,
& qu'il paraphe chaque fentence , jugement ou
arrêt.
PLUS AMPLEMENT INFORMÉ. C'eft un ju>
gement qui fe prononce en matière criminelle ,
lorfqu'il refte des foupçons que l'accufé eft cou-
pable , & que les preuves ne font pas fufnfantes
pour le condamner.
On dillingue deux fortes de Plus amplement
informé; faVoir, le plus amplement informé à
temps , qui fe prononce pour fix mois, un an,
deux ans , &c. , & le Plus amplement informé in-
défini.
Le Plus amplement i.nformé, de quelque ef-
pèce qu'il foit, ne peut pas être cor: fidéré comme
une peine : mais comme il laiiTe fubfifter le décret
tlécern5 contre l'accufé , à moins que le juge n'en
ait ordonné autrement , il faut en conclure que fi
l'accufé a été , par exemple , décrété d'ajourne-
ment perfar^iiel , & qu'il foii officier , il refit in-
PLUS AMPLEMENT INFORM
terdit de fes fondions durant le temps fixé pour
le Plus amplement informé , ou jufqu'à ce que le
crime qui a donné lieu à l'accufation foit prefcrit.
Le parlement de Paris a même jugé, par arrêt
du 3 juin 1766, qu'un Plus amplement informé
indéfini , prononcé contre une femme accufée d'a-
voir empoifonné un particulier, la privoit des avan-
tages que ce particulier lui avoit faits, & même
d'une donation entre-vifs dont il s'étoit feulement
réfervé l'ufu fruit (i).
Ci ) Vefptce de cet arrêt ejl ainjî rapportée dans h colkcHon
de jurijpruience.
Le (leur Paifait de Vauv, officier de la raaifon du roi ,
avoit inftitué légataire univerfelle , par fon reflamentdu iç
fcviier 174.0 , Maric-Marguericc Garnier , femme de Nicolas
Dur.iDd, tonnelier à Paris. Cette feaime fut accafée , à la
requcie du miniflère public , d'avoir empoifonn: le fîeur de
Vaux. Une fentence du chitelet avoit ordonné un Plus atn-
plcment informé d'un an , les accufés gardant prifon ; fut
l'a^pei , arrêt du 18 mai 1745 , q'ii ordonna qu'à la requête
de M. le procureur général , il ieroit Plus amplement infernié
en la cour pendant un an , durant lequel temps Ix feirtmc
Durand (Sl fon ma^i tiendroient prifon. L'année révolue, autre
anêtdutjjuin 1744, qui prononça conrre la Durand & foa
iiiari un Plus atrij lemer.c informé , lanï limiter aucun terme.
Quelques années après , la femme Durand , alors veuve ,
forma fa demande tendante à l'éxecution du tellament du fieui
de Vaux & à la dciivrancc du legs univerfel ; fentence fur
délibéré des requêtes du palais, du 50 janvier 174'î, qui dé-
boute , quant à préfent , la veuve Durand de f» deraande en
délivrance du legs univerfel fait à fon profit , & en exécution
d'une donation fous téfetve d'ufufruit, «jue le fieur de Vaux
lui avoit faiie par ade du n novembre 174', permet aux
iieurs Duparc d'entier en poOeflion des biens du (leur de
Vaux, en donnant néanmoins préalablement bonne èc vala-
ble caution. Appel de cecte fentence ; arrêt connrmatif du 19
luillet ■ 759. La veuve Durand , en 176Z, forma fa demande
à l'auJiencc de h tournelle , tendante à être déchargée de
laccuatioa; elle fe fonda fur le laps de temps, & fur ce
qu'il n'étoit furvenu aucune preuve nouvelle ; mais par
arrît du j août Iy6i , fut les conclulîons de M. Séguier , avo-
cat général , la veuve Durand fut déclarée non-recevable dans
:a deminde , fauf à elle à fe poutvoiren la manière accoutu-
mte , c'eii-àdirc , au procès du grand criminel , qui tioic
toujours fublillanc, La veuve Durand s'y pourvut en effet , 6c
renouvela fa demande en décharge de l'accufation contre elle
intentée , fe fondant toujours fur le laps de temps , &: fur ce
qu'il n'étoit furvenu aucune preuve noaveile. Artêt inter-
vint le 17 janvier ijSi , au rapport de M. de i'Averily , qui
déclara prefcrite l'accufation intentée contre la Du-and à la
requête de M. le procureur général Sur le fondement de cet
a;[ét , la veuve Durand demanda de nouveau en la ccur , fou»
prétexte de connexité & de liii'penaance , la délivrance du
legs univerfel à e le fait par le fieur de Vaux , & rexécution
di la donation : mais par arrêt du 18 mai I763 , fa procédure
fut déclare nulle , faufàelle à fe pourvoir pardev.int les ju-
ges qui en dévoient connoître ; elle renouvela au châtelet la
même demande, qui fut renvoyée aux requêtes du palais, en
vertu du comrn't:.mus au licur Duparc da Bouchet , officier de
la reine. La caufe pliidée contradiûoirement aux requêtes du
palais , fentence lac délibéré , qui prononça un appointe-
meut; appel à la cour par la veuve Duiand , où elle conclut
à l'infirniation de la fentence, à l'évocation du principal , &
à ce qu'il fût ftatuc fur fa demande en délivrance du legs uni-
verfel , &c en exécution de la donadon ; mais par arrêt défini-
tif du mardi } juin 176.'^, rendu à la grand'chambre , cor-
fo:méiiaen^ aux conduiigm d« M. Bateuiin , avocat généul ,
POIDS,
On deminde fi un acculé élargi piîrôment Se
fimplemcnt par le jugement qui prononce contre
lui un Plus amplement informé indétini , à la char-
ge f.'ulement de fe repréfenter , en taifant ("es fou-
milTions & élifant domicile à cet effet , eft cenié
étrej en état d'ajournement perfonnel , ou s'il ne
fubfifte tjIus de décret ? Il paroît que le titre de
raccufiuion ayant donné lieu à un décret de prife
de corps, l'accufé cha-gé de fe repréfenter , doit
être cenfé renvoyé en état d'ajournement per-
sonnel.
PLUS-PÉTITION. Demande trop forte.
La Plus- pétition peut avoir lieu de plufieurs ma-
nières ; favoir , pour le temps , pour le lieu du
payement, & pour la manière de l'exiger; par
c:femple, fi on demande des intérêts d'une chofc
«jui n'en peut pas produire , ou que l'on conclue
ù la contrainte par corps dans un cas où elle n'a
pas lieu.
Par l'ancien droit romain, la Plus-péiition étoit
punie; celui qui demandoit plus qu'il ne lui étoit
dû , étoit déclm de fa demande avecdépeni. Dans
la fuite, cette rigueur du droit fut corrigée par les
ordonnances des empereurs. La loi 3 , au code ,
livre 3 , titre 10 , dit qu'on évite la peine de la Plus-
pitition , en réformant fa demande avant la con-
teftation en caufe.
En France , les peines établies par les lois ro-
maines contre ceux qui demandent plus qu'il ne
leur eft dû, n'ont jamais eu lieu; mais fi celui qui
eu. tombé dans le cas de Plus-pétition, ei\ jugé
avoir fait une mauvaife conteftation , on le con-
damne aux dépens.
POIDS. C'cft un corps d'une pefanteur con-
nue, & qui fert , par le moyen d'une balance, à
connoître ce que péfent les autres corps.
Les Poids font communément de fer, de plomb
©u de cuivre.
La fureté du commerce dépendant en grande
partie de l'exaftitude des Poids , il n'y a prefquc
aucune nation qui n'ait pris des précautions pour
prévenir toutes les falfifications qu'on y pourroit
introduire. Le plus fur moyen eft de prépofer des
officiers particuliers pour marquer ces Poids &
la coût a mis l'appellation &: ce au néant , évoquant le prin-
cipal & y faifant droit , a dcbouté la veuve Durar.d de fcs de-
mandes ; actionné que la fentence des requêteî du palais du
33 janvier i747,&)'anêt confirmatif du u juillet 1749, fe-
loient & demeureroient définitifs; en conf.quencc, a dé-
chargé les lîeuts Duparc de la caution qu'ils avoicnt été af-
treincs de donner , la fentence au rélidii foriiflanr efTst avec
dépens. M. l'avocat -général établit, entre autres chofes ,
qu'une lîmpte prélomption de crime, réalifée en quelque forte
par un Plus amplement informe indéfini , fuiiifcit pour ten-
dre l'accufé à jamais indigne de recevoir la libéralité à lui
faite par la perfonne qu'il étoit accule d'avoir fait mourir ; il
ajouta , que lî le crime &c la peine du crime fe prefcrivoient
par vingt ans , l'opinion dei hommes , ainli que l'avoit ob-
fcrvé M. de l'Epine de Graiavillc, uç fe ^refcrivoit point.
POîDS. 14/
pour les régler d'après des modèles ou étalons fixes.
C'eft ainfi qu'en France l'étalon des Poids eil
gardé fous plufieurs clefs dans le cabinet de la cour
des monnoies.
La plupart des nations chez qui le commerce
fleurit , ont leurs Poids particuliers , & fouvcnt
même difFJrens Poids , fuivant les différentes pro-
vinces , & fuivant les différentes efpèces de
denrées.
Cette diverfité des Poids , irrémédiable pour
tous les peuples en général, & trés-dilficite à chan-
ger pour chaque état en particulier, efl fans doute
nne des chofes les plus embarraffantes du négoce ,
là caufe des rédu61ions continuelles que les mar-
chands font obligés de faire d'un Poids à un autre,
& de la facilité de fe tromper dans ces opérations
arithmétiques.
On a tenté plus d'une fois en France , où plus
qu'en nul autre état on trouve cette différence des
Poids, de les réduire à un feul , mais toujours
inutilement. Charlemagne fut le premier qui en
forma le deffein. Il s'en tint au projet. Philippe
le Long , bien long-temps après , alla jufqu'à l'exé-
cution ; mais à peine commença-t-il , que ce def-
fein , quoique très-louable & très-utile, eau fa une
révolte prefque générale dans le royaume , & que
le clergé & la nobleffe fe liguèrent avec les villes
pour l'empêcher.
On voit encore diverfes ordonnances de Louis
XI, de François premier, de Henri II, de Charles
IX & de Henri III, à cefujet, & dont aucune
n'a été exécutée. Lorfque fous le régne de Louis
XIV on travailla au code marchand , ce projet fut
de nouveau propofé ; il échoua encore, malgré
les mémoires qui alors furent préfentés pour le
faire réuffir.
A Paris , 8c dans les autres villes de l'Europe',
quand on parle dune livre de Poids de marc , on
l entend toujours d'une livre de feizç onces ou de
deux marcs.
Il y a dans le royaume plufieurs villes où il y
a deux Poids différens pour pefer diverfes mar-
chandifes.
A Lyon , le Poids appelé Poids de villes & au-
qnel on donne auffi quelquefois le nom de Poids
fubtil ou U^sr , n'eft que de quatorze onces Poids
de marc. Celui qui efl appelé Poids de foie , parce
qu'il fert à pefer les foies non fabriquées , efl
plus fort d'une once , c'eil-a-dire , que la livre
en eft de quinze onces Poids de marc.
A Rouen , il y a auffi deux fortes de Poids ; l'un
eft le Poids de ville ou de marc, l'autre le Poids
de vicomte. La livre de ce dernier Poids eft plus
forte d'une demi-once , que celle du Poids de
marc , en forte que les cent livres du Poids de
vicomte, rendent cent quatre livres de marc. C'cft
pour cela que les Poids de fer ou de Plomb, dont
on fe fert pour pefer au Poids de vicomte , font
de cent quatre , de cinquante-deux , de vingt-fii
I4S POIDS.
& de treize livres pefant; fur quoi il eft à remar-
quer qu'au deffous de treize livres on ne fe fert
plus de Poids de vicomte , &. que les marchan-
difes y font vendues au Poids de marc.
Le Poids de table eft encore un Poids différent
du Poids de marc. On s'en fert en Provence &
en Languedoc. La livre , Poids de table , eft à la
vérité conipofée de feize onces , aufll bien que celle
du Poids de marc ; mais les onces n'en font pas
fi fortes. Les feize onces , Poids de table , ne font
guère que treize onces ou treize onces & demie ,
Poids de marc , un peu plus , un peu moins , fui-
-vant les lieux. Le Poids de Marfeille , par exem-
ple , mH moins fort que celui de Touloufe.
Par arrêt du 4 feptembre 1776, la cour des
monnoies a fait défenfe aux maîtres balanciers &
autres marchands , de fabriquer & cxpofer en ven-
te aucun Poids de marc , avant qu'il ait été préala-
blement marqué & étalonné fur le Poids original
dépofé au greffe de cette cour.
Voyez l'article Mesure.
POIDS ET CASSE. C eft le nom d'un ancien
droit des comtes de Provence, dont l'origine n'eft
pas connue. On trouve dans les archives de la
chambre des comptes d'Aix , un état du 15 avril
1537, contenant les marchandifes qui fe vendent
au Poids à Marfeille ; mais cet état n'explique pas
ce qu'elles doivent payer.
En 1678 , les négocians de Marfeille préten-
tlirent que l'obligation de faire pefer au Poids du
roi , ne dévoie point s'étendre à toutes fortes de
marchandifes , & que d'ailleurs celles qui fe ven-
doient en détail n'y ètoient point fujettes : un ar-
rêt de la chambre des comptes & cour des aides
»ie Provence , décida qu'il n'y auroit d'excepté
que ce qui feroit au-deffous de trente-fix livres
pefant , de même qualité de marchandifes , & per-
mit aux particuliers de fe fervir de leurs Poids à
cet égard feulement.
Les étoffes ,1a mercerie , la quincaillerie , l'huile
d'olive & les marchandifes qui fe vendent à l'aune
ou à la mefure , ne font pas fujettes à ce droit ; le
charbon, le bois à brûler , le foin, la paille &, le
poiflbn de la pêche des pêcheurs de Marfeille, en
font aufli exempts , quoiqu'ils fe vendent au Poids ;
mais il eft dû fur toutes les autres fortes de mar-
chandifes , drogueries & épiceries à chaque vente
ou revente, tant par le vendeur que par l'acheteur.
On ne levoit anciennement qu'une obole pour
chaque ceru pefant de marchandifes grofTièrcs, 8c
6 fous pour les drogueries , lorfque le vendeur &
l'acheteur étoient de Marfeille, & le double lorf-
qu'ils étoient étrangers : ces droits furent doublés
par la déclaration du mois de mars 1669 ; ils ont
été payés depuis au Poids de table de mer net ,
c'eft-à-dirc fans emballage, par les citadins ou ori-
ginaires de Marfeille, à raifon de trois deniers par
quintal pour les marchandifes groffières , de douze
fous pour les marchandifes fines ou réputées dro-
P OIDS-LE-ROI.
gués, &dcfix fous pour celles qui font appelée
demi drogues ou gurheau.
Les étrangers qui n'ont point acquis le droit de
cité, payent fix deniers par quintal des marchan-
difes groffières , vingt-quatre fous pour les dro-
gues , & douze fous pour le garbeau.
On fe fert au bureau du Poids & Cafle , d'un
état qui a toujours été fuivi pour la difiinciion de ce
qui eft réputé drogue ou demi-drogue.
POIDS-LEROL On appelle ainfi un droit fort
ancien qu'on perçoit pour la pefée qui eft faite ou
cenfée fe faire à la romaine ou au Poids-le-roi , des
marchandifes d'œuvre de Poids (i) ' ^ l'effet d'af-
furer la fidélité des ventes ou des tranfports.
Le Poids-le-roi avoir été aliéné au chapitre de
notre-dame de Paris , ainfi qu'il paroît par un arrêt
du parlement de Paris , qui ordonne que le bail
qu'en avoir fait ce chapitre pour neuf ans , à com-
mencer du 11 août 1663 ' ^^^^oit) ^i^^^^ ^^^ 1* '^'"''^
du 22 feptembre 1660, enregiftréau grefîe de cette
ccur ; mais il a été réuni au domaine par arrêt du
confeil du 24 juillet rè^i.
L'arrêt du 23 feptembre 1692 , en déclarant ce
droit domanial, fit défenfes à toutes perfonnes ,
dans la ville 8t les fauxbourgs de Paris , d'avoir
des fléaux , balances & Poids au-deffus de vingt-
cinq livres , & de vendre ni débiter aucune mar-
chandife fans avoir été pefée au Poids-le-roi,
Le droit de Poids-le-roi fe percevoir dans tous
les cas , tant à l'entrée qu'à la fortie , à raifon de
dix-huit deniers par quintal des marchandifes d'œu-
vre de Poids ; il fut rendu, le 16 juin 1693 , un
arrêt du confeil contenant tarif des droits qui dé-
voient être perçus.
Il devoir être payé , fulvant ce tarif, dix fous cinq
deniers du cent pefant de toutes les marchandifes
comprifes dans le tarif de 1664, fous le nom de
drogueries Si épiceries entrant dans la viHe &
fauxbourgs de Paris , & trois fous par cent pefant
de toutes les autres marchandifes d'œuvre de Poids
entrant dans la ville & fauxbourgs ; au moyen de
quoi il ne devoir être payé aucun droit de fortie
des marchandifes voiturées au Poids hors de la ville
& des fauxbourgs de Paris , mais feulement dix-
huit deniers pour cent des bardes & bagages qui
feroient voitures par les meffagers , rouliers, coches
& carofTes.
Les marchandifes pafiant debout par la ville 8c
les fauxbourgs de Paris , par eau ou par terre , font
déclarées exemples du Poids-le-roi , pourvu qu'elles
(i) Il y a quatre façons de niefu:er toutes les cfpèces de
marchandifes qui entrent dans le commerce , pour fixer le
prix de la vente ou du tranfport, fuivaat la nature de chaque
efpèce; i*. parle nombre, comme on fait les beftiaux; 1".
par leurs dimenfior)s , qui fent la longueur, la largeur & la
profondeur , comme le bois , le marbre , qui fe mefurent fur
les trois -, le drap , les toiles , qui ne fe mefurent que fut deux ,
la longueur ôc la largeur ; j*. par le volume , comme les li-
quides , les grains ; 4". par le Poids , comme le hl , le coton ,
les épiceries &c drogueries. On appelle marchar.difjs d'ctuyr»
de Pcidt ) cell«( de ceue detnièie efpècct
POIDS-LE-ROI.
ne féjournent que trois jours francs , & à la charge
p<ir le, tiidrchands de faire à l'entrée leur déclara-
tion , de repréfenter leurs lettres de voitures, &
de rapporter un certificat de la fortie ; Se faute par
eux de les faire fortir dans les trois jours , elles font
déclarées fujettes au dr»it de Poids.
Le même arrêt permet aux communautés des
marchands &: artifans de la ville de Paris , d'avoir
chez eux des Poids & balances au-deflus de vingt-
cinq livres , pour pefer leurs marchandifes feule-
ment, & non celles des autres, à la charge par
chaque maître qui voudra avoir des Poids & balan-
ces, d'en faire fa déclaration au bureau du Poids-
le-roi au premier janvier de chaque année, Se d"y
payer en même-temps la redevance annuelle con-
tenue au tarif afiêté au confeil le même jour 1 6 juin
1693.
Les marchandifes , hardes , bagages , balles Si
ballots , qui fortent de la ville Se des fauxbourgs de
Paris , tant par eau que par terre , ont été déchar-
gées des droits de Poids-le-roi par les lettres-paten-
tes du 31 acùt 1700 , Si les communautés des mar-
chands & artifans, par l'édit du mois de janvier
1704 , de la redevance annuelle à laquelle ils
avoient été alTujettis par l'arrêt du 16 juin 169-?.
Le doublement du Poids-le-roi a été ordonné en
même temps que celui du domaine 8c barrage , par
la déclaration du 7 juillet 170^, & prorogé par
plufieurs autres déclarations poflirieures.
Les marchandifes qui ne font que du Poids de
vingt-quatre livres &. au-defTous, ne doivent point
le droit, conformément à la déclaration du 12 août
172 1 ; mais les trois fous & leur doublement fe
lèvent fur celles du Poids de vingt-cinq livres & au-
defius , jufqu'à cent livres , comme fi les cent livres
étoient complètes.
Celles dont le Poids ne va que jufqu'à cent vingt-
quatre livres, ne payent que comme cent livres ;
celles décent vingt-cinq livres comme pour deux
cents livres , & ainfi des quantités plus fortes.
A l'égard des drogueries 6c épiceries, les droits
en font dus anffi à l'entrée fur toutes les marchan-
difes comprifes fous ce titre dans le tarif de 1664 ,
à raifon de vingt fous fix deniers par quintal , y
compris-le doublement , conformément aux arrêts
des 16 juin 1693 » dernier mai 1701 , arrêts &
lettres-patentes du 22 juin fuivant. -
Le bureau des finances en première inftance. Se
le parlement en caufe d'appel , connoiiTent des con-
teliations relatives à la perception du droit du
Poids-le-roi.
Ilyaaufïi dans la ville de Poitiers un Poids-le-
roi , au fujet duquel ont été données , le 2 feptem-
bre 1779 , des lettres-patentes que le parlement a
enregiftrées le 22 août 1780 ; elles font ainfi con-
çues :
« Louis, &c. Salut. Par arrêt rendu en notre
» confeil d'état , nous y étant, le 2 feptcmbre 1778,
» nous aurions, pour les caufes contenues en ice-
» ki , fait déienfes à tous marchands forains , voi-
POIDS-LE-ROI. Ï49
»j turîers 8c autres étrangers , de faire pefer aucune
» raarchandife dœuvre de Poids , dans la ville de
n Poitiers , ailleurs qu'au Poids-le-roi de ladite
» ville ; à tous aubergilUs , cabaretiers Se voitu-
» tiers , d'avoir chez eux aucuns fléaux , balances ,
)) romaines Se Poids , Se à tous marchands domici-
» liés en ladite ville , Se autres perfonnes , de pefer
» chez eux , ni fbuffrir qu'il y fou pefé par les iu{-
5> dits marchands forains , voituriers , autres étran-
») gers , Se pour autrui , les marchandifes d'œuvre
» de Poids , achetées ou vendues en ladite ville de
» Poitiers , avec défenfes aux bouchers de pefer
» les^ peaux Se fuifs des bêtes qu'ils tuent, ailleurs
» qu'au Poids-le-roi; le tout à peine, contre les
» contrevenans au règlement ci-delTus, de vingt-
» cinq livres d'amende, de confifcation des fléaux ,
>» balances & marchandifes ; nouo aurions enjoint ,
» fous la même peine , auxdits marchands forains ,
» voituriers Se autres , de faire pefer lefdites mar-
)> chandifes au Poids-le-roi établi en ladite ville de
)) Poitiers, Se de payer au fermier dudit Poids-le-
5) roi , fcs prépofés ou commis ; favoir , un fou fix
V deniers pour cent pefant de marchandifes de
w toutes efpèces ; un fou fix deniers pour chaque
>' peau de bœuf ou vache , fortant de deffiis rai'.i-
V mal; un fou par douzaine de veaux tannés; ik '
n deux fous fix deniers par cochon gras , de qucl-
)j que Poids qu'il foit : nous aurions encore enjoint
yt aux ofliciers du bureau des finances de la ville
» de Poitiers , de tenir la main à l'exécution dudit
j? arrêt , que nous aurions ordonné être imprimé ,
)» publié Se affiché par-tout où befoin feroit , le
» tout fuivant Se ainfi qu'il cû porté audit arrêt ,
» fur lequel nous aurions ordonné que toutes let-
5) très-patentes néceflaires feroient expédiées ; 8c
n voulant que notredit arrêt foit exécnté dans tout
îj {on contenu : à ces caufes Se autres à ce nous
5j mouvant , de l'avis de notre confeil , qui a vu
)> ledit arrêt rendu en notre confeil d'état le 2
Y> feptembre 1778, dont expédition efl ci-attachée
n fous le contre-fcel de notre chancellerie , nous
M avons , conformément à icelui , fait , & par ces
)) préfentes fignées de notre main , faifons djfenfes
T> à tous marchands forains , voituriers Se autres
•^ étrangers qu'il appartiendra , de faire pefer au-
V cune marchandife d'œuvre de Poids dans la ville
» de Poitiers, ailleurs qu'au Poids-le-roi de ladite
»j ville ; à tous aubergines, cabaretiers Se voitu^
» riers, d'avoir chez eux aucuns fléaux , balances,
H romaines Se Poids , & à tous marchands donii-
n ciliés en ladite ville , Se autres perfonnes , de
» pefer chez eux , ni fouffrir qu'il y foit pcfé par
n les fufdits marchands forains , voituriers , autres
)» étrangers , Se pour autrui , les marchandifes d'œu-
V vre de Poids, achetées ou vendues en ladite viile
j) de Poitiers. Faifons pareillement défenfes aux
j» bouchers de pefer les peaux Se fuifs des bêtts
» qu'ils tuent , ailleurs qu'au Poids-le-roi , le tout à
» peine par les contrevenans au règlement ci-dcf-
îj fus , de vingt-cinq livres d'amende , cit confifca-
ip POIDS. LE-ROl.
» tion dcrdirs fléaux , balances & maichnndire?.
>» Enjoignons , Tous la mcme peine, aiixdirs mar-
»> chands forains, voitiiriers Sc autres qu'il appar-
« tiendra , de faire pefer Ic-rdites iKarchan<lifes au
» Poids le-roi établi en ladite ville de Poitiers , &
i> de payer au fermier dudit Poids-le-roi , fes pré-
» pofés ou commis ; favoir, un fou fix deniers par
» cent pefant de marchandifes de toutes efpèces ;
»> un fou (îx deniers par chaque peau de bœut ou
» vache fortant de defliis l'animal ; un fou par
j> douzaine de veaux tannés, & deux fous fix de-
» niers par cochon gras, de quelque poids qu'il
« foit : enjoignons aux officiers du bureau des finan-
»> ces de la ville de Poitiers , de tenir la main à
5» l'exécution des préfentes. Si vous mandons, &c. ».
POINÇON. C'eft un inftrument dont o^ fe fert
ponr marquer 3 des pièces d'orfèvrerie. Foye;^ les
articles MARQUE, BiJOU, Or , & OrF£vre.
Par arrêt rendu au confeil d'état du roi le lo
feptembre 1783 , les gardes des maitres orfèvres
de Paris ont été autorifés à porter jufqu'à fix , le
nombre des Poinçons defiinés à contremarquer les
menus ouvra^jes d'or (i).
-^
(l) Voici cet arr ce:
Le roi étant inform; que les gardes du co'ps âe^ maîtres
orftvres de Paiis emploient iiuatre difFérenres ei'p-ces de poin-
çons poi:r contic marquer les ouvrages d'or &: d'argent, fui-
vant la grandeur & l'epaifTeur de ces ouvrages , ain(i qu'il ell
poitépar l'article II du titre X de leurs flatuts, mais que ces
mcnacs ftituts ne s'expliquent point fut la quotité des Poin-
çons de chaque efpcce, en forte que c'eft moins par l'cftet
desréglemens que par l'ufage , que le nomlne de ces Poin-
çons fe trouve fixé ; favoir , à quatre pour ceux qui font def-
tinés à contre- marquer les gros ouvrages d'or iSc d'argent , à
fix pour ceux qui fervent à ia contre marque <i<:s moyens ou-
vrages d'or, pareillement à fix pour ceux qui font employés à
coiitte-marq'jet les moyens ouvrages d'irpent , & entîn à
ieu% feulement pour ceux qui ne fervenr que pour les menus
ouvrages d'or , lefquels , en raifon de leur petit volume, ne
peuvent être cflayés qu'aux touchaux. Si majeilé étant d'ail-
leurs inllruite que les menus ouvrages d'or'de cette dernière
efpcce fe font (1 prodigicufement multipliés, que le» deux
fculs poinçons qui font delHnés à les contre-marqucr, ne peu-
vent plus fuiïite pour faire ce fetvice avecla célérité que lesbe-
foins du commerce exigent, elle auroit jugé convenable d'au-
torifer lefdits gardes à augmenter le nombre de ces Poinçons.
A quoi voulant pourvoir : ouï le rapport du lîeur le Févrc
4'Oriiieflon , confeiller d'état ordinaire & au confeil royal ,
contrôleur général des finances ; le roi étant'cn fon confeil ,
a ordonué & ordonne que le nombre des poipçons dclUnés à
contre marquer les nierius ouvrages d'or qui s'clTayent aux
touchaux, lequel étoit fixé à deux, fera porté à fix. Veut ia
niajeflé que les quatre nouveaux Poinçons de cette elpèce
foient, conformément à l'arricle IV du titre X du règlement
«le l'orfèvrerie , infculpés fur la table de marbre , ét.ant au
steffe de la coût des monnoies , à laquelle inlculpaciou fera
letermierda droit de marque fur l'or & l'argent dûment ap-
pelé : comme auflî ordonne fa majeilé qu'en eiécuiion de Par-
licle VI du même règlement , lefdits Poinçons de contre-mar-
que feront pareillement infculpés au bureau de la maifon
commune , & à l'iullant dépofés avec leurs manices dans une
calfette dont les gardes auront feuls les clefs, &r fera ladite
çalTette enfermée audit bureau dans un coffre fermant à plu-
fieurs ferrures , de l'une dcrquelles ledit fermier aura la clef :
(tpjoim fa majçfté «ux olBciert de la cput des mcnnoiss de |
O I N Ç O N.
Et par une déclaration du 15 décembre 17?; ,
enregifirée à la cour des monnoies le 26 mai 1784,
le roi a ordonné que chaque communauté d'orfè-
vre , auroit à l'avenir un Poinçon de contre-mar-
que particulier & invariable ( i ).
teritlamain à l'exécution du préfent arrêt , fur lequel, (î
befoin eà , toutes lettres nécclFaircs feront expédiées. l'ait, flcc.
(:) Voici cette loi :
Louis, ôcc. Salut. Le nombre des communautés d'oifévre»,
étant beaucoiip augmenté depuis queU^ues années , les Poir\-
çons de contremarque des m^iifons communes fe font telle-
ment multipliés, qu'il arrive fouvent que, comme elles em-
ploient prcfque toutes une des lettres de l'alphabet pour mar-
que dillinctive , il s'en trouve plulieurs qui ont a la fois &
dans la même année , la mê ne lettre pour con:rc-marque. La.
confufion qui naît de cet état des chofes , nous a paru abfolu-
ment contraire au vœu des erdonnances & aux réglemenî
concernant l'ttabliflenient du poinçon de contre-marque ,
tant parce qu'elle favorife l'abus qu'on poLrroit faire de ce
Poinçon pour contre-marquer des ouvrages qui ne feroient
pas au titre, que parce qu'elle tend à priver nos lujets d'une
rcttourcc que la loi leur a ménagée pour recounoicre les au-
teurs de ces abus : Nous avons penfé que le plus sûr moyen
de rétablir l'ordre dans cette partie, feroit d'ordonner qu'i
l'avenir le Poinçon de conrre-marque de chaque maifon com-
mune , poiteroit une marque particulière &: invariable , qui
ferviroit à le dillinguer des autres Poinçons de même nature ,
&.Î laquelle on ajouterait le milléfime de l'année dans la-
quelle les gardes de la communauté auioient été inllailés ,
afin d'ctte à portée de les reconnoître dans tous les temps. A
ces caufcs , âc autres à ce nous mouvant, de l'avis de notre
confeil , &: de notre certaine fcience , pleine puiddncc &: au-
torité royale, nous avons dit , dé>:hré &: ordonné, difons ,
déclarons &: ordonnons , voulons &: nous plaît ce qui fuit :
Art. premier. A compter du premier j.-invicr prochain;
toutes les communautés d'orfcvrcs qui n'emploient pour mar-
que dirtinâive du Poinçon de conrre marque de leurs mai-
fons coînmunes, que des lettres de l'alphabet , fcrost tenues
d'y fubftituer d'autres marques particulières, lefquellcs feront
invariables ; ces Poinçons fe renoavell.-ront cependant comme
par le paffe, à chaque changement de gardes , & 011 y ajou-
tera le millèfi ne de l'année dans laquelle les nouveaux gar-
des feront inllailes, afin qu'on puifle reconnoître à quelle
époque un ouvrage contre-marqué aura reçu l'empreinte JuJic
Poinçon , & pai quels gardes elle aura été appofée.
II. Nous avons renouvelé & renouvelons les défenfes por-
t(;es par les éciits des mois de mars I5 ^4 &: janvier 170S, Sc
par la déclaration du Zj novembte 1721 , de contre-marquer
les ouvrages qui ne fe.'oientpas au titre : Voulons que dans
le cas où quf Iqu'ouvrage d'or ou d'argent revêtu d'un Poin-
çon de contre-marque, fe trouvçroit êtreà un titre inférieur i
celui que prefcij/ent les réglemens , il foit faUi Se confifqué à
notre profit : Voulons pareillement que, conformémen't aux
difpofitions de l'article XII de l'ordonnance du 12 novembre
tCoS , les jutés-gacdcs qui l'auront contre marqué , foitnt
tenus d'en répondre, & qti'i!s foient en conféquencc con-
damnés à en rembourfer la valeur entière au propriétaire , &
à une amende proportionnée à la nature du délit.
III. J'aur mettre notre cour des njonnoies , afnfi que lec
officiers des fièges qui y refîbrtinent, & même le public, i
porrée de reconnoître plus facilement les Poinçonsde chaque
mailon commune , voulons que chaque communauté envoie
à notre procureur généra! en la cour des monnoies, l'em-
preinte figurée du Poinçon particulier, dont elle aura fait
choix 5 & que toutes ces empreiates qui feront dii^érentee
entr'cilf s , &: en marge dcfquelles fcreut les noms des com-
munauxs à qui elles appartiendront, foient réunies fur un on
plufieurs tableaux qui feront dépofés au greffe de notredirc
cour , pout fcivir de lenrcigneiueBs tint à aos oiâciert qu'aux
POINÇON.
L'article premier de h déclaration du 4Jai:vier
1724, veut que ceux qui calquent, contretiren:
ou contrefont le Poinçon des villes dans lefquelîcs
il y a jurande , ou les poinçons des fermiers du roi ,
eu qui s'en fervent pour une fauffe marque, foient
condamnés à faire amende honorable devant les
portes de la principale églife de la juridiâion du
lieu où le faux aura été découvert , Si. à être en-
luite pendus U étranglés.
Et, fuivant l'article premier de la déclaration
du 19 avril 1739, ceux <^ui abufcnt , enjquelque
inaiiiérc que ce foit , des Poinçons de contremar-
que de Paris, & des autres villes du royaume où
il y a jurande, & qui les entent, foudent , ajou-
tent, ou appliquent fur des ouvrages d'or & d'ar-
gent qui n'ont point été portJs , effjyés & mar-
qués dans les bureaux des maifons communes ,
doivent être condamnés a faire amende honorable
aux portes de la principale églife Se de la juridic-
tion du lieu où le faux a été découvert , & à fubir
la peine de mort.
» Vo .lions à cet effet, porte FarilcU a de cette
4) dernière loi , que tous les ouvrages d'or & d'ar-
3> gcnt, fur lefquels lefdits Pomçons fe trouve-
» roi.t entés, fondés , ajoutés , ou appliqués, en
i> quelque manière que ce foit, foient faifis & en-
j» levés chez tous les orfèvres , ou autres ouvriers
M travaillant en or ou en argent, par les maîtres
>» gardes defdits orfèvres de Paris & des autres
« villes de notre royaume, ou par tous autres ju-
« rés officiers ou prépofés ayant droit faire des
5> vifites chez lefdits orfèvres, ou autres ouvriers ,
y» pour être par eux portés dans les vingt-quatre
» heures après la faifle , avec les procès-verbaux
» qu'Us en auront dreffés, dans la forme prefcrite
particuliers qui auroient à fe plaindre du tftre de quelques
ouvrages dont le Poinçon leur feroi: inconnu : Vouions suiri
que chacune defdiies comniunautcs adrelTe une pareille em-
preinte au l'ubilitut de notre procureur général au lîè^e de la
nconnoie dans le leiTort duquel elle le trouvera iituée , &
qu'il foit pareillement formé un tableau particulier des em-
preintes de ces dittéientes communautés , lequel fera placé
dans la chambre où fe tiendiont les audiences des oHiciers
duJit (îcge , pour fervir auHI de renfeignement.
IV. Les ordonnances , édits, arrêts & réglemens concer-
nant l'infciilpation, l'appoïKion ic la grrde defdits Poinçons
de contre-marque , feront au furp lus exécutes félon leur forme
Se teneur. Si donnons en uiandemen: à nos amés & fcaux
ccnieillcts les gens tenant notre cour des monnoies i Pa
lis, &c.
L'arrct d'enrcgiftremfnt eft ain^ cançu :
Enregifttée , ouï , ce requérant le ptocureur gênerai du
roi , pour être exécutée félon fa forme &: teneur ; à la charge
1". qu'au liïu du iiiiL'éhine , ii fera ajouté â la marque dif-
tindive &; invariable du Poinçon Je contre-mar^jue de cha
que comnunauté d'orfèvres, un nuir.éro ou accompagne-
ment fecict qui variera à tous es changemensde gardes ; a".
q«'il en fera ufe de même pour les Poinçons de toucheau; 3".
que li cour envet a aux otïiciers des lîcges des monnoies , les
empreintes figurées des Poinçons de contre mari;ue& de tou
chcau dont les communautés d'orf.vres dépendantes de leu-
reilort feront tenues de fe letvir ; Je leia ladite déclaration
iiiipriinte , publiée & aiEthi^e , 5:c.
POINT D'HONNEUR. 151
» par nos ordonnances , au greffe àe nos cours des
» monnoies , ou des juges y reffortiflans , auxquels
« la connoifTance. de ce faux appartient , pour y
5) être pourfuivis 6c jugés conformément à ces
j> préfentes ».
P O I iN T D' H O N N E U R , CH tribunal du
Point d'honneur. C'eft une jurididion militaire
dont l'exercice ed confié à MM. les maréchaux de
France.
Ce, tribunal fe tient chez le plus ancien d'entre
eux , qui fe nomme premier maréchal de France ,
ou doyen des maréchaux de France.
La juridi61ion qu'ils exercent dans ce tribunal ,
efldifferente de celle qui s'exerce , en leur nom ,
au tribunal de la connétablic dont ils font les chefs ,
& ou ils vont fiéger lorfqn'ils le jugent à propos.
La connétablie connoît , entre les gens de guerre ,
de tout ce qui a rapport à la guerre , tant en matière
civile que criminelle.
Dans le tribunal du Point d'honneur, les maré-
chriux de France connoilfent par eux mêmes, &
fans appel , de tous différens mus entre gentils-
iiommes , pour raifon de leurs engagemens de pa-
roles , & de leuis billets d'honneur.
La connoifTance des matières qui dépendent du
Point d'honneur, fut attribuée aux maréchaux de
France par des édits & déclarations des rois Henri
IV & Louis xin.
Le roi Louis XIV avoit ordonné, dès le pre-
mier juillet 165 1 , aux maréchaux de France de
s'afTembler pour conférer entr'eux à ce fujet.
Il leur ordonna encore , par fa déclaration con-
tre les duels, enregiftrée au parlement le 2q juillet
1653 , de s'alTembler inceffamment pour drelTerun
règlement, le plus exaft & diflinâ qu'il fe pour-
roit , fur les diverfes fatisfaftions & réparations
d'honneur qu'ils jugeroient devoir être ordonnées
fuivant les divers degrés d oflenfes , & de telle forte
que la punition contre Taggreffeur & la fatisfa<5lion
à l'offenfè fuffent fi grandes & û proportionnées
à l'injure caufée , qu'il n'en pût renaître aucune
plainte ou querelle nouvelle ; pour être ledit règle-
ment inviolablement fuivi & obfervé à l'avenir ,
par tous ceux qui feroient employés aux accorn-
modemens des différens qui toucheroient le Point
d'honneur & la réputation des gentilshommes.
En conféquence de ces ordres du roi , les maré^
chaux de Fiance firent, le 22 août 1653 > "" règle-
ment fur les diverfes fatisfaâions & réparations
d'honneur.
Ce premier règlement fut fuivi d'un autre du 22
août 1679, qui fut autorifé par un édit des mêmes
mois & an , concernant les duels , qui attribue aux
maréchaux de France, privativement à tous autres
juges, la connoiffaHce de tous les différens entre
gentilshommes , ou ceux qui font profeffion des
armes dans le royaumes, procédans des paroles
outrageufes, ou autres caufes touchant l'honneur.
Cet edit les autonfeà commettre dans chaque bail-
151 POINT D'HONNEUR.
Imge ou finéchauffée , un ou plufieurs gentilshom-
mes , pour recevoir les avis des differens qui fiir-
viennent entre gentilshommes &: gens de guerre ,
& les renvoyer aux maréchaux de France , ou aux
gouverneurs & lieutenans généraux des provinces ,
lorfqu'ils y feront préiens.
Ce même édit attribue aux maréchaux de France
la connoiflance des diffirens qui furviennent entre
gentilshommes à Toccafion de la chaflc, des droits
honorifiques & autres prééminences des fiefs &
feigneuries, lorfque le différent fe trouve mêlé
avec le Point d'honneur.
Ces règlemens ont été confirmés par une décla-
i-ation du l^ avril 1723 , où font marquées les di-
verfes fatisfaflions & réparations d'honneur qui
doivent être ordonnées fuivaot les divers degrés
d'offenfe.
Par des édits des mois de mars 1693, oftobre
1702 & 1704, Se novembre 1707, le roi a créé
dans chaque bailliage , fénéchauiTée, duché-pairie
& autre juffice du royaume , qui relèvent nuement
au parlenïent, un lieutenant des maréchaux de
France , pour connoître & juger les difierens qui
furviennent entre les gentilshommes ou autres fai-
fantprofeflion des armes , foit à caufe des chaffes,
droits honorifiques des églifes , prééminences des
liefs & feigneuries , ou autres querelles mêlées avec
le Point d'honneur, enfemble un office d'archer-
garde de la connétablie & maréchauflée de France
pour fervir près d'eux.
Le rapport des affaires qui dépendent du Point
d'honneur , exigeant de la méthode & des princi-
pes ,' le roi a établi un maître des requêtes pour
taire cette fonffion au tribunal de MM. les maré-
chaux de France.
Dans les provinces , les lieutenans des maré-
chaux de France n'avoient d'abord perfonne en
titre auprès d'eux , foit pour faire linfïrui^ion de
ces fortes d'affaires , ou pour en faire le rapport.
Ils étolent fouvent obligés d'avoir recours aux pré-
vôts des maréchaux & à leurs greffiers, auxquels
cette fonflion n'étoit cependant point attribuée.
Mais comme les différens qui arrivent entre la
noblefTe font fouvent embarrafîes de plufieurs faits
de procédures & difcuffions difficiles, le roi Louis
XIV , pour augmenter la juflice des maréchaux de
France & foulager leurs lieutenans, par un édit du
mois d'oâobre 1704, regiflré au parlement le 18
décembre fuivant, créa dans chaque endroit , où il
y avoit un lieutenant des maréchaux de France ,
un office de confciller du roi , rapporteur du Point
d'honneur, pour inftruire toutes les affaires qui
furviennent entre les gentilshommes ou autres fai-
fant profelfion des armes , tant à caufe des chaffes .
droits honorifiques des églifes , prééminence des
fiefs & feigneuries , que des autres querelles mê-
lées du Point d'honneur, conformément aux édits,
& en faire le rapport avec voix confu'tative par-
devant le lieutenant des maiéchaux de France.
Le même édit veut qu'çn l'abfence des lieute-
POINT D'HONNEUR.
nans des maréchaux de France , & dans les lieux
où ils ne font pas encore établis , les confeillers-rap-
porteurs du point d'honneur puiffent faire , de leur
autorité privée, des détenfes ; qu'ils donnent des
gardes fi le cas y échoit , qui feront payés de leurs
falaires fuivant qu'ils feront réglés par le confeiller-
rapporteur ; que lefdits confeillers faffent toutes
les autres fondions attribuées aux lieutenans ; qu'ils
renvoyent enfuite les parties au tribunal de MM. les
maréchaux de France ; & que fi dans la fuite il fe
trouve nécefTaire de procéder à des informations ,
procès-verbaux ou autres procédures, (telles qu'elles
puiffent être , la commiffion n'en puiffe être adreffée
à,d'autres qu'au confeiller-rapporteurjqui aura fait le
renvoi , à peine de nullité.
Il efl en outre ordonné par le même édit, que
dans les lieux de réfidence des commifTaires & in-
tendans départis dans les provinc-es pour l'exécu-
tion des ordres de fa majefîé , lefdits confeillers-
rapporteurs feront près d'eux les fondions de pro-
cureurs du roi , dans les affaires concernant les
recherches des ufurpateurs de noblefTe , & ce à
l'exclufion de tous autres officiers , auxquels il eiï
expreffément défendu de plus s'immifcer en au-
cune defdites fondions.
Le même édit crée & érige en titre d'office for-
mé , un fecrétaire-greffier du Point-d'honneur en
chacune defdites jufiices , pour tenir la plume fous
les lieutenans des maréchaux de France , & fous
les confeillers-rapporteurs du Point d'honneur, les
affifler en toute occafion où les fonifions de leurs
charges les appelleront, rédiger & écrire fous eux
les informations , procès-verbaux & autres aéfes ,
en dilivrer les expéditions néceffaires aux parties,
tenir reglflre en forme fur papier non timbré de
toutes les ordonnances , & en délivrer des ex-
péditions.
Il a été auffi créé par le même édit un archer-
garde de la connétablie , pour , avec celui qui
avoit ci-devant été créé par lefdits édits , réfider ôc
fervir près defJits lieutenans &des confeillers-rap-
porteurs duPoint d'honneur.
L'édit attribue aux confeillers-rapporteurs le
droit de comm'utimus au plus prochain préfidial
de leur réfidence , les mêmes droits , émolumens ,
taxations, exemption de taille, logement de gens
de guerre , uftenfiles , francs-fiefs, ban & arrière-
ban , contribution à iceux , collège , tutèle , cura-
tèle 6c nomination à icelles , & tous autres pri-
vilèges, exemptions , franchifes , honneurs & pré-
rogatives dont jouifTent les prévôts des maréchaux';
un demi-minot de franc-faîé ; rang en public ou par-
ticulier dans les lieux où ils feront établis , immé-
diatement après le dernier des confeillers du préfi-
dial , & où il n'y a point de préfidial après les pre-
miers juges.
Les fecrétaites-greffiers ont rang & féance après
ceux des préfidiaux , & leurs caufes commifes
comme les confeillers-rapporteurs : ils jouiflent des
mêmes
POINT D'HONNEUR.
mêmes exemptions de guet , charges de villes , &
autres droits que ceux dont jouiflsnt les greffiers
des maréchaulTées.
Les archers-gardes jouilTent de l'exemption de
taille , logement de gens de guerre , collecte , tu-
telle , curatelle, nomination à icelle & contribu-
tion , conformément à l'édit de mars 1693 ' ^ '*'"'
rèt du confeil du premier feptembre fuivant.
Ils ont le droit d'exploiter & mettre à exécution
partout le royaume, les arrrèts , fentences, ju-
gemens , contrats, obligations , décrets , & autres
zdcs de juftice de quelque nature que ce foit.
Lesconfeillers-rapporteurs , les fecrétaires-gref-
fiers & les archers , font reçus devant les lieutc-
nans des maréchaux de Fiance , & en leur ab-
fence devant les lieutenans des préfidfâux.
Ils ne {ont point fujets à la milice.
11 eft enjoint à tous les prévôts des maréchaux ,
vice - baillis , vice fénéchaux , leurs lieutenans ,
greffiers & autres , d'obéir promptement aux lieu-
tenans des maréchaux de France , & en l'abfence de
ceux-ci , aux confeillers - rapporteurs , & de metirc
leurs ordres à exécution , lorfque le cas le requiert ;
à peine de fufpenfion de leurs offices & de priva-
tion de leurs charges.
Les privilèges des lieutenans des maréchaux de
France, & autres officiers du Point d'honneur,
ont été confirmés par divers édits , déclarations
& arrêts du confeil.
Suivant la déclaration du 13 janvier 1771 , les
lieutenans confervent leur rang pour parvenir à
toutes les dignités militaires, même pour être reçus
dans l'ordre de faint Louis.
L'uniforme des officiers du Point d'honneur efi
réglé par une ordonnance du roi du 15 juin 1771 :
les lieutenans ont un uniforme de drap bleu de
roi, parement, vefte & culotte écarlate , l'habit
& velle brodés en or.
Les confeillers - rapporteurs & les fecrétaires-
gretïiers, s'ils font gradués , ont le choix de por-
ter l'habit , le manteau & la cravate ou un fur-
tout de drap bleu &. vefle écarlate, le tout avec
une petite broderie en or.
(article de M. Bov CHtR d'Argis avocat
au parlement , &c. )
POISON. On appelle ainfi les drogues ou com-
pofîtions vénéneufes qui peuvent caufer la mort.
On diftifigue en médecine plufieurs efpèces de
Poifons plus ou moins aâifs. Il y en a qui tuent
prefque fur le champ , d'autres dans quelques
heures , après quelques jours , quelques mois , &
même , à ce qu'on prétend , après plufieurs an-
nées Les adlifs excitent les fymptômes les plus
terribles, pendant que les plus lents agiHent in-
fenfiblement , & jettent dans une langueur ou
maraime, dont on ignore très-communément la
fource.
Ceux qui emploient le Poifon pour faire mourir
quelqu'un , commettent une clpèce d'homicide
Tome XIIL
POISON. in
beaucoup plus criminel que celui qui fe comm^*
parle fer; attendu qu'on peut fe garantir de celui*
ci , au lieu que l'autre renferme toujours une trahi"
fon,&eft fouvent commis par ceux dont on fe
défie le moins.
Ce crime fe commet plus communément par les
femmes , parce que la foibleffe de leur fexe ne leur
permettant pas de fe venger à force ouverte &
par la voie des armes , les engage à prendre une
voie plus cachée, &à avoir recours au Poifon. Il
y en a un exeinple célèbre rapporté par Tite-Live.
Cet bi/lorien raconte que feus le confulat de
Mardis Claudius Marcellus & de Caïus Valerius ,
il fe fit un grand nombre d'empoifonnemens dans
la ville de Rome par les dames romaines ; que la
mort fubite de plufieurs perfonnes de toutes fortes
de qualités , ayant caufé de l'étonnement & de la
crainte à toute la ville , la caufe de ce mal public
fut révélée par une efclave qui en avertit le ma-
giftrat , & qui lui découvrit que ce qu'on avoit
cru jufque-là être une intempérie de l'air , n'ctoit
autre chofe qu'un effet de la malice des femmes
romaines , qui fe fervoient tous les jours de Poifon
pour faire périr ceux dont elles vouloient fe dé-
faire ; & que fi on vouloir la fuivre & lui pro-
mettre qu'il ne lui feroit rien fait, elle en feroit
connoitre la vérité. Sur cet avis, on fit fuivre l'ef-
clave, & on furprit plufieurs dames qui compo-
foient des Poifons, & quantité de drogues cachées ,
qu'on apporta dans la place publique. On y fit
auffi amener vingt dames romaines , chez lefquelles
on les avoit trouvés. Il y en eut deux qui foutin-
rent que cesmédicamens étoient des remèdes pour
la fanté ; mais parce que l'efclave qui les avoit
accu fées fourenoit le contraire, on leur ordonna
de boire les breuvages qu'elles avoient compofés ;
ce qu'elles firent toutes , & moururent en même
temps. Cela donna lieu de faire arrêter les com-
plices , qui en découvrirent plufieurs autres ; en
forte qu'outre les vingt dont on vient de parler,
on en punit encore foixante-dix autres.
Environ deux cens ans après cet événement ,
Lucius Cornélius Sylla fit une loi , appelée de (on
nom Cornelia deveneficiiSfpzr laquelle il prononça
la même peine contre les empoifonneurs que contre
les homicides , c'eft-à-dire , l'interdiftion de l'eau &.
du feu.
La conftinuion Caroline, article 130, porte,
que celui qui attentera à la vie d'un autre par le
Poifon , fera condamné à la roue, ainfi qu'un af-
faiïin; & que fi c'eft une femme, elle fera préci-
pitée dans l'eau, ou punie d'une autre peine de
mort , fuivant ce qui fe trouvera en ufage ; & de
plus, que les coupables feront traînés fur la claie
au lieu du fupplice , & , avant l'exécution , te-
naillés avec des fers ardens plus ou moins , félon
l'état des perfonnes 8c la nature du délit.
Parmi nous , la peine du crime de Poifon efl aufll
la mort , & le genre du fupplice eft plus ou moins
févère , félon les circonftances.
V
-134 POISON.
Un édit du mois de juillet 1682, contient fur
cette matièie les diCpofitioas luivantes :
» Article 4. Seront punis de mort tous ceux
tt qui feront convaincus de s'être fervis de véné-
»» fices & de Poifon , foit que la mort s'en foit
»> enfuivie ou non, comme auffi ceux qui feront
»» convaincus d'avoir compolé ou dillribué du Poi-
V fon pour empoifonner. Et parce que les crimes
•> qui fe commettent par le Poifon , font non-fcu-
»> lement les plus déteftables & les plus dange-
»» reux de tous, mais encore les plus difficiles à
•» découvrir, nous voulons que tous ceux, fans
M exception, qui auront connoiiTance qu'il aura
f» été travaillé à faire du Poifon , qu'il en aura été
M demandé ou donné, foient tenus de dénoncer
» incelTamment ce qu'ils en fauront à nos procu-
» reurs-généraux ou à leurs fubftituts , & en cas
?♦ d'abfence , au premier officier public des lieux,
î> à peine d'être extraordinairement procédé con-
» tr'eux , & punis félon les circonflances & l'exi-
î» gence des cas , comme fauteurs & complices
3» deldits crimes , & fans que les dénonciateurs
» foient fujets à aucune peine , ni même aux in-
» térêts civils, lorfqu ils auront déclaré' & arà-
»» culé des faits ou des indices confidérables qui fe-
>> ront trouvés véritables Se conformes à leur dé-
»» nonciation , quoique dans la fuite les perfon-
n nés comprifes dans lefdites dénonciations foient
» déchargées des accufatioHS : dérogeant à cet
« cftet à l'article 37 de l'ordonnance d'Orléans ,
w pour l'eôet du vénéfice & du Poi(on feulement ,
»> iaufà punir les calomniateurs , félon la rigueur
>* de ladite ordonnance.
»» 5. Ceux qui feront convaincus d'avoir attenté
»} à la vie de quelqu'un par vénéfice & Poifon ,
j» en forte qu'il n'ait pas tenu à eux que ce crime
n n'ait été confommé , feront punis de mort.
j> 6. Seront réputés au nombre des Poifons , non-
« feulement ceux qui peuvent caufer une mort
V prompte & violente, msis aufll ceux qui , en al-
•) térant peu à peu la fanté , caufent des maladies ,
» foient que Icfdits Poifons foient fimples , natu-
m rels ou compofés , & faits de main d'artifle ; &
» en conféquence défendons à toutes fortes de
»> perfonncs , à peine de h vie , même aux mé-^
j> decins, apothicaires & chirurgiens, à peine de
j7 punition corporelle , d'avoir & garder de tels
3) Poifons , fimples ou préparés , qui , retenant tou-
>» jours leur qualité de venin, & n'entrant en au-
w cune compofirion ordinaire, ne peuvent fcrvir
« qu'à nuire , & font de leur nature pernicieux &
»> mortels.
j) 7. A l'égard de l'arfenic , du réalgal , de l'or-
M piment & dufublimé, quoiqu'ils foient Poifons
» dangereux de toute leur fubfîance , comme ils
M eutrent & font employés en plufieurs compo-
i> fnions néceffaires , nous voulons , afin d'em-
j» pêcher à l'avenir la trop grande facilité qu'il y
» a eue jufqu'ici d'en abufer , qu'il ne foit per-
w mis qu'aux njarchands qui demeurent dans les
POISON.
» villes, d'en vendre & d'en livrer eux-mêmes
>» feulement aux médecins, apothicaires, chirur-
» giens , orfèvres , teinturiers , maréchaux &: au-
» très perfonnes publiques, qui par leur profef-
>» fion font obligés d'en cmplo)'er; lefquels néan-
» moins écriront en les prenant fur un regiftrc-
» particulier , tenu pour cet effet par lefdits mar-
» chands , leurs noms , qualités & demeures , cn-
» femble la quantité qu'ils auront prife defdits mi-
5) néraux ; & fi au nombre defdits artifaus qui s'en
» fervent , il s'en trouve qui ne fâchent pas écrire ,
» lefdjts marchands écriront pour eux ; quant aux.
'> perfonnes inconnues auxdits marchands , com-
» me penvent être les chirurgiens & maréchaux
" des bourgs & villages, ils apporteront des cer-
» riticais en bonne forme , contenant leurs noms ,.
» demeures & profeilions , fignés du juge des
>» lieux , ou d'un notaire , & de deux témoins ^
» ou du curé 6c de deux principaux habitans,
» lefquels certificats &. atteilations demeureront
M chez lefdits marchands pour leur décharge. Se^-
» ront aufii les épiciers , merciers & autres mar-
» chands demeurans dans lefdits bourgs 6c villa-
» g.es , tenus de remettre incefiamment ce qu'ils
» auront defdits minéraux , entre les mains des
» fyndics , gardes ou anciens marchands épiciers
» ou apothicaires des villes plus prochaines des-
»* lieux olii ils demeureront, lefquels leur en ren-
» dront le prix , le tout a peine de trois mille livres
» d'amende, en cas de contravention , même de
» punition corporelle s'il y échet.
)) 8. Enjoignons à tous ceux. qui ont droit , par
M leurs profelfions & métiers , de vendre ou d'à;-
n cheter des fufdits minéraux, de les tenir en des
» lieux siirs , dont ils garderont eux-mêmes la clef.
" Comme auffi leur enjoignons d'écrire fur un re-
)» girtre particulier la qualité des remèdes oii ils
)> auront employé defdits minéraux , les noms de
» ceux pour qui ils auront été faits , 8c la quan-
» tité qu'ils y auront employée, & d'arrêter à ia
n fin de chaque année fur leurfdits regifires , ce
j> qui leur en refiera , le tout à peine de mille livres
n d'amende pour la première fois, & de plus gran-
» de s'il y échet.
» 9. Défendons aux médecins, chirurgiens,
M apothicaires, épiciers droguiftes , orfèvres, tcin»
»• turiers , maréchaux & tous autres . de diflribuer
» defdits minéraux en fubflance à quelque per-
» fonne que ce puiffeêtre, & fous quelque prè-
» texte que ce foit , fur peine d'être punis corpo-
«. rellemcnt ; & feront tenus de compofer eux-
» mêmes, ou de faire compofer en leur préfcnce
» par leurs garçons , les remèdes où il devra en-
» trér néceffairement defdits minéraux , qu'ils don-
» neront après cela à ceux qui leur en dcmande-
» ront pour s'en fervir auxuiages ordinaires.
« 10. Défenfes font aufTi faites à toutes perfon-
» ncs , autres qu'aux médecins & apothicaires
» d'employer aucuns infeiSles venimeux , comm^
» ferpens ^.crapeaux , vipères & autres femblables-
POISON.
■» fous prétexte de s'en fervir à de^ médicamens
» ou à faire des exp>:ricnces, & fous qtielqu'av.trc
»> prétexte que ce pinHe être , s'ils n'en ont la pei-
" miiTion exprefle & psr écrie.
» II. Faifons très - exprefles défenfes à toutes
M perfonncs de quelque profelîion & condition
» qu'elles foient , excepté aux médecins approu-
« vés , & dans le lieu de leur réfidence , aux pro-
i> fe/Teurs en chimie , & aux maîtres apothicaires ,
» d'ivoir aucun laboratoire , & d'y travailler à
» aucune préparation de drogues ou diiîillations ,
» fous prétexte de remèdes chimiques, fccrets par-
» ti'culiers , recherche de la pierre philofophale ,
w converfion , multiplication ou raffinement des
» métaux , confeâion de criflaux ou pierres de
»♦ couleur, & autres femblables prétextes, fans
M avoir auparavant obtenu de nous ,par lettres du
» grand fceau , la permiffion d'avoir lefdits labo-
>» ratoires, préfenté lefdites lettres ik fait déclara-
»' rion en conféqucncc à nos juges &. officiers de
« police des lieux. Défendons pareillement à tous
»» difîillateurs , vendeurs d'eau-de-vie , de faire au-
" tre diflillation que celle de l'eau-de-vie 6c de
" l'efprit de-vin , fauf à être choifi d'entr'eux le
V nombre qui fera jugé néceflaire pour la confec-
» tion des eaux fortes , dont l'ufage eft permis ,
» Icfquels ne pourront néanmoins y travailler
» qu'en vertu de nofdites lettres , & après en
» avoir fait leurs déclarations , à peine de puni-
» tion exemplaire ».
Une jeune femme de la paroiflTe de Vitri aux
Loges , âgée de 14 ans & demi , ayant , par l'inf-
tigation de fon curé , empoifonné fon mari en lui
donnant de l'arfenic dans du lait, a été condam-
née, le 12 feptenibre 1602 , à être pendue & en-
f'iite brûlée. La fervente du curé , convaincue d'a-
voir préparé le Poifon , a été condamnée le 26 du
même mois , à être pendue , & le curé , convaincu
d'inceOe avec cette jeune femme , a été condamné
à être brûlé vif.
La marquife de Brinvillîers , convaincue d'avoir
fait empoifonner fon père & fes deux frères , dont
l'un étoit lieutenant civil au châtelet , & l'autre
confeiller au parlement de Paris, & d'avoir at-
tenté à la vie de fa fœur , a été condamnée , pr,r
arrêt du 16 juillet 1676,3 faire amende honora-
ble , à avoir la tête tranchée en place de Grève ,
& à être enfuite brî'ilée, après avoir été préala
blenient appliquée à la queftion ordinaire & ex-
traordinaire , pour avoir révélation de fes com-
plices.
Par un autre arrêt du 7 O(51obre 1734, le parle-
ment a condamné Pierre Guet à être brûlé vif pour
crime de Poifon.
Barbe Leleu a pareillement été condamnée , par
arrêt du 1 1 janvier 1759,3 être brûlée vive , pour
avoir empoifonné plufieurs perfonnes.
Par un autre arrêt du 18 août 1767 , Marie
Sotton , femme d'un boulanger , a été condamnée
à être peadue Se enfuite brûlée , pour avoir cni-
POISON. ij^
poifon né plufieurs perfonnes, & volé un enfant
de trois lemaines.
Par un autre arrêt du 9 mars 1775, '*^ parle-
ment a condamné Marie-Jeanne Maugras , fervante
domeftique , à faire amende honorable , ayant écri-
leau devant & derrière portant ces mots : (Empci-
jonnaifc de d^jfiin prémidué) , & à être enfuifc me-
née fur la grande place publique de la ville de Soif-
fons, pour y être attachée à un poteau avec uns
chaîne de fer , & brûlée vive , pour avoir , de del^
fein prémédité , empoifonné dans des alimens &
médicamens, la femme de Regnault , huililer, fa
maitrefTe, dont elle eft morte.
Par un autre arrêt du 29 mai fuivant, le parle-
ment a condamné Jean Fouaflbn à être rompu vif,
& à être en,fuite jeté dans un bûcher ardent ,
pour avoir empoifonné fa belle- mère & fes beaux-
irères.
3> Et , faifant droit fur les conclufions du pro-
1) cureurgénéral du roi , il a été ordonné qu. les
» ordonnances , arrêts & régLiuens de la cour ,
» concernant la vente de l'arfenic , du réalgal ,
» de l'orpiment & du fublimé ,& notamment le»
?» articles 7 , 8 & 9 de l'édit du mois de juillet
') 1682 , enregiftré en la cour le 30 août fuivant,
M feroient exécutés fuivant leur forme tk teneur ;
» en conféquence , il a été fait défenfe^, d'y con-
» trevenir, fous les peines y portées, ordonné
» qu'à la requête du Procureur-général du roi , des
i> exemplaires dudit édit feroient envoyés dans
» toutes les paroilfes des villes , bourgs & villa-
1) ges du reffort , pour être lu & publié aux prô-
» nés defdites paroiffes, & affiché aux portes àss.
» églifcs collégiales defdiis litiix; de laquelle pu-
» blication les curés & vicaires des paroiffes , cha-
» cun en droit foi , feroient tenus de juftifier aux
iy fubftituts du procureur général au roi plus pro-
.■) chains des lieux :ila d'ailleurs été enjoint aux offi-
» ciers de police defdits lieux , chacun en ce qui
» les concernoit , de veiller à l'exécution defdits
)j articles fept , huit oC neuf dudit édit ; & , à cet
» eiïet, qu'ils feroient tenus, au commencement
» de chaque année, de faire une vifite exaéle ,
» affiftés de gens à ce connoiffans , chez tous les
j> marchands demeurans dans lefdites villes, bourc^g
1) & villages , pour connoître ceux qui, au préju-
^y dice dudit édit r, pourroient avoir d'ans leurs bou-
5> tiques quelques parties des minéraux y dé/îgnés ;
» contraindre ceux defdits marcliands chez lef-
n quels il s'en trouveroit , pour la première fois,
j> de les remettre, aux termes dudit édit, en-
n tre les mains des Syndics, gardes ou anciens
» des marchands épiciers ou apothicaires des villes
M les plus prochaines des lieux où ils demeure
» roient, pour les endroits où il n'y a point maî-
» trife ôc jurande , lefqiiels fyndics , gardes ou
n anciens leur en rendroient le prix , "& , en cas
M de récidive , lefdits officiers en donneroient avis
j) au procureur général du roi, pour, fur le compte
» qui eu feroit par lui rendu , y être pourvu d« la
Vi,
156 POISON.
>i manière & ainfi qu'il appartiendroît, defquelles
M vifites lefdits officiers drefleroient precés-ver-
n baux , dont ils cnverroicnt chaque année une
Il expédition au procureur-général du roi ».
Nous avons rapporté à l'article Contradic-
tion, l'arrêt rendu le ç mai, contre le fameux
empoifonneur Defrues.
Par un autre arrêt du 9 Teptembre de la même
année , Pierre Vincent , marchand , a été condamné
à être rompu vif à Angoulême , & enfuite brûlé ,
pour avoir empoifonne plufieurs perfonncs.
Par un autre arrêt du 29 avril 1779, Renée Ri-
chard, veuve de Julien Suhard,a été condamnée à
être brûlée vive fur la place publique de la ville de
Laval , pour avoir empoifonne des enfans.
Des malfaiteurs, répandus dans les villes & les
campagnes , ayant fait prendre à plufieurs particu-
liers qu'ils avoient accoftés fur les routes ou chez
lefquels ils s'étoient introduits fous différens pré-
textes , une liqueur narcotique , affoupifiante 8c
pernicieufe, qui a procuré, au plus grand nombre,
un fommeil léthargique , accompagné de convul-
fions & de délire, divers arrêts du parlement de
Paris ont puni , comme empoifonneurs , plufieurs
de ces fcélérats ( i ).
(1) Voici un de c(s arrêts.
Extrait des regiftres du parlement.
Du j^ janvier lySe.
Vu par la coût les procès ctiminels faits par le prévôt de
Paris, ou fon lieutenant criminel an châtelet, à la requcre
du fubilitut du procureur du roi audit fiège , demandeur &:
accufateur , contre deux quidams , accufcs , abfcns Se coma
max , & encore contre Jol'eph Defcroix, coiffeur; Baltliazar
Carrier, marchand de peaux ; René Plet, marchand de mer-
ceries; l'ierre Coufinotdit Bellecour, épicier • Jacques Flacté
ditl'Oireau, ci devant cabaretier à la Vrilliète, aLluellcment
fans état ; Anne Samfcn , femme dudit Jacques Tlatté dit
rOifeau ; Marie-Jeanne Prot , veuve de Jean Maflelin dit
Bapti.le, &: Philippe Richard, commiffionnaire devins, dé-
fendeurs ic accufés , prifonniers es prifons de la conciergerie
dw palais à Paris , & appelans de la fencencc rendue fur lef-
Jits procès le i j décembre I77:; , par laquelle il a été dit que
les deux procès ctoienr & demeureroient joints , pour être
juges par un feul & même jugement; & y faifant droit, la
contumace a été déclarée bien & valablement inftruite contre
lefdits deux quidams, accufés , abfens ; & avant faire droit
définitivement, il a été dit qu'il feroit plus amplement in
formé des faits mentionnésau p.ocès ; lefdits Jofeph Defcroix ,
Balthazar Carrier &: Jacques Plané, dit l'Oifeau, ont été dé-
clarés dûment atteints & convaincus, favoir , ledit Joftrph
Defcroix d'avoir été trouvé faifj d'une montre & d'une bourfe
volées à une femme qui a éré cmpoifonnée dans du vin que
lui ont fait boire trois quidams, defquels effets il a rendu
mauvais compte; & véhémentement fufpeil d'avoir empoi-
fonne , endormi Se volé ladite femme , pat laquelle il eft re-
connu , &■ d'avoir commis le même attentat envers plufieurs
autres pcrfonnes ; ledit Balthazar Carrier, d'avoir efcroqué
au nommé Cailhot,... une fomme de iio livres, en lui don-
nant en nantifTement quatre lingots de cuivre , qu'il lui a dit
être d'or ; ôc encore véhémentement fufpeû d'avoir empoi-
fonne, endoriHi & volé plulïeurs particuliers , par deux def-
quels il efl reconnu ; & ledit Jacques Flatté dit l'Oifeau , d'a-
Toir été ttouvé faiù dans fa chambre de liqueur vénéneufe , J
POISON.
* Cet événement a donné lieu à une déclaration
du roi du 14 mars 1780 , qui , en approuvant la
piopre à affoupir, de laquelle il eft v^^hémentement fufpeift
d'avoir fait ufagc envets pluheuts patticulieis pour les voler,
& reconnu par l'un d'eux , le tout ainlî qu'il cit mentionné
au procès ; pour réparation de quoi ledit Jofeph Defcroix,
Balthazar Carrier, & Jacques Flatté dit l'Oifeau, ont été
condamnés à être conduits à la chaîne , pour y être attaché»
ôc fervit le roi comme forçais fur fes galères à perpétuité ,
préalablement flétris, par l'exécuteur de la haute-juflice , d'un
iei: chaud en forme des lettres G. <^. L. fur l'épaule droite ,
au-devantde la porte des prifons du grand châtelet; leuri
biens ont été déclarés acquis &: confifquîs au roi ou à qui il
appartiendroît , fur les biens de chacun d'iceux préalablement
pris la fomme de 200 liv. d'amende envers le roi , au cas que
confifcation n'ait pas lieu au profit de fa niajefté. Il a été dir
auffi, qu'avant faire droit définitivement furies plaintes &
accufatioDs intentées contre lefdits René Plet, Pierre Coulî-
not dit Bellecour , !Marie- Jeanne Prot , veuve de Jean MafTe-
lin dit Baptifte, Anne Samfon, femme dudit Jacques Flatté
dit l'Oifeau, &: Philippe Richard , il feroit 'plus amplement
informé, pendant un an, ies faits mentionnés au procès ,
pendant lequel temps ils gardcioient prifon ; il a été ordonné
que les nommés Maréchal , Clauflrc , Bcflîu , & deux qui-
iirr.s , dont un nommé la Plume , qui feroient indiques , fe-
loient pris au corps, & que le procès leur feroit fait &; pat-
fait fuivant la rigueur des ordonnances; & que ladite fen-
tence feroit , â la diligence du fubflitut du procureur géné-
ral du roi , imprimée & affichée dans tous les lieux & car-
refours accoutumés de la ville, fau^'bourgs & banlieue de Pa-
ris , fur les routes , aux portes des auberges , & par-tout où
befoin feroit. Condufions du procureur général du roi , le-
quel , comme de nouvel venu à fa connoiflance , a requis
d'être reçu appelant à minimi de ladite Centenceâ l'égard de
Jofeph Defcroix , Balthazar Carrier , & Jacques Flatré dit
l'Oileau , ouïs & inrerrogés en la cour ; favoir , leldits Jo-
feph Defcroix, Balthazar Carrier, &: Jacques Flatté dit l'Oi-
feau , fut leurs caufes d'appel & cas à eux impofés ; Se lefdits
René Plet , Pierre Coulinot dit Bellecour, Macie-Jeanne
Pror, veuve de Jean Maflelin dit Baptiile , Anne Sainfon ,.
iirmme de Jacques Flatté dit l'Oifeau, &: Philippe Richard ,
pareillement fur leurs caufes d'appel & faits réfultans du pror
ces : tout confidéré ;
La coût joint lefdits deux procès, pour être jugés par un
feul & même arrêt; faifant droit fur le tout, reçoit le procu-
reur général du roi appelant (i r?7iA.imiZ de ladite fentence a
l'éLMrd dcfdits Jofeph Defcroix , Balthazar Carrier , Jacques
Flatté dit l'Oifeau ; faifant droit fur ledit appel , enfemble
fur celui interjeté par lefdits Jofeph Defcroix, Balthazar Car-
rier, & Jacques Flatté ditl'Oifcîu, ds la même fentence,
met à leur égard Icfditcs appellations & fentence de la-
quelle a été appelé au néant ; émendant , pour les cas réful-
tans du procès, condamne Icfùits Jofeph Defcroix, Balthazar
Carrier, & Jacques Flatté, dit l'Oifeau , i faire amende ho-
norable au devant de la principale porte de l'églife de Paris,
où ils feront conduits dans un tombereau , par l'exécuteur de
la haute jutlice , nu-pieds, nu-tères5c en chemife , renanc
en leurs n.ains une torche ardente de cire jaune du poids de
deux livres , ayant chacun écritcaux devant & derrière portant
ces rrois : ( Empoijonueur 6" nhur ) ; & là , étant à penoux ,
dire & déclarer à haute & intelligible voix , favoir , ledit Jo-
feph Defcroix , que méchamment , téoicrairement & tomme
mal avifé , il a , de complicité avec deux quidams , conduit
dans un cabaret à Mouceaux la nommée Margucrire-Geor-
gettediie Duvivier, fous prétexte delà mener promener, dans
lequel cabaret ils lui ont fait prendre, dans du vin , une li-
qMcur narcotique, alToupiflante &: pernicieufe , au peint d'a-
voir procuré à ladite Georgette , dite Duvivier, un (ommcij
léthargique , dont ils ont profité pour , conjointement avec
lefdits deux quidams, lui voler les elîets qu'elle avoir fur
POISON.
févérlté des peines prononcées par le pariéaiCur , a
ordonné que ceux qui fcroient convaincus de i'ètrc
elle , & notamment la raoncrc & la bourfe, ciontilaétj
faifi ; comme auill de lui avoir occalîonae un dcliie qui a
duré pluiieurs jouis, pendant lelqucls elle a été enfermée
comme infenlVe ; ledit Balthazar Carrier, que méchamment,
téniétaitement ^c comme mal avifé , il a , de complicité avec
Claude Chaflaigne , dit la liuilièie , ci-devant condamné 6c
exécuté à mot, conduit à Belleville Marie-Agathe Matha-
Ton , femme Carouge , lous prétexte de la mener voie fon
mari, l'a fait entier dans un cabaret dudit Belleville , où ,
conjointement avec ledit ChalTaigne dit la Buffiére , ils lui
ont fait (tendre, dans du vin , une liqueur narcotique, aflbu-
piflante Se pemicieufe , au point d'avoir procuré à ladite
femme C;\rûuge un fommeil léthargique, dont ils ont profité
pour lui faire des violences fur le chemin du pré Saint Ger-
vais , où ils l'avoient conduite pour prendre les effets qu'elle
avoit fur elle , & notamment dans fa poche la clef de fon
appartement, avec laquelle clef ils font revenu» à Paris , ont
ouvert la porte dudit apparrement, &: ont commis le» vols &
cfftadions mentionnés au procès ; comme aulli d'avoic occa-
fionné à ladite femme Carouge une efpéce de délire, dont
elle n'eft pas parfaitement guérie ; Ce ledit Jacques Flatté dit
l'Oifeau , que méchamment , témérairement & comme mal
avifé, il a, de complicité avec les nommés Berger & la Buf-
licre , ci devant condamnes Se exécutés à mort , conduit dans
un cabatet prés de Bercy le nommé Boudin, marchand di
chevaux , fous prétexte de conclure avec lui un marché , dans
lequel cabaret i.'j lui ont fait prendre, dans du vin, une li-
queur narcotique , alToupiflante &: pemicieufe , au point d'a-
voir procuré audit Boudin un fommeil léthargique , dont ils
ont profité pour le conduiredans l'avenue de Bercy , où , après
l'avoir jeté à la renverfc , ils lui ont pris dilFérens effets 6c
l'argent qu'il avoit fur lui; comme aurtî d'avoir occafionné
audit Boudin un état de folie qui a duré pendant deux jours ,
& qui s'efl terminé pat un flux de fang confidérable , avic
trouble dans la vue , dont ils Ce repentent & deinandenc pa:-
don à dieu , au roi & à juftice ; ce fait , lefdits Oeicroix ,
Carrier & Flatté die l'Oifeau , menés dans le même tombereau
en la p'ace de Grève , pour , fur un échafaud qui y fera à ce:
etietdielTé, avoir les bras, jambes, cuifles & reins rompu;
vifs par ledit exécuteur de la haute juftice , & à l'inftant jetés
dans un bûcher ardent, pour ce pareillement drefTé en ladite
place, pouryètte réduits en cendres. Se leurs cendres jetés
au vent; lefdits Defcroix , Carrier & Flatté, dit l'Oifeau ,
préalablement appliqués à la queftion ordinaire & extraordi
naire , pour avoir par leurs bouches Ja révélation de leurs
complices & la vérité d'aucuns faits réfultans du procès : dé-
clare tous les biens defdits Defcroix, Carrier Se Flatté, die
1 Oifeau , acquis & confifqués au roi ou à qui il appartiendra ,
fut chacun d'iceuxpréalablement pris la fomme de deu.v cent;
livres d'amende envers ledit fcigneur roi , au cas que conhf-
cjtion n'ait pas lieu à fon profit.- furfeoit à faire droir fu.-
l'appel interjeta par lefdits René Plet, Pierre Couhnot , die
Bellecour , Marie- Jeanne Prot , veuve de Jean Mafielin , dit
Baptifte, Anne Samfon, femme de Jacques Flatté, dit l'Oi-
feau , 8c Philippe Richard , dî la même fentence , jufqu'après
l'exécution du préfent avtèt à l'égard defdits Defcroix , Car-
rier & Flatté , dit l'Oifeau , pout les ptocès-verbaux de quef-
tion & d'exécution defdits Defcroix , Carrier &c Flartc, dit
l'Oifeau , faits, apportés au greffe criminel de la cour , les
accuf s prifonniers ramenés fous bonne &: fîire garde d.'ss pri-
fonsdu grind châtïler en celles de la conciergerie du palais ,
h tout communiqué au procureur général du roi , être par lui
pris telles conclulions qu'il appartiendra , S: vu par la cour
être ordonné ce que de raifon. Ordonne qu'à la requête du
procureur général du roi , le pré>nr arrêr fera imprimé, pu-
blié &: affiché dans tous les lieux lie carrefours accoutumés de
la ville, r.iuxbourgs Se banlieue de Paris, notamment à:ins
la routes , aux portes des aul'crges & par-tout où befoia fera ;
POLICE. 157
fervls de vénéfices , Poifons , en de plantes vcné-'
neufes indiAin(^ement , foit que la mort s'en fût cn-
liuvie ou non , & fous quelque dénomination que
ces plantes fufTent connues, feroient punis de la
peine dsj mort , & que les juges pourroient même
aggraver le genre de fupplice, & prononcer cumii-
lativement la peine de la roue & celle du feu , fui-
vant les circonftances : la même loi , en ordonnant
l'entière exécution de l'édit de juillet 1682, & no-
tamment de l'article 6, a renouvelé les injonflions
i'aites par cet édit aux médecins , chirurgiens , maî-
rres en pharmacie & apothicaires i a fait défenfe à
tous autres qu'aux maîtres en pharmacie & apothi-
caires , de tenir dans leur maifon , maeafin Se bouti-
que, aucun Poifon ou plante vénéneu^, & a chargé
ces derniers d'obferver, à Tégard des plantes vé-
néneufes , les précautions prcfcrites pour les autres
Poifons , le tout fous les peines portées par l'édit
dont on vient de parler.
POISSON. Foyei PÈCHE.
POLICE, Ordre , règlement établi dans une ville
pour tout ce qui regarde la sûreté & la commodité
des habitans.
Il fe dit auffi de la juridiélion établie pour l'exer-
cice de la Police.
Chez les Grecs, la Police avoit pour objet la
confervation Se les agrémens de la vie; ils enten-
doient par la confervation de la vie, ce qui con-
cerne la naifTance , la fanté & les vivres. Ils travail-
loient à augmenter le nombre des citoyens , à les
avoir fains, à fe procurer un air falubre, des eaux
pures, de bons alimens , des reir.èdes biens con-
ditionnés , & des médecins habiles , & honnêtes
gens.
Les Romains , en 512 , envoyèrent des ambafla-
deurs en Grèce , chercher des lois : c'eft pourquoi
leur Police fuivit à-peu-près la même divifion que
celle des Athéniens.
Les François , & la plupart des h.ibirans aftuels
de l'europe , ont puifé leur Police chez les anciens ,
avec cette différence, qu'ils ont donné à la religion
une attention beaucoup plus étendue. Les jeux 6c
les fpeJlacles étoient, chez les Grecs & les Ro-
mains , une partie importante <le la Police ; fon but
étoit d'en augmenter la fréquence & la fomptuo-
fité; chez nous elle ne tend qu'à en corriger les
abus , Si à empêcher le tumulte.
L'édit de Cremieu avoit attribué la Police en
première inftance aux prévôts royaux dans l'éten-
due de leurs prévôtés.
L'article 72 de l'ordonnance de Moulins , or-
donna que dans les villes on éliroit , tous les fix
&, pour le fiire met. re à exicution , renvoie lefdits Jofcjh
Del'croix , Balthazar Cartier, Jacques Flatté, dit l'Oifeau
René Plet, Pierre Couhnot, dit Bellf cour , Marie- Jeanne
Pror , veuve Maffelin , Anne .Sanifon, femme Flatté , & Phi-
lippe Richard, prifonniers, pardevant le lieutenant criminel
dudit châtelet. Fait en parlement le 4 janvier 17S0. Colla-
licrn;. Nouj^iCHEt,
Signe, LECOUSTURIER.
15S POLI CF.
mois ou tôiiS les ans , un certain nombre de bouf-
geois poiir veiller à la Police , fous la juridiâion
des juges ordinaires , & que ces bourgeois pour-
roient condamnera l'amende de foixante Ibus ,
fans nppel.
Les lois poftérieures avoient ordonné qu'il fe
tiendroit des sflemblces fréquentes dans les villes ,
pour délibérer, avec les notables, fur les régle-
mcns qu'il conviendroit de faire, mais cet ufage
fnt abrogé , à caufe des inconvéniens qui en ré-
fultoicnt.
La Police étoit adminiflrée à Paris , en première
in/^ance , par le lieutenant civil Sc le lieutenant-
criminel du châtelet ; & ces magiftrars avoient
fouvent des contcftations pour leur compétence à
cet égard.
Les mêmes difficultés avoient auflî lieu dans les
autres villes, entre les lieutenans des baillis , les
prévôts royaux , les juges des feigneurs , & les juf-
tices municipales.
Pour y remédier , Louis XIV commença par
créer à Paris , au mois de mars i6Cj, vn lieutenant
général de Police, & au mois d'oOobre 1699, il
créa de pareils ofliciers dans les princiï>ales villes
du royaume.
Par ce moyen , les fonctions concernant la Police
ont été déterminées avec plus de précifion que par
les édits antérieurs.
La Police eft exercée , dans les juftices feigneu-
riales , par le juge du feigneur : mais lorfque dans
le même lieu il y a un juge royal & un juge fcigneu-
ral , la Police générale appartient au juge royal feul,
qui a d'ailleurs la prévention pour la Police parti-
culière dans la jiiAice feigneuriale. Cette décifion
eft fondée fur un édit du mois de décembre 1666 ,
qui a confirmé le prévôt de Paris dans l'exercice de
la Police générale en première infiance, à l'exclu-
fion de tout autre juge , & lui a attribué la préven-
tion fur leshauts-jufticiers pour la Police particulière.
Les foins de la Police peuvent fe rapporter à
onze objets principaux ; la religion , la difcipline
des mœurs , la fanté , les vivres , la sûreté & la
tranquilité publiques, la voirie, les fciences &: les
arts libéraux , le commerce , les manuf?.élures &
les arts mécaniques, les ferviteurs domeftiques, les
manouvriers & les pauvres.
Les fondions de la Police , par rapport à la re-
ligion , confiftent à ne rien fouffrir qui lui foit pré-
judiciable , comme à écarter toutes les pratiques
luperflitieufes , faire rendre aux lieux faints le ref-
peél qui leur eu dû , faire obferver cxaélement les
dimanches & les fêtes , faire obferver , dans les
proccfiTions & autres cérémonies publiques, l'ordre
Si. la décence convenable ; empêcher les abus qui
fe peuvent commettre à l'occafion des confréries
& pèlerinages ; enfin, veiller à ce qu'il ne fe fafTe
aucun nouvel ctabliiTement , faîîs y avoir cbfervé
les formalités nécefiaires.
La difcipline des mœurs , qui fait le fécond objet
de la Pi>lice, embrafie t«ut ce qui cft néceflaire
POLICE;
pour réprîrner le luxe, l'ivrognerie, & la fréquenta-
tion des cabarets à des heures indues ; l'ordre con-
venable peur les bains publics, pour les fpeâacles,
pour les jeux , les loteries , pour contenir la licence
des femmes de mauvalfe vie , les jureurs & blaf-
phémateurs , & pour bannir ceux qui abufent le
public fous le nom de magiciens & devins.
La fanté, autre objet de la Police, l'oblige d'éten-
dre fon attention fur la conduite des nourrices &
des recommandarefles , fur la falubritc de l'air , la
propreté des fontaines , puits & rivières, la bonne
qualité des vivres , celle du vin , de la bierre &. au-
tres boi/Tons , celle des remèdes, enfin furies ma-,
ladies épidémiques& contagieufes.
Indépendamment de la bonne qualité des vivres,"
la Police a encore un autre objet à remplir pour
tout ce qui a rapport à la confervation Si au débic
de cette partie du néceiTaire ; ainfi la Police veille à
la confervation des grains lorfqu'ils font fur pied ;
elle prefcritdes règles auxmoiffonneurs . glaneurs,
laboureurs , aux marchands de grains , aux blatiers,
aux mefureurs porteurs de grains , aux meuniers &
aux boulangers.
La Police étend pareillement fon attention fur les
viandes , & , relativement à cet objet , fur les pâtu-
rages, fur les bouchers, fur les chaircuitiers ,fHr
ce qui concerne le gibier & la volaille.
La vente du poiiTon , du lait , du beurre, du fro-
mage, des fruits Sc légumes , eft aufli foumife aux
lois de la Police.
Il ea eft de même de la compofition & du débit
des boliTons , de la garde des vignobles, de la pu-
blication du ban de vendange , & de tout ce qui
concerne la profclTion des marchands de vin , des
braffeurs & diftillateurs.
La voirie dont s'occupe la Police , embralîe tout
ce qui concerne la folidité & la sûreté des bâtimens,
les règles à obferver 3 cet égard par les couvreurs ,
maçons , charpentiers , plombiers , ferruriers , mc-
nuifiers.
Les précautions qu'on doit prendre au fujet des
périls éminens , celles qu'on prend contre les in-
cendies , les feconrs ^u'on donne dans ces acci-
dens, les mefures qu'on prend pour la conferva-
tion des effets des particuliers, font aufli une des
branches de la Police.
Il en eft de même de tout ce qui a rapport à la
propreté des rues, comme l'entretien du pavé, le
nétoiement , les obligations que les habitansSi les
entrepreneurs du nétoiement ont chacun à remplir
.1 cet égard ; le nétoiement des places & marchés ,
les ee,oins, Its voiries , les inondations ; tout cela
eft d'il refibrt de la Police.
Elle ne néglige pas non plus ce qui concerne
l'embelliflement & la décoration des villes , les
places vides , l'entretien des places publiques , la
faillie des bâtimens , la liberté du paiTage dans les
rues.
Son attention s'étend nufTi fur tous les voituriers
de la ville ou des envirooî ; fur l'ufage des earofles
police;
de place , fur les charretiers Se batcHers , pa/TeurS
d'eau , fur les chemins , ponrs èc chauliées de la ville
& fauxbourgs &c des environs; fur les portes , che-
vaux de louage , & fur les melTagcries.
La sûreté & la tranqui'.ité publiques , qui font
le fixième objet de la ÎPol:ce , demandent qif elle
prévienne les cas fortuits & autres accidcn, ; qu'elle
empêche les violences, les homicides, les vols,
larcins, & autres crimes de cette nature.
C'eft pour procurer cette même sûreté & tran-
quilité , que la Police oblige de tenir les portes
des maifoas clofes , paff; une certaine heure;
qu'elle défend les ventes fufpc-les & clandertines ;
qu'elle écarte les vagabonds & gens fans aveu ;
détend le port d'armes aux perfonnes qui font fans
qualité pour en avoir , qu'elle prcfcrit des règles
pour h fabrication ôc le débit des armes , pour
la vente de la poudre à canon & à gtboyer.
Elle doit d'ailleurs , pour la tranquilité publique,
empêcher les a(Temblèe~. iUicicei , la diftribution
des écrits féditieux, fcandaleux & diffamatoires , &
de tous les livres dangereux.
Les m.igiftrats de Police ont aufTi infpedion fur
les auberges , hôtelleries ^ chambres garnies , pour
favoir ceux qui s'y retirent. Le jour fini , il faut
encore pourvoir à la tranquilité Se sûreté de la ville
pendant la nuit; les cris publics doivent ceffer à
Hne certaine heure , félon les difFérens temps de
l'année : les gens qui travaillent du marteau ne
doivent commencer qu'à une certaine heure ; les
foldats doivent fe retirer chacun dans leur quar-
tier quand on bat la retraite ; enfin le guet & les
patrouilles boargeoifes & autres , veillent à la sûreté
des citoyens.
En temps de guerre, & dans ks cas de trouble
& émotion populaire, la Police efl: occupée à met-
tre l'ordre , & à procurer la sûreté & la tranquillité.
Les fcicnces & les arts libéraux, qui font le
feptième objet de la Police , demandent qu'il y ait
un ordre pour les univerfités , collèges Se écoles
publiques , pour l'exercice de la médecine & de
la chirurgie, pour les fages-femmes , pour l'exercice
■delà pharmacie, pour le commerce de l'imprime-
rie 5c de la librairie, pour les eftampes , pour les
colporteurs , & généralement pour tout ce qui peut
intérefler le publicdans l'exercice des autres fcicn-
ces & arts libéraux.
Le commerce, qui fait le huitième objet de la
Police, n'eft pas moins intércHlinr; il s'agit de ré-
gler les poids & mcftues, 6i d'empêcher qu'il ne
toit commis aucune frauile par les marchands,
commiffionnaires , a?,ens de change ou de banque ,
& par les courtiers de marchandifes.
Les manufaâures & les arts mécaniques^ font
un objet à part : il y a des règlemens particuliers
concernant les manufaâures particulières; d'autres
concernant les manutaâures privilégiées : il y a
auffi une difcipiinc générale à obfervcr pour les
arts mécaniques.
Les ferviteurs , domefiiques Si manouvricrs ^ font
POLICE. 159
aufli un objet des foins de la Police, foit pour le'
contenir dans leurs devoirs , foit pour leur aflure'"
le payement de leur falaire.
Enfin, les pauvres honteux, les pauvres malade»
ou invalides , exigent l'attention de la Police, tant ,
pour diffiper les mendians valides , que pour don-
ner retraite à ceux qui font malades ou infirmas ,,
Se pour procurer aux uns & aux autres les fecour*
légitimes.
On a fouvent reproché aux officiers de Police
qu'ils exerçoient leurs fonfiions militairement: ce-
p;ndant ils ne- doivent pas ignorer qu'ils font affii-
jettis aux règles prefcrites pour empêcher tout offi-
cier public d'abufcr de fon auior'ué. Ainfi , quelqu©
légère que foit la peine qu'ils prononcent , la preuve
du délit qui y a donné lieu doit être acquife , foit
par une enquête fommairc, foit par un procès-ver-
bal qni fafîe foi : cette règle doit particulièrement
être obfervée , quand il s'agit de faire emprifonner
quelq\i'un. Plufieurs officiers municipaux, o^lt été-
pris à partie , pour avoir négligé ces formalités.
Le miniftère des^ procureurs n'efl pas néceflairc-
dans les affaires de Police; elles doivent être trai-
tées fommairement & jugées fur le chantp.
Les gens du roi , au châtclet de Paris . ayant re-
marqué que la procédure tenue à la Police dans les-
affaires contentieufes , n'étoit plus auffi fimple.
qu'autrefois , &c que les conteflatioas introduites
dans ce tribunal devenoient de jour en jour plus
longues & plus difpendieufes, ils donnèrent leur
réquifitoire pour faire rétablir l'ancienne difcipline
& les règlemens tombés abufivement en défuétude •-
en conféquence , M. le licutenanr général de Po-
lice rendit, le 21 juillet 1769,^3 fcntencc que
nous allons rapporter :
» Nous, Antoine-Raymond-JeanGualbert Ga-
» briel de Sartine , chevalier, confeiller d'état,,
» lieutenant-général de Police de la ville, prévôté
» Si. vicomte de Paris, avons donné aéle auxdits.
»- gens du roi de leur réquifitoire ; & fous le boa.
» plaifir de la cour y faifant droit, difons :
» i''. Que toutes les fois qu'il y aura demande
)> en validité de faille avec affignation pardevant
» nous , il ne fera point permis au procureur conf-
T> titué par raiîignatioa, foie qu'il y ait eu une or-
» donnance fur référé qui renvoyé les parties à.
V l'audience, foit qu'il n'y en ait pas eu, de donner
» aucune requête verbale pour procéder fur la
» renvoi à l'audience, attendu que In demande étant
» formée, il eft inutile de la répéter: il n'y aura.
» d'autre procédure à faire de la part du deman-
» deur , que de lignifier un avenir , Sf de pourfiii-
» vre l'audience.
» 2°. Que , dans le cas ci-defTus , le procureur du
n défendeur fournira des àcknCes , le procureur
w du demandeur des réponfes, fans que ni l'ua-
» l'autre puiffe fe permettre aucune autre pièce
» d'écriture, de quelc^u'autre nature que ce puifTe
3> être.
» 3". Que s'il arrive que la partie ùiùe , non
i6o POLICE.
M encore ailigiiée en validité de la faifie , Te fuit
» pourvue en 1 hôtel fur l'ordonnance de renvoi
j> à l'audience qui fera intervenue , le procureur
« plus diligent du faifilTant ou du faifi, pourra faire
» lignifier une requête verbale , contenant fes
M moyens & concliifions ; & fi c'eft la partie faifie
•>* qui fe trouve la première avoir donné cette re-
» quête , elle oourra fournir de réponfes aux dé-
» fenfes du faifiifant , fans que ni l'un ni l'autre
" puifle fignifier auaine autre pièce de procédure.
» 4°. Que quand le demandeur aura obtenu une
» fentence par défaut, adjudicative de fes con-
j> clufious , & que le défendeur y aura formé op-
» pofaion , fon procureur pourra fournir des caufes
» &c moyens d'oppofition , & le procureur du de-
« mandeur des réponfes , fans que ni l'un ni l'au-
» tre puiffc encore fign'ifier ^aucune autre pièce
» d'écriture.
" 5°. Que dans le cas où le procureur du défen-
» deur auroit fourni des défenfes à la demande
» principale, avant la fentence obtenue contre lui
» par défaut , il ne pourra plus fournir de caufes
» & moyens d'oppofition.
j » 6". Que s'il étoit intervenu fentence interlo-
» cutoire qui ordonnât une vifite d'experts , ou
?> une enquête, ou mifeen caufe , le procureur pli;s
3) diligent , après l'interlocutoire exécuté, pourra
» fignifier requêtes contenant fes moyens & fes
5> conclurions , & le procureur adverfe pourra y
■I) fournir des défenfes; le tout fommairement ,
j) fans que ni l'un ni l'autre puifle fignifier non plus
« aucunes autres écritures.
» 7°. Qu il ne fera pafleen taxe aucune audience
M & journée , ni qualité de remife, qu'autant que
>) le plumitif du greflier en fera chargé.
» Ordonnons aux procureurs du chàtelet de fe
>î conformer au préfent règlement; à l'effet de
»> quoi difons , qu'à la requête , pourfuite & dili-
»> gcnce du procureur du roi , il fera envoyé aux
i> procureurs de communauté , pour être tranfcrit
V fur le regiftre des délibérations , imprimé , & un
j> exemplaire d'icelui envoyé à chacun des mem-
Y> bres de la communauté v.
Les,amendes & la prifon prononcées en matière
de Police , n'emportent point infamie j^comme l'a
©bfervé Loifeau dans fon traité des feigneuries.
Les fentences rendues dans cette matière, s'exé-
cutent par provifion , nonobfiant l'appel ; & même
lorfque l'amende qu'elles prononcent n'excède pas
foixante fous , le juge d'appel ne peut point accor-
der de défenfes de les exécuter. C'eft ce qui re-
faite, tant de l'article 12 du titre 17 de l'ordon-
nance du mois d'avril 1667 , que de la déclaration
du 28 décembre 1700.
Par une autre déclaration du 23 décembre 1738 ,
publiée au parlement de Befançon , l'exécution in-
définie des fentences de Police a été ordonnée ,
fans que les fermiers du domaine , en pourfuivant
le recouvrement des amendes , fuflent tenus de
donner caution. Les juges fupérieurs ne peuvent
POLICE.
Airfeoir l'exécution de ces fentences , dans le cas
où elles n'excèdent pas cent livres, & lorfqu elles
excèdent cette fomme , les condamnés doivent les
configner , pour être reçus appelans.
On ne peut pas décliner la juridiâion de la Po-
lice en vertu des lettres de committimus ou de garde-
gardienne, parce qu'il n'y a point de privilège qui
doive l'emporter fur celui de l'ordre public, au-
quel les délais d'un renvoi, en cas pareil, pour-
roient être très-préjudiciables.
Les fonctions des magifirats de Police ne fe bor-
nent pas à faire exécuter les ordonnances & les
arrêts concernant la Police ; ils ont auflî le droit
de faire des réglemens dans l'étendue de leur juri-
diécion. Il fufEt que ces réglemens paroiflent dic-
tés par des vues d'intérêt public , & qu'ils ne foient
point oppofés à ceux qui font émanés de l'auto-
rité fupérieure.
M. le procureur du roi au chàtelet de Paris ayant
remontré que l'exécution des réglemens de Police
donnoit lieu journellement à des contraventions
non moins préjudiciables au bon ordre qu'a la sû-
reté publique ; que la multiplicité de ces réglemens
& la négligence de s'inftruire de leurs difpofuions,
expofoient les citoyens à des condamnations pé-
cuniaires qu'il leur étoit difficile de fupporter ; que
pour éviter le dommage que prodiiifoit la con-
trainte, & prévenir le dcfordre qu'entraînoit l'a-
bus , il croyuit devoir propofer de raflembler
dans une feule & même ordonnance quelques dif-
pofitions des anciens réglemens relatifs aux contra-
ventions dans lefquelles les particulie.*'S tomboieiit
le plus fûuvent; M. le lieutenant-général de Police
rendit en conféquence , le 26 juillet 1777 , la fen-
tence que nous allons rapporter.
« Nous, faifant droit fur le réquifitoire du procu-
« reur du roi , ordonnons :
» Article i. Que lesédits, arrêts, déclarations,
'» réglemens & ordonnances en matière de Police,
» précédemment rendus, feront exécutés félon leur
» forme & teneur.
Il 2. Seront en conféquence tenus tous bourgeois
» & habitans de la ville & fauxbourgs de Paris ,
» de quelque état & condition qu'ils foient, de
» taire balayer régulièrement chaque jour , tant en
» été qu'en hiver . aux heures qui leur feront indi-
î» qiiéiis , & avant le paflage des tombereaux def-
» tinés à l'enlèvement des boues , devant leurs
)> maifons , cours , jardins & autres emplacemens
» dépendans des lieux qu'ils occupent , jufqu'au
)> ruifleau, même la moitié des chauflées, & de
)> pouiTer les ordures & immondices à côté des
5j murs de leurs maifons, fi ce n'eft dans les rues
M en chaufîées , où ils feront avertis de les remet-
)7 tre en tas fur le bord des ruifi"eaux , afin que
ï> l'entrepreneur du nétoicment puiffe les faire
J) enlever.
» 3. Faifons défenfes à tous particuliers, de quel-
)> que état & condition qu'ils foient, de jeter, ni
fouftVir
POLICE.
w fouffrir qu'il foit jeté dans les rues aucunes or-
7> dures de jardins , ieuilles , immondices, cendres
» de lefcives, ardoifes , tuiles, tuileaux, raclures
» de cheminée , gravois , ni d y mettre ou faire
j> mettre aucuns t'umiers , ni autres ordures de
j» quelque efpèce qu'elles puifTent être , 8c notam-
i> ment après le p.iiTage des tombereaux pour l'en-
j> lèvement de» boues.
■>y 4. Seront tenus tous ceux qui auront chez eux
» des gravois , poteries, bouteilles caffées, verres
j>' à vitre , morceaux de glaces , ou vieilles ferrailles,
» de les raflembler dans les paniers & autres uften-
î) files , pour les porter dans la rue, & de les met-
3» tre dans un tas féparé de celui des boues, fans
» pouvoir les mêler avec lefdites boues , ni les je-
« ter par les fenêtres.
» 5. Faifons défenfes à tous particuliers , de
5» quelque état & condition qu'ils foient , de jeter
»' par les fenêtres , dans les rues , rant de jour que
» de nuit, aucunes eaux , urines , matières fécales,
î» & autres ordures , de quelque nature qu'elles
« puiffent être , ni de mettre fur leurs balcons ik
»> appuis de fenêtres , des pots de fleurs , des cages
s» ou jardinets , & autres objets en danger.
« 6. Ordonnons que pendant l'été Ck dans les
»» temps de chaleurs, les bourgeois Sc habitans de
î» cette ville & fauxbourgs arroferontou feront ar-
« rofer le devant de leurs portes deux fois par
» jour; favoir, à dix heures du matin, & à trois
n heures après midi , en obfervant toutefois de
w n'arrofer qu'à la diftance de deux pieds ou cn-
ï> viron des murs de leurs maifons & bàtimens ,
>» & de ne pas prendre pour ledit arrofement de
» l'eau croupi/Tante dans les ruifîeaux.
» 7. Enjoignons aux aubergines & à ceux qui
>• logent en chambres garnies , de tenir deux re-
« giilres , cotés & paraphés par première & der-
» nière , par le commiffaire ancien de leurs quar-
» tiers , où ils écriront de fuite & fans aucun blanc,
»» les noms , furnoms , pays , qualités & profef-
» fions de ceux auxquels ils donneront à loger
>» dans leurs maifons , & le jour de leur arrivée
M & de leur départ ; l'un defquels regiftres fera
»» repréfenté chaque jour à l'infpefleur de Police
>» de quartier, & le double remis le dernier jour
M de chaque mois audit commiflaire ancien , pour
11 être par lui /igné & vifé : feront également te-
»> nus les marchands fripiers, tapiflîers , brocan-
•»} teurs & autres, achetant des marchandifes vieil-
»» les , d'avoir des regiftres cotés & paraphés par
î) l'ancien des commiffaires du quartier , à l'effet
î> d'y infcrire , jour par jour , de fuite , & fans
j> aucun blanc, la quantité & qualité des mar-
»♦ chandifes vieilles qu'ils achèteront; enfemble
« les noms & domiciles des vendeurs , pour être
« lefdits regifires repréfentés aux conimiflaires du
») chàtelet , tontes les fois qu'ils le requerront , &
3> tous les mois aux infpefleurs de Police , par lef-
« quels ils feront vifés & paraphés.
» 8. Ordonnons à tous particuliers de renfermer
T«m< XllL
POLICE. i6£
M dans leurs maifons leurs charrettes, hacquets,
n Se autres voitures faifant embarras , & pouvant
» donner lieu à des accidens : permettons de faifir
» & mettre en fourrière toutes celles qui feront
» trouvées en contravention.
» 9. Enjoignons aux propriétaires , maîtres nia-
» çons , charpentiers 6c entrepreneurs de bâti-
j» mens, de renfermer, tailler & préparer, dans
» l'intérieur defdits bàtimens, les pierres & maté-
» riaux deftinés à iceux , autant que ledit intérieur
)> en pourra contenir. Leur faifons défenfes de
» faire décharger les pierres, moèlons , charpente
» & autres matériaux qui ne pourront être conte-
» nus dans l'intérieur des bàtimens, ailleurs que
>» dans les emplacemens qui leur auront été afïï-
" gnés par les commillairesdes quartiers ; défenfes
» a eux de faire porter dans les rues Si places de
» cette ville , une plus grande quantité defdits ma-
» tériaux , que ce qui pourra être employé dans
» le cours d'une fcmaine au plus , fi ce n'eft pour
n les édifices publics.
n 10. Défendons pareillement de ne faire for-
»» tir dans les rues & places, les décombres , re-
" coupes , pierres , moellons , terres , gravois , ar-
>» doifes , tuileaux , & autres matières provenant
» des démolitions de bàtimens , qu'autant qu'ils
'> pourront être enlevés dans le jour ; en forte qu'il
» n'en refte point pendant la nuit. Enjoignons aux-
» dits propriétaires, maîtres maçons , charpentiers
» 8c autres entrepreneurs de bàtimens , de faire
» balayer tous les jours aux heures prefcrites par
» les réglemens , le long de leurs bàtimens &c
» atteliers , & de faire enlever les recoupes deux
» fois la femaine , ou plus fouvent s'il efl nécef- '
» faire , de manière que leurs atteliers n'en foient
>♦ pas engorgés.
3-' II. Ordonnons aux maîtres couvreurs, fai-
" fant travailler aux couvertures des maifons ,
»» de faire pendre au-devant d'icelles deux lat-
" tes en forme de croix au bout d'une corde , 8c
" d'attacher auxdites lattes un morceau de drap
» d'une couleur voyante; leur enjoignons 8c à
» tous autres faifant travailler dans le haut des
» maifons , lorfqu'il y aura le moindre danger
» pour les paflans , de faire tenir dans la rue un
» homme , pour avenir du travail 8c prévenir les
» accidens.
« 1 2. Faifons défenfes h tous marchands épiciers ,
>» marchands de vins , tnpifliers , fripiers, fculp-
'» teurs, marbriers, menuifiers , ierruriers , laye-
J7 tiers, fruitiers, charrons , loueurs de carro/Tes,
" charretiers, 8c à tous autres, de travailler ou
n faire travailler dans les rues, d'y établir des
» atteliers, tables 8c tréteaux, 8c de laiffer au-
j> devant de leurs maifons , fous quelque pré-
i> texte que ce foit, même pour fervir de mon-
» tre , aucuns ballots , tonneaux , meubles , trains ,
M carrolfes , charrettes , 8c autres voitures , ni
«"aucuns autres objets de leurs métiers 3i pro-
» felTions.
i6i POLICE.
« 13. Défendons à tous marchands Se loueurs
» de chevaux, d'eflayer ni faire eflayer leurs che-
» vaux dans les rues & places de cette ville ; leur
» enjoignons de fe retirer dans le marché public
» & dans les endroits écartés qui font à ce def-
» tinés : faifons pareillement défenfes à tous char-
j> retiers de conduire leurs voitures & charrettes
» étant montés fur leurs chevaux , ou de les faire
}> courir dans les rues; leur enjoignons de les con-
»> duire à pied.
j> 14. Enjoignons à tous jardiniers, voituriers ,
M & autres, qui enlèvent les fumiers des maifons
n de cette ville & fauxbourgs de Paris, de mettre
•> fur leurs charrettes & autres voitures , une banne
j> de longueur & largeur capables de les couvrir,
5> de manière qu'il ne puifle tomber aucuns fu-
« miers dans les rues. Enjoignons aufli à tous voi-
M turiers & plâtriers qui amènent des plâtres à Pa-
» ris , de couvrir leurs charrettes & voitures d'u-
3> ne pareille banne , en obfervant de mettre fous
» leurs charrettes, & à côté des ridelles, des nat-
» tes propres à contenir leurs plâtres.
»> 15. Faifons défenfes à toutes perfonnes de
» jouer dans les rues & places publiques , au vo-
)> lant, aux quilles, au bâtonnet, d'élever cerf-
j> volans , & de jouer à tous autres jeux dont les
» paffans puirtent être incommodés oublefrés,ou
)> les lanternes publiques calTées.
» 16. Enjoignons à tous propriétaires, loca»
» taires & fous-locataires de maifons , de faire
j> exa^îement ramoner les cheminées des appar-
5> temens & autres lieux par eux loués, fous-
» loués ou occupés ; leur enjoignons , en cas de
» feu ou incendie j défaire avertir fur le champ les
» pompiers , & défenfes de leur refufer l'entrée
« de leurs maifons , quand ils s'y préfenteront
3> d'office.
» 17. Faifons très-expre/Tes défenfes à tous par-
j> ticuliers, de quelque qualité & condition qu'ils
3) foient, de tirer aucuns pétards ou fufées , boîtes,
jj pommeaux d'épée eu fauciflions , piflolets , fu-
» fils , moufquetons , ou autres armes à feu , dans
» les rues , cours ou jardins , & par les fenêtres
» de leurs maifons, pour quelque caufe & occa-
3> fion que ce foit ; leur défendons pareillement de
3j brûler ou faire briller dans les rues , de la paille ,
j> de la fougère , des feuilles de jardins & toutes
«■ autres matières combuftibles.
j) 18. Seront tenus tous les habitans de cette
» ville & fauxbourgs , de quelque état & condi-
« tion qu'ils foient , de fermer les portes de leurs
n maifons à l'entrée de la nuit.
» 19. Faifons défenfes à tous cabaretiers , ta-
V verniers , limonadiers, vinaigriers , vendeurs de
» bierre, d'eau de-vie & de liqueurs, au détail,
M d'avoir leurs boutiques ouvertes , ni de rece-
i> voir aucunes perfonnes chez eux , 8c d'y donner
)> à boire , paffé dix heures du foir, depuis le pre-
« mier novembre jufqu'au premier avril , & de-
j> puis le premier avril jufqu'au premier novem- !
POLICE.
» brc, après onze heures ; leur défendons pareil-
r> lementde recevoir chez eux aucunes femmes de
» débauche , vagabonds, mendians , gens fans aveu
)) & filoux.
» 20. Faifons très-expreffes inhibitions & défen-
» fes à tous marchands de vins, traiteurs, caba-
)) retiers , limonadiers , débiteurs de bierre 8c d'eau-
» de-vie , & à tous autres particuliers faifant pro-
» feflîon de donner à boire & à manger , même
') à ceux qui tiennent des jeux de boules , de
» donner à jouer, ni fouflrir que l'on joue chez
V eux aux dez , aux cartes, ni à aucuns jeux de
5) hafard , de quelque nature qu'ils foient , quand
» même l'on n'y joueroit pas d'argent, & que ce
)) feroit fous prétexte de payer les dépenfes faites
» en leurs maifons & cabarets.
» 21. Ne pourront les marchands devins^traî-
V teurs , limonadiers, marchands de bierre & au-
î> très faifant profeiTion de donner à boire Si à
» manger dans la ville , fauxbourgs & les envi-
» rons de Paris , avoir des violons & tenir des-
» aifemblées de danfe chez eux les jours ouvriers ,.
5> fi ce n'eft en cas de noces , 8c à la charge d'ob-
» tenir la permiffion néceflaire , de la repréfenter
3> préalablement au commandant de la garde de.
» Paris , & de faire retirer les violons à l'heure de
» minuit.
j> 22. Défendons auxdits marchands de vins,.
» limonadiers , marchands de bierre 8l eau-dc-vie ,
V & autres liqueurs , de donner à boire chez eux ,
)» & aux maîtres pauhniers de laifTer jouer chez-
» eux aux heures du fervice divin.
5) 23. Faifons défenfes à toutes perfonnes qui*
» iront dans les jeux de billard , de faire aucuns
« paris , direfleraent ni indireflement , même de-
j> donner des avis & confeils à ceux qui joueront ,
)) à quelques jeux que cefoit ; & ai^x mnîtresdefdits
)) jeux de fouffrir qu'il foit fait aucuns paris, &r'
» donné des confeils aux joueurs. Faifons pareil-
)} lement défenfes auxdits maîtres de jeux de bil--
» lard , de donner à jouer au billard , paffé fept
37 heures du foir en hiver ,& neuf heures en été:
3> 24. Faifons défenfes à tous marchands , arti-
» fans, maçons, manœuvres, crocheteurs , char-
)» retiers, & autres gens de journée , de vendre,
3> voiturer, & travailler les jours de dimanches 8c
» fêtes.
» 25. Défendons pareillement à tous proprié-
5) taires 8c principaux locataires de maifons, de'
j) louer aucunes chambres, ni donner retraite à
j» des femmes de drbauche Ôc gens fufpséls.
» 26. Faifons défenfes aux chiffonniers, chif-
3> fonnières , 81 à tous autres , de vaguer par les
j) rues pendant la nuit, & d'amaffer des chiffons
» avant le jour,
}) 27 8i. dernier. Toutes les difpofitions con-
» tenues en la préfenre ordonnance feront exécu-
« tées , fous peine , contre chacun des contreve-
V nans , d'amende , de confifcation des marchan-
POLICE D'ASSURANCE.
« difes , de fermeture de boutique , de prifon , de
M punition corporelle & autres , fuivant l'exigence
M des cas, ainfi qu'il eft porté par les précédentes
» ordonnances, arrêts Scrèglemens; & feront les
" pères & mères , maîtres & maîtrefies , civile-
M lement refponfables pour leurs enfans , appren-
" tis , ferviteurs & domeiliques.
■» Ce fut fait & donné par nous Jean-Char-
5» LES-PiERRE LE NOIR, confeiller d'état, lieu-
5' tenant-général de police de la ville, prévôté &
» vicomte de Paris , le vingt-fix juillet mil fept
>» cent foixante dix-fept.
») LE NOIR. MOREAU.
MORISSET, grefl:r.
Voye^ le traité de la Police du commijff'jire h
Mare ; le diBionnaire des arrêts ; le code de la Police ;
les arrêts de Piipon ; le recueil des ordonnances , &c.
Voyez auffi les articles Lieutenant-général de
Police, Maire, Inspecteur de Police, Rue,
Boues et Lanternes , &c.
POLICE & CONTRAT D'ASSURANCE (i).
On appelle contrat d\:Jfurance , une convention par
laquelle l'un des contraiHans fe charge, moyennant
une certaine fomme , du rifque des cas fortuits
auxquels une chofe eft expofée , & s'oblige envers
l'autre contraflant de Tindemnifer de la perte que
lui cauferoient ces cas fortuits , s'ils avoient lieu.
Et l'on appelle Police d'ajfurance , l'adle qu'on
drelle par écrit de cette convention ( 2).
(i) Cet article e;l particulièrement une analyle cominen-
tce du titre des afluranres de l'crdonnance de la marine. Nous
fuivons, dans l'explication des maiières , Je rcême ordre cju'a
fuivi !e légiflateur dans fes décidons,
(l) Formule de PoUci d'AJfurance pour un navire :
N". A U N O M D E D I E U.
Nous Aflureurs foulîîgnés, promettons & nous obligeons à
vous, Monfieur H... d'all'urer & aflurons; favoir : chacun de
nous la fomme par nous ci-deflous déclarée- fur le corps ,
quille , agtJrs , appareaux , appendances &: dépendances du
navire nommé A... du port de cent tonneaux ou environ , de
préfent en ce port de Dunkerque , en defiination pour Mar
feille &: de retour en ccdit port , ler^^ucl navire vous ellimcz à
la fomme de trente mille livres tournois , de laquelle eftima-
tion nous nous contentons & contentons de gré à gré eue
vous faffiez affurer de ladite fomme en plein eu en partie,
même le dixième exccp;é par l'ordonnance, & la prime, fi
bon vous femble , fans que nous puilTion s exiger d'autre pièce
juflificative de ladite valeur que la préfente Police i le tout en
prime liée, au cas d'avaii:s, ne vous rembourfcr que l'excé-
dent de rrcis peur cent, &: en as de perte totale , cchoue-
nient, ou délaiflement fuivi d'abandon , vous payer en plein ,
fur bonne oumauvaifc nouvelle , & renonçant à la lieue &
demie pour heure , le tout de bonne foi. Lequel rifque pre-
nons à nette charge , depuis le jour £>; heure que ledit navire
lâchera t'es amares pour appaieiller de cedit p orr de Dunker-
que , &: durera jufqu'à tant quelcdit nayire foit arrivé à Mar-
ftille, &: de retour en ce port de vingt-quatte heures en bon
fauvement , &: accordons que ledit navire ou navires , faifant
ledit voyage , pouttont naviguer avant & arrière , à dextte &:
à l'enellre côté : Nous foumettant de courir rifque de tous
périls de mer, de feu , des vents , d'amis , d'ennemis , de
lettres de marque & contre-marque, d'arrérs & détentions
des rois, ptipces & feigneurs quçlconcjuesj 6: dç baxatçtic de
POUCE D'ASSURANCE. 163
On peut faire plufieurs fortes de contrats d Af'
furance ; mais celui qui eft le plus ufité eft le con"
patron , maître , marinier , &: géné;a!cment tous autres périls
&. fortunes ou cas fortuits qui pourroient avenir en quelque
manière que ce foit qu'on puifle imaginer ; nous mettant de
tout en la place de vous ledit (leur H... pour vous garantir
& indei>inifer de toutes pertes & dommages qui pourroient
arriver: Et en cas de perte ou dommage audit navire, &.'c.
( ce que dieu ne veui le ) promettons &: nous obligeons de
payer ou rembourfer à vous ou votre ordre , lO'Jte la perts &:
dommage (jU: vousai'rcz reçu à proportion de la femme que
chacun de nous avons afl'jrée ; favoir : fi bien le premier de
nous comme le dernier , &: ce trois mois après que nous ferons
duement informés de la pette ou dommage arrivé audit na-
vire, &: en tel cas , donnons chacun de nous pouvoir fpécial à
vous ledit fieur H.., ou à votre commis , pour tant à notre
dommage que profit , travailler ou faire travailler à la faiva-
tion dudit navire, &:c. , promettant en tout év'nementde
payer les fuis & dépens faits pour la falvation dudit navire ,
&:c. , foit qu'ils foient recouvrés ou non, ajoutant foi &:
entier crédit au compte , & à la pcrfonne ou perfonnes qui
auront fait lefdits frais & dépens 5 cor.fiflbns être payés du
prix de la préfsnte Aflurance de vous Monfieur H... à raifon
de cinq pour cent, payable en vone billet à trois mois du
jour de lapréfence, le tout en bonne fci , fans fraude ni
malengin, félon & fuivant l'ordonnance de fa niajeflé da
mois d'août mil fix cent quatre vingt-un : Et en cas de con-
tellation entre nous pour le fait de la préTente AfTurance &:
dépendance d'icelle, nous conviendrons d'arbitres pour ju-
ger les diffv-rens : pour l'exécution de tout, obligeons tous
nos biens avec tenonciation à toutes exceptions Se trompe-
ries contraires à ces préfentes ; la ptcfente étant une fuite p,i-
rci le & conforme , &: pour joindre à une autre police Se
avoir le même effet , comme n'étant qu'une même chofc.
Sommes convenus encore , de vous rembourfer en plein , à.
l'expiration de fix mois , fans aucune nouvelle de l'exiflence
dudit navire, dérogeant à cet égard par ces préfenres à l'article
LVIII du titre 'V'I de l'ordomiance de la miiine de icSi , ôc
à toutes lois , coutumes, ufages Se commentaires à ce con-
traires.
Fait à Dunkerque le
Formule de Fo'.ici d'Ajfurancepour mûrchand'f<s.
N\ AU NOM DE DIEU.
Nous AlTureu.s fouflignés, promettons &: nous obligeons à
vous iMonfieur A... d'alfurer Se alRivons ; favoir: chacun de
nous la fomme par nous ci-delTous déclarée fur marchandifes
ciiarg'e: à Dunkerque pour Marfeiile, marquées & numérotées
D, fuivant coonoiflementen date du... à nous exhibé à boiddu
navire nommé le Tri tor, capitaine H... ou tout autre à fa place
le repttfentant jkfqaelles marchandifes vous ertin:ezà la fom-
me lie,., de laquelle eflimationnous nous contentons &: con-
fentons que vous fafllez afTuret ladite fomme en plein ou en
partie, même le dixième excepté pat l'ordonnance, & la prime,
h bon vous femble , pour , en cas de perte totale , délaiflement
fuivi d'abandon, vous payer en plein , &: au cas d'avarie , ne
vous remettre que l'excédentgde fix pour cent fur marchandifes
liquides , ic trois pour cent fur marchandifes fèches , le tout
de bonne foi. Lequel lifque prenons à notre chage , depuis
le jour &: heure que lefdites marchandifes auront été chargées
à bord dudit navire , ôc durera jufqu'à tant que ledit navire
foit arrivé à Marfeiile, & lefdites marchandifes déchargées en
bcn fauvement, & accordons que ledit navire ou navires ,
faii.înt ledit voyage , pourront naviguer avant & arrière, .1
dcxtre &.' à feneftre côté: Nous foumettant de courir tifque
de tous périls de mer , de feu , des vents , d'amis , d'ennemis ,
de lettres de marque & contre-marque , d'arrêts & détentions
des rois , princes & feigneurs quelconques, & de baraterie
de paçtoB , msitie j jnatiaiers , 5c généralement tous autres
Xij
164
POLICE D'ASSURANCE.
trat d'alTiirance maritime. Parce contrat, celui des
contraflans qu'on nomme affureur , fc charge àes
Tifqucs & fortunes de mer que doivent courir un vaif-
feau ou les marchandifes qui y font , oc promet
d'indemnifer à cet égard l'autre contraflant, qu'on
appelle ajfuré , moyennant la fomme que ce der-
nier donne au premier pour le prix du rifque dont
il le charge.
L'argent que donne l'afTuréà PafTureur fe nomme
prime d'alTurance.
Le contrat d'alTurance a d'abord été adopté chez
les Italiens : il a enfuite été accueilli chez les Efpa-
gnols , chez les Hollandois , 8i enlîn , il eft aujour-
d'hui en ufage chez toutes les nations commerçan-
tes : il ne faut pas s'en étonner; il étoit néceiTaire
pour faire fleurir le commerce maritime. En effet ,
fans le fecours de cette efpèce do convention , peu
de gens feroient en état de courir les rifques aux-
quels ce commerce expoCe.
C'efl d'après ces confidérations que , par l'article
premier du titre 6 du livre S de l'ordonnance de la
marine , le roi a permis à tous fes fujets , & même
aux étrangers , l'ufage du contrat d'aflurance mari-
lime dans toute l'étendue de fa domination ( i ).
périls &: fortunes ou cas foriuiis qui pourroient avenir en
quelque manière que «e Toit qu'on puifle imaginer ; nous
jnetiant de tou en la p'ace de vous ledit lîcur A... pour vous
garantir & indemnifcr de toutes pertes & douiniages qui pour-
roient arriver: & en cas de peits ou domiiiage auxdiccs u;ar-
chandifes ( ce que Dieu ne veuille ) promettons &; nous obJi
geons de payer ou retnbourfcr à vous ou vote ordre , toute la
perte &: doninnge que vous aurez reçu à proportion de Ja
fonime que ch.icunde nous avors afTurt-e ; fa»oir : lî bien le
premier de nous comme le dernier , & ce comptant, après
que nous feions ducment informés delà perte ou dommage
arrivé auxdites marcliandifcs, &: en tel cas , donnons chacua
de nous pouvoir fpécial à vous ledit fieur A... oui vôtre-com-
mis, pour tant à notre dommage que profit, travailler ou
faire tiavaillcr à la falvaiicn delditcs marchandifes, promet-
tant en tout événement de payer les frais &r dépens faits peur
la falvation deldites marchjndifes , foit qu'elles foient recou-
vrées ou non, ajoutant foi & entier crédit au compte , &: à la
perfonne ou peifonnes qui auront fait lefdits frais & dépens ;
confefTons être payés du prix de la préfente AfTurancede vous
Monfieur A... à raifon de trois pour cent, le tout en bonne
foi , fans fraude ni malengin , félon & fuivant l'oidonnance
de fa majellé du mois d'août mil fix cent quatre vingt-un : Et
en cas de conteftation entre nous peur le fait de la préfente
Affurance & dépendance d icelle, nous conviendrons d'arbi-
tres pour juger les ditFérens : pour l'exécution de tout , obli-
geons tous nos biens avec re.ionciation à toiires exceptions &
tromperies contraire» à ces préfentes ; la préfente étant une
fuite pareille & conforme , & pour joindre à une aurre police,
&: avoir le même effet , comme n'étant qu'une mèrne chofe.
Sommes convenus encore, de vous ren.bourfer en plein, à
l'expiration de trois mois fans aucune nouvelle del'exirtence
dudit navite , dérogeant à cet égard par ces'préfentes à l'article
LVITIdu titre \'I de l'ordonnance de la Marine de i^iil , &:
à toutes lois, coutumes , ufages &: commentaires à ce con-
traires-
Fait à Dunkerque le "- .
(l) Permettons à tous nos fujets, porte cet article , mcnie
aux ctrangers, d'affurer & faire aflurerdans l'étendue de notre
royaume, les navires , marchan.iifes & autres eîfets qui fe-
ront tranfportés par mer & rivières navigables j ficauxafFu-
POLICE D'ASSURANCE.
j L'article 2 veut que la Police d'aifurance Coït
rédigée ^)ar écrit, & qu'elle [HiilTe être faite fous
fignature privée.
M. Valin critique à ce fujet l'ancien commenta-
teur de la marine, parce qu'il a prétendu que
quand l'affiirance ne fcroir que d'une fomme au-
dedous de cent livres , la preuve par témoins n'en.
pourroit êtreadmifc. M. Valin prétend au contraire
que dans ce cas il faudroit admettre la preuve tef-
timoniale , conforniément au droit commun fondé
(iir l'ordonnance du mois d'avril 1667; mais ce
dernier efl à fon tour crit'qué fur cet objet par M.
Pothier, qui penfe que l'ordonnance de la marine ,
ayant voulu en général que/e cjnir.it d'ajjurance fût
rdd/ijj par écrit y fans faire aucune diflinélion entre
les aâcs de cent livres & au-delTous, & ceux qui
excèdent cette fomme , on ne peut pas croire que.
le légillateur ait eu intention de difpenfer de cette
iormaliré les contrats d'ailurance au - deflbus de
cent livres. En effet , fi telle eût été fon intention,
la dilpofiîion de l'ordonnance de la marine auroit
été inutile , puifque la loi fe feroit déjà trouvée faite
par l'ordonnance de 1667. Enfin, on ne doit pas
(uppléer dans une loi une diftinéiion qu'elle n'a
pas faite.
Mais à quelque fomme que puifTe monter l'affu*
rance , on eft en droit d'en alléguer Texiftence ; &
celui contre qui on emploie cette allégation , ne
peut s'en défendre qr.'en allirmant que la conven-
tion n'a point eu lieu avec lui. Ainft le guidon de
la mer, & le commentateur qui l'afuivi, {li lont
trompés , lorfqu'ils ont penféque le défaut d'écri-
ture entraînoit la nullité du contrat d'afiiirance. Il
eft évident que l'écriture n'eft alors néceiîâire que
pour faire confter de l'exiftence de la conven-
tion contre ceux qui voudroient la nier.
Le droit de contrôle des afîtirances pour les par-
ticuliers , & de celles que prennent pour le compte
du roi , les intendans & comniiftaires des four-
nitures de la marine , avoir été fixé par les articles
7 & 9 du tarif du 29 feptem.bre 1722, mais par
arrêt du confeil du 12 août 1733 ' '^^ contrats de
Police d'affurance , foient qu'ils foit pafi'és parde-
vant les notaires royaux , cenfatix ( i ) , courtiers ,.
agens de change, greffiers des amirautés & des ju-
rididions confulaires ou autres qui font da'is l'i'.fage
de les recevoir , foit qu iU foient faits fous fignature:
privée ,1 ont été difpenfés de la formalité & du
payement du contrôle des aiies ( 2 ).
■^■.^^— .-^— ^^— ^— — ■ I ■■ fc ^
rcurs , de ftipuler un prix pour lequel ils prenùronc le péril
fur eux.
(t)Ce terme a été, félon Savati .emprunté des Arabe', &ra:
paflé, du commerce du levant, en Ptovence. Cenfaltxi fyno-
nyme de courtier, &: déligne queliju'un chargé pour les né-
gocians qui l'emploient , de ncgocier des lettres de chanj;e ,
des affrctemens , des contrats d'Affurance, &c»-
(i) Ce: arrêt eli Aitifi. conçu. :
Le roi s'étant fait repréfcnter, en Ton confeil'i les Jiffercns
mémoires remis par les échevins & députés du comme.-ce de
la ville de Marfeille . les fyndics & courtiers royaux '^es
changes , fc par le collège de& notaires toyau.x de la. même
POLICE D'ASSURANCE.
Pour une plus prompte expédition , on avoit ima-
giné d'imprimer des modèles de Police d'affurance,
danslefquels Te trouvoiem lesclaufcsles plusufitées
en général, & du blanc pour y inférer les claufes ex-
traoïdinaires : mais divers afliireurs ayant préteiuUi
que ces imprimés contenoicnt tantôt une claufe, tan-
tôt une autre , dont ils ne comprenoient pas le iens ,
Se auxquelles ils n'avoient point entendu fe fou-
meitre , l'amirauté de France au fiege général de la
table de marbre à Paris , rendit deux fentences ,
l'une le 7 décembre 1757, & l'autre le 19 janvier
1759, par lefquelles entr'aiitres chofes, elle prof-
crivit l'ufage des Polices daillirance imprimées. M.
Valin s'élève fortement contre ce règlement qu'il
croit nuire à la célérité qu'exigent les expéditions
maritimes: d'un autre côté, M. Pothier prétend
que l'ufage des Polices d'aîTui-ance imprimées, étoit
abufif en ce que les courtiers ou agens y inféroient
toutes les claufes qu'ils imaginoient propres à tavo-
rifer leurs parties , & que les affureurs ne s'infor-
mant que de la fomme qu'on faifoit affurer , & du
prix de la prime , fignolent aveuglément ces aftes ,
lans faire attention aux claufes imprimées ; en con-
féquence, il fait l'apologie du règlement que criti-
que M. Valin.
Par un autre règlement du 18 juillet 17^9 , l'aini-
rauté de France a défendu aux courtiers & agens
d'afiurance, de inettre des renvois fiir les Polices
d'afTiirance , à moins que les parties n'y aient con-
fenti , Si. ne les aient paraphées.
Le même règlement leur a aufli dé^^endii de faire
aucun avenant ( i ) aux Polices , fmon à la fuite des
mêmes Polices, ou par a6ie féparé , du confente-
ment & en préfence des parties, lef{[ueis avenans
ville •, contenant que les Polices d'Aflurancc, quoique com-
prifes dan5 les cariKs du contcoie , en avaient c-pendant étl'
«éeilenjcnc dirpenfccs par l'ufage , JLifqii'en l'a'in.c lyzf, que
les fous l«rmiers ont voulii les y afTajet.ir ; que cette nou-
veauté a entiéteraeni fait tomber ce commerce, qui étoit au-
itefois foLt conlid^rable , les ncgocians ayant pris le parti de
faire alTurer dans les pays étrangers, de foite que les fous-
feimiers n'ont tiré aucun avantige de cette tentative :& fa
majefit' voulant de i>lus en plus donner des marques de la
protection qj'cUs accorde au coiiiinerce , en l.ti laitr.mt toute
la liSerté qui lui cil nccefliire. Uui le r.ippo.t du iîeur Orry ,
confeillcr d'état, &: ordinaire an confcil royal , contrôleur gê-
nerai des lîrîa.nces ; le roi , étant en fon confeil , a ordonné &:
ordonne , qu'à commencerdu join- de la publicaiiondu préfent
arrêt , les contrjts &:po!ices d'Affiitance , foit qu'elles foiciit
palTéespardevant les notnires royaux, cenfaux , courtiers, agens
de change , giefiici'S de« amirautés &: Jes juridictions coniuiii-
res , ou auttes, qt^i font dans l'ufage deJes recevoir, foit qu'el-
les foient faites loi's lîgnaturcs privées , ne feront pluifujettes
à la formalité ni au payement des dioits de conttôle des aites ,
dont fa niaiedé les a difpenfces , dérogeant à cet effet à tousré-
glemensà cecontrairej. Enjoint fa rnajelléaux fieursititendans
& commilTaires départis clans les provinces & généralitéi du-
royauaie, de tenir la main à l'éxccurtin du préfent arrêt , fur
Jeriuel toutes lettres ncceffâires ferorit expédiées. Fait a*i con-
feil d'étatdu roi, fa reajeilé y étant , tenu à Ma.Iy ledouzième
jour d'août mil fept cent trente-deux. S i >: né F iiEllPE AV X.
(i)On donne !e nom d'ûy«na;ir aux claufes ajoutées aux po-
lices d'Affuia^cCi
POLICE D'ASSURANCE. i^J
doivent être figues fur-le-champ par les parties ; le
tout à peine de nullité des renvois non piraphés ,
6i avenans non fignés, & de faux contre les cour-
tiers Se agens.
L'article 3 du titre des afluranees prefcrit ce que
doit contenir une police d'ailurance , pour préve-
nir les furprifcs qui pourroient avoir lieu au pré-
judice des contra61ans (^i).
Il faut en premier lieu fpécifier le nom Se le do-
micile de celui qui fe fait alûirer , & fa qualité de
propriétaire ou de commiilîonnaire.
Si l'affuré n'efl que commifîionnaire , il doit fe
conformer aux ordres de fon conimetranr ; c'tO:
pourquoi , fi en a^furant , il vient à excéder b prime
fixée par fon commettant , il peut être obligé de
payer cet excédent. M. \'alin rapporte une fenicnce
de l'amirauté de la Rochelle qui l'a ainfi jugé 1; 7
feptembre 1754, contre le fieur Lemoine , négo-
ciant à Rouen.
Le coiumiiUonnaire doit auffi ciioifir des a/Tu-
reurs folvables , autrement il pourrolt devenir ref-
ponfable de la perte des effets aflurés.
Mais fi , lorfque le comniiirionnaire a art'uré ,
les alTureurs avec lefquels il a contracté étoient ré-
putés folvables, il ne fera pas garant des événe-
mens qui auront pu les rendre infolvable". depuis
la lignature de la Police d'aiu:rance ; il Tufrira pour
fa décharge , qu'il avenifTe fon commettant , & qu'il
faiTe réfiiier le contrat d'affurance , Ci les rifqucs du-
rent encore.
2^. La Police doit défigncr les efTjts fur refqueîs
l'afTurance eiï faite. Il importe fur-tout d'expliquer
fi ces eftcrs font des marchundlCes fujetus à coubg,e ,
telles que du vin , du cidre , des liqueurs : la raifon
en efl que les a.Tureurs doivent connoître les rif-
ques dont ils fe chargent ; c'eft pourquoi , fi l'af-
furé avoit négligé cette explication dans la Police
d'affurance, les affureurs feroient difpenfés de ré-
pondre du dommage qu'une teinpête ai;roit pu oc-
cauonner durant le voyage. C'eft ce qui rcfulte de
■ l'article 3 I ; il faut toutefois , fuivant le même ar-
ticle , excepter de cette difpofition, l'affurance faite
fur retour des pays étrangers : la raifon de cette
exception eft que fouvent les affurés n'ont point de
connoiffance des marchandifes qui doivent leur ar-
river en retour.
3°. Il faut exprimer darîs la police , le nom du
navire qui doit tranfponer les marchandifes affu-
rées ; on doit aufli déterminer la qualité de ce na-
(i)V0'uiceT r.rtick. La police contitntira le nom & le do-
micile de celui qui fe fait alfurer ,fa qualhc de propriétaire ou
de commiffionnaire , les effets fur leiqucls J'ÂlTurance fira
faite , le nom du naviie 3c du maître , ce! ui du iicu ou les mar-
• chandifesauront été ou devient être chargées, du havre d'cti
. le vailTcau devra charger & décharger, &: de tousccuxoiV il de-
vra entrer; le tempsauquel les rifquei coiniiienceronr Se f ni-
tont , les fommes qu'on entend allater , la prime ou coût de
l'Aflttfance , larouinifTion clés parties an--! aibitres , en car de
• conrclUtian , & généralement toutes Iss Autres conditions
dont ellci voudror.t ccn/enir..
106 POLICE D'ASSURANCE.
vire. C'efl pourquoi û vous vouliez faire afTurer. des
effets chargés fur le navire le Cerbère, & que dans
Je contrat d'Affurance , il (m flipulé que ces effets
font fur le navire le Pluton , la convention feroit
nulle. La raifon de cette décifion eft fenfible : il
eft clair qu'en ce cas les affureurs ne courroient
aucun rifque , puifque vous n'auriez point d'ef-
fets fur le Pluton , & que vous ne feriez pas fondé
à ptétcndre qu"ils euflent aiTuré les effets char-
gés fur le Cerbère , puifqu'il ne feroit fait aucune
mention de ce vailfeau dans la police d'Affu-
rance.
De même , fi dans la police d'Anurarice , on
avoit donné le nom de vaifieau ou do navire à
v.ne barque ou à un bateau, la convention n'nuroit
aucun effet. La raifon en eft qu'en matière d'Af-
lurance , on n'entend fous la dénomination de na-
vire ou de vaiiTeau, qu'un bâtiment de mer à trois
mâts ; & que l'afiiireur pourroit dire que fon in-
tention avoit été d'affurer un bâtiment de cette
efpèce , mais qu'il n'auroit point voulu affurer un
bateau, fi on le lui eût indiqué pour être chargé
des marchandifcs qu'il s'agiffoit d'affurer. Cetie dé-
cifion de Cufa repris, fe trouve juftifiée par un arrêt
du parlement d'Aix , du 16 juin 1752 , conHrma-
tif d'une fentence de l'amirauté deMarfeille, du
5 décembre 1749.
Obfervez cependant avec Cafa régis Si M. Valin ,
que fi la police d'affurance ne préfentoit fur le nom
du vaiffeau , qu'une erreur légère qui n'empêchât
pas qu'on ne le reconnût , la convention feroit va-
lable. C'eft ce qu'a jugé le parlement d'Aix , par
prrêt du 2 mai 1750. Il s'ogiffoit dans cette efpèce ,
de la validité d'une affurance faite fur le brigan-
tin appelé le' L'ion heureux , & qui n'avoit été dé-
figné dans la convention , que fous la dénomina-
tion du brigantïn F Heureux.
4. On doit auffi défigner dans la police d'Af-
furance , le nom du maitre ou capitaine qui
doit commander le vaiffeau où font les effets
aiiurés.
Il y a néanmoins lieu de croire qu'une omif-
fion à cet égard , n'opéreroit pas la nullité de la con-
vention. La raifon en eft que les maîtres ou capi-
taines n'étant admis à commander des navires,
qu'après avoir fait preuve d'habileté , les affureurs
n'ont pas grand intérêt à connoitre celui qui
doit conduire le navire où font Içs marchandifes
affurées.
La queAicn feroit plus délicate , fi le capitaine
défigné par la police d'affurance, pour comman-
der le vniffeau , eût été fuppléé par un autre ca-
pitaine. Dans ce cas, les affureurs pourroient dire
qu'ils ne s'étoient déterminés à contraéler , qu'à
caufe de la confiance qu'ils avoient dans le capi-
taine défigné par le contrat d'affurance ; Se que
s'ils euffent fu qu'un autre que lui eût dû com-
mander le vaiffeau , la convention n'auroit point
g^^ ^cu , ou du moins qu'ils auroi«nt demandé
POLICE D'ASSURANCE.
■ une prime plus confidérable que celle qui a été
ffipulée.
Au refte , il faut remarquer que cette difpofi-
tion de l'ordonnance , qui veut que la Police d'af-
furance exprime le nom du navire & du capitaine ,
ne s'applique qu'aux chargemens qui fe font en
Europe. On eft difpenfé de cette formalité , rela-
tivement aux chatgemens qui fe font pour l'Eu-
rope , au levant Se dans les autres parties du monde.
C'eff ce qui réfulte de l'article 4. La raifon de cette
décifion eft que le négociant qui a des marchan-
difes dans un pays éloigné, & qui en attend le
retour , eft fouvent dans le cas d'ignorer par quel
navire on les lui enverra.
L'article qu'on vient de citer , prefcrlt néanmoins
de défigner dans la Police, la perfonne à laquelle
les effets affurcs doivent être envoyés. Mais M.
Valin, fort inftruit dans cette matière, remarque
que dans l'ufage on déroge fréquemment à cette
loi , fans que cela annuUe la convention. La raifon
en eft que le négociant qui veut faire affurer des
marchandifes dans un pays éloigné , peut ne con-
noitre pas mieux la perfonne à laquelle on les
adteffera, que le vaiffeau qui doit les amener. Ainfi,
il fuffit pour la validité de l'affurance , qu'il y ait
réellement eu des effets chargés pour le compte
de l'affuré , jufqu'à concurrence de la fomme affu-
rée. Cela s'eft ainfi établi pour donner un libre
cours aux afturances.
5°. La Police d'affurance doit faire mention du
tieu où les marchandifes ont été ou feront char-
gées , du port d'où le vaiffeau eft parti ou devra
partir , ainfi que des différens ports où il devra en-
trer, tant pour y charger des marchandifes, que
pour y en décharger.
L'objet que le légiftateur paroît s'être particuliè-
rement propofé dans cette difpofition , a été de
connoître fi en temps de guerre , fes fujets ne font
pas avec les ennemis , un commerce préjudiciable
à l'état , tel que feroit celui par lequel on procurc-
roit r ceux-ci des munitions de guerre ou débouche.
6°. La Police d'affurance doit déterminer le temps
auquel les rifques commenceront & finiront: aa
refle , fi ceci étoit omis dans la convention , il fau-
droit fuivre la difpofition de l'article 5 , qui veut
qu'on fe conforme alors à ce qu'a réglé fur ce point
l'article 13 du tirre des contrats à la groffe.
Suivant cette dernière loi , fi le temps des rifques
n'eft pas réglé par le contrat , il court à l'égard du
vaiffeau , fes agrêts , apparaux £<: vifluailles, depuis
le jour qu'on a mis à la voile , jufqu'au moment où
le vaiffeau eft ancré au port de fa deftination , &
amarré à quai. Quant aux marchandifes , ce temps
court depuis l'inftant où elles ont été chargées dans
le vaiffeau ou dans des gabarres pour les y con-
duire , jufqu'à ce qu'elles foient délivrées à terre.
7". Il faut ftipuler dans la Police d'affurance, les
fommes qu'on entend affurer, & la prime ouïe
coût de l'affurance.
S°.La Police d'affurance doit contenir la daufe
POLICE D'ASSURANCE.
que les parties foumettront à la décifion d'arbitres ,
les difficultés qui pourront furvenirau fiijetde leur
convention ; mais l'omiffion de cette claufe ne ren-
droirpas nul le contrat d'aiTurance , comme l'a dit
mal-à-propos le commentateur anonyme de l'or-
donnance de la marine. C'eft ce que prouve bien
clairement l'article 70 du titre des alTurances , puif-
qu'il fuppofe qu'il peut y avoir des Polices d'affu-
rance qui ne renferment pas la claufe dont il s'agir.
9^ Enfin , la Police d'affurance doit contenir tou-
tes les conditions qui compofent la convention
d'entre les parties. Il faut tirer de cette dernière dif-
pofition deux conféquences : l'une , que dans le
contrat d'affurance , peuvent intervenir toutes les
claufes que la lai ne défend pas , & qui ne font
point contraires aux bonnes mœurs ; l'autre , quefi
l'une des parties allègue qu'elles font convenues
d'une cliofe qui ne foit point juftifiée par la Police ,
on ne doit avoir aucun égard à cette allégation.
Suivant l'article 6 du titre des alVurances , la
prime devroit être payée comptant à l'affureur , au
moment où il figne la Police. Cependant on en v(i
difFéremment en beaucoup d'endroits, 8i on ne la
paye qu'après que les rifques font fini';. Souvent
l'afluré s'en acquitte par le moyen d'un billet qu'on
appelle biUsi d: prime , payable à une certaine
échéance.
Le même article 6 porte que , fi VaJJ'urancz efl
faite fur marchandifes pour l'aller & le retour , & que
U va jfeau étant parvenu au lieu de fa deflination , il
ne (e fjffe poini de retour , l'ajfureur fera t^nu de ren-
dre le t iers de la prime , s'il n'y a Jlipulation contraire.
La raifon de cette difpohtion efl que l'aflureur
n'ayant couru qu'une partie des rifques auxquels il
s'étoit fournis, il n'eft pr.sjufîe qu'il ait la totalité
de la prime. Il fcmbleroit même que les rifques du
retour étant les mêmes que ceux de l'aller , TaiTureur
ne devroit avoir, lorsqu'il n'y a point de retour,
que la moitié de la prime avec le demi pour cent
fur l'autre moitié pour fa fignature ; m.ais la loi en a
difpofé autrement. Au refte , le retour dont il s'agit
ici , ne s'entend pas du navire , mais d'un charge-
ment de marchandifcs qui remplace les marchandi-
fes aïTurécs pour l'aller. C'efl: pourquoi files mar-
chandifes de retour ne répondoient pas à !a valeur
de la fomme afTurée , la prime ne feroit gagnée
qu*à proportion du chargement ; & (i ces marchan-
difcs étoient péries , l'aflureur n'en payeroit que la
valeur , fans qu'on piit exiger de lui la fomme en-
tière aflurée. Tout cela dérive de la nature du con-
trat d'aiïiirance, qui veut qu'on ne puifTe gagner ou
perdre, qu'à proportion des rifques qu'on court.
L'article 7 permet « d'alTurer fur le corp? & quille
M du vailTeau, vide ou chargé , avant ou pendant
» le voyage, furies viéîuailles Si fur les marchan-
» difes , conjointement ou féparément , chargés en
» vaiffeau armé ou non armé , feul ou accompa-
» gné , pour l'envoi ou pour le retour , pour un
•n voyage entier, ou pour un temps limité m.
On voit par ces difpofitions qu'il ne s'agit que
POLICE D'ASSURANCE. 167
d'exprimer clairement dans le contrat d'aflurance ,
l'intention des parties; maisfi l'a/Turance étoit faite
fur le navire & fur fon chargement indiftin6lemcnt ,
comment faudroit-il la difuibuer ? Il y en auroit
moitié fur le navire & moitié fur le chargement.
Au furplus , il efl d'ufage , en cas pareil, de fixer
une fomme pour le navire , & une autre pour le
chargement.
Lorfque l'afîurance n'efl que fur le navire, il im-
porte peu d'exprimer s'il eA vide ou chargé ; mais
il n'eA pas indifférent de dire s'il efl armé ou s'il
ne l'efl pas , s'il part feul ou accompagné. La raifon
en eft que les rifques étant plus confidérables lorf-
que le vaifîeau part feul & non armé, que quand
il eft efcorté & armé , toutes ces chofes doivent être
déclarées dans la Police par l'aiTuré ; & s'il venoit à
déclarer, contre la vérité , que le vaifTcau eA armé
ou efcorté, l'afTureur pourroit dire qu'il a été fur-'
pris , & faire prononcer en conféquence la nullité
de l'afTurance , ou du moins fe faire adjuger une
augmentation déprime, félon les circonilances.
Comme la prime efl le prix des rifques àom l'af-
fureur fe charge , il eft d'ufage , lorfqu'on craint
une déclaration de guerre , de ftipulcr que dans le
cas de guerre , la prime augmentera d'une certaine
fomme, parce que les rifques font bien plus confi-
dérables en temps de guerre qu'en temps de paix.
Mais fi l'affurance s'eft faite en temps de paix ,
fans aucune claufe relative au cas de guerre, les
affureurs feront-ils fondés à demander une augmen-
tation de prime fi la guerre furvient ?
Cette queftien a fouvent été agitée au fujet des
prifes faites parles Anglois , au commencement de
la guerre qse termina la paix de Verfailles en 1763.
On fait que fans aucune publication demanifefte,
& avant de déclarer 1^ guerre , les Anglois commi-
r..*nt contre nous des hoflillités, en's'emparant , au
mois de juillet 17^5 , des vaiiTeaux l'Alcide & le
Lys, L'amiral Bolcaven pritenfuite, dans le mois
d'actJt fuivant, les vaiiTeaux des pêcheurs François,
qui étoient répandus fur le grand banc de Terre-
Neuve, & le long des côres feptentrionaîes. Dans
le même temps, les efcadres angloifes fe répandi-
rent de toutes parts, & fe faifirent de nos vaifleaux
marchands.
Il réfulta de cette étrange manière de faire la
guerre , différens procès , qui avoient pour objet
l'augmentation de prime prétendue par les aHii-
reurs. Les raifons pour refufer l'augmentation de
prime , étoient , comme l'a remarqué M. Pothier ,
que dans tous les contrats on n'a égard qu'au prix
(\\\Q la chofe, qui en étoit l'objet , valoit au temps
du contrat, & non à celui qu'elle a valu depuis.
Suppofons , par exemple , que je vous aie vendu un
terrein à cent livres la toife, prix auquel on leven-
doit alors, & que depuis la vente, ce terrein foit
augmenté de prix, au point de valoir cinq cents
livres la toife , je ne ferai pas fondé à vous deman-
der la moindre indemnité , à raifon de cette aug-
mentation de valeur. De même , dans un contrat
i68
POLICE D'ASSURANCE.
d'afriirance fait en temps de paix , l'a/Tureur s'étant
chargé, pour le prix convenu alors, de tous les
rifques auxquels les effets del'affuré pouvoient être
expoles, il lemble qu'il ne doive pas être fondé à
demander une augmentation de prime , dans le cas
où la guerre furvient ; parce que les rifques de la
guerre , dont il s'eft chargé par la Police d'aflu-
rance , conformément à l'article 26 , ne doivent pas
seftimer,eu égard au prix qu'ils valent depuis le
contrat, ni dans le temps auquel la guerre eft de-
venue certaine , mais feulement eu égard au prix
qiie ces rifques valoient au temps du contrat , dans
le temps auquel 1» guerre étoit un événement in-
certain & inattendu. C'cft d'après ces principes ,
que les aiTureurs anglois, qui , avant les hoOillités ,
avoient affuré , pour une prime modique, plufieurs
de nos navires , & plufieurs effets de nos commer-
çans , ne firent aucune difficulté de payer le prix
de leurs affurances , pour les navires &"effets qui ,
depuis les hortillités, furent pris parlescorfaires de
leur nation, & ils ne demandèrent aucune aug-
mentation de prime. Mais il n'en fut pas de même
en France ; l'amirauté du palais fe détermina à ac-
corder aux afiiireurs une augnienintion déprime ,
proportionnée à l'augmentation des rifques caufés
par la guerre, quoique les Polices faites en temps
de paix fulTent pures & fimples , & les fentences
de ce fiège ont été , fur ce point, confirmées par
arrêt, toutes les fois qu'il y en a eu appel. Les rai-
fons fur lelquellcs on s'eft fondé, font qu'il étoit
d'une nécellité abfolue & iudifpenfable peur l'inté-
rêt du commerce maritime, de prévenir Se d'em-
pêcher la ruine des afllueurs & des chambres d'af-
furance , laquelle auroit été infaillible, fi en ne
leur eût pas accordé cette augmentation de prime.
Ce cas, comme l'obferve le jurifconfulte cité, eft
un de ceux dans lefquels on doit s'écarter de la ri-
gueur des principes.
Lorfque l'a/Turance eft faite fur le corps & quille
du vaiiTeau , les agrérs, apparaux , armement &
viâuailles, ou fur une portion , l'article 8 de l'or-
donnance veut que l'eftlmation en foit faite par le
contrat : «i fanf à l'aiïureur , en cas de fraude, à
j) faire procéder à une nouvelle eftimation «.
Il eft fans doute fage de faire l'eftimation pref-
'■ crite par cette loi ; mais il réfulte de l'article 64, que
le défaut de cette eftimation n'entraîne pas la nullité
de rafl"urance. îl paroîtque l'objet principal de l'ar-
ticle 8 a été de donner aux aflureurs le droit de juf
tifier la fraude de l'eftimation faite par la Police , &
qu'on ne pût pas leur oppoiêr que leur fignature
fi't la preuve de la reconnoiflance qu'ils autolent
faite que cette eftimation étoit conforme à l'équité.
Si l'aftitreur venoit à prouver que l'eftimation
faite par la Police eft frauduleufe ,' l'arturance ne
feroit pas nulle pour cela ; on la réduiroit feule-
ment à la véritable valeur delà chofe>
L'article 9 permet aux navig:\tears , paftagers &
autres , de faire afturer la liberté de leurs perfon-
nes : dans ce cas , h Police d'aifurance doit conie-
POLICE D'ASSURANCE.
nîr le nom , le pays , la demeure , l'âge & la qualité
de celui qui fe fait affurer ; le nom du navire , du
havre d'oii il doit partir , du Heu oli fon voyage
doit fe terminer , la fomme à payer en cas de prife ,
tant pour la rançon que pour les frais du retour , à
qui il faudra en remettre les deniers , & fous quelle
peine.
L'omiflîon de quelqu'une de ces chofes ne rend
pas la Police nulle : ainfi , lorfqu'il confte qu'une
perfonne s'eft fait afifurer , l'erreur qui peut être
fur fon nom , fur fon domicile , ou fur fon âge ,
dans la Police , n'eft d'aucune confidération.
La prife du vaifteau & la captivité de l'afluré
qu'elle a occafionnée , fuffifent pour autorifer à
demander la fomme que les aftiireurs doivent pour
la rançon de la perfonne aifurée & pour les frais de
fon retour. Il ne faut pour cela que repréfenter un
certificat de la prife du vaifteau & la Police d'aflîi-
rance.
L'ordonnance n'a pas déterminé le temps auquel
les aftureurs doivent payer la fomme dont on vient
de parler ; mais comme il s'agit d'un objet très-pro-
vifo!rc,on doit à cet égard le conformera ce que
prefcrit le guidon de la mer , fuivant lequel les af-
lureurs font tenus de payer le prix convenu pour
la rançon, quinze jours après l'atteftation de la
captivité, quoiqu'ils aient trois mois pour payer,
lorfqu'il s'agit d'une aflurance ordinaire.
Si la perfonne entre les mains de laquelle les af-
fureiirs doivent payer , n'étoit pas indiquée par la
Police , ils feroient obligés de payer entre les mains
du procureur fondé du captif ou de la perfonne qui
auroit qualité pour recevoir en fon abfence.
Si la Police d'afturance ftipule une peine à défaut
de payement delà rançon dans le terme fixé, elle
doit fervir de règle ; mais fi l'on ne s'eft point expli-
qué à ce fujet , les aft"ureurs doivent être obligés à
payer au captif des dommages & intérêts propor-
tionnés à fa qualité.
Mais en permettant le contrat d'aftlirance relati-
vement à la liberté , l'ordonnance en a défendu l'u-
fage au fujet de la vie des perfonnes. La raifon en»
eft qu'une telle convention eft contraire aux bon-
nes mœurs , 8c pourroit donner lieu à quantité
d'abus & de tromperies. Les anglois n'ont cepen-
dant pas envifagé la chofe fous ces rapports , car
les conventions de cette efpèce font autorifécs
parmi eux.
Au furplus, la défenfe de faire aucune afliirance
fur la vie des perfonnes , fouffre une exception dé-
termifiée par l'article 11 , lequel permet à ceux qui
rachètent des captifs , de faire aftiirer , fur les per-
fonnes tirées de l'efclavage, le prix du rachat, &
les aftureurs peuvent être tenus de le payer , fi les
captifs viennent à être repris, tués ou noyés , ou
s'ils périft'ent dans le voyage par quelqu'autre voie
qwe par la mort naturelle. La raifon de cette difpo-
fition eft que , dans ce cas > on aflure plutôt le prix
du rachat , que la perfonne.
La mort naturelle ne peut jamais donner heu a
l'exception j
POUCE D'ASSURANCE.
l'exception ; &: l'on entend par mort naturelle , non-
feulement celle qui arrive par maladie , mais en-
core celle que le captif fe procure lui-même par
défefpoir.
Lorfqu'un particulier , qui a fait aflurer fa liberté ,
& qu'on a fait captif ou prifonnier , eft mort avant
que les aflureurs aient été mis en demeure de payer
la fomme portée par lu Police , on demande A l'ac-
tion ouverte par la captivité pafle aux héritiers du
captif? M. Pothier adopte l'affirmation. La raifon
tju'il en donne, Se qui nous paroît folide, efl que
ce n'eft pas la rédemption du captif ou du prifon-
rier , qui eft l'objet de l'obligation que les affu-
ceurs ont contrariée par le contrat daffurance ; elle
ti'eft que la caufe finale & le motif du contrat. L'ob-
jet de l'obligation des aflureurs efl !a fomme d'ar-
gent portée par la Police , & qu'ils fe font obligés
de payer : or , le droit qui réfultc d'une obligation
ti une fomme d'argent, eft un droit de nature à
palier aux héritiers de la perfonne envers qui ïo-
bligation a été contrariée.
Comme il eft de l'cflence du contrat d'aft"[!rance
maritime , qu'on ne puifie faire afl"urer que ce qu'on
court rifquc de perdre , l'article i 5 porte que les
fropriét Aires des navires , ni les manies , ne pourront
faire ajfurcr le fret à faire de leurs batimens , les mar-
chands , le profit ejp'iré de leurs marckandifdi » ni les
^ens de mer , leurs loyers. C'eft que , fi le vaifteau
vient à périr, le fret à faire , le profit à efpérer des
Tnarchandifes , Se les loyers des gens de mer , doi-
vent être envifagés comme des gains qu'on a man-
qué de faire , plutôt que comme une perte dont on
a couru les rifques.
Au refte , la difpofition de cette loi ne doit pas
s'appliquer au fret acquis , c'eft-à-dire , à celui qui
eft déclaré tel par la convention , en forte qu'il doit
être payé dans le cas de la perte , comme dans ce-
lui de l'heureufe arrivée du vaifteau & des mar-
chandifcs : ce fret acquis peut être fans difficulté
«jn objet d'affurance pour le négociant, qui fait
affiircr fon chargement , parce qu'il fait partie des
dépenfes que ce négociant court rifque de perdre :
mais d'un autre côté, ce même fret acquis ne peut
être un objet d'affurance pour le propriétaire du
vaifteau , puifqu'il ne court aucun rifque à cet
égard,
Obfervez auftl que la défenfe de faire aflurer le
profit efpéré des marchandifes , ne s'étend pas au
profit fait & acquis : on peut , fans difficulté , faire
affurer celui-ci contre le rifque qu'on court de ne
pas le conferver. C'eft pourquoi un négociant qui
a fait aflurer, pour l'aller & pour le retour, une
cargaifon envoyée au Levant , peut valablement
faire aflurer le bénéfice réfultant de la vente faite
de cette cargaifon à Conftantinople. Ce bénéfice
/orme un nouveau capital qui s'ajoute au premier.
On peut pareillement faire aflurer en temps de
guerre la prife faite par un vaifleau corfaire , à
caufc des dangers qu'elle court jufqu'à ce qu'elle
foit arrivée dans un port du royaume. Les affûteurs
POLICE D'ASSURANCE. KÎ9
répondent alors de la reprife comme des autres ac-
cidens maritimes. C'eft ce qu'a jugé le parlement
d'Aix en 1749, dans une affaire ou il s'agiflbit de
quatre navires Anglois, pris par le capitaine Vi-
goureux , & qui avoieni été repris après l'aflii-
rance.
L'article i6 défend à celui qui prend des deniers
à la greffe , de les faire alTurer , à peine de nullité
de l'aflurance , & de punition corporelle.
La raifon de cette loi pénale eft que , fi celui qui
prend des deniers à la greffe aventure , les faifoit
affurer, il auroi< intérêt à ce que le vaifleau pérît
ou fût pris , puifqu'il feroit par-là déchargé envers
le préteur, & que l'alfureur feroit tenu de lui re-
mettre la fomme empruntée à la groffe , en rete-
nant feulement la prmie convenue. Cette confidé-
ration pourrait le déterminera prendre des moyens
pour parvenir à ce but.
L'article 17 prononce aufli la peine de nullité
contre les conventions faites pour a^Turer le profit
des fommcs données à la groffe aventure.
Le préteur à la groffe peut bien faire affurer fon
capital , parce qu'il court le rifque de le perdre ;
mais il en eft autrement du profit maritime ftipulé
en cas d'heureufe arrivée du vaiffeau. Si le vaiffeau
périt , ce profit fera moins une perte dont le prê-
teur aura couru les rifques , qu'un gain qu'il aura
manqué de faire.
Au furplus , la nullité prononcée par cet article,'
n'ayant rapport qu'au profit qui doit réfulter d'une
fomme donnée à la groffe , la convention fubfifte-
roit à l'égard du capital , s'il étoit affuré par la
même Police. La raifon en eft que la nullité de
l'affurance ne doit avoir lieu que relativement à
l'objet que h loi défendoit de faire affurer.
Suiv»nt l'article 18, les affurés courent toujours
rifque du dixième des effets qu'ils ont chargés , à
moins qu'il n'y ait dans la Police d'affurance une
claufe par laquelle ils aient déclaré qu'ils enten-
doient faire affurer le total. Et , fulvant l'article
"19 , fi les affurés font dans le vaiffeau , ou qu'ils ert
foient les propriétaires, ils doivent courir rifque du
dixième, quand même ils auroient déclaré , dans
la Police d'affurance , qu'ils emcndoient faire affu-
rer le total.
Cette loi a eu pour objet d'engager ces affurés
à prendre , pour la confervation du vaiffeau, un foin
qu'ils auroient pu négliger, s'ils n'avoient couru
aucun rifque.
Au refte , le dixième dont l'affuré doit courir le
rifque, fc règle ainfi : on ajoute la prime ou coût
de l'affurance au prix de l'achat des marchandifes Sc
des frais faits pour le chargement , ou à la valeur
donnée au navire ; & de ce total , on diftralt le di-
xième pour le compte de l'affuré.
L'article ao permet aux affûteurs de faire réaffu-
rer à d'autres , les effets qu'ils ont affurés ( i ). La-
(i) L'article 11 porte que la i)rimes des réaffurmces peu-
vtm (ne moindres ou plus fortes que celles des ajurances. Cela,
«c peuc fouiftic aucune diHîculcc.
170 POLICÉ D'ASSURANCE.
mcme loi permet aufri aux afiurés de faire afTijrer
la prime d'alîurance , & la Covabilité des a'dureurs.
Il faut obferver à ce fujet que l'afliireur qui fait
réaffurer, refte obli-^é envers l"a<rurj. fauf Ton re-
cours contre le réaffureur. 11 refle pareillement
obligé envers l'an'uré , lorfque celui-ci fait alTurer
fa folvabilité. Il réfulte feulement de cette dernière
alïïirance, que l'afiuré a deux avTiireur» au lieu d'un ;
&. que , fi l'engagement a été flipulé folidaire dans
le contrat d'a/iurance de la folvabilité du premier
alïïireur, il peut "à ion choix dlfcurer l'un ou l'alnrC
aiTiireur; maïs û cet engagement n'étoit pas foli-
daire , il faudroit difcut^r le premier aiTureur, avant
de pouvoir attaquer le fécond. La raifon en eft que
le fécond affureur ne pem être confidéré que com-
me la caution du premier, & que toute caution
doit avoir l'exception de difeuflîon , lorfqu'elle n'y
a pas renoncé.
On viei'K de voir que l'ordonnance permet aiiiïi
de faire an"urer la prime ou coût de Taffurance ,
c'ef^-à-dire , ce que ralTuré s'eft engagé à payer au
premier afîureur. Ainfi , fuppofez que vous ayez
fait aflurer cent mille livres , valeur d'un charge-
ment que vous aviez fur le vaiffeau V Hirondelle ,
moyennant une prime de dix inille livres que vous
vous êtes obligé de payer à l'alïïireur à tout événe-
ment, foit en cas de perte , foit en cas d'hîiireufe
arrivée du vaiiTeau , il efl évident que vous courez
Tifque de perdre ces dix mille livres : vous êtes par
conféquent en droit de les faire afTurer par un fé-
cond affureur qui s'obligera de vou=; les payer fi le
vaiffeau vient à périr ou à être pris par l'ennemi.
Le prix dont on convient avec le fécond affu-
reur , pour qu'il allure la prime du premier con-
trat , s'appelle pTÎme de prime.
Tout ainfi qre vous pouvez faire affurer la prime
•du premier contrat, par un fécond afiureur, de
même vous pouvez faire ailurer par un troifiéme ,
la prime de prime du fécond contrat, & ainfi du
reAe.
11 eft défendu par l'article 22, de f Are âjfurerou
réafl'nrer des effets au-delà de leur valeur, par une ou
plujîeurs polices , « peine de nullité de rajfurance , &
de confifcation des march.tndifes.
Cette loi eft fondée fur ce principe, qu'on ne
•doit faire afTurer que ce qu'on rifque de perdre.
Cependant lorfqu'on a fait affurer des efifeis pour
une fomme qui excède leur valeur, & qu'on ne Ta
fait que par erreur ou par inadvertr.nce , le con-
'trat d'afTurance doit fubfîfler ; mais feulement juf
qu'à concurrence de la validité ou cAimation des
effets.
Si les effets fe trouvent affurés par plufieurs Po-
lices , & qu'ils ne foient point portés dans la pre-
mière , au-delà de leur valeur , il eft évident que
"Cîtte Police doit fubfifler, & que la nullité que
■p ononce la loi , ne peut concerner que les affli-
^jnces poftérieures, à comprcr delà Police qui,
Jla première, aura excédé la valeur des effets.
Swppofons , par exemple , qu'ayant des m»r-
POTîCE D'ASSURANCE.
clmndifes fur un vaiffcau , pour une fomme de
5000 livres , vous les ayez fais. ; iTarer par vm pre-
mier coml'at, jufqu'a la concurrence de 3000 liv. ;
par un fécond , jufqu'r! la concurrence de 1500
livres, §: que par un troifiéme contrat , vous ayez
déclaré affurer jufqu'à la concurrence de loooo
livres , tandis que vous ne pouviez plus en faire
affurer que cinq cents , les deux premiers contrats
fubfifferont , & la nullité , ainfi que la confifca-
ti'jn , n'ai:rontlieu qU''à l'éeàrd du troifiéme contrat,
A'uréft'e, comme la nullité d'une affurance ne
peut vei^iir que du propre fait de l'affuré , la peine
prononcée par la loi, \t Concerne feul. Il efl en
outre obligé de payer à l'affureur dont l'affurance
deiiKure farts effet, un demi pour cent pour fa
fignature.
Il faut obferver ici que quand un négociant a
fait affurer fes effets pour une fomme qui excède
leur valeur , on préfume dans le doute , qu'il l'a
tait de bonne fol & par ignorance ; c'eff pourquoi
lorfque les affureurs allèguent qu'il y a de la fraude
de fa part , & qu'en conféquence ils demandent la
nullité de l'affurance, ils font tenus de prouver cette
fraude.
Lorfqu'on a fait affurer des effets au-deffous de
leur valeur, & que raffuran(:e eff faite fur le tout
& fans aucune d'éfignation particulière , les rifques
doivent fe partager entre l'affureur , à proportion
de la fomitie qu'il a affurée , & l'affuré pour le
furplus.
Ainfi, en fuppofant que vous ayiez fait affurer
nour 20000 liv. dans une cargaifon de 30000 liv.
qui vous appartient, s'il furvient une perte de
-50000 liv., l'affureur en fupportera les deux tiers ,
8c vous le tiers. Cela fe pratique de cette manière ,
narce qu'il n'y a nulle raifon pour faire tomber la
perte fur la partie qui reftoit à affurer, plutôt que
fur celle qui étoit affurée.
Les difpofitlons des articles 23 , 24 & 2Ç fe trou-
vent renfermées dans ce qui vient d'être dit.
L'article 26 détaille les rifques auxquels les affu-
reurs font affujî.tits ; voici ce qu'il porte :
j) Seront aiix rifques des affureurs , toutes pertes
)» & dommages qui arriveront fur mer, par tem-
» pêtes , naufrages , échouemens , abordages, chan-
V gemens de routes, de voyages , ou de vaiffeau,
). j^et, feu , prife , pillage , arrêt de Prince , décla-
» ration de guerre, repréfailles , 8c généralement
Y> toutes autres fortunes de mer.
Il eft de la nature du contrat d'affurance, que
l'affureur prenne fur lui tor.s les rifques auxquels
font expofés les effets affurés.
On entend affez ce que c'eff. que les dommages
occafionnés par tempête ,nauf-^§e , échouemeni 6»
ab,}'duge : au furplus , voyez ces mots.
Quant au dommage qui peut réfulter d'un chan-
gement de route, de voy.ige ou de vaiffeau , il
n'eff à la charge de l'affureur , qu'autant que ce
changement eft force & qu'il a eu lieu, par exem-
ple , pour "éviter des pirates, ou par la crainte
POUCE D'ASSURANCE.
d'écliouer , de fn.ire naufrage , &c. c'eft pourquoi
fi le changement de route, de voynge ou de vaif-
feau avoit eu iieu lans néceflîté , & par l'ordre feul
de l'afluré , les alTureurs ne feroient point tenus de
la perte qui en pourroit réfulter : c'eft ce que porte
l'article 27.
Ces difpofitions des articles 26 & 27 ont fait naî-
tre , entre les fieurs Belin & conforts , négocians
à la Rochelle, 6c les affûteurs du navire le Benja-
min , une contertation dont voici l'efpèce rapportée
par M. Valin.
La capitaine qui commandoit ce navire, étant
parti du petit Goave, avoit débouché par le canal
de Baham , au lieu de pafler fous le mole Saint-
Nicolas. Il avoit par conféquent pris la route la
pins longue ; mais il l'avoit fait dans la vue d'éviter
les corLiires dont il favoit que l'autre route étoit
infeflét;. Cependant lorfque le vaiffeau fe trouva
par les 47 degris & demi de latitude, & trois 8c
demi de longitude , il fut pris après un combat
opiniâtre, où le capitaine perdit la vie. En confé-
quence, les affiirés demandèrent aux affureurs, la
fomme portée par la Police d'affurance. Les affu-
reurs foutinrent leurs adverfaires non-recevables ,
fur le fondement qu'ils avoient fait prendre au
navire la route la plus longue , fans qu'ils y euffent
confenti.
L'amirauté de Marfeille adopta ces défenfes, &
par fentence du 23 novembre 1745, elle débouta
les alTurés : cette fentence fut depuis confirmée par
arrêt du parlement d'Aix, du 30 juin 1746; mais
par un autre arrêt du 6 avril 1748, le confeil caffa
celui du parlement d'Aix , comme contraire à l'or-
donnance.
Cette décifion eft fondée fur ce que le capitaine
du navire n'avoir choifi la plus longue route que
par prudence; & que d'ailleurs, il n'y a aucune
loi par laquelle il foit ordonné de choifir entre deux
routes , celle qui eft la pins courte.
Si pour fauver le navire , on a été obligé de jeter
a la mer les marchandifes afTurées , on ne peut
douter que l'aflureur ne foit obligé d'en payer la
valeur, fauf à lui à exercer les droirs de l'affuré
contre ceux qui doivent contribuer à la perte.
L'affureur doit pareillement fupporter la contri-
bution à laquelle l'afTuré peut être aflujetti , pour
raifon de la perte d'autres marchandifes qui étoient
dans le vaiffeau , & qu'on a jetées à la mer pour le
fauver. Cela eft d'autant plus jufle, que c'eff l'affu-
reur qui profite du jet de ces marchandifes , puif-
que c'eft par ce moyen qu'on a confervé les effets
affurés.
A l'égard du feu , l'affureur n'en eft tenu , qu'au-
tant que le vaiffeau a été brûlé par le feu du ciel ,
ou dans un combat : car fi ce dommage provenoit
de la négligence & de la faute des mariniers , l'affu-
reur n'en répondroit pas, à moins toutefois que
par la convention il ne fe fût chargé de la baraterie
du patron.
Mais on demande fi l'affureur doit répondre de
POLICE D'ASSURANCE. 171
la perte du navire & des effets affurés , dans le cas
où le capitaine y met le feu pour empêcher que
l'ennemi n'en nroiite.
Comme il ell à prcfumer que le capitaine n'a
brûlé le navire, que pour empêcher qu'il ne tom-
bât entre les mains des ennemis ou des pirates ,
l'affureur doit en fupporter la perte , à moins qu'il
ne prouve qu'il y a de la malverfation de la part
du capitaine. C'eff pourquoi , par arrêt du 7 Sep-
tembre 1747, le parlement de Bordeaux a pro-
noncé en cas pareil contre les affureurs , en faveur
d'Elie Leyffan , capitaine, cjui avoit brûlé fon pro-
pre navire.
Par un autre arrêt du 30 mars 1748, le parle-
ment de Provence prononça de même contre les
affureurs du vaiffeau /«■ Modéjîe , auquel le capitaine
Artaud, pourfuivi par des corfaires vers le c?p
Trafalga, avoit mis le (qv. , & s'étoit fauve fur la
côte avec tout fon équipage.
L'affureur eft aufli refponfable de toute efnèce
de prife , foit qu'elle ait été faite par des ennemis ,
foit qu'elle l'ait été par des amis , alliés ou neutres.
C'eft ce qui a été jugé au parlement de Provence,
par arrêt du 13 mai 1757, confirmatif d'une fen-
tence de l'amirauté de Marfeille, du 18 avril pré-
cédent. Dans cette efpèce , la corvette la Aiar'u-
Anne , avoit été prife par les Anglois, & conduite
à Minorque, avant que k guerre fût déclarée. Après
1?. conquête du Port-Mahon , ce navire fut con-
duit à Marfeille, & alors les affureurs prétendirent
contre le fieurTiran , affuré, qu'il n'étoit pas quef-
tion d'une prife , mais feulement d'un arrêt de
prince. Mais on n'eut point d'égard à cette excep-
tio.n , & l'arrêt cité les condamna à payer les fom-
mes affurées , à la doduélion du prix de la vente du
.navire 6c de fa cargaifon.
Les affureurs répondent pareillement delà perte
des effets affurés , lorfqu'on les pille fur le rivage
où ils ont été jetés par les flots.
A l'égard de l'arrêt de prince, il faut diftinguer
s'il a eu lieu par les ordres d'un prince étranger,
ou dans un port du royaume , par l'ordre du
roi. "Voyez ce que nous avons dit fur cet objet ,
à l'article Arrêt de Prince.
L'affureur eft auffi tenu des rifques auxquels
donne lieu une déclaration de guerre imprévue,
quoique le contrat d'affurance ait été fait en temps
de paix , & que les contra«Sans ne fe foient pas
attendus à la guerre.
En''in , l'affureur eft garant de tous les cas ex-
traordinaires de forcj majeure , qui peuvent occa-
fionner la perte des chofes affurées , ou y caufer
quelque dommage.
Obfervez cependant que dans tous les cas où le
dommage a eu lieu par le fait ou la faute des
affurés , ou des gens qui font à leurs ordres , ou
des mariniers, l'affureur n'en eft pas refponfable ;
( I ) & même il n'eft pas tenu de rcftituer la pri-
(1) Il fiut néanmoins excepter de cette décifion le c»s où ,
Yij
171
POLICE D'ASSURANCE.
me, s'il a commencé à courir les rifques. Ceft ce
qui réfulte de l'article 27.
Ainfi, lorfque les marchandifes font de mau-
vaife qialité , qu'elles ont été ma! emballées , que
le commerce en eil défendu , les pertes auxquelles
ces chofes peuvent doner lieu, ne concernent pas
l'afliireur.
Il faut remarquer qu'au moyen de ce qu'on in-
sère ordinairement dans les Polices d'affurance une
claufe par laquelle il eft permis de changer de route ,
de naviguer à droite (fv à gauche , à dextre & feneflre
côté , de faire échelles , d'aller ô- revenir , &c. Si le
navire touche à quelque port dans fa route , que le
capitaine y vende des marchandifes & en achète
d'autres pour les remplacer, ces nouvelles mar-
chandifes font fubrogées aux premières, & l'aîTu-
reur en court les rifques comme il les couroit de
celles qui ont été vendues. Ccft ce que l'amirauté
de Marfcille a jugé par fentence du 12 décembre
1749 , en faveur d'un négociant de Marfeille , con-
tre les aflureurs de la cargaifoa du vaiffeau la
Minerve.
Les marchandifes achetées dans un port fur ïa
route , pour compléter le chargement , f©nt pareil-
lement à la charge des aflureurs , en vertu de la
cbiife dont on vient de parler. C'ell ce qui réfulte
d'un arrêt du r 5 juin 1746 , rendu par le parlement
de Provence , ea faveur de plufieurs négocians de
Bayoane, contre les affureurs du navire /f Saint-
Bernard, L'affurance étoit déclarée faite fur les mar-
chandifes qui fe trouveroient chargées dans le vaif
icau , à la fortie de Bayonne jufqu à Cadix. Le vaif-
feau avoit , fur fa route , pris des effets à Saint-Sé-
baflien , & c'étoit le motif par lequel les affureurs
refufoient de payer , mais la cour n'eut point
d'égards à ce moyen , & elle les condamna à payer
la lomme affurée , & aux dépens , tant de caufe
principale , que d'appel.
Au refte , la permiffion de changer de route ne
donne pas le droit de changer le voyage défigné
par la Police : on a feulement le droit de fe détour-
ner «le la route pour aller dans quelque port ; mais
il faut que le navire fe rende enfin à la deffination
dont il cft fait mention dans la Police d'affuraiice;
finon les affureurs feroient déchargés de leur obh-
gation
Suivant l'article 29, les déchets, diminutions &
pertes arrivés par le vice propre de la chofe , ne
doivent point être à la charge des affureurs. La rai-
fon de cette décifion eff que les affureurs ne font
cenfés fe charger que des accidens extraordinaires,
& non de ce qui arrive naturellea>ent. C'efi pour-
par une cîaufe de la Police , l'affureur fe feroit chargé de la
baraterie du patron. Alors il rtponJ des fautes du capitaine &:
des tnatiniers , mais non de celles de l'alTuré ou des aggns oui
Je rtptéfentent. C'eft ce qui rcfulte de l'aiticle 18., ainli
conçu : ne feront aujji tenus les affuraitrs de porter Us pertes 6*
dommages arrhes aux vaijfeavn 6* marchand] fis yar la f.-tuts
âts maîtres (tf marinierîyji ^ar la Folite ils ncfunt char^éf de
h baratirit de j^atroiu
POLICE D'ASSURANCE;
quoi les affureurs ne doivent pas fupporter le dom-
mage occafionné par le coulage auqual certaines
marchandifes font naturellement fujettes. Cepen-
dant s'il s'agiffoit d'uu coulage occafionné par une
tempête , & beaucoup plus canfidérable que le cou-
lage ordinaire , les aflureurs en feraient tenus, juf-
qu'à la concurrence de ce qui feroit eftimé excéder
le coulage ordinaire ( i ).
De même fi le vaiffeau affuré fe trouve, pour
caufe de vétufté ou de pourriture, hors d'état de
revenir , les affureurs ne font pas tenus de cet évé-
nement. Il faut appliquer la même décifion aux voi-
les Si aux cables ufés par vétufté.
Il faut encore en dire autant des animaux ou des
nègres morts de leur mort naturelle , ôu même qui
fe font tués par défefpoir. Il eft clair que toutes ces
pertes ne doivent point être fupportées par les affu-
reurs, puifqu'elles n'ont eu heu que par la nature
Qu le vice de la choie.
* La perte qui fe rit fentir en Provence en 1720,
donna lieu à une quertion qui ne s'étoit jamais pré-
fentéc. Elle ionfilloit à favoir : Jî les ajfureurs dé-
voient répondre des perles arrivées durant la quaran-
taine des infirmeries ?
Un vaiffeau , commandé par le capitaine Cha-
taud , venant de Tripoli, étant arrivé à l'île de
Jarre, près de Marfeille , lieu deftiné aux quaran-
taine des vaiffeaux qui viennent du Levant au port
de cette ville , avoit été brûlé , avec toutes les mar-
chandifes qu'il contenolt , en vertu d'arrêt du par-
lement de Provence.
Les intéreHés fe pourvurent contre les affïireurs ,
fur le fondement que les Infirmeries & l'ile de Jarre
n'étoient pas le vrai port de Marfeille , que par con-
féquent le rifque n'étoit pas rini, & que c'étoit
le cas d'appliquer l'ordonnance de 1681, qui ne
décharge les affureurs qu'après que les marchan-
difes ont été délivrées à terre au lieu de leur defli-
nation.
On répondoit 1°. , que Tufagc ayant introduit à
Marfeille que les affureurs ne répondoient pas des
déchets , pertes ou accidens qui arrivoient aux In-
firmeries , on devoit regarder la Police dont il s'a-
giffoit, comme faite d'après cet ufage. 2". Que
Tordre du parlement, en vertu duquel le vaiffeau
& les marchandifes avoient été brûlés, ne pouvoit
avoir été donné que par àçwx motifs , ou pour pu-
nir les intéreffés , ou pour éviter ks fuites de lî
contagion & infe^ion de ces marchandifes. - Qu'au;
premier cas, les affureurs dévoient être exempts de
cette perte, à caufe que les propriétaires , ou le ca-
pitaine, du fait duquel ils étoient tenus, y avoient
feuls donné lieu. — Qu'au fécond cas , la précau-
tion dont le parlement avoit ufé , en faifant brûler
(i) Obfervez que pour que les alTuteuts foient tenus du-
codage extraordinaire que peutoccailonner une teiiipcce , il
faut que les marchandifes fujettes à coulage , foient délitées
dans la Police , à moins cependant que rafTurance ne foie
faite fur rewut dw pays éiracgçts. C'.ei^ ce <iuc porte l'arù-
POLICE D'ASSURANCE.
le vaineau, n'étoit qu'un grand déchet, la perte
totale étant une avarie extrême, de même que l'a-
varie ordinaire eft une perte moindre ; en forte que
celui qui ne répond point de la petite perte ou dé-
chet , ne répond point de la perte totale , & qu'il
étoit certain que pour auci'.ne perte ou déchet ar-
rivé aux infirmeries , il n'avoit jamais été dreiré au-
cun rapport ni procès-verbal d'avarie.
Cette affaire portée aux enquêtes du parlement
de Provence , y fut partagée & renvoyée à la
grand'chambre. Ce qui faifoit la difficulté , c'eft
qu'on étoit convenu que files marchandifes péril-
foient au quai dans le tranfjjort des infirmeries ,
les affureurs en feroient refponfables ; d'oii l'on
concluoit qu'elles étoient aux infirmeries à leurs
rifques , comme fi elles n'avoient pas été débar-
quées; puilque le temps du nfque n'étoit pas fîni.
Mais cetie obie(Sion tomboit ., parce que les afTu-
reurs & les alTurés convenoient unanimement que
le temps & le lieu de la pun^e font une fufpenfion de
rifque ; ce qui étant fuppofé, comme on n'en peut
douter , tout ce qui s'enfuit efl au rifque des pro-
priétaires.
Aufli , par arrêt du mois de mars 1725 , les afTu-
reurs ont été décharges de leur affurance, & le
parlement d'Aix a fait fupporter aux afVurés toute
la perte du vaifîéau & des marchandifes qui avoient
fait la matière du procès.
Cet arrêt efl rapporté par Augeard , tome 2,
§. 163 ^
Les affureurs ne font point chargés des frais or-
dinaires du voyage , tels que font les pilotages ,
louages , lamanagcs , les droits de congé , de vifite , de
rapport 6* d'ancrage , & ceux qui peuvent être impofés
fur les navire; & murckandijes. C'efl ce qui réfulte
de l'article 30.
Si l'afTurance eft faite divifément fur pîuficurs
vaifTeaux défignés , & que la charge entière foit
iTiife fur un feul , l'afTureur ne doit courir rifque
que de la fomme afTurée fur le bâtiment qui a reçu
le chargement , quand même tous les vaifTeaux dé-
fignés viendroienrà périr : il doit feulement rendre
la prime du furplus , à la réferve du demi pour
cent , qui lui eft attribué pour la Signature , ou par
forme de dommages & intérêts réfultans de l'inexé-
cution du contrat. C'eft ce que porte l'article 32.
Ainfi , dans le cas où des afTureurs ont afïïiré des
effets valant 10,000 écus , qui dévoient être chargés
fur le vaifTeau la Junon., conformément à la Police ;
plus , d'autres effets pour une pareille fomme de
10,000 écus , qui dévoient être chargés fur le vaif-
feau le Minotaure:{i vous avez chargé le tout fur
le Minotaure, les afTureurs ne courent pas rifque
des 10,000 écus afTurés fur la Junon: c'eft pour-
quoi fi ces d«ux navires viennent à périr, les afïïi-
reurs ne feront tenus que des 10,000 écus , qui,
fuivant la Police , dévoient être chargés furie Mi-
notaure; mais ils rendront la moitié de la prime,
à l'exception du demi pour cent. La raifon de cette
décifioa efl que le contrat d'aflurance n'a eu iaa ,
POLICE D'AS^URANCE. 173
exécution que pour la moitié des efTets afTurés.
Suivant l'article 33 , lorfque les maîtres ou pa-
trons ont la liberté de toucher à différens ports on
échelles , les afTureurs ne courent pas les rifques
des effets qui font à terre , quoique deflinés pour
le chargetnent qu'ils ont afTuré, & que le valffeau
foit au poti pour le prendre , à moins toutefois qu'il
n'y ait une convention contraire parla Police.
Si l'affurance eft faite pour un temps limité fans
défignation de voyage , les rifques font finis pour
Taflureur après l'expiration du temps. C'eft ce qui
réfaite de l'article 34. Cette forte d'affiirance le pra-
tique à l'égard des vaifTeaux armis en courfe.
Mais lorfque le voyage eft défigné par la Police ,
les afTureurs courent les rifques du voyage entier ,
quoique la Police ait luuité un temps pour le faire,
il refaite feulement de cette condition, que la du-
rée du voyage venant h. excéder le temps limité , la
prime d'affurance doit être augmentée à propor-
tion , quoique cette prime ne puifle point être di-
minuée , fi le voyage dure moins que le temps li-
mité. Telles font les difpofnions de l'article 3^.
Si, fans le confentement des aflureurs , l'affuré
envoie le vaiffeau dans un lieu plus éloigné que
celui qui eft défigné par la Police , ils font dé-
chargés des rifques auffi-tôt que le navire eft par-
venu à la hauteur du lieu défigné par lu Police , &.
ils ont gagné la prime. Si au contraire l'alfuré rac-
courcit le voyage , l'affurance doit avoir en entier
Ion effet. C'ei^ ce qui réfulte de l'article 36.
L'article fuivant veut que fi le voyage vient à
être rompu avant le départ du vaiffeau , même par
le fait des affurés, l'affurance demeure nulle, &
que l'affureur reftitue la prime , à la réferve du
demi pour cent.
Mais fi après avoir mis à la voile , le vaiffeau
rentroit peu de temps après dans \é port , l'affuré
feroit-il en droit d'annuUer l'affurance en rompant
le voyage, & de répéter la prime à l'affureur? Il
faut répondre que non. La raifon en eft que l'affu-
reur a commencé de courir les rifques, & que,
dès ce moment, la prime lui a été acquife irrévo-
cablement. C'efl ce qu'on doit conclure de l'article
36 ; mais on peut encore appliquer à ce cas ce que
l'ordonnance décide au fujet du fret. Elle le dé-
clare gagné en entier, lorfque le marchand char-
geur retire fes marchandifes durant le voyage.
L'article 38 prononce la nullité des affurances
faites après la perte ou l'irrivée des chofes affu-
rées , fi l'affuré en favoit ou pouvoit favoir la perte
ou l'affureur l'arrivée , avant la fîgnature de la Po-
lice.
Cette décifion eft fondée fur ce qu'il eff de l'ef-
fence du contrat d'affurance qu'il y ait des rifques à
courir.
Comme il feroit fouvent difficile à l'affurenr de
prouver C[ue l'affuré favoir, au temps du contrat,
la perte des effets qu'il a fait affurer , il n'eff pas né-
ceffaire , pour faire annuller la convention , (n\\\ y
ait uae preuve pofuive de cette perte : l'affuré efl
174
POLICE D'ASSURANCE.
ccnfé l'avoir fiie, lorfque , depuis qu'elle a eu
lieu, il s'clt paiïé jufcju'au reinps du contrat , un
temps ruffifant pour que la nouvelle ait pu lui en
parvenir.
L'article 39 règle ce temps , en comptant une
lieue & demie pour heure , depuis rendroic où le
vaifTeau a pcri , jufqu'au lieu oii le contrat d'aiTu-
rance a été palTé. Par exemple , fi le contrat a été
paffé à Bordeaux , & que le lieu où le vaiffeau eiî
péri ne foit éloigné que de trentefix lieues de cette
ville, ralFuré fera cenle avoir fu la nouvelle après
vingt-quatre heures , qui font un jour; mais fi le
lieu où le vailleau eft péri fe trouve éloigné de
vingt fois trente -fix lieues, c'eA-à-dire , de 720
lieues , l'aiTuré ne fera cenfé en avoir appris la
nouvelle qu'au bout de vingt jours.
Ce temps fe compte dinftant a inftant: c'eA pour-
quoi lorfqu'on fait, non-feulement le jour, mais
encore l'heure à laquelle eft arrivée la perte du
vailTeau , on doit compter depuis cette heure.
Mais lorfqu'on ne fait que le jour de l'accident ,
& non l'heure , comment le temps doit-il être
compté? L'auteur du guidon de la mer dit qu'on
doit commencer à le compter depuis l'heure de
midi de ce jour, ce qui n'ert fondé fur rien. Il efl
plus raifonnablc dédire qu'on ne doit , en ce cas ,
commencer à le compter que du lendemain , la
perte du vailleau ayant pu arriver à la dernière
heure du jour.
Par la mèmeraifon , lorfque l'heure du jour où
le contrat a été paffé, n'eft pas exprimée par l'afie ,
on ne doit compter les heures de ce jour que juf-
qu'à celle à laquelle les affureurs ont coutume d'ou-
vrir leur bureau , le contrat ayant pu être pafie im-
médiatement après l'ouverture du bureau.
L'affureur pourroit-il , pour pouvoir compter les
heures du jour auquel l'aéle a été paffé, être reçu à
prouver par témoins que cet afte n'a été paffé que
le f«ir ? M. Pothier , qui propofe cette queftion ,
obferve que, pour la négative , on peut dire que
l'ordonnance de 1667 a défendu la preuve tefiimo-
niale contre la teneur des a61es , & que l'affureur
doit s'imputer de n'avoir pas exprimé l'heure par
l'ade :d'un autre côté , on peut faire remarquer qtie
l'ordonnance , en défendant la preuve teflimoniale
contre la teneur des a61es , n'a entendu défendre
•d'autre preuve que celle des chofes qu'on préten-
drott faire partie de la convention , & n'avoir pas
été exprimée par l'aâe ; mais que la preuve du
temps auquel l'adte a été paffé n'étant pas une preuve
contre la teneur de l'atfte , puifque ce temps ne fait
pas partie de la convention contenue dans l'afte ,
elle doit être admife. C'eft l'avis de Danty.
Ajoutez que les contrats d'affurance font une ma-
tière de commerce , 8c que dans les matières de
commerce , l'ordonnance de 1667 laiffe à la pru-
dence des juges d'en fuivre, ou de n'en pas fuivrc
les difpofitions fur la preuve teflimoniale.
Au refte, on doit obferver que les parties peu-
vent, par une claufe particulière de la Police d'af-
PÛLÏCE D'ASSURANCE.
furance , dérot',cr à la difpofuion de l'article 39, paf
lequel eil établ.e la préfomption que faffuré avoi^
lors du contrat , connoiffance de la perte du na-
vire, à caufe du temps écoulé depuis la perte du
vaiffeau , jufqu'au contrat.
Cette claufe eÛ celle par laquelle les parties dé-
clarent que le contrat eft fait fur bonnes ou mauvai-
fes nourelUs. On y r.joute fouvent pour plus grande
explication , ces termes , renoncent à la lieuc & demie
pour heure.
Ces claufes font très-fréquentes dans les Polices
d'aiTurance : l'ordonnance en fait mention dans l'ar-
tic'e 40 , où il eA dit : " fi toutefois l'affurance eft
» faite fnr bonnes ou mauvaifes nouvelles , elle
» fubfiAera ; s'il n'eff vérifié par autres preuves
" que celles de la lieue & demie pour heure , que
» l'affuré favoit la perte, ou l'affureur, l'arrivée du
» vaiffeau , avant la fignature de la Police ».
Il réfulte de cet article , que tout l'effet de cette
claufe eft que , dans le cas ou elle a lieu, le laps du
temps à raùon d'une lieue & demie pour heure , de-
puis l'inftaiit de la perte du vaiffeau , jufqu'au con-
trat, n'efl pas feul fufiifant pour faire préfumer que
l'affuré avoit,lors du contrat , connoiflance de la
perte du vaiffeau , ni pour faire en conféqusnce dé-
clarer nul le contrat ; mais lorfqifil eft jufiifié d'ail-
leurs que l'affuré, lors du contrat , avoir cette con-
noiffance , la claufe dont il s'agir , ni aucune autre
ne peut empêcher que lé conrrat ne foit déclaré
nul; parce que l'affuré, en diffimulant lors du con-
trat, cette connoiffance, a commis un dol envers
les affureurs.
Le nommé Woulf avoir, le 11 novembre 17^2 ,
fait affurer à la première chambre des affurances de
Paris, pour le compte de deux négocians de Gand ,
une fommc de 19,000 liv. & une autre de 28,000
livres , pour chargement de marchandifes fur le
vaiffeau le Prince Charles ^ chargé à Gottenbourg,
pour Oftende.
Les Polices d'affurance contenoient la claufe fur
bonnes ou mauvaifes nouvelles.
Le vaiffeau étoit péri avec fa cargaifon dès le 4
du mois.
Les affurés ayant fait affigner les affureurs à l'a-
mirauté du palais , pour les faire condamner à payer
les femmes énoncées dans les Polices d'aflurance ,
ceux-ci, pour s'en défendre, foutinrent que les né-
gocians de Gand avoient connoiffance de la perte
"du vaiffeau , lorfqu'ils avoicnt donné l'ordre à
Woulf de faire affurer ; & pour juffifier le fait , ils
dirent que le 22 , jour auquel ces négocians avoient
écrit à Woulf pour lui donner l'ordre, la gazette
d'Amfierdam , qui annonçoit la perte du vaiffeau,
avoir été publique à Gand dès le matin. La preuve
de ce fait ayant été admife & faite , l'amirauté , paf
fentence du 20 feptembre 1758 , déclara les Poli-
ces d'affurance nulles , & condamna les affurés au
payement de la double prime : y ayant eu appel
de cette fentence , elle fut confirmée par arrêt du
29 août 1759.
POLICE D'ASSURANCE.
La maiivaife toi des deux négocians partit in-
tontcftable : il étoit clair qu'ils n'avoient écrit pour
faire alTurer , qu'après avoir lu la gazette qui les
avoic inftruitsde la perte du vaifieau.
On voit par cette décifion , que dans le cas de
preuve que l'affuré favoit , au temps du contrat ,
îa perte de la chofe affiirée , il en rcfulte non feule-
ment la nullité de Taffurance , mais il doit encore
payer double prime à rafTureur. Cela efî fondé fur
i'articls 4!.
La même loi veut qu3 s'il eft prouvé que l'affu-
reuraitfu, au temps du contrat, que les choies
affiirées étoien* arrivées à bon port, il foit con-
damné à reilitutr la prime , Si à en payer le double
à Taifuré.
Maislorfqu'au inoment du contrat, il s'eft écoulé
, un temps fuiriiant pour que l'affiiré ait pu être in-
formé de la perte de fcs effets , fans toutefois qu'il
y ait preuve qu'il a eu coiinoiflance de cette perte ,
doit-il être co.idamné à piyer la double prime ?
"Quelques-uns foutiennent l'afiimiative ; mais l'o-
pinion de M. Porhier , qui penche pour la néga-
tive , d&itêtre préférée. L'ordonnance , par l'article
3S du titre des alTurances , prononce à la vérité la
nullité du contrat , tant dans le cas où l'affuré a fu
la perte des effets qu'il faifoit aflurer, que dans ce-
lui où il a pu être inftruitde cette perte ; mais par
l'article 41 , elle ne prononce la peine de la double
prime , que dans le cas {où il y a preuve que l'af-
furé a fu la perte , & n«n dans celui auquel il a feu-
lement pu la favoir.
L'article 42 porte que quand l'a/Turé a eu avis de
la perte du vai.ieau , ou des marchandifes afTurées ,
de l'arrêt de prince (i) , & de quelqu'autre accident
dont les affureurs font tenus , il doit le leur faire
incontinent fignifier, ou au commiffionnaire qui a
iigné pour eux l'afTurauwe, avec protejlation de faire
jon delaijfement en temps if- lieu.
Et fuivant l'article 43 , l'affuré peut, au lieu de
proteftation , faire fon délaiffement , avec fomma-
tion aux alTureurs de payer les fommes affurées ,
dans le temps fixé par la Police.
Il faut obferver que , quoique l'ordonnance pref-
crivc à l'affiu'é, incontin nt après la perte des effets
aflurés, de fignifier l'accident aux affurcurs , il ne
ptut néanmoins réfulterdu défaut de fignification ,
aucune fin de non- recevoir contre lui : le légifla-
teur a feulement voulu l'avertir que la bonne foi
qui doit régner dans les convennons , ne lui per-
niettoit pas de laiffer ignorer aux affureurs > ce qui
pouvoir concerner l'aiTurance.
Lorfque le délaiffement n'eft pas fait en même
temps que la fignificaiion , l'affuré demeure le maî-
tre de ne pas le faire , & de ne fe déterminer qu'en
connoiffance de caufe. C'eft le parti le plus prudent.
Quand l'afiùré a pris la réfolution de faire le
délaiffement, il doit le notifier par un notaire ou
par un huiffier. A Marfeille , cette notification fe
POLICE D'ASSURANCE. 175
fait par une fimple déclaration à la chambre du
comnîerce , & cela vaut fignification à chacun des
affûteurs.
Si le temps du payement n'ert pas réglé par la
Police d'ai^;urance , les affureurs font obligés de
payer trois mois ap.'ès la fignification du délaiffé-
mciK. Telle ell la difpofition de l'article 44.
Dans le cas de naufrage ou d'échouement , l'af-
furé peut travailler au recouvrement des effets nau-
fragés , fans que cela puiffe préjudicier au droit de
faire fon délaiffement • il doit même fiiire travailler
à ce recouvrement , en attendant l'arrivée des offi-
ciers de l'amirauté, fur-tout s'il eft fur le navire >
& qu'il le commande : autrement fon inaflion pour-
roit être confid ;rée comme un délit capable de le
rendre rel'ponfabie des dommages Si intérêts des
affûteurs.
Au refte , tout ce que fait \m affuré pour recou-
vrer des effets , n'eft cenfé fait qu'au nom des affu-
reurs; ceff pourquoi il conferve toujours la liberté
de leur faire fon délaiffement , fauf à leur rendre
compte de ce qu'il a recouvré. C'cff ce que le parle-
ment d'Aix a jugé par arrêt du 3 mars 1759, con-
firmatif d'une fentence de l'amirauté de Marfeille
du 17 juillet précédent, rendue en faveur de Bar-
thclemi Benza , commiffionnaire du capitaine Ghi-
glino. Ce fut en vain que les affureurs objeftérent
que Benza étoit d'autant moins fondé dans le dé-
laiffement par lui fait pour le compte de Ghiglino,
qu'il fe pouvoir faire que ce capitaine fe contentnt
des effets dont il avoit obtenu la main-levée à la
nouvelle Yorck.
Piiilque l'allure eff autorifé à travailler au recou-
vrement des effets , il faut en tirer la conféquence ,
qu'il doit être rembourfé des frais faits à ce fujer.
On n'exige même de lui aucune pièce jufiificative
de fa dépenfe, Si l'on doit là-deffus s'en rapporter
à fon affirmation ; mais il ne peut étendre fa répé-
tition que jufqu à concurrence de la valeur des ef-
fets recouvrés.
Toutes ces chofes font fondées fur l'article
45(0-
L'article 46 détermine les cas où l'affuré eff au-
torifé a. faire le délaiffement. Voici comme cette
loi eft conçue.
« Ne pourra le délaiffement être fait qu'en cas de
» prife, naufrage, bris, échouement , arrêt de
M prince , ou perte entière des effets affurés ; &
" tous autres dommages ne feront réputés qu'a-
» varie, qui fera réglée entre les affureurs & les
» affurés, à proportion de leurs intérêts w.
11 ne faut pas conclure des termes de cette loi,
que dans tous les cas qu'elle fpécifie , le délaiffe-
(1^ \o/(.z l'article Arrêt de pkince.
fi) Voici ce que ps'te ca article. En cas Aç nauTr^ge
ou cchouenienr, raffuré poiira travajl'cr au recouvrement
des effets naufragés, fans p éjudice du di lailieiiient «ju il
pouria faire en temps & Jieu , &: du rembcurfcment de ^e*
frais, dont il (eia cru fut fon affi-nution jafqu'j concurreni*
de Ja vaJeur des efiçts r;i;oiivfes.
175 POLICE D'ASSURANCE.
jnent ne piiiffe être conteflé par les zffureurs.
Ainfi , lorfqii'iin navire eft échoué , s'il y a
nioyen de le relever & de le remettre en érat de
naviguer par un radoub , les aflureurs ne (ont point
obliges d'accepter le délaifTement ; il fuffit qu'ils
réparent le dommage.
C'eA pourquoi la validité ou l'inutilité du dé-
laiffement dépendent de la queftion de favoir s'il
€Û poiïible de réparer le navire de manière qu'il
puifle être conduit à fa dcftination. Ce n'eft pas
tjue quelques-uns n'aient prétendu que l'abandon ,
iait pour caufe d'échouement du navire, ne de-
voir pas avoir moins d'effet que s'il eût eu lieu
pour caufe de bris & de naufrage ; mais M. Valin
a fort bien fait voir qu'ils étoient dans l'erreur. En
^ffet , on fait qu'un navire diminue confidérable-
inent de valeur dans le cours d'une longue navi-
gation , quelque heureufe qu'on la fiippofe. Or,
comme les aflureurs ne font nullement obligés de
faire rai fon de cette diminution àl'affuré, Ijrfque
le navire eft arrive à bon port, ils ne doivent
pas y être affujettis non plus en cas d'échouement :
tout ce qu'on eA en droit d'exiger d'eux , eft la
réparation du dommage qu'a occafionné l'échoue-
ment.
Le parlement d'Aix a confirmé cette opinion
par un arrêt du 25 juin 1754 > rendu dans l'ef-
pêce fuivante.
L'amirauté de Marfcil'e jugea , par fcntence du
22 août 1752 , à l'occîiuoa d'un navire qui avoit
échoué fur des rocheis, & qui avoit été retiré par
les foins de l'équipage , que l'alTuré étoit fondé à
demander aux aflureurs , déclarés /à <î«ci 6» quittes
d'avariei par la Police d'affurance , le payement de
ce qu'il lui en avoit coûté pour radouber le navire
& le remettre en état de continuer fon voyage :
mais l'arrêt cité infirma la fentence , & les affu-
reurs furent renvoyés avec dépens , fur le prin-
cipe que l'écbouement dont il étoit queftion n'a-
voit pu donner lieu au délaiffement , & qu'il ne
s'agiffoit que de fimples avaries , dont les affu-
reurs ne pouvoient être tenus au moyen de la
claufe de la Police qui les en avoit déchargés.
Mais fi dans le lieu où le navire a abordé ou
échoué, le capltnine ne peut le faire radouber,
eft-on en droit d'en faire l'abandon aux affureurs
& aux prêteurs à la groffe ? M. Valin , qui pro-
pofe cette queflion , répond que ce droit n'eft pas
douteux , Il dans ce lieu ni dans le voifinage , il
n'y a point de matériaux ni d'ouvriers pour faire
le radoub.
Si au contraire il y a dans le lieu de quoi radou-
ber le navire , & que ce radoub ne manque qu'à
caufe que le capitaine ne peut y trouver aucun cré-
dit , c'eft en quoi confifte la difficulté.
Elle s'cft préfentée à l'amirauté de Marfeille dans
l'efpèce fuivante , que rapporte M. Valin.
« Le 5 feptcmbre 1754 , le capitaine Candole ,
i> de la Ciotat , prit à la greffe , fous le caution-
n nement de François Candole , fon frère , une
POLICE D'ASSURANCE.
n fomme de 1000 livres, de Maurice iiarratler,"
n fur le corps de la polacre le Saint Etienne , pour
» un voyage ou caravanne dans le levant , au
" change ou profit maritime de dix pour cent pour
') fix mois, & au prorata, julqu'au retour n'excér
» dant en tout trois ans.
» Après un an de navigation , le capitaine Can-
» dole mourut à terre , & le commandement du
» navire échut à Faudon , fon écrivain.
» En janvier 1756, le navire arriva à Chypre.
>» Le 28 du même mois , l'équipage préfcnta re-
'> quête au conful François , & demanda que le na-
» vire fût vifité par experts , offrant de fe renibar-
» quer, s'il étoit jugé navigable.
» Les experts nommés déclarèrent que, moyen»
» nant un radoub , le bâtiment pourroit naviguer ,
» même pluficurs années. Le radoub fut évalué ii
» à I 20c pia/lres.
» Le 23 du même mois de janvier intervint une
» ordonnance du conful , qui enjoignit à Faudon
» de faire travailler au radoub fans délai. Il re-
» montra qu'il ne trouvoit pas d'argent. Là deffus,
» le conful rendit une nouvelle ordonnance con-
» forme à la première.
» Le 3 février, Faudon n'ayant abfolument pu
» trouver d'argent à emprunter, déclara qu'il aban-
" donnoit la polacre pour en être difpofé par le
» conful , ainfi qu'il aviferoit , pour le grand avan-
» tage des intéreffés.
)' En confcquence , le conful fit vendre la po-
» Ip.cre pour 901 piaftres dont il paya l'équipage.
» L'acheteur du navire le fit radouber ,6c cnfuite
'> naviguer.
" Le 22 juin de la même année 1756, Jean-
» Baptifle Ode,ccffionnaire de Maurice Barratier,
" donneur à la groffe , affigna les héritiers du ca-
» pitaiue Candole, & François Candole , caution,
" pour les faire condamner au payement des
» 1000 livres données à la groffe , & des pro-
'» fits maritimes jufqu'à l'époque de la vente de la
» polacre.
j> Ceux-ci lui opposèrent que le navire avoit été
» déclaré hors d'état de naviguer, & qu'ainfi l'a-
i> oandon qui en avoit été fait , étoit pour le compte
j) des donneurs à la groffe & des affiireurs , lef-
» quels, moyennant cela, ne pouvoient rien pré-
» tendre que fur le prix de la vente.
» Le demandeur répliquoit de fon côté, i°. que
» le capitaine n'avoit point fait de confulat, c'eft-
5> à-dire , un rapport en forme devant le conful;
» qu'ainfion ne pouvoit pas reconnoître fi le mau-
« vais état du navire procédoit de fon vice pro-
» pre, ou de fortune de mer.
» 2°. Que le navire n'avoit pas été déclaré pré-
» cifément hors d'état de naviguer , mais feule-
» ment avoir befoin d'un radoub ; & que fi Fau-
)» don n'avoit pas trouvé des deniers pour le ra-
j> doub , c'étoit fon affaire , ©u , en tout cas , un
j> fait qui ne pouvoit retomber fur les donneurs
» Se les affureurst
n DaQ![
POLICE D'ASSURANCE.
» Dans ces circonflances , intervint Icntence h
» 19 iiiillet 1757 , qui condamna les héritiers Can-
j> clole & François Canriole caution , au payement
» des 1000 livres de prêt à la groffe tk du change
» maritime ».
M. Valin penfe que l'affaire fut bien jugée , par
la raifon que Faudon n'avoir pas fait conlbter par
experts que c'étoit les coups de mer que fon na-
vire avoit effuyés qui l'avoient mis dans le cas de
ne pouvoir plus naviguer. En effet, le défaut d'un
rapport en forme établiffoit la préfoniption que le
mauvais éiat du navire îvenoit de fon vice propre.
Mais fi Faudon eût eu rempli cette formalité ,
on auroit uns doute jugé différemment, parce
que rimpoifibilité de trouvera emprunter les de-
niers néceffaires pour le radoub , doit être com-
parée au cas C'ii il n'y a ni matériaux , ni ouvriers
pour cet efct.
Au rede , lorfqu'on fait le délaiffement , il doit
être de tout ce qui eft porté par la Police d'affu-
rance , fans qu'on puiffe retenir une partie de la
chofe affurée , & abandonner l'autre. C'efl ce qui
réfuhe de l'article 47. C'efl pourquoi , fi vous avez
fait affurer par une Police d'affurance , une fom-
me de ioo,ocio livres fur une cargaifon que vous
aviez fur le navire la Diane , laquelle cargailon
confifioit en tMit de quintaux de cochenille , de
la valeur de 60 mille livres, & entant de balles
de foieries , de Ja valeur de 40 mille livres , vous
ne pourrez pas , dans le cas oii ces marchandifes
feroient péries en partie par un naufrage, deman-
der aux affurcurs les 60 milles livres , valeur de
la cochenille que vous avez fait affurer, aux offres
de leur abandenner ce qui en reffe , & retenir ce
qui a été fauve des foieries , en vous réfervant de
répéter le payement du dommage que l'accident
y aura occafionné : mais il faudra que vous fafiîez
le délaiffement de tout ce qui a été fauve , foit en
cochenille , foit en foieries , & que vous deman-
diez la fomme entière des 100 mille livres.
Il n'en feroit pas de même fi vous aviez fait
affurer votre cochenille par une Police d^aifurance ,
& vos foieries par une autre Police , quoique par
les mêmes affureurs. Dans ce cas , rien ne vous
empêcheroit de déLiiffer la cochenille affurée par
une Police , & de garder les foieries affurées par
l'autre.
I II en feroit de ce cas, comme fi vous n'aviez
fait affurer que votre cochenille ; il eft évident
qu'alors vous ne pourriez pas être obligé à délaiffer
vos foieries.
En effet , il ne peut être queffion entre l'affurc
& les affureurs que des objets affurés; il n'y a
par conféquent de délaiffement à faire que des
chofes réellement affurées. C'ert pourquoi fi les
affurances fur une cargaifon en général ne vont
qu'à la moitié de fa valeur au temps du charge-
ment du vaiffeau , l'affuré eff fondé à ne délaiffer
que la moitié affurée , & à retenir l'autre pour
partager avec les affureurs ce qui aura pu être
Tomi Xni.
POLICE D'ASSlîPANGK. 177
fnuvé du nauha^c, ou lecouvré dans le cas àiwc
prife injufte. Mais quoique l'affuré retienne alois
la moitié de la cargaifon , il ne faut pas moins \m
délaiffement total de la chofe affurée. La raifon en
cil que la partie qu'il retient n'éroit pas affurée ,
& que les affureurs n'y ont aucun droit , puifqu'elle
a'étoit pas à leurs rifques.
L'article 48 règle le temps dans lequel les affurés
doivent faire leur délaiffement & former leur de-
mande en exécution du contrat d'affurance. Voici
ce qu'il porte :
« Les délaiffemens & toutes demandes en e\é-
» cution de laPoiice, feront faites aux affureurs
i> dans fix femaints , après la nouvelle des pênes
)» arrivées aux cotes de la même province ou l'afli:-
11 rance aura été faite , & pour celles qui arriveront
i> dans une autre province àt notre royaume , dans
Il trois mois; pour les côtes de Hollande, Flandre &
)) Angleterre, dans quatre mois ; pour celles d'Ef-
» pagne , Italie , Portugal , Barbarie , Mofcovie ou
•)■> Norv/egc , dans un an ; 8c pour les côtes d'Ame-
)> rique, iirefil , Guinée ; & autres pays plus éloi-
)> gnés . dan? dct'X ans , & le temps pafie , les affu-
5> rés ne feront plus recevables en leur demande ».
Le temps de U nouvelle: des pertes , d'où cet ar-
ticle fait courir le délai, doit s'entendre du temps
auquel la nor.velle a commencé dètre publique
dans le lieu où l'affurance a été faite.
Si l'affuré avoit eu nouvelle de la perte, Se
l'efu notifiée aux affureurs avant qu'elle fût pu-
blique , avec proteffation de faire fon délaiffement ,
le délai, pour former la demande, courroit du jour
de cette notification.
M. Valin remarque qu'avant 1713 , l'amirauté
de Marfeil.'e & le parlement d'Aix n'obfervoient
pas fcrupuleufcment l'ordonnance relativement à
la prefcription ou fin de non-recevoir établie par
l'article 48 ; mais cette cour commença cette an-
née à établir une jurifprudence différente à l'occa-
fion de l'efpècefuivante.
Blaife Marin avoit fait faire une affurance fur le
vaiffeau la Sainte-Marguerite; ce vaiffeau fut pris :
la déclaration de la perte fut faite à la chambre du
commerce le 14 janvier 1706; en conféquence ,
tous les affureurs pa^'èrent les fommes affûtées ,
à l'exception de François Sabain , qui fut affigné
pardcvant le tribunal de l'amirauté de Marfeille le
3 février 171 1.
Sentence intervint , qui condamna cet affurf ur à
payer; mp.i« par arrêt du mois de mai 171 3 , la (en-
teiïce fut infirmée , & l'affuré déclaré non-rccevable.
La même chofe a été jugée par plufieurs autres
arrêts pofiérieurs , & entr'autres par celui qui eil
intervenu dans l'efpèce fuivante.
Au mois de novembre 1756, les fieurs Anglé^
d'Antoine & Cafiagne firent affurer la fomme-tle
77200 livres , d'ordre des fieurs Bouteiller père ik
fils , de Nantes , pour compte de qui il appartien-
droit , de fortic des iles Françoifes jufqu'à Amfier-
dam, ou autre port neutre, fur les marchar.(jil'cs
178
POLICÉ D'ASSURANCE.
chargées par Karavagh , Belloc & compagnie de
Léogane, à l'adrelTe de Jean - Jofepli Vanherzécl
d'Amflerdam , dans le vaiffeau Tx^mérica , Hollan-
dois , capitaine Louis Fernet , Hollandois , moyen-
nant la prime de lo pour loo.
Le connoiflement portoit qu'il (ùt chargé 529
barriques créoles , £c trois bordelailes de fucre brut
dans ce vaiffeau l'América , capitaine Fernet , à la
confignation de Jean-Jacob Vanherzéel , d'Amfter-
dam, poiîr compte & rifque des intéreffés dénom-
més au bas de la fadlure.
Les intéreflés dénommés au bas de la fadture
êtoient les fieurs Bouteiller père & fils , de Nantes,
pour fept huitièmes, Se Jean- Jacob Vanherzéel ,
d'Amfterdam , pour un huitième.
Le 14 juin 1757, les fieurs Bouteiller père &
fils écrivirent aux fieurs Angles d'Antoine & Cafta-
gne , que le vaificau l'América avoir été pris à la
hauteur des côtes d'Amllcrdam , près de l'embou-
chure ; mais que les états généraux rédamoient ce
navire & fa cargaifon.
Le 6 juillet , on notifia cette lettre aux aflureurs :
» & comme ( ajoute-t-on ) cette prife donnera lieu
» à l'ouverture des affurances, fi la cour de Lon-
}> dres n'en fait pas la refiitution, lefilits fieurs
>j Boutdiller père & fils défirent mettre en no-
>» tice à leurs afiureurs la prife dudit vaiffeau , avec
j> interpellation d'agir , pour en faire la réclama-
3) tion , & en obtenir le relâchement eu refiitution.
j) Ec faute de ce fiiire , ils leur feront .ibandon &
11 délaijfement des facultés ajfurécs jufquà lu concur-
}) rence des fornme'; pr'ifes en rifque v.
Le 21 octobre, un jugement de l'amirauté d'An-
gleterre confifqua le vaiffeau & la cargaifon.
Le 16 décembre, les affurés firent la déclaration
de cette perte à la chambre du commerce.
Le 2 mars 1758, les fieurs Angles d'Antoine
6i Cafi:agne prèfentèrent requête contre les affu-
reurs , aux fins que ceux-ci fuffent condamnés à
contribuer aux dépenfes néceffaires pour folliciter
la révocation du jugement d'Angleterre.
Le 10 , intervint une fentence qui autorifa les
fieurs Angles d'Antoine & Caftagne , à pourfiii-
vre la réclamation , fi bon leur fembloit , pour le
compte & aux frais & rifques de qui il appartien-
droii.
Enfin , le 12 avril 1758, les fieurs Angles d'An-
toine & Caftagne donnèrent une nouvelle requête
contre les affureurs , pour les faire condamner au
payement des femmes affurées.
Les affureurs opposèrent, i''. la prefcription de
quatre mois, portée par l'article 48 du titre des affu-
rances ; 2°. la prétendue fimulation de la Police ,
cil il n'étoit pas dit que l'Affurance fût pour le
compte des François.
Ce dernier moyen fut rejeié , parce que la clau-
fe , pour le compte de qui il app^irtiendroit , qui avoir
été flipulée tlans la Police , coniprenoit les Fran-
çois , tout comme les neutres. Elle étoit générale ,
& devoit être entendue généralement , tur-tout
POLICE D'ASSURANCE.
dans les circonfiances afluelles, oîi il eft fenfible
que fi l'affurance avoir été pour le compte d'un
neutre , on n'auroit pas manqué de le déclarer en
termes exprès ; ainfi les affureurs n'étoient pas
fondés à dire qu'ils enffent été trompés.
Mais le moyen tiré de la prefcription parut in-
vincible ; & par arrêt du 28 juin 1759 , confirma-
tif d'une fentence de l'amirauté de Marfeille , du
1 1 Juillet précédent , les affurés ont été déclarés
non-recevables en leur demande , attendu la pref-
cription de l'aéiion.
Obfervez néanmoins que la fin de non-receroir
dont il s'agit, ne peut pas être oppofée avec fiiccès
lorfqu'il y a cédule , obligation , arrêté de compte oh'
interpellation judiciaire. Cq^ CQ qui réfulte de l'arti-
cle 10 du titre des prefcriptions de l'ordonnance
de la marine ; mais la fimple fommafion extrajudi-
ciairc n'efi pas fuffifante pour interrompre la pref-
cription.
La fin de non recevoir ne peut pas non plus être
oppofée dans le cas où les parties font convenues
de faire décider leur différend par des arbitres : cela
a été ainfi jugé par arrêt du 28 juin 1748 , en faveur
du fieur Boët de Saint-Léger de Paris , contre les
affureurs du corfaire la Revanche.
Il en eft auffi de même du cas où l'affureur , diffé-
rant d'un jour à l'autre de remplir fon obligation,
a promis verbalement de payer les fommes affu-
rées , pourvu que cette promeffe foit prouvée d'une
manière évidente. C'eff ce qui a été jugé par arrêt
du parlement d'Aix , du 27 mars 175 ï , contre les
affureurs du corfaire le grand Pajfe-partoui ( i ).
(l) Nous ne devons néanmoins pas diflîmuler qu'il paroît
que cette cour a depuis abandonné cette jurifprudence poui:
s'en tenir à la lettre de la Joi : c'ell ce qui télulte d'un artcc
rendu dans l'efpèce fuivante le iz mai 1783.
Le II juin 1780, lî capitaine Capeua fit affiner à Mar-
feille 700* liv. lui- le corps de la Polacrc Saint- Antoiwe & la
Vierge des Carmes , dont il avoir à-la-fois le commandenoent
& la propriété. Ce capitaine mit enfuite à la voile : le fuccèï
de fon voyage juftiHa fa prudence ; la Polacre échcua fur les
côtes de Rouflîllon près de Collioure. Le 17 juillet la décla-
ration Ju naufrage fut faite à li chambre du commerce.
Le capitaine Capoua , de retour à Marfeille, fe préfenta en
août chea Ces affureurs, produilît les pièces juftificatives de la
perte , & demanda le montant de fon affurance.
Quelque convaincus que fulTent les affureurs de la juftîce
de la réclamation du capitaine , ils crurent ne devoir y fatis-
faire qu'après les trois mois expirés; le capitaine entreprit tin
nouveau voyage , en laiflant fa Police d'ajfurjnce au fieur
Chighifola, Ce négociant fît de nouvelles démarches auprès
des affureurs à l'expiration des trois mois: il fut fouvent ren-
voyé du jour au lendemain pour être payé. Enfin , laffe d'une
patience infiuclueufe &: d'une réclamation inutile , il fe pour-
vut le ti novembre 1780 devant le lictitenact de l'amitauté
de Marfeille , en payement des foinmes affurées.
Alors les tffureurs , qui jufques-ii avoient reconnu la dette.
Se qui avoient feulement demandé Ju temps pour payer, op-
poférent lajî/i J« rion-recevoir des trois rroJi , portée par i'arti'-
clc 4> du titre S de l'ordonnance de 1601,
C'étoit certainement le cas d'invoquer la bonne foi quî
doit préfider à toutes les opérations du commerce : le fieur
Chighijela n'y manqua pas ; mais c'étoit malheureufemcnt la
feule telTource que fa négligence lui avoitlaiUee. Il s'eflbiça
POLICE D'ASSURANCE.
* Mais fi cette promeffe n'étoit pas prouvée ,'
eu, ce qui revient au même, fi l'on n'en offroit
qu'une preuve teftimoniale , la fin de non-recev©ir
produiroit tout fon effet. C'eft ce qui a été jugé au
parlement de Paris dans l'efpèce fuivantc.
Au mois de janvier 1777, le fieur Devinck fut
informé qu'un de Tes correfpondans du Cap-Fran-
çois lui faifoit paffer, par le navire /s Comte d'Ar-
tois , une partie de marchandifes dont la valeur de-
voit monter à plus de looooo liv. Il en fit afTurer
la plus grande partie à Dunkerque , & le furplus à
Londres.
Au mois de mai fuivant , le navire It Comte d'Ar-
tois arriva à la rade de Dunkerque ; mais un coup
de vent le fit échouer à l'eft du port.
Le fieur Devinck a prétendu , dans le procès au-
quel cet accident a donné lieu , qu'il étoit d'ufage
dans la ville de Dunkerque, comme dans prefque
toutes les autres villes maritimes , de faire avertir
les affureurs, en cas d'avaries, par le courtier qui
a procuré les aflurances. Si le dommage ell conf-
tant (ajoutoit le fieur Devinck), les alfureurs ne
manquent pas de prier l'affuré de leur éviter les
frais qu'entraînent les formalités de l'ordonnance ,
& jamais on ne s'y refufe. Si l'on avoit lieu de {i\{-
peéier leur bonne foi , on exigeroit d'eux une fou-
miiîion au bas delà Police ; mais on fe contente
ordinairement de leur parole ; on croiroit leur faire
injure en exigeant d'eux un écrit.
Le fieur Devinck a foutenu qu'en conformité de
cet ufage , dès que le navire avoit été échoué , il en
avoit fait prévenir les affureurs par le courtier
Th.?venet ; que tous , & particulièrement lesfieuis
Follet & Herrewyn , s'étoient contentés de l'aver-
tiiTcment verbal, avoient promis de payer dans les
délais fixés, 6c prié le fieur P)cvinck de faire tra-
vailler, avec la plus grande célérité , à fauver les
marchandifes ; qu'au même infi:ant tous les affli-
reurs , à l'exception du fieur Herrewyn , qu'un ac-
dé revenii- fui- fus pas , en offrant la preuve de la promelTe
fait* par chaque aflureur, pendant It mois d'août, de paye*'
Ion contingent , après l'expiration des trois moi.';.
Sentence qui admit à la preuve. Les ajurcurs ne donnèrent
pas le temps de la faire : ils interjeic.ent appel de la fea-
tencc , ai réduilîrent toujouis leur défenfe à la fin de nan-re-
cevôii' , qui feule pouvoir faire rejeter les juftes prétentions
du capitaine Capoua. Son fondé de procuration , le fieur
ChighifoU , cria au dol , à la mauvaise foi. Il repréfenta com-
bien il étoit injulle que les «/«reurs fc fiflent une égide d'un
moyen qu'ils n'aroient acquis que par des promefles , fur
lefquclles rhoiinèteté du fieut Chighifoli lui permettoit de
compter. Il affîmila la conduite des cfureurs à une fraude
dontJa preuve devoit toujours être reçue; enfin il prétendit
d'après les auteurs , qu'un (impie pour-pdrler pouvoit rompre
Ja.prefcription , & il offiit de prouver que ce pour-parler ivoit
eu lieu.
Mais ces «derniers mçyens ne prévalurent pas : l'arrêt cité
réforma la lenteace qui avoit admis à la preuve.
Cet arrêt a par conféquent jugé que la fin de no»-recevoii-
étoit abfolue , &: que c'ctoit une déchéance À laquelle rien ne
pouvoir fouftrairc celui que fa négligenca ou fa bonne foi
n'avoit pas rçndu allez attentif à l'es imérccs.
POLICE D'ASSURANCE. 179
clJent à la jambe retenoit chez lui , s'étoient tranf-
portés à l'endroit de 1 echouement , pour voir quels
étoient les moyens les plus efficaces pour fauver
les marchandifes; que les uns avoient fourni leurs
chaloupes, leurs palans & leurs cordages, d'autres
leurs matelots & leurs ouvriers; que le fieur Pollet
y avoit fait conduire fcs tombereaux , & qu'ils
avoient été employés à faire tranfporter dans les
magafins une partie des marchandifes fauvées ;
qu'ainfi ces afilireurs avoient confirmé, d'une ma-
nière formelle, leur promefie verbale.
Le fieur Devinck ajoutoit que néanmoins il avoit
voulu fc mettre à Tabri de tout reproche, parce
qu'il y avoit à Londres un affureur , à l'égard du-
quel il falloir prendre des précautions ; que les
marchandifes avoient été tranfportées dans les ma-
gafins de l'amiranté; qu'elles avoient été conduites
dans les tombereaux Si par les domefiiqaes du fieur
Pollet. Que le procureur du roi de l'amirauté ,
chargé de la vente , l'avoit fait annoncer aux afTu-
reurs. Que tous y avoient paru , & qu'elle avoit été
faite publiquement. Qu'étant conftaté, par lecompte
élu greffier , que la perte étoit de 46 liv. 14 fols 3
deniers par cent , il avoit préfenté fon compte aux
affiareurs. Que fix d'entr'eux , & même l'affiireur
de Londres, qui n'avoit été averti que par une
lettre, avoient payé fans difficulté. Que les fieurs
Pollet & Herrewyn feuls s'y étoient refufés , parce
qu'on n'avoit pas rempli les formes , qu'ils avoient
eux-mêmes prié de leur éviter , & qu'en cela ils
méconnoififoient une convention que les autres
affûteurs avoient reconnue & exécutée.
Sur tous ces faits, il intervint, à l'amirauté de
Dunkerque, fentence qui, fans avoir égard aux
fins de non-recevoir propofces par les fieurs Her-
rewyn & Pollet , les condamna à payer le montant
des avaries, & aux dépens.
Les fieurs Pollet & Herrewyn ont interjeté ap-
pel de cette fentence. Leurs moyens confifioient
dans les articles 5 & 6 du titre des prefcriptions de
l'ordonnance de la marine , & dans les articles 42 ,
43 8c 48 du titre des affiirances de la même loi.
Le fieur Devinck leur oppofoit la conduite des
affiireurs qui avoient acquiefcé.
S'il n'eût pas exifté une convention verbale entre
les fieurs Pollet & Herrewyn & le fieur Devinck ,
ils n'auroicnt pas ( difoit celui-ci) manqué de fe
faire payer de la prime d'affijrance, dès l'infiant
qu'elle a été exigible : par-là , ils prevenoient la
demande en payement des avaries , ils l'écartoient
même en quelque forte; ils donnoient lieu de pré-
fumer qu'il n'y avoit point eu de convention , que
jamais on n'avoit entendu les rendre refponfables
àa dommage que les marchandifcs avoient fomffctt.
La prime étoit exigible, fuivant la Police d'affu-
rance,. trois mois après l'arrivée du navire , par
conféquent au 22 juin 1777; cependant les fieurs
Pollet 5c Herrewyn gardent le plus profond filence.
Le mois de jiiin s'écoule. Même filence de leur
part pendant les m©is fuivans. Ils ne fongeoient
;So
POLICE D'ASSURANCE.
aucunement aux billets qui leur avoient été donnés ;
ils les regardoient comme des titres inutiles , qui
ne dévoient fervir qu'à les libérer d'une partie de
la fomnie dont ils étoient débiteurs. Le 9 août , on
leur préfente le compte des avaries ; c'eft alors
qu'ils conçoivent, pour la première fois , le projet
de le fouftraire à leur engagement. Cependant
nulle réclamation de leur part, relativement à la
prime daffiirance. Le 15 novembre, on leur dé-
nonce les factures , la Police & le compte des ava-
ries. Le 27 , on les traduit a l'amirauté. Ils four-
nirent des défenfes le 17 décembre , & il n'eft en-
core .-lucunement queftion de h prime d'affurance ;
ce n'eft que le 19 février 1778 qu'ils ont formé la
demande, c'eft-à-diie, onze mois après l'arrivée
du navire, huit mois après l'échéance des billets ,
trois mois après qu'ils ont eux-mêmes étéadlionnés
pour le paj'ement des avaries. On trouve , dans
leur propre conduite, une preuve inconteftable de-
là promelîe qu'ils avoient faite au courtier Thevc-
nct de jaycr , lorfqu'on leur repréfenteroit le
compte des avaries. C'eft donc en vain qu'ils ni<;nt
cette promcfCe. -- Si quelqu'un pouvoit tirer avan-
tage des prétendus vices de forme , c'étoit uns
contredit rafTureur de Londres. On s'étoit borné
à le prévenir par une lettre. Cependant il a payé;
il l'a fait , parce qu'ayant des relations dans la vilie
de Dunkerque , il a une connoiffance particulière
de l'ufage (]u'on y obferve. Tout concourt donc ,
difoit le fieiir Devinck, a déterminer les Magiflrats
à profcrire les demajfides des fieurs Pollet & Her-
rewyn.
Cependant, malgré l'ufage allégué par le fieur
Devinck, Si les confidérations qui fe réunidoient
en fa faveur, le parlement de Paris a accueilli la
défenfe des affureurs. Elle étoit en effet fondée
furies difpofitions les plus précifes de l'ordonnance
de la marine. AufTi, par arrêt du 27 juillet 1779,
la fentence des premiers juges a été infirmée , &
le fieur Devinck a été déclaré non-recevable dans
fa demande , & condamné aux dépens *.
Comme un fnuple arrêt de prince n'emporte pas
la perte de la chofe arétée , l'ordonnance n'a pas
voulu que, dans ce cas , l'affuré pût faire fon dé-
laiflement avant qu'il ne fe fût écoulé fix mois , fi
les eff"ets font arrêtés en Europe ou en Barbarie ,
& un an , fi c'eft dans un pays plus éloigné ; le
tout à compter du jour de la fignification de l'arrêt
aux affiireurs ( i )• Ainfi, la fin de non-recevoir
portée par l'article 8, ne peut courir contre les
(1) Remarquez à cefujctque l'article ^o diminue ces de.
]ais de moitié , lorfque les niarchandifes arrêtées font périfla-
bles; & que l'article SI veut que , durant les délais fpécilîés
par les articles 49 & îO,les affurés faffent toute diligence
pour obtenir main-ieVcé oes effets arrêtés. I,a même loi per
mec aux- afl'ureurs de favorifer aiifli de leur coté des diJi^en-
ecs, (î bon leur femble. -yj
Au reile , tout cela ne s'applique pas aux vjiflTcaux arrêtés
dans les ports du royaume en vertu des ordres du roi. Voyez
à ccfu;e:]'aîtic:e ARKix DE PRINCE,
POLICE D'ASSURANCE.
affureurs que da jour qu'ils ont pu agir .C'eft ce
qui réfulte de l'article 49.
Au furplus , il ne s'agit dans cette loi que d'un
arrêt de prince fait en temps de paix , ou avant
aucune déclaration de guerre. Car fi on s'étoit
faifi du navire après une déclaration de guerre, ou
en vertu de lettres de reprciailles , ce leroit alors
une prife jufte ou iujufte, & l'idée d'arrêt de
prince s'évanouiroit : ainfi il ne faudroit pas que ,
pour agir, l'afluré attendit les délais énoncés dans
l'anicle 49.
Les hofiilités que commirent les Anglois en
1755, avant aucune déclaration de guerre , donnè-
rent lieu à quelques-uns de prétendre que les pri-
fes qu ils avoient faites de nos vaifieaux , ne dé-
voient être regardées que comme des arrêts de
prince : mais cette prétention a toujours été re-
jetée particulièrement dans l'efpèce ftivante.
Le ficur Alexis Germond fit aflûrer 3150 livres,
pour le compte de qui il appartitndroit , de lortie de
IMaifeille jufqu'à Saint-Valery , fur les facultés du
vaifleau le prince Charles , capitaine Clément Bées ,
impérial, fous connoiflement fimulé, pour compte
de Vanberblock d'Oiiende , d'entrée à Oftende.
Le 3 novembre 1756, ce vaificau tut pris.
Le 31 janvier 17S7, intervint un jugement qui
en prononça la confifcation.
Le 5 février , avant que la confifcation fût con-
nue à Marfeille , l'afliiré fit fa déclaration à la cham-
bre du commerce, de l'arrêt de ce vaifleau. Ç'eft
ainfi qu'il qualifioit la prife.
Le 16 avril, ayant eu nouvelle de la confifca-
tion prononcée, il fit fon abandon.
Le dixième juin , il préfenta requête contre les
affûteurs , pour les faire condamner à payer les
femmes alTurées.
Ceux-ci opposèrent la prefcription de quatre
mois, quiavoitétéacquife le cinquième juin 1755 ,
cinq jours avant la requête préfentée.
L'affuré répondoit qu'il avoit regardé la prife
comme un fimple arrêt, qu'il l'avoit ainfi qualifiée
dans fa déclaration à la chambre du commerce , &
qu'il étoit bien dur qu'on voulût , dans ces cir-
conftances , lui faire perdre une fomme de 3 1 50 1. ,
pour un fimple retard de cinq jours.
Mais ces raifons n'einpcchèrent pas l'amirauté
de le déclarer non-recevable en fon a^lion , par
fentence du 31 janvier 17^8, laquelle a depuis
été confirmée au parlement de Provence , par arrêt
du 30 juin 1759.
* Lorfque , par la Police d'affurance , on a ftipulé
un terme pour le payement de la perte qu'on ga-
rantilToit , le délai de trois mois qu'accorde l'ordon-
nance , court-il avant que ce terme ne foit expiré ?
J'ai fous les yeux une confultation , délibérée à Mar-
feille le 22 avril 1773 ' ^" faveur de la négative.
Le principe dont on part dans cette confultation ,
efi: que la prefcription ne commence d'avoir cours ,
que depuis qu'on a eu le droit d'intenter fon aéiion
en juUice, & que par fuite, &. félon la décifion
POLICE D'ASSURANCE.
exprefle de la loi , cùt. notijlm: , C. iic pmfcripnone
30 annorum , lorsqu'il s'agit d'une obligation à ter-
me, la prefcription ne peut courir que du jour de
l'échéance du terir.e ftipulé.
» L'ordonnance, ajouie-t-on, n'a pas dérogé à
ces principes. L'article 48, en difant que le temps
courra après la nouvelle ae /a /^erfc , n'ajoute point
que cela aura lieu avant 1 échéance du terme ftipulé
dans la Police d affiirance. Il faut àonc entendre cet
article fuivant le droit commun , & dire que la pref-
cription courra ûpiîsU nouvelle des pertes , à comp-
ter depuis l'échéance du terme ftipulé; car, par
l'article 3 du même titre , il eft permis aux parties de
ftipuler dans les Polices , touiei Ui conditions dont
elles voudront convenir. --- Ce n'eft pas ici une ex-
ception à la règle, mais c'cfl la règle même qui veut
que la fin de non-recevoir ne coure contre les
atiiirés que -du jour qu'ils auront pu agir ; &. cette
règle eft confirmée exprclîcment par l'article 40....
--- En vain, on oppoieroit l'atricle 44, qui porte
que fi le temps du payement n'eft pas réglé par la
Police , l'alTureur fera tenu de payer l'afiurance
trois mois après U fîgnijîcafion du dél ufjemenr. Cet
article renferme une grâce en faveur des aftiireurs.
Si k- temps du payement eft réglé par la Police, il
faut exécuter le pade tel qu'il a été écrit. Si le temps
du payement n'avoit pas été réglé, les aft"ureurs
feroient obligés de payer fur le c'hamp , fuivant le
droit commun. L'ordonnance a cependant bien
voiilu , par grâce, leur accorder un répi de trois
mois, après la fignification du délaift"ement , afin
de prévenir leur mauvaife humeur & les contefta-
tions qiî'une pourfuite trop prompte pourroit faire
naître. Mais cet article 44 ne dit pas que les délaif-
/emens & les demandes aux affureursen exécution
de la Police, feront faits avant le terme porté par
leur contrat, ou au jour de l'échéance des trois
mois de délai qu'ils auroient ftipulé. --- Je vous ai
accordé trois mois de délai , après que vous aurez
été duement informé de la perte : il eft évident que
pendant tout le cours de ces trois mois , je ne puis
intenter aucune aflion contre vous;- ce ne (croit qwe
le lendemain qu'il me feroir permis de vous aélion-
rer en juftice ; mais le lendemain, vous m'oppoferez
la prefcription de trois mois , fur le fondement de
l'article 48. Le légiftateur ne l'a ni entendu ni pu
entendre de la forte ; il ne tend pas de pièç^e ; il faut
le concilier avec lui-même , & avec ia nature inal-
térable des chofes. Les prefcriptions font aftez
odieufes pour qu'on ne puifte pas les étendre hors
de leur cas,& leur donner un effet rétroaélif avant
la naiftancc de l'ailion ».
A CCS raifons,on ajoute l'autorité delà chofe
jugée : u Les fieurs Audibert frères , négocians à
M Marfeille , avoient fait aftiirer 3000 livres fur les
» facultés de la Tartane faint- Pierre , avec claufe
>» qu'en cas de perte , la Tomme feroit payée trois
» mois après la déclaration qui en feroit faite à la
K chambre de commerce.
w Le a6 avril 3744 , la Tartane futprife près des
POLICE D'ASSURANCE. iSi
» ilcs d'Hieres en Provence, par un vaifteau de
V guerre Anglois , qui la conduifit à Gênes.
j» Le 27 mai fuivant , la déclaration de cette
» perte fut faite à la chambre de commerce par
» les fieurs Audibert.
5) Le 16 juillet d'après , les fieurs Audibert firent
>' l'abandon j & le 26 feptembre , ils préfentèrent
» requête contre leurs afl'ureurs.
» Ceux ci opposèrent la prefcription de fix fe-
11 maines , attendu que la perte étoit arrivée aux
" côtes de la même province , & ils faifoient courir
» ce délai depuis le 27 nv.i , jour de la notification
» de !a perte à la chambre.
» Les heurs Audibert répondirent que les fix
>» femaines n'avoient commencé leur cours que
)» depuis le 27 aoCit, jour de l'échéance des trois
>' Riois ftipulés dans la Police.
» Sentence de l'amirauté de Marfeille du 16
» novembre 1748 , qui déboute les fieurs Audi-
i> bert, attendu qu'ils avoient dû taire 1 abandon
» dans les fix femaines, depuis la nouvelle de la
» perte , fauf d'intenter l'aiSlion après les trois
» mois,
)> Arrêt du parlement d'Aix du mois de mars
" 1751, qui rejette cette diftinâion , & qui con-
)» damne les affureurs au payement des fommes
» ailurées : car il n'eft aucune loi qui oblige les
» alTurés de divifer l'abandon d'avec la demande ,
» & qui décide que fi la demande ne peut pas être
)> intentée pendant le cours du terme convenu,
» on foit forcé d'anticiper ce même terme pour
» faire l'abandon.
» Or, fi le délai de fix femaines eft fufpendu
i> pendant le cours du terme convenu, il en doit
» être de même du délai de trois mois, & desau-
» très délais déterminés par l'article 48 »> *.
Lorfque l'afluré fait fon délaift!ement , il doit dé-
clarer toutes les afiîirances qu'il a fait faire & l'ar-
gent qu'il a pris à la groft'e fur les effets aft^urés ,
finon l'ordonnance veut qu'il foit privé de l'effet
des affurances , c'eft-à-dire , qu'il perde le droit de
répéter aux affureurs le payement de la fomme
aiTurée. C'eft la difpofition de l'article 53.
Obfervez toutefois que fi l'afturé avoir omis de
f lire , par ra«3e de délaifiTement , les déclarations
prefcrites, & qu'il les fît poftérieurement , il ne
réfulteroit de l'omiilion , autre chofe , finon que le
délalft"ement n'auroit d'effet que du jour que les dé-
clarations auroient lieu , c'eft-à-dire , que les trois
mois accordés par l'article 44 pour le payement de
hi Comme affurée, ne commenceroient à courir que
de ce jour.
Au refte , la peine portée par l'article <;3 , ne
doit avoir lieu , fuivant l'article 54 ( i ) , qu'autant
(i) Voki ce que porte cet art' de. Si J'afluré a recelé des aflu-
rances ou des contrats à la grolTe , & qu'a? ec celles qu'il aura
dccla ces , elles exccdent la valeur des effets aflurés ; il fera
j^ri/é de l'effet des a'Jurances , & tenu de (.layet les fommes
empruntées , nonob!Unt la perte ou prife du vaiffeau.
i8i
POLICE D'ASSURANCE.
que les affurances ou les emprunts à la groiïe qui
ont été recelés , excèdent avec ce qui a été déclaré,
la valeur des effets affurés.
Suppofez , par exemple, que vous ayiez d'abo:d
fait affurer dix mille écus fur une cargail'on de qua-
tre-vingt mille liv. que vous aviez (ur le navire le
Végafe, & qu'enfuite vous ayiez emprunté àlagrofie
quarante mille livres fur cette cargaifon , pour
payer ce que vous en deviez ; il efl vrai que ces
deux fommes faifant 70000 livres , vous ne pouvez
plus faire alTurer que loooo livres fur votre car-
gaifon ; cependant vous tn faites affurer 20000 par
de nouveaux affureurs. Le navire venant à périr
dans ces circonftances , vous répétez aux derniers
affureurs le payement de aooco livres qu'ils vous
ont aflurées , & par votre ^ftc de délaiffemeni ,
vous ne faites mention que des 40000 livres em-
pruntées à la greffe , fans parler des loooo écus
que vous avez fait affurer en premier lieu; il efi:
clair que votre filence à l'égard de ces lOooo écus ,
cft une contravention à la loi : c'ert pourquoi , fi les
aiTureurs viennent à être inftruits de l'affurance de
cette fomme , ils feront décharnés de toute obliga-
tion envers vous , & vous encourrez la peine pro-
noncée par l'ordonnance.
Au furplus , comme cette peine n'a été pronon-
cée que pour punir la fraude 6c l'infidélité , elle
n'auroit pas lieu , s'il paroiffoi: que l'omiffion n'a
pas été frauduleufe , & que l'affuré pouvoit ignorer
l'affurance qui n'a pas été déclarée. Suppofons , par
exemple, qu'un négociant de Bordeaux ayant em-
prunté à la groffc , 50000 livres fur une cargaifon
de 100000 livres , ait mandé à fon correfpondant
d'Amfterdam , de faire affurer les 50000 livres qui
lui reftoient fur cette cargaifon : qu'à la réception
de la lettre , le correfpondant d'Amfterdam , ait
fait une affurance de 25000 livres: que quelques
temps après, les primes d'affurance ayant diminué
de prix à Bordeaux , le négociant de cette ville ,
ignorant l'alTurance faite par fon correfpondant
d'Amfterdam , ait fait affurer fes 50000 liv. à Bor-
deaux , & ait écrit pour que fon correfpondant
n'exécutât point la commiffion à Amfterdam ; qu'en
fuite on reçoive la nouvelle de la perte de la
cirgaifon : il cft clair que le négociant de Bordeaux
venant àfaire alors fon délaiffementaux affureurs ,
6i n'ayant pas parlé dans l'afte de l'affurance d'Amf-
terdam , qu'il ignoroit , n'aura commis aucune
.fraude ni infidélité : c'eft pourquoi il n'encourra
aucune peine , relativement à l'affurance de Bor-
deaux : il faudra feulement la réduire aux 25000 liv.
qui reftoient à affurer. M. Valin cite deuxfentences
de l'Amirauté de Marfeille , qui ont jugé conformé-
ment à cette doctrine.
Lofque , dans le cas d'une déclaration fraudu-
leufe, l'affiné pourfuit le payement' de fommes
affurées au-delà de la valeur de fes effets , il doit ,
outre la peine portée par l'article 54 , être puni
exemplairement. C'eft ce que porte l'article 55.
Suivant l'article 56 j les affureurs fur le charge-
POLICE D'ASSURANCE.
Iment , ne peuvent être contraints au payement des
fommes afl'urées , que jufqu'à concurrence de la
valeur des effets dont l'affuré juflifie le chargement
&. la perte.
Puifque c'eft la perte des effets arrivée par quel-
qu'un des accidens dont les affureurs fe font char-
gés , qui donne lieu à la demande de l'affuré , &
qui doit y fervir de fondement , rien n'eft plus
jufte que ce que le demandeur foit tenu de juftifier
de cet accident & de la perte qu'il a occafionnée.
L'article 57 veut queles aâes jufiihcatifs du char-
gement ik delà perte des effets affurés foient figni-
ries aux affureurs incontinent après le délaiffement ,
& avant qu'ils puiffent être pourfuivis pour le paye-
iTient des chofes affurées.
La principale pièce juftifîcative du chargement
eft le connoijjemenc , c'eft-à-dire , la reconnoiffance
que le capitaine d'un vaiffeau donne à un négo-
ciant , pour les marchandifes qu'il a reçues fur fou
l^ord (1).
Dans le cas de perte du connoiffemeat , les a«fles
juftificatifs font le tableau général du chargement ,
les expéditions prifes au bureau des fermes , la fac-
ture particulière, avec la lettre d'avis du chargeur ,
ou l'atteftation du capitaine & des principaux of-
ficiers ; ou enfin , fi le capitaine , le jnlote & les au-
tres officiers ont péri , une attcftation du refte de
l'équipage.
Les pièces juftificatives delà perte font, en cas
de naufrage ou échouement , l'attcftation des gens .
de l'équipage dans le lieu du naufrage , foit au greffe
de l'amirauté , s'il y en a , foit pardevant notaires :
fi les officiers de l'amirauté ont tait travailler à f'au-
ver les effets , leurs procès-verbaux font pareillcr
ment foi.
Dans le cas de prife , les pièces juftificatives font
les lettres d'avis du capitaine & des autres perfon-
nes de l'équipage , ou les nouvelles publiques qui
font mention de la prife , &c. ^
Comme il ne feroit guère poffible de fournir la
preuve d'un naufrage arrivé en pleine mer, l'or-
donnance a particulièrement eu ce cas en vue par
l'article 58, qui eft ainfi conçu :
u Si néanmoins l'affuré ne reçoit aucune nou-
(i) Lorfquc c'efl Je capitaine qui a fait aflurer des mar-
chandifes chargées dans Ion vaiilcaii poui fon compte , il
doit, en cas de perte , jullifeerde l'achat de ces marchandifes,
& en produire un connoilfeiiient ligné Je l'cciivain & du
pilote. C'efl: ce que porte l'arricle 61.
On voit pat cette difpofition de TordonDance, qu'un capf-
taîne qui fait artlirer des marchandifes fur fon botd , eft af-
treintà une preuve plus forte que les autres atTurcs, en ce
qu'outre Je connoiflement qu'il doit rcpréfenter , figaé de
l'ccrivain &:du pilote, il faut qu'il juftihe encore de l'achat
Àes marchandifes affurées. La raifon en eft qu'il pourroit, par
des moyens illicites, avoir extorqué de l'éctivain &: du pi-
lote , un connoiflement frauduleux. Les autres arturés,au
contraire, n'ont befoin que des connoiflemcns du capitaine ,
qui n'eft pas cenfé les avoit lignes , fans avoir reçu les mar-
chandifes qui y font fpécifiées, & qu'il cft obligé de leffi'
I fentcr.
POLICE D'ASSURANCE.
w velle de fon navire , ii pourra , après l'aii expiri ,
>• à compter du jour du départ pour les voyages
j» ordinaires , & après deux ans , pour ceux de
n long c®urs (i) , faire fon délaliTement aux afiu-
» reurs, Si. leur demander payement, fans qu'il
1) foit befoin d'aucune atteftation de la perte ».
Il réfulte de cette loi , qu'après l'an ou les deux
ans expirés , le navir,; eft cenfé perdu ; mais on de-
mande i'i ralTurè peut , dans le cas de cet article ,
différer , fi bon lui femble , de faire fon délaifle-
ment , fans qu'on puiffe lui oppofer aucune fin de
non-recevoir ? il faut répondre que non. La raifon
en eft que le laps de temps fpécifié par l'article
quon vient de tranfcrire, équivaut à la nouvelle
de la perte , ou , fi l'on veut, tient lieu de cette
nouvelle. Ainfi , il faut que l'alTuré , après ce laps
de temps , fe pourvoie dans les délais fixés par l'ar-
ticle 48 , fous peine d'être déclaré non-recevable
dans fa demande.
Mais fi l'affiirancea été faite pour un temps li-
miré, & qu'on n'ait eu aucune nouvelle du na-
vire , l'afluré fera-t-il tenu de prouver q.ie le na-
vire eft péri avant l'expiration du temps limité , ou
faudra- t-il que l'airureur prouve que l'accident n'efi
arrivé qu'après le temps limité ? Le parlement de
Provence avoit jugé, par deux arrêts des 10 & 20
juin 1747 , que l'affuré devoit prouver que la perte
du navire avoit eu lieu dans le temps déterminé ;
mais le confeil a cafie ces deux arrêts en 1749. La
raifon de cette décifion efl que les aiîiireurs ne
pouvant fe défendre qu'en foutenant que le navire
n'étoit péri qu'après le temps fixé par la conven-
tion , ils dévoient être obligés de fournir la preuve
de cette affertion.
L'article 60 veut qu'après le délaifiement figni-
fié , les effets affurés appartiennent a i'aiîureur ,
fans qu'il pu ifi-c, fous prétexte de retour du vaif-
feau , fe difpenfer de payer les fommes afl'urées.
Ainfi, dès que le délaifiement ell légitimement
fait , & qu'il eft figné , les effets affurés font acquis
auxaffureurs, qui peuvent par conféquent en dif-
pofer à leur gré.
Les affureurs doivent être admis non-feu!ement
à combattre les preuves fournies par l'affuré pour
juftifier fon chargement Se la perte du navire, mais
ils peuvent encore faire preuve contraire , tant par
titres que par témoins. C'eft ce qui réfulte de l'arti-
cle 61. Cependant l'ordonnance veut qu'on les con-
damne par provifion au payement des fommes af-
furées, pourvu que l'affuré donne caution. La rai-
fon de cette décifion eft que la provifion eft due au
titre.
Obfervez néanmoins avec M. Valin , que la con-
(l) On répute voyage de long cours, coni-Oim-mentà l'ar-
licle s 9 d^i t'tre des afluranccs , & à l'ordonisance du iS oc-
tobre I74<1j, ies voyages qui fe font aux Indts trient jles (y oc-
clier.TaUs , Can.ida, Terri'ti'uve , Grcenland , b- aunes eûtes
fc* ifl:- de C Amérique mcriJionsle 6" feptentrionale , aux Aço-
res , Cmarits , M.dhe , tr ,i toutes les eûtes 6- pcys fitués
fur l'Oct'ùn-, au-ddd dts dàroits it Gibrtiltar fc" de Hund,
POLICE D'ASSURANCE. 185
damnation à payer par provifion n'eft pi? tellement
néceffîire que le juge ne puiffe la diff.;;er félon les
circonîlances : c'eft ce qu'ont jugé différens arrêts.
Ai:oh , dans le cas où le connoiffement , qui eft
la meilleure preuve du chargement, feroit attaqué
de fraude par des moyens puiffahs , il fandroit fe
difpenfer de prononcer une condamnation provi-
foire contre les affureurs.
De même, fi la fomme affurée n'étoit pas li-
quide , il ne faudroit prononcer cette condamna-
tion qu'après la liquidation.
Mais les affureurs ne pourroient pas , pour évi-
ter cette condamnation , oppofer valablement à
l'affuré qu'il n'étoit pas propriétaire des effets affu-
rés. La raifon en eft qu'il eft permis de faire affurer
la chofe d'autrui , &: cflie par conféquent il fuffit ,
pour taire condamner les affureurs , que le connoif-
fement foit relatif & conforme à l'affurance. Le
parlement de Provence l'a ainfi jugé par *rrèt du
22 juin 1746.
Lorfque le chargement eft fait en pays étranger
par des mariniers ou autres particuliers qui font:
dans le navire comme paffagers , & qu'ils le font
afîurer en France par leurs correfpondans , ces ma-
riniers ou pafiagers doivent laifier un double du
connoilTement entre les mains du conful françois ,
ou de fon chancelier au lieu où s'eft f.iit le char-^e-
ment;ou s'il n'y a point de confulat en ce Heu, en-
tre les mains d un notable marchand de la nation
françoife. C'eft la difpofition de l'article 63.
Le motif de cette dil'pofition eft pour obvier aux
fraudes & à la coUufion entre les mariniers ou paf-
fagers Se le capitaine , qui , en cas de naufrage ou
depnfe, pourroit donner aux affureurs un faux
connoille.mcnt contenant une plus grande quantité
de marchandifes que celle dont étoit compofé le
chargement.
Les mariniers & paffagers qui ont fait quelque
chargement fur un navire dans le levant ou en bar-
barie, & qui l'ont fait affurer par leurs correfpon-
dans en France, doivent , en cas de perte du con-
nuiirement, juftifier de ce qui eft contenu dans le
chargement par une autre cfpèce d'acie qu'on ap-
pelle un manifejle ; c'eft un acïe que le capitaine de
chaque navire doit remettre à la chancellerie du lieu
du chargement : cet a£le doit contenir un extrait
fidèle de toutes les Polices concernant la cargaifori
du navire : il eft conçu à-peu-près en ces termes :
a chargé M***, d'ordre & pour compte de M**, d'une
telle ville & À fa conftgnation , telles & tellti marchan-
difes, àoni on exprime la qualité , 'la quantité, le
poids , &c. cet état eft certifié véritable par le capi-
taine ; & le chancelier du confulat, à qui ceta^îe eft
remis , l'eriregiftre & en donne au capitaine deux,
copies en forme légalifées par le conful.
A l'égard des voyages de l'Amérique ; l'acquit
que le capitaine doit avoir des droits qu'il a payés
pour les marchandifes chargées fur fon navire , peut
fervir de juftification du contenu du chargement.
il eft tm cas où la preuve de chargeaient n'a p.TS
iS4
POLICE D'ASSURANCE.
lieu. C'eft loifqn'im corfaire fait afTurer une pnTc
qu'il a faite: il eil évident qu'il ne peut faire cette
preuve , piiifqu'il n'a rien chargé : ce qu'il a fait af-
furer ne confiée alors qu'en eftimation.
La quantité des marchandifes dont le chargement
étoit compofé, fe juftifie par le connoiflement. A
l'égard de leur valeur, l'affuré peut la juflifier par
les fa6>ures 8c par les livres de commerce , tant de
l'aiTuré , que des marchands qui lui ont vendu les
marchandifes.
A défaut de cette preuve par les livres & les fac-
tures , on doit faire ertimer ces marchandifes par
experts , fuivant le prix commun & courant que
les marchandifes de pareille efpèce valoient au
temps & au lieu du chargement. C'eftla difpofition
de l'article 64.
La valeur du chargement jufqu'à concurrence de
laquelle on peut le faire affiirer, n'eft pas feulement
compofée du prix de l'achat des marchandifes ; on
doit encore , fuivant l'article 64 , y joindre tous droits
& frais faits iiifijuà bord , c'eft-àdire , tous les frais
qu'il faut faire pour conduire les marchandifes à
bord , & pour les charger fur les navires , & tous
les droits qu'il faut payer pour le cliargement des
mêmes marchandiles , tels que les droits de dounne.
Obfervcz que les marchandifes qu'on charge en
retour à l'afliiré dans les iles de l'Amérique ne doi-
vent pas être eftimées fuivant la valeur de l'ar-
gent de ce pays, fur lequel il y a un tiers à per-
dre en France , mais feulement fur le pied de l'ar-
gent de France , parce qu'elles ne font de valeur
pour l'affuré, que de ce qu'il en peut retirer en
France. La convention de les cfîimer fans aucune
dédui5^ion de ce qu'il y a à perdre en France a
été , par plufieurs fentences de l'amirauté du pa-
lais , déclarée nulle &. illicite, comme contraire à
l'article 22 du titre des affurances , qui défend de
faire affurer des effets au-delà de leur valeur.
L'ordonnance, dans l'article 65 , a prévu un cas
auquel on ne peut pas eftimer les marchandifes
du chargement à la fomme qu'elles valoient au
temps du chargement : c'eft quand celui qui les a
fait aflurer , les a eues des fauvages par échange,
dans un lieu où l'on ne connoît pas l'argent , &
où le commerce ne fe fait que par troc. Il eft évi-
dent que ces marchandifes ne peuvent s'eflimer à
la fomme qu'elles valoient au lieu du chargement ,
puifque l'argent n'y efl pas connu , ni aucune au-
tre monnoie qui y puiffe répondre. Pour fuppléer
à cela, l'ordonnance veut qu'on donne à ces mar-
chandifes l'eftimation de celles qu'on a données
aux fauvages en échange pour les avoir , & qu'on
y joigne tout ce qu'il en a coi^ité pour les tranf-
porter au lieu où elles ont été données en échange.
On n'a recours à une eflimation des marchan-
difes par les fa<51ures & les livres , ou par experts ,
que lorfqu'elle n'eft pas faite par la Police d'affu-
rance. C'eft pourquoi l'article 64 ajoute: /ce n'e/Z
qu elles foient eflimées par la Police.
En ce cas , l'eftimation fait foi au moins par pro-
POLICE D'ASSURANCE.
vifion, & jufquji ce que les affurcurs aient fait la
preuve que l'alTuré les a furpris , & a enflé cette
eflimatioji.
En cas de prife , lorfque l'affuré a fait , fans le
confentement des affureurs , une compofjiion avec
le corfaire pour racheter fes effets ( i ) , l'article
6j laiffe au choix des affureurs de prendre à leur
profit la compofition ou de la rejeter.
Cet article dit : u les affureurs pourront prendre
» la compofition à leur profit à proportion de leur
» intérêt , & en ce cas ils feront tenus d'en faire
» leur déclaration fur le champ, de contribuer
» atluellement au payement du rachat , & de cou-
» rir les rifques du retour, fjnon de payer les fom-
» mes affurees , fans qu'ils pHiff«nt rien prétendre
5> aux effets rachetés ».
Au premier cas, lorfque les affureurs prennent
le parti de prendre à leur profit la compofition ,
il n'y a pas lieu à la demande de la fomme affu-
rée; les affureurs font feulement tenus de contri-
buer au prix du rachat à proportion de l'intérêt
qu'ils y ont , & ils continuent d'être chargés des
rifques du retour du vaiffeau, fans qu'ils puiffent ,
en cas d'un nouveau malheur, faire, fur la fomme
affurée , aucune dêdu6lion ni imputation de la fom-
me payée pour le rachat.
Par exemple, un armateur a fait affurer une fom-
me de 50000 livres fur un vaiffeau valant , avec fa
cargaifon , cinquante mille écus. Ce vaiffeau efl
pris ; & le corfaire , moyennant une rançon de
vingt-cinq mille écus que lui paie l'armateur , re-
lâche le vaiifeau avec toute fa cargaifon. Si les af-
fureurs veulent prendre à leur proiit cette compo-
fition , l'affuré ne pourra pas leur demander la
fomme de joooo livres qu'ils ont affurée ; il fuf-
fira que ces affureurs lui rendent la fomme de
vingt-ci^nq mille livres , qui efî le tiers de celle
qu'a coiàté le rachat du vaiffeau & de fa cargaifon ;
& fi le vaiffeau , avant fon retour , étoit encore
pris ou péri, les affureurs , qui continuent en ce
cas d'être chargés des rifques , feroient tenus de
payer la fomme de 50000 livres qu'ils ont affurée
dans l'origine , fans pouvoir rien retenir de celle
de 25000 livres payée pour le rachat.
Ce qui cû dit par l'article 6j , que les affureurs
doivent contribuer adluellement au payement du
rachat, doit s'entendre du cas auquel le corfaire
n'auroit pas accordé de terme pour le payement:
s'il en avoit accordé , il feroit jufie que les affureurs
en profitaffent.
Au fécond cas , qui eft celui auquel les affureurs
rejettent la compofition, il y a lieu à la demande
de la fomme affurée. Ils font tenus de la payer,
fans quils puijfcnt rien prétendre aux efets relâchés ;
c'eft ce que porte expreffémeat l'article 67.
Laffuré n'eft donc pas tenu alors de leur faire
le délaiffement des effets rachetés , ni du profit
(i) L'a.ticle 66 permetaux a(îuu$ Je uthecer leurs effets ,
fins aiiendre l'ordre des alfuieurs.
qu'il
POLICE D'ASSURANCE.
qu'il pourrolt fiire fur ces efie;s. Les afflireurs ,
en refulant la compoCiùon , font: cenfcs le*, avoir
abandonnés à l'affuré pour le prix du rachat; de
même qu'ils peuvent abandonner les effets fauves
d'un naufrage , pour les frais faits pour les re-
couvrer.
Les affiireurs devant avoir le choix d'accepter
à leur profit la compofition ou de la refufer , l'af-
furé doit les avertir par écrit de la coinpofirion
qu'il a faite. Les affureurs de leur côté , doivent,
aulh-tot qu'ils ont été avertis, déclarer s'ils en-
tendent accepter la compofition , finon ils peuvent
être pourluivis pour le payement de la fomme
alTuré*.
M. Pothier , à qui appartiennent ces obferva-
tions fur l'article 67, eft néanmoins d'avis que les
afTureurs font toujours à temps de fe faire ren-
voyer de cette demnnde, en offrant leur part du
prix de la compofition , les intérêts , & les dépens
de la contumace faits contr'eux.
L'article 68 établit ce qui doit être pratiqué
pour empêcher les fraudes & les abus de h part
de ceux qui fe mêlent de faire figner des Polices
d alTurance. Voici comme cette loi eft conçue :
« Faifons défenfcs à tous greffiers de Police ,
»> commis de chambre d'affurances , notaires ,
5' courtiers & cenfaux , de faire figner des Polices
» où il y ait aucun blanc , à peine de tous domma-
>' ges &. intérêts, comme au iTi d'en faire aucunes
» dans lefquelles ils foient intéreffés direflement
" ou indiredlement par eux, ou par perfonnes in-
» terpofées, & de prendre tranfport des droits des
» affurés , à peine de cinq cens livres d'amende
» pour la première fois, & de deflitution en cas
» de récidive , fans que les peines puilTent être
}) modérées ».
L'article 69 enjoint , fous pareille peine , à tous
les greffiers , & autres , défignés dans l'article pré-
cédent , d'avoir un regiftre paraphé par le lieute-
nant de ramirau*é, pour y enregiflrer toutes les
Polices qu'ils dreffent.
Lorfqu'il y a dans la Police une claufe par la-
quelle les parties ont déclaré vouloir que les diffé-
rends qui pourront furvenir entr'elles fe décident
par des arbitres , l'une des parties peut, avant au-
cune conteftation en caufe , faire renvoyer le li-
tige devant des arbitres ; en conféquence , elle en
doit nommer un , & fi la partie adverfe refufe d'en
faire autant, le juge doit y fuppléer en nommant
im fécond arbitre pour elle. C'eft ce qui réfuite
de l'article 70.
Il faut remarquer à ce fujet, que fi le renvoi
devanr des arbitres n'étoir pas reçu avant aucune
conteftation en caufe , ce feroit à l'amirauté à con-
noître du différend.
L'article 71 veut que huit jours après la nomi-
nation des arbitres , les parties litigantes produifent
entre leurs mains , & que dans la huitaine fiiivanre ,
ils rendent leur fenrcncc , foit contradia®irement
Tome Xllh
rOLICE D'ASSURANCE. 1S5
ou par défaut , fur les pièces qui leur auront été
remifes.
On voit par-là que l'intention du légiflateur a été
que les procédures ne fuffent pas longues dans la
nutière dont il s'agit. Ainfi , lorfqu'ime partie eft
intéreffée à obtenir une prompte décifion, elle n"a
qu'à fignificr à fon adverfaire , qu'elle a produit
fes pièces , avec fommation à lui de produire de-
fon côté. Et foit que cet adverfaire fatisfaffe à la
fommation, ou qu'il n'y fatisfaffe pas, les arbi-
tres peuvent, huit jours après , prononcer fur la
conteflation.
Suivant l'article 72 , les fentences arbitrales doi-
vent être homologuées au fiège de l'amirauté, dans
le reffort duquel elles ont été rendues ; mais il eft
défendu aux juges de prendre fous ce prétexte au-
cune connoiffance du fonds, à peine de nullité 6c
des dépens , dommages ^ inrérèts des parties.
j L'appel des fentences arbitrales homologuées ,
doit être porté direftement au parlement ; mais il
ne doit pas être reçu, que la peine ftipulée parla
foumiffion, n'ait été payée. C'eft ce que porte l'ar-
ticle 75.
Ces fentences font exécutoires, nonobllant l'ap-
pel, en donnant caution pardevant les juges qui
les ont homologuées; c'eft ce qui rcfulce de l'ar-
ticle 74.
Voyez V ordonnance de la marine , du mois d'août
1681 , 6* lis commentateurs ; le traité du contrat
d'aJJ'urance de M. Pothier; l'ordonnance du mois d'a-
vril i66y ; les lois civiles ; le guidon de la mer; Loc-
csnius , de jure maritimo; Stypmannus , ad jus ma-
ritimum; Stracha, de nantis; le traité des avaries ,
de Quiniin Weytfen ; l'ordonnance du mois de mars
1673; ^^ recueil de A'éron ; Santerna , de affecura-
tlon'rbus ; Reinoldm Kurike , ad jus maritimum han-
fearicum , cum notis & diatribe de affccuration -
bus; les œuvres de Cafa Régis; le^ ordonnances de
Ford mon ; les notes d' Arnoldus Vicinius fur Pierre
Peckius ; le règlement du 20 août 1673 ^ l'ordonnance
du iS oElobre 1740 ; Dumoulin, de ufuris ; Grotius ^
de jure belli & pacis , &c. Voyez nufîî les articles
Avarie , Affrètement , Arrït de prince ,
Abordage, Jet , Prescription , Naufrage ,
ÉCHOUEMENT, Pillage, Prise , Représailles,
Prime , &c. ( Ce qui efl entre des aflérifques ap -
yartient à M. Merlin , avocat au parUment de
Flandres & fecretaire du roi ).
Addition à l'article Police et Contrat
d'Assurance.
L'ordonnance du mois d'août 1681 , dont la fi-
geffe a été univerfe'lement reconnue , n'ayant rien
Itatué fur des faits qui n'étoient point encore con-
nus quand elle a été rendue, le roi a donné fur la
matière des affurances , le 17 août 1779, une dé-
claration que le parlement de Paris a enregiftrée
le 6 fcptembre de la même année , 6c qui contient
les difpofrions fuivantes :
(4 Article i, Aucun navire marchand ne pourra
Aa
)86 POLICE D'ASSURANCE.
»' prendre charge dans tons les ports de notre âo'
" inination , avant qu'il ait été conflaté que ledit
» navire cft en bon état de navigation, riilîîfam-
» ment armé & muni des pièces de rechange né-
1' ceflaires , eu égard à la qualité du navire & à
j' la longueur du voyage ; à l'effet de quoi fera
» drefle procès-verbal du tout , en préfence des
» deux principaux officiers du navire , par trois
y* experts , dont un fera capitaine ou officier de
» navire, l'autre conftrii6îeur, Se le troifième char-
y> pentier du port du départ , ou , à leur défaut ,
j» par trois autres experts , tous lefquels experts
» feront nommé» d'office par les officiers de l'ami-
» rautè ; lequel procès-verbal, préfenté devant un
3' des officiers de l'amirauté , & affirmé , tant par
« lefdits officiers de navire que par les experts ,
5> demeurera annexé, comme pièce de bord ou
n congé, ordonné par l'anicle premier du titre
>» des congés de l'ordonnance de 1681 , lequel
>» congé ne pourra être délivré que fur le vu du-
» dit procès-verbal.
» 2. Seront tenus lefdits officiers de navire Se
y* experts nommés par le juge, de travailler fans
» délai à la rédadion dudit procès-verbal : leur en-
» joignons d'y procéder avec exaâitude 8c fidélité,
M fous peine d'interdlélion pour deux ans , & mê-
w me de déchéance totale , s'il y échet, contre lef-
»> dits officiers, & de trois cens livres d'amende
w contre chacun des experts , fauf à prendre la voie
» extraordinaire, fi le cas le requiert.
» 3. Lorfque le navire fera prêt à recevoir fon
» chargement de retour, il fera procédé à une nou-
» velle vifite , dans la même forme & par les per-
1» fonnes du même état que celles ci-delfus dénom-
j) mèes ; lors duquel procès-verbal les officiers du
>» navire feront tenus d» repréfenter le procès-
>' verbal de vifite fait dans le lieu du départ , pour
5) être récolé, & à l'effet de conltater les avaries
>» qui pourront être furvenues pendant le cours
J) du voyage, par fortune de mer ou par le vice
M propre dudit navire ; 8fc à l'égard des navires fai-
» fant le cabotage , 6c de ceux qui font la caravane
» dans l'Archipel & dans les Echelles du Levant ,
n les propriétaires, capitaines ou maîtres, ne fe-
» ront tenus de faire procéder audit fécond procès-
» verbal , qu'un an & jour après la date du premier.
» 4. Dans le cas où le navire , par fortune de
» mer , auroit étoit mis hors d'état de continuer (a
" navigation, & auroit été condamné en confè-
» quence , les affijrés pourront faire délaiffement
V à leurs aiTureurs du corps &: quille , agréts îk
J) apparaux dudit navire , en fe conformant aux
» difpofuionsde l'ordonnance du mois d'août 1681,
V fur les dèlaiffemens ; ne feront toutefois le affii-
î5 rés admis à faire ledit délaiffement , qu'en re-
» préfentaut les procès-verbaux de vifite du navire,
" ordonrss par les articles premier & 3 de la prè-
5> fente déclaration.
» 5. Ne pourront aulî^ les affiirés être admis à
» liirç le dclaiffetnent du navire qui 9ura échoué ,
POLICE D'ASSURANCE.
» fi ledit navire relevé , foit par les forces de fon
» équipage, foit par des feeours eirpruntés , a con-
» tinué fa route jufqu'au lieu de fa deftination ,
»> fauf à eux à fe pourvoir ainfi qu'il appartiendra ,
'» tant pour les frais dudit échouement, que pour
" le avaries , foit du navire , foit des marchan-
» difes.
» 6. Le fret acquis pourra être affuré & ne
» pourra faire partie du délaiffement du navire,
>♦ s'il n'eft expreffément compris dans la Police d'af-
» furance; mais le fret à faire appartiendra aux af-
» fureurs , comme faifant partie du délaiffement ,
') s'il n'y a claufe contraire dans la Police d'affu-
» rance, flins préjudice toutefois des loyers des
» matelots Cii. dfs contrats à groffe aventure , à
V l'égard defquels les difpofitions de l'ordonnance
» du mois d'août 1781 , feront exécutées fuivant
î) leur forme & teneur.
» 7. Lorfque le navire aura été condamné corn»
)) me étant hors d'état de continuer fa navigation ,
I) les aiTurés fur les marchandifes feront renus de
» le faire inceffamment fignifîer aux affureurs ,
" l«fquels, ainfi que les affurés , feront leurs dili-
» gences pour trouver un autre navire, fur lequel
'> lefditcs marchandifes feront chargées , à l'effet
» de les tranfporter à leur deftination.
»> 8. Dans le cas où il ne fe feroit pas trouvé de
n navire pour charger lefdites marchandifes , & les
n conduire au lieu de leur deftination dans les dé-
5) lais portés par les articles 49 & 50 du titre des
» affurances de l'ordonnance du mois d'août i68i,
» les affurés pourront en faire le délaiffement , en
■>■> fe conformant aux difpofitions de ladite ordon-
j) nance fur les délaiffemens.
» 9. Dans le cas où lefdites marchandifes au-
i> roient été chargées fur un nouveau navire, les
» affureurs courront les rifques fur lefdites mar-
M chandifes , jufqu'à leur débarquement dans le
" lieu de leur deftination , & feront en outre tenus
i> de fupporter,à la charge des affurés, les avaries
» des marchandifes , les frais de fawvetage , de char-
" gement , m.agafmage & rembarquement, enlem-
)> ble les droits qui pourroient avoir été payés , &C
» le furcroît du fret, s'il y en a.
» 10. Dans le cas où le navire & fon chargement
» feront affurés par la même Police d'aflurance,
•/> & par une feule fomme , ladite fomme affurè«
» fera répartie entre le navire & fon chargement ,
V par proportion aux évaluations de l'un 81 de Fau-
» tre , fi elles ont été portées dans la Police d'affu-
» rance; finon la valeur du navire fera fixée par
» experts, d'après lefdits procès-verbaux de vif te
n du navire , & le compte de mife hors de l'arma-
V teiir , Si. la valeur des marchandifes, fuivant les
)) difpofitions de l'ordonnance de x68i , concer-
» naiK l'évaluation du chargement.
» II. Tout effet , dont le prit fera porté dans h
•,i Police d'affurance en n^oniaoie étrangère ou au-
» très que celles qui ont cours dans l'intérieur de
J7 v.Qiïi royaume , & dont la v^aleur numéraire eft
PONT DE JOIG?n\
»> fixée par nos édits, fera évaluée au prix que la
ï» monnoie ftipulée pourra valoir en livres toilr-
î> nois. Faifons trés-exprefles inhibitions & défen-
« fes de faire aucune Itipulation à ce contraire , à
>» peine de nullité.
j» 12. Seront au furphis nos ordonnances , édits,
» déclarations , lettres - patentes , arrêts & régle-
» mens, exécutés en tout ce qui n'eft pas contraire
j> aux difpofitions de la préfente déclaration. Si
» donnons en mandement , &c. «.
POLLICITATION. C'eft un engageinent cen-
traf^é par quelqu'un, fans qu'il foit accepté par une
autre perfonne.
L'article 3 de l'ordonnance des donations du
mois de février 173 r , ayant décidé qu'il n'y auroit
plus que deux manières de difpofer de fcs biens à
titre gratuit; favoir, la donation entre-vifs ti \c
teftainent , il faut conclure q^e la PoUicitation ne
produit aucune obligation parmi nous.
POLYGAMIE. C'eft l'état d'un homme qui eft
marié à plufieurs femmes en même-temps , ou
d'une femme qui elî rasriée à plufieurs hommes.
P^oyei Bigamie.
^ PONT DE JOIGNY. ( droit du ) Ccû le nom
d'un droit d'aide , nuquel les vins , tant de liqneur
que d'ordinaire , font affujeriis dans le cas dont on
parlera ; &c qui , en y comprenant le parifjs , fou Si.
fix deniers pour livre, a été fixé à cinquante-trois
fous neuf deniers par nuiid de vin.
Lorfque la déclaration du 20 juillet 1656, com-
mua le droit de fubvention à l'entrée en pareil droit
au dérail dans les lieux fujets au huitiétne, les fix
élevions d'Auxerre, Màcou , Bar- fur-Seine , Joi-
gny. Tonnerre & Vezelay , fituées au-delà du
Pont de Joigny , furent déchargées delà fubven-
tion au détail , au moyen du même droit par dou-
bleiTient , qui fut établi fur les vins qui feroient en-
levés de ces fix éledions & autres lieux , & qui
pafferoicnt defius ou deffous le Pont de Joigny , ou
qui feroient chargés au port de Folet, fuuéàune
demi-lieue au-deifous de cette ville : c'étoit alors
les paffages les plus ufités pour le tranfport de ces
vins , relativement à leurs débouchés k4 plus ordi-
naires ; & au moyen de cet établiffement , la fub-
vention ne tomboit point fur les vins confommés
dans ces éleélions , mais feulement fur ceux qui en
fortoient.
L'ordonnance de 1680 a fixé la quotité de ce
droit ; & cette ordonnance , ainfi que l'arrêt du
confeil & les lettres - patentes du 21 novembre
1752, enregifîrées à la cour des aides de Paris le
31 mai !754, contiennent les difoofitions relatives
à la perception du droit dont il s'agir: voici les prin-
cipales :
Le droit eft dû fur le vin qui pafTe deffus ou def-
fous le Pont de Joigny , ou qui , fans y paffer, e/i
chargé au port de Follet.
^ Sur celui qui efl enlevé des fix éleSions, pour
être conduit à Paris ou pour être tranfporté , foit
par eau , foit pav terre dans les villes de Joigny ,
rONT DE MEULAN.
187
Ville-NeiiVî^-h-Roi , Sens , Pont- fur- Yonne, Moit-
tereau , Moret , Melun & Corbeil , quoiqn'il ne
paCié ni defllis ni delTous le Pont de Joigny.
Et enfin fur le vin pareillement enlevé des nii^'
mes éledions & voiture parterre, pour quelque
defîination que ce foit, lorfque les conducteur c
fuiventlc cours de^la rivière d'Yonne, au lieu de
palier fur le Pont : cette difpofition qui efl portée
parles lettres-patentes du 21 novembre 1752, a
eu pour objet de faire ceffer la fraude des voitu-
riers qui , au lieu de fuivre leur route naturelle en
partant fur le Pont , s'en détournoieut ik fuivoient
le cours de la rivière d'Yonne pour la paflér plus
loin à gué.
Les difpofitions qu'on vient de rapporter doi-
vent être exécutées, relativement aux vendanges ,
fur le pied de deux niuids de viu pour trois niuidi
de vendange.
Le droit doit être payé fans aucune déduélion
pour les lies & coulages , &. il eft dû par toute»
fortes de perfonnes fans exception , même par les
eccléfiafliques & autres privilégiés pour le vin du
cru de leur bénéfice ou de patrimoine.
Les voituriers font tenus de faire leur déclara-
tion aux bureaux de la régie, & d'y repréfenter
leurs lettres de voiture vifées & paraphées des com^
mis dans la même forme &fous les mêmes peines
que pour les droits d'entrée.
PONT DE MEULAN. ( droit du ) Ceft le nom
d'un droit d'aide fort ancien qui faifoit partie du
bail paffé à Jacques Barberé le 25 feptembre 1630.
Il étoit originairement de quinze fous par cent de
plâtre , & de fix livres par bateau : mais par arrêt
du confeil du 16 oâobrc 1685 , il a été porté à
caufe du parifis , fou Se fix deniers pour livres, à
vingt fous trois deniers par cent de plâtre, & a
huit livres un fou fix deniers par bateau chargé de
marchandifes pafiant fous le Pont de Meulan.
Un autre arrêt du confeil du 2 odobre 173 i , a
défendu aux marchands voituriers & autres de faire
pafler leurs bateaux fans les garrer au bureau du
fermier pour y acquitter le droit , à peine de con-
fifcation des bateaux & de 5C0 livres d'amende.
Par le même arrêt, la connoiflance des contefia-
tions relatives à la perception des droits du Pont
de Meulan , a été attribuée aux juges de l'éleftion
de Mantes, nonobftant la prétention du bureau de
la ville de Paris qui vouloit en connoître , fous
prétexte que ces droits fe perçoivent fur des mar-
chandifes defiinées pour Paris.
PONT- SUR -YONNE. ( péage de ) Voyez
PÉAGF.
PONTIFICAL. On appelle ainfi le livre qiù
contient les difïîrentes prières 8c l'ordre des céré-
monies que l'évêquedoitobfervcr particulièrement
dans l'ordination , la confirmation , les facres & les
autres fondions réfervées aux évêques.
PORCELAINE. Sorte de poterie très-fine , pré^
parée & cuite fous toutes fortes de figures , de vafôs
& uftenfile:t
Aaij
i8§ PORCELAINE.
Le roi s'étant fait rendre compte de 1 état a(^iiel
des différentes fabriques de Porcelaine qui exif-
toient dans le royaume, & des titres en vertu des-
quels elles avoient été établies , fa ninjeflé a re-
connu que par différens arrêts de fon confeil, 6c
notamment par celui du 15 février 1766,1a ma-
niifaflure royale des Porcelaines de France, éta-
blie à Sevré , avoir été maintenue & confirmée , tant
dans le privilège exclufit de peindre en toute cou-
leur , dorer & incrufter en or, les ouvrages par
elle fabriqués , que dans celui de faire des llaïues ,
figures ou ornemens de rondebofie avec de la
pâte de Porcelaine en bifcuit, fans couverte ou
avec couverte ; & que les autres manufactures
avoient été reftreintes à la fabrication des Porce-
laines en bleu Se blanc, à l'imitation de celles de
la Chine , & en caniayeu , d'une feule couleur :
que, cependant, les reflriâions portées par ces
i'.rrèts n'avoient point été entièrement exécutées ,
quelques-unes de ces manufactures ayant obtenu
des permiffions particulières de décorer leurs ou-
vrages en or & en toute couleur; que même toutes
celles qui s'étoient établies fucceiTivement , s'c-
toient prévalues de cette tolérance , jufqu'au point
d'entreprendre & de débiter, concurremment avec
la manufadUire royale de France , toute efpécc
d'ouvrages, fans excepter ceux dont la fabrica-
tion exclufive lui avoit été conflamment réiervée:
que p t une fuite de cet abus , plufieurs s'étoient
efforcés de gagner & attirer les ouvriers dans leurs
ateliers ; 8c qu'il en étoit même qui s'étoient per-
mis de contrefaire les marques de la fûbiication :
qu'enfin ces manutadures s'àoient tellement mul-
tipliées d<^ns ia ville de Paris , ik aux environs ,
qu'il en réfultoit une confommation de bois pré
judiciable à 1 approvifionnement de la capitale ; (Ix
que d'ai'leurs , la quantité de Porcelaine qui fe
fabriquoit journellement, exe jdoit le débit quipou-
vo!t s'en faire: fa majefié a confidéré d'un côré
que la manufai51urc royale des Porcelaines de
France étoit devenue un objet digne de fa pro-
tection particulièie , non feulement par la fnpè-
riorité que la perfeélion de fes ouvrages lui avoit
acquife fur toutes les manufaélures étrangères de
même genre , mais aufTi par fa liaifon avec les arts
de goût , & fes rapports à l'intérêt général du com-
merce ; d'un autre côté , qu'il étoit de fa juili^e
d'affurer au public , pour les Porcelaines d'un iifage
habituel 8c journalier, les avantages que devoir
procurer la concurrence de plufieurs manufadures
«jui les fabriquoient à différens prix; en prenant
néanmoins les mefures convenables pour qu'il
n'en réfultât pas des abus 8c des inconvéniens éga-
lement nuiTibles au public &c aux entrepreneurs de
ces établiffemens : en conféquence elle a rendu
en fon conf^^il , le 16 mai 1784 , un arrêt de règle-
ment qui contient les difpofitions fuivantes :
<c Art. premier. La manufadm-e royale des
M Porcelaines de France, continuera de jouir du
w privilège de fabriquer toutes eTpèces de Porce-
PORCELAINE.
» laines en tous genres 8c de toutes formes , peintes
» ou non peintes , unies ou en relief, décorées de
» toutes couleurs Ôc tous ornemens quelconques ;
" de les faire vendre 6c circuler dans tout le royau-
» me , 8c de les exporter à l'étranger , airfi qu'elle
" y a été autorifée par les précédens édits èi arrêts
» de lèglement.
» 11. Ladite manufaflure continuera aufîi d'a-
" voir , conformément auxdits règlement , Sc
" pourra feule exercer à l'avenir , le droit exclu-
" lit de faire 8c débiter des vafes couverts 8c non
» couverts , d incrufter de l'or fur lefdits vafes ,
» 6c fur toutes autres pièces de Porcelaine , de
» peindre fur icelles des tableaux repréfentans des
» penonnages ou des animaux ; de fabriquer Se
" vendre des flatues , des bufles en rondeboiîe
" ou en m-idaillon, 8c en bas-relief, des groupes
" d iiommes , ou a'autres fujets faits avec de la
" pâte de Porcelaine en bifcuit ou coloriés, &C
>' généralement tous ouvrages du grand genre
" deiiiués à fervir d'ornemeiis. Fait défenfes fa
» niajellé aux entrepreneurs des autres manufac-
" tures de Porcelaine du royaume, de fabriquer
» les Ouvrages 8c genre de Porcelaine , énoncés
» au prefent article , à peine de faifie , confîfca-
" tion , Cîc de trois mille livres d'amende ; leur per-
» met néc^nmoins fa majelié d'achever ik complé-
» ter ceux defdits ouvrages qu'ils auroient com-
» mencés avant la date du préfent arrêt . 8c de les
» vendre 8c débiter, ainfi que ceux qu ils auroient
» aéiucUemcnt en magafin ou en boutique, pen-
" dant l'efpace d'une année feulement, à compter
» également de la date dudit arrêt , après lequel
» délai ils ne pourront les expofer en vente , aux
» peines ci dcffus prononcées.
» lil. Pourront lefdits entrepreneurs, continuer
» de fabriquer tous les autres ouvrages du genre
» moyen , deflinés à l'ufage de la table &i au fer-
)> vice ordinaire, tels que pots à oille , terrines,
» plats Se aiîîettes, compotiers, fucriers , taffes,
» théières , jattes, pots, coquetiers , 6c autres ou-
» vrages de même genre ; d'y appliquer de l'or en
» bordure feulement , ôc de faire peindre fur iceux
yy des fleurs nuancées de toutes couleurs ; à la
» charge par eux de tranfporter leurs établifTc-
♦) mens , dans trois ans pour tout délai , à quinze
5> lieues au moins de diftance de la ville de Pa-
>» ris 6c dans tout autre lieu que les villes capitales
» des provinces.
" IV. Permet néanmoins fa inajeflé aux entre-
" preneurs ders manufactures de Sceaux Se de Chan-
» tiUy, attendu l'ancienneté defdites manufaéîu-
w res, d'en continuer l'exploitation dans le même
» lieu où elles font établies , en fe conformant
» par eux -au furplus des difpofitions du préfent
7> arrêt.
» 'V. Seront tenus les entrepreneurs de toutes
n lefdites manufadures , de peindre ou graver fur
V les pièces de Porcelaine qu'ils auront fabriquées
n ou fait fabriquer, les marques qu'ils au&ont
PORCELAINE.
» adoptées , Oc d'en 1 ■ ;tre rempreinte auxfieurs
r> intendans & com., .laires dcpartii des diffé-
»> rentes généralités dans lefquelles elles feront
" établies. Fait défenfcs fa mai-ité auxdits entrepre-
» neius , de contrctaire la marque dlftinflive de
n la manufacture royale de France, confinant en
>' une double lettre L entrelacée en forme de
>» chiffre couronné; à peine d'être déchus de tout
» privilège , condamnes à trois mille livres d'a-
» mende , Si même pourfuivis éxtraordinairement :
» leur dcfend pareillement , fous les mêmes pei-
V ncs , de contrefaire refpeéhvement les marques
» particulières qu'ils amroient choifies.
)) Vf. Ordonne fa maje/îé que fes lettres pa-
»> tentes du 12 novembre 1781 , feront exécutées;
» Si en cojiféquence , fait défen fes aux enrrepre-
J> neurs defdites manufactures , fous peine de trois
V mille livres d'amende , de recevoir dans leurs
» ateliers aucuns des ouvriers employés ou en-
»» gagés dans la manufacture royale de France ,
» fans qifils leur aient repréfenté un billet de
» congé , f'gné du directeur de ladite manufic-
» ture , & vifé par le commiffaire de fa majefté
» pour icelle ; fait pareillement défenfes, 8c fous
" les mêmes peines, à toutes lefdites manufac-
» tures de s'enlever mutuellement leurs ouvriers,
»» & d'en recevoir aucun qu'il n'ait rapporté le
5> congé du dernier maître chez lequel il aura
>> travaillé.
» Vil. Dans le cas où il furviendroit des contef-
>) rations au fujet de l'exécution du préfent arrêt ,
3» ordonne fa majefté qu'elles feront portées , fa-
« voir : celles qui intérefferont ladite manufacture
J' royale de France , par-devant le fieur lieutenant-
J' général de police de la ville de Paris ; & celles
J» concernant les manufactures établies dans les
j> différentes provinces du royaume , par-devant
» les fleurs intendans & commiffaires départis en
» icellcs : autorife fa majefté ledit fieur lieutenant-
» général de Police 6c lefdits fieurs intendans ,
» chacun en droit foi , à ftatuer fur lefdites con-
y* teftations fommairemcnt &. fans frais, fauf l'ap-
}> pel au cenfeil : leur attribuant à cet effet , toute
» cour, jurididion & connoiffance , qu'elle inter-
J> dit à toutes fes autres cours & juges ; leur at-
» tribuaiu même le pouvoir de commettre fur k s
5' demandes qui leur en feront faites, tant par les
» direâeurs de la manufacture royale de France ,
y> que par les entrepreneurs des autres manufac-
» tures refpeélivement , telles perfonnes qu'ils ju-
j> geront convenables pour faire dans les ateliers ,
X entrepôts ou magaftns , les vifites & vérifîca-
» tion qu'ils eftimeront néceffaires, & dreffer pro-
» ces -verbal des contraventions qui pourroient
» avoir été commifes contre les difpofttions du
V préfent arrêt ; pour, lefdits procès-verbaux rap-
» portés, être par eux ftatué, chacun en droit
» foi , & fauf l'appel au cunfeil , ainft qu'il ap-
» partiendra.
» VIII, Seront au furplus les édits , arrêts de rè-
PORT. iSp
» glement & ordonnances précédemment rend\is
» pour les établiftémens , manutention & police ,
»» tant de ladite manufaélure royale , que des au-
» très m3nufa(Sures particulières de Porcelaine ,
» exécutés en tout ce qui n'eft: pas contraire aux
» difpofitions du préfent arrêt , fur lequel feront
w expédiées toutes lettres à ce néceffaires; & qui
" fera imprimé, affiché & publié par-tout où be-
5? foin fera. Fait, &c. >•
Les nommés Catrice & Barbé , ayant été trou-
vés en contravention aux règlcmens donnés en
faveur de la manufaélure royale de Porcelaine de
France , oiit été condamnés chacun à trois mille
livres d'amende par jugement du 3 mars 1779 ,
rendu par M. le lieutenant général de police de
Paris, ccmmiffaire du confeil en cette partie ; &
les march.andifes de Porcelaines, les paquets d'or
âïû'om , les couleurs , pinceaux & glaces , fervant
de palettes à couleurs , faifts chez ces particuliers,
ont été déclarés acquis & conhfqués au profit de
cette manufacture.
Il y a eu un aiure pareil jugement prononcé Je
27 (eptembre de la même année , contre les ficurs le
iiœuf & de Ruelle.
PORT. Lieu propre à recevoir les vaiffeaux Se à
les tenir à couvert des tempêtes.
La police des Ports étant un objet très-important,
l'ordonnance de la marine du mois d'août j68i ,
contient à cet égaid plufieurs difpofitions. L'arti-
cle premier du titre premier du livre 4 , a ordon-
né que les Ports & havres feroient entretenrs
dans leur profondeur & netteté , & a fait défenfts
d'y jeter aucune immondice, à peine de dix livres
d'amende , payables par les maîtres pour leurs va-
lets, & par les pères ou mères pour leurs enfans.
Suivant l'article 5 du même titre , les maîtres ou
patrons de navire qui veulent fe tenir fur leurs an-
cres dans un Port, doivent y attacher des hoirins
bouées ou gjvitaux , i)Our les marquer, à peine de
cinquante livres d'amende, & de répondre du dom-
mage qui pourroit en réfulter.
Ceux qui ont des poudres dans leurs navires
doivent, fous pareille peine de cinquante livras
d'amende , les faire porter à terre incontinent
après leur arrivée, fans qu'ils puiffcnt les remeitie
dans leur vaiffeau , qif après qu'il eu forti du Poit.
article 6.
L'article 8 veut qu'il y ait dans chaque Port &
havre , dès lieux dcftinés , tant pour travailler aux
radoubs & calfats des vaiffeaux , que pour gou-
dronner les cordages ; à l'effet de quoi les feux
ne peuvent être allumés qu'à cent pieds au moins
de difîance de tout autre bâtiment , & à vingt pieds
des quais, à peine de cinquante livres d'amende
& de plus grande en cas de récidive.
Les ir.aitres & propriétaires des navires qui font
dans les Ports oti il y a flux & reflux , font tenus ,
fous les mêmes peines , par l'article 9 , d'avoir
toujours deux poinçons d'eau fur le rillac de leur
vaiffeau pendant qu'on en chauffe les foutes ; &
ino POPvT.
rfaiis les Ports d'où h mer ne fe retire point , d'être
ruinis de fafles ou pelles creufes , propres à tirer
de l'eau.
Ceux qui font des fofles dans les Ports , pour
travailler au radoub de leurs navires , font obligés ,
fous pareille peine de cinquante livres d'amende ,
de les remplir vingt-quatre heures après que leurs
bâtimens en font dehors. Article 12.
L'article 13 enjoint aux maçons 3i autres em-
ployés aux réparafions des murailles , digues 6c
jetées des canaux , havres & baflîns, d'enlever les
décombres, & faire place nette irjcontinent après
les ouvrages fmis , à peine d'amende arbitraire , Se
d'y être pourvu à leurs frais.
Ceux qui dérobent des cordages, ferrailles ou
uftenfiles des vai(Teaux qui font dans les Ports ,
doivent, fuivant l'article 16, être flétris d'un fer
chaud , & bannis à perpétuité du lieu oti ils ont
ccwnmis le délit ; &i. s'il arri\|e perte du bâtiment ou
mort d'homme pour avoir coupé ou volé les ca-
bles , les coupables doivent être punis du dernier
ûipplice.
L'article 19 défend , fous peine de concuffion ,
de lever aucun droit de coutume, quaiage , bali-
faf^e , Icflage , dcleftage & ancrage , qu'il ne foit
infcrit dans une pancarte approuvée par les offi-
ciers de l'amirauté , & aiSchée dans l'endroit le
plus apparent du Port.
Les pieux , boucles & anneaux deftinés pour
l'amarrage des vaifl'eanx dans le Port & les quais
conftruirs pour la ckarge & décharge des marchan-
difes , doivent être entretenus des deniers com-
muns des villes , 6i les msires 8c échevins font
obligés d'y tenir la main , à peine d'en répondre en
leur nom.
Obfervez néanmoins que les réparations & en-
tretien des quais , boucles & anneaux, font à la
charge de ceux qui jouilTent des droits de coutume
ou quaiage furies Ports & havres , à peine de pri-
vation de leurs droits , qui doivent être appliqués .à
ces objets. C'eft ce qui réfulte des articles 20 & 2 1 .
L'article 22 enjoint aux maires, échevins , fyn-
dlcs , jurats , capitouls & confuls des villes dont
les égoûts ont leur décharge dans les Ports & ha-
vres, de les faire inceffammant gnrnir de grilles
de fer ; & aux officiers de l'amirauté cf'y tenir la
main , à peine d'en répondre en leurs noms.
Les réglemens particuliers qui ont été faits pour
certains Por^s doivent être exécutés , même lorf-
qu'ils font contraires à l'ordonnance de 1681 , & à
plus forte raifon , lorfqu'ils ne font qu'ajouter aux
précautions que cette loi a prifes. C'efî ce qu'an
doit inférer de l'article 23. Cela eft fondé fur ce
que ces réglemens font relatifs à letat particulier
de chaque Port.
Le roi voulant favorifer non-feulement le com-
merce de fes fujets, mais encore celui déroutes
les nations, a jugé^ue le moyen le plus convena-
ble à fes vues , feroit d'augmenter le nombre des
Ports francs dans fon royaume ; en conféqucnce fa
PORT.
majcfté a rendu en fon conftil le 14 mai 1784 , un
arrêt qui contient les difpofjtions fuivantes :
Art. premier, u Le port & la ville haute de
?' Dunkerque , ainfi que le port , la ville & le tcr-
>j riroire de Marfeille , continueront de jouir des
» franchifcs dont ils font refpe61ivement en pofl'ef-
)> iion , fans qu'il foit rien innové à leur égard.
II. » A compter du premier juillet prochain , le
» port St la ville de l'Orient jouiront de l'entière
K liberté de recevoir les navires & marchandifes
» de toi'.tes les nations , & d'exporter tout© efpèce
» de productions & de marchandifes en toute fran-
» chile , à l'inftar de celle qui a lieu à Dunkerque ,
'? fauf les précautions & formalités que fa majeflé
" jugera à propos de prefcrire par la fuite pour le
» commerce des Indes , de la Chine & des colo-
w nies françoifes.
III. " Le port & la ville de Bayonne, ceux de
» Saint-Jean- de-Luz & leur territoire , jouiront , à
» compter du premier feptcmbre prochain , des
» mêmes liberté & franchife énoncées au précé-
» dent article pour le commerce étranger , tant
j» par mer que par terre , ainfi qu'il fera plus aai-
» plement expliqué par des lettres - patentes qui
» fixeront l'étendue des privilèges des villes de
» Bayonne , de Saint-Jean-dt-Luz & du pays de
i> Labour : Et feront fur le préfent arrêt expédiées
T) toutes lettres nécefTaires. Fait, &c. w.
Voyez les articles Marseille , Dunkerque ,
Commerce, &c.
PORT D'ARMES. Voyez Armes & Pistolet.
PORTS ET HAVRES DE BRETAGNE. Voyez
Prévôté de Nantes.
PORTION CONGRUE. C'efl une penfion due
au curé ou vicaire perpétuel qui deffert une G*ire,
ou au vicaire amovible du cuvé ou vicaire perpé-
tuel , par cenx qui perçoivent les greffes dixmes
dans fa paroifTe.
Anciennement , & fuivant les difpofitions du
droit canonique , toutes les dixmes d'ane paroiiTe
appartenoient à l'églife paroiffiaje : mais il y eut un
temps où l'ignorance des prêtres féculiers éroit fi
grande , ijue les moines de l'ordre de faint Benoît
& les chanoines réguliers de l'ordre de faint An-
toine , s'étant emparés des cures , ils les deffervirent
d'abord eux mêmes , Sc par ce moyen fe mirent en
poffeffion des dixmes.
Dans la fuite , ces moines ayant été rappelés
dans leur monaflère , il lenr fut permis de mettre à
leur place , dans les cures , des prêtres féculiers en
qualité de vicaires révocables à volonté ; & comme
ils ne leur donnoient que fort peu de chofe, ils ne
pouvoient trouver que des prêtres incapables de
s'acquitter dignement de cet emploi.
L'état déplorable où fe irouvoient les paroifTes ,
ayant caufé beaucoup de fcandale dans l'églife , &
excité de grandes plaintes , il y fut pourvu au con-
cile général de Latran , tenu fous Alexandre III ,
&. au concile provincial d'Avranches , où il fut
ordonaé que les religieux qui avoient des cures
PORTION CONGRUE.
«nies à leurs menfes conventuelles, les feroient
deflervir par un de leurs religieux Uoine , ou par
un vicaire perpétuel & non révocable, qui feroit
inAitué parl'évêque fur leur prélentation , & au-
quel ils feroient tenus d'alligner une Portion con-
grue , ou penfion fuffilante , fur le revenu de la
cure. Telle e(\ Torigine des Portions congrues.
En exécution des décrets du concile de Latran ,
les chanoines réguliers de l'ordre de faint Awgufiin
optèrent de deflervir eux-mêmes les cures unies à
leurs rwenfes , & pour cet eftet y établirent leurs
religieux en qualité de prieurs ; c'eft de là que les
prieurés-cures d» cet ordre ont pris naiflance.
Les religieux de Tordre de faint Benoit optèrent
le contraire ; ils retinrent pour eux les dixines &
autres revenus des cures unies à leurs menfes ,
avec la qualiié de curés primitifs, & établirent des
vicaires perpétuels : l'indigence de ceux-ci a donné
lieu à une infiniié de demaudes de leur part , pour
avoir la Portion congrue.
Cette Portion fut d'abord fixée en France à lio
livres par l'article 9 de l'ordonnance de Charles IX
du i6 avril 1571.
Les arrêts du parlement portèrent enfuite cette ■
fomme à 1 50 livres , & fucceirivemeut à 200 livres.
Dans la luite , la jurifprudence relative aux Por-
tions congrues , fut fixée par deux déclarations des
29 janvier 1686 & 30 juin 1690.
La première s'étend fur neuf objets : 1°. Elle
fixe la Portion congrue pour les curés ou vicaires
perpétuels, à 300 livres.
2°. Elle donne aux curés , outre la Portion con-
grue , les offrandes , honoraires , droits cafuels iSc
les dixmes novales formées depuis leur option de
la Portion congiue, en conféquence de cette dé-
claration.
3". Elle donne 150 livres aux vicaires.
4°. Elle laide à la difpofuion des évéques d'éta-
blir le nombre des vicaires nécefTaires.
^°. EUe décLire la Portion congrue exempfe de
toutes charges.
6". Elle charge du payement de la Portion con-
|^n;e les décimateurs eccléfiafliques ; & fubfidiaire-
ir.ent les dixmes inféodées, 8c de pourvoir à la ré-
partition que le; décimateurs doivent faire entre
«i.x de cette à^mc.
7°. Elle explique la voie qu'ont les curés pour fe
fnire payer de la Portion congrue, qui eft de faire
leur oppofition , de préfenter requête , Se veut que
les ordonnances des juges foient exécutées par pro-
vifion.
S". Elle veut qu'il foit établi un deffervant en cas
de vacance.
9". Enfin , elle attribue la Gonnoiflance de ce
qui concerne la Portion congrue, aux baillis & fé-
iiéchaux, fauf l'appel au parlement.
La déclaration du 30 juin i6ro contient cinq
difpofitions relatives aux précédentes.
i'~. Elle porte, que les décimateurs payeront la
PORTION CONGRUE.
191
Portion congure , fi mieux ils n'aiment abandonner
leurs dixmes pour s'en décharger.
2°. Que les curés à Portion congrue payeront,
jufquà ce qu'autrement il en foit ordonné par le
roi , tout au plus cinquante livres de décimes , dons
gratuits & autres impofitions.
3". Qui les curés feront tenus de garder la jouif*
fance de« fonds & domaines de leurs cures , fur &
tant moins de la Portion congrue.
4". Elic explique la manière de fixer la valeur
des fonds de la cure.
5", Elle donne aux curés , outre la Portion con-
grue , toutes les oblations & offrandes en cire &
en argent , le cafuel , les obits & fondations.
Ce^ déclarations ont été fuivies jufqu'à la publi-
cation de redit du mois de mai 1768 , qui a apporté
beaucoup de L!î.ingen:cnt d:ins les difpofitions des
lois précédentes. Le légillateur y a déterminé la
valeur de la Portion congrue à une quantité de
grains en nnture , qui pût toujours fervir de bafe
aux fixations occafionnées par les variations du prix
des denrées. Cet édit contient les dix-neuf articles
fuivans :
Article I. « La Portion congrue des curés &
» vicaires perpétuels , tant ceux qui font établis à
» prêtent, que ceux qui pourroient l'être à l'ave-
» nir, fera fixée à perpétuité à la valeur en ar-
» gent de vingt-cinq fetiers de blé froment, mefure
» de Paris.
2. » La Portion congrue des vicaires , tant ceux
'» qui font étaolis à préfent, que ceux qui pour-
» roient l'être à l'avenir dans la forme prefcriie par
') les ordonnances , fera aufii fixée à perpétuité à
» la valeur en argent de dix fetiers de blé fro-
» ment , mefure de Paris.
3. "La valeur en argent defdites Portions con-
» grues fera 6i demeurera fixée , quant à préfent ;
•>■> fiivoir , celle defdiis cures & vicaires perpétuels
>» à cinq cents livres , Ôi celle defdits vicaires à
■» deux cents livres ; nous réfervanr, dans le cas
■>■> où il arriveroit un changement confidérable dans
M le prix des grains , de fixer de nouveau, en la
» forme orninaire, les fom.mes auxquelles lefdites
w Portions congrues devront être portées , pour
» être toijjou;s équivalentes aux quantités de
)> grains déterminées par les articles i & 2 de no-
■)■> ire prélent édir.
Des Uitrts-pjtentes du roi du il mai 1778, frz-
reoijJréfs ait parlement le 29 du mêrrte mois , ont aup-
menti de cin^u.mte livres lapenfian des vicaires de pa-
roijfe , & ont dérogé, pour cet efftt , à l'article qu'on
vient de lire.
4. » Les curés & vicairss perpétuels jouiront ;
j> outre ladite Portion congrue , des maifons & bâ-
» rimens compofant le presbytère , cours & jar-
?) dins en dépendans , fi aucuns y a , enfemble des
» oblations , honoraires, offrandes , on cafuel en
;> tout ou en partie , fuivant l'ufagc des lieux ;
V comme auiîl des fonds Si rentes donnes aux ci»-
w rcs pO'Ur acquitter des obits & fondaiioas pour
191
PORTION CONGRUE.
î) le lervice divin , f ih cliarge pra ielJits curis &
»> vicair.;s perpétuels de t.urc preuve , par titres
s> con/titiitifs , que les biens l.iiflés à leurs cures dc-
3» puis 1686, 6i qu ils voudiont retenir , comme
« donnés pour obus & iondanon-., en font efîec-
3» tivement chargés : 5i a l'égard des biens ou ren-
5» tes dont leldi^s curés & vicaires perpétuels etoient
»? en poireflion avnnt 1686, 6c dont ilt ont conti-
5> nue de jouir dep.as cette époque , ils pourront
ï> les retenir , en juilifiant, par des baux 6i autres
" a6les non fuCpeit, , qu'ils font chargés d'obits &
» fondations qui s'acquittent encore aduellement.
j> 5. Ne pourront les décimateurs , fous aucun
" prétexte, même en cas d'infuffifance du revenu
5> des fabriques, être chargés du payement d'au-
" très & plus grandes fouîmes que celles fixées par
" notre prJfent édit, fi ce n'efl pour la fourniture
»» des livres , ornemens & vafes facrés , ainfi que
« pour les réparations des chœurs & cancel ; à l'ef-
»> fet de quoi nous avons dérogé Si dérogeons par
« ces préientes à toutes lois, ufages , arrêts & ré-
" glemens à ce contraires.
» 6. Les portions congrues feront payées fur
>» toutes les dixmes eccléfiaftiques , grolTes & me-
" nues , de quelque efpèce qu'elles foient ; & au
« défaut ou en cas d'infutiifance d'icelles,lespol^cf-
'' feurs des dixmes inféodées feront tenus de payer
« lefdites Portions congrues , ou d'en fournir le
>' fupplémenr ; & après 1 épuifement deldites dlx-
J' mes eccléfiaftiques & intéodces, les corps &
» communautés féculières & régulières qui fe pré-
>» tendent exempts de dixmes , même de l'ordre
« de Malte , feront tenus de fournir le fupplément
M defdites Portions congrues , & ce jufqu'à con-
s> currence du montant de la dixme que devroient
3> fupporter les héritages qui jouilTent de ladite
« exemption , fi mieux n'aiment les gros décima-
3> teurs abandonner à la cure lefdites dixmes, foit
M eccléfiaftiques, foit inféodées, ou, lefdits exempts,
« fe foumettre à payer la dime ; auquel cas, les
3> uns & les autres feront déchargés à perpétuité de
3> toutes prétentions pou/ raifon de ladite Portion
Il congrue.
« 7. Voulons en outre , conformément à nos
3» déclarations des 5 oftobre 1726 & 15 janvier
»> 173 I, que le curé primitif ne puiffe être dé-
5> chargé de la contribution à ladite Portion con-
» grue, fous prétexte de l'abandon qu'il auroit ci-
3> devant fait ou pourroit faire auxdits curés 8c
s» vicaires perpétuels, des dixmes par lui pofTé-
3» décs ; mais qu'il foit tenu d'en fournir le fup-
» plémenr, à moins qu'il n'abandonne tous les
3) biens fans exception , qui compofoient l'ancien
î> patrimoine de la cure, enfenible le titre 6c les
» droits de curé primitif
}> 8. Ne feront réputés curés primitifs , que ceux
5) dont les d< oits feront établis , foit par des tifres
« canoniques , aâjs ou tranfaiîîions valablement
« autorifés , ©u arrêts contradidoires , foit par des
î) a«Ses de pofî'efllon ceatcnaire, conformément
PORTIOi, ^^NGRUE.
» à l'article 2. d . .i..ire de.jlaration du 15 janvier
"173'- , -
" 9. Les Portions congrues feront payées de
» quartier en quartier & par avances , franches &
» quittes de toutes impofiiions Se charges que fup-
" portent ceux qui en font tenus , fans préjudice
»> des décimes que lefdits curés & vicaires perpé-
" tucls continueront de payer, en proportion du
» revenu de leurs bénéfices.
» 10. Les curés & vicaires perpétuels, même
» ceux de l'ordre de Malte , auront en tout temps
» la faculté d'opter la Portion congrue réglée par
»> notre préfent édit, en abandonnant par eux en
» même temps tous les fonds 6c dixmes , grofles ,
» menues, vertes, de lainages , charnages , &au-
» très , de quelques efpéces qu'elles foient , & fous
»» quelques dénominations qu'elles fe perçoivent ,
» même les novales, ainfi que les revenus Se droits
» dont ils feront en pofieffion au jour de ladite
» option, autres que ceux à eux réfervés par l'ar-
» ticle 4 de notre préfent édit.
" II. Les abandons faits à la cure par les déci-
» mateurs exempts ou curés primitifs, en confé-
» quencc des articles 6 8c 7 ci-defilis , feront 8c de-
" meureront à perpétuité irrévocables ; voulons
» pareillement que l'option de la portion congrue ,
» qui fera faite en exécution de notre préfent édit,
» foit 8c demeure à perpétuité irrévocable ; mais
» feulement lorfque les formalités prefcrites par
M l'article fuivant auront été remplies.
I) 12. Lorfque les curés ou vicaires perpétuels
» opteront la Portion congrue , ceux à qui ils re-
» mettront les dixmes ou autres fonds qu'ils doi-
» vent abandonner , feront tenus , pour ([ue ladite
» option demeure irrévocable , de faire homolo-
» guer en nos cours , fur les condufions de nos
» procureurs généraux en icelles , lefdits aéîes d'op-
» tion ; lefquelles homologations feront faites fans
» frais : voulons que , pour y parvenir , il foitpro-
» cédé à une efiimation par experts, nommés
» d'ofSce par nofdircs cours, ou par les juges des
j> lieux qu'elles voudront commettre, du revenu
»> des biens 6c droits qui feroi ' abandonnés par les
•>■> curés qui feront l'option ; les frais de laquelle
» efhmation feront à la charge de ceux auxquels
j> les biens feront réunis ; Si. feront lefd tes eftima-
» tions faites aux moindres frais que faire fe pourra,
" lefquels ne pourront néanmoins , en aucun cas,
» excéder le tiers d'une année de revenu des biens
1) Se droits efiimés.
M 13. Tout curé 8i vicaire perpétuel qui' n'op-
M tera pas la Portion congrue réglée par notre pré-
» fent édit , continuera de jouir de tout ce qu'il fe
» trouvera poficder au jour de l'enrcgiflrement de
î> notre préfent édit , de quelque nature que foient
» les biens S>c droits dont il fe trouvera alors en
" poffenîon , fans qu'il puifTe lui être oppofé par
3> les gros décimateurs, qu'il perçoit plus du mon-
« tant de ladite Portion congrue , a raifon des fonds
» qui auroient été précédemment délaifies , ou des
j) fupplémeris, •
PORTION CONGRUE.
« fiipplcmens , tant en fonds qu'en argent , qm au-
» roient été faits en exécution de notre déclaration
» du 29 janvier 16^6.
» 14. Voulons qu'à l'avenir il ne foit fait aucune
» diftiniaion entre les dixmes anciennes & les dix-
») mes novales dans tonte l'étendue de notre royau-
5> me , même dans les paroiffes dont les curés
5) n'auroient pas fait l'option de la Portion con-
» grue ; en conféquence , les dixmes de toutes les
« terres qui feront défrichées dans la fuite, lorf-
»> qu'elles auront lieu fuivant notre déclaration du
j) 13 août 1766, comme aufli les dixmes des terres
« remifes en valeur ou converties en fruits déci-
»> mables , appartiendront aux gros décimateurs de
M la paroifTe ou du canton , foit curés , foit autres ,
)> laïques ou eccléfiaftiques : n'entendons néanmoins
j> que les curés qui n'opteront point la Portion
»> congrue , foient troublés dans la jouifTance des
»» novales dont ils feront en poiTeffion lors de la
j» publication du préfent édit, fans que les curés
î» qui en jouiront puiffent être aflujettis , à caufe
5> defdites novales, à autres & plus grandes char-
» ges que celles qu'ils fupportoient auparavant.
>» 15. Les honoraires des prêtres commis par
>> les archevêques ou évêques à la deflerte des
» cures vacantes de droit & de fait, ou à celle des
M cures fujettes aux droit de déport, ne pourront
»» être fixés au-deflbus des trois cinquièmes du
j» montant de la Portion congrue ; pourront néan-
5) moins les archevêques ou évêques afTigner aux
j> deffervans des cures qui ne font pas à Portions
j> congrues , une rétribution plus forte , fuivant
« l'exigence des cas , conformément aux lois pré-
5> cédemment données fur cet objet.
»> 16. A l'égard des cures & vicairies perpé-
» ruelles , dont les revenus fe trouveroient au-
j» deflbus de la fomme de cinq cens livres , même
)» dans les cas des abandons ci-dedous , nous ex-
j> hortons les archevêques Si évêques, & néan-
» moins leur en-oignons d'y pourvoir par union
j) de bénéfices- cures ou non cures , conformément
i> à l'article 12 de l'ordonnance de Blois ; nous ré-
« fervant au furplus , d'après le compte que nous
V nous ferons rendre du nombre defdits curés
»» & du revenu de leurs bénéfices , de prendre
» les mefures nécefTaires , tant pour faciliter lef-
» dites unions, que pour procurer auxdits curés
5> un revenu égal à celui des autres curés à Por-
M rions congrues de notre royaume.
» 17. L'augmentation des Portions congrues ,
« ordonnée par notre préfent édit, aura îieu , à
J» compter du premier janvier 17^9.
n 18. Les exploits ou a£îes d'option & d'abnn-
» don , qui feront faits & pafTés en conféquence
» du préfent édit , ne pourront avoir leur exécu-
» tion qu'après avoir été infinués au greffe des in-
M fmuations eccléfiaftiques du diocéfe , & fera
5» payé deux livres pour l'infination defdits ex-
« ploits ou avles ; fera auffi payé trois livres pour
?> chaque sue doption on d'abandon , pour tous
Tome ^IIL
-PORTION CONGRUE.
193
» droits de contrôle, infinuation lai'que, centième
M denier, amorthremenr, échanges , indemnités ou
» aufres quelconques , fans qu'il puiffe être exigé
» autres ou plus forts droits pour chacun defdits
» adles d'option ou d'abandon , ou autres a61es qui
» ftroient paifés en conféquence du préfent édir.
jj 19. Les conteflations qui pourront naître an
» fujet de l'exécution de notre préfent édit , feront
» portées , en première inilance , devant nos baillis
- )r & fénéchaux, & autres juges des cas royaux ,
» refTortiiTans nuement à nos cours de parlement ,
» dans le territoire defquels les cures fc trouveront
» fituces , fans que l'appel des fentences & juge-
n mens par eux rendus en cette matière , puifTe
» être relevé ailleurs qu'en nofdites cours de par-
» Icment , & ce nonobf^ant toutes évocations qui
» auroient été accordées par le palTé , ou qui pour-
» roient l'être par la fuite a tous ordres , congréga-
5) tions , corps , communautés ou particuliers. Si
5) donnons en mandement , &c. ».
Le queftion s'eft préfentée plufieurs fois de fa-
voir fi les cures des villes murées , qui ont un re-
venu confidérable en fondations 8c en cafuel , peu-
vent demander la Portion congrue au gros déci-
mateur de la paroifTe. Diitêrentes perfonnes pré-
tendent que dans ce cas la Portion congrue eft due
au curé ou au vicaire perpétuel, parce que les dé-
clarations de nos rois l'accordent à tous les curés ,
auxquels ils réfervent le cafuel & les fondations ,
fans difHnguer entre les cures de la campagne Se
celles des villes. On trouve dans un receuil fait en
faveur des curés, un arrêt du parlement de Paris
du II mai 1689, qui a jugé ainfi cette queftion :
le confeil d'état l'avoit décidée de la même manière
le 2 avril 1689. Cependant plufieurs canoniftes
efliment que dans ce cas la Portion congrue n'efl
point due au curé ou au vicaire perpétuel, parce
que l'efprit de l'ordonnance n'ayant été que d'afîu-
rer aux curés une honnête fubfiAance , les gros dé-
cimateurs en doivent être déchargés , dès que les
curés ont d'ailleurs de quoi vivre félon leur état.
Les derniers arrêts, entre lefquels il y en a un du
II février 1688, rapporté dans le cinquième vo-
lume du journal des audiences , & un autre du 28
août 1706, contre le curé de Saint-Vaait de Bé-
thune, rapporté par Duperray dans fon traité des
droits honorifiques & utiles des patrons , autorifent
cette interprétation des ordonnances.
Des lettres -patentes du mois de juillet 1769 ,
avoient fupprimé le droit de boiflelage qui fe per-
cevoir par les curés d'un grand nombre de paroif-
fes de la province de Poitou, & avoient ordonné
qu'au lieu de ce droit il feroit payé une dixme à
raifon de la feizième gerbe, fur toute efpèce do
grains : l'objet de cet établiirement de dixme
étoit de fournir de quoi parfaire la Portion con-
grue des curés , que l'infufiifance du droit de boif-
felage, & le défaut de reffoiirces énoncés daps les
articles 6 §< 7 de l'édit du mois de mai 176S
laifibiem iniparfaite dans une partie de ces paroiffcs
IÇ4
PORTION CONGRUE.
Les p-opriétaires des terres fituées dans ces paroîf-
fcs fujettes au droit de boiffelagc , ayant réclamé
contre cette dixme , dont ils (e prétendoient affran-
chis, par ruTage immèmoiial de ne payer que le
droit de boiffelage , & qui , en devtnant pour eux
une charge onéreufe , devoir produire à la plupart
des curés un revenu exceflil", & bien plus que luffi-
fant pour compléter leurs Portions congrues, le
roi donna de nouvelles lettres-patentes aw mois de
niai 1771 , qui , en révoquant les premières , Sç en
Supprimant la dixme , rétablirent le droit de boiffe-
lage ; & par Tanicle 3 de ces nouvelles lettres-
patentes , il fut ordonné que Tédit du mois de mai
1768, notamment les articles 6 & 7 , concernant
le payement des Portions congrues , feroient exé-
cutés félon leur forme & teneur dans les paroifTes
lie la province du Poitou fujettes au droit de boiffe-
lage ; à l'effet de quoi les feigneurs & autres qui
percevroient dans ces paroiffes le droit de terrage
au fixième , feroient tenus , à raifon de la moitié de
ce droit, de contribuer au payement de la Portion
congrue des curés , conformément au même édit.
On voit dans le préambule de ces nouvelles lettres-
patentes , que cette obligation impofée aux fei-
gneurs & autres percevant le droit de terrage au
fixième , de contribuer , à raifon de la moitié de
ce droit , au payement de la Portion congrue
des curés , étoit fondée fur ce qu'on avoit ex-
pofé au feu roi , qu'indépendamment du droit
de boiffelage, il fe perccvoit dans les mêmes pa-
roiffes , des dixraes , foit eccléfiaftiques , foit inféo-
dées ; que ces dixmes, en nombre de territoiies , fe
trouvoient confondues dans le droit de terrag-e qui
ctoit au fixième , tandis que , comme cens feigneu-
lial, il ne devoit être qu'au douzième, fuivant la
difpofition générale de la coutume ; que plu/ieurs
des feigneurs qui percevoient ce droit de terrage ,
étoient même chargés, en leur qualité de décima-
teurs , de l'entretien des chœurs Se cancels , &
qu'en cette qualité ils confentoient de contribuer
au fupplément de la Portion congrue. C'efî d'après
cet expofé que paroit avoir été dreffc l'anicle 3 des
nouvelles lettres-patentes ci-deffus rapportées, iMais
les feigneurs & autres qui percevoient le droit de
terrage au fixième, ont imploré la juftice du roi
& contre l'obligation que leur impofoit cet article
& contre l'expofé qui y avoit fervi de fondement:
ils ont prétendu que leur droit de terrage au di-
xième étoit purement feigneurial ; qu'il n'y avoit
aucune efpèce de dixme qui y fût confondue; que
la quotité du droit de terrage n étoit point réglée
par la coutume ; qu'elle dépcndoit des titres parti-
culiers des fwigiieurs; que ces titres la porroientau
fixième dans beaucoup d'endroits ; & que ce droit
de terrage , airifi porté au fixième, n'en avoit pas
moins tous les caradères effentieis du cens l'eigneu-
rinl , qui ne peimettoient pas de le confondre avec
L>. (lixme , fans donner atteinte à leur feigneurie &
à lei:r propriéié.
Sur ces repréfentations , fa majeflé a donné , au
FORTIONCONGRUE.
mois de juillet 1777, un édit qui contient les dif-
pofitions fuivantcs :
>♦ A R T I c L E I . Les articles i 8c 2 des lettres-
» patentes , données par le feu roi, notre très-ho-
" noré feigneur Si aïeul, au mois de mai 1771 ,
» qui ont fupprimé la dixme établie parcelles du
» mois de juillet 1769, ik qui ont rétabli le riroit
» de boiffelage dans les paroiffes & la province
» du Poitou où il avoit lieu ^ feront exécutés félon
» leur forme Se reneur.
» î. Avons révoqué & révoquons l'article 3
5> defdites lettres-patentes du mois demaii77i,
» ainfi que tout ce qu elles renferment , tendant à
5> déclarer décimateurs les feigneurs & autres qui
M perçoivent le droit de terrage au fixième dans
» Icfdites paroiffes du Poitou , ik à leur impofer en
» conféquence l'obligation de contribuer au paye-
» ment de la Portion congrue des curés , à raifon
»» de la motié dudit droit de terrage ; laiffons néan-
» moins , quant à ce , toutes voies de droit ouver-
» tes contre lefdits feigneurs, en vertu de l'édit
» du mois de mai 1768 ; défenfes réfervées au
» contraire.
w 3. "Voulons que , conformément audit édit du
» mois de mai 1768 , & notamment aux articles 6
'> & 7 , les curés Se vicaires des paroiffes de notre
j> province de Poitou , où fe perçoit le droit de
» boiflclage, qui voudront opter la Portion con-
» grue , puiffent fe pourvoir pour le payement
» d'icelle contre les décimateurs eccléfiaftiques ,
» les poffeffeurs de dixmes inféodées & les corps
» & communamés féculières & régulières , qui
5> fe prétendent exemptes de dixmes, même l'or-
î> dre de Malte, & enfin contre les curés primi-
» tifs , en abandonnant par les curés 8c vicaires
» aux décimateurs exempts & curés primitifs, le
» droit de boiffelage & les autres biens & revenus
)> dépendans de leurs cures , qui fe trouveroient
» fujets audit abandon , fuivant les difpofitions de
» redit du mois de mai 1768.
3> 4. Dans le cas où dans lefdiies paroiffes il ne
» fe trouvera ni décimateurs , ni exempts , ni curés
» primitifs, pour acquitter la Portion congrue ou
» le fupplément d'icelle , voulons qu'ils foient
» payés par ceux qui payent le droit de boiffelage ,
» en augmentant ce droit jufqu'à due concurrence,
» fuivant l'efiimation qui fera faite entre les curés
» ou vicaires & les habitans , à l'amiable , ou par-
» devant les juges qui en doivent connoître , en
V y comprenant les biens & revenus dépendans
» des cures dont ils refteront en jouiffance , à Tex-
» ception de ceux réfervés/par l'article 4 dudit
» édit du mois de mai 1768, dont ils refteront
» pareillement en jouiffance , mais fans qu'ils puif-
)> fent entrer dans ladite eftimation ; cette efliir.a-
» tion du droit de boiffelage , ainfi que du revenu
V des biens qui ne font pas réfervés par l'article 4
» dudit édit du mois de mai 1768, fe fera, année
» commune , en prenant les produits des dix der-
PORTION CONGRUE.
« nières années, '5c en les compcnfant entr'eux,
» de maniera qu'en fixant le revenu annuel def-
« dits biens à une fomme déterminée en grains ,
« le droit de boillelage Ibit porté annuellement à
>» une quantité ds grains pareillement déterminée
» & fuffifante pour compléter & pour aflurer la
'> Portion congrue des curés & vicaires ; & fera
» ladite quantité de grains répartie par égale por-
» tion , pour être perçue de la même manière que
»> le droit de boifiélage l'a été jurqu'à préfent lur
» ceux qui (ont dans Tufage de le payer.
» 5. Voulons que les diiferentes charges des égli-
■» fes defdites paroiffes oii le droit de boiflelage a
» lieu, ik où il ne le trouvera ni décimateur , ni
5> exempts , ni curés primitifs, notamment les ré-
'» parafions & entretien des nefs, chœurs «Se can-
» ce!s , la fourniture des vafes facrés , linges , li-
» vres, ornemens, & autres objets de menues
« néceflîtés, foient acquittées comme par le paffe;
» fans toutefois que les curés & vicaires congruiftes
" pulifent être obligés de fupporter celles dont ils
» ne doivent pas erre tenus, conformément à no-
y> tre édit du mois de mai 1768.
» 6. Les curés ou vicaires de ces mêmes pa-
« roifles continueront d'y jouir des dixmes no-
5» vales dont ils fe trouveront en pcfleffion lors
» de la publication de notre préfent édit ; mais
i> ne pourront à l'avenir en acquérir ni percevoir
» d'autres , foit qu'ils aient demandé le fupplo-
" ment de la Portion congrue , foit qu'ils ne l'aient
'» pas demandé; & le produit des dixmes novales
» dont les curés & vicaires qui demanderont le
î> fupplément de la Portion congrue , fe trouvc-
» ront en pofleffion lors de la publication du pré-
" fent édit, entrera dans l'eftimation ordonnée par
3> l'article 4 ci-deffus, pour être imputée fur la
« Portion congrue , avec les autres biens dépen-
» dans des cures qui ne feront point dans le cas
» d'être exceptés. Si donnons en mandement ,
M 8cc. »
Un curé qui fe tient à l'ancienne Portion congrue
de 300 livres, comme il y cft autorifé par l'édit
ds inai 1768, doit-il payer de fes deniers les 50
livres d'augmentation qui font dues à fon vicaire,
en vertu du même édit, ou cette argmentation
doit-elle être à la charge des déciiBateurs ? Cette
queftion a été agitée & jugée au parlement de Pa-
ris dans refpèce fuivante :
La paroi(Te de Saint Ignat en Auvergne eft def-
■fervie par un curé & un vicaire. Tous deux font à
Portion congrue. Cette Portion leur eft payée par
le chapitre d'Ennezat, décimateur de la paroiiTe.
M^ Antoine Grenet,curé de Saint-Ignat, n'a point
fait l'option accordée par ledit du mois de mai
1768 ; il s'cft toujours contenté de fon ancien re-
venu , qui confiée d.ins la Portion congrue de
300 livres , & dans les novales défrichées depuis
1686. Au contraire , le vicaire a demandé les 50
livres d'augmentation portées par l'édit. La pre-
mièrç année le chapitre a payé volontairement :
PORTION CONGRUE.
195
depuis, il a prétendu que ce n'étoit pis lui eu*
dévoie cette augmentation au vicaire, mais bien le
curé. En conféquence , il a fait faire des offres à
i\r. Grenet , de la fomme de 450 livres, tant pour
lui que pour fon vicaire. Ces offres ont été décla-
rées valables par fentence eu 20 mars 177Î , T^tn-
àuQ à la fénédvmiïée de Riom ; appel à la ccur
de la part de M\ Grenet.
M. de Laune a fait , pour la défenfe de ce curé ,
un mémoire , dont voici l'analyfe.
Le curé de Saint-lgnat étant à Portion congruj ,
ne peut être tenu de payer celle de ion vicaire ;
c'cftau décimateur, à quelque fomme qu'elle puilfe
monter, à l'acquitter; l'efprit & la lettre de l'é-
dit de 1768 déinontrent cette vérité : (on objet eil
d'atriéliorer le fort des curés 6c des vicaires. « Ainfi
>» ce feroit aller contre Icfprit de la loi , que de
» charger des 50 livres dues au vicaire, en vertu
'» de l'édit de 1768 , un curé qui étoit à Portion
ï> congrue avant cet édit , & qui a confervé cette
» ancienne Portion congrue; ce feroit rendre la
» condition du curé plus fàcheufe qu'elle ne l'é-
» toit avant l'édit ; ce feroit lui impofer une charge
» nouvelle de 50 liv. qu'il n'efl pas plus en état
» de payer depuis ledit qu'auparavant : donc c'eft
)> au décimateur à l'acquitter >?.
L'article 13 de l'édit porte, que tout curé qui
n'optera pas la Portion congrue par Iv.i réglée ,
te continuera de jouir de t-^iit ce cju il fe trouvera yof~
» féder au jour de l'er.regijl'emerit , Jans quil puijj'i
» lui être oppofé par le gros décimateur , qu'il pofsède
n p.'iis du montant de fadite Portion congrue. Or,
» li Ton taifoit payer à un curé , qui garde l'an-
n cienne Portion congrue , l'auginentation que l'é-
» die donne au vicaire, il s'enfuivroit que le curé
)j ne jouiroit plus de ce qu'il poffédoit au jour ds
)? l'édit; il auroit 50 liv. de moins, puifqu'il fau-
n droiî qu'il les donnât à fon vicaire".
L'article 6 porte que les Portions congrues ( fa-
vcir celles des curés ce des vicaires) « feront payées
)) fur toutes Us di,nes Ji mieux n aiment les
5) gros déamateurs abandonner à la cure lefdites dî-
» mes. C eft donc la dime qui doit la Portion con-
» grue, foit au curé, foit au vicaire; cette loi
•>■) générale ne reçoit aucune exception ; tout ce
» qui eft dû à titre de Portion congrue, eft dû par
)> le décimateur >'.
Il eft vrai que l'édit ne décide pas en termes for-
mels , lequel du curé ou du gros décimateur ac-
quittera les 50 livres d'augmentation dues au vi-
caire ; mais il eft évident que le curé ne peut pas
en être chargé , d'après les raifons ci-dcffus ; il
s'enfuit donc que c'eft la dette du décimateur ,
puifqu'il profite de la plus-value des dîmes qu'il
recueille.
Le chapitre d'Enne^at a oppofé trois moyens ,
dont voici pareillement l'analyfe.
i®. Suivant l'article 10 de l'édit, le chapitre , en
fa qualité de décimateur, n'eft tenu de fv^urnir les
augmentations dgs Portions con?,nies dues ar.i
^libij
196
PORTION CONGRUE.
?c
curés & aux vicaires, que fous la condition que le
curé abandonnera au décimateur tout ce qu'il pos-
sède : or , cet abandon n'a point été fait ; le cha-
pitre ne doit donc rien de plus que ce qu'il de-
voit avant l'édit.
2". Le curé & le vicaire ne font qu'une feule
& même perfonne à l'égard du décimateur ; il
re paye qu'une même Portion congrue au curé ,
ui feul a le droit de la demander pour lui & pour
on vicaire. Or, fi le curé n'a f as fait l'abandon
prefcrit, le Décimateur ne doit rien payer de plus
qu'avant l'édit , foit pour lui , foit pour fon vicaire.
3". Si le curé de Saint-Ignat pofledoit l'ancien
domaine de la cure, au lieu de la Portion congrue
de 1690 , il feroit tenu de la Portion de fon vicaire :
or , c'eft la même chofe pour le décimateur , que
le curé ait l'ancienne Portion congrue , ou foit
poflédeur d'un gros ; dans l'un ou l'autre cas, le
tlécimateur ne doit rien de nouveau ni au curé , ni
au vicaire. Telle eft la défenfe du chapitre ; voici
les réponfes de M. de Laune.
1°. L'édit diftingue deux fortes de Portions con-
grues, celle du curé & celle du vicaire : celle du
curé eft fubordonnée à l'abandon qu'il eft le maî-
tre de faire de fon ancien revenu ; celle du vicaire
lui eft duc indépendamment du parti que le curé
prend pour lui-même. 11 fuffit, pour qu'elle au lieu,
que le curé foit à Portion congrue ; ainli la <Iecte
eu décimateur envers le vicaire , ne dépend pas de
l'abandon du revenu du curé.
2°. Le curé Si. le vicaire ne font peint une feule
& même perfonne à l'égard du décimateur; ils
font chacun féparément fcs créanciers pour leur
Portion; le vicaire a une aélion dire(51e contre le
décimateur : c'eft la difjjofition précité de l'article
3 de la déclaration du 22 février 1724 ; & fi le curé
intente cette aflion pour fon vicaire, c'efl comme
fon mandataire, /?/-iJcw;jjrorio nominc.
3°. Il n'y a aucune comparaifon à faire entre les
curés à gros , &. les curés à l'ancienne Portion con-
grue. « Un curé à gros ne peut demander au dé-
» cimateur les Portions congrues de 200 liv. pour
ï» fon vicaire, fans abandonner fon gros, 6c fans
») fe réduire lui même à la Portioii congrue de '
»> 500 liv.; mais il n'en eft pas de même d'un curé
» à la Portion congrue de 300 liv. La raifon de la
« différence eft que le décimateur ne doit rien au
« curé qui a un gros , ni à fon vicaire ; il ne leur
■)■> devoit rien ni à l'un , ni à l'autre avant l'édit
» de iy68; il ne leur doit pas davantage depuis
» cette époque ; au contraire , le décimateur doit
3> la Portion congrue au curé portionnaire & à fon
n vicaire ; il n'a pas cefle de devoir cette double
» Portion depuis l'édit de 1768 feulement; cet:e
V Portion n'a pas augmenté , s'il n'a pas abandonné
>7 fes novales ; mais elle a néceffairemeut aug-
V raenté pour le vicaire qui n'a point de novales
») à abandonner «.
S'il y avoit un doute raifonnable fur cette quef-
lion , a dit M, de Laune , elle devroit être décidée
PORTION CONGRUE.
à l'avantage du curé , parce que dans le doute, on
décide pour le curé portionnaire , contre le gros
décimateur, parce que le g'os décimateur en af-
furé , pour les augmentations nouvelles qu'il paye,
de retrouver fon indemnité dans les novales fu-
tures que la loi lui abandonne.
Enfin, arrêt du 21 juin 1777 , qui infirme la [en-
tence de Riom , 6- condamne le chapitre d'Enne^at
à payer les 50 livres d^augmentation au vicaire de
Saint- Ignat,
Le payement de la Portion congrue d'un vicaire
eft-ilà la charge d'un curé décimateur qui n'a point
opté la Portion congrue fixée par l'édit de 1768 ,
& les autres co - décimateurs ne doivent -ils pas
contribuer à ce payement ? Cette queftion s'eft pa-
reillement préfentée au parlement de Paris : voici
l'aftaire , avec l'arrêt qui l'a décidée.
La cure du bourg de Vitri , diocêfe d'Arras , a
été defl'ervie par les religieux de Saint-Calixte de
Cyfoing , qui s'en font démis moyennant un tiers
de la dîme, en faveur du chapitre de Saint- Amé
de Douay , qui s'en eft aufli déchargé en faveur
d'un Prêtre féculier , moyennant un tiers de fa
Portion , de forte que les religieux de Cyfoing ont
fix neuvièmes de dime , le chapitre deux neuviè-
mes , & le curé un neuvième.
Il paroît qu'il y a eu de temps immémorial un
vicaire à Vitri , même avant la première tranfaélion;
que les curés ont toujours payé feuls leurs vicaires ;
qu'un feul l'ayant refufé, il y a été condamne par
une fentence du confeil d'Artois de 1727.
L'abbé Hefpeile a été pourvu de cette cure en
1778. Après avoir fait conftater légalement la né-
ceflité d'un vicaire dans (^i paroifte , il fit part du
décret aux co-décimateurs , pour qu'ils cufTent à
payer, au prorata, la Portion congrue du vicaire.
Ces MM. ayant refufé, il les fit aflîgncr au confeil
d'Artois , & y obtint une fentence le 21 juin 1782 ,
qui condamna les co-décimateurs à payer au prorata
& aux dépens.
Appel au parlement de Pari?. Les co-décîma-
teurs , pour leur défenfe, y ont foutenu cfu'ils ne
dévoient rien payer , parce qu'en général la def-
ferte des paroiftes eft à la charge ées curés , &
qu'eux feuls en doivent fupporter le poids. Que
s'ils ont befoin de co»opérateurs , c'eft à eux à les
ftipendier, à moins qu'ils ne feient à Portion con-
grue & n'ayent opte. Que ce n'eft qu'au défaut
des curés, ou quand leurs revenus ne font pas
fuffifans, qu'ils doivent les payer. Ils ont cité d'Hé-
ricourt, dans fon traite des lois ecclefiafliques (m Wr-
ticle 17 de l'édit de 1686 , qui rapporte un arrêt du
1 3 mars 1 702 , Brunet , Goharh , Duperray , & de
Jouy , qui tous décident que c'eft aux curés à def-
fervir leurs paroiflés : que s'ils ont befoin de vicai-
res, il faut qu'ils les payent aux dépens des reve-
nus de leurs cures , à moins qu'ils ne fuffifent pas :
& alors ils font obligés de les abandonner , fans
quoi ils font cenfés avoir une fiibfiftance fuffi-
PORTION CONGRUE.
fante pour eux &. pour leurs vicaires. Que le curé
de Vitri n etoit pas un véritable curé à Portion
congrue aux termes des ordonnances. Qu'en gé-
néral on entend par curé à Portion congrue, ce-
lui qui après ledit do 1686 , a opté 300 liv. Que les
curés ne font difpenles de payer leurs vicaires ,
que par une exception écrite dans la déclaration
de 1686 , & dans 1 édit de 1768. Que pour cela il
faut qu'ils ne jouiflenr que de la Poition congrue
détenninée dans ces Uns, ou que cette exception
loit écrite dans une convention particulière. Que
s'ils rcclament l'exception réfuUante de la conven-
tion , ils doivent en produire l'aéîe ; fi c'efî celle
des lois de 1686 & de 1768, il faut qu'ils prou-
vent qu'ils jouiffent en vertu de ces lois , Se qu'ils
ne perçoivent que la Portion congrue réglée par
Ja déclaration de 1686. Que le fieur Hefpelle n'é-
toit ni dans l'un , ni dans l'autre cas. Qu'il jouiiloit ,
en vertu d'un titre qui contenoit des claufes con-
traires à la déclaration, & qui fournifibit dès- lors
des preuves qu'il n'étoit pas curé portionnaire ,
aux termes de la déclaration , puifqu'il avoit le
neuvième de la grofTe dîme, & que fa cure valoit
au moins 2800 livres; que par conféquent il de- ■
voit, aux termes de l'ordonnance, payer feul fon
vicaire , ou faire option , parce qu'il étoit proba-
ble que dans les anciennes conventions faites en-
tre fes prédéceffeurs & le chapitre de Saint-Amé ,
la fubfiftance du vicaire y avoit été comprife , d'au-
tant plus qu'ils l'avoient toujours payée jufquen
1778.
L'abbé Hefpelle a répondu 1°., que , quoiqu'il
eût un neuvième de dîme , il n'étoit pas moins
portionnaire ; qu'il falloir diftinguer deux fortes
de Portions congrues : celle de 1686 qui laifi'oit
aux curés les dîmes de toutes les terres défrichées
depuis leur option , & celle de 1768 , dont on ne
pouvoit jouir qu'en abandonnant tout , même les
dîmes novales. L'édit de 1768, en confervant aux
curés qui ne demanderoient pas l'option , les dî-
mes qu'ils pofTèdoient , les avoit toujours laifTés
portionnaires , puifqu'on ne pouvoit leur objecter
que leur revenu étoit plus fort que la Portion
congrue ; & qu'on ne pouvoit les aflujettir à plus
grande charge : que les lois de 1686 & de 1768 ,
ordonnant que les Portions congrues des vicaires ,
comme celles des curés , feroient prifes fur les
groffes &. menues dîmes, tout décimateur devoir
y concourir au prorata,
1°. Qu'on ne pouvoit pas lui objefter le fait
ou l'indolence de ks prédécc;/reurs, ni le prétendu
contrat, parce qu'un bénéficier ne peut pas enga-
ger fon fuccefTeur , ni compromettre les droits de
ion bénéfice : que d'ailleurs il eft certain que lors
des anciennes ordonnances , qui en 1^71 & 1629 ,
ont fixé les Portions congrues des curés, il n'é-
toit pas queflion des vicaires : que ceux qui en
vouloient avoir étoient obligés de les payer ; &
que c' étoit la railbn pour laquelle les uns étoient
POilTiON CONGRUt. 197
payés par les curés , Cx les aùtiei par les lubitans
ou les fabriques.
Que quand les pères des conciles de Tours te-
nus en 567, & de Mâcoa en 585, exhortoient
les fidèles de donner la dime de leurs biens aux
églifes , ils repréfentoieat que c'étoir pour four-
nir à la fubfilknce des miniftres qui les enfei-
gnoient & leur adminiftroient les facremens , t.<.
donnoient le fuperflu aux pauvres. Qu'on l'foir
la même chofe dans les capitulaires de Charlc-
magne qui , le premier , avoit ordonné de psyer
la dîme. Qi\c c etoit pourquoi les dîmes appai;e-
noient de droit commun aux curés. Que s'il y
avoit des moines ou des chanoines qui en avolcnr ,
c'efl que leurs piédécefTeuis uvoiewt defiervi ks
cures ; &. que fi les évêques en avoicnt auffi donné
à quelques laïques , c'cft à caufe des grands fervices
quds avoient rendus à l'églife. Que voilà pour-
quoi les fouverains avoient ordonné que les ho-
noraires des vicaires feroient pris fur les dîmes.
Que quoique la déclaration de 1686 .ittribuât aux*
vicaires une Portion congrue de 150 liv. & exi-
geât qu'elle fut prife fur les dîmes eccléfiaftiques ,
les décimateurs avoient cherché à reftreindre cette
loi , & à confondre les Portions congrues : qu'ils
avoient propofé nombre de fois la queftion de fa-
voir : Si un curé gui eft décimatiur en partie doit
payer feul fon vicaire, ou opter; & ce qu'il y avoit
d'étonnant, c'efl que malgré l'arrêt du 13 mars
1702, cité par toijs les canoniHes , le curé de Gau-
chin Si fes prédécelléurs n'a voient jamais payé
qu'au prorata de leurs dîmes, 50 livres à leurs
vicaires, quoique la teneur de l'arrêt condamnât
le fieur de Larue à le payer feul, &: aux dépens.
Que peu de temps avant le jugement, il fit cet
arrangement avec le chapitre d'Anas. Que fon
député fe chargea de payer les frr.is qui étoient
confidérables , pourvu qu'on le laif-,ât veiller à la
rédaélion de l'arrêt avec le chargé de procuration
du même curé.
Que cependant cet arrêt avoit fervi de fonde-
ment à celui du 30 avril 1688 , rapporté piir
Duperray,& à celui du 6 feptembre 1730, Lvà
avoient jugé qu'il fa'.loit que le fond du curé fût
épuifé pour venir fuhfidiairement fur les décima-
teurs , ou que le curé fît option de la pcrrioti
congrue pour le décharger des 150 livres de fon
vicaire.
Que ledit de 176S dîAinguoit parfaitement les
Portions congrues des curés de celles des vicaires.
Qu'il fixoit les unes à 500 livres, & les autres à
200 : & qu'après avoir ordonné aux décimatciirs
de payer les unes & les -dîmes, il leur défcndoit
de propofer aux curés une nouvelle option , Se
vouloir qu'ils redaffent en poffeirion des dîmes
ou terres , fans qu'on pût leur obje6îcr qu'ils
avoient plus de 500 livres. Que cet édit fixoit &
régloit le fort des curés dans le cas de l'option ,
comme dans le cas contraire, & ne laifToit pas
dépendre la Portion congrue des vicaires derc-;-
i '-lO
PORTION CONGRUE.
tion des curés ; qu'il la fixoit irrévocablement fur
toutes les dîmes.
Que depuis cet édit , tous les décimateurs qui
avoient propofé roptioii avoient été condamnés.
Que la jurllprudence, depuis 176S , avoit affran-
chi les curés portionnaires de payer leurs vicaires ;
qu'elle avoit jugé que c'étoit aux decirnuteurs ,
comme étant à leur charge.
Les décimateurs ont encore prétendu que les
curés qui confervoient les novales avec la Por-
tion congrue de i686 , n'étoicnt pas portionnaires ,
ayant retulc de payer l'augmentation de 50 livres,
ordonnée par l'cdit de 1768. On leur a répondu
qu'ils reconnoi/Toient eux-mêmes le contraire j en
confentant de payer aux vicaires leur Portion con-
grue fur l'ancien pied ; ils ont prétendu que l'édit
de 1768 ne pouvoit être oppofé que par les cuiés
qui en adoptoientla Portion congrue, & que ceux
qui ne l'adoptoient point ne pouvoient fe faire u;i
titre de cette loi.
On leur a répondu que le curé ne demandoit
rien pour lui, mais pour fon vicaire, dont le fcri
étoit indépendant de fon option. Ils ont aulîi ob-
jeâé que la Portion congrue du vicaire étoit liée
<t celle du curé , & que c'étoit à celui-ci fcule-
inent cjue la Portion congrue étoit due plus ou
moins forte , félon qu'il avoi< ou qu'il n'avoit pas
de vicaire. On a répondu que d'après la dérlara-
tion du 22 février 1724 , 6c l'édit de 1768 , les
vicaires avoient une a61ion direéle contre les dé-
ci matsurs: que leur Portion étoit toujours à leur
charge , à quelque (umme que les lois l'euffent
fixée.
Le curé a ajouté que le cas avoit été propofé
dans un projet de loi , que le clergé avoit mis ious
les yeux du légiflateur , pour former l'édit de
1768 ; oc que cette décifîon avoit été rejetée , par
le refus qui avoit été fait de l'inférer dans l'éilit.
Que le texte de ce projet de loi drefle par le
clergé , portoit ; D.:/is le eus où il ferait ct.ibli un
ou plujïeurs vicaires , le curé ne pourra demander aux
gos décimateurs le payement de la penfton dtidit vi-
caire ^fi ce n'efl eu aptant pour lui-même la Portion
congrue de 500 livrer : que cette décifion étoit pré-
çife ; mais que plus elle l'étoit, plus elle prouvoit
que le fouverain l'avoit rejerée en connoifTance
de caufe, & qu'il avoit été du fentjment contraire.
Qu'en effet , avoir eu fous les yeux le cas pro-
pofé & décidé in tertiiinis contre les curés , &
n'avoir pas inféré la décifion dan, la loi , c'étoit
avoir j'.igé le contraire, Que le filence de Tédit fur
1.1 Portion congrue des vicaires , malgré le texte
précis du projet drcilé par le clergé , faifoit une
nouvelle preuve de la lilîération des curés.
Q'je voilà pourquoi l'arrêt dit 13 août 1773,
rendj fur les conclufions du minillère public, in-
firma ia fenience de la fénéchauffie de Clcrmont-
Ferraid du a mars 1773, entre le fieur Jean-
Louis \i icim^ . curé de la paroi/Te de Saint-Martin
4e la Salade , v?ç l'abbé çommendataire de Mouf- |
PORTION CONGRUE.
tîer. Cet arrêt mit l'appellation & ce dont étoit
appel au néant , émendant , évoquant le principal
ik. y faifant droit , condamna l'abbé çommenda-
taire à payer la Portion congrue du vicaire de la
Salade, a raifon de 1 50 livres pour rannée 1768,
& de 200 livres pour chacune des années fuivantes,
oc pux dépens.
Que voilà pourquoi l'arrêt du 21 juin 1777,
rapporté précédemment & rendu entre le fieur
Grenet, curé de la paroifTe de Saint Ignat en Au-
vergne, & le chapitre d'Ennczat, condamna ce
chapitre, comme gros décimateur, à payer l'air^-
mentation de 50 liv. de Portion congrue, accordée
aux vicaires, par l'édit de 1768. Que voilà pour-
quoi l'arrêt du 20 mai 1778, rendu à l'audience
de la grand'thambre fur les conclufions de M.
Séguicr, avocat-général, entre le fieur Maymer,
curé décimateur de Littoy-les-Baurin , & le clia-
pitre d'Arras , & l'abbaye de Saint - Vaaft , aiiffi
décimateurs , condamna ces derniers à pay;r
la Portion congrue du fieur Hocquet , vicaire
de cette paroiife , à proportion de leurs dîmes.
Que voilà pourquoi l'arrêt du 16 juillet 178 1 ,
rendu à la première chambre des enquêtes, au
rapport de M. Barbier d'IngreviUe , entre le fieur
Claude Bertucas , curé de la paroiiTe de Boudoucy
en Marche , & le fieur de la Marche, feigneur de
Pierres, Ik le fieur Pelletier, gros décimateurs,
confirina iine fentence de la fénécliauffée de Gué-
ret du 18 mars 1774, laquelle condamnoit ces
gros décimateurs à payer au fieur Perrot, vicaire
de cette paroilfe , la Portion congrue , & aux
dépens.
Le fieur Hefpelle a joint à toutes ces autorités
un arrêt rendu , en 1772 , au parlement de Dijon ,
qui a condamné les gros décimateurs à payer le
vicaire, quoique le curé neût point opté. Un au-
tre arrêt du 10 avril 1714 , rendu au conftil privé
en interprétation de la déclaration de 1686 , qui a
condarnné les religieux de l'abbaye de SairitAmand,
comme gros décimateurs , à payer iço livres au
vicaire de Bouchain en Hainaut. Enfin , maigre les
derniers efi'orts des décimateurs pour faire revivre
l'ancienne jurifprudence , malgré les moyens ré-
pandus , tant dans leurs requêtes que dans des mé-
moires imprimés qui prouvoient que le fieur Hef-
pelle, curé de Vitry , étoit lui-même gros déci-
mat:ur; que fa cure valoit au moins 2800 livres ,
& cj'.i'il y avoit eu une convention lors de lereâion
de la cure , & que les curés avcient payé leurs
vicaires jufqu'en 1778, la cour, pp.r un arrêt i\\
forme de règlement, rendu à la grand'cl.ambre ,
le 25 mars 1782 , au rapport de M. Tabbé de
Farjonel d'Hauterive , a confirmé la fentence du
confeil d'Artois , & condamné les religieux t'a
Saint-Calixte de Cyfoing £<: le ch;(pitre de baint-
Amé de Douay , à payer la Portion congrue de
250 livres au fieur Rouiïelot , vicaire, au prorata
de leurs dîmes , & aux dépens.
Des lettres patentes du mois d'août 1783, ont
PORTION CONGRUE.
augmenté les Portions congrues des curés & des
vicaires du diocéfe de Tciiloufe , & ont déterminé
les bénéfices-cures qui pourroient être réfignés
fous réferve de penfion : elles ont d'ailleurs pourvu
à la fubfiilance des anciens curés & vicaires , ou
autres eccléfiadiques approuvés dans ce diocèfe ;
& en conféquence , elles ont autorifé M. l'arche-
vêque de Touloufe à fupprimer , pour cet effet ,
Certains prieurés Si. autres bénéfices qu'elles ont
défignés (i).
PORTION CONGRUE.
199
<i) Cci ht: £s-p(iten:esJoiit ainfi conçues :
Louis , par b gracc de Dieu , roi de i-rance & de Navane :
à tous prcfers & à venir , falut. Le feu roi notre trcs-hoiioré
feigiieiu & aïeul , voulant améliorer le fort des cures & vi-
caires à l'ortion congrue , auroit par fon édit du mois de mai
17S8 , fixé à une quantité de vingt-cinq fetiers de bled fio-
nient, mefure de l'aiis , h Portion congrue des curés & des
vicaires perpétuels , & à dix fetiers , celle de leurs vicaires.
Par le même édit , il autoit ordonné que la valeur en aigent
defdites Portions congtues ferait & deineurcroit évaluée ,
toute fois jufqu'd ce que de nouvelles circonllances exigeaf-
fent une augmentation, favoir; celle des curés & vicaires
perpé:ue!s , à la fomme de cinq cents livres , & celle de leurs
vicaires , à la fomme de deux cents livres. Depuis cet cdic ,
i'aflcmblée générale du clergé, tenue en 177} > ^^^^ ayant
repréfenté que la Portion cojgrue des vicaires , tvaluce a
deux cents livres , étoic infuffifante , nous y aurions ajout.-
cinquante livres par nos lettres-patentes du zi mai 177^-'..
Toujours animés des mêmes motifs de juftice &c de bienveil^
lance envers lei miniftres des paroiffes , l'affemblée du clergé
Mnue en 17S3 , s'eft occupée des moyens d'améliorer encore
l'état des curés & des vicaires. Non-feulement cette afferablée
a reconnu que les fommes fixées pour les Portions congrues ,
ne reptéfentoient plus dans piuluurs provinces, la valeur ef-
fe£livc des quantités de grains déterminées par Tédit de 1708 ,
mais elle a penfé que ces mêmes quantités , fufTenr elles por-
tée» à leur véritable prix, ne formoient pas , dans bien des cir-
conftances , une dotation fuffifante pour cet ordre de palleurs
qui, étant continu^lleiiient dans le cas de faire des bonnes
oeuvres, dévoient n'être pas réduits â cet abîolu necelIiHe
fans lequel ils ne pounoient fublifter. En conféquence , elle
X écrit à tous les archevêques & évêques , pouf leur taire con-
noîrre le vœu de fa délibération, & elle a chargé fes .igens gé-
néraux de faire auprès de nous routes les démarches néccfiai-
res pour obtenir Its lettres-patentes qui nous feroienr deman-
dées par les ordinaires , pour caufe de fupplément de Portions
congrues ou d'améliorations des cures. Nous n'avons [lU voir
qu'avec fatisfadion une délibération auflî conforme aux vues
dout nous fommes animés nous-mêmes envets cette clade
d'ccclélialtiques , dont le m'nidère eft fi précieux à la reli-
gion , & li intéreflant pour les peuples. C'eit pourquoi le fieur
archevêque de Touloufe nous ayant ailuellemcnt remis l'état ,
tant des cures à Portion congrue de fon diocèfe qui ont bc-
foin d'augmentation , que des améliorations dont elles font
fufceptibles , chacune en particulier ; &: nous ayant en mcnic-
temps propsfé quelques arr3ngemens qui ont directement ou
îndiredement rapport à Ijdite amélioration, & tendent tous
au bien de la religion ; nous nous fommes déterminés à fixer ,
dèr à-préfent , par une loi particulière , le fort des cures &
vicaires à Portion congrue du diocèfe de Touloufe ,&: nous
nous y fomcues portés d'autant plus volontiers , que les amé-
liorations que nous allons leur procuier, ont été,aînli que
les autres arrangemens, agréés par le? décimateurs , &: les divei-
f ;S parties intéreflTées , qui fe font trouvées au fynode que ledit
fieur archevêque de Touloufe a tenu au mois de novembre de
l'année dernière; & qu'à l'égard des commandeurs de l'ctJre
de Malte , qui ne fe font pas trouves audic fynode , nous fom-
mes affutés, tant par ce que plulieuts d'entr'eux ont ciéjà fait
En enregiflrant cette loi le lO janvier 1784 ,
le parlement de Touloufe a arrêté que le roi fe-
en faveur des curés dont la fubfiftance ell à leur charge, que
par les difpofitions que nous a témoignées l'ambafTadeur dudit
ordre , qu'en leur laifPanr , fuivant l'ufage , le foin de pour-
voir au fort defdits curés , nous ne failons que leur fjurnîr
l'occafion de nianifefter leur bienveillance , &: donntr les
premiers exemples de l'eraprelTement que cet ord:e nous a
toujours montré de concourir à nos vu:s. En procurant ainfi ,
aulfitôt qu'il eft en notre pouvoir , aux curés & vicaires.!
i'ortion congrue du diocèfe de Touloufe, une amélioraion
que leurs befoins exigent, ii que Içs circonllances particu-
lières à ce diocèfe permettent lieureufcmcnt d'exécuter drs-
à-préfent , nous nous flattons de piéparcr la voie' à de fembla-
l'ies arrangemens, qui , pris avec fagelTe &c mcfure dans les
autres diocèTes ,& fuivant que leurs befoins combinés avec
leurs moyens l'exigeront &: pourront le permettre ,a(T;'reront
fucceflîvement !«: fans troubles , le fuccès des foins qi'e nous
prendrons toujours, à l'exemple des rois nos prédécefleurs f
pour procurer à nos peuples des pafteurs qui , débarralfés des
follicitudes temporelles , n'.iient à s'occuper qu'à leur donneï
de bons exemples & de falutaiies inflrudlion.';. A ces caufes ,
& autres à ce nous mouvant , de l'avis de notre confcil , &: de
notre certaine fcience , pleine puifiance &: autorité royale ,
uous avons dit, fiatué & ordonné, difons , fiatuons & or-
do'.inons , voulons & nous plaît ce qui fuir ;
Arï. premier. Les curés Se vicaires à Portion congrue"
du diocèfe de Touloufe, compris dans l'état annexé fous le
contre-fcel des préfentes , recevront des décimateurs qui en
font tenus , tant pour leur Portion congru;, ccntormémenc
à redit du mois de mai 176S , Se à nos lettres-patentes du 12
mai 177S , que pour amélioration de ladite Porrion congrue ,
les fommes portées audit état, fans préjudice . à l'égard des
cutés , des objets qui leur ont été laifTés par l'article IV dudit
édit, ainfî que de l'exécuticn de notre déclaration du lo mai
1771.
II. Les augmentations des Portions congrues, réfultantes
dudit état, auront leur effet à commencer du premier janvier
17S4 ; mais fucceflîvement feulement & par degré en quatre
années , d-i manié e que l'juginentation totale ne fera opérée
qu'au preniier janvier 1787,
III. A l'égard descur^s à Portion congrue, dépendant de
l'ordre de Malte , dans le diocèfe de Touloufe , & dont l'étac
efl: auflî annexé fous le contrefeel des préfenres , les ren-
voyons pardevant les prieurs , baillis , commandeurs &: chapi-
tres dudit ordre , qui pcuvoiront à l'amélioratien des Por-
tions congrues de leurfdits curés dans une proportion con-
venable , &c ce , avant le premier janvier prochain , f.ins néan-
moins que , compris le cafuel , lefdits curés puiffent jouir de
moins de t ? o livres , & L'S vicaires de moins de 400 livres ,
exemptes de toutes charges.
IV;' Seront les décimateurs tenus , comme p.ir le pafTé , de
toutes les charges auxquelles ils ont été jufqu'à prélent afTu-
jetis dans le diocèfe de Touloufe , fauf à eux de faire, de
gré i gté avec les curés, telles conventions qu'ils aviferonc
pour la fourniiu-e des menues dépenfes , & autre? dont les
Décimateurs peuvent être tenus , à la réferve feulement des
réj aations des murs & toitures ; mars ne pourront lefdits ar-
rangemens être obligatoi'es envers les (ucccfTeurs aux bénéfi-
ces, qu'autant qu'ils auront été homologués à la requête 5c
aux frais des décimateurs, en notre ccur de patlement de
Touloufe , avec les formalirés ordinaires , fur les concluficns
de notre procureur général en ladire cour , auquel cas ils fe-
ront &: demeureront irrévocables, fi ce n'eft uans le cas de
nouvelle augmentation des Portions congrues dans le dio-
cèfe de To'iloufe , auquel cas voulcn que les fommes moyen-
nant lefquel'es les curés fe feroicnt chargés de.'"Jits dépens ,
foient aiignentéesde dioit , en raifon de l'accroiffement de
la Portion congrue.
200
PORTION CONGRUE.
voit très-humblement fiipplié de pourvoir pareille-
ment à l'amélioration du fort des curés con^ruiftes
\. En cas dYiedio,! d'une nouvelle cure, ou d'éraUliire-
mencd un rouveau vicaire, de màm qu'en cas d'abandon
par Mnuireou vicaire perpétuel de fes dîmes ou autres biens,
poin- 01 ter Ja Portion congrue, autorifcns le Heur arciievc.^ue
ûe 1 ouJoufe a déterminer G la Portion congrue , foie du nou-
veau cure ou vicaire , foie du cure qui auroit opté , doit excc-
der,& en ce eu, de combien elle doit excéder les Fxations
port:es par l'édit de iSS, & nos lettres-patentes du ii mai
Jyysfans néanmoins que les ibmmes qu'il jugeroit à propos
de leur fixer , puiffent être portées ; favoir , pour les corés ou
vicaires perpétuels , au delà de io>o livres , Se pour les vicai-
res , au-delà de 5 00 livres; & dans aucun de ces différens cis ,
iles ordonnances qui auront été par lui renduîs ne pourront
être exécutées , qu'elles n'aient été , fuivant qu'il y aura lieu ,
ou auronfées par nos lettres patentes duement enregiilrées
ou homologuées en notreditc cour de parlement , fur les con-
ciudons de notre procureur général.
VI. Avons maintenu & maintenons les vicaires du diocéfe
de Touloufe, même ceux des curés compris dans ledit état
a amélioration, dans le droit de toucher, par eux-mêmes &
'iir leurs quittances, leurs Portions congrues des mains des
décimateurs, conformément à la déclaration du iz féviier
17:4, lors toutefois qu'ils ne recevront aucun traitementde
leurs cures ; & en cas d'arrangement particulier enti'eux ,
voulons que lefdits vicaires ne ^u fTent refnfer à Ituisciiiés
Ifurs quittances de Portions congrues , pour, par leurs riirés ,
pouvoir^les fournir aux décimateurs qui les exigeroient d'aptes
Jadite (iéclaration.
VII. Tout bénéfice-cure qui ne v.iu:îra pas I050 livres de
revenu annuel , ne pourra , dans le dioccfe de Touloufe , être
réfigné avec pendon ; & à l'égard des cures <jui vaudront plus
de 1000 livres , la penfion qui pourra être rcfervée , ne fera
j.Tmaîs reile que h valeur de la cure rélignée foit réduite au-
dcirous de looo livres.
_ Vlir. Délirant pourvoir à la fubfiriance des anciens curés ,
vicaires , & autres ccciélîalHques du dioccfe de Touloufe ,
;<uxque!s l'âge ou les infirmités ne permettront plus de conti-
nuer le lervice des paroifTes, nous avons agréé l'ofFre du lîeiir
archevêque de Touloufe, ainlî que celles du chapitre de S.
Ktienne & de l'official diocéfain, ôc grand-chantre dudit cha-
pitre, de confeniir à ce que certains bénéFces à leur nomina-
lîon, foientà l'avenir réfcrvés auxdirs anciens curés , vicaires
ou autres ecclcfiiffiques ; en conféquence ordonnons que la
féconde , la quatrième, la lixième & la huitième prébende
de celles dites de la douzaine , qui font à la nomination dudit
l;eur archevêque ; les première & troifîème qui font à la no-
mination des grand chantre & officiai diocéfain, &: les quatre
ptemières des prébendes qui font à la nominatian du chapitre
ce faint Et;çnne, lotfqu'elles viendront à vaquer par »pqrt ou
par dcmifTîon , feront & demeureront, conformément au con-
fenîcment & à h demande duiit fieur a-chevcque , dudit of-
ficiai & grjndchantre , &: dudit chapitre , qui en ont la nomi-
nation , afFedées, l'oit at!x curés qui l'auront é;é pendant feize
ans, foit à ceux defdits curés, vicaires ou autres eccléfîalli-
ques qui auront été approuvés pendant vingt cinq ans dans
le dioccfe , tellement que , lorfqu'ellcs feront ainli venues à
vaquer une première fois , par mort ou par démi/Tion , elles ne
pourront plus être données qu'aux cures, vicaires ou autres
ecclcfialfiques de la qualité fufdite , fans jamais être fujeites
à prévention , réfjgnation , permutation , ni expeflative quel-
çonijue , à peine d'abus ; àrefîv't de quoi nous avons dérogé à
toutes lois , ufages & réglftnens à ce contraires.
IX. Nous avons aiitorifj &: auiorifcns ledit (leur archevê-
que à procéder , s'il y a lieu , ii en pbfcrv.int les formes civi-
Iss ^ canoiiiques, .à la fupprefïion àes prieurés d'Aigues-
Vives, Buzet &: Saint- Pauld'Hauterive , même d'autres ti-
tfcf çcdéfi^ftiques qui fe troijveroient Jans le cas d'être éteints I
PORTION CONGRUE.
Se des vicaires des autres dioccfcs du reiTort de
cette cour.
f'^oye^ les mémoires du clergé ; les lois eccléjîjjli^
ques de France ; le code des curés ; le recueil de juris-
prudence canonique-^ Duperray , traité des Portions
congrues; Gohard , traité des bénéfices; les centuries
de le Prêtre ; le journal des audiences & celui du pa-
/-7.'f ; &c. Voyez auffi les articles CuRÉ, DiXME,
Vicaire , &c.
Addition à Carticle Portion congrue.
Jurifprudence du parlement de Flandres fur les Por-
tions cofij^rues.
Le parlement de Flandres s'étoit fait, avant la
déclaration du 29 janvier 1686, une règle de por-
ter à plu« de 300 livres les Portions congrues des
curés & vicaires perpétuels. Il avoit arrêté , par
une délibération folcmnelledu 20 novembre 16S5,
qu'a l'avenir il feroit adjugé, à ce titre, 3C0 flo-
rins dans le Hainaut & le Cambrefis , 3^0 flo-
rins dans la Flandre Françoife, 400 florins dans
la Flandre Flamande, & 4^0 florins dans la Flan-
dre maritime. On fait que le florin des Pays-
Bas François équivaut à vingt-cinq fous argent de
France.
La déclaration du 29 janvier 1686 , fembloit de-
voir ôter au parlement de Flandres la liberté de
fixer lui-même le taux des Portions congrues ; mais ,
fur les remontrances de cette cour , il a été rendu ,
le 26 juin fuivant , une déclaration qui la lui a con-
fervée entièrement ; en voici le difpofitif : » Vou-
" Ions, & nous plaît, qu« notredite cour procé-
■>■> dant au jugement des procès & inflances qui
» foHt ou feront pendans en icelle entre les déci-
5> mateurs & les curés ou vicaires de fon reflbrt,
» pour raifon defdites Portions congrues , puiffe
» en ordonner le payement fur le pied & ainfi que
» par les circonflances des procès fera eflimé jufre
» & à propos , & ce nonobf'ant ce qui eft porté
» par norredite déclaration du 29 janvier dernier,
» à laquelle nous avons dérogé & dérogeons pour
dans le dioçèfe de Touloufe, & à l'application des biens ea
d pendans , à des penfîons de rerraire en faveur dus nnciens
cuiés & vica'res , ou autres eccléfialliques approuvés dans ce
dioccfe ; comme audi, en faveur des grand âc petit fcminaires
de Touloufe, tant pout la fubfiftance des direfteurs ôc en*
trctien des bàimens , que pour y établir des penfîons & demi-
penlîons en faveur de ceux des étudians qui en auroient be-
foin ; flc ce , ayx conditions qui feront exprimées dans les
décrets qui feront rendus à cet effet pat ledit fîeur archevêque
de Touloufe, fans néanmoins qu'ils puifTent avoir leur exé-
cution qu'après qu'ils auronr été revêtus de nos Mettres-patea-
tes , duement enregiftfées çn notre cour de parlement de
Touloufe.
X. Seront £U furplus exécutés l'édit du mois de rnai lyi^
&: tous ïuaes régicmens, tant fur les Portions congrues , que
fur les extinètiorrs & unions de bénéfices , en tout ce qui n'eft
pas contiaire à ces préfentes. Si donnons en mandement d
nos amés 5c féaux confeillers les gens tenant notre cour de
parlement de Touloufe , que ces préfentes ils aient à faite en-
regiftrer, &c,
V le
PORTION CONGRUE.
M le reffort de notredite cour de parlement, Tans y
« néanmoins, en ce faifant, qu'en aucun cas notre-
w dite cour puiffe adjuger lefdites Portions con-
» grues iur un moindre pied que ce qui eft porté en
» notredite déclaration , laquelle fera au furplus
j> exécutée félon fa forme & teneur ».
Il réfulte de cette difpofuion, que le parlement
de Flandres n'a d'autre règle à fuivre , par rapport
au montant des Portions congrues, que celle que
font naître lescirconftances de chaque affaire. Ainfi
l'arrêté même du 20 novembre 1685 , n'eft pas
une loi pour cette cour ; elle peut s'en écarter &
adjuger aux congruiftes tantôt plus, tantôt moins
que ne porte la taxe qu'il renferme. C'eft ce que
déclare exprefTément un autre arrêté du premier
aoijt 1672; & c'eft fur ce principe qu'un arrêt du
24 novembre 1703 , rapporté, dans l'ordre de fa
date , par M. Desjaunaux , a jugé que le curé d'Oo-
ren , paroifle fituée dans la Flandre maritime, mais
toute ramaffée & de petite étendue, ne pouvoir
prétendre , à titre de Portion congrue , qu'une foni-
me annuelle de 3 50 florins.
Les décimateurs des Pays-Bas, ont mis tout en
ufage pour faire révoquer la déclaration du 26
juin 1686 ; mais leurs efforts ont toujours échoué.
On a rapporté au mot DÉciMATEUR , des lettres-
patentes du 26 oftobre 171)4, qui ordonnent que
cette loi fera exécutée félon fa forme ôf teneur ;
6: lorfque le feu roi eut donné fon édit du mois
de mai 1768, le parlement de Flandres le fupplia
de permettre qu'il ne l'enreglftrât point , ce qui lui
fut accordé.
On conçoit, d'après cela, qu'il doit fe trouver
peu de refforts où les curés congruiftes foient aufli
bien traités que dans celui de cette cour.
Auiïî a-t-on vu obtenir jufqu'à 1000 livres de
portion congrue. Un Arrêt du 5 Mars 1782, au
rapport de M. Rémi d'Evin , a fixé à ce taux celle
du curé d'Eftrœungt , paroiffe voifine d'Avefnes en
Hainault , fort étendue, il eft vrai, mais dans la-
quelle fe trouvent jufqu'à trois vicaires , qui ont
encore chacun la portion congrue féparée.
Un autre Arrêt du 25 juillet 1782, au rapport
du même magiflrat , a adjugé au curé de Caftigr.is,
paroiffe également voifine d'Avefnes, une Portion
congrue de 750 florins, ou 937 liv. 10 fous.
Le 21 mai 17S3 , nouvel arrêt encore, au rap-
port de M. Rémi d'Evin , qui adjuge au vicaire de
la RouiUie , hameau dépendant de la paroiffe de
Eftrœungt, une Portion congrue de 380 florins ,
ou 350 livres.
Le confeil fouverain de Mons , jouit fur cette
matière du même pouvoir que le parlement de
Flandres. Les curés du Hainault avoient obtenu
en 1698 un décret du confeil privé de Bruxelles ,
qui fîxoit leurs Portions congrues à 300 florins ,
argent de Brabant. Dans la fuite, ils demandèrent,
par une requête préfentée au duc Charles , Gou-
verneur des Pays-Bas Autrichiens, que cette taxe
fut anomentée. Leur requête fut communiquée au
Tom XIII.
PORTION CONGRUE. 201
confeil fouverain de Mons ; & d'après l'avis de cette
cours , il intervint , le premieravril 175 ii un décret
conçu en ces termes : « Vu l'avis de ceux du con-
V feil de Hainault , & rapport fait à fon alteffe
» royale , ce que les fupplians requièrent ne fe
n peut accorder. Déclare néanmoins fon alteffe
)» royale , que fi quelqu'un des mêmes fupjjlians
» fe trouvoit dans le cas , pour des motifs jufles
» & ralfonnables , d'avoir befoln d'une augmen-
» tation ou fupplément de Portion congrue , il
» pourra s'adreffer , foit au confeil de Hainault,
»> foit à l'archevêque de Cambrai , pour en obtenir
» la taxe , dont il fera écrit lettres d'avertance au-
)j dit confeil de Hainault ».
On voit par ce décret , que dans le Hainault
autrichien le juge eccléfiafîique peut connoître, par
prévention avec le juge royal , de la fixation de«
Portions congrues. 11 fut même un temps 011 le
confeil fouverain de Mons fe regardoit comme in-
compétent fur cette matière ; témoin un arrêt du
8 février 1627 , qui renvoie à l'ofHcial de Cambrai
la demande en Portion congrue formée par le curé
de Villers-Saint-Amand , contre les abbé & reli-
gieux de Saint-Amand. Mais depuis, cette cour a
ouvert les yeux fur fes véritables droits : le curé
de Saint-Pierre-Chapelle ayant traduit devant elle
les abbé Si religieux de Saint- Aubert de Cambrai ,
pour fe faire adjuger une Portion congrue ceux-ci
ont été déboutés de leur déclinatoire, & condamnés
à payer ce qu'on leur demandoit. L'arrêt efl de
1652 , & il a été fuivi de plufieurs autres.
Un des points les plus remarquables de la jurif-
prudence des Pays-Bas fur la matière des Portions
congrues, eft que les curés primitifs font obligée
d'employer à l'acquittement de ces charges toute
la part qu'ils ont dans la dixme , avant que les au-
tres co-décimateuts foient tenus d'y contribuer,
C'efl ce qui a été jugé par plufieurs arrêts du parle-
ment de Flandres. Le premier eu. du 9 novembre
1687 ; il a été rendu entre le chapitre d'Antoing 8c
l'abbaye de Saint-Marc de Toi:rnai. Le fécond a
été donné le 11 mai 1689 , entre l'abbayede Saint-
Vaafî & celle de Maroilles. Le troifième , le 21
janvier 1698 , entre le chapitre des chanoineffes de
Maubeuge & l'abbaye de Llefîles. Le quatrième,
le 15 juin 1 701 , entre le chapitre métropolitain de
Cambrai & l'abbayede Salut Sauve. Le cinquième,
le 14 août 1702, entre le chapitre de Condé &
l'abbayede Saint-Amand. Le fixieme , le 18 mai
1703. Le feptième , le 25 juin 1705. Le huitième ,
le 22 oftobre 1707, entre le chapitre de Saint-Géry
de Cambrai & l'abbaye de Saint-Sépulchre de la
même ville. Le neuvième , le ^j avril 1721 , entre
le chapitre de Saint-Quentin & l'abbaye de Lief-
fics. Le dixième en 1726, entre les abbayes d'i
Saint-Amand & de Vicogne. M. "Waimel du Parc
en cite un onzième , rendu entre les grands vicai-
res de la cathédrale de Tournai & l'abbaye de
l Château. Il y en a un douzième affez récent , entre
Ce
201 I^ORTION CONGRUE.
le chapitre métropolitain de Cambrai & le chapitre
de Saint-Géry de Valenciennes.
Diimèes a tenté de combattre cette jiirifprudence.
3) J'ai peine à me rendre à des autorités aulFi ref-
jj peclables, dit-il en fa jurifprudence du Hainaiik
S5 François ; la déclaration du 29 janvier 1686 , qui
» eft une loi générale dans tout le royaume, ne
" diuingiie pomt entre les co décimateurs ecclc-
" fiafiiqiies ; elle les charge tous , fans diftinftion ,
« de la Portion congrue des curés , à propoition
>' de ce qu'ils pofsèxknt dos dixmes ; elle en charge
j, même fubfidlairement les propriétaires des dix-
5? mes inféodées. Or , û les co-décimateurs ecclé-
^J fialiques, ù titre particulier, n'étoient obliges
5) que lubfidiairement à la Portion congrue après
11 1 entière évacuation d.s dixmes appartenantes
M ?A)x cuiés primitifs , une claule de cette impor-
» tance n'eût point éé omife ".
Mais, répond M. Waymel du Parc, la dJclara-
tion de 1686, « qui femble vouloir foumeitre à
j) la Portion congrue tous les décimateurs égale-
J3 ment , doit s'entendre s'ils font tous décimateurs
Y) de la môme qualité, cette loi n'ayant point dé-
>j cidé la queftion entre les décimateurs fmiples &
î> les décimateurs curés primitifs ».
D'ailleurs la raifon fur laquelle eft fondée la
jurifprudence combattue par Dimiées , eil fijurte ,
fi conforme aux principes , qu'elle devroit, à tout
événement , l'emporter fur la lettre d'une loi dont
l'auteur ignoroit fans doute les ufiges particuliers
des Pays Bas pir rapport aux charges des curés
primitifs : les Portions de dixmes dent joui.^ein
ceux ci ne leur ont été données que pour rem-
plir eux-mêmes les fonélions pallorales. Dans la
fuite, il eft vrai , ils ont jugé à propos de fe faire
remplacer par des vicaires , d'abord amovibles &
maintenant perpétuels , mais cela ne doit rien
changer à la condition des autres décimateurs ;
leurs vicaires les repréfentent ; ce font eux qui
demandent des Portions congruos par la bouclie
de ces derniers; & s'ils trouvent ces fecours en
eux-mêmes, de q\iel droit iroient ils inquiéter
leurs co-décimateurs ?
Il faut l'avouer cependant , il a été rendu , pour
les Pays-Bas même , un arrêt qui adopte l'opinion
de Dumécs. En voici refi)ècê , telle que nous la
trouvons dans le vu d'une fentence du bailliage
du Qnefnoy du 22 mars 1669, que nous avons
fous les yeux.
L'Abbaye de Saint-André au Catteau-Cambre-
fis , avoit , comme fubrogée aux droits de l'abbaye
de Fém.y , le titre de curé primitif de la paroiffe
de Berlaymont, &. un quart de la dixme qui s'y
percevoir. Le prieur d'Aimeries , religieux de l'ab-
baye d'Anchin , étoit décimateur de la même pa-
roiffe , pour lei trois autres quarts. Il s'éleva un
procès fur la quefiion de favoir qui rétabliroit
rèelife , & fourniroit au vicaire per pétuel l'aug-
tnentation de Portion congrue qu'il de mandoit.
Le prieur d'Aimeries foutenoit que l'abbé de j
PORTION CONGRUE.
Saint-André devoir employer à l'im & à l'autre
objet toute fa part dans la dixme, avant qu'on pût
toucher à la fienne; mais par fentence du bailliage
du Quefnoi du 15 décembre 1665 , confirmée par
arrêt du parlement de Meiz ( 1 ) du i 5 juillet 1666 ,
les abbé ik religieux d'Anchin , qui avoient pris le
fait ik caufe du prieur d'Aimeries, furent con-
damnés « à contribuer à la rééc incation & enrrcte-
» nement du chœur & des chanceaux de l'églife
)) paroiffiale dudit Eerhiymont , comme aulii à
') l'augmentation cie la 1 ortion coi;grue du curé
» de la mém.e églife , à rate & concurrence delà
» partie & quantité de di.xme qu'ils pofsèdent fur
» le terroir & diftricl de ladite paroiil'e ».
La partie de cet arrêt qui concerne lareér'ifica-
tion de l'églife, c(ï aufll conforme aux principes,
que celle qui eft relative à la Portion congrue y
eft contraire. Le parlement d>e Flandres meiric a
adopté la première par deux arrêts , dont l'un eft
cité comme récent dans une cnnfuitation de M.
"Waymel du Parc , fur laquelle eft intervenu l'arrêt
du 5 avril 1721, rapporté ci-deflus ; l'autre fe
trouve dans Deghcwiet, fous la date du 27 juillet
1726. On fcnt la raifon de cette diflerence entre la
charge des réparations de l'églife, & l'obligation
de fournir au curé les alimens 5c 1 habitation dont
il a befoin. » L'églife, dit M. Waymel du Parc, n'eft
» pas plutôt à la charge des dixmes du curé primi-
» tif , que des autres diurnes; au lieu que la Por-
» tion congrue & maifon paftorale font à la charge
» du tiers des dixmes abandonné au curé prim.tif
» pour fournir à la fubfiftance du curé; & voilà
» pourquoi elle doit être évacuée avant les autres ,
» au lieu que le tiers des dixmes n'a point été abati-
» donné pour la réparation de l'églife, à laquelle
» toutes les dixmes font également foum'ifes ».
Voye^ Vanefpen , partie 2, titre 34, chapitre ^^-^
la confultation de AI. IFaymel du Parc , & les arti-
cles Dixme, Décimateur, &c. ( Cette addition
efl de M. AÎERLIN , avocat au parlement de Flan-
dres ).
PORTION VIRILE. On appelle Portion virile',
celle qu'un héritier a dans la fucceflîon , foit ab
intefîitt , ou teftamentaire, & qui eft égale à celle
des autres héritiers.
On l'appelle virile , à caufe de régalité qui eft
entre cette portion & celle des autres héritiers.
On entend quelquefois fingulièrement par Por-
tiorj virile , celle que le père & la mère prennent en
propriété dans la fuccelîlon d'un de leurs «nfans
auxquels ils fuccèdent avec leurs autres enfans ,
frères & fœurs du défunt. Il y a encore une autre
forte de Portion virile , qui eft celle que le conjoint
furvivant gagne en propriété dans les gains nup-
tiaux, quand même il demeure en viduité; mais
pour diftinguer celle-ci des autres , on l'appelle or-
(i) Le baillùije dn Quefnoi refTortifToir alors an pa-Iement
dt Metî. Voyez. Iss articles DoUAi ôc PA4Ks du Hainaut.
POSSESSION.
dlnairement virile funplement , & celle des héri-
tiers , qi;i eu égale entr'eux , Portion viri c.
Voyez ViRîLP.
POSSESSION. Jouiflance d'un héritage , d'une
charge , Sc de tout ce qui eft regardé comme un
bien.
De h nature d^ la Pojfijp.on.
Comme ce n'ed que par la Poffefflon qu'on a
les chofcs fous fa puiffance , qu'on en ufe & qu'on
-en jouit, on emploie aflez fréquemment le mot
Vojfejfion, pour fignifier lapropriété ; & cependant
ces cliofes font fort différentes , puifqu'on peut
avoir l'une fans l'autre. Par exemple , fi Pierre
vend à Paul votre maifon & la lui délivre , Paul ,
acquéreur de bonne foi , en a la Poffeffion , mais
vous en confervcz la propriété , iufqu'à ce que la
prefcription l'ait attribuée à Paul.
11 ne faut donc point confondre la PoflefTion avec
la propriété. Mais quoiqu'il paroifl'e par la diftinc-
tion qu'on vient de faire , que la Poffeffion ne foit
autre chofe que la jouilTance de ce qu'on a fous fa
puifTance, foit qu'on en ait la propriété ou qu'on
ne l'ait pas , il ne faut pas prendre pour une vérita-
ble PolTeffion toute forte de jouiffance : on ne peut
ainfi confidérer que la jouiffance de la perfonne qui
tient une chofe à titre de maître , foit qu'elle pof-
ihde par elle-même ou par d'autres , tels qu'un dé-
pofiraire , un locataire , un fermier.
Puifque ce n'eft que par la Polltfllon qu'on peut
exercer le droit de propriété, il fout en conclure ,
que la Pofléffion eft naturellement liée à la pro-
priété, & n'en doit pas être féparée. AinfiJa Pof-
'feffion renferme un droit &. un fait ; le droit de
jouir attaché au droit de propriété, Sx. le fait de la
jouilTance effeé^ive de la chofe , foit qu'elle fe
trouve dans la main du maître ou qu'un autre la
tienne pour lui.
Comme il n'eft pas poffible que de deux particu-
liers qui conteftent l'un à l'autre la propriété d'iine
ïTiême chofe , chacun ait feul le droit de propriété ,
il ne peut pas fe faire non plus que de deux indi-
vidus qui fe conteftent la PoiFeltion d'une même
chofe, chacun ait feul cette Poflcffion. Ainfî n'y
en ayant qu'un qui foit le véritable maître , il n'y a
pareillement qu'un vrai pofTeHeur : d'où il fuit, que
fi celui qui poffède eft un autre que le maître , fa
PofleflTion n'eli plus qu'une ufurpation.
On peut poffjder des chofes corporelles , foit
meubles ou immeubles ; mais félon que la nature
de ces chofes varie, les marques de la Poileffion
en font différentes. Ainfi on peut pofféder des meu-
bles , en les tenant fous la clef, ou autrement dans
fa difpofition : on poffède des animaux , en les ren-
fermant ouïes faifant garder: on poffède une mni-
fon , quand on en a les cUfs , ou qu'on 1 habite , ou
qu'on la loue , ou qu'on y fait bâtir : on poffède des
champs , des prés , en les cultivant & en recueillant
ce qu'ils produifent.
Il j aauffi une Poffeffion particulière des chofes
POSSESSION. 2G-1
qui ne confillent qu'en des droits, te's qu'un dio'^
de juflice , de banalité, de péage, &c. On poffède
ces fortes de biens , en exerçant fon droit dans loc-
cafion. On poffède de même une fcrvitudc par l'u-
fage qu'on en fait , quoiqu'on ne poffède pas le
fonds fur lequel elle eft due. Par exemple , celui
qui a droit de paffer au travers de l'iiéntage de (on.
voifiii , poffède cette fervitude en paffaut par cet
héritage qu'il ne poffède point.
Les jurifconlukes romains avoient élevé fur la
nature de la Poffeffion , la queftion de favoir fideux
perfonnes pouvoient quel:;uefois avoir chacnne
pour le total la Poffeffion d'tme même chofe. On
convenoit qu'il étoit contraire à la nature des cho-
fes , que deux perfonnes euffent chacune pour le
total une tell-e Poffeffion (i).
Mais les Sabuiiens difoient que cette règle ad-
niettoit une à'iûin&ion : ils convenoient bien que
diux perfonnes ne pouvoient avoir chacune pour
le total la même efpéce de Poffeffion d'une même
chofe (2) , mais ils croyoient qu'une perfonne pou-
voit paroître avoir pour le total la jiiffe Poffeffion
d'une même chofe, en même-temps que celui qui
l'en avoir dépouillé avoit pour le total la Pofltnioii
injufte do cette même chofe; ils croyoient pareil-
lement que celui qui avoit donné à quelqu'un, à
titre de précaire, la Poffeffion civile de la chofe ,
pouvoir paroître avoir pour le total la Poffeffion ci-
vile de cette chofe, en même temps que celui qui
l'avoit reçue en avoit pour le total la Poffeffion pré-
caire.
Les Proculéiens avoient une opinion plus con-
forme à la nature des chofes ; ils penfoient que la
règle fuivant laquelle deux perfonnes ne peuvent
avoir chacune pour le total la Poffeffion d'une même
chofe , n'admettoit aucune diCHnéîion , & que pen-
dant la durée de l'ufurpation de la chofe , la per-
fonne dépouillée ne pouvoir en conferver aucune
Poffeffion: les mêmes jurifconfultcs penfoient que
celui qui avoit donné à quelqu'un , à titre de pré-
caire , la Poffeffion d'une chofe , n'en confervoit
aucune Poffeffion pendant que duroit la Poffeffion
précaire de celui auquel il l'avoit donnée à ce titre.
L'opinion des Proculéiens a prévalu.
Obfcrvez que (juoique deux perfonnes ne puif-
fent p?.s pofféder chacune féparément pour le total
m\Q même chofe , il eft néanmoins vrai axxc fi elles
poffèdenten commun une chofe indivifîble , elles
la poifèdent conjointement chacune pour le total :
en effet , on ne peut pas pofféder pour partie une
chofe qu'on ne fauroit divifer. C'eft ce qu'un
exemple rendra fenfible.
(l l'Iiires eaaideni rcjn in lolidum poiliJjre iioii polT.nc :
conta naturam quippe eit ut eu m ego aliquid tei eam , tu
quoque iJ polfideie videaris. Lej. 3 . ^arag, j , D. dt accui-',
nn i. pojfejjion.
(1) Dico in fcliiUm precario non magis poflunt , tjuàm
dao in foliduni vi poffi.lere aut cl.im ; nam neqiie jul a: ,
ne'jRe injultï PçiTcffiçnes dux cçncurtere pofl'urit. Leg. 1^ ,
D. di prtc&r-
Ccij
i04 POSSESSION.
Deux particuliers ont en commun la jouiflTance
d'une maifon à laquelle eft attaché un droit de fer-
vitude fur la maifon voifine : or, comme ce droit
eft une chofe indivifible , chacun de ces particu-
liers le pollède pour le total , non Téparément ,
mais en commun.
Des diffirtntes fortes de PoJfeJJlon,
On diflingue deux principales fortes de Poffef-
fion ; favoir , la Pofleffion civile & la PoflelTion na-
turelle.
La Pofleflion civile eft la PcfTeflion de celui qui
fiofîede une chofe comme propriétaire , foit qu'il
e foit en effet, ou qu'il ait un jufte fujet de croire
qu'il l'eft réellement.
La PofTefîion civile doit procéder d'un jufte titre ,
c'eft-à-dire , d'un titre tel qu'il pulfTe transférer la
propriété de la chofe au pofTeffeur. Tels font un
tontrat de vente , un legs , un échange , &c.
Remarquez à ce fujet que la Poffcflion n'eA cen-
fée jufte Pofieffion , qu'autant que la tradition de la
chofe énoncée dans le titre nous a été faite. C'efl
pourquoi fi un teflateur vous lègue un bien quel-
conque , & que vous vous en empariez de votre
autorité privée fans le confentement de l'héritier ,
votre PofTeflîon fera injiifte : mais il en feroit dif-
féremment f] , fur le refus de l'héritier , vous aviez
été mis par le juge en Pofleflion de la chofe lé-
guée ; votre Pofîeflion feroit une jufle Pofleffion.
Juftc pojfidei qui auElorepralore pojjidet.
Pour que la Po/Tenion foit cenfée procéder d'un
jufte titre , & être par conféquent Poflenîon civile ,
il eft néceflaire que le poflefleur jouifie de ce titre ,
ou au'on puiffe en fuppofer l'exiftence par la durée
de la jouifTancc.
Lorfqu'une Po^effion eft fondée fur un jufte ti-
tre , c'cft une jufte Pofleffion , une Poflefllion civile ,
quand même la propriété de la chofe ne feroit pas
transférée au pofleffeur par ce titre ; mais il faut ,
dans ce cas , que le poflefleur foit de bonne foi ,
c'eft-à-dire , qu'il ait ignoré que celui de qui il ac-
quéroit la chofe n'étoit pas en droit de l'aliéner.
La bonne foi fe préfume dans le pofleftTeur qui a
un titre; c'eft pourquoi celui qui prétend qu'une
Pofleflion eft illégitime , comme fondée fur un titre
injufte , doit juftifier que le pofleflTeur n'a point
ignoré que la perfonne de laquelle il a acquis n'a-
voit pas la propriété de la chofe aliénée.
La Pofleffion naturelle fe divifc en plufieurs ef-
pèces :
La première eft celle qui eft fans titre , & que le
pofl'tfleur ne juftifie qu'en difant qu'il poflede parce
qu'il poflfède. Lorfqu'une telle Poflefllion ne paroît
jnfe£lée d'aucun vice, & qu'elle a duré aflcz long-
temps pour faire préfumer un titre , on doit la con-
sidérer comme pofl^eflTion civile , & non comme
PofltflTion purement naturelle.
La féconde efpécc de Pofl^efllon naturelle eft
celle qui , quoique fondée fur un titre de nature à
transférer la propriété, eft néanmoins iHfc(3ce de
POSSESSION.
mauvaîfe foi , en ce que le pofl!efleur n'a point
ignoré que celui dont il acquéroit la chofe n'avoit
pas le droit de l'aliéner.
Latroifiéme efpèce de Pofl!eflion naturelle, eft
celle qui eft fondée fur un titre nul : tel feroit le
don qu'un conjoint feroit à l'autre conjoint , durant
le mariage , contre la difpofition de la loi.
La quatrième efpèce de PofTeflîon naturelle eft
celle qui eft fondée fur un titre valable, mais fans
qu'il foit de nature à transférer la propriété. Telle
eft la Poflfeffion d'un engagifte , celle d'un ufufrui-
tier , celle d'un fequeftre , & celle de celui qui jouit
à titre de précaire.
Il y a cette difl"érence entre la première efpèce
de Pofl^efl!îon naturelle & les trois autres , qu'elle
n'eft cenfée Pofl"eflion purement naturelle , que
quand elle n'a pas duré aiTez de temps pour faire
préfumer un titre ; autrement elle eft réputée fon-
dée fur un titre valable , & en conféqucnce on la
confidère comme Pofleflion civile.
Mais les trois autres efpéces de Pofl*eflîon natu-
relle ne peuvent jamais être réputées PofleflTion
civile , parce que la mauvaife foi dont l'une eft
infedée , de même que la nullité ou la qualité du
titre fur lequel les deux autres font fondées , font
des obftacles perpétuels à ce que lepofleflfeur puifl'e
fe regarder comme propriétaire : c'eft delà qu'eft
venue la maxime , quil vaut mieux ne point avoir de
titre , q^ue d'en avoir un qui fait vicieux.
Des differens vices dis PojfeJJîons,
Le vice le plus commun d'une Poflefllion eft la
mauvaife foi , qui confifte en ce que le pollcflleur
eft inftruit que la chofe qu'il pofll^ède appartient à
autrui.
Quoiqu'on ne préfume pas ce vice dans une
Poflfeirion qui procède d'un jufte titre, il peut néan-
moins s'y rencontrer; mais il faut que celui qui
attaque la légitimité d'une telle Pofieiîion , prouve
la mauvaife foi du poflefl'eur.
On préfume , au contraire , cette mauvaife foi
dans le poflefleur qui ne fonde fa pofleflion fur au-
cun titre , à moins toutefois qu'elle n'ait duré afl"ez
long- temps pour en faire préfumer un.
La violence eft un autre vice des Pofieflions.
Elle confifte en ce que pour acquétir la Poflef-
fion, on a dépouillé par violence l'ancien pof-
fefl^eur, foit en raviflant un meuble dont il avoir
la jouiffance , foit en s'emparant de l'héritage qu'il
pofl"édoit.
Peut-on confidérer comme une PoflTeflTion vio-
lente celle que Pierre a acqiiife en s'introduifant
dans l'héritage de Paul , où il n'a trouvé perfonne ,
& où il a poftérieurcment empêché Paul de ren-
trer avant qu'il fe fût écoulé un an & jour depuis
le commencement de la nouvelle Pofleflion ? La
raifon de douter eft , que Pierre n'a employé au-
cune violence pour entrer dans l'héritage : cepen-
dant 11 eft décidé par la loi 6, §. i , D. de acquir.
POSSESSION.
pojfef. que dans ce cas la Pûllcilion de Pierre eft
une FoflefTion violente.
Cette décifion eft fondée fur ce que Paul qui
étoit forti de fon héritage , en confervoit la Pof-
felTion par la volonté qu'il avoit d'y rentrer : ce
n'eft par conféquent que quand Pierre Ta em-
pêché d'y rentrer , qu'il l'a dépouillé de fa Pof-
feflîon : & comme Pierre a employé pour cela la
violence , il faut en conclure que la PolTefllon
qu'il a de l'héritage de Paul, ei\ une PoffelTion
violente.
Un autre vice des Poffeflîons eft la clandefli-
nité , qui confiée à acquérir la PoiTeffion d'une
chofe par des voies clandeftines , c'eft-à-dire,
en fe cachant des perfonnes qui peuvent la re-
vendiquer.
Enfin , un autre vice ou défaut des Pofleflîons ,
cft celui qui dérive d'un titre tel qu'il ne peut pas
transférer la propriété.
Le parlement de Paris a jugé récemment, dans
l'efpèce qu'on va rapporter, que le valTal qui jouit
fans titre , ne jouit , quelle que foit fa pofléffion ,
que pour le feigncur.
Le fieur Toufhin fait aflîgner la veuve Rabier
pardevant la juftice d'Ecrennes , pour être con-
damnée à lui pafler reconnoiffance des cens &
rentes dus fur fes héritages ; à lui payer les arré-
rages qui pouvoient être échus , 8c à lui délaiflcr
la propriété de fix arpens de terre qu'elle poffé-
doit , félon lui , au-delà de la mefurc déterminée
par fes titres.
Le juge d'Ecrennes ordonna l'arpeatage & le
bornage, fuivant les titres de la veuve Rabier :
elle interjeta appel. Sentence du châtelet d'Or-
léans , qui ordonna l'arpentage fuivant fa Pofléf-
fion : appel à la cour par le fieur de Tourtain :
un arrêt provifoire confirma cette fentence , avec
dépens.
Arrêt définitif, du 9 juillet 1782 , qui reftreint
la propriété & jeuilTance de la veuve Rabier à la
quotité portée par fes titres; ordonne la réunion
du furplus au domaine d'Ecrennes; la condamne
au payement des loyers, à ralfon de 12 liv. par
an, pour chaque arpent , à compter du jour de la
demande, ou fuivant l'eftimation . & aux dépens.
Des manières d'acquérir & de confervir la PoJJcJfion ,
& ccmmeni elle fe perd.
On conçoit que pour acquérir la PoiTeffion d'une
chofe , il faut avoir intention de la polîeder. C'eft
pourquoi, fi étant chez vous , j'y prends un bijou
pour l'examiner , je n'en acquiers pas la Poflef-
iion , quoique je le tienne dans mes mains , attendu
que je n'ai pas l'intention de le pofTéder.
De même , fi je vais prendre dans votre maifon
lin appartement tandis que vous êtes abfent,je
n'en acquiers pas pour cela la Poffeffion , parce
que je n'ai pas l'intention de l'acquérir. C'eft ce
qui eft établi par la loi 41 , D. de acquir. Pojfejf.
Mais il ne fuifit pas d'avoir l'intention de pof-
POSSESSION. 10)
féder une chofe , pour en acquérir la VoffcSion ,
il faut encore la jouiffance même de la chofe ;
c'eft à-dire , que s'il s'agit d'un meuble , il faut
qu'il vous foit remis en main , ou que quelqu'un
le reçoive de votre part en votre nom ; &i s'il s'a-
git d'un immeuble , tel qu'un pré , un champ , une
maifon , il faut que vous vous y tranfportiez pour
en prendre Poffeftlon , ou que vous y envoyiez
quelqu'un pour la prendre de votre part. Au fur-
plus, vous êtes cenfé avoir acquis la Poft^eflîon de
tout le fonds , auffi-tôt que vous vous y êtes tranf-
porté, ou que quelqu'un s'y eft tranfporté pour
vous, fans que vous ou votre repréfentantayiezété
obligé de vous tranfporter fur toutes les pièces de
terre dont l'héritage eft compofé (i).
Obfervez toutefois que cette règle-ci n'a lieu qu':^
l'égard de celui qui acquiert la Poflefllon d'un hé-
ritage, avec le confentement de l'ancien poffef-
feur : il en feroit différemment d'un ufurpateur
qui , de fon autorité privée , s'emparcroit d'un hé-
ritage ; il ne pourroit acquérir la Poffeflion que
pied à pied , des parties de cet héritage qu'il ufur-
peroir.
Les gens dont la raifon eft aliénée ou n'eft pas
formée, tels que les fous & les enfans, n« peu-
vent acquérir la Pofteftion d'aucune chofe , atten-
du qu'il faut pour cela la volonté de l'acquérir ,
& que ces fortes de gens font incapables de vo-
lonté. C'eft ce qui eft établi par la loi i , §. 3 , de
actjuir. Pojfef.
Mais ces mêmes gens peuvent acquérir la Pof-
feflion par le miniftère de leurs tuteurs ou cura-
teurs , parce que la volonté d'acquérir qu'ont
ceux-ci , fupplée à la volonté qui manque à ceux-là.
Ce que nous venons de dire des entans , ne doit
pas s'appliquer au mineur qui eft âgé fufSfammcnt
pour comprendre ce qu'il fait. Celui-ci n'a pas be-
foin de l'autorité de fon tuteur pour faire fa condi-
tion meilleure : c'eft pourquoi il peut valable-
ment accepter par lui-même une donation , & ac-
quérir , par la tradition qui lui eft faite de la chofe
donnée , la Pofleflion & même la propriété de
cette chofe.
Tout ainfi que vous pouvez acquérir la Pof-
feftion d'une chofe non-feulement par vous-mê-
me , mais encore par quelqu'un qui la reçoive
pour vous & en votre nom ; vous pouvez pareil-
lement conferver cette PolTeflion par vous-même
& par autrui.
Ceci n'empêche pas qu'il n'y ait deux différences
principales entre l'acquifition & la confervation de
la Poffeflion.
Premièrement , nous avons obfervé que pour ac-
(l) Quod dicimui&rcorpore & animo acquirerc nos debere
Polîefllonera , non utique ita accipendum eft , ut qui fur lum
poiïîdere velit , omnes g'.ebas circumambulet ; fed futf.cic
qii.imlibet partem ejus fundi imioiie , dum mente & comm-
uent hïc lit, ut totum fui\duni ulnue ad tcrniinum velit pof-
10(5 POSSESSION.
quérir la Po/TefTion d'une chofe , il falloit , avec
l'intention de l'acquérir , la jouilfance même ou la
tradition de la chofe. Mais H en ell autrement de
la conlervation de la Pofiefiîori. La feule intention
de po/Téder futTit pour vous taire conterver la Pof-
feflion , quoique vous n'ayiez pas la jouiflance de
la chofe. C'eft ce qui eli établi par la loi 4 , cod. de
acquir. Poffcf. (i). - _ .
L'intention de conferverla Poireffion fe préfume
toujours , à moins qu'il ne pr.roifîe une intention
contraire bien caraâêrifèe. C'eft pourquoi , "fi vous,
lailfez votre maifon fa^.s 1 habiter ni la faire habiter,!
on ne fuppofe pas pour cela que votre intention;
foit d'en abandonner la Podeffion : on préfume au'
contraire que vous voulez la conferver. 11 fufFir
pour cela que la volonté que vous avez eue de)
poiféder , lorfque vous avez acquis la Poffclhon ,
n'ait pas été révoquée par une volonté contraire.
Secondement , pour pouvoir acquérir la Poilef-
fion d'une chofe par autrui , il eft nécellairc que
l'intention de celui par qui vous acquérez foit con-
forme à la votre : mais pour retenir la PoO'eiTion
d'une chofe que vous avez acquife par quelqu'im,
il eft néceffaire qu'il conferve 1 intention qu'il lui
a fallu pour acquérir.
11 fuit delà , que fi celui qui a acquis la Pof
feflion d'une chofe pour vous, venolt à changer
de volonté & youloit pofteder en fon nom , il n en
feroit pas moins cenfé pofteder pour vous. Cela
eft fondé fur cet ancien principe de droit, qu'on
ne peut par fa feule volonté , ni par le feul laps de
temps , fe changer à foi-même la caufe de fa Pof-
feffion (2).
Si la perfonne par qui vous pofl"édez une chofe
vient à mourir, & que cette chofe foit fous la
main de fon héritier, vous continuez votre Pof-
feftion par cet héritier. Par exemple : fi votre lo-
cataire meurt , vous continuez de pofféder , par
fon héritier, la maifon que vous poftcdiez par le
défunt.
Ce n'eft pas aftez pour perdre la Pofl"effion d'une
chofe , que vous cefi"iez d'en avoir la jouiftance ,
il faut encore que vous ayiez eu l'intention d'aban-
donner cette Pofleiîîon , ou qu'on vous en ait privé
malgré vous.
vous pouvez perdre volontairement la Poftcf-
fion d'une chofe , lorfque vous faites la tradition
de cette chofe à quelqu'un , dans le deffcin de lui
en transférer la Pofl'elTion , ou que vous abaïadon-
nez cette chofe purement & ftmpîement.
La PoftTeftîon fe perd non feulement par une tra-
dition réelle de la chofe , mais encore par une tra-
dition feinte. Ainfi, lorfque vous vendez une mai-
fon à quelqu'un qui vous la loue par le mîinQ adle ,
f i) Licet PoffefTio nudo animo , porte cent hi , acqiiiii non
poffic, tamenfolo aniino letineri po.eft.
(2) TlJud à veteribus prïcepcum cfl , nemincm fibi ipfuin
caiiùra Poflreffionis mu^aie pQlTç. L. ^, ^fra^, j^^ V. de
scquir. Pit^eff,
POSSESSION.
la tradition feinte que renferme le bail, lui en fait
acquérir la Pollciiion par vous-même, qui recon-
noifl"ez tenir cette maiion en fon nom 8c comme
fon locataire , & vous perdez en même-temps la
Poft!eflîon que vous en aviez.
Si la tradition n'a eu lieu que fous condition,'
on ne perd laPoftTeftion que quand la condition eft
accomplie.
La Poffefîîon fe perd aufli par l'abandon pur &
fimp.c de la chofe poft^edée. Tel eft, par exem-
ple , l'abandon qu'on fait d'un mauvais chapeau ,
dune bouteille caflee , &c. qu'on jette dans la
rue , comme chofes inutiles , & qu'on ne veut pins
poft'éder.
On fait pareillement l'abandon pur & fimple de
la Pofleflîon d'un héritage,. lorfqu'on renonce à U
jouiftance de cet héritage.
Le déguerpiffement que vous faites d'un immeu-
ble chargé d'une rente foncière, pour être à l'ave-
nir dichargé de cette rente , doit être coniidcré
comme un abandon pur & fimple que vous faites
de la Pofteffion de cet immeuble. Votre projet , en
déguerpifiant cet imm.euble, eft d'en perdre la Pol-
fcffion , pour être difpenfé des charges attachées à
cette Poffeffion.
On perd malgré foi la Poft'efTion d'un héritage ,
lorfqu'on en eft chaflc par quelqu'un.
Vous êtes cenfé dépoftedé, & vous perdez la
Pofl"cffion d'un héritage, non-feulement lorfqu'on
vous en chaft^e vous-même , mais encore lorfqu'on
,en chaft"e votre fermier ou les autres perfonnes qui
tiennent l'héritage pour vous & en votre nom.
Vous êtes pareillement c^^nfé chaffè de votre hé-
ritage , lorfque celui qui s'en eft emparé pendant
votre abfencc , empêche , ou eft difpofé d'empêcher
par force que vous n'y rentriez.
Vous perdez auftî laPolTeflion d'un héritage mal-
gré vous, lorfque vous l'avez laitTé ufurpsr par.
quelqu'un qui l'a gardé pendant ui^an & jour , fans
que de votre part vous ayiez interrompit fa jouif-
fance par aucun a£îe de Pofteftîon.
V^ous perdez encore malgré vous la poft"cftîon
d'un héritage , lorfqu'il vient à être fubmcrgé par la
mer ou par une rivière : mais il en eft autrement
d'une inondation paftagère ; vous confervez votre
PolTeftTion , en attendant que les eaux fe foie^nt
retirées.
Vous perdez malgré vous la Pofteffion des chofes
mobilières, lorfqu'ellcs ceftent d'être dans un lieu
où vous puiflîezen jouir félon votre volonté. Ainfi ,
lorfqu'on vous prend votre tabatière , ou qu'elle
tombe de votre poche dans la rue, fans que vous
vous en apperceviez , vous êtes cenfé en avoir
perdu la PofTefl^ion.
11 en eft de même à l'égard d'un cheval qui vous
appartient, & qui vient à prendre la fuite fans que
vous fâchiez c<*i.il eft allé.
Obfervez qu'il ne faut pas confondre avec les
chofes perdues , celles qui , n'étant pas forties de
chez votis > y font feulement égarées; vous confer-.
<€»
POSSESSION.
vcz fans difficulté la Poffeflîon de celles-ci.
Des droits qui dérivent de U Pojjejfion,
La Poffe.Tion donne au poneflcur différens droits ,
dont les uns font particuliers aux poiTelTcurs de
bonne foi , & les autres font communs à tous l«;s
poffciTeurs.
Les droits qui font particuliers aux po/TeHeurs de
bonne foi, font premièrement, le droit deprefcrip-
tion , c'ell à-dire, d'acquérir par la Pofleffion la
propriété de la chofe poiLdée, lorfque cette Pof-
fefTion a eu lieu pendant un certain temps fixé par
la loi.
Secondement , le polTefleur de bonne foi perçoit
à fon profit les fruits de la chofe, juiqu'à ce quelle
foit revendiquée parle proprictaire.
Mais auili il t qu'il y a une demande formée contre
le polfefîeur de bonne foi, par lui exploit, en tête
duquel on lui donne copie des titras de propriété
du demandeur , ilceiTe d'être réputé polTciTeur de
bonne foi ; c'sft pourquoi il doit être condamné à
la reftitutlondiS fruits qu'il peut avoir perçus depuis
la demande.
Troifiémcment , le poiTeiTeur de bonne foi qui a
perdu la PoiTelfion de la chofe, eft fondé, quoiqu'il
n'en foit pas le propriétaire, à la revendiquer contre
celui qui la pofséde fans titre.
L'aàion que peut , en cas pareil , exercer le pof-
fefieur de bonne foi, eft fondée fur l'équité, qui
veut qu'on le préfère à l'ufurpateur qui s'eft mis
injuftement en poflelTion.
Il n'eft pas abfolument néceflalre que le titre en
vertu duquel vous pofledez, feit un titre valable,
pour que vous foyiez réputé avoir été ju^le pofTef-
feur,&. qu'en conféquence vous foyiez autorifé à
exercer l'aflion en revendication ; il fuffit pour cela
que vous ayiez eu quelque lujet de croire ce titre
valable. Par exemple : vous avez acheté un héritage
d'une femme que vous croyiez veuve , & qui ne
rétoit pas; quoique la vente qu'elle vous a faite feit
nulle , vous ne laiffez pas d'être réputé jufle poffef-
feur, & d'être en droit d'exercer l'aflion en reven-
dication contre l'ufurpateur qui vous a dépouillé.
. Ce n'ell commuiiément que contre ceux qui pof-
fèdent fans titre, que l'ancien po.Teffeur de bonne
foi , qui n'efl point encore propriétaire, peut re-
vendiquer la chofe dont il a perdu la Pofleiîîon :
cette revendication ne pourroit pas avoir lieu con-
tre le véritable propriétaire , ni même contre un pof-
felTeur, qui , fans être propriétaire, pofféderoir en
vertu d'un juue titre La raifon en efl , que les deux
parties étant alors d'égale condition, la préférence
eft due au poiTeffeur aèiuel.
Il y a cependant des cas où l'ancien poflefTcur
de bonne foi eft fondé à revendiquer la chofe dont
il a perdu la PoiTeflion, même contre le propriétaire
qui la tient, & à. plus forte raifon contre un autre
portelTeur de bonne foi.
Le premier cas a lieu lorfque le propriétaire qui
tient la chofe dont vous ave2: perdu la PoUelTion ,
POSSESSION. 107
a confenti à la vente qu'on vous en a faite, comme
dans l'efpècc fuivante :
Un agent vend , du confentement du propriétaire,
une chofe dont enfuite le même propriétaire défend
de faire la tradition à l'acheteur : il efl: certain que
cette tradition étant faite contre la volonté du pro-
priétaire, ne tranfmet pas la propriété à l'acheteur:
cependant comme lequité ne permet pas que le
propriétaire contrevienne au confentement qu'il
a donné à la vente, non feulement il ne peut pas
être admis à revendiquer la chofe contre l'acheteur,
mais encore fi celui-ci vient à perdre la Po^Tenion
de cette chofe, & qu'elle fe troiive entre les mains
du propriétaire, il peut la revendiquer contre ce
dernier par l'adion publicienne. C'eli ce qui réfulte
de la loi 24 , D. de public. atl(^i).
Le fécond cas oii l'ancien pofi'effeur de bonne foi
doit être admis à revendiquer la chofe même contre
le propriétaire de cette chofe , a lieu quand ce pro-
priétaire efl, ou celui qui l'avoir vendue & livrée
avant qu'il en fût propriétaire, ou quelqu'un qui^
tient de ce propriétaire, comme dans l'efpèce fui-
vante , que rapporte le jurifconfulte Ulpien.
Vous avez acheté de Tiiius un héritage q\ii ap-
partenoit à Sempronius : après la tradition qu£ Titius
vous en a faite, il en efl devenu propriétaire en
qualité d héritier de Sempronius : vous av^z depuis
perdu la Poifeifion de cet héritage, &• Titius , qui
s'en efl emparé , l'a vendu à Mœvius ; vous êtes ,
dans ce cas, fondé à. revendiquer Théritage contre
IMœvius , fans qu'il pu'fTe voiis oppafer valabla-
ment fon droit de propriété, parce que Titius n'a
pu lui transférer plus de droit qu'il n'en avoit lui-
même. Or, le droit que Titius avoit n'étoit pas tel
qu'il rt-ût pu valablement oppofer à l'action que
vous pouviez intenter contre lui.
A l'égard des droits qui font communs à tous les
poflefieurs , le principal confifle en ce que la Pof-
{s'Awn les fait réputer par provifion propriétaires
de la chofe qu'ils pofsèd'jnt, jufqu'à ce que ceux qui
viennent à la revendiqueraient juflifiéde leur droir.
Puifque le polTefleur, quel qu'il foir, efl réputé
prcpriêraire de la chofe qu'il pofsède, jufqu'à ce
qu'il en foii évincé, il faut conclure qu'il doit en
percevoir les fruits & jouir de tous les droits , tant
honorifiques qu'utiles , attachés à la propriété.
Tout poiTe/leur a d'ailleurs une adlion pour être
maintenu dans fa PofTclfion , lorfqu'il y efl troublé
par quelqu'un , & pour y être rétabli quand'ouel-
qu'un l'en a dépofledé par v olence.
Le poflefleur de bonne foi qui a conftruit un bâ-
timent ou qui a augmenté la valeur du fonds , peur ,
en cas d'éviélion, répéter le prix des améliorations
qu'il a faites, jufqu'à concurence toutefois de ce
que le fonds fe trouve augmenté de valeur : mais le
(i) Si qiiis prohilniit vel dcnun'.in.ic , porti cette loi , ex
c.^uf.i vendicionis tradi rein cjux' iphus voliintate t'uerjt dit-'
tiaJta, t< is nihilcmiiiùs tradideric , em^norein tuebitur prê-
ter, fivepoffideat, lîve peut rem.
_o8. POSSESSION.
poflelTetir de mauvaife foi n'a rien à répéter en cas
d'éviâion , & les araiéliorations apparriennent au
propriétaire. Le parlement de Paris l'a ainfi jugé ,
le 30 août 1721 , par arrêt rendu en faveur de M*"
Pafqiiier contre Jean Devaiix.
A l'égard des impenfes & réparations néceffaires ,
elles doivent être rembourfées au poffefleur de
mauvaife foi, comme au poiTefféur de bonne foi,
attendu qu'il ne fevoit pas jufte que le propriétaire
fût difpeiifé du payement d'une dépenfe qu'il auroit
été obligé de faire lui-même pour conferver fon
héritage.
De la Pi'Jfeffion immémorLile ou centenaire.
On appelle ainfi une Pofleffion qui pafle la mé-
moire des lioinraes, ou dont la durée remonte à
cent ans.
Si vous juftifiez que vous & vos auteurs avez
pofTédc une cenaine chofe, ou joui d'un certain
droit durant cent années , cette PoflefiîiDn équivaut
a un titre, & établit votre propriété fur cette chofe
ou fur le droit , aufîî complètement que fi vous rap-
portiez un titre d'ncqui(ltion en bonne forme, par
lequel quelqu'un de vos auteurs auroit acquis la
chofe de la perfonne qui avoit le droit d'en difpo-
fer. C'eft ce qu'enfeigne Dumoulin fur la cou-
tume de Paris.
Cette lêglè doit être ohfervée même à l'égard
des chofcs que les lois déclarent n'être fujettes à
aucune prefcription , par quelque laps de temps
que ce foir. La raifon en ed , dit l'auteur qu'on
vient de citer , que ces lois ne s'étendent point à la
PoiTcfTion centenaire ou immémoriale , qui doit
ê'tre regardée j)lutôt comme un titre que comme
une prefcription.
On peut appliquer la règle qu'on vient d'établir
aux droits de banalité & de corvées, quoique la
coutume de Paris veuille qu'un feigneur ne puifle
percevoir ces droits qu'autarit qu'il en rapporte un
titre valable.
Remarquez que pour qu'un feigneur juftifîe qu'il
a la Pofteflion centenaire d'un droit de banalité,
ce n'eft pas affez de prouver que depuis plus de
cent ans fes jufticiablcs vont moudre à fon moulin ,
& cuire à fon four, il faut encore qu'il rapporte
des aftes par lefquels il parolfie qu'il jouiflbit du
droit de les contraindre à cela , attendu que c'eft ce
droit de contrainte qui conflitue le droit de bana-
lité. Tels font des jugemens rendus contre quel-
ques jufticiables qui avoient contrevenu ix la bana-
lité , des faifies faites en cas de contravention , &
d'autres aftes femblables qui remontent à plus de
cent ans.
La règle que la Poffelîion centenaire équivaut à
un titre, peut pareillement s'appliquer aux dixmes
inféodées. Comme un laïc ne peut point polTéder
d'autres dixmes , il doit prouver l'inféodation : mais
s'il peut établir par des aveux dont quelqu'un re-
monte H pl'.TS de cent ans , qu'il poflède une dixme
çomnîs une dixme inféodée , fa pofiafilon équivaut
POSSESSION.
au titre d'inféodation , & il eA difpenfé de le repré-
fenter.
Obfervez que pour que la Vo{Çç.(Ç\on centenaire
équivale à un titre, il faut qu'elle foit une jufte
PolTeflîon , une PoifelTion civile ; mais cette qua-
lité eil toujours fuppofée , tandis que le contraire
n'eft pas prouvé.
Si le titre fur lequel efi fondée une Po/refTion
centaire étok produit , & qu'il fût vicieux , c'ert-
à-dire , qu'il ne fm pas de nature à transférer la pro-
priété , comme feroit , par exemple , un bail à ferme
de l'héritage fait à quelqu'un des auteurs du pofTef-
feur centenaire, ou un adle par lequel un de ces
auteurs auroit été mis en Poffeffion de l'héritage en
qualité d'engagifte ou de fequeflre , la PofiéiTion
dont il s'agit ne feroit point une Pofleffion civile,
& par conféquent elle ne pourroit , quelque lon-
gue qu'elle fût , procurer aucun moyen de défenfe
au pofl^efleur contre la demande du propriétaire
qui revendiqueroit l'héritage. Ce feroit le cas d'ap-
pliquer la maxime , mcliùs cjl non hûbcre tnulum ,
quàni habtre vitiofum.
C'eft en conformité de ces principes qu'a été
rendu l'arrêt fameux par lequel l'évéque de Cler-
mont fut condamné à rendre à la reine Catherine
de Médicis la feigneurie delà ville de Clermont ,
quoique depuis plufieurs flécles elle (ùx. poffédée
pat les évéques de cette ville ; mais il étoit prouvé ,
par le titre originaire de la Pofleflîon , que cette
feigneurie avoit été donnée en garde à un évèque
de Clermont, par Jean de Bourbon, au droit du-
quel étoit la reine.
Il ne faut pas confondre les titres abfolument vi-
cieux , qui ne peuvent point transférer la propriété ,
tels que ceux dont on vient de parler , avec les
titres qui font feulement imparfaits & infuffifans
pour la tranflation de propriété , s'ils ne font revê-
tus de certaines formalités. La Pofl"eflion qui eft
fondée fur un titre de la première efpèce , ne peut
jamais, quelque longue qu'elle foit , établir la pro-
priété du pofl!efleur : mais il en eft autrement de h
Poffeflion fondée fur des titres de la féconde ef-
pèce , tels que des contrats de vente ou d'échange
de biens d'églife qui n'ont point été revénis des for-
malités prcfcrites pour l'aliénation des biens d'é-
glife. Quoique ces titres foient infuffifans pour
transférer la propriété , ils n'empêchent point 1 ef-
fet de la Pûflenion centenaire j lequel confifle à
fuppléer à ce qui manque à la perfeélion du titre,
en faifant préfumer que toutes les formalités re-
quifes pour le rendre valable ont été obfervées.
Il y a des chofes qif on ne peut acquérir par la
PoflTeflîon centenaire : tels font les droits feigneu-
riaux dont un héritage eft chargé. C'eft ce que dé-
cide expreffement la coutume de Paris. Le vjfjiil «
porte l'article 12, ne peut prefcrire l'affranchijfement
de la foi quil doit à fon feigneur au fujet de fon fief ^
par quelque temps qu'il ait joui de cet affranchiffe-
ment , encore que ce fût par cent ans & plus.
L'article 124 de la même coutume, contient une
difpofition
POSSESSION.
difpofitlon femblable par rapport au cens; il eft
ainfi conçu : Le droit de cens ne fe pr^fcrit par le dé-
tenteur de l'héritage contre le feigneiir ccnjïer , encore
quil y ait cent ans, quand il y a titre ancien ou rc-
connoifTance faite dudit cens.
La même jurirpruclence eft établie par la plupart
des coutumes. Elle cA fondée, fur ce que pour ac-
quérir parla PofTeffion raffranchiflement d'un droit
dont votre héritage efl chargé , il faut que vous
ayez pu croire qu'il n'ctoit point chargé de ce droit.
Cette opinion fe préfume toujours tant que le con-
traire n'eft pas prouvé : mais la maxime , nulle terre
fans feig'neur , qui eft fuivie dans ces coutumes , ne
permet pas que vous puiHîez y pofféder un héritage
avec l'opinion qu'il eft exempt de droits feigneu-
liaux ; d'où il fuit , qu'après avoir poffédé durant
plus de cent années cet héritage , fans reconnoître
le feigneur de qui il relève , vous n'avez point pu
acquérir par cette Poftefllon , l'exemption des droits
feigneuriaux.
La coutune de Paris décide, article i86 , qu'une
fervitude prodiale ne peut pas s'acquérir par une
PofiefTion centenaire qui n'eft pas fondée fur un
titre.
Plufieurs autres coutumes ont une difpofition
femblable. Cela eft fondé fur ce que la PoiTefiion
centenaire , qui équivaut à un titre , doit être une
véritable Poft'eiîion : or , dans ces coutumes , la
jouiftance que vous avez d'une fervitude dont il ne
paroît aucun titre , eft préfumée n'être qu'une
jouiflance de tolérance , qui , par conféquent , n'eft
pas une véritable poflefîion. D'où il fuit, qu'une
telle jouiflance , quelque longue qu'elle ait été , ne
peut pas faire acquérir le droit de fervitude.
On a différentes fois agité la qucftion de favoir
fi la Poft^eftlon immémoriale ou centenaire pouvoir
être oppofée au roi. On conçoit bien que la diffi-
ciilté ne s'eft jamais étendue aux droits attachés
eftentiellement à la fouveraineté , tels que ceux de
légitimer des bâtards, d'accorder des lettres d'abo-
lition , & autres femblables. Il eft clair que fi un
feigneur s'étoit arrogé des droits de cette nature
dans fa feigneurie , il ne feroit pas fondé à oppofer
la PoiTcftîon centenaire contre la demande que le
procureur du roi auroit formée pour qu'il lui fût
fait défenfe d'ufer de pareils droits : la queftion
n'a donc pu concerner que les biens &c droits uti-
les revendiqués comme appartcnans au domaine,
contre des particuliers qui s'en trouvoient poftéf-
fetjrs.^
Il s'agit par conféquent de favoir fi ces particu-
liers peuvent , à défaut de titre , oppofer avec fuc-
cès la Pofteffion centenaire à une demande en re-
vendication formée contr'eux par les gens du roi ;
ou , au contraire , fi les gens du roi font fondés
à fourenir qu'il fuffit que les biens revendiqués
aient autrefois appartenu au domaine, pour qu'ils
foient cenfés lui appartenir encore , nonobftant
la PoiTeflion immémoriale ou centenaire des dé-
tenteurs.
lome XJIl,
POSSESSION, 209
On obfervcra fur cette importante queftion , que ,
par une déclaration du 30 juin 1579 , enregirîrée
au parlement le 3 Juillet fuivant , François pre^
micr a déclaré que fon domaine étant réputé facré ,
il étoit hors du commerce des hommes ; qu'en .
conféquencc, on n'en avort pu vien détacher ni
aliéner légitimement , & que tout ce qui l'avoit
été y devoit être réuni , fans que , dans la caufe
où il en feroit queftion , les juges pufient avoir ■■
aucun cgr.id à quelque Poft^effion que ce fût , par
quelque laps de temps qu'elle eût duré , ores
qu'elle excédât cent ans.
Quelque précife que foit cette loi , il eft néan-
moins vrai que le parlement de Paris a jugé plu-
fieurs fois que les poflefieurs de biens qu'on pré-
tendoit appartenir au domaine , y dévoient être
maintenus , lorfqu'ils établifloient une PofTeftîon
centenaire. C'eft ce qu'attefte Chopin dans ion traité
du domaine.
Et Bacquet dit, dans fon traité de déshérence,
5) qu'il eft certain que la Pofleftlon immémoriale
» eft reçue contre le roi en tous héritages &
» droits dominaux, nonobftant la déclaration de
H 1539 5J.
Pour preuve de cette aftertion , l'auteur cité
rapporte un arr.lt du 10 décembre 1548, par le-
quel le parlement de Paris a vériné un édit qui
1-) enjoint à tous les prétendans droit de Péage en
)j la rivière de Loire , de vérifier leurs titres , par
3) lequel arrêt de vérification la cour déclare qu'elle
•)■) n'entend déroger aux pcrmifiîons de la preuve
» de temps immémorial , oftroyées par édit du
)> roi Louis XII, concernant les péages de ladite
» rivière >».
Salvaing , dans fon ufage des fiefs, pourprouver
pareillement que la déclaration de 1539, qui re-
jette la PofleiTion centenaire , n'eft pas obfervéecn
Dauphiné , cite une déclaration de Henri II , du
14 août 1556, par laquelle , fur les plaintes des
hahitans de cette provine , que les ofHciers chargés
de la recherche des domaines inquiétoient , contre
la diipofition du droit écrit obfervé en Dauphiné,
les poftefteurs qui avoient en leur faveur la Poftef-
Con centenaire , ce Prince ordonna que les procès
feroient jugés fuivant le droit , comme auparavant.
Loifel a établi une maxime ainfi conçue : Contre
le roi ri y a prejcriptinn que de cent ans.
Lefevre de la Planche foutient au contraire,
dans fon traité du domaine , que la déclaration de
1 539 , qui ne donne aucun effet à la Poffeffion cen-
tenaire en matière de domaine , a toujours dû être
exécutée. Il obferve que fi les auteurs dont on
vient de parler ont admis contre le roi la Poffef-
fion centenaire , 'plufieurs autres , & entr'autres
M. le Bret dans fon traité de la fouverainté , l'ont
rejetée. Cette jurifprudence eft d'ailleurs établie
par l'édit du mois d'avril 1667. Cette loi porte ,
que tous les domaines aliénés à quelques perfon-
nes , pour quelques caufes & depuis quelque ttmp%
D d
eia POSSESSION.
'çwe ce foit , à l'exception des dons fairs ?.ux é.;!ircs,
apannges & échanges , feront réunis nonobjlant toute
prétention de prefcription & efpace de^ temps pendant
lequel les domaines & droits domsni.iux en pourroient
gyoir été féparés.
De la PoJJeJJlon en matière bénéficiale.
On appelle PoJfeJJion annale, la PcfTeflion du
bénéficier qui jouit paifiblenient depuis un an de
fon bénéfice.
Cette Poffeflîon fe compte du jour de l.i prife de
Poiïeflîon du bénéfice , & doit être paifible Ôf non
interrempue par aucun exploit.
Elle donne droit au pourvu de demeurer en
PofTefnon du bénéfice , jufqu'à ce que le pétitoire
foit jugé.
TtUe efl la teneur de la règle de chancellerie
romaine , appelée règle de annali pojj'ejjore.
Ctrre règle étoit obfervée en France du temps de
RcluîfFe 6<. d: Dumoulin; mais préfentement elle
n'y cft i.ihis fuivie, ik il n'y a point de provifions par
dcvolut dans lefquelles on ne déroge à cette règle;
& quand la dorognrion ne s'y trouveroit pas nom-
mément exprimée , elle y feroit toujours fous-cn
tendue.
On appelle Pofiljfion triinn<rle , celle d'un béné-
ficier qui a poliédé paiGblement 8i avec un titre
coloré pendant trois années confécutiyes & non
interroni;nijs.
Cette Pofleiïion opère en fa faveur une pref-
cription qui le rend poiTeffeur paifible, tant au pof-
feiToirc qu'au pétitoire.
L'exception réiiiltante de la Poiïbfîion triennale ,
a lieu pour les bénéfices confiftoriaux , de même
que pour les autres.
Si celui qui a la PofTefnon triennale cû troublé
par quelqu'un prétendant droit au bénéfice, il
obtient en chancellerie des lettres appelées de pa-
cifîcis pojfejforibus , par Itfquelles le roi ordonne au
juge de maintenir l'expofant , s'il leur appert qu^il
foit en polk'fîlon plus que triennale.
Au moyen de ces lettres , il excipe de fa PolT^f-
fion & de la règle de triennale PolTefiîon , ou de
paciftcis pujfejj'jrïbi/s , qui efl: du pape Paul III.
Ceux qui font intrus ne peuvent, quoiqu'ils nient
pofTèdé paifiblement pendant trois années , fe fervir
de la règle de pacficis , parce que le temps n'efface
point le crime.
11 en eft de même de celui qui eft coupable de
fimonie.
On tient néanmoins qu'il en eft autrement de
celui qui eft entré dans un bénéfice avec irrrgu-
larité , parce que ce cas n'eft pas excepté de Ja
règle de pacifias.
La PoiTeffion triennale d'un bénéfice pour lequel
en eft en procès , s'acquiert lorfque le colitigani a
difcontinuè fa procédure pendant trois ans ; mais
elle ne court point dans le cas de l'appel comme
d'abus , parce que l'abus ne fe couvre pas.
Powr interrompre h Poffeâioii triennale , il faut
POSTE.
qu'il y ait eu afllgnation donnée nU po/TefTeur,'
jfu'en conféquence les parties fe foient communi-
qué leurs titres & capacités , & que les délais éta-
blis par les ordonnances , avaRt d'entrer dans la
véritable contefîation, foient expirés.
L'interruption civile ne fufpend la Pofieffion
triennale qu'à l'égard de celui qui a fait le trouble,
& non à l'égard d'un tiers ; mais l'interruption
naturelle & la dépofteirion fervent à tous les cort-
tcndans.
La PcfTcfTion triennale a'efl pas interrompue par
la réfignation, lorfque le réfignant rentre dans (on
bénéfice par la voie du regrès , parce que fa Poffef-
fion eft toujours fondée fur le même titre.
foye^ les loix civiUs de Dorrut ; Argou , inpitu-
rion au droit françois ; les œuvres de Dumoulin (S*
celles de Pothier ; le Bret , traité de la fou^ eraineté ;
Salvaing, de l'ujage des fie fs J Lefevre de la Planche ,
traité du dom.iine ; B acquêt , traité de la déshérence ;
la prag;t:atique faiiHim ; les loix eccléfij(Uques de
d"" Héncourt ; le recueil de jurifprudence canoniaue ,
&c. Voyez les art clés Prescription , COiM-
PLAINTI- , RÉîNTÉGRANDE , PuiSE DE POSSES-
SION , &C.
POSTE. Établifîement au moyen duquel on
peut faire diligemment des courfes & des voyages
avec des chevaux difpofés ordinairement de deux
lieues en deux lieues.
La nécefiité de correfpondre les uns avec les
autres, & particulièrement avec les nations étran-
gères , a fait inventer les Poftes.
Il n'eft pas aifé de fixer l'époque de cette inven-
tion chez les Roniains : mais il eft à préfumer que
comme Augufte fiit le principal auteur des grands
chemins , c'eft auffi lui qui a donné commencement
aux Poftes romaines , Si qui les a affermies Sué-
tone , en parlant de ce prince , dit que pour faire
recevoir plus promptement des nouvelles des d.f-
ferens 'endroits de fon empire , il fit établir des
li>gemens fur les err.nds chemins , ovi l'on trouvoit
de jeunes hommes defiinés aux Pofies qui n'étoienr
pis éloignées les unes des autres. Ces jeunes gens
couroicnt à pied avec les paquets de l'empereur,
qu'ils portoieDt de l'une des ftations à la Pofle pro-
chaine , où ils en trouvoient d'autres tout prêts à
courir, &, de mains en mains, les paquets arri»
voient à leurs adrefTes.
Peu de temps aprè';, le même Augufte établit
d;:s chevaux Si des chariots pour faciliter les expé-
d fions. Ses fucceifcurs continuèrent le même éta-
bliffement Chaq.îc particulier contribuoit aux frais
des réparations des grands chemins & de l'entre-
tien des Poftes , fans qu'aucun s'en piàt difpenfer ,
pa* même les vétérans ; les feuls officiers de la
chambre «îu prince, appelés prap^fiti Jacri cubi'
cuit . en furent exemptés.
A regard des Poftes de France , il ne fe trouve
que Bien peu de chofe avant le règne de Louis XI.
Bergier, qui avoit fait. des recherches immenfes
kn cet objet , dit qu'il ne fait rien ià dcffus, ûnoo
POSTE.
Î[îie vers Tan 807 Charlemajne ayant réduit CoilS
on empire l'Itaiie , l'Allemagne , Se partie des Ef-
pagnes, établit trois Portes publiques pour aller
à ces trois provinces, & pour en venir avec célé-
riié , & que ces Portes s'entretenoient aux dépens
du peuple. Il y a apparence que les Portes furent
négligées & même abandonnées fous le règne de
Lothaire, Louis & Cbarles-le-Chauve , fils de Louis-
Îe-Débonnairc & petits-fils de Charlemagne ; d'au-
tant plus que , de leur temps , les terres de ce prince
furent divifées en trois, ôi. que par ce moyen l'Ita-
lie & TAllemagne furent féparées & dirtraites de
ia France.
Le roi Louis XI , fut , en France , le premier qui
rendit les Portes ordinaires & perpétuelles.
Les réglemens concernant les Portes aux clie-
vaux , & notamment l'édit du m©is de mai 1597 ,
les lettres-patentes des 2 feptembre 1607 & 18
août 1681, Se l'oidonnance du 28 juin 173 i , ont
fait défenfe aux loueurs de chevaux , & à tout au-
tre particulier , de fournir des chevaux & d'en
établir en relais pour aller le train de la Porte, foit
achevai , foit enchaife , Se dans d'autres équipages,
avec gens pour les guider ou pour ramener les che-
vaux fur les routes où les Portes font établies.
Les diftérentes contraventions des loueurs de
chevaux à ces réglemens, & l'intérêt qu'a le pu-
blic à ce que les maîtres de Portes & les fermiers
des mertageries ne foient point, par les atteintes
portées à leurs droits & privilèges , privés des
ftioycns de fourenir un fervice fouvent difpendieux,
& qui mérite d'autant plus de faveur , qu'il n'efl
pas moins important pour le fervice du roi que
pour celui des particuliers & pour l'avantage du
commerce, ont fait rendre l'ordonnance du 26 août
1779 * ^"> * renouvelé les défendes dont on a parlé ,
^ y a ajouté. Elle porte ce qui fuit :
» Sa majerté a fait & fait ttès-exprert"es inhibi-
Ji tions & défenfes à tous loueurs de chevaux,
»> hôteliers & autres particuliers , de qiîclque qin-
3> lité & condition qu'ils puirtent être, de fournir
5> des chevaux pour aller le train de la Porte , foit
" à cheval , foit en chaifes, ou dans d'autres cqtii-
» pages, avec gens pour les guider ou pour ra-
» mener les chevaux fur les routes où les Portes
» font établies , mais feulement pour aller le pas
>» ou le trot & fans guides , & fans qu'ils puifTent
» avoir aucuns relais ni portillons portant des vertes
w bleues, telles qu'en ont ceux de la Porte, éic
» après avoir préalablement pris , au bureau des
>» mert'ageries , un permis , & en avoir acquitté les
>» droits , conformément aux arrêts du confeil des
}■> 7 août 1775 ^ ^3 janvier 1777, par lefqtiels los
)> droits de pcrmiffion font fixés , pour être payes
j> par lefdits loueurs de chevaux, en proportion
i> du tcrrein qu'ils parcourent fur les routes derter-
« vies par les diligences ou voitures de mertage-
» ries ; le tout à peine de confifcation des chevaux ,
» felles , harnois , équipages , & de trois cens livres
>» d'amende contre ceux à qui ils fe trouveront ap-
POSTE. 211
1> partenir. Si qui contreviendront à la préfeiito
» ordonnance , au profit des maîtres de Porte qui
» auront faifi & arrêté lefdits chevaux & équipages
5> en contravention : & pour l'exécution de la pré-
« fente ordonnance , mande & ordonne fa majeflé-
n à tous gouverneurs & lieutenans généraux en
» fes piovinces, gouverneurs particuliers & com-
» mandans de fes villes & places , intendans &
» comrairt'jires départis efdites provinces , de tenir
» la main chacun ei» droit foi , & donner les or-
» dres nécertaires pour l'exaéle cbfervarion de la
» préfente ordonnance, qui fera publiée ik afiichée
» par-tout & ainfi qu'il appartiendra, à ce que per-
» fonne n'en ignore. Fait, Sec. ».
Divers réglemens ont attribué aux maîtres de
Portes l'exemption de colleéle , tutelle, curatelle ,
logement de gens de guerre, corvées & autres chai -
ges publiques ; enfemble l'exemption de la taille
perfonnellc & autres impofitions acceflbires de cet
impôt, à raifon de leurs facultés perfoiinelles, com-
merce Se indurtrie , ainfi que le privilège d'exploi-
tation en exemption des biens fonds à eux npparte-
nans , qu'ils font valoir par eux-raèmes, ou qu'ib
tiennent à ferme (i).
(i) C- dernier prhilcft a ê:é fup.^nmé r^! ::rivcmenr d quel-
ques m-.itres de Po^e d la g^n.'rjlitc de KJùulin^ , par des let-
tres ^'.T.ntei dti ï5 feptembre 17-j , enre^ijlrces d la crur des
aides le 3 icceinh?. fuiva' t , qui mt fui'jlic te d c pn'viZ:'ve vne
gratifie •'.en en a'p'tii. Voici ces lettres fctentes :
Louis, ^c. .Salut. Nous fomines irifcimés que les maîtres
de Po.'les établis far les routes d'Autun à Limoges , &: de Li-
moges à fjerni'jnt, ne font (lus en é .it de foutenir le fetvice,
^: pourroieni être obligés de J'jbandonner , attendu que ces
routes font peu fiéquentées pendant les deux tiers d; l'an-
née; &.' délirant leur faciliter les moyens de continuer leur
ferv'ce Tir une toute siii/i iritcrcfTante , nous avons penlc
qu'en accordant à chacun defdits niaitres de Pofte une j;ta-
tification annuele par forme d'indemnité , nous 7 trouve-
rions le double avantage de rendre plus égal le iraitenicnt da
ces maîties de Pofte, &: de faire cellcr le privilège d'exp'oita-
rion en exempticMi de taille , qui leur étoit accordé , &r donc
la plupai t d'entre eux ne font pas à pofée de jouir pat le dé-
faut de fonds à eux appartenans , ou de ferme qu'ils puilTent
exploiter. Ces gratifications feront bien moins à chatge aux
paroifles où les Poftes font établies , que l'exemption de
taille d'exploitation , parce que l'impotltion nccefa'ie pour
payer les gratifications fera répartie fur un plus grand nombre
de connibuables : à quoi nous avions pourvu par airct rendu
Je Ji juillet dernier en notre confei. d'ttar, nous y étant,
pour l'exécution duquel nous avons o-donné que toutes let-
tres néceflaircs feroient expédiées. A ces caufes, de l'avis de
notre confeil , qui a vu ledit arrêt , dont expédition cil cî-
attachée fous le contre-fcel de notre chancellerie ,& , con-
formément à icelui , nous avons ordonné , & par ces préfen-
tes lignées de notre main, ordonnons ce qui fuit :
Article i. Les maîtres de Pofte de Luzy , Gannat, Che-
vagne , Souvigny, la Pierre-percée , le Monter-sux-Moines ,
Montn aialut, Eoytt, Mont!w«,cn, la Maidslc-Son , Parlât,
Ajain , Gueret , la Chapelle-Taillcfer , le Dogncn £v Sau-
viat , établis dans la génétalité de Moulins , fur la grande
route de Bourgogne à Limoges, ainfi que ceux de Chaibon-
jn'er , Aubuflbn , Lepoux & la Villeneuve, établis fur J«
route de Limoges à Clerraont , jouiront de l'exemption Je
collede, tutè.'e , curatèle, logement de gens de guerre,
corvées & autres charges publiques, enfeinMe de l'cxemptio^
Ddi}
211 POSTE.
Par anôc rendu contradi-Roirement r.u confeil ,
d'état le 15 mars 1740, entre le fieur Laurent
BouUé, direéîeur de la Porte à Arpajon , les col-
Icdîurs & les habitans du même lieu , le roi a or-
donné l'exécution des édits , déclarations & arrêts
de fou confeil concernant les Portes ; en confc-
quence , que ledit Boullé , en fa qualité de direc-
teur des Portes , jouiroit de l'exemption des tailles
8i autres im^jofitions de la ville d'ArpajoUj & que
les fommcs de trente livres pour la taille , & de
fix livres pour l'urtenfile, auxquelles il avoit été
impofé en 1739 , lui feroiem rertituèes , & fe-
roient rcinipofées Tannée prochaine fur les habi-
tans de la même ville. Sa majerté a en mêine-
temps fait défcnfe d'impofer à l'avenir ledit Boullé ,
tant qu'il feroit dirc-teur des Portes,
Par arrêt du confeil du 8 août 1768 , revêtu de
lettres-patentes enregirtrées à la cour des aides
le 7 décembre fuivanr , il a été ordonné que tous
les maîtres de Portes du royaume, fans excep-
tion , feroient tenus , pour jouir des privilèges
& exemptions à eux accordés, de faire cnregit-
trer leurs brevets aux greffes des élcélions , &:
in U iaiJle pcrfonncJle &: auties im^-olitions accciroircs de la
ôice iropofuioxi , à caifon feuleinen: de leurs facultcs pjifon
nulles, commefce & indulhie , fans iya'Us puincnc pràcndie
)c privilège d'exploitation en exemption des biens-fonds à
euîi appartcnans qu'ils feroient valoir par eux mêmes , ou
qu'ils tiendroient à ferme , lequel ptiyiK-ge demeurcia ôteint
Je fuppiimé.
1. Pour indemnifcrlefdits maîtres de Pofle de la non jouif-
fancc de partie de leurs piiviicges fupprimcs , il leur fera ac-
cordé en templacamcnt & en condderation de ce qu'ils ne
jouiflcnt d'aucuns gages , une gratification annuelle de cent
livres pat lieue qu'ils auront à defTervir de chaque côté , de
façon que celui dont les deux Foies au-delTus & audelfouj
de la tienne font à la ditlance de deux lieues , icccvra pat an
v-juatrc cents livres de gratification : fi une des deux Toftes
voifines cil à trois lieues , fa gratihcation fêta de cinq cents
livres , & ainli toujours à proportion , en augmentant de
cent livres par chaque heure de plu» qu'il aura a deflervir de
part ou d'autre.
5. Ladite gratification fera payée de fix mois en (îx mois à
chacun defdits maîtres de Pofte , fur les ordonnances qui
leur feront .i cet effet di livrées par le fieur in'endant& coin-
miffaire départi pour l'exécution de nos ordres en la généra-
lité de Moulins; à l'effet de quoi le montant en fera impofé
chaqae année , à commencer l'annce prodiainc 1780, fur
teus les habitans taillables des cicéiions de Moulins , Mont
Juçon , Evaux & Guerct.
4. L'impofirion defdites femmes, enfemMe du fou pour
livre pour frais de recouvrement, fera comprife chaque an-
née dans le fécond brevet de !a taille , & les receveurs géné-
raux de nos finances de la généralité de Moulins, en compte-
lont, chacun dans l'année de leur exercice, paxdevanr ledit
lietjr intendant & commifTaire départi peut l'exécution de nos
crdres dans ladite genéra'ité , & enfuite en notre confeil , par
état au vrai , lequel fêta accompagné des pièces julHhcatives
de la recette Se de la dépenfe.
)-. Seront lefdits maîtres de Pofle taxés d'office par ledit
fieur intendant &: commilTaire départi pour l'exécution de
nos ordres dans la généralité d« Moulins, ppur les biens
qu'ils feront valoir , fur les états détaillés & cettifiés d'eux,
qu'ils remettront audit fieur intendant Se commifîaire départi ,
a l'effet de proportionner Jefdites taxes d'office à l'cxploica-
jion defdi($ biens. Si vous mandons , &:c.
POSTE.
dans les pays d'états & autres provinces eu il n'y
a point d éle(ftion , aux greties des fu:ges royaux
dans l'éxndue defquels leurs Portes &i biens pro-
pres ou à ferme feroient fitués , fans qu'on pût nen
exiger d'eux pour cet enregirtrement.
Les ordonnances du roi des 3 février 1700, 5'
mars 1716, 28 janvier 1722 , & 13 mars 1724,
ont défendu aux maîtres des Portes de Paris ik des
endroits où le roi fait fa réfidence , Se à douze lieues
à la ronde, de donner des chevaux de Porte ai;x
courriers venant de cette ville ou de ces endroits,
fans un ordre.
S'.fivant l'ordonnance du 28 novembre 1756 ,
les voitures tnontées fur deux roues ayant bran-
card , celles qi;i font montées fur quatre à un feul
fond ayant limonière, ne peuvent être chargées fin-
ie derrière de plus de cent livres , &: fur le devant ,
de plus de quarante livres.
Tout courrier , courant à franc étricr , ne pev.t
faire porter au cheval qu'il monte , que ce que peu-
vent contenir les poches de la felle.
Les courriers en guide ne peuvent tranfporter
avec eux aucune rnalle de bois , mais feulement
un porte-manteau de cinquante livres au plus ;
encore doit-il être porté en croupe par le poflillon.
Tout courrier à franc-étrier qui n'accompagne
pas une voiture , doit avoir un portillon monté pour
lui fervir de guide.
Un portillon peut conduire cinq courriers à
franc-étrier; s'il y en avoit fix, il faudroit deux
portillons.
11 doit être payé autant de chevaux qu'il y a
de perfonnes dans les voitures , derrière ou defl'us
le fiége, & de portillons employés à les conduire,
foit que les chevaux puifient y être attelés , ou que
cela ne foit pas portible , .t moins qu'ils n'aient pas
pu être fournis par le maître de la Porte. Dans ce
cas , il ne peut exiger le payement que des chevaux
qu'il a employés.
Les voitures montées fur deux roues ayant bran-
card , & qui font chargées d'une perfonne, doi-
vent être conduites par un portillon Si attth-'es de
deux chevaux.
Lorfqu'elles font chargées de deux perfonnes ,
elles doivent être conduites par un portillon , ik
attelées de trois clievaux.
Si elles font chargées de trois perfonnes , elles
doivent être conduites par un portilh'U ; Si quoi-
qu'on n'y mette que trois chevaux , i! doit en être
payé quatre. On n'y met pareillement que trois
chevaux pour quatre peribnnes , & il doit en être
payé cinq.
Il eft défendu aux maîtres de Porte d'exiger le
payement d'un troilième cheval fur une chaife
fimple , chargée d'une perfonne feulement, à
moins qu'il n'y foit autorifé par une ordonnance
particulière.
Obfervez que les ordonnances particulières ne
font que pour l'année ou pour fix mois feulement.
Celles qui ne font que pour fix mois s'exécutent
POSTE.
ordinairement depuis le premier novembre jiif-
qu'au premier mai.
Aucun cabriolet chargé d'une Icule perfonne ne
peut ôtre attelé de plus de deux chevaux , eynduits
par un poftilloii.'
Les voitures ayant timon , qui font montées fur
quatre roues Se chargées d'une ou de dtux per-
fonnes, doivent être attelées de quatre chevaux ,
conduits par deux portillons.
On n'y met pareillement que quatre chevaux
pour trois perfonaesi mais on ei\ obligé d'en payer
cinq.
Si ces voitures font chargées de quatre perfon-
nes , elles doivent être attelées de fix chevaux,
conduits par deux portillons. S'il y a cinq perfon-
nes , on ne met que le même nombre de chevaux ;
mais on eft obligé d'en payer fept.
Lorfqu'elles font chargées de fix perfonnes, elles
doivent être attelées de huit chevaux , conduits par
trois portillons , & l'on doit payer neuf chevaux.
Les voitures montées fur quatre roues , ayant
un feul fond ik liinonière , ik. qui font chargées
d'une feule perfonne, ou de deux peifonnes fans
malle , doivent être attelées de trois chevaux , con-
duits par un poltiUon.
Si ces voitures font chargées de deux perfonnes ,
avec malle & ports-manteau , elles doivent être
attelées de quatre chevaux , conduits par deux pof-
tillons. On met pareillement quatre chevaux pour
trois per(onnes , & l'on en paye cinq.
Quand ces voitures font chargées de quatre per-
fonnes, elles doivent être attelées de fix chevaux ,
conduits par deux poiUUons.
Il doit être payé dans toute l'étendue du royau-
me, avant de partir de la Porte, par toutes fortes
de perfonnes , de quelque qualité & condition
qu'elles foient , vingt-cinq fous par Porte pour
chaque cheval , de quelque manière qu'il foit
employé.
À l'entrée & à la fortie des villes de Paris , de
Lyon ôi de Veri'ailles , m.éme pendant i'abfence du
roi, la première Forte fe paye double, en obfer-
vant toutefois qu'on ne doit payer que trois Portes
de Paris à "Verfailles , & de Verfailles à Paris.
A l'entrée &. à la fortie des lieux où le roi fait
un féjour momentanée , la première Porte fe paye
double ; mais à compter feulement depuis l'heure
de minuit qui fuit le jour oîi le roi eft arrivé , & juf
qu'à minuit après le jour qu'il en ert parti. Cela ert
iiinfi réglé par l'ordonnance du 25 juillet i/^y-
Suivant l'ordonnance du 8 décembre 1738, les
•portillons feuls peuvent conduire les chevaux de
Porte : nul courrier ne peut les remplacer par
fes gens.
Les anciens guides font de cinq fous par Porte
pour chaque portillon ; mais il ert d'ufage de leur
"payer einq fous déplus.
Outre ces guides , l'ufage s'eft établi de payer
vingt fous de plus à la Porte de Paris à Verfailles ,
POSTE. II.;
& de Verfailles :; Paris ; & quinze fous aux Fo^'cc'^'
de Paris Si de Veifailles, à toutes les Pcrt;s où elle*
conduifent , ainfi qu'aux Portes des lieux où le rt^i
fait un féjour momentané.
Les courriers n'.unis dun ordre particulier tût
minirtre qui les charge de fes dépêches, doivent
jouir des prérogatives des Courriers du cabinet ,
en repréfentant l'ordre dont ils font porteurs aux
maîtres des Fortes ; en confjquenco , ils ne font
tenus de payer que trente fous par Porte pour Uiir
cheval & celui du portillon ci;i les accompagne ,
indépendamment des guides. Cela ert ainfi éiah'i
par les ordonnances des 8 décembre 1738, Si 17
feptembre 1761.
D'autres ordonnances des % février 1742.3»: : •■;
oflobre 1764, ont défendu aux maîtres des ï-'orte.v
de conduire les courriers plus de quatre lieues dans,
la traverfe : ils ne font même autorifés à conduire
à cette dirtance qu'autant que le fervice de Li
grande route ne peut en foufirir.
Les châteaux fuués à proximité des grandes rou-
tes , doivent être fervis par les Portes les plus voi-
fines. Cependant les courriers qui vont pour quel-
ques heures dans un château , peuvent y garder
pour leur retour les chevaux qui les ont amenés,
à la charge de payer la dépenfe ou rafraîchiffe-
ment des chevaux. Ceux qui s'arrêtent plus long-
temps au château , ou qui y couchent , font tenus
d'envoyer clicrcher des chevaux à la Porte la plus
prochaine du lieu.
Les maîtres des Portes frontières ne doivent con-
duire aux Portes étrangères qu'en fe faifant payer
d'avance & en monnoies étrangères. C'ert ce que
portent plufieurs ordonnances de 29 février 1740,
premier juillet 1746, 18 juin 1758, &, 57 teyfier
1762.
Quand des courriers arrivés par la Porte , l.t
quittent pour s'embarquer fur les rivières, le fer-
mier des coches ou diligences d'eau , ou le bâte*
lier des villes dans lefquelles les Portes font fituées ,
ne peut embarquer ces courriers qu'en payant aux
maîtres de Porte trois livres pour chaque per- •
fonne, foit maître ou domeftique. Et l'on répute
courriers , ceux qui embarquent des berlines ,
chaifes , felles ou bottes. Cela eft ainrt réglé par les
ordonnances des 19 août 1735 & M *'vil 1746.
Une autre ordonnance du 6 décembre 1736,
défend à tout courrier d'enlever , par rufe ou par
violence , les chevaux deftinés au fervice de la
malle , ou ceux que les maîtres de Porte ont ordre
de réferver.
Les courriers à franc-étrier ne peu\^nt fe fervir
de brides à eux appartenantes.
Ils ne doivent pas non plus, quand ils font en
guide, palier devant le portillon, & il eft dé-
fendu à tout maître de Porte de donner des chc"
vaux aux courriers & guides qui arrivent à leur '
Porte , avant que le portillon qui doit les con-
duire ne foit arrivé, n'ait reconnu les chevauj;.
1T4 POSTE.
en état , & n'ait déclaré la courfe & les guides
payés.
Lorfque des courriers accompagnent une voi-
ture, ils ne peuvent la précéder que d'une Pofte.
Il leur eft détendu de partir, Ôc aux maitres des
Portes de les laiffer partir avant ^ue la voiture qu'ils
«nt précédée ne foit arrivée au relais.
Il eft pareillement défendu aux courriers de frap-
per ou de fouffrir que leurs domeftiques frappeiu
aucun portillon, 8c de fouetter ou faire fouetter
les chevaux , & en général de commettre aucune
violence dans les Portes , fous peine de défobéif-
fance aux ordres du roi, & de répondre en leurs
propres & prives noivs des dommagas qui pour-
roient réfulter de ces fortes d'excès.
Les pofiillons qui donnent lieu aux courriers de
porter contr'eux de jurtes plaintes , doivent être fé-
vèrement punis après qu'elles ont été vérifiées,
Les maîtres de Portes ae peuvent être contraints
cl fournir des chevaux pour être attelés à une voi-
ture avec d'autres chevaux que ceux employés au
fervice de la Porte.
Les courriers ne peuvent forcer les portillons
à paffer au-delà d'un relais, encore ert-ce dans
le cas où il n'y auroit pas les chevaux nccertaires
à la Porte , & après que ceux qui doivent paiTer
ont rafraîchi.
Dans le cas où les portillons ne trouvent à
la première Porte où ils amènent un courrier ,
qu'une partie des chevanx nécertaires pour les
relayer , ils doivent , après avoir fait rafraîchir
ceux de leurs chevaux qui font en état de paf-
fer, les faire courir avec ceux qu'ils ont trouvés ,
& chaque cheval doit être conduit par fes pof-
lillons.
Dans les momcns où le nombre des courriers
excède celui des chevaux dertinés à les fervir , il
ert permis aux portillons, lorfqu'ils fe rencontrent
à moitié de leur courfe , de changer les chevaux ;
ce qui ne peut avoir lieu fans le confentement des
courriers.
Les courriers doivent être fervis dans les Portes
conféquemment à la date de leur arrivée ou de
celle de leur avant-courrier, quand ils en ont un
qyi les précède.
Deux voitures attelées d'un même nombre de
chevaux ne peuvent fe pafier ; elles doivent mar-
cher dans Tordre ou elles font arrivées à la Polîe.
Dans le cas où les chevaux d'une Polie fuffi
famment fournie , font en courfe , le maître de
Porte n'ert pas obligé d'en louer pour faire le fer-
vice des courriers qui arrivent ; & ces derniers doi-
vent attendre que les chevaux foient de retour &
bien rafraîchis.
Il ert défendu aux maîtres de Porte de fe fervir
de portillons âgés de moins de fsize ans.
Les portillons ne peuvent quitter leurs maîtrss
fans les avoir avertis au moins quinze jours aupara-
vant : il eft défendu à tout maître de Porte de rece-
voir à fon fervice aucun portillon , qu'il ng foit
POSTE.
; muni d'un certificat du maître qu'il a quitté.
Les droits de péages, bacs, barrières & pontS,
font à la charge des courriers , indépendamment dn
prix des courfes.
Toutes ces règles font établies par différentes or-
donnances des 29 janvier 1676, lO juillet , 1720,
8 décembre 1738, 28 novembre 1756, &c.
Par arrêt rendu au confcil d'état le 18 noyem-
bre 1780, le roi a fait entre la régie des meffage-
ries , oi les maîtres de Porte aux chevaux , un rè-
glement qui ert ainfi conçu.
« Vu par le roi étant en fon confeil , l'arrêt ren-
» du en icelui le 7 août 1775 , qui ordonnne l'é-
'> tabliffement des diligences en Pofle , & celui
» 17 aoilt 1776, concernant les mertageries , par
» Icfquels il a été, entre autres chofes, ordonné
» qu'il fcroit fourni par les maîtres de Poftc fix
» chevaux en été , &. huit en hiver , pour la con-
» duite des diligences à huit places , & quatre che-
» vaux en tout temps pour celles à quatre places:
» mais comme ces régleraens n'ont pas déterminé
» le nombre des chevaux qui feront employés fur
» les diligences à fix places , ce filence a donné
» matière à quantité de contert.ations qui fe font
" élevées entre les maîtres de Porte & le régif-
» feur général de» mertageries ; pour les préve-
)> iiir, fa majcrté a jugé nécertaire d'expliquer fes
» intentions. A quoi voulant pourvoir , oui le r?.p'
» port; le roi étant en Con confeil, a ordonné ik
» ordonne , qu'à l'avenir, & à compter du jour de
» la publication du préfent arrêt , il fera fourni
)) par les maîtres de Porte qui delTervoient des di-
» ligences à fix places , quatre chevaux , pour le
» fervice defquels il leur fera payé, toute l'année ,
» cinq chevaux 8c les guides d'un portillon, lorf-
» que dans lefdites voitures il n'y aura que qua-
» tre voyageurs , & deux au cabriolet , non com-
» pris le conduâeur , & qu'elles ne feront char-
M gées que de douze cents livres pefant en mar-
» chandifes ; & fix chevaux Se les guides de deux
)» portillons , s'il fe trouve fur lefdites voitures
!> plus de quatre voyageurs en dedans, ik deux
» au cabriolet , non compris le coniufteiir , ou
5> plus de douze cents livres pefant en marchan-
» difes. Fait fa majerté très-expreiTes inhibitions &
« défenfes audit régirt"eur général des melTageries,
î> & à fes fermiers ou prépofés, de charger fur lef-
» dites voitures plus de quinze cents hsres pefant
n de marchandifes , à peine de répondre en leur
» propre & privé nom des accidens qui pour-
» roient arriver aux chevaux de Porte employés
» au fervice de ces voitures. Fait au confeij d'é-
j> tat du roi , fa majefté y étant , tenu à Verfaille»
» le dix-huit novembre 1780. 5ipe AmelOT ».
Suivant une déclaration du 25 feptembre 1742»
enregiftrée au parlement le 14 décembre fuivant ,
les courriers, commis, fafleurs , dirtributeurs ou
autres employés dans l'apport ou dans la dirtribu^
tion des lettres ou paquets envoyés par la Porte,
qui viennent à être convaincus de prévarication
POSTE.
<fti de larcin pour eux ou pour d'autres , en inter-
ceptant ou décachetant frauduleufement des le:-
trcs ou paquets , pour prendre les billets , lottr^;^
de change , lettres d'avis , quittances & autres ef-
fets , doivent être punis de mort : mais ceux qui
ont leulcment intercepté, fouflrait , ouvert ou dc-
cach.té les paquets, & retenu ou détourné les ef-
fets qui y croient renfermés, fans qu ils foient
convaincus (.l'en avoir abufé pour eux ou pour d'au-
tres , ne doivent être condamnés qu'aux galères
à temps ou a perpétuité , ou au bannifïement, ou
au blâme , félon 1 , qualité du fait & des circonf-
lances.
Un jugement fouverain rendu par des commif-
faires du confeil le 3 mai 1741 ,a condarnnéà mort
un commis des Pofîes qui s'etoit rendu coupable
de différens voiS , en ouvrant & décachetant plu-
freurs paquets contenant des effets qu'il s'étoit
appropriés.
L'iufendant général des Portes ayant repréfenré
au roi que les dilficultés que les employés de la
ferme générale élevoient contre les courriers qui
arrivoient aux barrières ou qui fortoient de lliôrel
des Portes dv Paris , retardoient louveut le fervice
du public; & les fermiers généraux ayant de leur
côté repréfenté que ces courriers faifoient journel-
lement la contrebande, en introduilant des mar-
chandifcs prohibées ou fujettes aux droits d'en-
trée ; fa majerté a jugé devoir prendre les mefures
nécert'aires pour artiirer le fervice des Portes & la
perception de fes droits, en fixant les bornes dans
lefquelles l'intendant général des Portes & les fer
jniers généraux doivent fe renfermer : en con'.é-
quence elle a rendu en fon confeil , le 27 feptem-
bre 1781 , un anél qui contient les difpofitions
fuivantes :
Art. premier. « Les courriers ne pourront char-
» ger dans les malles ou facs de route , dertinés
» au tranfport des dépêches , que les paquets qui
M leur feront remis par les dircéleurs des Portes,
T) fans pouvoir y introduire aucune efpèce de mar
» chandiffs prohibées ou fujettes aux droits , pour
» leur compte ou pour celui des particuliers, à
î' peine de confifcation defdires marchandifes &
» de cinq cents livres d'amende , & de dertitution
n en cas de récidive , laquelle fera ordonnée par
5> l'inienrlant général des Portes.
II. 57 Dans le cas où les courriers auroient dans
5» leurs brouettes & hors la malle & les facs de
>» route , à eux remis par le direfleur , des mar
» chandifes fujettes aux droits , ils feront tenus
■n d'en faire déclaration au bureau de la barrière
)> d'entrée , & d'y acquitter les droits , à peine de
» confifcation & de trois cents livres d'amende.
m. •> Les employés aux barrières feront la vi-
» fite dofdites brouettes , fans pouvoir demander
3> l'ouverture de la malle & des faca de route , fous
* peine de punition ; Se dans le ca^ où lefdites
» brouettes contiendroienr , hors la malle &. les
» lacs de route , des marckandiifes non déclarées
POSTE.
115
n ou prohibées , ils en feront la (df^Cic , & en drcf-
» feront procès-verbal , fans néanmoins retarder
» les courriers plus d'une demi-heure , à peine dô
Ti punition.
IV. :; Si le volume des malles leur donne lieu de
» foupçonner de la fraude , ils feront autori(-^s à
» ticcompagner la brouette jufqu'à l'iiôtel des Pof-
» tes ; &. il fera enjoint dans ce cas au courrier,
>» par l'intendant général des Portes, de n'aller que
» le pas , depuis ladite barrière jufqu'à l'hôtel des
» Portes , fans s'écarter du chemin ordinaire.
V. » A l'arrivée a Thôtel Jls Portes , les courriers
" remettront les malles à un commis prépolé par
» 1 intendant général pourles recevoir, & f e reti-
" reront. Le commis prépofé fera tenu de veiller
)> à ce qu'il ne foit rien détourné jufqu'au moment
» de l'ouverture , qui fe fera par l'intendant général.
VI. » Si , lors de l'ouverture , il fe trouve des
» marchandifes prohibées ou fujettes aux droits ,
" introduites par lefdits courriers, au préjudice
» des défenfes à eux faites , l'intendant général les
» fera remettre à la douane , avec le nom ôt la de-^
» meure du courrier , pour du tout être dreffl- pro-
» cès-vcrbal de faifie , en préfence dudit courrier ,
j» ou lui dûment fommé de s'y trouver ;"&; fera ledif
1» courrier dertitué par l'intendant général des Pof-
» tes fur la repréfentation des employés des fermes.
VU, » Les brouettes ayant été vifitées aux barrié-
" res, conduites à l'hôtel des Portes , & remifes au
" prépofé pour les recevoir, ne feront plus dans
'! le cas d'être vifitées ni arrêtées en fortant duJir
» hôtel par les commis des ferm^^s, finon dans le
» cas oLi les courriers partant s'écarteroient de la
'» route de leur deftination , jufqu'à la barrière par
" laquelle ils doivent fortir, & feroicnt quelques
» verfemens dans l'intervalle.
VIII. » Les contertations qui pourroient naître ,
» tant fur les fraudes qui feront conrtatées par pro-
» cès-verbaux , que fur l'exécution du préfent ar-
» rêt , feront portées par-devant le fieur lieutenant
» général de police, auquel fa majerté en attribue
» la connoirt'auce , èc icelle interdit à fes autres
" cours & juges , fauf l'appel au confeil >».
Le 4 juillet 17S0, le roi a rendu l'ordonnance
que nous allons rapporter concernant le fervice
des bureaux de la Porte maritime.
a *îa majerté ayant permis au fieur Loliot , par
)? arrêt de fon confeil du i4:!0Ût 1777, d'établir
» dans les ports qui font le commerce des colo-
5> nies . des bureaux libres pour la réception , l'en-
» voi Si la diftribution des lettres de France aux
» colonies , & des colonies en France ; & voulant
1) régler le fervice des bureaux , de manière a pro-
» curer la plus grande fureté dans la correfponr-
V dance, a ordonné & ordonne ce qui fuit:
Art, I. « Les armateurs , les négocians & les
n particuliers de tous états feront libres d'expédier
j» leurs lettres & paquets de papiers , ainfi qu'ils le
17 jugeront à propos , fans néanmoins qu'aucuns
V armateurs , négocians , courtiers ou autres , puiT-
2 16 POSTE.
5? fcnt, an préjudice des bureaux établis pour la
I» Pufle maritime, tenir des bureaux publics pour
V la léceptio.n , l'envoi & la diftribution des lettres,,
V ni aunoncer ou défigfier des facs ou cofîVcs de(-
." tinés à recevoir les lettres du public pour les co-
j; lonies.
a. 5' Les capitaines des navires feront tenus de
î» recevoir les facs ou coffres qui leur feront re-
^1 mis par les prépofés des bureaux avant leur dé-
î» part , dont ils donneront avis auxdits préporés ;
?' & feront lefdits coffres ou facs fermés & cachetés
■)■> du cachet dcfdits bureaux, par les diredleurs ,
3) qui en feront mention fur les regifircs fervantà
» infcrire les lettres.
3. " A l'arrivée des navires dans les jjorts dis co-
» lonies , lefdits capitaines feront remettre lefdits
r> facs ou coffies aux bureaux des Pofîes qui y font
3) ou feront établis par la fuite ; & les direileurs
■>■> défaites Portes chargeront à l'mftant leurs regif-
ji tr«s de ladite remife.
4. jy Les capitaines des navires en uferont dans
3) les ports des colonies , pour la réception des
3> facs ou coffres qui contiendront les lettres pour
" France , ainfi qu'il efl porté en l'article 2 pour les
jii expéditions de France aux colonies; &. à leur
V arrivée dans les ports du royaume , ils feront
j) remettre les facs ou coffres dont ils auront été
» chargés , aux bureaux de la Pofte maritime ,
33 qui fe conformeront à ce qui efl prefcrit par l'ar-
3) ticle 3.
<;. V Lefdits facs ou coffres feront placés dans le
iî lieu le plus fiir des navires, &. , autant que faire
" fe pourra , dans la chambre du capitaine.
6. 3» Les direéleurs des bureaux de la Porte mari-
?» time, & les dircéteurs des Portes dans les colo-
3' nies , joindront à leurs envois refpeflifs , des
»? lettres d'avis, dont ils garderont des doubles ,
V contenant les quantités des lettres & paquets de
>» papiers qui feront dans chaque coffre ou fac ,
)j lefquelles lettres d'avis les ^ireéleurs des bureaux
3) d'arrivée feront également tenus de conferver ,
»y pour les repréfenter en cas de befoin.
7. y Lefdits direfteurs , commis & faé^eurs , fe-
j3 Tont tenus de faire vifer leurs commiffions par
)> les fleurs intendans & commiffaires généraux de
>3 la marine ; fe réfervantfa majeflé de leur accor-
3» der , par des ordres particuliers , & d^s les
33 ports principaux feulement , les exemptions &
3; privilèges dont les détails de leur fcryice les ren-
V dront fufceptibles.
37 Veut au furplus fa mr-jeHé que les difpofitions
3« de l'arrêt de fon confeildu 14 aoiit 1777 , foient
33 exécutées félon leur forme & teneur , en ce qui
33 n'eft pas contraire à la préfente ordonnance , à
V l'exécution de laquelle mande fa majefié à mon-
57 feigneur le duc de Penthièvre , amiral de France ,
33 de tenir la main , en ce qui concerne les droits
3) de fa charge : mande & ordonne fa majefté aux
33 gouverneurs , lieutenans généraux, intendans &
5) ordonnateurs de fes colonies , aux intendans
POSTHUME.
n commiffaires généraux & commifiàires ordlnai-
3) res des ports &arfenaux de la marine en France,
'3 ou à ceux qui les repréfenteronr , de tenir la
» main à l'exécution de la préfente ordonnance.
33 Fait à Verfailles , &c. 3>.
Voyez l'article Lettre.
POSTHUME. Ceft l'enfant qui naît après la
mort de fon père.
Le Poflhume qui n'eft pas encore né , efl néan-
moins cenfé l'être , lerfqu'il s'agit de fon avantage,
& particulièrement dans les fucceffions.
il falloit, félon l'ancien droit romain , inflituer
héritiers , ou déshériter nommément les Poflhu-
mes ; mais par le droit du code , un Poflhume ne
peut pas être déshérité, attendu qu'il ne peut y
avoir en lui aucune caufe d'exhérédation.
Si des enfans vouloient procéder au partage des
biens de la fucceffion d'un père, dont la mère fe-
roit enceinte , il faudroit faire la portion de l'en-
fant à naître , & lui nommer un curateur pour dé-
fendre fes droits. Mais il efl, en cas pareil , plus à
propos de furfeoir le partage jufqu'à la naiffance du
Pofihunie, foit à cauie qu'on eft incertain s'il naîtra
vivant, foit parce qu'il peut fe faire que la veuve
accouche de piufieurs Fofihumes.
Loifqu'une veuve demande fur les biens de la
fucceffion de fon défunt mari une provifion pour
fon entretien & fa fubfiftance, à caufe de l'enfant
dont elle eft enceinte , on doit la lui accorder félon
la qualité des perfonnes ~& les biens du défunt.
Cela eft d'autant plus jufte , que cette provifion re-
garde l'enfant à naître , qui doit avoir part à l'hé-
rédité , & que l'humanité exige qu'on prenne même
plus de foin d'un tel enfant , que de ceux qui font
déjà nés,
Si des enfans d'un premier lit , ou à leur défaut ,
des héritiers du fang , venoient à contefler la légi-
timité du Pofthume , la mère ne feroit pas moins
fondée à demander, durant le procès, une provi-
fion alimentaire , qui pourroit même être deman-
dée auffi par le curateur du PoflhXime. Si d'ailleurs
le procès traînoit en longueur , les provifions pour-
rolent être augmentées relativement aux dépenfes
à faire , félon la qualité des perfonnes & la valeur
des biens. Cette jurifprudence eu fondée fur ce
que, dans une conteftation de cette nature , on
doit préfumer la légitimité de l'enfant, & que la
mère n'a point été infidelle à fon mari.
La prététition du,Pofthume dans le teflament du
ère , eff une raifon fufli.lmfe pour faire calTer ce
Der(
teflament, quand niênie le Poflhf.me feroit mort
immédiatement après fa naiffance.
Lorfquele Pofthume eft prétérit par fa mère ,
qui efî morte fans avoir eu le temps de change.r
Con teAament, on le tient pour inftitué, fi ce font
les autres enfans qu'elle a nommés héritiers ; mais
fi elle a inflitué des étrangers , on caffe le teftamcnt.
Voyei les lois civiles , le code & les injîitutes ,
& les articles Testament, Succession, Héri-
tier, &c.
POSTULATION,
POSTULATION.
POSTULATION. C'eft, en matière eccléfiaf-
tique,la prélcntation faite par ceux qui ont droit
délire , au fupérieur eccléliaftique, d'une perfonne
pour remplir une dignité vacante , avec une prière
à ce fupérieur d'accorder une difpenfe au préfenté ,
pour être pourvu du bénéfice auquel il ne pouvoit
être élu fuivant le droit commun.
Un clerc féculier ou un religieux profès d'un au-
tre ordre ne peuvent être élus abbés d'un monaflere;
mais on peut lespofluler, pourvu qu'il y ait une
caufe jufte & raifonnable, comme un mérite diftin-
gué de la paît de celui qui eft poflulé, & des talens
finguliers. On peut poftuler un clerc f;^culier, pour
le faire pourvoir de l'abbaye en commende.
Comme la Population ne doit avoir lieu que
quand le nommé a des défauts dont le fupérieur
a accoutumé d'accorder la difpenfe , û celui qi.i efl
poftulé cû. indigne de toute dilpenfe par fes mœurs
ou par fon ignorance , le chapitre doit être privé
pour cette fois du droit d'élire & de poftuler.
Quand réle6^!0n & la Poftulation concourent,
c'eft-à-dire, quand une partie des capitulans a élu
une peifonne, & qu'une partie a fait une Popula-
tion , il faut diftinguer trois cas différens. Ou il y a
deux fois plus de voix pour la Population que pour
l'éleâion , & alors la première doit être confirmée ;
ou il n'y a point deux fois plus de voix pour la Pof-
tulatioii , & alors l'éleclion doit prévaloir : ou il y a
deux fois plus de voix pour la Poftulation , mais le
poflulé tû indigne de la difpenfe ; & alors ni l'élec-
tion ni la Poftulation ne doivent fubfifter. Ctpend;.nt
û la plus grande partie de ceux qui ont fait la Poitu-
lation , favoit que le poftulé fiât indigne de la difpen-
fe , cette partie fe feroit privée elle-même, par le
feul fait , du droit d'élire & de poftuler , 8c VélcSïlon
faite d'une perfonne digne par la plus petite partie
du' chapitre, feroit confirmée. Ceft ce qu'a décidé
Innocent lli,cap.jcnp[um, extra, de eieRione & eUiî.
potcfl.
On ne doit pas fe fervir de ces formules , j'f7/.f
en poflulant ^ ou je polînk en él'iUnt , ou de celle-ci ,
je poftnie & j'élis , pour faire valoir le choix comme
Po/lulation, s'il ne vaut pas comme élcff ion ; car
l'une & l'autre de ces formules ne comprend ni ime
éleélion, ni une Poflulation. On peut cependant fe
fervir de la dernière , quand on doute fi la per-
fonne qu'on veut nommer doit être élue ou poflu-
lée , pourvu que celui qui cû nommé choififfe
entre l'éleSion Se la Pcfiulation , dans le temps
qu'il doit donner Ton confenteirent , fans qu'il
puiffe varier après avoir fait fon choix. Cela' eft
ainfi décidé par Boniface VIII , cap. unico. de Pof-
tuUt. in fcxto.
Lorfque celui qui pouvoit être poftnIc a été élu ,
l'éleélion cft nulle, fans qu'on puifîl,- la regarder
comme une Poftulation légitiir.e. Cette dèciiion cft
d'Honoré III, cap. &fi. extra, de Pojlulaiionc.
Toute Poftul;uion fimoniaque eft nulle , Se ne
donne aucun droit au pourvu fur le bénénce , même
pour la perception des ffuics ; il eft obligé do ks
TomtXUl.
POSTULATION- 117
reflltuer. C'cil ce que décide Paul II , cap. cufif
dcicjUbile exiravag. com. de funonïâ.
Postulation fe dit aufîi des fonéîions d'u n pro
cureur poftulant , de l'expofition qui fe fait devant
le juge , des demandes & des défeiifes des par-
ties, Ôic.
Chez les Romains , il y avoit certains particu-
liers qui étoient exclus de la Population; favoir,
un mineur jufqu'à l'âge de dix-neuf ans , im fou ou
un imbécile , wcv muet , un aveugle , celui qui étoit
afHigé de quelque autre infirmité , un prodigue ^
celui qui avoit été condamné publiquement poi;r.
calomnie , un hérétique , un infarne , un parjure
celui qui avoi: été interdit par le juge de la faculté
de poUuler , celui qui s'étoit loué pour combattre
contre les bétes.
L'avocat du fifc ne pouvoit pas poftuler contre
le fifc , ni les décurions contre leur patrie ; l'avocat
qui avoit rel'ufé fon miniftéie d'après mandement
du juge, ne pouvoit pas non plus poftuler.
On vou par ce qui vient d être dit , qu'a Rome
les avocats pyuvoient poftuler ; leur profeftîon en
elle-même étoit cependant différente ,& s'appeloit
pdCro.inium : il y avoit des procureurs ad litei , dont
l'emploi étoit finguUércment de poftuler & de faire
la procédure.
Parmi nous , la Poftulation eft totalement dif-
tinéle du miniftére des avocats , fi ce n'eft dans
quelques tribunaux , oii les avocats font en rnème-
temps la profefîion du procureur.
Dans tous les fièges oii il y a des procureurs
en titre, eux feuls peuvent faire la Poffulation. Il
eft défendu à leurs clercs & autres perfonncs fans
qualité , de (e mêler de Poftulation ; c'ell ce qui
réiulte de l'ordonnance de Charles 'VII de 14^5 ,
de celle de Louis XII de 1507 , de celle de Fran-
çois premier de i 5 10 , & de plufteurs arrêts de ré-
glemens conformes, notamment d'un arrêt du (>
feptembre 1670 , en conféquence duquel la com-
munauté des procureurs nomme tous les fix mois
quelques-uns de fes membres pour tenir la main à
l'exécution des réglemens. Cette commiftion eft ce
qu'on appelle la chambre de la Poftulation.
Quand ceux qui font la Poftulation font décou-
verts, on faifit leurs papiers , & leur procès leur
doit être fait à la requête de M. le procureur géné-
ral, pGurfuiie& diligence des prêpofés;5i: lorfqu'ils
fetroHvent convaincus d'avoir poftulé, ils font con-
damnés aux peines portées par les réglemens ,
ainfi que les procureurs qui ont ftgné pouf eux.
Un arrêt du parlement de Paris du 15 janvier
1675 » ^ ordonné l'exécution d'une délibération de
la communauté des procureurs , portant, que les
procureurs qui feroient convaincus d avoir figné
pour des poftulans, folliciteurs & clercs, feroient
interdits pour fix mois, ik condamnés par corps à
cinq cents livres de dommages & intérêts envers
les pauvres de la communauté , Se en cas de réci-
dive , interdits pour toujours & rayés de la matri-
cule , fans efpétance de pouvoir être rétablis ; &
2l8
POSTULATION.
que les frais qui pourroient avoir été faits par les
portulans , fous le nom de ces procureurs, ne pour-
roient erre repérés contre les parties , Si appanien-
droient au contraire aux pauvres de la commu-
nauté.
Ces peines ont été prononcées contre des foUi-
citeurs & procureurs, par divers arrêts des i 5 mai
1676,28 février 1679, 4 août 1682 , 29 aoi^;t
1607, 1 1 zoùt 1739 , éc 17 juillet 1742.
Par un autre arrêt du 7 fept;;mbre 1739 , le par-
lement a fait défenfe aux procureurs dont les offi-
ces font vendus , de faire aucune fontlion de pro-
cureur , & de poftuler en quelque manière que ce
ibit , trois jours après la vente judiciaire ou volon-
taire. 11 a en même-temps été fait défenfe aux pro-
cureurs interdits de poftuler fous les noms d'autres
procureurs , & à ceux-ci de prêter leurs noms aux
deftitués , démis & interdits, à peine de cinq cents
livres d'amende contre chacun d'eux pour chaque
contravention , même d'interdiélion contre ceux
des procureurs qui leur prêtent leur miniftère iU
fignent pour eux.
* Les abus qui s'étoient introduits dans le re/Tort
du parlement de Touloufe relativement à la Poftu-
lation & à la manière de rendre les fentences en
certaines juridié^ions , ont excité le zèle du minif-
tère public, & fur fon rèquifitoire , cette cour a
rendu, le 20 mars 1784 , un arrêt de règlement qui
contient les difpofiïions fuivantes :
Art. i.<4Nul.ne pourra poftuler dans une juri-
5) dié^ion hannerette ( feigneuriale ) , s il n'a été
« re(j'u Se infcrit fur le tableau des poftulans.
2. " Celui qui voudra être infcrit fur ledit ta-
» bleau , fera tenu d'obtenir l'agrément du fei-
» gneur haut jufticier , faire enfuite enquête de
3) bennes vie & mœurs, religion catholique, apof-
n tolique & romaine , & prêtera le ferment en tel
3> cas requis devant le juge du lieu.
3. » A fait & fait ladite cour inhibition & dé-
1) {cn{e d'admettre à la Poftulation des ouvriers Si.
« des artifans.
4. T) A fait & fait pareillement défenfes aux pof-
« tula is de prêter leur nom à ceux qui ne poftule-
j> ront pas dans la même juridiction.
5.3) A permis & permet aux feigneurs, de faire
}, toutes les années un tableau des poftulans , dans
jj lequel ils feront infcrire le nombre convenable
M de fujets néceftaires pour l'adminiftration de la
» juftice dans leurs terres.
6. » Ordonne encore ladite cour, que dans les
3> juriditUons royales où il n'y a pas de procureurs
»> en titre d'oflîce , nul ne pourra poiiuler fans
» avoir obtenu l'àgiément des ofHciers du fiège ,
11 fait une enquête de bonnes vie & mœurs, Hi
» prêté le ferment , confoimément à l'article 2 ;
» qu il fera permis en outre auxdits officiers de
» réduire & fixer chaque année le nombre des pof-
j) tulans.
7. » A maintenu & maintient les avocats en la
j> coiHf dans le droit de plaider deyant tous Jes
POSTULATION.
^ fièges & juridiiSions du reftbrt , fans que lefdîts
» avocats puiftént prétendre au droit de dévolu ,
» qu'autant qu'ils auront été immatriculés ,& ce,
» conformément aux arrêts & réglemens de la
» cour; leur fait néanmoins défenfes de s'immifcer
» dans la Poftulation , qu'au préalable ils n'aient
M été infcrits fur le tableau des poftulans, 8c après
» avoir fatisfait aux formalités ci-deftiis prefcriies
5> par l'article 2.
8.» A fait & fait inhibitions & défenfes à tous
» juges , leurs lieutenaRS 8c autres exerçant le dé-
u volu , de rendre des fentences , tant en matière
» civile que criminelle , hors la préfencc & fans
» l'affiftance de deux afteiTeurs ou opinans , & d'en
» prendre d'autres ([i.e ceux qui en ont le dévolu ,
'> fuivant l'ordre du tableau , conformément aux
» réglemens ; leur défend en outre de faire flgner
» lefdites fentences par autres que ceux qui en au-
» ront entendu le rapport , & travaillé à la vérifi-
» cation des procès, à peine de faux, de nullité
» defdites fentences , Si de tous dépens , domrua-
" ges & mtéréts envers les parties.
9. » Ordonne encore ladite cour que , dans un
» mois , à compter du jour de la publication du
'> préfent arrêt , il fera drelfé dans toutes les juri-
^y diélions du reftbrt , tant royales que (éigneuria-
» les , un tableau des avocats , gradués , immairi*
» culés dans chacune defdites jutidiélions , à la
» fuite duquel feront pareillement infcrits les pro-
n cureurs poftulans qui auront été commis dans
» icellcs, leiquels ne pourront prétendre au droit
î> de dévolu , qu'en l'ahfence ou légitime empéciie-
» msnt defdits gradués: ordonne enfin ladite cour
)j que le prefent arrêt fera imprimé , lu , publié,
5) affiché Se enregiftre dans tourcs les fénèchauiîées
)> 6i autres fièges du reifort ; Si qu'à cet effet copies
» duement collationnèes d'icelui feront envoyées
)j dans lefdits bailliages , fénéchauffées & autres'
» juilices du reffort , en la forme ordinaire. Pro-
» nonce à Touloufe , Sic. " *. ( Ce qui efl entre des
ûj}enquei dans ai article , appartient à M. CoRAIL
DE S AI WTE Foi , avocat au parlenent de Touloufe.
POUDRE. Voyez Salpêtre & Nitrière.
POUIL^E. On appelle ainfi l'état 8iled:riom-
brement de tous les héiéfices qui font dans l'ércn-
due d'un diocèfo , Ibit j la nomination du roi, loit
à celle d'un autre collateur.
On appelle Pouillégenèral , celui qui comprend
les bénéfices de tous les diocèfes d'un royaume ou
autre érar.
Oiî a fait en France divers Pouillés généraux &
partculiers; en 1516, claque diocèfe fe nomma
des commili'airts pour l'eftimation des revenus Si.
la confeélion de fbn Pouillé ; le clergé nomma des
cominilh'irss généraux pour drefler fur ces Pouil-
lés un département.
Il y eut un Pouillé général imprimé inS". vers
l'an 1626, qui etl devenu très-rare, inais ffiii ne
peut être d'aucun ufage , tant il eft rempli de fautes.
Celui qui parut 1/1-4°- en 1648 , eft un peu phis
FOUILLÉ.
cxn<?l , pnrce qu'il fiit fait fu: les rcgiftres du clergé ,
qui furent communiqués à l'auteur par l'ordre de
l'affembiée de Manies, tenue en 1641 ; il s'y eft
néanmoins gliffé encore beaucoup de fautes. Il efl
d'ailleurs imparfait , en ce qu'il n'y en a que huit
parties de faites , qui font les archevêchés de Paris ,
Sens , Reims , Lyon , Bordeaux , Bourges , Tours
& Rouen; les antres archevêchés ne font pas faits.
Le clergé délibéra en. 172,6, que tous les bénéh-
cicrs & communautés donneroient des déclarations
aux chambres diocéfaines , qui en feroicnt des
Fouillés , Se que ces chambres enverroient ces
Fouillés à une afl'embiée générale qui les rcviferoit
& feroit un département. L'exécution de cette déli-
bération fut ordonnée par un arrêt du conleil du 3
mai 1727, revêtu de lettres-patentes du 15 juin
fuivant.
Il a paru depuis quelques Fouillés particuliers ,
tels que ceux des églifes de Meaux & de Chartres ,
6c un nouveau Fouillé de Rouen en 1738.
Le clergé affemblé à Paris en 1740, renouvela
le deiTein de former un Fouillé général fur le plan
qui fut propofé à l'aflemblée par M. l'abbé le Bœuf,
te l'académie des infcriptions & belles-lettres. Ce
inême deffein fut confirmé par une autre délibéra-
tion du clergé en 1745 ; &. en conféquence des
lettres circulaires écrites par meffieurs les agens du
clergé à meffieurs les archevêques & évoques du
royaume , il a été envoyé à M. l'abbé le Bœuf di-
vers Fouillés , tant imprimés que manufcrits, de
diiTérens diocéfes, pour en fonr.er vn Fouillé gé-
néral , auquel M. l'abbé le Bœuf avoit commencé à
travailler : mais n'ayant point reçu tous les Fouil-
lés de chaque diocêfe , & ne s'étant même trouvé
aucune province dont la colleflion fût complette ,
cet ouvrage eft jufqu'à préfent demeuré imparfait.
Il y a divers Fouillés particuliers des bénéfices
qui font de nomination royale , & de ceux qui (ont
à la nomination des abbayes, prieurés, chapitres, j
dignités.
Le père Lelong , dans fa bibliothèque hiftorique ,
a donné le catalogue de tous les Fouillés imprimés
& manufcrits qui font connus.
Les Fouillés ne font pas des titres bien authen-
tiques par eux-mêmes , & ne peuvent balancer
des titres en bonne forme; mais quand on ne rap-
porte pas des aâes qui juftifient pofitivement à la
collation de qui font les bénéfices , les Fouillés for-
mant un pré|ugé.
POURPRÎS. Voyti Frécloture.
POURSUITE. On appelle ainfi les procédures
qu'on fait dans un procès. ^oyf:f POURSUIVANT.
POURSUIVANT. Ceft celui qui pourfuit un
.décret , un ordre , une contribution de deniers.
Lorique plufieurs créanciers ont fait faifir réelle-
ment les immeubles de leur débiteur , il arrive fou-
vent des coHteflations eatr'eux pour favoir qui ref
tera Pourfuivant. Ceft la date des faifies réelles qui
doit fervir de moyen de déciCon dans ces fortes de
conteftations ; car, fuivant l'ancienne maxime de |
POURSUiVAN r. r^7
' notre droit François , pijie fur faijîe ne vaut ; h
première faiile l'emporte fur les fnivantes , qui
doivent être converties en oppofition. Mais depuis
l'établiffement des commiflaires aux faifies réelles ,
ce r'efi point celui qui fait faire le premier exploit
de faifie qui eft regardé comme le premier faifif-
iant ; on préfère celui qui a le premier fait enregif-
trer la faifie réelle , parce que la première faifie
enregiftrée eft celle qui a eu la première quelque
effet ; c'eft pourquoi la féconde ne doit pas même
être enregiftrée, fi on la préfente au buresu où la
première à été portée. Cependant fi la féconde eft
beaucoup plus ample que la première, c'eft-à dire ,
fi on y a compris beaucoup plus de biens, l'ufage
eft de donner la pourfuite au fécond faifilTant, &
de convertir la première faifie en oppofition ,
quoique la féconde faifie n'ait point été enregiftrée.
Le fscond faififfant devient en ce cas le premier ,
par rapport aux biens que le plus diligent n'avoit
point fait faifir ; & ce feroit multiplier les frais
inutilement, que de faire faire des pourfuites &
des procédures différentes , pour parvenir à l'adju-
dication des biens falfis : il vaut donc mieux joindre
ces faifies, & donner la préférence pour I.î pour-
fuite à celui dont la faifie efl la plus ample.
Quand on a fujet de craindre des intelligences
entre la partie qui a fait une faifie réelle plus ample,
& la partie faifie , on ordonne que le premier fai-
fiffant demeurera Pourfuivant, en rcmbourfnnt ce-
lui qui a fait la féconde faifie. C'eft l'efpèce de
l'arrêt rendu au rapport de M, de Vienne, le 7
feptembre 171 3 , contre un fils qui demandoit la
pourfuite de la faifie réelle des biens de fon përe,
fous prétexte que la faifie qu'il avoit faite étoit plus
ample que celle du premier faififfant.
Si celui qui eft chargé de la pourfuite de la faifie
réelle , vient à donner main-levée , un autre créan-
cier oppofant peut fe faire fubrogerà la pourfuite-
La raifon en efl, qu'en ce cas tout oppofant eft
cenfé faifilTant; c'eft le plus diligent qui eft alors
préféré. Il ea eft de même fi le Pourfuivant néglige
de faire continuer les procédures , foit parce qu'il
fe trouve hors d'état d'avancer les frais , foit par
pure négligence , foit par coUufion avec la partie
faifie. Mais dans le cas de la demande en fuhroga-
tion , formée par l'un des oppofans à caufedela
main-levée donnée par le faififfant , on accorde
d'abord la fubrogation ; au lieu que quand on ne
fe plaint que du défaut de pourfuite , on a cou-
tume de rendre un jugement , par lequel on or-
donne que le Pourfuivant juûifiera , dans un cer-
tain temps , de fes diligences pour parvenir à la
vente & à l'adjudication par décret des biens faifis ,
finon qu'il fera fait droit fur la requête de l'op-
pofant. Si le Pourfuivant ne juftifie pas de fes dili-
gences dans le temps prefcrit , on rend un juge-
ment définitif, par lequel la fubrogation eft or-
donnée , & on condamne le procureur du premier
Pourfuivant à remettre entre les mains du procu-
jteur du fubrogé la faifie & les autres pièces & pro-
Ee ij
1X0 POURSUIVANT.
cédiires du décret , en le rembourfant & le pourAiî-
vant des frais ordinaires, fur les pièces qui feront
repréfentées , & fuivant la taxe qui en fera faite.
On accorde quelquefois au parlement de Çaris un
fécond délai au Pourfuivant avant de rendre un
arrêt de fubrogation pure & fimpîe. Aux requêtes
du palais Sc à celles de Tiiôtel, celui qui demande
la fubrogation obtient trois feniences de trois mois
€n trois mois , qui portent, que dans trois mois le
Pouifuivant fera tenu de mettre le décret à fin ,
•finon qu'il fera fait droit fur la demande en fubro-
gation ; après ces délais , on accorde une fubroga-
tion pure & fimple , à moins que les circonAan-
ces n'engagent les juges à accorder un nouveau
délai.
Le fîeur de Ragaru , grand audiencier de France ,
s'étant fait fubioger à une faifie , commencée par
le fieur de Saint- André , tréforier général de la ma-
rine , demandoit que le faifiifant & fon procureur
s'obligeaflent , par la quittance des frais , à la ga-
rantie de leur procédure , finon qu'il lui fût per-
mis de configner la fomme de 2500 livres, à la-
quelle fe montoient les frais des criées Son unique
moyen , pour fonder cette préiention , étoit de dire
que le Pourfuivant criées 6i fon procureur font
garants de leur procédure. On lui répondit que
cette ftipulation étoit infolite; que le fubrogé n é-
tant obligé de rembourfer que les frais des procé-
dures valables, doit s'imputer à lui même d en
avoir rembourfé qui foient nulles ; enfin , qu'il
s'expofe , par la fubrogation , à tous les évène-
mens , parce que le premier Pourfuivant ne peut
plus être en état de reéiifier ce qu'il y a de défec-
tueux dans fa procédure. Sur quoi eft intervenu
l'arrêt du parlement de Paris, du 6 juillet 1678,
qui , fans avoir égard à la demande du fieur de R:i-
garu , l'a condamné à rembourfer les frais de h
pourfuite , fuivant la taxe qui en avoit été faite.
Pour que le procureur d'un oppofant puifle de
mander une fubrogation pour (a partie, il faut qu il
en ait une procuration l'péciale ; autrement il efl
fujet au défaveu , parce que le pouvoir général
qu'une partie donne à un procureur de s'oppofer
pour elle à un décret, ne comprend point celui
île la faire fubroger à la pourfuite de la faifie réelle.
Plufieurs perfonnes qui ont deffein de veiller à la
confervation de leur bien par une oppofition , ne
veulent pas s'engager dans les embarras de la pour-
fuite d'un décret, avancer les frais nécefiTaires, ik
s'expofer à être pourfuivies par l'adjudicataire, en
cas que le décret dont le Pourfuivant demeure ga-
rant , foit attaqué; c'eft fur ces principes que , par
arrêt rendu au parlement de Paris le 22 juin 1675 ,
on a jugé que Noël Gobreau avoit été bien défa-
vouc par la démoifelle Dand renne , veuve du fieur
Magy, au nom de laquelle il s'étoit fait fubroger
à une faifie réelle fans une procuration fpéciale.
La partie qui pourfuit le décret en vertu du ju-
gement de fubrogation , n'eft point obligée de faire
de reprifc au greffe, parce que le jugement qui la
PRAGMATIQUE-SANCTION.
fuhroge la met au droit du Pourfuivant. On le pra-
tique ainfi au châteiet de P.iris, fuivant un aftc de
notoriété donné par M. le Camus, lieutenant ci-
vil, le II janvier 1690; cet ufage étant fondé fur
les principes , fembleroit devoir fervir de règle
dans les autres tribunaux. Cependant il y en a plu-
fieurs où l'ufage eft de faire un aéîe de reprife. On
l'obferve ainfi aux requêtes du palais.
Les coutumes de Bourbonnois & de Nivernois
ne permettent pas aux Pourfuivans criées de fe ren-
dre adjudicataires du bail judiciaire : mais cette dif-
pofitien ne doit pas s'étendre au-delà du refîort de
ces coutumes, attendu qu'il importe au débiteur que
le Pourfuivant foit reçu à enchérir, pour faire por-
ter plus haut le prix du bail.
Voyez les articles DÉCRET , Criées , Saisie-
RÉELLE , Bail Judiciaire , &c.
PRAGMATIQUE SANCTION. Ce terme ert
emprunté du code, où les refcrits impériaux pour
le gouvernement des provinces font appelés , for'
mutes pragmatiquis , ou Pra^ma ique Janâi.on. Il vient
du mot latin janSio, ordonnance, & d'un mot
grec qui fignifïe affaire On l'emploie pour expri-
mer les ordonnances qui concernent les objets les
plus importans de l'adminiflration civile ou ecclè-
fiaftique , fur-tout lorfqu'elles ont été rendues dans
ime afTerablce des grands du royaume , & de l'avis
de plufieurs jurifconfultes. Il nous refte deux Prag-
matiques célèbres dans notre droit ; l'une eft de
Saint Louis, & l'autre de Charles VII.
Di la Pra^mutique-fanflion de Saint-Louis,
Le plus pieux de nos rois fe préparant à une fé-
conde expédition contre les Sarrazins , voulut afTu-
rer la tranquilité de l'églife gallicane , & prévenir
les troubles que pouvoit occafionner , penf*anr fon
abfence , le défaut d'une loi précife. L'ordonnance
rendue à ce fujet règle les droits des coHateurs
& patrons des bénéfices ; elle affure la liberté des
éleélions , promotions & collations ; elle confirme
nos libertés , privilèges ik franchifes ; elle modère
les taxes & les exaâions de la cour de Rome,
Cette P agmatique eli divifée en fix articles dont
voici la teneur.
1. Les églifes, les prélats, les patrons & les col-
lateurs ordinaires des bénéfices jouiront pleine-
ment de leur droit , i?4 on confervera à chacun fa
jurididion.
2. Les églifes cathédrales & autres auront la li-
berté des élevions , qui fortiront leur plein & en-
tier effet. Un manulcrit du collège de Navarre
ajoute après les mots éUil ones , les deux qui fui-
vent , promotiones , cvliationes.
3. Nous voulons que la fimonie , ce crime fi
pernicieux à l'cglife , foit banni de tout notre
royaume.
4 Les promotions , collations , provifions & dif-
pofitions des prélatures , dignités & autres bcné-
âces ou offices eccléfiaftiques , quels qu'ils foient,
fe feront fuivant le droit commun , les conciles ,
PRAGMATIQUE-SANCTION.
& les inrtitutions des anciens pères.
5. Nous ne voulons aucunement qu'on lève ou
qu'on recueille les exaflions pécuniaires & les
charges très pefantes que la cour de Rome a im-
porées ou pourroit impofer à léglife de notre
royaume , èc par lefquelles il eft miférablement
appauvri, fi ce n'eft pour une caule raifonnable
èi très-urgente , ou pour une inévitable nécefTité,
& du conientement libre & exprès de nous &. de
l'églife.
6. Nous renouvelons & approuvons les liber-
tés , frnnchiies , prérogatives ôi privilèges accordés
par les rois nos préd^celTeurs & par nous , aux
cglifes , aux monafléres & autres lieux de piété ,
auQl bien qu'aux peribnnes eccléfiaftiques.
Quelques exemplaires ne renferment point l'ar-
ticle contre les exacîions de Rome ; mais on croit,
avec raifan , que des flitreurs de la cour romaine
l'ont retranché de cette ordonnance, qui tend prin-
cipalement à réprimer les entrepriles des papes fur
les droits des ordmaires pour les élections , les col-
lations des bénéfices, & la juridiâiOH contentieufe.
Le célèbre dHéricourt, & quelques autres, ont
lévoqué en doute l'authenticité de la pièce elle
même ; mais ce doute nous paroît fans fondement.
Fontanon dans fa coUtflion des édits ; bouchel
dans fon décret ; du Boulay dans fon hiftoire de
runiverfité ; les PP. Labbe & Coflart dans la col-
leflion des conciles; Laurière dans fon recueil des
ordonnances; Fleuri dans fon inftitution au droit
cccléfiaflique Si. dans fon hiftoire , attribuent au
faint roi la Pragmatique dont il s'agit. Pintfon l'a
publiée fous le même titre avec des commentaires ;
du Tillet afTure qu'elle fe trouve dans les anciens
regiftres de la cour ; par-tout elle porte le nom de
Louis Se la date de 1268 ; les partifans même de
Rome l'ont reconnue comme les défenfeurs de noj
libertés. S'il n'en eft pas fait mention dans Thiftoire
des démêlés de Piii ippe-k-Bel avec Boniface VIII,
c'cft qu'elle eft abfolument étrangère à cette dii-
pute. Si Charles Vil , dans celle qu'il publia fur le
même fujer, ne s'autorife point de l'exemple de
Saint-Louis, c'eft un argument négatif, qui ne
peut pas fuppléer au défaut des preuves pofuives.
Êfl ce une raifon pour s'infcrire en faux contre le
teftament de Philippe - Augufte , parce qu'il n'eft
point rappelé dans ce même édit de Charles ,
quoiqu'il ordonne la même chofe fur la liberté des
chrétiens ? On trouve d'ailleurs la Pragmatique de
Saini-Louis citée par Jean Juvenal les Urfms , dans
fa remontrance a Charles VII. N'eft-ce donc pas
vouloir faire illufion que de repréfenter le père
Alexandre , comme le chef des modern;.s qui lou-
tieniîcnt la vérité & l'authenticité de cette lot }
Ignore t on que le parlement, en 1461 , que les
états aftemblés à Tours en 148 <• que l'univerfité
de Paris en fon ade d'appel de 1491 , l'ont confa
crée dans d-s a61es niblics , comme l'ouvrage du
pieux monarque f Eft-il croyable qu'ils la lui aient
attribuée folemncllement , fans s'être bien aflurés
PRAGMATIQUE-SANCTION.
111
du fait ? Dès l'an 1315, Guillaume du Breuil , cé-
lèbre avocat , l'avoit rapportée fous le même nom
dans la troifième partie de fon recueil , connu fous
le titre d'ancien ftyle du parlement ; alors elle
n'avoit point de contradifleuts : elle a donc pour
elle l'ancienneté des fuffragcs ; les vrais modernes
font ceux qui ofent la combattre.
Di Id Pragmatique-fanâion de Charles Vil.
Le roi Charles 'VII é;ant à Tours au mois ds
janvier 1438 ( nouveau ftyle), écouta les plaintes
qu'on vint lui faire de la part du concile de Baile ,
fur la conduite d'Eugène IV, & fur la convoc;:-
tion du nouveau concile de Ferrare : pew de temps
après , il fe rendit à Bourges avec un grand nom-
bre de princes du fang , de feigneurs 6f de prélats,
pour délibérer fur les affaires ptéfentes de l'églife.
Ily eut dans cette aifemblée l'archevêque de Crète,
nonce du pape, les archevt'ques de Rheims , de
Bourges , &. de Toulouie. On y compta vingt cinq
évèques , plufieurs abbés, & une multitude de dé-
putés des chapitres & des univerfités du royaume.
Ce fut-la qu'on dreffa le règlement célèbre, ap-
pelé Pragmatique-fanflion , décret très- renommé
dans nos iiiftoires & dans toute notre jurifprudence
eccléfiaftique , fans en excepter mêine celle d'au-
jourd'hui : car , comme le remarque M. de IMarca ,
« quoique la Pragmatique- fanflion ait été abolie
» fous Léon X & François I , cependant la plupart
» des réglemens qu'on y avoit inférés ont été
':> adoptés dans le concordat ; il n''y a que les élec-
'» lions qui foient demeurées entièrement étein-
» tes , pour faire place aux nominations royales n.
Les feances des prélats de l'églife galicane s'ou-
vrirent dans le chapitre de la fainte chapelle de
Bourges dès le premier jour de mai de l'an 1438 i
mais il paroît que ce furent d'abord de fimples con-
férences particulières , 6c que l'affemblée ne fut pu-
blique , générale & folemnelle, que le 5 de juin.
Alors le roi y préfida en perfonne , & les envoyés,
tant du pape que du concile de Bafle, fe prcfen-
tèrent pour foutenir les intérêts de leurs maîtres.
Les premiers qui parlèrent furent les nonces d'Eu-
gène; us prièrent le roi de rcconnoître le concile
de Fenare, d'y envoyer fes ambaftadeurs, d'y
lailTer aller tous ceux qui voudroient faire le voya-
ges , de rappeler les François qui étoient à Bafle ,
de révoquer & de mettre au néant le décret de fuf-
penfe porté contre le pape.
La requête des députés du concile fut toute dif-
férente • ils demandèrent que les décrets publiés
pour la réformation de l'églife gallicane dans fon
chef bi dans fes membres , fuffent reçus & obfer-
vés dans le royaume ; qu'il fût fait défenfeà tous
les fujets du roi d'iller au concile de Ferrare , at-
tendu qu2 celui de Bafle étoit vrai & légitime ; qu'il
plût au roi d'envoyer une nouvelle ambaflllide aux
pères de Bafle , pour achever , de concert avec
eux , ce qu'il reftoit à faire pour le bien & la réfor-
mation de l'églife ; qu'enfia le droit de fufpenfe
izi PRAGMATIQUE-SANCTION.
porte contre Eugène, fût gardé & mis en exécution
dans toutvs Ivis terres de Lt domination françoife.
Le principal orateur de cette députation tut le
célèbre doileur l'j-,onias de Courcelles , alors cha-
noine d'Amiens, 6i. depuis curé de faint André-
des- Arcs , doyen de Notre-Dame de Paris , & pro-
vifeiir de Sorbonne. Quand le roi Sc raHemblée
curent entendu les piopofitions du pape ôi celles
du concile de Bnlle, on fit retirer les envoyés ;
& l'archevêque de Rheimii, chancelier de France ,
prenant la parole, dit que le roi avoit convoqué
tant de perlbnnes de confidération . pour prendre
leur avisûirle démêlé qui troubloit leglife; que
l"on intention étoit d'empêcher les éclats d'un i'chif-
me, & qu'en cela il luivoit l'exemple de les an-
cêtres , princes toujours remplis d'amour & de ref-
pe6t pour la religion. Cette courte harangue fut
fuivie du choix qu'on fit de deux prélats , pour par-
ler le lendemain fur la matière préfente; ce fuient
l'évèque de Caftves , confelleur du roi , & l'arche-
vêque de Tours. Le premier s'attacha beaucoup à
relever le concile au-defTus du pape , dans le cas
d'héréfie , de fch'fme , & de réforraation générale.
L'autre infifla particulièrement fur cette réforma-
fion , & il en montra la néceffité, non feulement
ar rapport à l'églife , mais auffi à l'égard de l'état.
_e chancelier demanda enfuite à l'aflemblée fi le
roi devoit oiTrir fa médiation au pape 6c au concile,
& il fut conclu que cela feroit digne de fa piété
6c de Ton zèle. Mais comme l'objet principal étoit
de raflemblerles points de difcipline cccléfiaftique
qu'on jugeoit propres au gouvernement de l'églife
gallicane, on députa dix perfonnes, tant prélats
que doreurs , pour examiner les décrets du concile
de Bafle. Certe révifion dura jufqu'au 7 juillet,
jour anquel le roi publia l'édit folemnel, appelé
Pragmatique-fanâion ; c'sft , à proprement parler,
lin recueil des régkmens dreffés par les PP. de
Bade , auxquels on ajouta quelques modifications
relatives aux ufages du royaume , ou aux circonf-
tances a^luellcs. Voici la fubftance de cette pièce
divifée en vingt- trois titres, dont Côirie Guy-
inier (1) nous a donné un commentaire très-fa-
vant, très-long , & trop peu lu. Elle eft précédée
d'une préface , dont le commencement explique
le defftin de Dieu dans l'inftitution de la pui/Tance
temporelle; on y établit qu'une des principales
obhgations des fouverains , eit de protéger l'é-
elife & d'employer leur autorité pour faire obfer-
l
(1) Côme Giiymier, chanoine de fainr Thomas du Louvre,
doyen de l'églife coUcgiale de faint Julien de I,aon, confeil
]et-clerc au parlement de Paris, fa patrie, &: préfident aux
enquêtes, étoit uninagifltat plein à'intcgrité &: de luniicrcs.
Il compofi, vers l'an mSs , Ton excellent commentaire fur
la Pragmatique , pluficurs fois rcimprimé. La meil'eiire édi-
tion ell celle qu'en donna François PinfTon , célèbre avocat
an parlement de Paris , en l(î6« , in-folio. Il orna cette éài-
lion d'une hiftoire aufli utile que curieufe ie la. Pragmati-
que, 5c de plufieurs pièces fctvant de preuves.
PRAGMATIQUE-SANCTION.
ver la religion de Jéfu^-Chiift , dans les pays fou-
rnis à leur obéiiîance.
Titre premier. De autontate & potejliilc facrorun
generslïuni conùliorum , tcmporibufq^ue & modis <a-
dem convocandl & ctUbrandi.
« Les conciles généraux feront célébrés tous les
» dix ans , & le pape, de l'avis du conciie hnif-
» faut , doit défigner le lieu de l'autre concile , le-
» quel ne pourra être changé que pour de grandes
■>' raifons , & par le confeil des cardinaux. Quant
» à l'autorité du concile général , on renouvelle
'» les décrets publiés à Confiance, par lefquels il
» efl dit que cette fainte aflembîée tient fa puif-
» fance immédiatement de Jéfus-Chrilt; eue toute
» perfonne , même de dignité papnle , y e/i fou-
" mife en ce qui regarde la foi , l'extirpation du
M fchifme , 8c la rétormation de l'églife dans le
M chef & dans les membres, & que tous y doi-
» vent obéir, même le pape, qui efl pimiffahle,
» s'il y contrevient. En conféquence , le concile
» de Èafle définit, qu'il efl légitimement aflëmblé,
» & que perfonne , pas même le pspe , ne peut
» le diflbudre , le transférer , ni le proroger fans
» le confentement des pères de ce concile »,
Titre second. De deRlonibus.
« Il fera pourvu déformais aux dignités des églt-
» fes cathédrales, collégia'es & monaf^iques, par
» la voie des éleélions ; & le pape , au jour de fcn
» exaltation , jurera d'obferver ce décret. Les élec-
>» teurs fe comporteront en tout fclon les vues de
)) leur confcience ; ils n'auront égard ni aux prié-
» res , ni aux promefTes , ni aux menaces de per-
» ionne ; ils recommanderont l'affaire à Dieu ; ils
» fe confefieront & communieront le jour de l'é-
n leélion ; ils feront le ferment de choifir celui qui
I» leur paroîtra le plus digne. La confirmation fe
)» fera par le fupérieur; on y évitera tout foup-
» çon de fimonie , & le pape même ne recevra
» rien pour celles qui feront portées à fon tribu-
n nal. Quand une éleflion canonique, mais fu*
» jette à des inconvéniens , aura été caffée à Ro-
» me , le pape renverra pardevnnt le chapitre ou
» le monaflère , pour qu'on y procède à \\n au-
» tre choix , dans l'efpace de temps marqué pat*
V le droit ".
La Pragmatique , en adoptant ce décret du
concile de Bafle , y ajoute : i". que celui dont l'é-
leélion aura été confirmée par le pape , fera ren-
voyé à fon fupérieur immédiat, pour être confa-
cré ou béni , à moins qu'il ne veuille l'être in curiâ,
& que dans ce cas-là même, auflî-tôt après fa con-
fécraiion , il faudra le renvoyer à (on fupérieur im-
médiat pour le ferment d'obéiflance : 2". Qu'il
ïi'eft point contre les règles canoniques , que le
roi ou les grands du royaume recommandent des
fujets dignes de leur proteélion , en quoi elle
modère les défenfes que fait le concile de Bafle
par rapport aux prières ou recommandations en
PRAGMATIQUE-SANCTION.
faveur des fiijets à élire dans les chapitres ou mo-
na/îères.
Titre troisième. De rcfcrvatiomhui fublatït.
«Toutes rèferves de bénéfices, tant générales
ï» que particulières, font &: demeureront abolies,
w excepté celles dont il eft parlé dans le corps du
» droit, ou quand il fera qucftion des terres im-
» médiatement foumifes à l'églife romaine ».
Titre quatrième. Di collaiionibus.
u II fera établi dans chaque églife des minières
n favans & vertaewx. Les expedlatives faifant fou-
» haiter la mo.: d'autrui , & donnant lieu à une
» infinité de procès, les papes n'en accorderont
» plus dans la fuite; feulement il fera permis à
» ciiaque pape , durant fon pontificat , de pourvoir
» à un bénéfice fur un coilaieur qui en aura dix,
» & à doux bénéfices , fur un collateur qui en au-
» ra Cinquante Ôi. au-de/Tus , fans qu'il puiife néan-
H moins conférer deux prébendes dans la même
>» églife pendant fa vie. On n'entend pas non plus
1' priver le pape du droit de prévention ». Mais
le décret touchant la rélerve dun ou de deux bé-
Hwfi'.es , quoique rapporté dans la Pragmatique ,
n'a point été approuvé par Fé^life gallicane , non
plub quj le diCret touchant la prévention , qui a
éré u^j contraire aux droits des collateurs & des
patrons, item circ'à 23. Afin d'obliger les collateurs
o Uinarcs à donner des bénéfices aux gens de let-
tres, voici l'ordre de difcipline qu'on prefcrit à cet
égard. «Dans chaque carhédrale, il y aura une
« prébende deftinée pour un licencié ou un ba-
« chelier en théologie , lequel aura é'tudié dix ans
J» dans une univerfiié. Cet eccléfiailique fera tenu
» de faire des leçons au moins une foi*, la femaine ;
» s'il y manque, il fera puni par la fouflrafiion des
« diftributions de la femaine; & s'îl abandonne
» la réfidence , on donnera fon bénéfice à un au-
>> tre Cependant , pour ÎUt laiffer le temps d'étu-
« dier , les abfences du chœur ne lui feront point
») comptées.
"Outre cette prébende théologale, le tiers des
>» bénéfices , d:ins ks cathédrales & les col.'éjjiales ,
» fera pour les gradués , c'eft-à dire , les doaeurs ,
" licenciés, bacheliers qui auront étudié dix ans
5> en théologie, ou les doftcurs & licenciés en
« droit ou en médecine , qui auront étudié fept
» ans dans ces facultés; ou bien les maîtres ès-arts
'> qui auront étudié cinij ans depuis la logique ; tout
» cela dans une univerfité privilégiée. On accorde
r) aux nobles ex aitiqiw gr:nere , quelque diminu-
j; fion par rapport au t.-mps de leurs études : on
» les réduit à fix ans pour la théologie, &. à trois
>» pour les autres facultés inférieures ; mais il fau-
» dra que les preuves de nobleffe, du côté de père
» & de mère, foient conftatces.
j) Les gradués déj:i pourvus d'un bénéfice qui
" demande réfidence , èc dont la valeur moiite
') à deux cents florins , ou bien qui pofiederont
PRAGMATIQUE-SANCTION. 213
» deiix prébendes dans des églifes cathédrales,
w ne pourront plus jouir du privilège de leurs
» grades.
» On aura foin de ne donner les cures des villes
» murées qu'à des gradués , ou du moins à dts
» maîtres ès-arts. On oblige tous les gradués à no-
" tifier chaque année leurs noms aux collateurs ou
'• à leurs vicaires , dans le temps du carême; s'ils
» y manquent , la collation faite à un non oradué
» ne fera pas cenfée nulle». L'afiembléc de Bour-
ges ajoura quelques explications à ces rcglemenf.
Par exemple , elle confentit à ce que les expefla-
îives,d;ja accordées, euffent leur exécution juf-
qu'à la fête de pâques de l'année fuivante , & que
le pape pût difpofer , pendant le refl;e de fon pon-
tificat , des bénéfices qui viendroientà vaquer par
la promotion des titulaires à d'autres bénéfices in-
compatibles. A l'égard des grades , elle voulut que
les cures & les chapelles entrafient dans l'ordre
des bénéfices aiTe.5lés aux gradués. Elle permit aux
univerfités de nommer aux collateurs un certain
nombre de iujets, laiflant toutefois à ces collateurs
la liberté de choifir dans ce nombre ; c'eft , comme
on voit , l'erigne des gradués nommés. Enfin , la
même afTemblée recommande fort aux univerfires
de ne conférer les bénéfices qu'à des eccléfiafliques
recommandables par leur vertu & par leur fcience,'
Num , ajoute le texte, ut omnibus notuin ejl , & n-
diculofiim , muhi magiprorum nomen obtinent , quos
adhuc difciptilos mugis ejî deceret.
Tirre cinquième. De caufis.
f> Toutes les caufes eccléfiaftiques des provinces
)> à quatre journées de Rome, feront terminées
» dans le lieu même , hors les caufes majeures &
» celles des églifes qui dépendent immédiatement
»j du faint fiége. Dans les appels, on gardera ïor-
» dre des tribunaux ; jamais on n'appellera au
» pape, fans patTer auparavant par le tribunal in-
3> terinédiaire. Si quel ju'un le croyant léfé par un
i> tibunal immédiatement fujet au pape , porte fon
)? appel au faint fiége , le pape nommera des juges
)? in panibiis fur les lieux mêmes, à moins qu'il
j> n'y ait de gnndes raifons d'évoquer entiere-
» ment les caufes a Rome. Enfin , on ne pourra
» appeler d'une fenrence interlocutoire , à moins
V que les griefs ne foicnt irréparables en defi-
7? nirive ».
Titre sixième.. De frlvoUs appdhtionlbus.
» C:lui qui appellera avant la définitive, fans
^■) titre bien fondj dans fon appel, payera à la par-
» tis une amende de quinze florins d'or, outre les
n dépens , dommages & intérêts ».
Titre septième. De pacifiai pppfforihis.
» Ceux qui auront poffédé fans trouble pen-
» dant trois ans , avec un titre coloré , feront
» maintenus dans leurs bénéfices. Les ordinaiieç
114 PRAGMATIQUE-SANCTION.
j> feront tenus de s'enquérir s'il y a des intrus ,
M des incapables ».
Titre huitième. De numéro s» qualiLUe
cardinalium.
M Le nombre des cardinaux n'excédera pas
j> vine;t-qnatre ; ils auront trente ans au mo-ns ,
j> & feront dotîeurs ou licencies », Les évoques
de France jugèrent qu'il falloir modifier le décret
du concile de Bafle , en ce qu'il excluoit les
neveux des papes du cardinalat , & voulurent
qu'on pût décorer de la pourpre , tous ceux qui
en fcroient dignes par leurs vertus & par leurs
talens.
Titre neuvième. De annatis.
V On n'exigera plus rien déformais , foit en cour
»> de Rome , foit ailleurs , pour la confirmation des
» élevions , ni pour toute autre difpofition en ma-
i> tière de bénéfices , d'ordres , de bénédiélions , de
» droits de pûHium , & cela fous quelque pré-
>' texte que ce foit de bulles , de fceau, d'annates ,
rt de menus fervices, de premiers fruits & de dé-
M ports. On fe contentera de donner un falaire
»» convenable aux fcribcs , abréviateurs & co-
» piftes des expéditions. Si quelqu'un contrevient
M à ce décret, il ftra fournis aux peines portées
« contre les ftmoniaques ; & fj le pape venoit à
« fcandalifer l'églife, en fe permettant quelque
» cliofe contre cette ordonnance , il faudra le dé-
» férer au concile général ".
L'affemblée de nos prélats modéra ce décret en
faveur du pape Eugène : elle lui laifia pour tout le
refte de fa vie la cinquième partie de la taxe im-
pofée avant le concile de Confiance , à condition
que le payement fe feroit en monnoie de France;
que fi le même bénéfice venoit à vaquer plufieurs
fois dans une année , on ne payeroit toujours que
ce cinquième, & que toute autre efpèce de fub-
fide cefieroit.^
Titre dixième. Quomodh dlvlnurn officium Jli ct-
Icbrandum.
' » L'office divin fera célébré avec décence , gra-
j> vite , la médiante obfervée ; on fe lèvera à
» chaque o;/orw patri ; on inclinera la tète au nom
y» de Jejus -y on ne s'entretiendra point avec fon
» voifm , &c. ».
Titre onzième. Q«(? tcmpore qui/que debeat ejfe
in choro.
» Celui qui , fans néccflité & permiffion deman-
j> dée & obtenue du préfident du chœur, n'aura
w pas afilfté à matines avant la fin du venite exul-
j) temus , aux autres heures , avant la fin du pre-
» mier pfeaume , & à la melTe avant la fin du der-
j) nier kirïe eleïfon, & qui n'y aura pas demeuré
« jufqu'à la fin , fera réputé abfent pour cette
îi heure , fans déroger aux ufagcs plus ftrifts des
p églifes. Celui ^ui n'aura pas aflifté aux procef-
PRAGMATIQUE-SANCTîON.
» fions depuis le commencement jufqu'à la fin ,
»» éprouvera le même traitement; le pointeur s'o-
» bligera par ferment à être fidèle , &. à n'épar-
» gner perfonne. Lorfqu'il n'y aura pas de difiri-
» bution établie pour chacune des heures, elles
" feront prifes fur les gros fruits ; celui qui n'aura
» afiiflé qu'à une heure , ne gagnera pas les dirtri-
» butions de tout le jour ; on abolira l'ufage de
» donner au doyen & aux officiers , les diftribu-
» tions quotidiennes , fans affifier aux heures ,
» quoiqu'ils ne foient pasaduellement abfcns pour
)> l'utilité de l'églife ».
Titre douzième. Quallter hora canonica funt dl-
cendcz extra cohonim.
Titre treizième. De h'n qui lemporz divinorum
off.ciorum vagantur pereccLflam.
Titre quatorzième. De tabula petidente in
choro.
Chaque chanoine ou autre bénéficier pourra voir
fur ce tableau ce qu'il y aura à faire à chaque heure
pendant la femainc; & s'il néglige de fatisfaire par
lui-même ou par un autre à ce qui lui fera prefcrit,
il perdra les diftributions d'un jour pour chaque
heure.
Titre quinzième. De his qui in mifiâ non com-
plent credo , vd cjntant candlenas , vel niinis bujfè
mijfiim legunt , prtzter fecretas orationes , aut fme
mïnijlro.
Titre SEIZIÈME. De pignorantibus cultum divinum,
)) Les chanoines qui s'obligeront à fatisfaire leurs
» créanciers dans un temps prefcrit, fous peine de
n ceffer l'office divin, s'ils manquent à leur cnga-
» gement , perdront , ipfo fddo, trois mois de leur
» prébende ».
Titre dix-septième. De tenentibus capitula tetn-
pore m'Jfce.
»» Il cfl défendu de tenir chapitre dans le temps
11 de lamerTe, particulièrement aux jours folem-
» nels , fans une urgente & évidente néceffité".
Titre dix -huitième. De [peElaculîs in ecclefuî
non facunàïs.
Cet article condamne la fête des foux, 6c tous
autres fpe61acles dans l'églife.
Titre dix-neuvième. De concubinariis.
» Tout concubinaire public fera fufpens ipfj
11 fa£lo , & privé pendant trois mois des fruits de
3) fes bénéfices au profit de l'églife dont ils pro-
» viennent. Il perdra fss bénéfices en entier après
11 la monition du fupérieur ; s'il reprend fa mau-
» vaife habitude après avoir été puni par le fupâ-
» rieur & rétabli dans fon premier état, il fera dé-
jj claré inhabile à tout office , dignité , ou béné-
» fice ; fi les ordinaires négligent de fevir contre
» les
PRAGMATIQUE-SANCTION.
• les coupables , il y fera pourvu par les uipe-
s> rieurs , par les conciles provinciaux , par le pape
« même , s'il e/l néceffaire ». Au refte , on appelle
concubinaires publics, non-feulement ceux dont
le délit eft conftaté par fentencc , ou par TaTCii
des accufés , ou par la notoriété du fait, mais en-
core quiconque retient dans fa maifon une fem-
me fufpefle , & qui ne la renvoie pas après en
avoir été averti par fon fupérieur. On ajoute, que
les prélats auront foin d'implorer le bras féculier ,
pour féparer les perfonnes de mauvaîfe réputa-
tion, &. qu'ils ne permettront pas que les enfans
ses d'un commerce illicite habitent daas la maifen
de leurs pères.
Le titre io , de excommunlcaùs non vîtandis ,
lève la d^enfe d'éviter ceux qui ont été frappés
de cenfures , à moins qu'il n'y ait une fentence
publiée contre eux , ou bien que la cenfure ne
foit fi notoire , qu'on ne puiffe ni la nier ni l'ex-
cufer.
Le titre 2,1 , de inttrdïB'u indifferenter nen ponen-
dis y condamne les interdits jetés trop légèrement
lut tout UR canton. Il eô dit qu'on ne procédera
de cette manière , que quand la faute aura été cojh-
njife par le feigneur , ou le gouverneur du lieu ou
leurs officiers, dk qu'après avoir publié la fentence
cL'exconnnunication contre eux.
Le titre 22 , d: fublatione clement'intz litlens,tlc.
de prob.it. fupprimc uue décrétale qui fe trouve
parmi les clémentines , & dit que de fimples énon-
ciations dans les lettres apolloliques , portant qu'un
tel efl: privé de fon bénéfice ou autre droit , ou
qu'il y a renoncé , n'eft pas fuffifante , & qu'il faut
des preuves.
Le titre 23 , de conclu/îone ecclefta gallicanx , con-
tient la conclufion de l'églife gallicane pour la ré-
ception des décrets du concile de Bafle qui y font
énoncés , avec les modifications dont nous avons
parlé. Les évéqucs prient le roi , en fîniffant , d'a-
gréer tout ce corps de difcipline , de le faire pu-
blier dans fon royaume, ôc d'obliger les officiers
de fon parlement & des autres tribunaux à s'y
conformer ponéluellement. Le roi entra dans ces
vues , & envoya la Pragmatique-fanélion au parle-
ment de Paris , qui l'enregiftra le 1 3 juillet de l'an-
née fuivante i439' Mais, par une déclaration du
7 aoiit 1441 , il ordonna que les décrets du concile
de Bafle , rapportés dans la Pragmatique , n'au-
roient leur exécution qu'à compter du jour de la
date de cette ordonnance, fans avoir égard à la
date des décrets du concile (i). On voit dans toute
cette pièce une grande attention à recueillir tout
ce qui paroiflbit utile dans les décrets du concile
de Baûc, & une déclaration néanmoins bien pofi-
tive de l'attachement qu'on vouloit conferver pour
(i) Cetre pièce eft importante pourprouver cjye les dccrets
des conciles , même généraux , en ce qui concerne la police ,
n'ont force de loi en i-taacc «ju'jprc» qu'ilt y ont c(^ accepter
4ans l<-s formes ulîcéei.
Tomt xni.
■ PRAGMATIQUE-SANCTION-. ' ti^
la perfonne du pape Eugène IV ; ce fiuent en effe^
les acux points tixes». -Vt/ Charles Vil & de l'églife
gallicane, durant tous les déaiêlés qui affligeoient
alors l'églife. ■ '
La Fraguiatipue , maintenue dans fon entier fous
Charles VII ,^'.ii=en ordonna de nouveau l'exécu-
tion en 14':3 , reçut cans la fuite de grandes at-
trintes. On ne voulut jamais l'approuver à Rome ;
elle fut même regardée , dit Robert Gaguin , com-
me une hérijie firnul'ufe , tant il eft vrai que certe
cour a de tout temps érigé fcs prétentions en arti-
cles de foi 1 " C'étOit, s'il faut en croire Pie II,
» une tache qui défiguroit l'églife de France , un
» décret qu'aucun concile général n'avoit porté,
» qu'aucun pape n'avoit reçu ; un principe de
» confufion dans la hiérarchie eccléfiaflique , p^if-
» qu'on voyoit depuis ce temps-là que les laies
>» étoicnt devenus maîtres & juges du clergé ; que
>» la puiffance du glaive fpiritucl ne s'exerçoit plus
» que fous le bon plaifir de l'autorité feculière i
n que le pontife romain , malgré la plénitude de
» juridiâion attachée à fa dignité, n'avoit plus de
»> pouvoir en France , qu autant qu'il plaifoit au
» parlement de lui en lailFer. ». Ainfi parloir aux
ambafl'adeurs de France, dans l'afTeniblée de Man-
toue , en 1459, un pontife bien différent alors de
ce qu'il avoir été au concile de Bafle , où la Prag-
matique paffoit pour ime œuvre toute fainte , pouf
un pian admirable de réformation. La politiaue d»
Louis XI ofa abattre ce mur de divifion , élevé de<
puis plus de vingt ans entre les cours de France
ik de Rome. Ce monarque crut voir bien des avan-
tages dans la deftruclion de la Pragmatique. C'é-
toit d'abord une des règles de fa conduite , de pren-
dre en tout le contrepied du roi fon père. La Prag-
matique étoit l'ouvrage de Charles VU, c'en étoit
afTez pour qu'elle déplût à Louis XI. D'ailleurs ,
la difcipline établie par cette ordonnance , rame-
nant tout au droit commun , biffant les élevions
aux chapitres & aux abbayes , déférant aux èvê-
ques la coUatioîi des bénéfices , il arrivoit que dans
chaque province, dans chaque évéché, les fei-
gneurs particuliers fe rendoient maîtres , par leur
crédit ou par leurs menaces , des principales digni-
tés eccléfiaftiques ; ce qui augmenot l'autorité
des feignears vaffaux de la couronne, au grand
déplaifir de Louis. Ce prince crut qu'il n'en feroit
pas de même de l'influence qu'auroit le faint fiégc
dans le gouvernement de l'églife gallicane , après
l'abolition de la Pragmatique : car , comme le
roi feroit toujours plus puiffant auprès des papes
que les feigneurs fubalternes , il en feroit auffi
plus écouté , quand il demanderoit des grâces ec-
cléfiaftiques : Louis fe flattoit même que peu à peu
la cour acquerroit une forte de direâion générale
pour le choix des fujets , & que les fujets placés
à la recommandation de la cour , fe trouvcroient
liés à elle par des motifs de reconnoiffance ; de
plus , il efpéra qu'en faifant le facrifice de la Prag-
matique , il déjermifleroii le papç à abandonner le
Ff
2z6 PRAGMATIQUE-SANCTION.
parti des princes Arragonois, pour favorifer celui
tks princes Angevins : toutes ces confidérations
l'engagèrent à écrire au pontite une lettre en date
du 27 novembre 1461 , dans laquelle il reconnoît
que <' la Pragmatique a été faite dans un temps de
« fchifme & de l'édition ; qu'elle ne peut caufer
» que le renverfement des lois & du bon ordre ;
3> qu'elle rompt runitbrmité qui doit régner entre
3> tous les états chrétiens ; qu'il cafTe dès à préfent
» cette ordonnance , & que fi quelques prélats
7) ofent le contredire , il faura les réduire au parti
■» de la foumiflîon ». L'intrigant évêque d'Arras ,
Jean Geoffroy ou Jouffroy , confident de Louis en
tout ce qui concernoit 1 abolition de la Pragmati-
que , fut le chef de l'ambaflade folemnelle que le
roi envoya au pape peu de temps après, pour met-
tre le dernier Iceau à cette affaire ; il porta la pa-
role dans la première audience de Pie , & reçut le
chapeau des mains du faint père, pour prix de fa
flatterie & de fes artifices. I7n ambitieux , connu
par fa perfidie , l'évêque d'Angers , Balue, obtint le
même honneur de Paul II , par les mêmes moyens.
L'abolition de la Pragmatique n'étoit pas encore
tevètue des formes légales : Louis XI , pour pro-
curer la pourpre à fon favori , rendit une déclara-
tion à ce fujet. BaUie la porta au parlement le pre-
mier jour d'oftobre 1467 , & en requit l'enregif-
trcment ; mais il y trouva des oppofitions invinci-
bles de la part du procureur ginèral , Jean de
Saint Romain, qui déclara que la Pragmatique étoit
"une ordonnance utile à l'églife gallicane , Si qu'il
falloit la maintenir. Ce refpeâable magiftrat pro-
tefia qu'il aimeroit mieux perdre fa charge, & la
vie même , que de rien faire contre fa confcience ,
contre le fervice du roi 8c le bien de l'état. Louis ,
informé des oppofitions du procureur-général , rit
publier fa déclaration au châtelet , & voulut en
outre qu'on lui préfeniât par écrit les motifs qui
avoient empêché le parlement d'enregiftrer fes let-
tres. Cette cour fit dreffer alors les longues re-
montrances qu'on nous a confervées ; on y lit que
Ja Pragmatique-fan£lion.ctoit le réfultat des conci-
les de Confiance & de Bafle , qu'elle avoit été dref-
iee du confentement des princes du fiuig , des évé-
ques , des abbés , des communautés monafliques ,
des univerfités du royaume i que l'état & l'églife
iouifi!"oient d'une grande tranquillité depuis qu'on
i'obfervoit ; qu'on avoit vu dans les évêchés , des
prélats recommandables par leur fainteté ; qu'on
ne pourroit la détruire fans tomber dans quatre
grands inconvéniens , la confufion de l'ordre ecclé-
fiaftique , la Uéfolation de la France , l'épuifement
des finances du royaume , & la ruine totale des
églifes. Cet écrit détaille chacune de ces confé-
quences , infiftant toutefois davantage fur le pre-
mier & fur le troifième articles , prétendant que
par la defiruflion de la Pragmatique on va donner
lieu au rétablifi"ement des réferves , des expeélati-
ves , des évocations de procès en cour de Rome ,
.-qu'enfuite on verra k royaume fwrçhargé d'aanates
PRAGMATIQUE-SANCTION.
& d'une multitude d'autres taxes. On fait fcntfr
combien ce tranfport d'argent hors du royaume eft
préjudiciable à l'état ; on rappelle à cette occafion
les fommes qui avoient été payées à la chambre
apofiolique dans l'efpace de trois ans, & l'on en
fait monter le total à deux millions cinq cent mille
écus d'or. L'univerfité de Paris fe joignit au parle-
ment. A pgine la déclaration de Louis XI eut-elle
paru , que les dodieurs en appelèrent fur-le-champ
au concile général ; ils envoyèrent même des dépu-
tés à Jouflroy , appelé alors le cardinal d'Albi , lé-
gat du pape , pour lui fignifier l'aâe d'appel. Tous
ces mouvemens pour la Pragmatique empêchè-
rent cette fois fa defirudlion totale. Louis XI
s'engagea encore à l'abolir entièrement , dans l'ef-
pérance que Sixte IV refuferoit la difpenfe dont
le duc de Guienne, frère du monarque , avoit be-
foin pour époufer Marie de Boi:rgogne. La mort
de ce jeune prince fit ceffer ce motif; Louis XI n'en
parut pas moins difpofé à terminer les contefta-
tions qui divifoient les cours de France & de
Rome ; il traita même avec Sixte en 1472 , par des
envoyés qui , de concert avec le pape , arrêtèrent,
entre autres chofes , que le faint fiège auroit fix
mois , à commencer par le mois de janvier , & les
ordinaires fix mois , à commencer par février , &
ainfi de fuite alternativement , dans lefquels ils
conféreroient les bénéfices vacans, comme s'il n'y
avoit aucune expedlative, iMais cet accord n'eut pas
lieu , 8c Louis , en 1479 ' tenta de rétablir la Prag-
matique , dans une afiemblée tenue à Lyon , qiiî
en rappela les difpofitions principales. Louis XII
confirma ce décret dès fon avènement à la cou-
ronne , Si jufqu'en 1512 plufieurs arrêts du parle-
ment en mainfinrent l'autorité ; ce qui n'empéchoit
pas qu'on n'y dérogeât de temps en temps , fur-
tout quand la cour de France étoit en bonne intel-
ligence avec celle de Rome ; au refte , la Pragma-?
tique étoit toujours une loi de difcipline dans l'é-
glife gallicane. Jules II crut qu'il étoit temps de
rétablir pleinement fon autorité par rapport aux
bénéfices & au gouvernement eccléfiafiique. Il fit
lire dans la quatrième fefl'ion du concile de Latran ,
tenue le 10 décembre 1512 , les lettres données
autrefois par Louis XI pour fupprimerla Pragma-
tique. Un avocat confifiorial prononça enfuite un
long difcours , & requit l'abolition totale de cette
loi. Un promoteur du concile demanda que les
fauteurs de la Pragmatique , quels qu'ils pufTent
être, rois ou autres, fuflent cités au tribunal de
cette aflemblée, dans le terme de foixantc jours ,
pour faire entendre les raifons qu'ils auroient de
foutenir un décret fi contraire à l'autorité du faint
fiège. On fit droit fur le réquifitoire , & l'on décida
que l'adc de monition feroit affiché à Milan , à Aft
& à Pavie , parce qu'il n'étoit pas fur de le publier
en France. L'adreffe des envoyés du roi & la mort
de Jules II ralentirent la vivacité des procédures.
Enfin , Léon X & François premier, dans leur en-
trevuç à Boulogne, conçurent l'idée du concordat jl
PRAGMATIQUE-SANCTION.
qui règle encore aujourd'hui la dilcipline de l'églife
gallicane. Le faint père , non content d'approuver
ce traité par une bulle du i8 août 1516, abrogea
par une autre bulle la Pragmatique, qu'il appelle
la corruption françoife établie à Bourges. La vérifica-
tion du concordat excita des mouvemens qui en
fufpendirent l'exécution ; & lors même qu'il fut
enregiftré, on vit bien que la Pragmatique cccu-
poit toujours le premier rang dans l'eflinie des ec-
cléllaftiques & des magiflrats François. Reconnoif-
fbns néanmoins , avec M. de Marca (i) , « que le
i> concordat a rétabli la paix dans l'églife gallicane,
») & qu'il a fait plus de bien au royaume que la
>» Pragmatique-fan61ion. Il n'efl pas étonnant que
» ce décret ait trouvé dans fa naiffance tant de con-
» tradiéleurs. Le clergé ne put voir tranquillement
>• qu'on le privoit d'un de fes plus beaux droits ; il
•> fentit vivement cette perte ; il en appela au futur
•) concile général ; le parlement entra dans fes
»> vues. Un changement fi fubit 6c ii confidérable
M dans le gouvernement des églifes , étonnoit tous
>» les efprits ; il n'y avoit que le temps & l'habi-
»» tude ^ul puffent les calmer n. Nous ajouterons ,
qu'en faifant pafTer dans la main du fouverain le
droit d'élire les pafleurs , on pourvoit au gouverne-
ment des églifes de manière à n'exciter ni brigues
ni violences ; que d'ailleurs il efl important pour
la fureté du royaume, que nos rois placent dans
les évêcbés & dans les grands bénéfices , ceux de
leurs fujets dont ils connoilîent la fidélité, & dont
les talens s'étendent au maintien de l'ordre public ,
comme aux chofes de la religion.
Avant de finir fur cette matière, nous eramine-
rons quelques queftions. D'abord, on demande fi
la Pr?.gmntique a été dre/îée par toute l'afiemblée
de Bourges , comme quelques auteurs l'ont avancé ,
ou fi elle efl: l'ouvrage du clergé convoqué dans
cette afTemhlce. Le texte même lève les doutes qui
pourroicnt s'élever à ce fujet. Il dit formellement
qu'il n'y a eu que les prélats & autres eccléfiafii-
ques repréfcntans l'églife de France , qui aient ap-
porté des modifications aux décrets du concile , Se
même que les pères de Balle n'envoyèrent leurs
décrets qu'au roi & à l'églife. On en peut juger par
les paragraphes de la préface , (jutt qiiîdem, quibus
attenté , & qt:,:: Omnia. Le corps de la Pragmatique
en renferme auta,nt de preuves qu'il y a de titres : à
di
que par i auemoiee on n entend que les êvëques
les autres eccléfiaftiques qui repréfentent toute l'é-
glife de France ; acceptavh & acceptât prout jacent ,
jimdjBorum pralatorum , cxCerof'tmque virorUm eccle-
Jiajlicorum ipfim tcclefiam reprefentandum congres;aiio
fxpe diéla. Prefque tous les mots du par.;graphe ea
propter, qui contient l'approbation ou confirciation
du toi, font autant de preuves que la Pragmatî^isae
n'a été faite que par l'églife de France.
[j; L'c coacciJ. , !. 6 , p. f j6 , j' éd
it.
PRAGMATIQUE SANCTION. 217
Voici une autre queftion qui concerne l'autorité
de la Pragmatique. On demande fi elle a été faite
dans le fchifme. Plufieurs l'ont cru , fondés fur le
témoignage du roi Louis XI, qui le dit dans une
lettre au pape Pie II, ut poti quts. in feditione dv»
fchifmati tempore nata fit ; le pape Léon X le dit aufir
félon une lettre rapportée dans le cinquième concile
de Latran. Ce même pape avance dans le titre pre-
mier du concordat, que c'eft le motif qui obligea
Louis XI de labroger. Le parlement de Paris ,
dans fes remontrances , & le plus grand nombre de
nos meilleurs auteurs , ont foutenu avec raifon , que
la Pragmatique n'a point été faite dans le fchifme.
Une grande partie des décrets qu'elle renferme ,
ont été drefi^és, il eft vrai , après que les brouille-
ries du concile de Bafle avec Eugène IV eurent
commencé : le pape vouloir faire finir le concile ou
le transférer ; les pères aflemblés s'y refusèrent ,'
& firent plufieurs décrets contre le pontife. Mais le
fchifme ne commença qu'à la dépofition d'Eugène
en 1439 , au mois de juin , & futconfammé par l'é-'
leélion de Félix au mois de novembre delà même
année. Or , l'affemblée de Bourges avoit accepté
les décrets du concile de Bafle avant cette époque,
& le roi Charles VII les avoit confirmés le 7 juillet
1438. Il eft même à remarquer que le vingt-deuxiè-
me titre de la Pragmatique , qui précède immédia-
tement la conclusion de l'églife gallicane, efl: un
décret du mois de mars 1436. D'ailleurs, le pape
lui-même a confirmé les feize premières fefilons
dans un temps où il n'y avoit pas de divifion entre
lui & les pères afl^emblés. En un mot, le titre de
r autorité des conciles, tiré delà première & de la
féconde feffion, fuppofe évidemment que le con-
cile a pu faire tous les autres, fans qu'on puifie les
arguer de nullité, fous prétexte que , n'ayant pas
été agréables au faint père, ils ont été faits en temps
de fchifme.
Il efl donc certain que les décrets du concile de
Bafle , inférés dans la Pragmatique , émanèrent
d'une autorité légitime. Mais , nous dira-t-on , de
quel droit l'égliie gallicane a - t elle appofé des
modifications à un règlement qui devoit être révéré
comme celui de l'églife uni verfelle .' Nous répon-
drons , avec l'auteur des mémoires du clergé , tome
10 , page 58 & fulvantes, que le roi & l'églife de
France afi'emblés à Bourges , n'ont pas voulu dimi-
.•nier l'autorité du concile de Bafle ; mais que les
cécrets des conciles, fur ce qui regarde ladifcipline
extérieure & le gouvernement , ne doivent être
reçus qu'autant qu'ils font utiles aux peuples qu'on
veut conduire , Se qu'il en faut de différens , fuivant
les circonftances , les temps & les mœurs des états
Si des fiècles. Les conciles généraux ont fait leurs
réglemens de la manière la plus convenable à la
plus grande partie des nations. Quoiqu'il y eût des
pays qui paruflent demander d'autres lois dans leur
état préfent, les évêqucs de ces contrées n'ont pas
cru devoir s'oppofer aux décrets des conciles où ils
fe font trouvés ; ils ont fuppofé que ces difpofi- .
Ffij
TiS PRAGMATIQUE SANCTION.
lions rega>doient feulement les peuples St les égli-
■ies placés dans certaines circonftances , & qu'ail-
leurs on y oppoleroit les modifications ticceiraires
pour les rendre utiles. Tels font les vrais principes
confacrés dans la préface de la Pragmatique , §. qux
omnia. Ces règles fur la difcipline de l'églife iont
bien expliquées dans le procès-verbal de la cham-
bre eccléfiafiitjue des étais de 1614, au fujet di^
concile de Trente , dont cinquante-cinq prélats du
clergé demandoient la réception avec certaines
modifications. Cette manière de recevoir les dé-
crets des conciles généraux en matière de difci-
pline , n'eft point nouvelle ; les grandes églifcs ont
<.iô. perfuadèes, dans tous les temps, que, fans
faire injure à ces alTemblées , on pouvoir main-
tenir les coutumes anciennes dont les peuples
étoient édifiés , & qui convenoient aux circonf-
tances. On fait la vénération que toutes les églifcs
avoient pour le premier concile de Nicée : c elt
néanmoins un fentiment ordinaire , que le ving-
tième canon de ce concile, qui ordonne de prier
debout aux jours de dimanche , & depuis pàques
jufqu a la pentccôte , n'a point été fuivi dans plu-
sieurs églifes , 8c fur-tout dans celles d'Occident ,
qui confcrvèrent toujours leur ufage de prier à ge-
noux. Chaque pays a eu fes règles & fes coutu-
mes particulières, non-feulement dans ce qui con-
cerne l'ordre & les cérémonies du fervice divin,
ïa folemnJté des fêtes » & les autres chofes de dif-
cipline, qu'on regarde comme moins confidérablcs,
mais aufiî dans les empèchemens qui peuvent ren-
dre nuls les mariages des catholiques, & fur d'au-
tres points dont les fuites font confidérées comme
moins importantes.
Alexandre III , dans une réponfe à un évéque
d'Amiens , rapportée dans la celleAion de Bernard
de Pavie , la première des anciennes collerions
des décrétales , liv. 4, tit. i6 , de fngldis 6» maU
ficiatis, §. 3 , c. 3 , fuppofe qu'un mariage reconnu
à Rome pour légitime, pourroit être nul en France.
On croit devoir ajouter fur les ufages de l'éi^lifc
.gallicane , que plufieurs , qui lui étoient paticu-
liers , font devenus la difcipline géuérale de toute
réglife.
La coutume de f-irc publier des bans, pour
empêcher les mariages clandeftins , a commencé
dans l'églife de France, & a été érigée en loi gé-
nérale par un décret d'Innocent III , rapporté dans
le cinquante-unième canon , entre ceux qui font
attribués au quatrième concile de Latran tenu en
1 215 , & par les pères du concile de Trente , fefT.
24, cap. I. Il en eft de même de l'ufage obfervé
dans les chapitres, d'affeéier une prébende pour
la futfulance du théologal , & une autre pour la
prccf;ptoria!e , qui a paflé du clergé de France dans
toute rég'ife.
Ce que nous venons de dire nous a paru d'au-
tant plus imporran: , qu'il juftifie les modifications
appofécs par iaflemblce de Bourges aux décrets j
^u concile de Bafle, & qu'il nous fait yolr dans I
PRAGMATIQUE-SANCTION.
l'ancienneté des coutumes qui nous ont été pro-
pres, un des principaux fondemens de nos fran-
chifes & de nos libertés.
Enfin, la queftion la plus utile fur la Pragmati-
que, eft de favoir quelle autorité on lui donne
dans l'ufage de notre fiéclc ; fi une partie de fea
dilpofitions fait encore la règle de notre difcipli-
ne, ou fi elle y eft regardée comme abrogée dang
toutes fes parties.
Qi;elques auteurs ont avancé que la Pramagtique
efi entièrement abrogée dans l'églife de France, lis
fe font fondés fur le difcours de Pie IL dansl'affem-
blée de Mantoue ; fur la lenre de Louis XI au mê-
me pontife ( 1 ) ■, fur plufieurs bulles & ailes de
Jules II & de Léon X , & fpécialement fur la bulle
de ce dernier pape , paflor tsternus ; mais cette opi-
nion ne peut plaire qu'à des ulrramontains, pour
qui tous les décrets de Rome font des oracles. C'eft
la doé^rine commune du royaume, que les arti-
cles de la Pragmatique non contraires à ceux du
concordat qui y font luivis , n'ont pas été abrogés j
plufieurs même ont été conrirmés par d'autres or-
donnances & par la junfprudencc des arrêts : les
articles dont le concordat ne parle point, ont été
conferves. François I s'en explique anez clairement
dans le préambule , lorfqu'il expofe les raifons qui
1 ont déterminé à conclure ce traité avec Léon X.
Itd cenfefiii nmperatjque (uni ca conveiita , ut plcra-
^ue Pragmatica fanRïonis capîta, firma nobïs pojlhac ^
rutûqiie jutura fini , qualiajunt ca <fua. de rejeivatia-
nibus in univcrjum aut figilUtim faElis jl^tuunt , de
collationibusy de caufisy de jruftratorn\ appellaùonibuSy
de antïquatione confîitutionis clemeritinœ quam li'teris
vecani y de libère quietèqui po£iJentibus ^ de concubi-
na'iis , qucedamque alla quihus nih L~iii convenus de-
rogatum abrogatumque fuit , nifi (yi" in quibufdam ca-
pitibus nonnulia interpretenda , imtnutandave cenfui-
mus ), ^'>od •ta referre u'.ilitatis public œ arbitruremur.
Les gens du roi difent la même chofc dans l'avis
qu'ils donnè'^ent en 1586, fur les fommes que les
officiers du pape entreprcnoientde faire lever dans
le royaume. Le concordat n a dérogé ù la Pragmati-
que ^finon es points qu'il a expre(fcmi:nt corrigés ou
révoqués. On doit obfcrver néanmoins qu'il y a des
articles dans la Pragmatique dont il n'eft pc-int parlé
dans le concordat, & qui ne font pas fuivis ; tel
eft le titre 8 , de numéro & qualilate c-Urdinalium , qui
n'eft pas obfervé ; tel efi le titre 9 de annatis. Ainfi ,
il peut y avoir des articles de la Ptagmatique c©n-
cernant le pape & la cour de Ro.mc , qui ne foient
plus en iifiige , quoiqu'ils ne foient point mentiorj-
nés dans l'accord des reftaiirateurs des lettres ; mais
ceux qui règlent la difcipline intérieure de l'églife
de France ont toujours force de loi , s'ils n'ont pas
été révoqué* : on a maintenu dans toute leur vi-
gueur les titres qui regardent la célébration de l'of-
fice divin , &i ceux qui fuivent , jufqu'à la condu-
(l) Et non pas à Jules II , comme il eft dit dancks ittc-
Dûçiits du clergé , tome lo , page 79.
PRAG\UT:QUE SANCTION.
fion del'églifc gai!ica:ic.P.Lficurs arrêts confirment
cette explication. Le chapitre d'Orléans avoit dreffé
des ftatuts contraires aux règlcmens de la pragma-
tique, quomodb diviiwn ojjuium fit celibrjndurn ,
^uo tempore quifque debcat tje in choro. QisaUler hora
eononica fint duendce , & de his qui tempore divino-
rum officionim va^untur pcr ecclefiam. Le procureur
général du parlement de Paris fe rendit appelant
comme d'abus de ces nouveaux llatuts , qui furent
annullés par arrêt du 5 août 1535. Il paroît, par
un arrêt de la même cour , rendu le i janvier 1 5 5 i,
que, peu de temps après, le chapitre d'Orléans
ayant ceffé d'exécuter ce règlement , le parle-
ment réitéra ce qu'il avoit Ordonné, Autres arrêts
rendus contre le chapitre de Saint - Etienne de
Troies, le iioélobre 1535; le chapitre de Saint-
Pierre de Mâcon , le 11 juillet 1672; le chapitre
de Meaux , le 5 août 1705. Il ert ordonné par ce-
lui-ci, u que les doyen , chanoines , chapelains &
ir autres du clergé de ladite égllle , lerout tenus
»> d'obferver l'article de la Pragmatique tiré du con-
w cile de Baile , au titre quo tempore quifque dcbeat
» <][<• in choro. Et en confiquence , que nul ne
w lerapayé de la rétribution fixée pour les heures
M de l'oiiice , s'il n'y a afiiilé , à moins d'une ex-
» cufe légitime au cas de droit ». On en rapporte
quelques autres, tome 10 des mémoires du clergé ,
pages 84, 85 &. 86.
Nous ne croyons pas pouvoir tern^iner nos re-
cherches fi.ir la Pragmatique d'une manière plusin-
téreilante pour lelciiîeur , qu'en tranfcrivant ce que
dit 1 auteur du clergé de France dans fon difcours
préliminaire , page 3 b , tome i " LaPri'gmatique,
»• revêtue de 1 autorité de Charles VII, éleva wn
M mur de (éparation entre les cours de France Si
« de Rome. Louis XI ofa l'abattre i mais, chan-
»> géant au gré des caprices de la politique , il tenta
3) de le rétablir. Sixte IV lut temporifer, Si. le nuage
» (e diffipa. Bien difîerens de ces deux hommes ,
« Louis XII & Jules II rirent éclater leursquerelles.
« Au lieu de ménager fon ennemi par des délais,
« à l'exemple de Sixte , Jules , ardent & belliqueux,
>» fe montra auflî prompt à prendre les armes qu'à
3' lancer des anathcmes. Au lieu de fe lîornerà des
M menaces , comme Louis XI , Louis XII fe ven-
» gea par des proct'dures mal entreprifes & mal
» foutenues. Léon X & François I ouvrirent une
J> fcéne nouvelle; les reflauraieurs des lettres le
i> furent de la difcipline eccléfiaftique. François I
*> acquit plus de gloire à Boulogne que dans les
y champs de M3iis;nan. Quoi de plus capable de
j) fignaler fon lègne, que le concordat, ce chef-
V û œuvre de fagei^e & de juf^ice ! Préparé par les
j» lumières d'une trille expérience , établi par le
» concours des deux autorités, cimenté par les
» contradictions, ce traité fi libre a fait cclTer les
M brigues , les réfcrves , & l'abus des expefla-
» tives ».
P'ojci^les mémoires du clergé y tome jo; le com-
ntntaire àt Cofme Guymicr , édithn de Pinjfon y
PRATICIEN. 2Z9
'jurlfprudence canonique de la Comhe ; hifloirt de
Ciglijt gallicane , tome 16 6- 17. Voyez auffi Co^^'
CORDAT. ( Article de M, Valbé Remy , avocat aU
parlement ).
PRATICIEN. C'eft celui qiii entend l'ordre
& la manière de procéder en juflice , & qui fuit la
barreau.
Et quand on parle d'un Praticien , fimplement ,
on entend quelqu'un qui n'a d'ature emploi que
de poftuler dans une petite juridiflion feigneuriale.
Les juges abfens peuvent être fu])plcés par de
funples Praticiens , à défaut de gradués. C'ell ce
qui réfulte des articles 25 & 26 du titre 24 de l'or-
donnance du mois d'avril 1667.
Obfervez que les procureurs font regardés com-
me les premiers Praticiens, & que quand il ne fe
trouve point de gradués dans un fiège , ils tiennent
la place du juge , & en rempUirent les fondions fui-
vant l'ordre de leur réception.
PRAl IQUE. "Voyez Praticien, Procédure ,
Procès.
PRÉ. Terre où croit l'herbe dont on fait le foin.
Les habitans de plufieurs provinces du royaume
ont obtenu la permilTion de clorre les Prés & autres
héritages qui leur appartiennent.
Les iiabitans du Boulonnois ayant repréfcnté au
roi que la rencloture des Prés & pâtures étant d'une
utilité généralement reconnue , il y avoit peu d'en-
droits ou le parcours fût aufîî nuifible que dans ce
pays , & OLi il i\xx. plus nêceflaire d'y pourvoir , at-
tendu que quoique toute leur richeiîé confiffàt dans
lecommerc;; de beurre & de beftiaux, les pâtura-
ges y étaient livrés à la merci du public pendaHt
les deux tiers de l'année ; que cet abus avoit fa
fource dans les difpofitions mêmes de la coutume ,
dont l'article 131 défendoit de clorre plus du quint
de fon fief pour le tenir franc , & ne pertnettoit de
renfermer qu'une mefure ou cinq quarterons de
terre en roture , à la charge même d'y faire une
maifon & un jardin ; tandis que l'article 132 ne rê-
fervoit la jouilTance des riets & pâturages aux pro-
priétaires que depuis le 15 mars jufqu'au premier
août , auquel temps ils dévoient être abandonnés à
l'ufage du public, ainfi que les Près , foit qu'ils
fufient fauchés ou non ; qu'il réfultoit delà que les
cultivateurs , privés de la féconde herbe de leurs
Prés , & réduits à ne jouir des pâturages que l'ef-
pace d'environ quatre mois , perdoient plus du
tiers de leur produit , & ètoism obligés , ou d'avoir
moins de beftiaux , ou de multiplier leurs pâtures ,
en diminuant leurs terres labourables , déjà infuffi-
fantes peur les nourrir ; au moyen de quoi ils fup-
plioient fa majcfté de rendre communs au Bou-
lonnois les édits rendus fur le fait des renclôtures
pour le Béarn , la Franche Comté, la Lorraine,
la Champagne & autres provinces du royaume : en
conf:quence , le roi a rendu au mois de feptembre
1777 ,nn édit que le parlement a enregutré le 19
déce nhre de la même année , & qui coatieiît les
difpofitions fui van tes ;
Z30 PRE.
» Artice I. Nous permettons à tous piopnétaî-
»> res , cultivateurs , fermiers & autres nos lujets
« du comté & gouvernement du Boulonnois , de
» clorre les terres ,Prés , champs , Se généralement
)> tous les héritages , de quelque nature qu'ils
» foicnt , qui leur appartiennent ou qu'ils culti-
j) vent , en telle quantité qu'ils jugeront à propos ,
« foit par des foifés , haies vives ou fèches , ou de
V telle autre manière que ce foit.
5J2. Les terreins qui auront été ainfi enclos ne
« pourront à l'avenir , & tant qu'ils refteront en cet
j> état de clôture , être affujetis au parcours , ni
» ouverts à la pâture d'autres beftiaux que de ceux
)» à qui lefdits terreins appartiendront ou feront
« affermés , interprétant à cet effet & dérogeant
V même, entant que de befoin , à toutes lois ,
M coutumes, ufagcs & réglemens à ce contraires.
j) 3. La clôture des héritages ne pourra néan-
» moins avoir lieu, au préjudice du paffage des
» beftiaux , pour aller fur les terreins qui relieront
M ouverts à la vaine pâture , ni de celui des char-
« rues & voitures pour la ciilture des terres Se l'en-
" lévement des récoltes j Si 3 cet efict tout pro-
» prlétaire ou fermier fera tenu de laiffer ledit paf-
»» îage libre fur fon terrein,s'il y eA affujeti , ou
» qu'il ne puiffe les clorre fans intercepter le paf-
» fage, aux charges de droit.
i> 4. Les clôtures d'héritages fe feront à frais
») communs entre les propriétaires d'iceux , s'ils y
î> confentent ; & , en cas de refus des proprié-
3» taires voifins , l'emplacement de la clôture fera
« pris fur le terrein que l'on voudra clorre , en
» laiffant pour les haies vives le rejet prefcrit par
« la coutume. Si donnons en mandement, 8cc ».
Par arrêt du 7 juin 1779 , Iç parlement de Paris ,
en renouvelant les difpofitions des ordonnances
& arrêts de règlement concernant le glanage, a
fait défenfe à ceux à qui il eu permis de glaner ,
de fe fervir, pour glaner dans les prairies & dans
les terres enfemencées en luzernes, trèfles, bour-
gogne , fainfoin , & autres herbes de cette nature ,
de râteau ayant des dents de fer, ni d'aucun au-
tre inflrument feniblable où il peut y avoir du fer ,
fous peine de vingt livres d'amende contre les
eontrevenans , même d'être procédé extraordinai-
j ement contr'eux , fuivant l'exigence des cas.
Les prairies artificielles font-elles affujéties au
pâturage des beftiaux des habitans du lieu où elles
iont fituées, de même qu'y font fujets les prés na-
turels, après la première & la féconde récolte?
(lette quelHon a été agitée au parlement de Paris
d.uis l'eipèce fuivante:
Dans le bourg de la Sauvetat & dans plufieurs
endroits de la Limagne d'Auvergne , on trouve peu
de prés naturels, & on ne pourroit y nourrir la
quantité de bcfliaux , nécefiaires à l'exploitation &
engrais des terres , fans le fecours des prairies arti-
ficielles. Ces prairies font des champs , ou déjà mis
en valeur » ou nouvellement défrichés , fur lef-
g\jçls, après dfj préparations copvçnablçs Se trçs-
PRÉ.
difpendieufes , on feme , ou conjointement , ou fé-
parément , du fainfoin , de la luzerne Se du grand
treffle , mais principalement du fainfoin , comme
meilleur aux beftiaiix 6c d'un plus grand produit. II
eft fur-tout néceffaire , pour retirer de grands avan»
tages des prairies artificielles, d'en éloigner les bef-
tiaux , parce que , pour peu qu'elles ayent été brou-
tées , elles fe defsèchent S< fe ditruiient en peu de
temps.
Le fieur de Villoffanges , dans un fiècle où le
gouvernement encourage Si honore l'agriculture,
a cru devoir procurer un bien réel à fon pays. En
1771 il a converti en chaprière, ou prairie artifi-
cielle, une pièce de terre jufqu'alors labourable , de
la contenance d'environ 15 feptérées , qu'il fema
en fainfoin. Il y avoit à peine trois ans qu'elle étoit
formée, lorfque Henri Rallier, cabaretier à la
Sauvetat, envoya, fous la conduite d'un berger,
le 6 novembre 1774 , un troupeau de plus de 200
moutons , pacager depuis trois heures du foir ]u{<-
qucsà fept heures, dans la pièce de fainfoia dont
il s'agit.
Selon la coutume d'Auvergne , conforme en cela
à plufieurs autres , quand des beftiaux font trouvés
pâturants en dommage dans l'héritage d'autrui , le
propriétaire ou fes domeftiques peuvent faifir d'au-
torité privée ces beftiaux , les emmener au logis
du propriétaire , & les y enfermer pendant 24
heures. En conféquence deux domeftiques du fieur
de Villoffunges fe mettoient en devoir de faifir 6c
emmener le troupeau de Rallier , lorfque ce der-
nier qui étoit aux aguets , inftruit par fon berger ,
accourut avec fes valets de labour armés de pierres
Si de bâtons, S: fe jetèrent fur les domeftiques
du fieur de Villoftanges , les terrafsèrent , Si em-
pêchèrent de force la capture des moutons.
Le 9 du même mois de novembre , le fieur de
Villoffanges rendit plainte de ces faits devant le
juge de la Sauvetat ; fur quoi information de onze
témoins , décret d'ajournement perfonnel contre
Rallier Si fes domeftiques , interrogatoire des ac-
cufés , portant à peu-près confeflîon de tout ce qui
s'étoit paffé, inftruflion poftérieure , mais à l'ordi-
naire feulement, de Sentence définitive fur délibéré ,
le 12 janvier 177Ç , qui fait défsnfcs aux accufés de
récidiver fous les peines de droit}, les condamne foli-
dairement & par corps à la fomtne de 6 liv. de dom-
magis-intéréts réfultans du pacage fait nuitamment
dans la pièce de fainfoin du fieur de Villoftanges;
en outre à une amende de 10 liv. envers le feigneur de
la Sauvetat , & aux dépens liquidés à 94 itv.
Sans entrer dans le détail de la procédure qui a
fuivi l'appel de cette fentence portée à la féné-
chauft"ée de Riom , ce tribunal a rendu , le 22 août
1778 , une fentence définitive, qui , fans s'arrêtera
la demande du fieur de Villoffanges contre Rallier ^
l'en a débouté \ & faifint dcott fur les der^andes det
habitans de la Sauvetat intervenans , les a gardés &
maintenus au dsoit & poffijftjn d^introduire leurs hef-
tiaiix dans tous Uf héritages çiépendaiu de la jupif
PRÉBENDE.
'ât la Sauvetiit , notamment dans les terres femées en
fa'infoin, dites chaprières , après la première herbe le-
vée , le temps de fêté pûffe ; fait défenfes au fnur de
Villojfanges de les y troubler à l'avenir ; le condamne
aux dommages-inte.-ées de Rallier .,..& a tous les
dépens envers toutes les parties.
Le fieur de Villoflanges a interjeté appel de cette
fentence en la cour.
Son défenfeur , a , dans un mémoire très-ap-
profondi fur la matière, établi que les prairies arti-
ficielles étoient exemptes , par leur nature, du
droit de pâturage ,&que l'intérêt publiée politi-
que follicitoit cette exemption.,
Arrêt du 14 août 1781 , rendu, au rapport de
M, Dionis du Séjour , dont voici le prononcé :
» Notredite cour. . . en tant que touche l'appel
» interjeté p^r ledit Douliet de Villoflanges , de la
35 fentence de la fénéchauffée de Riom , du 22
» août 1778, a mis & met l'appellation & ce dont
5; a été appelé , au néant i émendant , décharge
)) ledit Douet de VilloiTanges des condamnations
» contre lui prononcées ; fans s'arrêter aux re-
5» quêtes Se demandes dudit Rallier & dcfdits ha-
j) bitans de la Sauvetat, dont ils font déboutés;
>» ayant aucunement égard à celles dudit Douhet
j) de Villoflanges , fait défenfes audit Rallier &
» auxdits habitans de la Sauvetat, de mener ou
» faire mener paître leurs befliaux en aucun temps
3) dans les fainfoins & prés artificiels appartenans
« audit Douhet de VillofTanges , fous les peines
j> portées par les ordonnances ; condamne ledit
}j Rallierai lefdits habitans de la Sauvetat à tous
M les dépens . . . faifant droit fur les conclurions
î) de notre procureur-général , ordonne que le pré-
n fent arrêt fera, à fa requête, pourfuite & dili-
5> gence, imprimé & affiché, tant dans l'étendue
» de la paroifle de la Sauvetat , que dans les au-
■»■> très paroiffes fituées dans le reflbrt des féné-
ï> chauffées de Riom & de Clermont, & qu'il fera
» infcrit fur les regiftres defdites fénéchauflées ,
» Sec. &c. •>■>
PRÉBENDE. Ce mot vient du terme latin Prœ-
hendd , dérivé du verbe prœhere ^ qui fignlfie don-
ner , effrir , & rendre. On l'emploie pour difi-
gner le droit de percevoir certains revenus dans
Icséglifes cathédrales ou collégiales. C'efl du moins
la définition qu'en donnent la plupart des auteurs.
Il feroit cependant plus exaiï de dire que la Pré-
bende eft la portion même de revenu affeélée à
chaque canonicat, plutôt que le droit de percevoir
cette portion de revenu. Le droit, en effet, de les
percevoir , n'efl; point diflingué du titre même du
canonicat, & il en fait partie, comme une récom-
penfe 6c l'honoraire des offices que le chanoine eft
©bligé de remplir , beneficium propter oflclum. Ainfi
quoique les curés , en vertu de leurs titres , & à
raifon de leurs fonflions , foient fondés à perce-
voir les dîmes de leur paroifle, ou du moins à per-
cevoir fur ces dîmes la quotité fixée par les lois
PRÉBENDE. 131
pour leur fubfiflancc , &. qu'on appelle portion
congrue , on n'a jamais dit que cette portion tut le
droit qu'avoicnt les curés de prendre leur fubfif-
tance fur les dimes ; mais, au contraire, que ce
droit, dont ils dévoient jouir , leuraflîiroit la por-
tion congrue , ou que la portion congrue étoit la
plus petite mefure de ce droit , & celle qu'il fal-
loit nécefl'airement leur accorder. Il auroit falhi ,
ce femble , s'exprimer de la même manière par
rapport aux Prébendes, & n'en pas faire une forte
de droit diilinét & féparé des titres des canonicats.
A la vérité , les collations des canonicats renfer-
ment toutes le mot de canonicat & celui de Pré-
bende. Les collateurs y difent qu'ils confèrent l'un
& l'autre canonicatum & Prabendam ; mais cela ne
veut pas dire qu'ils confèrent deux droits diffé-
rens. Le mot de Prébende n'eft ajouté dans les
aéles de collation à celui de canonicat , que par
forme d'acceflbire , & pour défigner l'objet qui
doit fournir au titulaire les revenus de fa place &
les honoraires de fes fon61ions. Auffi les cha-
noines ne prennent - ils qu'un feul ade de pof-
feflion, qui afFefle également le canonicat & la
Prébende ; le premier comme titre , la féconde
comme fuite, efi^et & dépendance de ce titre.
L'ufage de ce mot pour défigner la portion af-
feâée à chaque chanoine , a pu venir is ce qu'au-
trefois , & pendant la communauté des biens dan^i
les chapitres , on donnoit à chacun certaines por-
tions de revenu pour leurs befcins particuliers &
perfonnels , indépendamment de ce qu'ils troii-
voient dans le doitre pour les befoins communs
de la vie. On appeloit ces portions Prébendes , &
on leur a confervé ce nom depuis la divifion qui
s'eft faite des biens communs , pour en former les
canonicats particuliers.
Il femble qu'il aurait été jufle , lors de ces divî-
fions , de rent're toutes les Prébendes égales , c'«fl-::-
dire, d'aiîécler à chaque titre de canonicat un revenu
pareil à celui des autres titres femblables dans la
même églife , puifque dans l'origine tous les cha-
noines étoient égaux. C'eft mîme encore le droit
commun, auquel les chanoines peuvent revenir,
lorfqu'il n'y a point de titre ou d'ufage contraire lé-
gitimement établis. On doit convenir cependant
qu'il y a eu des motifs bien capables de faire ad-
mettre quelque inégalité dans les revenus des ca-
nonicats d'une môme églife. Il étoit à propos d'ac-
corder une diftinflion aux canonicats auxquels on
ajoutoit, foit une dignité, foit quelque office ou
fonSt'ion qui entraînoient des dépenfes particuliè-
res ; il étoit bon de même de ménager & d'afl!"urer
des fecours plus abondans à ceux qui, après avoir
fervi plus long-temps l'églife, fe trouvoient expo-
fés à de plus grands befoins , foit par leur âge , foit
par leurs infirmités. Lorfque linègalité des Prében-
des ou des revenus des canonicats portent fur des
éiabliflemens de cette nature , on ne fauroit la blâ-
mer. Il faut la refpeéler également lorfqu'cUe vient
de la fondation même des canonicats. Il y a quel-
^^1
PRÉBENDE.
qucs «Jglifes '^J chacun ■;!? ces bénéfices ont été
i'opdis iépai -ment ; il y iaut conlerver à chacun ce
que fa fondation lui donrrc.
On di! communément que les Prébendes peu-
vent être f parées t>c divifées; qu'on peut d'une
en faire deux, & qu'i! n'en eft pas de même des
canonicats , qu'on ne fauroit ainfi (iivifer. Il feroit
dililcile d'i rendre une bonne raifon de cette pré-
tendue diftindion. Si la Prébende eft le droit de
toucher certains revenus, ou, comme nous l'a-
vons dit , fi elle eft ce revenu même attaché au ti-
tre d'un canonicat , comment toucher à l'un , fans
affeftcr l'autre? Quand d'une Prébende on en fait
deux , il faut nécelîairement que le titre même du
canonicat foit fupprinié, foit pour en former de
rouveaux titres, foit pour affeiflcr les revenus du
canonicat fupprimé , à quelqu'autre deflination.
Quelquefois aufll on fupprimé un certain nombre
de canonicats 6c de Prébendes , pour rendre plus
avantageux les titres que l'on conferve ; mais , de
quelque manière qu'on procède , le fort du ca-
nonicat (el trouve toujours lié à celui de la Pré-
bende.
Ce qui a peut-être le plus'contribué à faire envi-
/agcV les Prébendes comme diftinguées des cano-
nicats Si formant des droits féparès , c'eft que dans
certaines églifes , il y a des Prébendes afïeftécs à
des fondions ou à des objets qui ne peuvent con-
venir à des chanoines ; mais il s'enfuit feulement
que lors de la divifion primitive , ou par des ar-
rangemens poftéricurs, on a cru devoir attachera
ce? fon^lions , ou deftinerà ces objets une por-
tion tic revenus égale à celle qui étoit affignée à;cha-
que «anonicat , qu'on a appelée du nom commun
de Prébende , fans qu'on puHTe en inférer que
les portions attachées efTeâivcnient à des canoni-
cats , forment un droit différent de celui des cano-
nicats mêmes.
Il y a une efpèce de bénéfices connue fous le
rom de fcmï-PréberJe. Ces bénéfices ont été for-
jnés pour la plupart de la divifion des revenus af-
feâés à un canonicat dont on a fupprimé le titre
poar en former des places inférieures, deftinées
à fcrvir de récompenfes ou de litres aux clercs
attachés aux chapitres (i), & l'on a tiré le nom
de ces bénéfices , de celui des revenus employé»
à leur dotation , afin d'en marquer par-là l'origine.
Quelques fémi- Prébendes ont aulTi été établies
^ans la même vue que les autres , mais fans extinc-
tion d'aucun canonicat , 6c aux dépens Seulement
de la menfe capitulaire , ou par le retranchement
d'une portion des revenus affcélés à chacun des
(l) Dans quelques églifes les fémj-PT:be«4e5 font afftiiet
Éxclulivemem aux enfans de choeuc.
Tar arrêt do a» juia 157? , 'e chapirre de la catlirdrale
d'Angers tuttcçu appelant comme d'abus des ptovifions d'une
des féifii- Prébendes de cette églifo, appeJé Corb:ilUire ; & il
fat fait Jéfcnfe de cenfï ter à l'arenir aucune des fémi-Pré-
dendes i d'autc9s qu'aux eofans de chcçur de la luêiac églife.
PRÉBENDE.
canonicats dans les chapitres qui n'avoi^nt point
de menfe capitulaire diOincîe du fonds des re-
venus des canonicats eux-mèa^es. On a donné à
ces bénéfices , comme aux autres , le nom de fémr-
Prébende , foit pour marquer leur origine , foit
pour faire connoitre leur infériorité à l'égard des
canonicats qui donncru droit à la Prébende en-
tière. Dans quelques chapitres, les pourvus de ces
fémi-Prébendes font décorés du nom de chanoi-
nes , mais avec cette addition , cliano'nci fémi-
Prébendés.; ils n'ont dans d'autres que la fimple
qualification de bénéficiers ou de chapelains ; on
les appelle quelquefois vicaires, parce qu'ils ont
été principalement établis pour fuppléer au dé-
faut des malades , des vieillards , & des abfens. li
y a des chapitres où les chanoines fémi-prébcndés
n'ont ni voix , ni féance, ni même entrée aux af-
femblécs capitulaires : il y a d'autres chapitres où
ils entrent & ont féance dans-ces aflemblées , mais
feulement la moitié d'une voix , de forte qu'il cft
néceflaire que deux de ces chanoines fémi»Prében«
dés concourent au même avis , afin qae leurs fuf-
frages foient comptés, & i'.s ne le font alors que
pour une voix. Sur tous ces points , lorfque le titre
de fondation n'efl pas repréfenté, la grande règle
eA de s'en rapporter aux ufages de chaque églife,
à moins que ces ufages n'aient quelque chofe de
contraire à la difcipline générale de l'églife & à
la jurifprudence des tribunaux. Mais fi quelques
arrêts ont été déjà rendus en faveur de ces mêmes
ufages , ils acquièrent une nouvelle force , & ne
peuvent plus être attaqués.
P'oyci les lois cccléfidjliques ; recutil de jurifpru-
dcnct canonique ; mémoires du clergé ; définitions du
droit canonique , revues pur P. Caflel , &c. Voyez
auffiles articles Canonicat, Chanoine, Cha-
pitre , Cathédrales , Collégiales , &c.
( Articlt de M, Vabbi Remy , avocat au pat'
lernent. )
PRÉCAIRE. Ce mot, dans fon étroite fignifica-
tion , ne fignifie qu'un prêt révocable à la volonté
de celui qui l'a fait (1).
Comme la po&fiîon Précaire n'efî que l'effet de
la tolérance du propriétaire , elle ne donne aucun
dfoit au pofrefleur ; elle eft oppofée à la poflef-
fion du propriétaire ; c'efî de-là que dans l'ufage
on fe fert de ce terme pour exprimer en général
toute autre poffefrion que celle du propriétaire,
& que celui qui à titre de prêt, d'ufufruit, de nan-
tiflcment, que le mari, la douairière, celui qui
fait les affaires d'un abfent , les tuteurs , curateurs ,
fyndics, économes, adminiflrateurs , fequeflres ,
5t généralement tous ceux qui pofsèdent pour au-
trui , font dits n'avoir qu'une poffelTion Précaire.^
Le terme de Précaire emporte tellement l'idée
d'une pofTefTion de la chofe d'autrui, qu'on s'en
(i) Precarium eft qnotlpretibos petenti utendum concedi-
tur, tamdiù, nuamdiù i$ qui ceaceflic paiitur. L. i , S. it
(tti
Precari<h
PRÉCAIRE.
fert ponr exprimer une tradition feinte. C'cfl ainfi
qu'un vendeur, qu'un donateur, qui retiennent
fur la choie vendue ou donnée un droit d'ufufruit ,
dv-clarent ne tenir cette chofe qu'à titre de confli-
tut & Précaire ; ce qui fignifie qu'ils ne pofsèrlent
pïiS pour eux , mais qu'ils fe reconnoiiîent débi-
teurs de cette chofe. Car le terme de confiitut fi-
gnifie la reconnoifiance d'une dette (i).
Laurierc, fur l'article 175 de la coutume de Pa-
ris , reprend av:c raifon Auzanet , pour avoir dit
que ces termes conftitut & Précaire , ttoicnr inuti-
les , parce que dans l'ufage , il n'y a que la fimple
rétention d ufufruit qui donne la faculté au dona-
teur de retenir la polîeflîon & la jouifTance de la
chofe donnée. Il peut fe rencontrer des circonftan-
ces où , fans s'être réfervé d'ufufruit , le don.ueur
rcAe, au moins pendant quelque temps, en poiref-
li&n de la chofe donnée. Suppofez , par exemple ,
un particulier qui donne une maifon de campagne
à une perfonne abfente ; la donation eft acceptée
par un fondé de procuration fpéciale : le donateur
continue d'occuper la maifon pendant un temps
affez confidérable , & meurt avant le dotiataire. Si
la donation ne porte pas la claufe de conftitut 8c
Précaire, le donateur fera décédé en poflefiion de
la chofe donnée ; il n'y aura eu aucune efpèce de
tradition , & la donation fera fufceptible d'être an-
nullée. Si au contraire le contrat porte la claufe de
conftitut , la donation ne courra plus les mêmes rif-
ques , parce que cette claufe opère une tradition
feinte. II en feroit de même fi le donateur eût livri
la chofe donnée, & que le donataire ou fon fondé
.de procuration la lui eût remife pour la tenir à titre
Précaire, c'eft-à dire , comme une efpèce de prêt ,
jufqu'à ce qu'il plût au donataire de l'occuper lui-
même; il ne fait en ce cas que ce qu'un proprié-
taire partant pour un voyage feroit à l'égard d'un
defes am's, auquel il laiiïeroit la liberté de jouir
de fa maifon pendant fon abfence.
La coutume de Paris , dans l'article cité, diflin-
gue très-bien les deux cas. « Ce n'eft donner & re-
^> tenir (porte cet article), quand l'on donne la
» propriété d'aucun héritage , retenu à foi l'ufu-
3> fruit , à vie ou à temps , ou quand il y a claufe de
» conftitut OH Précaire, & vaut celle donation ».
La pofleflîon Précaire , quelque longue qu'elle
foit , ne peut opérer la prefcription. La raifon en
cA évidente ; la prefcription n'e/^ que h confirma-
tion , raffurance que la loi donne à celui qui a joui
pendant le temps qu'elle a déterminé , de ne pas
être troublé à l'avenir dans fa jouifTance. La loi ne
peut donner cette aflurance qu'à celui qui a joui
comme propriétaire ;_ comment la mainticndioit-
elle dans celui qui a joui précairement , qui poiré-
doit pour un autre , puifque par la nature même de
COConllitutum edconvcntio (juâ quis relpondec. .. folu-
turum fe quoJ ipfe vel ilius débet. Cujacii paiatitla. în tu.
àigefi. depecunid coiifticucd. Voyçs l'ictrgduàionî Ja pratique
de J crriere. •'
Tome XIII.
PRÉCAiRE ;^53
j fa pûH'cfHoii il étoit obligé de la reftituer ?
Non-feulement le poileffeur lui-même, mais en-
core fes héritiers ne peuvent pas prefcrire, parce
qu'ils repréfentent leur auteur , & que leur qualité
n'opèie pas de changement dans la poflcffion qui
leur eft tranfmife. On a cependant deuté , dans
cette efpèce , fi l'héritier de celui qui jouiffoit à
titre d'ufufruit , n'étant pas lui-même ufufruitier ,
ne pouvoir pas prefcrire. La raifon de douter étoit ,
qtie l'ufufruit finit par la mort de l'ufufruitisr, l'hé-
ritier ne fuccède par conféquent pas à cet ufufruit
qui ne fuBfif'e plus ; le titre de fa pofTeflîon efl
changé par la nature de la chofe ; & s'il continue
de poiTéder , ce n'eft plus au même titre que fon
auteur, mais d'une manière qui lui eft piopre &
particulière. On décide cependant au contraire ,
que le vice qui fe trouve dans la poffeiïion du dé-
funt , nuit à l'héritier , quand, même il ignoreroit ce
vice, parce qu'il faut remonter au principe r l'héri-
tier tient fon droit du défunt ; il eft tenu de toutes
les obligations du dJfunt, & ne peut pas prefcrire ,
parce que (on auteur ne l'auroit pu faire.
Qiioique le poflefieur Précaire ni fon héritier ne
puilTent pas prefcrire , ils peuvent cependant , par
leur fait, donner ouverture à la prefcription, en
aliénant la chofe : le nouvel ac(juéreur qui poffède
anitno domini , pourra acquérir la prefcription, quoi-
qu'il tienne fon droit d'un poffefTeur Précaire. Il y
a cette diflerence entre le fucceffeur à titre particu-
lier & le fuccelTeur à titre univerfel , que le pre-
mier n'eft pas tenu des faits du défunt comme le
fécond.
Il eft cependant des cas où le pofteffeur Précaire
peut prefctire : i". lorfqu'il a acquis la chofe de
celui qu'il croyoit en être le ptopriétaire. Dan^ ce
cas , il ne faut plus le confidcrer comme un pofTef-
feur Précaire , mais comme un acquéreur.
2°. S'il y a eu contradiction : par exemple , s'il a
été afTîgné en reftitution, & qu'il ait foutenu dans
fes défenfes qu'il jouifibit comme propriétaire , la
prefcription commencera à courir du jour de la
contradiftion ; mais il faut que les aâ.s de contra-
diction foient formels & pofitlfs , en forte qu'on
puiffe juftificr qu'on a eu dclTein de pofTéder ce
qu'on a prefcrit ; car il ne fiéroit pas , par exemple ,
à celui qui prétendroit un droit de fervitude fur
un fonds , de foutenir qu'il en a toujours joui , s'il
ne difoit en même-temps qu'il en a joui en vertu de
fon droit. Ce ne feroit pas affez quun fermier pié-
tendic jouir comme maître , s'il ne l'avoir pas mani-
fefté par quelque a6le , quand même il demeure-
roit cent ans fans payer le prix de la ferme , parce
qu'il paroîtroit toujours au dehors fous la qualité
de fermier.
Voye^ l'introdufiion à la pratîtjue de Perrière ; les
titres du digefte & du code de Precario ; les pandtHes
de Pothier ; de Lauriere fur l'art. 272 de la coutume
de Paris , 6" les autres commentateurs ; Ricard, tr.iité
des donations ; Dunod , traité des prifcripiions ; traité
dt lapofft^ion d( Pothier J &ç, Vo^'cz aufTi CoNSTl-
234 PRÉCIPUr LÉGAL.
TV T. {Cet article ejl Je M. LaF0R£ST , avocjt au
pad'.ment ).
PRÉCiPUT LÉGAL. Ceft ainf. que bien des
auteurs appellent le droit que plu(ieurs coutumes
accordent au furvivant des époux , & qui confifte ,
ou dans la propriété des meubles , ou dans l'uru-
fruit des acquêts faits durant le mariage , ou dans
l'un & l'autre de ces avantages tout àla-fois.
On appelle dans l'ulaoe , ce droit Prèciput légal ,
pour le dirtinguer du Prèciput conventionnel qu'on
îlipule ordinairement dans les contrat^ de mariage :
la loi , c'efl-à-dire la coutume , donne le premier ;
le fécond dérive des conventions du mariage: l'un
& l'autre n'appartiennent qu'aufurvivantdcs époux,
& font appelés par cette raifon gains de (urvie.
Les coutumes dans leCquelles le Prèciput légal
eft introduit, varient bc^ticoup entre elles, foit lur
le nom qu'elles lui doiinent,fo t fur les objets dont
elles le compofent , foit fur les conditions qu'elles
exigent pour qu'il y ait ouverture, foit enfin fur
les charges dont elles grèvent le furvivant qui en
profite.
On ne connoît aucune coutume qui le nomme
Prèciput : quelques-unes l'appellent privilège des
nobles , par la raifon fans doute qu elles ne l'ac-
cordent qu'aux époux nobles, 5c même à ceux-là
feulement qui vivent noblement. D'autres coutu-
mes l'accordent auffi aux époux roturiers : celles-ci
ne veulent qu'il ait lieu que dans le cas où il n'y a
pas d'enfans; celles-li au contraire n'en font jouir
iC furvivant que lorfqu'il a des enfans de Ton mi-
iage ; enfin , dans certaines coutumes, il confifle
ans la propriété des meubles , Si dans d'autres , il
â mprend encore l'ufufruit des acquêts faits durant
comariage.
Malgré cette grande diverfué des coutumes fur
le Prèciput légal , on va tâcher d'établir un ordre
qui fera connoître leurs différentes dirpofiiions fur
cette matière. On examiiîera i". quelles font les
pcrfonnesà qui le Prèciput légal appartient, & en
quels cas.
2°. S'il efl nécefTaire d'être noble pour pouvoir
jouir de cet avantage.
3°. S'il efl nécefTaire qu'il y ait communauté en-
tre les conjoints pour donn r ouverture à ce droit.
4*^. On parlera de la coutume de Cambrai , qui
ne l'accorde au furvivant que lorfqu'il pofTéde un
fief.
5°. Si les enfans font ou ne font pas obfîacle au
Prèciput légal.
é*. Dans quelles coutumes il ne confifîe que dans
les meubles.
7". Dans quelles coutumes il ne confifle que dans
l'ufufruit des acquêts faits durant le mariage.
8°. Dans quelles coutumes il confifte tout à-la-
fois, U dans la propriété des meubles, &. dans l'u-
fufruit des acquêts faits pendant le mariage.
9°. De quelques formalités prefcrtes par quel-
ques coutumes au furvivant , avant & pour qu'il
puiffe jouir du Prèciput légal.
PRÈCIPUT LÉGAL.
10°. Enfin , quelles en font les charges. Nous
ferons en forte de renfermer dans ces dix articles
tout ce qui concerne le Prèciput légal.
Article premier.
Quelles font les perfonnes à qui le Prèciput légal ap-
partient , 6* en quels cas.
Ce droit en général n'appartient qu'au furvivant
de deux conjoints par mariage: deux chofes font
principalement & généralement requifes pour qu'il
ait lieu, favoir, le prédécès de l'un des époux, &
la furvie de l'autre.
Comme les coutumes qui admettent ce droit s'ac-
cordent à dire qu'il n'a lieu qu'après le prédécès ou
le trépas de l'un des époux , il faut en conclure qu'il
n'y a que la mort naturelle qui y donne ouverture :
il feroit en fufpens feulement par l'événement de la
mort civile , & ne fc réaliferoit qu'au moment de la
mort naturelle de l'époux déjà mort civilement.
Le Prèciput légal e(t un préfent que la loi fait au
furvivant de deux conjoints qui ont alors leur do-
micile dans fon territoire : comme cet avantage
confifle le plus généralement en meubles , dont le
furvivant recueille la propriété, & que les meu-
bles fe défèrent partout dans les fuccefîîons , con-
formément à la coutume dans laquelle éioit domi-
cilié celui qui les poilèdoit , c'efl fans doute à caufe
de cela que lufage & prefque tous les auteurs fe
rénniffent pouj- faire dépendre l'exercice de ce
droit, de la coutume dans laquelle, au moment de
fon ouverture , les époux avoient leur domicile.
Devroit-on accorder le Prèciput légal au furvi-
vant de deux époux , dans le cas d'une tranflation
de domicile faite dans le temps où il y avoit à crain-
dre pour la vie du prédécédé , qui étoit déjà mala-
de, dans une coutume où ce droit efl introduit?
Pothier répond que non , à caufe da la fraude qui
paroît avoir été le feul motif de ce changement de
domicile.
On demande fi un aubain, qui feroit venu s'éta-
blir en France , pourroit prétendre au Prèciput lé-
gal : a Je ne le penfe pas , répond Pothier: car ce
" Prèciput n'étant dô en vertu d'aucune conven-
» lion , même virtuelle & prèfumèe , mais par le
1» bénéfice du droit civil, il ne peut être prétendu
<i p3.r un auhain , qui folius juris gentium communio-
n ncm habet , non juris avilis ».
Cette dècifion n'efl-elle pas bien rigoureufe.' Si
cet aubain , en venant s'établir en France , y avoit
èpoufé uneFrançoife , on ne pourroit pas refufer a
celle-ci , fi elle fiirvivoit à fon mari , le Prèciput lé-
gal ; pourquoi le refi:feroii-on au mari , s i' etoit
furvivant, fur-tout dans les coutumes qui regar-
dent ce gain de furvie comme un foulagement
qu'elles accordent à l'époux devenu veuf r D'ail-
leurs on a prefque entièrement aboli aujourd'hui
ce droit d'aubaine ; & à 1 égard des peuples pour
lesquels on ne l'a pas encore fupprimé , on a Tait
en faveur de la plupart une exception des jrieublcs.
PRÈCIPUT LÉGAL.
qui font communément lobjet du préciput légal.
Quoique ce gain de furvie foit regardé par quel-
ques coutumes comme une efpèce de fucceffion ,
il ell cependant certain que les époux peuvent y re-
noncer par leur contrat de mariage ; & dans ce cas
le furvivant des deux ne peut le réclamer.
Mais on demande fi les époux qui font conve-
nus , par leur contrat de mariage , d'un certain
Préciput que prendra le furvivant , font ccnfés ,
{)ar cela feul , avoir renoncé au Préciput légal?
'othier, qui s'eft fait cette queùion dans fon traité
de la communauté, nombre 427, décide pour la
négative , & en donne les raifons fuivantes ; « La
N difpofition de la coutume, dit-il, qui donne au
» furvivant de deux époux nobles , le droit de
» prendre le total des meubles de la communauté ,
M à b charge des dettes mobilières de la commu
» nauté , ert un titre entièrement différent du titre
»> que forme la convention du Préciput portée par
« le contrat ; la difpofition de la coutume eft un
n avantage que la loi fait au furvivant ; c'eft un titre
w univerfel auquel eft attachée la charge des dettes
n de la communauté; au contraire, le titre qui
ji réfultc d'une convention de Préciput , portée
j> par un contrat de mariage , efl un avantage que
ïi les conjoints fe font réciproquement ; ce n'eft
)» pas un titre univerfel , ce n'efl pas un titre au-
» quel foit attachée la charge de payer les dettes ,
» ni aucune autre charge >».
Article IL
5'i/ ejl nécejfiire d'être noble pour pouvoir jouir du
Préciput légal.
La noblefle eft requife par un grand nombre de
coutumes dans l'époux furvivant , auquel elles ac-
cordent le Préciput légal ; voici cel'es qui exigent
cette qualité : Paris, art. 238 ; Merux , 49 ; Me-
lun , ai8; Sens , 83 ; Etampes, f8; Montfort-
l'Amaury, 133 ; Mantes, 131 ; Senlis , 146; Clcr-
mont en Argonne , ch. 5 , art. 8 ; Clermont en
Boauvoifis, 189; Calais, 39; Laon , tit. 3 , art.
20 & 21 ; Troies , tit. 2 , art. 1 1 ; Chaumont en
Bafligny , ch. i , art. 6 ; Vitri-le-François , ch. 4,
ait. 74 ; Rheims, art. 279 & 281 ; Chàlons , art.
28; Noyon , art. 31; Saint - Quentin, art. 3;
Ribemont, art. 93; Chaulny, art. 17 & 18; Pé-
ronne, art. 126 ; Tours, art. 247 ; Château-Neuf
en Thimerais, ch. 9, art. 66; Chartres , ch. 10,
art. 57 ; Berry , tit. 8, art. 13 ; Poitou , art 258 ;
Sedan , tit. 4 , art. 78 ; & Dreux , art. 103.
La plupart de ces coutumes exigent non-feu-
lement que les époux foient nobles , mais encore
qu'ils aient vécu & vivent noblement , pour pou-
voir jouir du Préciput légal : de forte que , d.ins
ces coutumes, deux époux nobles qui auroient,
parl'exercice de quelque profedion, dérogé à la no-
blelTe , f«roient exclus de ce droit. Quelques cou-
tumes veulent feulement que les époux foient no-
blcs , Tans exiger qu'ils f ivcnt noblement : telle
2-55
PRÉCIPUT LÉGAL.
eft la coutume de Troies, tit. 2, ^.rt. 11 , don^
voici les termes : Entre nobles , vivans noblerr.in^
eu roturièrement , le furvivant prend tous les meubles'
Telle eft encore la coutume de Châlons, art. 29,
fuivant laquelle ce bénéfice efl u:cordé aux perfonnes
extraites Je noble lignée , encore quelles vivent rotw
rièrcmen:.
On pcut faire Ici la queftion de favoir s'il e.^'t né-
ceflaire que les deux époux foient l'un & l'autre
d'extraéîion noble : il femble qu'on devroit la dé-
cidci pour l'affirmative , d'après les textes de quel-
ques coutumes : de ce nombre eft celle de Valois,
art. 62 , qui s'exprime ainfi : Le furvivant de deux
nobles conjoints par mariage , prendra de fon chef la
moitié des conquêts en propriété , & jouira de Cautre
moitié fa vie durant par ujufruit .... De ce nom-
bre eft encore la coutume de Sens , tit. o , art. 85 ,
dont voici les termes : Quand l'un des deux mariés ,
ijfus 6* réputés de noble lignée , vivans noblement , va.
de vie à trépas , su furvivant par coutume garder
entre nobles , pourvu qails niaient enfans , appartient
le droit de prendre les meubles. Les textes qu'on
vient de rapporter fembleroicnt exiger la noblelle
dans la femme , comine dans le mari , pour qu'elle
pût jouir du Préciput : cependant il faut dire que
le mari noble communique à fa femme roturière
fa noblefle & le privilège qui y eft attaché , comme
le décident plufieurs coutumes : celle de Valois ,
art. 65 , dit qu'une femme non noble , qui aurait été
conjointe par mariage à un homme noble , après le tré-
pas d'icelui , jouira du privilège de noble (je durant le
temps de fa viduité.
On trouve la même difpofition dans les coutu-
mes de Vitry , chap. 4 , art. 68 ; Châlons, art. 28 ;
Meanx , ch. 9 , art. 49 ; Sedan , art. j8 ; Chaumont
en Bafîîgny , ch. i , art. 6.
A l'égard de ces coutumes , où la noblcfte eft exi-
gée dans les deux époux , & où la femme roturière
eft anoblie par Con mari , à l'e^ret de jouir du Préci-
put , on peut encore faire la queftion de favoirfi la
femme en feroit privée , dans le cas où elle con-
voleroit à de fécondes noces avec un mari roturier :
il femble que l'on doive décider que la fen7me
ne perdra pas la propticté des meubles qu'elle aura
gagnés après la mort de fon prerrier mari ; mais
qu'elle ne jouira pas d'un pareil avantage après la
mort du fécond. On ne parle que pour les coutu-
mes qui ne défendent pas les fécondes noces an
furvivant des époux.
Cette double décifion paroît réfulter de l'article
5 de la coutume de Saint-Quentin , dont voici la
difpofition : « Et fi defdits conjoints n'y avoit que
» le mari noble , ce nonobftant fa veuve furvivantc
» peut prendre & avoir les meubles & dettes ; car
» le mari noble anoblit la femme; de forte que ,
» durant & après leur mariage , elle eft réputée
j> noble , & jouit des privilèges de la nobleiTe du-
» rant fa viduité : mais fi elle fe marie à homme
M roturier , fuit la condition d'icelui , & perd lef-
» dits privilèges de noblefle pour l'avenir »,
Ggij
1^6
PxRÉCïPUT LÉGAL.
Pour l'avenir, dit cette coutume, c'eft à-dire que
k femme, dans le cas où elle deviendroit veuve
du mari roturier qu'elle a époufe en iccondes no-
ces , rje gagnera pas les meubles ; mais elle gardera
ceux lïont elle a eu la propri^ité à la mort de l'on
premier mari.
Entr'autres raifons qu'on peut en donner , on
peur dire que ces meubles (ont le prix des dettes
qu'elle a acquittées ; & comme le payement qu'elle
fait de ces dettes eft irrévocable , de même la pro-
priité des lîieiibles qu'on lui a donnés en cette
confidération doit être également irrévocable.
Après avoir cité les coutumes qui n'accordent le
Préviput légal qu'aux époux nobles , il femble na-
turel de parler de celles qui n'en excluent pas mê-
me les époux roturiers , loit qu'elles les nomment
formellement, comme Maine, art. 299; Anjou,
art. 183; & Coucy , art. 2; foit que dans leurs
difpofitions elles accordent ce privilège au furvi-
vant des époux, fans aucune diiViniî^ion entre les
nobles & les roturiers , d'où l'on doit conclure
que les uns & les autres y ont droit. Ces dernières
font plufieurs coutumes locales d'Artois , ou du
bailliage & cbàieiien e de Lille , ou entin de la villt
& é;hevinage de Lille. De ce nombre eft auflî la
coutume de Luxembourg . tit. 8 , art. 8 ; Si la cou-
tume de Bruxelles , art. 24;.
Article II L
EJl-il ncci^aire qu'il y ait communauté entre les
époux ?
On ne connoît que la courume du Maine, qui
renferme une d'.fpofnion exprelfe à cet égard. Elle
eft ainfi conçiiC dans l'article 299 : "Le furvivant
•>■> de deux conjoints enfemble par mariage , e^ui
>> ont fait acquêt de chofes immeubles pendant leur
■)■> mariage , pourvu ^uau temps du premier trepj[fc
j) ils foie/.t communs en bienf , a droit de tenir icelui
»> ac(iuêt , moitié en pleine propriété, & l'autre
3> moiiié par ufufruit & viage feulement».
On peut inférer la même chofe de quelques ex-
preffions répandues dans l'anicle 238 de la coutume
d'Anjou.
A l'égnrd de la coutume de Paris, les auteurs
ont fiit réfulter lanéceffiié de cette condition , des
termes de l'article 131 de l'ancienne coutume,
qu'on a fondu av^c le «16'' dans l'article 238 de
la nouvelle. Voici ces termes : L'époux furvivant. ..
prendra les meubles qui communs étaient entre lui 6*
le prédéccdé.
Dumoulin , fur l'article 116 de l'ancienne cou-
(ume de Pari*, alTure que cet article 8c le 131^
n'ont d'application que lorfqu'il y a communauté
entre les conjoints. Loquuntur tantùm quando ijî
communia.
A l'exemple de Dumoulin , le Brun & Renu/Ton
ont aufîi alTuré la même chofe. Le premier avoue
cependant dans fon traité des fnccelCons , liy. j ,
PRÉCIPUT LÉGAL.
cliap. 7, nomb. 49, que cette condition nejl pas
exprejfi dans la couîum'.
La même opinion à été fuivie par Argou dans
(oi\ inOitution au droit françois , où il définit ainfî
le Prèciput légal : « C'eft un avantage que quel-
» qties coutumes donnent au furvivant de deux
» conjoints fur une certaine nature de biens dc-
» pcndans de la communauté. Le mot Prèciput
M fignitie hors part, è\ ftippoie par conféquent qu'il
)» y a une communauté à partager ; c'eft pou'-qiioi
)i la femme qui renonce à la commun lutè ne doit
V point jouir du Prèciput qui eft introduit par la
)> couttime».
Pothier dans fon traité de la communauté , nom-
bre 418 , & dans fon traité particulier du Prèciput
Icgal , penfe « qu'il faut qu'il y ait eu commun.nué
1» de biens entre les conjoints , qui fubfifte au temps
» du prédécès n.
Enfin, dHéricourr fur la coutume de Verman-
n dois , art. iO & 2 i , dit auiîi : u que le Préc put
" légal eft une dépendance & une fuite de la com-
» munauié, & qu il faut être en communauté pour
" en jouir, puifqu'il ne s'étend que fur les biens
» qui étoient communs entre les conjoints ".
D'autres auteurs ont une opinion conrraira.
De ce nombre font , i". Bacquet, qui dans (on
traité des droits de juftice, chap. 21 , nomb. 75 ,
tient que le freciput légal nejl p.int une juiie delà
communauté.
2". Buridan fur la coutume de Laon , & Billecart
fur celle de Châlons, difent que le Preciiut légal
procède du privilège de noblrffl, & efl un fait de juc
C'jjlon & non de communijuté,
3". La Tbaumaftiere fur la coutume de Berry, ti-
tre 18 , article 13 , lequel dit encore , que le g.:in dé-
féré par cet article a liu , /Oit qu il y ait communauté
ou non entre les conjoints , parce e/ue la coutume ne
leur donne pas cet avantage en confé^juence "c la ci'm-
munautéy ni a le prendre fur la communami , mais
inliji'mElement au furvivant des co' joints entre nobles ;
ce qi'i fait voi: quil ne dépend aucun m.nt de la com-
munauté Et je n'ai , ajoute-t-il , jam lis vu fur
cela faire de difficulté à nos anciens conjultans.
Tous les commentateurs de la coutume de Poi-
tou, penTent aufli que le Prèciput légal peut avoir
heu , quoi'ju'il n'y ait pas de communauté; on ci-
tera Boueheul, le plus récent d'entr'eux ,& qui a
réuni les autres dans fon ouvrage; voici comme il
s'exprime fur l'article 228 : la coutume, dans ce pri-
viiCf^e qu'elle donne an furviva/.t nO' le de prendre les
meubles quand il ny a point d^nfans , parle généra-
lement, & fans diflingui'r fi les con oints font en com-
munauté de bi' ns ou non : ce ncjl pa parce qu'ils font
communs ei biens que la courume défère h gain des
meublts au furvivant ; mais par un privilège de la no-
blejfe ; de forte que ce privilège n'étant pas une fuite
d; la communauté , mais le d'-oit dei personnes nobles
in folatium fterilitatis , il doit avoir lieu lorfque ces
deux Ctîi fe rencontrent.
Cette qsitftion fur laq'ueHs on vientde voir que
PRÉCIPUT LÉGAL.
les auteurs ne font pas d'accord, a été jugée à la
grand'chambre le 31 juillet 1778, au rapport de
M. Choart : elle s'étoit élevée dans la coutume de
Poitou entre la veuve du fieur le Bœuf , leigneur
de la Noue , & fes héritiers , dans refpèce qui fuit.
Le fieur & la dame de la Noue avaient llipulé dans
leur contrat de mariage , quils m feroient pjs com-
muns ; que chacun d'eux adminiftreroit féparément
fes revenus ; que la femme , en cas àc lurvie, au-
rait fon douaire , & de plus une chambre garnie ô-fon
deuil. Les deux époux demeurèrent d'abord aux
EiTarts ; uneincompatiûllité dhumeurs & de carac-
tères les fépara volontairement l'un de l'autre ; la
femme fe retira dans un couvent ; le mari vint
fixer fa demeure à Fontenay - le - Comte , où il
mourut le 19 novembre 1776. Après ion décès , fa
veuve demanda fon douaire , rufffruit des acquêts ,
& la propiiété des meubles. A l'égard de ces deux
derniers objets , elle fe fondoit fur l'article 238
de la coutume de Poitou , qui accorde le Préciput
légal au furvivantdesépoiix nobles dans quelques
lieux de la province de Poitou, au nombre dcf-
quels eflFontenayle-Comte , où étoit décédé le
feur de la Noue. La conteftation a d'abord été
portée devant les juges de Fonttnay-le-Comte ,
qui, par (enicncQ du 1776 , ont adjuge
le douaire à la dame de ta Noue , aini'i que la
propriété des meubles , en lui refufant l'ufufruit
des acquêts.
Les h^'ritiers ont appelé à la cour de ce juge-
ment ; à l'égard du douaire qu'ils avoienî corMQ^i'i
devant le premier juge, ils s'en font rapportés a
juflice; ils fc font bornés à demander l'infirmation
de la fentence , en ce quelle adjugeoit les meu-
bles à la dame de la Noue : celle-ci n'a point ap-
pelé de la fentence au chef qui lui refufoit l'ufu-
fruit des acquêts. De forte que fur l'appel, il étoit
queftion uniquement de favoir fi la dame de la
Noue , quoiqu'elle ne fût pas commune en biens
avec fon mari , ni lors de fon décès , ni même
p.ir fon contrat de mariage, pouvoit cependant
jouir du Préciput légal fur les meubLs de fon mari.
M. G.irran de Coulon , défenfeur des héritiers
du n'ari , difoit, que foit que Ton confultât les dif-
pofuions de la coutume de Poitou , foit qu'on
voulût lire celles des autres coutumes qui admet-
tent- le Préciput légal , foit qu'on remontât à
l'origine & aux fondement de ce droit , foit enfin
qu'on eût recours aux fr.ffrages des auteurs, il
ne pouvoit y avoir de doute pour la négative.
A l'égard des textes de la coutume, tous ceux
où il cfl parlé du Préciput légal , fuppofcnt le cas
de la communauté , ii n'acliuçent la totalité des
meubles à l'époux furvivant , que comme une ex
ception au partage éi^al de la comtnunauté : ce font
les meubles qui au-oient été partagés par moitié en
venu de l;i conimiinauié, qui font recueillis pai le
furvivnUt des conjoints , en venu de fon Préciput
légal. Si ces textes n'étoient pas encore ailez pré-
PRÉCIPUT LÉGAL. 237
cî$ , ceux des autres coutumes fe réuniroient pour
prêter leur appui. Berri , Tours, Maine & Anjou
diienc , comme Poitou , que le privilège des nobles
s'exerce fur les meubles qui feroient partag's par
moitié en vertu de la communauté, ou même qu'il
ne s'exerce qu'autant qu'<3H jour du décès du pre-
mier trépjjje , les époux feront communs en biens.
Dans to'.ues ces coutumes , il eft permis à la
femme qui furvit , de renoncer au Préciput légal
comme à la communauté ; ce qui prouve qu'ils ont
lun & l'autre une même origine & les mêmes
fondemeus.
En effet , quel eft l'objet de ce droit dans k
plupart des coutumes i Ne font-ce pas les meu-
bles &. les conquéts immeubles ; n'eft-ce donc
pas de ces mêmes biens que la communauté cou-
tumiéie cfl conipolée ? Ne fuit-il pas delà que le
Préciput léijal a les mêmes fondemens que la
communauté ?
Quanta fon origine, on en trouve les premiè-
res traces dans le grand coutumier de France,
compofé fous Charles VI; voici ce qu'on y lit,
livre 2 , chapitre 41 : « L'on dit communément
» qu'un noble a éleélion de prendre tous les meu-
j> blés &. payer toutes les dettes , ou de renoncer
» aux meubles pour être quitte des dettes ....>».
Immédiatement après cela, l'auteur rapporte l'ori-
gine du droit de renonciation à la communauté;
ce qui prouve bien que le Préciput légal étoit une
fuite 6c une dépendance de la communauté : il n'a
lieu en eflet que dans les coutumes qui admettent
la communauté.
On ne peut pas donner comme une preuve du
contraire, la coutume de Rhcims ; elle dit, il eft
vrai, dans l'article 2.39, que les coujoinis par ma-
ria-ie ne (ont pas communs ,- mais elle dit aufïi , dans
les articles fuivans , que la veuve a la faculté de
partager les meubles & les conquêts immeubles
avec les hériners de fon mari ; ce qui fuppofe réel-
lement une part dans ces meubles & conquêts im-
meubles , part qu'elle a au moins la faculté de
prendre, & qu'elle ne prendra qu'en le déclarant
commune , ou , fi l'on veut , en acceptant la com-
munauté. Enf.n , M. Garran de Coulon citoit le
fuffrage des auteuts qu'on a rapportés plus haut.
J'écrivois pour la dame de la Noue : je me fon-
dai particulièrement fur l'ufage que je (outenois
avoir lieu dans le Poitou , d'accorder le Préciput
légal à l'époux furvivant , mêma dans le cas de non
communauté : j'invoquois le témoignage de tous
les commentateurs de la coutume, à commencer
depuis Barraud , qui vivoit en 1625 , jufqi, à Bou-
cheul,le plus récent de tous, & dont j ai copié
ks paroles ci devant ; je citois même, après eux ,
deux jiigemens de la fcnéchauflee de Poit e/s, qui
l'avoient ainfi jugé. Je diibis encore, que ntu ne
prouvoit que ce droit fur ni dût être une dépen-
dance delà commuuautc; j'en donnois pour nreti-
ve : 1°. que pas une coutume ne te nommoit Pré-
ciput , déiaominatioa que quel-^uts auteurs lui
138 PRECirUT LEGAL.
avoient donijée , & d'après laquelle ils avoiont
conclu qu'il étoit une dépendance de la conrmu-
nauté : 2 . qu'il produifoit un eftet tout différent de
la comn'i'nauté. ; il dunnoit tous les meubles dont
on ne pouvoit prendre que la moitié en vertu de
la communauté : 3°. on pouvoit, dans beaucoup
de coutumes , comme celles du Vermandois ,
Rheims , Noyon & autres , renoncer à cet avan-
tage , fans renoncer à celui de la communauté :
4". il (c régloit , fuivant la coutume du domicile
qu'avoient les époux lors du prédécès de l'un
d'eux , & non fuivant celle du domicile qu'avoient
les époux lors de leur mariage , laquelle cepen-
dant régioit la communauté U l'es effets : 5". je
citois la coutume de Rheims, dans laquelle, fui-
vant l'article 239, les époux ne font pas com-
muns, & cependant, fuivant l'article 281 , la veuve
du mari noble pouvoit jouir du droit de prendre
tous les meubles.
Les héritiers, outre leurs moyens de droit, en
£rent réfulter d'autres encore de quelques circonf-
tances ; ils foutenoient , entre autres chofes , que
le fieur &la dame de la Noue, en ftipulant dans leur
contrat de mariage tous les droits qui pouvoient
appartenir à celle-ci en cas de furvie, & en décla-
rant qu'ils renonçoient fit dérogeoient exprelTé-
itient à toutes coutumes contraires , avoient fait en-
tendre par-là qu'ils ne vouloient rien laifTer à dé-
cider à la coutume ; d'oii ils concluoient que la
dame de la Noue étoit non-recevable à demander
le Préciput légal , en vertu de la coutume, aux dif-
pofitions de laquelle elle avoit renoncé.
Ils alléguoient encore , qu'en examinant avec
attention la conduite particulière & refpe^ive
des deux époux , depuis leur féparation , l'on de-
meuroit de plus en plus convaincu que ni l'un ,
ni l'autre n'avoient jamais cru que le fuivivant
d'entr'eux eût d'autres demandes à former que
celles que le contrat de mariage avoit réglées.
Enfin , ils tiroient un dernier moyen de fait , de
ce que la dame de la Noue , dont le droit étoit égal
fur les meubles & les acquêts , renonçoit à l'exer-
cer fur ceux-ci.
Malgré tous ces difFérens moyens de droit & de
fait , développés avec autant de force que de préci-
fion dans le mémoire de M. Garran de Coulon ,
la fentence de Fontenai-le-Comtc a été confirmée
par arrêt du 31 juillet 1778.
Eft-cc l'ufage que les auteurs du Poitou atteftent
qu'on fuit dans leur province , font-ce les au-
tres moyens que la veuve employa , qui ont déter-
miné la cour à juger en fa faveur? C'eflcc qu'on
n'ofe affiircr.
Mais fi l'on ignore les véritables motifs de l'ar-
rêt , au moins on peut dire qu'il a jugé , que dans
la coutume de Poitou , la femme , même non
commune en biens avec fon mari , peut jouir du
droit de prendre tous les meubles qu'il laiffe à
fon décès.
Peut-on s'autorlfer de cet arrêt, pour foutcnir
PRÉCIPUT LÉGAL.
que la même chofe devroit avoir lieu dans les
autres coutumes ? Il eft certain que non , fur-tout
dans la coutume eu Maine , qui accorde ce droit
à l'époux furvivant , pourvu JeuUment qu'au jour
du déùs du premier trépajjê les époux fiiffent com-
muns. On ne le pourra pas davantage dans les au-
tres coutumes qui auront une dilpofition à peu-
près pareille , comma Anjou , Touraine & Paris ,
qui donnent , à droit de Préciput légal , les meu-
bles qui cotrmuns ctcltnt entre les époux ; de mê-
me encore dans la coutume de Laon , dont les ar-
ticles 20 & Il donnent à l'époux furvivant, les
meubles & dettes avives qui communs étoient entre
le mari & la femrie au jour du trépas du premier
décédé ; de même encore dans Id" coutume de Chà-
lons , qui donne /es m^-ubles 6* dat^s aflives de U
communauté , & dans d'autres coutumes feniblables.
Mais il n'y auroit aucune laiion de n'accorder
le Préciput légal que dans le cas de communauté ,
dans les coutumes qui ne la requièrent pas , com-
me Rheims , ainfi qu'on l'a ci-devant remarqué :
de même dans la coutume de Lorraine, ou les
me«bles n'entrent pas en communauté , mais feu-
lement les conquèts immeubles, fuivant l'article 6
du titre 2 , & où le furvivant n'en gagne pas
moins les meubles , quoiqu'ils ne (oient pas com-
muns.
On doit donc dire qu'il ne faut pas admettra
dans un fens général & abfolu, la propofition de
Poîhier & des autres auteurs qui, comme lui,
djcident que le Préciput légal ne doit point
avoir lieu , lorfqu'il n'y a pas de communauté :
elle eft vraie dans la coutume de Paris & autres
femblables ; elle ne l'eft point dans la coutume de
Poitou & autres femblables , dont les difpofitions
ne l'exigent point.
Article IV.
De l.t coutume de Cambrai , qui n'accorde le
Préciput légal que lorfquc U furvivant pofilde
un fief.
Nous rfe connoiflbns que cette coutume qui
exige cette condition dans la perfonne de l'époux
furvivant, afin de lui accorder le Préciput légal;
voici comme elle s'exprime dans l'article 4 du
titre premier: »» Fief en Cambrcfis eft de telle
» nature , privilège & franchife , que celui qui
» a fief audit pays , foit homme , foit femme ,
>» conjoint en mariage, demeurant le dernier fur-
» vivant , fuccède à icelui qui décède premier
» fans enfans, en tous biens meubles, aux char-
» ges des dettes , obsèques & funérailles , en tant
>» que par traité de mariage autrement n'en auroit
)> été difporé ».
Dans cette coutume , où les époux font en com-
munauté de biens , les fiefs n'y entrent jamais :
ceux qui font acquis durant le mariage , tiennent
en propriété la côte & ligne de l'homme , comme le
dit l'ardcle i du titre i ; de forte que fi la feimn»
PRÉCIPUT LÉGAL.
n'a pas apporté en dot, ou n'a pas de quei([ue au-
tre manière un fief en fa poffcffion, elle n'a point
l'efpoir de jouir du Préciput légal; tandis que fon
mari peut, en acquérant nn fief, même durant
le mariage , fe procurer un moyen de recueillir
cet avantage.
Article V.
Si les enfans font ou ne font point obJîacU au Pré-
ciput légal ?
Les coutumes fur ce point ont trois différences
cffeniiclles ; les unes accordent le Préciput légal
lorfqu'il n y a pas d'enfans; d'autres , au contraire ,
raccordent feulement dans le cas où il y a des en-
fans ; enfin , d'autres veulent qu'il y ait ouver-
ture à ce dioit, foit qu'il y ait, ou qu'il n'y ait
pas d'en fans.
Les coutumes de la première clafle font, Paris ,
article 238 , Eiampes , y8 ; Calais , chapitre 3 , ar-
ticle 39; Berry , chapitre 3, arnclc 39; Troies ,
titre 2 , article 1 1 jVitry Ic-François , chapitre 4 ,
article 68 ; Meaux , chapitre 9 , article 49 ; JVIelun ,
chapitre 13, article 21 1 ; Valois , article 62; Cam-
brai, titre i , article 4; Bar, article 78; Saint-
Mihiel, titre 6, article 3, & peut-être quelques
autres.
Ces coutumes , qui exigent ^r/'i/ ny ait pas cfen-
fans , doivent-elles s'entendre de manière qu'il ne
doive point y avoir d'enfans, ni du mariage dont
la diiTolution vient de s'opérer par le prédecès de
l'un des époux, ni d'un mariage précédent de l'un
des deux, ou du moins d'un mariage précédent de
l'époux prédécédé ? Ces diftindions font impor-
tantes à faire.
La coutume de Paris , & les autres que nous
avons citées , difent en termes généraux, pourvu
quU ny ait pas d'enfans. Cela fembleroit fuffifant
pour faire croire que la condition manque lorf-
qu'il n'y a des enfans de quelque mariage que
ce foit.
Il faut tenir cependant , qu'à l'égard des enfans
d'un mariage précédent de l'époux furvivant, ils
ne font pas manquer la condition ; ils n'ont en
effet aucun intTêt à s'oppofer à l'exercice d'un
privilège , qui a pour objet les meubles dans lef-
queis ils n'ont point de part à réclamer; d'où l'on
doit conclure , que la condition ne doit s'entendre
que des enfans lortis du mariage des deux époux ,
ou d'un mariage précédent de 1 époux prédéctdé ;
l'article 131 de l'ancienne coutume de Paris, le
difoit en ternies formels , pourvu qu'il ny ait en-
fans du trépané.
D ailleurs , comme l'obferve Pothicr , il efl affez
clair qu'il ne faut entendre la claufe que des
enfans du trépafié , par la diipofition qui veut,
que s'il y a enfans , les meubles foient partagés
par moitié, puilque les enfans d'un mariage p'-é-
cédent de l'époux l'utvivant n'ont pas de partjge
à faire avec lui ; d'où l'on peut inférer , que , dans
PRtCIFUT LÉGAL.
139
la coutume de Paris & autres femblables , le fur-
vivant ne jouira de l'avantage de prendre les meu-
bles, que lorfqu'il n'y aura pas denfans ni de fon
mariage avec le prédécédé , ni d'un mariage pré-
cèdent de ce dernier.
Cette opinion n'cft pas cependant fans difficulté.
En effet , l'avantage du Préciput légal ne doit-il pas
être ncceffairement réciproque entre les deux
époux, de manière que l'un y ait autant de droit
que l'autre ? Si les enfans fcnt marîq:;£r Is cor.ci:-
tion à l'égard de l'époux furvivant dont ils ne font
pas iffus, pourquoi ne la feroient - ils pas éga-
lement manquer à l'égard de l'autre ? Sans cela ,
fans cette réciprocité, il feroit incertain s'il y au-
roit heu au Préciput légal , parce que l'ouverture
de ce droit dépendroit d'une événement douteux,
favoir, du prédécés de l'époux qui n'auroit pas
d'enfans.
D'un autre côté , on pourroit citer quelques
coutumes qui excluent cette réciprocité , puif-
qu'ellcs accordeiît le Préciput légal au mari , en
cas de furvie , fans que la femme y jouiuc du
même avantage en pareil cas. Telle eft la cou-
tume du comté de Bourgogne , chapitre 2 , ar-
ticle 115, qui s'exprime ainfi : « Nobles gens ma-
i> fiés enfemble font communs en biens meubles
» & en acquêts d'héritages, qui font faits conf-
» tant le mariage : jaçoit que fi le mari furvit à
»> la femme , ledit mari demeure feigneur des
» meubles ».
La femme n'y a rien que ce qui lui a été promis
par fon contrat de mariage ; d'où l'on pourroit
conclure qu'il n'eft pas de l'effence du Préciput lé-
gal d'être réciproque.
Cependant, ne pourroit-on pas dire, avec quel-
que vraifemblance, que c'eft cette raifon de réci-
procité ou d'autres pareilles qui ont déterminé le
changement de la nouvelle coutume de Paris la-
quelle , en fupprimant l'expreffion du trépjjj: 'a^{^
fe trouvoit da.is 1 ancienne , a dit en termes gé-
néraux, pourvu quU n'y eût pjs d'enfans, afin de
faire entendre qifelle parioit des enfans de quel-
que mariage que ce fût de l'un ou l'autre des deu.x
époux ?
Cette interprétation rentreroit dans le fy/lême
de quelques coutumes qui n'accordent le Préciput
légal que dans le cas feulement où il n'y a pas d en-
fans de quelque mariage que ce foit. Telle ert la
coutume de Coucy , dont l'article 2 ftatue que le
Préciput légal n'aura lieu qu'autant qi^il n'y aura
pas d'tnfam de quelque manière que ce Joit. Telle e/î
encore la coutume de Bar, laquelle, titre 7 , arti-
cle 78, dit que le furvivant de deux conjoints ga-
gnera les meubles , s'il n'y a héritiers d\ux ou de L'un
d'eux.
Telles font enfin les coûtâmes de Sedan , arti-
cle 78 , qui \>anQ, pourvu qutl ny eût enfans 'd'eux
deux, ou de l'un d'eux; la coutume de BafTiany
titre 6 , ai-ticle 4 , qui porte, .'// n'y a en fan , foU
audit manant , ou autre ; la coutume de Sens utr«
140
PRÉCIPUT LÉGAL.
9 , article 85 , qui porte , pourvu qu'ils n aient enfans
d'- leur rpari.i^e , ni d'auttes précedens ; la coutume de
Montfort-rAmaury , titre 11 , article 133 , qui
•çtorie y pouivu qu'il n'y au cnf^n^ dudu m.iriage ou
d'uwrt. L'article 131 delà coutume de Mantes en
dit autant, ainfi que l'article 128 de la coutume
de Poitou.
D'après les difpo/itions de ces différentes cou-
tumes , il faut décider qu'elles n'accordent le Pré-
s'iput légal au furvivant de deux conjoints, que
dans le feul cas où il n'y aura point d'enfans , /bit
de leur mariage , foit d'un mariage précédent de
l'un d'eux.
La raifon que donne Pothier pour foutenir que
les enfans d'un mariage précédent du furvivant
n*ont rien à partager dans les meubles avec lui ,
& ne peuvent pas conféquemincnt faire marquer
la condition, ne ceffe-tclie pas dans le cas d'une
continuation de communauté tripartite quife forme
entre les enfans d'im des conjoints d'un premier
]it, l'époufe auquel il fc marie en féconde noces ,
& lui même ? Par l'effet de cette continuation de
communauté , les meubles qui la compofent appar-
tiennent , pour une partie , aux enfans de l'époux
qui s'eft remarié; ce qui devroit fuffire pour qu'ils
fuflent un obflacle à la jouiiï'ance du privilège , qui
paroît ne devoir s'exercer que lorfque les deux
époux feuls partageoient entre eux tous les meu-
bles, auquel cas le furvivant ne gagne que ce
qui appartenoit au prédécédé. Or , lorfque d'autres
que les deux époux avoient un droit ou futur ©u
préfentà exercer fur les meubles ; ce qui fe ren-
contre dans les enfans d'un précédent mariage de
l'époux furvivant, avec lefquels la communauté
eft continuée pour un tiers , il fembleroit injufle
d'accorder à cet époux furvivant la totalité des
meubles , comme il le feroit dans une fociété de
trois perfonnes , d'accorder , après le décès de l'une
d'elles, les effets de la fociété à l'une des deux qui
furvivroient. Il ne devroit prendre que la portion
qui appartenoit à l'époux prédécédé , c'eft-à-dire ,
un tiers des meubles. C'efl fur ces raifons fans
doute que font fondées les coutumes qui portent,
qu'il ne doit point y avoir d'enfans des conjoints ,
ni de leur maringe , ni d'un mariage précédent de
l'un des deux. On peut ajouter ces raifons à celles
que propofent le Brun , Dupleflis , & les annota-
teurs de ce dernier , pour foutenir que le Préciput
légal n'a lieu qu'autant qu'il n'y a pas d'enfans , foit
de répoux furvivant , foit du prédécédé.
Dumoulin , que citent les annotateurs de Du-
pLffis , ne parle que des enfans du prédécédé iffiis ,
îbitdu mariage que fa mort vient de rompre, foit
d'un autre mariage précédent , comme cela réfulte
de fes termes fur l'article 116 de l'ancienne cou-
tume de Paris : Le pourvu qu'il n'y ait enfans du trc-
pajje , f entend , dit- il , ex quocumque ipfîus rnatri-
ptonio.
Dans les coutumes qui exigent qu'il n'y ait pas
d'enfans du mariage d'entre les époux , rien ne
PRÈCrPUT LÉGAL.
peut empêcher qu'il y ait lieu au Préciput légal»
quoique l'un ou l'autre des époux ait des entans
d'un mariage précèdent. Ainfi , dans la coutume de
Troies, titre a ,' article il , le junivant prend les
meubles , /i dudit mariage ny a enfans ^ & fi dudit
mariage y a enfans , les meubles fe partiront de même.
La coutume de Vitry-le-François , arricle 74, ac-
corde le Préciput légal au conjoint furvivant , fi
dudu mariage rCy a aucuns enjans, La coutume de
Meaux, chapitre 9 ,. article 49, dit également ,fi
dudit mariage n'y a aucuns enfanu Chaumont en
Baffigni , chapitre i , article 6 , dit auffi, fi dudit
mariage n y a aucuns enfans. La coutume de Mon-
targis , chapitre i , article 40 , porte , fans enfant
iffus dudit mariage.
Ces coutumes ne privent le fulYivant des con-
joints du Préciput légal , que dans le cas où il y a
des enfans du mariage d'entre lui & le prédécédé ;
d'où il fuit , que ce Préciput aura lieu , quoiqu'il y
ait des enfans d'un mariage précédent , foit de l'é-
poux furvivant , foit de celui qui eft prédccédé. Il
n'y a pas de doute que fous le mot enfans , on doit
comprendre les petits-enfans , qui font cenfés ap-
pelés par le mot enfans, quand il en réfulte pour
eux un avantage.
U n'eft pas befoin de dire qu'un pofthume, qui
nait vivant & à terme, fait auffi manquer la condi-
tion , fuivant la règle , non videiur fine liberis decef-
fiffe, qui prccgnantirn uxorem reliquit.
Les enfans n'excluent ainfi le furvivant des con-
joints du Préciput légal , que parce qu'ils ont droit
de prendre une partie des meubles qui en font l'ob-
jet ; d'où il fuit , que les enfans incapables de fuc-
céder ne ^ont point obftacle à l'exercice de ce pri-
vilège , comme ceux qui feroient morts civilement.
S'il y avoir un enfant vivant, mais qui eût été
juffement exhérédé, il ne devroit pas faire man-
quer la condition, puifque , en conleqiience defon
exhérédation , il n'a rien à prétendre dans la fuc-
ceffion. Pothier en fait la queftion dans Ton traité
de la communauté, nombre 423 , & il parcît in-
cliner à cet avis , après avoir rapporté pour raifon
de douter !a loi 1 1 4 , §. 1 3 , D- <^c légat, i ". où il
eft dit; Cùm trit rogatus , fi fine liberis dccefferit ,
fidticornmiffum rejlituere , conditio defcijfe vid bi:ur ,
fî pjtri fupcrvixerint Hherï\nec quxritur an hceiedes
extiterini,
Pothier décide enfuite que l'enfant qui a renoncé
à la fucceftion fait manquer la condition , parce
qu'il fuftit , fuivant lui , que cet enfant ait pu re-
cueillir la fucceffion ; cela ne paroît pas cependant
fans difficulté. L'intention de la coutume eft évi-
demmeht de n'ôter cet avantage au conjoint fur-
vivant, ^u'en faveur de l'enfant qui en profitera ;
mais s'il renonce à la fucctftion , il ne profitera pas
de la faveur que veut lui faire la coutume; Si f« ,
malgré fa renonciation , on n'accorde pas au con-
joint furvivant le Pr.-ciput légal , ce dernier fe trou-
vera privé de cet avantage , fans que celui là feul
en profite , à caufe duquel cependant la coutume
ne
PRÉCIPUT LÉGAL.
voulolt pas qu il en jouît. On feroit donc porté à
croire , contre l'avis de Pothier , que l'enfant qui
renonce ne fait pas plus manquer la condition , que
l'enfant qui n'exifle pas , puifqu'au moyen de fa re-
nonciation il ne prend rien dans !a fuccelîîon.
D'autres coutumes , bien diiVérentes de celles
dont nous venons de parler , accordent le Préciput
légal feulement lorfqti'il y a des enfans.
Ces coutumes paroiiTent avoir en vue défavori-
ser la population , en accordant aux époux qui ont
des enfans , des avantages qu'elles refufent aux
^poux qui n'en ont point. Telles font quelques cou-
uimes de Flandres , entre autres celles du bsillage
& de la ville & écheviiage de Lille , qui font deux
coutumes différentes. La première, chapitre 9, ar-
ticle 39, porte: « A une femme veuve demeurée
" es biens & dettes de fon mari, ayant enfans vi-
»» vans d'icelui , compétent & appartiennent tous
7> les biens meubles, catteux & réputés pour meu-
>♦ blés ». La féconde, dans les articles 22 & 23 du
chapitre i , s'exprime encore plus clairement :
*i Quand un des deux conjoints par mariage va de
« vie à trépas, délaiflant un ou plufieurs enfans ,
M aiT furvivant compétent & appartiennent tous
v> leSi biens meubles & avions mobilières .... Mais
» quand de deux conjoints par mariage , l'un ter-
» mine fes jours fans délaifler enfant , au furvivant
Il appartient la moitié des meubles & réputés pour
» meubles ».
Prefque toutes les coutumes locales , foit du bail-
liage , foit de la^ilie & échevinage de Lille , con-
tiennent la même difpofition ; il faut en excepter la
coutume de la Baflée, qui accorde le Préciput lé-
gal , foit que les conjoints ou fun d'eux aient enfans
au enfant de leur mariage, d'autres prècédens , ou non.
Dans les coutumes qui n'accordent le préciput
légal , ou , fi l'on aime mieux , le gain des meubles ,
que dans le cas où il y a des enfans , il eft évident
que cela doit s'entendre des enfans fortis du ma-
riage d'entre les deux époux, comme ledit formel-
lement l'article 39 de la coutume du bailliage de
Lille , cité ci devant en ces termes, femme veuve de-
meurée es biens & dettes de fon feu mati, j4YÂ}fT
ENFANT VIVANT d'iceluj. Il cft cncorc évi-
dent , par ces derniers termes , qu'il faut qu'au mo-
ment de la difTolution du mariage il y ait un enfant
vivant, pour qu'il y ait ouverture au gain des meu-
bles en faveur de l'époux furvivant. Voyez encore
l'article 9 du titre 3 de la coutume de Valenciennes.
Il y a enfin une troifième claffè de coutumes qui
accordent le Préciput légal , foit qu'il y ait enfans ,
foit qu'il n'y en ait pas.
Nous n'en connoilTons qu'un petit nombre qui
s'expriment pofitivement fur ce point ; favoir ,
la coutume du pays de Luxembourg ;| voici ce
qu'elle porte , titre 8 , article 8 : « Au furvivant de
» deux conjoints appartiennent tous les meubles,
» & tout ce qui eft réputé pour tel , enfemble l'u-
» fufruit de tous les biens immeubles du trépaffé ,
il comme aufli de la moitié des acquêts faits conf-
T«me XIII.
PRÉCIPUT LÉGAL. 141
» tant le mariage, l'autre moitié lui demeurant en
» pleine propriété , foit qu'ils aient enfans à l'heure
" de leur trépas , ou poiat , &:c. ».
On trouve la mêine difpofition dans l'article 8
du titre 8 de la coutume de Tliion ville, & dans
1 article 283 de la coutume d'Anjou , dont voici la
teneur: u Le furvivant des deux conjoints par ma-
» riage ( /iberis exiflentibus) aura les acquêts , moi-
" tié en propriété & moitié en ufufruit , tant qu'il
I» /era en viduité ,à la charge de nourrir & entre-
» tenir les enfans mineurs, tant qu'ils foient en
" âge.... Et s'il n'y a aucuns enfans , ledit furvivant
') aura tous lefdits acquêts, moitié en propriété,
» & l'autre en ufufruit r..
A l'égard des autres coutumes , elles accordent
le Préciput légal au furvivant des conjoints , fans
parler en aucune manière des enfans , foit qu'ils
exiftent , foit qu'ils n'exiflent pas. Telles font les
coutumes de Senlis , article 146; Clermont en
Beauvoifis, article 189; Rheiins, article 279 &
281; Noyon, article 13 i ; Saint-Quentin , article
3 ; Ribemont, article 93 ; Chaulny , article iç 8c
16 ; Péronn» , article 1 26 ; Tours , art. 247 ; Châ-
teau-neuf en Thimerais, chap. 9 , art. 66 ; Dreux,
art. 103 ; & Maine, art. 299.
On n'a pas befoin de dire que dans ces dernières
coutumes, c'efl de leur filcnce fur la néceflîté de
l'exiflence ou de l'inexiftcnce des enfans pour qu'il
y ait lieu au Préciput légal , qu'on infère qu'elles
l'accordent à l'époux furvivant dans l'un & l'autre
cas.
Article VI.
Dans quelles coutumes le Préciput légal ne confiée que
dans la propriété des meubles,
C'eft dans plus grand nombre des coutumes que
le Préciput légal confifte dans la propriété des meu-
bles. Telles font Touraine, art. 247 ; Berry, titre
8, art. 13 ; Calais, chap. 3, art. 39 ; Étampes , art.
98; Troies , titre 2, art. ii; Noyon, art. 31 ;
Laon, art. 20 & 21 ; Châlons, art. 28 ; Rheims ,
art. 281; Ribemont, art. 93; Saint - Qentin ,
art. 3; Cambrai, art. 4; coutumes générales Se
locales de Lille ; Bar , tit. 7 , art. 78 ; Melun , cha-
pitre 1 3 , art. 2 1 1 ; Péronne , article 126; Chaulny,
tit. 4 , art. ï 8 ; Senlis , tit. 13, art. 1 46 ; Clermont
en Beauvoifis , art. 189 ; BalTigny , titre 6 , art 4c ;
Lorraine, titre i , art. i ; Sens, titre 9, art. 83 j
Château-neuf en Thimerais , chap. 9 , art. 66 ;
Chartres , chap. 10 , art. 57 ; Montfort-l'Amaury,
titre 1 1 , art. 133 ; Mantes & Meulan , tit. 11 , art.
1 3 1 ; Dreux , chap. 21 , art. 103.
Il paroît inutile de dire que dans ces meubles
ne font pas compris ceux que les coutumes aflimi-
lent aux immeubles ; la coutume de Montargis en
contient une difpofition exprefle, chap. i , art. 40 •
elle excepte du Préciput légal les meubles qui font
pour la fortification & inflruElion des maiforts , 0 ceux
qui y feraient pour perpétuelle demeure.
La coutUQic de Paris fait une autre exception
a4î PRÉCIPUT LÉGAL.
elle ne donne à 1 époux furvivant que les mtubles
étant hors la ville & fduxbourgs de Fans , fans fraude.
Ces termes yii«j fraude font entendre qu'on ne doit
pas comprendre dans le Préciput légal les meubles
qui n'auroient été portés à la campagne que dans
le deflein d'en profiter à la mort du prédécédé ; ce
qui Ce préfume, s'ils ont été portes pendant fa der-
nière maladie.
A l'égard des coutumes qui défèrent au furvi-
vant lu totalité des meubles , il n'y a pas de doute
que les dettes avives & les créances mobilières
en font partie ; plufieurs de ces coutumes le difent
formellement : mais la coutume de Paris, en n'ac-
cordant que les meubles étant hors de la ville & faux-
bourgs de Paris , a donné lieu à la queûion de fa-
voir fi parmi ces meubles on devoit comprendre
les créances.
Prefque tous les auteurs de Paris penfent que les
créances n'en f jnt pas partie, mais feulement, l'ar-
gent comptant gui fe trouveroit bors de Paris : ils
le fondent particulièrement fur ces termes , étiznt
hors la ville de Paris; ce qui défignc des meubles
qui /o/7f dans un lieu, & l'occupent; au lieu que
des meubles incorporels , comme des créances , ne
font pas véiitablemcnt capables dctre dans un lieu
6i de l'occirper.
Dumoulin traite la même queftion fur l'art. ii6
de l'ancienne coutume de Paris : on lira fans doute
avec plaifir fes propres expreflîons. « Refte une
" difficulté, dit -il , fi le furvivant a feulement
j> les meubles corporels & matériels étant hors la
» ville & fauxbourgs, fans fraude, & fans qu'il
« puiffe rien prétendre aux créances ou dettes aéli-
j) ves, combien qu'elles procèdent des chofes étant
>' hors la ville, fans fraude, il ei\ bien clair ^woi
jj in terminis juris appellatione mobilium fimpliciter ^
» non veniunt nomina , leg. à divo Pio , §. r , D. de
5) re judic. Encore moins , quando addiiur circumj-
■n tantia qva non cangruit nominibus, prout fitus loci ,
j>. leg. Caius , de D. de leratis , 2°. comme ibi, meu-
M blés étant hors la ville : mais il y a bien autre
« raifon de préfent , car les coutumes de France
3) ne font pas flatuts d'italie , & ne fe reilreignent
3> ad modum loquendi & intelUgendi j uris romani , mais
5> s'entendent ftcunditm modum loquendi 6" utendi
j> de France & des coutumes , lefquelles , quand
» elles difpo'ent des meubles , elles comprennent
» aulïï les dettes aflives 6f mobilières, eiiam alio
î> non addito^ comme il appert , art. 95 ( 217 de la
■>•>, nouvelle coutume ) , des biens meubles demeurés
j). par fon décèu Ils s'entendent aufTi bien des créan-
)> ces dont les exécuteurs font (aifis ; & article 128
» ( ^ 1 1 de la nouvelle coutume ) , où les afcendans
M font entendus être héritiers des meubles & créan-
» ces , fous le fimple mot de meubles , quanta
» fortius , quand il y a la charge exprefle de payer
» les dettes mobilières; car cela montre bien ^per
» loaim & aigumen^um à correlatr'vis , que fous ce
w mot meubles , viennent leS dettes ou créances ac-
}) liyes , autrement n'y auroit propos qu'il payât les
PRÉCIPUT LÉGAL.
n pafTives ; ce feroit contre la règle & raifon natu«
» relie incommutable. De quâ m Ue;- fecundhm na-
» turam de reg. juris, in leg.Jl duo putror.i de jure jur.
» Bien eft vrai que comme les meubles ior.i ref-
»» treints à ceux étant hors la ville & faiixbourgs
» de Paris , fans fraude , aufVi les créances mobi-
» lières comprifes fous ce mot meubles font ref-
" treintes à celles qui procèdent , non de la ville
» & fauxbourgs, ni pour raifon des héritages y
» afîîs , mais à celles qui procèdent à caufedes
» chofes 6c héritages affis hors la ville & faux-
» bourgs, *
On voit que Dumoulin comprenoit les dettes
aélives au nombre des meubles ; ces railons paroif-
fent décifives à Pothier , qui obferve en outre ,
ciue l'article 131 de l'ancienne coutume de Paris
s'étoit expliqué formellement fur les créances ; il y
eft dit : Entre nobles , quand l'un des deux conjoints
vu de vie à trépas , le furvivant peut prendre les mcw
blés & créances de fon décès. Or, toutes les fois
qu'en réformant une coutume on n'a fait qu'abré-
ger fes difpofitions , fans aucun deffein d'y rien in-
nover , il n'y a pas de règle plus sûre de l'interpré-
ter , que de recourir à fon ancien texte ; c'eft ce
qu'on doit dire à l'égard de l'article 238 de la nou'
velle coutume de Paris , dans lequel ont été fonduJ
les articles 116 & 131 de l'ancienHe coutume.
Berroyer & Lauriére agitent la même queftion
dans leurs notes fur Dupleffi^. Ils rapportent fort
longuement les raifons pour & contre ; ils oblcr-
vent quelle étoit l'opinion de Dumoulin. « Cepen-
» dant, continuent-ils , on doit foutenir l'opinion
» contraire , & dire que les dettes avives mobiliè-
» res, procédantes d'héritages alîîs hors la ville &
» fauxbourgs de Paris , ne font point comprifes
» dans le préciput légal, & que ce n'a jamais été
» l'intention de Li coutume. Il eft vrai que fi l'ar-
« ticle 238 donnoit aux furvivans fimplement les
» meubles, cela comprendroit les dettes aiRiv^s^ fui
» vant l'ufage du pays coutumier, qui , fous le nom
» de meubles fans reflri&ion , comprend les dettes
)) ?.6lives; mais l'article 238 ayant reftreint fa dif-
j) pofition , n'ayant compris que les meubles étant
» hors la ville & fauxbours ,& les dettes aflives
n n'ayant pas de fituation , cela fait connoitre que
« l'intention des rédafteurs & des réformateurs de
V la coutume, a été de ne com.prendre dans cette
3) difpofition que les meubles meublans //zy/vc/^,
» qui ont une fituation , Si. non point des dettes
» aflives , ni tous les meubles in génère , qui n'eii
55 peuvent avoir. Cela fe jus^ ainfi au châtclet. £t
V en effet , Auzanet , fur l'article 238 , dit meubles
n étant , marque que la coutume parle feulement
5> des meubles corporels, & tel eft l'ufage ".
Voici la raifon que Dumoulin donne de la limi-
tation prefcrite par la coutume de Paris. «« Les no-
■,-, blés bourgeois de Paris font plus grand état des
■>■) meubles tk. en ont une plus grande quantité
» que les nobles demeurans hors la ville & faux-
» bourgs ;. partant il arriveroit que le bénchce de
PÎ^ÈCI PUT LÉGAL.
» la coutume feroit trop gratid & exceffîf entre les
•> nobles bourgeois de Paris, û les meubliis, tant
« de la ville que des champs , y étoient compris ,
*» qui eft la raifon pour laquelle la coutume, pour
» le regard des nobles bourgeois de Paris , a ôté
«» de Ton bénéfice les meubles étant en la ville &
« fauxbourgs , & partant, ccjjante rations limltatio-
>i nis , cejj'at limitatio , en cet endroit , leg. in ag'-is
« de acquir. rcr. \ donc & outre n'y a pas ici de dif-
n férence entre meubles & créances mobilières ,
t* mais feulement en ce qui eft de la ville 6i taux-
n bourgs , foit meubles ou créances qui eft exclus ,
» & entre ce qui eiiou procède de dehors la ville
j» ou fauxbourgs , ce qui eft inclus «.
Nous inclinerions beaucoup à l'opinion de Du-
moulin , nonobftanr Tufage contraire attefté par les
annotateurs de Dupleftis, Se nous ferions portés à
croire que dans les meubles que la coutume de
Paris donne à titre de Préciput légal , doivent être
comprifes les dettes avives & créances mobilières,
dont on exceptera cependant , comme le remar-
quent Dumoulin , & Pothier après lui , les créances
qui procéderoient de chofe* qui font à Pat is , tels
que font, par exemple , des loyers qui fe. feroient
trouvés dus lors du prédécès , pour des mairoHS de
Paris , & des profits feigneuriaux de cenfives étant
dans la ville de Paris.
Au refte , en doit fiiivre,, pour difcerner les
meubles Se ce qui eft réputé meubles, les difpo-
fitions des coutumes , qui ne permettroient pas
que le furvivant emportât les meubles qui au-
roient été placés dans une maifon n perpétuelle de-
meure j comme la coutume de Montargis le décide
en termes exprès.
Mais ne peut-on pas demander fi dans les mcu- «
blés étant hors Paris en peut comprendre les arré-
rages des rentes foncières ou conftituécs , dues par ]
des particuliers demeurant à Paris , & affe61ées fur
des fonds qui y feroient fitués ? Pothier, d'après
Dumoulin , décide que les loyers pour maifons, &
les profits feigneuriaux pour cenfives fituées à Pa-
ris , font exceptés du Préciput légal : ne devroit-on
pas dire la même choie d arrérages de rentes dues
iiir des immeubles fitués dans Paris , s'il eft vrai ,
comme l'afture Dumoulin , qu'il n'y ait que ce qui
^(l ou procède de dehors la ville ou fauxbourgs , qui y
foit inclus r Cependant fi ces arrérages avoient été
payés , ils feroient partie de l'argent comptant
trouvé au décès , & appartiendroient fans difficulté
au furvivanr , dans le c;'.s où les époux auroicnt eu
leur domicile hors la ville de Paris : alors ce ne fe-
roit que des deniers qui ne porteroient pas avec
eux la trace de leur origine ; on ne pourront les
considérer que pour ce qu'ils feroient, favoir, de
l'argent comptant. Il en feroir de même des deniers
provenant de loyers de maifons ou de profits de
cenfives fituées à Paris , fi les loyers & les profits
avoient été payés ; feais , s'ils font dus encore lors
Àa décès qui donne ouverture au Préciput légal.
La coutume ne paroît comprendre dans ks meu-
. FRÉCl?tJT LÉG|L. 245
blés étant hors Pans , que ceux que des bourgcoi*
t'c Paris qui auroiexit une maifon à la ville & l'au-
tre à la campagne , auroient portés & laifferoient
ordinairement dans cette dernière habitation. Ce-
pendant oia feroit la raifon d'en exclure des meu-
bles qu'on porteroit avec foi à la campagne , feule-
ment pour le -temps qu'on y pafle , dès que ces
meubles fe feroient trouvés à la campagne par le
feul effet du hafard , ou plutôt de l'ufage des bour-
geois qui les y auroient portés, fans aucun dcfifein
de fraude de leur part .''
Si l'on avoit fait apporter à Paris , foit pour les
changer , foit pour les racommoder, des meubles
qui font orduiairement à la campagne , & qu'on
avoit delTein d'y faire reporter enfuite , ces meu-
bles font cenfés faire partie des meubles de la
campagne , & feroient par cette raifon-là compris
dans le Préciput légal , quoiqu'ils fe trouvaient par
hafard à Paris au moment du décès de l'un des
conjoints ; cela eft fondé fur cette règle de d;oit ,
rci>us quce in fundo funt , acceduni etiam qux tune non
funt,fi ejffe folenr ; leg. 78 , §. 7 , D. de leg. 3.
« Lorfqu'un parifien , demande Pothier-, après avoir
j> fait emplette à Rome de tableaux de grand prix ,
» pour les placer dans fon hôtel à Paris, vient à
11 perdre fa femme pendant que les tableaux font
■>■) encore en chemin , peut-il les prétendre comme
» meubles étant hors la ville de Paris.'' Je le penfe,
» répond-il; car, quoiqu'ils fuflent deftinés à être
» meubles de Paris, ils ne l'étoient pas encore.
)> Lorfque des meubles de Paris font tranfportés
» de Paris dans un autre lieu , avec intention de
" les y faire revenir , cette deftination leur con-
)j ferve bien la qualité de meubles de Paris qu'ils
» avoient d jjà ; mais la deftination ne peut pas don-
» ner à des meubles la qualité de meubles de Pa-
" ris, avant qu'ils l'aient ».
On peut citer à l'appui de cette opinion , la loi
17 , §. x\ ,D. de afi. empti : pâli , dit Ulpien , qui
vinea caufâ parati fuit , antcquam collocentur, fundi
non funt ; fed qui exempti funt hac mente ut coîlocen-
lur , fundi junt.
Article VII.
Dans quelles coutumes le Préciput légal ne confiée que
dans l'iifufruit des conquit s.
Nous n'en connoiftbnj que deux où le Préciput
légal ne confifte que dans cet ufufruit : elles don-
nent , il eft vrai , au furvivant la moitié des meu-
bles en propriété; mais cette moitié des meubles
en propriété dérive uniquement de la communauté;
de forte que dans ces coutumes le Préciput légal ne
confifte que dans ce que le furvivant recueille au-
delà de ce qu'il prendroit dans la communauté.
Ces coutumes font celles d'Anjou, art. 283 , &
du Maine , art. 299 , dont les difpofitions font pref-
que femblables; voici comme eft conçue celle du
Maine, « Le furvivant de deux conjoints enfemble
» par mariage , qui ont fait acquêt de chofes ira-
Hhij
244 PRÉCIPUT LÉGAL;
» meubles pendant leur mariage , pourvu qu'au
19 temps du décès du premier trépafle ils foient
» communs en biens, a droit de tenir icelui ac-
» quét, moitié en pleine propriété , moitié en ufu-
1» fruit & viagc feulement ».
Article VIII.
Dans quelles coutumes UPrtciput ligal conjîfle dans
l'afiifr^it des acquêts faits durant le mariage , &
dans la propriété des meubles.
On peut mettre à la tête de ces coutumes celle
dePjoitou, qui s'exprime en ces termes dans l'art.
,2-42: « Le furvivant des conjoints nobles tient le
5) tout defdits acquêts le cours de fa vie , pourvu
M qu'il ne fe remarie , & que dudit mariage n'y
M ait enfans , ceft à favoir , une moitié comme pro-
j> priétaire & vrai feigneur , & l'autre moitié par
» ufufruit feulement ■>■>.
L'article 238 de la même coutume parle des meu-
bles , & les donne au furvivant.
Dans cette coutume & dans celles qui lui font
fcmblables, l'avantage du furvivant noble à l'égard
des acquêts , ne confifte réellement que dans l'u-
fufruit de la moitié des acquêts dont il n'eft pas
propriétaire , & dont la propriété paffe aux héritiers
du prédécédé : fi le droit du furvivant ne lui défé-
roit que fa moitié , tant en ufufruit qu'en propriété ,
ce feroit alors plutôt l'effet de la communauté feule,
que celui du Préciput légal.
Article IX.
(Quelles font les formalités prefcrites au furvivant des
époux par quelques coutumes.
Ces formalités font une acceptation expreffe &
judiciaire du Préciput légal , ou un inventaire des
meubles qui en font l'objet.
Quant à l'acceptation , elle eft requife par la
coutume de Sens , dont l'article 3 porte , que le fur-
vivnnt fera tenu de faire fon acceptation ou fa renon-
ciation dans le délai de huitaine du jour du décès ; ce
qu'il faut entendre , pourvu que ce décès foit venu
à la connoilfance du furvivant. La coutume de
Troies , titre 2, article 11 , fait la diftinâion des
époux nobles vivant noblement, & des époux no-
bles vivant roturièrement ; elle accorde, à droit
de Préciput légal , les meubles au furvivant des uns
& des autres ; mais les premiers prennent les meu-
bles , & ceux « vivant roturièreraent doivent ac-
« cepter les meubles en juftice dedans quarante
5> jours après le trépas du premier mourant ; aliàs,
i) où ladite acceptation ne feroit faite en juftice
3> dedans lefdits quarante jours , entre le furvivant
» 6c les héritiers du trépaffé fe partiront les meu-
u bles ».
La coutume de Sedan exige aufli ( article 79 )
une acceptation expreffe en juftice , dans le délai
d'un mois ; & « à faute , dit-elle , d'avoir fait la-
v dite déclaration , 1« furvivant fera préfumé avoir
PRÉCIPUT LÉGAL.
» choifi le privilège des nobles , fans qu'il foit
H plus reçu à choinr ou retourner au droit des
» roturiers ».
Dans ces deux coutumes de Troies & de Se-
dan , oîi le furvivant doit faire fa déclaration qu'il
accepte le Préciput légal, l'omiflîon de cette for-
malité produit un effet différent & contraire : daos
l'une , il eft forcé de prendre la totalité des meu-
bles ; dans l'autre , il eil-réduit à n'en prendre que
la moitié.
Les coutumes de Châlons , art. 28 ; Rheims, art.
281 i Saint- Quentin , art. 6 , exigent auffi une ac-
ceptation expreffe en juftice, &. dans le même délai
de quarante ;ours ; mais elles ne difent pas , com-
me celle de Troies, que ce délai eft fatal , ik que ,
faute d'avoir fait dans ce délai l'acceptation , le fur-
vivant eft déchu de fon droit.
La coutume de Saint-Quentin exige outre cela
que les héritiers du conjoint prédécédé foient
appelés par le furvivant , lorfque celui-ci fait fon
acceptation judiciaire. Enfin, la coutume de Chaul-
ny , titre 24 , article 129 , requiert auffi , mais de
la part de la femme feulement , qu'elle faffe
fon acceptation en juftice , & dans le délai de trois
mois.
Comme dans la plupart des coutumes oij le Pré-
ciput légal confifte dans la propriété des meubles ,
il n'a lieu que dans le cas oii il n'y a pas d'enfans ,
la formalité d'un inventaire ne paroiffoit être d'au-
cune néceffité, on pourroit dire même, d'aucune
utilité : mais dans les coutumes qui impofent au fur-
vivant la condition de ne pas fe remarier , & qui ,
dans le cas où il fe remarie, l'obligent de partager
ces meubles avec les héritiers du conjoint prédé-
cédé , il étoit à propos de faire un inventaire de
ces meubles.
C'eft dans cette vue que l'article 2 de la coutume
de Coucy exige de la part du furvivant, qu'il faffe
un inventaire, parce qu'elle veut que, dans le cas
oii il fe remarieroit , il faffe -partage avec l'héritier
du prédécédé , des biens dont il jouiffoit à droit de
Préciput légal ; & même, pour mieux affurer les
intérêts de cet héritier , le furvivant , outre l'inven-
taire , eft tenu de donner caution de la valeur des
chofes inventoriées.
C'eft encore par le même motif que la coutume
de Melun , chapitre 13 , article 218, exige qu'il
foit fait un inventaire par le furvivant des conjoints,
lorfqu'il y a des enfans, afin , dit-elle, de pouvoir
en faire avec eux un partage égal & exaâ, dans le
cas où il viendroit à fe remarier.
D'autres coutumes ont eu moins de prévoyance,
Se ont pris moins de foin de l'intérêt des enfans
ou des héritiers du prédécédé : elles accordent le
Préciput légal , quoiqu'il y ait des enfans , pour en
jouir par le furvivant , s'il ne fe remarie pas : dans
le cas où il fe remarie , elles le forcent de par-
tager les meubles avec les héritiers du prédécédé ;
mais ce font les meubles que le furviv:int a alors ,
comme dit la coutume d'Oftrincourt, locale delà
PRÉCIPUT LÉGAL.
coutume de la châtellenie de Lille,
La coutume de Verdun a une dirpofifion plus
finguUère encore. Suivant elle , le lurvivant de
deux perfonnes nobles a la propriété des meubles :
entre époux qui ne font pas nobles , le mari feul ,
s'il eft farvivant, &non la femme , a la faculté de
demeurer meublier ; c'eft-à-dire , aux termes de l'ar-
ticle 2 du titre 4 , qu'il tient , fa -vie durant , Us mcu-
kUs & Us acquêts , à la charge des frais funèraux &
des dettes de la défunte , 6» de nourrir 6* entretenir les
enfans ^ fi aucuns y en a Cependant ce
mari furvivant , qui n'a que l'ufufruit des meubles ,
riefi tenu , article 5 du même titre 4 , faire inven-
taire defdits meubLs , les exhiber ni en bailler fûreti
ni caution.
La coutume de fens a une difpofition qui paroît
plus lage. Elle donne les meubles au furvivant de
deux conjoints nobles , lorfqu'il n'y a pas d'eii-
fans , fans exiger du furvivant qu'il falfe faire un in-
ventaire ; mais elle laiiTe aux héritiers la faculté de
requérir qu'il en foit fait un.
On retrouve le même ufage à peu-près dans la
coutume de Château Neuf en Thimerais. Le furvi-
vant des époux nobles y gagne les meubles , foit
qu'il y ait des enfans , foit qu'il n'y en ait pas. Dans
ce dernier cas, il n'eft pas tenu de requérir un in-
ventaire ; mais s'il y a des enfans, le furvivant,
comme dit l'article 140 de cette coutume , nt(ï pas
excujé de faire inventaire des héritages , titres & en-
feignemens des mineurs; cela eft cependant, à ce
qu'il femble , uniquement fondé fur ce que le fur-
vivant , outre l'avantage du Préciput légal qu'il re-
cueille , a de plus , dans l'hypothèfé de l'article cité ,
le bail & la garde des enfans ; aufîî la coutume
ne requiert pas inventaire des meubles, puifqu'eile
les donne au furvivant en propriété, mais feule-
ment un inventaire des héritages , tiens & enfeigne-
mens des meubles.
Article X.
QnelUs font les charges du Préciput légal r*
Le Préciput légil n'eft pas un avantage purement
gratuit; les coutumes ne l'accordent que fous cer-
taines charges, fa voir, celle d'acquitter les dettes;
ce qui a fait dire à Dumoulin , fur l'article 131 de
l'ancienne coutume de Paris , en parhmt de ce droit :
l'/on efl merum lucrtim , fed commutatio ad cnus fol-
vendi débita.
î- Les coutumes varient entre elles fur l'étendue des
charges qu'elles attachent à la jouifiance du Préci-
put légal. Suivant l'article 238 de la coutume de Pa-
ris, le furvivant tù. tenu de payer les dettes mobi-
lières & les obsèques & funérailles du défunt. On
trouve la même difpofition dans les coutumes de
Calais , chapitre 3 , article 39 ; de Coucy , article 2 ;
de Cambrai , article 4; de Bar , titre 7 , article 78 ;
de Senlis, article 146 ;f^e Clermon.ten Beauv(;ifis,
article 189 ; d'Arras , aiticle 11 ; 6c de Rheims , ar-
ticle 283.
PRÉCIPUT LÉGAL;
^A'i
D'autres coutumes chargent de plus le furvivant
d'acquitter les legs : parmi celles-là , les unes ne
parlent que des legs pieux , confinant en deniers
ou en meubles, comme Sens , article 82 ; Troies ,
titre 2 , article 1 1 ; Châlons , art. 28. Cette der-
nière coutume excepte formellement les autres
legs : Et au regard , dit-elle, du furplus du teflament ^
il fe paye par les héritiers du trépjffé , aiixquets ap-
partient le propre du décédé. Les autres parlent des
legs fans diftinflion , des legs pieux & det legs or-
dinaires , comme Chaumont en Baffigny , cha-
pitre I , article 6 ; d'où il femble qu'on devroit
conclure que le furvivant feroit tenu d'acquitter
généralement tous les legs, comme paroifîent le
dire formellement la coutume de Saint-Quentin ,
article 3 , & celle de Ribemont , article 93. Cette
dernière porte , que le furvivant e(l tenu d'e payer
toutes les dettes mobilières , O d'accomplir le tefîament
du défunt.
Cela doit-il s'entendre indiftinâement & fans ré-
ferve, de manière que le furvivant foit tenu d'ac-
quitter ces charges à quelque femme qu'elles mon-
tent ? Il femble qu'on doit diftinguer , avec Po-
thier , les charges mobilières , dettes ou legs , des
charges immobilières. Celles-ci feront acquittées
par les héritiers des immeubles , & celles-là feu-
lement feront fur le compte de l'époux furvivant ;
c'eft du moins ce qu'ordonnent phifieurs coutu-
mes , en reflreignant la charge des dettes aux
dettes mobilières , & la charge des legs aux legs
mobiliers, & à une fois payer , comme difent Pé-
ronne , article 1 26 ; Sedan , article 79.; Montargis ,
chap. I , art. 40 ; Touraine , art. 247.
Quelques coutumes , comme Poitou, Mantes &
quelques autres encore, n'obligent le furvivant
a payer que les dettes mobilières & perfonnelles.
On demande fi dans ces coutumes on doit com-
prendre au nombre de ces dettes mobilières & per-
fonnelles , les legs mobiliers faits par le prédé-
cédé ^ A ne confidérer que la nature de ces legs ,
qui ne confiftent qu'en fommes mobilières , il
femble qu'on doive décider que le furvivant qui
gagne tous les meubles , doit acquitter les legs.
Cependant ces legs , quoique mobiliers , difi^èrent
en un point effentiel des dettes mobilières ; favoir ,
en ce que ceiles-ci , qui ètoient dues dès avant la
mort du prèdécédé , pouvoient être exigées avant
fon décès , &. font, par cette rail'on , cenfées avoir
diminué d'autant les meubles; les legs, au con-
traire, necommencent à devenir des dettes qu'a-
près la mort du conjoint qui les a faits , & après
que le furvivant a recueilli le Préciput légal qu'il
tient de la coutume, & non du prédécédé; d'où
l'on doit conclure , qu'il en e/î des legs comme
des frais funéraires , 8c que les uns & les autres
ne font point à la charge du furvivant , à moins
que Ics'coutumes ne le difent expreffément.
Les dettes contraâées par les conjoints durant
leur communauté , font inconteftablement à h
charge du furvivant qui prend les meubles. En cfl-
246 PRÉCIPUT LÉGAL.
il de inème des dettes perfonnelles que le prédé-
céde avoit contraâées avant fon mariage , lorf-
qu'il y a Réparation de dettes entre Ls deux époux ?
Les auteurs de Paris ont d vcrfement décidé cette
queflion. Le Brun & DuplelTis penfent pour l'af-
firmative , & en donnent pour raifon , que Car-
tïcle ( 238 de Paris ) ne dijlin^ue point & ne parle
pas même de communauté y & de plus, charge le fur-
viy/tnt des obsècjues , qui conjlamment ne font point
dettes de la communauté. Ricard , Fortin 8c le Maitre
penfent au contraire que le furvivant n'cft tenu
d'acquitter les dettes du prédécédé , qu'autant
qu'on peut les regarder comme dettes de la com-
iTiunauté.
Pothier , dans fon traité de la communauté ,
nombre 433, édition '/^4*. , embraffe cette der-
nière opinion , & en donne les raifons fuivantes :
») La coutume ne faifr.nt pas fuccéder, par cet ar-
» ticlc (iiS de Paris), le furvivant indiftinflc-
î> ment à l'univerfalitè des biens meubles du pr^-
» décédé, mais feulement à l'univerfalitè des biens
» meubles de la communauté, pour la part qu'y
»> avoit le prédécédé , il ne doit pas être préfunié
j> avoir été chargé d'autres dettes mobilières que
« de celles de la communauté , qui font les feules
j> qui foient une charge de l'univerfalitè de la coni-
j> munauté à laquelle il fuccéde au prédécédé pour
»> la part qu'il y avoit. Le furvivant n'étant donc
j) tenu que des dettes de la communauté , par la
»> nature delà chofe à laquelle il fuccède , pour
j) qu'il pût être réputé tenu des autres , il eût fallu
j) que la coutume s'en fût expliquée d'une m:mière
J» plus formelle ; ce que n'ayant pas fait , les dettes
ji mobilières dont elle le charge, doivent être en-
» tendues , fecundiim fubjcElam mateiiain , de celles
>» de la communauté ».
Cela ne doit pas au moins fouffrir de difficulté dans
les' coutumes qui, comme celle d« Péronne , ne
parlent que de dettes mohilières de la commu-
nauté ; ce qui exclut néceiïairement les dettes du
prédécédé , particulières à fa perfonne , & qu'il a
gardées pour fon propre compte ou celui de fa fuc-
ceffion , par la claufe de féparation de dettes.
» Suivant ce principe , continue Pothier , le fur-
tt vivant ne laiiléra pas de demeurer créancier pour
j> une dette perfonnelle que pouvoit lui devoir le
»> prédécédé , & il ne s'en fera pas de confufion
») avec le Préciput légal qu'il recueille ».
Le furvivant ne fait pas non plus de confufion
des deniers qui lui ont été ftipules propres , quoi-
qu'ils foient une dette de la communauté. La rai-
fon qu'en donne Pothier, & qui paroît très-jufte,
yt c'crt que ces créances , quoiqu'elles foient , dans
M la vérité, créances mobilières, font, entre les
1) conjoints , réputées pour immeubles fictifs, que
»» le furvivant , chargé feulement des dettes mo-
» biliéres, n'eft pas tenu d'acquitter ».
11 n'en cfl pas de même du Préciput convention-
nel; le furvivant le confond dans fon Préciput lé-
gal , foit qu'il confifte en une fomme de deniers ,
PRÉCIPUT LÉGAL.
foit qu'il confifte en une certaine efpèce de meu-
bles , comme le décident Dupleflis & Pothier.
C'efl en effet une créance à exercer fur les meu-
bles de la communauté, & qui doit être confidérée
comme une dette mobilière , & par conféquent à
la charge du furvivant.
Si le furvivant étoit mineur, & avoit accepté
en minorité le Préciput légal , point de doute
qu'il ne fût recevable à fe faire relever de fon ac-
ceptation. Mais s'il étoit majeur, y eft-il rece-
vable.'' Non certainement, s'il n'y a pas eu d'in-
ventaire , fans lequel il ne pourroit rétablir les
chofes en l'état ou elles étoient lors de fon ac-
ceptation.
Mais que décidera-t-on dans le cas où il y aura
eu inventaire ^ Les auteurs font partagés fur cette
queftion. Pothier rapporte leurs raifons refpeéii-
ves , fans donner fon ^vis ; cependant il paroit in-
cliner pour l'a/firmative , fur le fondement que le
Préciput légal eft une donation, & que , fuivant le
droit commun, tout donataire n'eft tenu des char-
ges de la donation que jufques à concurrence de
l'émolument , & peut fe décharger des charges de
la donation, en abandonnant les chofes données,
& en rendant compte de tout ce qu'il a perçu. Il
femble , 8c plufieurs coutumes le difent en ter.mes
clairs ,que le Préciput légal efl déféré à titre de fuc-
ceflion , & non de donation ; d'où l'on devroit con-
clure, contre l'avis de Pothier , que comme un ma-
jeur ne peut pas renoncer à une fucceffion qu'il a
une fois acceptée, de même il ne peut pas renon-
cer au Préciput légal.
On peut rapporter à ce ftjot une difpofiiion
de la coutume de Bruxelles , qui efl unique & fm-
guliére. Cette coutume , comme tontes celles dont
il p été parlé dans cet article , donne au furvivant
des époux , foit qu'il y ait enfans , foit qu'il n'y en
ait point , tous les meubles ; mais il paroit qu'elle
a moins eu pour objet d'accorder un avantage au
furvivant , que de donner aux créanciers du pré-
décédé une perfonne à laquelle ils puffent deman-
der le payement de ce qui leur étoit dû ; car le fur-
vivant , feroit-ce même la femme, n'a pas la fa-
culté de renoncer aux meubles , pour fe décharger
des dettes ; cela eft textuellement décidé par l'arti-
cle 250 , en ces termes : >» Le furvivant des ma-
» ries eft tenu pour héritier ncceflaire du prédé-
» funt , la mai foi (i) mortuaire étant tombée à Bru-
» xclles , & elï obligé en toutes les dettes & char-
» ges perfonnelles dudit prédéfunt & de fa maifon
» mortuaire , fans diOingucr de la part de qui pro-
» cèdent lefdites charges ou dettes , ou fi elles
» font faites par le mari ou par la femme, ou par
» eux enfemble; & le furvivant, foit mari ou fem-
» me , ne s'en peut exempter, en abflenant & ré-
» pudiantles biens ou la maifon mortuaire du pré-
» défunt , ou en mettant les clés furie tombeau ,
(i) Ceft à dire , les époux ayant leur doQÙciJe à Bruxellei
au moment de la moci. de l'un d'eux.
PRÉCIPUT CONVENTIONNEL.
M parce qu'il ne trouve point des biens du prédé-
M tunt , ou que les dettes excèdent les biens : mê-
» me point par contrat de mariage , ou fous quelque
>» autre préttxte que ce fait «.
Foyei les autorités citées, & les articles COM-
MUNAUTÉ , Mariage , Noblesse , Secondss
NOCES 5 PvENONCIATION A LA COMMUNAUTÉ , &C. '
( article de M. Sa^ts on Duperrqs , syocat
au parlement. )
PRÈCIPUl' CONVENTIONNEL. On appelle
ainfi le droit qu'a le (urvivant des conjoints , en
vertu d'une claufe très-fréquente dans les contrats
de mariage, de prélever une certaine portion des
meubles de la communauté , avant qu'elle foit
partagée.
Pour traiter convenablement cette matière , qui
d'ailleurs ne prelcnie pas un grand nombre de
difficultés, on parlera, i°. de 1 ouverture du Pré-
ciput conventionnel : 2". des choies qui le compo-
fent : 3". de la manière de le percevoir ^ de la na-
ture 6c des effets de cette conveuùon.
§. I. De Vouverture du Prèciput conventionnel.
La claufe du Prèciput conventionnel eft ordinai-
rement conçue de la manière fuivante dans les
contrats de mariage : Le Jurviv.uu des futurs époux ,
ou bien le futur époux , en cas de fnrvie , 6* pareille-
ment La future époufe , dans le même cas , prendra par
Prèciput tels & tels objets. On conclut de-là avec
raifon , qu'il n'y a que le prédécès de l'un des
conjoints qui donne ouverture au Prèciput au pro-
fit de l'autre.
Ainfi, lorfque la communauté a été diiïbute du
vivant des deux époux , en vertu d'un jugement
de féparation , fi !a fem.me accepte la communauté ,
ce qui eft bien rare, le partage doit fe faire fans
Prèciput ; mais à la charge que lorfque le prédécés
de l'un d'eux donnera ouverture au Prèciput, la
fuccefilon du prèdécédé fera raii'on de ce Prèciput
au furvivant.
Il eft évident que dans ce cas , le droit dont la
fucceffion du prédécédé eft grevée au profit du fur-
vivant , n'eft que de la moitié du Prèciput , parce
que le furvivant en a confondu en lui-même l'au-
tre moitié, lors du partage. Il n'y a pas de diffi-
culté à cela , io;ique le Prèciput eft d'ime (omms
d'argent. Mais lorfqu'il cenfîfte en efiéts , comme
il ne doit pas être au pouvoir de l'un des conjoints
de préjudicier à ce droit , qui doit fe prendre fur
la communauté dans l'état où elle eft au temps de
fa dJfiolution , il faut faire une eftimation des cho-
fes fujettes au Prèciput de chaque conjoint qui fe
font trouvées dms la communauté lors de fa diftb-
iution , afin de fixer la fomme que la fucceftîon du
prèdécédé devra au furvivant , lorfqu'il y aiira ou-
verture au Prèciput par le prédécès de l'un des
conjoints. En attendant, chacun d'eux prendia,
fur le pied de l'eftimation , les chofes fujettes à (on
Prèciput, en les précomptant fur fa part , à b charge
d'en faire tenir compte au furvivant par fa Aie-
PRrCIPUT CONVENTIONNEL. 147
ctfiîbn , en cas qu'd y donne ouverture par Con
prédccès. C'eft le tempérament propofé par M'
Pothier, au numéro 445 de fon traité de la com-
munauté.
La diirolution de la communauté qui arrive par
la mort civile de l'un des conjoints , eft-ellc dans
le même casque celle qui a lieu lors d'une fépara-
tion par jugement, ou bien doit-on la regarder
comme un prédécès qui donne ouverture au Prè-
ciput? On peut dire, contre le Piéciput, que ia
mort naturelle de l'un des conjoints avant l'autre,
eft le féul cas que les parties ont propoié pour l'ou-
verture du Prèciput; que c'eft le feul qu'elles aient
prévu; qu'on ne peut pas même fuppofer qu'elles
aient penfé au cas de la mort civile de l'un d'en-
tr'eux ; enfin , que la mort civile & la mort natu-
relle n'ont pas des effets entièrement femblables ,
même dans le droit, puifque ceux de la mort ci-
vile peuvent être détruits , comme elle , par la ref-
titution à la vie civile , que le prince accorde quel-
quefois. Un arrêt célèbre, prononcé le 2 juin 1549,
!e roi Henri II fèant en fon lit de juftice , l'a ainfi
jugé.
On peut dire au contraire que la mort civile n
véritablement les effets de la mort naturelle, quant
à la fociété, puifqu'elle en retranche tout auffi bien
la perfonne qui l'a encourue , que l'auroit fait la
mort naturelle , & que la grâce éventuelle de la ref-
titution à la vie civile , étant un bienfait du prince
purement volontaire, & fur lequel on ne peut pas
compter, ne doit pas plus empêcher l'ouverture du
l'réciputque le partage de la communauté, auquel
!a mort civile a pareillement donné lieu.
On pourroii oppofer à l'arrêt du 2 juin 1549,
l'article 24 de l'ordonnance des fubftitutions , qui
porte , « que dans tous les cas où la condamnation
« pour crime emporte mort civile, elle donnera
)> lieu à l'ouverture du fidéicommis , comme 4a
» mort naturelle. Mais , obferve M. Porhier, on
» ne peut pas argumenter des fidéicommis à la
H convention de Prèciput ; les fidéicommis , qui
» font fiuts en l'abfence de la perfonne au profit
» de qui la difpofition eft faite , étant fufceptibles
» d'iuie interprétation beaucoup plus étendue que
» ne le font les conventions entre-vifs.
»> La difpofition de l'ordonnance des fubftitu-
5) tiens , continue M. Pothier , n'eft donc pas feule
)» fuflifanre pour établir qu'on s'eft écarté de la ju-
u rifprudcnce établie par l'arrêt de 1549. Mais j'ai
î> appris que la cour s'en étoit formellement écar-
» tée, en jugeant, dans l'efpèce d'un homme qui
») étoit forti du royaume pour caufe de religion ,
» que la mort civile qu'il avoit encourue par fa
» fortie du royaume , avoit donné ouverture au
j> Prèciput au profit de fa femme ".
Au refte , le feul mot'de Préziput emporte natu-
rellement l'idée d'un prélèvement fur une maffe
commune ; il ne peut donc pas avoir lieu lorfqu'il
y a renonciation à la communauté Cela eft in-
tonteftable , quand c'eft le mari qui furvit, puif-
hS préciput conventionnel.
auen ce cas il retient fcul la totalité de la mafTe
iur laquelle le Piécipiit devoit être pris. Mais on
doit fuivrela même règle lorfque c'eft la veuve
qui furvit, 6i qu'elle renonce à la communauté ,
parce que fa renonciation a détruit à fon égard tous
les effets de la communauté.
Telle eft la jurifprudence du châtelet , atteftée
par Bourjon , traité de la communauté , partie 6 ,
chapitre 5, fedlion i , n°. 3. Le même auteur ciie
deux arrêts des 4 juillet 1619 & 12 mai 17Q2, rap-
portés , le premier par Bardet , tome r , livre 3 ,
chapitre 54, & le fécond par les continuateurs du
journal des audiences , tome 6 , livre a , chapitre
24. Enfin , c'eft aufîi l'avis de le Brun ôf de Pothier
dans leurs traiiés de la comnUmauté.
Lorfque les deux conjoints font morts par un
zr.éme accident , fans qu'on fâche lequel a furvécu
Taiure; par e:îemple , lorfqu'ils font péris dans un
naufrage, il n'y aura point de Préciput en faveur
des héritiers de l'un ou de l'autre , lors du partage
de la communauté qui ert à faire entre les héritiers
de l'un des conjoints & ceux de l'autre; car ni les
ims ni les autres ne peuvent juftifîer que c'efl celui
des conjoins auxquels ils ont fuccédé qui a fur-
vécu , & au profit de qui il y a ouverture au Pré-
ciput.
Quoique le Préciput ne puifie régulièrement avoir
lieu qu'en cas d'acceptation de communauté , il eft
néanmoins d'un ufage très-fréciuent , dans les con-
trats de mariage , de convenir que la future époufe ,
en cas de renonciation à la commnnauté , aura for.
Préciput. On flipule encore quelquefois qu'il fe
prendra entièrement fur la part du prédécédé , en
cas d'acceptation de la communauté. On verra dans
le paragraphe fuivant quel eft l'effet de ces deux
claufes. Mais c'eft mal-à-propos qu'Argou dit dans
les inftitutions , livre 3 , chapitre 1 1 , a qu'on
j> tient au palais , que quand la claufe que Ij future
»i aura /on Préciput même en cas de renonciation , au-
j) rolt été omife , la femme ne laifleroit pas d'avoir
)) fon Préciput fur les biens du mari , même fur
S) fes propres , quoiqu'elle eût renoncé à la corn-
j) munauté >'.
Ses annotateurs obfervent avec raifon que /'ii-
fao^e certain e(l que ^uand la claufe nefl point dans le
contrat , la femme renonçant ne peut avoir de Préciput.
Argou convient lui - même que Viifage prétendu
dont il parle , paraît contraire à la nature du Préci-
put , ^ui préfuppofe , comme on fa dit , un panade de
communauté.
&.\l,Des chofes qui font l'objet 4'i Préciput conven-
tionnel.
Comme la convention du Pré):iput eft purement
vûlontaive dans les contrats de mariage , on fent
bien qu'il dépend des contru»^ans d'y mettre telles
claufes que bon leurfemble, & d'étendre ou de
reficrrer plus ou moins cette convention. Mais le
plus fouvent elle eft ainfi conçue: u Le fmvivant
;; dts futurs époux prendra à titre de Préciput, fi
PRÉCIPUT CONVENTIONNEL.
V c'efi: le futur époux, fes habits , linges & bijoux
)) à fon ufage, avec f s armes & chevaux {ûc eu un
>j homme de guerre ) , ou fes livres ( fi c'cil: un
" homme de lettres ) , ou fes outils ( fi c'eft un ou-
» vrier ) i & fi c'eft la future époufe , fes habits ,
» linges , dentelles , bijoux , joyaux & diamans à
» fon ufage m.
Si la claufe portoit firaplement fes fiaiits & lui'-
gcs , ou même feulement fes habits , les bijoux &
joyaux n'y feroient pas compris : mais bien fes
dentelles , parce que ces mots comprennent tout ce
qui fert à vêtir le corps ; & au contraire , s'il étoit
dit feulement/î'j bijoux & joyaux , les habits , lin-
ges 8c dentelles n'y feroient pas compris. Ces mots
bijoux & joyaux comprennent non-feulement les
boucles & pendans d'oreilles , les bracelets , ba-
gues , anneaux , colliers , aiguilles de tête , & autrej;
ornemcns de tête, comme le mot latin ornantcnta ,
fuivant la loi 23 , §. 10, ff. de aur. ar^. lefat. ; mai?
ils comprennent auflï les montres, les éventails ,
les tabatières , les étuis , & les autres petits meu-
bles de cette efpèce , qui font faits pour être portés
par la perfonne à l'ufage de qui ils font , en quoi
ces mots bijoux & joyaux ont plus d'étendue que
Je mot latin ofnamenta.
On ne comprend pas néanmoins fous ces mots
la toilette 8c tout ce qui en dépend. Tout cela, dit
fort bien M. Pothier, appartient plutôt à un autre
genre, que les jurifconfultes appeloient mundui mu-
liebris , è(. qu'ils diftinguent très-fort de ce qu'ils
appeloient ornamenta (i) ; mais fi à ces termes , ha-
bits , linges , bijoux & joyaux , on avoit ajouté ceux-
ci , & généralement tout ce ^uife trouvera fervir pour
l'ufage de lu perfonne de la future époufe , il n'eft pas
douteux qu'on ne dijt comprendre fous la généra-
lité de ces termes , la toilette & tout ce qui en dé-
pend , comnie les miroirs 8c boîtes de toilette , par-
fums, &c,
Lorfque le Préciput a aînfi pour objet des meu-
bles en nature , on peut le limiter à une certaine
fomme ; mais lorfqu'il eft illimité , il doit compren^
dre toutes les chofes appartenant au genre dont
parle la claufe du Préciput , telles qu'elles fe trou-
vent dans les biens de la communauté lors de fa
diftblution. Il faudroit néanmoins en excepter le
cas où le prix auquel elles fe monteroient feroit ex-
ceffif , eu égard à l'état 8c aux facultés des parties :
car quoiqu'elles n'aient pas limité le Préciput à une
fomme déterminée , elles font néanmoins cenfées
être convenues d'un Préciput proportionné à leur
état 8: à leur faculté. Lors donc qu'il eft excelîîf,
les héritiers du prédécédé ont le droit de deman-
der qu'il foit réduit à la volonté du juge , eu égard
à ce qui fe pratique ordinairement pour les perfon-
nes de même fortune 8c de même état , fuivant
(j) Ornem'nta , die Ulpien , funt qmhus mulitr ornatur.
MuDdusmulitbris ejl qut mulifr mundiorjit. D. 1. ÎJ , parag,
lOjdcaur, arg. Ire.
fCttp
PRÈCIPUT CONVENTIONNEL;
tcttc règle de droit , in contraclibus tadù veniunt ca
qux fuiit morts & con(uetuJinis.
A plus forte railbn doit-on retrancher du Préci-
put les chofes qui paroiffent avoir été achetées en
fraude pendant la dernière maladie du prédécédé ,
dans la vue de grofiir le Préciput.
Au lieu de donner un Préciput de certains effets
en nature , on fixe quelquefois ce droit à une
fomme d'argent : d'autres fois on donne au furvi-
TantL' choix de certains effets en nature pour fon
Préciput , ou d'une fomme d'argent ; & dans ce cas ,
le Préciput en nature peut excéder la fomme d ar-
gent dont on a laifféle choix au fiirvivant , pourvu
néanmoins qu'il n'y ait pas de fraude ou une trop
grande difproportion , comme on vient de le voir.
On peut même donner tout à-la-fois ces deux lor-
tis de Préciputs , en convenant, par exemple, que
le furvivant aura , en cas de furvis , par Préciput ,
la fomme de tant , & en outre, fes habits, linges &
b-ijoux.
Quelquefois enfin on convient que le furvivant
des futurs époux prendra , outr; les habits ik lin-
ges fervant à fon ufage , par Préciput , tels meubles
6- effets mobiliers qnit voudrs choifir , fiùvant la pri-
fce de ritiventdire qui en fera fait , & fans y ajouter
la crue , jufquà la concurrence Je la fomme de .... ou
ladite fomme en deniers comptans , à fon choix ; en
ce cas , il ne peut y avoir de difficulté à fixer ce
qui peut entrer dans le Préciput en nature.
§. ïll. De la manière de percevoir le Préciput con'
vtntiûnnel , de la nature & des efas de cette con'
vention.
Lors du partage de la communauté, la femme
ou fes héritiers reprennent d'abord , comme on
lait , les deniers ftipuiés propres , Se fes remplois ;
eofuite le mari ou les héritiers reprennent de même
fes deniers iHpuléi propres, & ce qui lui eft dû à
titre de remploi. Il ell évident que ces fortes de re-
pnfes doivent paiTer avant la Préciput, parce que
ce font des objets étrangers à la communauté, qu il
laut par conféquent en difirairc avant d'y prélever
le Préciput.
Il faut encore régler auparavant les récompcnfes
& les indemnités qui peuvent être dues A la com-
munauté, tant de la part du mari que de celie de
la femme ou de leurs hériricis , fi on nen a pas
fait le rapport , avant minie de prendre fur la com-
nuinauté les deniers réahfés de l'un ou de l'autre
des conjoints, Qi. ce qui leur cil dix à titre de rem-
ploi.
Ce n'eft qu''après tout cela , & même après avoir
diilrait encore toutes les charges de la commu-
nauté envers des étiangers , qu'on prélève le Pré-
ciput fur le refiant quiYorme la véritable mafTe de
la communauté. Ainfi le Survivant ne prend fon
Préciput que pour moitié fur la part du prédécédé,
il confond l'autre moitié en lui-même , puifqu il a
moitié dans ce qu'il prélève pour fe remplir de fon
Préciput , foit que ce drt»it confiûe dans une fom-
lomt XIIJ,
PRÉCIPUT CONVENTIONNEL; 249
me en argent , foit qu'il ait pour objet des effets en
nature.
Lors même qu'il efl; ftipulé expreffément par le
contrat de mariage que le Préciput fera payé au
furvivant fur la portion du prédécédé, il faut tou-
jours commencer par reprendre les dtr.iers flipulés
propres , les remplois , & les articles de récom-
pcnfe ou d'indemnité de chacun des conjoints. On
procède enfuite au partage par moitié de tout le
I elle de la communauté , pour attribuer au furvi-
vant fon Préciput plein fur la moitié du prédécédé ,
avec les dons & avantages qu'il en auroit reçus.
Dans tous les cas , les dettes doivent être préle-
vées fur la maffe de la communauté , ou fe payer
par moitié entre le furvivant & les héritiers du
predécédé, fans que le furvivant puifTe être tenu
de rien payer au-delà de fa moitié, fous prétexte
de {&n Préciput.
Si , après qu'on a exercé refpe(flivement la re-
prifedes remplois & des deniers flipulés propres ,'
il ne refloit rien dans la communauté, le Précipuf
feroit caduc ; s'il refl:oit feulement de quoi remplir
le furvivaiu d'une partie de fon Préciput, ce droit
feroit caduc pour le furplus , parce qu'il ne fe
prend que fur les effets de la communauté. Mais
ne reftùt-il que ce qui feroit néceiTa'n-e pour rem-
plir le furvivant, il preadroit h totalité de fon Prér
ciput.
Tout cela a liau dans le cas même où le Préciput
doit fe prendre fur la portion du prédécédé. Elle
peut bien être abforbée entièrement par le Préciput
du furvivant ; mais il ne peut rien prétendre à ce
titre fur les biens de la fucceffien du prédécédé ,
qui ne faifoient point partie de la coinmunauté. II
huidroitune clauie exp relie , pour que le Préciput
fe prélevât fur les biens particuliers du prédécedé ,
ai cette claufe même feroit moins v.n Préciput
qu'un avantage particulier qui fuivroit d'autres rè-
gles.
Il en feroit de même dans le cas où 11 auroit été
convenu que la femme prendroit fon Préciput , en
cas de furvie , même en renonçant à la commu-
nar.té. Dans ce cas , fi elle accepte , le Préciput ne
changera pas de nature, & fera toujours borné à la
communauté; mais fi elle renonce , elle exercera
le Préciput comme une donation fimple , d'abord
fur la communauté, & fubfidiairement furies pro-
pres du mari. C'eff ainfi que ledécideat le Brun &
Poîhierdans leurs traités de ia communauté , Bour-
jon dans fon droit commun, Vallin fur l'art. 46 ,
|. 3 , n'\ 85 de la coutume de la Rochelle.
Lorfque le furvivant a le droit de prendre des
meubles en nature , fuivant la priféede l'inventaire
& fans crue , jufqu'à concurrence d'une certaine
fomme, il peut empêcher les héritiers du prédé-
cédé de faire vendre les meubles qu'il a choifis juf-
qu'à concurrence de cette fomme. Mais, comme
l'obferve fort bien BourjoH ( ibid. titre delà com-
naunauté , partie 7 , fcâ. i , n°^ 9 & 10 ) , d'après
Dupleffis, cela ne pewt pas empêcher les créan;
I i
250 PRÉCîPUT CONVENTIONNEL;
ciers d'en provoquer la vente , parce que les meu-
bles n'ont pas de luite par hypothèque.
Le fiuvivant vient dans ce cas à contiibutiori fur
ces meubles, non-feulement pour la femme à la-
quelle fon Préciput en meubles étolt fixé , mais
encore pour le quart en fus. Outre l'adion en
contribution fur les meubles vendus , la veuve a ,
pour le Préciput , hypothèque fur les immeubles
du mari , du jour du contrat de mariage. Cette hy-
pothèque , qui a lieu pour toutes fes reprifes , doit
s'étendre au Préciput comme à toutes les nucres ,
puifqu'il eft dans ce cas une véritable reprife.
L'arrêt du 4 juillet 1620 , rapporté par Bardct ,
tome I 5 liv. 3 , chap. 54 , l'a ainlî jugé , & tel cft
l'ufage conftant du châtelet. Bourjon , qui attefte
cet ufage ( titre de la communauté, partie 7 , chap.
2 , n°. 89 ), obferve que ce droit, ejuoiqudvanta>^s
dans [a (ource , devient ^ par fon exécution , une vraie
créance.
Le Préciput n'a pas néanmoins la même faveur
«jue le douaire , & les intérêts n'en peuvent être
dus que du jour de la demande, fuivant la jurif-
prudence conluinte du cliàtelet , attel'tée encore
par Bourjon , au même chap, n". 79. C'cft auffi le
îéniiment de le Brun dans fon traité de la com-
munauté.
Les mêmes auteurs obfervent avec raifon , que
Je Préciput légal des nobles , dont on a. parlé d^ns
l'art, précédent, n'eft pas un obflacle au Préciput
conventionnel , & qu'ils concourent enfemble ,
parce qu'ils font réclamés à deux titres difîerens ;
l'un en vertu de la loi, l'autre en vertu de la con-
vention. Mais on fent que lorfque le Préciput con-
ventionnel a pour objet des meubles en nature ,
qui fe trouvent auflî être l'objet du Préciput l^gal,
l'exercice de l'un de ces droits exclut néceffairement
Texercice de l'autre , foit pour le tout , foit pour
partie , quand la totalité du Préciput convcnrion-
rel n'a pas pour objet des meubles fujets au Préci-
put légal,
11 faut obferver enfin , avec M. Pothier (traité du
contrat de mariage , n*, «549 ) , que le Préciput con-
ventionnel, à la différence du Prcciput légal, e{[
fujct à la réduélion de l'édit des fécondes noces ,
quelque fréquente qu'en foit la convention , parce
que les difpofuions de cet édit s'étendent à tous
les avantages que les conjoints peuvent fe faire ,
lors même qu'ils font mutuels. Lors donc qu'on
eft convenu , dans le contrat de mariage d'une
veuve, que le furvivant aura par préciput une
certaine fomme , par exemple , trois mille livres ,
& ciue le mari furvit , cette convention , en cas
«l'acceptation de la communauté, renferme un avan;
tage au profit du fécond mari furvivant , de la
inoitié de cette fomiKe , & cet avantage eft fujet à
la réduéli'-n de l'édit, fi la portion de lenfant moins
prenant monte à moins que la fomme de quinze
cens livres , moitié du Préciput.
Par la même raifon , fi le contrat de maîiage où
fe trouve cette convention de préciput , porte
PRÉCIPUT CONVENTIONNEL.
aufll une donation de part d'enfant au profit du fe*
cond mari, il ne peut plus prendre de Préciput ,
parce que la part d'enfant qui lui a été donnée
comprend tout ce qu'il a été permis à la femme
de lui donner.
Lorfque c'eft un homme veuf qui a époufé une
féconde femme , laquelle a furvécu , la convention
de Préciput forme pareillement , au profit de cette
femme , un avantage de la moitié de la fomme
convenue pour le Préciput du furvivant; & fi elle
renonce à ia communauté , & qii'il y ait claufe
qu'elle aura {on Préciput, même en cas de renon-
ciation à la communauté , la convention du Préci-
put forme en ce cas, au profit de la féconde f.-m-
me , un avantage de toute la fomme corivcniie
pour le Piécipuï ; dans les deux cas , l'avantage
eft fujet à la rédutTiion de 1 édit.
A tout autre égard néanmrîins , le Préciput con-
ventionnel efl pluiôî regardé comme convecstion
de mariage , que comme donation , &. en confé-
quence , M, Pothier dit qu'e//c ri'</? pasfujate à la
formalité de rinfnuation , fuivant la déclaration du
25 juin 1729 , & l'art. 2.1 de l'ordonnance de 1731 ;
mais cela n'eft pas tout-à-fait cxaél;.
L'art. 21 de l'ordosuance de 1731 , dit feulement
que la peine de nullité proooncée à défaut d'infl-
nuation des donations autres que celles qui font fai-
tes en ligne direcfe par contrat de mariage , n'aura
pas lieu néanmoins à l'espar d des dons mobiles ,ejint
de noces &• de furiie, dans les pays vu :ls ion- en
ufaoe ; à regard de tontes lefquciies ftipu^ aiions ou
conventions , à (quelque fomme ou valeur cjutihs 1 uif'
fent monter la déclaration du z^ juin iyz<) fera exé-
cutée juivant fa fcnne & teneur.
Le Préciput conventionnel doit bien être ccifé
compris fous ce nom de p,ai;ts Je noces & .te fwv., ;
mais la déclaration du 2^ juin 1729, à laquelle
renvoie Tôrdonnance de 173 1 . en les exemptant
aufîî de la peine de nullité , aioute , « que ceux qui
» auront négligé de fatisfaire à cette f'^rmalité,
M n'ont dû & ne doivent être regardés que comme
» fujets aux autres peines prononcées par les édit s 6»
M d'iclarations v. Ainfi l'exemption de la peine de
nullité prononcée par ces deux loix , ne s'étend pas
aux peines pécuniaires prononcées par l'édit du
mois de décembre 1703 . &. la décLiration du 20
mars 1708, comme Furgole & du RoufTeau de
Lacombe ont eu foin de le remarquer dans leurs
commentaires fur l'article 21 de l'ordonnance de
yoye{ les autorités citées , & les articles COM-
MUNAUTÉ , Préciput légal , Secondes Noces ,
&C. (^Article de M. GaRRAN DE COVLON,
avocat au parlement ).
PRÉCIPUT D'AINÉ. On appelle ainfi l'avan-
rare que la plupart des couturacs attribuent , dans
certaines efpèces de biens , à l'un des co-hé'itiers,
& fur-tout à l'aîné de plufieurs enfans, par-def-
fi)S les autres, avec lefquels néanmoins il partage
le reilc des mêmes biens , foit également, foit en
PRÉCIPUT D'AINÉ.
y prenant une portion avantagenfc.
11 faut donc bien diftingu'er ce Préciput , de la
portion avantageufe que Iseaucoup de coutumes
accordent à l'ainé , quoique piufjeurs auteurs , &
trop fouvent le texte des coutumes même , aient
confondu ces deux droits. Le Pi éciput appartient
en totalité à l'aîné feul , qui doit le prendre avant
toute efpèce de partage. Il ne fait point partie de
l'avantage qui lui eft attribué dans le partage ; en
forte que l'aîné a encore les deux tiers, la moitié ,
ou telle autre portion avantageufe que les coutu-
mes lui attribuent fur tout ce qui refte après le pré-
lèvement de fon Préciput.
Pour mettre de l'ordre dans cette matière , on
traitera dans quatre fedîions, i". des fucceffions
gui font fujettes au Préciput d'aîné ; 2". des per-
ionnes auxquelles ce Préciput peut appartenir;
3°. des biens qui y font fujets, & s'il peut y en
avoir plus d'un dans une même fucceffion ; 4°. en-
fin , du Préciput de la branche aînée dans le par-
tage des fucceffions qu'on recueille à titre de repré-
fentation , & de celui de l'aîné de chaque branche
dans la fubdivifion des lots.
On n'expliquera point ici en quoi confifte le
Préciput , ni quelles en font les charges. De ces
deux objets , le dernier a été traité fous l'article
Dettes , & le fécond fous l'article Aîné. On ren-
verra de même à ce dernier article plufieurs quef-
tions, à l'égard defquelles il n'y a point de diffé-
rence entre le Préciput 8c les autres avantages que
Igs coutumes accordent aux aînés.
Section
PREMIERE.
Des JucceJJlons fujettes au Préciput,
Suivant le droit commun, énoncé dans les art.
1^ & 331 de la coutume de Paris , le Préciput
n a lieu que dans les fucceffions recueillies en li-
gne dire^le. Mais ce droit y eft admis indiflinc-
tement dans les fuccefiions des perfonnes de tout
état, fans qu'il y ait de différence entre les héri-
tiers nobles & ceux qui font roturiers. Plufieurs
coutumes ont néanmoins des difpofitions contraires
fur ce dernier objet.
On en parlera dans la feflion fuivante , en trai-
tant ce qui concerne cette qualité de noble ou de
roturier , relativement au Préciput.
Vn affez grand noinbre de coutumes fe font auflî
écartées des difpofitions de celle de Paris, en ce
qu'elle accorde le Préciput avec une portion avan-
tageufe à l'aîné dans les fucceffions qui viennent
en ligne direde; on peut les ranger fous deux
claffes gériéralcs, qui préfentcnt néanmoins bien
des variétés. Quelques-unes ontreftreint celles des
fucceffions où le Préciput peut avoir lieu , d'au-
tres ont, an contraire, étendu le nombre de ces
fucceffions.
PRÈCÎFUT D'AIN È. 151
PrEMIÈP.E classe. Coutumes qui ont reflreint le
nombre des fuccejfions où le Préciput peut avoir
lieu.
On doit y mettre les coutumes qui n'accordent
qu'un Préciput dans la fuccefîlon du père ou de la
mère feulement ; par exemple , fuivant les art. 347
& 348 de la coutume de Normandie, lorfqtie les
fucceffions paternelle & maternelle font toutes
deux ouvertes avant que l'aîné ait fait choix de
lon Préciput en jugement , ou gagé partage à [es
frères en celle qui premièrement était échue , elles font
cenfufes & réputées pour une feule faccejfion , telles
ment que l'ainé na qu'un Préciput en toutes les dnux.
Mais fi Vaine a fait judiciairement déclaration dit
fief qu il prend par Préciput ^ ou gagé partage à fes
puînés avant L'échéance de la féconde fucceffion , il
aura Préciput en chacune des deux , encore que le par-
tage n'ait été aâuell'.mcnt fait.
Telle eft encore la coutume d'Auxerre , qui porte
dans l'art. 55 : <c Et fi en chacune des fucceffions
» des père & mère y a fiefs , le fils aine ne pourra
î» prendre droit d'aîneffe qu'en l'une defdites fuc-
5> ceffions , à fon choix & option, tellement que
» fi , par la mort de l'un defdits père & mère ,
5» il prend (on droit d'aîneffe en la fucceffion du
" prédécédé durant la vie de l'autre , pourra néan-^
» moins, après le décès du furvivant , prendre
M fon droit d'aîneffe au fief dudit derniét-tlécédé ;
)> en fe déportant du droit d'aîneffe , cp'il avoit
)> premièrement pris ».
La coutume de Bar, qui n'accorde à l'aîné d'au-
tre avantage que le Préciput , dit auffi , dans l'art,'
115, « que le fils aîné n'aura en fucceffion de
)» père & de mère , à fon choix, audit bailliage,
)» qu'un droit d'aîneffe ».
L'article 97 de la coutume d'Orléans , la cou-
tume de Château-Neuf en Thimerais , article 5 ;
celle de Châteaudun , article 3 , & quelques autres
coutumes locales de celle de Blois, ont auffi la
même difpofition , en accordant au fils aîné le droit
de changer le manoir qu'il auroit pris par Préciput
dans la fucceffion du prèdécéJé foit fon père ou fa
mère , contre l'un de ceux qu'il trouvera cnfuue
dans la fuccefiion du dernier décédé des deux. Ce
privilège doit fe fuppléer dans les coutumes d Or-
léans , de Bar , & dans toutes celles qui ont des
difpofitions femblables. Tel eft l'avis de M^ Po-
thier.
La coutume de Château-Neuf ajoute encore ,
que «« s'il y a un feul manoir féodal procédant
)> de racquilition du père ou de la mère , ou autre-
» ment, en quelque manière que ce foit, le fils
» aîné le prendra intégralement pour fon principal
» manoir , après le trépas de fes père & mère ,
j> fans que fes autres frères & fœurs y puiffent
» rien prétendre ne demander de ce qui en fera
» échu d« la fucceffion de la mère ».
Les autres coutumes dont on vient de parler ne
difent rien de fcmblable; & quoique le principal
liij
251
pRÉcipuT D'ainé;
objet qu'elles ont en attribuant un Préciput à l'aîné,
foit de lui afTurer une habitation honorable dans
le fief, la décifion de la coutume de Château-
Neuf peut y foufFrir beaucoup de difficultés , puil-
qu'elles n'accordent de Préciput que dans l'une des
deux fucceflions.
La coutume de Dreux paroît être auiïl dans la
même clafîe que toutes les coutumes précédentes.
Elle porte dans l'article ■^ : " Le fils aîné , entre plu-
n fieurs enfans , pour fa part & portion de pcre ou
3> de mère , doit avoir, pour ion droit d'ainefi'e, le
» principal manoir & arpent Si. demi de terres , ou
3» environ icelui , s'ils y font , ou le vol d'un cha-
*» pon , avec la moitié de tous les fiefs , & l'autre
3> moitié appartiendra aux autres enfans ; & s'il
») advient qu'ils ne foient que deux , & il y *a un
5> fils , tel fils doit avoir les deux tierces parties
» avec le principal manoir, & le puîné le tiers feu-
5) lement , 6» il n'y a qu'un droii d'aiuejfe , quant au
» principal manoir n.
Dumoulin veut néanmoins , dans (^on apoftille
fur cet article , que cela n'ait lieu que dans le cas
cù le père & la mère font communs, c'efl - à -
dire , où tous les enfans font frères germains. Il en
feroit autrement, dit-il, fi celui dans la fucceilîon
duquel l'aîné a pris an Préciput n'étoit pas un au-
teur commun , mais d'un autre mariage. « Id eft
ra (dit-il fur ces mots principal manoir) , fi illud
3> accepït in fuccejfione communis patris , non débet
w rursùs aliam principalem mtnfionem capere in fuc-
9» cejjîone communis ma: ris , 6" è contra. Secùs,fipa-
•3» rens y in cujus juçcejfione acccpit y non ejjet com-
» munis , feJ alterius matrimonii n.
Dumoulin fonde fans doute cette décifion fur
Tarticle 89 de la même coutume, qui dit , qu'aux
3) enfans du premier mariage appartiennent les
7> propres tenus en fief, & aux enfans du fe-
j> cond mariage les conquêts tenus en fief». Mais
la néceffité de cette conféquence ne paroît point
fenfsble; car cette difiinflioa n'a rapport ni au prin-
cipal manoir, ni même aux fiefs qui appartenoient
particulièrement à l'auteur non commun. On ne
peut pas conclure non plus de ce que les enfans
du fécond lit n'ont rien eu dans les fiefs où l'aîné
a déjà pris fon Préciput, qu'il doive en prendre
un fécond dans les biens provenus de l'auteur
commun.
Lorfque les coutumes , comme celle de Paris ,
attibuent à l'aîné un principal manoir à titre de Pré-
ciput, dans chacune des deux fuccefiions de père
& de mère , ou des autres afcendans , Dumoulin
penfe aufii que l'aîné doit prendre à ce titre deux
jnaifons dans le fief qui a été acquis à titre de con-
quèt dans la communauté de fon pireSc de fa mère,
s'il s'y trouve plufieurs maifons deftlnées à l'habi-
tation. « Ideo , dit-il , / fint duce, menfiones in illo
T> feudo , utramque h^bebit primogenitus , unam ref-
j> peEtu fuccejfionts patris ^ alteram TefpedufucceJJionis
sy matris ».
D'autres auteurs oat adopté cette décifion. Ils
PRÉCIPUT D'AÎNÉ;
foHticnncnt même afTcz conféquemment, que lorf-t
qu'il n'y a pas de manoir principal dans le fief ac-
quis durant la communauté , l'aîné peut, en faifant
ufage de la faculté qui lui eft accordée par TarticFe
18 , prendre deux arpens dans ce fief, l'un , comme
dépendant de la fucceflîon paternelle , & l'autre ,
comme dépendant de la fuccefiîon maternelle ; en-
fin , que lorfqu'il y a un feul manoir dans le fief,
l'aîné peut le prendre en totalité pour le Préciput
de l'une des deux fuccefiions , avec l'arpent de
terre de l'enclos ou jardin joignant ledit manoir,
fuivant l'art. 13 , & prendre en outre , pour le Pré-
ciput de l'autre fuccefiîon , un arpent de terre en
tel lieu qu'il voudra choifir, à défaut de manoir,
fuivant l'art. 18.
Brodeau eft de cet avis dans fon commentaire
fur l'article i<^ , n° 4 : u Car, dit-il, bien que le
» fief de conquêts foit indivis, n'y ayant point de
M partage fait entre les enfans , ce néanmoins,
» y ayant deux fucccfûons à partager, on pré-
» fume que ce font en effet 6t en vérité deux
M fiefs » (i),
Dupleffis, traité des fucceffions, liv. 1 , ch. 2,"
penfe au contraire que dans tous ces cas indiftinc-
tement , llaîné ne peut prendre qu'un feul manoir
& fes dépendances, ou, à défaut de manoir, un
feul arpent pour les deux fiicceftlons. Il en donne
une raifon qui eft frés-folide, " C'eft que le Préci-
)> put eft le principal manoir en fief de la fuccef-
» fion du père ; la fucceftion n'a que la moitié par
» indivis dans ce principal manoir. Donc il eft
» vrai de dire que cette moitié eft le Préciput de
» la fiiccefiion du père , & que l'autre moitié eft
» la fucceftîon f!e la mère ».
L'opinion de Dupleffis a été adoptée avec raifon
par le Maître fur la coutume de Paris , & parGuyot
dans fon traité des fiefs.
Seconde classe. Coutumes qui ont étendu le
nombre des juccefiions où le Préciput a lieu.
On doit mettre en tête de cette clafi"e les cou-
tumes qui accordent le Préciput non - feulement
dans les fucceffions de ligne direéle , mais au/îî
dans celles de ligne collatérale. Telles font les
coutumes d'Angoumois , art. 90 & 91 , & de Poi-
tou, art. 295.
Et même dans plufieurs autres coutumes , l'aîné
mâle, & l'aînée femelle, , à défaut de mâle , a plus
d'avantage encore en ligne collatérale qu'en ligne
diiefle. Ainfi , dans les coutumes deTours&de
Loudunois , l'aîné- ou l'aînée , n'a qu'un Préciput
& les deux tiers des fiefs en ligne direfte , tant en-
tre nobles qu'entre roturiers, lorfqu'ils partagen,
(i) Cet auteur ferable n:aBnnoinspJus haut contredire la gé-
néralité de cette décifion , & n'accorder ce priviJége à l'aîné
q\it c< lorfcu'aprh h décès du premier movran: il y eût eu par-
» t£ge fuit entre le furvivant b" les enfans dv préJécédê. Car»-
>3 dit-il , les cbofes n'étant plus coriimunes & indivife» ,
n l'aîné prendroic pour Ton Préciput un manoir en cbaci^ne
» iuminva , i'il s'y en reoccmiroi; daas les biciu ».
FRÊCIPUT D'AlNÈ.
lioblement les fiefs venus à la tierce foi. Mais, Ail-
vant l'article 289 de la coutume de Tours , 6c Tar-
tide correfpondanc de celle de Loudunois , «■ entre
« nobles , les fucccflîons collatérales viennent à
>i l'ainè ou aince , ou leurs reprèfentans , & n'y
j» prennent rien les puînés , fors en deux cas; l'un ,
ï> quand les puînés tiennent leurs partages enfem-
J3 ble ; l'autre , quand la iucceïïîon naît Ci procède
j) du frère aîné ou autres parens , chefs de ligne ou
j> fouche dont ils font dcfcendus , ou de Icurldits
» rcpréfentans , laquelle fucceifion advenant , au-
« dit dernier cas , tous les membres en font abreu-
n vés , & en aura l'ainè les deux parts à l'avantage
» ( outre le Préciput ) , comme en fuccelîion di-
i> rcde , & tous les puînés le tiers ^j.
11 efl; évident que ces exceptions ne font que
confirmer la règle , puifquc les fuccefiîons collaté-
rales font coniidérées évidemment dans ces deux
cas comme àss fuccefiîons direélçs.
La coutume de Pcronne veut aufiî , dans les ar-
ticles 178, 179 & 187 , que l'aîné mâle, ou, à dé-
faut de mâle, l'ainéa femelle, plus prochaine du
décédé, recueille tous les fiefs, tant entre nobles
qu'entre roturiers. Mais, fuivant les articles 180,
,181 & 182 , l'aîné entre roturiers n'a pour fon Pré-
ciput , en fucceffion de père & de mère , que U
chef-lieu 6" manoir feigneunal , tel qu'il voudra ckoifir,
avec la bajje-cour , fojfcs , jardins , clôtures & pour-
pris anciens , & une portion avantagenfe de la moi-
tié ou des deux tiers , félon le nombre des enfans ,
dans le furplus des fiefs , comme dans la coutume
de Paris.
L'article 169 laifîe de même entre nobles un
quint hèrédital aux puînés , en attribuant à l'aîné ,
outre les quatre autres quints , le châttl & principal
manoir 6* pourpris d'icelui , auxquels les puînés ne
prennent rien.
La coutume de Noyon , & prefque toutes celles
de Picardie, dont on parlera aux mots Quint hè-
rédital & Quint viager , ont des difpofitions
peu différentes.
La coutume de Bretagne fait une autre diftinc-
tion dans les articles 541 , 543 & 546. Elle donne
à l'aîné par Préciput le château & principal manoir
avec le pourpris ; 6c en outre, une portion avanta-
geufe des deux tiers , tant en ligne diredie que
pour les acquêts & autres biens nobles n étant du tige
6* tronc commun , qui fe trouveront èsfncce/Jions col-
latérales. Mais en collatérale, elle veut de plus que
fainé, ou la perfonne qui le reprcfente , recueille Jeiil
r héritage , fiefs , 6* autres chofes qui auront procédé
du tige «S* du tronc commun , & qui auront été baillés
par l'aîné , ou celui qui le rcpréfente , par partage à
fts puînés.
Ges derniers mots expliquent les fondemens de
cette diAin^îion bizarre : c'eft qu'autrefois les puî-
nés n'avoient qu'une portion viagère, qu'ils étoient
cenfés avoir xccyit de leur aîné à titre d'apanage.
Encore aujourd hui , la coutume de Péronne , qui
attribue aux puînés en ligue Uirei^e un quint héré-
PRÉCiPUT D'AÎNÉ.
^55
dltal entre nobles , femble indiquer par fes cxprcf-
' fions, qu'ils tiennent ce quint de leur aîné, qui a
d'ailleurs la faculté de le retirer de Iturs mains ,
en les récompcnfant , foit en liéritrges roturiers,
s'il y en a, ou, à défaut d'héiitages roturiers, en
argent , dans le délai de trois ans après la fuccef-
fion échue.
Toutes les coutumes de Picardie s'expliquent de-
là même manière, & quelques-unes même n'ac-
cordent encore aux puînés qu'un quint viager dans
les fiefs en ligne directe.
Les coutumes d'Anjou, art. 229 , & du JVIaine ,
article 246 , ont pris le fyfiéme contraire ; l'aine ,
ou l'ainée , entre nobles èc entre roturiers , dans le
cas où ils partagent noblement , y a feulement fe
Préciput & les deux tiers en ligne collatérale ; mais
en ligne direéie, il a non-feulement la totalité du
principal manoir, à titre de Préciput, maïs en-
core la propriété du furplus des fiefs , s'il ny a que
des puînés mâles. Ces deux coutumes laifient feu-
lement aux puînés, pendant leur vie, un tiers en-
tr'eux tous , à titre de bienfait. Les filles feules ,
non mariées & emparagées noblement , ont leur pa>r-
t ion des fiefs à titre de propriété.
Section IL
Des pérfonnes auxquelles le Préciput d'aîné pciil
appartenir.
On peut ranger fous trois chefs les qualités que
les coutumes requièrent, pour que l'un des héritiers
prenne le Préciput. Ces qualités font en effet rela-
tives ou au fexe des héritiers , ou à la condition des
héritiers & de leurs auteurs, ou enfin à l'ordre de
leur naiffance.
L Quant au sexe. La coutume de Paris & le
plus grand nombre des autres ne donnent le droit
d'aîneffe , & par conféquent le Préciput , qu'à l'aîné
mâle. L'article 19 de celle de Paris, dit expreffé-
ment , que » quand il n'y a que fille venant à fuc-
)» ccffion dire6ie ou collatérale, droit d'aîneffe n'a
» lieu , & partiffent également v.
D'autres coutumes accordent le droit d'aîneffe
aux femelles comme aux mâles , avec cette diffé-
rence néanmoins, qu'en ligne direfle le mâle eft
toujours préféré aux femelles , pour jouir des pré-
rogatives de l'aîneffe , quand même il feroit né le
dernier : telle efl ladifpofition des coutumes d'A-
miens , article 71 ; d'Angoumois , article 88 \ d'An-
jou , article 247 ; d'Artois , articles 94 & 97 ; de
Boulonnois , articles 63 Si 66 ; de Chauny , arti-
cle 72; de Loudun, chapitre 27 , article 16; du
Maine, article 243 ; de la Rochelle, article 54 ;
de Tours, article 173 , &. de Saintonges , arti-
cles 91 & 94.
Les coutumes de Clermont , articfts 83 , & de
Poitou, article 296, accordent auffi le même avan-
tage à l'aînée entre filles , qu'à l'aîné rr.âle ; mais
elles diffèrent des précédentes , en ce qu'elles re-
[ fufent à la fille aînée la portion avangeule qu'elles
^u
PRÉCIPUT DRAINÉ.
accordent , outre le Préciput , à rainé mâle.
LoiTque les coutumes ne fe font point expli-
quées fur le droit d'aînefTe & le Préciput entre
filles , on y fuit ordinairement la décifion de la cou-
tume de Paris, à moins que l'ufage eu d'autres
coutumes voifines , & fort analogues à la coutume
muette , n'engagent à fe déterminer en faveur de
la fille aînée.
Le Brun , livre 2 , chapitre 2, fei51ion i , n°. 3 ,
dit , que quand la coutume appelle fimplement
Yaînc au droit d'aînefle , la fille aînée , foit qu'elle
ait des filles ou non , n'y efl: pas comprife; mais
qu'il faut tenir le contraire , lorfque la coutume y
appelle en général Vaine des en/ans.
I I. Quant a la condition. Dans la ma-
jeure partie des coutumes , comme dans celle de
Paris , l'ainé a les mêmes avantages dans la fuc-
ceffion èes fiefs , foit qu'il foit noble ou roturier.
Beaucoup de coutumes ont néanmoins des difpofi-
tions contraires ; mais il y a plufieurs dift'érences
entre elles.
Ainfi la coutume dePéronnc, articles 169 &
îSo, attribue à Taîné , entre nobles, la totalité
des fiefs , fauf un quint Ijérédital qu'elle accorde
aux puînés , fans y comprendre le ckJtel & principal
manoir & pour pris d'icelui , auquel les puînés ne pren-
nent rien. Mais , entre roturiers , en fuccejjion dt fiefs ,
app.uticnt à l'aîné, pour fon droit d'aînejfe 6" par
Préciput , de chaque fuccejjion de père & mert , Le
chef lieu & manoir feigneunal , tel qu il voudra choi-
fir , avec les deux tiers du furplus des fiefs, s'il n'y
a (]u'un puîné, & la moitié feulement, s'il y a
plufieurs puînés.
Dans la coutume de Ribemont , & dans plu-
fieurs autres coutumes locales du Vermandois ,
l'aîné noble a h totalité des fiefs, fauf un quint
viager que la coutume accorde aux puînés : mais
entre roturiers, l'aîné a feulement un Préciput &
ime portion avantageufe plus ou moins forte , fé-
lon le nombre des enfans.
Dans quelques coutumes , le partage noble , &
le Préciput, qui en eft une fuite, n'ont lieu générale-
meut qu'entre les nobles ; mais ils ont lieu aufii en-
tre roturiers, quand un ou plufieurs des fiefs qui
font dans la fucceffion font parvenus à la troifiéme
ou à la quatrième mutation. C'efl ce qu'on appelle
tierce foi & quart hommage dans les coutumes d'An-
jou , du iMaine, de Loudun, de Tours, de Poitou
& de Saintonge. Voyez les articles Tierce FOI &
Quart hommage.
L'article 541 de la coutume de Bretagne , attri-
bue à l'aîné , entre nobles feulement , le principal
manoir avec le pourpris , & en outre les deux tiers
des terres nobles. Mais, fuivant l'article 589,
») l'aîné des bourgeois & autres du tiers-état , ou
•J fes enfans , fils ou filles, qui auroicnt terres &
t> fiefs nobles, foit fils ou filles, aura par Préciput ^
t) fur lcfdit«s terres nobles , un fou pour livre ,
PRÉCIPUT D'AlNÉ.
» partage faifant , &. ce en la fuccefTion dire<Jla
■» feulement ».
Dans d autres coutumes, le droit d'aîneOe, &
par confécj-ient le Préciput, n'ont jamais lieu que
dans. L^s fuccetlions des nobles. Telles font celles
d'Anjou , article 152; d'Angcumois , article 87;
d'Auvergne, chapitre 12, article 51; de Berry,
titre 19 , atticle 3 1 ; de Bourbonnois, article 301 ;
de la Marche , article 2 1 f ; de Meaux , article 45 ;
de la Rochelle , article 54; deTroies, article 14,
& de Yitry , article 55 (i).
Quelques-unes de ces coutumes , comme celles
d'Anjou , article 252 & 253 ; de Bretagne, articles
553 , 554 & 55^ ; du Maine, articles 270 & 271 ,
& de Poitou , article 286 , difent que les enfans
d'une mère noble & d'un père roturier fuccéde-
ront noblement à leur mère, & qu'au contraire,
les enfans d'un père noble & d'une mère rotu-
rière, partageront la fucceflîon maternelle roturiè-
rement, hors le cas de la tierce foi & du quart hom-
mage (2).
Les coutumes de Loudun , titre 29, article 19
& 20 , & de Tours, articles 317 & 3 18 , difent au
contraire , que ^i femme roturiire qui fe marie à hem-
VI me noble , e/Z réputée noble ^ & fc départ fa fuccef-
)> fion noblement , fmon que auparavant , elle eût
" été mariée à homme roturier, & eût enfans ou
» leurs repréfentans vivans au temps qu'elle décé-
» deroit, auquel cas fa fucceflîon fe partagera ro-
» turièrement ».
Celle de Troies dit que cela a lieu pour les ew
fans des nobles. Pithou conclut delà , que les en-
fans partagent noblement la fucceflîon de leur père
noble , quoiqu'ils ne folent pas nobles eux-mêmes.
Cela a été ainfi jugé , dit-il, » entre les héritiers de
» Mefnager, qui n'étoient nobles , pour ce que
» conjlahat que ledit Mefnager étoit décédé con-
» feiller au parlement de Paris , lequel état or\ ju-
'» gea être fuflifant pour être réputé noble , ores
n que cette noblefle ne pafle en la perfonne de
» l'héritier, contra gl. in l. i ,cod. de dignït. , par
>» arrêt prononcé en robes rouges , par M. le prè-
» fident Séguier, le vendredi avant la pentecôte ,
w 8 mal 1573 ».
On fuit la même règle dans les autres coutumes
de Champagne, telles que Chauraont , article i ;
Meaux, article 4 , & Sens , article 160 , qui , com-
me celle de Troies , réputent nobles les enfans qui
le font de père ou de mère. C'eft à peu-près à cela
que fe réduit aujourd'hui la noblefle utérine, ad-
(i) Un arrêt rendu en très-grande connoifTance de caufe ,
le 16 mars 1^70 , & rapporté au journal du palais , l'a ain(i
jugé pour cette couturoe, (juciqu'on y eut prétendu cjue cet
mors de l'article 85 , en futcijpcn de nohUs perfonnes , ne dc-
cidoicnt rien ; parce que la ccnirume ne permettoit aux rotu-
liers de tenir des fiefs qu'avec le congé du roi ou àes fei-
gncat?.
(1) Il faut en excepter , dans la couturac de Poitou , Ie«
ccnquêts de la comrnunauté , cjui fuivcnt toujours U gualiiÉ
du pccf pour h totalité.
PRÉCIPUT D'AINÉ.
imîfc pat" CCS coutumes , fuivant l'article 69 de la
coutume de Vitry.
La coutume de Berry dit fimplement que l'aîné
prend un Préciput en juccejjion. de nobles; & Ra-
gucau prétend qu'il faut décider tout le contraire
tle ce qui a été jugé pour la coutume de Troies.
« Cette qualité de nobleffe , dit-il , eft requife ,
« non-feulement aux père, mère, aïeul, aïeule,
» auxquels on fuccède, mais aufli aux enfans qui
>» viennent à fuccefiion , pour obtenir le droit
M d'aine{re ; tellement que fi du mariage d'une
3> femme noble & d'un homme roturier il y a des
» enfans , fa fucceiTion fc partagera entre eux ro-
j» turièremcnt (Tours, article 317; Loudunois,
M chapitre 29 , article 18) ; car le fruit n'enfuit la
w condition de la mère. Secùs efl à Meaux, arti-
» ticles 4 & 156 ».
» Mais , continue Ragueau , s'il y a encore d'au-
■» très enfans du fécond mariage d'icelie avec hom-
« me noble de condition , le fils ?.îné du fécond
« mariage aura le droit d'aîneffe , d'autant que les
» enfans du premier mariage font roturiers , & ne
» partagent que comme puînés, (Argcntré en la
u qucflion ii3 de l'avis qu'il a donne fur les par-
M tages des nobles. ) De même , fi une femme ro-
« turlère ayant été mariée à homme noble , du-
>> quel elle ait enfans ou repréfentans , fc rema-
»» rie à homme roturier dont elle ait enfans , fa
» fucceffion fe pa'tagera noblement entre tous lef-
»» dits enfans , il au temps qu'elle échet les enfans
ï> dudit premier mariage, ou leurs repréfentans,
» étoient vivans. (Tours, article 138 ; Loudunois,
» chapitre 29 , article 19. ) '>
Cependant cet auteur paroît fe contrarier Ihï-
même , en ajoutant plus bas : « Ej'9;o , fi aucun ro-
« turicr prend femme noble, ou fi le noble prend
» femme roturière , les enfans fuccèdent à celui
3> qui fera noble , & partiront la fuccefiion venant
» de fon branchage , comme nobles , & aux fuc-
« cefîions venant du branchage roturier, fuccéde-
y» ront 5c partiront comme roturiers, encotc que
« la chofs fût noble. ( Poitou , art. 286. ) »
L'article 169 de la coutume de Péronne fe fert
de cette expreffion , entre nobles , raî'ié. La Villette ,
dans fon commentaire , conclut de-là , que la fuc-
cefiion d'une femme noble , mariée à un roturier ,
doit fe partager rowrièrement. v Ces termes , dit-
" il , l'aîné d'entre nobles ^ témoignent en effet que
y* la coutume veut la qualité de noble en la pcr-
» fon ne de l'aîné , aufli bien qu'en la perfonnc de
ï> cz\u\ de eu jus bonis :giturf>. Lafont, cité par cet
auteur , dit la même chofe fur l'article 14 de la
coutume de Vermandois , qui a la même dif-
pofition.
Enfin , l'article Ç4 de la coutume de la Rochelle
accorde le Préciput de l'hôtel principal & du quint,
au fils aîné , ou f.lle, à défaut de fils d: feicneur no-
ble , ou ifui le repréfe te. Cet sfticle fembleroit n'exi-
ger 'a noblefle que dans celui dont la fucccfîion
eil à partager j cependant l'additionnaire de Vigier
PRÉCIPUT D'AINÉ. 15?
h "VaHin , n°. n & 35, difent que pour y jouir
de ce privilège, il faut non-feulement iiiccéder à
un aoble , mais encore être noble foi-même.
11 faut donc examiner avec foin les termes de
chaque ceutum^ , &. l'ufage qui l'inteiprete, pour
s y décider fur cette queftion.
L'article 541 de la coutume de Bretagne dit , que
les terres nol'lcs feront partacéa iioblemtnt entre les
r^jbles qui ont , eux & leurs prédécefjeurs , dès & pa-
ravant les cent ans dernier'; , \icu & fe font compor'
ti-s nvblenient. Au contraire , la coutume de Pé-
ronne , en parlant du partage dei nobles dans l'ar-
ticle I 69 , ne dit point entre nobles vivant noble'
ment , comme elle le dit dans l'article 126, en par-
lant du Préciput légal du furvivant des conjoints.
La Villette en conclut encore , qu'il y aura lieu au
partage noble , quand même le déîunt auroit dé-
rogé , & qu'il en feroit de même, fuppofé que
ramé véciu roturièreinent , ou que l'ainée , à défaut
de mâles, eût été mariée à un roturier.
Cv;tte interprétation ne doit point être admife
dans les autres coutumes , & l'on y doit tenir , avec
"Valliu, fur l'art. 54 de la coutume de la Roclielle,
n°. 6 , que, dans les coutumes qui exigent la no-
bleffe (le l'auteur auquel on fuccède , la fucceflion
d'un noble qui a dérogé , fans s'être fait réhabili-
ter , (c partage roturièrement , lors même que fes
enfans font nobles , & que fi la nobleffe eft exigée
dans l'héritier, il ne pourra non plus prétendre de
Préciput & de droit d'aîneffe , s'il «e s' eft pas fait
réhabiliter après avoir dérogé.
11 eft certain , au refte , que dans toutes les cou-
tiimesqui exigent la nobleffe dans l'héritier, pour
jouir du Préciput , la fille noble, mariée à un rotu-
rier, n'eft pas moins admife à prendre ce droit,
à défaut de mâles , parce que le mariage ne lui
ôte pas la nobleiTe, & ne la fait point véritable-
ment déroger; il ne la prive même de l'exercice
des privilv'ges & des exemptions accordés à la no-
bleffe , que dans les chofes où elle fuit l'état de fon
mari, &: où elle tire fcs droits de lui. 11 efl évi-
dent que le partage des fucceffions ne peut pas être
dans ce cas (i). Maichin fur l'article 92 de la cou-
tume de Saint-Jean ; Bouchcul fur Tarticle îSy de
la coutume de Poitou ; Duffaut , fur les articles ^7
& 58 de l'ufance de Saintes ; "Vigier & Vaflin fur
l'article 54 de la Rochelle ; Cochin , tom. i , plai-
TT-B ITTI - — - - ■- ■ , Il ^ ,^^ ■■! It Ll II II I ■—11^
(i) Les railons que Vallin donne de cette dccilion , (a".',prè$
plufieurj autres iuteurj, ne font point afTer exactes. « C'efl ,
a dit il, que le droit d'aînelTe eft nn droit pour l'exercice
» duquel il fuffit d'être noble, abftraftion faite des privilèges
» & prcrogarives de la noblefle rn général. Li femme , du-
» rant fon m.iriaj;e avec un roturiei , ftri -i la V('rjte l'fxer-
• cice des privUéçe^ (:f dfs e-emprions accordées J /.-: nohlpffi ;
m mais elle ne cefTe pas d'être noble , n'ayant pas dérogé f ai =
n là; &■ c;-Ia fuffît pour lui afTii er le d'.oit d'aînefle •',
Il cftmanifefte que l'e.xerricc <^n 'l'cinut eft Uien /'«-«er-
cue d'un i^es privilf'gfs accordée r ic Kcb r^'e. Si donc la femme,'
en fe mariant avec un rorur'.T , pT 'oii in 'i'h'nJJiTTient l'exer-
cice de tous ces privilèges, elie ne j'Ourroic point prétendre
de Préciput,
1)6 PRECIPUT D'Aîné.
doyer 20, page 279, & la Pcyreie , lettre A , n".
5 2 , ic/iit de cet avis. Ce dernier auteur rapporte un
arror conforme du 14 juillet 1648.
Un arrêt de la cour des aides, du 17 janvier
1676 , qu'on trouve au journal du palais, a jugé
à la vérité que la filie noble , par fon maringi r.vcc
un roturier, avoit réellement dérogé & perdu l'a
noblefle i & l'on penfoit en efFet autrefois, qu'il
lui falloir des lettres de réhabilitation , lorfqu'eiie
étoit devenue veuve. Ceft l'opinion du célèbre
Loifeau, traiié des ordres , chap, 5 , n°. X04 ; de
Guénois, en fa conférence des coutumes, tit. 1 ,
part. I , n". 3 , dans fa note fur celle de Melun;
iX enfin de M. Expilly , plaidoyer premier , n". 26
&luivïns. Mais on tient aujourd'hui le tontraire ,
conformément à la décifion des coutumes d'A-
ir.iciis , arr.' 124J de Clermont en Argonne, cli. 2 ,
art. 7 ; de Metz , art. 7 ; de Sed<*n , art. 4 ; de
Valois, art, 66,8c de quelques autres contumcs.
L'cux autres arrêts de la cour des aides des 27 juin
j6i/3 &9 aoijt 1702, rapportés dans le mémorial
alphabétique , au mot Veuve , h°. 10, l'ont ainn
ingé.
Ce dernier arrêt a aufïï jugé que les enfans de
l'anobli , nés avant fon annobliiicment , jouilloicnt
des cxem|niors de la noblefîc. Us doivent donc
aulîl en avoir les privilèges en matière de fuccef-
fion, & c'eil ainfi qu'on ic pratituie dans le droit
commun , fuivant le Crun , traité des fuccefilons ,
Jiv. 2 , chap. 2 , {c&. I , n°. 95 , fc un grand nom-
bre d'autres auteurs. La coutume de Hainaut ,
chapitre 1 1 , article 4 , porte en effet , que les en-
fans nés avant que leur père fut devenu chevalier ,
joii'ijftnt des privilèges des chevaliers , comme s'ils fuf-
fent nés depuis.
Il faut néanmoins excepter de cette règle quçl-
cmes coutumes qui ont des difpofitions contraires ;
par exemple , celles de Bretagne , art. 570 ; de Lou-
d'.m , chap. 29 , arr. 20 ; & de Tours , art. 515,
n'admettent le droit d'aînciïe dans la fucceflion de
i'anobli , qu'au cas qu'il n'y ait qije des enfans rjés
depuis l'obtention des lettres.
III. Quant a l'ordre de la naissance. Pref
que toutes les coutumes n'accordent le Préciput
qu'à l'aîné ; cependant la coutume de Sedan , en
attribuant d'abord un Préciput à l'aîné, en accorde
néanmoins suffi un aux puînés , à proportion du
nombre desfiefs^ dans les art. 158, 159 & l'^o.
3j En feigneuries'o4 terres féodales, y eft-il dit,
-) le fils àiué aura & prendra pnr Préciput & hors
» part le principal chàtel & niaifon forte ou fei-
5» gueuriale pour fon droit d'aînefle, fk en partage
5> moitié des terres & feigneuries nobles. Le fe-
5> cond fils, femblablaraent aura le fécond châ-
jj teau, place ou maifon forte par Préciput , &
>» ainfi des autres fi'ii fuccoiîlvemcnt , fi tant y a
» de places , châteaux ou malfons fortes en la fuc-
» ceflion; & quant à l'autre moitié des terres féoda-
V les & feigneyriaies, revenus ô< dépendances d'i:
PRÉCIPUT D'AlNÉ.
« celles qui feront de fief , elle fe partira également
» entre les puînés ; «Se s'il y a filles , un fils en prcn-
»> dra autant que deux filles ».
Suivant les art. 337 , 338 & 339 de la coutume
de Normandie , l'aîné peut prendre la totalité d'un
ûcf par Préciput , en abandonnant le furplus de la
fucceflion à fes puînés , fi mieux il n'aime choifir
également avec fes puînés: dans le premier cas , les
autrss frères peuvent auffi choifir un fief par Préci-
put , jeton leur aïnejfe , chacun à leur rang. Mais lorf-
que l'aîné ne choifit point de fief par Préciput ,
aucun des puînés ne peut jouir de ce privilège.
On fent au refle que cette efpécc de choix , per-
mis par la coutume de Normandie , ne forme qu'iiri-
pioprement un Préciput , puifqu il comprend toure
la portion héréditaire de celui qui le fait. Il en eft
à peu-prés de même dans les coutumes de Cam-
brai , tit. 10 & 1 1 ; de Hainaut, chap. 90, arr. 7 ;
de la châtellenie de Lille, titre des fucceffions,
article 19 ; & de Tournai , titre r i , article 3 , où ,
lorfqu'il y a plufieurs fiefs dans une fucceflion , l'aî-
né des fils en choifit un , puis les autres fils fuc-
ccflîvement.
Dans les coutumes qui n'accordent le Préciput à
l'aîné qu'entre les nobles , que faut- il décider , lorf-
qu'une femme qui s'eft mariée en premières noces
avec un roturier , a époufé un noble en fécondes
noces , & qu'elle a eu des enfans mâhs de ces deux
mariages ^
Suivant le Brun, traité des fucceffions, Viv. 2 ,"
chap. 2, feft. I , » laThaumafTière en fes décifions,
» liv. 4, chap. 46, eflime, que fi une femme ro-
'» turière s'eft mariée une première fois à un rotu-
'» rier dont elle ait eu des enfans mâles , & une fe-
!» conde fois à un gentilhomme dont elle ait eu
» au;]} des enfans raàles , l'aîné de ce fécond lit
)j ne pourra pas prétendre de droit d'ainc^Te en
y} la fucceffion de fa mère , qui a été anoblie par
)> ce fécond mariage , parce qu'il n'eft pas l'aî-
V né de tous les mâles , quoiqu'il foii l'ainé des
» nobles n.
Le Brun , & Boucheul qui l'a copié dans foa
commentaire fur l'art. 286, n°. 39, paroifTent adop-
ter entièrement cette opinion , en la rapportant
fans y rien ajouter. Mais quoique le réfultat en foit
très-vrai , elle eft cependant fort mal énoncée ; le
mariage d'une roturière avec un noble, ne l'ano-
Mit point proprement, quoiqu'il la fafle jouir des
privilèges perlc>nnels de la nchleffc. Il ne peut donc
pas faire que fa fuccclîion fe partage noblement ,
dans les coutumes qui exigent la noblefle de la pcr-
fonne à laquelle on fuccède , lors même que la fem-
me roturière n'a eu des enfans que du feul mariage
qu'elle a contraélé avec un noble.
AufiTi la Thaumafiière ne donne-t-il la raifon que
le Brun o£ Boucheul ont rapportée , que fubfidiai-
rement : La première efc , dit-il , que régulièrement la
fuccejion de femme roturière qui époufe un gentilhom'
me, fi partage roturiènment peur la première fois ^
fuivant.
PRÈCÎPUT D'AINÊ.
Jutvaat l(s an. ^4 & 253 ée la coutume d'AnjoUr^ v
/(i 3 j 5 ô- 316 iie ctlU de Tours.
La coutume de Bretagne , qui veut en général
qu'on parcage noblement la fiicccflion de 1?. fem-
me roturière mariée à un noble , Se rotiirièrcmcnt
celle de la femme noble mariée à un roturier, a
pris un tempérament fmgulier fur cette qucftion.
L'art. iç6 porte , que »» la fucccflion d'elle ou au-
» tre , loit directe ou collatérale , qui feroit de fon
•> eftoc & aviendroit à caufc d'elle , fera partagée
•> entre les cntans du premier lit, comme fuccef-
V) fior. égale , fans Préciput , fur les portions des
r enfans du noIile,&, leurs portions ainfi dif-
•» traites , ce qui demeurera pour le droit des cn-
•> fans du fécond lit , fera partagé entr'eux noble-
m ment (i) ».
L'art. 590 a la même difpofition. Tous deux ont
été vivem,;nt critiqués par les commentateurs , &
ils ne décident pas ce qu'il faut pratiquer dans le
cas inverfe. »> Il doit s'enfuivre de cet article , dit
j> M. de Perchambault , que fi une femme rotu-
j» rière époufe d'abord un gentilhomme , leurs cn-
I» fans doivent partager toute la mafle de la fuc-
• cefiion noblement , & ce qui demeurera aux en-
j> fans qu'elle aura d'un fécond mari roturier, fera
5) partagé entr'eux également , parce que tous les
M droits font acquis aux enfans du premier lit ,
« avant le fécond mariage, comme dans l'efpèce
ï> de cet article. Cependant le contraire a été jugé
M par un arrêt fur turbes , rapporté par Frain. Et
B quoi ! fi une femme noble époufe d'abord un pre-
vt micr mari noble , dont elle n'a que des filles , &
•> enfuite un fécond mari rotutier, dont elle a des
j> enfans mâles , comment feront-ils leurs parta-
I) ges ? L'ainé noble du premier lit défignera-t-il le
» tiers appartenant aux puînés roturiers ? Quand
j> un des enfans dpnt il cft queftion ici vient a mou-
ï> rir , comment fa fuccefllon fe partagera-t-elle en-
»> tre fes frères nobles & roturiers? Enfin, l'aîné
r noble auroit-il un Préciput ? Nous n'avons jamais
» vu que des tranfaftions fur ces queftions, & point
« de jugement précis ».
Quoi qu'il en foit, on fent bien que cette difpo-
fvÀon de la coutume de Bretagne n'eft pas applica-
ble aux aiitres coutume».
Celle de Saint-Sever divife aufiî les biens de la
perfonne qui a eu des enfans de deux mariages ,
en deux portions égales, fans diftinftion de nobles
ou de roturiers, quant à la perfonne & quant aux
biens , pour en attribuer la totalité à l'aîné de cha-
que lit, faufl'apportionnement des puînés. Mais l'ar-
ticle 26 du titre 12, y met toutefois cette réfervc ,
qu'en fuccejjlon de biens nobles , i^aîni du premier ma-
il) Cela n'cmpcche pas néanmoins l'ajOi; du premier lit de
prélever le Préciput de fou pour livre l'ur Jes biens nobles
ichus aux enfans roturiers du premier Ht , que l'article 585
de la coutume accorde aux roturiers. Telle ell; la décifion de
M. Perchambault fur l'article 550. « Cet article , dit-il , fai
M lant une exemption précife en faveur des enfans du fécond
»» Jitnoble, «uppofeJa règle cvntiairc â regard dçîaimefw.
Tome XlîL
PRÉCIPUT D'AÎNÉ. 157
ri:*e doit avoir la maifon principale , appelée vulgdi-
r^mfnt c-apdeuIU , par Frcciput , avec le jardin à ic lie
f0 7//^w. C'eft-là lefeul cas où il y ait lieu auPrécipti:
diiiis cette couturae. Celle d'Acs a la même difpofi-
tion au titre 2.
Sivant le titre 12 de la coutume de Labourt , qui
attribue auffi la totalité des biens nobles & des pro-
pres même roturiers à l'aîné, en partageant égile-
ment les acquêts roturiers , s'il y a enfans de divers
mariasses, & du premier n'y a que les filles , la pile
ainée du premier mariage fuccède & exclut tous les en-
fans des autres mariages ^ ( èi maifons & héritants
nobles ) , pofé qu'il y en ait de maies. On trouve la
même règle au titre 27 de celle de Soles. Mais ce
font encore-là des difpofitions particulières à ces
coutumes.
On n'examinera point au furplus ici quel eft celui
de plufieurs héritiers qu'on doit répiuer l'aîné , ii
le droit d'aîjieiTe efi ceiuble , ik fi l'on peut y por-
ter atteinte. Toutes ces queftions ont été traitées
dans l'arr. AÎNÉ , & le Préciput ne diffère en rien à
cet égard de tous les autres avantages qui peuvent
appartenir aux aînés.
Section II L
Des biens fujets au Préciput d'aîné , & s'il peut y en
avoir plus d'un dans une même fuccejfon.
Régulièrement le Préciput , comme tout autre
droit d'aînefTe , ne peut avoir lieu que fur les fiefs
8i les autres biens répuiés nobles. Les rotures n'y
font point fujeiîcs , quand niémc elles auroient été
contre échangées pour Viw fief, Se que, lots de l'é-
c!;angc , il auroit été flipulé que l'aîné prendroit
fon droit d'aîneffe fur cette roture, parce qii'il ne
fe fait point de fubrogation des qualités tfïtrinsé-
ques (1), Telle eft la dodrine de du Moulin fur
l'art. 30 de la coutuine d'Amiens ; àz !e Brun , traire
dwS fuccelfions, liv. 2 , chap. 2 , feft. i , n . 52 ; oc
de Guyot , traité des fiefs , tome 5 , fcâio.T 3 ,
pag. 323 & 324.
Quelques coutumes ont néanmoins des difpofi-
rions contraires. La coutume du Grand- Perche ,
par exemple , porte , dans l'art. 153, que Mami prit
la ville.
La coutume de Normandie, articles 291^ & 556,
attribue à l'aîné le manoir 6» pourpris dans les rotu-
res , fans aucune efiimation ou ricompenfe ^ à njoirf
que ce manoir ne forme la tolité de la fuccefiion.
La coutume de Bayonne , tit. 12 , art. i , 2 , &
3 , dit aufli que tous les biens d'une fucceillonfe
(t) Kenuflbn , qui eft d'ailleurs du tnème avis dans foti
traité des propres, chap. i , feû. i , n'approuve p;s la dif-
tiniSion i.]ue Dumoulin fait à cet égard entre les (qualités in-
tiinsètjues Se extrinsèques. Mais fa critique n'etl fondée que
lUï det fubtilités qui ne fprt tien au p oint de droit.
Kk
îîS
PRÉCIPOT D'AINÉ.
partagent éfalenienr par têtes , entre les defcendans
qui font en pareil degré , « excepté U lar , ou mai-
»> fon principale du défunt , ohvcniie de l'aieul par
■>^ fucceffion , laquelle , par la coutume , eft due par
» Préciput au mâle aîné, & en défaut de mâle , à
» l'aînée femelle ».
Cette coutume qui , comme on le voit, ne dif-
tingue pas fi la Ijt eft un tief ou une roture , attri-
bue le Préciput , non pas fur les biens nobles , mais
fur les propres.
Dans les coutumes mêmes , où , fuivant le droit
commun , le Préciput a lieu fur les fiefs , tous les
biens nobles n'y font pas indiftinéiement fujets j
tous les droits incorporels , tels que la juftice , les
mouvances , les cens , les péages , les droits de
main-morte , de banualiîé , &c. font dans ce cas.
Si donc il n'y avoir pas de maifon ni de fonds np-
bles dans la fuccefiion , l'aîné ne pourroit préten-
dre aucun Préciput , quand même il y auroit des
fiefs en l'air avec des droits de mouvance confi-
dérables. les coutumes n'attribuant ce Préciput
que pour l'habitation de l'aîné , ne le lui accordent
que fur la maifon , & à défaut de maifon , fur les
fonds.
Il y a néanmoins quelques coutumes , telles que
celle d'Anjou, art. 15, qui accordent à l'aîné le
droit de choifir un hommage , & d'autres qui , com-
me celle de Romorantin , art. i , & de la Rue d In-
dre, l'autorifent à prendre également xm (crL Dans
ces coutumes, il n'eft pas douteux que l'aîné ne
puiffe prendre ces droits à titre de Préciput, lors
môme que le fief auquel ils font attachés eft fans
domaine.
La règle 80 de Loifel , livre 3 , titre 4 de fes inf-
titutes coutumières , porte , que s'il y a diverfesfuc-
cejfions , coutumes & bailliages , ramé prendra, droit
i'aînefjc ( c'eftà-dire , Jon Préciput^ tn ihacune
d'iccllej.
Piufieurs coutumes fe fervent d'exprciïlons afTez
analogues.
La coutume d'Anjou dît, par exemple, dsns
l'art. 2,23 , » que fi les chofes d'une même fucccf-
j> fion font aflifcs en divers bailliages ou fénéchauf-
3> fées royales, toutefois laîné ou héritier principal
3> aura un PrJcipnt îx avantage en chacun bailliage
j» ou fînéchaufiée ". Mais on tient aujourd'inù ,
fuivant rr.poftille que Dumoul'n a mife à cet arti-
cle , que laîné ne peut prendre qu'un Préciput dans
chaque coutume , & non pas dans chaque bail-
liage d'une même province ou d'une même cou-
tume ( T ).
Le Febvre, cité par Dupineau dans fon com-
mentaire fur le même article, dit que » cette inter-
« prétation de Dumoulin, que'la coutume parle
(i)L'.eJl,m i'ycrfii ùf diJîinBis yrovivelh , non auttm
in i.idt'n pr vin:ii , me in'fng ./'j hccUlusf.dlhui ùffnff.C'
turi: cjufler, ; roi'.ncix , quoct eflït nimis durua», nçc eit de
Kicntc cciifuetudinis.
PRÉCIPtîT D'ATNÉ.
» de dlverfcs provinces , ne lui plaît pas ; parce
» que les réformateurs & compilateurs de la cou-
1» tume n'ont pas eu droit de ftatuer à l'égard des
» étrangers ». Mais il paroit que Dumoulin, qui ,
dans fes apcftillcs , s'eft fouvenr élevé bien au-dcf-
fus des idées fer viles d'un commentateur, a m, us
entendu ici expliquer le fens littéral de la courante
d'Anjou , qu'y mettre un cor:e61if conforme à fon
efjirit, pour parer aux inconvéniens qui pourroient
en réfulter aujourd'hui.
On fait qu'il n'y avoir guère autrefois qu'un bail-
liage dans chaque province ou dans chaque cou-
tume, & c'cft même la diverfité des ufaçes établis
dans les principales juridiâions , qui eft l'une des
caufes de la diverfité des coutuines. Voilà pour-
quoi Loifel & quelques coutumes confond.nt, à
cet égard , les bailliages & les coutumes. Mais de-
puis qu'on a multiplié les bailliages , comme ils le
font aujourd'hui , il feroit injufte d'en conclure
qu'on a aufiî multiplié les Préciputs. Auffi le Feb-
vre ajôute-t-il lui-même, que ^'u/age tjl ainfi, ô-
^uon nen a point ufé autrement que félon le fens
de Dumoulin.
A plus forte raifon doit-on le pratiquer de cette
manière hors du refibrt de la coutume d'Anjou;
c'eft aujourd'hui l'opinion reçue par tous les au-
teurs.
Il faut même obferver , avec Brodeau fur l'srt.
1 5 , n". 3 , de la coutume de Paris , que cette mul-
tiplicité des Préciputs , à raifon de la diverfité des
coutumes, n'a lieu que pour les coutumes géné-
rales , & non pour les coutumes locales qui en dé-
pendent, «i De forte que fi en la fucceftion du père
» il fe trouve un fief fnué daiis l'étendue du Vexin
» François , & un dans un autre lieu de la prévôté
» de Paris , accompagné chacun d'un manoir ,
» l'aîné n'en aura qu'un feul, parce que le Vexin
» eft de même coutume ik province , bien qu'il y
5> ait un ufage local & particulier pour les droiss
» féodaux (art. 3.); de même,fi en la coutume
i> de Scnlis il fe trouve un fief fitué au bailliage
» de lie<mvais , & un en celui de Chaumoiit, dc
» ainfi d(:s autres ».
La coutume du Maine a , à cet égard, une dif-
pofition fingulière , dont le fondement confirme
néanmoins les principes qu'on vient d'établir. L'art.
240 poite , que a fi les chofes d'une même: fuc-
>i ceffion noble font aftifes es pays d'Anjou & du
» Maine, toutefois l'aîné ou héritier principal n'y
» aura qiî'un Préciput & advantage, pofé qu'il y
» ait en chacun pays une maifon demeurée d'icelle
» fiiccefiîon ».
La raifon de cette fingularité eft qu'il n'y ayoit
autrefois qu'un feul coummier entièrement Sem-
blable pour ces deux provmces , dont encore au-
jourd'hui les coutumes font fort peu différentes.
La coutume du Maine , dans l'art. 240 , n"a point
celle de les confidérer comme réunies par la même
loi , malgré ces légères différences.
PRÉCÎPUT D'AÎNÉ.
Section IV.
ï>u Préiipin de la branche ainée dans Us fucctjpum
quon recueille par repri/ensatioa , & du Préciput
de Caini de chaaue branche dans la jubdïviJloH
des lots.
Ce n'eft point ici ie Heu d'examiner la quefllon
de favoir i\ les repréfcntans fuccètlcnt aux droits
comme au degré du repréfeiite. Cette queftion ,
qui a partagé les jurifconfultcs &. les coutumes
i»ô/Ties , trouve natureilemcnt fa place dans l'ar-
lide Représentation. Il eft bien certain que c'eft
fur les difiérens principes admis par les coutumes
& par la jurifprudencc à cet égard , qu'on doit fe
décider , pour favoir fi l'aîné de plufieurs co-héri»
tiers d'une même branche doit avoir une portion
avantagcufe dans la fubdivifion du lot qui eft échu
a cette branche à titre de repréfentation.
Comme cela n'eft plus guère contefté , il fem-
bleroit d'abord qu'il doit en être néceffairement de
«nême du préciput; que la branche ainéc , dans une
^^'-'Çc'îion qui fe partage entre plufieurs branches
d'iiéritiers , doit en avoir un dans fon lot , & s'il
y a des biens qui y foient fujets dans la fuccef-
iion ; & que l'aîné de chaque fubdivifion a droit
d en réclamer aufli un fur le lot échu à fa branche
dans les coutumes & dans les cas où les repré-
fintans fuccèdent à tous les droits du repréfenté ;
de même qu'il n'en }ouit point lorfqwe les repré-
lentans ne fuccèdent qu'au degré , & non pas au
droit du repréfenté.
Cependant, quoique ce dernier point ne forme
pis de àoine , & que l'on convienne même du prin-
cipe pour le premier point, dans la règle générale,
on a prétendu qu'il falloit y mettre pour rertrlâion
le cas où celui dont il s'agit de partager la fuccef-
fion auroit lui-même pris le Préciput d'aîné dans la
fucccfïïon du repréfenté par la branche aînée, fous
prétexte qu'il ne peut y en avoir deux dans une
même fucceflîon , & que dans ce cas les biens
qu'on recueille à titre de repréfentation , font cen-
fés procéder de la même fuccelTion. On prétend
qu'il en doit être de même dans la fubdivifion du
reprelenté , quand l'aîné des reprefentans a déjà
pris un Préciput dans fa (uccettion, parce qu'au-
trement ce feroit admettre un fécond Préciput.
Il faut même avouer que cette exception e?i au-
tonfee par la feule coutume qtii ait parlé précifé-
mcnt de cette quertion. La coutume d'Angoumois
attribue, dans les articles 88 & 89 , à l'ainé entre
nobles, en direôe (ncceffion , le châtd& manoir prin-
cipal de ladite fuccejjion , avec /es anciennes prczl'-
tures , ô' en outre fur fes autres co-hériiiers le quint
du revenu de ladite fucceffiôn par Préciput & advan-
tage. C'eft ce qu'oti appelle auffi fimplement quia-
ter, & ce privilège forme un véritable Préciput ,
puifqne la coutume ajoute que l'aîné aura encore
au rf[îJ:i d'icelle fuccefftôa , fa portion continue/lie
& li'^aimf , filan le nombre des venant à la fucccffion.
PRÉCIPUT D'AlNÉ.
159
Les art. 90 & v^ji accordent le même Préciput à
l'aîné en ligne collatérale , « fi ladite fuccc/Tion col-
iy latérale n'avoit été quintée & partie par Us fiic-
» cédans en ligne droite; car, fi elle svoit été
w quintée oc partie en fucceflîon vraie collatérale ,
» foit entre fils ou rilles , n'y a aucun droit d'arnelTe ;
» ains fe divife a.]iiaiiter 6* p-^r fiipes. Ou fi ce
»» n'éfoit que la dire<îie fucce/Tion dont eù.ée(cen-
j' due la collatérale , dont il eft queflion , eût été
" quintée ou partie, & fur icelle eût été ptins droit
" d'aînelTe par celui de la fucceffion duqut l eft
» queflion. Car, audit cas, en fucceflîon collaté-
» raie , n'y a aucun quintement ni droit d'aînefle;
» ains fuccéderont les lignagers venans à la fuc-
» ceflîon collatérale, in ftirpes , jouxte leur degré ,
w fans faire aucune différence cntr'eux ".
On cite communément les coutumes d'Anjou &
du Maine , comme faifant la même diflindion ; mais
c'eft mal-à- propos.
L'article 223 de la coutume d'Anjou , après avoir
dit que fi une fille décède avant fon père ou fa
mère noble , décide « que fa repréfentation dé-
'> partira fa portion qu'elle eût prife en ladite fuc-
»» ccflîon , toute ainfi que /île cas fût advenu que
!' ladite défunte eût furvccu & fuccédé, & que les
» enfans eufl^ent recueilli ladite portion immédiate
» par la mort d'icelle fille ». Puis elle ajoute indif-
tindcment : « Et aura l'aîné fils ou aînée fille
V d'icelle défunte les deux tiers en icelle partie ,
» fans aucun Préciput; car en une fuccej/ion , foit
» direâe ou collatérale , na quun Préciput &• avan-
11 tage V. '
L'article 224 dit encore: « Et à femblable , s'il
V advenoit qu'un oncle noble mourût fans hoir
Ti de fa chair , & que à fa fucceflîon vinflent les
» enfans de fcs frères & fœurs , qui fipnt vulgp.i-
» rement appelés neveux, ou les enfans d'iceux
» neveux , & qu'il y eût deux ou trois moyens au
)? temps du trépas d'icekii oncle , & fuccc-fhon ad»
V venue , y aura pour chaque repréfentation & pro
:) qitalibct fl'irpe aut fllplte , nouvel avantage pour
» l'aîné j c'eft à favoir, de chacune repréfentation
Il fe fera le partage par les deux parts & par le tiers.
» Toutefois n'y aura qu'un Préciput >».
La coutume du Maine a la même difpofition dans
l'arficle 240.
On voit que le fyflê.-ne de ces coutumes eft très-
différent de celui de la coutume d'Anî^oumois ,
puifqu'elles ôtent indillindlement à l'aîné "des repré-
ientans le Préciput dans la iûbdivî/îon du lot qui
leur eftéchu ; tandis que la coutume d'Angoumois
ne leur ôte que dans les àeux. cas qu'on a expliaués.
C'eft néanmoins principalement fur les difpofitions
de la coutume d'Anjou qu'on s'efl fondé pour faire
admettre la même diftinélion dans les coutumes
de repréfentation infinie. Plufieurs jurifconfultes
l'ont fur-tout propofce pour la coutume de Poitou ,
quoique l'efprit général de cette coutume , S: fon
texte même , y répugnent de la maniiére la plus
force. 11 eft facile de le prouver.
Kkij
i6o
PRÉCIPUT D'Aîné.
Le grand principe des fuccefTions , dn.ns la cou-"
fume de Poitou , c'ell de régler celles qui provien-
nent en collatérale de la même m;inière que les
fucceflîons en ligne direftc , & d'accorder à chaque
branche les droits qu'auroit le repréfenté s'il re-
cueilloit lui-même une partie de la fucceffion. Ces
principes font trop évidemment établis par les arti-
cles 2.77 , 289 , 290 , 292 & 296 , pour avoir befoin
de preuve.
Cette coutume attribue auflî à chacun des repré-
fentans , dans la fubdivifion de la portion fucccl-
five qu"ils recueillent par reprcfentation , les mêmes
droits & les mêmes avantages qu'il auroit eus fi
cette fucceffion lui eût été tranfmife féparément par
ci*-lui qu'ils repréfentent , fans aucune relation aux
droits & aux charges que le repréfenté peut avoir
laiflés dans fa propre fucctlîion, ou , pour mieux
dire, fans aucune relation à cette fuccemon même.
Cette indépendance des fucceflîons les unes à
regard des autres , n'eft pas un principe particulier à
la coutume de Poitou; c'en eft un du droit commun ,
luivant lequel une fucceffion, une fois échue , doit
fe régler dans l'état ou elle fe trouve, abftrailion
faite de toutes celles qui ont pu échoir, ou qui
écherront dans la fuite à ceux qui font habiles à
la recueillir. Il n'importe pas pour cela que la pre-
mière des deux fucceflîons ait été répudiée ou ac-
ceptée , que l'une foit avantageufe ou défavanta-
geu fe.
Dans toutes les coutumes de repréfentation , la
renonciation à la fucceflîon du repréfenté n'empê-
che pas qu'on ne puiffe recueillir, en lereprélcn-
tant , la fucce(îî^n d'une autre perfonne ; fi l'on
;ivoit accepté la fucceflTion du représenté fous bé-
néfice d'inventaire , on pourroit en accepter une
•autre purement & Amplement de fon chef, & ré-
ciproquement. Lors même que toutes les deux font
acceptées de la même manière, les dettes dont on
eil tenu à laifon de l'une, font abfolument étran-
gères aux dettes dont on cff tenu à raiion de l'au-
tre ; & par cette raifon , les obligations, foitpcr-
fonnelles , foit hypothécaires , que l'acceptation &
.le partage de chacune des deux fucceflîons peu-
vent produire , n'ont aucune forte d'influence les
unes fur les autres.
Pour venir à des exemples plus particulièrement
applicables a la coutume de Poitou, cette cou-
tume admet la fubrogation des meubles aux ac-
quêts , & des acquêts aux propres. Mais lorfqu'on
a recueilli tous ces fortes de biens dans la fuccef
i1on de (on père où de fa mère, cela n'empccht;
pas qu'on ne puiffe demander la fubrogation des
acquêts aux propres, ou des meubles aux acquêts,
dans la fucceflTion de l'aïeul ou de l'aïeule , auquel
on vient par reprcfentation.
De même encore , l'article 208 admet le cumul
du tiers de tous les meubles & acquêts en faveur
des enfans , lorfque les propres que forment leurs
réferves coutumières font d une valeur trop modi-
que. Perfonne néanmoins n'oferoit foutenir que les
PRÉCIPUT D'AlNÈ.
enfans qui ont opté le cumul dans la fucceflîon
paternelle & maternelle, ne puiflent fe tenir à la
réferve des propres dans la fucceffion de l'aïcnl ,
qu'ils recueillent à titre de repréfentation , ou toi;t
au contraire.
Toutes ces décifions , qu'on pourroit multiplier
encore , dépendent de la maxime , que les fuccef-
fions font étrangères les unes aux autres, & que
celle qui a été recueillie n'eff plus confidirèe com-
me une fucceflîon, mais comme le patrimoine
de l'héritier, fuivant cet axiome : Hctreditns , fc
md adita , non eji jjrn harcditas , fed patrïmonium
hxredis.
Il eft donc conforme à l'efprît de la coutume de
Poitou , ainfi qu'à celui des autres coutumes de
repréfentation infinie , d'accorder à la branche aînée
un Préciput dans le partage général d'une fuccef-
fion , & d'en accorder un autre à l'aîné de chaque
branche dans la fubdivifion des lots , lors même
que le repréfenté de la branche aînée a déjà pris
un Priciput, & que l'aîné des repréfentans de cha-
que branche , en a eu auflî un dans la fucîceflîon
du repréfenté. '^^n '-'-
Pour s'écarter de ces principe^ , fous le vain pré-
texte qu'il ne peut pas y avoir deux Prcciputs
dans la même fucceffion , il faudroit en trouver
une dccifion précife dans le t&xtQ de la coutume ,
parce qu'on ne doit fnppofer des inconféquences
dans une loi , que lorfqu'on ne peut pas faire au-
trement. Or , il s'en faut bien qu'on trouve rien
de femblable dans le texte de la coutume de
Poitou.
L'article 289 attribue un Préciput à l'aîné entre
nobles , tant en fuccejjlon direÛe que collaiérale , lans
aucune exception ni réferve. L'article 296 porte
atiflji indiftindlement : « Et fi aucune fucceflîon di-
« reclc ou collatérale échcoit à filles , «S* <{u'd ny ait
)' enfant mate eu qui le reprcfente , la fille , ou fœ'ir
n aînée , ou qui la repréfenté , doit avoir par aîneff"e
» ou prérogative, le châtel ou hôtel principal no-
» ble qu'elle élira, avec les appartenances, vergers
M & clôtures anciennes, joignant à icelui , aiufi
» Si de la manière que deffus eft dit ».
On voit que dans ces deux articles la coutume
attriijue à l'ainé ou à la branche aînée , entre no-
bles , foit entre mâles, foit entre femelles, un
Préciput dans les fucceflîons môme collatérales ,
fans CQ excepter aucun cas, pas même celui où le
défunt en avoit lui-même pris vn dans la fuccef-
fion du repréfenté par la branche aînée , ni celui
ou l'aîné de chaque branche en auroit auflî pris un
dans la fucceflîon du repréfenté. La coutume de
Poitou n'admet donc pas le fyffême des coutumes
d'Anjou & du Maine , non plus que les exceptions
portées par la coutume d'Angoumois.
L'article 290, dont quelques jurifconfuîres fe
font prévalus pour foutenir l'opinion conîraire ,
n'a point le fens qu'on y voudroit donner. Cet
article eft uoe fuite de l'article 289 , »vçç Icquçi
PRÉCIPUT D'AÎNÉ.
U n'en fairolt qu'un feul & même dans l'ancien
coutumier.
Voici comment font conçus ces articles aujeur-
4'hui : « Article 289 ; entre nobles , au reg:ird des
» chofes nobles , tant en fucceifion direâe que col-
» latérale , le principal héritier mâ/e , & (jui le r-jprJ-
n fente , prend pour fon droit d'aînefle le principal
>j châtel on hôiel noble qu'il veut élire, avec les
î» appartenances des vergers & préclôtures ancien-
n nés joignant ledit hôtel », Le furplus de l'article
énonce ce qu'on doit comprendre fous ces appar-
tenances des vergers & préclôtures anciennes ; puis
l'article 290 ajoute immédiatement : «« Et quant au
u furplus de toutes les terres 61 revenus nobles
« obvenus d'icelle fuccefllon , l'aîné en prend les
» deux tiers , "Se tous les puinés fils ou fiiles, ou
« qui les repréfentent , prennent l'autre tiers partie
ï) à icelle divifer également entr'cux , & oîi il écher-
i> roit fubdivifion pour la fuccefiîon de l'un de plu-
« fieurs des puinés prédécédés, fera ^arJé l'avan-
» t^^^e à l'alné où à celui qui le reprêjente , SELON
»> du E DESSUS. Et OÙ il y auroiî aucun châte! ,
» ou hôtel noble , ou hébergement, foit pour le
5) feigncur ou pour le métayer, aura l'aîné le
» chef d'hommsge au lieu deftiné pour ledit hôtel,
» avec une fepterée de terres au lieu de préclô-
« tures 5».
Il n'cft pas poflîble de croire, avec quelques
jurifconfuiies, que ces mots /elon cjue dcffus, ne s'en-
tendent que de la portion avantageufe de l'aîné ,
& non du Préciput. 1°. L'article 290 eft encore
aujourd'hui lié avec le précédent , dont il faifoit
partie autrefois , par la conjonftion 6>, qui fe trouve
immédiatement après tout ce qui concerne le Pré-
ciput dans l'article 289.
2". Si on n'eût pas entendu comprendre, fous ces
raoïi félon que deffas. le Préciput avec la part avanta-
geufe, on auroit dit fimplement & tout aufli briève-
ment , l'aîné aura pareillement les deux tiers des terres
& revenus nobles , au lieu de ces mots qui s'appli-
quent à tout ce qui précède fur le droit d'aîncffe ,
fera gardé l' avantage à Famé ou qui le rcpréfente ,
félon que dejfus. Ces mots félon que de[jus , indi-
quent une abréviation , dont on ne pouvoir avoir
befoin que pour rappeler le Préciput , dont la fixa-
tion , dans l'article 289 , a exigé beaucoup de
détails.
3°. Comme ces mots , félon que dejfus , font évi-
demment fynonymes à ceux-ci , ainfi & de la m.z-
nière que deffus ëf dit , dont fe fert la coutume en
rappelant le Préciput dans l'article 296 , il paroît
très - conforme de comprendre aufli le Préciput
dans l'avantage que l'art. 290 accorde à l'aîné de la
fubdivifion.
4". Et cette réflexion eft décifive; ces mors qui
commencent l'art. 290, & quant au surplus de
toutes les terres & revenus nobles d'icelle fucceffion ,
talni en prend les deux tiers , & tous les puînés ,
fils ou filles , ou qui les repréfentent , prennent F au-
tre tierce partie à icelle diyifertntreux, nçfe relatent
PRÉCIPUT D'AINÉ.
261
évidemrfient qu'à ce qui relie de la fuccefîîon après
que le préciput en a été prélevé. L'aîné ne prend
donc les deux tiers de ce furplus dans tous les cas,
Si. les puînés ne partagent auiïi également entr'cux
que les deux tiers de ce furp'.us , fans qu'on dife
rien de l'exception portée par la coutume d'Angou-
mois. Quand donc on voudroit rapporter feule*
ment à cette première partie de l'art. 290 , l'avan-
ta^e que la fuite de ce même article accorde à l'aîné
de la fubdivifion, félon que deffus^ on ne pourroit
pas entendre par cet avantage les deux tiers de la
totalité du lot , y compris les biens qui font fujets
au précinut dans les cas ordinaires, puifque l'aîné
;ie prend ces deux tiers que du furplus de toutes
les terres & revenus nobles , après le prélèvement
du Préciput.
5°. Enfin, l'art. 289 dit que raî'ié prend le prin-
cipal chàtel ou hôtel noble , pour fon droit d'aîneffe ^
en toutes fuccelfions ; l'art. 596 accorde le même
droit à la tiile aînée, par ainijf: ou prérogative. Nœ
feroit-ce pas s'écarter des vues de la coutume , que
de refufcr à l'aîné de la fubdivifion un avantage
qui conflitue elTentielIement le droit d'aine^e ^ pour
lui en attribuer un autre que la ccutunie refufc à
Taînée des filles, & auquel elle ne donne point
cette qualification honorable?
Qu'importent après cela les raifonnemens des
I commentateurs & leurs allégations ? Mais il fe
trouve encore que tous ceux de la coutume de Poi-
tou ont admis le Préciput , même dans les fubdivi-
fions , du moins jufqu'à Boucheul , qui fuppofe mal-
à-propos le contraire , & qui ne paroît pas trop
d'accord avsc hn-mêmc fur cette queflion.
Confiant , dans fes notes fur l'art. 290 , prouve
avec beaucoup d'étendue , que l'aîné, en toute fuc-
cejfon dire fie ou collatérale , prendra riiôtel princi-
pal 8c les deux tiers , & que dans la fubdivifion
l'aîné de la branche de l'aiiè prendra les Préciputs cou'
tumiers ( c'efl à-dire, le Préciout proprement dit 8c
la portion avantageufe ) , 6» ne vicifFir.i le feront les
aîné' de chaque branche. 11 fonde cette décifion fu?
les cxprcffions des art. 289 & 290.
Enfin, licite l'arrêt de 1^77 , connu (oms le nom
de la Tour Landry , avec un autre arrêt, qu'il dit
avoir lu &. tenu ; il convient qu'on lui avoir mal
repréfenté cet arrêt de la Tour-Landry , qu'on cite
encore aujourd'hui dans la province de Poitou pour
l'opinion contraire. 11 afTure que cet arrêt, rendu
après une enquête par turbes , a jugé expreHément
que l'aîné de chaque branche devoir avoir les droits
d'aînefle , jura primogenitura confequi dchere.
Chopin , qui donne l'efpèce de cet arrêt Sf d'au-
tres femblables , dans fon traité de privilegiii rujli-
corum , liv. 5 , part. 3 , chap. 9 , /i". 2 de l'édition in-
folio & de la traduftion françoife (i) , dit la même
chofe. Ni lui ni Confiant ne parlent même de
la rcftriiSion importante qu'on fuppofe communé-
ment , d'après eux , que cet arrêt a adoptée,
(i) OoBc le trçuv» ^las dans rtuifi©ûi/i-4'',dç ij^i.
i6x
PRÉCIPUT D'AINÉ.
joarraud , tit. 6 , chap. 3 , n". 6 , dit « qu'en colla-
it téiale , l'aîné ou celui qui le repr Jlonti; aura pareil
« droit 6* av.iritjge qu'en la TucceiTion direft; ».
Lelet réfute Tobjcâion , que ee feroit là admettre
deux éivar.t>iges & Jeux droits d\iir,e£} duris une mc're
fuccefjton. 11 cite enfuire l'arrêt de i 577, rapporté
par Chopin , & un avis conforme de MM. Galland
& CiiamiUard , avocats au parlement de Paris , qui
régla la même chofe pour la fuccefllon de Mathieu
Vidard , & qui, dans la fubdivifion d'un lot, ad-
jugea les deux tiers à l'aîné avec le principal manoir.
Les additionnaires de Lelet font du même avis ,
quoiqu'ils allèguent à ce fujet des autorités avec
peu d'exaâitude. Ils finiffent par dire : « Et le 16 de
j> irai 1634 , en la fucceffion de défunte Rachel
w Vernou , à l'aîné des repréfentans Marguerite
M Vernou , qui avoient recueilli la fucceflîon de
» Rachel avec Jeanne "Vernou , fut adjugé en la
M fubdivifion de ladite fucceflîon fon Préciput &
o> droit d aîneffe , par jugement rendu à Poitiers ,
»» le Blanc & Achard , parties plaidantes ; ce qui a
M été confirmé par arrêt fubféquent de 1635 ».
Liège, qui cite auflî cet arrêt , en allègue , à la
vérité fans le dater , un autre contraire , qui avoir
adjugé le droi»r'aînefl"e fans hôtel; mais il écarte
ce préjugé par ces mots, ce que les confultans riap-
yrouvent pas. Il propofe bien enfuite la reftriftion
que Bouchciil a adoptée, avec une autre qui efi
relative à l'indivifion des biens entre puînés ; iTiais
il les écarte encore par ces mots, ce qui ricjl pus
de l'ufance de la provirice. V, l'art. 294.
Enfin , Boucheul fur ce même art. 2.94 , n". 54 ,
paroît admettre aufli ces principes , quoiqu'il les
méconnoUre, dans ce qu'il dit fur l'art. 290 , n".
54. En tout cas , il ne fonde fon opinion que fur la
difpofition de la coutume d'Anjou , qui , comme
on Ta vu , ne fait point la dilHnflion qu'il croit y
trouver.
f^oye^ les autorités citées , & les articles AÎNÉ ,
démembrement de fief , dittzs , doxaïion ,
Douaire , Empirer le fiff , Fief , Légitime ,
Noblesse, Parage, Partage , PRÉci.ôrunE ,
QUAR.T hommage , QuîNT DATIF , QuiNT HÉ-
RÉDITAL, QuiNT VIAGER , P..EPRÉSENTATION ,
Substitution, Succession et Tierce roi.
( Article de Af, GarRAN de CouiON , avocat
au parlement ).
PRÉCLOTURE. Ce mot , fynonyme avccpour-
pris , défigne en quelques endroits les domaines
qui joignent un manoir, les dépendances d'un lieu
feigneurial , en un mot , des biens qui font accef-
foires à celui que la plupart des coutumes afîlgncnt
à l'aîné pour préciput , & en font conféquemment
partie.
Souvent il s'élève des doutes fur la fxation &
l'étendue de la Précluture , ou, cequieftla même
chofe , du pourpris.
La ré»Ie générale eft de confulter Tufas^e & la
deftination du père de famille. Témoin Coquille
en fes queftions Si riponfes fur les articles des cou-
PRÉCLOTURE.
tûmes: après avoir établi , quellion 257 , que l'aîné
doit avoir la meilleure maifon de la fucceflîon ,
avec fon pourpris, il dilcute dans la 258', ce que
font les appartenances &. le pourpris d'une mal-
fon, & il s'exprime en ces termes :
« La deflination du père de famille eft principa-
» lement à confitlérer , pour juger quelles cliofes
'> font des appartenances d'une maifon, d'un do-
» maine aux cb.amps ou d'autres liérirages : j'en-
» tends en tous négoces & aifles qui dépendent de
» la deftination du père de famille; car fa deHina-
» tion ne peut Se ne doit opérer nia l'avantage, ni
» au défavantage d'un tiers. Comme verH g/j/ii, fi
» le vaflal a accommodé fon fte^ d'aucuns hcnta-
» ges qu'il a unis ou accommodés pour en faire un
» lêul corps , le feigneur féodal ne prétendra fon
» fief être accru ; mais riiéritier , ou celui qui a
» droit & caufe du père de famille qui a ainfi exercé
1» fadeft:Ination, y eft fujet , foit à gain ou à perte î;.
Cette destination , continue Coquille, ait dé-
» montre par plixfieurs argumens.
n Ou quand aucune chofe y cfl jointe, annexée
» & adhérente par main & artifice d'hommes , ou
» bien ores qu'elle foit disjointe; fi elle eft accom-
» modée à l'ufage delà maifon & bâtimens, ou fi
» l'entrée & accès à ce lieu ajouté eft par dedans la
» maifon ancienne & principale, ou file père de
» famille par fon papier-journal 5c de raifons , ou
j» par fon papier de recette , ou par les baux à cens
» ôc fermes qu'il a faits de l'héritage & domaine ,
» avoit accoutumé d'y comprendre ces ajonclions,
» ou fi cette ajonition a été faite pour décorer ,
» embellir, Si. rendre en plus grande aménité &
» plaifir ledit lieu principal, ou s'il eft bâtiment
» es champs qui fervent à loger les fermiers , rece-
» vours , métayers ou valets , ou qui fervent à
» recueillir, loger & mettre à couvert le bétail 8c
» les fruits: donc je comprendrai non-feulenK-nt
» fous le nom d'appartenances, msis auflî fous le
» nom de la maifon , domaine ou lieu principal ,
j> tout ce qui fc trouvera accommodé à icelui , fc-
}> Ion les argumens cidefifus , jaçoit qu'il ne foit
n attenant &. contigu ».
Cette doiTlrine a été confacrée par plufieurs ar-
rêts : en voici quatre du parlement de Normandie ,
que nous tirons du diujonnaire de droit normand ,
par M. Howard.
La veuve de Jean Hermel , fils aîné de Guil-
laume, comme tutrice de fes enfans , avoit de-
m.indé à fes beaux-frères des lots Se partages de la
fucceflîon de leur père , pour , fur ce qui aj)partien-
droit à fes enfans , avoir ibn douaire. Charles Her-
mel, le puîné, avoit employé dans ces partages
deux moulins , l'un à bled, l'autre à huile , qu'il
mettoit au premier lot , & le refte au fécond , laif-
fant feulement le manoir pour préciput aux enfans
de l'aîné. La veuve bur mère foutenoit que les
moulins dévoient demeurer par préciput à fes en-
fans , avec la maifon , cour 6<. jardin , attendu que
le moulin à bled écoit incorporé au manoir , fous
PRÊCLOTURE.
fen méiTie toit ix couverture , fans aucune répara-
tion , & lo moulin à huile parcilbment dans le
même encloi , iaiis erre non plus féparés & d-ivi(és ;
& cela fut ainli jugé paranét du 3 avril 161 2 ,con-
firmatif d'une {cmencs du bailli de Caux.
Le fieur Ygou avoit laiffc dans fa fucceflion , un
manoir à côté duquel etou un grand clos en labour
qu'il falloit traverfer pour parvenir aux terres delà
campagne. L'aîné réclama ce clos , i-i fourint qu'il
faifo'it partie de fon précipur. Les puînés prétendi-
rent au contraue qu'il devoit être confondu dans la
fucceflion. Ce clos , difoieru-ils , ei\ compclé ce
terres labourables : fi le père de famille avoit eu
dedein d'en augmenter le préciput , il aurait fait
abattre les arbres (Si. combler les foffes qui le fépa-
rent du manoir , ou du moins il y auroit fait conf-
truire quelques bâtimens pour marquer qu'il en
étoit une partie intégrante. L'aîné réphquoit que ce
clos faifoit l'ornement & la beauté du manoir ; que
la féparstion ne pouvoir avoir eu pour but c^ue
d'empicher les bcitiaux d y entrer ; qu'il fuffiloit
qu'il y eût une barrière ou une porte pour aller du
m^noirau clos , pour qu'il fût évident que l'un ne
pouvoir être détacb.e de i autre. Par arrêt du ao août
1692 , le clos fut jugé faire partie du préciput.
Une efpècefemblable fe prclénta quelques an-
nées après. Yart père avoit lailïé à fes enfans une
ferme fituée en Caux. Outre les bâtimens , il y
avoit un berbage de dix-fept à dix-huit acres , fur
lequel étoient quelques pommiers : la mafure le
trouvoit féparée de l'herbage par des murs , mais il
y avoit communication de l'un à l'autre par le
moyen de deux portes. Le premier juge avoit dé-
cide que cet herbage faifoit partie du préciput. Sur
l'appel , les puînés prétendoient que le préciput
divoit être rertreint au msnoir & pourpris , & que le
mot /^oi/r/' ri j ne s'entendoit que de la cour du ma-
noir ou étoient les bâtimens ; que la fucceflion ne
confiftoit qu'en quatorze cents livres de rentes , £i
que le préciput feul vaudroit , tel qu'on le récla-
moit , huit à neuf cents livres de revenu ; que l'in-
tention de la coutume n'étoit pas de faire un ii
grand avantagea l'aîné. Celui-ci répliquoit quepar
le mot pourpris^ on devoit entendre avec Gode-
froy , non-feulement la principale habïtaiion , maii
Us jardins f étangs , gare/ines , colombiers y conùgus &
firmes dans un m^îme enclos '^ que les puînés de Caux
n'avoient eu, lors de la réforme de la coutume, part
en propriété à la fucceflion que par exception à la
loi qui les excluoit , & qu'une exception à une loi
eflentieile à la confervation des familles, ne devoit
pas être étendue au-delà des bornes que le légifla-
teur lui avoit prel'crltes. Par arrêt du 24 mars 16^-/ ,
la lentence fut confirmée.
Les principes qui ont diété ces arrêts ont encore
reçu plus d écfat par celui qu'on a rendu le 14 juin
J775 , danb la fucceflion du nommé Prevel. Le fils
aîné avoit opté pour préciput, la maifonoù demeu-
roit le défunt , avec im clos de douze à treize acres
en labour. Ce clos étoit contigu à laaaaifottj mais
PRÊCLOTURE.
16 3
il en étoit fcparé par des haies vives , S< ce n'éioit
que par une barrière qui y étoit pratiquée, qu'il
communiquoit avec le manoir. Le nommé Cau-
mont , qui avoit époufé une fille Prevel , contef*»
cette option. Il prétendit que le préciput ne devt it
confiner que dans la mafure ; que la pièce de ter^e
laboiirable , féparée par les haies , & qui avoit ure
ouverture vers un chemin public , ne pouvoir y
être comprife ; que le pourpris étant ce qui cfl en-
ferme àjns les prochaines clôtures du manoir, des
que la pièce de terre en labour fe trouvoit au-de à
des lip.KS vives, dans l'enceinte defquclks étoit le
manoir , les bâtimens accelîbires , la cour & le
jardin , elle fe trouvoit confequemment su-de!;i des
prechaincs clôtures qu'il faut confidércr pour d>>
terminer ce qui doit entrer dans le préciput. L'aîné
répondoit que les Iiuies vives ne laifoient pas (t-
paration , dés qu'il exifloit une coinmunication du
manoir au clos en labour ; que la deftination du
père de famille devenoir par cela feul manifeile , &
fûrmoit la règle du préciput. Sur ces raifons , fen-
tence intervint d'abord au bailliage de Cany , qi.i
décida en faveur des puînés. Mats l'aîné en ayant
interjeté appel, elle fut réformée par l'arrêr cité ,
qui lui adjugea la totalité des fonds , c'eft-à-dire ,
près de quinze acr^s de terre , quoiqu'il ne reflât
pas plus d'une vergée de terre pour la léeitime des
filles. ^ . ^
Mais peut-on comprendre dans les pourpris &
PrécJotuics ce qui eft fcparé du manoir par un che-
min public ?
L'article 11 de I1 coutume de Paris décide qu'on
le peut. Au fils niné, dit cette loi , « apparrienr par
» préciput en fief, le manoir principal & la cour
» attenante audit manoir dcflinée à icelui, encore
» que le foïïc da château ou quelque chemin fût
}> entre deux n.
La coutume de Poitou , titre 6 , contient la même
difpofiiioii.
Mais, fuivant les coutumes d'Angoumois , arti-
cle 88, 6i de faiiiî jeun d'Angély, titre 11 , arti-
cle I , les chemins charruaux & publics font pour
l'aîné des bornes au-ùclà defquelles il ne peut éten-
dre les Préclôtures,
Remarquons ces termes charruaux & publics: la
particule fi- cfl conjonftive : ainfi u il ne fuflît pas
» qu'un chetnin foit charruaii, c'eft-à-dire, propre
Il au paiTagL' des charriots, charrettes & autres vo."-
» tures pour limites des Préc'ôturos; il faut aufli
•n qu'il foit public 6c dcuiné pour conduire à\in
» bourg ou village à un autre. Les chemins vici-
)» naux ou de fervitude ne font point des chemins
» publics : ils font partie des héritages , & ne font
» deftinés qu'à l'ufage des particuliers voifi^^ v.
Ce font les termes de M. Souchtr , dans 'on com-
mentaire fur la coutume d'Angoumois- tome 2
page 253. Refle à favoir ce qu'on c;oit décidera
l'égard des couti.tnes muetr.s.
Nous avons Lide/!iis deuxcliofes à confuîter, la
doûtinc dcS suteuri , £c]a jurifprudtnce des arrêt?.
i64 PRÉCLOTURE.
Tous les auteurs s'accordent à dire qu'un che-
min ne rompt pas la continuité des Préclotures.
Bouche! , dans la bibliothèque du droit françois ,
page 1 08 , dit que dans les lieux u où par coutume ,
»» trt affeâé à l'aîné par droit d'ainelle , en préci-
t> put , 6c avant tout partage de la fuccefîion du
« père ou mère, le château ou manoir principal,
•) avec fon clos ik pourpris & appartenances , en
j> ce feront compris le jardin & verger prochain ,
t> dreffés pour plaifir , encore qu'ils ioient féparés
»> & hors du clos de la maifon , & foient clos à
»i part de murs ou foffés , & qu'entre ledit jardin
» ou verger & clos de la mailbn y ait un grand
») chemin public ».
Le même auteur fait encore obferver que « le
»> foffé ou chemin d'entre-deux n'empêche pas que
u la baffe-cour ne foit tenue Se réputée attenante
>» au château ».
Inibert, en fon enchiridion , page 189,611, à
l'égard du jardin de plaifir qui fe trouve près de
l'hôtel appartenant à l'aîné , qu'il ne peut lui être
refufé u cotnbien qu'il foit environné de murailles ,
3» ou d'un fo{ré,ow d'un chemin public ».
Duret, alliance des lois romaines avec le droit
françois, §. 258 , nous en donne la raifon ; c'eft
^ue la maiibn « doit être entendue avec fes appar-
» tenances, aifances & commoditl^s , quoique û-
» tuées hors , comme le jardin , quoique féparé
s> d'un chemin >» : il répète la même chofe , §. 30a ,
à l'égard de la balîe-cour.
Bobé , fur la coiuume de Mcrux , étend cette
rèji,le vlux parcs & enclos^ quoique féparis du princi-
pal manoir , non-feulenient par un grand clurnin ,
jnais par une rue.
Quant aux arrêts, il y en a trois du parlement
de Normandie de 1571 , du 20 juin 1614 (i) , &
du 10 mai 1779, qui décident qu'on ne doit pas
détacher des Préclôtures acceiïoires au préciput ,
un fonds que le père de famille a deiliné à en faire
partie , fous prétexte qu'il en eft fcparé par un
chemin.
L'efpéce du dernier de ces arrêts eft remarquable
La dame Guitoa , en mourant , laiffa pour héri-
t'ier le fieur de Pontchalon , fecrétaire du roi , fon
fils unique , & quatre filles qu'elle avoit réfervccs
à partage.
Ces cnfans ne firent d'abord que des partages
proviuonnels , parce que l'un d'eux étoit mineur.
Après bien des années il fut queftion d'en faire
un définitif.
11 fe trouvoit dans la fucccfijon une métairie ou
manoir logé aux champs , cempofé d'un enclos dans
lequel étoient la maifon , la cour , le jardin , & vis-
à-vis , mais au delà de l'ancien chemin de Haute-
rive , une prairie fur le bord de laquelle étoient un
preflbir , une grange & une étable.
Le fieur de Pontchalon ayant réclamé tous ces
objets pour fon préciput , le fieur Dubois , fon
(i) Diûiona. du droit no[«»nd , tome 3, page ji^.
PRÉCLOTURE.
beau-frère , prétendit en diftraiic la prairie & ks
bâtimens : il fe fondoit fur l'art. 4 de Tufage local
de la vicomte de Bayeux , qui en effet exige que
les dépendances du préciput ne foient îéparées d'aU'
cun chemin.
Le fieur de Pontchalon répondit que la difpofi-
tion de cet ufage local eiit été inutile fi elle eût été
de maxime dans toute la province; qu'il étoit évi-
dent qu'on ne l'avoit inférée dans le corps de la
coutume , lors de la dernière rctormation , que
parce qu'elle faifoit exception à la jurifprudence gé-
nérale , & que tel étoit le fentiraent de Bérault (i) ,
en rétabliifant le texte de cet auteur , dans fa pureté
primitive.
Ces raifons déterminèrent le bailli d'Alençon ,
qui , par la fentence , dit à bonne cauje Fopùjnfaite-
du préciput , en ic<:lui cumpris la prairie.
Le fieur Dubois interjetaappcl de cette fentence :
fon défenfeur foutint d'abord que la prairie avoit
toujours été féparée de la cour ou clos , où font les
maifons du chef-ménage , par un ancien chemin
public : il demanda à prouver par titres Si par té-
moins , même par procès-verbaux d'enquête &
acceflion de lieu , l'exiftence de ce chemin , &
qu'il n'avoit étéfupprimé que pnr le fieur de Pont-
chalon , depuis les partages provifionnels.
Ce fait po(e , il ajouta que la liinitation portée
par l'art. 4 de l'ufage local de Bayeux , étoit de droit
commun dans toute la province ; que tel éioit le
fentiment de l'éditeur de Bérault , & celui des plus
habiles jurifconfultes , qui , de nos jours , éclairent
le barreau de Rouen. « Le manoir, le clos &. le
n jardin, employés dans l'art. 3 56 ( continuoit-il ) ,
» ne doivent compofer qu'un feul & même enclos:
» àJa vérité la deftination du père de famille efî
11 d'une grande autorité dans la fixation de ce qui
» doit former le préciput roturier ; mais cette au-
» torité ne peut donner au préciput une plus grande
>» étendue que celle qui cft fixée par la loi : il peut
» augmenter l'enceinte du préciput en y joic;nnnt
» des terres adjacentes ; il peut de même la dimi-
5» niier , en retranchant par de nouvelles clôtures ,
11 des terres qui étoient dans cette enceinte ; mais il
'■ n'eft pas maître d'étendre le préciput au-delà d'un
I) chemin on d'une rivière qui doivent terminer
» l'enceinte : car lorfque , par l'article 279 , la cou-
» tume de Caux fixe les préciputs de ce canton au
j> pourpris , elle défignc clairement qu'ils ne pei>-
5j vent excéder ce pourpris , c'eR-à-diie l'enceinte ,
)) afir: que l'anié ne foit pas fournis à la fcrvitijde
» des paffagv's. --- L'impofTtbilité de réunir dans la
j> même enceinte des fonds partagés par des che-
n mins , a fait admettre pour bornes abfolues de
» toute efpècede préciputs roturiers les chemins ,
>» parce que tous les objets qui doivent compofer
» chacun de ces préciputs doivent être contigus &
« limitrophes les uns aux autres , fe joindre fans
—^ ■
1) Vcycz l'attic'.e SfVtfuJt, dans le dictionnaire de droit
Eorisaad.
j> moyens;
PRÊCLOTURE.
j» moyens ; condition qui ne fe rencontreroit pas
» dans le cas où il y auroit un chemin intermé-
» diaire ».
Le fleur de Pontchalon oppofa fimplement à ces
raifons , que la prairie n'avoit jamais été divilée pr.r
aucune haie ni clôtures ; que les bàtimens exiAar.s
fur cette prairie avoient toujours fervi au ménnge ;
qu'enfin la deftination du père de famille devoir
faire la loi , & que cette deftination étoit manifefîe.
En conféquence , par arrêt du lO mai 1779 ,
rendu au rapport de M. Mouchard , la fentence a
été confirmée avec amende & dépens.
Peut-on regarder comme Préclôture, & parcon-
féquent comme acceflbire au préciput, un fonds
far lequel il fe trouve une maifon accommodée à
J'ufage d'un fermier , & où il feroit abfolument pof-
fible de réfider ? Bafnage &: Pefnelle ont établi par
des raifons très décirive's , que de telles circonflan-
ces ne doivent pas empêcher que ce bien ne foit
compris dans le préciput, & leur doârine a été
confirmée par arrêt du parlement de Rouen , du 19
mai 1744 (,),
C'efl une queilion dans les coutumes d'Angou-
ïHOis , de faint Jean d'Angély & de Poitou , fi un
père Se une mère ont la liberté d'étendre les Pré-
clôiurcs de leurs fiefs.
La raifon de douter eft que ces coutumes ne com-
prennent dans le préciput noble que les Préclôtures
ancien/ies.
Mais écoutons M. Souchet, dans l'ouvraee déjà
cite, pa-e 252.
" A la fuite des biens nobles joints au manoir ,
S' il y a fouvent des cenfives qui font annoblies par
y> les réunions: fouvent le propriétaire d'un manoir
y> accenfe partie de fes biens nobles, qui formoitnt
M fes Préclôtures. On ne peut difputer cette faculté
»» aux propriétaires : elles font fouvent très-avsnta-
" geufes, & toujours autorifées par la liberté que
" les lois leur accordent dans l'adminiftration de
« leurs biens : unuftjuifquc efl reifux moderator & ar-
») ^«-;'-- — Il eft incontefiable que les anciennes
w Precloturesfe trouvent reflerrées par les accen-
« femens de partie des biens nobles: elles peuvent
» donc aufil être étendues par les réunions des ro-
» turcs en fief. Les réunions forment des biens no-
" j^^* ;.^"' ' '°'"^* ^" manoir , deviennent partie
»' des Preclôtures : par la même raifon , un père
» doit avoir la faculté d'éloigner ou de rapprocher
« un chemin qui fixe fespoMens ». Cette déci-
lion eft conforme au fentiment des commentateurs
des autres coutumes du même genre.
Méchain , fur celle de faint Jean-d'Angély titr-
3 , article I , chapitre i , dit que l'aîné doit prendre
les Preclotures telles qu'elles fe trouvent au temps
de l'ouverture de la fucccfilon , parce qu'il eft li-
bre , ajoute-r-il , aux pères & aux mères de les aue-
menter ou diminuer comme ils le jugent à propos
Boucheul, fur la coutume de Poitou , articles
(.) Didionnnredc diQit nptmaud , ,^^^ i, page. y,..
Tome XllJ,
PREDICATEUR. 165
2S9 Zl 290 , peiife de même. 11 n'imp jrte , fuis'ant
lui, que la loi municip;ile emploie 1 exprefiion de
Pf-éclotures a':ciennes.h\à^)ii&^\{ anciennes n'efi pas l'Iî
te me limitatif , qui empêche les pères Si les inèriS
ou autres , d'augmenter les Piéclôtures au-delà des
îJremières bornes qu'elles avoient anciennement.
Ce n'eft qu'un terme démonfiratif pour dire que
l'aîné ne peut pas prétendre les Piéclôtures autres
qu'elles étoient du vivant de fon père & de fa mère
lors de leur décès, qui eft le temps, ajoute-t-il ,
qu'il faut confidérer pour le partage de la fucceffion.
En effet , comme l'obferve M. Souchet , «« cette
» exprelfion, anciennes Préclôtures , eft relative au
5> dernier état du fief. Elle fe réfère au temps de la
» jouifTance de celui auquel on fuccède. Il n'eft:
» pas poffible de penfer qu'un père de famille n'ait
>» pas la liberté d'étendre ou de refferrer les Pré-
» clôtures de fes fiefs : c'eft un effet de la liberté
•>■> qui doit régner dans fon adminiftration, pourvu
» qu'elle ne foit pas le fruit d'une fraude manifefie
» faite aux droits de l'aîné , & contraire aux bor-
» nés que la coutume a Tprefcr'nes à fesdifpofitions".
Dans les coutumes de Touraine & de Lodunois ,
il y a fur la manière de fixer le pourpris , des ditll-
cultés dont M. Cottereau a fait uneexafle difcuf-
fion , en fon droit général de France , &•€. : voyez le
tome 2 de cet ouvrage.
Voyez auffi les articles AcciNS & PrÉCLÔtu-
RES ,'AiNÉ, Préciput & Succession. ( Article
de M. Merlin , avocat au parlement de Flandres &
fecrétalre du roi'),
PRÉDICATEUR , PREDICATION. La prédi-
cation eft la fonâion propre des évêques , & leur
premier devoir. C'eft aux évêques que jéfus-chrifl:
adreffe ces paroles dans l'évangile : Allc:^ , enfei-
gne^ toutes L's nations. Mathieu, 28, "5^. 19. Les
apôtres n'établirent les diacres, que pour fe réferver
entièrement à cette fondlion importante. « Il n'eft
» pas jufte , difent-ils , d'abandonner le miniftère
V de la parole, pour nous charger de celui des ta-
5» blés ; choififfons fept hommes d'entre nous , de
» bon témoignage & remplis de l'efprit faint ,
» auxquels nous confierons le foin des pauvres &
« la diftribution des aumônes ». A6te 6 , ^. 2.
Saint Paul écrit aux Corinthiens , que dieu ne l'a
point envoyé pour baptifer , mais pour prêcher :
Non mijît me dominus b.iptifare , fed evangelifare.
Corinth. i , ^- 17 C'eft pourquoi le concile de
Trente appelle la prédication le principal devoir
des évêques : Prcccipuum munus epifcvporum.
Les évêques ne rempliffent pas leurs obligations
à cet égard, en faifant prêcher par d'autres; ils
font tenus de prêcher eux-mêmes. Le premier de-
voir que nous impofe le facerdoce , dit faint Am-
broife , eft celui d'enfeigner : C>^ciur/i docendi no-
bis impojuit facerdotii necejjltudo. L. i , offic. c. 10.
Saint Thomas remarque que le miniftère de la pa-
role a été confié par jéfus-chrift aux apôtres , & par
eux aux évêques , leurs fucceffeurs , afin que ceux-
ci j'en acquittent par cux-niécQcs. C'eft donc avec
Ll
tl66
PRÉDICATEUR.
grande ralfon que Fagnan obfcrve que les évêques
ne peuvent pas s'exempter de prêcher , fous pré-
texte qu'il n'eft ph:s d'ufage qu'ils remplilTent eux-
ni'Jmes ce miniftère ; parce que ce nen ufage étant
contraire à un précepte divin, ne peut jamais être
qu'une corruption &un abus.
La foniftion de prêcher étoit regardée, dans les
premiers fiècles de réglife , comme tellement pro-
pre à l'épifcopat , que c'étoit l'évéque feul qui prê-
choit alors. Quelques évêques, que leurs infirmi-
tés ou d'autres raifbns empéchoient de s'acquitter
de ce devoir, commencèrent à faire prêcher un
prêtre à leur place. Valère , évéque d'Hyppone ,
étant grec d'origine , & ne s'cxprimant pas facile-
ment en latin , qui êtoit la langue de (on peuple ,
commit faint Auguflin , encore prêtre , pour prê-
cher en fa prêfence. Le premier prêtre qui paroifTe
chargé de cette fonftioii dans réglife d'Orient, e(i
faint Jean-Chryfoflôme. Bientôt la religion fc ré-
pandant dans l'intérieur des campagnes , 6i le nom-
bre des chrétiens (c multipliant , il ne fut plus pof-
fd)le daffeinbler tout le peuple dans la même égJife.
Il fallut en établir d'autres , où les tidèles reçuffcnt
lous les facremens , & les inftruéiions qu'ils rece-
voient auparavant de l'évéque dans Tcglife princi-
pale. C'eiilà l'établiiTement des paroiflcs. La pré-
dication devint alois le premier devoir des prêtres
chargés de les delTervir , comme elle avoit été juf-
que là la première fonftion des évêques.
11 eût été avantageux , fans doute , de ne pas
étendre à un plus grand nombre de perfonnes le
minifiére de la prédication. Des prédicateurs étran-
gers , qui prêchent en padant dans une églife à
laquelle ils ne font point attachés, n'ont Jamais le
refpefl & la confiance des fidèles , comme leurs
propres payeurs ; ils n'ont point l'autorité fuiK-
fante pour s'élever avec fruit contre le vice & pour
faire celTer les fcandales ; ils ne peuvent entrepren-
dre des inftruéhons fuivies, comme celui qui eit at-
taché à une certaine églife, ni entrer dans le détail
des mcEurs , comme celui qui connoît les befoins
de fon troupeau. Mais l'ignorance des pafteurs obli-
gea , dans le dixième & le onzième fiècles , d'ad-
mettre à cette fonélion tous ceux qui avoient quel-
que talent pour la remplir.
Les ordres mendians qui fe deftinoient par état
h fecoi rir les pafleurs , & les diflérentes ramifica-
tions dans lefquclles ils fe divisèrent depuis , obtin-
rent, dès leur origine, la permiffion de prêcher
pour tous les membres ; mais depuis on a rendu ce
minidère fj commun , qu'il efl , pour ainfi dire ,
abandonné au premier venu , i>c même aux plus
incapables.
j4ppTobatïon. des Prédicateurs.
Si la prédication eft principalement le devoir des
i\ êques & la fonélion qui leur eft propre , aucun
mtmbre du clergé ne peut l'exercer fans leur con-
feniement. Les curés reçoivent d'eux cette permif-
f:on par l'iiaflitution aiitorifable qu'ils obtiennent,
PREDICATEUR.
pouf pouvoir exercer toutes les fonciions dii minif-
tère dans leurs paroiffés. Mais les autres prêtres fé-
culiers ou réguliers, qui fc devinent à la prédica-
tion , ne peuvent prêcher fans avoir obtenu à cet
effet une permiffion fpéciale. Cet ufage a été conf-
tammentobfervédans l'éghfe, depuis que le mi-
niftère de la prédication ell exercé par d'autres que
par les évêques 8c les curés. Il fubfifte dans l'églife
grecque , depuis qu'elle eft fcparée par le fchifme ,
comme il paroîi par une remarque de Balfamon fur
le foixantequatriéme canon du concile /^ Truilo.
Ce prélat, qui vivoit dans le treizième fiècle, dit
que le droit de prêcher n'a été confié par le faint-
Efprit qu'aux feuls évêques & à ceux qui ont obte-
nu leur confentement. Chez nous , le concile Trente
le décide expreffément , feffion <; , de reformat, oii
il veut que les réguliers foient obligés de fe préfen-
ter à l'évéque, &c de demander fa bénédiélion , •
pour prêcher dans les églifes de leur ordre, & d'ob-
tenir, outre cela, fa permiffion pour prêcher dans
celles qui ne font point de leur ordre. Regularesvero
cujufcumque ordinis , nifi à fuis juperioribus , de vitâ ,
moribus & fcientiâ examinari & approbati fuerint , ne
de eoiiim Ucentiâ , etiam in ecclîfiis Juorum ordinutn
pnedicare non pojfmt ; cum quâ Ucentiâ perfonaliter
fe coram epi/copis prxfentare & <ib eis benedicîionem
peiere teneaniur , anfequain prxdicare incipi'int : iti
ecclefiis vero qux fuorum ordinum non funt , ultra / -
centium fuorum fupenonim, etiam epifcoporam licen-
tiarn habere teneantur. Seff. 5 , de reformât. A la vé-
rité , le concile met une différence entre les églifes
des réguliers & les autres églifes du diocèfe. Il exi-
ge qu'ils obtiennent la permiffion de l'évéque pour
prêcher dans les égUfes du diocèfe; il veut feulement
qu'ils fe préfentent à lui & demandent fa bénédic-
tion pour prêcher dans leurs propres églifes; mais •
il n'entend certainement point par-là leur donner
la permiffion d'y prêcher malgré lui & lorlqu'il s y
oppofe formellement. , a- ' a
Nos ordonnances ont auffi établi la necefiite de
l'approbation de l'évéque, par rapport aux Prédi-
cateurs, C'eft ainfi que s'exprime l'édit de 1606,
donné fur les remontrances du clergé : » Les Pre-
» dicateurs ne pourront obtenir la chaire des egli-
» (es, même pour l'avent & le carême ,lans la
» miffion & permiffion des archevêques & eve-
» ques , ou leurs grands vicaires , chacun en leur
» diocèfe. N'entendons néanmoins y affujettir es
), églifes où il y a coutume au conttaire, etquelles
„ fiiffira d'obtenir l'approbation dcfdits archeve-
» ques & évêques , du choix ou éleflion qu ils au-
» ront fait ». Art. 11 , édit de 1606. _
Nonobftant des lois fi formelles , les réguliers
prétendirent encore , dans le fiècle pafie, qu il leur
fuffifoit de demander la permiffion de l'eyeque ,
pour prêcher dans les différentes égliles du dio-
cèfe , fans qu'il fût néceffaire de l'obtenir ; que
quand ils étoient une fois approuvés dans un dio-
cèl'e , l'évéque qui les avoit approuves , ni les lue-,
ceffeurs , ne pouvoient plus retirer m révoquer
.,; PRÉDICATEUR.
leur approbation; qu'ayant été un^ fois approuves
par un cvéque , ils étoient cenfés approuves pour
tous les diocèfes. Ils fondoient de^ prétentions fi ex-
traordinaires & fi contraires aux règles de toute
l'antiquité, fur les privilèges qui leur avoient été
accordés par quelques papes. Regardant le pape
comme ordinaire des ordinaires , & comme évè-
que immédiat dans tous les diocèfes du monde
chrétien , félon l'opinion û commune & fi accrédi-
tée parmi les réguliers ; Se fuppofant que l'appro-
bation de leurs règles & de leurs priyilèges leur
tenoit lieu d'approbation pour exercer par- tout lés
fondions du miniftèrefacerdotal, ils en concluoient
qu'ils n'avoient aucun befoin de celle des évèques.
Ces prétentions , qui causèrent tant de fcandales
dans les diocèfes de Sens , d'Angers , d'Agen , & à
la Chine , furent réprimées par les arrêts du confeil
des 9 janvier i6y/,ik 4 mars 1669. Ce dernier
arrêt fait la même diftiniiion que le concile de
l'rente. Il fuffit , pour autorifer les réguliers à prê-
cher dans les églifcs de leur ordre , que l'évèque
îie s'y oppofe pas ,&. qu'ils fe foient préfentes à
lui pour recevoir fa béncdiition ; mais s'ils veulent
prêcher dans les autres églifes du diocéfe, ce n'eft
pas aflez que l'évêque ne s'y oppofe pas ;] fa per-
niiffion eil nécelfaire , & il peut la révoquer quand
bon lui femble.
Les prétentions des réguliers n'ont été véritable-
ment anéanties , qu'à dater de l'édit de 1695 , dont
voici la difpofition : » Aucuns réguliers ne pourront
» prêcher dans leurs églifes 6c chapelles , fans s'ê-
V ne préfentés en perfonnes aux archevêques ou
5) évêques dioccfains , pour leur demander leur
J» bénédiflion , ni prêcher contre leur volonté ; &
w à l'égard des autres églifes , les féculiers 6c les
" réguliers ne pourront y prêcher , fans en avoir
« obtenu la permiffion des archevêques ou évê-
" ques , qui pourront la limiter 6c révoquer , ainfi
t* qu'ils le jugeront à propos ; 6c es églifes dans
»• lefquelles il y a titre ou poffeffion valable pour
» la nomination des Prédicateurs, ils ne pourront
» pareillement prêcher fans l'approbation 6c mif-
". fion defdits archevêques ou évêques. Faifons dé-
» fenfes à nos JHges & à ceux defdits feigneurs
» ayant juftice , de commettre & autorifer des
»» Prédicateurs, & leur enjoignons d'en lai/Ter la
» libre 6c entière difpofition aux prélats , voulant
'» que ce qui fera par eux ordonné fur ce fujet ,
>> foit exécuté , nonobftant toutes oppofitions ou
» appellations, 6c fans y préjudicier. Article 10,
» édit de 1695 ».
Cet article , comme on le voit , termine toutes
les quêtions qui pouvoient être élevées fur l'ap-
probation néceiTaire , foit aux eccléfiaftiques fécu-
liers , foit aux réguliers. 1°. Tous les féculiers ne
peuvent prêcher dans aucune églife du diocéfe ,
même dans celle des réguliers , lans uae approba-
tion exprefle de l'évêque.
D'où il fuit , que les curés primitifs ou leurs dé-
putés , pe psuYSOt} i.uj( |fètes sJUiuçUç^ , prêcher
PREDICATEUR.
167
• dans leurs paroifî'es, fans être approuvés par l'évê-
que. L'art. 1 4 du règlement des réguliers , en conte-
noit déjà une difpofition exprelTe.
D'où il fuit encore , que les curés mêmes ne peu-
vent faire prêcher dans leurs paroiiïes un prêtre
qui n'a point l'approbation de l'évêque.
Mais par prédications on n'entend point les inf-
truclions familières , telles que les prônes , les priè-
res du foir, 6c les cathéchifmes. Les curés peu-
vent commettre tels cccléfiafliques qu'ils jugent à
propos, pour les faire dans leurs paroi/Fes , fans
que ces eccléfiaftiques aient pour cela befoin d'ê-
tre approuvés par rêvêque. C'eft ce qui a été jugé
par arrêt du parlement de Paris le 5 fcptembrc
1758. Sur l'appel coihme d'abus interjeté par les
curés de la ville 6c fauxbourgs d'Auxerre , de deur
ordonnances rendues par l'évêque d'Auxerre , les
26 janvier ôc 13 février de la même année, les
deux ordonnances ont été déclarées abufives, en es
qu'elles exigeoint l'approbation par écrit de l'évêque
pour les catéchifmes , prières du foir , prônes 6c
autres inftruftions familières qui ne foJit pas coni-s
prifes dans l'art. 10 de l'édit de 1695. En confé-
quence , l'arrêt a maintenu 3c gardé les curés de ce
diocéfe dans le droit 6c polTelIion de commettra
les eccicfiafliques du diocéfe , pour faire les inftruc -
lions , aiures que les prédications proprement dites ,
fans être tenus de les faire approuver par l'évê-
que , 6c lui a fait dèfenfes , èc à tous autres , de les
y troubler.
2°. Les réguliers ne font point tenus, pour prê-
cher dans les églifes de leur ordre, d'obtenir la
permiflion de Tévèque ; il fuffit qu'ils fe préfenrenj
à lui pour recevoir fa bènéilidion : mais ils ne peu-
vent pas plus prêcher dans leurs églifes que dans
les autres , lorfque l'évêque s'y oppolé. Quand ils
veulent prêcher dans les églifes du diocêîe , ou
dans celles des réguliers d'autres ordres , ils font
dans le cas des ecciéfiaftiques féculiers , Se il leur
faut une approbation exprefle de l'évêque.
S'il n'eft queftion que d'exhortations qui doivent
être faites dans le chapitre ou dans les autres lieux
du monaftère , pour Tin^ruêlion feulement des re-
ligieux , les réguliers n'ont pas befoin pour cela de
l'approbation de l'évêque.
3 '. Les évêques font en droit de refufer la per-*
mifiion de prêcher à qui bon leur femble , fans
qu'il y ait de voie ouverte pour les forcer à la don-
ner. C'eft ce qui fuit évidemment de cette claufe
» lefquels évoques la pourront limiter pour les
n lieux , les perfonnes , le temps, ou les cas, ainfe
» qu'ils le jugeront à propos , Se la révoquer même
» avant le temps expiré , peur caufes furvenues de-
H puis à leur connoifl'ance, lefquelles ils ne feront
j> pas tenus d'exprimer n. De forte que quand l'é-
vêque ne fait pas paroître les caufes de fon re-
fus , il n'y a point heu à l'appel comme d'abus , ni
à l'appel fimple.
Cependant û l'évêque , en révoquant une per-
œiflioa de prêcher , çxpriipoit U caufe de la révo-
*^^ ^^' Llij
iéS
PREDICATEUR.
cation , & que cette caufe fe trouvât abufire , elle
donneroit lieu à l'appel fimple ou à l'appel comme
d'abus. G'cft en ce fens qu'il faut entendre cette
dernière claufe de l'art, ip : u voulant que ce qui
»» fera par eux ordonné fur ce fujet , foit exécuté ,
i> nonobftant toutes oppofitions & appellations , &
w fans y préjudicier >♦.
4 . Le Prédicateur qui eft approuvé pour prêcher
dans un diocèfe, ne peut prêcher dans un autre
lans l'approbation fpécialc de l'évéque du lieu.
L'approbation des Prédicateurs eu. un droit qui
appartient uniquement aux évêques , de forte que
les exempts , quelle que foit la juridiâion dont ils
jouifTent , ne peuvent approuver les Prédicateurs ,
même pour les églifes de leur territoire , & que les
Prédicateurs qui font nommés pour y prêcher ,
doivent avoir l'approbation de l'évéque diocéfain.
De là , il fuit que quand un prêtre eu approuvé
de l'évéque, & qu'il eft nommé pour prêcher dans
les églifes qui dépendent le la juridiâion des
exempts , il n'eft point obligé de leur repréfenter
fon approbation , quelle que foit la po/TtlRon con-
traire.
Le doyen du chapitre royal de Saint-Florent
de Roye , officiai né de l'évéque d'Amiens , & com-
mis pour l'exercice de la juridi(5lion fpirituelle du
chapitre, rendit une ordonnance le 27 décembre
1706 , par laquelle il fit défenfe à M" Bains , curé
du Quefnoi , de prêcher ce même jour dans l'églifo
des religieux de la charité de Roye , &. à l'avenir
dans les autres églifes de la ville de la juridiâioii
du chapitre , fans auparavant lui avoir fait voir fou
approbation de l'évéque d'Amiens , & fans avoir
obtenu fa nomination. Il prononçoit contre lui l:i
peine d'interdit, ipfo faâo y en cas qu'il entreprît
de prêcher malgré la défenfe qui lui en étoit faite.
Les religieux de la charité fc pourvurent contre
cette entreprife du chapitre; 8f fur la fentcncc qui
intervint aux requêtes du Palais entre les religieux
& le chapitre , le 6 feorembre 1707 , les reli-
gieux furent maintenus en pofTelTion de prendre &
choifir tels prêtres & eccléfiaftiques qu'ils vou-
droient , pour prêcher & adminiftrer les facremens
dans leurs églile , maifon & hôpital de la charité de
Roye , pourvu qu'ils fuffent approuvés de l'évéque
d'Amiens; défenfes au chapitre de les y troubler;
le chapitre fut maintenu & gardé dans la pofTeiïion
de fe faire repréfenter les approbations de l'évéque
d'Amiens , par tous les prêtres & ecclcfiaftiques ,
pour prêcher & adminiftrer les facremens dans
toutes les églifes &. lieux de l.i ville de Roye ; & il
fut en conléquence ordonné que les religieux fe-
roient tenus de s'y conformer.
Les religieux s'éiant pourvus par la voie de l'ap-
pel contre cette fentence, & ayant appelé comme
d'abus de l'ordonnance du chapitre, & le fieiir
Bains s'étant rendu intervenant ; par arrêt du 23
mars 1709, la cour fur l'appel de ladite ordon-
nance , a dit qu'il y avoit abus ; fur l'appel de ladite
feotçnce j a mis l'appellation & ce dont eft appel I
PREDICATEUR.
au néant; émandant, déboute lefdits du chapîtfe
de Saint-Florent de Roye de Uur demande : ce fai«
fant, maintient les religieux de la charité de Roye
dans le droit & poflefljon de fe fervir , pour prê-
cher & adminiflrer les facremens dans leurs églife
& hôpital , de tels prêtres féculiers ou réguliers
qu'ils jugeront à propos , pourvu qu'ils foient du
nombre de ceux qui font approuvés par l'évéque
d'Amiens, fans que le prêtre (éculier ou régulier
par eux choifi , foit obligé , non plus que les reli-
gieux de la charité , avant que de s'immifcer dans
les fondions eccléfiaftiques , de repréfenter l'ap-
probat'on au chapitre : fait défenfes au chapitre de
Roye de les y troubler; condamne le chapitre à
tous les dépens, tant des caufes principales d'appel,
que demandes envers lefdits religieux de la cha-
rité &. Bains, chacun à leur égard. Duperrai rap-
porte cette arrêt dans fon commentaire fur l'édic
de 1695 , art. 10. On voit qu'il juge difertement
que l'évéque peut donner les approbations pour
prêcher dans le territoire des exempts , & que les
exempts n'ont pas droit d'approuver les Prédica-
teurs, puifqu'ils ne peuvent pas même fe faire re-
préfenter les approbations accordées par l'évéque.
La bénédi(5Uon que celui qui prêche devant
l'évéque eft obligé de lui demander , eft une re-
connoiffance que la prédication eft principale-
ment la fonéhon de l'évéque; qu'il n'exerce cette
fonflion qu'à fa place , & qu'il a befoin pour cela
de fon confentement. Les exempts y font aftu-
jettis comme les autres; 8f lorfque les évêques
affiftent dans leur églife au fermon , le Prédica*
teur eft tenu de leur demander leur bénédiéîion.
C'eft ce qui a été jugé au grand confeil le 22 fep-
tembre 1663 , en faveur de l'évéque de Laon ,
contre les religieux de l'abbaye de Saint-Martin
de cette ville. Par cet arrêt il eft enjoint aux re-
ligieux & aux autres eccléfiaftiqucs qui prêcheront
dans leur égtife , de demander la bénédidion de
l'évéque , lorfqu'il fera préfent.
L'approbation que les évêques donnent aux Pré-
dicateurs , doit être accordée fans frais : c'eft la dif-
pofition précife de l'art, ii de l'édit de i(^^.ti Vou-
» Ions, y eft-il dit, que lefdites permiifions ( ce
'• qui comprend celle de prêcher . comme celle de
j> confefter) foient délivrées fans frais. Le concile
» de Trente l'avoit djà ordonné ^u f'JT- 8- de refcr-^
mat. cap. 2 , ipfam antem liceniiam (^praJicandi )
gratis epifcopi concédant.
Il n'en eft point des curés comme des autres
eccléfiaftlques féculiers ou réguliers ; ayant par
leur titre droit de prêcher dans les paroifl"eS; ils
n'ont pas befoin d'une permiflîon particulière de
l'évéque, pour s'acquitter de cette fon61ion. L'fvê-
que ne peut leur interdire le miniftère de la p'édi''
cation, qu'en prononçant contr'eux une peine de
fufpenie, après leur avoir fait leur procès félon les
formes canoniques , ou en les privant de leur
bénéfice pour quelque crime. Aufti l'article 2 de
l'édit ds 1695, les exemp:e-t-il formellement de
PREDICATEUR;
l'obligation Impoféc aux eccléfiaftiques d'obtenir
des évèques une permilHon particulière. « N'enten-
»» dons comprendre dans les articles précédens les
» curés , tant f&ciiliers que réguliers , qui pourront
J» prêcher & adminiftrer le facrement de pénitence
>> dans leurs paroifî'es ; comme auffi les théologaux,
» qui pourront prêcher dans les égliles où ils font
« établis , fans aucune permifTion plus fpéciale. E^dit
« de 1695 , art. 12 ».
Comme on ne peut jamais empêcher les curés
de prêcher eux mêmes , il faut non-feulement le
confsntemcnt de l'évêque pour qu'un eccléfiaf^ique
féculier ou régulier puilTe prêcher dans une paroiiFe,
mais encore le confeptement du curé. En cflct ,
toutes les fois que l'évêque jugera à propos d'en-
voyer un cccléfla^ique pour prêcher dans une pa-
roiUe , cet ecclcfiafliqua ne montera point en chair,
fi le curé le juge à propos , parce que celui-ci pourra
toujours fe préfenter pour remplir cette fonftion
par lui même.
Mais il arrivera auflî que lorfque le curé ne fera
pas en état de prêcher , ou d'inilruire (on peuple
de quelque manière que ce foit, il fera toujours
obligé de recevoir celui que lui enverra l'évêque.
Il faudra que le curé choififfe quelqu'autre ecclé-
fiaftique pour le faire prêcher à la place : mais l'évê-
que eft le maître de révoquer les approbations qu'il
a données , lans être tenu d'en déduire les caufes.
Il pourra donc toujours révoquer celui que le curé
aura choifi : & comme le peuple doit être inflruit,
il forcera toujours le curé à confentir à ce que ce-
lui qu'il commet prêche dans fa paroifTe.
D'après cela, il eu aifé de réfoudre Ja queflion
de favoir fi les curés peuvent refufer d'admettre
dans leurs paroifles les Prédicateurs que les évè-
ques ont coutume d'envoyer pendant lavent & le
carême pour un certain nombre d'églifes de la cam-
pagne. Ces Prédicateurs n'étant donnés au curé que
pour lefoulager, & le curé pouvant lui-même fe
préfenter pour prêcher, il eu. évident qu'il efl libre
de ne pas les admettre, & que l'évêque ne peut le
forcer à les recevoir.
Quand il feroit queflion d'une fl.-îtion d'avent 81
de carême , fondée dans une paroi/Te confidérable ,
& à laquelle d'autres que le curé auroient droit de
nommer, il pourrcit toujours exclure le Prédica-
teur nommé peur le remplir, parce que ces ftatrons
n'étant fondées que pour fa décharge , il feroit libre
de les remplir lui-même.
Mais il n'en eft pas de même des miflîons extraor-
dinaires que les évèques établiflent par intervalles
dans certains cantons de leurs diocëfes , pour y ra-
nimer la pieté des peuples. Les inflrui^ions de ces
miifions fe font à des heures qui n'interrompent
point le cours des offices de la paroUle , & n'em-
pêchent point par conféquent le curé d'y inflruire
fon peuple , comme il a coutume de le faire. Ces
mi/Iions font rares, & on ne peut pas fuppofer
qu'elles aient pour but de nuire à fes droits : elles
produilent les plus heureux efists, &. fouyent ou en
PREDICATEUR. 1^9
apperçoît encore les ^fruits très-long-temps après
dans les paroifles où elles fe font faites. Ainfi un
curé qui refuferoit de les admettre dans faparoiffe,
feroit tout-à-fait déraifonnable. Et il y a liea de
croire qu'il feroit condamné, en cas qu'il fe pour-
^ ût par l'appel fimple ou par l'appel comme d'abus,
pour qu'elles n'culTent pas lieu chez lui.
Si l'évêque trouve toujours le moyen d'obliger
un curé qui ne peut pas prêcher par lui-même , à
recevoir le Prédicateur qu'il lui envoyé, lors mê-
me qu'il a jeté les yeux fur wn autre ; il peut l'y
forcer abfolement , quand il néglige de prêcher ou
de faire prêcher. Le curé manque alors à fon de-
voir ; c'eil le cas où le fupérieur doit fuppléer à {oa
défaut , Si la juridi£lion ne lui a été donnée que
pour cela. L'évêque peut donc commettre alors un
Prédicateur pour prêcher à fa place, quoiqu'il re-
fufe d'y confentir. Le concile de Trente veut que
lorfque les curés négligeront de s'acquitter de ce
devoir, les évèques nomment des Prédicateurs
pour le faire à leur défaut, de que les curés foient
tenus de les payer. C'eft la riifpofition du quatrième
chapitre </e reformât, fejf. 24. Sanfta fynodus ....
mandat .... ut , . , . in aliis eccUJîis per parochos ,
five , ils ïmpeditis , per alios ab epifcopo , impenfis
eorum qui cas prajlare vel tenentur , vel foient , dc-
pùtandos in civitate , aut in quacumque parte diœ-
cefeos cenfebunt expedire , faltem omnibus domini-
cis facrgs fcripturas divinamque legem an~
nuntisnt.
Mais quand le curé ne feroit point négligent de
prêcher , qu'il fe préfenterolt même pour le faire ,
l'évêque peut toujours l'en empêcher, s'il juge à
propos de prêcher ce jour-là dans la paroiiTe. L'évê-
que eft le premier pafteur du diocéfe , & par con-
féquent de la paroifTe ; la prédication fur-tout eft
fa fonflion , & le curé ne s'en trouve jamais chargé
qu'en fécond & à fa décharge. Il faut pourtant ©b-
ferver qu'il n'y a que l'évêque feul & en perfonne
qui foit en droit de prêcher lorfque le curé fe pro-
pofe de prêcher lui même.
On peut demander ici fj les curés ont le droit de
prêcher ailleurs que dans leurs paroifTes fans la per-
mifTion de l'évêque. Il eft certain qu'il leur faut
alors une permifl'ion fpéciale , comme aux autres
prêtres du diocèfe ; & que cette permiffion , après
l.nir avoir été accordée, peut être révoquée au
gré diJ l'évêque , fans qu'il foit obligé de déduire
les r.iifons pour Icfquelles il la révoque. Par leur
titre, ils ont droit de remplir toutes les font^ions
du miniftère dans leur paroifîe; mais ce droit ne
s'étend pas ailleurs. Ils ne font pas plus , par rap-
port aux paroiffes voifincs , que les autres ecclé-
fiaftiques du diocèfe , qui ne font point attachés au
mini/iére par le titre de curé.
L'exception qui a lieu par rapport aux curés, a
lieu auHi à l'égard des thcologaux. Nous avons vu
que l'art. li de l'édit de 169^, déclare que les
théologaux , de même que les curés , ne font point
obligés d'obtenir une permifTion fpéciale, pour
'î70 PREDICATEUR.
prêcher dans les églifes où ils font établis , n comme
î) auflî les théologaux , qui pourront prêcher dans
»> les églifes où ils font établis , fans aucune per-
>) miflîon plus fpécisie ». Edit de 169^ , art. 12.
L'établilfement des théologaux n'eft pas de la
première antiquité. Sans le chercher dansTéglifc
grecque , où l'on prétend qu'ils ont exifté d'abord ,
l'opinion commune eft qu'il ne remonte point au-
delà du troifième concile de Latran , en 1 179.
Cependant i! ne faut pas même l'attribuerjà ce
concile , parce que le 18^. canon , où il eft quef-
tion de les établir , confeille feulement de le faire,
fans contenir de difpoCtion précife à cet égard.
Ceft du 4*^ concile de ce nom qu'il faut véritable-
ment dater leur établiflement, parce qu'Innocent
III ordonne exprefTémcnt d'en inftituer dans toutes
les églifes cathédrales. C/ndè cùm fxpe cont'uigat
qubd cp'ifcop'i , propter fuas occupationes multiplices ,
vel invalctudincs corporaUs .... per jeipfos non fuj-
ficiunt minijlrare verbum dei populo , maxime pcr
amplas diœcefes & diffufas , générait confthutione Jan-
cïmus , lit ep'ifcopi viros idoneos ad fanâcc prœdica-
tionis oficium ftilubriter exeqiiendum ajfumant , po-
tentes in opère & fermone .... undè pracipirnus .. . .
in cathcdralibus viros idoneos ordinari , quos
epifcopi pojpnt coadjutores & cooperatores habere . ^ .
in prczdicationis off.cio .... Innocen. III in concil.
Lûteran. cap. inter cxtera extra, de ofîcio judicis
ordinari!.
Quoi qu'il en foit , ils ne furent d'abord établis
que dans les églifes métropolitaines. Le concile de
Bafle en 1438 , fejf. 31 , <:. 3 ; la pragmat. tit. de
collât, fejf, 10; le concordat , fif. ^^ ccZ/'Z^ ont or-
donné d'en établir dans les cathédrales. L'ordon-
nance d'Orléans , art. 8 , a adopté ces difpofitions.
^> En chacune églife cathédrale ou collégiale, fera
« réftrvêe une prébende afleé^ée Tiun doéleuren
ï) théologie , de laquelle il fera pourvu par l'arche-
5> vêque , évêque ou chapitre , à la charge qu'il
■n prêchera & annoncera la parole de Dieu , chacun
5> jour de dimanche & fêtes folemnelles , & es au-
» très jours , il fera & continuera trois fois la fe-
j> maine une leçon publique d'écriture fainte , &
» feront tenus & contraints les chanoines d'y aflif-
» ter, par privation de leurs diftributions ». L'art.
33 de l'ordonnance de Blois , a excepté du nom-
bre des collégiales, où l'établiffement du théologal
devoit avoir lieu , celles où le nombre des pré-
bendes ne feroit que de dix , outre la principale
dignité. « Nous voulons que l'ordonnance faite à
S) la réqulfnion des états tenus à Orléans , tant pour
M les prébendes théologales que préceptoriales ,
« foit exaéiement gardée, fors Sc excepté toutefois
« pour le regard des églifes où le nombre des pré-
j) bendes ne feroit que de dix, outre la principale
w dignité ».
Les fondions du théologal étoient de deux ef-
pèces différentes; il devoit prêcher dans la cathé-
drale tous les dimanches & fêtes de l'année , à la
w diargc , <iit l'article déjà cité de rordonuance
PREDICATEUR-
» d'Orléans , qu'il prêchera &. annoncera la parole
» de Dieu chacun jour de dimanche & fêtes folem^
» nelles ». 11 étoit tenu , de plus , de faircdes le-
çons d'écriture fainte ou de théologie aux cha-
noines , une ou deux fois la femaine. Cette fécondé
partie de fes fonflions eft exprimée dans la fuite
du même article. « Et es autres jours , il fera &
» continuera , trois fois la femaine, une leçon pu-
n blique d'écriture fainte ou de théologie aux cha-
» noines ».
Les leçons des théologaux ne font plus en wfage
aujourd'hui. La célébrité des univerfités , le con-
cours des étudians qui s'y rendoient de toutes parts ,
la réputation des maîtres qui y enfeignoient , ont
fait que les chanoines qui étoient dans le cas d'étu-
dier la théologie, ont mieux aimé y aller prendre
les leçons de cette fcicnce , que de les recevoir du
théologal dans leurs églifes, & les théologaux oni:
ceffé de donner des leçons, faute d'avoir des difci-
ples pour les entendre.
A l'égard de la prédication , ils font toujours
obligés de s'en acquitter. Les conciles & les ordon-
nances qui les établiflent , leur impofent le devoir
de prêcher tous les dimanches & fêtes de l'année.
Ainfi , régulièrement parlant, ils font tenus de le
faire tous les dimanches & fêtes. Cependant ils
font difpenfés ordinairement de prêcher l'avent &
le carême , parce que les fermons d'avent & de ca-
rême font prefque toujours fondés. En général , le
plus ou le moins de befoins des lieux , les diffé-
rentes fondations de fermons dans les églifes , ainfi
que les claufes des aéles d'établiffement des pré^
bendes théologales, font des circonilances qui peu-
vent diminuer les charges & les devoirs des théo-
logaux. Il y a même des églifes, comme celles de
Paris , où les théologaux ne font chargés que de
trois ou quatre fermons par an , foit à caufe de la
modicité de leurs prébendes, foit parce que tous
les autres fermons font fondés.
Les théologaux étant chargés , par leur titre
même , du miniffère de la prédication , il en eîî
d'eux comme des curés , 8c tout ce que nous aV'ofiè
dit par rapport aux curés peut fe dire à leur égard.
Aiiifi ils n'ont pr.s befoin depermiilion fpéciale pour
prêcher ; l'évéque ne peut les empêcher de s'ac-
quitter de cette fonflion , fans leur faire leur pro-
cès. Ce n'eff que lorfqu'ils refufent de prêcher ou
défaire prêcher, que l'évéque a droit dénommer
un autre Prédicateur , pour le faire à leur place ; &
lorfqu'ils commettent un prêtre pour prêcher dans
la cathédrale , il faut qu'il foit du nonibre de ceux
qui fon: approuvés par l'évéque. L'édit de 1695 en
contient une difpofition formelle.»» Les théologaux
» ne pourront fubOituer autres perfonncs pour prê-
» cher à leur place, fans la pernvfllon des arche-
» vécues & évêques ». Article 13.
De mên-.e ils ne peuvent être empêchés de prê-
cher que par l'évéque en perfoune. S'ils veulent
prêcher ailleurs que dans la cathédrale , ils ne peu-
vent le faire fans la permilîion de l'évéque ; & les
PREDICATEUR.
théologaux qui font pourvus par d'autres que par
les éveques , ne peuvent exercer leurs fon6iions ,
fans avoir obtenu la miflion de rtyêqueou de fes
grands vicaires. Toutes ces propofitions (ont autant
de conféquences naturelles de l'autorité qu ont les
évéques, en vertu de leur juridiil.on épifcopale ,
dans lapprobation des Prédicateurs.
'biominalion des Prédicateurs.
Il y a une grande différence entre la nomination
des Prédicateurs & leur approbation. L'approba-
tion dépend de la juridiâion , & la nomination , de
la polîenion & du titre i il n'y a que les évéques
qui puitfent approuver les Prédicateurs , au lieu
qu'un grand nombre de perfonnes peuvent avoir
le droit de les nommer. Tels font les curé & mar-
guilliers d'une paroiffe , les particuliers qui ont
ibndé des fermons , ou ceux a qui les fondateurs
ont jugé à propos d'en afflircr le droit.
Que faut-il donc penfer d'un arrêt cité par Du-
perrai dans fon commentaire fur l'cdit de 1695 ,
qui femble contraire à ces maximes ? Cet arrêt,
rendu , félon lui , le 24 janvier 1699, déboute les
habitans de Moulins de la demande qu'ils avoient
formée contre févéque d'Aunui , atin de faire
preuve de la poffcflion ou ils étoient de nommer
un Prédicateur.
Si cet arrêt exlfte , il eft folitaire & contraire anx
règles , & par conféquent ne peut être tiré à confé-
quence ; d'ailleurs , il peut avoir été rendu dans des
circon/îances particulières , qui ne font point con-
nues aujourd'hui , & d'après lefquelles il ne feroit
pas même contraire aux principes que nous êtablif-
fons. Au refle, févéque de Boulogne ayant voulu
obtenir la même cho(ê contre les habitans de Saint-
Pol en Artois , qui étoient en poffeffion de nommer
un Prédicateur, il en fut débouté par arrêt du 30
décembre 1710. On trouve encore dans le journal
des audiences un arrêt du 2 février 1624 , qui juge
que la nomination des Prédic.iteurs appartient au
curé & aux marguilliers , & non à l'évéque ou à
fon grand vicaire.
Mais il faut \\n titre valable ou une po/TeiTion
fuffifante , pour être en droit de nommer les Prédi-
cateurs. L'article lodel'éditde 169^ , décidant que
l'approbation eil néceffaire où il y a un titre 6c pof-
feffion valable , pour nommer les Prédicateurs ,
fup;;ofe qu'on ne peut avoir droit à la nominition
fans un t.tre ou in; pofleffion fuHifante. Ainfi, les
curé & marguillitrs d'une paroilfe ne peuvent pré-
tendre au droit de nommer leurs Prédicateurs ,
qu ils n'aient un titre qui le leur accorde, ou qu'ils
ne fôienr en pofleffion de le faire.
Les femmes font exclues du droit de nommer un
Prédicateur , quoiqu'il leur foit accordé exprcflé-
ment par la fondation. C'eft ce qui réfulte d'un ar-
rêt rendu au parlement de Paris le 24 feptembre
1578. Le cardinal de Créqui avoit laiiTé , par fon
tertament, une rente de trois cents livres, pour
entretenir un Prédicateur qui feroit clioifi par fes
PREDICATEUR. 271
fLicceffeurs évéques d'Amiens , du confentement
du chapitre & de la dame de Gouvrain , fa fœur 8c
(on héruiêre. Après fon décès , levéque d'Amiens
choifit un Prédicateur : il confulta pour cet effet
fon chapitre, mais n'eut aucun égard à la claufe
qui exigeoit qu'il demandât le confentement de la
dame de Gouvrain. Celle-ci le fit appeler au bail-
liage d'Amiens. La fentence rendue en confé-
qucnce fut favorable à l'évéque ; & fur l'appel in-
terjeté de cette fentence par la dame de Gouvrain ,
intervint l'arrêt qui la déclara non-recevabledans fa
demande.
Avant l'édit de 1695 , les évéques étoient en
quelque façon forcés de laifTer prêcher tous ceux
qui étoient nommés par les perfonne* qui avoient
titre ou poilelïïon pour les nommer , parce que
les parlemcns les obligeoient prefque toujours à
les approuver. Mais cet édit a rétabli les évéques
dans tous leurs droits par rapport à l'approbation
des Prédicateurs. Il décide que les Prédicateurs ne
pourront prêcher dans les eglifes même où il y a
titre ou polî'effion pour nommer les Prédicateurs ,
fans avoir obtenu l'approbation de l'évéque. (t Et
» es églifes où il y a titre ou polfelTion valable pour
r> la nomination des Prédicateurs, ils ne pourront
» pareillem.ent prêcher fans l'approbation & mif-
3» lion defdits archevêques ou évéques it. Article
10, édit de 1695. Et comme parle même article
les évéques font maîtres de refufer ou de révoquer
les approbations , ainfi qu'ils le jugent à propos,
fans erre tenus d en rendre compte à perfonne, les
évéques ne font jamais forcés , aujourd'hui , de
laiiTer prêcher malgré eux un Prédicateur , quoi-
que n®mmé par ceux qui en ont le droit, parce
qu'ils peuvent lui refufer leur approbation , ou la
révoquer, en cas qu'il l'ait déjà obtenue.
Et ceci eft vrai, non-feulement par rapport aux
Prédicateurs nommés par les curés & marguilliers
des paroiffes ou par les fondateurs, mais même à
l'égard de ceux qui font nommés par les chapitres
des cathédrales pour prêcher dans leurs églifes.
Lorfqu'ils ont titre ou poffefTion pour nommer les
Piêditateurs, c'eft à eux à le faire ; mais l'évéque
n'eft jamais tenu de donner fon approbation à ceux
qu'il leur a plu de choifir ; & peu importe que le
chapitre foit exempt ou non ; quelle que foit l'é-
tendue de fon exemption & de fes privilèges , il
n'eft pas plus difpenfé que les autres chapitres de
choifir des prêtres qui aient l'approbation de l'é-
véque.
Dans toutes les églifes qui n'ont point titre ou
pofTeflîon valable pour nommer leurs Prédicateurs ,
c'eft à l'évéque qu'il appartient de les nommer ; ce
qui doit s'entendre même des chapitres exempts ,
comme de toutes les autres églifes du diocèfe. En
effet , la cathédrale , quand on la fuppoferolt
exempte, eft toujours l'églife de l'évéque, celle
où eft établie la chaire épifcopale & oii il doit exer-
cer les fomSions de fon miniiîère. C'eH là par con-
féqucHt qu'il efl obligé de prêcher, s'il le peut ,
r-j-L PREDICATEUR.
ou de faire pi-ècher , fi fes infirmités oii d'autres ral-
fons l'empêchent de s'acquitter de ce devoir. Toi.s
ceux qui y prêchent ne prêchent qu'à fa place \
c'eft proprement une de fes fondions qu'ils exer-
cent, & une de fes obligations qu'ils acquittent. A
quel autre donc le pouvoir de les choifir peut- il
appartenir de droit commun ? Le chapitre de Châ-
lons en Champagne, qui fe prétend exempt , con-
tcfta ce droit à fon évêque dans le quatorzième
fiècle ; mais il fut condamné par arrêt du i 5 février
i'j64. Cet arrêt eft rapporté dans Fevrct , liv. 3 ,
chap. I , n. 11.
Mais quand même le chapitre exempt feroit en
pcfTeiTion de nommer les Prédicateurs , il ne pour-
roit empêcher révêque de prêcher lui-même dans
fa cathédrale , lorfqu'il le juge à propos. Les fon-
dations de fermons , quelles qu'elles foient dans la
cathédrale , ne font établies qu'à la décharge de
révêque. Il eft le pafteiir de fon peuple , le dofleur
de fon églife ; tous les autres Prédicateurs , foit
qu'il ne les nomme pas lui-même , foit que le choix
lui en appartienne , ne font que fes fubftitùts; rien
ne peut donc l'empêcher de faire entendre fa voix
» fes ouailles , & de s'acquitter par lui-même de
fes devoirs.
Cependant , comme pour nommer un Prédica-
teur on eft obligé de prendre fes mefures quelque
temps d'avance, par rapport à cette nomination ,
& que ce feroit compromettre le chapitre que de
lui laiffer nommer un Prédicateur , pour l'empê-
cher enfuite de prêcher , l'évéque eft obligé d'aver-
tir quelque temps auparavant , qu'il fe difpofe à
prêcher un tel jour. C'eft ce qu'ordonne exprefié-
ment un concile de Narbonne de l'an 1585.
Les curés ont aufll le même droit , comme nous
l'avons remarqué plus haut ; mais ils font égale-
ment obligés , lorfqu'ils veulent prêcher eux-mê-
mes, de prévenir un certain temps auparavant ceux
qui ont la nomination des Prédicateurs. Ce temps
a été déterminé dans une efpèce un peu différente
du cas que nous examinons ici , par un arrêt con-
tradiâoire du confeil privé du 26 janvier 1644,
Tendu entre l'évéque d'Amiens & le chapitre de
fon églife , à trois mois d'avance pour les prédica-
tions du carême.
Cet arrêt rendu au rapport de M. Thierfault,
après en avoir communiqué à M. lévêque de
Meaux , à M, de Marca , & à MM. de Léon &
d'Ormeflbn, tous confeillcrs d'état, ordonne que
révêque d'Amiens ayant nommé un Prédicateur
pour prêcher le carême dans l'églife d'Amiens, en
donnera par chacun an avis au chapitre , trois mois
avant ledit carême , afin de lui faire entendre s'ils
trouvent à redire quelque cliofe en fa perfonne.
Lorfque c'eft au chapitre ou aux marguilliers qu'ap-
partient la nomination des Prédicateurs du ca-
rême, & que l'évéque ou le curé veulent prêcher
pendant ce temps , il eft raifonnable de penfer
qu'ils font tenus de les avertir le même temps d'a-
vance , pour ne pas leur faire faire de fauffes de-
PREDICATEUR.
marches , en retenant mal-à-propos les Prédica-
teurs , ou pour ne pas donner lieu à ceux-ci de fe
préparer inuiilement, s'ils ent été déjà retenus.
11 faut obferver , que lorfqu'il y a quelque con-
teftation au fujet de 1 heure de la prédication , le ju-
gement de cette conteftation dépend de l'ordinaire ,
ainfi qu'il a été jugé par arrêt du 30 mars 1647 »
rendu en faveur de l évêque de L ingres , contre le
chapitre de l'églife cathédrale de la même ville.
Nonobftant l'exemption du cliapitre , l'évéque
peut faire la miflion dans fou églife cathédrale , y
faire alors prêcher & confeffer , & y établir tous
les autres exercices de pieté qui ont lieu dans les
miflions , mais à condition qu'il en donnera avis au
chapitre, & qu'il prendra, pour la prédication &
les autres exercices de piété, les heures commodes
pour ne point troubler l'office canonial. La raifon en
eft, que l'églife cathédrale eft l'églife matrice du dio-
cèfe, & que c'eft la chaire épifcopale qui lui donne
le titre de cathédrale. C'eft ce qui a été jugé contre
le chapitre d'Amiens par l'arrêt déjà cité du 26 jan-
vier 1644. Il eft dit par cet arrêt , que ledit évêque
pourra faire faire la million , quand bon lui fem-
blera , dans fon églife cathédrale , & y faire prê-
cher, confefler S: adminiftrer les facremens fans
troubler l'office canonial , après en avoir fait don-
ner avis au chapitre.
L'article ladu règlement des réguliers, porte ,
que révêque , en cas de proceffions qui fe font
dans les églifcs des monaftères exempts , peut prê-
cher ou faire prêcher devant lui quelles perfonnes
il juge à propos.
Salaire dts Prcdictiteurs.
Le concile de Trente , en ordonnant que les
évêqucs auront foin que les peuples foient initruits ,
foit par leurs propres curés , foit , au défaut de
leurs propres curés , par des prêtres qu'ils commet-
tront à cet effet , aux dépens de ceux qui ont cou-
tume ou qui font obligés de payer les Prédicateurs ,
impcnjis coTum qui eus vel prajlare tenentiir ,vel foient ,
fuppofe que ce qui regarde le fâlaire des Prédica-
teurs eft de la connoiffance des évêques. L'article
1 1 de redit de 1606 , fe conformant en cela à la
difpofition du concile de Trents, ordonnoit aufti
que les feuls juges eccléfiaftiques pourroicnt con-
noître des difficultés qui s'éleveroient touchant le
falaire des Prédicateurs : " Pour le falaire defquels
M Prédicateurs, au cas qu'il y eiit différend , ne
» s'en pourront adreffer à nos juges ordinaires ,
» mais feulepient pardevant nofdits archevêques &
V évêqnes , ou leurs officiers ».
Mais par l'arrêt d'enrcgiftrement de cetédit, il
eft ordonné que cette dernière claufe fera ôtée.
Ainfj ce n'eft point aux évêques à fixer le falaire
des Prédicateurs, ni à leursofficiaux àconnoîtredes
difficultés qui s'élèvent à ce fujet.
La fondion du Prédicateur eft trop noble & trop
augufte ; pour quelej Prédicateurs puiffent en faire
PRÉDICATEUR.
un trafic &. la regarder comme une efpèce de com-
merce; c'eft pourquoi les conciles leur détendent
toute convention au fujet de leur falaire. Ils peu-
vent recevoir ce qui leur a été afligné par les (on-
dateuts. Se , au défaut de fondations , attendre de
la génerofité des fidèles quelque marque de leur
reconnoilfance , mais il feroit indécent de mettre à
prix & de vendre, pour ainfi dire, la parole de
dieu. Ce l'ont les raifons fur lefquelles le concile
de Toulouic de ijço , & celui de Narbonne de
1609, fondent la défenfe qu'ils font.
Dans la plupart des églifes importantes, comme
font les cathédrales & les paroilîes des villes, où
les prédications de l'avcnt 6c du carême font fon-
dées , il n'y a jamais de difficulté au fujet du falaire
des Prédicateurs. Ils reçoivent ce qui leur eft attri-
bué par la fondation pour l'avent ou le carême
qu'ils prêchent.
Il ne peut y en avoir que lorfqu'il eft dans l'u-
fage immémorial d envoyer un Prcd cateur duus
un endroit pour lavent & le carême, & qu'il n'y
a aucune fondation faite pour fes honoraires. On
demande alors qui doit être chargé de payer le fa-
laire du Prédicateur.
Ordinairement ces Prédicateurs font des men-
diaus , qui n'ont point d'autre falaire que la perin;t-
fion de quêter dans l'endroit où ils prêchent. Les
maires & les habitans des villes ne font point ad-
mis , dans un pareil cas , à leur refuferla permillion
de quêter. C'eft ce qui fut jugé en 1633 par un ar-
rêt du confcil privé. Les maire & hiibicans de la
ville de Elois prétendoient être en droit de nom-
mer les Prédicateurs; l'évêquc de Chartres, évcque
diocéfain , avant l'êreâion de Blois en év^ché ,
foutint , de fon côté , que c'étoit à lui qu'nppartc-
noit le choix des Prédicateurs. La nomination des
Préd^icateurs fut confervée s l'vlvêque par cet arrêt ;
& comme les Prédicateu:s ne fubfinoient que des
quêtes qui fe faifoient pour eux dans la ville , Se que
les maire & échevins voiiloicnt empêcher ces quê-
tes, l'arrêt leur défendit de mettre aucun obftacle
à ce que les quêtes fe fiffent à l'ordinaire pour la
fubfiitan ce des Prédicateurs. Cet arrêt a donc jugé
que dans les lieux où l'ufage eu. que les Prédica-
teurs ne fubfjftent & ne font payés que par le
moyen des quêtes qu'on leur permet de faire , les
habiians ne peuvent les empêcher.
La jurifprudence n'eft pas contante au fujet des
autres moyens de pourvoir à leur falaire. Celle du
parlement de Touloufeeft de condamner tous ceux
qui partagent les fruits décimaux , à contribuer au
falaire des Prédicateurs , pour la part des fruits
qu'ils perçoivent , & d'obliger les habitans à it5
nourrir ; c'eft ce qui réfulte de plufieurs arrêta
rapportés par Maynard. Selon BaHet , cette jurif
prudence efi: aufli fuivie en Dauphiné.
En général , c'eft l'ufage qui fait la règle en cette
matière ; & comme cet ufage eft différent , fcion
la diverfjté des lieux, il ne faut point être étonné
de la différence & de l'cfpèce de coniradii^ion qui
Tiiii. XUL
PRÉDICATEUR. ijt
fe rencontre entre les arrêts rendus au fujCt du fa-
laire des Prédicateurs. Quelquefois les habitans
font condamnés à fournir le logement , la nourri-
ture , & l'entretien des Prédicateurs qui leur font en-
voyés par l'évêque ; C'eft ce qui eft arrivé aux ha-
bitans de Saulieu , diocèfe d'Autun , par arrêt du
confcil privé du 21 juin 1687: quelquefois auflî le5
décimatcurs y font obligés pour le tout ou en p;;r-
tie : ainfi jugé au parlement d'Aix par arrêt du Ç
mai 1676, qui a condamné b prieur d Arg^u , en
qualité de décimateur de l'endroit, à payer trente
livres du falaire du Prédicateur de lavent.
Privilège des chanoines Prédicateurs.
Les dignités ou chanoines employés^par l'évêque
aux miiîions & aux prédications dans le diocèfe ,
/ont réputés préfens au choeur , & gagnent toutes
les diftribiitions , tant quotidiennes que manuel-
les , comme ceux qui y aftîftent. Mais ils font obli-
gés d'apporter des certificats des curés & niargui!-
liers des paroifles dans lefquelles ils travaillent; i:s
ne peuvent être employés qu'en certain nombre en
même temps, afin qu'il en refte aflcz pour deiTervir
l'èglife ; & avant de partir pour les millions , ils
font tenus d'en donner avis au chapitre.
C'eft ce qui a été jugé par arrêt du confeil d'état ,
du 30 octobre 1640, pour le chapitre de Chartres.
Comme ce chapitre eft un des plus n-^mbreux du
'royaume, l'arrêt permet que les chanoines foicnr
députés en même-temps au nombre de quinze pour
le fervice des miirions ; trois pour les prédications ,
& douze pour le refle des exercices de la miflîon.
On fent que dans un chapitre moins nombreux le
nombre de ceux qui feroient tenus préfens , feroit
bien moins confidérable , parce que la règle eft,
qu'il refte un nombre de chanoines & de dignités
fuffifant pour le fervice ordinaire de l'èglife.
Connoijfdiice de ce qui concerne la prédication.
C'eft aux premiers pafteurs à connoitre de la
doctrine: les évêques font, par leur in(litution ,
juges de la foi & de la morale : c'eft un droit
efiêntiellemcnt attaché à leur caraftère , & dont ort
ne pourrroii les dépouiller, fans porter atteinte i
la juridiâion & au pouvoir qui leur ont été accor-
dés par Jéfus-Chrift même. Auffi nos rois leur ont-
ils conftamment reconnu ce droit.
» La connoiflance & le jugement de la do^rine
» concernant la religion, appartiendra aux arche-
I» véques & évéques ; enjoignons à nos cours ûc
)? parlement, & à tous nos autres juges , de la
» renvoyer auxdits prélats , de leur donner l'aide
)) dont ils auront eioin pour l'exécution des cen-
» fures qu'ils en pourront faire , ^ de procédera.
» la punition des coupables «. Art. 30 , édit de
1693-. ^
Mais 11 la prédication d'une doifïrine qui a été:
condamnée , trouble l'ordre public & la trnnqu'lliti
de l'état , c'eft au fouvcrain eu à ceux qui excitent
la juftice en fon nom , à pourfilivre & ri punir,
} par des peines proportionnées les auteurs de c^r-.-a'.i-
M
m
274 PRÉDICATEUR;
ble. Ceft la difpefition contenue dans la fuite de
Tarticle que nous venons de citer , « fans préjudice
>» à nofdites cours 6f juges de pourvoir par les au-
j> très voies qu'ils eftimeront convenables , à la ré-
î> paratlon du fcandale & trouble de l'ordre 6c tran-
»» quillité publique , & contravention aux ordon-
») -nances , que la publication de ladite dodrine aura
»> pu caufer i>. Il efl certain que ces deux difpofi-
lions confervent tous les droits du lacerdoce 8c
de l'empire, & contiennent les vrais principes
concernant le jugement fit la connoiffance de la
doârine.
Ainfi, quand les Prédicateurs avancent dans leurs
fermons quelques maximes contre la foi ou contre
la morale, ce font les juges eccléfiaftiqucs qui doi-
vent en prendre connoiflance , & c'eft à eux qu'il
appartient de les punir par l'interdit Se les autres
peines canoniques ; mais fi ces fermons tendent à
exciter les peuples à la révolte , à troubler la tran-
quillité de l'état, ou à détruire la réputation des par-
ticuliers , alors c'eft aux juges royaux ordinaires
à faire cefler ce fcandale , & à punir ceux qui l'ont
occafionné , par des peines proportionnées à la na-
ture du crime 8c au trouble qu'ont caufé leurs pré-
dications. (^Article de M. l'aibé La c/S/ir, avocat
au parlement').
PRÉFÉRENCE. C'eft l'avantage qu'on donne
à une perfonne fur une autre.
En matière bénéficiale , le gradué nommé le plus
ancien a la Préférence fur les autres dans les mois
de rigueur.
En matière civile , on préfère en général celui
qui a le meilleur droit, & dans le doute on donne
la Préférence à celui qui a le droit le plus apj^a-
rent. C'eft fur ce dernier principe qu'eft fondée
cette règle de droit, in pari cau/â ^ melior tjl pojfi-
dentis.
De même , dans le doute , celui qui contefte
pour éviter le dommage ou la diminution de fon
ÎDÏen , eft préférable à celui qui certat de lucro cap-
tando.
Entre créanciers hypothécaires , les plus anciens
font préférés, qui prior ei tcmpore , potior efl jurt.
Ce principe eft bbfervé par-tout pour la diftribu-
tion du prix des immeubles. '
A l'égard des meubles, il y a quelques parle-
jnens où le prix s'en diftribue par ordre d'hypo-
thèques, quand ils font encore entre les mains du
riébiteur , comme aux parlemens de Grenoble ,
de Touloufe , de Bordeaux, de Bretagne & deNor-
niandie.
Mais au parlement de Paris , & dans la plupart
des provinces du royaume, où les meubles i:e peu-
vent être fuivis par hypothèque , c'eft lecréa)Tcier
le plus diligent, e'eft-à-dire le premier faififtatit ,
qui eft préféré fur le prix des meubles , à moins
(iU\\ n'y ait déconfiture; auquel cas les créanciers
viennent tous également par contribution au fou
la livre.
L'Inftançc qui s'inftruit pour régler la d'iftribution
PREFERENCE.
des deniers faifis ou provcnans de la vente des meu-
bles , s'appelle inflance de Préféience : c'eft ordinai-
rement le premier faififlant qui en eft le pourfui-
vant , à moins qu'il ne devienne négligent ou
fufpefl de coUufion avec le débiteur , auquel cas un
autre créancier fe fait fubroger à la pourfuite.
Cette inftance de Préférence s'inftruit comme
l'inftiince d'ordre ; mais l'objet de l'une & de l'autre
eft bien différent ; car l'inftance d'ordre tend à faire
diftribuer le prix d'un immeuble entre les créan-
ciers , fuivant l'ordre de leurs privilèges ou hypo-
thèques , au lieu que l'inftance de Préférence a pour
objet de faire diftribuer des deniers provenus d'ef-
fets mobiliers , par priorité de faifie , ou par contri-
bution au fou la livre.
L'article premier de l'édit du mois d'août 1669,
porte que le roi fera préféré aux créanciers des ofti-
ciers comptables, fermiers généraux ou particuliers ,
ôc autres ayant le maniement de fes deniers , fur
les fommcs qui proviendront de la vente des meu-
bles & effets mobiliers fur eux faifis , fans concur-
rence ni contribution avec les autres créanciers ,
nonobftant toutes faifies précédentes ; à l'exception
néanmoins des frais funéraires, de juftice & autres
privilégiés ; des droits du marchand qui réclame fa
marchandife dans les délais de la coutume , & du
propriétaire des maifons des villes , fur les meu-
bles qui s'y trouveront , pour fix mois de loyer;
l'art. 1 conlérve la nicme Préférence fur le prix des
offices comptables 8c droits y annexés ; par l'art. 3 ,
le roi entend être préféré fur le prix des immeubles
acquis depuis le maniement de fes deniers , néan-
moins après le vendeur Si celui de qui les deniers
ont été employés à l'acquifition , pourvu qu'il en
foit fait mention fur la minute & fur Texpédition du
contrat ; ce qui doit être exécuté nonobftant toutes
coutumes Si uùges contraires , auxquels il eft dé-
rogé. A l'égard des immeubles acquis auparavant ,
le roi a feulement hypothèque du jour des provi-
fions des offices, des baux des fermes , des traités ou
des commiflions. Il eft encore ordonné , par l'art. 5.
que ce qui eft réglé par les articles précédens aura
lieu , nonobftant les oppofitions èc aéilons des fem-
mes fèparées de leurs maris , tant à l'égard des
meubles trouvés dans la maifon du mari , qm n'au-
ront pas appartenu à la femme avant le mariage ,
que fur le prix des immeubles acquis par elle de-
puis la féparation , s'il n'eft juftifié qu« les deniers
employés à l'acquifition lui appartiennent légiti-
mement.
L'article 14 du titre 8 , du gros, de l'ordonnance
du mois de juin 1680, porte, qne fur les deniers
provenans des meubles faifis ^ vendus, le fermier
du roi fera payé par Préférence à tous créanciers,
môme au propriétaire de la maifon , excepté pour
deux quartiers de loyer , y compris le conrant ,
nour lefquels le propriétaire fera préféré, en affir-
mant qu'ils lui font dus , 8c fans qu'il puiffe préten-
dre aucune Préférence pour les réparations.
L'article 4 du tiirc commun de l'ordonnance du
1?RÉFERENCE.
mois de juillet i68l, veut que les fermiers des
droits du roi aient contre les fous -fermiers les mê-
mes aillions , privilégias , hypothèques , droits de
contraindre ik. pourfuivre , que fa majeAé a contre
le fermiers.
Suivant l'article 5 , ce qui tii ordonné à l'égard
des fermiers contre les fous-ferniicrs , doit pareil-
lement avoir lieu à l'égard des uns & des autres
contre leurs commis.
L'article 6 veut que les fermiers & fous-fermiers
qui foiu crédit des droits du roi , & qui viennent
par a£lion , oppofition , intervention , plainte ou
autrement , même dans lés cas auxquels ils peuvent
le faire payer fur le champ, foient préférés fur les
mfcubles à tout autre créancier , même à ceux qui
ont prêté leurs deniers pour les acheter.
Cette Préférence ne dpit néanmoins avoir lieu,
félon l'article 7 , qu'autant que les foumiflions &
promefTes que les fermiers ou fous-fermiers ont
prifes des redevables , font libellées pour les droits
du roi , conformément aux regiftres & aux décla-
raiio;is qi-.i en ont été fr.ites.
Suivant l'article 8 , la Préférence ordonnée pour
les droits du roi , ne doit point avoir lieu pour les
conhfcations de la jufle valeur, en ce qu elles excé
dent ces droits , ni pour l'amende & les dépens.
Il cù ordonné par l'article 9 , que dans les con-
teftations & inftances de Préférence, entre le^ fer-
miers & fous-fermiers d'un bail précédent , &ceux
du bail courant, faififfans ou oppofans fur les meu-
bles de leur débiieur commun , pour les droits dw
roi , confifcation , amendes & dépens, ceux du bail
courant feront préférés à ceux du bail précédent, à
moins que In faifie ouoppoiition de ceux-ci n'ait été
formée avant l'expiration du bail; auquel cas , ils
viendront par concurrence, laquelle doit avoir lieu
pareillement en cas que tous les baux foient expirés
avant les faifies & oppofitions , & auffi lorfque les
fermiers des baux courans fe trouvent créanciers
& oppofans fur les autres biens.
Par arrêt de règlement rendu au confeil le ai
mai 1709, le roi a oràonné que, pour raifon du
payement des droits d'infinuation laïque , les fer-
miers auroient , tant fur les fonds que fur les fruits
des immefibles, fujets à ces droits, un privilège
fpécial , & feroient préférés à tout aiure créan-
cier , même aux vendeurs, & à ceux qui auroient
prêté leurs deniers pour l'acquifuion de ces im-
meubles.
Par un autre arrêt du confeil du 14 août 1714 ,
il a été ordonné que les fruits & revenus des héri-
tages fujets aux droits d'amortiflement , franc-fief
ik nouvel acquêt , qui feroient faifis à la requête
du fermier de ces droits , lui feroient délivrés juf-
^'à concurrence des fommes portées aux états de
contrainte , par Préférence à tout autre faififlant ou
©ppofant.
Une déclaration du 4 décembre 1779, enreg
tréç à la cour des /^ûçi iç Paris le 29 du mims
PilKLATlON. 1.7 î
r:ois , a ordonné que dans les cas de faifies ou d'op-
P'jfîtionS;, les propriétaires des héritages feroient
préférés , pour l'année courante , fur les fruits pro-
veaus de ces héritages, aux colleâeurs de l'impôt
du fel , à la charge oé^nmoins que les mêmes pro-
priétaires juftifieroient de la légitimité de leurs
créances, &i qu'ils donneroient communication de
leurs baux à ferme à ces coUeélcurs.
Suivant la même loi , les inftances de Préférence
relatives à ces fortes de faifies ou oppoiltions , doi-
vent être inftruites & jugées en première inflancc
par les officiers des gabelles, chacun dans fon ref-
fort , fauf l'appel aux cours des aide» ; & il efl dé-
fendu aux officiers des bailliages , préfldiawx , pré-
vôtés, & autres juflices ordinaires, d'en prendre
connoiflance pour quelque caufe & prétexte que
ce puiflis être; 8c aux parties, de pourfuivre ces
infiances ailleurs que pardevant les ofHciers des
gabelUs, à peine de nullité des procédures , de
1000 livres d'amende, &, de tous dépens, dom-
mages & intérêts. Ft^y^l d'dilUurs Us articles Bail,
6c JÉlection.
PRÉJUGÉ. Ceft ce qui a été. jugé auparavant
dans un cas femblable ou approchant.
Les arrêts rendus en forme de règlement, fe-
vent de règle pour les jugemens ; les autres ne font
que de fimples préjugés auxquels la loi veut qu'on
s'arrête peu , parce qu'il eft rare qu'il fe trouve
deux efpêces parfaitement femblables ; non extm-
plis , fed It^ibus judicandum , dit la loi i 3 au code de
fententïis tk. interlocut. Cependant une fuite de ju-
gemens uniformes, rendus far une même quef-
tion, forme une jurifprudence qui acquiert força
de loi.
PRÉLAT. Mot formé du mot latin Pra'.atus ;
ou , fuivant d'autres, de ces mors prtt a'iils latus. II
fignifie , en général , un homme placé , élevé au-
deflus des autres, avec quelques privilèges , préro-
gatives & droits. L'ufage en a rertreint l'applica-
tion aux perfonnes qui, dans l'état eccléfiaftique ,
font revêtues de quelques-unes des places & digni-
tés qu'on défigne tous le nom de frélaturc, dont on
parlera à cet article. Il fera facile d'y reconnoîrrc
quels font ceux auxquels la qualification de Prélat
doit appartenir. ( Article de M, i'abbé Rem y , avo-
cat au varltment ),
PRÉLATER. Dans quelques pays de droit écrit,
ce mot fignifie exercer le droit de Prél.ition. 'Voyez
l'article Prélation. ( Article de M- Carras de
COULOS , avocat au parlement ).
PRÉLATION. ( droit de ) On appelle ainfi ,
dans les pays de droit écrit, le droit qu'a le fei-
gneur de rcfufer i'invcfliture à l'acquéreur d'ua
tonds noble ou roturier , fitué dans fa direéle, &
de retenir le fonds pour lui, en en remboursant
le prix à l'acquéreur.
On voit combien ce droit a de rapport avec le
droit de retenue accordé au feigneur dans les pays
coutumiers. Plufieurs auteurs & même des flatuts
de quelques pays de droit écrit , n'ont pas fait de
Mm ij
lyi
P RELATION.
ni i
de
difficulté de l'appeler aufli retrait fc'i^neunal ^retrait
féodal ou ccvfuel , Aiivant fon obje"t. Maïs comme
il diffère fur un grand nombre de points , de ce
qui fe pratique pour les différentes efpèces de retrait
Jcigneurial dans les pays coutumicrs , & qu'il n'y
a guère moins de variété dans la jurifprudence des
oiffércns parlemens de droit écrit , à cet égard , on
a dû expofer ces différences dans un article féparé.
On traitera donc dans onze fc<^ions ,
1 . De l'origine du droit c'e Prélation.
' a". Des chofes qui y font fujettes.
3^'. Des contrats qui y donnent ouverture.
^ 4°. Du cas où le feigneur H'a la direfte que
d'une partie des objets vendus.
5°. Des feigneurs qui peuvent ufcr du droit de
Prclarion.
6". Des perfonnes contre qui on peut l'exercer.
7°. De la'ceflîoh du droit de Prélation. '^'i' ' fi
8°. Du temps dans lequel ce droit peut être
exercé , & des formalités néceflaircs pour mettre le
feigneur en demeure. ' . ■ ' " •' "^
9". Des fins de non-reccvoir qu'on peut y op
pofér , lors même qu'on l'exerce dans un tem[)5
utile.
10". Des obligations du feigneur qui ufe du droit
Prélation, & des formalités qu'il doir ohCervcr.
II". Des effets & des fuites de l'exercice du
droit de Prélation,
Section première.
De l'origine du droit de Prélation.
Le droit de Prélation tire fon origine de la loi
dernière au code de jure emphyt. On avoir beaucoup
agité fi le preneur à titre d'emphyréofe pouvoir
difpofer des améliorations qu'il avoit faites , &
transférer fes droits à un tiers , ou s'il dcvoit atten-
dre le confentement du feigneur , c'ell-à-dire de
celui qui avoit le domaine dired. JuAinien , coii-
fulté fur cette queftion , ordonne, par cette loi,
quefi le bail emphytéotique a quelques difpofitions
fui cet objet , on les fuive exaâeraent ; mais au7i
défaut de titre, l'cmphytéote ne puiffe aliéner fans
le confentement dw feigneur.
Dans la crainte néanmoins que , fous ce prétexte ,
les feigneurs n'empêchent les emphytéotes de reti-
rer le prix de leurs «méliorations , & ne cherchent
à les priver de tout l'avantage qu'ils en pourroient
recueillir , ce prince ordonne que l'acquéreur fera
tenu d'affirmer au feigneur la valeur du fonds, &
de lui déclarer combien il pourroit véritablement
en retirer d'un étranger ; fur quoi le feigneur pourra
prendre le fonds pour le même prix , & acquérir
les droits de l'cmphytéote , en lui en payant la va-
leur. Si le feigneur laiffe paffer l'efpace de deux
mois fans prendre ce parti, l'emphytéote peut dif-
poftr de fes droits en faveur de qui bon lui fem-
blera , pourvu que ce ne foit pas de ceux à qui les
lois défendent de prendre des baux emphytéoti-
ques. Dans ce cas , & fi l'acquéreur cft bien iblva» j
PRÉLATION.
ble & de facultés convenables pour payer le canon
emphytéotique , le feigneur eft obligé de l'agréer
& de le mettre en po/léffion , non par le miniftère
d'un fermier ou d'un agent, mais par lui-même ou
par fes lettres , autant que cela fera poffible ; & fi
le feigneur ne le peut ou ne le veut pas , on s'a-
drcffcra aux magtftrats prépofés à cet effet.
Enfin , pour empêcher encore que les feigneurs
n'exigenr à cette occafion de greffes fommes d'ar-
gent , comme ils l'avoient fait jufqu'alors , l'empe-
reur leur défend de prendre , pour accorder leur
agrément au ceffionnaire, plus ^u cinaiiantième du
prix de l'aliénation ou de l'eflimation de l'objet de
l'aliénation. Ç^uq fi le feigneur ne veut pas confen-
tir à la céffion des améliorations & des droits de
l'emphytéote, & qu'après la déclaration qui lui a
été faite , il refte deux mois f^ns prenc're aucun
parti, l'emphytéote eft autorifé à tranfporter fes
droits à des tiers , contre le gré même du feigneur.
'Mais s'il ne fe conforme pas à ce que prefcrit cette
confiitution , il eft privé de tous fes droits.
Ces baux emphytéotiques étoieilt d'un ufage
extrêmement commun en France , fur-tout dans
les pays régis par le droi: romain , avant que Tin-
troduâiotï du fyfléme féedal y eût boulèverfé une
grande partie des pVoprièrés. Il fcroit même facile
de prouver que l'ufage de ces baux a beaucoup in-
flue fur l'état des po.lciïïons depuis rintroTuéiion
même du fyfiérae féodal , fur-tout avant quon eût
imaginé les baux à rentes , comme le nom fcul
iïcmphytéofes , qu'on donne aux cenfives dans les
pays de droit écrit , l'indique affez.
Peut-être les Lombards puisèrent-ils dans cette
conftitution de Judinien , le d'oit de retrait féodal
qu'ils avoient admis dans le temps où le droit des
fiefs permettoit aux vaffaux d'en aliéner la mO'tié
fans le confentement des feigneurs, comme il fe
voit au paragraphe forrà , tit. 9 , lib. 2 ^feud. qualiter
oliin peterat feud. alien. Les ordonnances de Lo-
îhaire II & de Frédéric II , qui ont prohibé ces alié-
nations , n'ayant point eu d'autorité en France, fi
ce n'eft en Dauphiné, durant quelque temps , les
fiefs devinrent de plus en plus difpcnibles. Mais
pour concilier , autant qu'il étoit poffible , les inté-
rêts du feigneur 8c ceux du commerce , on accorda
au feigneur le droit de lods , ou une cfpèce de pré-
férence en cas de la vente des biens affujettis à fa
dire6le , qu'on appelle droii de Prélation , à l'exem-
ple de celui que Jufiinien avoit établi pour les em-
phytéofes , quoiqu'il en diffère dans plufieurs points.
Le droit de lods fut fixé à une quotité beaucoup
plus forte que ne l'avoit fait Juftinien. L'emphy-
téote , ou le cenfitairc & le vaffal , ne furent point
aftreints à aller , avant la vente , offrir la préfé-
rence au feigneur , à peine de commife de leur do-
maine; mais le feigneur eut le droit de dépofféder
l'acquéreur , dans un temps plus ou moins long ,
après qu'il lui avoit notifié fon contrat , fi mieux il
n'almoit fe conitnter des lods que le titre du fief
PRÈLATION.
ou Tufagc des lieux lui accordoit pour chaque rau-
lation.
Cependant les ufages des pays de droit écrit
tiennent encore fur bien des points à l'ancien droit ;
ils diffèrent fur-tout pour un grand nombre d'autres,
des ufages des payscoutumcrs. C eft principale-
ment a remarquer ces différences qu'on va confa-
crer les ferions fuivantes.
Section II.
■Des chofcs fujettts au droit de Prélatlon.
Les domaines concédés à titre d'inféodation ou
d'emphytéofe , c'ett-à-dire de cenfive, font fujets
au droit de Prélation qiielle que foit leur nature ,
lorfqu il n'y a point de coutume générale contraire,
ou que les titres particuliers du fief ou de l'em-
pliytéofe n'en contiennent pas une cxclufion for-
melle.
L'auteur des notes fur le traité des droits feigneu
riauxde Boutaric, chap. 4 ,n°. î ,p. 216 , prétend,
à la vérité , le contraire pour les biens eniphytéoti-
quec. 11 convient bien que la loi dernière, au code
ae jure ernpliyt. accorde ce droit ; « mais, dit-il,
« outre que le bail à cens efl un contrat difi'>;rcnf
ï> de l'emphytéofe, d'ailleurs , on peut dire que la
»> difpofition de cette loi a été abrogée par un ufage
î> général. En efiet , ce que porte cette loi , c'eft
» que l'emphytéote , avant de vendre l'héritage ,
>' doit aller ofiVir la préférence au feigneur. Or , on
» fait qu'aujourd'hui l'emphytéote n'elt pas tenu
« d'aller au feigneur avant que de vendre. Il eÛ
« vrai qu! il n'y .a pas loin de-là à l'établilTement
•M d'un retrait exerçable après la vente ; mais, corn-
M me il n'eft pas moins vrai que ce font deux ac-
>» lions différentes, il s'enfuit que la loi de Préla-
3> tien , qui ne fubfiffe plus , ne peut être employée
»» pour fervir de fondement au retrait , & le faire
» regarder comme étant de droit commun ».
On conviendra bien que le droit de Prélation ne
fubfjffé plus aujourd'hui tel qu'il étoit dans fon ori-
gine ; mais de ce que l'ufage l'a modifié , il ne s'en-
fuit pas qu'il n'exifie plus. Le retrait cenfuel c/l fi
bien fubrtituéau droit de Prélation, que Ion confond
fans cefie ces deux mots dans les titres Si. dans les
auteurs. Il n'eft pas étonnant que le droit de Pré-
lation dans l'emphytéofe ne foit plus le même qu'il
étoit autrefois , & que ce ne foit plus qu'un retrait
cenfuti , puifque l'emphytéofe même , dans les pays
de droit écrit , eff un véritable bail à cens. Auffî
l'article 87 de la coutume de Bordeaux dit - il
« qu'un emphytéote peut vendre ou aliéner fes
» biens , fans le congé, licence & autorité de fon
» feigneur foncier ; & telles ventes, aliénations &
jj donations ont lieu, valent & tiennent ; ixlefei
» gneur f >ncier ne peut prétendre aucun droit fur
» telles chofes vendues , aliénées ou données par
» fondit cniphyteote , fors feulement fur les chofes
■>•) vendues, ventes 6c honneurs, ou les rcienirpar
V puiii'ance defief'^t
PRÈLATION.
177
L'article 89 , qui explique lamanière d'ufer de
ce droit, lui donne le nom de Prdation , & l'on ^
trouve des difpofitions femblables dans toutes les
coutumes du re/Tort du parlement de GuiQnne.
Outre ces coutumes , on peut oppofer à l'auto-
rité de l'annotateur de Boutaric, Boutaric lui-même
ôc un grand nombre d'autres auteurs. Defpeiffes ,
traité des droits feigneuriaux , chap. 5 , n*. 16; la
Rocheflavin , même traité , chap. 13 , art, i; M.
Catelan , tome i , liv. 3 , chr.p. 14 , affluent que
le droit de Prélation eff admis dans le reffort du
parlement de Touloufe , tant pour les fiefs que
pour les biens emphytéotiques (1) ; la Peyrere ,
l.'t. R , n°. 1 1 & fuivans, atteffe la même chofe
pour le parlcruent de Bordeaux.
M. de Clapiers , cauf. 103 , queff. i , n°. 32 ;
Duperrier, tome 2 , p. 26, n". 123 , en difent au-
tant pour le parlement de Provence. « Dans les
» inféodations & baux emphytéotiques , dit la
» Touloubre, la réferve du retrait eff toujours fous-
» entendue ; elle y eff inhérente , & les claufcs
)> générales par lefquelles on permet au vaff^iil ou
)» emphytéote de pouvoir vendre , aliéner, tranf-
)i porter, ne donnent aucune atteinte à l'exercice
» de ce droit ».
L'annotateur de Boutaric cite, à la vérité , l'au-
torité de Mourgues fur les ftatuts de Provence ,
comme s'il difoit que l'ufage y eff contraire (2) ;
" mais, comme l'obferve encore la Touloubre , il
»» s'eft apparemment arrêté à ces mots , le retrait
» na lieu en bail à emphytéofe. Mais l'idée de Mcur-
» gués eff développée par ce qui fuit , comme par
)j ce qui piécède ; il décide que l'afte par lequel
» on donne à emphytéofe, n'eff pas lui-même fu-
» jet au retrait , foit féodal, foit lignager; & cela
» eff exaflement vrai. Mais Mourgues eff fi éloigné
»> de foiuenir la propofition qu'on lui prête , que
» tout de fuite il dit que par-là le feigneur direft
') n'eft pas privé du retrait pour les tranfports fub-
») féquens ». Jurifprudence obfervée en Provence
fur les matières féodales, part, 2 , tit, 4, n°. 2.
Ce droit cft auflî admis généralement dans le
comté de Bourgogne, pour tout ce qui eff dans la
direfle d'un feigneur , fuivant Dunod de Charnage
en fon traité des retraits. Oa peut voir ce qu'il dit
au chapitre 10 , fur celui des fiefs. Cet auteur
ajoute au chapitre 1 1 ; <i Ce droit a lieu dans l'em-
(l) La coumn-.c <ie TouIouiV décide ncannioins le con-
traire. M»i$ c'eft-lâ un ufage local qui forme une exce(.'tion à
U rèple. Plufîeurs âuceurs prétenJcnt et pendant kjue lerctiait
cen fuel efi admis dans la\'iguerie, quoiqu'elle foit fujeicc
à cette coutume. D'autres auteurs foutiennent le contraire.. Il
paroît plus fiur de ne pas l'y admettre fan» titres. •> ^fais ,
5 comme l'obferve Rout.i.-ic, des conreilations femblabJe»
j fuppofent fvideirmer-.t que la coutume, en ce qu'elle ex-
j *Jut Je retrait, pu ftçdal ou ccnfuel. , eJl regardée cotnme
a uac excei'tion ad litoit co.mnun u.
(1) Bretonnie: >^ans (<îi queflioni aiphabâiques , au mot
^i'ruit rcrijutl ^ ell tombé dans la inêitie erreur en dif.:nt
rat ce droit rCel ?tij r?^u dans le parlamiiT dt Prfvenit ^fui-
vaat le umpigna^e dt Meur^nts , page 1 14,
iyS
PRÉLATION.
» phytéofe, quand même il ne feroit pas nommé-
>♦ ment rcfervé , parce qu'il eft de la nature de ce
M contrat ( /. 3 ,cod. Je jure emphyt. ) ; Ôcle parlc-
j> ment de la province a délibéré , le 15 juillet
>» 1615 , dans la caufc du feigneur de Lavernay ,
« contre un nommé Beugnon , dudit lieu , que le
»» contrat emphytéotique ne fe régleroit pas par
» les articles de la coutume du comté de Bourgo-
» gne , qui parlent </« cens (1), mais par le droit
>» écrit. Or, par le droit écrit, le preneur à titre
j> d'emphytoofe doit dénoncer la vente au bail-
3> leur , pour qu'il y confente & en reçoive les
w lods , ou qu il ufe du droit de retenue , dans
« deux mois après que le contrat lui a été préienté ».
Au refte , Dunod convient que le vendeur du
fonds tenu à bail emphytéotique, n'cft plus obligé
à cette dénonciation , depuis qu'on a chargé l'ac-
«pjéreur de préfcnter fon contrat au feigneur , pour
en reccvckir les lods & uferde la retenue.
Le droit de Prélation eft enfin reçu fans titre ,
pour les biens nobles & roturiers , dans l'ancien
relfort du parlement de Dijon. Mais il y eft connu
fous le nom de retenue féodale ou cenfuelle , fui-
vant Davot en fon traité des fiefs , à lufage de la
coutume &u duché de Bourgogne.
Il faut avouer néanmoins que le retrait ccnfucl
n'cfl pas en ufsge dans les pays de droit écrit du
reflbrt du parlement de Paris , fuivant le témoi-
gnage de Papon , fom. 1 , liv. 3 , tit. 2 ; de Henrys
& de fes annotateurs, tom. 2, liv. 3 , queft. 22.
Henrys en excepte le cas où il eft ftipulé par les
terriers. 11 n'eft pas reçu non plus dans la Breile ,
fuivant Revel dans fa remarque 51 , page 218.
Dans le Dauphiné , le droit de Prélation paroit
y avoir été généralement admis autrefois. Aujour-
d'hui > dit M! Salvai.'ag de Boiffieu, chap. 21 ,« l'on
i> ne doute plus en Dauphiné que le droit de Pré-
« lation, en matière d'empliytéofe , n'y foit abrogé ^
» s'il n'cft exprimé dans les titres , depuis l'arrêt
»> (du 7 juillet 1628) qui fut donné contre noble
» Pierre de Gumin , feigneur de la Murete, à qui
M le juge de la terre de Clermont avoir adjugé le
a* droit de Prélation par fenience du 26 juin 1623 ,
» contre Benoit Carra, acquéreur d'un fonds mou-
» vant de la terre de Gumin, m
M. de Boiflicu cite deux arrêts conformes, des
2 juillet 1627 & 24 juillet 1653. Le premier avoir
été rendu au profit dçs confuls de Saint-Paul-trois-
Châteaiix , contre l'évêque, comte de cette ville ,
nonobjlant qu'il eût foutcnu ^ue lui & les précédcns
ivêques étoient en poJfe£ion immédiate eTufer de ce
droit.
Dans l'efpèce du fécond arrêt , une partie des
" fiyOn emeni communément par cens ou cenfive , éàns
]'ctenduc de cette cou u.ne , une reJevance fimplement fon-
cière. Ai.-fiî Duuod dit-il encore, « cjue le retrait n'a pa«
»> lieu quand l'héritage a été concédé fous la téferved'un cens
" (impie &: foncier, parce qu'il n'y a poii» de donoaine di-
» reft réfervé ».
PRÉLATION.
fonds de la feigneurie avoit été reconnue fujette au
droit de Prélation le 29 juin 1538. Le préambule
ou proëme des reconnoiffances de l'autre partie
faifoit feulement mention de ce droit , fans qu'il
fut énoncé dans le corps des déclarations. L'arrêt
permit au feigneur d'exercer le droit de Prélation ,
pour raifon des fonds mentionnés en l'aile du la juil-
let l'y'^S , auquel ledit droit de Prélation ejl Jlipulé ,
& pour les autres fonds , autre chofc n'apparoijTant ,
en a débouté ledit de Villars.
» Cet arrêt , continue M. de Boiffieu , a jugé
» deux chofcs : l'une , que de plufieurs fonds qui
»> ont été reconnus à un même feigneur direâ, le
» droit de Prélation ne peut être exercé que fur
» les articles où il a été ftipulé, quoique depen-
» dans d'un même terrier; & l'autre, qu'il ne fufiît
" pas que le proëme ou préambule des reconnoif-
'» fances en fafle mention , parce que les notaires
» font en coutume de le faire à leur fantaifie , & le
w plus fouvent ils l'empruntent de quelque terrier
»» ancien , qui leur fert de patron pour mettre à
w la tête de toutes les reconnoiffances qu'ils renou-
» vellent. C'eft un afte fait fans témoins, qui con-
» tient en général divers droits que le feigneur peut
» prétendre , à auoi chacun des emphytéotes ne fe
» trouve pas obligé ».
Au refte , il eft au moins très-douteux que le droit
de Prélation foit admis en Dauphiné, même pour
les fiefs, fuivant le chapitre 20 du même auteur,
& Dunod de Charnage , en fon traité des retraits ,
chapitre 10, dit qu'o/z y tient qu'il faut qu'il y foit
réjervé par les inveflitures. Il n'eft donc pas éton-
nant qu'il y foit rejeté pour les biens emphytéo-
tiques.
Section II L
Des contrats qui donnent ouverture au droit de
Prélation.
La règle générale eft que les contrats de vente ,
ou tous ceux qui font équipollcns à vente , donnent
ouverture à la Prélation , à moins qu'il • ne fe trou-
ve ,dans les titres quelque claufe particulière qui
étende ou qui reftreigne ce droit.
Il ne faut pas croire néanmoins qu'il y ait lieu à
l'exercice de ce droit dans tous les cas ou le lods eft
dû : ainfi les échanges , les donations particulières ,
les legs jufqu'à concurrence des charges impofees
au légataire, donnent ouverture aux lods , & non
au droit de Prélation , hors le cas de fraude ,
qui doit toujours être excepté.
On fait d'ailleurs que l'échange dégénère en con-
trat de venre , s'il y a foute , & que la fomme don-
née par, un des co-permutan$ excède la valeur du
fonds donné en contre-échange. Mais Bomy , fur
les ftatuts de -Provence , page 5:4 , foutlent aufli
que le retrait a lieu fans difficulté , lorfqu on a mi»
un prix à chaque fonds échangé.
La Touloubre , partie 2 , titre 4 , n". 40 , doute
avec raifon que cette opinion doive erre fuivie.
L'énonciation du prix ne change pas la nature du
PRÉLATION.
contrat , qiil doit fe régler fur l'intention des par-
ties ; or , malgré cette énonciation , l'intention des
parties n'en a pas moins été de recevoir , non pas
le prix du fonds qu'elles tranlportoient , mais un
fonds d'égale valeur.
Dans la plupart des pays de droit écrit , les
baux à locatairie perpétuelle (i) ne font fujets ni
aux droits de lods , ni à celui de Prelation , non
plus que les baux emphytéotiques , fuivant le té-
moignage de M. de Catelan & de Boutaric , lors
du moins qu'ih font faits fans deniers d'entrée.
On convient aulïï que le bail emphytéotique n'y
efl pas non plus fujet en Provence. Mourgues croit
qu il y a la méine raifon que pour le bail à lecat^i-
rie perpétuelle , 6t (oa opinion y eft adoptée affez
communément, m II y a même d'anciens arrêts ,
» dit la Touloubre , n°. 35 , rapportés par Bomy
»> fur les flatuts , page 46, & par Duperrier , d'a-
« près M. de Thoron , tome 2 , page 378 , rendus
») fur l'hypothèfe du retrait lignager. Il y en a un
« du 26 oâobre 1618 , cité auiïi pa; Bomy, page
*' 691 , pour l'exclufion du retrait téodal ou cen-
J> fuel. Mais M de Clapiers , caufe 103 , quofiion
J> unique , rapporte un arrêt plus récent , qui ad-
»> met le retrait féodal. Julien , dans fes collerions
r manufcrites, fous le mot locatio , cip. 3 , ?. i ,
»> attefle qu'en confu'tant avec MM. Duperrier &
» Pey<îbnnel , ils convinrent que le retrait devoir
» être admis , ex ï/iduhitato ufu nojïro.
» L'ufage des autres provinces, continue la Tou-
» loubre , ne peut pas fervir de règle à cet égard
» en Provence , eu l'on adjuge le lods , même pour
I) le bail à locatairie à temps , dès que fa durée eft
» de dix ans ou plus. Duperrier, tome i , livre 4 ,
>» queftion î'J , prouve parfaitement qu'il n'y a au-
» cune comparaifon à faire de l'emphytéofe avec
x> la locatairie perpétuelle , & que celle ci dé-
■>■> pouille entièrement l'ancien propriétaire , &: lui
j> confcrve feulement une hypothèque pour la
» rente réfervée d.
La dation , ou bail en payement volontaire , eft
fujette au droit de Prelation. Il en eft de même
lorsqu'elle eft faite par autorité de juflice : c'cft
l'avis de Mourgues, page 113 ; de Paftour , de
feudh^ lih. 6 , fit. 17 ; de Duperrier, tom. 2 , p. 36,
n°. 165 , & de la Touloubre , n". 39. Cela ne peut
faire de difficulté.
La faculté de rachat , inférée dans le contrat de
vente, n'empêche pas qu'il ne donne ouverture
au retrait. M. de Saint- Jean , décifion 3 , rapporte
i la vérité un arrêt du 23 avril 1580, qui jugea
tjue le temps fixé pour l'exercice du retrait ne
couroit que du jour oîi le terme du rachat étoit
expiré , comme on le croit aflez communément
dans les pays coutumiers : mais il ajoute que plu-
fieurs juges étoient d'un avis contraire, & les prin-
cipes étoienr pour eux. C'en eft un qui eft reçu
, (i) C'cR aiufi qu'on appelle les baux à rençe dans j>lu
ficurs des pays ds droit éccit.
PRÉLATION. i79
datis les pays de droit écrit & de coutume , que la
vente faite fous une condition réfolutive donne in-
continent ouverture au retrait, à la difféicnceds
celle qui cft faite fous une condition fufpcnfive.
Or, la vente à faculté de rachat ne rerfcnn.- pas
une condition furpenilvc , mais une condition ré-
folutive , comme le remarquent Pallour , de fiudis ,
lti>. 6 f lit. 4 y 8c Duperrier, tom. a,pag. 57, n'^.
169 , & pag. 82 , n". 384.
Auftî Duîûrc , dans fes notes fur la décifion 3
de M. de Saint-Jean, fait- il l'obfervation fuivame ;
Intrà hoc tempus , qn^d impcdït qnin pajfit retincre Juif
eoden oncrt ptili ? C'eft aufli l'avis de la Touloubre ,
n°. 37. Le vendeur peut aulïï bien fe pourvoir con-
tre le feigneur que contre l'acquéreur , pour exer-
cer la faculté de rachat.
On obfcrvc la même règle à l'égard du rachat
accordé dans l'an au débiteur qui a été exproprié
d'un immeuble par une collocation : Mourgues ,
fur les flatuts de Provence , page 86 , en rapporte
deux arrétii des 21 février 1612, ôc 19 Décem-
bre 1634.
Enfin , le droit de Prelation n'a pas moins lieu
pour les fonds acquis au roi par droit d'aubaine
ou de bâtardife, lorfqu'il les fait vendre. Boniface,
tom. I , liv. 3 , tit. I , chap. 3 , rapporte un arrêt du
parlement de Provence, du 26 mai 1656, rendu
dans ce dernier cas.
Dans la règle générale , la vente d'une partie du
domaine , ou celle des droits qui en dépendent ,
donne ouycnniQ au droit de Prelation. Cependant
on tient , en pays de droit écrit comme en pays
coutumier , que l'impofition à prix d'argent d'une
fervitude fur un fonds n'y eft pas fujette. Duper-
rier , açrès avoir donné cette maxime gcnérale ,
tom. I , liv. 3 , queft. lO, ajoute qu'il doute fort
qu'elle doive avoir lieu en deux cas. i''. Lorfque
l'emphytéote ou le vaffal tranfporte à prix d'argent
l'eau deftinéc à l'arrofage de fou fonds ; 2". quand
il vend une fource d'e^u qui ié trouve dans fon
fonds, quoiqu'elle ne puiife pas fervir. On peut en
effet confidércr ces deux cfpéces de ventes comme
l'aliénation d'une partie du fonds.
Section IV.
Du cas ou le ftigneur n'a la direfîe que dune partie des
objets vendus.
Dans les pays coutumiers , il eft bien conftant
que le feigneur n'eft obligé de retirer que les ob-
jets mouvans de fa direâe , lorfqu'ils font vendi 5
pour un feul & même prix avec des domaines qui
ne relèvent point de lui. La raifon qu'en donne
Dumoulin fur l'article 20 de la coutume de Paris ,
n°. 55 » c'eft que l'unité du contrat de vente, qui
procède du fait & de la volonté des parties , ne
peut nuire au feigneur, qui a fon droir féparé &
fon aélion dirtintite en chaque chofe vendue. On
tient même généralement , avec cet auteur, que fi
l'on a vendu , par le même contrat & pour un feul
iSo
PRÉLATION.
prix, pUifieurs fiefs diflinOs , niais rclevans d'un ,
jîièine leigneur, il peut uler du reirait féodal pour
l'un des fiefs iculcmcnt, & inveftir l'acquéreur pour
les autres , fans diAinguer s'il a la inouvancc a caufe
d'un feu! fief dominant ou de pluficurs.
La queftion fouiTre beaucoup plus de dililculté
dans les pays de droit écrit. Boutai ic , en Ton traité
des droits fcigneuriaux , adopte à la vérité l'opi-
nion de Dumoulin , en ce qui concerne le retrait
iéodal ; mais il ne penfe point ainfi furie retrait
cenfuel , ou droit de Prélation des biens emphy-
téotiques.
» Cette queflion , dit-il au chap. 4, n°. 16, eft
» difficile , par les fentimens diflfcrens des auteurs
» qui l'ont traitée , & plus diflicile encore par les
» arrêts contraires qui ont été rendus. M. de Ca-
» telan , liv. 9, chap. i4,atfefic que la jurilpru-
» dcnce du parlement de Toulouie eft cii\rin fixée
V à ce point , que le feigiieur n'eft obligé de re-
» traire que les pièces qui font mouvantes de fa
>» direfle ; Si cependant il rapporte un arrêt qui
»> jugea précilcmcnt tout le contraire ; car un iei-
if gneur dired ayant voulu ufer du retrait fur cer-
» taines pièces de terre comprifes dans un décret ,
>» celles-là feulement qui étoicnt de fa mouvance,
»> en remboui f;mt la valeur au décrétirte , par r.ip-
« port à l'entier prix de la fufdite , il tut ordonné
î> que le fcigui^ur retrairoit tout ce qui étoit com-
" pris dans' le décret, le déciétiile n'étant point
>' obligé de cifailler ou de divifer ce qui lui avoit
» été vendu , & adjuge en hloc & à un feul prix ;
« &i il laut convenir en effet que , quelque tavo-
" rable que foit le retrait, l'acquéreur Jefi encore
»» davantage , lorfqu'il ne demande autre cliofe ,
» finon , ou qu'on annuité fon contrat pour le
» tout, ou qu'on le fafle fubfifter en fon entier.
j> Si on examine bien la doihine de Dumoulin tou-
^> chant le reliait féodal , on trouvera qu'elle ne
i) conclut rien pour le retrait cenfuel ».
L'annotateur de Boutaric efl bien d'accord avec
lui fur ce dernier point ; mais il foutient aiifli qu'il
n'eA pas permis davantage au feigneur de ne rc-
traire que les objets fitués dans fa mouvance , lo;s
même que ce font des domaines féodaux. MM.
Maynard , hv. 8, chap. 19, la Roclieflaviii, &
Graverol , Ton annotateur, chap. 13 , art. 6, a:-
teflent que telle efl la jurifprudence du parlenitin
de Touloufe, fans difiif:gucr les fiefs des emphy-
téofes. Ce dernier auteur, tk M. deCatclan , liv. 3 ,
chap. 14 , en citent quatre arrêts des années 161 y ,
1621 , 1638 & 1699.
Guypape , dans fa que/lion 50S , décide au/Ti in-
diftinéiement que l'acquéreur n'eii pas obligé cie
morceler fon contrat , îorfque le feigneur veut re-
tirer la partie des fonds qui eft dans fa direéic , en
lui laiflant le furpliis, parce qu'il n'eût pas ad^ié
cette partie féparciTicnt. Il parcîr même croire qu il
ne peut y avoir lieu au droit de Prélation en ce c;.s,
Ouoique Dumoulin air citiqué cette opinion de
~Gu; pïpe, & qi;c FrsntjOis M;.rc, confeiKerau par- j
PRÉLATION.
lemert de Grenoble , l'ait aufil rejetée , en dik-nt
qu'elle ne portuit que (ur des raifons foibles , ali-
quas Jubi Ui rationes , elle n'en a pas été moins
adoptée par le pjrlement de Grenoble, qui per-
met néanmoins au feigneur d'ufer du droit de Pré-
lation , s'il veut retenir tout ce qui eft compris dans
la vente.
Il fulBra d'alléguer, avec M. Salvalng, ch. 25 ,
un arrêt donné au rapport de M. Cofte, le 26 mars
161 2, entre Claude Brun , appelant de la fentence
du plus ancien avocat au fiege de Crefl , & M*""
Philibert AUian, vice fénéchal au mime fiége , &
Louis AUian , frères, intimés. « Brun avoit acquis
)> pour un feul prix une ferme , ou grange com-
»» pofée de plufieurs fonds relevans de divers fei-
»> gneurs. Les AUian veulent exercer le droit de
» Prélation fur le fonrls qui ert de leur direde, en-
» fuite d'un bail en emphytéofe, qu'on appelle en
» Dauphiné albergcmcm , contenant la referve ex-
j» prefie du droit de Prélation. Brun offre de les
» mettre en fa place pour le tout , puifque l'acqui-
" Çiûon avoit été taire un'ico preùo. Sur le refus des
» demandeurs , il y eut fentence du 30 janvier
» 1610, portant, que fans avoir égard aux offres
» du défendeur , il e^ condamné de vider & rc-
') laxer la pièce de terre défignée en la requcie
» des demandeurs du 14 oâobre 1608, en lui
» payant Ck rembourl'ant par un préalable & avant
'» le délaiffement, le prix que le défendeur en a
» payé à ion vendeur, tel qu'il fera liquide par
» les experts Brun ayant appelé de cette
o fentence, il y eut arrêt , par lequel l'appellation
» & ce lîont a été appelé eft mis au néant ; &, par
■» nouveau jugement. Brun eft mis hors de cour
>» 6i de procès fans dépens , fauf aux intimés d'ac-
» ceptcr l'offre qui leur a été faite en première
» inlbnce ».
La Touloubrc dans fa jurifprudence féodale ob-
fervée en Provence , part. 1 , tit. 4 , n". 3c , dit à la
vérité , tout au contraire , » que l'acquéreur de
" plufieurs fonds mouvans de différentes dire<5îes ,
» ne peut pas forcer un des feigneurs directs , qui
» veut exercer le retrait , à fe charger de la totalité ,
1) foit que l'on ait Ipécifié & diflingué le prix de
» cliaquc fonds , foit que l'achat ait été fait unico
n pretio t>. Il cite à cette occafion Pailour , de fcu-
dii , lib. 6 , ti:. 14 ; Julien , dans fes collerions nia-
nufcriîes , fous le mot lo^aiio , §. i , lett. N ; de
Cormis , tom. i, col. 105 1 , 107,1 ; & Mourgues
fur les ftatuts de Provence , pag. 16, qui rappoite
un arrêt du 21 juin i6i8.
Mais datis le cas de l'arrêt dont Mourgues fait
me»tion , le prix de chaque objet avoit été diflin-
gué ; & quoique la Touloubre dife que cette cir-
conflancc eft communément ret^ardée comme ind:Jférenie ,
elle l'eff fi peu , qu'on tient généralement dans les
pays couiumiers, où le rçtrait lignager ne peut
alkr à quartier, que le lignager doit éne admis
dans ce cas à retirer l'un des objets vendus fans
les a.utres. Voyez Tiraqiieau , ad finern , tit. de
reiruHii ,
PRÉLATION.
retraça ^ n". 21 ; les traités des retraits de Gri- j
niaudet , livre i , chapitre 10 , & de Pothier ,
o ^
n . 204.
La même chofc s'obrerve pour le droit de Pré-
lation en pays de droit écrit. Boutaric en fait l'ob-
fervation exprefle au n°. 17, pour le retrait cen-
fuel a Nous fuppofons , dit-il , que la vente a été
7) faite conformément & à un feiil prix ; car fi cha-
w que pièce de terre , par exemple , a un prix fé-
« paré , on peut dire , avec le jurifconfulte , qu'il
» y a autant de ventes que de prix diflérens, &c
j> que l'acquéreur par conféquent ne peut pas fe
» plaindre de la divinon , quufi non aliter empiu-
M rus ( I )•
M. de Boifîleu fuppofe la même chofe dans tout
ce qu'il dit à ce fujet au chapitre 25 , & le titre
même de ce chap. l'indique allez (2). Il paroît
enfin que cette dillinflion a été auffi faite par les
auteurs du parlement de Provence , cites par la
Touloubre.
L'uiage général du pays de droit écrit , en cas
de vente des fonds relevans de plufiers direétes ,
eft donc bien confiammcnt contraire à celui des
pays coutumiers, & il femble même autorifé par
quelques coutumes voifines des pays de droit écrit.
La coutume d'Auvergne , tit. 21 , art. 8, 9 , 10 &
II > ^ y\' ^^ » ^'f- ^^ > 13 & 24 , accorde exprcf-
fénient à l'acquéreur le droit d'obliger le feigneur à
letirer ce qui n'efi point de fa mouvance, avec les
fonds qui en dépendent; mais c'eft toujours dans le
cas où tous les héritages font vendus en femble pour
un même prix. La coutume de la Marche dit la mê-
me chofe dans l'article 282.
On obfcrve néanmoins le contraire au parlement
de Befançon , f.iivant Dunod de Charnage, traité
des retraits , chap, 10 , page 54 ( 3 ).
Lorfque le contrat de vente a pour objet un feul
domaine, relevant d'une même feigneurie poiî'é-
dée par indivis , on tient , à plus forte raifon , que
PRÉLATION.
81
i8l
(i) L'aniio:a;tuc de Boutauc di: feulement que cetre règle
rci;ûit une exception, /T les chafes veniuss cnc tan: di ra'^on
les unes au c autres , qu'elles ;;e compofeat quun corps \ ou
<luU y ait lu u de f enfer que r^cquértur n aurait rien acheté
s'il n'eût i^ih'.té'le t«ut, M. de Cotas ou Coraiiuj , in anturïd
fenatufconfult. curittTolofmce , cap. jo , dit auili que cette
exception et adoptée au parlement de Touloufe, conformé-
ment au droit loinain.
(1) Voici ce titre : Si le feigneur direâ peut exercer le droit
âtPrélatizn fur unfoids de fa mouvance cempris dans une
v.'n'e pajft'e de plufieurs fonds allodiuux , ou mouvans d'autres
flâneurs pour un feul prix ,fans retenir le tiut.
(}) L'annotateur de Bûutatic dit que Dunoi erjrirppsrr* un
errêtdu IX mars 170'. Cela n'eit point exitï. Dunod ne cite
a icun anêt à cette occafion ; mais , à la page 58 , il en lap-
poite un du 12 mars 1701 , qui a jugé contre le fieur Clai-
ron , acqu.reur de plufieurs ficfs de diftaentes mouvances ,
pjur un feul & même prix , que le délai du retrait lut l'un des
r.cfs mouvans de M. de Poitiets , ou fur ies deux enferable ,
qui étoicnt dans fa mour.-nce , ne courroit que du jour où la
veniilation en auroit été faite d'avïc les airres, C'étoit-là le
point de la conte. ta-ion , &: l'accjucieui û'offtoit pQJnt au fti-
goeur le délaiflemenidu COUJ.
Tomt XUL
le retrait ne peut être exercé par l'un des co fei-
gneurs, jufqu'à concurrence de fa portion , qu'au-
tant que l'acheteur veut bien confcnrir à la divi-
fion de fon acquifition ; en forte que le co-feigtieur
doit retirer la totalité des chofcs vendues , fi l'ac-
quéreur le défire. On le pratique ;iinfi,tant dans
les pays de droit écrit , que dans les pays coutu-
miers, comme le prouvent les autorités rafîemblées
par M. Salvaing au chap. 21.
Mais le feigneur qui veutufer de fon droit, peut-
il, dans ce cas , exiger que l'acqucreur lui aban-
donne la totalité, comme l'acquéreur peut l'obliger
à la prendre ? Plufieurs auteurs, cités par la Tou-
loubre qui fe range auffi au même avis , atteftent
que telle efl la jurifprudence du parlement da
Provence; ils rapportent divers arrêts qui l'ont ainfi
jugé.
Védel , fur le chapitre ii de M. de Catelan ,
adopte aulTi cette opinion, en fuppofart une ccf-
fion des autres co feigneurs à celui qui rerire.
Boutaric a confondu ce cas avec celui où l'un
des Ceigneurs de divers fiefs acquis pour un même
prix, demanderoit à retirer la totalité malgré l'ac-
quéreur. « Si l'acquéreur , dit-il, ne peut être con-
» traint de divifer fon contrat de vente, lorfque
» tout a été acheté en bloc S)L ii un feul prix , il
» femble que, dans le même cas & pour la même
» railoi-i , le feigneur peut retraire , malgré l'acqué-
" rcur , tous les fonds vendus, mouvans ou non
" de ia direéle , lorfque les autres feigneurs n'en
" réclament pas. Car enfin , comme dit fort natu-
» rellement Frjncifcus i ^/'/^a , cet auteur cité par
» EaiHîeu , fur la loi 2 ,ff\ de flum, fi licet emytori
» dlcere ,nolo qubd retincas parte m ^ quia non fuijfein
" empturus eam , ni fi totum etnijfein , eàdcm ratione ,
)! poterit dominus dicere , 6* es,o non effern rctcnturus
" partent , nifi totum retinerem ; non enim cLiudi-
j> care débet contracius , nec dcbet uni liccre quod
i> etiam altcri non liceat. Cependant on ne le juge
'> pas ainfi ; on donne à l'acquéreur une option »
» qu'on refufe au feigneur retrayant ».
On fent en efiet que le raifonncment de iv<j/z-
cifcus à Ripa n'eft qu'un fophifme. Si le feigneur
diioit à l'acquéreur , je ne retirerais pas non plus
une partie , fi je ne pouvais pas retirer U tout ,
l'acquéreur lui répendroit avec raifon : // dépend
de vans de ne rien retirer , fi vous ne voule^ pas
vous contenter de ce qui c(l dans votre dirtilc. Le
droit d'obliger le feigneur à retirer le tout Q{\\m
bénéfice introduit en faveur de l'acquéreur ; on ne
peut donc pas le rétorquer contre lui , & autorifer
le feigneur à enlever à l'acquéreur des domaines
auxquels il ne peut rien prétendre. C'cft ainfi qu'on
le pratique communément dans les pays coutu-
miers pour le retrait lignager , quand on a vendu
des domaines de diverfes lignes pour un feul Se
même prix.
Il faut remaquer au furplus , ({ue Francifcus à Ripa
na entendu parler que du retrait exercé par l'un de
pluûeursco-fêigaeurs, & coupas de celui qui cft
Nn
xîi PRÉLATION.
exercé par l'un de pluficurs feigneurs de dlfférens
fiefs vendus pour un feul & même prix , comme le
fnppofe Boutaric ; mais, dans ce cas-là même , ©n
tient, foit dans les pays coutumiers , foit dans les
pays de droit écrit , que l'acquéreur peut obliger
le co-feigncur à retirer 1^ tout , fans que le co-(ei-
gneiir puiiïe exiger de l'acqucrcur la rétroceffion
du tout.
Cette opinion a été fuivie par Alberic, Paul de
Caftres , & D^imoulin , cités par M. Salvaing ,
« laquelle opinion, dit-il , comme la plus équita-
» ble , & autorifie de deux arrêts , l'un du parle-
») mot de Paris , donné en la coutume de Tours ,
» du mois d'août 1^77 , dont Pithou fait mention
» fur la coutume de Troies , article 27, fur le mot ,
« pour le prix qu'il ejl vendu ; l'autre , du parlement
j> de Touloufe , prononcé en robes rouges le ai
»> décembre 1601 , qui eu rapporté par Ferrierc fur
« la queftion4ii de Guypape , ôc par Cambolas
» en fes décifions , livre 3 , chap. 10. La raifon en
ty efl que le droit d'accroiflement n'a pas lieu aux
»> contrats. L, fi m'ihi 6* Tiûo iiO , ff. de vtrbjr.
if obiig. N
Section V.
Des feigneurs qui peuvent ufer du droit dt
Prélation.
Le droit de Prélation appartient généralement
à tous les feigneurs de fief, dans les pays où il n'a
pas befoin d'être établi par les titres. Mais on a
beaucoup difputé s'il pouvoit appartenir au roi &
à l'églife. Enfin , il y a quelques perfonnes qui
peuvent l'exercer fans avoir la propriété de la di-
rcâe. 11 faut examiner tout cela par ordre.
L Quant au roi. La queftion a fouffert autrefois
beaucoup de difficultés dans les pays même de
coutume ; & on peut mettre à la tête de ceux qui
rcfufoicnt ce droit au roi, l'auteur qui a le pre-
mier débrouillé les principes de la matière doma-
niale, le célèbre Chopin. Mais quoiqu'on admette
généralement aujourd'hui le droit du roi dans la
France coutumiére , plufieurs auteurs prétendent
encore qu'on doit décider le contraire dans les
pays de droit écrit; & on trouveroit , peut être
dans les u ndcmens de l'économie politique, des
raifons aufîi fortes pour refufer au roi l'exercice
de la Prélation dans les cas ordinaires , que pour
la refufer aux gens de main-morte. On pourroit
même dire que l'ancien ufage d'une grande partie
de la France ferme à cet égard une efpèce de loi
tacite.
Entre une foule d'autorités qu'on pourroit citer
à ce fujct, on fe contentera d'invoquer le témoi-
gnage de l'un de nos plus anciens praticiens , origi-
naire d'Auvergne , & par conféquent trés-voifin
des pays de droit écrit. Le prince, dit Mafuer,
« n'ufe point de rétention de la chofe vendue,
>» & ainfi efi ob/ervé , & telle rétention ne pour-
>» roit être valable , pour ce qu'à grand'peinc peur-
» roit-on trouver acheteur ilutrement ni pareille-
PRÉLATION.
i> ment , fi elle étoit faite à fon procureuf » , c'efl;-
à-dire à fon ceflîonnaire. (Llv. 1 , tir. 35 , n°. 8,
de la traduflion de Fontanon ).
La Rocheflavin , traité des droits feigneuriaux ,
chap. 13 , art. 4; Hcnrys, tom. 1 , liv. 3 , queft. 16;
& Bretonnier dans fes annotations , tiennent du
moins que le roi ne peut exercer ce droit par lui-
mérne , quoiqu'ils conviennent qu'il ie peut céder.
Davot , dans fon traité des fiefs à l'ufage du du-
ché de Bourgogne , n". 83 , dit fimplement , d'après
Taifand , que ie roi ni l'églife nufent pas du droit
di retenue Jur les fiefs mouvans d'eux , & Bannelier ,
fon annotateur, ne l'a point contredit à ce fujet.
Dunod de Charnage , traité des retraits, chap.
1 o , page 53 , dit du moins que le roi n'ufe pas du
retrait pour réunir à fon domaine , fi ce n ejl quand
A' bien de l'état le demande , parce que le domaine
étant inaliénable , la réunion tireroit les biens du com-
t.ierce.
Cependant M. Salvaing eft d'un avis contraire;
& c'eft l'opinion la plus fuivie à préfent , fans
doute parce qu'on doit préfumer que le roi n'ufera
du droit de Prélation que pour l'avantage de l'étit.
» Il eft même certain, dit M. Salvaing, que les
»> dauphins, & après eux nos rois, qui les repré-
» fentent , ont ule de ce droit-là quand il leur a
» plu, dont nous avons des exemples dans les re-
» giftres de la chambre des comptes , qui ont donné
» fujet à la remarque faite dans le répertoire géné-
» rai de la même chambre, \ntn\x\h punthion ^ Lettre
» V ^ que dominus nojîer delphinus util ur jure Prxla-
» tionis «.
A plus forte raifon eft-il bien certain que les
cngagiiles du domaine , & les princes mêmes, dans
leurs apanages, peuvent ufer du droit d^; Préla-
tion , & qu'ils peuvent même céder ce droit à un
tiers dans les provinces où il eft ceffible par fa na-
ture , comme on le verra dans la fuite. On peut
confi'-Uerà cet égard mcflieurs de la Rocheflavin &
Salvaing, & Boutaric au chapitre de la Prélaiion.
Mais pour que l'engsgine puifle ufer de ce droit
perfonnellement , ou le céder, il faut qu'il lui ait
été cxpreflement accordé par fon contrat. Il en eft
de même des fermiers du domaine, parce que le
retrait n'efl pas un fruit ordinaire.
Il y a néanmoins quelques coutumes dans le rcf-
fort du parlement de Bordeaux, telles que celles
d'Acqs , tit. 10, art. 23 ; de Bordeaux . art. 90 ; de
Saintes , art. 6 , qui décident le contraire.
L'article 90 de la coutume de Bordeaux eft ainfi
conçu : « A été arrêté que le roi & l'églife n'ont
»> droit de Prélation par puiftance de fief ; finon,
r quant au roi , pour le bien de la chofc publique ;
M & quant à l'églife, pour la néceftité d'icelle ;c'eft à
M favoir quand il y auroit quelque héritage joignant
» aucune églife ou château du roi , maifons épifco-
M pales , des abbayes , couvens , prieurés & éghfcs
M cathédrales , collégiales ou cures, ou d'autres bé-
I) néfices, pour apptoprier auxdits châteaux, égli-
» fes, maifonj ou jardins, Se autres cas efquels on
PRÉLATION.
»» peut être contraint à -vendre pour le bien public
» du roi , du royaume , Si defcliies églifes m.
Cet arricle , qui pafla , malgré l'oppofition des
gens du roi & de quclqnes membres du clergé ( i) ,
s'obferve exaâement. MM. de la Mothe , dans leur
commentaire, en citent deux arrêts remarquables ,
rendus en tiés-grande connoifTance de caufe con-
tre des ctfîloanaires du roi , & dont on parlera dans
la feflion 7.
II. Quj-îf à iè^life. Il feroit facile de multiplier
les autorités , pour prouver que l'exercice du droit
de Prélation lui a toujours é;é interdit , du mui is
pour elle même. Cela tient à l'incapacité où font
les gens de main-morte d'acquérir des domaines
fans la permiffion du roi , félon la jurifprudencc
confiante du royaume, & ce point ne peut plus
faire de doute aujourd'hui , d'après l'article 25 de
redit de 1749 fur les acquifitions des gens de main-
morte.
Long- temps avant cet édlt, Salvaing étoit même
d'avis « que leglife ne peut exercer le droit de Pré-
» lation en Dauphinc, pour s'approprier le fief,
» non plus que pour s'en vider les mains dans l'an
» & jour ; puifque par lufage de la même province
« il ne petit être exécuté qu'en faveur de la réunion
j) du domaine utile au domaine direiSf» ; il ajoute,
que " tel eft aufTi TuCige du Languedoc , comme il
5» fut jugé par arrêt du parlemeni de Touloufc du
» 9 feprembre 1643 , contre l'abSaye de Doè ,qiii
» tut dclaréc non - rec;.v.!blc dans la di.-m;in(ft
w qu'elle avoir faite du droit de Prélation fur le do
j» mainc de Montagnac, mouvant de fa dire.'le »
Enfin , les coutumes qui inte^difent a:i ro l'exer
cice de ce droit & p^ufieurs autres , l'inrerdiftiit
aulFi à l'ég'if-. M. Salvaing obferve encore quen
CCS coutumes rjctjuir ur peut oppojer Cmcapaàté d(
Veglife par une cxceotion exclufive J. l\iclï:>rt ipio
jiire. MM. de la Morhe, fur l'article 90 di la cou-
tume de Bordeaux , difcni auffi que la. dicifion de /,<
coutumt ejl nujji exp .{[e contre l'ig'.fe ifUt coniie le
roi , & quelle s'interprète de même 4 uns Cufage.
III. Il y a au contraire des perfonnes qui , fans
être véritablement proari.'taires du fief, peuvent
ufer du droit de Prélaiion furies domaines qui font
dans la mouvance du fief.
Le mari peut inconte/lablement l'exercer furie
fonds mouvant de la direcle qui fait partie de la
dot de fafem.Tie; mais il n'a quelafimole iouifi'ance
(i) Dans le minulctit en ve^iu au pai Mm. de Ja Mouie
en leur commenuite , cet article ell beaucoup plut étendu ;
îl contient un préambule qui di.Voit être :envoy.- au pr -cs-
Tcrbai. L'avocat du toi dit , en pailant de l'exciu: on du (•[ ,
qu'il Va «in dire , mais n'y CQnjen\ U procureur gtnéra! & e
procureur du roi en Guienne dilent quil, ne f^vint sii y 0
ccutume, & que le roi ptut rrenir , m.is l'cgliie ne put rëte
nir. Quei(jues particuîie-s , la plupart efclefiaiiiques , foii-
licnncnt le contraire. «■ Truchen , pour les noble' , iit qi'il
» 9 toujours ciiïrenir que le roi & l'cglife n'ont Prélation.
» Tous autres nobles & du commun peuple ont lit &: req-i';
a» arrête i^uc le roi ^l'cglife n'ont droit de Prélaiion, excepté
» fr» i9U9 reipMça »• A é«é iftcçc j «ce.
PRÉLATION. 18)
dé ce fonds durant le mariage ; & , le cas de la rel'
titution arrivant, il ne peut prétendre qre le rem*
bourfement du prix employé au retrait. C'eft la dé"
cifion de'Duperrier , tom. 2 , p. 29 , & de la Tou-
loubre , n". 19. L'annotateur de Boutaric, qui efl
du même avis , en dit autant du tureur : « Le ru-
" teur & le mari , dit-il , exercent l'adminiflratioti
» avec la même étendue de pouvoir que donne la
» ptopriété même; 8c je tire de là cette confc-
» quence, que la femme Ôt le pupille ne peuvent
>♦ pas être reçus , le cas échéant , à défavoucr ce
» retrait , qui a été exercé en leur nom en v^ertu
» d'un pouvoir légitime, fauf à eux, fi cette né-
n gociation leur a été nuifible, de s'en venger futr
>» les biens du tuteur, ou fur ceux du mari. Mais
» s'il pouvoit être permis à la femme & au pupille
» de ne point accepter le retrait, je n'aurois garde
'» de dire , comme le dit Dumoulin à l'égard de
» l'ufufruitier , que les biens duffent reAer au tii-
n teur ou au mari , &c. Je ne ferois pas façon d'ad-
» mettre l'acqircreur à les revendiquer par cette
» cfpèce d'aélion que les lois ont introduite (oui
» le titre de conaict. fine caufâ , parce qu'en effet
» l'événement a démenti la taufe en vertu de la»
>j quelle l'acquéreur avoir relâché les biens ».
Il n'eft pas douteux non plus que le grevé de
fubrtitution ne puifTe , pendant fa jouifTance , exer-
cer le retrait. Dupcrrier , tome 2, page 30 ; de
Cormis, t 1 , p. 1041 , citent un arrêt rendu en
[641 , qui l'a ainfi jugé. La Touloubre, n°. 20 , en
cite un autre du 26 janvier 1 576 , rapporté dans
les mémoires de M. de Thoron , lequel n'adjugea
an propriétaire que les biens réunis par l'héritier
grevé , depuis l'échute du fîdéicommis.
Dunod,au chap. 10 de fon traité des retraits,'
p. ge 53 , eftdu même avis , & il en dit autant de
l'acquéreur à faculté de réméré (i): « Ils ne font
» pas obligés, dit-il, de rendre ce qu'ils ont ac-
» quis pur cette voie , lorfque le rachat ti\ exercé ,
» ou le fidéicommis ouvert, parce qu'ili étoient
» propriétaires quand ils ont retiré ».
On accorde le même privilège aux apanagirtes
& aux engaglftes du domaine , lorfque l'engage-
ment contient la cefTion du droit de retrait, parce
qu'ils f nt ceiifés agir pour eux-mêmes, comme
ceffionnaires du roi.
Il n'en feroit pas de même » dit enfip Dunod ,
du polTelTeur de bonne foi ; il pourroit être obligé
de relli;u;r au propriétaire du fief qui voudroit le
rembourfer, le fief fervant qu'il auroit retiré, parce
qu'il étoit fimple polTefTeur fans propriété.
Quant à rufufruitter, il y a dwS auteurs, comme
Paflour, lib. 6, tit. 8 , n". 2, qui tiennent qu'il
peut ufer du droit de Prélation : ils avouent néan-
l) L'article 54 dis cayers pour la rcforniation de la cou-
tume du du. hé Je bourgogne, dccide au contraire, que lo.s
du réuiére l'acqucieu peut être contraint à técrocédcr 'e fcf
qu'il a te'iré , aïoyennaoc teiubourfenient , &: l'é^uiié do
cçire décilica »c la fait préfiiçr,
N n ij
%Î4
PRÉLATION.
moins que le propriétaire , lors de l'expiration Je
l'ulufruit , peut demander le fonds ainfi retiré , en
rembourfant le prix, & en dédommageant l'ufu-
fruitier de la perte des lods. Dunod de Charnage
« croit que le proptiétaire peut feul iifer de la re-
»• tenue féodale , particulièrement dans le comté
» de Bourgogne , où les fiefs ne font pas de profit.
r» Cependant , dit-il , l'opinion commune eft que
ï> l'ufufruitier peut exercer ce droit , & que i\ c'eft
»> du confeniement du propri^^taire , il conferve le
» fief qu'il a retiré ; mais que fi ce n'eft pas de fon
M confentement , le propriétaire peut fe faire re-
>» mettre le fief après l'nfufruit fiiii, en rembour-
>> fant les héritiers de l'ufufruitier ».
Les cahiers fur la reformation de la coutume de
Bourgogne, ont des difpofitions très-prccifes à cet
égard dans les art. 50 & fuivans. Ils décident 1".
que l'ufufruitier peut ufer du retrait; 2". qu'il e/1
préférable même au propriétaire , s'il veut ufer de
la retenue , pour jouir du fief fervant pendant {on
ufuf.uit , mais à la charge de le rendre au proprié-
taire après l'ufufruit fini , en rembourfant le prix
de la reicnue & les loyaux-coûts ; 3°. que fi rufu-
frviiticr vouloit retenir en fon nom , Si pour lui
feul , il dcvroit dénoncer au propriétaire qu'il eût à
retenir , fi bon lui femble, &, fur fon refus , l'ufii-
fruitier poiirroit retenir, fans que le propriétaire
fût rccevnble à y revenir pour cette fois; 4°. enfin ,
que fi TuAifruititr avoit retenu fans dénoncer au
propriérairc , le propriétaire , l'ufLfruit fini, pour-
Toit retirer ou de l'ufufruitier ou de fes ayant droit ,
en rendant le prix & les frais quarante jours après
l'ufufruit fini.
LaTouloubre, n°. 18 , Boutaric & fon annota-
teur , n". 8 , tiennent au contraire avec M. de Cor-
mis, que l'ufufruitier ne peut point retirer, fur le
fondement que le droit de Prélation n'étant pas un
fruit, ileftplus conféquent, & même néceflaire,
de l'attribuer au propriétaire, & de ne pas y faire
participer le fimpîe ufufruitier.
A plus forte raifon , le fermier ne peut-il pas
exercer ce droit. L'annotateur de la Pcyrere, fur la
lettre R, n". m , fait mention d'un arrêt qui l'a
ainfi jugé. Ceft toujours le même principe que ce
droit n'eft pas au nombre des fruits.
Au refte, lorfqu'on aliène un fief on une d'ireàe
avec tous fes droits fans réferve , l'exercice du
droit de Prélation, à raifon des ventes des objets
qui en relèvent , faites antérieurement à l'aliéna-
tion , appartient à l'acquéreur, & non pas au ven-
deur. C'eft l'avis de Duperrier,t. 2, page 72 , Si
de la Touloubre : de Cormis , t. i , col. 1036 , p?.-
roît d'un avis différent ; mais il cite lui-même , col,
1061 ,un arrêt rapporté dans les mémoires de M.
de Thoron , qui l'a ainfi jugé.
Section VL
Dts perfonnes contre ijul le droit de Prélation peut
être exercé.
Le droit de Prélation peut s'exercer fur quelque
PRÉLATION.
acquéreur que cefoit, même fur ceux à qui le do-
maine a vendu les biens provenus des droits de
bàtardife , d'aubaine , Se autres droits femblables.
On tient même dans les pays de droit écrit , à la
différence des pays coutumicrs, que la Prélation
peut s'exercer fur le parent acquéreur , & qu'elle
eft préférable au retrait lignager , dans les pays où
cette forte de retrait eft admife , comme en Pro-
vence & dans quelques parties du reflbrt du parle-
ment de Touloufe.
« Le droit des fiefs, dit fort bien Dunod de
j) Charnage au chapitre 10 , avoit donné la prcfé-
» rence aux agnats fur le feigneur, parce que les
» infeodaiions fe faifoient communément pour fa-
r> gnation ; mais depuis que nos fiefs font, devenus
» difpotiibles & patrimoniaux , cette préférence a
)' dû ceflqr. C'efi pourquoi le feigneur qui veut re-
» tenir le fief, eft préférable au parent dans le
j> comté de Bourgogne , fuivant le titre 3 des ra-
» chats , article 22 »>.
On fuit néanmoins une autre règle dans le du-
ché de Bourgogne, fuivant le titre 10, art. iode
la coutume , & dans le reffort du parlement de
Bordeaux , conformément aux difpofitions des cou-
tumes d'Acqs , article 152 ; d'Agen , article 17; de
Bayonne , articles 89 & 90 ; de Bergerac, article
42 ; de Bordeaux , article 5 i de Limoges , article
41 ; de Marfan , article 53; de Saint-Jean-d"An-
gely , article 51; & de l'ufance de Saintes , article
38. Mais le ceflionnaire du feigneur n'eft point
préféré au lignager, fi ce n'eft dans quelques cas
particuliers , comme on le verra dans la feÂion fui;
vante.
Section VIL
De la cejïon du droit de Prélation.
La queftion de la ceflîbilité ou incefiîbilité du
droit de Prélation a partagé les jurifconfultes & les
parlemcns mêmes. Tous les anciens do6leurs *
François ou Italiens , ont tenu pour linceffibilité.
C'étoit l'avis de l'etrus Jacobi , ancien auteur fran-
çois, originaire d'Auvergne , qui vivoit fous Phi-
lippe le Bel & Philippe de Valois , & d'une quan-
tité d'autres cités par M. Salvaing au chapitre 22.
Dumoulin , §.20, liv. i de la coutume de Paris ,
n°, 22, affure qu'il n'a pas trouvé un auteur pour
l'affirmative, qu'il condamne lui même.
C'eft la jurifprudence conftante du parlement de
Grenoble , fuivant le témoignage de Guypape , de
Perrière dans fes additions , de Ranchin , & de
Salvaing, chapitre 22; c'eft auffi celle du parle-
ment de Touloufe , comme nous l'apprenons de la
P«.ocheflavin en {on recueil d'arrêts , chapitre 13
des droits feigneuriaux ; de Cambolas , liv. 3 »
chap. 10 , n". 2 , & de Boutaric , n". 6.
Il faut en excepter, fuivant ce dernier auteur,
le cas où la ceflîon feroit faite par un cofeigneur
d'une direâe indivife à fon cofeigneur. Les arrêts
rapportés par M, de Catelan , liv. 3 , chap. 11 }
PRÈLATION.
ont iugé que la ceiïion étoit valable en ce cas ,
parce qu'un cofeigneur qui a àéjà , de (on cher ,
un droit de direâe par indivis fur chaque partie du
fonds vendu , eft plus favorable que tout autre.
Au contraire , dans les pays de droit écrit du
report du parlement de Paris , on admet fans diffi-
culté la cellîon du droit de Prélation , fuivant Pa-
pon dans fes notaires , tome i , liv. 2 , tit. d'em-
phyth. , & Henrys , tom. i , liv. i , queft. 36. On
l'admet aufli dans le reflbrt du parlement de Bor-
deaux , fuivant la Peyrere , lettre R , n°. 123 , &
dans celui du parlement de Dijon , fuivant Taifand
fur le titre 1 1 , art. 3 1 , & Davor , traité des fiefs ,
n'\88.
La jurifprudence du parlement de Dijon étoit
conf-aire autrefois , & l'article 49 des cahiers pour
la réf'orniation , porte expreffément , que la rete-
nue féodale ne fe peut vendre ni céder à autrui.
Mais un pareil fyftême ne feroit plus propofable
aujourd'hui , & M. le préfident Efpiart de Seaux
a tort critiqué cet article des cahiers , comme con-
tenant une maxime fauffe.
La même difficulté s'eft élevée dans le parlement
de Befançon ; mais M. Grivel affure que la retenue
féodale y a été jugée ceflible par plufieurs arrêts ,
& le foi'.verain l'a ainfi ordonné par un édit de
1708 , « qui eft fondé , dit Uunod de Charnage ,
»> fur ce que le retrait féodal a auHî été introduit
M pour que le feigneur pût choifir fon vaflal ; que
« tout droit eft celllble de fa nature , s'il n'y a une
« loi ou des raifons au contraire ; que le retrait
« féodal peut être féparé de la propriété , & que
» notre coutume , en le fuppofant acquis au fei-
» gneur , n'a pas dit qu'il lui feroit perfonnel , Si
V que le feigneur he pouvoir pas le céder m.
11 y aà cet égard une obfervation particulière à
faire fur un ufage de la Franche-Comté, qui de-
vroit peut-être être adopté par-tout ailleurs. Le
fouverain de la province a déclaré, à la réquifuion
des états , en 1607 , que toute obtention du droit
oe retenue féodale à lui appartenant avant la vente
& délivrance des biens , feroit tenue pour obrep-
tice & fnbreprice. Mais Dunod de Charnage ob-
ferve , au chapitre 10 , page 52 , que cette difpofi-
tion ne s'applique qu'aux ventes forcées qui fe
font par les décrets; elle a été faite pour remédier
à ce qu'il arrivoit que , dans cette efpéce de vente ,
il ne fe préfentoit pas des appréciateurs, quand on
favoitque le retrait avoit été accordé, ce qui nui-
foit également au débiteur & à fes créanciers. La
julVice de ce motif, ajoiue Dunod , fait qu'on doit
l'appliquer aux feigneurs particuliers comme aux
fouvcrains , & au retrait cenfuel comme au féodal.
Un ilatut de 1456 , rapporté par Mourgues , pag.
133 , déclare aufti que le droit de Prélation eft cef-
Cble en Provence.
Suivant l'efprit d'un autre ftatut de 1472 , qui a
introduit le retrait lignager dans cette Province, &
qui eA auiTi rapporté par Mouigucs , page i f , le
feigneur qui exerce Ion droit par lui-même eft bien
PRÉLATION. iSî
préféré au retrayant lignager ; mais le cefllonnairc
du retrait féodal ne jouit pas du même avantage,
& telle eft la jurifprudence qu'on fuit dans toute»
les provinces de droit écrit, oii le droit de Préla-
tion eft préférable au retrait lignager , lorfqu'on
peut le céder à des tiers. Comme cette préférence
eft principalement fondée lur la faveur de la réu-
nion du domaine utile , forti des mains du feigneur ,
au domaine direct qu'il a confervé , on n'a pas cm
devoir étendre cet avantage au fimple cefiionnaire.
Cependant l'acquéreur qui eft muni de la ceffion
du retrait féodal, exclut le retrait lignager. Cette
jufifprudcnce , dit la Touleubre , n°. 22 , n'a ja-
.'uais varié depuis les deux arrêts rapportés dans les
r.iémoires de M. de Thoron , & imprimés dans le
fécond volume des œuvres de Duperrier, p. 388.
Par une inconféquence qu'il feroit de la juftice
du parlement de Provence de réformer , le feigneur
qui exerce fon droit par lui-même eft tenu d'affir-
mer, par ferment , qu'il retient pour foi, & non
pour autrui ; un arrêt du 15 décembre 1623, &
dautres arrêts rapportés par Mourgues , page 136,
l'ont ainfi jugé.
Cfet auteur propofe une diftinflion qui dcvroit
du moins êtrefuivie, mais qui ne l'eft cependant
point, fuivant la Touloubre , n". 32. Ou c'eft , dit-
il, l'acquéreur lui-même qui veut exiger le ferment,
ou c'eft un retrayant lignager. L'acquéreur ne doit
pas être écouté à demaiider cette affirmation , parce
qu'à fon égard le fimple ceffionnaire du feigneur
l'excluroit. Peu lui importe que ce foit pour lui-
même ou pour autrui que le feigneur exerce le
retrait ; mais fî c'eft contre le retraynnr lignager
quele i"eigneur réclame la préférence , le ferment
peut être exigé , parce que ce rerrayant lignager
excluroit le celfionnaire du feigneur.
Au furplus , le retrait ne peut pas être cédé de
nouveau par le ceftîonnaire du feigneur; c'eft une
jurifprudencejconftanta au parlement de Provence,
fuivant un arrêt en forme de règlement du premier
avril 1596 , rapporté par Mourgues fur les ftatuts ,
page 1 25, & un autre arrêt du 9 avril 1707, rap-
porté par de Cormis , tome 1 , col. 1082 , dans l'ef-
péce duquel cet auteur avoit fouienu l'opinion con-
traire.
Il faut en excepter le ceftîonnaire du roi , à l'é-
gard duquel il a été jugé pir plufieiirs arrêts que
rapportent les mêmes auteurs , qu'il pouvoir céder
de nouveau le droit qui lui avoit été tranfmis. La
raifon de différence qu'en donne la Touloubre , n".
24 , eft que , dans la thèfe générale , la féconde
ceflion cauferoit un préjudice réel au feigneur , en
lui donnant un vaflal ou un emphyiéote qui ne
feroit pas de fon choix, au lieu de celui qu'il au-
roit rhoifi lui-même. Mais on a cru que le roi vou-
lant bien ne pas ufer lui même du retrait, quoiqu'il
en vùt !e droit , il étoit jufte d'accorder au fujet
qi; i! gratifie de la celTion , l'avantage d'être regardé
co.mme exerçant le retrait à'irc6ïsmcm & de {on
propre chef. On pourroit conclure du moins de ce
i86 PRÉLATION.
raifonnement, qu'il n'y a que le feigneur , & non
pas l'acquéreur, qui puiires'oppofer à l'exercice du
droit de Prélation par celui auquel l'a cédé un pre-
mier cefllonnaire.
Le cciTionnaire du roi a encor» un autre pri-
vilège, tonde fur le même motif que les pré-
cédens , celui d'exclure les rctrayans lignagers ,
qiii , dans la règle générale , font préférés au cef-
fionnaire. Boniface , tome 4 , livre i , tit. i , chap.
a , rapporte même un arrêt qui paroît avoir jugé
que le ceflionnaire du ceflTionnaire du roi a le même
avantage. Mais il y avoit deux circonflances parti-
culières dans cette affaire. 1", Le celTionnaire qui
tiroit fes droits du fermier du domaine , foutenoit
que le fermier ne devoit pas être regardé comme
im premier cefllonnaire , mais comme ayant, en
vertu de fon baîl, le droit de céder directement le
retrait , ainfi que le roi lui-même auroit pu le céder.
a°. Ce ceflionnaire avoit pris la précaution d'obte-
nir des lettres-patentes , parlefquellcs le roi confir-
moit la ceflîon qu'avoit faite le fermier du domaine.
Cette dernière circonftancc décida fans doute ;
mais on doit tenir dans la règle générale, avec de
Cormis , que le ceflionnaire dw ceflionnaire du roi
ne peut pas avoir plus d'avantage qu'un ceiîîon-
raire ordinaire. C'eft déjà un privilège afllez beau ,
que d'accorder au ceflionnaire du roi la préférence
fur les lignagers , qui excluent les cefllonnaires or-
dinaires.
Dans les pays où le droit de Prélation eft incef-
fible , comme en Dauphiné, le roi ne doit point
avoir , à cet égard , de privilège fur les fcigneurs
particuliers. « L'engagifte même du domaine, dit
« M. Salvaing, chapitre 23 , ne peut ufcr du droit
1» de Prélation , quelques lettres qu'il rapporte de
yt fa majcflé On ne doit point les vérifier, à
3> moins d'introduire une nouveauté contraire à
>i l'ufage & à la maxime confiante du palais , qui
j» rend le commerce plus libre , quand un acheteur
M n'appréhende pas d'être évincé par un donataire
» du feigneur féodal. On cft contraint dans les pro-
« vinces où la ceflion du retrait féodal cft prati-
» quée , de tenir fccrètes les ventes des fiefs , juf-
y> qu'à ce que l'acquéreur ait obtenu de fa majefîé
j» le don & remife des droits feigncuriaux , &foL!-
» vent il arrive que la diligence d'un autre prévient
» le fecrétaire d'état ou fes commis ».
Il eft beau de voir le chef d'une cour fouve-
raine , établie de temps immémorial pour la con-
fervation des domaines du roi dans une grande
province, préférer le plus grand bien de l'état an
vain honneur d'accroître les prérogatives du fou-
verain , & montrer, par fon exemple, que c'eft la
manière la plus digne d'en confervcr le domaine
dans fa vérit.ible fplendeur.
Dans les pays mêmes où le droit de Prélation cfl
cefTible, mais où le roi n'en a pas le droit, il ne
peut pas le céder à un tiers. M.\4. de la Mothc ,
dans leur commentaire fur ces mots de l'article 90
de la coutume de Bordeaux , U roi & l'c^Hft n'unt
PRÉLATION.
4roit de Prélation , rapportent deux arrêts qui l'ont
ainfî jugé dans des circonftances très - remar»
quables.
Le premier, rendu le 19 février 1704, au rap-
port de M. deFayct, à la première chambre des
enquêtes , décida bien nettement la queflion en fa-
veur du fieur de Mjnrarlier de Griffac , acquéreur
de quatre paroiflles dans le Cubziguais , contre M.
de Vincent , commiffaire aux requêtes , ceffion-
naire du droit de Prélation du roi. Cet arr^t, quî
MM. de la Mothe ont vérifié au greffe , & qui
confirma le jugement des tréibriers du août
1700, efl d'autant plus remarquable, qu'il ne fut
rendu qu'après que le confeil , à qui on s'étoit
adreflie , eut , par (on arrêt du 27 février 1703 , vifé
dans celui du parlement de 1704 , renvoyé 1 affaire
aux juges naturels.
Le fécond arrêt , qui h été rendu le 10 avril 1764
à l'audience de l'a grand'chambre, fur les conclu-
fions de M. l'avocat-général Saigc, a jugé la même
chofe en faveur de M. Duperrier d'Arfan , dont le
père avoit acquis , en 1733 , des fiefs dans h pa-
roifl'e de Pompignac , contre M. de Chatillon , lieu-
tenant-général des armées du roi , qui avoit obtenu
de fa majefté, en 1763 , le don du droit de Préla-
tion avant l'échéance des trente ans.
A plus forte raifon doit-on interpréter de la mê-
me manière la prohibition faite contre l'JgUfe par
le même article de la coutume de Bordeaux. Le
parlement de cette province nvoit même jugé , par
arrêt du 13 nui 1755 , rendu à l'audience de la
grand'chambre fur les conclufions de M. de la
Loubie, lubfiitut, dans la caufe du fleur Capraixe
Dufour , contre Antoine Gabel , cefTionnaire de
l'abbé de Sauve , que l'églife ne pouvoit plus céder
le droit de Prélation hors du reflbrt de la coutume,
depuis que l'édit du mois d'aoîît 1749 avoit fait ,
dans l'article 15 , une prohibition générale aux
gens de mainmorte d'exercer le retrait féodal. Il
faut avouer que tel paroiflbit être le fens de l'édic
de 1749 » comme l'a fort bien prouvé M. Henrion
de Pcnfcy , dans fes notes fur le traité des fiefs de
Dumoulin , tit. 10 , art. 54 , note 2.
Mais une première déclaration du 20 juillet
176a, enregi^rée au parlement de Bordeaux le
6 feptembre fuivant, a permis expreflêment aux
gens de main-morte >» de céder le retrait féodal
n ou cenfuel, ou droit de Prélation , dans les lieux
>j où , fuivant les loix , coutumes & ufages , cette
» faculté leur a appartenu jufqu'à préfent «. L'arti-
cle 6 de la déclaration du 26 m.?i 1774, interpréta-
tive de l'édit du mois d'août 1749, a fait de cette
décifion , particulière au parlement de Bordeaux,
une règle générale (i ). Mais il eft clair que ces deux
(l) Voici cet ariitlc 6.
« N'entendons empêcher que le» gens de mainmorte M
» puifTent céder le retrait fcoda! ou cenfuel , ou droit de Pré»
» îatica à eux appartenant , dans les lieux eu, luivantJcs
» leis, ccutumcJ 3f uiagei, ceuc faculté leur a appitcenu
PRÉLATION.
lois ne portent aucune atteinte à la jurifprudence ,
qui répute inceflible par les gens de main-morre le
droit de Prélation , que les coutumes ou des ufages
locaux leur avoient interdit long temps avant l'é-
dit de 1749.
Section VIII.
Dh temps dans lequel, le droit de Prélation peut être
exercé , 6" des formalités nécejfaires pour conjîituer
le Jeigneur tn aemcure.
Il y a à cet égard beaucoup de variété dans les
pays de droit écrit comme dans les pays coutu-
raiers. Mais par tout le terme fatal ne court que du
jour de la notification & exhibition du contrat faice
au feigneur. Il faut néanmoins obferver que ledit
du mois de décembre 1703 , portant création des
offices de greffier des infinuarions laïques, en afîu-
jeaifiant à cette formalité des infinuarions laïques,
tous les aites tranflatifs de propriété , veut que le
temps fixé par les coutumes pour le retrait féodal ou
l'giijger , ne puijje courir , même après rexhibition des
con:rais & autres titres de prepriété , à Fégard dure-
trait f codai , ou après renjuijïnement à l'égard du re-
trait lignager^ que du jour de rinfmation ou tnre-
giflre-nent.
Plufieurs jurifconfultes doutent fi cette loi bur-
fale & rigoureufe auroit fon exécution , particu-
lièrement dans les pays de droit écrit que cette dif-
pofition de ledit ne défigne point. La Touloubre
l'a néanmoins ra jpellée dans fa /urifprudence du
parlement de Provence , part. 2 , tit. 4 , n^. lo ,
comme ayant une pleine exécution. Mais il efl cer-
tain du moins qu'elle ne difpenfcroit pas de la no-
tification & exhibition du contrat au feigneur.
Suivant l'opinion commune , le droit de Préla-
tion doit être exercé dans l'an , à compter du jour
que le nouveau valTal a d'!;noncé ion acquifition
au feigneur, 6c lui a demandé rinveftiture (i) ;
autrement l'aftion dure trente a .s , fans difimguer
fi le feigneur a fu oit s'il a ignoré îa vente. Telle
eft la jurifprudence du parlument de Touloutc , (ui-
»• juicju'i prélfnt , fans nl-itimoins que ladite ceffion puifle
»> êcre faice à autres gens Je main-morte, ni c]i,'i!s puiflent
M recevoir pourpiix de Jj ceïïion jiirre chofc i^ue des cfia.
»> nio'oiliers , ou des rentes de la nature de celles qu'il leur
» eft permis d acquérir , délogeant à cet égard à la diipoli-
•» tioa i'.e 1 irticle %\ de l'édiiclu mois d'août 1749 ".
Cette decl iration a ét'j e regiflre'e d Paris pir la comm'tjfitn
Intirmédt lire f le premier jun 17 J4. J.a 'iirogition qu'el'e
prononce à Târiicle i-j de l'éàit de 1749 , iadi'jue affcz qu". n
J'avoit bien entendu , en api'Iiqu.int la prohibition de cet ar-
licl* i la cefîîon uiéme du reciaic.
(1} ij.etonnier , dans (es queltions alphat 'tiques , i la tin
àc l'auicle Rnrait fctdal, dit que « dans les pays de droit
»» écrit, où les fiefs doivent des piOnts, le feigaeut a un an
»• pour exercer le retrait depuis l'p'iliibition c!u contrat à lui
3» faite ( Cac.lan , tome I , liv. ; , cbap le ) , &:que , d.ins
to lespro^'inie? où les hefs font iiuip enient d'hon.icui Ôl ne
t doivent ajjun pro't, le tCime du retrait eft d'u.ic année
»• depuis 'a foi Se hommage ». Mais cet auteur ne dit point
«ù il a pris cette dilHndtioQi
PRÉLATION.
187
rantle témoignage de Perrière fur la queftion 41 1
dt Guypape ; de la Rocheflavin , des droits fci-
gneuriauxjchap. 13 , art. 13 & 15 ; de Catelan ,
liv. 3 , ch. 10 ; & de Bouraric , titres de la Prélation
6c du retrait ccnfuel.
En Provence, fuivant de Cormis, totn. i , col.
1038 & 1039» ^^ temps accordé au feigneur cft de
deux mois, conformément à ce qui ell établi par
la loi 3 , code de jure emphyt. &c. Pour faire courir
ce délai, il faut aulîi que le vallal ou l'emphytéote
exhibe fon contrat d'acquêt , en en donnant un ex-
trait au feigneur, & en lui demandant l'invelii-
ture. Ceft làns aucun fondement que Paftour, de
jeudis , liv. 6 , tit. 2 , n°. 2 , a dit , que le temps de
la Prélation écoit borné à dix ans , à défaut de no-
rihJition j i! eii très certain , comme l'oblervc la
Tojloubre , n . 10, que fa durée eft de trenccans.
Le même auteur obicrve encore, n". 23 , que ce
ciéLii de deux mois ne laifle pas de courir contre le
ceflionnaire , quoique le contrat de vente n'ait été
nocifié ni à lui , ni au feigneur, parce que l'obliga-
tion d'exhiber le contrat ik de demander l'invelti-
ture , n"a pas lieu à fon égard.
Au parlement de Franche-comté , le feigneur a
un an àc un jour pour les hefs , à compter du jour
de l'exhibition du contrat, & quarante jours pour
les cenûves, après que le contrat d'acquifition lui
a aufli été prélénté , & que les lods lui ont été
offerts ; fmon la faculté du retrait dure auflî trente
âllS.
En Bourgogne, fuivant Davot, traité des fiefs ,
n". 81 , le feigneur n'a que quarante jours , à
compter du jour de la dénonciation qui lui a été
faite du contrat. Mais fi , au lieu de lui faire per-
fonnellement cette dénonciation , on ne l'a faite
qu'a fes officiers , le feigneur a une année entière,
félon l'art. 48.
Suivant les articles 88 & 89 de la coutume de
Bordeaux , lacquèreur d'un domaine mouvant d'un
leigneur de fief , av^c efporle (1) & autre devoir,
eÛ tenu d'aller au feigneur , reconnoitre & efpor-
ki de lui , 5) & de fe purger par ferment , fur le li-
)) vrc & la croix, du vrai prix que ladite chofe
V achetée lui aura coûté , fi par le feigneur en efl
V réunis ; & fera au choix des feigneurs de faire
V' purger les tenanciers , ou bien de prouver le
» contraire & fraude; & aufîî fera tenu le tenan-
)) cier exhiber les contrats de 1 acjuét ; & , lef-
i> dires exhibitions & purgations faites, ledit fei-
» gneurfeta tenu déclarer audit acheptcur, tenan-
i> cier ou emphytcote, dedans huit jours après,
)> qu'il veut prendre la chofe acquife par droit de
» Prélation , & bailler le jufte prix , cinq fous
» bourdelois moins; autrement , lefdits huit jours
)» paffés , les feigneurs de fief ne feront plus reçus
1) à avoir iefdites chofes par puiffance de fief &
i» droit de Prélation i>.
La plupart des autres coutumes du reflbrt du par-
(1 ) C'elt une redevance duc i chaque mutation.
î88 PRÉLATION.
lemcnt de Bordeaux, comme Acqs, arr. 99 & loi ;
Bayoniie , art. 89 & fuivans ; Saint-Jean-d'An-
cely , art. 27 ; Saint-Sever, arr. 80; & lufance de
Saintes , article 6 , ont des dilpofitions à peu-près
femblables.
Pai-tout l'exhibition du contrat doit être faire
au feigneur même ou au chef lieu du fief. Il fnut
en excepter le comté de Bourgogne , ou, Suivant
l'article 3 de la coutume, au titre des fiefs , l'exhi-
bition doit être faite au feigneur ou à fon do-
micile, quand même il ne feroit pas fur les lieux ,
pourvu qu'il foit dans la province. S'il eft ab-
sent , on doit la faire au principal ofEcier du fief
dominant.
Au furplus, Dunod obferve que l'exhibition
peut être faite au feigneur mineur, ou à fon do-
micile, lorfque le mineur eft forti de tutelle, &
qu'il a l'adminiftration de fes biens , comme il la
de plein droit dans les pays de droit écrit , dès qu'il
efl forti de tutelle, parce que le retrait eft un ;i(51e
d'adminiflration. Si c'eft un pupille, c'eft-à-dire ,
un impubère , il faudra faire l'exhibition au tuteur ;
&: fi le pupille n'a point de tuteur , on lui en doit
faire nommer un. Enfin , quand il y a plufieurs fei-
gneurs, l'exhibition doit être faite de la même ma-
nière à chacun d'eux.
Les principes pofés à cet égard par Dunod ,
pour la coutume de Bourgogne , doivent être ad-
mis dans tous les pays de droit écrit. Il en eil de
même de ce qu'il dit pour les cas où le contrat
d'ac(juifition contient divers objets , fans que le
prix de chacun d'eux foit énoncé en particulier.
L'acquéreur, en exhibant fon contrat, doit évaluer
chaque objet , ce qui n'empêche pas le ftigneur^de
les faire ventiler par experts, 6c, durant cette ven-
tilation , le tetnps fatal ne court point contre lui.
Cela a été ainfi jugé au parlement de Befançon
par un arrêt du 22 mars 1702, dont on a pailé
dans la feêlion 4 , note 3 , & par un autre arrêt du
6 mars 1705.
Lorfque la vente eft faite fous une con. tion
fufpenfive , on tient , dans les pays de droit écrit
comme dans les pays coutumiers , que le temps
fatal ne court qu'après l'événement de la condition.
La Touloubre , qui cite à cette occafion , au n". 3 8 ,
Duperrier , tom. a , pag. 40 , n°. 183 , & PaAour ,
/if fendis , lib. 6 , tit. 3 , dit auffi au n". 16 , que
ce temps ne court pas non plus pendant le procès
fur la validité ou la nullité de la vente : il cite ,
d'après Duperrier & M. de Thoron , deux arrêts
qui l'ont ainfi jugé pour le retrait lignager ; mais
cette queflion peut offrir plus de difficulté que la
précédente.
Au refte , comme ces délais font accordés en fa-
veur du feigneur , & qu'il n'y a que le terme qui
les fuit qui foit en faveur de l'acquéreur , il dé-
pend du feigneur de les prévenir; il peut même
Hier du droit de Prclation , auffi tôt que la vente
cfi parfaite , quand il n'y auroit eu aucune efpèce
de tradition. Il n'eft plus au pouvoir des contrac-
PRÉLATION.
tans de révoquer la vente à fon préjudice , comme
l obferve Dunod de Charnage , parce que le droit
lui efi acquis par le fcul efiêt du contrat, avan^
même qu'il ait déclaré fa volonté.
Section IX.
Des fin^ de non-recevoir ^u on peut oppoftr contre le
droit de Prelation exercé dans le temps utile.
De toutes les caufes qu'on propofe a/Tez fou-
vent pour exclure le feigneur de l'exercice du droit
de Prélation , lors même qu'il fe préfente dans Je
temps fatal , il n'y en a guère que deux de foli-
des ; ce font l'inveftiti're donnée par le feigneur ,
ou la réception du vaffal en foi & hommage , qui
en tient lieu d'ordinaire , & le payement des lods
8c ventes.
I. L'inve[liture accordée par le feigneur , eft une
véritable reconnoifiance de fa part , que le vafTal
ou le cenfitaire lui conviennent , & par conféquent
une renonciation au droit de les rejeter en ufant
de la Prélation. Cela a lieu à l'égard même des in-
veflitures prifes à la c!iambre des comptes , pour
les fiefs qui font dans la mouvance du do-
maine ( i ).
La réception en foi & hommage fembleroit de-
voir produire nécefî^nrement la même fin de non-
recevoir , puifqu'elle renferme implicitement J'in-
veiliture; & tel ert en effet le droit comiriun. Mais
on fuit une autre règle en Franche-Comté , où cette
queOion a été fort agitée.
On voit par la décifion 112 , n°. 14 , de M, Gri-
vel, que le parlement de Bsfatiçon penchoit pour
l'afiîrmative ; la négative eft néanmoins devenue
une loi, du moins pour les mouvances du domaine,
d'après une lettre du fouverain de la province ,
écrite au gouverneiu- en 1607, & enregiftrée tu
parlement & à la chambre des comptes. Il y décla-
re qu'il veut , nonoljlant la léccptïon de foi & lum-
m.ige , demeurer entier en fon droit de retenue , pour lui
ou celui à oui il en fera la ceffion.
Dunod de Charnage penfe » que la même chofe
» doit être obfervée à l'éfrard àts fiefs mouvai7S
» des vafiaux , parce qu'il y a rrême raifon ; que la
» jurifprudcnce doit être uniforme hors des cas de
» privilège , Se qu'en a étendu aux vaflaux ce que
M le roi a ordonné pour lui fur les fiefs en d'autres
3» circcnfiances ».
Peut-être faudroit-il diflir:guer feulement le cas
où c'eiî le feigneur lui-même, ou fon fondé de
procuration fpéciale , qui a reçu le vafTal en foi &
hommage , & celui ou l'admifiion à la foi & hom-
mage n'a été faite que par les officiers ordinaires
de la feigneurie , fans qu'ils euffent de pouvoir fpé-
cial. Il femble que le leigneur devroit avoir encore
la faculté d'opter la retenue féodale dans le dernier
(i) Vcyez à ce fuiet un arrêt du confeil laj'^orté dans ce
recueil au mot Inyejliture.
cas;
PRÉLATION.
cas ; m.iis qu'il devrok en être irrévocablement
déchu dans le premier.
IL Le payement des lods & ventes forme auoi
une fin de non-recevoir généralement admife con-
tre l'exercice du droit de Prclation. La raifon en
eil , que le feigneur n'ayant que l'option de l'un de
ces deux droits, la réception de l'un exclut toute
prétention à l'autre. Mais il faut pour cela que les
lods aient été payés au feigneur lui-même, ou à
ceux que les lois ou un mandat fpécial autorifent à
le repréfenter à cet égard.
Ainfi le payement des lods faits au mari ou au
tuteur , rendent la femme & le pupille non-rece-
vablcs à reclamer le droit de Prélation. Mais il n'en
eft pas de même du payement qui auroit été fait
au fermier , au receveur, ou au fondé de procura-
tion générale du feigneur , quoique Ferricre j fur
la queftion 477 de Guypape , & M. de Carelan ,
liv. 3 , cliap. 9 & 10 , enfeignent le contraire, fur-
tout fi le feigneur les a défavoués dès qu'il a été
inftruit du payement qui leur a été fait : il faut nc-
celTairement un pouvoir fpicial , pour qu'ils puif-
fent faite décheoir le feigneur de fon option par
leur fait. Ces principes, atteftés par tous les nu-
teurs , ont été fouvent confirmés par la juriipru-
dence des cours fouveraines.
\Jn arrêt du 16 mars i66ç , rendu entre le fei-
gneur & la communauté de Pui-Loubier, & rap-
porté par Boniface, tcm. i , liv. 3 , tit. 3 , chap. 3 ,
ik. par la Touloubre , n". 6, condamne les habi-
ta ns & poflédans biens au payement des arrérages
des lods depuis vingt-neuf années , (î mieujc nai-
moit le feif.neur retenir par droit de fief & a'j l'rc-
l.ition les biens nlicués , & dont il n'aurait pas donné
rinvtjl'i'.ure , ni retiré les lods par lui ou [es procu-
reurs fpécijux.
D'autres SYréts , & particulièrement celui qui
fut rendu en 1720, en faveur du marquis di So
liers ; un autre du 22 mars 1711 , pour M. le prince
de Monaco ; 5c un troifième du 5 l'cptembre 1735 ,
rendu par le parlement de Grenoble, dans un pro-
cès évoqué en faveur du fieur de Villeneuve , mar-
quis de Flayofc , ont jugé aufîi que le payement
fiit au fermier du feigneur , ne formoitpas une fin
de non-recevoir contre ce dernier.
Cependant fi le fermier ou l'agent du feigneur
étolt dans l'ufage confiant d'accorder les inve^li-
tures fous f©n nom , & d'opter entre le retrait & les
lods & ventes , la réclamation du feigneur contre
le fait de l'un ou de l'autre ne pourroit être vue
que défavorablement en juftice.
Un arrêt du 15 avril 1711 , rendu entre les fei-
gneur & la communauté de Rougiers , par des
commiflaires du confeil, & que rapporte auffi la
Touloubre, n"". 14 & iç , a jugé que le feigneur ,
en établiffant un procureur pour recevoir le paye-
ment des lods , cft obligé de lui donner un pou-
voir fufîifant pour accorder en même-temps l'in-
vefiiture à l'acquéreur. L'arrêt ajoute : « Ordon-
» nous , audit cas, qus la procuration fera faite p^ir
To;ne XJH.
PRÉLATION. 189
« afle public, inféré dans les regiilres d'un notaire
» dudit lieu de Rougiers . auquel les emphytcotcs
n auront recours , en cas de befoin , contenant
n le nom & furnom dudit procureur ; & venant
» ledit procureur à recevoir le lods fans vouloir
» donner l'invefliture , la quittance dudit lods vau-
y* dra inveftiture ».
Il faut obferver au furplus , que la fimple de-
mande des lods , formée par le feigneur perfon-
nellement, ne le prive pas du droit de revenir
au retrait , lors du moins qu'on ne lui a pas no-
tifié le contrat dans la forme légale , avant que
cette demande ait été formellement acceptée , ou
qu'elle ait été fuivie d'une condamnation. L'anno-
tateur de la Peyrere , hv R. n". 1 20 , rapporte deux
arrêts du parlement de Bordeaux , l'un de l'année
1692 , l'autre de l'année 1716 , qui l'ont ainfi jugé.
Vedel , dans fes observations fur M. de Catelan ,
rapporte deux arrêts femblables du parlement de
Touloufe des 21 août 1711 & 15 juin 1720.
L'annotateur de Boutaric, page 222, u obfervc
» que la plupart de ces arrêts (ont dans le cas que
» le feigneur awit eu connoiffjnce du contrat ai^tre-
)> ment que p.jr la notification ^ & que les auteurs
» qui les rapportent ont préfenté cette circonflnnce
» comme ayant le motif de la chofe jugée, parce
3) que le tenancier , tant qu'il n'a pas fatisi'ait à
» Tobligation qui lui eft impofée de noti.'icr lui-
j> même la vente , ne doit pas être reçu à prendre
n droit de l'option précipitée que peut avoir faite
)> le feigneur. Il croit néanmoins qu'il n'en doit pas
» être autrement, quoique le con:r:.t ait été notifié ,
» félon le principe des loix, que quand le droit
" d'opter & de choifir n"efi. point fondé fur une
» ilipularion particulière, mais qu'il defccnd de la
j> nature même de l'obligation ; la variation ed
» reçue en tout état, après la demande, après la
» conteftation en C3ufe,&méme après un juge-
» ment de condamnation , en forte qu'il n'y a rien
)) de confommê que par le payement ». Mais le
droit de Prélation n'efî pas alTez favorable, pour y
faire admettre une extenfion fi rigoureufe ;elle four-
niroit d'ailleurs trop de prétextes au feigneur pour
proroger le terme par lequel on a limite la durée
de fon privilège.
La Touloubre , au n". 3 , propofe un tempéra-
ment plus équitable ; il penfe que , dans le cas où la
notification auroit été faite, le feigneur doit avoir la
liberté d'abandonner la demande qu'il a formée en
adjudication du lods , fi elle éprouve un refus &
des contradiftions de la part du vaflal ou emphy-
téotc. Il a , dit-il alors, un prétexte légitimée pour
revenir au retrait; mais après un jugement tout ell
confommê. Judiciiim efl commune utrique.
IIL Le payement des cens n'a point le même effet
que celui des lods & ventes. Comme tout poficffeur
en eft indiflinêîement chargé, le droit du feigneur
demeure en fon entier , tant qu'on ne lui a pas dé-
noncé la vente d'une manière légale. M. de Catelan,
Oo
IÇO
PRÉLATION.
livre I , chapitre lo, rapporte un arrêt du 12 juin
3665 , qui l'a ainfi jugé.
Boniface , tome 4 , livre 2 , titre 3 , chapitre a ,
en rapporte trois femblables des 29 janvier 1626,
j i avril 163 I , & 23 février 1634. Dans refpece du
fécond de ces arrêts , le cens avoit été payé pendant
onze ans. La Touloubre , titre du retrait, n*. 25 , en
rapporte un autre de l'année 1634 , rendu en faveur
du leigneur de Nuirargues.
Villers , fur la coutume de Bourgogne, titre des
fiefs, cite aufli un arrêt du parlement de Dijon qui
l'a ainfi jugé. Enfin Dunod de Charnage , au cha-
pitre 1 1 , page 64 de fon traité des retraits , « en
w rapporte un dernier rendu au parlement de Be-
9> fançon le 21 août 1720, au rapport de M. Rend ,
« entre M. de Grammont , feigneur de l'Etoile, &
S) les veuve & héritiers Pierrecy, qui a confervé
»> au feigneur le droit de retenue , quoique le nou-
« vel acquéreur eût payé les cens , & qu'il eût été
j) admis à reconnoître par un commiffaire à terrier,
5> qui avoit renouvelé le rentier de la rente. La cour
3» eAima , dit Dunod , que ce commifT.iire étant
5> fimplement prépofé pour recevoir les rccon-
» noiffances, n'avoit pu préjudicier au droit de
» retenue du feigneur, & qu'il falloit un mandat
V fpécial pour cela ».
La connoiffance que le feigneur auroit pu avoir
du contrat, de la part même du vaflal ou de l'em-
phytéote . ne fupplée point au défaut de notification.
Il y a plus , quand bien même le feigneur auroit
donné fou confentement à la vente, ou qu'il l'auroit
faite en qualité de procureur, il ne feroit pas exclus
pour cela du retrait, u II faut, de la part du feigneur
j» ( dit la Touloubre à cette occafion , titre des
» retraits, n°. 4 ) un afte abfoliiment incompatible
j> avec l'exercice du retrait, & qui fait purement
I» relatif à cette mêine qualité de feigneur. Or,
» quand il confent à la vente , il peut avoir en vue
î> d'exercer le retrait, fi le prix & les conditions
ï) du contrat lui conviennent; & lorfqu'il vend le
Vf fonds d'autrui en vertu d'une procuration , il
» n'agit & ne flipule qu'au nom de celui qui la lui a
J» confiée ".
On doit pourtant avouer que ces fubtilités du
droit ne font guère conformes aux maximes de
bonne foi qui doivent fervir de règle aux hommes
dans leur commerce.
Il n'eft pas befoin de dire que lorfqu'on a com-
mis une fraude pour empêcher le feigneur d'ufer du
droit de Prélation , par exemple , en furhauflant
dans l'afle le véritable prix de l'acquifition, ni le
payement du lods fait au feigneur même ou à fon
fonde de procuration fpéciale , ni la réception en
foi 5t hommage & l'invefliture la plus formelle , ni
enfin l'écouleracnt du temps fatal depuis la préfen-
ration du contrat , ne peuvent opérer une fin de
non-reccvoir contre le feigneur ; il n'y a que la
prefcription trentenaire qui puifTe mettre Tacqué-
reui à couvert dans ce cas.
PRÉLATION.
Section X.
Des formalités que le feigmur doit obferver , & des
obiis^atioiis dont il ejl tenu dans l'exercice du droit
de P.elation.
Dans prefque tous les pays de droit écrit , l'offre
réelle du prix , dans le délai accordé au feii-ncur ,
ciï la feule formalité requife lors de la den.ande en
Prélation. La confjgnation ou canjting , comme on
1 appelle en quelques pays , n'efl néceiïaire que
pour gagner les fruits. Dans le Languedoc & dans
le Dauphiné, où le feigneur ne peut céder fon
droit, il eft de plus obligé d'affirmer , fi l'acqué-
r.ur l'exige, qu'il retient pour lui-même , & non
\>>ur autrui. Le même ufage a lieu afiez inconfê-
q jerr.ment en Provence , quoique le droit de Pré-
l.Lion y foit inconteflablement ceffible , comme on
la pu voir dans la feêhon 7.
Quoi qu'il en foit , le ferment doit être prêté par
le leigneur en perfonne , & non par procureur.
C'ert la difpofition prccife d'un arrêt de ré;'!emenc
rendu le 18 mars 1638, entre Jean Jacques de Pa-
ris & la dame de Baudol. Cet arrêt , qui eft cité
par la Touloubre , n", 33 , fait inhibitions & dé-
icnfes à tous juges du rellort du parlement, d'ad-
mettre à pareil lernieut fur une fimple procuration ,
à peine d'amende ai bitraire , dépens , dommages
6c intérêts des pat ties.
Il n'importe pas que le feigneur faïTe le rembour-
feraent en même-temps que d demande , ou podê-
rieurement, pourvu qu'il foit encore d.ins les dé-
lai-, que l'ufage des lieux lui accorde. Lorfque l'ac-
quéreur ne veut pas accepter le rembourfcnient ,
il faut luifaire des offres réelles à découvert, donr
on aura foin de faire drcller un procès-vcrLal par
un huiffier ou par des notaires , finon le feigneur
fera irrévocablement déchu de fon droit , pour
c rre fois, quand même il auroit déclaré qu'il ufe
cia retrait , &. qu il fe feioit mis en poikffion du
fi.;f.
Un arrêt du parlement de Befançon , rendu à la
Tournelle le 7 fepteaibre 1723 , entre les fieurs
Moureau& Blandin, l'a ainfi jugé , fuivant Dunod
de Charnage, traité des retraits, cbap. 10, p 57.
Dans l'efpêce de cet arrêt, le retrait avoit eu lieu
dans le temps , mais le rembourfement n'avoit été
fait qu'après l'année, à un tuteur qui n'avoit pas
dû le recevoir, au préjudice du droit acquis par
fes pupilles.
Au refte,rien ne peut dirpcnfer le feigneur du
rembourfement de rintêgrité du prix , quand bien
mcme il feroit quefiion d'une maifon qui auroit
été ruinés eu confumée par un incendie depuis la
vente. On fuit généralement à cet égard , dans les
pays de droit écrit , les mêmes principes qu'en pays
coutumier; ainfi fe feigneur ne doit rembourler
les frais & loyaux-coûts , qu'après qu'ils ont été
ciuièrement liquidés. S'il s'agit d'un fief mouvant
du roi , le i.ein©iinsire doit lembourfer les frais du
^RELATION.
dénombrement & de l'aveu fournis à la chambre
des comptes pa-- l'acquéreur ; on doit de mcme
rembourfer le fupplcment du jufle prix qui a été
payé (ans fraude par l'acquéreur avant l'exercice
du retrait. On peut payer l'acquéreur par la com-
penfation d'une dette liquide , 8c le retrayant doit
profiter de tous les délais & des facilités qui étolent
perfonnelles à l'acquéreur.
Les fentimens des auteurs ont été autrefois par-
tagés fur cette queftion i mais enfin , dit Boutaric ,
« l'opinion commune , & à laquelle les arrêts fe
« font conformés , c'eft que le retrayant entrant à
i> la place de l'acheteur , il doit jouir des conditions
^» & des termes du payement , comme faifant par-
«t tie du prix ; & qu'il n'eft tenu par conféquent de
« rembourfer que ce quia été payé, en prenant
ï» fur lui l'obligation que l'acheteur a contrafice
n pour le furplus envers le vendeur n.
Cet auteur cite à cette occafion MM. Maynard ,
liv. 7 , chap. 3 1 ; de Catelan , liv. 3 , chap. 1 1 ; &
Salvaing de Boiflieu ; chap. 90.
On tient par la même raifon au parlement de
Provence , lorfqu'on exerce le droit de Prélatlon
après une coUocation faite par un créancier fur des
biens fitués hors du lieu de fon domicile , qu'il
profite de la quinte part qui a été diftraite , fuivant
î'ufage , fur la valeur des biens, par forme d'in-
demnité pour le créancier ; c'eft la décifion de
Mourgues fur les ftatuts, page 97, où il explique
celui qui accorde cette indemnité au créancier ; de
M. de Clapiers, claufe 100 , queftion a , n°. 33 ; &
de la Touloubre , n°. 49.
Enfin , le feigneur n'eft pas tenu , dans ce même
cas, de rembourfer tout ce qui étoit dû au créan-
cier qu'il évince, mais feulement le prix de fm col-
location.
Section XI.
Des ejfits & des fuites de l'exercice du droit dt
Prélatian,
Il n'y a prefque rien à dire fur cet objet , qui
puifle diftinguer le droit de Prélation du retrait fei-
gneuriai admis dans les pays coutumiers. La plupart
des auteurs croyaient autrefois que les hypothè-
ques & les fervitudes étoient révoquées par la
réunion du domaine utile au domaine ciire^l,
qu'opère l'exercice du droit de Prélation ; mais
cette opinion, qui , avant Dumoulin , rés^noitdans
toute la France, fans exception , eft aufli par-tout
rejetée aujourd'hui. Il eft donc conftant que l'exer-
cice du droit de Prélation n'éteint ni les hypothè-
ques ni les fervitudes impofées furies fonds avant
la vente qui a donné ouverture à ce droit : on
peut voir à ce fujet une décifion latine , fort bien
raifonnée,au chap. 29 de I'ufage des fiefs de Sal-
vaing.
Quant aux fruits, la jurifprudence du parlement
de Provence, atteftée par la Touloubre, n". 60 , &
par d'autres auteurs, eft d'adjuger à l'acquéreur
tous ceux qui oot été cueillis avant la demacdw
PRÉLATION. 191
du feigneur, & de partager entre le feigneur &
l'acquéreur ceux qui font pendans lors du retrait ,
à proportion du temps qui s'eft écoulé avant &
après la demande , à moins que le feigneur n'ain
d fféré par affedlation de la former jufqu'à la par-
faite maturité des fruits.
Duperrier , tom. 2, pag. 32, n*'. i49,dirque
cette exception, quoiqu'établie par Dumoulin,
n'eft pas fans difficulté. Cependant elle a été adop-
tée par un arrêt qu'a rapporté Boniface , tom. 4 ,
liv. 2 , tit. 3 , chap. 5 , qui adjugea tous les fruits à
l'acquéreur.
Dunod penfe au contraire que le feigneur qui
exerce le droit de Prélation fur un emphytéote ,
doit avoir les fruits recueillis avant les offres ,
» parce que la vente demeure en fufpens , à l'égard
» du feigneur, jufqu'à ce qu'il accorde l'invefti-
» ture ; que l'acquéreur doit lui préfenier fon con-
» trat dans un bref délai , & que le feigneur doit
» ufer de fon droit dans un délai qui eft auftS fort
» court. Je trouve , dit-il , que le parlement de Be-
» fançon l'a ainfi jugé entre le feigneur de Mon-
" tigny & la demoifellc Girardot de Salins , & jo
» crois qu'on doit dire la même chofe dans le cas
" de la retenue féodale , d'autant que Tacquereur
» ne peut pas, en ce cas, prendre pofléftîon fans
» le confentement du feigneur, à peine de com-
>i mife;mais le feigneur qui retient, foit le fief,
» foit la cenfive , doit offrir les intérêts de l'ar-
i> gent ».
Cette décifion & les motifs fur lefquels elle efl:
fondée , ne peuvent recevoir d'application hors du
reflbrt du parlement de Franche-Comté.
Au refte , le feigneur ne fuccède pas moins aux
défavantages qu'aux avantages de l'acquéreur. Il
eft tenu de la reftitution des fruits , dans le cas où
l'acquéreur qu'il remplace l'auroit été, fi la vente eiJt
étécaffée après qu'il auroit faitufagedc fon droit.
Par la raifon contraire il fembleroit qu'en cas
d'éviâion , il devroit avoir fa garantie, non-feule-
ment contre le vendeur, mais auffi contre la cau-
tion que l'acquéreur fe feroitfait donner par le ven-
deur. Cependant Boutaric , au chapitre du droit
de Prélation , dit , d'après Catelan , liv. 3 , ch. 1 3 ,
que les arrêts ne l'ont par jugé ainji; quils ont-
permis au feigneur évincé d'agir pour la garantie con-
tre le vendeur^ mais non pas centre la caution dit-
vendeur.
Voye^ le traité des droits feîgneuriaux de Bouta-
ric , aux chapitres de la Prélation ou retrait féodal,
6* du retrait cenfuel ; le traité du retrait de Dunoi
de Charnage , ch. 10 6* 1 1 ; I'ufage des fiefs de Sa'-
vaing de Boiffieu , ch, 20 6f fuivans ; la jurifprudence
ohfervée au parlement de Provence dans les tnatiires
féodales , par la Touloubre , part. 2 , tit. 4 ; les dé-
cifions de la Peyrere, lettre R ; le nouveau commentaire
de MM. de la Mothe fut la coutume de Bordeaux ,'
6* /" autres autorités citées. Voyez aufTi les articles
Foi et hommage. Investiture , Lods et
v£î*TES, Quint, Retrait censu l ; Retrait
Ooij
i9i PRÉLATURE;
FÉoDAt, Retrait lignager, Retrait itî-
GNtuRiAL, Usufruit , ôcc. ( article de M. Gar-
JRAS VE COULON , avocat au parlement^.
PRÉLATURE. Ce mut, fuivant fon étymolo-
gie , défigne une prééminence, une fupériorité;
on ne s'en fert c[ue pour marquer les places &
rangs eccléfiaftiques qui donnent une jurididîion
& aflignent des inférieurs qui doivent la recon-
noître.
Ce terme a moins d'étendue que celui de di-
gnité; toutes les Prélatures Ibnt bien dignités ,
mais toutes les dignités ne font pas Prélatures.
Pour obtenir ce titre , il faut que celles-ci donnent
à ceux qui en font revêtus le droit de gouverner
& celui de punir.
On diftineue les Prélatures en fupérieures & en
inférieures : les premières font celles qui donnent
imc plénitude de juridiâion fur les fujets; les fé-
condes font celles qui ne donnent qu'une juridic-
tion limitée.
Il faut placer dans la première clafle les évêcliés ,
archevêchés & titres fupérieurs. Depuis long- temps
on eft dans l'ufage d'y comprendre aufli les ab-
bayes, à raifon de la juiiditUon qu'elles donnent
aux titulaires fur tous ceux qui compofent les nio-
rafiéres dépendans de ces abbayes.
Dans la féconde clafiè fe trouvent les premières
dignités des églifcs cathédrales & collégiales, lorf-
quelles donnent une juridiction fur le corps. Celles
«les collégiales femhlent même avoir à cet égard
ime forte de prérogative , parce nue leur vacance
Tend les égiifes veuves, ce que ne fait pas la va-
cance des premières dignités des cathédrales , les
Titulaires de ces dignités n'étant pas regardés com-
me les époux de ces égiifes, attendu que cette qua-
lité app:irtient de préférence aux évèques. On re-
garde auffi comme Prélatures du fécond ordre , les
archidiaconats qui ont confervé un exercice de ju-
ridittion. On a douté s'il falloit mettre les cures
dans le même rang. Plufieurs conciles ont donné la
qualité de prélats du fécond ordre aux eccléfiafli-
t]ues qui en étoient pourvus, & il feroit bien diffi-
cile de ne pas rcconnoîtrc en eux une forte de Pré-
l^ture, pour peu qu'on faffe attention à la nature de
leur titre & aux pouvoirs qui y font attachés. On
fait qu'en verru de leur titre, les curés font les co-
opérateurs des évêques dans le gouvernement des
âmes; qu'en vertu de ce titre, ils ont le droit d'inf-
truire les peuples qui leur font confiés , leur admi-
niflrer les facremens, & les abfoudre ; qu'ils peu-
vent déléguer ces fondions , & que s'il en eft quel-
• ques-unes que , d'après les nouvelles difpofuions
des conciles & des ordon.nances , ils ne doivent
commettre qu'à des eccléfiaftiques approuvés par
les ordinaires ; ces eccléfiaftiques ainfi approuvés
ne doivent auflî exercer les tonâions dn faint mi-
niftère dans létendue des parolifes , qu'avec le con-
fentement des curés. Tant de prérogatives mar-
quent dans les curés une prééminence bien capa-
ble de leur aflurer le titre de prélat tUi fççojid or-
PRÉLATURE.
dre ; titre, au rcfte , bien plus fait pour animer leur
vigilance, que pour exciter la vanité, l'idée de fu-
périorité qu'il emporte ne devant fervir qu'à leur
rappeler les devoirs qu'il impofe.
On regarde aulîî comme Prélatures , les prieu-
res conventuels , par la même raifon qui a fait
accorder ce titre aux abbayes ; mais avec la difîe-
rence que doit établir la fubordination de ces deux
titres.
Quoique les abbayes foient regardées comme
Prélatures du premier ordre, les premières digiait^s
des égiifes cathédrales, ou, pour mieux dire, les
titulaires de ces dignités ont fouvent difputé la pré-
féance aux abbés titulaires. Il n'y a point de loi
pi-écife fur cet objet; Tufage feul peut fervir de
1 égle.
Les qualités , les devoirs & les obligations des
p élats font la matière de plufieurs titres du droit
canonique , dont il feroit trop long d'entreprendre
ici l'analyfe ; il vaut mieux renvoyer à ces titres ,
que les prélats ne peuvent trop confulter.
C'étoit par la voie de l'éleâion qu'on pourvoyoit
autrefois aux Prélatures du premier ordre. La prag-
n^atique-fandiion , titre 2 , de eleR. en avoit renou-
velé & prefcrit très-impérieufement l'ufage par rap-
port à la France. Le concordat y a formellement
dérogé. On a fuffifammentdifcuré cet objet fous les
mots Concordat & Pragmatique-sanction;
il fufiira d'obferver ici les qualités Se conditions
que la dernière de ces deux lois exige dans ceux
qui font promue aux grandes prélatures. La prag-
matique , §. 10 du titre cité, s'ctoit contentée d'or-
donner aux élefleurs de ne choifir pour prélats
que des hommes d'un âge mûr, de mœurs graves,
d'une fcience fuffifante , qui fuïTent conftitués dans
les ordres facrés,&qui d'ailleurs eufient les qua-
lités requifes par les faints canons. Le concordat
a prefcrit, d'une manière plus préeife, làge 6ile
degré de fcience que doivent avoir ceux que le roi
ncisimera aux évéchés & archevêchés. 11 y eft dit,
au titre 3 de la nomination royale aux Prélatures ,
que, vacance arrivant de quelques évéchés ou ar-
clievèchés, le roi , dans les fix mois, préfenteraau
fouverain pontife , pour remplir le fiége vacant ,
un doâeur ou licentié, foit en théologie, foit en
droit, de quelque univerfiré fameufe , qui ait au
moins atteint la vingt-feptième année de fon âge ,
& qui ait d'ailleurs les qualitts requifes. Le même
titre renferme une difpenfe , quant au grade de doc-
teur ou de licentié , en faveur des parens de fa raa-
jefié , ou des religieux mendians des ordres qui ne
prennent point de degrés dans les univerfiiés, 8f
qui, fuivant les ftatuts de leur ordre, y auroient
obtenu les mêmes grades.
Il eft enfuite réglé au même litre , que pour les
abbayes Se prieurés conventuels véritablement élec-
tifs , c'eft-à-dire,au fujet defquels on fuivoit la forme
du chapitre <]uia propter , dans 1 élection de^ abbés
& prieurs, le roi , en cas de vacance , prélentera
pour abbé ou prieur, un religieux du même ordre
PRÉLEGS.
qiVi aiïfîi lu moins atteint fa vingt- troifièrtie année.
C'eft à quoi le réduit ce qu'on trouve dans nos
lois de plus précis à l'égard des Prélatures. Il faut ,
quant au furplus , s'en tenir à l'ufage , puifque les
dccrcfales qui renferment plufieurs difpofitions à
cet égard , n'ont point , parmi nous , rautorité ni la
force de la loi.
f^oyei les décrétaUs , tïtrc de eleâ. de poflul. de
excedibus praelat. & c. ; mémoire < du clergé ; lois ecclc-
/miliques ', recueil de jurifpnidince canoni^ne. Voyez
ziiiu les mots Afist; , Chapitre, Chanoine,
Dignité, Election, Evêque, &.c. { ^rcicle de
M. CaL'bé Remy , avocat au parlement^.
PRÉLEGS. C'eft un legs fait par préciput à un
ou plufieurs de ceux qui doivent partager une fuc-
ceffion. Il eft ainu appelé , parce quil doit être
prélevé avant partage , comme toutes les autres
charges de la fucceihon.
Le Prélegs ne peut être que des chofes particu-
lières, comme d'une terre, d'une maifoHj d'une
fomme : s'il étoit d'une univerfalité , comme du
tiers , du quart de la fucceïïion, ce feroit un legs
univerfel ; ce qii'il eft important de r'emarquer , à
caufe de la contribution aux dettes; car l'héritier
■ou légataire univerfel ne contrihue pas au payement
des dettes, à caufe du legs particulier qui lui eft fait;
au contraire , ce legs eft reg.irdc comme une char-
ge de la fucceflîon , au lieu que le legs univerfel y
contribue.
Le droit romain & les coutumes ont des difpo.
fitions différentes fur la faculté d'avantager un de
fes héritiers plus que l'autre.
II eft csrtaiH, fuivant le droit romain, qu'on
peut faire un legs à un de fes héritiers , foit tefta-
xnentaires, foit ab intcjlat , foit en ligne direât,
foit en ligne collatérale.
La coutume de Paris , au contraire , ne permet
pas d'avantager un de fes héritiers plus que l'autre:
dans cette coutume, aucun ne peut être héritier &
légataire d'un défunt tout enferable.
Plufieurs auteurs ont cherché la raifon de cette
décifion , 6t ont cru que la qualité de légataire étoit
incompatible avec celle d'héritier, parce que le
legs ne donne qu'un titre particulier, qui fe con-
fond dans le titre univerfel de l'héritier. Mais cette
raifon n'eft bonne que lorfqu'il n'y a qu'un héri-
tier ; comme dans ce cas l'univerfalité de la fuc-
ceflîon lui appartient , le titre qui lui donne un
objet particulier de cette même fucccftîon , eft
inutile.
S'il y a plufieurs lièritiers , celui d'entr'eux au-
quel il a été fait un Prélegs , n'en confond que juf-
ïju'à Concurrence de fa portion hériditaire ; il pré-
lève le furplus fur la portion de fes co-héritiers ;
c'eft toujours un avantage dont il peut profiter.
Cette incompatibilité ne réfulte donc pas de la na-
ture de la chofe , mais de la difpofition de la loi ;
c'eft une de ces règles dont on ne peut pas bien
rendre raifon, & cependant qu'il faiu exécuter à
PRELEGS. 193
la lettre, puifque la coutume s'eft expliquée clai-
renenr.
bi les qualités d'héritier & de légataire, dit de
Lairiere fur l'article 300 de la coutume de Paris,
n'étoient pas incompatibles chez les Romains, elles
le devroient être encore moins parmi nous , qui
admettons de difFérens patrimoines & des héritiers
difierens dnns une même fucceliion. Si donc on ne
peut pas, dans cette coutume, être héritier & lé-
gataire, ce n'eft pas parce que ces d^iux qualités
lont incompatibles; car elles ne le font pas cer-
tainement ; mais parce qu'il n'eft pas au pouvoir
d'un teftatcur de faire, contre la dUpofition de k
loi . que la condition d'un de fes héritiers ah in-
te(l.A foit meilleure que celle des autres.
I! y a d'autres couuim,;s qui veulent qus l'égalité
foit parfaitement con(er\C£ ^ non-(eu]crr\cntcnir(i
les liiritiers venant à une même fucceflîon , mais
mêi;ie qui défendent d'avantager un des héritiers
préforaptifs ; en forte que la renonciation de cet
héritier ne le difpenlé pas du rapport de ce qu'il a
reçu excédant fa part d.ins la fucceffion. Telhs
font les coutumes du Maine ik d Anjou ( i ).
Il eft évident que dans ces coutumes on ne peut
pas faire de Prélegs au protic de fon héritier , ni
l'.ivantager direétement en le faifant légataire uni-
verfel; car les autres , dont la portion fe trouve.oit
diminuée , ne manqueroie:it pas de prendre la qua-
lité d'héritiers, & de demander la réduélion des
avantages & du legs univerfel , à la portion que la
coutume doime à l'héritier.
Il eft une autre efpèce de coutume qui permet
d'avantager fes enfans , ou tous autres héritiers , les
uns plus que les autres , pourvu que CQt avantage
foit fait à titre de Prélegs. Telle eft la coutume de
Péronne , qui porte, article 20c : a Nul ne peut
» être héritier & légataire enfemble d'une même
>» perfonne , fi le legs n'eft par forme de Prélegs &
M !ior6 part ». Ailifi, dans cette coutume, fi un
tcAateur aveit fait \\n legs à un de fes héritiers pré-
fomptifs, fans déclarer que cet héritier prcndroit
fou legs avant partage , le légataire ne pourroit en
demander la délivrance en venant au partage de
la fucceflîon. Ce feroit en vain qu'on chcrche-
r< it à interpréter le teftament , la coutume exigeant
u périeufement cette formalité.
La coutume de Poitou, article 216, permet
d'avantager un de fes héritiers plus que l'autre,
pourvu que le teftateurait des propres. S'il n'a pas
de propres , il ne peut avantager un de fes héritiers
eue de la moitié de fes meubles & acquêts ; l'autre
Dioiîié lui tient lieu de propres par une efpèce de
1 abrogation légale.
(i) J.'arcicJc 1^9 àt \i coutume du Maine porte :
« Car pcdonne coutuiiiiere à fou fils ou fiile, ou aiitiehcri-
-' tJerf)téronipttf qu'il ai:, ne peuc donner pluî à l'an qu'i
» l'autre hcrider , ou faire la coidition de l'un pire ni mcil-
> leure que î'aucrc. » Voyez Karcicle j^fi, & Jes arddc» i<^9 ,
3:4 Se 5 49 de U c«u;t(me d'Anjou,
294 P R É L E G S.
Toutes les quefli ns que prclcntent ces (îiffé-
rsm&t coutumes font traities à l'article Héritier.
Voyez ce mot. ( Article de M. de La Forest ,
avocat au parlement \
Ad JD ï T I o N à rartïcle PrÉLEGS.
Quels font , <ians le droit romain , les effets des
legs faits aux héritiers ? On trouve fur cette quef-
tion une foule de lois qu'on peut ranger en deux
cialles ; dans l'une, font celles qui traitent des legs
faits à un héritier unique ; dans l'autre, celles qui
ont rapport aux legs faits à un héritier partiel.
Les lois de la prcinière claiTc déclarent nuls les
legs qu'elles ont pour objet , fur le fondement
qu'un héritier unique réunit dans fon titre univer-
lel tout ce qui coinpofe la fucceflion , & que par
conféqucnt il ne peut en rien prendre à titre parti-
culier (i).
De-là vient que l'héritier inftituc pour le tout ,
ne peut pas , en répudiant la fuccefllon , retenir les
legs qui lui ont été faits ; on fait cependant qu'il eft
régulièrement permis d'abdiquer le titre d'héritier ,
pour fc borner à celui de légataire. Voyez l'article
LEGATAIRE, §. I.
De là vient encore que le legs fait conjointement
à un héritier unique 6c à un étranger, appartient
tout entier à celui-ci par droit d'accroiffement. C'eft
ce que décide la loi 34 , § 1 1 , D. <f< legatls 1", (2).
On oppofe à cette décifio» la loi 89, §. 2 , D. de
legatis 2' , qui en effet paioît la contrarier , en
voici les termes : * Un tcftateur après avoir fubfti-
» tué Seius à fon héritier , lui a fait un legs conçu
•) de cette manière : Je veux qu'il foit donné à
»» Scius , en cas qu'il ne foit pas mon héritier , &
V à Marcella , fa femme , quinze livres d'argent.
M Seius eft devenu héritier; en conféqucncc , on
n demande fi Marcella a droit ï la moitié du legs ;
I» la réponfecft que cette moitié lui eft due n. Les
iiïterprètes fe font épuifés en conjeâures , pour
faire dire à cette loi que Marcella doit prendre le
legs entier , favoir , la moitié de fon chef, & l'autre
moitié par droit d'accroiffement ; mais il eft fenfi-
ble qu'en accordant une moitié à cette femme , elle
eft cenfée lui refufer le refte ; il faut donc rejeter
Us interprétations forcées des doâeurs , & dire ,
que fi la loi dont il s'agit ne fait pas accroître à la
colégataire de l'héritier unique la portion léguée
inutilement à celui-ci , c'eft parce qu'elle parle d'un
legs conçu en termes obliques & per damnationem ,
& que , fuivant la jurifprudence du digefte , abro-
gée à cet égard parcelle du code, il n'y a point
lieu au droit d'accroiffeinent dans ces fortes de dif-
pofitions (3).
(I)L.IS) 1.3+,parag. u ;1. ntf .parag. i .V.it lega-
tis i". , ,
(t) Si du obus fit légat» rei, qucrura »lter hasrcjinftirutLis
ft,à fcBietipro ei ]eg»tum inu'.iliccr videtur; ideôqtie «juod
(i à fe 'eÉ;atani e t , ad colegaurium pcrtineUit.
<i) 5i pet Jàiniiationein cadem tes éuobus Jcfau fit , fi
PRÊLEGS.
• "Pour bien entendre les lois de la féconde chffe ,
il faut diltinguerle funpie hgs d'avec le Pré'egs ;
ces deux difpofitions ont eiitre elles use certaine
relfemblance , Se beaucoup de perfonncs les con-
fondent. C'eft une méprife ; on verra dans un
inftant qu'il exifte entre l'une & l'autre des diffé-
rences très-notables.
Occupons-nous d'abord du fîmplc legs : ou il eft
fait à tous les héritiers , ou feulement à un (eul ,
ou enfin à quelques-uns d'entre eux.
Dans le premier cas , chaque héritier prend des
mains de (on cohéritier la part qu'il a dans le legs.
Mais quelle doit être cette part ? Les lois ne pa-
roiffent pas d'accord fur ce point; il eft cependant
facile de les concilier. Un teftateur iuflitue deux
héritiers , l'un dans onze onces , l'autre dans une
feule; il leur lègue un fonds: on demande com-
ment ils partageront ce fonds ? Le §. 12 de la loi
34, D.de te^atis i". répond que Thériticr des onze
onces n'en aura qu'un douzième , & que celui
d'une feule once prendra le refte. Les mots indè di-
citury qui forment le commencement de ce texte ,
annoncent clairement que cette décifion eft lacon-
féquence du principe établi par le §. précédent ,
qu'on ne peut recevoir un legs de fes propres
mains , & que ce qui nous cfl légué fur noas-
mêmes , accroît à notre légataire. En effet , il réfu' e
de-là que l'héritier des onze onces ne peut rien pré-
tendre fur les onze douzièmes du fonds légué , 5c
que tout fon droit eft borné à un feul douzième ,
c'eft-à dire à la feule portion dont fon cohéritier
peut lui faire délivrance.
Il ne faut cependant pas conclure de cette ef-
pèce , que le legs fait à tous les héritiers doive tou-
jours fe partager entre eux , en raifon inverfe de
leurs portions héréditaires. Cela n'eft vrai que
dans le cas où l'on ne peut faire autrement fans
enfreindre le principe dont nous venons de parler ;
dans tout autre cas , le legs fe divife égalejnent &
par portions viriles entre les héritiers qui en font
gratifiés. Par exemple , j'inftitue trois héritiers ; Ti-
tius pour une moitié , Mevius & Sempronius pour
chacun un quart , &je leur lègue un fonds: lesinfti-
tués prendront chacun un tiers dans ce legs , parce
qu'ils peuvent le recevoir les uns des autres juf-
qu'à cette concurrence ; il ne faut pour cela qu'une
opération très-fimple. Mevius & Sempronius com-
menceront par fournir chacun un fixièireà Tiiius ,
qui par ce moyen aura fon tiers rempli. Ils fe dé-
livreront enfuite réciproquement ce qui leur ref-
tera de leur quart héréditaire , & en le joignant
avec la moitié héréditaire de "Titius , qui leur en
fera délivrance , ils trouveront pareillement cha-
cun leur tiers complet. On peut voir à ce fujct la
loi 67 , §. I i la loi 104 , §. 5 , D.ie legaiis i". la
loi a , D. /c injlruRo ; & Voet , livre 30 , n. 5.
quidem conjoni^iin , fingulis partes dcbenrur, ic non capiei-
tis pais jure civili in k^reditatem retnauebatj nunc autcni
udu» £(• Ulpitn, tit, 24, p<r«f. Ii.
P R É L E G s.
Lorfque le legs eft fait à un (cul héritier d'entre
pluf^eurs , il ne lui eft dû que jufqu'à concurrence
des parts héréditaires de fes co-inftuués , & par con-
féqvunt déduâion fai:e de la fienne. C'ell ce que
dvcidc la loi 104 ,%.j,D.de legatis i". « Si l'on
» fait à Attius un legs conçu en cette forme : Je
» veux que mes hérïiiers donnent à Attius , mon héri-
« tiir , dix ccus d'or ; Attius pourra demander les
« dix éeus , en déduifani la part héréditaire qu'il a
j» dans cette fomme ».
Le legs qui ell fait à quelques-uns des héritiers ,
fe partage par portions viriles entre les légataires ,
Ïuoiqu ils loient inflitués dans des parcs inégales.
l'eft ce qui rcfulte de la loi 67 , §. i , D. de Ugjtis
1°. Mais , comme lobferve très bien Voet , il faut
pour cela qu'il y ait habilité dans les termes , /
modo le'-mini habiUs fmt , c'eft-à-dire, que chaque
héritier légataire puiflé recevoir des autres héritiers,
légataires ou non , une portion virile du legs entier.
Suppofons , par exemple , qu'entre cinq inftitués
il s'en trouve deux à qui le teftateur a légué un
héritage , & que l'un de ces légataires foit héritier
pour deux tiers, il eft évident que celui-ci ne pourra
recevoir de fes cohéritiers qu un tiers du bien lé-
gué , & que les deux antres tiers devront apparte.
nir à fon cclégataire. Le ^. 1 2 de la loi 34 , &. le §.
14 de la loi 1 16 , D. de legacis 1°. ne biffent là-dcf-
fus aucune efpèce de doute.
Voyons maintenant ce qui concerne les Prélegs,
ceft-à dire les legs faits à un ou piuficurs des héri-
tiers , avec la claufc exprefle qu'ils formeront un
Préciput & une avant-patt.
La loi 34 , §. I , D. de legatis 2". nous apprend
qu'on ne fuit pas dans ces difpofitions la règle éta-
blie ci-devant , que perfonne ne peut recevoir un
legs de fes propres mains ; la raifon qu'en donne
Voet , eft que les Prélegs fc prennent partie à titre
d'héritier , & partie à titre de légataire ; à titre d hé-
ritier , pour la portion jufqu'à concurrence de la-
quelle (ont inftitués ceux à qui ils font faits ; 8c à
titre de léga:aire, pour le furplus. Nous voyons en
effet dans la loi 86 , D. ad legem falcidiam , que le
Prélcgs eft imputé dans la falcidie , à raifon de la
part héréditaire de celui qui en eft gratifié. On fait
cependant que les chofes prifes à titre d'héritier ,
font ies feules qui entrent dans la liquidation de ce
droit ; la loi 91 du méms titre y eft exprefle.
On voit par- là quels doivent être les effets des
Prélegs. Un teftateur fait à un feul d'entre ceux
qu'il a inftitués, le Prclegs d'un fonds ; le légataire
prendra le fonds entier, fans être tenu de reuibour-
fer à fes cohéritiers le prix de la portion qu'il en a
par droit héréditaire. C'eft la décifîon exprefTe de
la loi 34, §. I , D. de legatis 1°.
Il en feroit de même dans le cas où chaque hé-
ritier fe trouveroit prilégataire d'une chofe parti-
culière. C'eft fur ce principe qu'eft fondée la loi
aj , D. Je haredibus inflituendis , rapportée au mot
Institut! on.
Si un ttftatcur fait un Prélegs à quel(jues-uns de
PRÉMONTRÉ. t9Ç
fes héritiers inftitués inégalement , chacun d'eux
pr/ndra d'abord la portion jui'qu'a concurrence de
laquelle il eft héritier , & le furplus fe partagera
entre eux par portions viri'es. La loi %^d< infirudo,
en contient une dilpofition exprefle.
Le Prélegs d'une chofe ou d'une quantité, qui
feroit fait à tous les héritiers , ne produiroit aucun
efict, parce que chacun d'eux y prenant fa portion
héréditaire, ilnereftereit plus rien après cette dif-
traâion qui pût être partagé à titre de legs.
Si cependant le teftateur afljgnoit lui-même les
portions de ce Prélegs, & qu'elles ne fuflent pas
les mêmes pour tous , la difpofuion feroit yalable ,
&. on l'exécuteioit comme Prékgs.
Les Prélcgs font-ils compris dans la charge de
ref^ituer l'hérédité ? Voyez l'article Substitution.
( <- ctte addition cfî de M. MerliN , avocat au parle-
ment de Flandres ).
PRÉMESSE. Terme employé dans la coutume
de Bretagne pour exprimer le retrait lignager. Il y
a dans cette coutume un titre entier des Prémefî'es ;
c'eft le titre 16. L'article 298 porte , que Prime[ff cjî
oâtoyée à tous ceux qui font du lignage. Voyez Re-
TRAIT.
PREMIER TONNEAU DE FRET. C'eft le nom
d'un droit que font obligés de payer les vaifTeaux
qui fortent des ports de Blaycs , Bourg, Bordeaux
on Libourne par la Garonne. Ceux qui partent poiu*
la Rochelle payent fix livres : ceux qui vont dans
les autres ports du royaume, huit livres , & ceux
qui vont en pays étrangers dix livres.
PRÉ MONTRÉ. Ordre de chanoines réguliers,
fondé l'an 1 119 , fous le pentificat de Calixte II,
& le règne de Louis le Gros. Le monaftére des
chanoines réguliers de faint Martin de Laon étoit
tombé dans le relâchement , ainfi que la plupart
des autres monaftères de chanoines réguliers- Bar-
thclemi , évêque de cette ville, voyant que faint
Norbert, qui venoit d'édifier l'églife par l'éclat de
fa converfion , fe trouv©it alors dans (on diocèfe ,
le demanda au pape Calixte II , pour réformer cette
abbaye. Ce faint fut obligé d'en prendre le gouver-
nement ; mais il fut bientôt contraint d'y renoncer,
par l'indifcipiinc des chanoines réguliers de cette
maifbn , leur obftination à ne pas vouloir réformer
leurs mœurs , & les traverfes de toute efpèce qu'ils
lui fufcitèrent.
L'évêque de Laon ne confentlt pas pour cela à
perdre faint Norbert ; il lui offrit de s'établir dans
tel endroit qu'il voudroit de fon diocéfe , & lui per-
mit d'y recevoir des difciples. Norbert choifit l'af-
tVeufe forêt de Prémontré ; ce fut là qu'il jeta les
fondemens de l'ordre qui fut appelé Prémontté ,
du nom de la première maifon 011 il fut établi.
Peu d'ordres eurent un accroiiTement aulTi rapide
que celui de Prémontré. Trente ans après la pre-
mière fondation , il fe trouva déjà au chapitre gé-
néral , près de cent abbés de différcns roynume».
Dans le treizième fiècle , on comptoit d^ins l'ordre
environ trois mille abbayes d'hommes , trois cents
1Ç)6
PRÉMONTRÈ.
prév ôtés , plur-eurs prieurés , & huit cents abbayes
de lîllcs. Ce iut dans le nord que fe forma le plus
grand nombre de ces établiflemcns , en Angleterre ,
en Suède , en Dannemark Ôt en Norvège ; auffi ce
nombre eft-il fort diminué depuis le l'chifnie des
proteflans , qui a léparé de l eglife tous les royau-
mes du Nord.
On n'eft point étonné que l'ordre de Prémontré
ait fait tant de progrés en fi peu de temps , quand
on confidère les veitus dont les premiers religieux
donnèrent l'exemple à l'églife , leur zèle pour la
conversion des hérétiques , leur vie monifiée ôc pé-
nitente , & leur amour pour la pauvreté. On re-
marque , à propos de cette dernière vertu , que les
religieux de la maifon de Préraontré ne poflfédoient
en tout qu'un âne , qui leur fervoit à porter le bois
qu'ils alloicnt tous les matins couper dans la fcrêt ,
èc qu'ils alloientcnfuite vendre à la ville pour avoir
du pain i& ils attendoient quelquefois jufqu'à no-
nes , que cet âne fût de retour, pour prendre leur
repas. Ils regardèrent long-temps comme un crime
l'ufage des œufs, du fromage & du beurre: leur
fondateur leur avoir interdit l'ufage de la viande ,
à moins qu'ils ne fufient malades , Si. il avoit ajouté
à cette auftérité un jeûne perpétue!.
Mais cette grande ferveur ne dura pas long-
temps ; le relâclicment s'introduifit dans l'ordre,
avec les richeflcs : vivant feuls au milieu des fo-
rets, oififs , abandonnés à eux-mêmes, & peut-
être trop multipliés , les Prcniontrés eurent bientôt
befoin qu'on s'occupât de leur réforme. Grégoire
IX , dès l'an 1233, c'cft-à-dire environ cent ans
après la première fondation de rordie , fit des ré-
glemens pour les réformer: Alexandre IV renou-
vela les mêmes réglemens en 1236, & Eugène IV ,
fur les plaintes qu'il recevoir de toutes parts ,adren*a
un bref à l'abbé général & au chapitre général, où
il leur commanda de travailler fortement à la ré-
forme de l'ordre, & de faire exécuter les décrets &
les réglemens de fes prédéceffeurs.
11 y a dans l'ordre de Préir.ontré deux réforines
particulières , qui y forment comme deux corps
iëparés, quoique cependant toujours fournis à l'au-
torité du général ; celle d'Efpsgne & celle de Lor-
raine. Uiuobfervancc de la difcipline régulière étoit
devenue générale dans les monaAères d'Efpagne :
Philippe II foll.cita auprès au pape Grégoire XIM ,
peur faire travailler à leur réforme. Ce pape donna
commifilon à fon nonce ,jpr>r un bref de l'an 1 573 ,
d'y procéder; & cej:tc réforme a depuis formé i\ne
congrégr'.tion féparée , gouvernée par un vicaire
général. Celle de Lorraine a pris naiffance dans
l'abbaye defainte Marie-aux-Bois , près de Pont-
à-MoulTon ; elle s'eft répandue dans plufieurs mai-
fons de France & des Pays-Bas : elle a fes ftatuts
& fon chapitre particulier, & elle eft auffi gouver-
née par un vicaire général.
Après avoir donné une idée de l'origine de l'or-
dre de Prémontré , de fes progrès & des réformes
<^ui fe font formées dans ion fein , il ne fera pas
PRèMONTRÉ.
inutile de dire quelque chofe des cures qu'il pof-
sède. Premièrement, les religieux de cet ordre ne
peuvent les accepter fans le confentement par
écrit du général , s'ils font de la commune obfcr-
vance ; du général & du vicaire général de la ré-
forme, s'ils font de l'étroite obfervance.
Par les lettres-patentes obtenues le 9 août 1700 ,
qui ont été enregiflrées au grand confeil, le roi
ordonne, » qu'aucun chanoine régulier de l'oi-
" dre de Préraontré ne pourra accepter la provi-
» fion d'une cure , vicaine perpétuelle , ou prieuré-
n cure , qu'il n'ait fait apparoir à l'évèque de l'a:-
n teflation de vie 5c mœurs , & du confentement
" par écrit du fupcrieur général , à Tégr^rd des re-
» iigieuz de la commune obfetvance, & du mé-
»> me fupérieur général , ou de fon vicaire géné-
» rai , pour la réforme , à l'égard des rehgieu.t de
» l'étroite obfervance ; faute de quoi , le chanoine
» régulier pourvu demeurera déchu de tout droit
» pofleiroire. Faiidéfenfes aux juges d'avoir égard
» a fes provifjons , & permet aux patrons & col-
" lateurs defdits bénéfices d'y pourvoir ».
Secondement , les cures de l'ordre de Prémon-
tré peuvent être révoquées parle général , poiirvu
toutefois que l'àrchcvèque ou évêque diocéfain y
contente. Les mêmes lettres- patentes ordonnent
» que , conformément aux anciens flatuts de l'or-
»> dre , les religieux pourvus de vicairies perpé-
>• tuelles ou prieurés-cures, pourront, fans au-
» cune monition précédente, 6c forme ni f'guce
»> de procès , être révoqués & retirés de leurs bé-
" néhces , & envoyés dans des monaflères de leur
" congrégation ; favoir , les religieux anciens &
» non-réformés , qu'on appelle de la commune
» obfetvance, par le chapitre ou fupérieur gé-
» néral de l'ordre , & les religieux de l'étroite ob-
» fervance , par le chapitre ou vicaire général de
» la réforme , pour fautes commifes par les rcli-
» gieux curés , fcandale connu à l'évèque ou à
» leur fupérieur, & même pour le bien 8c avan-
» tage de l'ordre , s'il y échet, du confw^ntement
» toutefois des archevêques ôc évoques dans les
» diocèfes defquels les bénéfices font fitués , &
'» non autrement ; & ce, nonobflant la difpofltion
>» générale de la déclaration du mois de janvier
» 1686 , portant qije teutes cures feront à l'ave-
» nir defTervies par des curés ou des vicaires per-
» péfuels en titre ; laquelle difpofuion ne pourra
» empêcher la révocabilité defdits religieux curés
» de l'ordre de Préiriontré , ainfi qu'il a été or-
» donné à l'égard des chanoines réguliers de la con-
J» grégation de France , pourvus de cures, par la
i> déclaration du mois d'oc^obre 1686, dérogeant
» à cet effet à la déclaration du 29 janvier audit
» an i686 , pour ce regard feulement ».
Troifièmement , les religieux curés font fou-
rnis à la juridiâion des évéques , non-feulement
en ce qui regarde l'adminiilration des facremens, .
mais encore dans ce qui concerne la correflion de
leurs mwurs. C'efl ce qui a été jugé par arrêt rendu
Is
PRESBYTÈRE.
le 8 février 1656 , qui eft rapporté au journal des
audiences. Un autre arrêt du 7 mars 1646 l'avoit
également jugé en faveur de M. l'évêque de Séez ,
contre les prieur & religieux de l'abbaye de Silly ,
ordre de Prémontré. Par cet arrêt , ils ont été con-
damnés à remettre dans les prifons de levcque de
Séez, frère Jacques Mérignon, curé de Repos ,
pour lifi être fon procès fait & parfait. Et M. 1 e-
vêque de Séez a été maintenu dans le droit de
connoître de toutes les fautes , crimes & malver-
fations commis par les religieux curés de fon
diocèfc.
Il faut obferver que depuis la déclaration du 28
août 1770, concernant les bénéfices à charge da-
mes des ordres réguliers , les religieux Prémontrés ,'
& réciproquement tous les chanoines régulier;» des
autres ordres , ne peuvent plus pofleder les cures
qui ne font pas de leur ordre , cette déclaration dé-
cidant expreflement , article i , que les chanoines
réguliers des différens ordres ne pourront pofTédcr
Jes cures qui font astachées à d'autres ordres que
celui dans lequel ils ont fait profeflion.
(^Article de M. V abbé Lau BRI ^avocat au par-
lement. )
PRÉPARATOIRE. Ce mot fe dit de ce qui eft
une difpofition à quelque chofe. Par exemple, on
appelle jugement Préparatoire , celui qui tend a éciair-
cir une afi'aire, en ordonnant une vifite, une en-
quête, une communication de pièces, &c.
PRESBYTÈRE. On entend par ce mot la mai-
fon deftinée à fcrvir de logement au curé ou au
vicaire.
Les différentes queftions que nous avons à exa-
miner touchant les Presbytères , font , à qui ap-
partient la charge de les conftruire & de les ré-
parer ; fi les paroiflîens font obligés de fournir les
meubles, outre le logement; en quoi confifte ce
logement ; de quelle efpèce de réparations ils font
tenus , & enfin , s'il n'y a point d'exception à ces
régies pour quelques provinces de FraPiCe.
L'entretien & la confiruâion des Presbytères font
aujourd'hui à la charge des habitans, mais ils n'y ont
pus toujours été. On voit par un concile de Rouen
de l'an 1231 , que ces charges regardoient alors les
curés,lorfque ceux-ci avoicnt des revenus fuffifans;
que les vicaires perpétuels qui n'avoient qu'une fmv
pie portion congrue, avoicnt droit de faire réparer
leur Presbytère par les curés primitifs, & que les
décimateurs n'y étoient obligés que lorfque la cure
n'avoit point de fonds (i). Tous les conciles du
treizième fiécle, entr'autres celui de Londres, de
(i) Pricipimus qiiàd perlons ecdcfiarum parochialiiim
qu2 habent reditus abundantej , domos in folo cccIefiaftKO
zdificarc fludeint compétentes; vîcarii verô perpetui qui' us
ad bxc omnino non Aippetunt facuhatei, pro pofle fuo labo-
rent, ucà pcrfonisfuis juventur , fecundùin portionem quam
percipiiint annuatim ; fi vttà terram non habeant , patronuî
clericus , qui partem aliquam percipic declmarum vel provcn-
tuiim ad aîdificationem dare quantum opus fuetit conipellatur.
T^jmt XIU.
PRESBYTÈRE. 497
l'an laéS , & celui d'Arles de l'an 1274 , fuppofent
que ce font les curés qui foni tenus des répara-
tions & de la conftruélion des maifors presby-
térales ( i ).
Mais la difcipline ne tarda pas à changer à cet
égard ; l'ufage de faire conftruire & réparer les
Presbytères en entier par les paroiflîens , paraît
conftammcnt établi dès la fin du feiziéme fiècle.
Les conciles de ce tcm^i regardent les évéque»
comme maîtres de leur faire fupporter cette charge.
» Si quelques curés n'ont point de logement , dit
» un décret du concile de Bourges de l'an ï 584 ,
»> que les évèques aient foin de leur en faire conf-
» truire un aux dépens de leurs paroiftîens ». La
même chofe avoit déjà été ordonnée par le concile
de Rouen de l'an 1581 (2).
Il paroît que c'étoit aum dès -lors la Jurifpru-
dence du parlement de Paris , par les arrêts que
ra;iporte Chopin , l. 3 , t. 3 , n. 14 , des 1 1 décem-
bre 1540, & 30 juin 1567, qui condamnent les
habitans des priroifles de Longjumeau & de Long-
pçnt , diocèfe de Paris , à conftruire une raaifon
pour leur curé, & même à la fournir de meubles
rtéceffaires au ménage , jufqu'à la valeur de trente
liWes. Un autre arrêt du même parlement, rendu
le 6 novembre 1584, condamne aufli les habitans
du fauxbourg faint Jacques à fournir le logement
& les meubles au prêtre que l'évêque de Paâs
avoit commis pour deflervir la chapelle qui a été
depuis érigée en églife paroifliale , connue fous le
nom de faint Jacques du Haut-Pas, & qui n'étoit
alors qu'une fuccurfale de faint Benoît, de faint
Médard & de faint Hippolite.
Cependant les ordonnances n'avoient encore
rien établi de pofitif fur ce fujet. Elles avoient bien
déjà décidé en général que les habitans dévoient
contribuer aux frais de la conftruftion &, des ré-
parations des Presbytères; mais elles n'avoient pas
encore déte.miné que cette charge regardoit uni-
quement les paroiftiens, » Scmblablenient, dit l'art.
» 3 de l'édit de Melun , les archevêques & évê-
M ques , & autres fupérieurs , fuivant ledit édit ,
n art. 30 ( c'eft l'ordonnance de Blois ) , en fai-
i> fant leur vifitation , pourvoiront les officiers des
» lieux appelés, à ce que les églifes foient four-
)» nies de livres, croix, calices & ornemens né-
» cefiaires pour la célébration du fervice divin ,
M 6c pareillement à la reftauration & entretenne-
(i)Ut univerfi fuoium bcneficiotum domos ut & cœcer*
xdificia reficere iludeant condecenter. Coac. Loadintnp, anna
iici , can. 18.
Ut reftoie» eccleflarum ad reficiendas ccdefiat ruraltt Se
alias domos q"a;l;bec cifdem ccdefiis neccITarias. . . , Coac»
Ardatenfe, an.no I174 , can. 17.
(a) Si qui patochi domos non habebunt , curent epifcopi
Ut parochianiinoium cxpenlis cxtruantur. Conc. Biturium ,
anno i{S4, can. i6>
Si defuerit ( Presbytcrum ) , provideatur curato de domo
commodâ juxta ecclefiam parochi.altm , ù tieri poiell ; idque
fabricaE fua; parochianorumfumpribus, qui de jure velconfue-
(uJia; iensaïui. Conc. RJiotamagenJe , anno 15^1.
298
PRESBYTÈRE.
i> ment des églifes parollfiales , & édifices d'i-
» celles .....& que les curés foicnt convenable-
» ment logés ; auxquels officiers enjoignons de te-
n nir la main à l'exécution de ce qui fera ordonné
» pour ce regard , & à ce faire , enfemble à la con-
>» tribiition des frais requis & néccffaires , contrain-
>» dre les marguilliers & paroilTiens par toutes les
î> voies dues & raifonnables , même les curés par
1» faifie de leur temporel, à porter telle part & por-
« tien defdites réparations & frais , qu'il fera arbi-
» tré par lefdits prélats, félon qu'ils auront trou-
» vé le revenu des cures pouvoir le porter com-
» modément ».
Cette ordonnance , comme on le voit , décidoit
bien en général que les paroifliens feroient tenus
de contribuer aux frais des réparations des Pres-
bytères , & d'en porter la part qui feroit arbitrée
par les évêques ou archevêques, mais elle ne mettoit
pas l'entretien & la conftruOion des Presbytères en-
tièrement à leur charge.
C'eft pourquoi le clergé , dans l'affemblée de
1655 , demanda fortement que la charge des répa-
rations & conftruélions des Presbytères fût im-
pofée en entier fur les paroifliens. Sur fa deman-
de, intervint la déclaration de 1657, qui portoit ,
j# que les paroifliens feroient obligés de rétablir
1) les Presbytères & maifons d'habitation des curés ,
» démolis par les ravages des guerres civiles, ou
i> par l'injure des temps ». Mais cette déclaration
n'ayant été enregiftrée dans aucune cour, n'a eu
aucun effet.
L'obligation des paroifliens à cet égard n'a été
véritablement fixée que par l'édit de 1695. « Seront
») tenus pareillement, y eft-il dit dans l'art. 22,
î> les habitans defdites paroifl^^s , d'entretenir &
» de réparer la nef des églifes & la clôture des
j» cimetières , & de fournir aux curés un loge-
3> ment convenable ». Depuis ce temps , c'eft
une maxime certaine & confiante en France, que
la conflruéVion & les réparations des Presbytères
regardent entièrement les habitans des lieux.
Les paroifliens ne font pas feulement obligés
de loger le curé, ils font tenus de loger les vi-
caires ncceflTaircs pour la defTerte de leur églife.
Mais il faut pour cela que cette nécefllté ait été re-
connue par l'évêquc, & qu'il ait lui-même infti-
tué les places des vicaires qui travaillent dans la
paçoifl!e.
Les habitans de l'annexe font donc obligés de
fournir au vicaire qui y réfide & qui deffert la
ïuccurfale , Une maifon pour le loger. Mais ils
ne font pas difpenfés pour cela de contribuer
aux frais des réparations & de la conflruétion dtt
Presbytère de léglife matrice. Cette charge eft
commune à tous les paroifliens : or, les habitans
de la fuccurfale ne font pas moins paroifliens de
ré<ïlife matrice , que les habitans de l'endroit
principal.
L'obiigatiotl que les lois impofcnt aux paroif-
fiens de loger le curé U k$ vicaires, emporte celle ,
PRESBYTÈRE.
deconflruîre un Presbytère lorfqu'il n'y en a point
encore, comme lorfque la cure ou la fuccurfale
font érigées nouvellement , ou lorfqu'il tomba
par vétuflé ; de leur fournir une fomme qui fuffifc
pour payer le loyer de la maifon qu'ils occupeut
en attendant, & de réparer le Presbytère, lorf-
qu'il y en a un.
Il y a cependant quelques exceptions à cette
règle générale de faire fupporter la charge des ré-
parations & des conflruflions des Presbytères par
les paroifliens. Lorfqu'un ancien ufage y aflujettit
la fabrique , on juge qu'elle ne les regarde plus.
Nous avons un arrêt du 17 août 1745 , qui oblige
les marguilliers delà paroifl'e de faint Sauveur de
Péronne , à faire les grofliss réparations du Pres-
bytère , parce que depuis long-temps c'étoient eux
qui les avoient faites. Cet ufage a lieu plus ordi-
nairement pour les paroilTes des villes que pour
celles de la campagne , & c'efl celui qu'on fuit
pour toutes les paroifles de Paris.
Lorfque la jurifprudence du parlement de Paris
commença à mettre les réparations & les conftruc-
tions des Presbytères u la charge des paroifliens ,
elle les obligeoit aufli à fournir au curé les meu-
bles néccfTaires au ménage. Les arrcts du 11 dé-
cembre 1 540 & 30 juin 1 567 , que nous avons rap-
portés, qui condamnent les paroifliens de Long-
jumeau & Longpont , diocèlé de Paris, à conf-
truire une maifon pour leur curé , les condam-1
noient aufli à la meubler d'uflenfiles de ménage ,'
jufqu'à la valeur de trente livres. La plupart dçi
anciens arrêts contiennent cette difpofition. Mais
cet ufage changea infenfiblement vers le commen-
cement du dix-feptième fiècle, & , depuis plus de
cent ans , les arrêts ne font aucune mention de la
fourniture des meubles ; & comme l'édit de 1695 ,
en déterminant que les habitans feront tenus de
fournir aux curés un logeinent convenable , ne
parle point des meubles, on doit en conclure que
les curés , aujourd'hui , feroient très-mal fondés à
les prétendre.
On comprend que ce logement qui doit être
fourni au curé par les paroifliens, ne confifte qu'ea
ce qui efl abfolument néceflTaire pour loger fa per-
fonne. C'efl contre l'ancien droit commun que les
habitans s'en trouvent charges aujourd'hui. Les ha-
bitans de la campagne qui fupportent déjà les char-
ges de rétat , méritent toutes fortts de faveurs ; &
fl les lois & la jurifprudence modernes leur impo-
fent une obligation qui devroit être naturellement
à la charge des dîmes ou des autres bitHS eccléfiaf-
tiques , il efl jufte qu'on la leur rende la moins pe-
fante qu'il efl poflible.
Or , quel eft le bâtim.ent dont un curé ne peut
fepafTer.^Un curé efl obligé de recevoir la vifite
de fes paroifliens ; il n'efl pas décent qu'il les re-
çoive dans fa chambre ; il lui faut donc une falle.
Il efl obligé fouvcnt d'exercer l'hofpitalité , ce qui
fuppofe une autre chambre que la flenne. Le lo-
gement d'un curé fe réduira donc à une cuifine»
PRESBYTÈRE.
«ne (aile , 8i quelques chambres, |
Si le curé a beioin de granges pour rexploîtatîon
tles dixmes qui peuvent appartenir à la cure, ces
bâtiinens ne font point à la charge des paroiffiens.
Les anciens arrêts obligeoient les habitans à les
fournir au curé. Chopin en cite un grand nombre
qui l'ont décidé , polit, facr. liv. 3 , tit. 3 , n°. 13 ;
auflibien que Chenu, tit. i , liv. 12. Livonieres fur
le chapitre 46 des queftiCms & confultations de
Dupineau , toni. 2 , p. 84 , penfe également que les
babitans doivent les fournir. Parmi les auteurs mo-
dernes , nous avons encore Goard , qui prétend
que lorfque les cures de la campagne ont des terres
à faire valoir , ou des dixmes à recueillir , les gran-
ges, écuries & étables qui leur font néceflaires ,
font à la charge des paroifTiens. Il appuyé Ton fen-
timent fur les anciens arrêts & fur les termes de
logement convenable , dont fe fert l'édit de 1695 , ce
qui comprend , dit-il , les bâtimens dont l'ufage cft
néceiïaire au curé.
Mais le fentiment contraire a prévalu aujour-
d'hui. "^ Les paroiflTiens , dit Jouffe dans fon com-
») mentaire fur l'édit de 1695, ne devant au curé
» qu'un logement convenable pour lui & pour fes
s> vicaires, ne font pas obligés de lui denner des
»> granges pour ferrer fes dîmes , des étables 6c des
j> écuries. Ce logement , dit l'auteur du recueil de
» jurifprudence canonique , ne comprend point
I» les granges , écuries , étables , ni autres lieux pour
»> les beftianx. M" Plaies , traité des réparations ,
» eft de même avis. Les anciens arrêts, dit ce ju-
» rifconfulte, condamnoient les habitans à fournir
» au curé une grange ; mais l'efprit de la jurifpru-
» dence aéluelle eft de foulager à cet égard les peu-
->i pies de la campagne , autant qu'il eft poflible ,
*> afin qu'ils puiflent fupporter les charges de l'étar.
5» Si un curé à portion congrue , continue le mê-
X me auteur , a befoin d'un cheval pour aller
T adminiftrer les facremens ou exercer les fonc-
» lions paftorales dans les différens hameaux fort
M écartés de la paroiffe, on oblige les paroiffiens
X à lui fournir une écurie, & à l'entretenir en bon
•n état de groffes réparations. Mais à l'égard des
•>■> granges, étables , & autres bâtimens nécelTaires
j» pour ferrer les grains & vins provenais des
« domaines de la cure , on décharge les habitans
n de l'obligation qu'on leur impofoit autrefois de
»» les fournir ».
Enfin, félon le nouveau commentaire fur l'édit
des portions congrues de 1768 , le plus grand nom-
bre des auteurs foutient qu'iln'eft point dû de gran-
ge au curé. Et ce ne font pas feulement les auteurs
qui déchargent les habitans de fournir une grange
aucuié , la jurifprudence eft conftante aujourd'hui
fur ce fujet , & il feroit infini de rapporter tous
les arrêts qui ont jugé conformément à cette maxi-
me depuis le commencement de ce fiècle. Il paroît
que la raifon qui a donné lieu à ce changement de
jurifprudence, c'efl que les cours ont confidéré
PRESBYTÈRE. 299
qu'il n'y avoit que deux efpèces de curés ; ceux
qui font à portion congrue , & ceux qui jouiflent
de domaines ou de dixmes d'un revenu plus confi-
dérable. Elles ont penfé que les curés à portion
congrue n'avoient pas befoin de grange; & elles
ont cru que ceux qui jouiflent de dixmes ou de do-
maines plus confidérables que la portion congrue ,
pouvoient s'en procurer une; que cette dépenfe
n'étoit pas au deffus de leur force , & qu'il ne fal-
loir point impofer aux habitans de la campagne ,
déjà fi peu ménagés d'ailleurs, une charge qui ne
pouvoir pas beaucoup incommoder les curés.
Si les habitans font tenus de payer au curé une
fomme pour le loyer de fa maifon, dans le cas de
la rçconftrudion du Presbytère, cette fomme ne
doit pas être trop confidérable , par la même raifon
que les Presbytères ne doivent pas contenir trop
de pièces. Nous n'avons point de loi ni de règle-
ment qui la détermine , 8c il y a la plus grande di-
verfité entre les arrêts qui ont ftatué quelque chofe
à ce fujet. Un arrêt du parlement de Touloufe du
25 mai 1643 ' 3 arbitré à vingt livres celle que les
habitans de Sancret dévoient à leur curé. Un autre
du Parlement de Paris, rendu en forme de règle-
ment le 14 mars 1673 ) ^^^ cette fomme à quarante
livres , fi befoin efi. L'arrêt du grand confeil , en date
du 25 avril 1609 , oblige les paroiffiens de Marcel-
Cave , de payer à leur curé la fomme de vingt-cinq
livres, en attendant qu'ils aient pu lui bâtir une
maifon. Le parlement de Rouen a cru devoir con-
damner les habitans de la paroiffe de Saint-André ,
par fon arrêt du 30 juillet 1718 , à payer à leur curé
cent cinquante livres , jufqu'à ce qu'ils lui euf-
fent fait condruire un Presbytère à leurs frais &
dépens , ce (ju'il leur enjoint de faire dans deux
ans pour tout délai.
On voit pourquoi les arrêts font différens fur
cette matière. La même maifon fe louoit dans un
village du reffort du parlement de Touloufe , au
milieu du fiècle pafle , bien moins cher qu'elle ne fe
loue aujourd'hui aux environs de Paris. Le prix des
loyers des maifons varie fuivant les lieux & les
temps : dix ans d'intervalle fuffifent fouvent pour
l'augmenter beaucoup dans le même endroit ;8c.
dans le voifinage des villes, il eft ordinairement
plus confidérable que dans les endroits qui en font
éloignés. Il étoit donc impoflîble que les arrêts ou
les ordonnances afTignaffent la même fomme pouf
toute la France.
Cependant il eft aifé d'établir à ce fujet une règle
dont ni les habitans ni les curés ne puiflent fe plain-
dre. La jurifprudence a déterminé quel devoit être
le logement des curés; la fomme que coûteroit le
Presbytère qui leur feroit accordé , eft celle qui
doit être allouée pour le payement du loyer de la
maifon qu'ils occupent. Cette fomme variera donc
félon les circonfiances, parce que la maifon Pref-
bytérale feroit louée différemment aux environs de r
la capitale , & à l'extrémité du diocèfe.
Les curés ne font tenus que des réparations ufu»
Ppij
?0Ô
PRESBYTÈRE.
fruitières; & l'obligation qu'on leur impore par
tapport à cette dernière efpèce de réparations , n'eft
pas nouvelle j ils y ont été airujettis par un grand
nombre d'arrêts , tant anciens que modernes. Ce-
pendant lorfqu'un curé meurt fans avoir fait ces ré-
parations , fon fuccefleur ne peut attaquer fes héri-
tiers , mais les habitans qui font tenus de le loger ,
& qui exercent fur ces héritiers leur recours. S'il
compofe avec les héritiers pour une fommequife
trouve par la fuite infuffifante , & leur donne fa dé-
charge , il n'a plus d'adion contre la paroifTe , quoi-
qu'il offre de lui remettre les deniers qu'il a touchés,
parce qu'il eft préfumé avoir voulu s'en charger.
C'eft, dit Duperrai, la jurifprudence du parlement
de Paris ; & l'efpèce dans laquelle a été rendu l'arrêt
du 14 janvier 1662 , qu'il rapporte , trait, des port,
cong. pag. 386.
Il ne nous refte plus qu'à rendre compte des rè-
gles particulières qui ont lieu par rapport à l'entre-
tien des maifons prcsbytérales, dans quelques pro-
vinces de France.
Nous avons dit que l'ancien droit mettoit les
conftru£lions & réparations des Presbytères à la
charge des curés, ôc que les décimateurs n'en
étoient tenus , que lorfque la cure n'avoir point de
fonds fuffifans pour fupporter cette dcpenfe : le
même ufage fubfifte encore en partie dans la Flan-
dre. Les curés font ogligés aux réparations de leurs
maifons Pre^bytérales, lorfque leurs revenus font
confidcrablcs ; les décimateurs n'en font tenus que
fubfidiairement , & à leur défaut. Desjaunaux rap-
porte dan^ fon recueil deux arrêts rendus au paie-
ment de Flandres, l'un du 31 oélobre 1696, &
l'autre du 10 décembre 1698 , pour la paroiffe de
Bromkerque , dans la châtellenie de Berghe , qui
déchargent les habitans de ces réparations : c'eiî
auflî l'ufage des Pays-Bas. Vanefpen cite un règle-
ment du confeil de Bruxelles en 1673 , qui décide
que les réparations des Presbytères regardent les
curés ; & nous trouvons un autre règlement fait en
1676 au confeil de Brabant , conformément aux
décrets des conciles de Cambrai &: de Malines ,
qui contient la même difpofition. Les habitans , par
toute la Flandre , ne font obligés de fournir un lo-
gement à leur curé , que lorfqu'iJs y font a/Tujettis
par un ufage immémorial.
On fuit une autre règle en Provence; on n'y
dilîingue point les réparations qui regardent les ha-
bitans, de celles qui concernent les décimateurs ;
on joint enfemble les réparations du Presbytère &
celles de l'églife, & on met les deux tiers de ces
réparations à la charge des habitans, & l'autre tiers à
cell»^ des décimateurs. Boniface rapporte plufieurs
arrêts qui l'ont jugé ainfi ; entr'autres, un arrêt du
a6 mars 1669, qui l'a décidé contre le chapitre de
Frejus , & un fécond du la mai 1670 , contre le
chapitre même de la cathédrale d'Aix. Bonif. tom.
3 , liv. 5 , tit. 14 , ch. 7. Cette manière de contri-
buer y a paru plus propre à lever les difficultés
qui naiflent fréquemment entre les décimateurs Ôc
PRESCRIPTION.
les patoiiîlens , fur les ailes ou bas côtés , & autres
dépendances du cliceur & de la nef. (^Anicle de
M. Tabbé LaVBRY , avocat au parlement).
P R E S C R I P T I O N. La Prefcription , dans un
fens , eft l'acquifition du droit de propriété par la
pofTeirion d'une chofc, pendant un temps déterminé
par la loi ; & dans un autre fens , ce mot défigne
î'exfinâion d'un droit, d'une charge, d'une obli-
gation , qui eft demeurée fans exécution durant le
même temps.
Cette partie de la jurifprudence eft auflî vafte par
la multiplicité des objets qu'elle embraffe , qu'in-
téreftante par l'ufage journalier qu'on en fait dans
les tribunaux.
Pour difcuter méthodiquement les principales
difficultés qu'elle préfente , nous la diviferons en
trois fefllons , qui feront elles-mêmes fubdivifées
en plufieurs paragraphes.
Voici donc l'ordre que nous nous propofons de
fuivre.
Section L
Principes généraux de la Prefciption.
§. I. Idée de la Prefcription en général. Origine
& progrés de ce droit.
§. II. La Prefcription a-t-elle l'efficacité d'étein-
dre non-feulement l'obligation civile, mais l'obli-
gation naturelle ?
§. III. Peut-on renoncer à la Prefcription r Eft'
on cenfé le faire , & le fait-on valablement quand
on donne caution pour une dette prefcrite , ou
qu'on la paye ? --- Le juge peut-il fuppléer l'excep-
tion de la Prefcription , quand elle n'eft pas allé-
guée ? — Quelle loi ou coutume faut-il confuher
pour favoir fi la Prefcription eft acquifc ou non ?
-- Quand doit-elle être propofée?
§. IV. A qai proilte la Prefcription ? — Par qui
pti.t-elle être oppofée t
§. V. Des conditions requlfes pour prefcrire,
---'Du titre. — De la tradition. — De la pofteffion. -
De la bonne foi.
§. VI. Des caufes qui empêchent la Prefcription,
— Du titre nul ou vicieux. — Examen de la règle,
ad primordium tïtuli pcflèrior femper formatur even-
rus , & de celle , nul ne prefcrit contre fon pro-
pre titre. — Du précaire. De la familiarité. — De
l'interverfion de titre. — De la clandeftinité.
§. VII. Des caufes qui interrompent la Pref-
cription. — De celles qui la fufpendent. — De cel-
les qui peuvent , lorsqu'elle eft acquife , en faire
cefter l'effet par la reftitution en entier.
§. VIII. Des perfonnes incapables de prefcrire.
Section II.
Du temps requis pour prefcrire.
%. I. Des momens & des heures en matière de
Prefcription. — De la manière de compter les heu-
res dans les Prefcriptions.
§. II. Des Prcfcriptlous d'un ou de plufieurs
jours. — Comment fe comptent les jours en ma-
tière de prefcription ?
PRESCRIPTION.
§. III. Des Prefcriptions d'un ou de pliif:eurs
«015.
§. IV. Des Prefcriptions annales.
S. V. Des Prefcriptions biennales.
^. VI. Des Prefcriptions de trois ans.
§. VII. Des Prefcriptions de quatre ans.
§. VIII. Des Prefcriptions de cinq ans,
§. IX. Des Prefcriptions de fix ans.
§. X. Des Prefcriptions de fept ans.
§. XL Des Prefcriptions de huit ans.
§. XII. Des Prefcriptions de neuf ans.
§. XUl. Des Prefcriptions de dix ans.
§. XIV. Des Prefcriptions d'onze ans.
§. XV. Des Prefcriptions de douze ans.
§. XVI. Des Prefcriptions de quinze ans.
§. XVII. Des Prefcriptions de vingt ans, & de
celles de vingt ans & vingt jours.
§. XVUI. Des Prefcriptions de vingt-un ans.
§. XIX. Des Prefcriptions de vingt-deux ans.
§. XX. Des Prefcriptions de trente ans.
§. XXI. Des Prefcriptions de quarante ans.
§. XXII. Des Prefcriptions de quarante-un ans.
§. XXIII. Des Prefcriptions de foixantc ans.
§. XXIV. De la Prefcription centenaire.
^. XXV. De la Prefcription immémoriale.
Section III.
Des principaux objets fur lefqutls roulent les quêtions
dt prtfcriptibuité 6* de Prefcription.
§. I. Delà Prefcription des droits de fief, de
cens, de fcigneurieSc de juftice.
§. IL De la Prefcription des rentes , redevances
& preftations annuelles.
§. III. De la Prefcription entre affociés, co-lié-
ritiers ou autres communiers ; — entre Théritier &
le légitimairc ou le légataire ; — entre le donateur
Ôc le donataire.
§. IV. De la prefcription contre l'églife.
§. V. De la Prefcription en matière bénéficiale.
§. Vî. Dt la Prefcription contre les communau-
tés laïques.
§. VII. De la Prefcription de nobleffe , de nom
& d'armes.
§. VIII. De la Prefcription des crimes.
§. IX. De la Prefcription des inftances & des ju-
gemens.
§. X. Des Prefcriptions & fins de non-rçceroir
en matière de commerce maritime.
§. I. Idée de la Prefcription en général. Origine & pro-
strés de ce droit.
* La poflelîîon étant naturellement liée au droit
de propriété , il eft jufte qu'on préfume que comme
c'efl en effet le maître qui doit pofféder, celui qui
poflede doit être le maître , & que l'ancien pro-
priétaire n'a pas été privé de fa poffcflion fans de
juHes canfes.
Les mêmes raifons qui font que la longue po/Tef-
fion acquiert la propriété, & qu'elle dépouille l'an-
cien propriétaire, font auffi que toutes fortes de
PRESCRIPTION. 301
droits & d'aftions s'acquièrent & fe perdent par
l'e'ictdu temps. Aififi , un créancier qui a celTé de
di -lander ce qui lui (.ft clù , pendant le temps ré-
glé par la loi , a perdu fa dette , & le débiteur en
ci\ déchargé. Ainfi , celui qui a joui d'une renie
(iiT quelque héritage pendant le temps de la Pref-
cription , ne peut plus en être dépouillé , quoiqu'il
n'ait pas d'autres litres que fa longue jouiflance.
Ainfi , celui qui a cefle de jouir d'une fervitude
pendant le temps fufEfant , en a perdu le droit ; &
au contraire , celui qui jouit d'une fervitude , quoi-
que fans titre , en acquiert le droit par une longue
jouifTance , fi ce n'eu que la coutume en difpofe
autrement j & en général toutes les autres fortes de
prétentions & de droits de toute nature s'acquièrent
& fe perdent par la Prefcription , à la réferve de ce
que les lois en ont excepté.
Il y a donc deux effets de la Prefcription , ou plu-
tôt deux fortes de Prefcriptions : l'une qui acquiert
au poffeffcur le droit de propriété de ce qu'il pof-
fè(Je , & qui en dépouille le propriétaire, faute c'e
poiTcder ; 5i l'autre , qui fait acquérir ou perdre
toutes les autres efpèces de droits , foit qu'il y ait
quelque poffcffion , comme dans la jouiflance d'une
lervitude , ou qu'il n'y en ait aucune , comme dans
la perte d'une dette , faute de l'exiger.
Toutes ces fortes de Prefcriptions , qui fom ac-
quérir ou perdre des droits , font fondées fur cette
préfomption , que celui qui jouit d'un droit doit en
avoir quelque jufte titre , fans quoi on ne l'auroic
pas lailie jouir fi long-temps ; que celui qui ce'Je
d exercer un droit en a été dépouillé par quelque
jufte caufe , & que celui qui a demeuré fi long-
temps fans exiger fa dette , en a été payé , ou a re-
connu qu'il ne lui étoit rien dû.
Il faut difiinguer deux fortes de règles des Pref-
criptions , celles qui regardent les différentes ma-
nières dont les lois otn réglé le temps pour pref-
crire,& celles qui regardent la nature des Prefcrip-
tions , leur ufage , ce qui peut être fujet à la Pref-
cription , ce qui ne l'eft pas ,ce qui rend I.3 Pref-
cription juffe ou vicieufe, quelles font les perfonnes
contre qui on ne prefcrit point , quelle doit être la
poffeflion pour pouvoir prefcrire, ce qui peut in-
terrompre la Prefcription , & les autres femblables.
C ,'lles-ci font des règles natiucHes de l'équité; mais
c lies qui marquent le temps des "Prefcriptions ne
fjnt que des lois arbitraires ; car la nature ne fixe
pas quel temps il faut précifément pour pouvoir
prefcrire. Ainfi ces règles peuvent être changées ;
elles font différentes en divers lieux , & cette diver-
f:té fe voit même dans le droit romain , où les
Prefcriptions ont été différemment réglées en divers
temps.
La Prefcription pour les meubles s'acquéroit par
trois ans.
Pour les immeubles , on y apportoit différente»
diftinâions.
Le poffeffeur de bonne foi qui avoit un titre ,
prefcrivoit par dix an^ entre préfens, 6c par vingt
301 PRESCRIPTION.
ans entre abfens , quoique fon auteur eût poffédé
de rnaiivaife foi ; & on appeloit prcfens , ceux qui
avoient leur demeure dans une même province.
Celui qui poffédoit fans titre prefcrivoit par
trente ans ; & après ce temps-là, il ne pouvoit être
troublé par le propriétaire.
Les avions , ç'eft-à-dire , le droit de faire des de-
mandes en juflice , comme pour réclamer une hé-
rédité , un legs , une dette , une fervitude & d'au-
tres droits , fç prefcrivoient par trente ans.
L'aflion hypothécaire ne fe prefcrivoit que par
quarante ans , à l'égard du débiteur & de fes héri-
tiers , & même des tiers-détenteurs , û le débiteur
étoit encore vivant. Ainfi , Taftion hypothécaire
duroit plus, en ce cas , que la fimple aéiion per-
fonnclle , $i après la mort du débiteur elle ne du-
rcit que trente ans.
Toutes les autres fortes de Prefcriptions de biens
ou de droits , de quelque nature que ce pût être, &
qu'on auroit pu prétendre ne devoir pas avoir lieu
par trente ans , furent réglées à quarante ans ,
m:mc pour les biçns & les droits de l'églife & du
public.
Toutes ces différentes Prefcriptions ont été rédui-
tes dans plufieurs coutumes Si. dans des provinces
mêmes qui fe régiflent par le droit écrit , à une feule
Prefcription de trente ans ; dans les autres, on les
obfcrve telles qu'elles font réglées par les lois ro-
maines. Il y en a mémo qui ont apporté d'autres
changemens ; elles n'ont , par exemple , reçu la
Prefcription de trente ans que pour les aélions per-
fonnelles & mobilières, & elles ont étendu les au-
tres Prefcriptions à quarante ans.
Il n'eft pas néccflaire de confidérer les motifs de
CCS différentes difpofuions du droit romain , ni les
raifons qui ont fait qu'on ne les a pas fuivies dans
plufieurs coutumes ; chaque ufage a fes vues , & ne
confidère dans les ufages oppofés que leurs incon-
véniens ; i! fuffit de remarquer ce qu'il y a de com-
mun à toutes ces différentes difpofitions & du droit
écrit Se des coutumes , pour ce qui regarde le
temps des Prefcriptions ; ce qui confifle en deux
vues ; l'une, de laiffer aux maîtres des chofes Se à
ceux qui prétendent quelques droits , un certain
temps pour les recouvrer ; & l'autre , de mettre en
repos ceux qu'on voudroit inquiéter dans leurs pof-
feffions ou dans leurs droits , après que cç temps i'i
trouve expiré.
Il fawt remarquer ici la différence qu'il y a dans
le droit romain entre \'ufucaf':on Se h Prefcription :
elle eft importante pour l'exaiSle intelligence des
lois civiles. XJufucaplm fignific la manière d'acqué-
rir la propriété des chofes par l'effet du temps. La
Prefcription a auffi le même fens ; mais elle fignifie
de plus la manière d'acquérir & de perdre toutes
fortes de droits & d'aflions , par le même effet du
temps réglé par la loi.
Outro CCS diverfes Prefcriptions du droit ro-
niain , qu'on Vient de remarquer , nous ?vons çn
PRESCRIPTION.
France quelques autres fortes de Prefcriptions éta-
blies par les ordonnances , & quelques coutumes
qui en ont réglé le temps.
§. I I. La Prefcription a-t-elle refficaàté d'éteindre;,
nun-JeuLmeni rohligation civile , mais l'ohligaiion
naturelle ?
Les auteurs ne font pas d'accord fur cette quef-
tion ; d'Argentré en tait la remarque fur la coutu-
me de Bretagne, art. 273, titre de hypothecarum
Prefcriptionibus , & an naturales \obUp.itiones Pref'
cripuone tolUntur, nombre 22. Mais j'embraffe vo-
lontiers l'opinion de cet auteur, qui tient nu nom-
bre 23 , que la Prefcription éteint toute forte d'o-
bligations , parce que la loi l'a ainfi voulu , & qu'elle
l'a pu.
D'abord il paroît qu'elle Ta voulu, puifqu'elle a
dit dans la loi omnes , au code, de Prœfcriptionihas
3 o v(l ^o annorum , que ce long intervalle de temps
acquiert au débiteur une pleine 8f entière affu-
rance, plcnijfmam fecitritaum ; & il ne feroit pas
affuré pleinement, s'il demcuroit encore une obli-
gation naturelle ; c'eft l'obfervation de Cujas (i).
Toutes les fois, dit-il, que la loi ufe (Vv^ne façon
de parler qui emporte une entière décharge par
cette diflion ornnis (tout) , ou d'un autre terme de
même fignification , elle entend que l'obligation
naturelle foit éteinte avec la civile; c'ef: ce qu'on
voit par exemple , dans le cas du fénatufconfuhe
Velleien , dont parle la loi fî mulicr conlrà^ff,
ad l'clUïantini , en ces mots : Sénat us impiobat to-
tam ohUgationem. Ce (avant interprète ajoute , que
l'obligation naturelle efl éteinte non - feulement
par le payement réel, mais encore par le paye-
ment putatif, c'eftàTdire , par tout ce qui , félon
les maximes de droit , tient lieu de payement ,
quocumque moda quid per folutione cedat ; & la: Pref-
cription eft àc cette nature , puifque la loi l'a con"
fidérée comme un payement. *
Et comme elle l'a voulu , elle l'a pu. Il eft vraî
que la loi civile ne peut pas déroger aux principes
du droit naturel & aux conféquences qui en dé-
coulent dire61enient , comme font tous les pré»
ceptes de la morale ; mais elle peut en abolir les
conféquences in«!Îircéîes & éloignées (2). D'ail-
leurs , on peut dire auffi que la Prefcription a fon
principe dans le droit de la nature *. La patience
du maître ou proprictaire , qui , durant une longue
fuite d'années, fouffre la détention de fon bien,
fans réclamer & fans fe plaindre ; où le filence du
ciéancier qui, durant un long efpace de temps,
n'a fait auciine demande de fa dette, quoiqu'il l'ait
pu faire , induifent un tacite confentement qui
(1) A IV.h. iS , quœfl. Papin. Cnc la loi Scichum aut Pam-
pbUum , 5^ , §. na:uralis , f. defoluT.
(i") Covarruvias , in cap. quamvis de paâis , i/i-S' , parc,
1, §.i|, fol. 2S7.
PRESCRIPTION.
tîent lîeu d'aliénation du bien ufiirpé , & de quit-
tance de la dette (t).
§. 1 1 1. Peut- OH renoncer à la Prefcrïption ? — E^-on
cenfé le faire , 6* le fait-on valablement quand on
donne caution pour une dette pnfcrite , ou qu on
la paye ? — Le juge peut-il fuppléer Cexception de
la Prefcription y quand elle nejl pas alléguée? —
Quelle loi ou coutume faut-il confulter pour favoir
fi la Prefcription efi acquife ou non ? — Quand
doit- elle être propofie ?
I. Sur la première de ces queftions , il faut dif-
tlnguer fi la Prefcription cft acquife ou fi elle ne
l'eft pas.
Si elle n'eft pas acquife , & qu'il foit queftion
de l'acquérir , l'opinion commune eft qu'on ne
peut pas y renoncer , & convenir qu'elle n'aura
pas lieu ou qu'elle fera prorogée.
On en donne plu{ieurs raifons. i*. La Prefcrip-
tion eft utile à la fociété des hommes en général.
2*. Les lois qui l'autorifent forment un droit pu-
blic auquel il n'eft pas libre de déroger par conven-
tion , tant qu'il n'eft pas appliqué à chaque fait par-
ticulier. On dit droit public , parce que le droit
commun cft vraiment tel, & par conféquent hors
de la difpofition des particuliers, avant qu'il n'en
réfulte pour eux des droits formés & acquis : il
ne devient privé que par l'application qu'ils s'en
font ; & ce n'eft qu'alors qu'il peut être changé par
la volonté de l'homme.
Ainfi , un héritier ne renonce pas valablement
à la quarte falcidie avant la mort du teftateur.
Voyez Quarte falcidie.
Ainfi, hors quelques cas exceptés par notre ju-
rifprudence , plus indulgente en cela que les lois
Romaines , c'etl en vain qu'on renonce à une héré-
dité avant qu'elle foit ouverte. Voyez Renoncia-
tion.
Ainfi , les lois & les arrêts ne permettent pas
de renoncer avant coup au bénéfice de ceftion de
biens , à celui de compé:ence , à la faculté d'obte-
nir des lettres de répi. Vo^cz Cession , Com-
pétence Se RÉPI,
3°. De même que la loi ne vous laifie pas le
pouvoir de convenir que vous n'aliénerez pas votre
fonds (a) ; de même r^ufti , elle ne fouffre pas que
vous promettiez de ne pas aiTurer par la Prefcrip-
tion le bien que vous poftcdez : la Prefcription eft ,
comme on l'a déjà dit, une efpèce d'aliénation ;
ainfi les conventions ne doivent pas avoir plus de
prife fur l'une que fur l'autre (3).
Si ces raifons , quelque décifives qu'elles pa-
roiflent, pouvoient laifîer quelque doute fur la
(i^ Vix tnim efi , ut non videatw alienare qui piritur ufu-
tapi' J.oi 18 , au digelle , de veriorum fignificationt.
(i) L. pen. D. depaclis.
(}) Alieiiatio qux per vfucapionem connngerefolet per pac-
fam ntripotefi impeiiri , magis quàm alien ano q'ix f* reliquis
legitimis titulis fàlet cemin[,ers. Vafqutz , de JuiCeffionitus ,
tQuii 1 2 livi« I , §, i« , n«jut>xei ( Si fuivaxi;,
PRESCRIPTION. 303
queftion en général , on conviendra du moins
qu'elle n'en doit point fouffrir par rapport à ces
Prcfcriptions courtes que les ftatuts , les coutumes
& les ordonnances ont introduites en faveur des
débiteurs, pour qu'ils nefoient pas expofésà payer
deux fois , & accablés d'une trop grande quantité
d'intérêts, ou d'une dette trop confidérable. S'il
étoit permis de renoncer à ces fortes de Prcfcrip-
tions, on verroit bientôt les lois qui les ont in-
troduites cotnme utiles & néceftaires , rendues inu-
tiles & infruftueufes, par l'afcendant qu'ont tou-
jours les créanciers fur leurs débiteurs. Il y a des
voies faciles pour les interrompre ; les créanciers
doivent s'en contenter , fans recourir au remède
extraordinaire d'une renonciation (jui , par elle-
même, eft toujours défavorable.
II. Quand la Prefcription eft acquife, on con-
vient généralement qu'il eft permis d'y renoncer.
Mais la renonciation feule de la partie qui auroit
pu en profiter , fuffit-elle pour en faire cefler l'ef-
fet ? Oui , dans les chofcs incorporelles , Sx. dans
les aftions. Mais s'il s'agifToit d'un bien corporel ,
il faudroit un titre nouveau & une nouvelle tra-
dition pour en retransférer le domaine à fon an-
cien maître : car la Prefcription en ayant faifi ce-
lui en faveur duquel elle a couru , la feule vo-
lonté ne peut pas l'en defi'aifir ni l'en dépouil-
ler (1).
Du refte, on f«nt bien que pour établir une re-
nonciation à une Prefcription valablement acquife ,
il faut ou une ftipulation bien cxpreile , ou quelque
chofe qui en ait abfolument toute la force. C'cft
uiia vérité puifée dans la nature iBéme de la re-
nonciation , qui ne fe préfume jamais.
Dès- là, on ne doit pas trouver étrange que la
loi /? quis , au digefte , de fide'jufforibus , déclare nul
& inopérant l'aéte par lequel une caution s'oblige
pour une dette que la Prefcription a éteinte (2) :
le débiteur qui étoit déchargé par cette voie , a
pu rignorer, & (on ignorance, foit qu'elle roule
fur le droit ou fur le tait , ne peut pas lui nuire ,
parce q<i'il ne s'agit point en ce cas de damno amij[fiz^
mais feulement de damno amiitendce rei. Voyez là-
dclTus l'article Ignorance.
A l'égard du payement que fait le débiteur d'une
dette prefcrite, il eft clair qu'il renferme une re-
nonciation virtuelle à la Prefcription. Il y a cepen-
dant bien des auteurs qui prétendent que quand
on a payé ce qu'on avoit prefcrit , on peut le
répéter comme une chofe indue. Tels (ont Bil-
bus (3) , Vafquèz (4) & Cancerius (<,). Leius rai-
fons paroiflent d'ailleurs très-concluantes. C'eft un
principe , dlfent-ils, que ce qui n'eft dû ni civile-
(1) Non nudis pisflis , fed traditionibus dominia trti:iiferun-
tur. I.oi non nuiis , C. de paclis.
U) Si quit pvfiquàm cempore tranfaâo libtriitus efi fidfjuj'-
fortm deAerit ,fidejuD'er mm tenerur.
( j ) De pnefcriptionibus , p.irtie i , quetllon 6,
(4) C:ntroverf. i//ii/î. livre 1 , chapitre 55 , nombre I2.
^ } ) Varinr, refponf. partie j , chap. i j , nçiubre }9. ^
304
PRESCRIPTION.
ment , ni naturellement , ou qui étant dû naturel-
lement , peut être refufé en vertu d'une excep-
tion péremptoirc Se perpétuelle , peut être répété ,
^uaHcl même on l'auroit paj'é par erreur de
droit (i) : or,' ce qui eft prefcrit n'eft pas dû,
même naturellement ; la Pi efcription a l'effet d'un
payement véritable ; folventi fimïlis ejl qui Pnzj-
cnbtt ; & l'exception qu'elle produit eft favorable ,
puifque ce font des motifs de bien public qui
l'ont fait introduire. Il y a donc lieu à la répé-
tition de ce qu'on a payé nonobflant la Prefcrip-
tion acquife.
Mais d'un autre côté , que n'oppofe-t-on pas à
ces raiConnemcns ? Un débiteur a payé fans dol ,
fans furprife , ik fans vouloir alléguer la Prefcrip-
tion : qu'eft-ce à-dire , fi ce n'eft qu'il a eu l'inten-
tion de décharger une confcience timorée, 6t qu'il
a eu des raifons qui l'ont obligé de s'acquitter ?
Sans doute , il a pu renoncer à la Prefcription ,
dé»-là qu'elle étoit compleitc ; & la bonne foi , les
principes mêmes ne lui permettent pas de répéter
ce qu'il a payé volontairement (2).
« Il feroit difficile (dit Dunod , après avoir p^fé
ces différentes raifons, ) » de faire juger qu'il y a
1} lieu à la icpétition dans ces circonllances ; fur-
>' tout s'il étou queftion d'une Prefcription courte
v & ftatutaire. On a fouvcnt plus d'égard en pra-
»> tique à l'équité, qu'aux règles étroites &. rigou-
»> rcufes ».
III. La Prefcription peut-elle être fuppléée par
le juge , lorfqu'clle n'eft pas alléguée par la partie
à qui elle eil acquife ? Non : foit qu'on la contidère
comme un moyen d'acquérir , foit qu'on la regarde
comme un moyen de fe libérer, elle n'eft jamais
qu'une exception ; & fous ce point de vue, il eft
clair que l'allégation en eft indifpenfable. M.Pollet,
article 3 , §. 85 , en rapporte un arrêt du Parlement
de Flandres du 11 Février 1691. Le confeil fouve-
rain du Hainaut l'avoit jugé de même par arrêt du
7 fepiembre 1684. M. Pollet excepte cependant
un cas où , fuivant lui , la Prefcription peut être fup-
pléée d'office , c'eft lorfque la partie qui a réelle-
ment prefcrit, fe fait un moyen de la circonftance
qu'elle pofsède depuis tant d'années ; 8c en effet fi
alors la Prefcription n'eft pas alléguée en termes
exprès , elle l'eft au moins paréquipollencc.
iV. Du principe que la Prefcription ne confifte
que dans une exception , réfulte la conféquence
que pour la Prefcription d'une dette , telle ,
par exemple , qu'une rente conftituée , on doit
ifuivre la coutume du domicile du débiteur. La loi
qui déclare une dette prefcrite , n'anéantit pas le
droit du créancier en foi ; elle ne fait qu'oppofer
une barrière à fes pourfuites ; & dès-lors , il eft évi-
dent qu'elle ne peut être établie par la coutume du
[I] Gonzalez fur le dernier chapitre , de foluthnîbus , aux
clécrétales, nombre î. . . .
{x) Cujus ftr trrorem folutï repttitioeli, ejus cfnfulto d(Ui
ionaùo tjl.
PRESCRIPTIONT.
domicile de celui ci , mais feulement par celle du
domicile de celui-là. C'cft ce qu'a jugé le parlement
de Flandres par deux arrêts, l'un du 17 juillet 1602 ,
l'autre du 30 oâobre 170 j , rapportés par M. Fol-
let, partie 3 , §. S6.
Mais doit-on fuivre la loi du lieu où le débiteur
étoit domicilié lors du contrat , ou celle du lieu où
il a depuis transféré fon domicile ? Boulenois, fur
Rodemburg , tome i ,page 530, incline pour ce
dernier parti; & c'eft avec avec raifnn : pourquoi
le créancier n'a-t-il pas attaqué fon débiteur dans
fon nouveau domicile, avant l'écoulement du terme
fixé pour la Prefcription , par la loi qui y eft en vi-
gueur? S'il ne l'a pas fait , s'il fe trouve enfuite ar-
rêté par une Prefcription différente de celle du lieu
du contrat , qu'il fe l'impute à lui-même.
A l'égard tîes aéîions réelles , la Prefcription s'en
règle par la loi du lieu où font fitués les héritages,
à Ta revendication ou à l'afTerviirement defquels
elles tendent. C'eft ce qui a été jugé par arrêt d'i
parlement de Paris du mois d'août 1698 , en faveur
de M. de Cornulier, préfident au parlement de
Rennes , contre les fieurs de la Noue. Il s'agiffcit
de favoir fi , pour la Prefcription d'une hypothèque
à laquelle étoit affectée la terre de Vair , fituéc en
Bretagne , il falloir s'attacher uniquement à la cou-
tume de cette province .'' La cour adopta l'affirma-
tive , comme nous l'apprend Denizart , au mot
Prescription ( 1 ).
'V. On ne doute pas que la Prefcription ne puifle
être propoféc en tout état de caufe. C'eft une ex-
ception péremptoirc , & cela dit tout.
Auffi trouvons-nous dans le journal du Palais ds
Touloufe , tome 2 , page 552, deux arrêts de cette
cour , qui jugent « que le poffeffeur eft reçu à
1» prouver la pofl'effion d'un temps légitime pour la
M Prefcription , quoiqu'il ait commencé à fe défea-
» dre comme ancien propriétaire, qu'il ait d'abord
»> prétendu fimplement que la chofe lui apparte-
» noit indépendamment de la Prefcription , ik. fans
» l'avoir propofée au commencement de l'mflan-
» ce ». Le magiftrat qui rapporte ces arrêts ne les
date point; mais il dit que l'un des deux a été rendu
à fon rapport , ce qui fuffifoit bien pour en conf-
tater l'exiftence.
Cet auteur rend compte , à la page 236 , d'un
autre arrêt du 26 août 1740, qui juge encore de
même.
On a demandé , au parlement de Flandres , fi »
après un arrêt portant condamnation , l'on ne pou-
voit point fe prévaloir de la Prefcription , du moins
fans bénéfice de requête civile (2) ? On difoit qu'aux
termes de la loi première , au code , de re judicatà ,
(1) On itouve dans la colJciaion de Denizair un arrêt du
pariemenc de Paris de lyC^, quia admis le moyen de la
Prefcription, quoiqu'il n'eût été propofè qu'en caufe d'appel ,
8c qu'on eût donné en première in.lance dcî confentetneni
qui y paroiffoient contraires.
(2) Voyez à l'article RKQUiTE CIVILE C petite )ce qu'an
eoteaJ far ce; mou li^as les Tays-bas,
il
PRESCRIPTION.
Il eft permis, même après la condamnation , d'op-
pofer des quittances & de prouver des payemens ,
& que prel'crire équivaloir à payer. Mais on acOH-
fidéré que l'objet de la Prefcriptîon étant de mettre
fin aux conteftations qui divifent les hommes , ce
feroit la faire opérer contre le but des légiflateurs,
que de recevoir l'exception contre une chofe ju-
gée ; que c etoit d'après cette raifon que les empe-
reurs Dioclétien & Maximien avoient ftatué dans
la loi a, au code, Senttntiam refclndi nonpoffe, que
jniicatum non oppofitcs pnzfcriptionis vclamento , citrâ
remedium appelldtionis , refcinii non poiej!. En con-
féquence, le demandeur en requête civile a été dé-
bouté par arrêt du i décembre 1693 , rapporté par
M. Desjaunaux , tome 1 , §. 9. Bérault , fur la cou-
tume de Normandie, fait mention d'un ancien ar-
ïêt du parlement de Rouen, qui juge de même;
& Bafnage , article 52.2 , nous en retrace un fcm-
blable du 19 aoijt 1689.
§. IV. Â qui profite la Prefcriptîon ? Par jui peut-
elle être oppofée ?
I. En général, la Prefcriptîon profite à celui qui
a poffédé en efprit de propriétaire , s'il s'agit d'ac-
quérir; ou, s'il ert quefliion de fe libérer , à celui
qui, étant débiteur, n'a pas été inquiété par le
créancier.
Mais voici quelques efpèces dans lefquelles l'ap-
plication de ce principe fouffredes difficultés.
1°. Le nommé Salelles étoit débiteur d'Henry
d'une certaine fomme, & fu dette étoit reconnue
par une obligation de 1628. En 163 a , il vend un
immeuble au nommé Dordet, & entr'autres con-
ditions , il le charge de payer à fon acquit, la
fbmmc qu'il dcvoit à Henry. En 1660 , il le fait
affigner pour fe voir condamner à lui compter la
fomme qu'il l'avoit chargé de payer à ce dernier,
ou à lui en rapporter une quittance. Dordet ré-
pond qu'aux termes du contrat de vente , il ne doit
rien à fon vendeur, qu'il ne connoît point d'autre
créancier que Henry; & que ce dernier, ayant
perdu fa dette par la prefcriptîon qui avoir couru
depuis 1628 . c'ctoir affaire finie. Le vendeur répli-
que , que dans le fait, la créance de Henry n'eft
point prefcrite , parce que la délégation, contenue
dans le contrat de vente 1632 , a caufé une inter-
ruption en fa faveur , quoiqu'il n'y ait pas été par-
tie; &.'que dans le droit, s'il y a vraiment prefcrip-
tîon , ce n'eft pas l'acheteur , mais le vendeur qui
doit en profiter.
Sur ces moyens refpeéîifs , arrêt du parlement
de Touloufe du mois de janvier 1666 , par lequel
Dordet , acheteur , eft condamné à payer à Salelles ,
vendeur , la fomme demandée , ou à lui rapporter
la quittance d'Henry.
Les juges , comme nous l'apprend M. de Catel-
lan , livre 7, chap. 6, fe font déterminés par le
moyen que difoit Salelles de l'interruption cauféc
par Je contrat de vente; Se çc moyeu , accueilli du
Tome XllL
PRESCR IPTION. 305
premier abord (quoique dénué de fondement) (i) ,
a difpenfé la cour d'entrer dans l'examen de la quef-
tion de droit.
Pour moi , continue M. de Catellan , je crois que
l'acquéreur eût dâ profiter feu! de la prefcriptîon.
Si; le créancier avoit agi contre le vendeur , ce-
lui-ci auroit eu fon recours contre l'acheteur qui
s'étoit chargé de fa dette : par-là , c'eût été contre
l'acheteur que toute l'aétion fe fiijt tournée; & lui
feul auroit eu tout le foin & toute l'inquiétude du
payement : or l'équité, les règles de droit ne veu-
lent-elles pas que la proportion de l'utile & de
l'onéreux foit égale ? Et fous ce point de vue , à
qui le bénéfice de la prefcriptîon peut-il mieux ap-
partenir , qu'à celui fur lequel feroit tombé tout
le poids de l'adion , fi elle eût été intentée à temps ?
— Inutile de dire que le vendeur doit être confi-
déré comme ayant payé lui-même fon débiteur ,"
parce que prœfcribens folventi /îmills ( tout prefcri-
vant eft affimilé à celui qui paye ). S'il y a un paye-
ment à préfumer, c'cft bien plutôt de la part de
l'acheteur, qui s'étoit obligé de l'efTeâuer , que de la
part du vendeur qui avoit eu la précaution d'y faire
obliger celui-ci. Et après tout, le vendeur qui n'au-
roit pas voulu être regardé comme le débiteur , s'il
s'étoit agi de payer , doit-il être écouté quand il
prétend l'avoir été pour prefcrire .•'
Voilà le fonds des raifonnemens du magiftrac
cité. On y trouve beaucoup de fubtilité & de fi-
nèfle : mais les principes y font-ils refpeâés ? Nous
ne le voyons pas. Ecoutons Vedel.
Si la délégation faite par Salleles dans le contrat
de vente de 1632, eût été acceptée par Henry,
fon créancier , il n'y a point de doute que la Pref-
criptîon n'eût couru au profit de Dordet, débiteur
des fommes déléguées ; en effet , l'acceptation
d'Henry auroit fait une noration ; l'obligation fouf-
crite fe feroit éteinte ; il ne feroit plus refté que la
dette de Dordet , & la Prefcription ne pouvant plu»
tomber que fur cette dette, il eft clair qu'elle n'au-
roit pu être prefcrite qu'au profit de Dordet même.
Mais la délégation n'ayant été acceptée ni taci-
tement ni expreffément par Henry , il n'y a point eu
de novation : dès-lors , l'obligation de 1628 a tou-
jours été le feul titre d'Henry. Ce titre n'indiquant
à Henry que Salleles pour débiteur , Salleles eft le
feul en faveur duquel Henry peut l'avoir laifle
prefcrire; comment, d'après cela, ne feroit il pas
aufli le feul qui pût tirer avantage de la Prefcription?
Salleles avoit donc acquis par la remife tacite
d'Henry fon créancier , la fomme dont il lui étoit
redevable; il pouvoit contraindre Dordet à la lui
payer.
Pourquoi ne l'auroiiil pas pu ? Dordet n'étoit
point libéré , même envers Salleles , par la déléga-
tion de 1632. Il n'avoit tenu qu'à lui de la faire ac-
cepter par Henry , ou du moins de la lui notifier ;
il ne l'avoit point fait ; il devoit fe l'imputer. Faute
(1) Yoyci Vçdcl fux ^L de Ca^çD^a, âTendroic cité.
5o6
PRESCRIPTION.
de ces précautions , il demeinoit obligé envers Sal-
kles , & fon obligation fiibfiftoit tellement , que fi
les créanciers de celui-ci avoient fait des faifies en-
tre Tes mains fur la fomme qu'il ètoit chargé de
payer à Henry , elles auroient eu leur entier effet.
Le moyen , après cela , de concevoir qu'il eût
pu pref'crire contre Henry ? On ne prefcrit que
contre celui envers lequel on eft tenu, & on vient
de voir qu'il n'étoit obligé qu'envers Salleles.
2°. Une autre queflion bien importante , eft de
favolr à qui de l'héritier grevé eu du fubftitué ,
doit profiter la Prefcription acquife par le premier
avant la reinife qu'il a été obligé de faire au fécond
du fidéicommis ordonné en faveur de celui ci ?
Mais comme cette queftion efl traitée à l'article
Substitution fidéicommissaire , feflion 33 ,
nous ne nou; y arrèrerons pas en ce moment.
II. La queftion de lavoir par qui la Prefcription
peut être oppofée, eft facile à réloudre d'après les
principes établis dans le paragraphe précédenr.
Nous y avons vu que celui à qui la Prefcription eft
acquife peut y renoncer : & de-là il réfulte évi-
demment qu'il eft feul rccevable à s'en prévaloir.
Ceft en effet ce qui a été jugé par arrêt du parle-
ment de Touloufc du 9 janvier 1700 , rapporte dans
le journal du palais de cette cour , tome 6 , § 105.
Mais peut-on appliquer cette décifion à l'efpèce
Aiivante ?
On verra ci-après, partie 3 , §. i , que la mou-
vance d'un fief eft prefcriptible de feigneur à fei-
gneur. Suppofons que le feigneur quia prefcrit ne
veuille pas exciper de fa Prefcriprion , pourra-
t-elle être op[>olée par le vaiTal qui a intérêt de re-
lever de lui plutôt que d'un autre .'' Le parlement
de Touloufe a jugé pour l'affirmative par arrêt du
6 feptembrc 1704,1! eft rapporcé dans le recueil
que nous venons de citer , tome 3 , page 164.
Ainfi toutes les fois qu'un tiers a un droit acquis
par la Prefc;iption qui a couru en votre faveur, ni
votre filence ni votre renonciation ne peuvent l'en
priver.
Ceft ce qui a encore été jugé par un arrêt du
parlement de Bordeaux du 21 mars 1673 , que
rapporte la Peyrere , lettre P , nombre 102. Dans
cette efpèce un débiteur dont tous les biens
étoient en criées , avoit prefcrit contre (on frère le
fupplr ment de légitime qu'il lui devoir depuis plus
de trente aiis. Celui ci le prMenta pour fe faire col-
Ijquerdans la diftribution du prix des fonds qu'on
alloit décréter. Les autres créanciers foutinrent
qu'il étoit nonrecevable , attendu la Prefcription
qui étoit pleinement acquife ; &c l'arrêt jugea ainfi ,
quoique le débiteur eut déclaré qu'il ne croyoit
pas pouvoir équitublement oppoftr la Prefcrip-
tion, & qu'il y eût renoncé formellement (1).
( 1) tt rlu'.'.ciusde MelTieiirs difoicnt ( luiv, i;c!a Pey.eic ) ,
» tja'ii itoi! peunis de reconnoicre de bon-ne foi quand on
»'n'.ivo't pa-- payé; n-mi? çrohihe'ur lKm:im fi.km a ncfcire ,
» die U loi. Miis cela doit s'emenJ.e ^^uand une pcrfonnc
PRESCRIPTION.
§. V. Des conditions requifes pi ur pouvoir prefcni-ti
— Du titre. — De la tradition. — De Upo£'e£îoR,
— De la bonne foi.
I. La Prefcription , on l'a déjà dit , eft une excep-
tion introduite contre le droit commun. Ainfi elle
ne peut avoir lieu que par le moyen du concours
&: de 1 obfervation exade de touies les conduions
requifes par la loi.
Quelles font ces conditions ? Il faut diftinguer
la Prefcription confidérée comme moyen d'acqué-
rir , d'avec la Prefcription confidérée comme une
voie pour fe libérer. La première a (on fondement
dans une poiïefîîon qu'on peut, en quelque forte,
appeler jÂ/v^; &: cette ponclfion , c'eft par le fait
du prefcrivant (i) qu'elle s'établit, La féconde n'a
point d'autre principe que la négligence de celui
contre lequel elle court, fit le débiteur qu'elle dé-
charge n'a rien à faire pour s'en procurer les effets.
Cette différence fait dcjà fentir qu'il doit être
plus difficile d'acquérir que de fe libérer par la v»ie
de la Prefcription ; on en conçoit aifément la rai-
(on : le débiteur eft toujours favorable: fa libéra-
tion eft l'objet d'un des principaux vœux de la loi :
ainfi rien d'étonnant, fila loi la facilite. Ceft d'ail-
leurs ce que mettront en évidence les détails dans
lefijuels nous allons entrer.
II. Du titre.
Pour prefcrire la libérarion d'une dette ou d'un
droit incorporel , il ne faut point de titre. La né-
gligence du ciéancier opère feule la Prefcription en
cette matière.
Mais s'il eft queftion d'acquérir, il faut régu-
lièrement un titre certain , prou\^é , jufïe & habile a
transf.'rer la propritté.
Il faut un titre certain pour donner lieu à la Pref-
cription. Ainfi , tout pofleffeur qui ne peut pas dé-
terminer le principe de fa poiîeifion , ne peut pas
prefcrire. Pour que la Prefcription puiffe opérer en
votre fiveiir , il faut que vous foyez en état de
dire : « Je poffède en vertu d'un tel teftament ,
■>■) d'une telle donation , d'un tel contrat de vente ».
Il faut que le titre foit prouvé. Comme il confifte
en fait, on ne le préfume pas, & tout homme qui
fe fonde fur un ade doit le rapporter 8c le repté-
fenter.
Il faut que le titre fo'it jujîe , c'eft-à-dlre , vala-
ble , & par confequent qu'il puiffe mettre le pof-
feffeur en bonne foi.
* il y auroit donc un défaut capital dans la poffef-
fion, fi elle avoit commencé par un titre vicieux ^8i
dont le défaut fut tel , que le poffeffeur dût l'avoir
« tierce i]ui a déjà acquis le droit ne le piain: pas ; c'ell l'avis
>j de Birtole, & fuivanc cet avis, il fut jugé que le cpnfen-
.j rcii er.t &: la d'^'claration du frète n'interronipoient pas. la
o Preicription '>.
(l, On voudra bien nous rafler ce terme. Nou-; ùvons qu'il
n'eir guères en ufaje , mais il rend fci'.I une idée (inipîe ; &
f( us cet a' pefl , il léniblc devoir être piétàx- à la circonlotii-
lion «ju'il faudroi; ent^'loyer pour Je remplacer.
PRESCRIPTION.
Çot^nu , quoiqu'il prétendit l'avoir ignoré *-
En effet , comme robferve très-bien M. Houard ,
(i) « l'ignorance de la loi , loin d être une excule ,
« eft un crime: on expofc la fociétc en laquelle on
« vit, au trouble & à la confufion , par fa négli-
»» gence à s'a(rurer,dans les divers a6ies qu'on fait,
'» des règles qu'elle a établies pour qu'ils fuirent
« faits valablement & équitablement ». —
* Ainfi, par exemple , celui qui achète d'un tu-
teur un fonds de fon mineur , (ans obfervcr les for-
malités , ne peut pas le prefcrire , au moins par dix
ou vingt ans, fous prétexte qu'il a cru de bonne
foi que le tuteur pouvoit l'aliéner; car il a dû favoir
«fue les biens du mineur ne peuvent être aliénés
que pour des caufcs néceffaires , & en obfervant
les formalités prcfcrites par les lois ; & comme
c'étoit une règle dont l'ignorance ne lui fervoit de
rien , fa condition n'cft pas diftinguée de celle d'un
acquéreur qui auroit connu le vice du titre. Ainfi ,
pour un autre exemple , celui qui acquiert un fonds
dépendant d'un bénéfice, & qui efi aliéné par le
titulaire fans caufe néceflaire 8c fans garder les for-
mes , ne pourra le prefcrire.
Il peut y avoir des vices dans les titres, qui pour-
roient fufnre pour les annuller , mais qui n'empè-
cheroient pas la Prefcription. Ainfi, par exemple ,
fi le légataire d'un fonds avoitéré mis en poff<:iTion
par celui qu'il croyoit être l'héritier, & qu'après que
ce légataire auroit joui de ce fonds pendant un
temps fufHfant pour prefcrire, il fe trouvât que celui
quis'étoit dit l'héritier , ne l'étoit pas, ou qu'il avoit
des cohéritiers , & que le vrai héritier ou les cohé-
ritiers troublafTent ce légataire , & lui allèguafTent
des nullités du teflament, comme s'il n'a voit pas le
nombre fuffifant de témoins, ou s'il manquoit d'au-
tres formalités, ces défauts n'empêcheroient pas l'ef-
fet de la Prefcription en faveur du légataire , foit
qu'il les ignorât, ou qu'il les connût; car il avoit
l'approbation du teftament par l'héritier apparent ;
ce qui fufîifoit , avec fa bonne foi , pour lui acqué-
rir la prefcription *.
Enfin nous avons dit que pour donner lieu à la
Prefcription , il faut que le titre foit habile à tranf-
férer la propriété '. nous ne difons pas qu'il en doit
être réelUm<nt tranjlatif, & on en fent bien la rai-
fon. Quand on parle d'un titre en matière de Pref-
cription , on n'entend pas celui qui vient du maître
de la chofe ; transférant le domaine par lui même ,
il rendroit la Prefcription fuperflue. Mais on parle
du titre venant d'un homme qui, n'étant pas pro-
priétaire , ne peut pas transférer la propriété, mais
met l'acquéreur de bonne foi en état de prefcrire
par la tradition qu'il lui fait. Ainfi celui qui vend le
bien d'autrui, n'en donne pas le domaine, parce
qu'il ne l'a pas , mais fi l'acheteur le poffède pen-
dant dix , vingt ans , ou tout autre terme fixé par
(l) Diaicnnaire de droit Normand, aiticle Prefcriftion
fettion pieiTiiè.c
PRESCRIPTION. 307
la loi de la fituation , il le prefcrira.
Les titres habiles à transiérer la propriété, font
perpétuels ou à temps, généraux ou particuliers.
Les perpétuels nous transfèrent la choie pour
toujours : tels font la vente , l'échange, la donation.
Ce font proprement ceux-là qui fondent la Pref-
crij)tiun.
Les titres à temps ne nous donnent qu'une pro-
priété révocable. Tel font les baux emphytéotiques
de quatre-vingt dix-neuf ans. On ne peut pas pref-
crire en vertu de ces titres , une propriété incom-
mutable , parce qu'ils ne peuvent pas autorifer celui
qui les a , à fe croire maître pour toujours & à
pofTéder en cette qualité.
Les titres généraux font ceux qui donnent droit
ri une univerfalité de biens. Tels font celui de fuc-
celîion ab intcjîat , d'inftitution contraéluelle , de
legs univerfel. Les titres particuliers font l'achat ,
la donation , l'échange , la tranfa61ion , en un mot
tous ceux qui ne donnent droit qu'à des chofes par-
ticulières ik déterminées.
Il paroît , du premier coup-d'œil , difîlcik d«
concevoir comment la fucceffion peut former un
titre capable de fervir de fondement à la Prefcrip-
tion. L'héritier repréfente fon auteur; fi celui-ci
manque de titre , foo héritier fera t-il cenfé ea
avoir un par la feule raifon qu'il eft héritier, &
pourra-t-il prefcrire en cette qualité } La choie pa*
roît finguliére. Cependant la loi décide que l'héri-
tier peut prefcrire comme tel , en forte que s'il
trouve dans la fucceflîon un bien qu'il croyoit ap-
partenir au défunt , quoique celui n'en fût que le
fimple détenteur , il pourra , avec le temps , fe l'ap-
proprier parla Prefcription (1).
Au furpUis , la néceffité d'un titre n'a pas lieu
dans toutes les efpèces de Prefcriptions. Les lois
romaines 6i canoniques ne l'exigent que pour la
Prefcription de vingt ans & au-defTous ; elles n'en
demandent point pour celles de trente , de qua*
rante , de cent ans ; Se nous trouvons dans te jour-
nal du parlement de Touloufe , tome 6 , §. 227,
un arrêt de cette cour du 8 février 1719, qui dé-
clare la Prefcription acquife par une poiTeflîon de
quarante-fix ans , quoiqu'elle fût ahjolwnent fans
titre , dit le magiflrat à qui nous devons ce recueil.
C'eft aufli la diipofition de la plupart de nos cou-
tumes -.Juppofé qu'il ne fa£e apparoir U titre , difent-
elles. Le feul laps du temps fait donc préfumer que
la pofieirion procède d'un jufle titre, &. que fade
en eft égaré.
Mais fi à cette préfomption de droit , on oppo-
foit le titre même qui a été le principe de la pofief-
fion , & que ce titre fût vicieux , le poflelTeur tren-
tenaire devroit-il encore être maintenu.''
Il faut diAinguer. Ou le vice du titre confiée
dans une nullité que la Prefcription peut couvrir,
{l) PUrique ■pwaverurtî fi hères fim b" punm -em a'iqucm e.y;
hereJkati ejfe f £«<« aonf.î ,j>oj[t me ujucapere. Loi } , D. pro
herede
Qqij
3og PRESCRIPTlOKTj
ou il confifte dans un défaut d'habilité à transférer
le domaine.
Au premier cas , la poffefTion doit régulièrement
prévaloir au vice du titre , ou plutôt en effacer tou-
tes les irrégularités , & , en quelque forte , le légi-
cimer.
Au fécond cas , point de Prefcription , par quel-
que temps que ce foit. Voyez ci-après §. VI, nom-
bre I.
III, De la tradition.
Le titre qui vient du véritable propriétaire , ne
iuffit pas, fans la tradition , pour transférer le do-
jnaine de la chofe : il femble donc , on doit même
conclure à fortiori , que la tradition eft inditpenfa-
ble pour prefcrire , quand la peifonne de qui on
tient le titre n'avoit pas la propriété.
C'eft la doftrine de Diinod , partie i , chapitre
3 , & de la plupart des anciens doéleurs qui ont
commenté les lois cclfus & cUvibus , au digefte ,
«/e contrahtndâ emptitne.
Mais fi elle eft vraie dans la fpcculation, elle ne
Îieut pas être d'un grand ufage dans la pratique. La
oi a , au code , de acquirendâ foffcjjione (i) , met
en principe que la tradition eft préfumée après une
longue pofleflîon : ainfi quand on a poiTédé pen-
dant dix ou vingt ans , il eft clair qu'on ne peut plus
être obligé de rapporter la preuve de la tradition ,
foit réelle , foit feinte , par laquelle on a été mis en
poffcffion.
Dans les coutumes où la tradition ne s'opère
'que par le nantiffement, c'eft- à-dire , par vcft &
<devert , faifme & dcflaifiae , déshéritance & adhéri-
tance, faut-il que ces formalités aient été remplies,
pour qu'on puiiTe prefcrire ?
Dunod , à l'endroit ciié , femble le fuppofer
ainfi ; mais c'eft une erreur qu'il n'étoit pas à por-
tée de fentir, parce qu'il viroit dans un pays où
on n'a point d'idée du nantiffement. Du refte, l'u-
fagc a prononcé contre fon aftertion : il eft de ma-
xime dans toutes les provinces dont il s'agit , que
Prefcripiion emporte véture : c'eft particulièrement
l'expreflion de la coutume de Liège , & elle fup-
pofe , comme on le voit , que le titre en vertu
duquel on prefcrit , n'a pas été fuivi de lêcure ou
nantiffement.
Nous ne voyons pas d'ailleurs que cette maxime
ait jamais fouffert la moindre contradidion dans
les tribunaux : elle eft atteftée par Duchefnes fur
l'article 115 de la coutume de Ponthieu , & Ricard
eft peut être le feul auteur des pays coutumiers
qui ait tenté de la combattre. Voyez fon commen-
taire fur la coutume d'Amiens , art. ^4.
Remarquez cependant qu'à l'égard des biens
mou vans du roi, l'enfaifinement eft d'une nécefîité
indifpenfable pour faire courir la Prefcripiion. Des
raifons de finance ont donné lieu à cette particu-
larité ; elle a été introduite par l'édit du mois de
(i) EUe eft rapportée à l'aaicU Nantissement.
PRESCRIPTION;
fiiaî I7ÎO , & nous voyons qu'elle a fervi de fon^
dément à une fentence du bureau des finances de
Paris du ay feptembre 1750.
Cette fentence , rendue fur délibéré , « fans avoir
» égard à la Prefcription fixée par la coutume de
ï> Paris , poiir les lods & ventes , ordonne l'exécu-
» tien de l'édit du mois de mai 1 7 10 , & en confé-
» quence condamne le fieur Boucher du Boucher
» au payement des lods Si. ventes d'un abandoti
» fait par des cnfans à leur mère le 13 juin 1719 ,
i> en dédufllon de fes reprifes , d'une maifon qui
M étoit un bien propre de leur père , Ôcfituée dans
» ladirefle du roi; & cela, parce que l'abandon
» n'ayant point été enfaifiné, il ne pouvoity avoir
» de Prefcription v. Ainfi s'exprime l'auteur du
diâionnaire raifonné des domaines, au mot enfai/i-^
neincnt , nombre 1 1 .
IV. De la pojfej/lon.
Lorfqu'il ne s'agit que de prefcrire la libération
d'une dette ou d'un droit incorporel , la poffeffion
n'eft pas plus requife que le titre.
Mais pour donner lieu à la Prefcription confidé-
rée comme moyen d'acquérir, il faut abfolument
ime poffeffion plus ou moins longue : /cne pojfef-
fione ufueapio coniingere non pote/} , ( fans pofféder ,
on ne peut pas prefcrire ) : c'efi vn principe de
droit civil & canonique (i). Qu'eft-ce en effet que
cette efpèce de Prefcription , ft ce n'eft une poffef-
fion continuée pendant un certain temps , & qui
dès-lors fait tellem.ent préfumer la qualité de pro-
priétaire dans le poffeffeur, que la preuve du con-
traire n'eft pas même admife (2) ?
Les lois & les auteurs nous ont tracé plufieurs
règles fur cette poffeffion. Les parcourir & les ex-
pliquer, eft une tâche que nous impofe la matière
qui fait l'objet de notre article.
Premier point.
Il ne faut pas croire qu'une poffeflîon quelcon-
que foit fuffifante en matière de Prefcription. Pour
prefcrire une chofe , il eft néceffaire de la pofféder
naturellement & civilement , c'eft-à-dire, de la déte-
nir de fait & de droit , d'en jouir aâuellement , cor-
porellement Si à titre de propriétaire.
De-là , cette conféquence écrite dans une foule
de lois , qu'un fermier , un ufufruitier, un dépofi-
taire , un commodataire ne peuvent jamais pref-
crire , non-feulement par ce qu'ils ne poffèdentpas
comme propriétaires , animo domini , mais parce
qu'à proprement parler j ils ne poffèdent point du
tout : car leur jouiffance , quoique fouvent quali-
fiée de poffeflîon, n'en a pas le véritable caractère:
ils n'ont que la carde de la chofe , ou la perception
des fruits qu'elle rapporte ; & comme difent les
( I ) 1 s , D. de ufurpationibus 6" ujucapionibui. d^.fine j^oj^
fêjfoni , dt rrguJis juris , in-6".
(a) Ui'ucafio ejl edjeâin domin'ù per continuanonem poffejjia-
nii nmporis lege d(fiiiiti. Loi j j D. ie ufucapienibus .
PRESCRIPTION.
tloiî^eurs , funt in poffeffione ,fed non jiofuiint , ( ils
font dans la pofleffion , mais ils ne poffcilent pas ).
On verra ci-après, §. VI, le développement de
cette maxime. Revenons à notre proposition , que
pour prefcrire , il faut pôfTéder de droit & de fait :
elle a befoin de quelques explications.
D'abord, il importe peu que nous pofiedions
par nous-mêmes ou par d'autres. Celui qui afferme
un bien , & en reçoit les loyers , n'en jouit que par
le miniftère de Ton fermier : cependant il n'en eft
pas moins réputé poffeiîeur naturel & civil; & la
Prefcriptlon court en fa faveur pendant tout le
bail , comme s'il détenoit perfonnellement le fonds.
En fécond lieu , quoique pour commencer à pref-
crire , il faille poiTéder naturellement & civilement
tout cnfemble , néanmoins quand il ne s'agit que
de continuer & d'achever une Prefcrjption déjà
commencée , il n'eft befoin que de la pcfTelUon
Civile , ou , ce qui efl absolument la même chofe ,
de l'intention de retenir la pofleffion qu'on a ,
fans en faire d'afle extérieur & afluel.
La raifon en ert que la pofleflion ne peut , à la
vérité , s'acquérir que par le concours du fait avec
l'intention , mais qu'elle fe conferve par l'intention
feule.
Et fi l'on veut remonter jufqu'à h fource pri-
mordiale de cette raifon, on fentira aifénient, d'u-
ne part, qu'il eu rarement poffible de potîéder na-
turellement fans difcontinuer, &que, de l'autre,
il eft toujours plus facile de confervcr que d'ac-
quérir (i).
Ainfi , quoique je laiffe tomber en friche un hé-
ritage dont j'ai perçu les fruits, ou que je ccirc
d'exercer un droit dont j'ai ufé auparavant, je ne
fuis pas moins réputé polleffeur de l'un ou de l'au-
tre , à l'effet de prefcrire ; & il faudrolt pour m'o-
ter cet avantage, qu'un autre vînt me déjeter &
interrompre ma polTefEon.
Obfervez cependant que fulvant l'opinion la plus
corr.mune des interprètes (2) , la poffeffion civile
n'tft: cenfée continuer feule que pendant dix ans ,
parce qu'on ne peut pas préfumer plus long-teraps
i'exiftence d'une i-uention qui demeure cachée.
Ainfi , difcnt ces auteurs , lorfqu'une perfonne ,
après avoir poiTédè extérieurement £c de fait , ceiTe
pendant dix ans de raanifeiter par des a.&.es de pof-
feffion naturelle le deflein qu'elle a de continuer
à pofléder , s'il lui faut cDcoro cet efpace de temps
pour prefcrire , elle ne prefcrira pas.
(I) Voy;z fur tous ces p:incipes la loi 5, V). de tarer dl dis ;
]e §. ^ , \ujî. de intcrdiciis ; les lois 4 & demie 'e , C. de in-
terdi^iis ;ia loi i , $. vuJgô &c dernier , D. df vi &* vi armarâ ;
lei lois I, 3 , 6 &: 7 , D. ce accpi'rendi vel amittendâ pojfef-
fior.e ; la loi 5 1 , D. di vfttrpaiionibus &* ufurapionilui ; la loi
4, D. de acquirendl b" retinenid peff'Jf'om ; la loi il , C. de
jirxfcriptionc longi tcmporis , & le §, ditlna , D. de ufuca-
fioie.
(1) Covarruvias, in cap. pcfTcfTor. pj;7, 2 j § 1,0.3.
VaG.]uez , ccnircj'. iHuJlr. lib. t , cap. 7S,p. 4. Co.lex Ta-
brianus , lib. 7 , jir. 7, defia. ii. Balbus in L. Celfus , cjuxll.
1 , n. 7.
PRESCRIPTION. 309
Dans l'ufage , cette queflion dépend aflez de
l'arbitrage du )uge ; c'ell a lui à pefer les circonf-
tanccs dont on prétend inférer que l'omiflion ab-
folue de tout aéte de polTeiTion naturelle , em-
porte difcontinuation de poiîeffion civile ; \k fans
doute pour apprécier les préfomptions qui peu-
vent avoir lieu en cette matière , il doit être plus
difficile lorfqu'il s'agit de droits incorporels qu'on
n'a pas l'occafion d'exercer fouvent , que lorfqu'il
eft queflion d'un objet fur lequel on peut faire
de fréquens aQ.cs de poffeffion extérieure &. ac-
tuelle.
Une autre vérité qu'on ne doit jamais perdre de
vue , c'eft que la poireffion naturelle même fe
conferve par fes reiies & fes vefiiges. Ainfi , les
ruines d'un bâtiment, tant qu'elles refient fur le
fonds où vous avez fait acle de propriété en bâtif-
fant, vous maintiennent dans la qualité de pof-
feflçur de ce fonds (t),
M Sur ce principe, dit Dunod , M. de Renac
« ayant voulu rétablir un moulin que fes auteurs,
» feigneurs d'Amoncour, avoient eu fur la rivière
» de Lanterne , au territoire de Confiandé , mada-
i> me la comtefle de Gramrnont , dame de Con-
» flandé , s'y oppofa • & dit que ce droit de mo«-
» lia fur la rivière aroit été une fervitude , mais
>» qu'elle étoit perdue par le non ufage de plus de
» cent ans : M. de Renac répliqua qu'il avoir con-
w (crvé fa poffieffion par les veftiges de l'éclufe qui
» paroiflbit encore dans la rivière, & g^gna loa
» procès fur ce fait , par arrêt rendu à la cham-
» bre des eaux & forêts du parlement de Befarçon,
M au rapport de M. Matherot de Dernes , le 1 3
n aoiàt 1710 w.
Sur le même principe, Louis XIV, par une décla-
ration du 6 mai 1680, dont nous parlerons aux ar-
ticles Convtntualiti &c Prieur, a décidé que la con-
ventualité ne ic prefcriroit point dans les bénéfices ,
tant qu'il exifleroit des lieux réguliers.
Il efl encore , daos cette matière, un point fur le-
quel on doit être fort attentif; c'eli de ne p?.s croire,
fans preuve , à la cefTation abfolue de la poiTeflion
naturelle , foit pendant dix ans , foit pendant tout
autre temps , car cette ceflation ne fe préfume pas.
Auffi tous les doûcurs enfcignent-ih que la pof-
feffion ancienne fait préfumer la nouvelle ; & ils
ajoutent , avec raifon , que û on prouve avoir pof-
fédé au commencement (Se à la fin , on efl par
cela feul cenfé l'avoir fait également pendant le
temps intermédiaire (2).
Mais peut-on dire vice-versa que la pofTefTion
nouvelle fait préfumer l'ancienne ? Non ; de ce que
vous êtes aéîuellement en poiîeffion , il ne s'enfuit
(1) D'Argentré fur h courunie de Bretagne , article i^-ffî ,
chapitre 4 , n. lo , & fur l'article 3 «S. Pcckius de aqua.fucîu ,
livre4 , queRion 63 , & Je ftrvnutihus , chapitre 4, «.jucf-
tion 11.
(1) OUmpojfsJfor , hodU po_!fejTor prtrfurr.hur i tr ex pojef-
fume deprxterito r.r^'^uhurpoJJ'effiodefrffenti (:)• Fiidii i.rnog.
ris , nifi contrfirium probitur.
310 PRESCRIPTION.
nullement que vous ayez poiïédé pendant tout le
temps requis pour prefcrire ; une polTeiTion conti-
mi:e pendant ce temps ,eft le titre du prelcrivant j
c'cil ;i lui d en faire la preuve.
Remarquons cependant que fi Ion avoit un titre
avec une pofleliion a6Hielle qui y fût relative , on
ieroit préiumé avoir poliédé depuis le titre ; &
quand on a joui pendant trente ans, on eft cenfé
avoir le droit de ceux qui ont poliédé dans les temps
les plus reculés , &c leur avoir fuccédé à quelque
titre.
La ville de Bruxelles a , fur la preuve de la pof-
feffion requife pour prefcrire , un flatut particu-
lier & trés-remarquable. Voici ce qu'il porte :
a Q»ani à la preuve de la poffeffion, notre in-
« tentlon cfl telle : Si quelqu'un peut démontrer
y* par deux t moins loyaux, que lui, fes ancêtres
t» ou ceux dont il a la caufe , ont poiïédé les biens
>» qu'il veut retenir par voie de Prefcription , pa-
" cifiquement comme leurs propres , au commcn-
s> cernent de la Prefcription , environ le milieu , &
»» au temps que la Prefcription s'achève, celui-là
« fatisfait quant à la preuve ; ne fwt que la par-
*> tie adverfe pourroit légitimement démontrer ,
»» comme devant , qu'un aiurc auroit pofledé quel-
»» que temps lefdits biens comme fes propres , pen-
V dnnt le cours de la Prefcription «.
Ce ftatut eft du 3 I avril 1412.
Diuxicmc point.
La po/Tefîîon feinte fert-elleaufll-bien pour pref-
crire , que la poiïeiTion réelle ?
Pourquoi non? La poiTeflion feinte cft une pof-
fefTion (elon la loi : elle doit par confoquent avoir
tous les effets que la loi a attachés à la poiïeflion
en général. Or, l'un de ces efiéts eft d'opérer la
Prefcription.
Ainfi, lorfqu'en vous vendant un bien dont je
ne fuis pas propriétaire, je ne vous en fais la tra-
dition que par une claufe de conftitut , je ne vous
en rends pas moins poffeftcur habile à le prefcrire ,
que fi vous en receviez de moi nne tradition réelle
êieffeitive.
Par la même raifon , fi après la mort d'une per-
fonne à qui j'ai droit de fuccéder ab inteftat , je
laifle écouler quelque temps fans me déclarer hé-
ritier, ce temps, d'après la règle, /e mort farfit U
\if, ne laifiera pas de me fervir pour la Prefcrip-
tion des biens qui , quoiqu'apppartenans à autrui,
peuvent fe trouver dans la fucceffion.
Mais cette règle n'eft pas générale; 8c dans l'ap-
plication qu'on peut en faite, il faut diilinguer les
perfonnes.
S'il s'agit de prefcrire contre celui de qui vient
la pofTeflion feinte , ou contre celui au préjudice
duquel la loi l'a donnée , notre règle eft conftante ,
générale , & ne fouffre point d'exception.
Mais eft il queftion de prefcrire contre un étran-
ger ? la pofftfiion feinte ne peut être tuile qu'au-
tant qu'un tiers n« s'empare pas tls la chofe.
PRESCRIPTION.
Aînfi , quoique la coutume continue la po/Tel*-'
fion du défimt à ion héritier, cette continuation
n'a point d'effet contre un étranger qui s'entremet
dans la chofe héréditaire , & qui interrompt la
Prefcription.
De même , quoique vous puiffiez , par une pof-
fcfîîon feinte , prefcrire pendant la vie de l'ufufrui-
tier qui tient f©n droit de vous ; néanmoins fi , à la
mort de celui-ci , fon héritier continue à jouir du
bien , fa jouiiTance interrompt votre Prefcription ,
parce que ce n'eft plus pour vous, mais en fon nom
qu'il pofsède.
Troi/îcme Point.
Il y a des pofleftions équivoques, c'eft-à-dirc,'
qui Jaifl'ent douter fi le détenteur d'une chofe en
jouit pour lui-même ou pour autrui, & par confé-
quent, fi c'eft pour lui-même qu'il preicrit , ou fî
un autre prefcrit par fon fait.
D'Argentré, fur l'article 265 delà coutume de
Bretagne , chapitre 5 , établit plufieurs principes ,
dont l'enfemble peut former là-deiïiis une règle ca-
pable de lever tous les doutes.
1°. Celui qui a un titre eft préfumé pofféder en
vertu & en conformité de ce titre: c'eft la caufe
apparente de fa poft"eftion, 5f rien n'eft ft naturel
que de les référer l'un à l'autre. Les lois ont d'ail-
leurs pris foin d'aftiirer ce principe : ad primordium
titidi, dit un texte célèbre du droit romain (1) ,
femper pojlerior formatur cvcntus.
2". Celui qui a plufieurs titres , pofsède plutôt
en vertu de ceux dont la validité n'eft pas fufcep-
tible de contradi61ion , que de ceux dans lefquels
on peut trouver des défauts ou des nullités. Il peut
même , fur-tout quand il eft défendeur, rapporter
la pofleflîon à celui de fes titres qu'il juge à pro-
pos , pourvu qu'en le faifant , il ne choque pas les
règles & la vraifemblance.
3". S'il eft prouvé qu'on foît entré en pofTcffi&n
an nom d'autrui , la préfomption eft qu'on a con-
tinué à poiïéder de même. C'eft une conféquence
de la maxime , nemo fibi potefl. mutare caufam pof-
jejfwnis (nul ne peut changer lui-même la caufe
de fa po(^feflion ). Pour détruire cette préfomption ,
il faudroit une interverfion de titre ; elle feule
peut faire croire qu'après avoir poffédé pour au-
trui, on a dans la fuite, poffédé pour foi même.
"Voyez ci-après , §. VI.
4*. Quand il n'y a pas de circirconftances ni de
raifons prefîantes pour faire préfumer qvi'on a pof-
fédé pour un autre , c'eft pour foi-même qu'on efl
cenfé l'avoir fait.
5°. Souvent la qualité qu'on a prife dans les
afles de jouifTance , fait juger fi c'eft pour foi ou
pour un autre qu'on a joui. Quelquefois cependant
cette qualité ne fe prend que comme un titre
d'honneur , & alors elle ne peut rien déterminer.
Par exemple ,un évêque a fait des baux, dans lef^
(j) Loi unii^iue , C. de impmendû lucraùvd d(fcriptimUt
PRESCRIPTION.
cjucls il a exprimé fa dign'.té : on ignore fi c'eit
à raifon de ion bénéHce ou de (on patrjmoine qu il
leb a faits de quel côt.^ doit pencher la préfomp-
tion ? Il cft certain que le titre dévêque employé
dans les a»^es , n'eft pas une raifon fuffifante pour
faire croire qu'il a traité comme bénéHcier. Il taut
donc prcfumer, jufqu'à la preuve du contraire,
que cei^ pour lui même &à raifon de foa patri-
moine , qvi il a pafTé les baux.
6". Si Ion n'a pomt pris de qualité , maïs que la
cliofc poffcdéc regarde naturellement une autre
perfonne , on fera préfumé avoir pofledé pour
elle.
Ainfi, un mari qui a donné un fonds à fa femme
par leur contrat de mari ge , pofiède pour elle pen-
dant que le mariage lublille.
Ainfi, un pèie qui a retiré ou acheté un fonds
pour fon fi's , tit ccnfé en jouir comme adminif-
trateur légitime.
il en feioit de même d'un donateur qui auroit
retenu l'ufufruit de la chofe donnée ; la jouif-
fance probtcroit au donataire poar la Prefcription.
Mais fi les a£les de polïeiîion de l'adminiilra-
teur, du mandataire ou autre femblable , ne lui
étoient permis que comme maître ablolu de la
chofe , il pourroit être cenfé avoir joui en fon
nom propre, & prefcrit pour lui-même , encore
que fa jouilTance tombât fur des chofes commifes
à fon adininillration; du moins , cela ne fouffriroit
nulle difiiciilté , s'il avoit acquis en fon nom.
Par exemi^'le, un mandataire qui ayant un pou-
voir fpécial pour acquérir , acheté fans dire ex-
prelTément que c'ett pour lui , eft bien cenfé le
faire pour fon commettant; mais s'il acquiert en
fon nom propre , & qu'il jouilfe en conféquence ,
il efl clair que la pofîeffion ne profitera qu'à lui.
Quatrième Point.
Comment s'acquiert & fe maintient la po/Tef-
fion d'un droit incorporel.'' Quels ailles , (k com-
bien en faut-il pour conftltuer cette poffefiîon , &
en faire réfulter une Prefcription ?
Poilédcr un droit incorporel, c'eû en tirer l'hon-
neur ou le profit, ou faire les ailes qui y font
propres. On exerce , par exemple , les droits de
chauffage & de pâturage, quand on coi:pe du bois
ou qu'on fait paitrc Ton bétail dans la forêt ou
dans le fonds d'aiitrui. On jouit du droit de fépul-
ture , quand on fait enterrer les perfonnes de fà
famille dans une certaine place ; de celui d'élec-
tion , quand on concourt, par fon fuffrage , à la
nomination d'un officier, d'un évêque, d'un cha-
noine , &c ; de celui d'un patronage quand on pré-
fente avec effet au bénéfice vacant, &c.
Sur la queftion de favoir combien d'aéles de pof-
feffii'U il faut pour prefcrire un droit incorporel,
on doit diftinguer fa ce droit efl dû par la chofe à
la chofe , ou fi c'efl à la perfonne qu'il eu du.
Dans le premier cas, il f?Mi: , pour prefcrire le
droit , en répéter les ades aflez fréquemment, D'a-
PRESCRIPTION. 51X
bord cette répétition eft prefque toujours facile ,
elle ne dépend que de la volonté , ik c'eft une rai-
fon pour qu'on y foit tenu , fi on ne veut pas mar-
quer qifoM abandonne ou qu'on néglige le droit:
enfuitc , le tonds dominant étant incapable d'in-
tention & de poffeffion , il faut bien qu'on mani-
feHe par des aéles extérieurs la polTeffion naturelle
du droit auquel on entend le loumettre.
Il n'en efî pas de même quand le droit eft dû à
la perfonne. Dès qu'on en a joui comme maître , on
eft cenfé conferver la volofité d'en ufer encore ,
lors que l'occafion s'en préfentcra^; & dès-là on en
demeure poffeffeur civil.
Panorme fur le chapitre cùm ecch/îa futrina. , aux
décréiales , ^e cauj'd pofj'ejjitnis & proprietatis , fait
fur cette matière une diltinélion qui revient allez à
la nôtre.
Il y a, dit il, des aiSles qu'on ne permet point
par amitié ou par familiarité , parce qu'ils font tous
de conféquence : telles font la préfentation lik l'é-
leétion à vn bénéfice. Il en eft d'autres qui ne font
pas d'abord de conféquence, ix qui fe tolèrent quel-
que temps entre amis , comme de paffer fur fon hé-
ritage. D'autres enfin s'accordent à l'amitié ou à la
familiarité , comme de recevoir un homme chez foi
ou de le régaler.
Ceux-ci ne forment jamais de poffeftîon , & ne fe
prefcrivent pjs, à moins qu'ils ne foient accom-
pagnés de circonftances capables de faire juger
qu'on en a ufé comme d'un droit. Voyez ci-après ,
§. VI.
Les féconds ne produifent une véritable poffef-
fion , que quand ils font réitérés en fi grand nom-
bre, qu'il paroiiTe qu'on n'en a p;is ufé par fami-
liarité , mais par droit.
Quant aux aéles de la première efpèce , un feul
peut fuffire, fuivant Panorme, pour nous mettre
en poiïeffion du droit.
En eftet , dit Dunod , un feul a(5îc d'ëlcflion &
de préfentation peur faire maintenir celui qui l'aura
fait dans la polTcifion d'élire ou de préiénter. C'eft
ce que nous appelons le dernier état du hinèfice ^
qui eft déciflf en cette matière pour le pourvu.
"Voyez ÛERNIEB. ÉTAT. --
On peut ajouter que les chapitres querelam, de
eleéïionU'Us , 6' confultationibus ^ du titre de jtrepa-
tronarûs , aux décrétales , parlent d'une prfe de
polTeflîon d'un droit incorporel , qu'ils fuppofent
valab!ement opérée par un feul aâe.
Or , dès qu'une fois on a la poffeflion , rien n*eft
fi alfé quii de la conferver civile nent. On p:ut
donc tenir pour règle, qu'il eft pofîible d'acquérir
la Prefcripion en vertu d'un feid a6le , fuivi du
temps requis pour prefcrire.
SeuLment , or; doit faire attention que pour cela
il faut i''. , que la poiTtiTion foit des derniers temps,
2°. qu'elle n'aif pas étf interru.mpne pnr des aftes
contr.-îircs.. f . qu'il ne fe foit pas piefente d'occa-
, fion de réitérer , 4°. vj[ue i'aéle par Icc^uel on a coin-
311 PRESCRIPTION.
inencc à prefcrire ait eu fon exécution ôc foit bien
tbrmel.
On oppofe à cette rùColuùon trois textes du droit
canonique.
Le premier eft le chapitre déjà cité , càm ecchfn
futrina; en parlant de la Prefcriptîon d'un droit in-
corporel, il fait mention de trois ades.
Le fécond eft le chapitre cùm olim du même titre,
qui parle de deux aftcs.
Le troifième eft: le chapitre 9 de la fefîîon 23 du
concile de Trente , fuivant lequel le droit de pa-
tronage ne peu't s'acquérir fur une églife libre , par
la voie de Prefcriptîon, que par des prélentaiions
multipliées (i).
Mais la réponfe eft facile. S'il eft parlé de plus
d'un a61e dans les deux premiers textes, ce n'eft
eu'énonciativement , & parce qu'il y en avoit plu-
fieurs dans les hypothèques fur lefquellcs le pape
étoit confuîté. Auffi la glofe remarque-t-elle (jue
la décifion auroit été la même , s'il n'y eût eu qu'un
feul adle (2). Quant au concile de Trente, fon
«îécset frappe fur vme Prefcript'on acqvufe contre
Je droit commun , & qui ne peut être fondée que
par un temps immémorial , dînant lequel il n'eft
|.as pofilble qu'il n'y ait eu plufienrs occafions de
préfenter. Voilà pourquoi il exige plufieurs préfen-
tations.
Au furplus , notre propofîtion générale, qu'un
acte fuffit pour prefcrire nn droit incorporel dû à
Va perfonne , n'eft pas toujours fufceptible d'une
application littérale dans la pratique- Comme les
circonftances varient beaucoup en cette matière ,
Panoime eftime qu'on doit laifîer la queftion à
l'arbitrage »!u juge (3). C'eftaufîi l'opinion de Vaf-
qi!C7, ( 4 ) & de MenodVuis ( 5 ).
Voyez ci-aprés, fcflion 3 , §, i.
Cinquième point.
Une des règles les plus triviales de la Prefcrip-
tion , c'eft qu'elle ne s'applique préciféraent qu'à ce
(qui a été pofledé : tantum prefcriptum , quanwm.
Les queiVions qui réfultent de cett.' règle , font
amplement traitées par Felinus ( 6 ) , Fagnan ( 7 ) ,
Balbus (8) t< d'Ar«;cntré ( 9 ).
(i) Ex multiplicdàs prafentationlbus , per antiquijTimum
tmî'O'-is curfum , gui hominum memoriam exceiJt.
(1) Et ita pctet quoi fi hrcvitas temporli non olflaret , ijîi
clerici prxfcripfijj'ent jus d'igcndi , ctiamfî ftmd elegiffenr. Ce
font les termes de !a gloreùit le chipurc cùm ecchjîa futrina ,
aux mots hnvit.nem temporis. La glofe fur le chapitre cùm
olim dit Ja même chofe , au mot duahus.
(i) Judex ex variis àrcumjiamiis aihlcrabitur anfvficiat
vnicus aElus , vcl (juot reçuirantur,
(4) Controverf.. illujl lib. 1 , cap, S7 , n. if .
(f) De ârbitr, lib. i , ccntur, t , caf. 160.
(a) Sur le cliapitre aui/irjj, aux déctâales, de prafcrip-
liinilui.
(7) Sur le chapitre cùm olim, de ca'jfd propriecatîs &• pof-
fejjionis.
(8) De prafcripîioniius t ï'^^i'C- 1» pî'.'icip. qua^. 1 , \\
Lffeq.
(9) Sur l'article i^s de l'aucicane cijunurac de Bcewgne ,
PRESCRIPTION.
Mais pour ne pas trop nous étendre , nous nous
renfermerons dans ce qu'en dit Dunod.
» La Prefcription qui exige un titre , dit-il , n'ac-
'> quiert que ce qui a été poffédé , relativement au
" titre & à la jouiffance de celui dont il vient, lorf-
» qu'on veut fe fervir de l'accejjion'de fon temps.
» Celle qui n'en exige point , telle que la trente-
» naire,ne donne que le droit qu'avoit celui con-
» tre lequel on a prefcrit; fi donc il n'avoit que le
" domaine utile, elle n'en donneroit point d'au-
» tre , & n'éteindroit point les fervitudes dont le
» fonds étoit chargé, fi celui à qui elles étoient
5) dues , en étoit demeuré en pofTefiîon.
)' Lorfque quelqu'un eft fondé par le droit com-
» mun, par un privilège, ou par titre, dans un
)> droit univerfel qui eft compofé d'efpëces diffé-
» rentes , l'on ne prefcrit contre Un que les efpè-
M ces particulières dont il jouit. C'eft ainfi qu'en
» matière de juridiâion , celui qui ne fait que dés
» a6îes de bafte-juflice, ne prefcrit ni la moyenne
» ni la haute. Celui qui n'exerce Ja juridiâion qu'au
» civil, ne la prefcrit pas au criminel. Celui qui
M n'en jouit qu'au premier degré , ne l'acquiert pas
j> au fécond. Celui qui n'a poflédé que la juridic-
» tion contentieufe, n'a pas acquis la gracieufe. La
M jouiftance du droit de vifite n'emporte pas celui
» de procuration ; & celle du droit d'admettre les
» dtmiflîons , ou d'inftituer , n'eft d'aucune confé-
» Guence po\ir dcftituer ,ou pour admettre les pçr-
j» mutations. La prefcriptîon de la dixme de cer-
» tains fruits , & celle de certains droits feigneu-
)j riaux , doit être bornée à ces fruits & à ces
)» droits avec celui qui a le droit univerfel. L'on
» ne doit, en cette matière, rien attendre par
»» identité de raifon ; ainfi, celui qui a prefcrit un
)) péage fur les gens de pied feulement, ne l'aura
5> pas fur les gens à cheval ; celui qui ne l'a levé
)i que fur certaines marchandifes , ne l'a pas pref-
» crit fur celles d'une autre efpèce.
V 11 n'en eft pas de même quand ils'agit de con-
« ferver le droit univerfel ;c?.r celui à qui il appar-
» tient en retient plus facilement la p©(Teftîon qu'il
" ne l'a perd. Les afles d'une efpèce la lui con-
« fervent pour tous lesautres, & pour tout le gen-
j» re , tandis qu'un tiers ne prefcrit pas ces autres
» efpéces. Que s'il n'eft pas queftion de prefcrire
j) contre une perfonne fondée en l'univerfilité
i> du droit, les aé^es d'une efpéce pourront acquérir
» toutes les autres qui font coniprifes fous le mc-
» me genre , lorfqu'on a l'intention de pofieder
i> en entier. Ainfi l'évêque qui fait des a£les d'une
» efpèce de juridiflion dans un lieu dont le dio-
)i cèfe n'eft pas certain , prefcrit le droit d'y exer-
» cer la juridiélion épifcopale pleine & entière;
» S: de même celui qui a une conceflîon générale
V d'un droit , faite par celui qui pouvoit l'accorder ,
chap. 10, nombre 31 ; fur l'article 156', au mot fnrsrruprioTJ ,
çjiapitre 3; S: fur l'article 17 1 , aux mots t'yi;^«;ariV.
« prefcrire
PRESCRIPTION.
Sj prefcrîra le droit entier parles a6^es d'une efpccer
»> La Prefcription de quelques droits feigneu-
î> riaux, acquifc fur certains fonds ou fur certaines
« pcrfonnes , n'opère rien contre les autres per-
» fonnes & fur les autres fonds de la même fei-
» gneurie , non plus que celle d'un droit préfent ,
" à l'égard d'un droit femblable pour l'avenir. Par
« exemple, celui qui a prefcrit les novales qui
S' exillent afliiellement, n'a pas droit de prétendre
» celles qui viendront parla fuite. La prefcription
» mîme du principal n'emporte celle de l'accef-
» foire , que quand ils font inféparables , que l'ac-
»» cefibire eA d'une conféifuence nécefTaire au prin-
»» cipal , 3c qu'il y a été uni dans le commcnce-
»» ment de la Prefcription. Tels font les arrérages ,
»> qui fe prefcrivent en même-temps que le capital
»> dont ils dépendent, & les fervitudes réelles
9> qui paffent av<;c le fonds auquel elles fontatta-
9» chées.
« La prefcription d'une partie intégrale qui peut
il compofer un tout, n'emporte pas celle des au-
» très parties. Ainfi, celui qui n'aura po/Tédé que la
>» moitié d'un héritage qui peut être divifé , n'aura
») prefcrit que cette moitié. Mais ù la chofc cû ïn-
9' dividuelle , cum pars ejl in toto , tanquam aUcjiàJ
■n paniculartfub univerfuli (fi la portion efl comprife
il dans le total , comme le particulier dans l'uni-
»> verfel ) , la pofleffion d'une partie entraîne celle
5j du tout , quand on a eu intention de le pofleder;
»J y?c , ( I ) qui perpartem itineris it , tot,um jusiifur-
jj pare viditur.{^A\n(\ , dans les fervitudes , celui qui
M ufe d'un chemin en partie , ne laiffe pas de pref-
ï> crire le chemin entier. ) De même la Prefcrip-
»> tion de la dixme fur une partie des fonds, tandis
3-> que l'autre partie eft en friche , acquiert le droit
» fur le tout; & celle d'une cfpéce de fruits , en-
» traiiie les autres fruits décimables du même
« fonds; ne una & eadem res diverjo jure cenfeatur n.
Sixième point.
On peut, pour compléter la Prefcription, join-
dre à fa propre poffeCTion , celle de fon auteur mé-
diat ou immédiat , foit qu'on lui ait fuccédé à titre
imiverfel ou particulier, lucratif ou onéreux. Mais
il faut plufieurs conditions pour que cette accejjlon
(a) foit utile.
La première eA , qu'il n'y ait pas eu d'interrup-
tion entre la pcircfiion de celui qui prétend pref-
crire & celle de fon auteur. On ne doit cependant
rien conclure de là pour le cas où la pofleffion , au
lieu d'être occupée intermédiairement , a été fim-
plementvidc, coraiîie dans le cas d'une hérédité
jacente. Car il efl très-confiant qu'alors la polTef-
fion antérieure à la vacance , & celle qui l'a fuivie ,
peuvent fe rejoindre. On peut même dire , lorfqu'il
(i) Loi s , §. I ,D. q-J'.madmohim fervhuTfs am'trun'-ur.
(i) Le terme accejjîm eft employé ici dans un Cens parti-
culier. Il défiyne r.iaion de {ii:e accidtr , c'eltà-dire , dç
j<iindre un temps à un autre.
Tome XIÏl.
PRESCRIPTION. 313
s'agit fimplement de fucceffion , qu'il n'y a pas
d'uitetruption proprement dite , puifque dans cette
hypothèfe, le mort faifu le ri/, & que par confe-
quent la poffefiion du défunt fe continue de plein
droit dans la perfonne de fon héritier , en quelque
temps que celni-ci prenne qualité.
Une féconde condition eft, que la poffeflion que
vous prétendez ajouter à la vôtre, ne foit pas vi-
cieufe. Nous expliquerons dans le §. VI , quels font
les vices qui peuvent rendre la poffeflion inutile
pour la Prefcription.
Autre condition : il faut que votre pcffe/îton &
celle de votre auteur foierjt uniformes. Si celui-ci
n'avoit pofTédé que le domaine utile , vous ne
pourriez pas vous prévaloir <^e fa poffeffion , pour
prefcrire la pleine propriété.
Ce n'eil pas tour. Pour qu'il y ait lieu à Vaccef-
fion dont il s'agit , il faut que le titre vienne de l'au-
teur même dont vous voulez joindre la polTefîîon à
la vôtre. Si yowi avez re^u le titre d'une perfonne
& la poflefTion d'une autre , point cTacceJfion ; parce
qu'il doit y avoir entre la peffcfTion & le titre une
relation qui efl le feul milieu par lequel deux pcf-
feffions peuvent être jointes pour n'en {ormcv
qu'une.
Il y a cependant quelques cas exceptés de cette
règle. Il eft certain , par exemple , que je puis
joindre à ma poflelTjon celle d'une perfonne que
j'ai fait condamner à lue faire le délaiffement du
bien qu'il s'agit de prefcrire.
Nul doute encore que l'adjudicataire par décret
forcé ne puifTe fe prévaloir de la po(Tcflion du débi-
teur fur qui le décret a été pratiqué. La loi 14, §.
dernier, au digefie , de diverfis lomporalibus fnxf-
criptionicus ( 1 ) , le décide ainfi formellement; 8C
c'cft ce qu'a jugé un arrêt du parlement de Tou-
loufe du mois d'août 1701 , rapporté dans le journal
du palais de cette cour, tome 6, §. 157.
Il n'cil pas moins indubitable que le légataire
peut fe prévaloir de la poffefîîon de l'héritier , qui
n'a pas d'abord délivré le legs : il en eft de même
dans les cas du retrait , foir ligrager , foit feigneu-*
rial , foit conventionnel, des pafles commiifoires ,
de la rédhibition , de la refcifion , de la réfolution ,
du rabattement de décret fous le reflbrt du parle-
ment di Touloufe , du rachat de (nbhai^ation dans
la Bretfe , & généralement dans tous les cas oii les
les chofes étant rétablies félon leur état primitif, la
pofleffion peut être cenfée continuée par des étran-
gers qui ont joui intennédiiirement (a).
EnSn, pour que le fuccefleur puifle joindre la
poiTelfion de fon auteur à la fienne , il faut que ce
(l) l'-errtji ni:hi p'gnori dtier':s , 6" canv'nfir , ni!î prcii-
u'dTifolvJjJes , liceri ex ; a ''o pignm vcniere , iiriti viniliaim ,
(rn';>tori cccrffij tui temporis dùri deb^hir , licct invito te ■■^iguora
ii^raila finu
(î) D'Argentrc fur l'article i''j rie îi coirune de 'Hreti-
^:ii; , caipicrd C, r-orubrc 50; ^ fu: l'auicL 271 , aax mots
à'<jiiun , ncmbre f , îc «a autre:,
Rr
3 M
PRESCRIPTION.
foit préclfément celle que (on auteur a eue jufqu a
la tradition qu'il lui a faite , & dans les droits de la-
quelle il l'afiibrogé; mais ù depuis la tradition , &
après que le fiiccelTeiira pofTédé pendant quelque
temps la chofe , elle cft de nouveau retournée dans
les mains de Ton auteur, & qu'il l'ait enfuite recou-
vrée fur celui-ci, il ne pourra pas joindre cet in-
tervalle à fa pofTenion. Pourquoi ? Parce que la pof-
icfîion intermédiaire que Ton nutenr nn eue que
pofl.'^rieureinent à la tradition qu'il lui a faite delà
chofe , n'eft pas celle aux droits de laquelle cette
tradition l'a fubrogé. C'cfî la décifion de la loi i 5 ,
§.•5 , D. de dïverjîs tcmpoiibits prafcriptionum (i).
Septième Point,
Peut- on prouver la po^'effion par témoins ? Il faut
dlffinguer
Ou il s'agit d'un bien on d'un droit à l'égard du-
quel la poik'<rjon confiOe purement en faits ; &
alors point de doute que la preuve par témoins ne
l'oit admiiTible.
Ou il efî quertion d'un de ces droits qui fe con-
fervent par des déclarations & des titres nou-
veau , t-i flans ce cas , la preuve par témoins ne
peut être pcrmife fans un commencement de preu-
ve par écrit.
La raifon en cft que , fuivant l'efprit des ordon-
nances de moulins ik de 1667, nul n'eft recevable
à prétendre prouver par témoins, nnt choÇc dont
il a été en fon pouvoir de fe procurer une preuve
par titre (2).
Tel eft , au refle , le fentiment de Tronçon fur
la coutume de Paris , article 74; de Lelet, fur la
coutume de Poitou, article 82 ; de Brodeau , fur
l'article 452 de celle du Maine; de le Grand , fur
celle de Troies , article 5 1 , glo^e 2 , nombre 2 1 ;
de Dupleflîs, fur la coutume de Paris , page coi ;
de Vaflin , fur celle de la Rochelle, article 57,
nombre i ^.
Ce principe, dit M. Cottereau qui efl de même
avis (3 ) «a été confacré par un arrêt du grand
» conleil du 27 mars 171c i , dans cette efpéce ; le
î> fieur Guimier , propriétaire du lieu de la Ftine-
»> rie , poffédoit dans la paroiffe de Saint Branche ,
j) plufi iirs pièces de terre , que le chapitre de
>) Saint-Gatien de Tours prctendoit être fujettes à
•)■> un droit de terrage , tenant lieu de cens. Ses ti-
» très étant conteftés, il demanda fubfidiairement ,
M par fa requête du 26 juillet 1748 , que nous
» avons fous les yeux, à prouver par témoins
}> une pofTeiTion itnmérnoriale de p'^rcevoir le ter-
3) rage; le lieur Guimier foutint que cette preuve
(i) Hce acc'Jfi na nn tàm Z.irJ acchnndx 'unt , cjuim verha
tsrum patt'iic ; ut :ri;m fi f-'fl: fendirimem ircdinoncmqut rti
tr-ti'tét apui vendi:ortm res fucrit, projiciat id cempus emptori;
J(d ilitimjoJum quod en:î fur.
(2) Voyez l'article PREUVE.
(3)0 oit généra! de la France ic patdcu.'içr de la Touraine
k ai Lodurvois, -}^}.
PRESCRIPTION.
)) n'étoit pas admiflible ; & l'arrêt , fans s'arrêter à
» la demande du 26 juillet 1748 , défendit de per-
>» cevoir le terrage, fur les pièces de terre dont il
» s'agifToit ».
M. Cottereau ajoute qu'un arrêt du parlement,
du 24 janvier 1778 , paroît avoir jugé le contraire ,
en faveur du collège de Tours , contre la de-
moifelle Reverdi ; mais qu'il faut fe tenir au
principe.
Il y a quelque chofe fur cette qucflion dans le
recueil de Denifart, aux mots rentes fonciè es : u La
» prédation d'une rente foncière contre laquelle
>' on oppofe la Prefcription , peut-elle fe prouver
" par r'moins, quand la pofîelîion eft déniée à
» celui qui demande la vente ? Cette qucflion
» s'eft oréfentée à la cinquième chambre -tkrs en-
" quêtt , entre le curé Ik. la communauté des prê-
" très de Moutier-Fctletin , & les habitans du vil-
» lage d'Arbre-en-Marche, mais elle y a été par-
» tagée ; & d-^puis , par arrêt rendu fur départage
'» à la quatrième chambre des enquêtes, le n
» mars 1743 , la cour a confirmé les lentences ren-
» dues i Moutier-Rozeille & à Guérct, qui avoient
»» admis la preuve , tant par titres que par té-
» moins >».
On voit que dans cette efpèce il y avoit bien
moins de diiiîculté que dans la précédente , à re-
cevoir la preuve par témoins. Autre chofe eft de
prétendre qu'on a acquis fans titre & par la feule
Prefcription, un droit de rente ou autre femMa-
ble : autre choie de foutenir qu"on s'e'd mamtenu
contre le débiteur de ce droit prouvé , & claire-
ment établi par d'anciennes reconnoiiïances , dans
ime pofleffion fufnfante pour Tcmpêcher de s'en
affranchir par la Prefcription.
Dans le premier cas , toute la faveur efl pour
celui qui combat la Prefcription: on veut laffu-
jettir à une redevance onéreufe, il faut qu'on prou-
ve qu'il s'y eft fournis pendant un temps (ufn ant
pour prefcrire ; & cette preuve étant la ftiile bafe
fur laquelle il s'agit d'afTeoir la condamnation , il
faut qu'elle foit claire, & abfolument irréprocha-
ble , caraflères que ne p-ut pas avoir la prc:uve par
témoins, quand elle n'tft pas étayée lur un com-
mencement de preuve par écrit.
Dans le fécond cas , fi quelqu'un eft digne de fa-
veur , c'eft bien le créancier. Sa créance efl établie
par titre : il n'éft queflion que de la conferver.
Cette confervatio.n a dû s'opérer par les i;ayemens
qu'on a été obligé de lui faire ; mais comment les-
prouvera-til .'' Lorfqu'on lui compte fon aigent , il
en donne quittance, mais il ne penfe pas à i'c faire
paffer par le débiteur, un aéle dans lequel celui ci
reconnoît avoir payé. Il eft donc juiie de l'écouter
favorablement dans ces circonftanceç , & de ne
pas s'armer contre lui de toute la févérlté des lois.
Voilà pourquoi on a été jufqu'à mettre en prin-
cipe que fes propres papiers , c'eft-à-difc , fes jour-
naux & fes livres de ra-fon , font foi des paye-
mens qui y font annotés, lorfqu'il s'agit d'ecipê-
PRESCRIPTION.
clier la Piefcription , & quil cû. d'ailleurs homme
de probité. Voyez Interruption.
V. Di la bjnne Foi.
Ln bonne foi , en marière de Prefcription , con-
fifte dans Fignonncedu droit d'autrui , fur ce qu'on
poi';,ède (i). La niauv.Tile foi, au contraire, efl
l'efiet de la connoiiTance de ce droit (2).
Sur ce point, comme fi-r beaucoup d'autres, il
faut diftingner la Prefcriptian par bqiiille on ns
fait que fe libérer , d'avec celle que les lois mettent
au nombre des moyens d'accmérir.
I. RégMlièrement, pour fe libérer par la voie de
la Prefcription , il ne fuit point de bonne foi. Quoi-
Cfue vous fichiez tî'ès bien i(ue je fuis votre créan-
cier, ma ffule négligence à vous pourfuivre , fi
tlle ti\ continuée pendant un certain temps . fuffit
pour ôter à votre aclion tout fon effet. C'eft ce
qu'a jugé un arrêt du parlement de Grenoble du
8 mars 1439 , rapporté par Papon , liv, 12 , tit. 3 ,
art. 24.
On dit régulièriment , car cela n'efl point fans
exception.
D'abord , cette rè 'le n'a pas lieu dans les Pref-
crjprions qui ont pour objet les marchandifés ven
dues en détail , les débourfés & falaires de pro-
cureurs , les journées d ouvriers , le> rétributions
de médecins & de chirurgiens. Voyez ci après ,
feaion_II,§. 3, 5,6 & 8.
En lecond lieu, il y a quelques coutumes où la
bonne foi eft requife , même pour prefcire la li
bération de dettes dont on eil char£;é. Telles (on:
celles de Berghes-Saint-Wint k . éc'des ville, ban-
lieue & chef lieu de Vaienciennes.
Enfin, pour prefcrire par dix ou ou vin':^tans
l'exiindion d'une hypothèque , la bonne f )i eft
d'une néceffité rigoureufe. Voyez Hypothèque.
II. Lorfqu'il s'agit, en prefcrivant , d'acqutrir
le bien d'autrui , les lois romaines dirtinguènt le
cas où on prétend le faire par une poffefùon de
trois ans, s'il s'agit de meubles , & de àx ou vingt
ans, s'il eft queftion d'immeubles, d'avec le cas
où l'on veut prefcrire par trente , quarante ou
cent ans.
Au premier cas , elles exigent la bon.ie foi , mais
feulement pour commencer à prefcrire. Suivant
leurs principes , la mauvaife foi qui furvient pen-
dant le cours de la Prefcription , ne l'interrompt,
ne la fufpend , ne l'arrête pas (3).
Au fécond cas, il importe peu que le poftef-
feur ait été de bonne ou de mauvaife foi , foit dans
le principe, foit dans la fuite de fi pofteftion. Dans
( i) Bcnafidti tmpror ejfe vUetjr , qui igri' ravit r'malien.:m
ejiiûut Djravit eum çui vendidit Jus vendeiidi h&b:re. Loi
109, au dige le , de v^rborum fignificationî.
(z) Lxfa cottfcientia rei client.
{,) Loi 10 , au digefte , de vjurpation'.bus 6" ufucapionihus.
Loi 1 , au digeile, pr.» e/niro'-. Lci unique , §. cùm autan ,
aucode, de iijiicajt%:imifer(:nd.
PRESCRIPTION. 31Î
une hypotlîèfe comme dans l'autre , il prefcrit éga-
lement (1).
Le droit canonique déroge en cette matière atix:
lois civiles ; d'abord , en ce qu'il exige la bonne foi
dans toutes les Prefcriptions ; enfuite , eu ce quil
ne s'en contente pas pour le principe de la po/îéf-
fton , & qu'il la nécefllte pendant tout le temps
que le polfefteur eft en jouilfance. C'cft ce que
nous apprend le chapitre quoniam , aux décrétales ,
de prefcjiptionibui.
On a douté fi cette difpofnion comprenoit la Pref-
cription immémoriale, dont ce droit ne parle pas
nomément. Mais les termes & fon motif convien-
nent à cette polVelîion comtne à celles d'un temps
plus court, Si il y a d'autres textes qui ne permet-
tent pas de l'excepter (2), Aufli l'opinion com-
luune eft-ellc , que fuivant les loix canoniques,
il n'y a point de Prefcription même immèmorials
fans bonne foi (3).
C'eft une queiiion fi , dans nos mœurs , c'eft
par le droit civil , ou par l droit canonique , qu'on
doit juger., foit de la néceftîté , foit de l'inutilité de
la bonne foi pour prefcrire.
Il y a la-delTus cinq avis différens.
Le premier , que les canons ne doivent être
fuivis , fur cette matière , que dans les états du
pape.
Le (cconà, que les lois civiles fervent de rè-
gle pour le for ex.'érieur , & que l'autorité du droit
canonique doit être renfermée dans l'intérieur des
ccnfciences.
Le troii'ième, que les lois eccléfiaftiques doivent
être fuivies pour la Prefcription des aélions réelles ,
& que le droit civil a confervé toute fa force pour
la Prercription des aéKons perfonnelles.
Le quatrième étend l'autorité des canons aux ac-
tions perfonnelles mêmes , lorfque le débiteur a
et? mis en demeure de piyer.
Suivant le cinquième, on ne doit point diftin-
guer ; les papes ont pu , en cette matière , déroger
aux di(pofitions du droit civil , parce qu'il s'agit du
falut des âmes , Se dès-lors'.da bonne foi eftabfolu-
ment requife , dans nos mœurs, par quelque temps
qu'il foit queftion de prefcrire.
Entre ces cinq avis , l'ufîgo a pris un certain
milieu.
D'abord , on a déjà vu que relativemer.t à la
Prefcription des dettes paiTives , notre juriforu-
dence n'exige régulièrem'^nt point de bonne foi.
A l'égard de la Prefcription qui fert à accjué-
rir , on diftingue , celle de vingt ans ou au-defr-
(j) Lci^;'7c:.r (nnns , b- fi quis empùonis , §. i , au code,
i! l rdrcr^ptiori! 30 v.l +0 ennorum.
(1) V'^il inti fluiio civcn lum rjl ne maliT fiiei poffeffora ftmus,
in yrtzdiis alifnis; quonicm nuUn antiqva di-.rum po([inii ju% at
maU jl.iii pojfcjjjrcm. - Pojljj'jr mJtcfidci uîlo uz.jujm rc/r-
rore non prtnjcribit. Chapiiie vigla.ti , au.v décrculei, dt
prjcjlriprionibus. Chapitre pf^/jj' , d." reguUs jurii.
(5) Covarruviis , fu- le chapitre po;J:Jo>- , partie i , § 3.
uonibre 4. f achiaée > livre l , toatrovcrj. chapnrî 64.
R rij
3i(î PRESCRIPTION.
fous, d'avec celle de trente ans & au-defriis."
Pour la première , tous les auteurs convien-
nent qu'on doit Tuivre le droit" canonique , Se
que la bonne foi y e/î requife „• non-feulement
dans fon commencement , mais même dans toute
fa durée.
Il en eft autrement de la féconde. C'cft , dit
Bretonnier fur Henrys , livre 4 , qucflion 77", une
maxime reçue dans prefque toutes les couti^mes du
royaume , que la mauvaife foi du poiTefleifi- ne l'em-
pêche pas de prefcrire par une jouiflance paifible
de trente ans. Perrière fur la queftion 416 de Guy-
Pape , M. Expllly , plaidoyer 27, nombre 23 ,
Chorier , livre 5 , kdïon 5 , article 4 , Cancerius ,
partie 3 , chapitre , 3 , nombre 127, & une foule
d'autres Auteurs atteftent la même choie.
M. Expilly donrie une raifon fort naïve de cette
conformité de notre jurifprudence aux difpofitions
du droit romain : <c Les empereurs qui ont été au-
5> teurs des lois civiles, n'ont confidéré ni le pa-
» radis ni l'enfer, mais le bien public qui admet
j> les Prefcriptions >».
Cette idée eft plus profonde qu'elle ne le paroît
à la première vue : méditons-la, nous y t'rouve-
rons les germes des vérités les plus fenfibles.
D'abord , on ne peut difconvenir que le titre &
la bonne foi font deux corrélatifs ; on ne doit donc
pas exiger la bonne foi dans les Prefcriptions, pour
îefquelles le droit canon même ne demande pas de
titre : enfuite , on n'ignore pas que I4 preuve de la
mauvaife foi «A très-difficile : pour la découvrir,
fur tout après un terme aufTi long que celui de 30
ans , il faut , pour ainfi dire , fouiller dans un abî-
me : il faut aller chercher dans des faits fouvent
équivoques , dans des a(5^es que le temps a couverts
de fon voile, l'explication & la chaîne des penfées
les plus fecrettes de l'homme. De là , que de dif-
cuffions, que de procès, & par conféquent que
d'entraves à la tranquillité des familles ik au bien
public ! Ce font ces invonvéniens que les empe-
reurs de Conilantinople ont voulu éviter pnr les
lois du code citées plus haut. Chrétiens comme
nous , auflî pénétrés que nous des maximes du
droit naturel que la religion avoir famfliriécs à leurs
yeux , ils n'avoient garde de favyorifer l'ufurpation
& de couronner la mauvaife foi. Mais ils étoient
légiflateurs politiques ; ils dévoient s'occuper eflen-
tiellement du bon ordre de leurs étsts ; ils dévoient
par conféquent étendre leurs vues jufqu'au bien le
plus général , laifTer à l'écart les inconvéniens ,
parce qu'il y en a dans tout ce que la main de
l'homme peut faire, & abandonner au for de la
confcience , l'examen & le développement des re-
plis dans lefquels fe cache la mauvaife foi.
Prenons garde cependant d'étendre leurs lois au-
delà des motifs qui les ont diâces. Leur unique
but , en Us portant , a été d'éviter les incertitudes
8c les difficultés, dans Iefquelles la preuve de la
ïnauvaife foi auroit entraîné les particuliers qui au- |
PRESCRIPTION.
roient voulu combattre une pofieflion de trente e^a
de quarante ans. Mais s'il fe préfentcit ( ce qui ne
peut arriver que très-rarement ) un cas où l'on ne
trouvât à cet égard ni incertitudes ni difficuitss,
fans doute alors la raifon de la loi cefTeroi: , &
l'équité naturelle , la pureté, de la religion , repre-
nant tout leur afcendant , il faudroit bien que la
loi cefsât eUc-méme.
Difons donc avec Dunod , « 1°. que la poiTef-
» fion de trente ans, ferme une préfomption de
'> droit de la bonne foi du poiïerfeur ; & que quand
» cette pofiefSon ert centenaire, elle peut la faire
'> préfiimer , .par une préfomption ,y:/r/j & jure,
" en de certaines circonlîances.
» 2°. Que quoique cette préfomption de droit
» n'exclue pas la preuve contraire , il faut néan-
» moins que la mauvaife foi foit évidente , for-
" melle , ik fans excufe , & que la preuve en foit
» littérale, claire &. certaine. L'on ne doit point
» ici donner dans la conjeClure , crainte de retom-
" ber dans les inconvénients , de rouvrir la porte
» aux procès , que les lois romaines ont voulu
') éviter , ni induire la mauvaife foi de la fimple
» négligence ou de l'ignorance de droit, pour ne
» pas donner lieu auxdiftindions & aux difciiffions
» des auteurs, fur les efpèces différentes du droit
» ignoré , & fur la qualité des perfonnes qui l'igno-
» rent. Un favant cafuifle a dit, que les parleinens
» du royaume ont pris ce tempérament dans le for
»» extérieur, entre le droit civil & canon , 6c qu'oti
» peut même le fuivre dans l'intérieur; Coquille
5) efl ai'ifTi d'avis , après Dumoulin , que la mau-
)) vaife foi n'empêche pas la Prefcription de trente
» ans & audefliis, fi elle n'eft pas formelle 8c
» inexcufable, fi elle ne rend pas la confcience
»> mauvaife ; & qui plus efl , fi elle n'efl accom-
» pagnée de dol ; Faber dit de même , qu'il n'y a
» que la mauvaife foi formelle & évidente , qui
» faiTe obftacle à la Prefcription ,& que celle qui
» efl fimplement préfumée , ne l'empêche pas ".
Nous trouvons dans.le journal du Palais de Tou-
louTe , tome 6 , §. i 23 , un arrêt du parlement de
L;inguedoc du 8 té^'rier 1719, qui juge en termes
précis , " que la pofTeffion paifible pendant trente
V ans , auoique fans titre & fans bonne foi , opère
» la Prefcription ". Cette décifion eft d'autant
moins fufpeQe de la part de l'auteur qui nous la
retrace , qu'il étcit rapporteur de l'affaire dans la-
quelle elle cfl intervenue.
Il y a cependant quelques coutumes qui en dif-
pofent autrement.
Celle de Berghes-Saint-WInock , titre des Pref-
criptions , article i , porte qu'on ne prefcrit pas ,
même par trente ans , fans bonne foi.
C'eft ce que décide auffi la coutume de Bailleuî ,
rubrique 21, article premier. Le flatut fait pour la
ville de Bruxelles le 21 avril 1432, adopte aufîî
cette difpofition , & même l'étend jufqu'à la Pref-
cription centenaire.
III. On a vu ci devant qu'on peut, pour complé-.
PRESCRIPTION.
ter la prefcription , joindre à fa propre pofleflion
celle de l'on auteur. Mais que doit-on décider à cet
égard, lorfqu'il eft prouvé que celui-ci eft de mau-
vaife foi ?
Il faut diftinguer fi c'eft à titre particulier ou à
titre univerfel qu'on lui a fuccédé.
1°. Quand c'ell à titre particulier, la mauvaife foi
de notre auteur nous empêche bien de joindre (a
pofTeffion à la nôtre (i), mais non pas de prefcrire
de notre chef (2).
Il y a cependant un cas , fuivant le chapitre 7 de
la novelle 119, où la mauvaife foi du précédent
poflefleur nuit au fuccefieur à titre particulier : c'eil
qua;id le véritable propriétaire de la chofe a ignoré
- l'alicnation qu'a faite de fon bien le poficlTcur de
mauvaife foi par qui il ctoit détenu : alors , il efl
vrai , le fuccefieur à titre particulier ne lii^re pas
de prefcrire de fon chef; mais il lui faut, pour le
faire , le même efpace de temps que s'il étolt lui-
même en mnuvaife foi ( 3 )■
La raifon qui a porté Juftinicn à établir cette rè-
gle, eft facile à concevoir. Tant que !e propriétaire
a vu ou a cru fa chofe dans les m^ins d'un poiTel-
feur de mauvaife foi , il a pu fe repofer tranquil-
lement , dans la confiance qu'on ne pouvoir pas
prefcrire centre lui par un temps moindre de trente
ans : une aliénation clande^ine ne peut pas changer
{on droit ; ce qu'on a fait à fon infu ne peut pas
abréger une Prefcriprion qu'il a tout fujet de croire
bien éloignée d'être encourue.
2". Le fuccefieur univerfel repréfente en tout le
défuiit. Ainfi la mauvaife foi de celui-ci infeéle la
pofieflîon de celui-là , & l'empêche indifiinéleraent
de prefcrire (4).
(i) Ne vitiofj: quiilcm pcfleiTioni uUa poteft acce<^ere ; Cti
ïiec vitiofa ei, (]ux virio!"a non cft , dit la /oi 1 }, §. I3 , D. de
acquirendâ poflèilione.
(1) Anvitium auûoris , vel donatoiis , vel ejiis oui iiiihi
rem legavit, m'hi noceat , li fouè autoi' meus jiiftum initium
pollidtfncii non haKuic, videndum eil î & puto ne pie nocere ,
neque pio.'Icfle ; nam denîque & ufucapere poflum , quod
auicv m/:i s u ucapeic non potuit. Loi ^ , D. de diverlis tem-
poraiibus pixlcriprionibuf,
0 Voici Us urmcs 4; la rovdle, Rurfiis fancimus ut Ci
qui s ma!i iîde rem pollidens , aut pcr venditionem , aut pcr
donationem , ^uc alirer hanc rem aliénée: cpii vero putat
eafdem res competere iibi , hoc agnofcens', intrà decem annos
iritcr prrefentes , & viginti inter abfentcs , non conteftatus
fuerit ("eciindum leges empcorem , aut donationem accipien-
teni,aut illum ad quem tes alio quolibet modo tran/!atx
funt : eum qui taîes res habet , f rmè cas ha'sErc ,poft decen-
nii videlicct intet ptxfentes , &: vincennii încer abfentcs
riecuifam : fi autem ignorât vêtus alienatarum letum domi-
nus, & quia tes êi corr.petiiiit , & quia alienatio faifta eft :
non aliter hune cxcludi, nili per tticennalem p-xfcriptionem :
non valente iiicere eo qui tes hoc modo poliidet , quiaipfe
.bonâ fide pofiidcu quando if fe à malà f^depcffidente hoc ac-
cepir.
(4) Cura hères in omne jusdefunûi fuccedit , îgnrraione
fuâ dcfuniti vitia non exclndit .... ufucapere non poterit
•quel defunflus non potuit. Idem juri'; ell ciim de longi pof-
feffione qu.rritur. Lui II ^D, de diverfis tempccalicus Pr-ïf-
cri.-Jt-ioiiibus.
PRESCRIPTION. 3?;
En rendant hommage à ce principe , Balbu*; pré-
tend en excepter l'héritier beneticiaire : mais c'c-iï
une erreur évidente. L'héritier beneticiaire n'a que
l'avantage de n'être pas obligé au-delà des foiccs
de la fuccelFion. Du relie , il n'entre pas moins qu 2
l'héritier pur & fimple , dans la place du défui'r.
Comme le premier, il fuccède à tous les droits du
fécond , & il le repréfente en tour.
Les romains portoient plus loin que nous le?
effets de cette repréfentatio;i univerfcile. Conlidc-
rant la pofi^efiion du défunt & celle de l'héritier
comme une même pofiéfiilon , ils n'exigeoient la
.bonne foi que dans le principe de la première ; en
forte que , quoique la féconde fiJt accompagnée de
mauvaife foi, elle ne fervoit pas moins à compléter
la Prefcriprion commencée par celle-là (i).
Mais cette jurifprudence ne quadre pas avec Icî
principes du droit frynçois. La bonne foi,par.Ti
nous , doit durer pendant tout le temps de la pofi^ef-
fion requife pour prefcrire. Ainfi il n'eft paspofii-
ble qu'en poffédant fciemment le bien d'autrui , l'hé-
ritier achève la Prefcriprion que le défunt a com-
mencée par une poiTefiion de bonne foi.
IV. Si une communauté a été en pofiefilon de
mauvaife foi , la Prefcription peut-elle commencer
après que tous les membres de cette communauté,
qui exifioient au moment où elle a commancc ,
feront morts ou réputés tels à fcp égard .-* Non , ré-
pondent 'Voët (2) Se Fachiné (3) , parce que ccll
toujours le même corps qui pof'ède. Les membres
font changés , mais l'individu moral qu'ils compo-
fent ne l'eft pas : la loi 76 , D. de judiciis , établir ,
au contraire , qu'il y n la plus parfaite identité entii
ce qu'il cfi aujourd'hui 6c ce qu'il étoit précédem-
ment ; & fi un héritier qui n'ei!: un avec fon auteur
que par la Hftion de la loi , efi empêché de pr^fcnrs
par la mauvaife foi de celui-ci , comment un même
corps, c'efi-à-dire un même être, pourroit il ac-
quérir dem.ain par la Prefcription une chofe qu il
déienoit hier avec pleine connoifiTance qu'elle nz
Ici appartenoit pas ^
» Mais , objcéle Dunod {4) , la compara'.fon d-
)> l'héritier ne pproît pasjufle, & il fe fait un chan-
» gemer.t par l'ignorance des fuccelfeurs , qui ne
I) rcpréfenrant pus les ptrfonncs de ceux qui les
» ont précédés , font capables de prefcrire ».
La réponfe eft fimple. Il eft vrai que les fuccef-
feurs ne repréfentent pas, comme particuliers , le?
perfonnes de ceux qui les ont précédés , Si qvc:
comme particuliers ils n'entrent dans aucun de
leurs droits aélifs ou pafilts. Mais comme membres
d'un corps , non-fèulement ils les repréfentent ,
mais ils font cenfés individuellement les mêmes :
le tout qu'ils compofent eft cenfé fous eux la
(i)S! dtfiinflus boni fide emerit, ufuca ^ietur res , 'jinmvit
betes fcit alieiiani etTe. Loi i .,§ 1$ ^ D. pro eiripiorc.
Çi) AdD.t^e uftiipiiionibiis , n. 3,
(5) Controverf. Ijb. 3 , CJp. ly.
(..^J D(S frefcriftions , partie l , chapitre *.
3i8 PRESCRIPTION.
mèine petfonne que fous leurs prédéce fleurs. De
là vient que les contrats faits par ceux-ci les obli-
gent comme s'ils les avoient faits eux-mêmes; de
là vient que les jugemens rendus avec leurs prédé-
cefleurs, les lient & leur font la loi comme s'ils
y avoient été parties ; de là vient , en un mot ,
?u'ils font tenus & refponfables de tout ce qui a
té fait avant eux.
V. Tous les auteurs remarquent , & nous avons
déjà fait entendre , que la mauvaifc foi ne fe pré-
fume pas; c'eit donc à celui qui l'allègue à la
prouver.
Cette maxime eA fingulièrement confacrée par le
flatut de Bruxelles que nous avons déjà cité (i).
§. "VI. Des caufes qui empêchent la Prefcription. — Du
titre nul ou vicieux. — Examen de la rc^le , ad pri-
inordium tituli poflerior femper formatur even-
tus , 6» de la règle nul ne pre/crit contre fon titre, —
Du prédire. — De la familiarité. — De finier-
yerfion de titre. — De lu clandejhniiê.
Il ne s'agit pas encore ici des caufes attachées à la
qualité ou aux privilèges , foit des perfonnes contre
lefquelles il cft quefiion de prefcrire , foit des cho-
fes qu'on veut acquérir par la Prefcription: elles
feront la matière de la fcdion III. Nous ne parlons
en ce moment que des vices qui peuvent fc trou-
ver dans la poOéffion, & nous en parlons par op-
pofition aux conditions requifes pour prefcrire ,
qui font lobjet du paragraphe précédent.
Distinction I. Du titre vicieux.
Un titre peut êtreivicieux de deux manières :
Ou parce qu'il eA nul dans l'hypothèfe , quoi-
que capable par lui - même de transférer la pro-
priété.
Ou , au contraire , parce qu'il eA inhabile à ap-
proprier le po(Te(Tcur, quoiqu'il foit valable en lui-
même.
I. Dans le premier cas , ou la nullité eA abfo-
lue,ouelle eA relative, On conçoit la r^iffércnce
<le l'une à l'autre , & nous l'avons fuffilamment
expliquée ailleurs. Voyez Nullité.
Quand le titre eA frappé d'une nullité abfolue ,
point de Prefcription. La loi réfiAe continuellement
à l'exécution qu'elle pourroit avoir ; elle le réduit
à un pur fait qui ne peut être ni confirmé ni auto-
(t) Voici ce qu'il porte, article 7 :
n Celui qui ie veut prévaloir de la Prefcription, alléguera
»» 8c prouvevaqu'il a poflcué leldits biens à bonne foi: à fa-
» voir, que durant \e temps de la Pie'cription , i) a tenu
» fO'.irceriain que celui .-"u jucl il a acheté ou acquis lefdits
M biens, ou celui don; ils font demeurés en a été Je maître ,
*> & 3 eu le pouvoir de les vendre, diflraire, & lailîeràfa-
•• poltc.'ité; ce qu'il affirmera par Ion ferment, moyennant
» lequel il farisfaii, ne fut que Ion aJvcriaire pouaoitJégi-
•> tinumenc démontrée le contraire •;.
Statut de Bruxelles , art. 7.
PRESCRIPTION.
rlfé , & qui ne produit aucun droit , aucune ac*
tion , aucune exception.
11 y a cependant à^î auteurs qui tiennent que les
nullités abfolucs peuvent être prefcrites par 1 ef-
pace de cent ans. Fachiné (i) les réfute , & fon
opinion cA la plus commune. « Je crois cependant
» ( dit Dunod , partie i , chapitre 8 , ) qu'on doit
n laiAer la que/aon à l'arbitrage du juge , pour la
» décider fuiyant les circonitanccs , la qualité &
» finiportance des nullités ».
En effet , il y a des nullités plus abfolucs les unes
que les autres. Celle, par exemple , qui réfulte àc
la del-enfe faite à l'églife d acquérir de nouveaux
immeubles , fans l'autorifation exprcflé du fouve-
rain , eA d'un tout autre genre que celle qui eft
produite par l'incapacité dans laquelle eA l'églife
d'aliéner les biens qu'elle poAéde. La première cA
imprefcriptible , par quelque temps que ce foit : la
féconde peut être prefcrite en certains cas. Voyez
ci après , feétion IV.
Laraifonde cette différence eA dans les motifs
de la loi qui a prononcé l'une Se l'autre nullité.
Celle-ci eA bien introduite par des vues d'intérêt
général , puilqu'il importe au public que l'églife
conferve (es poAeAions ;niais c'eA l'intérêt particu-
lier de l'églife même qui eA fon objet direft ik prin-
cipal , iSL dés-là elle peut, fous un certain afpeâ ,
être confidérée comme relative plutôt que comme
abfolue. Celle-là, au contraire, ne tend qu'au bien
comniun de la foclété : l'intérêt public en eA le
feul fondement ; & loin de favorifer l'intérêt par-
ticulier de l'églife, elle y eA diamétralement op-
pofée.
Les nullités relatives ne forment, en aucun cas,
obAacle à la Prefcription. Comme elles ne font in-
troduites qu'en faveur de certains particuliers, nul
autre n'eli recevable à les propofer ; & l'aélion
qu'elles produifent étant de droit purement privé,
rien n'empêche qu'elles ne s'éteignent par le laps
de temps.
Ainfi nonobrtant la défenfe d'aliéner les fonds
dotaux , de vendre , fans caufe & fans décret de
jurtice , les biens des pupilles & des mineurs , de
contraéîer fans l'autorité du père ou du mari, la
poffeiTion de trente ans couvrira les nullités de
l'aliénation d'un fonds dorai, de la vente d'un bien
pupillaire , d'un tranfport fait par un fils de famille
ou par une femme non autoriîee.
On objeiTïera peut-être les lois 4 , D, pro heredei
Si j , D. pro legafo, qui déclarent incapable de
prefcrire comme héritier, ou comme légataire ,
celui qui eA incapable de recevoir par teftament.
Mais ces lois ne parlent que de la Prefcription de
dix ou vingt ans , appelée en droit ufucapio ; elles
ne difent pas que l'aétion de l'héritier aJ> iatejlat
pour faire annulier l'inAitution ou le legs , peut
furvivre à la Prefcription de trente ans ; elles ne
peuvent pas même le dire , puifque cette ailioneft
(i) Controvcrf. Jib. 8, cap. 53.
PRESCRIPTION.
perronnelle , & que par conféquent elle eft fou-
njileà la Prefcription trentenaire.
II. Lorfque le vice du titre provient du dcfaut
d'habilité à transférer le domaine , le polTeifeur ne
peut jamais prefcrire , parce qu'il ne jouit pas
animo dom'mi , & que conféquemment , il n'a pas
cette pofTefrion cWù'c qui , luisant ce qu'on a vu
plus haut , §. 5 , nombre ii , eft la condition eiren-
tielle & fondamentale de la Prefcription. Cette vé-
rité , qui deviendra plus fenfible par les détails
dans lefquels on entrerai l'inflant, a donné lieu
à deux arrêts du parlement de Paris des 31 aoiit
1694 , & 4 février 1701 , par lcrv]uels il a été jugé ,
ielon Maillard, fur la coutlime d'Artois, article 72,
nombre 14'; ,« qu'un curateur à une fucceiîion ja-
j) cente, ne peut pas oppofer la Prefcription à l'hc-
j? ritier, qui vient après le temps de la Prefcrip-
>» tion , revendiquer l'iiérédité , parce qu'il ne la
» pofsède pas dans la vue d'en être propriétaire )>.
Distinction II. Examen de la rt?;!e , AD PRT-
MOROJUM TITULI POSTERIOR SEMPEU.
FORMATl/R EVENTUS.
Le fens de cette règle n'efl pas difHcile à faifîr.
Lorfqu'il paroît un titre qui a donné lieu à la pof-
feffion , il faut s'y référer. Voilî ce que dit la loi
l , Q. de imporundâ lucrativâ defcript'ione , de la-
quelle efl tiré l'axiome dont il s'agit, & elle n'eft
en cela que l'écho d'une autre loi (i) qui dit :
O'W nancifcenda pojfejjijnis exquirenda efl ( il faut
rechercher l'origine de la porfefîîon ).
Il y a plus. Comme chacun efl préfumé pofTé-
der en vertu d'un titre, on doit dans le doute ex-
pliquer la po/Teïïîon par le titre qui exifie , & la
réduire à fes termes : conféquemmcnt , fi ce titre
cft infe£lé d'un vice capable d'empêcher la Pref-
cription, c'efl à-dire s'il efl d'une nullité abfoiue ,
«u inhabile à transférer la propriété , il eft indubi-
table qtie la poffeflîon même la plus longue fera
fans eiîét.
La raifon en cft fimple : fuivant la loi cùm icmo ,
C. de .icquirijidâ ovfjejfione , nous ne pouvons pas
changer nous mêmes le titre qui fert de bafe à
notre pofTeiTion ; nemo fihi caufam p Jfijîon'u mu-
tare potefl.
On ne peut donc pas préfumer que celui qui
jouiiroit, il y a cinquante ou cent ans, en vertu d'un
bail ou à titre d'engnçement , ait, par la fuite, in
terverti le titre de \!l polTeHî )n & foit devenu
acheteur, donataire , échangiAe , &c , du bien qui
lui étoit primor'Jialement affermé, engagé ou don
né en dépôt (2).
(11 Loi clim D. de acquirendâ \el amitteii'iâ pofTeffioDe.
{i) Sur ces ternies , donné en dépô: , il y a une obfervation
împo tanre ; c'elV que quand il s'agit de choies mobiliè c .
<]ui n ■ font plus cenT.es être en nituie , comme des fiiiit<; ou
des gr.iinç phitraMes , l'atlion qu'on a contre !e dépoiî'aird ,
le prefcrit par trente ans , parce <ju'aiois il n'y a plu* de dé-
PRESCRIPTION. 319
' C'eft fur ce fondement que , par le fameux arrêt
du parlement de Paris du 21 avril 1551 , rapporté
dans le recueil de Duluc , liv. 9 , tit. 5 , l'évéque
de Clermon: fut cor.damné à rendre à la reine
Catherine de Médicis , lajéignenrie de la ville de
Clermont , quoique depuis plufîcurs fiêcles elle
fût coHédée par les évêcrnes cb cette ville. Il étoit
prouvé par le titre origiiiaire de la pofTeilion , que
cette feigneune avoit été donnée en garde à un
évêque de Clermont, par Jean de Bourbon que
repréfentoit la reine.
C'efl en conformité des mêmes principes, qu'un
arrêt du parlernent deTouloufedu 30 mars 172^,
rappurté par Serres , dans fes inflitutions au droit
françois , livre 3 , titre 15,2 jugé qu'après
trente ans , on eÙ. encore reccvable à faire décla-
rer qu'une vente , fous faculté de rachat , eft un
contrat pignoratif, &à obliger en conféquence l'a-
cheteur de délailTer le fonds, «parce que nul ne
» peut prefcrire contre {on titre , Si. qu'un enga-
)j giile, quoique déguifé, ne peut, fous aucune
V couleur, prefcrire la propriété (i) ».
C'ert aufù ce que fait entendre la coutume de
Namur , quand elle dit , article 40 , que « fur en-
)> gageure , il n'y aura point de Prefcription. »»
C'eft fur le même fondement que M. Henrion
du Panfey établit l'incapacité de l'ufager & de l'u-
fut'ruitier d'acquérir , même par la pofrcffion de
plufieurs fiécles , la converfjon de leur droit d'u-
fage ou d'ufufruit en propriété.
Voici comment s'explique ce jurifconfulte :
* Il efl imporfible à l'ufager de convertir par foa
propre fait, fon droit d'ufage en droit de propriété.
Inutilement prouveroit-il que depuis des fiècles ,
il ufe du fonds ufager en propriétaire libre ; qu'il
a fait publiquement , & même fous les yeux du
propriétaire , les afles les plws caraflérifès de la
propriété. Tout cela difparcît à l'inflant où le titre
primitif vient kètrere^ï^îenté , ad primordiu m tituli
pot , 8.: qu'il efl: cenfé en avoirrendu compte. Voyez Hentyj,'
(ivre 4, quelHon 31; Dunod , ds P^efcriptiorts , paain t ,
^hipi:re iz vers la ♦-n ; Boutaiic, inltitutions au droit fr.în-
i^ois , titre cuibus modis rt contrakitur ■ le journal du palais
de Touloute , tome x , page : 57.
(l") Tout en parlanc ainli, Serres ne lai (Te pas de citet un
autre ar'ctdn x mais I7I5 , qui juge diicTteu-'-ent le contraire
^e ce qu'a décida- deux ^nsaftîs celui d.ni il rend compte.
\\. de Catclîan, !iv e 7, chapitre 1+ , noLis app:cnd encore
.juedans le dernier iiécle , il étuit intervenu à la féconde
cnanihre des enquêtes du même parlement, un arrêt qui avoic
pireillcnient ju^é qu'après trente ans , ce termt fatal de tous
':i dr»i-s . un vendeur n'étoit plus recevable à venir expliquée
r.iûe contrelc nom qu'il lui avoit donné , & le faire déda-
•<t fimp e co'.trar pignoratif. « On pouvoit dite ( ce font les
.1 termes du iiikgillrat cite ] , que l'acheteur ou engagillc
» ayant joui fcîon 'on ade en qualité d'acheteur ,jztîj;ojèJf-
» rat [ avoit pcfudé pour lui-même ] , & par conféqucnt
» avoit ptefcrit le fonds ».
■* u re'^e , on fent bien que de quelque tuanière que puilTe
erre décidée cette que'Hon paniculi-j e , le principe g;nétal
que nous avens polt demeure toujours inébranlable.
31b PRESCRIPTION.
cmnis firnidtur eventus.'S Q\\lx la règle : Coquille l'op-
pofoit aux iifagers , comme une barrière inlurmon-
tablc. On ne peut rien de plus trancliant que les
termes dans lefquels il s'exprime : Tan' quil porte
farjUainé d'ufaoer ^ il nepuit acquérir droit de pro-
priétaire.
Cette décifion auroit lieu , quand même , par
inadvertance, ou par erreur, le fei;j;ncur propriétaire
des bois ou des fonds ufagers, aurait reconnu que
la communauté eft propriétaire ; ces reconnoifian-
ces , ainfi que les ailes poiTefioircs, s'évanouiroient
devant le titre conAitutif.
Dans le cours dune poiîelllon de pUifieurs fiè-
clcs , il eft fi facile aux fcigneurs d'abufer de l'uf-
cendant de leur autorité , pour donner de l'exten-
fion à leurs droits ; il eft également fi facile aux fu-
je;;. de la ftigneurie de profiter de ta négligence du
icijneur , pour changer ou modilier leur état ,
qu'on a cru indifpenfable d'établir comme principe
fondruiiental de cette matière , que toutes les re-
connoiiïances, quelles qu'elles foient , doivent dlf-
pr.roître devant les titres anciens. C'cA ce que Du-
moulin exprime en ces te; mes: Sinplcx rcco^yuia
lion dijponu , nec immulut ftaturn ni. ^ La fimple re-
connoiflance ne difpofe pas & elle ne change rien
n l'état des chofes ). Cet oracle de notre jurifpru-
deiice ajoute : Sijitfunplcx raognitio ^ non imtr.uta-
tur qualitj.f r/i , quce tanquàm énonça, cédait veri'ati.
(Quand une reconnoifTancoeft fiinple, c'e/1-àdire,
non motivée, la qualité de la chofe n'en reçoit au-
cune atteinte, & Terreur fait place à la vérité).
D'Argentré , fi fouvent contraire à Duniojlin ,
tient cependant la même décifion ; c'efi ce qu'il
exprime avec l'énergie qui lui eft propre: Cùm ap-
rarct titulus,ûb eo pv(f':Jponei le:\ein acc'ipiunf. { Lorf-
que le titre paroît , il donne la loi aux poffefiions ).
La pofTedion n'efl rien , dit encore Mornac ,
loiAui'clle ed contraire au. titre. Si contra ti'.ulum
pcjJ'^JJun: cjl , dHuin per treccntos annos dominium re-
yji.iturà lali pojf^jjoie. Sur la loi l 3 , ff. de publia
' xji'iâ "I '■<^*' ûclione,
11 feroita-.îfu facile que fuperfiu d'acc'.::nuler Car
te point un plus t^rand nombre d'autorités ; de leur
concours, de leur nombre, de leur unanimité,
s'cTî formé cet axiome le plus connu , comme le
plus fagç de notre droit françois : ^d primordiuin
(:tuti omnis formatur eventus.
Il y a des fiècles que cette ma'xiine forme la règle
des tribunaux; on voit ,en parcourant lesarrêtiftes,
nu'elle a fervi de bafe à une multitude d'arrêts.
Dunod , trahi des Prefcriptlons , pa^e 50 , en
japporte trois des années 1698, 1700 & 1717;'
Le premier ,fur la repréfentatlon du titre primi-
tif, déboute les jéfuites de Dole de leur prétention
i\ la propriété d un bois fur lequel ils exerçoient ,
depuis cent ans , des aftes de propriétaires. Les
deux autres réduifent pareillement aux termes des
Vitres anciens , une pofTefTion de folxante ans ap-
puyée de reconnoiffances.
Un arrit du parkment dç Paris , de l'année
PRESCRIPTION.
1672 , a jugé , fuivant les mêmes principes , contre
les religieux de l'abbaye de Longpont & ceux de
Valferg. Un droit d'ufage avoit été concédé origi-
nairement.! ces abbayes dans un canton de la forêt
d.; Villefs-Coteréts ; ces religieux avoient tranfrmié
la dénomination de l'ufage en celle de (Ai^i-/o/2û'.f;
ils s'étoient attribué la qualification de très-fonciers i
ils s'arrogeoient, à ce titre, le tiers du prix delà
vente des bois ; plufieurs fiècles avoient confirmé
cette ufurpation. M. le duc d'Orléans fe détermina
enfin à réclamer fes droits ; les titres originaux fu-
rent produits, & prévalurent fur la longue poflef-
fion des religieux , même fur les rcconnoiffances
dont ils tiroient avantage.
Nous avons dit que telle étoit également la ju-
riiprudence du conieil du roi.
En 1726, le marquis de Porens avoit obtenu im
jugement du confeil , portant renvoi devant le
g.^and uKÛtre des caux& forêts du comté de Bour-
gogne , pour être procédé au cantonnement des
bois afTis fur le territoire de Foudremont : les habi-
tans s'opposèrent à cette opération , fur le fonde-
ment que , de temps immémorial , ils étoient en
poiTifiion de la propriété de ces bois. Un grand
nombre d'aiies prouvoit effeflivement cette pof-
(cffion , & une circonflance remarquable militoit
en leur faveur : le feigneur lui-même avoit acquis
d'eux des portions de forêts, mais on voyoit claire-
ment que dans l'origine, ils n'étoient qu'ufagers , &
le titre d interverfion ne pareiiToit pas. Arrêt du con-
feil d'état du ao mars 1727, qui déboute les habi-
tons de leur oppofition , & ordonne qu'il fera p^i/Té
outre au cantonnement. Le 9 aciit 1729 , même dé-
cifion des commifkilres généraux du confeil, entre
le comte de Verfel Se les habitans du même lieu.
Trois autres préjugés , émanés pareillement du
confeil , méritent une fingiilière attention ; ils
font parfaitement dans l'efpèce : la date en eft ré-
cente.
Les habitans de "Ville rs-Sexel étoient en poflef-
fion de deux cents arpens de bois. Le comte de
Ciramcnt , leur feigneur, les avoit toujours regar-
dés comme propriétaires : lorfqu'il s'étoit a^i de la
réparation de fon château , il s'étoit adreflé à eux
pour obtenir des bois. Les lettres qu'il leur avoit
écrites à ce fujet étoient produites ; chacune de
leurs expreflions étoit une reconnoiflltnce de la pro-
priété dis habitans. Ce même feigneur , mieux inf-
truit de fss droits , fe pourvoit au confeil , & de-
ruande le cantonnement : à la longue poiTeffion des
habitans, à fes propres reconnoUfances , il oppofe
les titres anciens ; &: par arrêt du 23 de juin 1733 »
fa prétention efi accueillie.
Une décifion du même tribunal , en date du 11
avril 1740, ordonne de même le cantonnement,
fans égard à des enquêtes judiciaires faites à la re-
quête des habitans de Menoux , ni aux ailîettes
auxquelles ils avoient fait procéder, ni à une mul*
titude d'aides qui annonçoieni leur propriété de b
lîuniçrç
PRESCRIPTION.
inanlère la plus pofitive : le confeil n'eut ég^rd
qu'aux leuls titres primordiaux.
L'autorité des titres anciens vient encore d'être
confacrée de nouveau par un jugement du mèm^'
tribunal , de l'année 1770. Le marquis de Raynel
demandoit le cantonnement des bois alTis fur le
territoire de Raynel & d'Epifon. Les habitans fe
prétendoient propriétaires ; ils rapportoient une
Toulc d'aâes à l'appui de cette prétention ; ils cou-
doient depuis plus de cent ans les bois à leur pro-
fit. Les Icigneurs avoient phifieurs fois reconnu
leur propriété; ils avoient même acquis des habi-
tans d'Epifon le fonds &. la fuperficie de cent foi-
xante-deux arpens de bois ; mais des titres très-
anciens réduifoient les habitans à un fimple ufage ;
&. le canronnement a été ordonné.
Il e(i donc de principe & de jurifprudence cer-
taine, que h pofleflion d'un ufage , quelque longue
qu'elle foit , ne prouve rien , fmon la joiiiiTance
précaire , c'eft-à-dire , l'ufage même. Si l'ufager ad-
miniAre qiielq-jes a61es indicatifs de propriété , ces
-adês cèdent toujours aux titres anciens ; & cette
règle eft puifée dans la plus exade équité. On fait
«ombien il eft facile à un ufufruirier, dans le cours
é\ine longue po/îefTion , de fe ménager quelques
afles de proprié;é ; on fait quelle pente il a naturel-
«ement à le faire ; & c'eft par ce motif qu'on n"a
^iicun égard à de pareils aéîes , à moins qu'ils n'é-
tabliilent pofuivement l'interverfion , le change-
ment de la caufe de fa poflefTion *.
Nous avons rapporté k l'articTe USAGE , d'autres
monumcns de c:tte jurifprudence , t< on peut dire
qu'elle eft auffi univerfelle qu'invariable.
Mais prenons garde d'en abufer , comme le font
quelquefois des plaideurs intérefiës à défigurer les
pnncipes. On a vu foutenir dans les tribunaux,
quelques praticiens ont même écrit, que la Pref-
cnption ne peut pas l'emporter fur un titre ;& ,
ce qu'il y a d'étonnant , c'eft que pour le prouver ,
ils ont invoqué & h règle ad primordium tituli orn-
nts formatur eventus , &les pafiages de du Moulin ,
& de d'Argentré rappelés ci-deiTus , & la plupart
des arrcis dont nous venons de faire le détail.
Mais que fignlfie cetre règle? que difent du Mou-
lin ik d'Argentré? que jugent ces arrêts ? Une
feule chofe, ti-ie chofc facile à faifir : c'eft que
qup.nd vo«s avez joui pendant cent ans. Si qu'il fe
préfcntc un titre qui vous donnoit le droit de jouir ,
vous êtes préfumé n'avoir eu de jouilTance qu'en
vertu de ce titre.
C'e/î ainfi que fi j'ai pofledé pendant un fiècle ,
& qu'on recouvre un titre précaire , d'antichrè-
fe , de conceHion d'aifage , qui me donnoit le droit
de jouir, on j>réfume que ;'ai toujours polfédé au
même titre , & dès-lors, fi j'ai joui en vertu d'un
contrat de précaire, je ne puis rLnn jurer en pof-
feflion, dès que le propriétaire s'y oppofe ; Çi j'ai
joui à titre d'anticlirèfe , il fruit que je déq;uerpi<Te ,
aulli-tôt qu'on a acquitté mi cré:nce; fi j'ai pof-
fédé en vertu d'une conceflion tiufaee , je ne puis
Tcaie XIII. ^
PRESCRIPTION. 311
prétendre avoir prefcrit la propriété : en deux
mots, le titre n'anéantira pas la poflemon , luais
il l'expliquera ; c'eft comme le dit Dumoulin fur la
coutume de Paris, titre i , des/e/i, §. i2,gloie
7, au mot Pr€jcnpcion(^i^.
Ainfi éclate de lui-même le bien jugé des arrêts
par lefquels la commode & aveugle routine des
praticiens prétend établir que la Prefcription ne
peut rien contre un titre. — Ainfi, les jéfuites de
Dole ont été &. dû être déboutés de la réclamation
qu'ils faifoient de la propriété du bois de Moifle ,
parce que Iç titre en vertu duquel ils avoient joui ,
ne leur donnoit que le droit d'ufage. — Ainfi ,
l'évêque de Clermont a été & diJ être condamné
à rendre à la reine Catherine de Médicis , la fei-
gneurie de la ville de Clermont , quoiqu'il y eût
phifieurs fiécles ojue les prélats de cette églife la
poiTédoient paifiblemeut , parce qu'on fit voir par
la production du titre originaire de leur poffeirion,
quelle n'avoit point d'antre principe qu'une efpèce
de dépôt, — Ainf] les babitans de Foudreraont, ceux
de Villers Sexel, ont été & dû être déboutés de leur
prétention à la propriété des bols dont ils jouilfoienr,
parce que le marquis de Porens & le Comte de
Craimont , leurs fcigneurs , produifoient des titres
qui ne renfcrmoient qu'une concefîion d'ufage.
Mais ces arrêts preuvent ils qu'on ne peut pas
prefcrire contre un titre ? Non. Ils prouvent préci-
fément que le titre eft interpiétatif de la poiTelTion,
& rien de plus.
Quelle abfurdiié d'ailleurs de prétendre qu'on ne
peut pas pr-efcrire contre un titre ! La Prefcripiioa
feroit donc toujours inutile ; car il faut toujours un
titre pour évincer un {Impie pefleffeur.
Comment donc a-t-il pu échappera M. Houard,
de dire (2) que les articles 1 16 Se 526 de la coutu-
me de Normandie ne permettent pas d'admettre la
Prelcription contre le titre ? Il faudroit que ces
textes confacraiTent , en termes bien précis , une
maxime aufli étrange , pour qu'on l'adoptât du
moins en Normandie ; & non-feulement ils ne
l'établiffent pas, mais ils ne contiennent pas un
mot d'où on puiflfe l'induire.
L'obfervatiûn de M.Houard feroit mieux appli-
quée à la coutume de faint-Amand , ville du Tour-
nefis françois , qui a des dépendances affez nota-
bles. Par une de ces bifarreries qui ne fe rencontrent
que trop fréquemment dans nos anciennes leis,
cette coutume a pouffé la fingularité jufqu'à prof-
crire toute efpèce de poiTeffion , tût-elle immémo-
riale , dès qu'elle eft contraire à quelque titre. On
nous croiroit à peine , fi nous n'en tranfcrivions
ici les termes :
(i) Non proJerîc pofTcflbri ailegare prxfcriptioncm five
pri^ctictioaem plus qiiim rentenariaiii ; (juii prarfLuiutur ha-
bia ïc continjau in eâJem caufi & qua'iute in ijuâ expie , &
nijximè cùm non poûit aliqui.»; , ex ("o!â aniiui fui delHna-
tione , iTi'i'are (îbi caufani pofl>.'fl'ionis.
(i) Didionnairc de lirait Noïm*Dd , article Prefcription ,
fecUba i,
Ss
321 PRESCRIPTION.
i> S'il avlent que homme ou femme ait été expa-
» trié par quelqu'efpace de temps que ce foit , ou
» que fans être expatrié on ait poireflé d'hé: itaieies ,
n rentes héritières ou autres biens', nonobitant
w ladite poiTeffion intervenue par quelque laps de
r> temps que ce foit ; s'il avient que par tel homme
■)■> ou femme foit montré tels biens lui appartenir
y héritièrement , il doit revenir à fisn droit hé-
» ritier ».
Distinction III. Examen de raxlome vulgaire ,
que nul ne peut prefcrire contre Jon titre.
Eft-il vrai , comme le dit & le répète tous les
jours le commun des praticiens , qu'on ne peut pas
prefcrire contre fon propre titre?
Si l'on veut dire par-là que perfonne ne peut
prefcrire la propriété en vertu d'un titre qui ne
donne qn'un droit d'ufage , qui ne contient qu'un
bail ou précaire, l'axiome eft vrai ;& il n'efl dans
ce fens que la répétition de la maxime , nemo potejî
muiare fibi caufam pojfejfionis.
Mais il y a une infinité d'autres cas danslefqutls
il ne peut recevoir aucune application ; & toute la
difficulté ert de les biens diftinguer.
M. de Salvaing , chapitre 94, nous donne là-
defl'us une régie fort judicieufe.
Il faut , dit-il , mettre une différence entre ce qui
eft de l'cfTence du titre , 5c ce qui n'y eft qu'ac-
c.d':ntel.
Ce qui tient à l'effcnce , ne peut pas être changé
par la Prefcription. Ainfi la fnculté de racheter
une rente confiituée efl imprcicriptible , parce
qu'elle eft effentielle au contrat de conltitution.
Par la même raifon , une concefTion précaire ré-
fifle perpétuellement à la Prefcription de la proprié-
té ; parce que ce font deux choies incompatibles
de jouir au nom d'autrui, tk de poflféder comme
propriétaire.
Mais fi la pofieflîon ne change pas la qualité Se
la fub^ance du titre , fi elle ne touche qu'à ce qui
eft accidentel, rien n'empêche qu'elle n'opère la
Prefcription.
Ainfi , un acquéreur peut prefcrire l'exemption
des ftrvitudcs que le vendeur s'efl réfervées dans
le contrat de vente, parce que la réferve qu'en a
faite celui-ci ne conftitue pas l'eiTence du titre.
Ainfi, la faculté de racheter quand on le voudra,
le bien qu'on aliène, fe prefcrit par le laps de trente
ans ; parce qu'il n'eft pas de l'eifence de la vente
qu'elle !oit rachetahle.
Ai;:fi , on peur prefcrire contre la convention de
piycr à certain jour, en certain lieu , les arrérages
d'une rente cODilituée, parce qu'il n'y a rien en
cel i d efientiel au contrat de confiitution.
Si cependant le contrat cil réciproque & fynal-
la^'uatique, dans les conventions accidenielles ;
tant qu il eit exécuté par un des contraclans , l'autre
ne peut pas iicqu'.rir par Prefcription le droit de ne
pas l'exécuier lui-même. La règle des corrélatifs
PRESCRIPTION.
ne permet pas qu'il prefcrive contre le titre com-
mun , pendant qu'il en profite : la poflTcffion de l'un ,
en ce cas , conferve la pcfiTeffion de l'autre. Ainfi ,
tant que vous recevrez de moi la preflation annuel-
le, qui eft le figne récognitif du droit d'ufage que
j'ai dans vos bois , vous ne pourrez pas vous pré-
valoir de ce que je n'exerce pas ce droit depuis
trente ou quarante ans ; & j'y ferai maintenu mal-
gré vous , fi vous prétendez m'en priver par la Pref-
cription.
» Suivant les mêmes principes, dit M. Julien dans
» fon commentaire fur les flatuts de Provence ,
» tome 2, page 422, on ne peut rien exiger aux
)> fours & moulins banaux , au-delà des droits qui
j> font fixés par les titres conftitutifs de la bannalité.
5» Il n'y a point d'ufage, quelque long qu'il foit ,
» qui puiffe autorifer les fufcxaélions. Le titre com-
» mun des propriétaires & des fujets de la banalité
■)■) eft imprefcriptible ; il veille toujours pour la con-
» fervation des droits rcfpeélifs. Et les ufages con-
)? traites qui peuvent fe glifiér, ne (ont que des
fi abus qu'on doit réformer. L'af.e eft indivifible ;
)) il ne lauroit être exécuté dans un chef, fans
» l'être dans les autres. Ainfi, nul ne peut pref-
» crire contre un titre qu'il exécute, nul ne peut
» changer la caufe de fa poîTeffion ".
M. de Caielkn , livte 7, chapitre 9, rapporte
une efpèce qui a été jugée d'après la même maxime.
Un débiteur donne un fonds en engagement à fon
créancier, pour une partie des fommes dont il lui
étoit redevable. Par une claufe générale , qu'on
insère dans l'aéle , le créancier fe rcferve le reftant
entier de ce qui lui eft du. Après une jouiftance
de plus de trente ans , il eft évincé par le débiteur
qui vient lui offrir le prix de l'engagcmerit , & rien
au-delà. Le créancier veut ufcr fur Théritage du
droit de rétention que la loi umque , au code, etiam
ob chirographjriam , lautorifc à exercer. Le débi-
teur s'y oppofe , & prétend que les dettes réfer-
vées par la claufe générale dont nous venons de
parler font prefcrites. Le créancier ripond , qu'il
ne peut y avoir de Prefcription , foit parce qu'il ne
demande ces journaux que par exception , Scque,
fuivant un axiome connu, ce qui eft limité par le
temps, lorfqu'il s'agit d'agir . eO perpétuel quand
il n'cft queftion que d'exciper (.///^ tcmporalia junt
ad agendum , perpétua funt ad exapiendum ) , foit
parce que tandis qu'on le laiiToit jouir du fonds
engagé, il n'avoit pas voulu fe pourvoir ,& qu'il
l'auroit fait plutôt fi le débiteur eût lui-même intente
plutôt fon séTion. — Par arrêt du ^ février 1667 , il
fut dit que le débiteur ne pourroit reprendre fon
bien qu'en rembourfant toutes les fommes.
Excepté le c;- de la réciprocité dont on vient de
parler , ce n'eft pas prefcrire coiure fon titre que de
poftéder au-delà de ce qu'il donne. Ainfi l'acheteur
d un fonds défigné comme ne contenant qu'un ar-
pent de terre , peut , par la Prefcription , étendre
fon droit jufqu'a deux arpens. Si JunJus (rr.pwsfit
& amphores fines p.jfcj/i fiui.to'.uia longo tempore
PRESCRIPTION.
C/tp] , pr'ifciis ait : ce font les termes de la loi 2 , §.
6 , D. pro ernptore.
M. de Salvaing , à l'endroit cité , rapporte nn
arrêt du parlement de Grenoble qui ed fondé fur
le même principe.
En 1260, Pons de Monlaur, propriétaire d'un
droit fur les grains qui le vendent à Montpel-
lier , fit donation à Raymond Marchy & & aux
fiens , d'une portion de ce droit. Par la fuite
des temps, les fucce/Teurs de Raymond Marchy,
repréfentés par M. Solas , coiifeiUer à la cour des
aides de Montpellier, fe font trouvés en poffelîion
de la totalité du droit. Le comte de Caylus , qui
repréfentoit Pons de Monlaur, a prétendu faire ré-
duire leur poffjlfion aux termes de l'aéle de 1 260 ,
& il s'ert fondé uniquement fur l'axiome , nul ne
ffut pre faire encre fun titre. M. de Solas a o^^oiè ,
pour toute défenfe, la Prefcription immémoriale ;
& fans doute il n'a pss manqué de dire qu'une
polfclTion aulTi longue devoir faire préfuraer tout
ce qui étoit nécelfaire pour la rendre légitime ,
qu'il ne ])o(rédoit pas contre fon titre , mais feule-
ment au delà. Que cette pcfTeffion ne détruifoit pas
la fubOance de la concellion primitive, mais en
étendoit feulement les etTets , &c.
La conteftation fut d'abord portée au parlement
de Touloufe ; mais elle fut enfuite évoquée au par-
lement de Grenoble; & là, par arrêt du 6 février
1663 , M. de Solas ivLt maintenu dans la pofl"e(rion
de la totalité du droit.
Ce ii'eft pas non plus prefcrire contre fon titre ,
que d'acquérir l'affranchiffement des obligations qu'il
impofe. Ainfi , un acheteur peut s'exempter par la
Prefcription, du payement du prix de fon achat ,
quoiqiîe ce prix foit ftiptilé par le titre même en
Yertu duquel il jouit. De même, l'héritier eft dé-
chargé d'un legs qu'on a différé pendant trente
ans de lui demander, quoique le teftament foit fon
titre , & un titre commun entre lui & le léga-
taire.
On volt, par ces détails , qu'il efl bien peu de cas
où l'on ne puifTe pas prefcrire contre ion titre.
Distinction IV. Du, précaire.
Le précaire , dans fon étroite fignifîcatî©n , efl
une concefîion gratuite & révocable à la volonté de
celui qui l'a faite (i).
Mais dans l'ufage on entend par ce terme , tout
aâe enfuite duquel l'un pofsédcpour l'autre, &re-
connoît fon domaine.
Ainfi , le vafTal , l'emphytéote , l'ufufruiticr , le
créancier-engagifte , le mari , la douairière , le père
de fanfille , le procureur, l'agent, le negotiorum
gefior , le tuteur , le curateur , le fyndic , le féquef-
tre, en un mot tous ceux qui font entrés en pof-
li] Loi i, D. de precarto. Loi i ,C, it prïfcriptionc tri-
PRESCRIPTION. 315
fcfTion pour autrui , & qui reconncifTent un do-
maine fupérieur , peuvent être regardés comme des
pofieffeurs précaires.
Nous avons déjà prouvé que tous ces détenteurs
ou pcfTeffeurs, tant que fubfifte la qualité fous la-
quelle ils ont occupé la chofe , ne peuvent pas ac-
quérir par la Prefcription le droit de ceux qu'ils re-
préfentent , & pour lefquels ils pofTèdent. La rai-
fon en eft ( s'il faut le répéter ) , que perfonne ne
peut charger fa pofTefTion feul & de lui-même (i) ;
qu'on ne prefcrit pas fans pofTéder fous fon nom
propre; que le poilefTeur précaire conferve par fa
détention le droit de celui dont il reconnoît le do-
maine ; & qu'ils ont l'un Si. l'autre des qualités
corrélatives quf fe m.aintiennent réciproquement.
En efî-il de même des héritiers de ceux qui ont
reçu à titre de précaire , ou qui l'ont reconnu ?
Oui , parce qu'ils repréfentent leurs auteurs , 6c
que leut titre n'opère pas un changement dans la
poflefTion qui leur eft tranfmife.
Mais n'en feroit-il pas autrement fi la caufe de la
poiTelTion avoit cefle .'' Par exemple . lorfque le
droit d'ufufruit eft éteint par la mort de Tufufrui-
tier , l'héritier de celui-ci ne peut-il pas , en fe per-
pétuant dans la pofTeffion , acquérir la propriété de
la chofe ? Non , parce que la loi 1 1 , D. de diverfii
temporalibus prczfcriptionitms , décide en général que
l'héritier fuccède à tous les droits du défunt , hères
in jus omnt defunSli fuccedit ; qu'il ne purge point
par fon ignorance les vices qui ont infeélé la pof-
feflîon de celui-ci dès (on principe , ignoratione fuà
defunRi vitia non excludit , & qu'il ne peut pas pref-
crire ce qui étoit imprefcriptible pour fon auteur ,
ufucapcre non poterit qnod defunHus non potuit. Ces
principes reçoivent, comme on voit, uneapplica-
tion direéle & entière au fuccedeur de l'ufufruiticr ;
auffi Paul de Caflres (2) , Baibus (3) & d'Argen-
tré (4) , le regardent-ils uniformément comme in-
capable d'acquérir par la feule pofTefîîon , la pro-
priété du bien dont fon auteur avoit l'ufufruit.
De là , les articles 4 des titres 55 de la coutume
de Luxembourg & de celle de Thionville , qui dé-
clarent que nulle Prefcription , pas même de cent
ans , ne court contre le propriétaire dont « le bien
» eft pofTédé à titre d'ufufruit ».
De là encore l'article 39 de la coutume de Na-
mur, portant qu'on ne peut prefcrire /><îr fojjejfwa
prife fur viage.
Remarquez cependant qu« , par la coutume de
Metz, titre 14 , article 1 5 , le fermier & TuAifrui-
tier commencent à prefcrire du jour que la ferme ou
l'ufufruit efl fini 6" éteint.
( I ) Nullà cxtrinfeccs acciJente caufâ , neino lîoi caufjin
poircifionis niutace poteft. Lois, C. de acquirendâ poffef-
lione. ici 5 , J. illiid , D. eoH. tit.
(1) Sui la loi nequefrutïuar'mri , C. de ufufru£lu.
(;) De prjsfcrjpt 4, part. 4 .part, quxll. n. ^.
[4] Sur la coutume de Bretagne , article z6^ , aux mots £^
/rti/F , chapitre m , nombre i} ôc fui van s.
S S i)
3U
PRESCRIPTION.
Remarquez encore qu'on ne doit pas confoncfre
avec le précaire proprement dit, la claufe de pré-
caire qui , en certaines provinces , eft comme de
flyle dans les contrats de vente. Par cette claufe ,
l'acheteur déclare tenir précairement le fonds ache-
té , julqu'à l'entier payement du prix : mais elle
ne le rend point pour cela poflTelTeur précaire : elle
ne donne au vendeur qu'une hypothèque privilé-
giée , & elle n'empêche pas l'acheteur de fe libérer
par la Prefcription de l'engagement qu'il a con-
traflé pour le prix. C'eft ce qui a été jugé , au par-
lement de Touloule , par arrêt rendu au rapport
de M. de Catellan , le 6 mai 1664 » & inféré dans
U recueil de ce magiftrat , livre 7, chapitre 5.
Distinction V. De la familiarité.
hz familiarité eft une effjèce de précaire tacite.
Les adies qui en dérivent fuppofent un confente-
jnent qui n'eft pas exprimé , mais qui eft fans c«n-
féqucnce , & ils n'acquièrent ni droit ni pofleffion ,
parce que celui fous le bon plaifir duquel ils font
faits , demeure toujours le maître de les difconti-
nuer quand il le trouve à propos. *
En vain donc feriez-vous venu pendant vingt ,
trente , cinquante ou cent ans , foit loger , foit dîner
chez moi , la complaifance que j'ai eue de vous re-
cevoir, de vous régaler , ne formera jamais un
titre pour vous , & jamais elle ne vous donnera le
droit de me forcer à la continuer , lorfqu'il ne me
plaira plus de le faire. C'eft , comme nous l'avons
dit ci-devant , §• V , la doflrine de Panorme , & il
n'y a pas un auteur qui ne l'approuve.
Mais , nous l'avons obfervé au même endroit ,
fi les ades familiers par leur nature , paroif-
foient avoir été faits en vertu d'un droit acquis Se
comme à titre de fervitude , ils pcrdroient leur ca-
ra6lèrc de familiarité , &. il en réfulteroit une pof-
feflion légitime qui , avec un temps fufBfantpour
. prefcrire, formeroit un droit perpétuel & irrévo-
cable.
Comment donc reconnoître fi c'eft par droit ou
par fimiliarité que de pareils aéîes ont été faits }
Sans doute , lorfqu'il n'y a pas plus de préfomp-
tion d'un côté que de l'autre , la faveur de la liberté
exige qu'on penche plutôt pour le fécond parti que
pour le premier.
Mais fi à la polTeffion immémorfale fe joi<Tnoit
quelque caufe apparente , quelque conjecture pro-
bable , tirée de la qualité des perfonnes , ou de
celle de la chofe , il n'en faudroit pas davantage,
fuivant l'opinion la plus générale des do6teurs(i) ,
pour opérer une véritable Prefcription.
Il y a , par exemple , des feigneurs qui Com en
pofteflîon de loger & de fe faire régaler, pendant
certains jours de l'année , dans des monaflères. Si
[l] Stritkius , dé jure fimil. arp. J , /i. 4I. J'Argentrc ùi/
l'articJe 2 66 c'e la coutume de Bretagne , chapitre 8 j Je même
en ion confeil 1. Jialbus, 4' ôc j' pa. t.
PRESCRIPTION.
cette pofleffion eft immémoriale , ou fi , étant moiB»
longue , elle a quelques caraétères indicatifs d'un
droit acquis de la part du feigneur , -il n'eft point
douteux qu'elle ne foit à l'abri du reproche de fa-
miliarité , & qu'elle ne doive être confidérée ou
comme une condition de la fondation que le fei-
gneur a faite du couvent, ou comme une récom-
penfe de la protection qu'il accorde aux religieux.
Voyez Gîte.
Mais que doit-on décider lorfqu'un chapitre de
chanoines eft depuis plus de cent ans en polTeinoii
de dîner certains jours de chaque année , chez fon
évêque .•'
Cette queflion , déjà effleurée à l'article Fes-
TAGE, a été agitée depuis peu au parlement de
Guyenne.
Le chapitre de Saintes foutcnoit qu'eti vertu d'un
ancien ulage , M. de la Châtaigneraie , évêque de
cette ville , étoit affujcti à lui donner quatre repas
par an , ou à lui payer une fomme en argent repré-
fentative de c«s repas ; 8c que des tranfadions paf-
fécs avec quelques-uns des prédcceflturs de M. de
la Châtaigneraie , formoient pour lui un engage-
ment qu'il ne pouvoit rompre. M. de la Châtaigne-
raie foutenoit, au contraire, que l'ufage invoqué
par le chapitre n'étoit pas prouvé; que quand il
le feroit, il n'étoit pas prefcriptibie de fa nature ,
de manière à pouvoir donner efficacement lieu à
une aétion judiciaire; & qu'enfin les tranfaflions
mêmes qu'on lui oppofoit ne formoient pas pour
lui un engagement dont il ne pût s'affranchir.
Par arrêt du 13 juillet 1775 , rendu fur les con-
clufions de M. du Paty, alors avocat général, &
aujourd'hui préfident à mortier , le chapitre a été
débouté de fa prétention, avec dépens.
Distinction VI. De Vîntcrverfion de titre.
Les poftefleurs précaires & familiers ne peuvent
pas, comme on l'a vu plus haut, changer eux-mê-
mes le titre de leur poffefàon ; mais il peut être in-
terverti par une caufe étrangère; c'eft ce que la
loi citée entend par ces mots , aliquJ cxirinfecus
accèdent fi caiiau
Cette interverfion , ce changement peut fe faire
de deux manières, l'une légitime, l'autre injufts.,
La première a lien , lorfque le poffeffeur précaire
acheté de fon maître le bien qu'il détenoit ; ou qu'il
le reçoit de lui à titre d'échange, de donation, ou
autre translatif de propriété. Parla , il devient pof-
ferfeur' légitime; il commence dès-lors à poffeder
pour iç^i i & fi la perfonne dont il a acquis les
droits , n'étoit jsas propriétaire , il le deviendra lui-
même avec le fecours de la Prefcription.
La féconde arrive lorfqne la j)offeftîon eft chan-
gée par je fait d'un tiers. Pai^ exemple, votre fer-
mier acquiert d'un autre lès biens qu il tient de
voES à bail; il refufe après cela de vous en payer
les fermages vil» vous déclare, qu'il ne veut plus les
tenir de vous , & qu'il entend les pofféder com-
PRESCRIPTION.
ime fiens. Voilà un changement de pofieflion opéré
par un fait extérieur : il eA injufte , à la veriré, puil-
que le fermier ne peut pas reconnoître d'autre pro-
priétaire que fon bailleur , fuivant cette règle, riemo
quapionem duminii ei nferre poie(l à quo jus ha-
bet : mais tout injufte qu'il eft , il ne lailTe pas de
donner commencement à la Prefcription , parce
que , dit la glofe fur la loi 5 , C. de acqiiirendâ
poJf''(fione , ce n'eft pas le fermier lui-même , mais
un tiers qui change la caufe de fa poïTeffion : non
fibi mutare , jcd ipfi mutarï dlcitur cauja pojjlffïonis.
Remarquons cependant (&. c'eft en quoi elle
difTère dans la première ) que cette féconde ef-
pèce d'interverfion ne fuffit pas pour donner lieu
aux Prefcriptions qui exigent titre & bonne foi :
elle n'autorife que celles de 30 & 40 ans (i)
Quelques auteurs diflingucnt , dans les droits
incorporels, celui avec lequel on a interverti la
pofTcirion , du tiers contre lequel on voudroit pref-
crire. A l'égard du premier , l'intention du pref-
crivant lui étant connue , la Prefcription commence
d'abord 8c s'acquiert par trente ans. Mais pour le
fécond , il femble qu'il retient toujours la po/Tef-
fion civile : l'interverfion n'étant pas faite avec lui ,
on ne peut pas dire qu'elle lui ôte l'intention de
pofleder; il continue donc de le faire civilement ,
& il le fera , tant que par un long efpace de temps
( fixé ci-deffus à dix années , ) il fera cenfé avoir
abandonné fa pofféffion. Ce ne fera qu'après ce
terme que l'on commencera à prefcrire contre lui.
Ainfi pour opérer la Prefcription dans ce cas , il
faut une poffsffion de 40 ans (2) ; voilà pourquoi
le parlement de Franche-Comté , en admettant la
Prefcription contre le cens leigneurial ou emphy-
téotique en faveur du tiers poffefl'eur , juge conf-
tamment qu'il ne peut acquérir cette Prefcription
que par le laps de quarante années. Voyez ci-après ,
fefllon 111 , §. I , & l'article Interversion de
TITRE.
Distinction Vil. De la Clandefllnltè.
Perfonne n'a traité cette matière avec plus de
clarté & de précifion que Dunod.
♦ La clandeflinité , dit-il , efl: un obflacle à la
PrcCcription , parce que celui qui fe cache pour
jouir, eft préfunié en mauvaife foi (■5) ; & que,
cachant fa jouiflance , les intéreffés , qui ne l'ont
pas connue , font cxcufables de ne s'y être pas
oppofés.
On eft pofTefieur clandeftin ( dit la loi 6 , D.
de acqiùrendâ pojpjfione ), lerfqu'appréhendant une
conteftation , l'on entre en poffefllon furtivement
M] D'Argentrô fut la coutume de Bretagne, article aîf ,
aux mots Syfiifi , chapitre 4, n. 9 : Balbus , i part. 6 part.
». Ji.
• [a] Vafqu-ez, controverf. illuflr. lih, 2 , cvj. Sj , n. 14.
. [}] Clandeftiiiuin fadu.n fcmpst praclumitui; dolOiO.n, Loi
pénulticm; , D. ptoftio.
PRESCRI PT ION. 315
& par des actes obfcurs , qu'on croit ne devoir pas
venir a la cjnnoiiian*,,. Jç^ parties intéreifées, parce
qu'il eft difficile qu'elles w, fâchent (i). Il en eft
de même, luivant la loi 3 , 5. 7 ^ o. quod vi a,u
clurn , quand on a fait la chofe à Vin^^ de celui
qui n'auroit pas manqué de s'y oppofer , «,j qu'on
ne la lui a pas dénoncée, quoiqu'on fût oblii34ç]g
le faire (2).
il faut danc qu'on ait eu fujet de craindre une
conteftation , &. qu'on fe foit caché pour l'éviter.
Mais on ne fera pas moins poffefreur clandeftin ,
pour ne l'avoir point appréhendée , quand on a
eu fujet de la craindre ;. ne melioris conditionis fint
jlulii, qiiàm periti. Il en eft de même loifqu'on a
eu delfein defe cacher d'une perfonne qu'on croyoit
avoir intérêt à la chofe , quoiqu'elle n'y en eijt
point, pourvu qu'il y en eût une autre qui y. fiât
inréreiTée (3). On rQconnoit à ces traits le pof-
klieur de mauvaife foi , qui fent que ce qu'il tient
ne lui appartient pas , & qui tâche de dérober fa
poffeflîon aux yeux du public , particulièrement
des perfonnes qui auroient droit de la troubler.
Le maître qui rentre dans fon héritage n'eft pas
cenlé le po/Téder clandertinement , quoiqu'il cache
fa pofTeffion , dans la crainte d'y être troublé ,
parce qu'il le pofsède comme fien , & que comme
il n'y a point de poftclîïon précaire de fon bien
propre , il n'y en a point non plus de clandef-
tine(4), C'eft aufli parce qu'il faut remonter à l'o-
rigine de la pofTeffion , pour juger s'il y a clan-
deflinité ; non enim ratio obtinendœ , fed oriso n<7n ■
cifcendcc pojfcjjlonii exquirendci ejl. Ainfi, quand on
a d'abord pofîédé publiquement & de bonne foi
quoiqu'on cache fa poirclfioii dans Ja fuite , on
ne laifTera pas de prefcrire. Is autcm qui cum poi-
Jlderct non clam , Je ceLivit ; in eâ causa ejl , lu rioa
vide,itur clam pojfidere. Si au contraire on a po('.
Gdé au commencement eu cachette ce qu'on fa-
vuit n'avoir pas juilement acquis, on ne le pref-
crira pas , quand même on auroit à^nonzh dans la
fuite fa pofTeflîon au propriétaire (5).
Par la même raifon , celui qui a joui en vertu
d'un titre, ne peut être regardé comm.e poiTefléur
clandeftin ; fon titre le fait fuppofer de bonne foi
dans le commencement , &. cela fufHt pour pref-
crire , fuivant le droit civil. (6).
[ • ] C!am portiJere [ Ait lu Ici « , D. de acguirendd poijef-
ficne ], eum dicinius, qui furtivé ingreluis elt poffiiflioiiem ;
ignciante eoquem fibi contioverfism fadturiim rurpicaL.irur ,
& n-: faceret timêbat.
[i] Clam fiicere vider! Csïïjus fcrJbir , eiim qui cel.ivic ad-
vcrûrium , neque ei denuntiavit ; fi niodo timuit ejus con-
tiovetfîam, auc tiniere debuit.
[3] Si quis , dum puiat locum tuum efTe qui eft meus ,
celandi tui , non mei caufa fecir , r.ihilominùs mihi conipetic
inttr^iftum. Loi aut qui aliter , D, quod vi aut clam.
[41 L. ■\o , §. lî leivuQi , D. de acquirendà pofiellîone. L.
6 . D eod. tir.
[5] L. Si de eo ,i. 1 , D. de acq-iifenil pojejjîjne. Cujas
fur la loi 6 c!u mèuie ricre.
[6] Nemo dampQlfidçre iiicipit , qui fcienre aut volente^o
fi6 PRESCRIPTION.
Celui qui fait un ade qu'on ^i" avoir défcnclii ,'
ou qui agit d'abord ^près avoir déclaré qu'il le
feroit , n'eft pas csnf^ le faire à linfu de ton ad-
verfaire. Mais s'-' 'e fait longtemps après (i) ,
ou qu'il ait -^arfé la partie intérefiee , pour qu'elle
n'en f'''»- P^s informée , Faite fera réputé clan-
(Ip.rin.
Lorfqu'on eft obligé d'informer une perfonne
de ce qu'on veut faire, il faut lui donner un dé-
lai convenable pour qu'elle puilfe le voir , & lui
défigner le lieu, le jour 6c l'heure, autrement on
fera préfumé le lui avoir voulu cacher ; de même
tjue fi on ne l'a pas fait en conformité de la dé-
nonciation (2); si fi , fuivant le droit ou la cou-
tume , on doit obfervcr certaines formalités dans
lin a61e , pour qu'il foit réputé public, il fera ef-
timé clandeHin , lorfque ces formalités feront
omifes.
Une pofleflion nouvelle contre celui qui eft fon-
de en droit commun , eft profuméc clandcftinc ,
quand elle n'eft pas éclatante, exercée par pluficurs
ades , & d'un temps confidérable , ou qu'elle n'eft
pas fonrlée en titre.
La loi dit que la pofteiïion clandcftinc eft celle
qui fe prend de la chofo d'autrui à l'infu du maî-
tre ; ignorante to i^uetn fibi controvtrfiiim fatliirum
fufpicjbatur (3), Si donc il l'a voulu, il n'y a point
de clandcftinité ; & il (vf^t qu'il l'ait fu , pour qu'il
ioit cenfé l'avoir voulu , quoiqu'il n'ait confenti
par aucun a£le extérieur: quia taciturnius & pa-
ti<nt;a confcnfiim imitantur.
Or , pour qu'il foit préfumé avoir fu la poftef-
fion d'un autre, il faut qu'elle foit publique, &
telle que les maîtres qui ufent de leurs biens ont
coutume de l'avoir & de l'exercer. S'il s'agit , par
exemple, d'un bien corporel, la polTcfiion réelle
de ce bien , qui fe prend particulièrement par la
perception des fruits, & qui fuliiroit pour être
maintenu en complainte en cas de trouble, doit être
jugée publique & parvenue à la connoiflaoce des
perfonncs intéreftees : aufîl plufieurs coutumes du
royaume ont déterminé qu'elles feroicnt courir ,
en ce cas, les délais qui ne commencent que du
jour de la connoiflance, comme en matière de re-
trait , du jour de la poiTeflion réelle prife ; & les
appointemens de preuve , fur le fait de la poiïcf-
fion , portent communément qu'elle a été publique
& exercée au vu & fu de ceux qui l'ont voulu voir
& favoir. Prafumitur enint fcientia in his quce. pu-
bLicc fiunt.
Les perfonncs intéreflees n'ont point d'excufes
en ce cas ; elles font préfumées avoir fu ce qu'elles
ont vraifemblableraent pu favoir : il faut s'infor-
•d «juera ea res pertinet , auc aliquà ratione bona: fdei pûflcf-
lionem nancîfcitur. Lt'i 6 , D. de acquit, pofiefl",
[1] L. 7 , ^fi^liut , D. quoivi aut clam. Loi iS, flc Joi
dernière , du même titre.
[1] Loi f du titre cité , $• » & fuivaas.
1 5 J Loi 6 ,D.ic acquitetiHâ poUediouf,
PRESCRIPTION.
mer de ce à quoi l'on a intérêt ; 8c fi on ne le fait
pas, on doit s imputer ce qu'on en fouffre ; fi on
ne l'a pas fu , on a dû le favoir quand l'aéle eft pu-
blic; ce qui produit le même eftet que fi l'on en
avoit été informé, parce qu'on ne l'ignore que par
une faute groffiére , qui ne mérite point de grà-
ce (i).
Il y a plus de difficulté , dans les droits incor-
porels, à prouver une poireflîon connue, ou qui
ait dû être connue par l'adverfaire , parce que les
faits n'en font pas toujours aulli éclatans & cer-
tains que dans la poftéftion des corporels : la
fcience & la patience , qui tiennent à leur égard la
place de la tradition , ne font pas préfumées par
des aôles obfcurs & équivoques; il faut qu'ils foient
publics , apparcns , propres Se déterminés à l'exer-
cice du droit qu'on prétend : leur nombre doit fup-
pléer au défaut de leur qualité. Quelq;;etois aulîi
les droits font de telle valeur, qu'il n'eft pas vrai-
femblable qu'on en ait ignoré la polTcflion , quoi-
que prife par un feul aéle. *
Voilà ce que nous enfeigne Dun' d fur la clan-
deftinité 8c la publicité de la pcffeirion néccffaire
pour prefcrire.
On a vu , de nos jours , un exemple fingulier de
l'obftacle qu'apporte à la Prefcription la clandefti-
nité de la poftéffion.
En 1713, le nommé Huet, propriéraire d'un
terrein fitué dans la plaine de Creteil , près de Pa-
ris , y fit faire , par le moyen de différens puits ,
des fouilles de pierres propres à bâtir , & il les
poufta jnfques fous le terrein d'un fieur Mercier,
qui y joignoit.
En 1754 ' 's ^'^"'' ^îercicr entreprit de faire éga-
lement fouiller fon héritage. Mais s'étant apperçu
de l'anticipation , il aftigna les héritiers Huet en
condamnation de dommages-intérêts.
Ceux-ci opposèrent la Prefcription. Le fleur
Mercier répondit qu'elle n'étoit pas acquife , parce
que l'anticipatioM avoit toujours été clandeftine. Je
ne pouvois pas en être inftruit , leur difoit-il ,
parce que vous aviez pris des raefures , en bou-
chant vos puits , pour m'en dérober la connoif-
fancc : & d'ailleurs pouvois-je foupçonner que
vous creufiez fourdemeut l'intérieur de mon ter-
rein , pendant que vous en laiftîcz la fuperficie dans
ma pleine pofleffion i*
Par arrêt du 16 Juin 1755 , confirmatif d'une
fentcnce du châtelet du 8 février précèdent , les
héritiers Huet ont été déboutés de leur exceptian ,
5c en conféquence , il a été ordonné qu'ils ëéfcn-
droient au fond.
[î] Nec enim petpetua cujulquam ignorantia ferenda eft,"
(ju.t; potfll difcuti ; &: magna negligencia cu'pa el\. Loi der-
nnrc , D. quis orJo in bonorum poffeflîonibus fcrvetut. Lei
i'.^ ,D.de verborm.i fignihcatione, Chr.pitre quia divecliu-
tcuî , tux décrctilti , de ccnceilione praebendà.
PRESCRIPTION.
§. VU. Des caufes qui interrompent la Pre/criptiort. —
De celles qui la jufpendent ou qui peuvent , lorf-
quelle eft acquife, en faire cejfer l'effet par la refii-
lution en enatr.
Nous avons , comme l'on voit, deux objets prln-
«ipaux à difcuter ici. Reprenons - lès l'un après
l'autre.
DistiNCTIOnI. Dci caufes qui interrompent la
Prcfcripùon.
Interrompre une Prefcription commencée, c'eft
rendre inutile le temps qui a précédé, & obliger
le poffefleur de recommencer à prefcrire de nou-
veau, comme s'il n'avoir pas été auparavant dans
la voie de la Prefcription.
Les moyens qui opèrent cet effet font détaillés
à l'article Interruption.
Distinction II. Des caufes qui fufpendent
la Prejcription , ou qui peuvent en f-iire cejfer i'tf-
fet par la rtjlituiion.
Il ne faut pas confondre les moyens qui inter-
rompent la Prefcription avec ceux qui h fufpendent.
Les premiers reportent le poffeiteur au même
point que s'il n'avoit pas encore commencé à prel-
crire : par les féconds , la Prefcription dort, mais
ne s'éteint pas : ils n'eiti pèchent pas qu'on re-
joigne le temps qui a précédé avec celui qui a
fuivi ; & leur feul effet eft de déduire le temps in-
termédiaire pendant lequel la Prefcription ne court
poiiir.
Quels font ces moyens .'' Les interprètes ne font
pas d'accord là-deliios. Mais nous por.vons dire en
général que les uns dérivent de la perfonns du
propriétaire; & les autres de caufes étrangères.
De la première efpèce font (ou réellement ,
ou dans l'opinion de quelques uns , ) la pupilla-
rité, la minorité , la démence , l'interdlélion pour
caufe de prodigalité, raffujettiHement à la puif-
fance paternelle ou maritale , labfence & l'igno-
rance.
La guerre , la perte , la condition pendante ,
le défaut d'échéance du temps, la défenfe d'aliéner
au préjudice du fucceffeur , le pa<5te de réméré ,
le concours d'une aSion avec l'autre, la fépara-
tion de l'ufufruit d'avec la propriété, font mifes
dans la féconde claiTe.
Examinons fi chacune de ces circonflances a vrai-
ment l'effet de fufpendre la Prefcription.
i". Il n'y a point de doute fur la Pufilla-
RITÉ. La loi ficut , au code, de Praifcript-one 30
v«/ 40 annorum, décide expreffément que la Pref-
cription de trente ans ne court pas contre le pu-
pille , & qu'elle dort pendant la pupiU^rité.
Cependant '1 y a une dilUnftion à taire entre la
Prefcription dt droit civil , la Prefcription ffatu-
tjirc , Se la Prefcription convenrionnelie.
PRESCRIPTION. 317
Ceft de la première que parle le texte cité. Ainfi
il eft bien clair qu'elle ne court pas contre le*
pupilles.
On ne diftingue même pas à cet égard û elle
a commencé avant la pupillarité ou après. M. de
Saint-Maurice, de rejlituiionihus in integrum , cha-
pitre 106 & 107, affurc que c'étoit de fon temps
la jurifprudence du parlement de Franche-Com-
té. Dunod, partie 3 , chapitre i , dit l'avoir
vu juger plufieurs fois de même , Se notamment
par .irrèt rendu le 9 juin 1725 , au rapport de M.
Tinfeau. On trouve aufii dans le journal du palais
de Touloufe , tome i, page 460, un arrêt du %
aoiàt 1734 , par lequel il a été décidé que « la Prcf-
» cription commencée contre la mère , ne fe con-
» tinue pas fur fon fils &. fon donataire, qui eft
n pupille ». On oppofoit que l'enfant avoit dans
la perfonne de fon père un adminiftrateur légiti-
me , qui pouvoir agir : mais , malgré cette circonf-
tance , dit l'auteur, il a été décidé que « la Pref-
» cription n'avoit pas couru , & qu'elle n'étoit
» pas accomplie. » En effet , la loi '^ , C de Prtzf-
criptione 30 v.l 40 annorum , déclare formellement
que la Prefcription même trentenaire dort en fa-
veur des pupilles , quoiqu'ils foient pourvus de
tuteurs.
A l'égard de la Prefcription ftatutaire , voyez ce
qui en eft dit .1 l'article Rapport a loi.
Enfin , dans la Prefcription conventionnelle , il
n'y a point de diftérencc entre le majeur & le pu-
pille ; elle court contre celui-ci , même fans efpé-
rance de reftitution en entier. C'eft lefentiment du
jurifconfuîte Paul dans la loi (îw/'/iwi , D. de mino-
nbus ,& Juftinien l'a adoptée en l'inférant dans fes
pandeélcs.
Il eft vrai que les lois accordent au mineur , &
à plus forte raifon au piifjille, le bénéfice de refti-
tiuion en entier contre le dommage qu'il a eftuyé
par une fimple omiffion. Mais le privilège de la
minorité ne peut s'appliquer qu'à ce qui a été fait
par le mineur ou avec lui , & ce n'eft qu'aux a(5ïes
de cette efpèce que le préteur, dans la loi i , D,
de minoribus , promet d'appliquer le remède de la
reftitution (i). D'ailleurs les conventions faites
avec un majeur peuvent elles être altérées par le
privilège attaché à l'âge de fon héritier t Le terme
qui eft appofé à un contra: eft une condition fans
laquelle on n'auroit pas contraélé ; il fait partie de
l'aéle , & vous ne pouvez pas divlfer une obliga-
tion quelconque , fans la détruire. Enfin . quels in-
convèniens , s'il falloir que ceux qui ont contrniflé
avec des majeurs , & qui ont arrangé leurs affaires
d'après les termes dont ils font convenus avec
eux , étoient obligés d'artendre la puberté de leuf
fucceffeur , pour pouvoir affurer irrévocablement
l'effet de fon contrat.
(i) Quôd c'.iin minore gertiiai elTe dicïtur , uti «jusque rc«
erit, aniniaùvertam.
3i8 PRESCRIPTION.
T."^. Sur In AiiNORiTÉ , il faut faire les mêmes dif-
tiniuons qu'on a faites au fujet des pupilles.
Ainfi, d'abord, point de doute que la Prefcrip-
tion d'ordonnance ou de coutume ne court contre
le mineur, au moins lorfqu'il n'eft queftion pour
lui que de gagner, & qu'il n'en foit abfolument de
irjôme de hi Prefcription conventionnelle : ce que
nous avons dit là-de(Tus du pupille , s'applique à
bien plus forte raifon au mineur.
AulTi trouvons-nous vui arrêt du parlemenj de
Dijon du 27 février 1572 , qui « juge , en rétor-
« maut une fentence du bniilinge de Châlons , que
» le temps du rachat conventionnel avoit couru
5) fans efpèrance de reftitution , pendant la mino-
s> rite de celui qui vouloir fe prévaloir de la foi-
» blefle de fon âge )>. Ce font les termes de Tai-
fand fur la coutume de Bourgogne, titre 14 , note
7. Bouvot , tome 2 , article retrait conventionnel ,
queftion 6 , rapporte le môme arrêt , mais il le date
du 23 février, au lieu du 27.
M. Louet , lettre P , §. 46 , fait mention d'un ar-
rêt fcmblable rendu au parlement de Paris le 15
juillet 1 581;. Il en avoit été rendu de pareils le 15
mai 1535 & le 26 février 1575. Us font rapportés
par le Vcft , §. 206 , & par Mornac fur la loi 38 ,
au digcftc , de min»riku.t.
A l'égard des Prefcri prions de droit civil , on
diflingue celles que nous nommons perpétuelles ,
parce qu'elles font de trente ans ou audeirus ,
d'avec celles qu'on a appelées temporelles , 6c qui
font ati-ded'ous de trente ans.
Suivant l'ancien droit , il y \voit des Prefcrip-
tions temporelles nui couroient contre les mineurs
f;ins cipoir de reftitution ; d'autres avec cfpoir de
reflitution , 6c d'autres qui dormoient pendant' la
minorité.
L'empereur Juflinien a ordonné par la loi der-
nière, au code , //j ^/;i/'Ui caujis , que la Prefcrip-
tion ne courroit plus contre les mineuis , dans le
cas où ils pouvoient être refiitues. La raifon qu'il en
rend cft finiple : nuliiis efl , dit- il , eonim jura intr.du
jerviire , quàm poil vulnenitam caufarn renudium iju:t-
rere : ( il vaut mieu>; conferver leurs droits intatls ,
que de chcrchtr à les rétablir quand on les a laiflcs
altérer ).
Il efl donc certain , fuivant le droit nouveau ,
que les mineurs n'ont plus befoin de reftitution d^uîs
les cas où le droit ancien faifoit courir la Prefcrip-
tion contr'eux , mais en leur lailfant la reftburce
de recourir au préteur qui les reftituoit en entier.
C'eft fur ce fondt^nent , dit M. de Catellan ,
livre 7 , chapitre 20 , qu'un arrêt du parlement de
Touloufe du 5 (eptembre 1698, a jugé " que la
j? Prefcription de l'hypothèque par dix ans en fa-
v veur d'un tiers polTeiTeur, ne court pas contre
3> les mineurs , & qu'ils n'ont pas même befoin
j) d'être reftitués ni relevés '•.
Et comme ce nouveau droit qui a été introduit
en leur faveur , ne doit pas diminijer leurs anciens
privilèges, il cft certain qu'ils ioul sncors aujour-
PRESCRIPTION.
d'hui de plein droit , & fans le fccours de la reftlfi'i-'
tion en entier , à couvert d.^ la Prefcription , dans
tous les cas où ils l'étoient avant Juftinien.
• Quels font ces cas ? Il feroit difficile de les déter-
miner : ils font en très-grand nombre. On peut
feulement dire en général que ce font ceux d.ins
lelquels la Prefcription auroit inféré quelque peine
au mineur , ou blefTé fon honneur: cùm ex prœf-
criptione inducitur pœna , aut infamia contra minorem.
D'un autre côté , la loi de Juftinien fe bornant à
fufpendre la Prefcription dans le cas où les mineurs
auioient pu s'en faire relever , il s'enftiit qu'elle
court encore aujourd'hui contr'eux fans efpèrance
de reftitution , dans tous ceux où elle couroit de la
forte par l'ancien droit. La raifon qui leur avoit fait
refufcrla reftitution dans ces cas fubftfte toujours.
Ceft lorfque le mineur exerce ims a6l!on odieiife
qui tend moins à fon propre avantage qu'au détri-
ment d'un tiers , ou qui ne peut l'enrichir qu'en
dépouillant quelqu'un.
Telle c{\, fuhant la toi auxilium , D. de minori-
bui , la Prefcription d'une injure ou d'un délit; &
c'eft fur ce f*)ndement , dit Montholon , §. 101 ,
qu'il a été jugé , par arrêt rendu au rapport de M,
Angenouft , que la Prefcription de vingt ans intro-
duite par la loi <juereU fal/î , au code , ad le^em
cumeliam de f.iljîs ^ couroit contre le mineur , ftnis
efpoirde reftitution. On trouve aulTi dans le jour-
nal du palais de Touloufe , tome 3 , page 325 , wn.
arrêt du 12 juillet 1709 , lors duquel on convint
unnnimement que « la Prefcription du crime par
" vingt ans , court contre les pupilles, les mineurs,
» & contre ceux qui n'ont pas de voie pour fe dé-
» fendre ".
Il en cft de même quand il s'agit d'une commife.
Quoique le mineur puifT^ fe faire relever de celle
qu'il a encourue par la faute , 8c fans qu'il y ait du
dol de fa part, il ne feroit pas reftituable contre le
laps du temps prefcrit pour demander celle qui a
été ouverte à fon profit. M. Jobelot fur la coutume
de Franche-Comté, titre delà m:iin-morte , arti-
cle 23 , dit que c'eft l'ul'age de cette province.
Au furplus , remarquez que dans les cas où la
Prefcription temporelle ne court pas comte les tni-
neurs , la minorité de l'héritier fufpend bien u
Prefcription commencée contre le défunt, mais
n'empêche pas qu'on ne joigne au temps durant
lequel on a po^Tédé contre celui-ci, le temps qtii a
fuivi la majontê. C'eft ce qui a été jugé au parle-
ment de Touloufe, le 4 juin 1711 , par rapporta
vx\(t Prefcription de dix ans. Dans le fait , la pof-
foflîon avoit com.Tiencéj en 1713. En 1720 il fiir-
vicnt une niinorité qui cefié en 1725. Vers 1730,
le mineur, qui depuis près 4^ cinq ans étoit par-
venu à fa majorité , réclame , & prétend qu'on
n'a pas prefcrit contre lui , parce qu'avant la mino-
rité, i' ne fe trouve que ftp: ans de pofTeirion ,
& que pour le temps écoulé pendant fa minorité,
il a droit ce s'en faire relever, tant qu'il n'a pas
aiteini fu trentc-cinqi'lème année. Par l'arrêt cité,
Jj
^RESCÎIIPTÎON.
laPrèfcrlptiona été jugée valablement acquifc On
verra dans Tinftant que la même chofe avoit déjà
été jugée en 1651, & nous détaillerons , d'après
M. de Catellan , les motifs de cette décifion. ^
Une autre obfervation bien importante , ceft
-que la Prefcription temporelle qui n'a pas couru
contre un mineur, ne court pas non plus contre
fon liéritier, fi celui-ci eft également en minorité.
C'eft ce qui a été jugé au parlement de Dijon ,
par arrêt du 7 août 1664 (i).
Rertent les Prc(cripnons perpétuelles ^ c'eft-à-dire
de trente ans ou au-deffus ; & à cet égard , il y a
trois points à examiner : le premier , de favoir , fi ,
aux termes du droit civil , elles courent contre les
mineurs ; le fécond, fi ceux-ci peuvent s'en faire re-
lever ; le troifième , quelle eft là-defTus notre jurif-
prudence ?
Sur le premier point, nulle difficulté. La loi der-
rière , au code , in quitus caufïs , & la loi 3 , de
prafcriptione 30 vcl 40 annorum , décident expref-
iement que la Prefcription de trente ans court con-
tre les mineur?.
Sur le fécond , les fentimens font partagés. Les
uns difent qu'il y a lieu à la reflitution , quand on
a commencé à prefcrire contre le mineur, mais
non hors de ce cas. Leur raifon en eft que le com-
mencement de la Prefcription en forme la bafe ,
& qu'il eft le principal objet des lois qui l'ont
établie.
D'autres penfent que la reftitution ne doit être
accordée que dans le cas où la Prefcription a fini
avec la minorité , parce que c'eft la fin de la Pref-
cription qui caufe la léfion.
Quclquts-u'is foutiennent qu'en aucun cas les
mineurs ne doivent être reftitués contre la Pref-
cription de trente ans.
Niais l'opinion la plus commune eft que cette
reftitution ne peut leur être refufée dans aucun cas.
Duperrier, livre i , queftion 4 , cherche à con-
cilier ces deux derniers avis , en difant que le mi-
(i) Ctt iirêt cil rapporté par Ravioc , fur Psuier , tome
i, ciut.lion 5 41', nombre 1 1. Voiâ les termei de cet auteur.
« M*^ Français Guyoa cpojfe M.ideleing Dcsciaux , hllc
as de la nommée Ca'heJin ; cette nicre marie Jeanne Def-
»> claux, fa cadette, avec Je noinnié Vernaut ; Guyon ic fa
« belle mcre foHJaireirenc lui conrtituen: en dot i loo liv. ,
j» moyennant quoi cette cadette renonce au profit de fon
a» aînte aux fuccefljons paterncTe &: maternelle, & même à
» la fuccefllon d'un oncle (jui étoit échue: Jeanne Defclaux
s> n'étoit âgée pour lors que de feize à dix-fej^t ans; elle
»j meurt à l'à^e de vingt un à vingt deux ans, & JaifTe cfeux
»» cnfans miceurt; leur pire meurt , 6> leuri enfant âgéi de
» vingt fix à vingt fept ans fc poiirvoyoient par lettres de
a» refcifion contre la renonciation faite par leur mère : on
M leur oppofe la Pre'cription de dix années qu'on foutient
a» avoir dû commencer du jour que leur mère auroit été ma-
« jeure , flr finir au jour qu'elle au.oit eu tiente cinq années
» complettcs : ils téponlcnt que cette PrefctijUion n'a pu
M courir contre eux pendant leur minorité : leurs lettres de
n tefcifion font entéiinées au bailliage de MontCcnis. Ap-
a> peJ à la cour, Se par arrêt rcn lu à l'audiencç puUliauç Je
M 7 août 166^ , la fencencfi fut confîimée »,
T9mt XIII.
PRESCRIPTION. jî^
Deur doit être rcftîtué quand il n'a point de cura-
teur , mais que du refte le fentiment qui exclut la
reftitution eu le plus régulier. Il eft en effet fondé
fur deux textes auxquels on ne voit point de re-
ponfe folide.
Le premier eft celui de la loi 3 , au code , de
ptefcriptione 30 vf/ 40 <ï/:^OAKm , par lequçl les em-
pereurs qui ont introduit la Prefcription de trente
ans , n'en ont excepté que les pupiles, & ont or
donné qu'elle auroit lieu contre tous les autres pri-
vilégiés. (1).
Ils ont même déclaré expreflement que lorfque
le pupille auroit atteint la puberté , la Prefcription
de trente ans commenceroit à courir contre lui;
nàm ciim ai eos annos perventrit qui ad folUciliidi-
nem pertinent curatorh , neceJJ'anb eis , SIMILÎTER
UT ALUS , annorum triginta intervdla fervandajuni.
Ces mots , ut aliis , font remarquables , parce qu'ils
donnent à la Prefcription de trente ans le même
effet contre le mineur que contre les autres per-
fonnes qui n'ont point de privilège en ce cas.
Le fécond texte eft celui de "la loi dernière ,
au code , in quibus caufis. Juftinien y établit d'abord
que la Prefcription temporelle ne courra plus con-
tre les mineurs dans les cas où l'ancien droit leur
permettoit de s'en faire relever , parce que ce feroit
la faire courir inutilement. Enfuite, il ajoute qu il
n'entend pas toucher, par cette difpofition nou-
velle , à ce que les lois précédentes avoient réglé
fur la Prefcription de 30 & de 40 ans, à l'égard des
mineurs : videlicet , exceptionis 30 vel 40 annorum ,
in fuo Jlatu manentihus. L'empereur a donc penfé
que fuivant les anciennes lois , la minorité n'etoit
pas un inoyen de reftitution contre la Prefcription
de trente ans ; autrement, il auroit eu la même rai-
fon pour fufpendre cette Prefcription pendant la
minorité que pour interrompre , dans le même in-
tervalle, le cours des Prefcriptions temporelles. S'il
avolt cru le mineur également reftituable contre
toute efpèce de Prefcription , il auroit appliqué à la
première la même règle qu'aux autres ; parce qu'il
eft vrai de dire à l'égard de tontes, (\wq melius efl
inta6la jura fervare y quant pojl vulneratam caufam rt"
médium quczrere.
Enfin , comme l'obferved'Argentré, fur l'article
266 de la coutume de Bretagne , chap. 1 2 , nombre
19, le bien public doit l'emporter fur la faveur de
la minorité ; 5c ce feroit tenir la tranquillité des ci-
toyens dans une incertitude perpétuelle , que d'ac-
corder aux mineurs la reftitution en entier contre
la Prefcription de trente ans (2).
f l] Non fexùs ftagiiitate , non abfentiâ , non militià con-
tra hanc legem defendcndâ ; fed pupillari tantùm a:tate ,
quamvis fub tacoris autotitate confîftac, huic eximenda fanc-
tioni.
[i] Toifi les termes de cet duteuf.ea y reconnoîtra cette foret
&• ce h»n fins qui lui font propres : Placet acquircntium lecuri-
tati potii'tj confuli , qui» dominia coavcHi prxtextu minorr-
ta^is; quùd Ci aliter ftatuitur , incerta & vaga fuot letum do-
minia.&pleni infidiarum evsntJS ; fi fuo jure minores, fl
cûani CtfdeiuPÙi «ftiouibui c»;eiHJ , çnsrno etiaw favore , ai
T t
330 PRESCRIPTION.
Sur le troifièfhe point , c'eft-à-dlre , fur la quef-
tion de favoir quels font dans nos mœurs l'état &
le privilège des mineurs par rapport klaPrefcrip-
tion ; il faut diftinguer les pays de droit écrit ,
tl'avec -les provinces régies par le droit coutumiei.
Dans les pays de droit écrit , on devrolt, d'après
ce que nous venons de dire non feulement faire
courir la Prefcriprion trcntenaire contre les mi-
neurs , mais même rcfufcr à ceux-ci la faculté de
s'en faire relever.
C'eftauffi ce quia été jugéenplufîeirrs accafions;
mais le plus fcuvein on a ufé d'indulgence, & tan-
tôt on a accordé aux mineurs le bénérice de la refti-
tution , tantôt on a été jufqu'd le déclarer inutile ,
Si. on a décidé que la Prefcription de trente ans ne
couroit point con.^r'eux.
Retraçons les arrêts qu'ont rendus fur cette ma-
tière les purleinens dans le reiTort defquels fe trou-
vent, en tout ou en partie , les provinces dont il
eft quedion.
Parlcmçnt de Paris. On fait qu'une partie du reÇbrt
de cette cour n'a point d'autre code municipal que
le droit romain,
Henrys , tome 2 , livre 4, queftion 135 , & Bre-
tonnier , fon additionnaire , affiirent qu'on y fait
ahfolument dormir la Prefcription de trente ans
pendant la minorité.
Piirltmcnt de Touloufe. Ferrierc fur la qucHion 3 1
de Guy Pape, & Defpeilfes , tome i , page 717 ,
difent que, fuivant la jurifprudence du parlement
de Touloufe, la Prefcription court contre les mi-
Hiurs, mais qu'ils peuvent s'en faire relever dans
Ks dix ans de leur majorité.
M, de Catellan , livre 7 , chnp. 10 , tient précifé
ment le même langage; & il rend compte d'un
arrêt du 2g août lôiji, qui , dans un cas fembla-
ble à celui de l'arrêt du 4 juin 1751 , rapporté ci
delTus , a refisfé la reftitution au mineur contre
l'auteur duquel la Prefcription avcit commencé (i).
vcxandos alienos contrariu- aimiitantur , quia nulli ferè
piafcriptîo peificitur , in quà non rainor aliquis intcicurrat ,
auc occjriar.
(i) Voici les termes de ce magillrat :
« La Prefcvipcion court à la vérité contre le mineur de
u vingt-cinq ans, mais il peut être reQitué contre tout le
ai temps qui a couru pendant fa minorité , s'il demande cette
m re'lituîion dans les dix ans après cette minorité ; c'eft
M à-dire , dans la trente-cinquième année de fon âge. Mais /î
3* la Prefcription a commencé contre le défunt majeur , &.-
w que l'héritier mineur au commencement , mais depuis Hia-
» jeur , laifTe écouler le temps qui manquoit à la Prefcription
« contre le défunt : par exemple ," fi un père ou un autre ma-
» jeur de vingt cinq ans demeure ving neuf ans fans agir, &;
w qu'il laifTe fo 1 fils, ou autre héritier mineur, & que cet
»> héritier laifH; pafTer la vingt-fixième année de ton âj;e fans
» intenter d'aftion , il ne pourra point écre refiitué, d'autant
» que joignant les deux temps, celui qui a couiu contre le
>• défunt majeur , & celui q'.ii a couru contre l'hétitier de-
» puis fa majorité , le temps requis par les lois s^y trouve
=• tout entier contre àzs majeurs, ('ette queftion fut ainfi dé-
• cidée par arrêt rendu à la pre^nière chambre des enquêtes
»• le i^ août i«i 5 , au Ui^port dç M. Madian. Lç mineur o^- f
PRESCRIPTION.
On trouve dans le journal du palais de Tciiloufff ,
tome 5 , page 335, un arrêt du 13 juin 1695 > ^"">
cft annoncé dans le fommaire , comme jugeant que
lu Prefcription de trente années court contre le mineur.
L'auteur ne dit pas que dans l'efpèce , on eût
obtenu des lettres de reftitution en entier contre
le laps de temps ; & quand cette circonftance fe fût
rencontrée , on auroit encore dû juger de même ,
parce que le mineur ne combattoit la Prefcription
que pour fe faire payer des intérêts au fujet delqiiels
il n'avoit été fait en fon nom ni commandement ni
interpellation au débiteur, cas où, comme l'éta-
bliflent tous les auteurs , la reftitution doit lui être
rigoureufement refufée , parce qu'elle ne feroit que
lui procurer im gain odieux (i).
Le même recueil , tome i , page 190 , nous four-
nit un arrêt du 28 juillet 173 i > qui juge qu'un mi-
neur ne peut pas , même avec le fecours de lettres
de refiitution en entier, exiger plus de vingt-neuf
années d'un droit feigneurial. Cela jufliHe l'opinion
de Dunod (2), « qui croit qu'il feroit jufte de ne
» reflituer le mineur que quand il s'agiroit d'un
» capital, & que la Prefcription lui cauferoit un
» préjudice confidérable ».
Il y a encore dans le tome 2 , du journal du pa-
lais de Touloufe , page 62 , un arrêt du 12 juillet
1736, qui prouve avec quel foin le parlement de
Languedoc diftingue , par rapport à la Prefcription ,
l'état du pupille d'avec celui du mineur. Un fitur
Fraifiines avoit vendu un fonds auquel étoit atta-
ché une fervitude de paffage. Le proprié;aire du
fonds fervant avoit fait, pendant la pupillariié &
la minorité du fieur Fraiffines , quelque chofe qui
préjudicioit à cette fervitude. Quefiifin de favoir fi
la perfonne à qui celui-ci a vendu, peut écarter la
Prefcription par la faveur que la ici accorde à fon
vendeur .' L'arrêt met une difierence entre le ten-.ps
qui a couru pendant la pupillarité , & celui qui a
» pofoit que la Prefcription ayant couru cmtre lui durant fa
» minorité , & étant devenue complet e , il n'y pouvoi létre
» rien ajouté ; mais que le bénéfke de fa|reftituticn accordéà
» fon .îge , le mettoit en état de la demander dans hs_ dix
» ans après la vingt cinquième année, &: que le dcbiteur
» ayant prefcritdiira'nt le cours de la minorité , régardé donc
» àiî\o'itJ:nquam fo'venn p.m-dis ,c'ito'n comme s'il avoit
» payé alors le mineur ; &: que fur ce pied il devoit avoir du-
M rant les dix ans aprè^ fa majorité le bénéhce de la reftitu-
» tion , comme envers le payement d'une fomme par lui re-
n çue & par lui perdue, ou mal employée. Mais le cas de .a
» reftitution eft lors que le débiteur a bcfoin , pour pref-
M crire, du temps qui a ccii u durant la minorité , & non
n dans le cas où il a pu piefcrire fans compter ce tcmps-!a; iJ
jj n'eft fans di u e pas juite a'ors qu'un temps qu'il a de refre
M lui nuife. La fiaion du payement eit avec beaucoup de
.» rai fon portée en ce cas , au temps où le payement a pu être
■>■> sûrement &: utilement fait; c'eft-à-dirc , à Tannée qui fxe
» irrévocablement la Prelcription , trentième année qui a
» couru contre Ifs majeurs ».
(l) Non reftituitur minor ad lucium odiofum , cùin alie-
tius damno exig^ndum, & non ut minot fed ut Iceius relti-
tiiitur.
[p.) Des Prçfcriptions , partie J , chapitre !.
PRESCRIPTION.
couru pendant la minorité. Il décide que le pre-
înier ne peut pas lervir à la Prefcription , parce
qu'on ne prefcrit pas contre les pupilles,: mais
par rapport au fécond , l'arrêt juge que « l'acqui^- ,
n reur n'étoit pas recevable à oppoier la faveur
m de FrailTines fon vendeur , contrs la prefcrip- '
>» tien ». Pourquoi cela.-' Parce que, d'une part ,
la Prefcription étoit valablement encourue , & que
de l'autre, Fraiffines n'avoit qu'une adîion refcifoire
pour s'en relever ; a6iion qui ne palTe pas à un fuc-
cefleur à titre fingulier, fans uneceflion cxprefle.
Parlement Je Grenoble. Guy-Pape , queftion 31 ,
dit que de fon temps on jugeoit au Parlement de
Grenoble que la Prefcription trentenaire court
contre le mineur, mais qu'il peut s'en faire relever.
Chofier , fur cette même queftion , cite un arrêt
du mois de juillet i66y, par lequel il prétend que
le contraire a été jugé. Cependant , à prendre l'ef-
pèce de cet arrêt telle qu'il la rapporte , il paroît
avoir feulement décidé que la Prefcription de trente
ans court contre le mineur ; Si on ne voit pas que
la queftion de favoir s'il peut en être relevé y ait
été agitée.
Le môme auteur dit, que par un arrêté du 22
décembre 1616 , il a été réglé qu'à l'égard de
la Prefcription de quarante ans , on n'accorderoit
la reilitution en entier qu'.Tux pupilles , & que par
conCéqueat elle feroit refufée aux mineurs.
Parlemint de Bordeaux. La Peyrere , lettre L ,
nombre 68, prétend aiïimiler la jurifprudence de
cette cour à celle du parlement de Toiiloufe. » En
>) Prefcription de trente ans , dit-il , foit qu'elle
s> commence par le mineur ou qu'elle ait fuccédé
»» au majeur, elle dort en punillarité & court en
»» minorité; mais avec le bénéfice de reftitution ,
»♦ lequel fe doit demander dans l^s dix ^ins d: l'or-
»• donnance pour les années qui ont coutu jufqu'à
n l'âge de vingt cinq ans ; autrement les dix ans
« pnfTés, foutei les années fe joindront & cour-
M ront fans différence ».
Après s'être ainfi expliqué, il cite Guy-Pape,
Perrière, Ranchin , M. le préfident Favre ; puis , il
ajoute : « cette décifion efl toute véritable, & nous
« avons peine à nous en défaire dans nos confulta-
>» tions , nonobflant quelques arrêts contraires don-
n nés en ce parlement )>.
La Peyrere ne dit pas quels font ces arrêts , ni ce
■qu'ils ont jugé : mais fon Annotateur nous l'ap-
prend.
Par arrêt (dit-il) du 14 janvier 1668, rendu au
rapport de M. Duverdicr , & conforme 3vn autre
rendu précédemment au rapport de M. dcGcncile,
il a été jugé en faveur d'une fille réclamant fon bien
vendu par fon père , que la Prefcription n'nvoit
pas couru cojitr'eile après le décès de celui-ci, quoi-
qu'elle eut alors vingt-deux ans ; qu'on n'avoit pu
commencer à poiTéder valablement à fon préju-
dice , du moment où elle étoit devenue majeure ;
&. que pour empêcher qu'on ne fe prévalût des
trois ans écoulés entre le décès de fon père & fa
PI^ESGRIPTlOî^. ,531
majorité , elle n'avoit eu befoin ni de fc pourvo.r
avant fa trente-cinquième année , ni d'obtenir des
lettres de reftitution en entier.
Un autre arrêt de 1675 ^ Ï^S^ 1"^ " ^^ Pfefcrip-
» tion légale ne court jamais contre l'adulte, bien
» qu'elle aît commencé fur la tête du majeur, avec
i> cette différence néanmoins qu'après que le rai-
» neur a atteint fa majorité , on déduit des trente
» ans qui lui font donnés , le temps qui a couru fur
» la tête du .Miajeur n.
Le même auteur dit encore : « tous les arrêts
» poftéricurs, cjui font en grand nombre , ont jugé
V que la Prefcription dort pendant la pupillaritc ik
»> pendant la minorité, & que le mineur n'a pas
)! befoin de lettres pour être relevé du laps de
V temps , puifqu'il ne court point ».
Parlement de Dijon. La jurifprudence de cette
cour a varié fur la matière dont il eft ici qucAion.
Taifand (i) rapporte un arrrêt du 13 février
1689 , qui juge que la Prefcription ne court pas
plus contre les mineurs que contre les pupilles, &
que les premiers n'ont pas plus befoin que les fé-
conds , de lettres de rcfîitution en entier, pour en
faire cefler l'effet.
Mais depuis le 2 avril 1697, il eft intervenu
un autre arrêt qui , dans un cas où il n'avoit point
été obtenu de lettres de reftitution en entier , a
décidé que "la Prefcription de 30 ans commencée
» contre le majeur , a fon cours contre le mineur ».
Et depuis encore le 27 mars 1724 , la cour , les
chatr.bres conjultées , procédant à la rifitation d'un
procès dont il feroit trop long de rendre compte.
Il décid: ijue la Prefcription trentenaire navoit point
cours en. Bourgogne pendant la pupillarité ; mais
Cjii\Us couroit pendant la minorité depuis la puberté y
fous l'efpérance de rcjlituiion pour les mineurs. Ç.efont
les jjropres termes de l'arrêt. Il eft rapporté en
forme par Raviot , queAion 345 , nomb. 8.
parlement d'Aix. Cette cour n'a jamais douté que
la Prefcription ne courût contre lt;s mineurs. Mais
fur la queftion de favoir fi l'effet de cette Prefcrip-
tion peut être éludé par des lettres de reftitution en
entier , la jurifprudence n'a pas toujours été la
même.
M. le préfident de Bezieux , liv. 7 , chap. 2 , §. 4 ,
rapporte quatre arrêts du 27 oftobre 1570, de
1650 , du 13 mars 1653 S>c du 27 janvier 1656, qui
ont jugé que " le mineur ne peut être reftitué con-
» tre la Prefcription de trente ans ».
L'opinion contraire a été adoptée par un autre
arrêt du 24 janvier 1667, rapporté dans le recueil
de Boniface , tome i , livre 8 , titre 2 , chapitre 4.
Mais peu de temps après , le parlement d'Aix
eft revenu au fentiment qu'il avoit fuivi jufqu'alors,
& un arrêt du 14 mars 1678 a rejeté les lettres de
reftitution , « bien qu'il fût queftion , dit M. de
M Cormis , (2) d'un refte de dot Si d'une légitime ,
[j] jiir k titre 14 de la coutume de Bourgogne, note- 7.
(1) Tome i , col. 1 5 :o , chap. jj.
Ttij
33i PRESCRIPTION;
V qui font les dettes les plus favorables ».
Pareil arrêt le 15 mars 1687 : on le trouve
dans le recueil de Boniface , tome 4, liv. a, titre i ,
chapitre aï.
Le parlement d'Aix a été plus loin. Il a rejeté
la reftriflion que Duperrier vouloir mettre à la
jurifprudence , en faveur de ceux qui font en mi-
norité fans être pourvus de curateurs. M. Julien ,
dans fon commentaire fur les ftatuts de Provence,
tome 2, page 504, fait mention d'un arrêt du 25
juin 171 1 , par lequel il a été jugé y dans le cas for-
mel où le mineur n avait point eu de curateur , que la
Prefcription de trente ans n'avoit pas laifTé de cou-
rir contre lui ; & , ce qu'il n'eft pas indifférent de
remarquer, on n'a fait en cela que fuivrc lefenti-
mcnt de M. le préfident de Bézieux (1) , qui déjà
avoit condamné Duperrier.
Parlement de Befançon. M. de Saint-Maurice de
rtflitutionibus integrum , chapitre iio, affure que,
de fon temps , le parlement de Dole , qui depuis a
été transféré à Befançon, n'admettoit pas la reftitu-
tion contre la Prefcription de trente ans, pour caufe
de minorité (2).
M. Boivin, dans fes notes fur la pratique du même
auteur , liv. 1 , tlt. 1 4 , dit " que ce parlement n'ac-
« corde point de relief contre la Prefcription de
»> trente & quarante ans , non par faute d'autorité,
M mais parce qu'il importe au bien public qu'on
r> ne touche point aux chofes qui ont demeuré en
»> une main pendant fi long-temps , lequel, comme
« dit la loi, doit donner toute forte d'aiïurance ,
w & couper la racine à tous procès ».
Mais qui voudroit jwger par le témoignage de
ces anciens magirtrats , de la jurifprudence afluelle
du parlement de Befançon , fe tromperoit étrange-
ment. » Je trouve , dit Dunod , que le parlement
» de cette province s'eft infenfiblement écarté de
r> fon ancienne jurifprudence fur ce point , & qu'il
» a enfin embraffé l'opinion commune. Lorfque
M des mineurs lui demandoient d'être reftitués
« contre la Prefcription de trente ans daas des af-
»> faires 4e conféquence , & où il paroiflbit une
» grande équité de le faire, il renvoyoit leur de-
» mande au prince, comme s'agifTant de difpenfer
n de la loi. Le prince accordoit le relief, & le par-
j» lement l'entérinoit. Il y a apparence que ces re-
>» liefs fe donnant de l'avis du parlement , qui avoit
« le pouvoir d'en accorder dans les cas ordinaires,
5» & le prince voulant éviter le circuit & les frais
« que les parties faifoient en recourant à lui même ,
j> trouva bon que le parlement en accordât pour
i> caufe de minorité contre la Prefcription de trente
M ans, & que cette cour s'eft enfin relâchée à les
» accorder fur la feule minorité , & fans exiger
[i] Loc.-cit.
[2] raffirn i fçnatu Dolano rejicîuntur eorum fupplicatio-
nes , qui fe adverfùs uiginta annoiuiu prefcriptioneni petuHt
Kflicui , etiaœfi minores iint.
PRESCRIPTION.
« d'autres circonftanccs. M. Terrier , dans fon te^
w cueil d'arrêts , en cite un du 4 mars 1597, par
i> lequel un particulier, qu'il ne nomme pas, fut
» rellitué, par le pai lement , contre la Prefcription
1» de trente ans qui avoit couru pendant fa mino-
» rite. Il dit qu'il y en avoit déjà eu un femblable
» pour M. de 'Vateville, qui fut confirmé en révi-
« fion par le confeil fouverain de Malines., le 3
î) janvier 1598 , & c'eft aujourd'hui une jurifpru-
M dence certaine parmi nous. Je l'ai vu juger aux
» enquêtes, le 11 juillet 1717, pour les nommés
ji Piaget ; & au parlement de Metz , par arrêt du
» 7 feptcmbre 1725 , dans une caufe évoquée de
» cette province , entre MM. de Vaytte & Borey,
M madame d'OiTe & fes enfans >^.
Voilà ce qu'on juge dans les différents paricmens
dont les reilorts font compofés de provinces régies
par le droit écrit , ou , ce qui revient au même,
foumifes à des coutumes qui ne décident rien par
rapport aux mineurs , & renvoyent aux difpofi-
tions de ce droit , la décifion des cas qu'elles n'ont
pas prévus.
Paffons maintenant aux pays vraiement coutu-
miers; nous ny trouverons guères plus d'unifor-
mité.
Il y a des coutumes qui ont adopté la jurifpru-
dence du parlement de Touloufe. Telle eft celle
de Berry : elle déclare , titre des Frcfcripcions , art*
I Si 2 , que la Prefcription de trente ans court con-
tre les mineurs; mais que ceux-ci peuvent s'ea
faire relever par le bénéfice de reftitution ea
entier.
La coutume de CalTcl noïis préfente le mêms
efprit : elle porte, article 41 , que la Prefcription
de trente ans & trente jours , alTure au pcfTefTeur
d'un héritage la propriété incommutable, «fies
» n'étoit à l'égard de quelque mineur , lequel ,
n après fon âge de majorité, feroit obligé de pour-
» fuivre fon droit dans l'an & jour ». Voyez
Teneure.
Il faut ranger dans la même clafTe la coutume de
Gorze. A la vérité elle décide , cliap. 14, art. 10,
» que la Prefcription ne court contre pupilles mi-
» neurs pendant leur minorité , ni autres quel-
» conques perfonnesqui ne peuvent agir & pour-
i> fuivre leur droit en jugement , & qui font ea
» tutelle , curatelle ou puifTance d'autrui ». Mais
l'article fuivant prouve très- clairement que la cou-
tume n'a entendu par -là accorder aux mineurs
que le droit de fe faire ref^ituer en entier contre
là Prefcription. Voici comment il eft conçu : « Ils
» font relevés auffi tôt qu'ils le requièrent , y étant
» même réccvables dans les dix premiers ans &
» jour de leur majorité ; & par après nullement ».
La coutume de Lorraine paroît plus rigoureufe :
elle fait valoir la Prefcription trentenaire contre It
le prince ou le vajfal , ou tout autre quel il fait. Cette
difpofition , qui efl confignée dans l'ar icle 1 du
tu. 18 , comprend sûrement les mineurs. Ainfi on
doit fuivre , en Lorraine , la jurifprence établie
PRESCRIPTION.
âàns le reflbrt du parlement de Provence , par les
arrêts du parlement d'Aix que nous avons rapportés
ci-defTus.
La coutume de Bretagne fait la même diftinc-
tlon que Duperrier a inutilement tenté d'intro-
duire au parlement de Provence. Elle porte , arti-
cle a86 : «que les Prefcriptions introduites & ap-
M prouvées par la coutume, ou par les contrats &
» conventions des parties, commencées avec les
» majeurs , courent contre abfent , pour quelque
>> canfe que ce f©it , mineure , infenfés, furieux ,
» prodigues , interdits , étant pourvus de tuteurs ou
» curateurs , fans aucun efpoir de refîiiuiion ou re-
V lief, fawf leurs recours contre les tuteurs , cu-
}) ratcurs & autres adminiflrateurs n.
La jurifprudence du parlement de Rennes a
interprêté cet article d'une manière bien favorable
à la Preicription : témoins les trois arrêts de cette
cour des lo mars 1721 , 29 inai 1734 Sc 19 juillet
1737 , qui font rapportés par Devolant , lettre M ,
chapitre 28, & dans le journal des audiences de
Bretagne , tome i, chap. 14 ; & tome 3 , chap. 43 :
ces arrêts jugent & « il eft de maxime aujourd'hui
n que les longues Prefcriptions de trente & de
» quarante ans, courent même contre le mineur
» imoourvu , & que le tuteur commence à prcf-
« crire contre l'action de tutelle du jowr qu'elle a
« ceflc , quoique le mineur ne fût pas alors ma-
i> jeur». Ce font les termes de Poulain du Parcq ,
dans fes notes fur l'article cité.
La coutume de Lodunois , chap. 20 , art 7, porte
que la Prefcription de trente ans ne court pas con-
tre les mineurs, quand elle a commencé durant
leur minorité ; mais elle ajoute que fi la Prefcrip-
tion a commencé contre un majeur , elle fe con-
tinue valablement contre fbn héritier mineur : « dif-
» pofuion extraordinaire, dit M. Cottereau (i) ,
ï> qu'il faut reflreindre au cas où les mineurs font
» pourvus de tuteurs ». Cette reftriâion cft aufTi
adoptée par Prouft, page 361 , par Chauvelin dans
fa note fur l'article cité de la coutume de Lodunois ,
par Pothier , des Prefcriptions', nombre 22 ; Scieur
fcntiment a été confirmé par un arrêt du premier
feptembre 1760. Voici comment M. Cottereau , à
l'endroit cité , en rapporte l'efpèce : « Le fieur Tour-
« neperte , créancier d'une rente due par le fieur
■)■> Guitton , faute de payement de plufieurs années
« d'arrérages , s'étant mis en poflefTion de la mé-
>» tairie des Treilliers, fituée dans le Lodunois , qui
« ctoit chargée de la rente , la donna de nouveau
n à rente à la dame de Malmouche. Plus de qua-
» rante ans après, l'héritier du fieur Guitton de-
» manda à rentrer dans la métairie , parce que
M ( comme il ctoit mineur à la mort de celui-ci ,
j» & qu'il avoit toujours été dépourvu de tuteur) ,
>• il n'y avoit pas 30 années de temps utile à la
•n Prcfcription. La dame de Malmouche oppofa la
y> «lifpofition de la coutume de Loudun ; mais ,
CO Dioit général de la Fiance j nombre 7145,
PRESCRIPTION. 3^3
» quoique le demandeur n'eût pas pris de lettres
» de refcifion contre la Prcfcription , il fut jugé
>» qu'elle n'étoit pas acquife ».
La coutume de Baillcul en Flandre , s'eiî réfère
abfolument au droit romain. « Réfervant en tou-
5» tes Prefcriptions les mineurs, — .contre lef-
» quels il ne courra point de Prcfcription plus
M prompte ni autre que fel©n le droit écrit ». Ainl
s'explique cette loi municipale , rubrique 21 , ar-
ticle 6.
La coutume de Bourhonnois, article 33, fait
dormir la Prcfcription à l'égard des mineurs, juf-
qu'à ce qu'ils aient vingt- ans , fi ce font de%mâles ,
ôc fcize ans , fi ee font des filles.
La coutume de Hainault eft la plus fjngulière
de toutes. Elle permet, chap. iC7,art. 2,depref-
crire contre les mineurs ; mais c'eft à condition que
les fix premières années de la Prcfcription aient
couru contre une pcrfonne revêtue de toutes ie.s
qualités requifes pour pouvoir aliéner. Ainfi , dans
cette coutume , on peut bien compléter contre un
mineur une Prcfcription commencée contre celui
à qui il a fuccédé : mais on ne peut jamais en com-
mencer une contre lui-même.
La plupart des autres coutumes ont fuivi l'opi-
nion adoptée par les parlemens de p.iris & de Bor-
deaux. Elles décident généralement que la Prcf-
cription de trente ans dort pendant tout le temps
de la minorité, & que nulle po(reffion ne court
utilement contre un mineur.
Te^es font Paris, art. 118; Calais, art. 30;
Chaulny, art. 63 ; Amiens , art. 160 & 161 -, Metz,
Ville & Cité , tit. 14 , art. 3 & 4 ; Metz Evêché ,
titre 16, art. 3 ; Verdun , tit. 13 , art. 2 & 3 ; Vcr-
mandeis , art. 142; Châlons, art. 146; Reims,
t!t.-38i ; Clermont en Beauvoifis , art. jo ; Valois ,
art. I 20 ; Sedan , art. 314; Clermont en Argonne ,
chap. 14, art. 1 ; Châtellenie de Lille, chap. 17,
art. 4 ; Gouvernance de Douai , chap. 14 , art. 2 ;
la Gergue , art. 46 ; Bar-le-Duc, art. 189 ] Saint-
Michel , tit. 10 , art. 2 ; Epinal , tit. 1 1 , art. 4 ; Mar-
fal, art. 79 ; Valanciennes , art. 95 ; Boulonnois ,
art. 120.
La coutume de la Marche doit être rangée fur
la même ligne, puifqu'elle déclare , chap. 13 , art.
91 , « que la Prcfcription trentenaire a lieu feule-
)i ment contre ceux qui ont la faculté de pourfuivre
» leurs droits & aflions en jugement ".
Et il n'eft point douteux qu'on ne doive le juger
alnfi dans toutes les coutumes muettes. Voèt, fur
le digefte , titre de ihinonbus , nombre 29 , en donne
une raifon fans réplique. Dans nos mœurs , dit-il ,
comme on ne met point de différence entre la tu-
telle & la curatelle , on n'en met pas non plus en-
tre les pupilles & les mineurs; l'état des uns 5c
des autres eft abfolument le même par rapport à la
pourfuite de leurs droits ; ceux-ci ne font pas plus
capables que ceux-là ; ainfi la Prcfcription ne doit
pas plutôt dormir en faveur des féconds, qu'en fa-
veur des premiers.
334 PRESCRIPTION.
L'auteur ajoute que c'eft l'opinion de deux cé-
lèbres jurifconfulies Flamands , Grotius & Ma-
thieu.
Mais purfonnc ne s'eft mieux expliqué fur cette
matière que Raviotà l'endroit indiqué ci-deflus.
» Je conviens , dit-il , que par le droit romain
»> la Preicription trentenairc couroit contre le mi-
»> ncur ; mais c'eft que , parmi les Romains , la
» tutelle fîni^Toit à l'âge de puberté ; ainfi le mineur
>» pouvoir agir par lui-même, &, n'étant point
j» fous la puiflance d'un tuteur , il pouvoit très-
M aifément fc garantir de la Prefcription ; il étoit
ï> nai*e de fes allions civiles & pcrfonnelles ;
» & pourvu qu'il fe fit affifler d'un curateur qu'il
w choififlbit , éi qu'il fe faifoit nommer lui-même ,
» il avoit la libre adminiftration de fes biens Si de
« fei affaires ; il pouvoit donc bien facilement fe
»> mettre à couvert de la Piefcription,
j) Mais en Bourgogne, le mineur eu. comme le
»» pupille ; jufqu'à fa majorité complette , il eft tou-
« jours fous la {dépendance d'un tuteur , qui feul
» pofsède tous fes droits 6c toutes fes aihons : le
i> mineur ne peut pas efier en jugement ; il n'efl
» pas même inrtruit de l'état de fa fortune, il ne la
>» conncît ni en général ni en particulier ; comment
" la Prefcription peut-elle donc courir contre lui ,
>» lui qui ne fait s'il a des biens qu'on prefcrit à fon
>» dommage, ni dans quel temps on a commencé &
>♦ dans quel temps on achèvera de les prefcrire.
» C'eft donc le cas de dire , ou jamais , que la Pref-
» cription commencée contre le majeur i^ con-
*■> tinue point de courir contre le mineur pendant
>» fa minorité : contra non valintun agcrc nnn currït
« frefciptio. Cet axiome, fondé en raifon & en
» juflice, fe trouve tout-à-fr.it applicable au mi-
» neur de Bourgogne : n'eft-il pas contre tome
>> équité d'admettre la Prefcripùon contre celui
» qui eft lié , & qui ne peut agir pour l'empccher ?
•n Mais quoi , dirat-on , la condition de c.-lui qui
»> a commencé de prefcrire contre un majeur pe«t-
V) elle être rendue plus mauvaife par un mineur,
» qui , par ccffion ou autrement , vient fuccéder
« au majeur , 6c fe mettre à fa place ? Le poflef-
»> feur paifible d'un fond ou d'une aftion l'nuroit
« continuée fans aucun trouble , & par la Pref-
j) cription il auroit acquis fa sûreté & fa tranquil-
»> lité , fi ce mineur n'étoit venu fe mettre en place
» du majeur.
" Ceux qui tiennenr ce langage ne font pas ré-
« flexion que la Prefcription eil un moyen odieux
« d'acquérir ce qu'on fait perdre à autrui : la Pref-
» cription opère toujours l'un & l'autre de ces
» deux effets : fi le pofTcfreur a droit à la chofe,
»> & fi celui qui ne pofsède point n'en a aucun ,
j) ou n'en a point un qui éclipfe celui du pofTef-
w feur aâuel , il ne s'agit plus de Prefcription , il
» s'agit du droit foncier ; la poffeffion continuée
D pendant un certain temps n'eft plus un titre; on
» en confultc d'autres pour la propriété : mais la
n Prefcription prife ut fie ôte le bien .î qui il ap-
PRESCRIPTION.
» partlent, & l'aifure à celui à qui il n'appanrent
M pas ; c'efc la loi qui en difpofe ainfi , mais qui
» en difpofe malgré elle ; la loi cfl la maîtreffe des
» biens , elle en dépouille & en revêtit qui elle
I» veut : c'eft toujours pour un grand bien qu'elle
M eft cenfée faire cctti.' tranfrailTion ; & c'efl par
n une efpèce de néceffité , & pour un plusgrani
)> bien public , qu elle introduit les Prefcriptions :
n ne dominia rerum fint incertj ; ce qui Cauferoit
» un défordre affreux dans la fociété civile; or
» l'intérêt public &. le bien de la fociété eft lou-
V jours préférable à celui des particuliers qui la
» compofent.
» Mais la loi ne fouhaite pas que la Prefcrip-
» tion, qui dans le fonds n'eft point un jufie moyen
>f d'acquérir , ne foit point interrompue : la mino-
» rite, la pupillarité font des cas d'interruption ;
» la loi n'a garde de les retranclier ; un mineur eu
V héritier d'un majeur , il ed fon donataire , ou ,
» fi on veut , fon ceffionnaire : nuœ invidia que ce
» mineur tienne en fufpens la Prefcription qui
)> pouvoit être interrompue par le moindre acle du
» mnjeur ? On ne fait aucun tort à celui qui preC-
}> crit, on l'empêche feulment d'acquérir ce qui
» n'eft pas à lui ».
Autre queftion. Il y a des coumrnes dans Icf-
quelles la majorité s'acquiert avant vingt-cinq ans ;
quel doit être dans leur territoire , rt- lativement à
la Prefcription , le fort d'un mineur à qui elles
attribuent la qualité fiéiive de majeur ?
11 faut difiinguer fi cette majorité anticipée eft
parfaite ou non.
Si elle eft parfaite , comme Teft en Normandie
celle dont on jouit à vingt ans , nul doute qu'elle
ne doive être aft'imilée , en ce qui regarde la Pref-
cription , à la majorité du droit civil.
Mais ft elle eft imparfaite, c'eft tout le con-
traire ; Maillard , art. 72 , nombre 73 , aOure qu'on
l'a ainfi jugé au parlement de Paris le 9 mai 1691,
en faveur d'une perfonne née en Artois , le 4 mai
1656, devenue majeure à pareil jour 1681. «'. Cet
>j arrêt , dit-il , fit dormir la Prefcription depuis
» 20 ans jufqu'à 25 ans »>.
Eft-il vrai , comme le croyent certains praticiens ,
qu'en fait de Prefcription le mineur relève le ma-
Dans les chofes indivifes ou indivifibles , telles
que les fervifudes, l'afHn^ative ne Gouffre nulle aif-
ficulté. Elle eft établie par la loi io,audigefte,
quemadmodum fervitutes amïttantur , & jamais elle
n'a été contredite.
Mais il en eft autrement dans les chofes divifées
ou divifibles , comme l'a jugé un arrêt du parlement
de Paris du 3 août 171 1. Il s'agifibit de favoir fi un
acquéreur d'héritages affeôés à une rente avoit pu
prefcrire contre trois enfans , dent un majeur &
les deux autres mineurs , jouiiToient par indivis des
biens de la fucceftîon de leur mère ? Le premier
juge, loin d'acueillir le fyftême du majeur , avoit
déclaré la Prefcription acquifc pour la totalité. Mais
PRESCRIPTION.
fur l'appel qui fut interféré de la fentence par le?
trois frères , elle fut contirmée en ce qui regardoit
le majeur , &. intîmiés par rapport aux deux autres.
On trouve les détails de cette efpèce dans le recueil
d'Augeard, tome a, §. iiS, édidon de 1756.
Brodeau , lettre H , §. 20 , cite nu arrêt de 1605,
qui paroit juger le contraire ; mais il n'en détaille
point l'cipècc , & d'aiilcurs il défaprouve lui-même
la décifion qu'il lui prête. Il fait plus , il rapporte ,
avec toutes fcs circonftances , un autre arrêt du
mois de mars lô'jo, qui, dans le cas d'une rente
indivife entre une mère 6c des enfans mineurs dont
elle étolt tutrice, a déclaré l'hypothèque éteinte
par la Prefcription relativement à la première , Si
l'a laiffé fubfiUer en faveur des enfans.
La même chofe a été jugée dans la coutume de
Poitou, par un arrêt du 23 mars 1650, qvi'on trouve
au journal des audiences.
Il y a enc rc dans le journal du palais un arrêt
du 17 mai 1680, qui juge, au fiijet d'une obliga-
tion commune à un mineur &. à denx majeurs, co-
héritiers, que la Prefcription en faveur du débiteur,
avoit couru pour la part d>;s majeurs & non pour
celle des mineurs. Toute l'obligation étoit cepen-
dant tombée dans le lot de celui-ci.
Dénifart, au mot Pw/cripiion , dit qu'il y a un
arrêt contraire de 1710; mais c'eft tout ce qii'il
nous en apprend. Brillon , nombre 64 , entre un
peu plus en détail , mais il n'infiruit pas davantage.
Voici fes termes : « Le lundi 4 août 1710, arrêt
M en la grand'chambre, au rapport de M. le Nain ,
" qui déclare fufpendue , a l'égard des co-liéritiers
" majeurs, la Prefcription du tiers-détenteur en un
w fonds commun de la fucccflîon , Se cela durant
" la minorité d'un des co-liéritiers ». Ce n'eil pas
d'après lui même que Brillon parioit ainfi. 11 ne
fait, comme il l'avoue, que copier une note de
M^ Maillard, avocat. Quel fonds, d'après cela,
peut-on faire fur cet arrêt ? Nous ne connoiffons ni
les circonrtances dans lefquelles il a été rendu , ni
les moyens qui ont pu le déterminer.
3". L INTERDICTION pour démence OU prodiga-
lité , fufpend elle la Prefcription ?
On comprend aifément que la négative ne doit
fouffrir aucune diiticnlté par rapport aux efpéces de
Prefcriptions , qui courent contre les pupilles eux-
mêmes.
Mais en thèfe générale, la queilion efl fort con-
troverfée. Les uns penfent que le cours de la Pref-
cription doit être fufuendu en faveur des furieux
ou infenfés Se des prodigues interdits , parce qu'ils
font fous la dépendance de leurs curateurs , comme
les pupilles Ions celle de leurs tuteurs, Sc incapa-
bles de gouverner leurs affaires. C'-it le fentiment
de Balbus , dans fon traité des Prefcriptions (i) ; &
(11, pars 6 , ic ult. princip, n. 4-r. Voici le f termes de
Ctr aweur : VigeîliTius nuartvis c.ifiis in quo p'îe'cripciiJ non
Ciircic , cft in f;iriofo & prodigo, cjuia ficut con:rà p^pilluni
non ciiinc pnrc.ipiio iongiiiuiii ten)j^orij nondum iachoata ,
PRESCRIPTION. 35t
M. de Catelan , liv. 7, chap. 13 , rapporte iw arrêt
du parlement de Touloufe du mois d'août 1657)
qui le jt:ge ainfi en faveur d'un imbécille.
Le parlement de Paris a rendu pluficurs 31 rets
femblables. Dénifart en cite un du ii août 1761,
qui a jugé , au rapport deM. Thon , que la Pref-
cription n'avoit pas couru contre un étranger fu-
rieux & interdit par les juges de Savoye , où il
avoit fon domicile , quoique l'interdiâion n'eût
été ni publiée ni infinuée en France.
Ccft aufTi h difjîofition de plufieurs coutumes ;
celle de Metz, tit. 14, art. 4, décide en général
i> que la Prefcription ne court pas contre mineurs
» pendant le temps de leur minorité , ni contre
» autres pcrfonnes qui font en la curatelle d'aittrui ,
» & qui ne peuvent agir ». C'eft ce que porte aufîi
la coutume de la châtellenie de Lille, tit. 17,
art. 4 ; celle de la gouvernance de Douai , chap.
14 , art. 2 ; & celle de Gorze , titre 14, art. 10.
Celle de Bcuillon , chapitre 23 , art, 3 , déclare
» qu'on ne prcfcrit point contre ceux qui font pri-
» vés de leur bon fens & entendement »;& elle
ne parle point des prodigues.
Mais, toute coutume à part, l'epinion contraire
paroit mieux fondée- La loi 3 , au code , Je prefcrip-
tione 30 vel 40 annorum, n'excepte que les pupilles.
Le fi;rieux efl comparé par une autre loi à l'abfent ,
(i) & bien sûrement l'abfence ne ftifpend pas la
Prefcription de trente ans. Il y a d'ailleurs une
grande différence titive la pupiliarité & la déir.ence.
Le teinps de la pupiliarité ef) fixe, fouvent même
très-cot:rt ; & le préjudice que le public fouffre prr
la fufpenfion qu'elle caufe dans le cours de la Pitf-
cription, n'efl pas grand. Au contraire, le temps
de la démence n'a point de terme ; il eft même
fouvent très-long. Il n'y a donc point de ju^.c rai-
fon de faire ceiier la Prefcription de trente ans en
faveur des infenfés , & encore moins des pro-
digues.
Auffi trouve-ton pUifieurs arrêts par lefquels il
été jugé qu'elle court contr'eux. Le parlem,ent d'Aix
en arendu un le4 avril 1661 , qui eft rapporté dans
le commentaire de M. .Uilien fur les flatuts de Pro-
vence , tome i , page 505.
4'. La Puissance PATERNELLE met-elle à couvert
de la Prefcription l'enfant qui eft retenu dans fes
liens ?
Il faut diflingner fi ce qu'on veut prefcrire appar-
tient au pécule foit caftrcnfe, foit quafi-caflrenfe du
fils de famille , ou s'il fait partie de fes biens ad-
ventices (2).
Au premier cas , la Prefcription court à l'ordi-
naire contre le fils de famille , parce que dans tout
iV li fît inchoau , dormi- tempore pupiilans .TUti-: cjuo ad
pr^rcripiionem jo annorum, (le eciarn non currir , fci dormic
contv.T f'ii-iorum &: prodigiim.
(i) Furioiuî abfcntis loco eft. L, 1:4 §, 1 , D. de rcguli»
juns.
[1] Voyez fur certe dift:n^'>ion , ?cî acticlçj ADVENTICE i
PÉCULE & Pu;SSAr>CE PATEK.NEilï.
33<?
PRESCRIPTION.
ce qui concerne Ion pécule caftrenfe ou quafi-caf-
trenli,ileft ablolument libre 6c indépendant de
fon pèr^.
Au ieconcl cas , on fous-diftingue : «u le père a
luiiihuit & la pleine adminiibation des biens ad-
ventices de fon fils ; ou il n'a ni l'un ni l'autre.
Dans la première hypothèfe , la Prelcription
dort, parce que le père a dans fa main toutes les
aCl;ons avives & pafTives du fils , & qu'il ne feroit
pas jufte de punir ce dernier de n'avoir pas ..gi
dans le temps qu'il ne le pouvoit pas.
C'eft ce que décident la loi i , §• 2 , au code , û'ct
annuli excepfione , & la loi 4 , de bonis quce libfris.
Mais ces lois ne parlent que de la Prefcriprion
temporelle ^ faut il Cii conclure que le fils de fanfille
eP. fujet à la Prefcription de trente ans ?
Non. D'abord la loi première du titre de bénis
muicrnis & m.nani ^:ncris , porte que nulle Prefcrip-
tion ne court contre le fils de famille , & ces ter-
nus nulL Prefcription , paroiflent trop généraux,
pour qu'on n'y comprenne pas la Prefcription tren-
tcnairc,
Enfuitc , dans la novelle tz , l'empereur Jufii-
nicu, après avoir déclaré que les gains nuptiaux
doivent être réfervés aux enfuis du premier lit ,
défend , par le chapitre 24 , de les aliéner , & dit
que s'ils l'ont été , les enfans & leurs héritiers jjour-
roiu les répéter , fans qu'on puilTe leur oppofer
d'autre Prefcription que celle de trente ans , la-
quelle encore ne courra , lorfque ces enfans au-
ront été en puiffance paternellç , que du jour qu'ils
feront devenus leurs maîtres.
Quoique ce texte ne parle que des gains nup-
tiaux, on l'a étendu par identité de raifon , aux
autres biens adventices. La glofe en rend témoi
gnage , & Pinellus en expliquant l'authentique rz;y7
tricenntile, nombre i , dit que c'eft l'opinion com-
mune.
Ainfi ( conclud Dunod ) foit parce qu'il eu dé-
fendu aux pères d'aliéner fans caufe les biens ad-
ventices de leurs enfans , foit pour obvier aux
iTaides qu'ils pourroient faire , ayant le droit d'ad-
minidrer fans rendre compte ; la Prefcription de
dix Si vingt ans ne peut être oppofée aux enfans
de famille ; & celle de trente ans même ne court
pas contr'eux , tant qu'ils font fous la piiiffance de
leuis afccndans , parce qu'ils n'ont pas l'exercice
des a6^ions néceffairçs pour conferver ou recou-
vrer leurs biens.
Il y a des auteurs qui reflreignent cette propofi
tion au cas d'aliénations faites par le père , Se lorf-
que l'adtion que le fils de famille pourroit intenter ,
fe réfléchiroir contre lui ; ils difent que dans les
autres cas , le fils de famille ayant un défenfeur lé-
gitime, & dont les intérêts ne font pas contraires
aux ftcns , rien ne peut empèclier la Prefcription
d'avoir lieu. Cela e/l d'autant moins douteux , con-
tinuent-ils , qifil peut recourir à la juftice pour agir
lui-même , lorfqu'il eft intérÇiTé à le faire , & que ,
PRESCRIPTION.
fon père refufc , fans raifon, d'agir (1). Eh! né
voyons nous pas, par la loi 50 , V). ad Jcnatufcon-
juliutn Trebelliai.urn , qu'il peut non-feulement fe
faire reflituer , avant le temps , le fidéicommis dont
fon père dilîipe les biens , mais auffi les revendi-
quer , quoique fon père vive encore , fur ceux qui
les ont acquis. Enfin , les lois du code qui fufpen-
dent la Prefcription en faveur du fils de famille ,
forment un droit nouveau ; il faut donc les ref-
treindre à leur cas particulier , c'eft-à-dire , au cas
de l'aliénation faite par le père.
Ainfi raifonnent M. le préfident Favre , en fon
code , livre 2 , titre 25 , définition 6 , Pinellus à
l'endroit déjà cité , nombre 44 , & Brodeau fur
M. Louet , lettre P , §. i , nombre 6.
Mais , dit Dunod, partie 3 , chapitre 2 , quelque
fpécieufe que foit cette opinion , le fentiment con-
traire efi le plus commun & le mieux fondé: les
raifons qu'elle a pour bafe prouvent trop ; car il
en réfulteroit que le fils de famille pouvant agir ,
abfolument parlant , pour interrompre la Prefcrip-
tion de fon bien vendu par fon père, cette Pref-
cription devroit courir contre lui lorfqu'il n'agiroit
pas.
Pourquoi la loi fufpend-elle la Prefcription ea
faveur du fils de famille .'' Ce n'eft point parce que
l'aflion qu'il pourroit exercer , fe réfléchiroit contre
fon père : elle la fufpend en général , notamment
dans le §. 2 du titre de annali exception: y & le lé-
gifiateur en rend une raifon qui s'applique à tous
les cas ; c'eft qu'on ne peut pas imputer une négli-
gence puniifable à l'enfant de famille , lorfque la
loi l'empêche d'agir: or cet empêchement, il le
rencontre toutes les fois qu'il eft queftion de biens
dont fon p^re al'ufufruit; la loi ne veut pas qu'il
agifte à cet égard , fi ce n'eft par le miniftère de fon
père , ou de fon confentement : il n'a point fes titres
en mains ; il ignore prefque toujours fes droits ;ce
n'eft pas lui qui a choifi (on défenfeur , la loi le lui
a donné; & de concert avec le devoir delà nature,
elle exige qu'il fc repofe fur fon affe611on & fa pru-
dence ; le rel"pc61 qu'il lui doit , la crainte revéren-
cielle rempêchent de la cenfurer , & de le forcera
agir ou à l'autorifer pour le faire lui-même. Enfin ,
comme le dit Cujas (2) & Pinellus lui-même (3) ,
pour que le fils de famille foit cenfé ne pouvoir pas
agir , il fufiit qu'il ne le puiife pas fans difficulté:
l'autoriié paternelle le gêne ; & fa volonté eft en-
chaînée par une certaine pudeur (4).
Ainfi , de quelque efpèce de Prefcription qu'il
s'agifte, foit qu'elle vienne du fait du père ou de fa
feule négl'gence ; foit qu'elle ait comrnencé avec
[1] Loi dernière , an code , de bonis quxliberis,
[al Ad 1. ulc. C. de pignotaiit. act.
[îJ Loc. cit. n. 41.
[j.] Satis ett ne (îlius dicatur agçre non pofTe, quod non
poHit igguia.iter Se i^ne diiîiculcate. Premitur enim autori-
ta:e paciii ; culcii verecundia; , piopriani voluntatem dcpro-
mcrc non audet ; & le pcctus pudoiis tacit uc aliqiiid flicaïuc
iieri non fçfle.
PRESCRIPTION.
ïe fils de famille , ou avec Ton auteur ; foit qu'elle
ait pour objet un héritage ou une aâion ; elle doit
être en fufpens , tant que l'enfant eft fous la puif-
(ance de («n père.
Ceft ce qu'ont jugé plufieurs arrêts.
Baffet, tome i , livre 2 , titre 29, chapitre 13 ,
& Chorier dans fa jurifprudencc deGuypape, page
325 , en rapportent deux du parlement de Greno-
ble des 13 mai 166 1 & 9 avril 1684» qui jugent
formellemewt que la Prefcription même de trente
ans ne court point contre le fils de famille du vivant
du père, & pendant que celui-ci a la jouiffancc de
fcs biens adventices.
Et M. de Catelan , livre 7 , chapitre i 5 , en rap-
porte un du parlement de Touloufe du 20 décem-
bre 1656 , qui décide en thèfe « que la Prefcrip-
>) tion des fommes même ne court pas contre le
» fils de famille, quoique la Prefcription ait com-
j> mencé contre celui à qui il s'agit de fuccéder ».
<c II y a , continue le même auteur , un autre
» arrêt du 18 août 1694, qui a jugé que la Pref-
3> cription d'une fomme ne court pas contre un fils
» de famille ".
M. de Catellan ajoute que par un arrêt interlo-
cutoire du 5 mars 1677 , le nicrae parlement a ju-
gé qu'en fait de biens dotaux , la Prefcription qui
a commencé contre la femme avant le mariage ,
& a continué contr'elle pendant le mariage , n'eft
pas fufpendue après fa moit en faveur de fes en-
fans , quoique pupilles & en puiffance de père.
Mais cet arrêt , diâé par un motif particulier (1) ,
n'cll pas contraire à l'opinion adoptée parles deux
précédens ; & encore ce motif a-t-il trouvé un cen-
feur d'ans Vede! (2).
La Peyrere, lettre P, nombre 73 , fait mention
d'un arrêt du parlement de Bordeaux du 28 fé-
vrier 1674, rendu à la féconde chambre des en-
quêtes , la grand'chambre préalablement conful-
tcc , qui a jugé que la Prefcription de trente ans
n'avoit pas couru contre les nommés Perron , frè-
res, pendant qu'ils arcient demeuré fous la puif-
(l)Ce motif, «lie M. de Citcl!an , « fut que puifi^ue la
» Prefcription dki fends avoit continué contre la femoïc pen-
»> dant l'on matiage , quoiqu'eHc ne pik pas agir, ayant conf-
» titué tous fes biens, & le mari continuant de jouir des mc-
« mes biens après la mort de fa femme , en vertu du même
n titre, c'elt-à-dire, du contrat de mariage, la Prefcription
» dévoie continuer auffi de mcaie après le maii ige. On ajouta
" que les enfans n'ctoient pas plus favorables que la mère -.
M or,puifque la Prefcription avait continué contre la mère
» pendant le mariage , quoiqu'elle ne pût pas agir, elle de-
» voit aufli continuer contre Cts enfani , le pcre ayant pu
»» agir pour lui &: pour eu,\ ".
(7) " Je crois , 4it-il , que le cours de la Prefcription ccm«
s» mencé fur la tète de la mère demeure fufpenJu pendant
» ia pupillarité des enfans ; car la loi ficui: , C. de Pr^fcrip-
m ti»ne 3 o vel 40 anr.orum fait une exception à cet égard pour
>»*1Ç?-pupi!les, quoiqu'ils foient fous la puillance d'un tuteur
» ;n drdaranr que cette Prefcription de trentt ans, qui eft
s» réputée Icngijpmi temporis ., d;rt pendant leur pupillarité
a car alors , non conjunguntur temparg ».
Tiédie XIIL
PRESCRIPTION. 537
fancedcleur père, quoiqu'on leur opposât qu'ils
éteient majeurs , établis , nrariés , 8c qu'ils avoient
chacun leur habitation léparée. Il s'agiflbit unique-
ment d'un fupplément de légitime du chef de leur
mère.
Quand il s'agit de biens dont le père n'a ni l'ad-
miniftration , ni l'ufufruit , ia puiffance paternelle
ne fait aucun obftacle à la Prefcription. La raifon
de la loi cefTe en ce cas ; l'enfant de famille peut
agir; il peut empêcher la Prefcription directement
Si. par une a£lion qui lui eft propre ; s'il ne le fait
pas , fa négligence n'a point d'excufe; en un mot,
il rentre dans le droit commun.
C'eft l'avis de Balbus , dans fon traité des Pref-
criptions , i , partie 6 , nombre i 5 ; de Pinellus , à
l'endroit cité, nombre 33 ; de Duperrier , liv. 4,
chap. 14 ; de Cambolas, liv. 3 , chap. i ; de Dunod ,
partie 3 , chap. 2 ; de Julien , fur les ftatuts de Pro-
vence , tome 2, page 507, &c.
La plupart de ces auteurs reHreignent leur doc-
trine au cas où il s'agit d'une aftion que le fils de
famille doit intenter contre un tiers. Il en feroit
en effet tout autrement, fi l'aftion devoit être di-
rigée contre le père même; la Prefcription alors
ne courroit pas en faveur de celui-ci contre l'en-
fant foiimis à fa puiffance. C'eft ce qui a été jugé
par deux arrêts du parlement de Provence des 11
février 1662, & 27 novembre 1665 (i), rappor-
tés dans le recueil de Boniface , tome i , liv. 8 , ti-
tre 2 , chap. 3.
C'efl aufTi ce que décident plufieurs coutume»
des Pays-Bas , notamment CafTel , articles 44 &
240 , Bailleul , rubrique 21 , article a , la Gorgue ,
article 47.
Il paroît même que dans ces coutumes , on ne
doit pas difliiiguer A l'enfant eft en puiflance ou
émancipé. D'abord , elles difent généralement qu'il
n'y a point de Prefcription entre le père & les en-
fans; enfuite elles établiffent la même cfeofe à l'é-
gard de la mère. Ces deux circonftanccs réunies ,
femblent ne laiiïer aucun doute fur l'intention que
nous croyons apperccvoir dans ces lois.
5". La Puissance maritale fufpend-elle la
Prefcription ? Voyez l'article Pwjffance maritale.
6°. A l'égard de l'Absence , voyez le mot
Abfent.
fi] Voici comrnentraifoBnoit, lors du fécond arrêt , la par-
tie en faveur de laquelle il a été rendu.
« Pour ce qui eft du tiers , l'enfant de famille ne peut
» point excufer fa négligence, s'il n'a pas mis es caufe une
». perfonne à laquelle il ne doit ni refpecl ni dcfcrence o'ieJ-
B conque , & contre laquelle le père ne lui peut pas refufer
n fa perniiflion & fon confentement avec tant foir peu d'ap-
» paience de raifon ; mais il n'en eft pas ainfi , quawd le perc
n art faifî de cette portion virile, & qu'il faut qu'un enfant
u mette fon propre l'ère en procès , pour le dépouiller d'une
» portion de fes biens : le rcfpea , l'honneur âc l'cbaffince
n qu'un enfant doit à celui qui l'a mis au monde , lui ôtent
w U liberté d'implotei: la juflicc csntic fon propre géniitwr»,
y y
33^ PRESCRIPTI ON.
7". L'article de lIgnorance parok , du pre-
mier coup-d'œil , n'être fufceptible d'aucune dif-
ficulté. La loi dernière, au code, de Prccpriptione
iriijinCa vel quadraginta annorum , & la loi unique ,
de ufucapione transformaridâ , décident expreflemcnt
que l'ignorance n'arrête pas même la Prefcription
de dix & vingt ans (i).
Mais quoiqu'il n'y ait aucun texte de droit qui
déclare rertituables ceux qui ne font pas informés
de la Prefcription qu'on acquiert contr'eux , les
dofteurs ne laifTent pas de foutenir qu'ils peuvent
être reflitués , & ils fe fondent fur les termes de
l'edit du Préteur , repris dans la loi i , in quibui
caujîs majores , au digefte : item Jî qua alia jujla
cj/ifj mihî videbitur , in integrum rejlituam ( de mê-
me , quand il fe préfentcra quelqu'autre caufe jufle,
j'accorderai la reflitution en entier). Suivant eux ,
celui qui eft dans une ignorance probable de la
Prefcription que fait courir contre lui la pofTef-
flon d'un autre, mérite la même faveur qu'un ab-
fent ; il ert comme lui , excufable de ne pas agir ;
comme lui , il a l'équité en fa faveur , & il ne doit
pas être plus que lui puni comme négligent , puif-
qu'il ne l'efl pas en effet.
De ce principe qu'ils fuppofent, ils concluent
que l'ignorance du fait d'autrui eft une jufle caufe
de reflitution ; que cette ignorance efl préfumée ,
quand la connoi^Tance ne Teft pas , c'efl-à-dirc ,
prefque toujot^rs ; que les perfonnes groflîères &
rufliques , les femmes & les foldats qui ne con-
lyjiffcnt pas les lois par eux-mêmes, font reftitua-
Èles quand ils ont omis quelque chofe par igno-
rance du droit, & que tous les autres indifiinc-
tement doivent jouir du même avantage, quand il
s'agit de ne pas perdre , de damnu vitjndo.
Ils font enfiiite pour tout cela un grand nombre
de que/lions , d'ampliations & de limiiations. Sans
doute, on imagine bien que le droit & la raifon
ne tiennent pas , dans ce cahos, une place fort
avantageufe; les erreurs, les abfurdité» y four-
millent; & fi l'on fait une attention féneufe aux
inconvéniens fans nombre que produiroit dans
l'ordre civil , la pratique d'une pareille doflrine ,
ils achèvent d'en néceffuer la Profcription.
Il y a , comme nous l'avons vu , des lois qui dé-
cident expreffément que la Prefcription court con-
tre celui qui l'ignore : où font celles qui l'autori-
fent à s'en faire relever? Nulle part : elles permet-
tent cependant en pluficurs cas la reflitution peur
caufe d'abfence. Celle qu'on voudroit accorder fur
le feul fondement de l'ignorance, n'cft donc qu'une
invention des douleurs. Née dans la pouflière de
l'école, elle doit y rcftir enfcvclie.
Mais c'efl trop peu que d'invoquer ici le filence
delà loi : elle n'efi pas demeurée muette, elle a
parlé, au contraire, & de la manière la plus ex-
prefle. Nous ne voulons pas, a t-elle dit, qu'on
(l) Niillâ fcientiâ vel ignorantiâ f,ieflandâ ; ne altéra
iubiuùonis incxciicabilis otiauii occafio.
P RESCRIPTION.
mette la moindre différence entre celui qui fait &
celui qui ignore qu'on prefcrit contre lui, de peur
QUE DE-LA IL NE NAISSE UNE SECONDE PÉPI-
NliERE DE PROCÈS INEXTRICABLE : nullâ fcientiâ
vel ignoranliâ fpeâandd , ne nliera dubitationis inex-
tricabiUs oriatur occafio. Voilà ce qu'a dit la loi en
traitant de la Prefcription de dix & de vingt ans ;
& que n'auroit-elle pas dit au fujet des Prefcrip-
tions plus longues ? C'efl donc éluder fon but, fon
objet dired & formel , que d'admettre , en faveur
de l'ignorance , la reflitution en entier contre la
Prefcription. C'efl introduire entre celui qui ignore
& celui qui connoît, une différence qu'elle a re-
jetée ; c'efi retomber par une voie indireéie dans
le labyrinthe de procès & de difficultés qu'elle a
voulu éviter. Difons plus , c'eft faire illufion à
l'établiffement de la Prefcription , & la rendre inu-
tile. Combien de fois, en effet, n'arrive-t-il pas
qu'elle court contre des perfonnes qui l'ignorent?
Il eft bien rare qu'un homme inflruit de fes droits ,
en néglige la pourfuite pendant un temps AifH-
fant pour les prefcrire. Comment d'ailleius prou-
ver qu'il en a eu connoiffance ? Il ne manquera
jamais de le nier , & , fuivant les doreurs, c'eft
fur le prefcrivant qu'en retombera la preuve ; car ,
on l'a déjà dit , un de leurs principes eft que l'i-
gnorance eft toujours préfumée , ù ce n'eft dans
les c.is où la fcience ne l'eft point i & ils ont foin
d'ajoluer que ces cas font fort rares.
La loi unique, au code, de ufucapione tr/insfor-
manda , n'eft pas moins décrive que celle dont
nous venons de parler. Elle nous apprend d'.i-
bord qu'avant fa promulgation, les immeubles fe
prefcrivoient en Italie, par une poffelfion de deux
années , même contre les ignorans , nefcientibus
doininif , &c qu'il n'y avoit pour ceux ci aucun
moyen de revenir, nullus eis refrvabatur recurjus.
Que fait- elle enfuite ? Elle étend à dix ans le terme
que l'ancienne jurifprudence fixoit à deux an-
nées ; elle le double en faveur des abfens, & elle
ne parle point des ignorans. De-là quelle confé-
quence contre le fyfîême , ou plutô: contre les
rêveries des dofteursl La loi n'a touché à l'ancien
droit que pour proroger le temps de la Prefcrip-
tion , & accorder un privilège à l'abfence : donc à
l'égard de l'ignorant , elle fait courir le temps qu'elle
détermine , comme il couroit dans l'ancien droit;
donc elle vent que ce temps coure contre lui fans
aucun efpoir de reflitution en entier , nulius re-
fetvabatur re^rcjfus : Eh ! comment pourroit-elle
ne pas le vouloir? En donnant dix années, elle
rend l'ignorance bien moins excufable qu'elle ne
l'étoit dans l'ancien droit, qui n'en df nnoit que
deux.
Enfin , la loi veut que la Prefcription donne
une sûreté pleine & entière. C'cft le langage uni-
foime du droit civil & du droit canon (i) : or,
[ ] L is Cicm ?K oiijn s , C. de p «Icri; tl ;ne j - V.-J 40 an-
n m.!. Loi ieniure ; C. de fund, patr. chapitre ad autei ,
ixcrd. de priiCiipiicn.lu:.
PRESCRIPTION.
comment auroit-on cette sûreté , fi après !a Pref-
Ciiption acquife , on pouvoir encore être inquiété
par une demande en rertitution fondée par un pré-
texte d'ignorance?
Il ert vrai que dans les textes qui h promettent ,
cette sûreté , il ne s'agit que des Prefcriptions de
trente &. de quarante ans. Mais \° , ils la veu-
lent du moins établir dans ces Prefcriptions. 2°.
Ils ne l'excluent pas de celles de dix & de vingt
ans. Ils l'y fuppofent , au contraire , parce qu'il
y a identité de raifon & d'effet , & que fi l'on
ne veut pas tout rendre arbitraire , il faut ou l'ad-
mettre , ou la rejeter dans toutes fans exception.
Du relte , c'eft en vain qu'on oppofe l'édit du
Préteur : Si qua alla mihï jujîa caufu videbitur , in
intigrum reflituam. Il ne faut pas féparer ces termes
de ceux qui les fuivent, quod ejus per leges Uce-
bit(^ en tant que les lois m'y autoriferont :)& ceux-
ci marquent évidemment que l'intention du pré-
teur eft de ne reftituer que dans le cas où la loi
le permet.
Ajoutons que dans le royaume , la jurifpru-
dence des arrêts a conftamment rejeté la refiitu-
tion pour caufe d'ignorance.
M. de Saint-Maurice , de rejlitut'ionihus in inte-
grum , chapitre iio , cite un ancien arrêt du par-
lement de Franche-Comté qui le juge ainfi.
Dunod , des Prefcriptions , partie i , chap. 1 1 ,
en rapporte un autre du 21 décembre 1706 , qui
confirme cette décifion. Il s'agiffoit dans l'un &
dans l'autre de la Prefcription de trente ans, la
feule admife dans le comté de Bourgogne.
M. de Catellan , liv. i , chap. 13 , nous en four-
nit un femblable , rendu à la grand'chambre du
parlement de Touloufe. Il étoit également quef-
tion de la Prefcription trentenaire.
Ce magiftrat a foin de nous retracer les motifs
qui, dans cette affaire, déterminèrent fa compa-
gnie à prononcer de la forte. « Généralement ,
»> dit-il , la Prefcription court contre toute ferte
ti de perfonnes ; il n'y a d'excepté que ceux qui
« n'ont pas d'afïion ou ceux qui l'ayant, ne font
« pas capables de l'exercer ; mais cette incapa-
» cité s'entend de l'incapacité d'état & de per-
» fonne, non d'une incapacité étrangère & acci-
î> dentelle , telles que font l'abfence & l'igno-
» rance. Hors la faveur perfonnelle attachée à l'é-
»> tat, tout le refte cède à la faveur que donne
» à la Prefcription , toute odieufe qu'elle peut
V être , l'effet cju'elle produit , d'ôter aux poffef-
5> feurs l'inquiétude & la peine d'une incertitude
« perpétuelle ».
M. de Catellan ajoute que par un autre arrêt
rendu à fon rapport, le 29 mai 1663 , il a été
jugé qu'il ne réfultoit aucun obflacle contre la
Prefcription , de l'efpèce d'ignorance , ou plutôt
de l'incertitude qu'avoient caufée , fur les droits
d'un héritier , les procès qu'il avoir à foutenir pour
fe faire adjuger la fucceffion. On prétendoit qu'il
PRESCRIPTION. 339
n'avoit pas pu agir avant que fa qualité ne fût éta-
blie & déterminée : mais, répondoit le prefcri-
vant, « félon la maxime générale de France, le
» mort faifit le vif. Ainfi le vrai héritier avoit
» laélion en main dés la mort. Capable d'agir ,
» n'en étant point empêché par fon état , la Pref-
» cription a pu courir contre lui r>.
Dans le journal du palais de la même cour ,
tome 3 , page i2S,on trouve un autre arrêt du
18 juin 1704 , qui juge « qu'une longue abfence
» ni l'ignorance d'un teftament n'empêchent pas
» la Prefcription de courir contre un majeur de
» vingt-cinq ans ».
8". La peste & la guerre fufpendent-elles la
Prefcription .'
La coutume de Bouillon a adopté l'afErmative.
« N'aura lieu Prefcription en temps de guerre ,
» ou arrivant coHtagion , pour laquelle on feroit
» contraint quitter le lieu ». Ce font les termes
de cette loi municipale , chap. 23 , art. 4.
La coutume de BouUonnois parle également,
art. 120, que de la Prefcription de vingt ans qui
a dans fon territoire le même effet que produit
ailleurs la Prefcription trentenaire, il faut déduire
le temps d'hoflilité , qui aurait été telle , que durant
icdle on n'aurait pu agir ni défendre.
De droit commun , il y a un cas dans lequel
CCS décifions ne peuvent fouffrir nulle difficulté ;
c'eft lorfque , pendant la guerre, celui contre le-
quel on prefcrit,eft fujet de la domination enne-
mie de l'état auquel eft foumis le prefcrivant.
L'auteur du Précis du droit belgique , part. 2 , tit, 10,
§. 3 , dit que le parlement de Flandres l'a ainfi
jugé par arrêt rendu fur la fin du dernier fiècîe ,
entre le comte de Moucron , & le baron de
Grimaldi.
La raifon en eft fimple : c'eft que, fuivant un
autre arrêt de la même cour, du 28 juin 1704,
rendu d'après la réponfe de AI. le chancelier , con-
fulté fur la quejîion, « pendant la guerre, un fujet
» d'une domination ennemie, ne peut agir contre
» un fujet du roi ». Ce font les termes de M. le
prêfident des Jaunaux , tom. 3 , §. 62.
A l'exception de ce cas, ni la guerre, ni la pefte,
ni aucune autre calamité publique ne peuvent fuf-
pcndre la Prefcription , parce que , comme le dit
Dunod , part, i , chap. 10 , « elles ne font pas ex-
» ceptées par la loi civile n.
A cette raifon, le même auteur ajoute l'autorité
de l'exemple : « Quoique la guerre & la pefte ,
» dit-il , aient fait ceflêr le cours de la juftice pen-
n dant quelques années du dernier fiècie , dans
)) plufieurs tribunaux du comté de Bourgogne ,
» on a cru qu'il falloit un édit exprès pour ar-
» rêter la Prefcription pendant ce temps. Car nous
» en avons un qui porte qu'aucune Prefcription ,
)) foit de droit ou de fait , de coutume ou d'or-
» donnance , n'a couru dans le comté de Bour-
» gogne, depuis le aé mai 1636, jufqu'au pre-
y V ij
340 PRESCRIPTION.
» mier jour de l'an 1650 (1) ».
Le parlement de Douai a également jugé par
arrêt du ai janvier 1694, rapporté dans le re-
cueil de M. des Jaunaux , §• i 5 , que «la conti-
r> nuation des guerres qui ont régné en Flandres
3> depuis 1645 jufqu'en 1694, n'avoit pas intcr-
ï» rompu le cours de la Prefcription ".
Maillart , fur la coutume d'Artois , article 72 ,
paroît d'un fentiment contraire. Cependant il nous
apprend lui-même, nombre 97, 98 & 99, qu'on
fuit dans cette province & au parlement de Paris ,
la règle adoptée par cet arrêt (2).
Le parlement d'Aix a jugé, le 15 mars 1645 ,
dans une efpèce rapportée par Boniface , tome i ,
livre 8 , titre 2 , chapitre i , qu'il ne devoit être
pris aucun égard à des lettres de reftitution en
entier , obtenues contre une Prefcription de trente
ans & quelques mois, fur le prétexte que de cet
cfpace de temps , il falloit diftraire deux années ,
pendant lefquelles la perte avoit ravagé la Pro-
vence.
On trouve cependant , dans le recueil d'Albert ,
lettre P, §. 54, un arrêt du parlement de Tou-
loufe , qui déduit de la Prefcription de trente
ans , U temps de pefle & de guerre arrivé à Montpel-
lier en 1627.
9*. La Condition pendante fufpend la Pref-
cription , parce que tant qu'elle n'eft pas arrivée ,
on ne peut pas agir, & que nul ne prefcrit contre
celui qui n'a point d'a(îtion.
C'eft ce que décide la loi chm notijjîmi, §. illud ,
au code , de Prœftriptione triginta vel ^uadraginta
annorum. Voici fes termes : « Il eft plus que ma-
j» nifcfte, illud autem plufijuàm manifeflum efl •, que
t> dans tous les contrats où il fe trouve des flipu-
>» lations conditionnelles , in quibus fub aliquâ
a» conditione .... (lipulatïones .... ponuntur , ce
t> n'eft qu'après l'événement de la condition que
(.0 Suite des ancienaes «rdonnances Je Franche-Comté,
articles 89 , 9» & 91.
(1) Voici fes termes : «Encore que l'Artois ait fcrvi Je
31 théâtre à la guerre commencée avec l'Efpagne , par décla-
m ration du 6 juillet i6j 5 ,& finie par la paix des Pyrénées,
a» jjubliée à Saint-Omer le 18 mars , à Lille & à Arras,le<
» avril l6io , & que les habitan» de cetre province ayent ©b-
3> tenu unatrctdu confeil d'état, le 19 juillet itfSi , dont
M l'article 1 1 , aufli-bicn que l'article 1 1 de la déclaration du
n roi , datée du n août i65i, regiftrée au parlement le 7
M feptembre fuivant, & au confeil d'Attoi s le 17 mats léiîi ,
ai leur diminuent les arrérages Je rentes ou d'intérêts , échus
M avant & durant cectc guerre ; il n'y a pas eu cependant
» Je déclaration qui ait décidé que la Prefcription y avoit
k été affbufie durant la même guerre.
M Cela n'empêche pas que la Prefcription n'ait eu cours ,
M en Artois , même entre ceux de même parti , & entre les
« habitans de Ja même Yille.
» C'eft ce qui a été atteftépar plufieurs aôes de notoriété
»» du confeil d'Artois, &.' entr'autres, des 1 mars 1*73 , 1
ao juillet 1678, premier avril, 29 juillet i^Sd , ii juin 168 j ,
»• II juillet i<J5 &c 1$ rnats 1688. Ces adcs de natoriété
a» ont été fuivis d'une infinité d'arrêts : un des plus técens a
» été rendu à la première , au rappçr{ de M. le Yafleur , Je &
a» fepti;mbi.ç 17.^ i ".
PRESCRIPTION.
D les Prefcriptions de trente & de quarante an'
» commencent à courir , poft conditionis eventum..
» Prgfcriptiones triginta vel quadraginta annorum. . *
» iniiium accipiunt n.\
Rien n'eft plus précis : la Prefcription dort tant
que la condition eft en fufpcns. La loi remarque
même que c'eft une vérité plus que manifcftc ,
piufquàm manifejtum efl.
D'autres lois encore établirent le principe gé-
néral que la Prefcription ne peut militer contre
quelqu'un, finon du jour qu'il a pu agir (1); &
de-là eft venue la maxime , contra non valentem
a gère non curtit Prccjcriptio. Voyez fous les mots
Douaire & Gains nuptiaux , les conféquences
qui dérivent de cette maxime , par rapport aux
droits de furvie des veuves.
10". Le DÉFAUT d'échéance du temps , dans
les obligations à jour , a-t-il en cette matière , le
même effet que la condition pendante ?
Il n'y a aucun doute fur l'affirmative par rap-
port au cas où l'échéance du temps eft incertaine ,
parce que le jour incertain, difent les lois, équi-
vaut à une condition , dits incercus pra conditione
habeiur,
La même chofe a lieu fans difficulté quand le
temps eft certain , & qu'il s'agit d'une Prefcrip-
tion oppofee par celui avec lequel on a contradé.
Par exemple, je vous ai vendu une maifon , Si
j'ai bien voulu vous accorder trente-un ans ou
plus pour m'en payer le prix. Il eft évident que
mon aélion contre vous ne fera point prefcrite par
le terme de trente ans, & que fi vous pouvez ac-
quérir par Prefcription la décharge du prix dont
vous «l'êtes redevable, ce ne pourra être que du
jour de l'échéance du payement. C'eft la dirpofi-
tion de la loi cùm notijfimi , au code , de Fr^f-
criptione 30 vel 40 annorum , & la décifion précife
d'un arrêt de la chambre de l'édit de Caftres du
21 juin 1649 » rapporté par Bonet , partie 2,
§. 70.
Il a même été jugé que fi le contrat portoit pîu-
fieurs ternies , & divifoit par conféquent la dette
en divers payemcns partiels , la Prefcription ne
courroit pas du jour de l'échéance de chaque
terme, & n'auroit lieu qu'après que toute la dette
Çc trouveroit échue. Cet arrêt a été rendu au par-
lement de Touloufe le 21 février 1671 .
Mais n'en feroit-il pas différemment dans le cas
d'une Prefcription oppofée par un tiers } ^
Par exemple, je vous ai vendu ma maif»n fous
[1] Apenifiîmà definitione farcimus . .. , nuJlam tempora-
lem exceptionem opponi , nitî ex qao aûicnem movere p»-
tuerunt. .. quis enim incufare eos poterit , fi hoc non fecerint
quod . . . minime adimplere .. . valebafit ; Lti I , $■ i j C. de
annali exceptione.
Ex quo ab initie competit& femel nata eft. Même Ici , §. i
Qua; ergo anteà non motac (unt aftionts ... ex quo jure
compctete cœperunt. Loi 3 , C. de ptaefcription e jv Tel 4»
anngtui».
PRESCRIPTION.
condition de pouvoir la reprendre pour le même
prix dans quarante ans , mais non auparavant ;
quelque temps après , vous l'avez vendue à un
ti«rs purement, fimplement , & comme fi elle
vous eût appartenu incommutablement. Ce tiers
l'a poffédée fans trouble ni interruption pendant
vingt ou trente ans. Pourrai-je , à l'expiration des
40 ans fixés par mon contrat, venir l'évincer, en
lui rendant le prix de la première vente i'
On dira pour la négative, que j'ai pu agir avant
les quarante ans, non pas à la vérité pour exercer
mon droit de rachat qui n'étoit pas encore ou-
vert, mais pour en dénoncer l'exiftence au tiers-
acquéreur. Si l'empêcher de prefcrire. Qu'il en
eft de celui-ci comme du détenteur d'une hypo-
thèque afteâée à une rente conllituée ; qu'en effet ,
tant que le débiteur principal acquite les arrérages
de la rente, on ne peut pas agir contre ce déten-
teur ; que cependant il prcfcrit la liberté & la pleine
décharge d« fon fonds, fi on laiffe écouler un cer-
tain temps fans agir centre lui en déclaration d'hy-
pothèque (i) ; qu'il doit par conféquent en être
de même du tiers acquéreur d'un bien vendu à
temps. Qu'enfin , l'achat qu'il a fait , eft à l'é-
gard du premier vendeur une interverfion de ti-
tre , & qu'il fcroit ridicule qu'un propriétaire à
temps, tel qu'eft celui de qui il a acheté , ne pût
pas habiliter fon ayant-droit à prefcrire , tandis
qu'un fermier , par la vente qu'il fait d'une pro-
priété qui ne lui appartient ni à temps ni en au-
cune façon , peut mettre fon acheteur dans le che-
min de la Prefcription , ainfi qu'on l'a vu plus
haut , §. 6.
Ces raifons font fpécieufes , mais elles ne paroif-
fent pas fans réplique.
Il eft certain que , dans l'efpèce propofée , le
vendeur à temps n'a point d'aélion véritable & ac-
tuelle, avant l'expiration des quarante ans. La vente
qu'il a faite , l'a exproprié pour tout ce terme : il
n'a, quant à préfent , rien à réclamer dans le fonds
qu'il a aliéné ; que demanderoit-il donc ?
L'exemple du détenteur d'un bien hypothéqué à
une rente dont les arrérages font couûamment ac-
quittés par le débiteur principal , ne prouve rien ;
& il y a plufieurs différences entre le cas qui en efl
l'objet & celui dont il s'agit.
D'abord, le créancier , dans le premier cas , a
une aâion afluelle ; fa dette eft échue ; elle lui
donne le droit d'agir. Dans le deuxième, le ven-
deur n'a rien à demander : fon droit eft encore dans
l'avenir. Enfuite , dans le premier cas , le tiers dé-
tenteur n'acquiert pas en prefcrivant ; il ne fait que
fe libérer; & on fait que l'un eft infiniment plus
facile, plus favorable que l'autre.
En troifième lieu, il y a une loi qui autorife le
tiers détenteur à prefcrire l'aâion hypothécaire ,
lorfqu'on laiffe pafTer un certain temps fans l'inquié-
ter , &il n'y en a point qui lui permette de prcf-
£ij Voyez ]« J. i flç U içQ>i9n ) 4ç c«{ aiiiUÇi
PRESCRIPTION. 341
crîre Tadlion en revendication , lorfque le proprié-
taire primitif a les mains liées par le défaut d'é-
chéance du temps 011 il doit reprendre fa propriété.
En quatrième lieu , dire que ce propriétaire pri-
mitif peut dénoncer fon droit de rachat au tiers-
acquéreur , c'eft lui fuggérer une précaution , mais
ce n'eft pas lui impofcr un devoir. L'appelé à une
fubftitution pourroit faire des dénonciations fern-
blables , lorfque le grevé vend le bien qu'il eft
cliargé de lui reftituer , on ne prefcrif pourtant pas
contre lui , lorfqu'il ne les fait pas.
Ce n'eft pas avec plus de fondement qu'on op-
pofe l'exemple de l'intcrverfion de titre qui s'opère
par la vente qu'un fermier fait de la propriété du
fonds dont il a la jouifTance.
Dans ce cas , en effet , le véritable propriétaire a
une aélion préfente , a6l»elle & ouverte : rien ne
l'empêche de l'exercer : rien par conféquent n'en
peut fufpendre la Prefcription. Mais dans notre ef-
pèce , encore une fois , le vendeur ne peut pas agir
avant le laps du temps pendant lequel il s'cft en-
gagé de ne pas racheter la chofe: «n «e peut donc
pas prefcrire contre lui pendant ce temps.
Ajoutons que tel eft le vœu de l'équité. Celui qui
acheté un bien pour un certain temps , en a la
pleine & entière jouifTance: il peut en difpofer pour
tout l'intervalle de temps qu'embraffe (on acquifi-
tion. Son vendeur n'y penfc plus jufqu'à l'expira-
tion du terme auquel eft limité l'eftet de la vente.
Il ne confcrve entre-temps qu'une poprlété future :
tant que le terme n'eft point écoulé, il ne peut ni
ne doit s'inquiéter de ce que devient le fonds , ni
en quelles mains il paffe. Il lui fuffit de le retrou-
ver à l'expiration du temps pour lequel il s'en ex-
proprie. S'il le voit pafler en mains tierces , il doit
fuppofer que le polTefteur n'a vendu que fa pro-
priété à temps , c'eft en effet la feule chofe que ce-
lui-ci peuttranfmcttre fans fraude, & la fraude ne
fe préfume point.
Enfin , c'eft ainfi que la queftion a été jugée par
un arrêt du parlement de Flandres du 13 janvier
1700, &par une fentence de la gouvernance de
Douai du 24 mars 1783.
L'arrêt eft rapporté par M. le préfident des Jau-
naux , tome 2 , f. 278 : quant à la fentence , en
voici l'efpèce.
Le 13 août 1682 , Michel Maroille & Jeanne
Braffartfa femme, vendirent à Ifabeau le Febvre ,
veuve de Jérôme Lucas , trois quartiers & demi de
terre à labour , fiiués dans la dépendance de Saint-
Amand, ville du Tournaifis François, «« pourdef-
» dits trois quartiers & demi de terre , jouir par
j> ladite le Febvre, fes hoirs & ayaut-caufe , le
» terme & efpace de quatre-vingt dix-neuf ans ,
» pour après ledit terme rentrer par les ayant-
» caufedes bailleurs en la jouifTance defdites par-
n ties de biens , en rendant le prix ».
Le 4 feptembre 1781 , Marie-Louife Maroille,
héiitiçre des vendeurs , s'eft préfentée pour faire
341 PRESCRIPTION.
le rachat de ce bien , au prix porté par le contrat
du 13 août 1682.
Le bien éroit pafle en m?.ins tierces depuis plus
(de quarante ans. On lui oppolala Prefcription.
Sa feule réponie fut qu'elle n'avoit pas pu agir
avant le 13 août 1781 , c'efl à-dire, dix-fcpt jours
avant la prifentation de fa requête.
Sentence des prévôt & échevins de Saint-
Amand du 25 oâobre 1782, qui adjuge à la de-
mandereife fes fins & conclufions.
Appela la gouvernance de Douai. Par le juge-
ment Cité , rendu fur productions nouvelles , il a
été dit : mal appelé.
L'affaire a été enfuite portée au parlement de
Flandres ; mais elle a été aflbupie par une tran-
faflion avantaj^eufe à la veuve Maroille,
11°. L'incapacité d'aliéner , au préjudice
DU SUCCESSEUR, eft cncore une des caufes qui
fufpendcnt la Prefcription , du moins pendant la
vie de l'incapable.
La raifon en eft toujours qu'on ne prefcrit pas
contre celui qui n'a point d'aaion , & que pendant
la vie de l'incapable , fon fuccefleur ne peut pas agir.
Ceci s'éclaircira par des exemples.
Celui qui eft grevé de fubflitution ne peut pas
aliéner au préjudice des perfonnes appelées après
lui aux biens fubftitués. Si cependant il aliène de
fait , le tiers-acquéreur ne prefcrira point contre
ces perfonnes , tant que la fubftitution ne fera pas
ouverte , parce qu'elles ne peuvent pas agir aupa-
ravant. C eft ce que nous établirons plus particu-
lièrement à l'article Substitution fidéicommis-
SAIRE.
L'ancien droit des fiefs , qui s'obferve encore en
Allemagne & en Alface, nous offre un autre exem-
ple de la vérité du principe dont il s'agit.
Suivant ce droit , un vaffal ne peut aliéner fon
fief au préjudice des agnats que la loi y appelle
après lui ;& s'il le fait, ils peuvent exercer contre
l'acquéreur une aélien appelée révocatoire.
L'acquéreur ne peut prefcrire contre cette a<flion
que par use pofleiîîon de trente années ; & , comme
l'obferve l'auteur du Traité du droit commun des
fiefs , tome 2 , page 53 , « 11 eft évident que cette
« Prefcription ne doit commencer à courir que du
« jour de la mort du vaffal vendeur, & non du
M jour de l'aliénation ; car il eft très polîîble que
ï» le vaffal furvivc de trente ans à l'aliénation ; &c
j> dans ce cas , le droit de l'agnat feroit fruftatoire
j) & illufoire ».
Antre exemple. Dans la plupart des coutumes
de la Flandre flamande , dans celles d'Artois , de
Ponthieu , de Boulonnois , il efl certains biens
qu'on ne peut pas aliéner fans le confentement de
l'héritier préfomptif , à moins qu'on n'en rem-
ploie le prix , ou qu'on ne vende par néccljzté ju-
rée (i). Lorfqu'on a fait une aliénation au mépris de
cette défenfe , l'aQicn que la loi donne à l'héritier
I) Voyez rarùclc NÉCESSITÉ JURÉE,
PRESCRIPTION.
pour la faire t évoquer, ne s'ouvre qu'à la mort de
l'aliénant ; Ck. par cette raifon , ce n'efl que du
jour de cette mort que l'acquéreur peut prefcrire
contre lui. Duchefnes fur l'article 115 de la cou-
tume de Ponthieu, afTure qu'il en a été ainfi jugé
en 1576 (i).
12°. Pacte de réméré, dans un contrat de
vente peut-il , tant qu'il dure , empêcher l'acqué-
reur de prefcrire , foit contre les aéîions refcifoires
du vendeur , foit contre les hypothèques & aiures
droits réels des perfonnes tierces .'' Cette queflion
mérite d'être approfondie. Examinons-la d'abord
relativement aux allions refcifoires des vendeurs.
Dans l'exaiSitude des principes , le paâe de ré»
méré ne devroit pas fufpendre les avions refcifoi-
res que le vendeur peut avoir contre l'aéie de vente.
Il n'empêche pas , en effet, qwe l'acquéreur ne foit
propriétaire ; il rend feulement fa propriété réfo-
luble (2) ; & fi la faculté d'en opérer la réfolution
concourt dans la perfonne du vendeur avec celle
de faire refcinder le contrat pour dol , violence ou
léfion , on ne voit pas pourquoi la première pro-
iongcroit le temps fixé pour l'exercice de la fé-
conde. Diflinftes dans leurs caufes , diftinéles dans
leurs objets , on ne peut pas les faire influer refpec-
tivement l'une fur l'autre: elles doivent agir cha-
cune féparément.
C'efl elfeâivement ce qu'on juge dans plufieurs
cours fouverainss du royaume.
M. Maynard , liv. 3 , chap. 68 , en rapporte un
arrêt du parlement de Touloufe.
Il affure au même endroit que c'efl auffi la jurif-
prudence du parlement de Guyenne. M. le Feron
fur la coutume de Bordeaux , art. 273 , certifie la
même chofe.
Le parlement de Normandie a également adopte
cette opinion, & il l'a confacrée fans retour par l'art,
iiode f©n règlement de 1666.
Mais le parlement de Paris juge différemment.
Il ne fait courir le terme de la reflitution que du
jour de la faculté de réméré expiré. C'efl ce que
prouvent deux arrêts des 26 juillet 1 574 8c 2 1 juil-
let 1601 , rapportés par M. Leprêtre^ centurie i ,
chap. 3 4 ; & par M. Louet , lettre R , §. 46. Le pre-
mier a été rendu à la quatrième chambre des
enquêtes ; le fécond eft intervenu à la troifième ,
fur l'avis de toutes les autres.
A l'égard des tiers , la loi 2 , §. r , D. de in diem
addiaione, décide expreffément que l'acquéreur ,
fous condition réfolutoire, peut prefcrire contr'eux,
& cela par la raifon déjà avancée, que tant que la
M) ce II eft parlé , dit-il , dans un ancien nunuiciit d une
» fentence àe 1^76 , qui a juge ^ue fa Prefcription ne coure
j» pas pendant la vie de celui qui a vendu fon héritage fans
3» obferver la folemnité de la néceflité jurée , Se qu'un tel ac-
n quércui' doit , pour prefciire , avoir joui vingt ans depuis
» la mort du vendeur, parce que le titre étant nul , il ne
» peut fervir de fondement à la Prefcription , &: que pen-
n dant la vie du vendeur l'aifiion n'elt pas ouverte au piolic
» de fes héritiers , qui peuvent faire cafîèr fa vente ».
Ci) Loi 4 , §• J ; D. de ij} Htm addiâienc.
PRESCRIPTION.
réfolutlon n'eft point faite, il eft vrai proprié-
taire (i). «
Cette décifion s'applique naturellement à l'ache-
teur fous fa^julté de rachat; aulTi a-t-il été jugé
par pluGeurs arrêts que la Prefcription court à Ion
profit du jour de (on contrat , ÔC qu'elle n'eft nulle-
ment fufpendue par le droit que le vendeur s'eft
réfervé de le réfoudre.
Henrys, liv. 4, queftion 76, en rapporte un
du parlement de Paris, qui confirme une fcntence
dts rc'quétes du palais du 18 août 163 1 ; & il entre
dans de grands détails pour le juftifier.
La Peyrere, lettre P, nombre 60, édition de
1725 , nous apprend que le parlement de Bor-
deaux avoit jugé le contraire le 13 juin 1671 (2) ;
mais que depuis, il s'eft conformé, par arrêt du S
août 1685 , au fentiment de Henrys , qui fut lu fur
le bureau à la grand'cliambre : la qutiflion avoit
été partagée à la féconde chambre des enquêtes.
L'auteur des nouvelles notes fur ce recueil , dit
au même endroit que ce fentiment a encore éié
fuivi par un arrêt rendu fur produélionà la grand'-
chambre le 10 juillet 1717.
3". Le CONCOURS d'une action avec l'au-
tre ne doit pas , d'après ce que nous venons
d'établir, empêcher que celle ci ne fe prefcrive
pendant qu'on exerce celle-là. Nous en trouvons
ia preuve & l'exemple dans la loi 14, D. de bo-
norum pjjfjjîonibus. Un particulier avoit deux ac-
tions pour fe faire adjuger une hérédité , celle de
faux contre le teftament qu'on lui oppofoit , &
celle qui eft connue en droit fous le nom de bo-
norum poffiffio. On demandoit fi la Prefcription de
la féconde avoit pu courir pendant que l'héritier
exerçoit la première , & fi , en conféquence , après
avoir fuccombé dans l'une , il pouvoit revenir à
l'dUtre ? Le jurifconfulte répondit que la féconde
aéiio.i étoit prefcrite , Sc le texte cité érige en lot
fa décifion.
Cujas (i) infère de là qu'encore que deux ac-
tions (oirnt incompatibles , il faut les intenter
toutes deux , fi on ne veut pas s'expofer à en per-
dre une par la Prefcription.
Mais la loi conirà mjjures , au code , de oficiofo
teflamento , ne contrarie-t-elle pas cette décifion ?
Elle femble dire que pendant le temps que le fils
cxhérédè par le teftamentde fon père, plaide pour
1 1 ] JuVianui fcrthit hune cui rcs in diem ^dliâa efl , &* iifu-
taptre yoffc ^ (y frur]us , b" acccjjlones lucrari , (y periculum
ad eum pertinere , fi res interient. \ oyez ce qu'on a dit à. l'ar-
ticle LoDs ET VENTES , iur les ventes à jour 5i à faculté de
lachac.
fz] L'airêt qu'il cite fous cette iatc , juge , en effet , que
.» le ti. is-acquéreur à pa;\e de rachat qui eft appelé en ga-
» rantie pat un acquéreur antaieur qui a été évincé ou alTi-
3> gné en a.Tiion hypothécaiic , ne peut le renvoyer par la
» Pr>;fcPj fu-n de iix ans , à compter du jour île fon contrat
» d'acqiriition, parce qu'elle ne court point pendant le dé-
3» lai du r-.m.ré ".
Ci] QucEltion , Papinian. lib. 3.
PRESCRIPTION. 345
faire cafter cet iàe comme nul dans la forme, les
cinq ans qui lui font accordés pour intenter fa
plainte d^i.ioficiojî'é , ne doivent pas courir.
Mais i'^. Il ne feroit pas étonnant qu'on eût in-
troduit fur ce point une jurifprudence particulière.
La plainte d'inofiîciofité eft odieufe : elle tend à
faire juger que le teftament eft l'ouvrage d'une ef-
pèce de fureur ou de dcmence (i). Le légiflateur
auroit donc pu , fans que cela tirât à conféquence ♦
engager les enfans à prendre d'autres voies contre
l'exhérédation dont ils font frappés , & déclarer ,
pour les déterminer à les épuifer toutes , qu'elles
fufpenderoient la Prefcription de la plainte d'inof-
ficiofité, 2°. Il y a plus. Cujas , à l'endroit cité ,
prétend que fi dans l'efpèce de cette loi , il n'y a
pas lieu à la Prefcription contre la plainte d'inoffî-
ciofité , c'eft parce que le fils l'avoit intentée ea
mê.Tje-teinps que la demande en nullité de tefta-
ment. Par-là , dit ce jurifconfulte , le fils avoit con-
fervé (es droits, & il pouvoi: après avoir été dé-
bouté d'une de fes allions , reprendre l'autre & la
pourfaivre.
Cujas erjfeigne encore la même chofe fur la loi
I , au code , defurtis &> fervo corrupto. Lorfqu'on a
pour le même objet , dit-il , deux aélions même
contraires & incompatileles, on ne doit pas laiftec
de les cumuler & de les propofer fubordinément :
fans cela , on court rifqui'd'en perdre une : car la
Prefcription n'eft pas fufpendue par l'exercice de
l'autre.
Le recueil de Boniface , tomz 4 , livre 9 , titre i ,
chapitre 12 , nous fournir deux arrêts fur cette ma-
tière.
Par le premier, du 12 janvier 1634 ,ila été jugé
qu'un créancier hypothécaire à qui il appartenoit
deux aélions contre un tiers-acquéreur, l'une en
droit d'offiir , l'autre en regr^s , avoit perdu celle-ci
par la Prefcription pendant qu'il plaidoit fur celle-là.
Le fécond arrêt eft de 1636 : il a également jugé
que l'aélion en regrès s'étoit prefcrite , pendant que
le créancier hypothécaire qui pouvoit l'intenter
avoit agi en exhibition de collocation.
14*^. La séparation riE l'usufruit d'avec
LA PROPRIÉTÉ cmpêche-t-elle , tant qu'elle dure ,
la Prefcription de courir contre le nu propriétaire ?
Un arrêt du parlement de Paris du 4 juillet 1598,
que rapporte Caror.das , livre ii,réponfe 37, a
jugé que non , & cela ne fouftre aucune difficulté.
§. "VllL Des perfonncs incapables de prefcrïre.
11 y a en cette matière deux fortes d'incapacités i
l'une abfolue , l'autre relative.
L Les étrangers non naturalifés font abfolument
incapables de prefcrire contre les fujets du roi ,
|'i]:!oc co'ore inofficiofo teltamento agitur, quifî non
fanae racnti? fjevunt , ut teftanientum ordinatent, Ldï 2 , D,
iç inoSiciofo teiUmeato,
344 PRESCRIPTION.
parce que la Prefcriptioii eft une manière d'acqué-
rir qui appartient entièrement au droit civil. La loi
des douze tables l'avoit ainfi réglé chez les romains.
Aiverfhi hojïes aterria auteritas ejîo ( contre les
étrangers, le droit d'agir eA éternel ). Nous tra-
duifons kûjles , par étrangers , parce qu'en effet ces
termes étoient fynonimes dans l'ancienne latinité ,
& que les premiers romains nomBioient/7e/-(fue//ij ,
l'ennemi qu'ils ont depuis défigné par la qualifica-
tion à^hoflis (i).
On ne trouve point d'autre texte dans le droit
romain , qui déclare les étrangers incapables de
prefcrirc. Mais les loix qui décident , d'une part ,
que la Prefcriptlon eft un bénéfice du droit civil ,
& de l'autre que les étrangers ne jouifTent pas des
avantages accordés par ce droit, ne permettent pas
de douter que cette incapacité ait rubfiftc dans
toute fa vigueur depuis la rédaftion des douze ta-
bles, iufqu'au temps où Juftinien s'eft occupé de 'a
compilation du corps de droit.
EUefubfifte encore parmi nous , fuivant Pothier ,
dans ion traité des Prelcriptions , nombre ?0.
Mais il faut bien remarquer qu'elle n'a pas lieu
par rapport à la Prefcription immémoriale. Comme
celle-ci dérive du droit des gens, elle doit opérer
en faveur des étrangers les mcines effets que s'ils
etoient reguicoies,
11. Il y a des gens qui font en général capables
de prefcrirc, mais qui telpedivemeni à certaines cho-
ies ou à certaines perfonnes, ne peuvent faire au-
cun ufage de ce genre de capacité.
Tels font le fermier ou l'emphytéote à l'égard de
fon bailleur, le vaiTal à l'égard du feigneur, 1 u-
fufiuitier à l'égard du propriétaire.
Tel eft encore le tuteur à l'égard du pupille ,
dans les cas où on peut prefcrire contre celui-ci.
Ainfi , quoique les Prefcriptions ftatutaires cou-
rent régulièrement contre les impubères & les mi-
neurs , leurs tuteurs ne peuvent pas pour cela
j)refcrire conrre eux dans les matières qu'elles ont
pour objet. Voyez l'article Retrait ligna.ger ,
iefiion 6 , §• 3 , deuxième qneftion , nombre 7.
On doit mettre fur la même ligne, l'intendant
à l'égard du maître dont il régit les affaires ; & c'eft
ce que font en effet les coutumes de Caffel , article
240 (2), dp Bailleul , rubrique 2 , article 2 , & de
la Gorgue , article 47.
[I ] Hoftis ( iicCicéron ), dti «fficiis , /fi/re i , apiid aiajo-
jes noiVros ij diccbacijr qucm u.inc pecegtinuHi ditimus j jn-
dicant XII tabul.ï.,. adverfùs kejîem arerud autoricas ejia.
QjQs nos Ao/Jçj appeilamus , cas veceres perduelUs appçl-
Jsbant , per eam adjeclionem indicaares cura cjuibusbçlîum
elTet. Lti tJ4> ^- ^" vtiUo.um llgaific4tione,
p] VoJei les çer«ses de cet article :
et Mais entre le pCce & les enfans , enire la ix^ère &ç Ces en-
sj fans , entre le tuteur & les mineurs , il n'y a point de te-
» neure ( ou Prelcription ) , f^ long-temps tjue Icç enfans fpnt
:>: en minorité, ni entre le proprii.taiie & le fermier , pen-
« dant le temps du bail ; ni au/Ii entre un adminillrateur ou
n unprocureuL ad negetiu coatte fon maître , pendant l'ad-
t» roiniftraticH »,
PRESCRIPTION.
Ceff par la même raifon qu'un arrêt de i6<^r i
rapporté dans le commentaire de Boucheul fur la
coutume de Poitou , article 87 , nombre i "Ç , a jugé
que le procureur d'office d'un feigneur jufticier ne
peut fe prévaloir de la Prefcription des rentes dont
fes héritages font chargés envers celui-ci.
On trouve encore dans la pratique des terriers ,
tome 5 , page 545 , un arrêt du grand confeil du
i^ feptembre 1738, qui a décidé , entre M. de
Montmorillon, comte de Lyon, prieur du Meu-
ret-aux-Moines , & les nemmés Baraton , que le
fermier d'une feigneurie ni fes proches parens ne
peuvent prefcrire les droits du feigneur pendant la
durée du bail.
Section II,
Du temps requis pour prefcrire.
Le temps fe compte» dans les Prefcriptîorts ;
comme en toute autre matière , par momens ,
par heures, par jours, par mois & par années.
Nous parlerons d'abord des Prcfcriptions par m9'
mens O par heura.
Enfuite, des Prefcriptions par jours.
Puis, d.'s Prefcriptions par mois.
Nous entrerons , après cela , dans le détail des
différentes Prefcriptions par, années. Se nous les
parcourrons toutes , depuis celles qui n'ont bc*
foin que d'rn an, jufquà celles qu'on n'acquiert
que par un fiècle.
§. I. Des Prefcriptions par momens & par heures. —
De la manière de compter les heures en matière de
Prefcription.
I. Il y a des Prefcriptions d'un moment.
Ce font celles qui , fuivant le droit commua
du royaume , ont lieu pour les dépenfes faites
par affiette dans les cabarets om les jeux de paume,
Ainfi , lorfqu'un homme qui a fait des dépenfes >
de cette nature dans un cabaret , en fort fans ré-
clamation de la part du cabarcticr ^ celui-ci n'a
plus d'aiiion à fa charge \ on préfume qu'il a été
payé.
Il faut donc pour arrêter cette efpèce de Pref-
cription , que le cabaretier, fur le refus qui lui
el\ fait du payement de ce qifil a fourni, s'op-
pole , à la fortie de la perfonne de la part de la-
quelle il éprouve ce refus , & qu'il ait recours
au juge.
Cette Prelcription n'a pas lieu dans les Pays-
Bas. Le placard de 1540 en a introduit dans ces
provinces une autre , dont il fera quefiion ci-
après , §. 5-
II. Il eft peu de Prefcriptions dans lefquelles
on confidère les heures. Il n'y a guères que deux
cas oii il peut en être queflion.
Le premier eft celui de la rcftitution en entier
pour caufe de minorité. La loi 3 , §. 4 , au digefte ,
de minoribus , dit qif alors on doit compter l'âge
du moment précis de l^naiffance, s'il efl connu^
Aioii ,
PRESCRIPTION.
Ainfi , nn enfant nait le i janvier 1785 , à midi :
le I janvier 1810, à midi , il fera maieur. Et s'il
a fait, pendant fa minorité, im contrat qui le
lèle , le I janvier 1810 à midi, les dix ans qu'il
aura eus pour fc pourvoir en refcifion , feront
écoulés.
Le fécond cas eft relatif aux délais qui fe comp-
tent par heures. Il y en a des exemples amx articles
Inscription de faux &RtTRAiT lignager ,
dans la première addition à l'article Contrat , &
dans l'article 295 de la coutume de Bretagne , qui ,
admettant l'aélion refcifoire dans les conventions
de chofe mobilière, la déclare prefcrite par le laps
de vingt-quatre heures.
Il s'eft élevé à ce fujet, dans la ville d'Utrecht,
une queftion finguliére : c'étoit de favoir fi une
heure efl cenfée écoulée au premier coup de l'hor-
loge qui annonce la fuivante , ou s'il faut pour
cela que tous les coups foient frappés. Avant de
prononcer, le confeil d'Utrecht prit l'avis déplu-
fleurs mathérnaticiens , & d'après leur rapport il
intervint arrêt le 29 mars 1647 j ^" f^^vcur du pre-
mier parti (i).
Il eA étonnant qu'un point auflî fimple ait fouf-
fert la moindre difficulté. Penfer autrement, ce fe-
roit vouloir que la douzième heure fût la plus lon-
gue , & celle qui la fuit la plus courte :car il faut
plus de temps pour annoncer l'heure de midi ',
que pour annoncer une heure qui fuit celle de midi.
§. II. Des Prefcrîptions de jours. — Comment compie-
t-on les jours en matière de Prefcriptien ?
Il y a une infinité de Prefcriptions qui s'opèrent
par le laps d'un ou de plufieurs jours.
Par exemple, fuivant la loi i , Y), de glande le-
gendâ , le propriétaire n'a que trois jours pour aller
recueillir dans le fonds du voifm , les fruits de fon
arbre qui y font tombés.
Dans la coutume de Bouillon , chapitre 23 , ar-
ticle II, les injures légères & proférées dans la
chaleur de la colère , fc prefcrivcnt par trois jours ,
<4 lefqucls paifiblement écoulés , n'en fera reçue la
» pourfuite , comme préfumée êtreremife par cha-
»> rite chrétienne ».
La coutume de Gorze , titre 14 , article 49 , dé-
clare l'aâion d'injure, foit réelle, foit verbale ,
foit par écrit, périe à l'injurié ou ofinfé , s'il n'en
a rendu plainte dans les fept jours & fept nuits ,
de l'injure dite , reçue , écrite , ou feue Si. connue
par le rapport d'un tiers , ou autrerncnt.
L'article 6 du titre 18 de la coutume de Lor-
raine dit à-peu-près la même chofe , & étend fa
difporition à toute aftion de délit.
Ceft aufTi ce que porte la coutume d'Epinal ,
titre 1 1 , articles 8 & 9 , fi ce n'eft qu'à l'égard
PRESCRIPTION.
345
[i] Abraham i Wefel , ai navdlas uhrajclli çonjiituùonts ,
art. lii , n. 7.
Tom< XIII,
des délits , elle ne parle que de ceux qui ne lu^"
ritent pas peine corporelle.
Par l'article 326 de la coutume de Sedan , l'ac-
tion du propriétaire pour revendiquer ies meubles
vendus fur un tiers par autorité de juftice , eft prei-
crite au bout de huit jours.
Dans la coutume de Bayonne, les créanciers
qui ne font pas fondés en ticre public , perdent lei;r
dette, fi dans les neuf jours du décès de leur dé-
biteur, ils n'en font pas apparoir à fes héritiers
ou lieutenans. C'eft dans l'article 3 du titre i 3 que
cette difpofition eft confignée. Une chofe remar-
quable, c'eft qu'elle ne frappe que fur les créan-
ciers majeurs &■ préfens. L'article fuivant ajoute
qu'à l'égard des abfens , les neuf jours commen-
cent à courir du jour de leur retour.
Dans le reflbrt du parlement de Flandres, l'ap-
pel d'une fentence doit être interjeté dans les dix
jours, à compter de celui où elle a été figiiifiée.
Voyez Appel.
On a vu aux articles Billet au porteur ,
Change , Protêt 5c Rp.dhibitoire , d'autres
exemples de Prefcriptions femblables.
L'article 3 du chapitre 112 des chartes générales
du Hainaut , limite à quinze jours l'exercice du
retrait débitai , & ce terme commence à courir du
jour de l'exhibition du tranfporc de la dette , à
celui qui en eft redevable.
Par l'article 10 du chapitre 9 de la coutume de
Liège, qui fait loi dans quelques villes & villages
du reftbrt du parlement de Flandres , celui qui a
ouvert & exploité une mine de charbons fur le
terrcin d'autrui , Vefpace de 40 jours, au vu &
fçu du maître, a, par cela feul, acquis le droit
exclufif de l'exploitation de cette mine, & il nz
refte au propriétaire du fonds qu'une aàion peur
demander te droit de terrjge accoutumé.
Dans la coutume de Metz, titre 14, article 20,
les injures verbales & par écrit , fe prefcrivent
par le même terme de 40 jours.
Les lois 3 , D. & 7 , C. <^f excufationibu! ne
donnent que cinquante jours aux perfonnes nom-
mées tutrices ou curatrices , pour propofer leurs
excufes.
Nous ne poufferons pas plus loin ce détail ; il fe-
roit iniîni.
Mais un point qui mérite un examen particulier ,
c'eft de favoir fi pour accomplir la Prefcription , il
faut que le dernier jour du terme fixé par la loi
foit entièrement écoulé , ou s'il fuffit qu'il foit
commencé ?
* La décifion de ce doute dépend de ceite quef-
tion vulgaire : la Prefcription fe compte-t-elle de mo-
ment à moment ou Je jour à jour ? Car s'il faut comp-
ter la Prefcription d'un moment à l'autre , il faut
que le dernier jour du terme foit entièrement
paifé, & qu'il ne s'en faille pas d'un moment ; fi,
au contraire, il la faut compter d'un jour à l'au-
tre , il fuffit que le dernier jour du terme feic at-
teint & commencé.
Xx
34<^ PRESCRIPTION.
En cela , les jurifconfultes feinblent avoir va-
rié ; car , finvant la loi in omnibus , D. de obliga-
tiûnibus & jHionibus , le calcul doit être {:t\t de mo-
mento in momentum ; en forte que le dernier jour
foit entièrement paité, pour accomplir la Prefcrip-
tion. Au contraire , dans la loi in ufucapionibus , &
dans la loi fuivante , ff. de ufucapionibus, ainfi que
dans la loi pénultième de diverfn (S* temporalibus Fraf-
criptiombus , il fafiit que le dernier jour foit com-
mencé.
Mais Accurfe , & Cujas après lui , fur la loi in
omnibus, ont concilié cette dlverfitè de décifions,
par la diftinfllon qu'ils ont faite des aâions réelles
d'avec les perfonnelles ; dans les premières , par
exemple , dans la revendication , il fuffit pour ac-
complir la Prefcription de dix ou de vingt ans ,
que le dernier jour foit commencé , parce que ce
n'eft pas la feule négligence du demandeur qui
donne la force à cette Prefcription, mais auffi la
poflcfiion du défendeur ; c'eft de ces actions réelles
que les jurifconfultes ont parlé dans les trois der-
nières lois citées. La première , au contraire , parle
des allions perfonnelles qui fe prefcrivent feule-
ment par la négligence de trente ans , & cette
négligence n'a pas tant de force que la poflcnîon ;
cela eft fi vrai , qu'il ne faut que dix ans de pof-
feffion contre l'aélion réelle , avec le titre & la
bonne foi ; au lieu qu'il en fuit trente contre les
perfonnelles qui procèdent des promefles Si obli-
gations , lefquelles même , avant la conflitution
de Théodofe , étoient imprefcripnbles. Defpeiffcs
en a dit autant après Cujas , tome i , titre dis
Prefcripiions *,
§. III. Des Prefcriptions d^un ou de plu/leurs mois.
1°. Suivant le droit romain , ceux qui étant ap-
pelés à quelques charges publiques , vouloient
s'en défendre , étoient obligés de faire juger leurs
excufes dans deux mois. C'cft ce que nous ap-
prend la loi i , C. de temporibus & repurationibus
apptllationum.
2", Par une déclaration du roi publiée au par-
fement de Befançon , le 2S juillet 1706 , les éche-
vins S>C autres officiers des communautés qui veu-
lent s'excufer de leurs emplois , ont un mois &
demi , ou fix femaints après qu'ils font élus , pour
faire juger leurs excufes en première inftaace.
3^. C'eft aufli le t'emie dans lequel la coutume
de Montargis, chapitre 18, article 2, veut qu'on
intente l'adion en payement de journées dou'
vriers , ou de louages de bertiaux.
L'article 312 de la coutume d'Orléans porte la
même chofe pour les journées d'ouvriers feu-
lement.
4". L'article 2 du chapitre 34 des chartes géné-
rales de Hainaut , oblige la veuve ufufruitière ou
douairière , de faire vifiter, dans deux mois après
la mort de fon mari , les maifons Se héritages
dont la jouiiTance lui eft dévolue par droit de
furyie.
PRESCRIPTION.
5°. La faculté a^coraée à un héritier prcfomptif
de faire inventaire avant de prendre qualité, fe
prefcrit par trois mois, 3 compter du jour de
l'ouverture de la fuccefTion, 'Voyez BiiNÉfice d'in-
ventaire & HÉRITIER.
6". Les articles Concordat germanique ,
Patronage, les nomb-es "V , VI, Vil ik VIII
du §. 2 de la feftion VI ■a ^a^tic!e Retrait li-
GNAGER , ?)(. le dernier paragraphe de la fi.élion 3
de celui-ci , préfentent plul'îcurs autres efpèces de
Prefcriptions à peu-près de la même longueur.
j". Dans la coutume de Sedan , l'atlion d'injure
verbale ne dure que trois mois. C'eft le terme au-
quel l'a réduite l'article 318 de cette loi munici-
pale.
8°. La coutume de Bouillon , titre 23 , article
7, n'accorde que trois mois au propriétaire de la
chofe volée, pour la revendiquer fur le tiers-pof-
feffcur ; mais elle ne fait courir ce terme que du
jour oii le propriétaire a eu connoiffance du lieu
où étoit la chofe.
9". Aux termes de la loi unique , C. de novi ope^
ris muiatione , la dénonciation de nouvel œuvre fur-
foit le travail du bâtiment qui eu cft l'objet, pendant
un efpace de trois mois; dans cet intervalle , ce-
lui qui a fait la dénonciation , doit faire juger le
procès; & fi les trois mois pafles, le procès n'efl
pas jugé , le bâtiment peut être pourfuivi fans
caution.
10". Suivant la loi 19 , §. dernier , D. de adilt-
lia ediflo , l'aOion rédhibitoire ne fe prefcrit que
par fix mois ; mais Voyez Rédhibitoire.
11°. Le chapitre 117 des chartes générales de
Hainaut, limite pareillement à fix mois, l'aflion
du fermier pour demander modération à fon maî-
tre, & il fait courir ce terme du jour de l'échéance
du rendage.
12°. Il y a une autre Prefcription de fix mois qui
appartient abColiiment au droit françois , & que Tu-
fage a rendu très-familière. C'eft celle qui a été
introduite par l'article 68 de l'ordonnance de
1512 (1) , confirmée par la coutume de Paris , &
remife en vigueur par l'ordonnance du commerce
de 1673-
Ces deux dernières lois font cependant une dif-
tinflion qui n'eft point dans la première, au moins
textuellement.
L'article 125 de la coutume de Paris accorde
[ij ofiJonnons tjue tous dia^jie's , apoihicaires , boulan-
ge'rs , pâcillîers , ferruriers , chauflelieis , taverniers , coutu-
liers , cordonniers , lelliers , bouchers, o» diihibuans leurs
denrées Se marchandifes en détail , demanderont dorénavant ,
li bon leur l'cnib'e, le payemeni de leurs denrées, ouvrages
& marchandifes par eux fouiriies dedans Cix mois , à compter
du jour auquel ils auiont baille ou livré la première denrée
oucuvrage, enfemble qu ils auront baillé ou livré depuis
iceluijour, dedans lix mois ; &; lefdits lîx mois fiffés, ne
feront plus reçus à faite v]Ueition ni demande de ce qu'ils
auront fait , fourni ou livre dedans iceux fix mois; firor»
qu'il y eût atrèté de compte, cédu.'e, obligation , ou 'inerpel-
lauon ça foir.maiion juJicialrs dedans le tenips deflus dic>
PRESCkiP 1 ION.
Tin an aux médecins , chl'rurgitn^ & apothicaires, pOUf
interner leurs aHions.
L'article 12.7 donne le même terme aux dra-
piers , merciers , épiciers , orfèvres , 6» autres mar-
chands gro[jiers , maçons, charpentiers, couvreurs ,
barbiers ,J'erviteurs , laboureurs , & autres mercenaires.
L'article 126 étend jufqu'à une année l'ac-
tion des marchands , gens de métier , & autres ven-
deurs de mnrchandife & denrée en détail , comme bou-
langers , pâtijfiers , couturiers , felUers , butchers ,
bourreliers , pajfementiers , maréchaux , rôtijfeurs , ciii-
Jïniers , & autres femblables.
La dirpofition de cet article & celle du précé-
dent fe retrouve dans les articles 7 & 8 du ti-
tre premier de l'ordonnance de 1673. ^" voici
les termes :
« Les marchands en gros & en détail , & les
M maçons , charpentiers , couvreurs , ferruriers ,
j» vitriers, plombiers, paveurs & autres de pa-
» reille qualité, feront tenus de demander paye-
>> ment dans l'an après la délivrance.
j) L'aflion fera intentée dans fix mois pour mar-
y> chandifes & denrées vendues en détail , par
>» boulangers , pâtiffiers , bouchers , rôtiiïeurs ,
7? cuifmiers , couturiers , paflementiers , felliers ,
I» bourreliers & autres femblables 11.
Ces difpofitions n'ont eu pendant long-temps
aucune exécution dans le reffort du parlement de
Touloufe. Mais un arrêt de règlement de cette
cour du II feptembre 1733, a impofé à tons fes
jufticiables la nécefllté de s'y conformer (i).
Du refte elles paroiflent du premier abord fort
fmguliércs. Il femble que les aâions qu'elles ont
pour objet devroient durer trente ans comme les
autres. Mais l'habitude où l'on eft prefque uni-
verfellement de payer ces fortes de chofes fans en
tirer quittance ,& la crainte que des artifans, ou-
vriers ou détailleurs peu délicats, ne fe fiiTent payer
dteux fois la même chofe, ont porté les lois à les
obliger de fe pourvoir dans des termes fort courts.
Aufîî n'eft-ce pas une Prefcription proprement
dite, mais une préfomption de payement qu'elles
ont voulu introduire.
De là , la règle établie par Mornac fur la loi 38 ,
D. de jure jurando , par du Moulin , de ufuris , nom-
bre 28, par Guérin , Tourner, Tronçon & Brodeart
fur l'article 126 de la coutume de Paris , adoptée
par l'article 165 de la coutume d'Orléans , & érigée
en loi générale par l'article 10 du titre premier de
l'ordonnance de 1673 ' ^^^ " ^^s marchands & ou-
ï> vriers peuvent déférer le ferment à ceux auxquels
>> la fournuure aura été faite , les alTigner Se les
» faire interroger ; & à l'égard des veuve , tuteurs
» de leurs enfans , héritiers & ayant-caufe , leur
» faire déclarer s'ils favent que la chofe eft due ,
M encore que l'année ou les fix mois foient ex-
î> pires ».
[1] Jojrnal du palais de Touloufe , corne 1, page lig.
PRESCRIPTION. 347
Une autre conféquence du même principe, c'ert
qu'il n'y a point de Prefcription à oppofer , « lorf-
)> qu'avant l'année ou les fix mois il y a un compte
» arrêté , fommation ou interpellation judiciaire,
» cédule, obligation ou contrat ». Ce font les ter-
mes de l'article 9 du titre cité de l'ordonnance de
1673 , qui ne fait en ce point que renouveler les
articles 1 26 & 1 27 de la coutume de Paris , & l'ar-
ticle 26^ de la coutume d'Orléans.
On peut encore poufl'er plus loin les induflions
du motif qui a fait établir la Prefcription dont il
s'agit , & dire que ce motif ne s'appliquant qu'aux
bourgeois , on ne peut pas de marchand à marchand
prefcrire dans les objets en queflion , par le terme
de fix mois ou d'un an. C'eft en effet ce que dé-
cident l'arricle 292 de la coutvms de Bretagne,
l'article 201 de la coutume de Troies , l'article 148
de la coutume de Vitry , & l'article 1 20 de la Cou-
tume de Chaumont en Baffigny.
C'eft même ce qu'ont jugé dans les coutumes âe
Normandie , de Paris & de Ponthieu , toutes trois
abfolument maettes à cet égard , un arrêt du parle-
ment de Rouen du 5 février 1666, rapporté par
Bafnage , article 534 , un autre du grand confeil du
12 juillet 1672, inléré dans le journal du palais , &
un troifième du parlement de Paris du 25 janvier
1706 , rapporté par Maillart fur la coutume d'Ar-
tois, article 73.
Enfin, fuivantJouffe fur l'article 7 du titre i de
l'ordonnance de 1673, «on obferve dans les con-
» fulats de ne point admettre cette Prefcription
» entre marchands & artifans ou ouvriers , pour
i> les affaires qu'ils ont les uns avec les autres con-
» cernant leur commerce » ; Se il cite à ce fiijet le
traité du commerce de terre & de mer , tome i ,
page 183 , édition de 1710,
A plus forte raifon , ( comme l'obferve le même
auteur ) , ne doit-on pas faire opérer cette Pref-
cription contre les gens d'églife , bourgeois , labou-
reurs , vignerons & autres , pour raifon des ventes
de bleds, vins, befliaux & autres denrées procé-
dant de leur crii : cela paroît d'ailleurs réfulter des
termes mêmes de l'article 7 du titre i de l'ordon-
nance de 1673 , qui, en ne parlant que des mar-
chands , femble exclure les autres.
En un mot , * puifque la fin de non-recevoir eft
uniquement fondée furlapréfomption du payement,
il s'enfuit que (i le juge reconnoiffoit que le défen-
deur n'eût pas en effet payé la fomme qui lui feroit
demandée , il ne devroit pas le recevoir à fon fer-
ment , mais le condamner à la payer. C'eft ce
qu'on remarque dans la note de Dumoulin fur l'ar-
ticle 313 de l'ancienne coutume d'Orléans ; il y
propofe l'efpèce d'une fille de treize à quatorze
ans , qui ayant été chaffée par fa mère de fa mai-
fon , s'étoit retirée chez fon oncle; celui-ci i'a-
voit nourrie pendant deux ans & demi; après foa
mariage il fut queftion de favoir fi l'oncle étoit re-
cevablc à lui demander fes penfions & alimens ;
Xx i j
m8 prescription.
& du Moulin décida pour l'affirmarive (i) *.
La Prefcription de fix mois ou d un an , a-t-elle
lieu lorfqu'il y a eu continuation de fournitures ou
d'ouvrages ?
L'article 9 du titre premier de l'ordonnance de
1673 ' ^-clare cxprefiinicnt qu'elle a lieu. " Vou-
» Ions ( porte-t-il ) le contenu es deux articles ci-
M defTus avoir lieu , encore qu'il y eût eu cominua-
« tion de fourniture ou d'ouvrage ... ».
Ainfi , dit Joufle d'après cet article , u un mar-
» chand qui attendroit à former fa demande pour
» raifon de marchandifes qu'il auroit fournies pen-
» dant quatre ou cinq ans à un bourgeois , fur le
» fondement qu'il y auroit eu continuation de
» fourniture, ne feroitpas fondé en cette demande;
« le débiteur feroit en droit de lui oppofer la tin
»» de non-recevoir pour les années qui ont précédé
M la dernière , & il ne feroit adjugé en juflice à ce
j) marchand que ce qu'il auroit vendu ou fourni
■n pendant la dernière année, au cas de l'article 7 ,
M ou pendant les fix derniers mois , au cas de l'ar-
» ticle 8 ».
C'eft ce qui avoit été jugé au parlement de Bre-
tagne long-temps avant l'ordonnance. L'arrêt eu. du
4 feptembre 1618 (2).
* Remarquons cependant que cette jurifprudence
ne doit s'entendre que des fournitures & ouvrages
faits en diftcrens temps. Par exemple, un charpen-
tier fournit des matériaux pour un bâtiment , & il
V fait travailler de fon métier pendant deux ans ;
on ne peut pas dire , dans ce cas , que ce qui aura
été fourni par-delà l'année , à compter du jour de la
demande , foit prefcrit, parce qu'en ce cas la der-
n'ère fourniture fe rapporte à la première, &rque,
comme toutes les fournitures ont été faites pour la
perfe6iion & l'accompliffement de l'ouvrage , on ne
doit les confidérer que comme fi elles avoient été
faites toutes au temps de la dernière fourniture. Il
en eft de même des affillances des médecins , &
des médicamens fournis par les chirurgiens & les
apothicaires *.
La circonflance que la dette du marchand fe
trouve annotée fur fon livre journal, forme-telle
nue preuve de non payement alTez forte pour em-
pêcher la Prefcription de fix mois ou d' un an } Il y
a dans les obfervations de Vedel fur Catellan , livre
4 , chapitre 26 , un arrêt du parlement de Touloufe
du 20 décembre 1707 , qui juge que non, & dé-
charge le débiteur en affirmant d'avoir payé. L'ar-
11) Nonobllance Ijpfu biennii huji.'S confuetuJinis , vel
conlHtutionumtegiaruni , quae non exclitdiint ïquitatemhu
jus cafùs.
[;] Cet artct , dit Hévin fur l'ariicle 2<i2 de la coutume tîe
BretaTie , a jugé S'^^ " quoiqu'il y ait continuation de bail-
M Ice ic livraiion de maichandile , & qu'entre chacune H
>• vraifon il ne fe trouve pas an &; jour, le débiteur étant par
M après fignifié au payement du tout, ne peut néanmoins
M être teru ouM ce qui a cté fourni avant l'an &: jour précé-
M d)nc l'aùiôn , bien Qu'il fe trouve quelques payemens in-
•* dé fiai tue Uk faits ».
PRESCRIPTION.
ticle Taille de marchand contient une décifion
à-peu-près femblable.
On trouve dans le recueil de BafTet , tome i ,
livre 2 , titre 29 , chapitre 8 , deux arrêts dv par-
lement de Grenoble des i<\ janvier 1618 èc iç
juin 1638 , par lefquels il a été jugé que pour faire
opérer contre les marcîiands la Prefcription dont
il s'agit , « il fuffît que le défendeur jure qu'il ne
)» doit rien, après quoi la preuve n'eft point rece-
w vable de l'avoir interpellé , ou qu'il a avoué la
>» dette extra-judiciairement ».
Autre difficulté : la penfion d'un écc>lier , d'uti
clerc , ou de toute autre perfonne qui prend fa
nourriture à la table d'autrui , eft-elle fu|ttte à la
Prefcription qui nous occupe ici ? Il a été jugé pour
l'affirmative par arrêt du 23 mai 1612, rapporte
dans le commentaire de le Maître fur la coutume
de Paris , titre 6 , feâion 3. Mais, comme le re-
marquent les auteurs dont Poulain du Parc a re-
cueilli les notes fur la coutume de Bretagne, arti-
cle 292 , il y avoit dans l'efpèce de cet arrêt , une
circonflance qui empêche qu'on n'en tire des con-
féquences certaines ; c'eft que le principal de col-
lège contre lequel il a été rendu , avoit lai<îe pal-
ier près de dix années fans former fa demande ,
quafi decennio , dit Mornac fur la loi i , §. dernier ,
D. de eo per quem faBum erit.
Mais en laiflant cet arrêt à l'écart, quel parti de-
vons-nous prendre fur la queflion f Mcrnac , à
l'endroit qui vient d'être cité , dit que les penhons
de collège font fujettes à la Prefcription annale ,
maiï fi un particulier prend fa nourriture chez au-
trui , à tant par mois , par trimelire ou par année ,
cette Prefcription n'aura pas lieu.
Brodeau , fur l'article 1 27 de la coutume de Pa-
ris , penfe de même , relativement aux penfions de
collège ; mais il ajoute que cette décifion doit auiTi
avoir lieu u à l'égard des nourrices , des procureurs
» auxquels les clercs paient penfion , & autres
1) femblables perfonnes n. „
C'eft également l'opinion de le Maître , titre des
Prefcripiions , feilion 3 , & de Perrière fur la cou»
tume de Paris , même titre , §. 2 , nombre 1 2.
Trois de nos coutumes difent fimplement que
les nourritures & injlruHions des enfans fe prefcrivent
par une année, & n'étendent pas leur difpofition
plus loin. Ce font Orléans , article 265 , Bourbon-
nois , article 13 , & Bar-le-Duc , article 114.
Au parlement de Bretagne , on juge que la Pref-
cription annale n'a pas lieu " en matière de pen-
» fion 64 nourriture aux hôtelleries ». C'eft, dit
Hévin fur l'article 292 de la coutume de cette pro-
vince , ce qu'ont jugé deux arrêts de 1618 & 1619.
L'Ordonnance de la Marine , titre des Prefcrip-
tion' , article 9 . porte que l'aêlion des taverniers
pour la nourriture qu'ils ont fournie aux matelots ,
par ordre des maîtres de navire , doit être intentée
dans l'an & jour , & qu'après ce temps elle ne fera
plus reçue , à moins qu'il n'y ait cédule, obliga-
tion , arrêté de compte, ou interpellation judiciaire.
PRESCRIPTION.
Le motif qui a diéîé cette décifion , s'applique
aufTi bien aux autres cas qu'à celui fur lequel elle
porte nommément : fi donc le légiilateur n'a pis
cru devoir adapter à ce cas l'opinion de Mornac &
]a jurifprudence du parlement de Bretagne, il fcm-
ble qu'elle doit être entièrement abandonnée.
Nous favons bien qu'on ne peut pas régulière-
ment argumenter d'une loi particulière à la thèfe
générale. Mais lorfqu'avec la difpofition de la loi
particulière , viennent concourir, des raifons de
droit qui s'appliquent à tous les cas , la foiblefié d:
l'argument qu'on en tire femble devoir difparoîire.
Un remarquera dans les paragraphes 5 , 6 & 8 ,
qu'il y a des pays oii des lois antérieures à l'ordon-
nance de 1673 , exigent pour prefcrire les objets
dont nous parlons, un terme plus long que celle-
ci. 11 s'agit de favoir fi les premières n'ont pas
été abrogées par la féconde ? Non , répond Joulte :
u l'ordonnance n'a point dérogé à cet égard aux
7) coutumes qui ont des difpofitions contraires ,
j> comme il eft aifé de le voir à la fin de cette même
» ordonnance , à la différence de ce qui eft mis à
M la fin des ordonnances de 1667 ^ 1670 ".
En terminant ce paragraphe , nous devons aver-
tir que les autres auxquels nous venons de ren-
voyer, contiennent , par rapport aux Prefcriptions
qui en font l'objet , un grand nombre de décifions
qu'on peut appliquer aux différentes queftions trai-
tées dans celui ci.
§. IV. Des Prefcriptions annales.
Une des Prefcriptions les plus communes en ce
genre , eft celle de l'aflion en Retrait ligna-
GER ; mais comme nous en avons fuffilamment
parlé ailleurs , nous nous bornerons ici aux autres.
i°.lly a plufieurs coutumes dans lefquelles la
faculté de rétablir & de faire relever fans la per-
jniflion du fouverain , des fourches patibulaires en-
tièrement détruites , fe prefcrit par le laps d'un
an & d'un jour. Voyez Fourches patibulaires.
2.". Dans la plupart des coutumes de main-
morte, l'homme libre devient ferfpar le domicile
qu'il a contraélé pendant l'an & un jour dans un lieu
main-mortable. C'eft de là que par les articles 3 &
9 du titre 15 delà coutume du comté de Bourgo-
gne , il eft dit que le mari de franche condition qui
va demeurer dans la maifon de main-morte de fa
femme, s'il y meurt , eft réputé main-mortable,
luiis qu'il peut en forrir, quand bon lui femble ,
pendant la vie de fa femme , & même dans l'an
& jour après qu'elle eft décédée , & qu'en ce cas fa
demeure dans la maifon de main-morte ne nuit
pas à fa condition.
3°. Suivant un privilège accordé à la ville de
Befançon par les empereurs & confirmé par un
arrêt du parlement de Frp.nche-Comté du 30 dé-
cembre 1724 , l'j^i^ion du feigneur pour revendi-
quer fan fujet main-:r.ortable qui s".{\ établi dans
cette ville , fs prcicrit par U deraeurç qu'y fait
PRESCRIPTION.
549
celul-<i pendant un an & un jour. Ce temps pafie ,
le feigreur ne peut plus l'obliger 3 en forrir , &c les
biens que cet homme laifle ri Befançon & dans le
territoire de cette ville ne font p:is échûte (1).
4^". L'aâion en complainte eft également annale.
Voyez Complainte.
5". Les articles Champart , Corvées , Dîme ,
Injure, Interruption d'isntance, Suranna-
TION , le paragraphe précédent & le dernier de la
ieâion 3 de cet article , nous offrent différentes ef-
pèces de Prefcriptions femblables,
6". On a pareillement vu aux articles DÉshÉrï-
TÀNCE , Entra VESTISSEMENT, Maineté Se Rap-
port A LOI, que dans les coutumes de Hainaut,
de V^alenciennes & de Cambrefis , il y a des for-
malités effentielles à remplir dans l'année de la
mort d'un teftateur , quand on veut éviter la cadu-
cité des difpofitions qu'il a faites de fes immeubles.
7°. Suivant l'article 18 du chapitre 124 des Char-
tres générales du Hainaut , le feigneur fuzerain
prefcrit par un an & un jour contre la faculté accor-
dée à fon valTal d'aliéner , fans payer de lods Se
ventes , le fief de fa mouvance qui lui eft échu par
droit de bâtardife , & qu'il n'a pas encore réuni à fa
table.
8". L'article 291 de la coutume de Bretagne,
foumet à la même Prefcription les amendes qui ap-
partiennent au feigneur /70«r tore fait à des particu-
liers.
L'article 184 de la coutume du Franc de Eruge,
dit en général que « concernant les arsendes, elles
■' feront prefcrites par l'année ». C'eft ce que porte
aufli la coutume de Roufftlare, titre 17, article 3.
9°. L'article 292 de la coutume de Bretagne ,
étend cette difpofition à L' aBïon £ endommacrement de
bêtes , & elle eft en cela conforme aux coutumes de
Normandie, article 531, d'Orléans , arncles 151
& 159 ,d'Etampcs, article 179 , de Metz, titre 12 ,
article 13.
L'article 11 du titre 23 de la coutume de Bouil-
lon déclare prefcrits par le même terme , tous les
« méfus qui ne mériteront peines corporelles ».
10". Il en eft de même, fuivant l'article i';2 de
la coiJtume de Bretagne , de la peine encourue par
un fujet banier pour avoir fait moudre fon grain
hors de la banalité. Cette Prefcription a été intro-
duite en Bretagne par uns ordonnance du Duc
Jean V de 1410.
II". Le même article étend cette Prefcription au
« payement de fouages , tailles , impôts , billots &
» autres deniers d'oflroi , taux, guets, aides &
» impofitions extraordinaires ».
1 2°. Ce même texte , l'article 114 de la comnmc
de Bar-le-Duc , & l'article 13 de la coutume de
Bourbonnois , affujetiftentà la Prefcription annule
les falaires , gages & loyers de fervitoirs. En cela ,
ils dérogent au droit commun du royaume , aiufi
qu'on le verra ci-après , ^. VI.
350 PRESCRIPTION.
On a demandé fi cette difpofition pouvoît être
appliquée à l'adion d'un arpenteur pour les falaires
qui lui font dus; & par arrêt du ii février 1658 ,
rapporté dans les notes d'Hévin Air cet article , le
parlement de Bretagne a jugé pour l'affirmative.
1 3°. La coutume de Bourbonnois comprend aufTi
dans cette difpofition les <i falaires & journées d'a-
« vocats , procureurs & fergens ».
On a vu dans le §. 3 , que la coutume de Paris
en dit autant des médecins , chirurgiens & apothi-
caires.
On a mis en queflioH s'il en étoit de même des
jiircs-crieurs , lorfqu'il leur eft dû des tentures &
des frais funéraires ? L'affirmative a été prononcée
par un arrêt du 28 juillet 1693 qui eft rapporté ,
dans l'ordre de fa date, au journal des audiences.
14". L'article cité de la coutume de Bourbon-
nois, aflujetit encore à la Prefcription annale l'ac-
tion pour louage de chevaux & autres héies.
15°. Par l'article 22 du titre 19 de l'ordonnance
de 1667 , ceux qui ont fait établir des commifTaires
& des gardiens, font obliges de faire vider leurs
di(Térends& les oppofitions dans un an, à compter
du jour de leur cemmifl'ion ; autreracnr les coni-
jniflaires & les gardiens doivent être déchargés de
plein droit, fans qu'il foit befoin d'obtenir à cet effet
aucune ordonnance de juftice, fi ce n'eft que le
comniiiTaire ou gardien foit continué par le juge en
connoiflance de caufe.
Cette difpofition a été confirmée par un arrêt du
parlement de Rouen du 22 mai 173 1 , rapporté à
la fin du texte de la coutume de Normandie, im-
primé en 1753.
16°. Suivant les articles 1 1 1 5c 547 de la cou-
tume de Normandie, les faifies - arrêts faites en-
tre les mains des fermiers d'un débiteur , fur Icf-
quelles il n'y a point eu , dans l'an , de défenfes , de
la part du ji^ge, d'acquitter les faifies réelles faites
après l'année de la fomniation du décret , font pref-
crites & comme non avenues.
17". Les articles 6co & 601 de cette coutume ,
fûumettent à la même Prefcription les demandes
en reilltution de varech ou chofcs gayves. Voyez
Gayves & Varech.
18°. Suivant l'article j6 de la coutume de Na-
niur,qui fait loi dans qu«lques cantons du refTort
du parlement de Flandres , les héritiers acquièrent
parle terme d'un an , à compter du jour du décès
de celui à qui ils ont fuccédé , la libération des det-
tes dont le défunt étoit tenu. Mais pour que cette
Prefcription ait lieu, il faut que les parties foient
domiciliées dans le comté de Namur.
19". Dans la coutume de Sedan , article 327 , on
acquiert par la pofi'efi'ion annale avec bonne foi ,
Vujucapion des meubles vendus publiquiment en foires
ou marchés^ lors même qu'on prétend qu'ils ont .
été volés. Voyez l'article Vol.
En finiffant ce paragraphe , nous devons faire fur
la Prefcription d'un an , une obfervation qui s'ap-
plique à toutes celles d'un temps plus coniidérable.
PRESCRIPTION.
C'ed qu'en cctic mai iére, le dernier jour de l'an-
née eft toujouis la veille du jour femblable à celui
par lequel elle a commencé. Ainfi la Prefcription
d'un an commence, par exemple, le premier jan-
vier 1785 , Se elle eft clofe le 3 i décembre fuivanr.
Nous avons rapporté fous le mot retrait ligna-
GER des arrêts qui l'ont ainfi jugé ; & Maillard ,
article 72 , nombre 156, en cite un autre qui a été
rendu dans la coutume d'Artois le 22 décembre
1710(1).
§. V. Des Prefcrîptîons biennales.
1°. Dans le droit romain , l'aélion réfcifoire qui
étoit fondée fur le dol , fe prefcrivoit par le laps
de deux ans. C'eft ce que nous apprend la loi der-
nière, au code , de dolo. Mais dans nos moeurs , il
faut dix années pour la prefcrire. Voyez Res-
cision.
2°. En maMère criminelle, il ne faut que deux
ans pour périmer une inftance , c'eft la difpofition
de Ja loi 3 , au code , ut intrà certuin tempus , &
de l'article 21 du chapitre 107 des chartes géné-
rales du Hainaut.
3". L'article 3 du chapitre 117 de ces dernières
lois, prive de tout recours en indemnité, le fer-
mier qui a laifle écouler deux ans fans avertir fon
maître de ce qui manque dans fon exploitation,
pour compléter l'étendue & la quantité que lui at-
tribue le bail.
4°. Vexception d'argent non compté, quand elle
peut avoir lieu , fe prefcrit aflez régulièrement par
le même terme. Voyez Exception.
5°. La déclaration du roi du 20 janvier 1699,
porte que deux ans après l'expiration d'un bail
général des fermes de fa majefté, on ne pourra être
recevable en aucune demande contre les fer-
miers , pour prétendues reftitutions de droits ,
loyer de bureaux Se greniers , appointemens de
commis & vacations d'officiers.
Cette déclaration a été enregiftrée au parlement
de Paris , le 23 avril , à la cour des aides de Paris ,
le 5 février , & à celle de Rouen , le 8 mai de la
même année.
Il ne fera pas inutile de rappeler ici les déci-
fions , arrêts & réglemens qui l'ont confirmée ou
interprétée.
Les 18 oâobre & 13 décembre 1735 , décifions
du confeil contre le fieur Grimaudet, qui deman-
doit reftitution de droits du centième denier, in-
duement payés à Rofperden , dans le cours du bail
fini le 3 1 décembre 1732.
Le 13 avril 1737 , décifion femblable contre
François Thurot , qui prétendoit fe faire reftituer .
(i) « Cet arréc, dit M.->i]lard j a entériné des Jeitres cie ref-
» titution fignitiees le dernier jour des vingt-cinq ans, par
a une attcfienne , nie le iz février i «80, qui n'avoit fait
>• fignifier fa refcifion que le 21 février 170^ ». L'auteur
ajoute que le contraire avoir été jugé au fiège cchevinal de
Saini-Omer le ij dc'csmbrc 1705 , &: au confeiJ provincial
d'Attgis le 6 juillet 1706.
PRESCRIPTION.
un droit de centième denier mal-à-propos perçu
en 1731 pour un retrait.
Le i()fei)tembri 1738, bail de Forceyille qui ,
par l'article 555 de ies diipolîtions , réitère celles
de la dJcUiration de 161^9.
Le 18 oaobte 1779 ' ^^'^^^ ^" confeil qui déclare
les rellgieufes de l'union chrétienne de Mantes ,
nonrecevables dans leur demande en reftitmion
d'un droit d'amortiiTemcnr payé en 1732 pour une
acquifitioo déclarée nuUe.
Le 19 mars 1743 , autre arrêt qui déclare le
fieur Bourbon-Vidard non-recevable dans fa de-
mande en reftitution d'un droit de centième de-
nier payé à Poitiers en 1732, pour une fuccel-
fion ouverte avant l'établillement du droit , faute
par lui d'avoir formé fa demande dans les deux an-
nées qui ont fulvi le bail du fermier , par lequel
les deniers avoient été touchés.
Le 17 décembre 1743 , décifion du confeil, in-
firmative d'une ordonnance du fubdélégué de l'in-
tendance de Bretagne, qui condamnoit le fermier
du bad fini en 173^ , à leftituer un droit mal perçu
en 1737 ,lou5 prétexte que la déclaration de 1699
n'étoit pas exécutée , & que d'ailleurs ce fermier,
agilTant alors pour le recouvrement des reftes de
fon bail , étoit fufceptible des a(^ions paflives ,
comme il exerçoit les aflives.
Le 26 mars 1746 , autre décifion qui déboute
la veuve du fieur Billeton de fa demande en reAi-
tution d'un droit de centième denier payé en 173a,
dans la généralité d'Orléans , pour des biens fitués
dans celle de Bourges. Elle paroiflfoit cependant
bien favorable , puifqu'elle croit a(5tuellement pour-
fuivie par le fermier du lieu de la fituation. Mais par
la feule raifon qu'elle ne s'étoit pas pourvue dans
les deux ans fixés par la déclaration de 1699, elle
ne fut pas écoutée.
Le 3 juin 1747, arrêt du confeil qui réforme
une ordonnance de l'intendant de Metz, obtenue
par le fieur Michel , & ordonne le rétabliflfement
de droits de contrôle Si d'infinuation mal perçus
en 1736, que le fermier avoit été obligé de ren-
dre en vertu de cette ordonnance , quoique la de-
mande en reftitution n'eût été formée qu'après les
deux ans.
Le premier oélobre 1748 , autre arrêt infirraa-
tif d'une ordonnance de l'intendant de Bretagne ,
rendue en faveur du marquis de Crenan , qui pré-
tendoit fe faire reitituer des droits mal perçus en
1731 , & dont il n'avoit formé la demande qu'a-
près le délai fixé par la déclaration de 1699.
Le 13 avril 1751 , arrêt de règlement par l'ar-
ticle 12 duquel fa majefié , interprétant en tant
que de befoin, la déclaration du 20 janvier 1699 ,
ordonne que la reftitution des droits d'amortifie-
ments & de franc-fiefs induemcnt perçus pendant
le cours des baux , ne pourra être demandée que
dans les deux années qui fuivront la fin de ces
baux; & qu'à l'égard de ceux qui feront payés
après Us baux finis , foit que la demande en ait été
PRESCRIPTIONT. j^t
faite avant , ou feulement dans les troi? années ac-
cordées aux fermiers pour former leurs deman-
des , la Prefcription de deux années commencera
à courir du jour du payement.
Le 9 mai 17^2, arrêt du confeil qui, en caf-
fant un arrêt du parlement de Pau , du 27 fep-
tembre 1751 , déclare le fieur Cayla non-receva-
ble dans fa demande en reftitution des quatorze
fous pour livre appartenans aux fermiers des do-
maines dans les lods & ventes par lui payés le
3 décembre 1742 , au receveur général des do-
maines & bois , pour une acquifition du 2 no-
vembre précédent, &i cela parce qu'il ne s'étoit
pas pourvu dans le délai prefcrit par la déclaration
de 1699. Le même arrêt porte que quant aux fix
fous pour livre de ces lods & ventes, îa refiitu-
tion en fera faite au fieur Cayla , par los officiers
du domaine qui les ont reçus. — Dans le fait, la
vente avoit été annuUée par arrêt du parlement de
Pau du 9 mars 1746 ; le fieur Cayla n'avoit for-
mé fa demande en refiitution contre le receveur
général que le 19 décembre 17^0, & par l'arrêt
qui étoit intervenu, celui-ci avoit été condamné à
rcllituer la totali:é des lods. Le receveur général
s'eft pourvu en caflation, & par l'arrêt cité , rendu
contradidoireraent avec le fieur Cayla , il a été
jugé que la répétition de la part du fermier dans
les lods étoit prefcrite, mais que cette Prefcrip-
tion ne pouvoir pas être invoquée par les officiers
du domaine , parce que la déclaration de 1699 ne
concerne que les fermiers du roi.
Le 5 feptembre 1754, décifion du confeil qui
infirme une ordonnance de l'intendant d'Amiens ,
par laquelle il étoit enjoint de reftituer une par-
tie des droits perçus pour le contrat de mariage
d'un fieur Dubois , notaire , quoique la demande
en eut été formée après les deux ans déterminés
par la déclaration de 1699.
Le 14 juin 1755 , autre décifion qui , fur le
même fondement , réforme une ordonnance de
l'intendant de Rouen , obtenue par Pierre George ,
pour la reftitution d'un droit d'amortiiTeraent payé
en 1741.
Le 7 oflobre 1755 , arrêt du confeil qui jugé
la même chofe qwe celui du 9 mai 1752. La de-
moifelle Ferrand & l'abbé Bouille dcmandoient
la rcflitution des lods qu'ils aToient payés le 30 août
1729, pour une acquifition déclarée nulle par arrêt
du parlement de Paris du 28 avril 1734. L'arrêt
du confeil rendu contradiiloirement avec Yvon ,
ancien fermier des domaines , & le receveur gé-
néral des domaines de la généralité de Paris , dé-
clare non-recevable la demande en reftiturion des
quatorze fous pour livre de ces droits , faute par
la demoifelle Ferrand 8c l'abbé Bouille de s'être
pourvus contre le fermier des domaines qui les
a reçus, dans les deux ans après l'arrêt du parle-
ment de Paris du 28 avril 1734 ; & il ordonne
que les officiers du domaine reftitueront les (ix.
fous pour livre'qu'ils ont touches.
351 PRESCRIPTION.
Le 30 décembre 1756 , détifion du confeil qui ,
fans avoir égard à une ordonnance de l'intendant
de Lyon, juge que le fieur Deshayes eft non-re-
cevable à répéter ce qu'il avoir payé de trop en
1745 , pour le droit de contrôle d'un atermoie-
ment, faute de s'être pourvu dans les deux an-
nées qui ont fuivi le bail dans le cours duquel cette
perception avoit été faite.
Le 23 août 1757? arrêt du confeil qui ordonne
la reftitution de droits de lods & ventes , ôt de
rachat anciennement payés , quoique la répétition
n'en ait été formée qu'après les deux années fixées
par la déclaration de 1699.
Cet arrêt fort , comme l'on voit, de la thèfe gé-
nérale. En voici l'efpéce.
Par contrai de ijzo , il fut vendu en Bretagne
une terre dont les lods furent payés, le premier
mars 172 1 , à Pilavoine, fermier général, ou prête-
nom de la compagnie des Indes , fur la fuppofuion
que cette terre étoit mouvante du roi. L'acquéreur
étant mort en 1736 , le droit de rachat fut payé à
Colombat, fermier des domaines de Bretagne, le
ja feptembre de la même année. Dans la fuite ,
le fieur de Monty réclama la mouvance de la terre ,
avec les droits qui en dépcndoient ; elle lui fut ad-
jugée par arrêt du parlement de Rennes du prc-
jnierjuin 1756, conîirmatifd'une fentence du pré-
iidlal de la même ville du 31 feptembre 1751. Les
chofes en cet état, le fieur Lirot de la Patouliére
a demandé la reflitution des lods & du rachat payés
au domaine. On lui a oppofé la fin de non-rece-
voir qu'on croyoit réfulter de la déclaration de
1699 , mais il a répondu que cette loi nepouvoit
pas s'appliquerau cas dont il s'agiObit. Le règlement
de 1751 , a-t-il dit, prouve déjà qu'elle ne doit
pas toujours être entendue à la lettre , il a excepté
ée la difpofjtion , le cas ©ù le droit a été payé à un
fermier , après l'expiration de fon bail ; & il ne fait
alors courir la Prefcription que du jour du paye-
jnent. Mais à cette exception , il faut en ajouter
une autre pour les droits qui , ayant été légitime-
ment payés , deviennent fujets à reftitution par
ranéantiffement de la caufe qui les avoit produits.
Jufqu'à cet anéantifiement , la partie n'eft pas plus
fondée à demander la reflitution, qu'elle ne î'au-
roit été à refufer le payement du droit lorfqu'il a
été acquitté ; 5( cemrae la Prefcription ne court
pas contre celui qui n'a point d'a<îllon ouverte , il
eft clair que les deux années ne courent dans cette
efpècc que du jour où la partie a pu régulièrement
former fa demande en reftitution.
Sur ces raifons , l'arrêt cité a condamné Pi!a-
voine & Colombat , à reflituer les droits qu'ils
avoient reçus.
Ainfi, on doit tenir pour confiant que la refli-
tution doit être ordonnée , même après les deux
ans du bail fini , pourvu que la demande en ait
été formée dans les deux ans du jour que la partie
g pu valablement agir.
6'', L'article 15 du chapitre 11 de la coutume
PRESCRIPTION.
de Berry , établit une Pretcnption femblable à celle
donc nous venons de parler; mais ce n'eil: pas en
faveur des fermiers. Il porte que " le fermier des
5) exploits & amendes, après la ferme finie, eft
H tenu dans deux ans faire pourfuite & diligence
V de recouvrer les amendes , défauts & autres
V droits étant de fa ferme ; & n'efl recevable à
» en faire demande après lefdics deux ans pafi'es ,
n fi ce n'efl qu'il y eût fommation ou promeffe
'» de payer, dans lefdirs deux ans ".
7''. Il a été introduit une Prefcription célèbre
contre les procureurs , par l'article 176 de l'ordon-
nance d'Abbeville.
Suivant cette loi , les procureurs n'ont qiïe deux
ans pour faire la demande de leurs falaires.
Bouchel (i) rapporte un arrêt du 9 février 161 3,
qui juge, eu coniequence , « que les procureurs
j> font recevables à demander leurs frais & fa-
» laires , deux ans après ^qu'ils ont été révoqués ,
» ou qu'ils ont ceffé d'occuper pour les parties ».
L'arrêt du parlement de Paris du 28 m.irs 1692,
tranche , relativement à cette matière , quelques
queftions fur Icfquelles les opinions des praticiens
étoient partagées. En voici les termes :
u Les procureurs ne pourront demander le paye-
}» ment de leurs frais , falaires & vacations , deux
)) ans après qu'ils auront été révoqués , ou que les
» parties feront décédées , encore qu'ils aient con-
11 tinué d'occuper pour les mêmes parties , ou
1» pour les héritiers en d'autres affaires (2).
j) Les procureurs ne pourront , dans les af-
)» faires non jugées , demander leurs frais , falaires
j> 6c vacations pour les procédures faites au-delà
» des fix années (3) précédentes immédiatement ,
» encore qu'ils aient toujours continué d'occuper,
»> à moins qu'ils ne les aient fait arrêter ou re-
M connoître parleurs parties, & ce, avec calcul
t) de la fomme à laquelle ils montent , lorfqu'ils
» excéderont celle de 2000 livres (4) ".
Aw refle , on conçoit aifément que la Prefcrip-
tion établie ou confirmée par ces divers régle-
mens, eft de la même nature que celle dont nous
avons parlé d-ins le dernier n°. du §. 3 ; auffi n'^ft-
elle , comme celle-ci, qu'une préfomption de paye-
ment. C'eft ce que déclare bien nettement l'or-
donnance de François I , donnée pour la Pro-
vence en 1535 , titre d(s procureurs, art. 31. (5)
■ ^ ... I . ~
( 1) BiUliotbèque civile , vtrh. procureur.
(l) Le parlemcni de NoriHandie a étendu ces difpofitions
i fon rclTorr par un arrà de rég'ement du 15 ducerabre 170;,
article 15-
(5) L'articic 14 du règlement du parlement de Normandie
du i^ décembre r7«3 , porte cinq anrf'es , au lieu de fix.
(41 En Normandie, il fuâsc que les frais excèdent 1000 liv.;
pour que les procureurs foient afTujetis à ces formalitét.
Voyez rarticlc 24 du règlement cité dans la note précédente.
(f) ce Item , ( y cft-il dit ), pour ce que fouvente fois ad-
» vient qu'après le trépas des procureurs , les héritiers de-
jj mandent grands relies & falaires ,& aufli les héritiers de-
)3 mandent ce quia été payé fouvente fois auxdits procureurs :
H Ypulons fie ordonnopj que dorénaYanc lefdiis procureurs....
M,
PRESCRIPTION.
M. de Catellan , livre 7, chapitre 25 , fait en-
tendre que , de fun temps , on n'oblervoit pas au
parlement de Touloule la dilpofition des ordon-
nances qui limitent a deux ans l'action des pro-
cureurs pour leurs falaires , & il rapporte un arrêt
rendu à la grand'chambre le 17 décembre 1694,
par lequel il a été jugé «« que les frais & droits
î) d'un procureur pouvoient être demandés après
>• dix ans, quoiqu'il y eût plus de dix ans qu'il
>» n'avoir pas occupé pour cette partis, ni rien tait
« pour elle, Se qu'il ne lui eût rien demandé pen-
3> dant la vie , mais à fes héritiers )».
8^. Dans la coutume de levêché de Metz, ti-
tre 16 , article 8 , ik dans celle de Marfal , ar-
ticle 84, on prefcrit , par le terme de deux ans,
toute aiiion en payement de marchandiles ven-
dues en détail.
9". L^ coutume de Saint-Mihiel, qui borne à un
an la Prel'cription de ces objets en exige deux
pour celle des « deniers dus pour nourriture &i.
j> inflrudion l'enfans, ouvrages d'artifans & mer-
3> cenaircs , loyers & fervices de Serviteurs &
« chambrières , étant (brtis du fervice de leurs
» maîtres ou maîtrelTes ».
10" Le placard de l'empereur Charloé-Quint
du 4 ot^lobre 154O , a introduit dans les Fays-
Bat une Prescription femblabie , mais plus gé-
nérale.
L'article 16 de cette loi porte, « que tous fa-
» laires d'avocats, procureurs, fecretaires , mé-
j> decins , chirurgiens , apothicaires, clercs ou no-
j> taires , ou autres labouriers , loyers de fervi-
3» teurs & fervantes , enfemble le prix des mar-
3> chandifes vendues à détail ; payement des écots
3) accrus, fe devront demander juridiquement en
3» dedans deux ans , du jour du fervice ou labeur
33 fait, marchandife livrée ou écot accru, fans,
3) après ledit temps , en pouvoir faire pourluite
3» judiciaire, n'eft qu'il n'y ait cédule ou lettre obli-
» gatoire , en vertu de laquelle l'on pourra pour-
3* fuivre telle dette en dedans dix ans contre les
3) principaux obligés ; mais s'ils vont de vie à tré-
3> pis , l'on fera tenu de faire ladite pourfuite ju-
3> diciaire contre les héritiers , en dedans auiïi deux
3) ans du trépas dudit obligé, à compter du jour
3) que le créditeur aiira eu connoiffance du trépas
N de ("on débiteur , & après non ; mais après
3> l'expiration dudit temps , telles dettes feront ré-
3» putées duement acquittées, & pour icelles n'y
33 aura aflion ».
Cette dilpofition a été la fource d'une fdule de
procès, Iwr lefquels font intervenus des décifîons
&. des arrêts qui ont en6n donné une certaine con-
fiftence à la manière de l'interpréter.
On a d'abord demandé de quel jour devoit cou-
rir la Prefcnption contre un procureur , lorfqu'un
M ne foieni reçus à faire Jemande , mcmement de paravant
>• un an ou deux au plus , fans grande Se évidence caufe ou
M p.t'fomption ■'.
Tome XUI^
PRESCRIPTION.
353
procès duroit plufieurs années. Cette quefiion a
été décidée par une déclaration du 14 février 1549»
portant, « que l'article ci-de(Tus mentionné ne (e
» doit entendre à Teiîet que de prefcrire les fa-
'» laires des avocats , procureurs & autres prati-
" ciens, quand tels praticiens continuent leurs fer-
« vices après les deux ans, à compter du jour de
" la prononciation de la fentence définitive de
M chacun procès ; par laquelle fentence un tel pro-
» ces, auquel tels praticiens auroient fervi leurs
» maîtres , feroit en principal & tous fes membres
V décidé & terminé '>.
Cette déclaration n'a été rendue que pour le
comté de Flandres ; mais on la fuit dans tous les
tribunaux des Pays Bas. Le confeil de Brabant,
entr'autres , s'y efl conformé par deux arrêts des
19 juillet 1706 , & premier février 1709 , rapportés
dans le recueil du comte de Winantz.
Voici une efpèce à laquelle on a tenté inutile-
ment d'adapter cette décidrn Un procureur inrtruit
une caufe jufqu'à l'ordonnance de fournir , c'efl-à-
dire , de mettre les produ(5hons au greffe ou entre
les mains du rapporteur ; deux ans ie pafTent fans
que l'ordonnance s'exécute : le procureur demande
fes falaires ; on lui oppofe la Prefcriprion. Il ré-
pond que , par la déclaration de i 549 , la Prefcrip-
tion ne court pas tant qu'il n'y a point de juge-
ment dértnitif. On revient à la charge , & l'on dit
que cette déclaration ne peut s'entendre que du
cas où le procureur a mis la caufe en état , parce
que c'eft le feul où l'on ne peut Ini imputer aucune
négligence. Par arrêt rendu en 1691 , le parlement
de Flandres <« a jugé, dit M. Follet, que les fa-
» laires étoient prefcrits : une caufe n'eft point en
33 état d'être jugée par l'ordonnance de rapporter
■I) les pièces , il faut que l'ordonnance ait été exé-
» cutce , ou du moins que 1 une des parties ayant
» rapporté fes pièces , elle ait fait forclore l'autre
') de rapporter les fiennes j».
On voit par-là que fi le procureur dont il s'agif-
foit dans cette caufe, eiJt eu mis la caufe en état ,
les deux ans écoulés depuis ce foumiffument , ùm
qu'il fiJt intervenu un jugement , n'auroient pas for-
mé de Prefcription contre lui ; c'eft en effet ce qui
a été jugé par arrêt du 13 juin 1714, rapporté par
M. Desjaunaux , tom. 4 , arrêt 194.
Maillart , fur l'article 73 de la coutume d'Artois ,
nombre 54, rapporte un arrêt du parlement de
Paris du 6 feptembre 1700 , qui a jugé, fur l'appel
d'une fentence du confeil provincial d'Arras , que
d'après le placard de 1549, un procureur de ce
dernier tribunal devoit être « payé des falaires ac-
» quis par fon prédéceffeur , pour avoir occupé
33 dans une affaire jugée au confeil d'Artois, le 2a
3) mars 1687, en partie définitivement & en partie
13 interloquée ; quoique le prédécefleur ne fût dé-
» cédé que le 26 feptembre 1691 ■ & que la de-
w mande en frais & falaires n'eût été formée que
» le I 5 janvier 1694 ».
L'ufage a étendu k déclaration de i'î49 au-delà
Xy
354 PRESCRIPTION.
de fes termes. Les deux ans , fuivant cette loi , com-
mencent à courir du jour du jugement dérinitif ren-
du dans chaque procèsi ainfi elle n'excepte de la dif-
po'àtion du placard de 1540, que les falaires des
caufes qui ont duré plus de deux ans; &. la conti-
nuation des fervices du procureur dans d'autres
aftaires , ne doit pas empêcher que la Prefcription
n'ait lieu pour celles qui ont été jugées définitive-
jTient depuis plus de deux ans. u Néanmoins, dit
j» M. PoUet , on en juge autrement à l'égard des
i> procureurs de la cour ; comme on a toujours
w tenu l'opinion contraire dans les fiéges du bail-
î> liage &. de la ville de Tournai , & qu'elle a mé-
3> me été fuivie par quelques arrêts , il ne feroit
3) point équitable de taire valoir la Prefcription
■}} contr'eux. La jiiri(prudencc contraire ayant fait
3) leur confiance , on ne peut leur imputer à né-
»» gligence de n'avoir pas fait de pourluites pour
Il leurs falaires dans les deux ans. Arrêt rendu au
M rapport de M. Delvigne , le 24 lanvier 1695 »
»j après avoir pris l'avis des autres chambres ".
C'cll encore un des points juges par l'arrêt <\v. 19
juin 1714, cité plus haut. Telle efl aufli la juril
prudence du confeil de Brabant , cojnme l'attefic
M. de Wuiantz.
Mais fi le procureur n'avoir été employé dans
une caufe diHérente de celle dont il demande les
falaires, que deux ans après le jugement qui auroit
terminé cette dernière, la Prefcription lui feroit va-
lablement oppofée , parce qu'en ce cas il n'y au-
roit pas continuité de fervices , & que l'aélion pour
la première caufe fe feroit trouvée éteinte au mo-
ment où il auroit été chargé de la féconde. C'efl
ce qui a été jugé par deux arrêts du confeil de Bra-
bant , cité par M. de "Winantz.
La Prefcription ceffe lorfque les falaires ont été
demandés en juftice dans les deux ans , &. elle ne
tenait pas par une difcontinuation même triennale
des pourfuites du procureur , à moins que la de-
mande ne foit périmée. C'efl ce qui a été décidé par
un arrêt du parlement de Flandres du 19 mars
1695 , inféré dans le recueil de M. Desjaunaux.
Le même magiftrat rapporte un arrêt du 7 fé-
vrier 1709, qui jugedeux qneAions importantes. La
première , de favoir fi un procureur eft recevable
à demander fes falaires après les deux ans, lorf-
{jU'il prouve que fon client les a reçus de la partie
condamnée , comme faifant partie de fa déclara-
tion de dépens; la féconde, fi les débourfés des
procureurs font fujets à la Prefcription établie par
le placard de 1 540 , fur-tout lorfqu'ils font faits par
petites fommes à la fois. La cour a prononcé la
négative fur l'une & fur l'autre. Ce dernier point
;ivoit encore été jugé de même en 169 1 , comme
on le voit dans le recueil de M. Dubois d'Herma-
ville, page 188.
U n'y a pas lieu à la Prefcription lorfque le pro-
cureur eft débiteur de fon client d'une fomme égale
au montant de fes falaires ; & fi les créances respec-
tives font inégales , la Prefcription n'éteint l'aition
PRESCRIPTION.
j des falaires que juqu'à concurrence de ce en quoi
elle excède les prétentions du client. Le confeil de
Brabant l'a ainfi ju?é par arrêt du 17 juin 1706 , rap-
porté par M. de Winantz. La raifon en eft , que la
compenfation fe confidère comme un payement
réel , & que par conféquent le procureur eft cenfé
avoir payé fon créancier du montant des falaires
que celui-ci lui devoir.
Le placard de 15 40 décide , comme on l'a vu,
qu'après les deux ans , les dettes dont il parle , /<.-
ronc réputées duiment acquittées , 6* que pour icelles
ny aura a^ïon. Si l'on s'attachoit ftridement à ces
termes, le débiteur ne feroit pas obligé de jurer
qu'il a payé , quand même le créancier lui défere-
roit le ferment à ce fujet; & c'eft cequia étc jugé par
un arrêt du confeil de Brabant , cité par M. de
Wnnantz : mais cet arrêt n'a pafTé que de neuf voix
fur dix-fept ; & le parlement de Flandres a toujours
jugé autrement. L'ufage de cette cour , dit M. Pol-
let , a modéré la rigueur du placard : « la partie eft
)) obligée de jurer qu'elle a p^tyé les falaires, fi le
» procureur le requiert ».
Il ne faut cependant pas que la partie Jure d'a-
voir payé en telles efpèces & entre les inains de
telle perfonne. Un arrêt du 9 février 1699, rap-
porté par M. Desjaunaux , a admis l'offre d'affirmer
qu'on croit de bonne foi avoir payé , fans qu'oa
foit obligé à rien de pkis.
Mais, fuivant un autre arrêt du 7 février 1709 ,
rapporté par le même auteur , « il ne fufiit pas
1) qu'une partie qui fe prévaut du placard de 1 5 40 ,
11 offre d'affjrmer qu'elle allègue ce placard de
n bonne foi ; il faut qu'elle affirme qu'elle croit de
11 bonne foi avoir payé rée!lcraei-:t & effeélivement
H fon procureur ».
Le recueil de M. le premier préfident de Blye
nous offre , page 391 , une délibération du parle-
ment de Flandres du 21 novembre 1678, par la-
quelle il « a été arrêté , après avoir confuiié les
» chambres, que le placard de l'an i 54O , touchant
'1 la Prefcription biennale des honoraires davo-
■» cats , falaires de procureurs , & autres y dcnom-
» mes , ne doit pas comprendre les honoraires dus
» aux confeillers de la cour pour vacations en leur
» qvvalité ».
On a vu ci-devant que le plr.card excepte de la
Prefcription biennale le cas où le débiteur s'eften-
g-Hgé, par une reconnoiffance écrite, à payer les
(alaires des vacations qui ont été faites pour lui,
ou le prix des marchandifes qui lui ont été vendues
en détail , & qu'alors le créancier eft obligé de
pourjuivre f.i dette en dedans dix ans ; & fi le débi-
teur vient à mourir , en dedans deux ans du trépas ,
à compter du jour qu^il en aura eu connniffance.
Il y a quelque difficulté fur ce point par rapport
au Hainaut. L'article 5 du chapitre 107 des chartres
générales de cette province , porte, comme le pla-
card de 1 540, que les « falaires des avocats , clercs ,
» médecins , chirurgiens, ferviteurs & fervantes ,
» & les dettes ducs pour marchandifes vendues à
PRESCRIPTION.
f> détail , fe devront demander en dedans deux' ans »
>» iuivant les falaires & labeurs faits, ik les fervi-
« teurs & lervantes parties de leurs maîtres, &
« que les marchandifes auront été délivrées , à
>• peine d'en être exclus lefdits deux ans pailés ».
Mais ce même article ne s'explique pas avec la
même étendue que le placard , relativement au cas
où il y a une promeffe par écrit : « ne foit, porte-
« t-il , qu'il y eût obligation, cédule , reconnoiffance
» ou iommatioii judiciaire faite en dedans lefdits
» deux ans ». Oii voit que Ls logiflareurs du Hai-
naut n'ont pas déterminé fi dans le cas qu'ils excep-
tent par ces termes , il y a lieu à la Prefcription de
dix ans , ou à la même que pour les autres obliga-
tions perfonnelles.
Voici ce que dir M- Pollet fur cette omiffion :
« Il faut fe fouvenir que la coutume du Hainaut a
« été homologuée depuis l'éditde 1 5 40 ; 8c comme
« elle s'cft contentée d'adopter la Prefcription de
5> deux ans , on doit tenir qu'elle a laUfe les cas
î' exceptés fous la difpofition de l'article 4, où
» elle a fixé le temps requis pour prefcrirs les
" aâious perfonnelles. Il a été ainfi jugé par arrêt
" rendu au rapport de M. Cordouan'le 8 juillet
« 1699 ".
Une ieule réflexion détruit le raifonnement de
ce m.igiftrac II eft de principe, que les lois po^é
rieures ne dérogent aux lois antérieures que dans
les cas où elles leur f)nt abfolument contrairv.s;
car le fjlence de celk^s-là ne peut jamais pafîer pour
une abrogation de celles ci , & on doit toujours
adapter aux unes toutes les difpûfition> des aut;es
qui fe rapportent à des cas qu'elles n'ont ni d;!cidés
ni prévus. C'eft ce qu'explique très-bien Uomatdans
fon traité des lois civdes, & c'eA ce qu'un texte in-
finiment funple décide trés-clairement : t'o(îcrfores
leges ( dit la loi 28 , au digefte dt l. gibus ) ai prio-
res pertinent ,nifi contrjrix Tint u. Les lois poftéiieu-
ï> res fe réfèrent toujoi^rs aux lois antérie sres, &
ï> s'inrerprérenr par elles , à moins qu'elles ne
v leur (oient contrpjres ».
Or, l'article 5 du chipitre 107 des Chartres du
Hainaut , ne déroge point exprefl^^ient c; a difpo-
fition du placard de 1540, qui foumetà la Pref-
cription de dix ans toute obligation par écrit eau-
fée pour falaires de procureurs , de praticiens ,
«i'ouvriers , ou pour marchandifes vendues en dé
tail : on ne doit donc pas regarder cette difpofition
comme abrogée en Hain.iut , 8c il faut nu contraire
conclure de là qu'elle y fubfifte dans toute fa
force.
Cette conféquence paroît d';!Utant plus certaine ,
que l'article 11 du chnpiire 6"' des Chartres du Hai-
naut ordonne , au fujet des avocars-procureurs du
confeil fouverain de Mons, qu'ils " devront de-
» mander judiciairement l-urs falaires en dedans
j> deu)i ?ns des procès finis 8c terminés par fen-
» tence du juge, ou appointement des parties, qui
« leur feront à infinner, fans qu'après ledit temps
»7 ils puiffent inHituer pour ce regard aucunes ac-
PRESCRIPTION. 3î5
j f) tions ; ains fe tiendront iceux falaires avoir e;é
' » payés, ne fût que leur en eût été pafié pro-
» nieife , cédule , ou autre reconnoilfance par écrit ,
» auquel cas s'obfervera l'ordonnance de l'an 1540,
» de les demander en dedans dix ans contre les
» obligés, 8c après leur trépas contre les héritiers
v en dedans deux ans dudit trépas , fans pouvoir
» par après y être reçus ».
11 n'en faut pas davantage fans doute pour faire
voir , ou que M. Pollet a manqué à fon cxa6litude
ordinaire, en rapportant l'arrêt dont il appuie fou
opinion, ou que cet arrêt a évidemment mal jugé.
Nous ne dilfimulerons pas cependant que le con-
feil fouverain de Mons par*ît s'être fait une jurif-
prudence confiante de rejeter, par rapport à fes
avocats-procureurs , toute autre Prefcription que
celle quieftiîxée en génital pour les actions perfon-
nelles. A la cour de Mons ( dit M. K. l'un des plus
favans magif-rats de ce tribunal , dans un commen-
taire manufcrit qui nous a é é communiqué ), « à la
» cour de Mons, on tient les falaires d'avo-rats feu-
» lement prefcriptibies par le terme de douze ans
» qu;ind ils ne font point taxés , 8c de vingt un ans
» quand Us le font ;>. C'efl en effet ce qui a été jugé
dans cette cour par deux arrêts du 3 06! >bre 1685,
I entre M^ Dubray &c Jacques-Antoine Duquefnes ,
8c du 2 <; juin 1 704 , entre les exécuteurs tefîament. ?•
res de M"^ HoUain , 8c le nommé ^ikot. Le confeil
ordinaire d" Hainaut avoit décidé la même chofe
pir lentciicedu 3 oélobre 1695 , en faveur des héri-
tiers dî M' Brabanr.
Ce n'efl pas le feul point dans lequel la jurif-
prudence du Hainaut s'écarte du placard de 1 540.
Dans le commentaire manufcrit de M. K. , que
nous avons déjà cité, il efl dit que les gages des
domeîliques ne fe prefcrivent que par douze ans ;
6c la rai on qu'on en donne eft que ce font des
■^etCis u connoî're, c'cfl-à-dire , des dettes pour lef-
quelles il n'exifte point d'a<ftes , 8c dont nous par-
lerons ci-après , §. XIV.
Cette iurifprudence eA d'autant plus fingulière
que la province de Hainaut a des lois qui fixent
même à un terme plus court que le placard de
1540 , la Prefcription des gages de dome/liques.
L'article 2 de l'ordonnance delà cour de Mons de
14S8, porte que les domeftiques ne peuvent plus
demander leurs falaires après un an.
Nous avons remarqué plus haut , §. 3 , qu'il y
avoit des doutes, dans l'intérieur du royaume, fur
la queftion de favoir fi la penfion efl fiijette à la
Prefcription d'un an. Il n'y a pas moins de diiHculté
dans les Pays-Bas , relativement à l'effet que otut
produire à cet égard la Prefcription biennale éta-
blie par le placard de 1540.
Maillard, fur la coutume d'Artois , article 73,
nombre 61 , femble fuppofer que la penfion eft
fou nife à cette Prefcription, puifqu'il dit que par
un arrêt rendu h la grand'chambre du parlement de
Paris le 3 i mai 1702 , il a été décidé u que les deux
» années ne dévoient commencer que du dernier
Yyij
.^^ PRESCRIPTION.
V jour de la penfion fournie à un particulier , à
») fa femme ou à fa fille ; Se que pour conflater cette
« fourniture , le livre journal d'un cabaretier fai-
3> foit foi ».
Mais le parlement de Flandres a ,)ufqii'à préfent,
jugé le contraire. M. Pollet , partie 3 , §. 8i , en rap-
porte un arrêt du 7 oilobre 1702 , qui décide que
<c la penfion pour table n'efl pas fujette à la Pref-
« cription de deux ans ».
C'ert ce que vient encore de juger un arrêt du
14 février 1784. L'efpéce en efl fimple. Le fieur
Piette , fermier à Villerspol , met fon fils en pen-
fion chez un fieur Bureau , maître d'école à Valen-
ciennes. Quelque-temps après , voulant pafler en
fécondes noces, il l'émancipé, & paye tous fes
frais de nourriture &£. d'inftruftion jufqu'à ce jour.
Dans cet tiiat . te fieur Piette fils continue de de-
meurer chez le fieur Bureau , en qualité de penfion-
naire , 8c enfin il fe ma-'ie. Trois ans fepafl"ent fms
qu'on l'inquiète pour le payement de plufieurs an-
nées de penfion qu'il doit. 11 meurt au bout de ce
temps. Sa veuve accepte la comriiunaute Le fieur
Bureau la fait affigner en condamnation de ce qui
lui eft dîi. Elle oppofe ta Prefcriptirn biennale, &
cependant met en caufc le fieur Piette père, comme
tenu, fiiivant elle , des alimens fournis à fon fils
avant te mariage de celui-ci. Le fieur BurenulaifTe
le beau père îx la bru difputer entr'eux à qui le
payera , & il fe borne à foutenir , en citant l'arrêt
rapporté par M. Pollet , que la penfion pour table
nefi pasjujetteau placard de 15 40
Là-deffus , fentence des prévôt , jurés Se éche
vins de Valenc'ennes , qui condamne la veuve du
fiewr Piene filr & décharge le fieur Piette père , de
la demande en garantie qu'elle avoir formée con-
tre lui.
A')pel. L'arrêt cité , rendu à la première cham-
bre , au rapport de M. de Francqueville , a con-
firmé la fentence avec amende & dépens.
§. VL Des Prefcriptions de trois ans.
i". Régulièrement les inftances civiles fe péri-
ment par une celfation abfoliie de pourfuites pen-
dant trois ans. Voyez Péremption.
2". Le payement des tailles , des impofitions ,
des arrérages de rentes pendant trois années con-
fécutives , établit une efpèce de Prefcription contre
la demande qui pourroit être faite pour les années
précédentes. Voyez Quittance.
On juge même au parlement de Grenoble que
les arrérages de la taille royale fe prefcrivent, dans
le vrai fens de ce terme , par le laps de trois ans ;
& c'eft en quoi ils diflîerent des arrérages de la
taille né^ociale , qui ne font fujets qu'à la Prefcrip-
tion de trente ans. Mais fi les deux tailles étoient
portées dans le même rôle, la Prefcription de trois
ans ce.Teroit , mè ne pour la taille royale , qui, dans
ce cas, participant au privilège de la taille négo-
ciale, ne feroit , comme celle ci , prefcriptible que
PRESCRIPTION.
par trente années. C'eft ce qu'a jugé un arrêt du
14 août 1670, rendu de l'avis des chambres , &
rapporté par Chorier, page T13.
3". Le terme de trois ans éteint la faculté que le
droit romain accorde àVhérit;er (ien de répudier la
fuccefilon de (on père , aprè-i l'avoir acceptée ,
même en majorité. Voyez HÉRITIER.
4". La pofixfîion triennale efl d'une grande ref-
fource & d'un ufage très-fréquent dans les bénéfi-
ces. Voyez ci-après , feélion 3 , & l'article Posses-
sion.
5". La coutume deCambrefis, ti're 17, article 7,
exige trois années pour la Prefcription , qui , dans
les autres provinces des Pays-Bas , efi; fixée à deux
ans par le placard de Charles-Quint du 4 oflobre
1^40, rapporté dans le § précèdent (i). Et 0!« ne
peut pas dire qu'il y foit dérogé parce placard,
puifque, d'un côté, les lois de l'empereur Charles-
Quint n'ont jamais été pi:b!'ccs dans le Cambrefis ;
& que de l'autre, il s'eil écoulé plus de trente ans
entre l'émanation du placard & l'homologation de
la coutume . d'où il fuit que , s'ilpnuvoit être quef-
tion en ceci de dérogation, ce feroit la coutume
qui dérogeroit au placard , par la règle, po\l^rions
leg'S pot ores Junt his qitz priores funt (2).
6". La même Prefcription a lieu , dans tous les
endroits du royaume où il n'y a pas de lui contraire
ou différente , pour les gages & (ala:res des domef-
tiques. L article 67 de l'édit du inois de juin 15 10
l'a introdui e, & rurae;e t'a confirmée.
La coutume de l'évéché de Metz , titre 16 , arti-
cle 9 . dit que cette Prefcription ne court contre
les fetv'nevrs àf Cervantes , qu'après qu'ils font joriii
du fervice de leurs rn.iitres.
7". Cette coutume comprend auffi dans cette
Prefcription a les deniers dus pour nourriture &
n inftruilion d'enfans , & apprentlflage de métiers».
L'article 85 delà coutume de Marfal eft , fur ce
point comme fur le précédent , conforme à celle
de t'évêché de Metz.
8". Suivant le droit romain , la propriété des
meubles corporels fe prefcrit par trois ans (3) ,
même contre l'églifc (4) , pourvu que le poffeifeur
air titre & bonne foi.
Cette Prefcription , s'il faut en croire Dunod ,
e(l communément reçue dans le royaume. Mais c'eft
une erreur.
(ijiZet .liticlt- e!l a'nlî conçu : ce MirchanJs vendant den-
o lées à détail , n éJecir.s, avocats , procu eu s , barbiers , or»
ij fcvres , apothicaiics , maçons, cl.aïji'er.tters , mai ouvriers ,
o fervite ..rs , mel hines Si autres ii;ercenaire^ , ne peuvent
>3 faire aaion d; îeiirs d.nrtes , icrvi es ^ talaires , aprèt
n trois ans , s'il n y a cédule , leconnoiffJni-L eu ob'ig'tioH ,
)j que le n'cmanJeur (e viuiUe a lepJre à ferment q^. ' fcn-
« deur : auquel cas , leJft dfi nieur r.ra tenu foi pu ger pat
» ferment ■'.
,1-) loi dernière , D. lU -enfli- ■'c^"'<'.vs vfiînch'urrr.
(}■) Voyez la loi unique, C. Je ufuciv'wne rri-ih formaniâ ^
& le paragraphe jur< • in'i •■ .\ /,, ituie* , à' ufiic :p]onilus,
(4 ■ Voyez l'auihentique quas aàionm , C de facrcfanglit
tcclefiis.
PRESCRIPTION.
Nous convenons qu'elle a lieu dans la coutume
du comté de Bouigogne,& cela parce que l'ar-
ticle 1 du litre det Picfcriptions , déclare que " l'u-
w fucapiou de chofe meuble demeure félon l'or-
M doiinance & dKpofition du droit écrit >♦.
Il paroît qu'elle eftauffi admlfe dans le reffort du
parlement de Dijon ; c'eit du moins l'avis de Ra-
viot , qucftion 345 , nombre 35.
Elle l'cd eg ilement en Provence (i).
Il y a même plu eurs coutumes qui l'adoptent
en termes exprès. 1 elles font Melun , article 148 ;
Amiens , article 163 ; Aiijou, article 444 ; Maine,
article 434 \ Sedan , 3rt cie 324; Franc de Bruges ,
article 18^; Ecl<'0, titre 8 , aiticle 2 ; Bouchante,
titre 15 , arfcie 3 ; Rouffelare, titre 17, article 2 ;
Gand , rub>i -ue 19 , article 2 ; Courtrai , rubrique
1 1 , a-t.clc 4 ; XT^'aës , rubrique 1 1 , article 3 ; Lu-
xcmb.^u.g ù TmonviJ e, titre 15 , article 2;Cler-
mont cliapiric 14 article 8.
Mas <\ y a en revanche bien des provinces où
elle n'eft p^s en ufage,
La cou'mre d«. Be-ry , titre des Prefcnptïons ,
articles i & 10, &. celie d'Audemarde, rubrique
15 , article 2, la rejettent formellement, & n'ad-
mettent 'ue la Prefcription trentenaire.
Elle cfl également profcrite parles coutumes de
Bretpgne & du chef lieu de Valenciennes. Voyez
ci api es, §. VI. I & XIII.
On ne la connoit pas non plus dans le reflbrt du
parlement de Touloufe. Il y faut , dit Serres dans
ies institutions au droit françois , livre 2 , titre 6 ",
■«< il y faut le même tem_js pour la Prefcription des
» m- ubles que pour la Prefcription des immeu-
»» b!es 'j. On tiouve la même affertion dans les dé-
cifio s de Fromental . article Prc/crip ion.
C'efl auffi la jurifprudence du parlement de
Bordeaux , fuivant le témoignage de la Peyrere &
de (on annotateur , lettre P , nombre 98.
Enfin , tel eft le droit cotnmun des pays coutu-
miers. C'efl ce qu'attellent Imbert , dans ion enchi-
ridion , article ujitcapion ,8c dans fcs inflitutes fo-
rcnj(s , livre i, chapitre 35 , nombres 7 & 8. M,
Boyer (Boerius), d>lcifion i82 , nombre 12: Bu-
fnion , des loiî abrogées, livre i, chapitre 104 ;
ontanon , fur Mifuer , titre des Prelcripiions ,
nombre 10; Ranchin fur le chapitre Riyntiu ,
aux mots qnod obilab.it, nombre 'i2;& pour les
Pays-Bas, Zypœus , notiru tw s belç^ici , inre de
Prxiaipnoinbus ; Pjul Chriflin , fur la coutume de
Mi-liiies , t;t 20 , ari. 1 ; F;-anç lis Lihert-Oiriftin ,
da-s ion comfiîtnratre fur Bugnion , à l'endroit qui
vient d'être cité.
Et ■ il c^ qu'a iugé un arrêt de la grand'cham-
bre d>! parlement de Paris du 11 juillet 1738. Voici
le fait.
(l) • a , u'ce des lettres pa'entc ^e François I''' Au i.j
mai 1,17 ijuicoaiirii'.ent une otdonnanre des co.i minai .-i
des vt.f d<i i-r(iv:ncc , pott.inr c^ue / ..ccfpr>'o/2 d' Fr fc-^r on
fi-fli<vj b' poui f.i... nir,'}wCiieiife'on laformt b" di.yoJitLn
iv droi; àrit , je/on /ejiiW Itdit pr.ys ejl régi (s- ^çuvtrné.
PRESCRIPTION. 357
En 1718 , le fieur de Montargis s'eft rendu ad-
judicataire de la terre du Bouchet qui étoit faific
réellement fur le fieur Bofc. Il y avoit dans le
château de cette terre , une galerie où étoient
douze bulfes repréfentant les douze empereurs Ro-
mains : ils n'étoient point incorporés ni attachés
au mur , m?.is on les avoit placés fur des piédeftaux
fcellés a chaux & à ciment fur le plancher.
En 1736 , la veuve du fieur Bofc a prétendu que
ces bufles ne faifoient point partie de la terre du
Bouchet , & les a fait failir comme meubles , en
vertu des créances qu'elle avoit fur la fucceifiou
de fon mari.
Sentence des requêtes du palais du 5 avril 1737,
qui confirme cette iaifie , bi. ordonne la vente des
itatiies , pour, les deniers en être appliqués au
payement des créances de la dame Bufc.
Appel par le f/eur de Montargis. II foutenoit
qu'en fuppofant ces flatues de vrais meubles, ce
qu'd moit fortement , il fe trouveroit a l'abri de la
demande de la dame Bofc , par une Prefcription
fix lois réitérée, puifqu'il ne faut, difoit-il, que
trois ans, parmi nous comine chez les Pv-omaiiis ,
pour prefcrire des effets mobiliers. C'eft, ajoutoit-
il , une maxime qui eft at;eftée par Brodeau fur
la coutume de Paris, article 118, nombre 2 , 6c
par Dupleflîs , traité de la Prefcription , livre pre-
mier, chapitre i.
La dame Bofc répondoit d'abord que les flntues
étoient de véritables meubles, & elle le prouvoit par
la loi 245 , D. de verborum fi2;nificjtLone. Elle ob-
fervoit en'iuite ( ce font les termes de RoulTeau
(le la Coinbe , page 2^5 de fon recueil d'arrêts ),
n qu'en France on ne fuit point le droit Ro-
" main , pour la Prefcription des meubles par trois
)i ans. Dans les coutumes muettes ( continuoit-
» elle), c'eft-à dire , dans celles qui ne parlent
»> point de la Prefcription de meubles , comme la
» coutume de Paris, les meubles ne fe prefcrivent
u que par trente ans ».
Sur ces moyens , par un premier arrêt du ç
■;uillet 1737 , il a été ordonné qu'il en feroic
délibéré.
Et par l'arrêt définitif du 11 juillet 1738, rendu
Air ce délibéré, la fentence qui avoit rejeté la
Prefcription , a été confirmée.
9°. 11 a été rendu pour les Pays-Bas d'anciens
édits ou placards, qui feumetient à la Prefcription
de trois ans , les arrérages de rentes conflituêes.
Voyez l'addition a l'article Rente.
Les aiticles 17 & 30 du tùre 14 de la coutume
de Gorze . conti.nnent la même difpofition pour
les cir'-^rq^es de toutes fortes de rentes ik prefta-
tions réelles ou perfonnelles.
L:i coutume de Marfal , article 83 , & celle de
l'évêché de Metz , tii. 1 6 , art. 7 , portent anfli que
les ar-'érages de cens fe prefcrivent par trois ans.
C'efï également la dccifion de la coutume de
Sole, titre 28 , article 4.
On rapportera ci-après, fe^lion lU §. I dif-
35»
PRESCRIPTION.
tiui51Ion XI, H'aiitres difpofitions femblables. •
io'\ il y a un règlement du parlement de Rouen,
par lequel les enchériïî'eurs , après trois ans , ne
peuvent être pouriuivis , en vertu des inventaires
&. ventes de meubles, à moins qu'il n'y ait de leur
part cédule ou olîligation ; & par deux arrêts des
31 janvier 1660 & 21 mars 1662, inférés dans le
commentaire de Balnage , article 534, il a été
>» jugé que cela nedevoitpas s'entendre de la fi-
» gnature des enchériiTeurs fur le regiflre du fer-
« gent , mais de cédules & obligations faites fé-
5> parement après la vente ». C'elt ce que portent
auffi les placités de 1666 , art. 123.
1 1°. Par un arrêt de règlement du 21 novembre
1565 , rapporté dans le recueil de le Veft, cha-
pitre 226 , les confeillers au parlement , leurs
veuves & leurs héritiers demeurent déchargés des
procès après trois ans (i).
Brodeau, fur I.ouet, lettre S, §.21, dit que
>» le même a été jugé par airêts au profit des veu-
» ves &c héritiers des fcrgens , & luiilficrs de la
« cour , chargés de procès jugés ou indécis ».
L'article 102 de la coutume de Bretagne, dé-
cide la même chofe par rapport aux Procureurs.
On a demandé fi cet article pouvoit être étendu
aux fergens & huiflîers.^ Un arrêt du parlement
jdc Rennes du 23 mars 1689 , rapporté dans le
commentaire de Poulain du Parcq, tome i , page
380 , a jugé que l'aétion contre un fergent , pour
lui faire r>.préfenter des pièces dont il a donné ré-
cépifle, « dure trente ans , ou du moins fi elle ne
« dure que trois ans , à l'exemple de ce qui eA
« ftatué dans cet article , à l'égard des procureurs ,
ï> les trois ans ne commencent à courir vue du
« jour du décès du fergent, ou qu'il s'efl démis
j) de fa charge ».
Il n'y a pas autant de doute relativement aux
greffiers. Par un arrêt dérèglement du 28 février
i6oa , le parlement de Bret.-;gne a décidé que la
Prefcription de trois ans court au profit des pref-
fiers , comme des procureurs, après les procès ju-
gés ; Si Devolant, lettre P , chapitre 85 , rapporte
un arrêt du 12 décembre 1680 , qui , d'après ce rè-
glement , a déchargé un greflier qu'on avoit poiir-
luivi pour la repréfentation d'un procès jugèjdepuis
plus de trois ans. Mais voyez ci-après , §. 8.
l^". La coutume de Béarn , titre des Prejcriptïons ,
article 1 1 , déclare les honoraires des avocats pref-
ctits par trois ans, à compter du jour que chaque
procès a été jugé ou terminé par tranfaâion.
L'article 102 de la coutume de Bretagne porte
également que les procureurs « ne feront reçus
î> après trois ans, à demander leurs falaires ik
î) mifes ».
Cette fin de non-recevoir peut-elle être oppofée
à un procureur , lorfque muni des pièces ck des
procédures de fa partie, & afiîgné pour les ren-
fi) En Normandie, il faut cin-] ans pour opcrer cette dé-
thar^e. Voyez ci-apiès , J. S.
PRESCRIPTION.
dre , il forme une demande recenventionnelle efi"
payement de les vacations ? L'ancienne jurifpru-
dence du parlement de Bretagne étoit bien déter-
minée poi:r la négative. Les auteurs des notes fur
la coutume de cette province , recueillies par Pou-
lain du Parcq, en citent trois arrêts des 21 novem-
bre 1623 , 4 feptembre 1631, b^ 21 (eptemhre
1659 ' ^ '^^ ajoutent, a qu'il y a tant d'autres ar-
■>■> rets fur cette queftion , qu'elle ne reçoit plus de
» difuculté ».
Mais Poulain du Parcq nous avertit que <t la
» maxime contante efl aujourd'hui contraire à
» ces arrêts ; & que quoique la Prefcription
» foit complette contre le procureur , on ne peut
» l'obliger de rendre les pièces qu'en lui payant
» fes avances & vacations ».
13°. L'article 48 de l'êdit du mois de juin 15 10
ordonne, " que défo:mais les grelliers ne pour-
» ront demander les falaires à eux dus pour les
» procès par eux reçus , finon qu'ils les demandent
» trois ans après lelciits procès finis ».
14". Un arrêt de règlement du parlement de Bre-
tagne du 8 janvier 1629 , « enjoint aux geôliers des
» prifons de cette province de marquer fur leurs
» papiers les fommes de deniers qu'ils reçoivent
» des prifonniers ou de leurs cautions & procu-
» reurs, pour leur dépenfe , & ordonne qu'ils in-
» tenteront leurs aélions pour le payement de la
» dcpenfe des prifonniers non payée , trois ans
» après que la charge defdits prifonniers aura été
» mife fur ledit papier , & à faute de ce faire ,
» & ledit temps pafle , qu'ils n'y feront plus re-
j» cevables ».
Un autre arrêt de la même cour du mois d'o61o-
bre 1640, a jugé qu'un «geôlier n'efl recevable
» à demander la dèpenfe après trois ans , & doit
» reprêfenter la décharge pour favoir le temps ».
Ces deux arrêts font rapportés dans le recueil cité
de Poulain du Parcq , tome premier , page 379.
15°. L'article 20 du titre ç de l'ordonnance de
1673, foumet à la Prefcription triennale, l'obliga-
tion des cautions données pour révcnemcnt des tet'
très de chane^e : cela doit s'entendre, fuivant Sa-
vary (1), tant des cautions données pour les let-
tres de change qui ont été perdues & adirées ,
que de celles des perfonnes qui y ont mis leur
aval.
Au rerte , cette difpofition n'a pas lieu pour les
billets à ordre, même entre marchands: c'eft ce
qui a été jugé formellement par arrêt du parle-
ment de Flandres du 8 février 1764 : les par-
ties étoient le nommé Bachelart , & la veuve
Machelart.
16". Par l'article 21 du titre 19 de l'ordonnance
de 1667 , « ceux qui auront fait établir un fè-
H queflre , feront obligés de faire vider leurs dif-
» férends , & les oppofitions dans trois ans, à
» compter du jour de l'établiffement du féqueflre i
(i) Paifait négociant , pariic j , livre i j cha^icte 6,
PRESCRIPTION.
M autrement les fequeftres demeureront décharges
» de plein droit, fans qu'il foit befoin d'obtenir
î> aucune décharge , fi ce n'cl^ que le fequeftre
« fût continué par le juge en connoiiTance de
« caufe ».
17". 11 y a une coutume qui établit une Pref-
cription de trois ans & trois jours. C'cft celle de
Gorze. Elle porte, titre 14, article 45, que les
fcnfions d'enfans, les frais d'apprentifTage de mé-
tier, les falaires d'ouvriers, les gages de domef-
tiques fc prefcrivent par trois ans Ôc trois jours,
à moins qu'il n'y ait cédule , obligation , pro-
iiiefTe , arrêté de compte, reconnoiflance , ou au-
tre founiiffion de payer.
L'article 46 étend cette Prefcription aux ma-
nœuvres , artifans, & marchands dctailleurs. Ils ne
peuvent encre préfens ( dit la coutume ) , intenter
aHion pour leurs ouvrages ou marchandifes , après
trois ans & trou jours, u s'il n'en confie par écri-
« ture privée en livre rational , journal ou autre-
« ment ».
18". Par les arrêts du confeil des 22 août 17 19
& 15 novembre 1723 , l'ancien fermier des droits
de francs fiefs, d'amortiflement & de nouvel ac-
quêt , n'a que trois ans après fon bail expiré, pour
décerner fes contraintes & les faire fgnifier , afin
de le conferver les droits échus pendant fon bail ;
faute de quoi , ils font dévolus au fermier fuc-
ceflcur.
Un autre arrêt du confeil du 25 mars 173e ,
ordonne que , conformément à ceux dont nous ve-
nons de parler , les fermiers dont les baux font
finis au 31 décembre 1732, percevront à leur
profit tous les droits d'amortiffement & francs-
nefs dont ils auront formé des demandes par des
exploits en bonne forme , fur des contraintes vi-
fées par les intendans, ou dont ils fe feront afluré
le payement , foit pendant le cours de leurs baux ,
foit dans les trois années de délai après leur ex-
piration , par des ailes en bonne forme , paffés de-
vant notaires. Et cela , fans difîinguer fi ces droits
ont été ouverts & font échus pendant la durée
de leurs baux , ou s'ils leur ont été dévolus , hiite
par les fermiers leurs prédéceifeurs , d'en avoir for-
mé les demandes dans les délais p.efcrits par les
deux arrêts des 22 août 1719, & 15 novembre
1723.
Cette Prefcription ne peut être oppofée que de
fermier à fermier. Les redevables d'un droit vé-
ritablement exis^ible , ne peuvent ni objefler à l'an-
cien fermier qu'il n'a pas fait les diPgences nécef-
faires pour fe le conferver, ni prétendre rjue le
fermier aéluel eft non-recevable , narce que l'an
cien a agi dan» le temps utile. C'eiï ce que porte
une décifion 'u confeil du 21 feptembre 1743 ,
rendue fu- la demande en refiiiurinn ■^ un droit
payé à Culombat , fermier en Btetagne, que la
partie foutenoit avoir été confervé par fon pré-
décefleur.
PRESCRIPTION.
359
§. VII. Des Prefcriptions de quatre ans.
Nous ne trouvons dans le droit romain & dans
nos coutumes , que quatre efpèces de Prefcriptions
quadriennales.
i'^. Suivant les lois 2 & 3 , C. tf? quadrïtnnïi
Prxfcripcione , lorfque l'empereur ou l'impératrice
avoient aliéné le bien d'autrui , celui qui l'avoit
reçu de bonne foi , le confervoit ; mais le pro-
priétaire avoir fon recours contre le prince pour
fon dédommagement, & ce recours fe prefcri-
voit par quatre ans.
Cette difpofition n'a pas lieu en France : c'étoit
un privilège fingulier que les empereurs s'étoient
aîtribué; nos rois n'oiit pas jugé à propos de s'en
fiire l'application , & il n'y a pas d'exemple qu'il
ait été mis en pratique parmi nous. C'eil ce qu'at-
teûent Bacquet , du droit de déshérence , cha-
pitre 7 , nombre 20 , ainfi que Mornac fur le titre
cité, & fur la loi dernière, C. /I advenus fifcum.
Dunod dit la mêmechofe, partie 2, chapitrée.
Celui-ci croit pourtant qu' " on pourroit y ap-
» porter une exception , dans le cas des ventes
)' folemnellement faites au nom du roi, & dire
" que les créanciers ou propriétaires qui ne s'y
11 feroient pas oppofés , ne feroient pas receva-
" blés à les conteftcr après quatre ans «. Bacquet
établit la même doélrine, & cite un ancien arrêt
qui femble la confirmer.
2*^. Les biens vacans , lorfqu'ils éto'ent dé-
noncés , 6i que le fifc avoit négligé de s'en mettre
en portelfion , pouvoicnt être prefcrits, mime
fins titre , par quatre ans ; mais s'il n'en avoit pas
été fait de dénonciation , on ne pouvoit les pref-
crire que par dix ans avec titre, & par vingt ans
fans titre (i).
La formalité de la dénonciation n'eft plus en
ufage parmi nous. Le fifc efl cenfè prcfent dans
toutes les parties du royaume , parce que dans
toutes il y a des prépofés qui veillent à fes droits.
Mais ert-ce à dire pour cela que la Prefcrip-
tion de quatre ans, dont nous parlons, doit avoir
lieu en France } Les fentimens font partagés !à-
defiiis. Mornac, d'Argentré & Bacquet, aux en-
dioics déjà cités, tiennent la négative. D'autres,
tels que le Grand, fur l'article 128 de la cou-
tume de Troyes , nombre 62 , M le Bret, de la
Souveraineté, livre 3 , chapitre 14 , ont embraffé
l'opinion contraire. Elle peut être fondée , dit
Dunod , « fur ce que la c ufe du fifc n'efl pa's fa-
« vorable; que puifqu ;1 profite de la loi romaine qui
» lui donne les biens vacans, ileftjufte qu'il fouffre
)> l'exception que cette même loi apporte en fa-
» veur du poifeifeur ; que ce poffcficur n'eft pas
)> en mauvaifefoi , tandis que le Çik n'ufe pas
n de fon droit , le bien vacant pouvant être re-
^i , oi 1 ,0 Jeçua r.pr«,e,./;r. l oi i V 1 3 , o. de. jure
lijci Loi I ,'D.dt dlveriii temjjratih. excq>'. D'Argentré, ac-
ude i<;tf ,c:i.tpicre 19 , nombre i+. Le Grand fui Troyçs,
artick H8 j ECrobiç Si. '
3^0
PRESCRIPTION.
« gardé comme abandonné , & devant coder au
» premier qui l'occupe ; qu'il y a des coutumes
» qui le décident ainfi ; ai que la loi rcmaine
« donne pouvoir de s'entremettre dans les liéri-
« tages qui font délaifTés fans culture pendant
» trois ans ».
On auroit de la peine , malgré ces raifons , à
faire admettre la Prefcription dont il s'agit , dans
les provinces où le drou romain n'eft confidéré
que comme raifon écrite. Car de dire que, puifque
le fifc profite de la loi romaine , ptnir prendre
les biens vacans , il efl: juftc qu'il foufFre l'excep-
tion qu'elle met à fon droit en faveur du poffef-
feur quadriennal , c'eft partir d'un faux principe
& fuppofer la chofe qui n'efi pas. En effet , le fitc
n'a pas befoin des lois romaines pour s'approprier
les biens vacans : fon droit à cet égard réfulte de
la conftitution même de l'ordre locial. Tout ce
qui n'appartient point aux particuliers, appartient
au public ; c'eft une vérité évidente par elle-mè-
ine : & comme c'eft le prince qui repréfente le pu-
blic dans les monarchies, c'eA à lui feul auffi, ou aux
leigneurs qui font à fes droits , que doivent être
déi-érés tous les biens vacans. Tels font ceux des
bâtards après leur mort ; comaie ils ne font dans
le domaine privé de perfonne , ils fe réuniflent de
plein droit à la ieigneurie publique , faute de pro-
priétaire particulier qui puific les recueillir.
Ce n'eft donc point par le droit romain que ces
biens font acquis au fifc ; c'eft uniquement par
voie de réunion & de réverfion , pour ainfi dire ,
à la puilTancc publique ; réunion & réverfion fon-
dée fur la mort de celui qui n'en avoit qu'une pof-
felTion attachée à fa perfonne, & non pas une pro-
priété tranfmifljble à fes héritiers ; & c'eft ce que
les douleurs ont très-bien exprimé par un terme
barbare, mais énergique, lorfqu'ils ont dit que le
fifc occupoit les biens du bâtard , per annihilationem
perfonce , c'eft-à-dire, par l'anéanti^ementd'un pof-
feffeur , qui ne Jaifte aucun droit après lui, en forte
qu'il ne refte pas même la moindre trace de fa pro-
priété particulière.
Ainfj s'écroule d'elle - même la raifon fonda-
jnentale du fyftême qui foumetà la Prefcription de
quatre ans les biens déférés au fifc comme vacans.
Ce fyftême fembleroit devoir être moins accueil!
dans la Franche Comté qu'ailleurs , puifque la cou-
tume de cette province étend exprefîément à trente
années toutes les Prefcriptions du droit romain.
Cependant il a été adopté par le parlement de
Befançon dans fes arrêts de règlement des 28 août
1692 & 18 aoiàt 1707 , faits pour les arpentages
généraux des territoires qu'on pratiquoit alors (i).
Il y eft dit que « toute pofleftion moindre de quatre
j> ans ne peut fervir au pofTefleur , quand il s'agit
j) de le déjeter ; & que s'il n'y a pas aflez de ter-
» res dans le canton qui fera arpenté, pour rem-
»» plir les droits des propriétaires & des poflefîeurs ,
II] Voyei l'article Arpentage.
PRESCRIPTION.
» celui dont la pofleftion ne fera ni précaire ni vio-
» lente, au-deffiis de quatre ans ôc au-delTous de
» trente , ne pourra être déjeté que par celui qui
» aura un titre, ou qui aura été poftefteur de plus
» de trente ans ».
11 fuit de-là , dit Dunod , que les feigneurs hauts-
jufticiersont été exclus du droit de fe taire adjuger
comme terres vacantes Si en déshérence , celles
qui itoii^i-ic poftedées depuis plus de quatre ans.
Les motifs de cette exclufion font fimples. Lorfquc
la coutume de Franche- Comté dit que les héritages
ne peuvent être prefcrits que par trente ans , elle
ne doit être entendue que d'une propriété certaine
& (ormée , & non d'un droit auffi fragile que celui
du fifc aux biens vacans ; droit qui eli cenfé aban-
donné quand il n'eft pas exercJ dans fon temps ;
droit qui doit céder à la pofleffion de quatre ans ;
droit enfin qu'on peut comparer aux aéVions de
commife Ck autres peu favorables ,que la coutume
n'eft pas cenfée avoir voulu proroger jufqu'à trente
ans.
Mais n'étendons pas trop loin les conféquences
des arrêts cités. Il en réfulte bien qu'en Franche-
Comté on prcfcrir par quatre ans les biens vacans
dont le domaine n'entre pas de plein droit dans le
patrimoine du fifc, & pour lefquels il faut que le
prince ou les feigneurs fe pourvoient par aélion.
Mais il en eft autrement lorfqu'ils font acquis au
fifc de plein droit, comme par aubaine , déshé-
rence , bâtardife ou confifcation : on ne peut pas
dire en effet que les réglemens du parlement de
Besançon portent fur cette dernière hypothèfe,&
il y a tout lieu de croire qu'en pareil cas , cette cour
n'admettroit contre le fifc que la Prefcription de
trente ans.
3°' Il y a encore dans le droit romain , une autre
Prefcription de quatre ans. C'eft celle qui court en
matière de reftitution en entier. Nous en parlerons
plus particulièrement à l'article Rescision.
4*^. Dans la coutume de Hjinaut, il faut quatre
ans pour périmer une inftance civile. Voyez! addi-
tion à l'article Péremption.
§. VIII. Des Prefcriptions de cinq ans.
Nous avons parlé de phifieurs de ces Prefcrip-
tions , fous les mots Adultiire, Arrérages,
Bail (partie 16 ), Change, Commise, Con-
tumace, Injure, Inofficiosite, Légitime,
LÉGITIMITÉ, Profession monastique. Récla-
mation , Record de loi , Séparation de
biens entre l'héritier et les créanciers ,
TENEMENTDE CINQANS, & V(EUX.
Il en refte encore huit autres fur lefquelles il eft
important de dire quelque chofe.
i". Suivant la loi 3 , Q,.fimd]or faâus , le mineur
n'a que cinq ans, après fa majorité , pour fe plain-
dre du défaut de décret du juge dans l'aliénation de
fon bien. Mais cette efpèce de Prefcription n'eft
plus reçue dans nos Bioeurs ; il faut parmi nous ,
une
PRESCRIPTION.
un efpace de trente ans pour opérer l'eftet qu'elle
produifoit chez les romains. Voyez Nullité &
Rescision.
2°. Suivant les anciennes ordonnances de Fran-
che Comté , le défaut d'avoir interjeté un appel
dans les dix jours ne pouvoit être réparé que par
des lettres de rertitution obtenues dans les cinq
ans , terme qui néanmoins ne couroit contre les
mineurs , que du jour de leur majorité.
L'ordonnance de 1667 a prefcrit fur cette ma-
tière d'autres délais auxquels on doit fe conformer
en Franche Comté. Mais il rcfte une difficulté au
fujet des décrets dans lefquels les tribunaux de cette
province ont confervé leur ancienne procédure.
£ft-on encore affujeti , comme autrefois, au délai
de cinq ans pour en appeler ; ou a-t-on , concer-
nant cette matière, tout le temps que l'ordonnance
de 1667 accorde pourles appellations indiftinéle-
PRESCRIPTION.
5(îf
ment
Dunod répond qu'il y a là-defTus des arrêts pour
& contre, mais que par le dernier, rendu à la
chambre des enquêtes du parlement de Befançon ,
le 13 mai 1724 , il a été prononcé fur l'appel d'un
llécret fans avoir égard à la fin de non-recevoir qu'on
faifoit réfulter de ce que cet appel n'avoit pas été
interjeté dans les cinq ans.
Cette jurifprudence ( continue Dunod ) , « pa-
» roît la meilleure , parce que l'appel d'un décret
M n'eft pas un aâe du décret même : c'eft un ade
» étranger pour lequel notre ancienne ordonnance
« ne nous avoir rien prefcrit de particulier en ma-
» tière de décrets. Il n'y a aucune raifon qui doive
» reftreindreles apellations dans cette matière à un
») temps moindre que celui qui eft prefcrit par l'or-
« donnance de 1667: elle pourvoit furies appella-
» lions en général , & ne nous manque point fur
» les appels des décrets , pour la procédure def-
« quels nous n'avons dû continuer à fuivre nos
« anciennes ordonnances , qu'en tant que les nou-
M velles n'y ont pas pourvu ».
3°. L'ordonnance de Philippe II , roi d'Efpagne,
donnée pour la Franche-Comté en 1569, déclare
prefcriptibles par cinq ans les aflions des mar-
chands & des apothicaires pour leurs fournitures ,
& celles des domeftiques pour leurs falaires.
Dunod , partie 2 , chapitre 7 , prétend que cette
Prcfcription doit être réduite à fix mois & à un an ,
conformément aux articles 7 & 8 du titre premier
de l'ordonnance de 1673 » " pa^ce que, dit-il, elle
f) déroge aux lois & coutumes contraires ". Mais
on a vu plus haut , §. 3 , que cette dérogation
n'eft rien moins que- réelle; & nous ne compre-
nons pas pourquoi l'ordonnance de i673auroiten
Franche-Comté une vertu dérogatoire qu'elle n'a
ni dans la coutume d'Orléans, ni dans les provin-
ces de Flandres, d'Artois & de Hainaut (1), ni
enfin dans la coutume de Cambrefis (2).
(i) Voyez ci-devant, § . f.
(1) Voyez ci devant ,§. 6,
Tome XIII,
Du reAe , les principes , qui dans l'intérieur du
royaume régiffent la Prefcription de fix mois ou
d'un an , gouvernent pareillement en Franche-
Comté la Prefcription de cinq ans. Ainfi, de même
que , comme nous l'avons remarqué ci-deflus , §.
3 , la Prefcription de fix mois ou d'un an , dans
l'intérieur du royaume, n'a pas lieu de marchand
à marchand , de même , en Franche-Comté , un
marchand ne peut pas prefcrire contre un autre
marchand , par le feul terme de cinq années, la
libération du payement des livraifons que lui a
faites celui-ci à titre de commerce réciproque. Le
parlement de Befançon l'a ainfijugé par arrêt rends
à la grand'chambre le 3 janvier 1726: les parties
étoient d'une part, les héritiers du nommé Labon-
dance , & de l'autre , la veuve Jobard.
Dunod , qui rapporte cet arrêt , nous apprend
encore que , fuivant la jurifprudence de la même
cour , la continuation des fervices des domeftiques
interrompt la Prefcription à leur égard.
4". Il y a en Franche-Comté une ordonnance de
16 12 qui déclare prefcrits les honoraires d'avocats
& les falaires de procureurs qui n'ont pas été de-
mandés dans les cinq ans après que le procès dans
lequel ils ont plaidé, écrit ou occupé , a été jugé
ou eft tombé en interruption.
La Précaution que cette loi prend de faire courir
la Prefcription dont il s'agit du moment où chaque
affaire eft, foit jugée, foit interrompue, eft re-
marquable : il en réfulte clairement que le travail
que font les avocats & les procureurs dans d'autres
affaires , n'interrompt pas cette Prefcription.
Dunod, qui fait cette obfervation, ajoute que
« Fontanella témoigne qu'on le pratique de la forte
ji en Catalogne , ou il y a une ordonnance fembla-
» ble à celle de Franche-Comté ».
Mais Dunod fe trompe. L'auteur qu'il cite (i)
ne dit rien de précis fur la queftion. Il rapporte feu-
lement deux arrêts du fênat de Barcelone , qui fe
croifent & fe contredifent abfolument à cet égard.
Par le premier , dont on ne connoît point la date ,
il a été jugé que la continuation de fervice , quoi-
qu'en d'autres affaires , interrompoit la Prefcription
en faveur des avocats (2).
Fontanella nous avertir cependant qu'il ne peut
pas garantir la vérité de cette décifion , parce qu'il
ne la connoît que par ouï dire (3).
Le fécond arrêt qui eft intervenu le 7 juin 1607 ,
a donné dans l'extrémité oppofée : il a décide que
quoiqu'une affaire eût été continuée très- long-
temps , l'avocat qui l'avoit inftruite ne pouvoit
^i) Fontanella , de ya6lis nupdalibus , cluufula 4, ghjfa
18, pari 5, n. 3J tr/ey.
(i\Adie enim cefTationis & non anteà ccnfuit fenatus
computanJum efle tempu! , taliter quoi Ci per mille annos
durafTet, Je continuatum effet fervitium, mille annaii debc-
rentur procul dubio.
(;; Decifionem hanc egO nonviii f fed ita decifum faiflc
exticit mihi tclatuni.
Z z
3^i
PRESCRIP TION.
demander que les honoraires de fon travail pen-
dant les cinq dernières années.
De ces deux jugemens , Fontanella paroîr d'a-
bord préférer le iecond au premier (i). Mais il
finit par laiffer fon lefleur dans Tirréfolution : tu
cogita , & , (i efl pojjibïle , in favorem ordinis & pro-
fejjîonis refolve.
Voyez au furplus ce qu'on a dit ci -devant ,
§. 5.
5°. Il eft de règle dans prefque tous les tribu-
naux du royaume , que les procureurs ne peu-
vent plus être inquiétés après cinq ans, pour les
procès jugés , &. après dix ans , pour ceux qui font
iiuiécis.
A l'égard de leurs héritiers , on ne diflingue pas
fi les procès font jugés ou non ; & ils n'ont be-
foin que de cinq ans pour être pleinement dé-
chargés.
Voyez à ce fujet l'article Procureur.
La loi qui a établi cette Prefciiption , n'a pas
été publiée dans le comté de Bourgogne. Cepen-
dant Dunod croit qu'elle doit y avoir lieu. <' Dans
j» le cas, dit-il, où les avocats & les procureurs
y> ne font plus recevables à demander leur paye-
» ment , il paroît jurte qu'on ne puifTe pas non
î) plus les rechercher pour la reftitution des pièces
3> qui leur ont été confiées. Car fi le laps de temps
» fait prefumer qu'ils ont été payés, il doit faire
î> préfumer auffi qu'ils ont rendu les pièces ".
Nous avons remarqué plus haut, §. 6, que la
coutume de Bretagne a introduit pour les mêmes
objets une Pi efcription plus courte, & que la ju-
rifprudence du parlement de cette province l'a
étendue aux greffiers.
Le parlement de Bordeaux en a jugé autrement
par rapport à la Prefcription dont il s'agit ici. La
Peyrere , lettre P, nombre 160, après avoir dit
que les avocats & les procureurs font déchargés
de la refiitution des pièces de procès jugés , après
cinq ans, obferve que cette « décifion n'a pas lieu
j> pour les grefiiers, parce qu'ils font dépofinùres
>) publics : ainfi ( continue t-il ) , ils iie peuvent
j> jamais prefcrire " ; & c'eft ce qu'ont jugé deux
arrêts, l'un du mois de juillet 1679, contre le
greffier de Bazas auquel on demandoit un compte
qui lui avoit été remis depuis plus de trente ans ;
& l'autre du mois d'août 1687 , conrre les héritiers
dun autre greffier, qui furent condamnés après
quarante ans, à repréfenter l'original d'un a6le.
En Normandie , il faut cinq ans pour décharger
(i) Nefcio , iiic-i/ , an pro hae opinione faceret coniîderai t
quôd illud idem quod Advocatos &: procuratores al'egarc
oportet , & probare ut inreicup.ioneiii prajfcii^ tionis (latu
iar'2 probent , continuaticn.'ni fclicis litis, eft c,uod eis ma-
ïis Hocere pctell : non eniin ell vetilimile quôd tanto ttni-
pore (ervierinc fine faJatio : negUgentia enim & incuria in
petcndo folùm videtur conliderjri poil litein finiiain , vel
càm ea dcrelin^^uitur ut n hil in eâ dicatur : quia tune cùm
advocati &■ prùcuratces n-jn viJeanr principalem , non ba-
bcntccca'^cnem petendi. Seà qUJnd» eurrjç ncgcuuni , r/x
•li e* negligçuti» yçiiliniili»»
PRESCRIPTION.
un rapporteur des pièces d'un procès jugé , &. à cet
égard la condition des magifttats eft la inême que
celle des avocats & des procureurs ; cela eft ainfi
réglé par l'arrêt dû parlement de Rouen du 28 fé-
vrier 1704.
6". Par l'article 284 de la coutume de Bretagne,
les chofes mobilières font prefcrites après cinq
ans , à moins qu'il n'y ait a obligation , lettre , ou
» promefte par écrit 11.
j°. Suivant l'article 288 de la môme coutume ,
l'aflion pour crime , lorfqu'elle n'a été fuivie ni
de plainte, ni d'information, fe prefcrit par cinq
ans , tant contre la partie publique , que contre les
parties privées. Voyez ci-après, §. 13.
8°. L'article 4 du titre commun des fermes de
l'ordonnance du 22 juillet 168 1 , porte que les
droits des fermiers généraux feront prefcrits par
cinq ans, à compter du jour de l'expiration de
leurs baux. Mais cette Prefcription n'a pas lieu ,
quand le roi lui-même eft partie, comme exer-
çant les droits des fermiers , fes débiteurs.
L'article fuivant ajoute , que ce qui eft ordonné
des fermiers - généraux aux fous -fermiers, aura
aufii lieu des fermiers Ôc fous - fermiers à leurs
commis.
§. IX. Des Prefcnptiom de fix ans.
Ces Prefcriptions font en petit nombre.
i". L'article 3 du chapitre 21 des chartes géné-
rales du Hainaut , déclare qu'on prefcrit par fix
ans l'aflion en approuvandement de plein-e affolure»
Voyez Affolure.
2". L'article premier du chapitre 87 des mêmes
lois , décide que ce laps de temps éteint toute pro-
curation générale, qui n'a pour objet , que de dé-
fendre à une demande formée en juftice.
3". Elles veulent encore, par l'article 14 du
chapitre 107 , que l'aftion en redreflement de
compte , pour raifon des excès , erreurs ou omif-
fions qui s'y font gliftés, f«it intentée dans les
fix ans.
4 ". Et par l'article 1 5 du même chapitre , elles
donnent fix ans à l'abfent, après fon retour, peur
faire judiciairement la demande des fucceffions Sc
avions mobilières qui lui font échues pendant fon
abfence.
5''. La Prelcription la plus remarquable qu'il y ait
dans ce court efpace de temps , eft celle qui a lieu
dans le chef-lieu de Mons.
Il fut un temps , où dans cette partie du Hai-
naut , une année fuffifoit pour prefcrire les m:iin-
fermes. Enfuite la coutume, rédigée en 1533,6x3
le terme de trois ans.
Mais fur les repréfentations des échevins de
Mons , que ce terme étoit trop court , les archi-
ducs Albert & L'abelle , ont porté , le 20 mars
1606, un décret dont l'article 2 déclare que «» d'ici
» en avant perfonne ne fe . . . . pourra vanter de
" Prefcription , s'il n'a joui & pofTédé à jufte titre
n & de bonne fei , par l'efpace & terme de ùx.
PRESCRIPTION.
» ans continuels entre préfens contre perfonne
« puiffante de fourfalre & aliéner pour toujours ".
6°. On a vu plus haut que la jurifprudence du
parlement de Paris limite à deux ans, Taflion des
procureurs pour leurs frais & falaires , & fait cou-
rir ce terme du jour que les parties font décédées ,
ou que les procureurs ont ceffé d'occuper , foit
par révocation , ou autrement : mais quand il ne
fe rencontre aucune de ces circonftances , la Pref-
cription biennale fait place à celle de fix ans. Un
arrêt du 7 feptembre 1634, « ordonne que les
i> procureurs feront à l'avenir arrêter leurs frais ,
>> falaires & vacations , par leurs parties , dans les
i> fix ans , du jour qu'ils auront commencé d'oc-
» cuper, ou qu'ils auront fait arrêter les comptes
» de leurs frais ik falaires, ou du jour qu'ils au-
« ront intenté aflion à cet effet, nonobftant qu'ils
» cufTent continué d'occuper pour les mêmes par-
» ties ; autrement & à faute de ce faire , ils ne fe-
» ront point recevables à prétendre aucun rem-
» bourfement *.
Ce règlement a été renouvelé par un autre du
19 juin 1674, rapporté au journal des audiences ,
6c par l'arrêté de 1692, tranfcrit ci-devant , §. 5.
On a demandé fi les honoraires des avocats
étoient fujets à cette Prefcription ? Deux arrêts du
parlement de Grenoble, des 7 feptembre 1666 &
13 juin 1668 , rapportés par Baffet , tome 2 ,
livre 2, titre 4, chapitre 3 , ont jugé qu'ils ne fe
prefcrivoient que par trente ans. On a remarqué
plus haut, §. 5 , que c'eft auffi la jurifprudence
du confeil fouverain de Mons , quoique la cou-
tume de Hainautjà laquelle ce tribunal eft fou-
rnis , décide formellement le contraire.
§. X. Des Prefcrlptions de fept ans.
1°. Par l'article premier du chapitre 20 des char-
tes générales de Hainaut , le droit de demander le
record d'un a6le , fe prefcrit par fept ans. "Voyez
Record de loi.
2°. La coutume de Bayonne admet , en plu-
lieurs cas , une Prefcription femblable.
L'article premier du titre 13 porte , que le tiers-
pofrefTeur prefcrit par fept ans l'aftion hypothé-
caire contre le créancier, & la demande en re-
vendication contre le propriétaire.
L'article 5 déclare qu'on acquiert par la même
Prefcription , le droit de bâtir, de planter des vi-
gnes , des arbres , ou de faire toute autre chofe fur
le terrein d'autrui.
L'article 7 ajoute qu'au botit de fept ans, le te-
nancier de prinfieft^uïa été interpellé cliaque an-
née par fon feigneur , de payer le devoir , & n'en
a rien fait , perd le domaine utile , & que le fei-
gneur peut en faire la réunion à fa table.
§. XI. De la Prefcription de huit ans.
L'article 241 de la coutume de Caflel , eft peut-
être la feule loi qui parle de cette Prefcription. Il
PRESCRIPTION. î^3
porte que , u les arrérages de rentes , foit radie-
» tables ou non rachetables , foncières ou autres ,
» de loyers de baux de fiefs , d'héritages rotures &
» à cens , au-de(Tus de fept ans , font tenus pour
» prefcrits & acquittés , de telle manière , que fi
)> on n'en a point fait la demande en juftice dans
)> la huitième année , après qu'ils font échus , on
)» n'en aura plus d'aftion ».
§. XII. De la Prefcription de neuf ans.
Par l'article 1 1 du titre 6 de la coutume de la
ville de Lille , « tous marcqs ( c'eft-à-dire , arréra-
» ges) de rente , fe peuvent prefcrire par le terme
» de neuf ans ».
§. XIII. De la Prefcription de dix ans.
II faut, fur cette matière, diftinguer les a61ions
réelles , d'avec les perfonnelles ou mixtes. ^
1°. Régulièrement, les avions réelles, c'eft-a-
dire , celles qui ont pour objet la revendication
d'un immeuble , ou la maintenue dans un droit
de fcrvitude , fe prefcrivent par dix années entre
préfens.
Cette Prefcription qui exige jufte titre & bonne
foi , eft établie par la loi unique , C de ufucapwne
transformandâ , par la loi 2 , C de Pr<zfcripiione
longi lemporis , & parla novelle 119.
Elle n'eft pourtant pas obfervée dans tous les
pays de droit écrit, quoique Dunod , partie 2 >
chapitre 8 , aiïure le contraire.
Chorier , dans fa jurifprudence de Guy-Pape ,
page 333, dit que le parlement de Grenoble ne
reconnon que les Prefcrlptions de trente ans& de
quarante ans.
Et il ne faut pas croire , fur la parole de Bre-
tonnier (i) , que cette cour foit la feule qui juge
ainfi. Serres , dans fesinftitutions au droit françois ,
livre 2 , titr« 6 , dit que , « dans les pays de droit
» écrit ( il ne veut fans doute parler que du reffbrt
du parlement de Touloufe pour lequel il écrit fpé-
cialement ) , » on n'a confervé l'ufagc de la Pref-
» cription de dix ou de vingt ans , qu'à l'égard
11 des hypothèques des créanciers, dont il eft parlé
■n dansf le titre du code , fî advershs crcdirorem
>» Prcefcriptio opponatur », & à l'article HYPO-
THEQUE.
Un peu plus haut , le même auteur avoit dit :
a Dans les pays de droit écrit, on ne peut ac-
jj quérir les immeubles non plus que les ir.eubles,
)> que par une Prefcription de trente ans, qui eft
V appelée en droit Prcefcriprio lonoijfimi temporis ,
M parce qu'on a cru que la novelle 119, chap. 7 ^
» d'où a été tirée l'authentique malx fidei , exi-
V geoit encore , indépendamment du titre & de la
)> bonne foi du poft'efteur, que le véritable prc-
(I) Qucftions alphabéti(j«es, verh. PRESCRIPTION, au
coramencementt
Zz l j
364
PRESCRIPTION.
M priétaire eût connu le droit qu'il avoit fur la
j> chofe , ce qui ne fe préfume jamais ». Voyez ci-
devant , feiSion I , §. ^.
Nous trouvons la même do61rine établie au par-
lement de Bordeaux. « Il faut remarquer ( dit l'an-
» notateur de la Peyrere , lettre P , nombre 83 ) ,
V que bien que par le droit, la Prefcription de dix
« ans ou vingt ans avoit lieu , tant contre le pro-
»> priétaire que contre le créancier , néanmoins dans
» ce parlement , il faut trente ans contre le pro-
« priétaire , fuivant la remarque de Bechet. Voyez
» la novelle 119, chapitre 7 , où il eft fait des dif-
»> tiutf^ions que nous ne fuivons pas ».
Il y a plus. M. Julien, dans fon comhientaire fur
les ftatuts de Provence, tome 2 , page 516, afliire
prefque h même chofe , par rapport au parlement
d'Aix. Il cite, à la vérité, un arrêt du 27 juin 1673 >
« par lequel il fut jugé que la revendication étoit
» prefcrite par dix ans , parce que le pofiefTenr
M étoit en bonne foi, & le propriétaire préfumé
» avoir fu l'aliénation ».
Mais voici ce qu'il ajoute auffitôt :
« Duperrier , dans fes maximes , titre de la Pref-
» cription de dix ans , obferve que prefque jamais
» la Prefcription de dix ou de vingt ans ne fuffit au
y poflelTeur contre la revendication. Mais il paroît
>> adopter la Prefcription de dix & de vingt ans ,
ï> lorfqu'il s'agit d'un fécond acquéreur, qui a acquis
■'■• de bonne roi d'un premier acquéreur. — Le (en-
j> timent qui n'admet pour la Prefcription du do-
»» m.iine & de la propriété des chofes que celle de
V trente ans , foit que les poiTeffeurs aient été en
j) bonne ou mauvaife foi, paroîrplus conforme à nos
3> ufages & à nos maximes. Duperrier , au lieu cité ,
î) dit que la Prefcription de dix ans eu prefque
« inutile , à la réferve de l'adion hypothécaire &
y> du regrès )>.
M. Julien cite encore , à l'appui de ce fentiment ,
l'ouvrage manufcrit d'un célèbre jurifconfulte de
même nom que Iwi. »» M. Julien , dit il , obferve ,
» dans fes mémoires , titre Prœ/cript'u , qu'indif-
» tinétement la revendication ne fe prefcrit que par
i> trente ans ».
On voit bien par-là que Bretonnier & Dunod fe
font trompés, quand ils ont avancé que la Pref-
cription de dix ans entre préfens & de vingt ans
entre abfens , s'obfervoit dans les pays de droit
écrit.
A l'égard des pays coutumiers, il en eft où on
ne connoît pas d'autre Prefcription , en matière
réelle , que celle de trente ans. Voyez ci-après ,
Il en eft d'autres où les coutumes admettent ex-
preffément la Prefcription de dix ans entre pré-
fens & de vingt ans entre abfens. Telles font Pa-
ris, article 113; Calais, article 20^ ; Meaux ,
article 80 ; Baffigny , article 171 ; Verdun , titre
13 , article i ; Blois , article 192 ; Grand Perche ,
article 20; ; Auxerre , article 188 ; Vitry-le-Fran-
çoiSj article 134 i Mantes , article 1083 Montforr,
PRESCRIPTION.
article 61 ; Melun, article 170 ; Etampes , article
63 ; Vermandois, article 141 , &c. Il feroit aufR
long qu'inutile de pou/Ter plus loin cette énuméra-
tion.
Mais ce qu'il n'eft pas aufli inutile d'examiner,
c'eft de favoir fi lorfqu'une coutume admet cette
Prefcription , fans fpécifier fi c'eft contre le droit
de propriété ou contre celui d'hypothéqué quelle
la fait opérer , on doit croire qu'elle les y afliijetit
également l'un & l'autre ? L'affirmative a été pro-
noncée au parlement de Bordeaux , par arrêt du
25 février 1655 ' rendu pour la coutume de Saint-
Jean d'Angély , & rapporté dans le recueil de la
Peyrere , lettre P, nombre 83. Deux raifons , dit
cet auteur , ont déterminé la cour à juger de la
forte: la première , que la loi ne diftinguant pas ,
ce n'eft pas au juge à le faire : la féconde , que la
difpofiiion de la coutume feroit inutile , fi on ne
l'entcndoit pas de la Prefcription de la propriété ,
puifque par le droit romain & par l'ufage général
du royaume, il efl affez notoire que l'hypothèque
fe prefcrit par dix ou vingt ans.
Enfin , il y a des coutumes qui admettent la Pref-
cription de dix ans pour les rotures , & ne recon-
noiffent pour les fiefs que celle de trente ans. C'eft
notamment la difpofition expreft"e de la coutume de
Bailleul, rubrique 21 , article 1.
II. Palîons maintenant aux aâions perfonnelles
ou mixtes.
1°. Nous avons déjà dit que le tiers détenteur
prefcrivoit contre l'aflion hypothécaire , par dix ans
entre préfens & par vingt ans entre abfens; mais
fur ce point voyez l'article Hypothizque.
2°. Les avions refcifoires fe prefcrivent par dix
ans indiftinélement. C'eft ce que décident pour l'in-
térieur du royaume Tédit de Louis XII de 15 10,
article 46, & celui de François premier de 1539,
article 134 ; pour la Provence , ledit de François
premier de 153$, titre de la manière qu'on doit pro-
céder, znide 30; pour les Pays-Bas , l'article 29
de l'édit perpétuel des archiducs Albert & Ifnbelle
de j6ii , & pour la Franche-Comté, l'édit de
Louis XIV du mois de Juillet 1707. Voyez Nul-
lité Se Rescision.
3°. Il y a des auteurs qui prétendent & des tri-
bunaux qui jugent que la promefte de la dot fe
prefcrit par dix ans. Voyez à ce fujet l'article DOT.
4". Par l'article 31 du règlement des criées de
Bourgogne , les chofes promifes par contrat de
mariage ou léguées par teftament , ne peuvent ,
après dix ans , être demandées au préjudice des
créanciers fur les biens qui fe difcutent ; mais cette
Prefcription n'a pas lieu en faveur des débiteurs.
5°. La plupart des dofteurs qui ont commenté la
\o\ fi major , ^ucodç , ccmmuni diviJtndo , foutien-
nent que le partage doit être préfumé entre cohéri-
tiers , lorfqu'ils ont joui divifémei^t pendant dix
années confécutives. Cette opinion n'eft pas régu-
lière : l'aélion en partage eft mixte ; ainfi elle ne
peur être prefcrite que par trente ans. Le feul effet
PRESCRIPTION.
que peut opérer la jouiflance divifée pendant dix
ans , eft de rendre les juges moins rigoureux fur
la preuve du partage ; mais pour cela , il faut que
les portions foieni à-peu-prés égales.
Du refte , on conçoit aifément que , dans ce cas ,
la préfomption du partage eft plus facilement ad-
mife entre villageois , artifans & gens du commun ,
qui ne font ordinairement ni aéles ni écrit pour
partager leurs biens , qu'entre tous autres (i).
La coutume de Bar le-Duc contient une difpofi-
tion fur cette matière: « fi aucuns héritiers , ( dit-
V elle , article 19 ), divifent enfemble l'hérédité à
» eux échue de leurs parens , fans en rien paffer par
>» écrit ,& chacun tient fon lot & part 6c divis par
j) dix ans continuels , o:; ne peut après demander
» nouveau partage ".
6°. La loi 6 , D. ile ufurisy établit que le payement
des intérêts d'une fomme , continué longo tempore ,
c'eft-à-dire, pendant dix ans (2), fait préfumer la
dette de cette fomme même.
Ceft ce qui réfulte encore de la loi l'uibus , C. de
agricolis 6* cenfiûs.
De-là , du Moulin , de ufuris , queftion 20 , nom-
bre aoé , infère que la preftation des arrérages
d'une rente pendant dix années confécutives , fuffir ,
même au pétitoire , pour obliger celui qui les a
acquîtes à en continuer le payement , à moins qu'il
ne prouve n'en pas être tenu (3).
Pothier, dans fon traité du contrat de conftitution ,
nombre 1 57 , dit que cette décifion fouffe dificulcé
parmi nous, parce que , d'une part , les lois fur
lerquelles on la fonde, ne forment qu'un droit arbi-
traire , & que de l'autre , nous ne reconnoiffons
dans les lois romaines d'autre autorité que celle
qu'elles tirent de la raifon naturelle.
Dunod, partie 2 , chapitre 8, tient à-peu-près
le même langage , quoiqu'il écrive pour la cou-
tume de Franche-Comté, à laquelle le droit ro-
main fert de fupplément : « cette opinion , ( ce font
» fes termes), ne peut convenir qu'aux pays qui
j> admettent la Prefcription de dix ans ,& les titres
M préfumés. Nous en exigeons de vrais & de véri-
» tables, ou tout le temps que notre coutume de-
» mande pour prefcrire fans titre ».
"Voyez ci-après , fe^lion III , §. 2.
7". La coutume de Bailleul en Flandres , titre 21 ,
article 5 , porte que fi un créancier, après la mort
de fon débiteur , laifle palier dix ans , à compter
du jour qu'il en a eu connoifiance , fans agir contre
les héritiers , il doit être déclaré non - recevable.
(l) Voyez le Brun , ëes fucceffîons , ilvre 4 , chapitre i.
(i) Dins Je droit romain , longum cmpus s'entend prefijue
toujours de dix années. Voyez l'article PUISSANCE pater-
KELIE.
(3) Voici les Termes de Dumoulin : Conftito de priflationi-
bus caufatis , fufïîciunt decem continuorum annorum p:xl}i-
tiones. .. adverte tamen diligenter... quoi nullus ell hoc cafu
prc-efcriptioni locus cuntrà ipTuni debitorem , içd benè concrà
lertiuni creditorem; fed eft hoc cafu legalis dunuxat prs-
fuinpdo lituli (jiix YstitAÛ cedit , û f robçiut.
PRESCRIPTION.
365
I Ceft ce que décide aufîi l'article 4S de la coutume
de la Gorgue.
Quelques auteurs , qui très-probablement ne
connoKToient pas ces coutumes , ont avancé quel-
que chofe de femblable à leur difpofuion. Ils o»t
écrit que dix ans de fdence après la mort d'un dé-
biteur , font préfumer le payement de la dette ; 8c
il eft vrai qu'il y a des cas où cette circonftance
jointe à d'autres adminicules , peut fuffire pour
faire rejeter la demande du créancier (i). Mais fi
elle opère cet effet , ce n'eft point par Prefcription :
elle n'éteint point la dette , elle en fait feulement
préfumer l'extindton , & cette préfomption céde-
roit fans difficulté à la moindre preuve du con-
traire.
A plus forte raifon, n'y auroit-il point de Pref-
cription , ni même de préfomption de payement ,
fi le débiteur & le créancier vivoient encore , &
qu'il n'exiftàt de l'un à l'autre ni a61e ni fait avoué
ou prouvé qui piJt tenir lieu de quittance.
C'eft ce qui a été jugé au parlement de Flandres
par un arrêt du 24 novembre 1780 , dont voici
l'efpèce.
En 1764,1e fieur le Cocq , négociant à Lille,
avoit reconnu , par un billet fous feing-privé , que
le fieur Wacrenier & la demoifelle de Belquint ,
frère & fœur , lui avoient fait l'avance d'une fomme
de 1800 livres pour leur mife dans une fociété en
commandite qui avoit pour objet l'envoi d'une
caiiTe de bougies dans l'ifle de Saint-Domingue.
Le 17 mars 1769, le fieur le Cocq avoir déli-
vré au fieur Wacrenier &3 la demoi'elle de Belle-
quint, un compte duquel il réfultoit que l'entre-
prife n'avoir pas été heureufe , &. qu'il ne devoit
leur revenir que 996 livres.
Au bas de ce compte , qui n'étoit figné que de
lui , le fieur le Cocq avoit écrit que le même jour
les 996 livres avoient été remis au fieur Wacrenier
& à la demoifelle de Bellequint. Soit par inatten-
tion , foit parce qu'ils étoient alors étroitement liés
avec le fieur le Cocq , ceux-ci ont reçu ce compte
fans proteftcr contre renonciation qui y étoit faite
du payement de leur créance , & ils l'ont confervé
pendant plu'; de dix ans , fans faire , au moins judi-
ciairement , la demande de la fomme qu'il énon-
çoit être payée.
Enfin , le 28 février 1780, ils ont fait afîigner le
fieur le Cocq à la jurididlion confulaire de Lille ,
pour voir dire qu'il feroit tenu d'acquiter le folJe
du compte qu'il leur avoit délivré en 1769.
Le fieur le Cocq a oppofé 1°. le laps de temps ;
2°. le filence du fieur Wacrenier & de la demoifelle
de Bellequint , pendant qu'ils avoient fous les yeux
& dans les mains , un compte qui le déclaroit quitte
envers eux ; 3". fon regiftre journal quifaifoit men-
tion du payement.
Nonobftant ces moyens , fentence du 3 oâobre
(i) Voy;z l'auiclc lm)lCE.
366
PRESCRIPTION.
1780 qui conda'flne le fieur le Cocq au payement
de 996 livres.
Appel. La caufe portée à l'audience , je difois
pour établir le bien-jugé de la fentence , 1°. que le
laps de temps étoit infuifirant pour libérer le fieur
le Cocq , puifque, dans la coutume de Lille , on ne
prefcrit les a6lions perfonnelles que par trente ans ;
2". que le filence du fieur Wacrenier & de la de-
moifelle de Bellequint n'avoit eu d'autre caufe que
leur intime liaifon avec le fieur le Cocq, & la cer-
titude dans laquelle ils avoient toujours été qu'une
énonciation non fignée d'eux ne pouvoit pas leur
préjudicier ; 3°. que le regiflre dont fe prévaloir le
fieur le Cocq n'étoit point journal , qu'il ne conte-
roit pas la date du payement prétendu fait, & qu'il
étoit rempli d'inexaditudes qui lui ôtoient toute
croyance.
Sur ces raifons , l'arrêt cité a mis l'appellation au
néant , & a condamne le fieur le Cocq à l'amende
hc aux dépens.
8°' Dans l'ancien droit romain , les teflamens pé-
ri^bient & devenoient inutiles par l'écoulement de
dix années après leur date. Mais cette efpèce de
Prefcription a été abolie par Juflinien. Voyez la loi
27 , C de (ejltiinentis , & l'article Révocation de
TESTAMENT.
9". On voit à l'article Caution , que , fuivantla
jurifprudence la plus commune , un fidéjuiTeur
peut , après dix ans , obliger celui qu'il a cautionné
île lui rapporter fa décharge.
10'. Brodeau fur l'article 127 de la coutume de
Paris, & Perrière fur la même coutume, titre des
Prefcriptions , §. 2 , nombre 36 , difent qu'après dix
ans les architeéles font déchargés envers les parti-
culiers de la garantie des gros ouvrages. Le pre-
mier de ces auteurs affure que telle eft la pratique
du châtelet, & il cite d'après Pithou un ancien ar-
rêt qui l'a ainfi jugé.
On ne trouve , dans le corps de droit, aucune
trace de cette Prefcription. Cependant il eft vrai-
femblable qu'elle nous vient de quelqu'un des em-
pereurs qui ont précédé ou fuivi Juflinien : car il en
eft parlé dans l'abrégé d'Harmenopule , livre 3 ,
titre 8 , §. dernier.
Voyez ci-après , §. i ^.
1 1". Le fils de famille prefcrit contre la puifTance
paternelle , ou ce qui eft la même chofe , acquiert
l'émancipation tacite par une habitation féparée
pendant dix ans. Voyez Emancipation & Puis-
sance paternelle.
12°. Après dix ans , les comptes des deniers pu-
blics qui ont été clos & arrêtés, ne font plus fujets
à révifion contre les héritiers des comptables. C'eft
ce que décide la loi 13 , §. 1 , de diverfis temporalï-
bus prœfcnpùonibus.
1 3°. Suivant la coutume de Bourgogne , titre de
la main^morte, article 11 , le feigneur a droit de
jouir de l'héritage main-mortable dont le pcfTeffeur
eftabfent, & pour la culture duquel il n'a lailTé per-
sonne 3 ^ il cette jouilTançe eft continuée pcnjant
PRESCRIPTION.
dix ans , le fonds eft acquis au feigneur.
Il y a quelque chofe de femblable dans la cou-
tume de Hainaut.
Par l'article 7 du chapitre 130 de cette lo'i , l'ac-
tion pour retirer des mains du feigneur les biens
vacans , ou les épaves qu'il s'eft appropriés , ne
dure que dix ans.
Et fuivant l'article 22 du même chapitre , le fei-
gneur haut-jufticier prefcrit par dix ans les meu-
bles dont il s'eft emparé après la raort d'un paf-
fant décédé dans fa feigneurie.
14°. L'article 19 du chapite 107 de la même cou-
tume , déclaré les délits & les crimes prefcrits par
le laps de dix ans; mais il y met une exception
dont il fera parlé ci-après, §. 17.
La coutume de Bretr.jne , article 288 , contient
la même difpofition pour les crimes contre lef-
quels il a été rendu plainte & informé.
Lorfque la plainte n'a point été fuivie d'une in-
formation , il ne faut que cinq ans pour pref-
crire. C'efl , comme on l'a vu ci-devant , S. 8
la décifion exprefle du mime article.
Un monitoire obtenu & fulminé ne peut pas
tenir lieu , dans cette matière , d'une information
proprement dite ; & il n'empêche pas la Prefcrip-
tion de cinq ans. C/eft ce qui a été jugé par arrêt
du parlement de Bretagne du 21 février 1652,
que rapporte Sauvageau , liv. i , chap. 9.
Le même auteur , liv. i , chap. 88 , fait men-
tion d'un arrêt du 19 mai 1662, par lequel il a
été décidé que la Prefcription de dix ans , lorfqu'il
y a information & décret , commence du jour du
délit commis , & non pas feulement du jour que
le décret a été porté.
Faut-il donc dire , que fi le décret étoit donné
le dernier jour des dix ans , l'aflion criminelle fe-
roit prefcrite de plein droit } Point du tout. En
ce cas, l'aflion ayant le cara<flère d'un jugement
interlocutoire , en nuroit aufliî les effets , & il pro-
longeroit l'adion pendant trois ans.
C'efl l'avis de Poulain du Parcq, fur l'art. 288
de la toutumc de Bretagne note h.
Ci Je penfe ( ajoute cet auteur ) qu'il en efl de
» même de la fentence de provifion dont l'effet
M cefle par la Prefcription du crime , fuivant l'ar-
» rêt du 20 mars 1665 , rapporté dans le recueil
Il de Sauvageau, liv. 1, chap. 123 ».
Voyez au furplus le §. 8 de la fe61ion 3 de cet
article.
15°. Le placard du 4 0(5lobre 1540 , a intro-
duit dans les Pays-Bas une Prefcription de dix ans,
dont il a été parlé ci-deffus , §. ^.
16°. On a auffi vu dans le §. 8 de cette feflion ,
à l'article PROCUREUR , l'exemple d'une autrç
Prefcription de dix ans , qui a pour objet la rc-
mife des facs de procès indécis.
En Normandie , cette Prefcription eft auffi né-
ceifaire aux rapporteurs. L'arrêt de règlement du
parlement de Rouen du 28 février 1704 , y ert
formel,
PRESCRIPTION.
17*. Dans la même province, après dix ans,
l'aflion pour faire révoquer les donations faites
contre la coutume, eft prefcrite ; mais ce terme
ne fe compte que du jour de la majorité, quand
ceux à qui l'action eft déférée font mineurs. Ceft
ce que porte l'article 435 delà coutume. Voyez
RÉSERVES COUTUMIÈRES & SUBSTITUTION FI-
DÉICOMMISSAIRE.
17°. Dans la coutume de Valenciennes , les
meubles fe prefcrivent par dix ans. C'eft la difpo-
fuion exprefle de l'article 94 de cette loi mu-
nicipale.
18". Il y a quelques coutumes de nantiflement ,
dans lefquelles dix ans de polTeffion réelle équi-
poUent aux formalités de veft & déveft , faifuie &
deflaiftne, déshéritance &. adhéritance. Voyez Nan-
tissement.
§. XIV. De la Prefcr'iptïon de on^e ans.
Par l'article 4 de la rubrique 21 delà coutume
de Bailleul le débiteur d'une rente qui a paffé
onze années fans en payer les arrérages , en a
prefcrit une ; en forte *iue , « nul ne peut ( dans
3' cette coutume ) , demander les arrérages de
») rentes pour plus de dix années dernières , . . . .
j> & le débiteur eu tenu quitte de tous les arréra-
» ges antérieurs, fauf la bonne foi )>.
Ces termes , fan f La bonne foi , prouvent qu'on
ne d')it pas aiïimiler cette Prefcription à celle de
cinq ans , dont nous avons parlé fous le mot Ar-
rérages.
§. XV. De la Frefcription de dou^e ans.
Il y a dans la coutume générale de Hainaut plu-
fieurs efpèces de cette Prefcription.
1°. L'article 14 du chapitre 107 porte , que l'ac-
tion en reddition de compte fe prefcrit par le laps
de douze ans , depuis la geilion expirée (i).
a". Par l'article 15 du même chapitre, celui qui
prétend avoir droic à une fucceiîîon mobilière ,
eft tenu d'agir dans le terme de douze ans depuis
la mort de la perfonne à qui il s'agit de fuccéder.
Ce terme ne court point contre les mineurs 8c
les abfens ; & ces derniers ont un délai de fix
ans , après leur retour , pour intenter leur action.
■3/. Suivant l'article 4 , toute obfervation qui ne
réfulte pas d'un afle paffé devant notaires , ou
fous feing privé , fe prefcrit par le laps de douze
ans.
(1) C'eft de cette difpofition que dérive celle du chapitre
3<; de la coutume du het' lieu de Mons: « quiconqje vom
30 droit poutfuivre leidites perfonnes de 'oi pnur avoir compte
a» & payement dei'iits hiens, parlons iV gouverrifmens heri
» tiers &.' meubliers l'iceux orphelins & pupilles , faire le
s» poui-ront,& devront dedans douze ans enfiiivjns , eux
» venus a leur âge ,& homme francq •» , t'eft à-dire, éman-
cipe.
On voit bien qu'il s'a;;îc là Je comptes de tutelle que les
mayeuric échcvins des villes Se villages du Hainaut doivent
rendre atix mineurs tient ils font ekefs-tuuurs. Voyez TU-
TEUR EN CHEF.
PRESCRIPTION. 3^7
Mais cette Prefcription n'a pas lieu contre les
mineurs , ni au profit des abfens qui n'ont, dans
la province aucun bien fur lequel les créanciers
puiiTent exercer une faifie. C'efl ce que décident
l'article cité, & l'art. 12 du chap. 53.
Par arrêt du fouverain chef lieu de Mons du
17 octobre 1644 , il a été jugé , d'après l'article 4 ,
que l'aiHion en payement d'un droit de lods &
ventes échu & ouvert, fe prefcrit par douze ans.
Un autre arrêt rendu au confeil fouverain de
la même ville , le 22 mai 1720 , a jugé qu'il
ne faut pareillement que douze années pour pref-
crire les vingtièmes , maltotes & autres fembla-
bles dettes, a compter du jour de leur échéance.
L'auteur du manufcrit d'où j'ai extrait cet arrêt, re-
marque que la même chofe avoir été jugée précé-
demment à l'échevinage de Mons , entre Jean
Craveau & Louis le Gros. Voyez encore ce qu'on
a dit ci-dcffus , §. 5 , fur la Prefcription des gages
des domefliques.
§. XVI. De la Prefcription de quinze ans.
1°. La Prefcription de quinze ans a lieu en fa-
veur des architeétes & des entrepreneurs de bâ-
ti mens ; tk fon effet eft de les décharger de la ga-
rantie des ouvrages qu'ils font, non pas pour les
particuliers ( car ils ne font tenus envers ceux-ci
que pendant dix ans), mais pour le public.
Elle a été introduite par la loi 8 , au code , de
operibui publicis (1).
2". La coutume de Bretagne admet une autre
Prefcription de quinze ans , dont il efl parlé à l'ar-
ticle Appropriance,
§. XVII. Des Prefcripiions de vingt ans.
1". On a déjà vu que par les lois romaines ;
abrogées à cet égard dans plufieurs de nos pro-
vinces , mais adoptées dans beaucoup d'autres, la
poffeffion de vingt ans , accompagnée de titre &
de bonne foi , opère, entre abfens , une pleine &
entière Prefcription , tant contre la revendication
des immeubles , que contre toute autre aftion réelle
ou hypothécaire.
2". il y a plufieurs contumes qui exigent , pont
prefcrire entre préfens , le même efpaee de temps
que celui qui eft requis par le droit romain , dans le
cas d'a'nfence.
Telles font Cambrefis , titre 17, article i, &
Valenciennes , article 93.
Ce qu'il y a de remarquable dans ces coutumes ,
relativement à cette Prefcription . c'eff qu'elles la
font réfulter de la feule poffelfion paifijjle & de
(1) Voici les termes de cette toi :
Omnes quibus vel cura mandata fuerit operum publico-
rum , vel pL-dmiaad extruûiouem folito mo'C crédita , ufquc
ad annos quindecim ab opère peiteAo cùm luis he'^.^ibus te-
neanrur obnoxii : ita ut 11 quid viiii m «dificatione trurà prxC-
titutum tempus pervenerit , de eorum patiimonio ( excePiiî
tamen his caùbus qui funt fortuit! ) reformetur.
36g
PRESCRIPTION.
bonne fol, foit qu'il y ait titre ou non (i).
3°. La coutume de Ponthieu , art. 115, n'exige
pareillement que vingt ans pour prelcrirc les
allions réelles 6c foncières , ik elle ne demande
pas non plus de titre. Mais elle diffère des cou-
tumes de Cambrefis & de Valenciennes , en ce
qu'elle fait opérer cette Prefcription contre les
abfcns , auffi bien que contre les préfens , & qu'elle
ne parle pas de la bonne foi.
4*. Dans d'autres coutumes , la Prefcription de
vingt ans a le même effet que celle de trente ans
dans le droit romain , c'eft-à-dire , qu'elle y éteint
non-feulement les avions réelles , mais même les
perfonnelles. Telles font Artois , art. 72 ; Douai ,
chap, 9 , art. i ; gouvernance de Douai , chap. 14 ,
art. I ; Orchies , chap. 8 , article i ; Boulonnois ,
arr. 1 20.
Il pareil que dans la première de ces coutumes,
cette Prefcription cfl: très-ancienne. On la voit
atteftée comme notoire , dans une enquête par
turbes , faite à Arras le 10 mars 1491 , au fujet
de la- mouvance de la châtellenie d'Oify.
5'. La loi 12 , C. adlegem Curneliam de /al/îs , St
le chapitre 6 , aux décrétaies , de txcepcionibus ,
décident que les crimes fe prefcrivent par vingt
ans. Voyez ci après , feSion 3 , §. 8.
6°. On a vu plus haut, §. 7 , que le droit ro-
main affujettit encore à la Prefcription de 20 ans,
les b'rens vacans qui ont été poifédés fans titre ,
fans avoir été préalablement dénoncés au fifc.
7°. Suivant les coutumes de Bourgogne & de
Franche-Comté , lorfque les propriétaires du plain
qui touche une forêt bannale,yont laiffé croître
du bois pendant vingt ans,&. qu'il n'eft pas fé-
paré de cette forêt par des bornes , des foffés ou
d'autres marques apparentes , ce plain accroît à
la forêt , & appartient dès - lors au maître de
celle-ci.
Cette manière d'acquérir , comme le remarque
Dunod, eft injufte & contraire à tous les prin-
cipes (2).
8". Les fermiers des domaines du roi ne peu-
(i) Voici ce que porte la première àc ces coutumes : ce Ce-
M lui qui jouit d'un hétitage , rente eu autre droit réel paifi-
M blement &: de bonne foi , à titre ou fans titre , ou demeure
3» paifible d'aucune charge ou redevance annuelle &c réelle
m par l'efpace de vingt ans continuels &: accomplis entre per-
» fonnes préfentes & non privilégiées , il a acquis par ladite
M poffeilion & jcuiiïance la propriété & droit de la chofe
M ainfi pat lui pofiedée »,
(2) Si on dit ( ce font les teriMes de cet auteur) qu'elle
» vient de ce que les racines & la femence des arbres de la
»• foret bannale , fe font étendues dans les fonds voillns_,& y
M ont produit de nouveaux arbres ; ils doivent, fuivant les
M principes , céder au fonds dars lequel ils font crûs , bien
« loin de l'acquérir au maître de celui dont ils viennent. Ce
» n'efl pas non plus une ailuvion , qui fe fait infenlîblement
»j d'une tetre dont on ne peut pas connoître le maître , &
» qui forme a la fuite un fonds accefibire &: adjacent, Ceft
" un de ces droits que les feigneurs haui-julticiers fe font at-
" tribué ,dont on ne peut découvrit une julle caufe, ni don-
m net un« bonne laifon ».
PRESCRIPTION.
vent faire remonter au-delà de vingt ans, la re-
cherche des droits de contrôle , d'infmuation , de
centième denier, de pctit-fcel , d'amortiffement Se
franc fief. Après ce terme , les redevables font
quittes envers eux , mais ils demeurent obligés
envers le roi, contre lequel ces droits, quoique
cafuels , ne fe prefcrivent pas. Ceft ce que por-
tent les articles 529 & 535 du bail de Forceville
du 16 feptembre 1738; l'article 3 des lettres-pa-
tentes du 22 août 1766 , portant bail àHenriet,
& l'article 5 du réfultat du confeil du 30 décem-
bre 1761 , pour le bail de Prévôt.
Les droits dus pour les a£tes fous fignature pri-
vée , ne font point compris dans les limites de
cette époque de vingt ans. Ceft ce qui réfulte de
deux décifions du confeil des 17 novembre 1757,
& 14 décembre 1758.
Le fieur Dufour avoir vendu en 1728, par afle
devant notaires , des biens qui lui étoient échus
quelque temps auparavant par un partage fait fous
feing-privé. Dans les vingt ans de cette vente ,
mais plus de vingt ans après le partage, le fermier
lui demande les droits de ce dernier adle. Ordon-
nance de M. l'intendant de la Rochelle, qui décharge
le fieur Dufour. Appel par le fermier. La décifion ré-
forme l'ordonnance , & condamne le fieur Dufour
au payement des droits , a attendu, y eft il dit,
») que le partage eft énoncé dans la vente, &
)> que les droits en ont été demandés avant les
»j vingt années du jour de cette vente ».
Le féconde décifion condamne la dame du Mou-
chet , veuve du fieur Rofnivinen de Chamboy ,
à repréfenter le partage fait entr'elle & les cohé-
ritiers des biens de la fucceffion de fon père,
mort en 171 5 , & à en payer les droits. Elle di-
foit que c'éioit une ancienne recherche , prohibée
par les réglemens; mais elle n'a pas été plus écou-
tée que ne l'avoit été le fieur Dufour Tannés pré-
cédente.
9°. Il y a deux coutumes qui admettant, à l'e-
xemple de celles d'Artois & de Douai , la Pref-
cription de vingt ans contre les aéKons réelles &
perfonnelles , exigent vingt jours de plus pour la
compléter : ce font Metz & Gorze (i).
(i) Voici les ttrmis de ces coutumes :
t. Celui qui a pofTédé liéritages , rentes ou autre» immeu-
ïj blés de bonne foi , tant par lui que par fes prédéceffeurs ,
» eu ceux qu'il repréfente , par l'efpace de vingt ans vingt
» jours entre préfens ou abfens , âgés & non privilégiés , pai-
« fiblement ic fans trouble , acquiert l'héritage ou rente par
« Prefcription ». Coutume de Metz , titre 14 , article 5.
ce Ce qui ell prefcriptible fe prefcrit entre feculiers par !'ef-
» pace de vingt ans vingt jours. -— Partant , fi quelqu'un a
M pofledé de bonne foi par lui j fes auteurs , prédécefleurs ou
» autres qu'il repréfente , ou defquels il a le droit, rentes,
« liéritages ou autres immeubles , de l'efpace de temps paifi-
j> blement Se fans ttouble, entre préfens ou abfens, âgés 6c
» non privi'égié.ç , au vu &: fu de tous , il acquiert Prefcrip-
» tion ». Coutume de Gorze , titre 14 » articles i &: 1.
M Toutes aûions perfonnelles, réelles ou mixtes font pref-
» crites ôc éteintes pat vingt ans vir.gt jouis, s'il n'y a pour-
Mais
PRESCRIPTION.
Mais un point dans leciuel ces deux coutumes
diffèrent encore des trois autres , c'ert qu'elles font
valoir cette Prefcription même contre les abfens ;
& en cela elles le rapprochent de la coutume de
Ponthieu.
§. XVII. Di la Prefcription dt vingt-un ans.
Cette Prefcription n'efl connue que dans deux
de nos coutumes, celle de Hainaut 8i celle d E-
pinal.
1°. Les chartes générales de Hainaut contiennent
à cet égard plufieuis dirpcfitions remarquables.
L'article 13 du chapitre 8 porte que pour acquérir
l'exemption de dîmes laïcales , il faut une poffef-
fion de ne point payer pendant vingt un ans , &
qu'elle foit précédée d'un refus. Voyez Dixmes.
L'article 2 du chapitre 9 exige le même terme
pour ralfujétiffemcnt d'une terre labourable au
droit de chanipart ou terrage. Voyez Champart.
Aux termes de l'article 10 du chapitre 98, un
parent prefcrit par vingt un ans cO'.tre tous autres pa-
ren: réfidens au pays, la fucceifion d'une perfonne
décédée , ou dont l'abfence a été déclarée judi-
ciairement.
L'article i du chapitre 107 déclare que tous les
immeubles & droits réels fe prefcrivent par vingt
ans entre fécuhers habiles à forfaire , c'cft i-dire ,
capables d'aliéner les biens qu'ils laiflent perdre par
la Prefcription.
L'article 4 du même chapitre ajoute qu'il faut
le même terme pour prefcrire les aftioui perfon-
nelles qui font fondées fur contrats authentiques
ou fous feing-privé.
L'article 10 porte qu'un feigneur prefcrit contre
un autre feigneur la mouvance & le tenement d un
fief, moyennant une poffeffion de vingt-un ans ik.
trois reliefs.
L'article 19 demande vingt-un ans pour la Pref-
cription des crimes énormes , c'eft-à-dire , des cri-
mes pour lefquels les habitans du pays ne jouirent
p?,s du bénéfice de la loi. Voyez Amener a loi
& MISE EN LOI.
Le réfultat de toutes ces difpofitions efl que la
Prefcription de vingt-un ans tient lieu de ce qu'on
appelle ailleurs la Prefcription ordinaire , & même
de la Prefcription de trente ans, ou , comme par-
lent les dofteursjds; la Prefcription longijjlmi icm-
poris.
a". Quant à la coutume d'Epinal , elle porte , ti-
tre 1 1 , article 3 , que la Prefcription de vingt-un
ans eft de «telle force, que quiconque aura pof-
» fédi paifiblement & de bonne héritage. . par ledit
»? temps , il en aura acquis la propriété, encore qu'il
j> n'ait titre , & feront dorénavant toutes adlions
» tant réelles que perfonnelles indinin6>ement ,
« preicrites par ledit temps de vingt-un ans ».
=• fuite fiiiHfantc pour interrompre la Prelciiption «, Cou-
tume de Metz, titre 18 , article 8. L,*article ji du titre I4 de
la coutume d^Goize ell conçu danj les mêmes teciuesi
T9mc XII
PRESCRIPTION. ^6<)
Au furplus , cette Prefcription n'a lieu ni en
Hainaut, ni à Epinal , contre l'églife. Voyez ci-
après , feélion 3.
§. XVIII. De la Prefcription de vingt-deux ans.
Nous ne connoiffons qu'une coutume dans la-
quelle cette Prefcription efl admife. C'eft celle de
Nanuir , qui fait loi dans quelques cantons du ref-
fort du parlement de Flandres.
Elle porte, article 33 , qu'après avoir pofledé
quelques bwns réils , per.dant vingt-deux ans , entre
préfcns & habiles à ,i^ir , on a acquis par Prefcription
le droit en la choje.
L'article 34 déclare que dans les aclions perfon-
nelles il n'y a point de Prefcription , s'il n y a pof-
j^ffion dy. trente ans.
Cependant l'article 37 répute nulles & de nulle
valeur les lettre, & titres dont on a ufc par Cc/pûce de
vingt-deux ans ; Sc il en donne pour exemple les
lettres de rente fur qu Iquc luriag: , qui font dit- il ,
tenues pour nulles , fi on ne fait apparoir du paye-
ment de quelques termes échus depuis les vingt-
deux années précédentes.
§. XIX. D: la Prefcription de trente ans.
Dans le droit romain , la Prefcriotion de trene
ans a deux effets , l'un par rapport aux allions per-
fonnelles , & l'autre par rappor aux aflions réelles.
D abord , elle éteiut les allions perlonnelles :
Pcrforia'es utTionules uUrà triginta arinorum Jpatium
mi/umè rro eidantur ; ce font les termes de la loi 32 ,
au code , dj prcefcriptio'ie 30 vel 40 annurum.
Il en ^ii de même des allions mixres , c"ciA-.Vdire,
des demandes en partage ou bornage, & de la pé-
tition d'Iiérédité. VL>yez les articles Hérédité 6c
bVCCESSlON.
Ce qu'il faut bien remarquer par rapport à cette
Prefcription , c'crt qu'elle eit régulièrement la feule
qu'on puiffe oppofer en matière de dettes & de
droits paiTu's , &c par cette raifon elle efi: d'une né-
ceffité indifpenfable pour tous les cas où des lois
exprefTes n en ont pas introduit une plus courte.
C'etl en quoi ce premier effet qu'elle produit ,
diffère du fécond.
Car dans les aâions réelles, on peut fe paffer de
la Prefcription de trente ans. Celle de dix ou de
vingt ans fufiit toutes les fois qu'il fe rencontre jufte
titre , bonne foi dans le prefcrivant , bonne foi
dans fon auteur , ou , au lieu de cette dernière con-
dition , connoiffance dans le propriétaire de l'alié-
nation qui a été faite par l'auteur du prefcrivant.
Ce n'eft que lorfqu une de ces conditions man-
que, que la Prefcription de trente ans efî nécef-
faire pour profcriro. Voyez ci-devant , feélion i ,
§. 1; , & le §. 13 de la (eélii^n préfente.
À l'égard de nos coutumes, elles ont pris , par
rapport à la Prefcription trentenaire , des partis
fort différens les uns des autres.
On a vu plus haut , §. 16 & 17 , qu'il y en a
pUifieurs dans lefquelles elle eft remplacée relative-
Aai
37» PRESCRIPTION.
ment aux avions performelles , par la Prefcrlptlon
de vingt ou de vingt-iin ans.
On a également remarqué , (eâion l , §. 5 , qu'il
y en a d autres dans Itlquelles elle n'a lieu, même
en matière perfonn^Uc, que lorfqii'elle eft accom-
pagnée de bonne foi.
Mais dans prefque toutes les autres , elle a con-
ferve contre les aclions perfonnelles la même
force, les mêmes effets que dans le droit romain ;
& il n'y peut être Aippléé par des Prefcriptions plus
Courtes , que dans les cas qu'ont exprimés formel-
lement des lois particulières.
En matière réelle , il y a plus de variation.
Un grand nombre de coutumes , à la tête def-
mielles eft celle de Paris , admettent à-la-fois la
Prefcription de dix ou vingt ans , & la Prefciiption
trentenaire ; favoir , la première , quand il y a titre
& bonne foi ; & la féconde , quand le poflelTeur ne
peut faire apparoir d'aucun titre.
Voici ce que portent à ce fujet les articles 113
& 1 18 de la coutume de Paris.
«4 Si aucun a joui & pofTédé héritage ou rente à
5» jujîe titre & de bonne foi.... par dix ans entre pré-
3) fens & vingt ans entre abfens , âgés & non pri-
3) vilégiés , il acquiert Prefcription dudit héritage
» ou rente.
» Si aucun a joui , ufé & pollédé d'un héritage
j> ou rente , ou autre chofe prefcriptible p^r l'e/pace
5> de trente ans continuellement.... fuppofé qu'il ne
yi fajfe apparoir de titre , il a acquis Prefcription en-
»j tre âgés & non privilégiés ».
Alnfi dans cette daiTe de coutumes , comme dans
le droit romain , le feul laps de trente ans fait pré-
fumer que la pofleffion procède d'un jufte titre dont
on a perdu la mémoire, & dont l'ade s'eft égaré.
Mais que feroit-ce fi le titre étoit produit , & qu'il
im vicieux } Voyez ci-devant , fe^ion i , §^.
D'autres coutumes ont rejeté la Prefcription de
dix ou vmgt ans , & y ont fubftltué celle de trente.
Mais elles ne s'accordent pas toutes fur fes condi-
tions ni fur fes effets.
Les unes , telles que la chàtcllenie de Lille , cha-
pitre 17 , article i , & la ville de Lille , chapitre 6 ,
article i , n'admettent cette Prefcription quentn
frêfens. Mais voyerce que nous avons dit là-deiTus
à l'article Absent.
Les autres qui forment le droit commun de cette
claffe de lois municipales, ne mettent dans cette ma-
tière aucune différence entre les abfens 8c les pré-
fens. Telle ell Celle de Lorraine , titre iS , article i.
Il en efl qui difent fimplement que « toutes Pref-
» criptions pour acquérir le bien d'autrui ou con-
3> ferver le (ita , font réduites à trente ans ». Ainfî
s'exprime la coutume de Saint-Mihiel , titre 10 ,
article I ; &. , comme on voit , elle ne parle ni de
titre , ni de préfence ; ce quieft sûrement une mar-
que qu'elle s'en rapporte fur ces deux points au
droit commun.
Il faut ranger fur la même ligne la coutume de
Bo urbonnois , article 23 i Nivernois , chapitre 36 ,
PRESCRIPTION.
article 1 ; Berry , titre 12, article i.
Il y en a quelques-unes qui déclarent formelle-
ment qu'il ne faut point de titre pour cette Pref-
cription ; mais elles y requièrent la bonne foi. Telle
eft celle de Lorraine , titre 18, article 1.
D'autres ne parlent point de bonne foi , & di-
fent fimplement qu'il ne faut point de titre. De
cette claffe font Montargis, titre 1 7 , articles i & 4 ;
Orléans , article z6i.
Enfin , il y en a quelques-unes dans lefquellcs on
ne prefcrit pas mên)e par trente ans , fans le con-
cours de la bonne fol & du jufte titre. Voyez la
coutume de Bruxelles , titre des Prefcriptions , arti-
cle premier , & le ftatut fait pour la même ville le
31 avril 143 a.
On peut voir à l'article Teneure quelles font fur
cette matière les difpofitions de la coutume de
Caffe!.
§. XX. De la Prefcription de quarante ans,
La Prefcription de trente ans , qui avoit été intro-
duite'par le grand Théodofc , n'exerçant pas fort
aâivité fur toutes les avions, l'empereur Anafîafe
crut devoir faire une loi , par laquelle il ordonna
que tout ce qui ne fe trouvoit pas fournis aux Pref-
criptions fixées par les conftitutions précédentes ^
fcroit prefcriptible par quarante ans ; & cela fans
diftiniSlion des droits qui appartiennent au public ,
de ceux qui regardent les particuliers ; fans avoir
égard à la caufe ni à l'origine des allions ; Qnf.n fans
confidérer la qualité des perfonnes , fût-il même
queflion de leur état (i).
Si on veut favoir quels font les droits & lej ac-
tions qui ne font paflîbles qae de ane efpèce de
Prefcription, il faut confulter l'article HYPOTHÈ-
QUE , & la fedion 3 de celui-ci.
Il y a d'ailleurs trois coutumes qui ne recsnnolf-
fent pas d'autre Prefcription que celle de quarante
ans. Ce font celles deLiège (2) , de Luxembourg (3)
& de Thionville.
Il faut y joindre celle de Bretagne , mais par
rapport aux a^Sions réelles feulement. Voyez l'ar-
ticle Appropriance, §. io,n.VII.
(1) Cette ioi eft la quatrième, au code , di Pr.rfcrij)none
3^ vel 40 annorum.
(i) Voici ce que porte cette coutume , chapitre 5 , atticies
« Pour acquérir par Prcfctiption qHelqiie bien iinmeublc ,"
" convient l'âvoLr poffédé , à lirre de bonne foi , l'efpace de
» qiTirante ans entre gens capables Se idoines.
» Si par le laps de quarante ans la rente n'éioit payée par
» aucuns, tlle eft ablolument prefcrite avec bonne foi , 5c
« entre gens capables ic idoines ».
(j) Cette coutume Se celle de Thionville portent, titre if ;
ariicle premier , « qu"«n Prefcription de biens immeubles,
u foit ffodaux ou autres, eft requife pofleifion de quarante
» ans , fan? préjudice toutefois des reliefs, teilitutions ei>
« entiîr , ou autre fembiablc bénéfice de dioiç dépçndajjt àc
i} l'auioiltédu ffiacc".
PRESCRIPTION.
§. XXI. De la Trefcription de quarante-un ans.
De toutes les coutumes de France , celle de Soles
cft la feule où cette Prefcription foit connue. Elle
déclare , titre i8 , article premier, que quiconque
a poffédé dans le pays qu'elle gouverne un bien pa-
poal ou conquêt , pendant quarante-un ans, avec
titre ou fans titre , paifiblement , en a tellement ac-
quis la Prefcription , qu'il n'en peut plus être in-
quiété.
Le même article ajoute que dans le pays de
Soles , il n'y a , en matière réelle , aucune Prefcrip-
tion moindre de quarante-un ans.
Enfin ( conclut la coutume) , cette Prefcription
ne court pas contre ceux qui ne peuvent pas agir
en jugement.
§. XXII. De la Prefcription de foixante ans,
La coutume d'Orléans foumet à cette Prefcrip-
tion Taflion qu'a le feigneur pour obliger les gens
de main-morte de mettre hors de leurs mains les
héritages qu'ils ont acquis dans fa feigneurie.
§. XXIII. De la Prefcription centenaire.
De toutes les Prefcriptions qui ont un terme cer-
tain , dit Dunod , la plus longue eft celle de cent
ans.
C'eft la faveur des perfonnes contre lefqiielles
elle court , qui l'a fait porter à un fi long terme.
Les objets qui peuvent être prefcrits par cent
ans, & qui ne peuvent l'être par un terme moin-
dre, font ,
1*. Les biens appartenans à l'églifs de Rome.
Voyez ci-après , feflion 3 , §. i.
2"*. La loi 23 , au code , de facro fanEIls ecclefiis ,
met fur la même ligne Taftion pour exiger ce qui a
été donné ou légué n l'effet de rac'heter des captifs; Se
Cujas (i) prétend que cette difpofuion n'ayant pas
été nommément révoquée par les lois poftérieures
de Juftinien , elle doit encore avoir tout (on effet.
3°. Juftinien a auffi prorogé à cent ans la Pref-
cription des chofes laiffées à titre d'hérédité , de
donation , de legs & de vente , aux communautés
d'habitans des cités , civitatibas.
Là-deffus , deux queftions. La première , {\ l'in-
tention de Juftinien a été d'étendre ce privilège
non-feulement à toutes les villes , mais m.ême aux
bourgs & aux villages ; & il n'y a prefque pas un
auteur qui n'adopte l'affirmative.
La féconde quellion efi de favt>ir fî ce privilège
fubfifte encore. Quelques-uns foutiennent qu'oui ,
& fe ibîvient fur ce qu'il n'en a point été fait de ré-
vocation cxprefTe (2).
D'autics eilimenc qu'il eft révoqué , quoique
l'empereur ne l'ait pis dit , parce qu'il y avoir
moins de caufe pour le conferver aux v'iUes ,
qu'aux églifes auxquelles il l'a cné par fes novelles
(i l?c . .i'fcript. <ii tci:n. cap. ^4, &: olT^cv. 5 , lia. 5.
;2) Loiirus de jure uni/, parc. 3 , cop, 17 , n. 12 iS: fe^.
PRESCRIPTION, 371
HT & I31 ; 6f que la raifon qui l'a déterminé à le
faire , milite aufli-bien contre les villes que contre
les églifes.
« Il me paroît , dit Dunod , que nous avons cm-
» braffe cette dernière opinion dans l'ufage ».
Sur les autres effets de la Prefcription cente-
naire , voyez le §. fuivant & la feflion 3.
§. XXIV. De la Prefcription immémoriale,
Y a-t-il de la différence entre la Prefcription cert-
tcnaire dont nous venons de parler , & la Prefcrip-
tion immémoriale ?
Les auteurs font partagés fur cette queftion. Les
uns confondent l'une & l'autre Prefcription; d'au-
tres les diftinguent.
Pour nous , voici en peu de mots ce que nous
penfons à cet égard.
Quand une loi exige cent ans pour prefcrlre , il
eft clair qu'on ne peut pas être cenfé avoir pref-
crit, fi on n'a poffedé pendant cent années corn-
plettes. En matière de Prefcription , tout eft de ri-
gueur : il faut entendre les expreffions des lois dans
leur fens naturel & littéral ; & il ne peut y avoir ni
approximation ni équipoUence dans la manière de
remplir les conditions dont elles font dépendre la
Prefcription.
Mais par la même raifon , quand une loi parle
de poffeflion immémoriale , on ne peut pas dire
qu'elle exige un efpace de cent ans , ni même
qu'elle s'en contente.
Qu'eft-ce en effet que la Prefcription immémo-
riale ^ « On peut la définir , dit Dunod , une
)) Picfcription dont aucun homme en vie n'a vu
» le commencement, dont il tient déjà l'cxiftence
» de fes anciens , & dont il n'a. rien appris ôe
« contraire , de quelqu'un qui l'ait vu , ou entendu
j> dire de ceux qui l'auroient vu m.
La Prefcription immémoriale n'a doHc pas de
temps déterminé par la loi. Ainfi , il n'eft pas né-
ceffaire qu'elle foit précifément de cent années ;
elle peut être d'un plus grand ou d'un moindre
efpace , fuivant les circonffinces.
Peut-on qualifier d'immémoriale , une poffef-
fion qui eff prouvée par des bornes , par des inf-
criptions, par des a fies , p-ar d'anciennes énon-
ciations , mais dont le commencement efl fixé par
ces monumens mêmes .''
« Oui, répond Dunod, parce que toute poA
» feffioa a un commencement . Se que pour être
» immémoriale , il fuffit que ce commencement
j» excède la mémoire des vivans , foit par rapport
» à ce qu'il ont pu voir eux-mêmes , foit par rnp-
n porta ce qu'ils ont appris de leurs ancêtres»».
j> Mais je crois (ajoute le même auteur ) qu'en
;» ce cas , il faudroit que ce commencement fût
w au moins de cent années , & que s'il n'étoit pas
Il fi ancien , la poffefHon ne devroit pas être ré-
» putée immémoriale; car il pourroit facilement
5) fe trouver des perfonnes qui aurolent ouï dire
>; à d'autres , qu'elles en auroi^'it ^^ o" appris l'o-:
A a a ij
37^
PRESCRIPTION.
V rigine »>. C'eft aiiffi ce qu'enfeigne Molina , de
prima gsniturâ , chap. 6.
On voit aflez par-là de quelle manière peut
être prouvée une pofleflion immémoriale , Si ceû
ce que la loi 28 , au dlgefle , de probationibus , dl-
lermine avec encore plus de précifion : « lorfquun
î> arbitre , dit-elle , eA dans le cas de juger fi un
« ouvrage exirte dcpuii un temps immémorial ,
}) faut-il qu il s'informe fi quelqu'un fe fouvient du
j> temps où cet ouvrage a été fait ? Non. Son uni-
« que foin doit être de conflater que perfonne
3j ne fait, ni pour l'avoir vu, ni pour l'avoir ouï
)> dire , quelle eft l'époque de ce temps , & qu'il
» n'en a été inftruit d'aucun autre qui l'ait vu ou
j> ou'i dire iu
La glofe du chapitre i , de prtzfcripnonibus in G" ,
dit à peu-près la même chofe : « Pour prouver une
rt poiTeflîon immémoriale , les témoins doivent
V) dépofer qu'ils ont vu ou ouï dire que les chofts
j» étoient furie pied où elles font; que l'opinion
3) commune efl, & a toujours été telle : qu'il
j> n'exiflc point de mémoire du contraire , ni du
» commencement de la poflelîîon. Et fi la partie
5> advt.rfc veut détruire cette preuve , il faut que
j) fes témoins difent qu'en tel temps ils out vu
j» des a^les contraires , 01: qu'ils on; appris de
j> leurs ancêtres , qu'il en a été fait autrefois Dans
3) le concours des deux preuves, on préfère celle
î> qui efl appuyée lùr des témoins plus irrépro-
3» chables , & dont les dépofitions font plus pér-
ît tinentcs. Ainfi , les témoins qui affureront avoir
•n vu , l'emporteront fur ceux qui n'attcfieront
» qu'une fi m pie négative ».
Covarruvius donne une idée encore plus pré-
cife de cc;te preuve. Suivant lui, il faut i'', que
les témoins foient âgés de cinquante quatre ans
au moins, pour qu'ils puitfent dépofer de ce qu'ils
ont vu depuis quarante ans; 2", qu'ils difent avoir
ouï dire de leurs ancêtres ce qu'ils atteflent ; 3",
qu'on puiffe juger parleurs dépofitions, que c'eft
une opinion ancieiine 6c commune ; 4" , que leurs
ancêtres n'aient ni vu , ni ouï dire le contraire (1).
Dunod tient la même doflrine. "Voici fes termes ,
partie 2, chapitre 14 : " Il faut, pour établir la
» Prefcription par un temps immémorial , prouver
ï> une poffefTion de quarante ans, par des témoins
3j qui l'aient vti , & que déjà auparavant , l'en di-
» foit communément que la choie étoit telle , fans
VI avoir rien appris de contraire de ceux qui l'au-
>j roient vu '».
Nous trouvons dans les obfervations de Vcdel ,
fur M. de Catellan, l'ivre 1, chapitre 38 , un arrêt
du parlement de Touloufe du 3 juillet 1715,01!!
juge, conformément à ces principes , que , a pour
» la preuve par témoins de la poficfîïon immé-
» morialc , il faut que les témoins dépofent de
(i)Covairuvias, aà cap. pojj'eff. part. 2 , $. j , n, ?. Voyez
encore Mynrynj.cre , cUKiuic i , cb'erv, jç.BaJbLis, de Pitef-
PRESCRIPTION.
>♦ v!fu pendant quarante ans , & avoir appris de
') leurs ancêtres la pofleifion antérieure ».
"Voilà la nature de la pofTefilon immémoriale bien
déterminée. Maintenant , confidérons-en les effets.
Il y a dans le corps du droit civil différcns
textes qui s'accordent à dire qu'elle tient lieu , non-
feulement de titre , mais de loi même.
Fctujlas femper pro lege hubetur : ce fi^nt les
termes de la loi première & de la loi 2 , au digefîe ,
de aquâ pluv'uî arcendâ.
Dudus xiqucz cujus origo memortam excejjit , jure
conjlituti loco habetur. ( Le cours d'eau dont l'ori-
gine excède la mémoire des hommes , efi re-
gardé comme fondé en titre) c'eft ainfi que s'ex-
prime la loi 3 , §. 4 ) au digefle , de aquû quo-
tidianâ.
Le droit canonique nous offre des décifions fem-
blables (i).
Et on les retrouve dans le droit coutumier. La
coutume de Bouillon , chapitre 23 , article 5 , dit
que <« poïTeffion de fi long- temps qu'il n'y a mé-
» moire au contraire, a force de titre».
C'efl aufîî la doéfrine des plus célèbres inter-
prêtes. Ils vont même jufqu'à dire que k poffef-
fion immémoriale n'cft jamais cenfée exclue par
la loi qui rejette toute Prefcription , fi elle ne
l'efi nommément, ou s'il n'y a pour l'exclure la
même raifon que pour rejeter la Prefcription d'un
temps plus court (1).
Nos livres font remplis d'arrêts qui juflifient
cette doflrine.
L'ancienne coutume de Paris portoit fimplement
que les fer\ iiudes ne pouvoient être acquifes fans
titre ; 8c parce qu'elle ii'excluoit pas expreïTément
la poïTelTion immémoriale , on jugeoit , avant la
réformation de 1580, qu'on y pouvoit prefcrire
les fervitudes par un temps excédent la mémoire
des hommes.
C'eft ce qu'a encore jugé dans la coutume de
Crefpy, un arrêc du ii février 1650, rapporté
par Brillon , au mot Prefcription , nombre 102.
La coutume de la châtellenie de Lille décide
qu'an ne peut pas prefcrire contre la faculté de
(l)rbijus commune ell contratium, vel habetur pri-
fumptio coniraria , bona Hdesnon fufricii ; fed eft neceffarius
tiiulus, qui pi'lleflori tribuatcaufam prxfcribendi ; nifi tanti
cstiïporis allegetur Prifcriptio , cujus contraiii mempria noa
exifiat. dd^iire i de Pr^lcciptionibus , in 6^,
Priterea cùm pedagii , gmdagia, fallnatîa^ , tibi legatus
iruerdixeiit , duxiaius declatandum illa cflV quï apparent
iinperatorum vel regum, vel lateranenfis concilii Jargitionc
concefTâ, vel «x conruetudiiie cujus r.on extat menioria.
Chapitre zS . eux décràules , de verborum llgnihcatione.
■ i) Undf nunqutm cenjetur txclvfa , etium per Irgcri prohi-
hitivûm , 6* per unJve'J'pHa , ncgativa &■ gfminjra verhi ,
omnim qu -mcumquc Prttcriptioticmexcludenria, nifi eademfit
ratio cxcl::p-or.ii. Lu Moulin, fur Paris, §. 1 1 , glofe 11,
au mot Prcicriptha', noir.bre i4. Code Fabcr , livre 7, titrç
i3,déh"ninon 7. Le G and fur Troyes, article ^l , glofe j.
Stockmanj , d.cilions 85 & S3. Diiperrier en (es dUiCiom ,
livre 1 , «• 73.
PRESCRIPTION.
racheter mort-gj^e ; Si parce qu'elle ne rejette pas
nommément la Prefcriprion immémoriale , il a
été jugé , par arrêt du parlement de Flandres du
7 mai 1604 , confirmé en révifion le 14 avril
1707, que cette Prefcription n'eft pas exclue,
relativement à refpèce de mort gage , qui eft tranf-
lative de propriété, & ((u'cn ne peut pas , comme
on Ta prouvé ailleurs (t), qualifier de fimple en-
gagement (2).
£n un mot , " lorfque la poflefiîon imménio-
3> riale, dit M. d'iAgueiTeau , eft ailez longue pour
'» faire préfiimer un julte titre, ce n'elt plus, à
»» proprement parler , en vertu de la Prefcription ,
» que le poffelTeur peut fe promettre une vic-
» toire afliirée ; c'eft en vertu du titre que la pof-
»' fefîîon fait préfumer ; Si dés le moment que
» la préfomption du titre eu une fois reçue , toutes
» les difficultés qu'on veut agiter fur la Pref-
« cription , tombent Se s'évanouiflenr d'el!es-mê-
V mes, pour céder à un titre jugement préfumé ».
Voyez encore fur la Prefcription immémoriale ,
les articles Corvées , Droits honorifiques ,
Moulin & Possession.
Section III.
Des principaux oljets fur îefquds roulent les quef-
tions de prefcriptibilïté & de Prejcription.
Plufieurs de ces obj?ts font difcutés fous les mots
Bannalité, Corvées , Dicage , Dixme , Eau ,
ExEMPTio.v , Fondation , Four , Garantie ,
Hérédité , Hypothèque , Indemnité, Lods
ET Ventes , Malthe , Moulin , IIescîsion ,
Servitude, Substitution fidéicommissaire ,
Succession, Wateringue, &c,
Nous avons auffi traité dans le cours desderx
premières ferions de cet article, quantité de quei-
tions qui pourroient trouver ici place ; mais fur
lefquelles nous croyons inutile de revenir.
11 nous refte à parler ici, 1°. de la Prefcription
des droits de fief, de cens , de feigneuric & de
judice.
2". De la Prefcription des prédations & rede-
vattces annuelles.
_ 3". De la Prefcription entre aflbciés, co-héri-
tiers ou autres communiers : — entre riieritier
& le légitimaire ou légataire : — entre le dona-
teur & la donataire.
4^ De la Prefcription des biens d'églife.
5^ De la Ptef-ription en matière biné/iciale.
6". De la Prefcription contre les communautés
laïques.
^ 7°. De la Prefcription de nobleffe , de nom &
d'armcj.
8°. De b Prefcription des crimes.
9°. De la Prefciption d'inftance.
PRESCRIPTION.
373
(1) \ oys-z 1 arcicle MoKT GAGE.
(i) Aifcts de M. I oiicc , partie 1 ;
§■ i9'
10". Des Prefcriptions & des fins de non-rece-
voir en matière de commerce maritime.
§. I. De la Prefcription des droits de fief ^ de cens ,
de feigneuric & de jujlice.
La matière de ce paragraphe efl très-étendue.
Nous tacherons de la développer le plus claire-
ment qu'il fera poflible , & pour y parvenir, nous
la partagerons en treize diflinélions. Voici Tor-
dre dans lequel nous nous propofons de les range?.
I. Idée générale de la Prefcription en matière
féodale.
II. Le vaHal peut-il prefcrire contre le feigneur ?
III. Le feigneur peut-il prefcrire contre fon
vaffal ?
IV. Dans les coutumes allodiales , le vaffal ou
cenfitaire peut il, par la feule ceffation du paye-
ment du cens ou de la Prefcription de la foi-hom-
mage , prefcrire la libération de la diredle ou de la
mouvance , & convertir fon héritage en aleu .''
V. Des coutumes qui portent que le cens fe
prefcrit par le laps de trente ans. Examen de cette
difpofition. — Difcuflion particulière concernant
les rentes feigneuriales dues fur des main-fermes,
régis parla coutume du chef-lieu de Valenciennes.
VI. De la Prefcription de la folidité du cens.
VII. De la Prefcription de la quotité du cens de
la part du cenfitaire.
VIII. De la Prefcription de la quotité du cens
de la part du feigneur.
IX. Ds la Prefcription de Tefpèce du cens.
X. De la Prefcription de l'obligation de porter
le cens.
XL De la Prefcription des arrérages du cens.
XII. De la Prefcription de feigneur à feigneur.
XIII. De la Prefcription de la juflice.
Distinction I. Idée générale de U Prefcription en
matière féodale.
* La Prelcrîptîort a été long temps inconnue dans
les matières féodales ; cette manière d'acquérir ne
pouvoir s'appliquer à des propriétés telles qu'é«
toient les fiefs dans leur origine : lorfqu'ils de-
vinrent héièditaires , vers le milieu de la féconde
race, lorfqu'ils pafsèrent abfolument dans le com-
merce, dans les coinmencemens de la troifème ,
on auroir pu, fans inconvéniens, les foumettre
aux lois ordinaires de la Prefcription. Cependant ,
on ne le f t pas ; au contraire , il s'établit une règle
toute oppolée ; le lien féodal fut regardé comme
inaltérable, & toute Prefcription fut bannie entre
le fe'gneur & le vadal.
Il feroit fans doute très-difficile de déterminer
les motifs qui conduifirent nos pères à une maxime
auffi contraire au droit commun ; il efl même très-
vraifemblable qu'ils ne le donnèrent piis la peine
de rnifonner fur cet objet; ils ne firent en cela
qu'obur à l'impulfion que le fyftème féodal àoii-^
374 PRESCRIPTION.
noit à tous les efprits , & cette règle, comme tant
fFautres de notre droit coutumier , n'eft que le pro-
duit des circonflances , 6c le réfultat des ufagcs
& des préjugés anciens.
En effet fi nous jetons les yeux fur les cou-
tumes féodales en vigueur depuis le dixième juf-
qu'au treizième fiécle, nous voyons que l'impref-
criptibilité des ticfs eft une fuite néceffaire de
CCS coutumes.
Tout le monde connoît ces guerres continuelles
qui déchirèrent û long-temps le fein malheureux
de la France ; les feigneurs , perpétuellement en
aimes les uns contre les autres, étoient trop in-
tcreffes à conferver leurs vaflaux , pour les perdre
vn feulj inflant de vue ; & ceux-ci, expofés fans
cefie à l'oppreffion de cette multitude de tyrans ,
avoient trop befoin de la proteiflion de leurs fei-
gneurs, pour fecouer le joug de la dépendance
f.odale. Loin que le fcigneur & le vaffal cherchaf-
lent alors à prefcrire , l'un la propriété du fief
fcrvant , l'autre la libération des devoirs féodaux ,
il étoit très-commun de voir les propriétaires des
aïeux en transférer la dominité direde à quelque
fiigneur puifîant , pour les tenir d'eux en fief ; ik.
les feigneurs fe dépouiller de leurs domaines, pour
rnultiplier le nombre de leurs vafTaux.
Tous les fiefs étoient 7\\ors de dunger '^ non-feu-
lement les acquéreurs, mais les héritiers, même
ceux en ligne dire£le , étoient obligés de repren-
dre le fief des mains du feigneur; s'ils négligeoier.t
cette form.alité , le fief tombon en commife ; êc
les feigneurs avoient trop d'intérêt à avoir des
vafTaux fidèles , pour ne p.TS exercer rigoureufe-
nent leurs droits à cet égard. Ainfi l'intérêt réci-
proque du feigneur &. du valfal les rapprochant
nécefTairement à chaque mutation , & dans une
infinité d'autres circonRances , il efl fenfible qu'ils
ne dévoient pas même avoir l'idée de prefcrire
l'un contre l'autre.
La jurilprudence étoit alors toute en procédés,
Suivant l'exprefTion de AI mteftjuieu ; toutes les con-
tef^ations , principalement celles d'entre les pro-
priétaires de fiefs , fe réduifoient à des démêlés fur
le point d'honneur. Lorfqu'un feigneur prétcn-
doit que tel fief relcvoit de lui , il fommoit le
propriétaire de comparoir à la cour du dominant;
là , il produifoit des témoins ; û leur dépofition
étoit défavorable au feigneur, il les accufoit d'être
faux & menteurs ; il échoyoit alors gjf^e de baiaillc ,
6c l'adreffe ou la force décidoit la cpnteflation.
C efl ce que nous ramarquon? fur-tout dans les
jiflfes de Jérufaîcm : on y voit que , non-feu!e-
jnent entre le feigneur & le vaiïal , mais même
entre celui-ci & des tiers , la preuve par témoins
décidoit toujours la mouvance féodale, fanscon-
(iderer la longueur de la ponéfiion.
Une pareille forme de procéder , qui réduifoit
tout à la preuve teflimonialg , au combat, en un
jTiot , à une efpèce de point d'honneur, devoit
pécefTairement éloigner jufqu'à i'idée de la Pref-
PRESCRIPTION.
criptlon. C'efl ce qui arriva effe6livement; & de
là cette régie fameufe , le feigneur ne peut prefcrire
contre fon vajj'al , Sic. ; non pas qu'on trouve cette
règle , comme on pourroir le croire , dans les
monumens qui nous refient de noire ancienne
jurifprudencei il n'en efl pas dit un mot , aucune
loi ne l'établit : elle fut le produit naturel des ufa-
ges féodaux & des formalités judiciaires ; lorfque
ces ufages & ces foimalités difparurent ,, la règle
refta, parce que les efprits en étoient imbus; &,
coir.me il cÛ. malheureufcment arrivé pour toutes
les parties de notre droit coutumier, la loi ne
fuivit point la révolution des mœurs Ôc les pro-
grés de l'efprit national.
Tel fut létat des chofes à cet égard jufqu'au
quatorzième fiècle. Vers le quinzième , il arriva
de grands changemens dans les tribunaux; le
droit romain s'introduifit en France : la nation
éioit encore trop barbare pour l'adopter; mais il
y avoir déjà des tiommes affez éclairés pour fen-
tir combien ces lois étoient fupérieures à celles
qu'on ^fuivoit alors. Tel fut S. Louis, le modèle
des rois , le premier de nos légiflateurs, depuis
Charlemagne. Il fit les plus grands efibrts pour
propager la connoiflance du droit romain. Dans
toutes les lois qu'il fit publier, il l'adapta, au-
tant qu'il fut pofîible , aux mœurs du temps; il
abolit enfin dans tous fes domaines le combat ju-
diciaire , pour y fubflituer la jurifprudence ro-
maine. Un exemple fi fage trouva des imitateurs ,
& les établiiTemens furent fucceflivement rtçus
dans les cours des barons, par l'afcendant infail-
lible de la raifon fur l'ignorance & l'eueur.
Le combat judiciaire une fois aboli , il fallut
chercher de nouveaux moyens de fixer les pro-
priétés féodales. On trouva dans \i droit romain
les lois concernant la Prefcription , peut-être les
plus fages qui foient renfermées dans ce beau
fyfîême de légifiation. Les jurifconfultes du temps
s'emprefTèrert de les adopter; il paroît même qu'ils
ne crurent pas devoir fe permettre de les alté-
rer par le mélange des ufages nationaux : il y
a un chapitre très-long fur cet objet dans les con-
feils de Pierre de Fontaine , & l'on n'y lit pas
un mot qui ne foit tiré du droit romain.
Dans un temps où l'on écrivolt peu , oii les
titres d'invefliture étoient à peine connus, on dc-
voit s'empreffer d'appliquer à la matière féodale,
les lois concernant la Prefcription ; c'eft ce qui
arriva efîeélivement.
On commença d'abord par autoriferla Prefcrip-
tion delà train-morte; on en trouve une difpo-
fiîion précife dans les établi/Temens ; & la ma-
nière dont elle efl conçue ne permet pas de dou-
ter que cette innovation ne fût l'effet des nou-
velles connoifTances puifées dans les lois ro-
romaines.
» Longue tenue de vingt ans de ferf contre
>» feignor , & raefmement en franchife, ne peut
37 être brifé félon droit écrit en le digefte , 6ç
PRESCRIPTION.
» pour ce meffire li roi défend les nouvelles
j) avoueries connues & loyaument prouvées »,
a*, part. cA. 31.
Cette première exception une fois admife , cha-
cun fe crut en droit d'en établir de nouvelles ;
& les jurifconlultes des quatorzième & quinzième
fjècles attaquèrent à l'envi la règle de l'impicf-
criptibiiité des fiefs. Cependant par une efpèce
de vénération pour les anciens ufages , en alté-
rant cette règle par les exceptions qu'on ne cef-
foit d'y apporter , on la citoit , on paroifToit la
refpefler , & même nous la trouvons , dans les
anciennes rédadlions des coutumes , conçue dans
les termes les plus abfolus. C'eft ce qu'on voit
notamment dans celle de Paris rédigée en 15 10.
Telle étojt la difpofition des efprits , lorfqiie
Dumoulin écrivit fon traité des fi«fs; il commença
par établir , comme les autres , la maxime , le fei-
gneur &vj(fiil ne peuvent prefcrire l'un contre l'au-
tre. Mais il eft clair qu'en cela il ne faifoit que
plier fous l'ancien préjugé ; car les ralfons qu'il
en donne n'étoient certainement pas iLiffifantes
pour déterminer un jugement auffi rigoureux.
Aufïi , après avoir rendu cette efpèce ci'hommage
au texte de la coutume fur laquelle il écrivoit ,
fait-il les plus grands efforts pout en relTerrer les
effets dans les bornes les plus étroite*.
Il décide, i". que la poffefllon centenaire n'eft
pas comprife dans la prohibition de la coutume ;
2". que le feigneur peut prefcrire la propriété du
fief de fon vaiïal , s'il le poffède jure piena pro-
prietatis ; 3° qu'on peut , par la voie de la pref-
cription, changer la nature de la tenure féodale;
par exemple, la rente cenfuelle; 4". que le fei-
gneur & le valTal peuvent, par la même voie,
acquérir l'un contre l'autre la féodalité fur des hé-
ritages libres; 5°. qu'un tiers petit priver le fei-
gneur de fa mouvance , fi elle lui eft reportée
par le vaiTal pendant le temps néceffaire pour pref-
crire ; 6". que tous les droits échus fe prefcrivent
par trente ans. Enfin il établit pour maxime, que
cette prohibition de la coutume doit s'entendre
dans le fcns le plus étroit. Et ità intelligo con-
fuitudlnan noflrum , ut excludat folàm mcram Pref-
criptïonem y non aiLiem ut excludat prxfiimptionem rc-
fuUantem. ex Pnefcriptione , Jîvè Prcefcriptionem cum
allee;a.tior.e tituli , tjuanJo non confiât de contrario.
C'eft ainfi qu'il s'exprime fur l'art. 7, nombre -17.
Dumoulin va même plus loin que ceux qui
l'avoicnt précédé. Les auteurs avoient établi,
cprnme une règle féodale , que dans cette ma-
tière on ne pouvoit prefcrire que par une pof-
felîîon de trente ans. Cette opinion qu'on trouve
dans les fendilles Allemands &. Italiens, comme
dans les François , étoit fondée fur une erreur
pnipable : le lien féodal , difoit-on , affeifîe la per-
ibnne plus que la chofe ; or , en matière perfon-
nells , on ne prefcrit que par trente ans ; la Pref-
cription trentenaire eft donc la feule admifliblc
dans la matière féodale. Dumoulin s'éleva avec
PRESCRIPTION.
375
force contre cette opinion, & fit voir que dans
les fiefs la fervitude frappe fur la chofe, & non fur
la perfonnc , & conféquemment qu'il eft des cas
où la Prefcription de dix ans peut avoir lieu dans
cette matière ; c'eft ce que d'Argentré a fort bien
xcm2Lr(]\.\é y Non perfona perfonœ , fed res rei fubjl-
citur , dit-il, fur l'article 181 de la coutume de
Bretagne.
En 1580 , on procéda à une nouvelle réforma-
tion de la coutume de Paris. Les commiffaires ,
éclairés par les ouvrages de Dumoulin , modifiè-
rent l'ancienne règle de fimprefcriptibilité des fiefs,
& fubftituèrent à l'article 7 de l'ancienne cou-
tume , le douzième de la nouvelle , qui porte :
a Le feigneur té®dal ne peut prefcrire contre fon
» vaflal le fief fur lui faifi, ou mis en fa main
» par faute d'hommes , droits & devoirs non faits,
» ou dénombrement non baillés; ni le valLl U
» foi qu'il doit à fon feigneur, par quelque tctn;?*
» qu'il en ait joui , encore que ce fût par cent
» ans & plus. Toutefois les profits de fiefs échus
j> ne fe prefcrivent par trente ans , s'il n'y a faifie
» ou inftaace pour raifon d'iccux ».
Cet article .« , comme l'on voit , deux parties;
la première concerne la Prefcription du fief; la
féconde, la Prefcription des droits féodaux échus,
A l'égard de la Prefcription du fief, cet article
renferme deux difpofitions bien différente?. La
première concerne le feigneur ; la féconde , le
vaflal.
Le feigneur féodal ne peut prefcrire contre fon vaffal ^
telle étoit la difpofuion de l'ancienne coutume.
La nouvelle zjoinc , le fief Jur lui faif , ou mis en
fa main par faute d'hommes , &c. Il réfultc de la
manière dont cet article eft conçu, que la pro-
hibition de prefcrire fe réduit, à l'égard du fei-
gneur , au feul cas de la faifie féodale ; & que dans
tous les autres, il peut prefcrire contre fon vaftal ,
fuivant les lois ordinaires de la Prefcription.
Si l'on examine même le motif de cette difpo-
fition , on verra qu'elle n'cft rien moins qti'une
règle féodale; que cette prohibition n'a rien de
commun avec la nature des fiefs, & qu'elle au-
roit lieu, quand même elle ne fcroit pas exprimée
dans la coutume. Quel eft en effet le motif df;
cette difpofition ? C'eft parce que le feigneur qui
a faifi le fief de fon vaffal , n'en ;ouiî qu'à titre
précaire, que comme dépofitaire de juftice. Or,
c'eft une règle de droit commun , que le dépofi-
taire ne peut acquérir !a propriété du dépôt' par
la feule poffefrion , quelque longue qu'elle puaTe
être.
La féconde difpofition de îa première partie de
cet article eft conçue en terrnes bien différens ; ell«
met le vaffal dans l'impofiibîlité -ibfolue de pref-
crire la foi qu'il doit à fon feigneur, quand nîême
il auroit été plus de cent ans fans la lui porter.
Si l'on examine encore de près cette difpofition,
on verra qu'elle n'appartient pas pius que la pre-
mière à la matière féodalv' , ou du mow5 qu'en n'a
37(? PRESCRIPTION.
fait , en l'y appliquant , que raifonner d'après le
droit commun. En effet, fe font dit nos anciens
feudiAcs , c'eil une règle de droit que la poffef-
fion continue toujours de la manière dont elle a
commencé ; or, le vaffal ayant commencé de pof-
féder à la charge de porter la foi , fa pcflefTion
eft donc cenfée continuer fous cette même condi-
tion.
Distinction H. Le v^ijfal peut-ïl prefcrire contre
fon feigneur ?
Nemo potefî mutare fibi caufam pojfejjlonïs. Pour
prefcrire , il faut po/Téder anima domini ( en efprit
de propriétaire). Voilà les principes qui dominent
cette matière ; ils font , comme perfonne ne l'i-
gnore , tirés des lois romaines (i) , quoique les
jurifconlultes qui les ont établis n'aient point
eu les fiefs en vue; cependant les feudifles les ont
appliqués à la matière féodale , 6c en ont fait la bafe
de leurs décifions. Telle eft en effet la fageffe &
la fécondité de ces principes , que c'eft d'eux qu'on
va voir fortir toutes les conféqucnces qui vont
être développées.
Si perfonne ne peut de lui-même changer la caufe
de fa poffeffioii , par quelque efpace de temps que
le vaffal ait ceffé de rendre la foi , il ne peut donc
tirer avantage de cette ceffation , & fa poffeffion eft
cenfée continuer comme elle a commencé.
a Par cette raifon , le vaffal ne prefcrit jamais
ï» pour la foi qu'il ne rend pas , parce qu'il n'a ja-
M mais eu intention de pofféder fon fief , que
« chargé de foi & hommage , & qu'il ne peut aller
j> direélement contre fou titre : nemo pouil fibi mu-
« tare caujam pojfeffionis ». C'eft la remarque de
M. le Camus fur l'article 12 de Paris.
u Cette décifion eft Fondée fur ce que la poffef-
« fion du vaffal n'eft que précaire ; qu'il ne ceffe
» pas d'être vaffal , & obligé au fervicc , quoiqu'il
» ne le faffe pas ; qu'il ne peut pas feul, & de hii-
» même , changer la caufe de la poffeffion ; & que
« fa féodalité, qui eft de l'effence du fief , mnin-
j> tient la poffeflion refpeélive du feigneur & du
î> vjffal , tandis qu'elle n'eft pas interrompue par
ji quelque a6le contraire ». Ainfi ra-ifonne Dunod ,
traité de la Prejcription , titre de la Prefcription des
Cette décifion étant univerfellement adoptée, je
ne l'apiJuyerai pas d'un plus grand nombre d'auto-
rités ; on en trouvera tant qu'on voudra dans tous
les auteurs qui ont écrit fur la matière féodale.
L'hc itier & le défunt n'étant, aux yeux delà
loi , qu'un feul individu, la poffeffion de l'un paffe
dans la perfonne de l'autre , avec tous fes vices &
toutes fes qualités. Ainfi, celui qui a recueilli un
fief dans la fucceffion de fon auteur, eft toujours
ceiifé \e pofféder comme fief, & il ne peut prefcrire
la libération de la féodalité , par quelque efpace de
(OYoyezci-d,vain,fedioni,
PRESCRIPTION.
temps qu'il ait ceflé de rendre la foi. Cette décifion
eft celle de tous les feudiftes (1).
Et même dans les coutumes qui admettent le
franc-aleu fans titre , le fief une fois établi , le vaffal
ne peut prétendre avoir prefcrit la libération de la
féodalité , fût-ce par l'efpace de cent ans *.
L'églife n'eft pas plus privilégiée en cette ma-
tière, que les particuliers. C'eft ce que juftifient
d'fférens arrêts rapportés à l'article Franche-Au-
MÔNE.
Auffi a-t-il été jugé par arrêt du parlement de
Flandres , rendu en 1770 , au rapport de M. l'Abbé
de Calonne , que les chapelains de la collégiale de
Saint-Pierre de Douai , étoient tenus de porter la
foi & de payer le relief au marquis de Traifnel ,
pour un (icf qu'ils pofsèdent dans fa mouvance à
Monchecourt , quoiqu'il y eût plus de deux fiècles
qu'ils n'euffent pas rempli ces devoirs.
La même chofe a été jugée, & à peu-près dans
les même:» circonftances , par \\r\ autre arrêt du 13
avril 1776. Il s'agiffoit encore d'un fief tenu du
marquis de Traifnel : les prévôt , doyen & chanoi-
nes de la collégiale de Saint-Pierre de Douai, étoient
depuis long-temps en pofft.flion de ne pas remplir
envers le feigneur, les devoirs de vaffalité que
leur impofoit ce fief. Le Marquis de Traifnel le fit
faifir , faute de foi-hommage; & par l'arrêt cité,
fa faifie fut décrétée avec dépens.
Il y a pourtant une coutume qui femble s'écarter
de cette jurifprudence ; c'eft celle de la châtellenie
de Lille : " Un feigneur , à caufe de fa feigneurie
» ( dit-elle, titrepremier, article 75 ) , nepeut pref-
» crire contre ion homme féodal ou rentier ; mais
» au contraire, un vaffal ou rentier peut prefcrire
n contre tel feigneur ».
On dira , fans doute , que le fécond membre de
cette difpoGtion . ne peut être entendu que des pro-
fits de fief qui font échus , & qu'on ne doit pas l'ap-
pliquer au fond même des droits féodaux , encore
moins à la mouvance ou tenure,foit féodale, fuit
cenfuelle.
Cette interprétation paroît en effet d'autant plus
naturelle , que le décret d'homologation de la cou-
tume de la châtellenie de Lille, veut expreffément
(i)"Tancaue le f^ cl-' fers venu c'e main à autre par héré"
» dite , il me fembli; qu^il n'y a nucune raiion d'admettre une
>t Prefcription centenaire pour libérer Je pofleireur du droit
»i de féodalité , même parce que l'héritier eft tenu perfcnnel-
» lementdcs faits & des vices perfonnels de fon auteur;
" ainfi la poflelïîon , connue elle éroit qualifiée en la per-
» fonne de l'aïeul ou bifaïeul , aura dû fe continuer en la
» même qualitç tt mains des defcendans ou autres héiiàets
•» collatéraux , d'une petfonne à autre, mêniement qi<and les
" niurations d'homme au fief ont été fans profic , &: n'y
" cchet que le devoir de la bouche & des mains ; car la
" bonté & courtoilîe du feigneur féodal , qui n'a voulu re-
» chercher fon vaffal à chaque mutation , pour gagner les
M fruits , ne doit être rétorquée contre lui pour lui apporter
» domni.ige ". Coquille fur l'art, ij Ju titre des fiefs de U
coutuujc de Nivernoii,
qu'elle
PRESCRIPTION.
qu'elle folt expliquée , & qu'il y foit fuppléé par le
droit commun.
Mais , d'un autre côté , fi vous confidérez que
par l'article 74 du même titre, la coutume permet
au vaffal de s'affranchir du cens par la Prefcription
de foixante ans, il paroitra bien difficile de réduire
à de fimples arrérages , Si à des profits échus , la fa-
culté que l'article 75 accorde au vaflal de prefcrire
contre fon feigncur. Le premier de ces deux arti-
cles femble découvrir refprit de la coutume ; &
pulfqu'il y eft queftion du fond d'un droit qu'il dé-
clare prelcriptible ,on ne voit pas trop comment il
pourroit ne pas réfulter la même prefcriptibilité des
termes employés par le fécond.
L'auteur anonyme des notes fur le premier titre
de cette coutume , imprimées à Lille en 1774, ne
paroît pas avoir beaucoup réfléchi à ces difficultés.
Cependant il propofe unQ àïÛiniYion qui , fans re-
mettre au niveau du droit commun la difpofuion
dont il s'agit , en affoiblit beaucoup le fens littéral.
.Voici comment il s'explique :
« Le vafTal ou rentier , peut , en vertu de cet ar-
>» ticle , prefcrire tous les droits uiiUs qu'il doit à fbn
»> feigneur pour raifon de fon héritage. Ces droits
3> peuvent être remis par un feigneur ; pourquoi ne
» pourroient-i's pas l'êire par la Prefcription ? On
M peut être feigneur d'un héritage fans lods & ven-
V tes , -fans relief, &c. — Entre les droits féodaux ,
î» il en eft qui ne confiflent qu'en p ofits , & la foi-
>j hommage , le rapport ou d'nombrement , & le
») fervicc en cour, qui fonr tous droits révéren-
» tiels , efîentiellement attachés à la feigneurie , &
^> qui en marquent la fupériorité ; ces droits font im •
ï) prefcriptibles; & ce feroit détruire la feigneurie ,
5) que de les féparer parce qu'il n'en reHeroitau-
>» cune marque. — Mais quant aux profits l'éodai.x
» qui peuvent être féparés de la feigneurie fans la
V détruire , on peut d'autant plus facilement les
« prefcrire , que , fuivant nos mœurs, ils ne font
»> pas de l'effence du fief ».
Un peu plus bas , l'auteur ajoute : « C'eft d'après
« ces principes, que les droits utilcr. dus au fci-
3» gneur de Tenipleuve , ont été dccbiés piefcrits
« par fentence du bailliage de Lille , du ^^ décem
« bre 1759, cfs le feigneur de Templeuve-en-
■»■> Dofïémer, & les dnme abeffe & religieufes de
ï» Sainte-Elizabcth de la ville du Quefnoy ».
On ne voit pas dans ce paffage , quelle étoit l'ef-
pècc de la fentence qui y efl citée : mais des recher-
ches particulières nous en ont infVuit ; & nousfa-
vons qu'elle a adopté dans fesdeux points la doiSlrinc
de rauteurcité;<'eA-;:-dire, qu'elle a jugé des profit s
de fief prefcriptibles , mcme pour le fond des droit? ;
mais qu'à l'égrad des attributs rcvéïentuls , elle a
maintenu l'imprefcriptibilité établie par le droit com-
iniin.
Il s'agKToit du fief de Landas , acquis depuis très-
îong temps parles religieufes de Sainte tlizabeth,
d. amorti fons la condition qu'elles le poirédcroient
avec toutes fes charges.
7omt Xiii,
PRESCRIPTION. 377
Depuis un efpace temps plus que fufHfant pou''
prefcrire un droit ordinaire, les religieufes n'avoien'
ni prêté foi & hommage , ni fait le fervice des
plaids (i) , ni délivré de dénombremens , ni fourni
d'homme vivant & mourant , ni payé de relief, ni
enfin acquitté le droit d'indemnité.
Le fieur des Maifieres , feigneur de Templeuvc-
en-DofTemer , & en cette qualité , dominant du fief
de Landas , l'a fait faifir par plainte à loi , pour
obliger les religieufes à fatisfaire à ces dvfférens
droits.
Celles-ci ont allégué la Prefcription ; & le bail-
liage de Lille a prononcé en ces termes :
« Nous , fur ce coiffures de notre conjureur or-
" dinaire , tout confidéré , avons déclaré les oppo-
" fautes fbumifes aux foi & hommage, rapport &
" dénombrement demandé* par ledit fei2,neur de
» Templeuve , à caufe de leur fîef de Landas ;
" leur ordonnons de dénommer à cet effet feule-
'» ment un homn:c vivant & mourant , & un ref-
» /7o/)y7Wc(2) pour fervir àla cour dudit feigneur;
» décrétons , fuivant ce , lefditcs plaintes & fai-
" fies ; & pour le fiirplus des demandes , avons
» déclaré le fieur Defmaificres non fondé dans les
» droits d'indemnité & relief par lui pràendus ;
» révoquons à Cet égard lefdites plaintes & faifie».
" Condamnons les oppofantes à trois cinquièmes
» des dépens , & ledit fieur Defmaifieres aux deux
» autres ".
Ainfile bailliage de Lille a jugé que les droits
efTentiellement récognitifs de la vafTalité ne poù-
voient pas être prefcrits, mais que le relief & l'in-
demnité étoient prefcriptibles.
En prenant cette décifion pour règle , l'auteur
des notes fur le titre premier de la coutume de la
châtellenie de Lille , a donc eu raifon de propofer ,
pour l'interpréra-iondc l'article 75, la diflinétion
rappelée ci-defîus.
Cependant , pourquoi diftinguer quand la cou-
tome ne le fait pas ; & fi on fait tant que de vou-
loir diftinguer, pourquoi ne pas le faire confor-
mément aux principes du droit commun ?
Ainfi , de deux chofes l'une : ou il faut dire que
la coutume de la châtellenie de Lille permet de
prefcrire jufqu'à la foi-hommage , ce qui ne paroit
pas même propofable , ou qu'elle n'admet ni la
Prefcription du relief , ni celle des lods & ventes ,
& que fa difpofition doit être reflreinte aux profits
échus , aux droits cafuels & aux arrérages.
C'eft en effet ce qui a été décidé dans l'affaire du
feigneur de Tcmpleuve-en-DofTemer & de l'ab-
baye de Sainte-Elifabeth. Car ( & c'efl unecirccnf-
tance qui n'auroit pas dû échapper a l'anonyme
ciré ) , le feigneur de Templeuve ne s'en eft pas
tenu à la fentence du bailliage de Lille ; il en a
interjeté appel au parlement de Flandres, & voici
<i) Voyez Homme de fitf.
(ù Cç Riot cft cncoie e-xf licjuc à l'atticle Homme DE riEE.
* B b b
378 PRESCRIPTION.
l'arrêt qui y eA intervenu le l6 décembre 1763 ,
au rapport de ÎVi. Je trancqueville.
« La ccur a mis & met l'appellation & la fen-
j» tence dont ;'. été appelé au néant , en ce que par
»> icelle ledit Defmaifitrcs a été débouté du droit
it du relief du fîet de Landas dont s'agit au procès ;
« émendant quant à ce, déclare lefdites abbefle
« & religieufes lujettes au droit de relief toutes les
«» fois qu'elles le feront à la foi & hommage en-
j> vers le leigneur de Templeuve pour raifon dudit
»> fief de Landas, ladite fentcnce au réfidu fortif-
î> fant effet. Condamne ledit Defmaifieres en cinq
« fixièmes des dépens de la caufe d'appel ».
Ainfi , il eft décidé que dans la coutume de la
châtellenie de Lille , la foi-hommage & le relief
font aulîi imprefcriptibles l'une que l'autre ; mais
que l'indemnité peut s'y prefcrire. Voyez fur ce
dernier point , l'article Indemnité,
Voilà donc la coutume de la châtellenie de Lille
replacée fur la ligne du droit commun; tant il eft
vrai de dire qu'il n'y a point de maxime à laquelle
nous tenons davantage que celle qui empêche le
vaffal de prefcrire contre fon feigneur.
De l'explication que nous avons donnée de cette
maxime, il réfulte clairement qu'on ne peut pas
en inférer qu'un feigneur efl en droit de revendi-
quer , comme appartenant à fon domaine , ce qui ,
dansles poflefTxons de fes vaflaux excède, depuis un
temps fuffifant pour prefcrire , la quantité de terres
déterminée par leurs titres.
Mais ce droit en eft-il pour cela moins réel ? Ne
peut-il pas être juftifié par d'autres principes que
la règle dont il s'agit ? Voyez là-defTus l'article
Terrier.
A l'égard des droits extraordinaires que les fei-
gneurs ont impofés à leurs vaflaux ou cenfitaires
dans les baux à fief ou à cens , il n'efl pas douteux
qu'ils ne participent au privilège de l'imprefcripri-
bilité , lorfqu'ils ont pour objet la reconnoifTance '
de la mouvance eu de la direéîe.
Sur ce fondement , dit la Peyrere , lettre P ,
nombre 88, il a ci!i jugé au parlement de Bor-
deaux, par arrêt du 19 août 1680, qu'un droit de
corvée Âipulé par un bail à ûef ne pouvolt pas être
prefcrit même par cent ans. « La cour fe fonda fur
j; cette raifon , que la corvée étoit ét.-iblie fur le
ïi titre , & par conféquent de l'tfience du bail à
« fief , contre lequel le tenancier ne peut prefcrire ,
» lui étant commun avec le feigneur ».
Le même principe a diéîé un autre arrêt du lo
juin 1644, que la Peyrere nous retrace fous le
nombre 100 delà lettre citée. En 1 42 1 , le feigneur
du Breuil avoit inféodé à (qs habitans divers héri-
tages plantés de bois , fous la réferve d'un droit de
chauffage pour lui & les fiens à perpétuiré. Ses fuc-
ce^îeurs avoient négligé ce droit ; le fieur Dupuy
voulut en jouir. On luioppofa la Prefcription im-
mé moriale ; mais par l'arrêt dont il s'agit , « il fut
» j ugé (jue la réferve du droit de chauffage étoit de
PRESCRIPTION.
>j l'efTence du bail à fief, & conféqueiument im-
>» prefcriptible ».
Lorfqu'un feigneur a aliéné , foit par vente, foit
par donation , le droit qui formoit dans fa main le
figne récognitif de la mouvance ou de la direfle ,
peut-on le prefcrire contre fon acheteur ou fon
donataire ? Oui , parce qu'alors ce droit n'eft plus
un acceffoirc de la feigneurie, & fe trouve réduit
à la qunlité de finiple redevance foncière. On a pu
le transférer fans le domaine direél, il peut donc
aufli s'éteindre fans lui.
C'efl l'avis deCancerius, variarum re/olutionum ,
livre I , chapitre 1 2 , nombre i î ; de Dunod , traité
des Prefcriptions , partie 3 , chapitre 10 , pag. 366 ,
8c d'Kcvin dans fa confultation 4.
C'eft ce qu'établit aiifli Poubin du Parcq fur la
coutume de Bretagne , article 294 , note f : « on ne
» peut pas dire ( ce font fes teimes ) que la mou-
» vance foit diviféc ( par l'aliénation que fait le (ei-
» gneur d'une rente féodale ). Le feigneur n'au-
j» reit pas même eu le droit de faire cette divifion ,
» fuivaut l'article 348 de la coutume. La preftation
» a été feulement féparée de la féodalité , qui eft
» demeurée entière au feigneur; de forte qu'il n'y
» a aucun lien de foi entre fon vaffal & le proprié-
» taire de la rente.
» Cette maxime ( ajoute-t-il ) a été confirmée par
n arrêt du mois de juin 1742, au rapport de M.
» d'Eftreans , doyen du parlement ( de Bretagne ) ,
» entre le fieur le Coniac de la Longrais 8c le fieur
» Drouet de la NoëSeiche, Le procès avoit été
» partagé à la grand'chambre. 11 hit départi à la
» féconde des enquêtes , & la Prefcription fut ju-
» gée contre la rente comme foncière ».
Distinction IIL De la Prefcription dû feigneur
contre jon vajjal , cenfitaire ou ctiiphyicote.
* Le feigneur ne peut prefcrire contre fon v.'Jfal.
Telle étoit la difpofition de l'ancienne coutume de
Paris. Les réformateurs ont ajouté, le fief fur li4
jaifî , ou mis en fa main par faute d'homme , droits
& devoirs non faits , ou dénombrement non badlè.
Il réfiilte de cette féconde difpofition , que la rè-
gle générale, établie par l'ancienne coutume, eft
aujourd hui reflreinte au feul cas oii le feigneur
jouit du fief de fon vafial , en vertu de la faifie féo-
dale; & que dans tout autre cas , il peut uferdu
droit commun, & prefcrire cortme un tiers pour-
roit le faire.
Telle eft en effet l'interprétation que les au-
teurs ont donnée à cette nouvelle difpofition de
la coutume.
L'ancienne coutume, qui rejetoit indéfiniment
la Prefcription entre le feigneur & le vaffal de la
chofe tenue en fief, eft reftreinte par cet article,
à l'égard du feigneur , au feul cas de la faifie féo-
dale. « De forte qu'aux autres cas non exprimés ,
» qui n'ont rien de privilégié, auxquels le fei-
» gneur ne pofsède point en vertu d'une faifie féo-
PR ESCRIPTION.
j» dale , la Prefcription ordinaire & coutumière a !
« lieu de la part du feigaeur contre le vallal m.
Brpdcau ,fur i\irf. 12 de la coutume de Paris.
a Toute Prefcription entre le feigneur & le vaf-
« fal n'eft point prohibée, quand il ne pofsède
•» point jure feudi ,fed dorninii ». Balnage ,/«/• fj/'r.
116 de la coutume de Normandie.
« Si lepoireHeur du û:t dominant jouit du fief
») fervant en qualité de propriétaire, & non com-
5> me feigneur direil, il peut le prefcrire , comme
j> feroit tout autre propriétaire ». Dunod , traité
de la Prejcription des fiefs *.
Duperrier atrefte h même chofe pour la Pro-
vence. " Selon les maximes du droit écrit (dit il
» dans fes décifions ., tom. 2 , livre i , nombre 73 ) ,
» le feigneur direâ , par la Prefcription de trente
ï» ans, acquiert le domaine utile, fi durant cet
M efp.Tce de temps il a poiïedé le fonds en qua-
w lité de propiiétaire , & non de feigneur di-
» re6l ( I ) ».
* L'héritier de celui qui a faifi féodalement le
fief de fon vnjfàl, ne peur en prefcrire la pro-
priété par quelque efpace de temps qu'il en ait
joui , quand même il auroii ignoré la caufe de la
porteffion de fon auteur. C'eft la décifion de tous
les feuditles , & elle efl fondée fur le principe que
la pofTsffion du défuiu fe continue dans la perfonne
de fon héritier, avec tous fes vices & toutes fes
qualités.
Ainfi, quand on demandera fi l'héritier du fei-
gneur , qui jouiiToit par faifie féodrJ.e d'un fief mou-
vant de lui , peut , après que la fuccelfion lui efi
échue , prefcrire ce fief, on dira fort bien que
non , quoiqu'il ait joui , dans la perfuafion que le
bien appartenoit véritablement à celui dont il eft
héritier. La raifon en eil que , qu.tmvis htzres pof-
fideat anima domini , néanmoins il ne prefcrira pas ,
parce que non potefi (ihi mutare caufam po(feJJîonis.
( M. le Camus, objervations fur l'article iz de
Paris. )
Ainfi , un vaffal peut toujours revendiquer la
propriété de fon fict , quand il peut prouver que
c'eft une faifie féodale qui l'a fait pa^fer dans la
main de fon fe-gneur. Mais ciî-ce au vaifal à éta-
blir l'exifit-nce de cette faifie , ou le feigneur eft-
il obligé de prouver qu'il pofsède ce fief à tout
autre titre ? Les auteurs décident que cette preuve
efià la charge du va/îal , * & c'efi la conféquence
de deux maximes triviales du droit romain : l'une,
que c'eft au demandeur à prouver , ejus eft pro-
bare qui dicit , non qui negat (t) i l'autre , que dans
le doute , la caufe du polTelieur efi toujours la
plus favorable.
" a Quand le vafTal demande à fon feigneur la
(l (Jw;.- ?ucf (!'• aioutc : « Nonobilaai !a maxime des pays
M costumiers, où 'c l'eigneur ne prrfcrit jamais contre fon
k> vaflal «. Mais cette maxime ne contrarie nullement Ja
dofkiinede Duperrier.
(i) Loi't, D. de probationlhuJ,
PRESCRîPTlCî^r. 37^
» reflitutîon d'un héritage , comme le pofledant
» en vertu d'une faifie féodale , il efi tenu de la
» juftifier , encote même qu'il fît voir, par des
» titres , qu'il eiit appartenu à fes prédécefieurs ;
» car le feigneur peut avoir pofiedé à autre titre »,
Balnagc , y«r rarticL wj de Normandie.
« Le vafi"al qui, nonobfiant la Prefcription, veut
» rentrer dans fon fief, doit prouver que le fci-
)> gneur en a joui jure feudi , & non pas ut ex-
)) ir.ineus ; autrement , il ne feroit pas reçu en
» fon aélion après une longue ponefiîon , qui fait
» préfumer un titre particulier , & qui doit afi^u-
» rer le droit du feieneur : non tàm vi Prafcrio-
» tionis , quàm vi prccfumptionis ». Boucheul,/wr
Poitou, art. 8ç, n° . \\.
Mais cette faifie une fois prouvée, le feigneur
efi préfunié pofiéder en vertu de ce titre précaire,
parce que la pofi!efi!îon efi: toujours cenfée conti-
nuer comme elle a commencé. Dans ce cas, il ne
pourra donc s'aider de la pofieflion , qu'en prou-
vant qu'il en a changé la caufe (i).
Lorfqu'un vaflal parvient à prouver que fon fief
a été faifi féodalement , le feigneur ni fes héri-
tiers, ne peuvent donc prétendre en avoir pref-
crit la propriété, quoique ce fief i'oit en leur pof-
fcflîon depuis un temps immémorial : en eft-il de
même de l'acquéreur } Non ; quoiqu'il tienne fon
droit d'une perfonne incapable d'ufer de la Pref-
cription, il n'en efi pas moins habile à prefcrire ,
parce que fon titre intervertit fuffifamment la pof-
feflîon de fon vendeur.
« Si un tiers avoir pofiTédé le fief pendant la fal-
»> fie féodale, il pourroit le prefcrire , quand mê-
» me il le tiendroit du feigneur à titre particu-
» lier , pourvu qu'il l'eiàt acquis de bonne foi ».
Dunod , traité de la Prefcription , titre de la Pref-
cription des fiefs.
« Quand le feigneur a mis le fief en fa main,
» & qu'après en avoir joui, il le vend ou en dif-
» pofe à titre particulier, alors le fuccefleur igno-
» rant la caufe de polTcder de celui qui lui vend ,
» ayant par devers lui un jufte titre, pofjîdet ani-
n nio domirii ex causa nova pujjtdindi ; & c'efl
»> pour cela qu'il prefcrit par dix & vingt ans ».
M. le Camus, obfervations fur l'art. 12 de la cou-
tume de Paris.
Ferricre , fur l'article 1 2 de la coutume de Paris ,
glofe I , examine, comme M. le Cnmt:$ , la quef-
tion de favoir fi , dans ce cas , le laps de dix ans
fuffit pour confommer la Prefcription de l'acqué-
reur ; de il décide , comme lui , que ce temps eft
fuffifant. Voici les raifons qu'il en donne.
« L'art. 113 porte généralem.nt & indifiinfle-
(i) C'ejl h décijïon de Dumoulin. Tenebirur igiiui dominus
poflii^ens , lioc calu probare.... poûeilionem iliain feuJat*-
li.iiii , (ive jute & potellatc-t'cudali obtentam .intetvetfam; Se
inc'.'ptum eire, rem pol^dcri pieno &; ptoprio jure poffiden-
tis tanqu.\m 1 on feudalem. Sur L'urticlty de l^ancimm au-,
tume (fe Ptfrij j n°. IV , in fine.
Bbb ij
38<
PRESCRIPTION.
3> ment , que tout poffefleur de bonne foi prefcrît
« par dix ou vinet ans l'héritage qu'il a acquis ;
M & pour cette Prefcription , trois chofes font
j> feulement requifes : la bonne foi de l'acqué-
j) reur, le titre, & la poffeffion continuée pen-
I) dant dix ou vingt ans ; 6i partant , ces trois condi-
» lions fe rencontrant en la perfonne de celui qui
V auroit acquis du feigneur un fief qu'il auroit
« faifi , il pourroit foutenir qu'il en auroit acquis
y) le domaine par la Prefcription ».
Distinction IV. Dans les coutumes alloJlales , le
vjffal ou ctnfitaïre , ipar la feule ctjfation du paye-
ment du cens ou de la prejlalion de fui & hom-
mage , peut-il prcfcrire la libération de la direde
ou de la mouvance , & transformer fon héritage
en aleu ?
I. Nous penfons que la négative eft fans diffi-
culté , à l'égard du preneur , 8c de fes héritiers ou
repréfentans à titre univerfel.
Pour peu qu'on examine un bail à fief, un bail
à cens , on voit que les parties contraÂantes fe
dié^ent une loi, en vertu de laquelle le balllei;r
demeure propriétaire à toujours d'une portion de
l'héritage qu'il concède pour faire ufage de fa pro-
priété , toutes les fois que le preneur & fes fuc-
ceffeurs mettront hors de leurs mains l'héritage
par vente &• autre aliénation.
Régulièrement cette portion de propriété , rc-
fervée lors du bail , cft le quint du montant de
l'héritage baillé à fief; le douzième de l'héritage
concédé à cens; le tiers du montaat de l'héritage
baillé à bordelage. Or , fi le preneur ou fes fuc-
cefleurs pouvoient prefcrire à leur profit , & s'ap-
Î)roprier pour eux-mêmes , dans le filence & dans
es ténèbres , cette portion de l'héritage que le
bailleur s'eft réfervée , & dont la propriété n'a
point été aliénée pat lui , ce feroit innover , chan-
ger la nature & les conditions du contrat, trans-
former un bail à fief ou à cens en un contrat tranf-
iatif tout-à-la-fois de la propriété direfle, & im-
pofer filence au titre commun , lorfqu'il dépofe &
au'il crie hautement contre l'ufurpation de l'une
es deux parties fur l'autre ; tandis qu'il n'a été
écrit & que les reconnoiflances qui en font l'image,
ne l'ont renouvelé que pour qu'il formât une fé-
paration & une barrière perpétuelle entre les droits
du bailleur & ceux du preneur; ce feroit autorifer
le détenteur à prefcrire contre fon propre titre >
& à violer la foi du dépôt qui lui eft confié , en
dépouillant le bailleur de fes droits, dans le temps
même que la loi décide qu'il eft le procureur
du feigneur , & qu'il eft établi par elle pour les
confcrver.
Dans ces contrats , il fe forme une corrélation
mutuelle , durable & perpétuelle entre les deux
perfonnes qui contraflent, laquelle empêche que
ni le bailleur ni le preneur puiffent , féparément
l'un de l'autre ^ fana le concQii|s des deux en<
PRESCRIPTION.
femble , rien changer à la convention faite par la
reunion de leurs volontés & à leurs obligations
réciproques &c corrélatives. Le bailleur ne peut pas
prétendre les profits des mutatio.is fur un pied p!us
fort que celui qui eft fixé par la coutume ou par le
bail , augmenter à fon gré le canon annuel , furchar-
ger le preneur , ou ajouter à fes engagemens. Le
preneur ne peut pas, de fon côté , refufer au bail-
leur ce qu'il lui a promis : l'un ne fauroit innover
ou prefcrire au détriment de l'aiitre , ni faire cefier
par fa feuL- volonté ce qui eft établi & appuyé
fur les deux volontés enfemble. u Feudum conjll-
» tuitur deflinativne patrani & cinntis fimul , non al-
n terius eorum tarJÙm , quia non dependet à volon-
» tate unius , fcd duorum , 6» à vero contracta ultro
» citroque oblig^itorio non iicet alierutri quid-
)> quam immutare aut derorare ». La raifon de ce
principe fe préfente d'elle-même ; c'eft que le
contrat eft réciproque-perpétuel ; & que, comme
on l'a vu plus haut , feélion i , fi l'un des contrac-
tans exécute fes engageiTiens , l'autre ne faurort
prefcrire la libération des fiens : moins encore ,
fi ce qu'il voudroit prefcrire eft de l'elTence dti
contrat. Car ce qui eft de reffence des contrats ,
n'eft point fujet à la Prefcription, fuivant la loi ,
non diibnim 5 , au code, de legibus , dit Coquille.
Ainfi , puifque le bail à fief, à cens ou à borde-
lage , eft un contrat réciproque-perpétuel ; puifque
la reconnoiiTance , le payement des profits , la fer-
vice annuel de la preftation , la retenue , la com-
mife , la réverfion , l'entretien de l'aftiette en bon
état, font de la propre cftence de ce contrat; tant
que le bailleur exécute de fa part ce à quoi il s'eft
engagé par le bail , qui eft de faire valoir & main-
tenir la conceflien , de ne pas troubler le preneur
dans fa jouiftance paifible , de ne lui point de-
mander de plus forts droits que ceux qui ont été
convenus , le preneur ou détenteur n'cft pas en
droit de méprifer fes promeffes ; il ne peut pas
prefcrire la difpenfe & la liberté des devoirs qui
lui ont été impofés , & auxquels il s'eft fournis
par le bail ; ils font efTentiellement & infépara-
blement attachés à fa jouiftance. Le titre commun
les lui rappelle , & l en avertit fans celfe. Et ne
voit-on pas qu'il y auroit une injuftice & iine iti-
conféquence manifefte, que le détenteur put c:n«
ferver l'héritage, & ne plus reconnoître le h ùl-
leur,en s'érigeant lui-même en feigneur direct &
en feigneur utile , au mépris du contrat commun ,
à l'infu & au détriment de fon corrélatif ^
On remarque dans ces mêmes contrats utie au-
tre fingularité ; c'eft que 1 héritage concédé à fief,
à cens , à bordelage , à rente , devient , par la con-
ceflîon même , commun & indivis entre le bail-
leur & le preneur; car il en rélulte une feigneurie
direfte d'un côté , & de l'autre une feigneurie
utile , qui , l'une Se l'autre , ont 1-eur affeâation
fur le même héritage. La direfle appartient au bail-
leur ; ce qui le fait nommer feigneur direH , ou fim-
plement feigneur ; & l'utile au preneur ou détea-
PRESCRIPTION.
teur; d'où il eft appelle /êig-rziar utile. Ces deux
feigneurs, dired 6c utile, potsèdenc donc par in-
divis ener'euîf l'héntage concédé fous un devoir
quelconque ; cela eli fi certain , que , lors des mu-
tations, ils en partagent 'e prix félon la proportion
analogue au genre ae tenure fîipulé par le bail , &
que riiéritage ne peut recevoir des améliorations ,
ni foutfrir des déterioraticns & fon éclipfe totale ,
qu'ils n'y aient l'un 6i l'autre intérêt. Or, c'eft un
point de droit , que la communauté , ou indi vifion ,
met obibcle à ia Prefcriptton d'un des communs
fur l'autre.
D'ailleurs , le preneur ou détenteur n'ayant pour
fa portion indivife dans l'héritage féodal , cenfuel
ou bordelier, que la feigneurie ou propriété utile ,
il efl certain qu'il eft inhabile à acquérir , par la
voie de la Prefcription , la feigneurie ou propriété
direék, qui eft la portion indivife du bailleur. En
eftet , pour prefcrire le droit d'autrui , & l'ajouter
au nôtre , il faut l'avoir poiTédé , pendant le temps
iixé par la loi , aniiuo domini , c'eft-à-dire , avec
l'intention iU de la manière nèceffaire pour en ac-
quérir la propriété. Il faut fe croire , de bonne foi ,
propriétaire de la chofe pofTédée , ou au moins
avoir envie de le devenir, & fe conduire exté-
rieurement de façon à en perfuader les autres. Mais,
indépendamment de ce que dès le premier inftant
de poircffion de la portion du feigneur , 8c fans
attendre les trente années, le bail feroit réduit au
n'>n-ètre, fi la propriété utile & la propriété di-
reéte fe trouvoient réunies dans la perfonne du dé-
tenteur, ce qui rendioii inutile le cours d'un plus
lon^ temps, il n'efl pas facile de concevoir com
ment le bailleur ou le preneur pourroient publi
quernent poiî'éder , anima domini , l'un la propriété
directe , à la faveur de l'utile , & l'autre la pro-
priété utile, à la faveur de la direde, fur un même
héritage fujet indivifément à ces deux feigneuries.
Le leigneur u.ile pourroit-il montrer un afle ca
pable de juftifier que , pendant une feule minute
de trente années , il a , au vu 8i. fu , & fans contra
diflion du feigneiu direâ, exercé fur lui-même les
droits de feigneurie direfte ? Le feigneur direift ,
de fon côté , n'aura pas joui corporellement de
l'héritage. Dans quel fens l'un ou l'autre préten-
dront-ils avoir rempli la condition fans laquelle
ils n'auront pu prefcrire .''
Il eft doue plus vrai de dire que le titre commun ,
la railon lii !a règ'e obligent refpeftivement le fei-
gneur direft Se le feigneur utile à pofl'èder l'un pour
l'autre , fans leur permettre de fe nuire , & faiis
qu'ils puiflent le faire; que le déte iteur n'eft pas
plus habile à prefcrire la feigneurie dire'5ie contre
fon feigneur direâ,que ne le feroit un fermiers
prefcrire la propriété de fon maître; que le titre
du détenteur n'eft qu'un titre précaire , parce qu'il
pofsède fous la propriété direâe du bailleur , &
aux conditions qui font de l'elTence du traité ré-
ciproque-perpétuel ; que la qualité à'uiile , jointe
à fa dénomination , dcfd^rnur, dénote fon impro-
PRESCRIPTION, 3^1
priété; que la véritable proprl'îté eft toujours ré-
fidente dans la perfonne du feigneur direâ;que le
feigneur utile n'a pas pu la prefcrire , p^rce qu'il
ne l'a jamais poffedeé ; & qu'il ne la prefttiroir
pas , comme difent les Feudiftes , eiiam per mdu
annos , rébus fie jlantibus &' nih'U excrinfecus adve-
nunte.
Nous avons dit ci-devant, diftinàlion i, que Du-
moulin, fur l'ancienne coutume de Paris , n'alloit
par aulll loin , & que, fuivant lui, la pcffelTioti
centenaire fuffifoir pour inettre le vaifal ou le cen-
fitaire en pleine liberté. C'eft, efi c^tt ^ ce qu'il
établit fur le §. 12, au mot Prefcription^ nombre
14(1). Telle eft auffi la décifion de François Dua-
ren r2),&Ciijas l'a adoptée dans fa confultation 54.
Elle a mk.ir\c été reçue dans une de nos provin-
ces , le Dauphiné. M. Expilly, avocat-général au
p^Trlement de Grenoble, établit dans fon plaidoyer
27,nombres 10 & 21, que la jurifprudence de cette
cour a admis la Prefcription centenaire en faveur
du vaftal contre ion feigneur. M. de Salvaing ,
chapitre 13 , attefte aiifti cet ufage , & après l'avoir
prouvé par une tranfaélion du 17 Juillet 1Ç26,
par un arrêt d'expédient du 8 août 1 570 , & par un
autre rendu contradifloirement le premier février
1634; il répond à quelques arrêts modernes dont
certains novateurs vouloient mal-à-propos fe pré-
valoir pour renverfer cette jurifprudence.
Da.ns le chapitre fuivant , le même magiftrat aC-
fure encore, comme une maxime conftante en Dau-
phiné,» que l'emphiréote prefcrit contre le fei-
» gneur- direift , par l'efpace de cent ans ; ea
» forte quelelT)nd emphitéotique reprend fa coH-
II dition naturelle , fans être fujet au droit de cens
Il & lods, tant pour l'avenir que pour le pafle >».'
C'eft , ajoutc-tiî , ce qui a été jugé par arrêt du 4
août 1633 , nonobftant « la faveur de l'églife , l'é-
» dit de Melun & la preuve de l'enlèvement & in-
j» cendie des papiers , pendant les troubles de la
Il religion ".
M. Expilly , chapitre 183 , rapporte fix autres
arrêts du même parlement , « par lefquels , dit-il ,
» les feigncurs direéls ont été déboutés de leur "
» demande tendant à reconnoître, payer les lods
(l'i Vo'icï fiS termes :
Teriiô, Hinito textum noftrum (& hsc eft fola propria Se
adxquata limitatio , catetx potiùs fuac dedarationcs ) , uc
non procfdat in Prxfcriptione centum annorum ùve temporis
iminemorialis; fiquidem hujulmodi Pra:fccipiio babet viin
coniiirun" ( l. hoc jure , §. duclus aqva , D. de aqui çuoti—
dimi ■). UnJé nunquatu cenfetur exelula eciam pet legetn
probibitivam, & per univerfalia negativa &: geininata verba
oninem quamcumquc Prxfcripiionem excludentia.
(i)In confuetudines feudales , cap, 16. Voici fes termiM :
Prarcerfà , nec loquimur de Prïfcriptione centum annorum ,
qui poffeffio ell immemorabilis, cùmiiuer valTallum & domi-
num Prïfctiptionem vetari dicimus ; n que hïc Praefciiptio
untjuam excluditur his vei'bis , Préffcriptione nonohfianti , . , .
t.iîis enim comuecado habetur pro i ado , & packum valerct il
conveniflec intet dçnaiauin & vaflalJuii) , ùç hoc jure noa
uteientur.
jSz PRESCRIPTION.
» & ari-éra?*"* ^ ^ à continuer à l'avenir , & ce par
» fin 'J- non-r:cevo)r résultant de la prefcrlption
„ centenaire ». Le premier de ces arrcts eù. du 5 fé-
vrier i6i6 ; le lecond , du 23 feprembre 1621 ; le
troiuème , du 9 Juillet 1622; le quitrième du 20
décembre 162-5 ; le cinquième eft rapporté {"ans
tiare : le dernier a été rendu le 28 mai 1630.
Mais cette lurifprudence eft abl'olument particu-
lière au parlenienr du Datiphini. Par-tout ailleurs
où le franc-aleu le préfume lans titre , on tient
pour maxime que la Pr;lcripcion ne produit pas,
en cette matière, plus dciîet que celle de trente
ans.
Voici d'abord quelques arrèis qui établiffent cette
maxime relativement aux fiels.
M. de Catellan , livre 3 , chapitre 29 , en rap-
porte deux du parlement de Touloufe rie* 19 jinl-
1er 1655 8c 20 décembre 1675. D^ns l'cipèce qu'ds
ont jugée, il y avoit une poïTeifion de plus de
deux fiecles en faveur du vafial contre Ton ("uze-
rain ; néanmoins le fermier a été condamné à ren-
dre au fécond la foi & hommage.
Dunod , pi! tie 3 , chapitre 9, dit que par arrêt du
parlement de Befançon , du 22 mars 1709 , " le
5) feigneur de Marigna fut admis au droit de retrait
ï> féodal, contre la dame de Chambérie, fur une
:> acquifition par elle laite , de fonds qui étoient
V du fief de la terre de Marigna, mais pour lef-
>» quels on n'avoit point fait de devoirs , depuis
» l'an 1423. La Prefcripnon ayant été l'exception
H de cette Dame, il n'y a pas lieu de douter que
>» la queflion n'ait été décidée »,
l,a ([ueftion a été jugée plus fouyeni pour la di-
reéle ccnfuelle.
On verra ci-après, qu'un arrêt du parlement de
Touloufe du 10 février 1694, a condamné un cen-
fitaire à rcconnoitre fon feigneur , quoiqu'il fe pré-
valût d'une polll-nion de francbife continuée pen-
dant plus de cent ans.
LaPeyrere, lettre P. nombre 55 , attefte que
c'eft auftl la jurifprudence du parlement de Bor-
deaux.
Duperrier qui a écrit dans le refTort de celui de
Provence , dit qu'on n'en doute plus ni à l'école
ni au palais.
Dunod, partie 3 , chapitre i , rend le même
témoignage des maximes fuivies dans la Franclie-
Comtéi après avoir développé toutes les raifons
qui lui paroilToIent s'oppofer à la prefcrlption , il
en conclut " que le cens en direéle emphitéotique
» ou feigneuriale , eft imprefcriptible dans le coin-
i> té de Bourgogne, par celui qui i'aconftiruéou re-
« connu, ou auquel il a été dénoncé dans l'acqui-
j. fition qifil a faite de l'héritage , & par leurs hé-
i> tltlers. AuiTi, contlnue-t-il, eft-ce l'opinion com-
» inune de notre barreau, & je ne vois plus per-
j> fonne qui la révoque en doute ».
Le parlement de Dijon juge également que le
cens f'igneurhle{{ imprefcriptible , même par cent
'^cs. C'eft une vérité dont neus nous conyaincions
PRESCRIPTION.
aifément en parcourant les auteurs qui ont écrit
dans le reliort de cette cour.
Bouvot , tome 2 , au mot cens , queflion 9 , rap-
porte une efpéce dans laquelle il étoit queiiion de
favoir « û la cenfe qui n'a ni juftice ni juridiflion,
» pourroit être preltrite , du moins par cent ans;
» ou fi portant lods, Ôc la propriété direâe étant
!j retenue, on ne la pourroit prefcrire ». Il obferve
enluite dans le fait du procès , que le cens » étoit
» tenu en fief, démembré de la juAice : c'eft pour-
» quelle ténementier, nonobftant la prefcrlption
» allcguée , fut condamné a payer ladite cenfe, par
» arrêt du 29 Janvier 1607 ».
Menelet , cité par l'aïueur des notes fur les ob-
fervations ajoutées par Raviot, aux arrêts de Per-
ricr(i), dit , en citant le regiJlre des délibérations
iccrettes du parlement de Dijon, que « le 22 août
i> 1662 , la cour attefia qu un cens étant en juf-
» tice eccléfiaftique ou féculière eft imprefcriptible
» par quelque laps de temps que ce foit.
Les fuvans & judicieux cenfeurs (2) qui ont ac-
compagné de leurs obfervations critiques le com-
mentaire de Taifind fur la coutume de Bour-
gogne , donné au public en 1698 , s'expriment
ainfi à la page 818 : <c il eft important de remar-
» quer qu'en Bourgogne un cens dépendant d'un '
» fief fans juilice , eft jugé feigneunal Si irapref-
» criptiblc ».
L'auteur des notes fur Raviot (3) cite encore
« pOMr l'imprefcriptibiliié , un arrêt de 1611 , au
» profit de l'abbaye de la Fertè , & un autre de
>' 1675. Ls font , dit-Il , dans le cas d'un cens noble
» dépendant de fief émané de la juHice ».
Il ajoute « qu'un autre arrêt rendu le 18 août
» 175 1, pour l'abbaye de Lanchaze de Charon ,
» au rapport de M. de Cottin de Joncy , a jugé
» l'imprefcriptibilité d'un cens noble & en
n fief, réputé de la dotation même de l'abbaye, par
» les anciens comtes deCharolois, fouverains du
)» pays ».
Mais , cette jurifprudence a-t-elle lieu pour le
cens emphiteotique non feigneurial .''
On a pu remarquer dans tout ce qui précède,
que ni les auteurs , ni les arrêts ne font , là dclTus ,
aucune diftinyion ; & , en effet , il paroît par la
loi , cùm notiffimi , §. 6 , au code de Pnrfcriptione
30 vel 40 annorum, que le cens purement emphi-
théotique éto'it même chez les romains à l'abri de
la prefcrlption foit de 40 ans, foit d'un plus long
terme.
C'eft aufli la jurifprudence confiante des pays
de cenfive : « le cens emphiteotique , dit un au-
» tcur déjà cité (4) , y eft imprefcriptible : on le
w répute émané du feigneur qui a la juftice dans
(l) Tome 2 ,juppum€ntt:uK iiotet, page 10 , col. i , n°. ig.
(i) M. l'avccat gcntral Durand, M. Jciianniiii & il. Mori«
fot > avocars.
( j ) Lof. fîf- page 1 1 , col. i , n*, i î .
(4» Notes iur Raviot, tome 2. , à la fia » fuite du fupplo»
ment, page i5, col, 1 , a". 4.
PRESCRIPTION.
M le territoire ; c'eft pourquoi il en confcrve les
« prérogatives ».
On juge de même dans tous les pays de franc-
aleu ( excepté ceux qui reflbrnfTcnt au parlement de
Bourgogne); mais psr une autre raifon , c'efl-à-
dirc , daprcs la loi romaine que nous venons d'in-
diqtier.
M. le prcfident Favre s'eft élevé contre cette
jurifprudence. Ce qu'il en dit dans ion code , liv.
7, tit. 13 , dtrinition 19, mérite dette lu d'un
bout à l'autre. On ne doit, fuivam lui , & tuivant
l'annotateur de Raviot , appliquer la loi ciim notïj-
Jimi , avec le privilège d imprefcriptibiiité , qu'au
cens public du au louverain : comme les droits lei-
gneuriaux, continue-t-il, émanent de cette fource,
nous railbnnons de m^;ne à l'égard du cens en
fief. Mais le cens privé n'e/t que le prix d'une
vente d'héritage de particulier ; la leparation de
la propriété direéle &. de la propriété utile , qui
fait le motif du doute , n'eft que ! efl'et d'une con-
vention entre le vendeur & l'acquéreur, & toute
convention, entre particuliers , eft régulièrement
prcfcrlptible. La pre cnption ordinaire devroit
même fuffire ici Mais par une efpèce de p-ijjc-
droit , fone fur la conlidération de cette propriété
direéle retenue, on peut la proroger ju! qu'à cent
ans, terme de i'impreicripribiliré imparfaite ; & c'eft
ainfi qu'on le juge au fénat de Chambéry.
Les pays de BrcfTe, de Biigey, de Gex & de
Valromey qui ont été détachés de la Savoye, fous
Henri IV , ont conlervé fur ce point les maximes
que les arrêts de cc fénat y avoient introduites.
On prétendit, vers le milieu du dernier fiecle ,
que cet ulage étoit changé , & que la prefcription
centenaire n y étolt plus admife conue le cens em-
phitéotique. On oiirit même d'en faire preuve. Lé
parlement de Dijnn ne s'arrêta point à cette offre:
par arrêt du z mars 1676, il déchargea un fieur
Alabe d'un cens emphitéotique , « par le motif de
»» la prefcription centenaire (i) ».
Cet arrêt fut cafté au confeil , le 6 mars 1678 ,
& i( il fut ordonné de fuivre l'ancien ufage pour
i> la Lrefle, ûuvant lequel le cens emphitéotique
n étoit imprefcriptiblc (i) ».
La queftion fe repréfcnta au parlement de Dijon
en 1679; par arrêt ciu 24 juillet, la cour, en Sui-
vant lefprit de l'arrêt rendu au confeU l'anné pré-
ccdeurc , ordonna , avant faire droit, qu'il feroit
fait* preuve de l ufage delà Brefie, touchant la pref-
criptibilite ou imprefcriptibiiité du cens emphitéotique
non feigneurial.
On ignore fi cette preuve fut faite. Mais le 16
mai 1691, il intervint , au confeil même, un ar-
rêt pai lequel fa majefté reçut lesfyndics des pays
de Breile 6i de Bugey oppofans à i'atrét du con-
feil du 6 mai 1678 , & ordonna l'exécution de
(i) Taifand fur la coutume de Bourgu^jne . titre 11 , arti-
cle I , :)ote I. Raviot fur Penicr, (]ueltioii 338, nombre 12,
PRESCRIPTION. 383
l'arrêt du parlement de Dijon du 2 mars 1676.
Par-là les anciens ufages de Savoye ont été af-
fermis , & pour ainfi dire , confacrés dans la Brefle
& le Bugey.
On a fait plus. On a étendu cet ufage à tout
le duché de Bourgogne.
A la vérité, l'article 113 des faA/Vr/ dreffes en
1569 pour la réformation de la coutume de cette
province, portent que U cenfe (niphréotique ou fci-
gneuriale ne fe peut prcfcrire. Mais il y a toute ap-
parence qu'on a voulu dire emphiiéocique & fti-
gneuriiile : la disjon6)ive s'employe fouvent pour
la conjonflive. D'ailleurs le doute eft levé par M.
le préfident Bégat , l'un des principaux rédaâeurs
des cahiers : ce magiflrat ne rcconnoit de cei:s im-
prefcriptible, qu'autant qu'il ei\ annexé à la juftice
fur le territoire (i).
Auffi Bouvot, dans fon commentaire fur la cou-
tume , page 529 , après avoir obfervé que la cenfc
fàgneuriale ne peut fe prefcrire , finon du jour de la
contradiction , finit en ces termes : » Par arrêt donné
» au parlement de Dijon le 24 février i 582 , il {\it
» dit que la cenfe en emphycéofc ; eft prefcrite par
j> le laps de cent ans ».
Bernard Martin , avocat célèbre du parlement
de Dijon , mort en 1639 , s'explique à-p.ni-près de
même dans les mémoires nianufcrits qu'il a laifies
fur la jurifprudence de cette cour ; & il cite un ar-
rêt rendu de fon temps en faveur de la même opi-
nion (2).
Raviot fur Perier, queftion 338, nombre 21 ,
rapporte un arrêt du 21 mai '653 , par lequel ,
avant faire droit fur l'appel d'une fentence de la
chancellerie d'Autun, qui condamnoit provifoire-
ment un particulier au payement d'un cens emphi*
téotique en roture , le parlement de Dijon a or-
donné que l'intimé feroit preuve , « tant par titres
» que par témoins, que depuis cent ans jufqu'aiors ,
M la redevance avoir été payée ». . . .
Dans le vu de l'arrêt du confeil , rendu pour la
Breflé & le Bugey, le 16 Mai 1691 , on remarque
une « production nouvelle de deux arrêts du par-
» Icment de Dijon , des S août 1668 , & 15 mai
» 1675 , fervant à juftifier qu'il a fait diftinétion des
» cens qui font unis aux juftices , & de ceux qui
» n'y font pas unis, non-feulement dans le pays
» de Breffe , mais encore dans l'Autunois , &c. ».
(i)5i cen/ui dtletur in rtcegnitionem fuperiorhaùs , hoc
efl... , domino junsdii-Àion'u.... , non potefi u'iicapi. Voyez l'é-
dition de la coutume de Bourgogne de 17 17 , page 477.
(a) Voici Ces termes : ce Encore taiton irois ilivers degrés
a au palais, entre les ceiifes ;^ lavoir : celles dues en juliice
.» ô: feigueurie : celles dues à ii:;e d'einfliytéole , &: les !):.-.-
« pies cenfesdcs rentes foncicics : pour dire que les prem'è-
o res ne font nullement prefcriptibles , parce oiie debemur in
a fi^numjuperioritcitis fe* reverentia. Les autres font pref-
o criptiblcs , mais non par un moiudre temps de cent ans;
« parce que i(:i'£7itiirin recognhionem dominii dlreai, Ainli
■> juge au ijppirt de feu M. Milieres. Les autres prefcriptib'es
.j par trente ou quarante ans , edam guoadjus ipfum ctnjùi ,
n /(U rediîûifundiarii.
384
PRESCRIPTION.
En 1692, il parut une déclaration du roi, con-
cernant le franc-aleu. Les remontrances que les
états de Bourgogne firent à ce fujet , Se que Taifand
nous a confervées dans fon conimenraire , page
150 , confirment la maxime établie par les arrêts
dont on vient de rendre compte : a Si tous les hé-
î> ritages ( y eft-il dit ) , dévoient reconnoître une
»» dire.iie , ce droit feroit imprefcriptible , parce
»♦ qu'on ne peut jamais prefcrire contre le droit
»» cojnmun j>. Le rédufleur cite l'exemple de la
main-morte ; puis il continue ainfi : u On juge tout
»> différemment la queftion fur la Prefcription de la
« direéîe : on a décidé par les arrêts du parlement
fi de Dijon , que par la Prefcription de cent ans ,
») le cens s'éteignoit , & que les affignaux repre-
» noient , après un fi long filence , leur liberté na-
9» turelle ; ce qui Aippoie néceiTairement que le
î) franc-aleu efl reçu en Bourgogne ».
On trouve la même doctrine dans les inftitutes
coutumièresqui parurent en 1697, avec des noies
de M. l'avocat-général Durand (1).
Ce magiflrat , & les deux jurifconfultes nommés
avec lui en 1698 pour reviiér le commentaire de
Taifand, alTurent , à l'endroit cité plus haut, que
« les cens emphytéotiques , qui ne dépendent ni de
» fief ni de juftice , font jugés prefcriptibles , au
w duché de Bourgogne , par cent ans ».
Davot , qui eft mort en 1743 , après avoir été
long-temps chargé des plus grandes afiaires de
cette province , enfeigne ablolument la même
chofe dans (on traité des cens , articles 3 & 53 ,
tome 3 , pages a 6c 30.
L'auteur des notes fur Ravlot , cite encore pour
cette opinion , les manufcrits de Menelet. 11 fait
voir enfuite qu'elle a été pleinemant adoptée par
M. le préfident Bouhier ; & il finit en citant trois
arrêts du parlem nt de Dijon , des 16 avril 171 ^ ,
13 mai 1746, & 22 avril 1750, par lefquels il a
encore été jugé en faveur de la prefcriptibilité du
cens purement emphytéotique. Il remarque fur le
dernier de ces arrêts, que certains critiques l'a-
voient prétendu étranger à la queftion , fous pré-
texte qu'il ne s'y agiffoit que d'une rente foncurc ;
mais , dit-il , « j'ai vérifié fur les regiftres qu'il s'agif-
»j foit effé^llvement d'un cens portant lods ; je m'en
5) fuis aufTi convaincu par les écritures de l'avocat
M de l'une des parties »•
Cet arrêt d'ailleurs eft encore rapporté par Da-
vot. tome 3 , page 530.
Tel eft donc , en dernière analyfe , l'état de no-
tre jurifprudence fur la Prefcription de la mou-
vance , de la foi-hommage , de la direéle & du cens.
Cette Prefcription n'eft admife de b part des pre-
miers vaflaux ou preneurs & de leurs héritiers , que
dans deux parlemens , celui de Grenoble & celui
de Dijon ; mais à Grenoble , on prefcrii la mou-
vance féodale & la dire£le feigneuriaje comme la
d'ireiE^e emphytéotique & le cens qui la caraftérife ;
(Dl'jge }5i , cjinon de »7iî'
PRESCRIPTION.
au lieu qu'à Dijon , la Prefcription de cent atîs
n'a de prile que fur ces deux derniers objefs
II. * A l'égard des tiers qui ne font pas les héritiers
du premier preneur , qui ne le repréfentent pas à
titre univerfel , qui ont acquis franchement , li-
brement , & pour poiTéder en aleu , differeriS au-
teurs penfent qu'ils peuvent prefcrire la libération
du cens par le laps de trente ans. Cela doit être ,
dit-on y puifque leur poffeflion n'a rien de com-
mun avec celle de leur vendeur; que le contrat
d'acquifnion fait leur titre ; que ce titre leur dit que
rhêritage qu'ils acquièrent eft allodial; & que la
coutume territoriale confirme cette afiértion *.
Dunod , partie 3 , chapitre 10, la met dans un
nouveau jour.
Elle eft fondée , dit-il , fur la loi dernière , de
fundis patrimonialibus , 8c fur la loi dernière , de
fundis rei privata , au code , « qui décident qu'en-
I) core que les fonds du prince ne doivent pas être
» tenus exeinpts du cens , fi néanmoins ils fontac-
» quis avec cette exemption , l'acquéreur en fera
»» quitte après quarante ans.
}) Les raifons qui empêchent le cenfjtaire de pref-
» crire lui-même, ccffent dans le cas du tiers-
» acquéreur. La caufe de la pofTeffion eft changée
» par fon titre , & celle du Seigneur eft intervertie
j> par la nouvelle acquifition , re alisri venditâ , &>
n traditâ, inleivertitnr pojfejjîo. Le plein domaine
» eft vendu , le tiers-acquéreur a intention de le
» pofleder , & il le pofsède en effet , puifqu'il ne le
» reconnoit pas dans un autre; il peut par confé-
j> quent le prefcrire. Celui qui vend le bien d'au-
» trui , met l'acheteur en état de l'acquérir par la
» Prefcription. Le cenfitairc peut donner à plus
i> forte raifon cet avantage , puifque plufieurs au-
» teurs prétendent que la poffeffion du maître lui
>» étant confiée , comme au fermier, au fils de fa-
» mille & à l'efclave , il peut en difpofer. Enfin ,
■)■> le feigneur doit s'imputer de n'avoir pas agi dans
M le cas d'un changement de main , qu'il n'a pas
M probablement ignpré , & qui donnoii ouveriurç
» aux droits de lods & de retenue en fa faveur : fa
» négligence eft aufli puniffable que caile de tout
n autre propriétaire ».
Voilà ce qu'tnfcignent Dunod 8c quelques au-
tres auteurs, Voyons ce que décident les coutu-
mes , & à leur défaut , les arrêts.
La coutume de Berry , titre \t , article 14, 'ré-
pute le tiers-acquéreur habile à prefcrire ; elle
n'exige pas pour cet effet, qu'il commence par con-
tredire le droit & en refufer le payement ; mais
elle veut , ou que le feigneur foit averti du chan-
gement de main , ou que le vendeur , fon premier
cenfitalrc , ait ceffè de lui payer les arrérages cou-
rans. Du refte , il eft indifférent que le feigneur ait
fu ou ignoré que le tiers-acquéreur n'étoit point
chargé du cens par fon contrat d'acquifition (i).
(1) Vo'ic'x hs ttrmes it la coutume : '■ Le nouvel acquéreur
d'aucun Jittitagc charge de cent ou tçmc fopcicre , rc pref-
Lc
PRESCRIPTION.
Le parlement de Provence n'exige pas les mêmes
conditions , & il juge , du moins à l'égard des fei-
gneiirs qui n'onr que des direâes particulières , que
le cens eft prefcriptible par trente ans , de la part du
tiers-acquéreur auquel l'héritage a été tranfporcé
comme libre & allodial. Boniface , tome 4 , livre 9 ,
titre I , chapitre 5 , nombre 4 , cite trois arrêts de
1624 , 1649 ^ ^^5 ' ' ^"^ ^'°'" ^'"''' décidé.
Mais lancieniic jurifprudence de cette cour étoit
ditïerente. Quand un tiers , dit Duperrier , tome i ,
livrez, quertion 7 , acquéroit comme franc, un
fonds fujet à une directe ik à une cenfive, l'interver-
fion ne pouvoit être faite par l'empliytéote en
l'abfence du feigneur.
Le même auteur , en parlant de la nouvelle jurif-
prudence , paroît pencher pour l'ancienne , comme
plus équitable , &. fondée fur les vrai> principes.
« Le Parle/nent de ce piys , dit- il , par fcs derniers
»' Arrêts, femble avoir autorifé cette erreur, con-
w tre la doélrine des arrêts anciens, qui avoient
»> toujours rejeté l'interverfion faite par l'emphy-
« téote en l'abfence du feigneur direél , qui n'en
» avoit point eu connoiiïance , & même par arrêt
»> donné au rapport de M. de Guérin , 6c par un
». autre rendu à l'audience oii j'étois préfent ". . . .
A l'égard des feigneurs qui ont une dired^e uni-
verfelle , le parlement de Provence exige , pour
former une interverfion véritable en faveur du
tiers-acquéreur du fonds cenfucl ou emphytéoti-
que , qu'ils aient eu connoiffance de la ftipulation
de franchife inférée dans le contrat de celui-ci. C'eft
ce que nous apprend un aâe de notoriété, donné
au parquet d'Aix le 17 juillet 1698, Il eft conçu en
ces termes: « Attcftons que, félon l'ufage , les
» afles paffés par un vaflal en l'abfence du feigneur
» fondé en toute juftice haute, moyenne & balîe ,
« & toute dire<^e univerfelle, ne donnent cours à
3» aucune interverfion ni Prefcription des droits
j) feigneuriaux, de juflicc ou direfte univerfelle , fi
» le valfal ou l'emphytéote ne prouve que le fei-
}) gneur a eu connoiffance des ades, & que depuis
»i la notice , il ne fe fait paffè un tems capable pour
» acquérir la Prefcription contre le feigneur defdits
Y) droits directs & autres droits feigneuriaux ».
,Au f'.irplus , le parlement de Provence n'admet
point d'interverfion fans déclaration exprefTe de
franchife : lorfqu'il n'y a dans le contrat du tiers-
jcquére-jr, qu'une réticence fur l'affuictiffement à
la mouvance, l'interverfion n'a pas li^u. C'eft l'ef-
pèce & la décifion d'un Arrêt du 30 Juin 1675 5 '"^P"
cric iedit cens ou rente à ]'encontte du feigneur auquel il elt
dû, tant qu'iceiui feignenr efl payé de fon cens ou rente p^r
l'incien ("e'gnf^uc utile de l'hcriuge qiii a icelui aliéné : mais
feulement commencera la Prefcription du {oiir que lancien
feigneur unie -iudit h-iitage chargé de rente ou cens, <]ui a
jcclui aliéné , a ira ceffé de faire & continuer le payement
dcfdjts cens ou ren'c : lî ce n'ell qu'au précédent , 1? feigneur
cenlîer eût éré lue.iient averti de ladite aliénations: poCTef-
fioB de l'acquéietir ■. auquel cas commencera la Prefcription
de liberté , à cou'-ir du temps de la fciencc du fç igneur »,
Tomt XIII,
PRESCRIPTION. 385
porté par Boniùce , tome 4 , livre 9 , titre 1 , cha-
pitre I.
Par la même raifon , la claufe/M/zc , /? franc , fer-
vite , fijervite , OU autres fcmblables , qui laiffent
l'acquéreur dans l'incertitude de la franchife, eft
incapable d'opérer l'interverfion. C'eii ce qu'a jugé
un arrct du 19 novembre 1644, cité par Pafiour
dans fon trr.ité de feudis,\\\rc 2 , titre 17, nombre 2.
Le parlement de Dijon diftingue tout différem-
ment ; & l'or; a vu plus haut les principaux fonde-
mens de la diftinilion qu'il fait.
Suivant les maximes de cette cour, ou le csr.s
eft fimplement emphytéotique , ou il eft fpécial
avec juftice , ou il eft fpécial fans juftice.
Lorfqu'il eft fimplement emphytéotique , il n'y a
nul doute qu'il ne foit prefcriptible de la part d'un
tiers-acquéreur , puifquc le premier preneur li.i-
luéme , & fes héritiers , peuvent le prefcriie par le
laps de cent ans.
La feule difficulté qu'il puiffe y avoir à cet égard,
eft furl'efpace de temps que doit embraffer la pof-
feffion du tiers-acquéreur pour opérer fa lihéra--
tion. L'ancienne jurifprudence n'exieeou que trente
ans. Chevanncs , page 40''; ùe fon comincn(?.ire ,
rapporte deux arrêts des 8 janvier 161 5 , & 1 1 mars
1627 » P3f lefquels il fut jugé que la cenfe fans juf-
:ice ^quoiqu emphytéotique , & portant lods , fe prcf-
crit par le tiers-acquéreur par trente ans. Mais depuis ,
on a jugé conftamment qu'il falloit une polTtfTioii
centenaire : en cela , dit l'auteur des notes fur Ra-
viot (i) , « On crut devoir ufer de quelque lempé-
j> rament, ou fi l'on veut , de quelque indulgence ,
n en faveur de la propriété direiïle que retenoit le
» vendeur, quoiqu'elle tijt purement privée, &
» que ce fût feulement le prix d'une vente entre
it particuliers ».
Lorfque le cens eft à-la-fois fpécial , & que le
feigneur à qui il appartient a la juftice fur le fonds ,
le parlement de Bourgogne n'admet aucune Pref-
cription en faveur du tiers acquéreur.
Mais s'il eft fpécial fans juftice, on dlflingue les
pays de Breffe 8c Bugey , d'avec le du(.hé de Bour-
gogne. Ecoutons là-deffus les trois cenfeurs du com-
mentaire de Taifand, à l'endroit déjà cité : u Le
5) parlement de Dijon a jugé, a l'égard de la Breîîe,
» que les cens emphytéotiques qui dépendent d'un
» fief fans juftice , font prelcriptibles par cent ans,
)> par un tiers-acquéreur. Mais il eft important de
» remarquer qu'en Bourgogne , un cens dépendant
)> d'un fief fans juftice, eft jugé feigneurial & i:n-
■>■) prefcriptible , même par un tiers-acqu-éreur. Il
)? n'y a que les cens emphytéotiques qui ne dépen-
7) dent ni de fief ni de juftice , qu'on juge prefcrip-
» tibles au duché de Bourgogne , par cent ans , par
» un tiers acquéreur >».
L'affertion de ces jurifconfultes , par rapport à la
Breffe , mérite que nous nous y arrêtions un inftant.
Ils l'rppuyent fur la jilrifprudence du parlement de
^0 Tomt 1 jàla hn,page 15» , ii°. 13.
Ccc
386
PRESCRIPTION.
Dijor ; & en efter , nous trouvons dans le com-
mentaire de Taiiand , titre ii , article i , note i ,
nn rrr^-t du ï'\ mars 1672 , qui le décide ainfi for-
mellemcPit (i ).
Ilcftvrai que cet arrêt a été enfle au confeil le
25 iuiilct 1676; mais le 16 mai i6qi , furlesrepié-
fcntaiions des fyndics des pays de Brefle & de Cu-
gey , le confeil a rétra(5lé le jugement de caiïation ,
& a ordonné que l'arrêt du parlement de Dijon fe-
roit exécuté fclon fa forme & teneur.
Au parlement de Franche-Comté , on fait moins
de dirtindtions : on y juge en général, que le tiers-
acquéreur auquel le cens n'a pas été dénoncé , &
qui n'en a pas eu connoiflance , en prefcrit l'exemp-
tion par la poiTeiTion paifible de quarante ans.
Plufieurs particuliers avoient acheté des héritages
chargés d'un cens indirect, portant lods, amende
& droit de retenue ; mais on ne leur avoit pas dé-
noncé cette charge. Quelques-uns d'entr'eux l'a-
voient reconnue & payée , tantôt en totalité , tan-
tôt en partie. Les autres n'avoient ni reconnu ni
payé , & on avoit laifle pafTer quarante ans fans les
inquiétef ; anrès ce tems , ceux-ci affignés pour
payer Se reconnoître , propoferent la Prefcription
du droit, & par arrêt du 27 o61obre 1607, ils ga-
gnèrent leur caufe (2).
Il eft vrai que le cens n'étoit pas feigneurial &
tenu en fief; mais cette circonflanceeft indifférente
pour la Prefcription , parce qu'on ne fait à cet
égard aucune diflinélion entre le cens feigneurial
Si. le cens empliytèotique. Cinfin nofler, dit encore
M. Grivel , nihil fcrèJiftjt nb emphyteufi ; quo fit
ut chm nidli contra^ui ntii^is accédât, omnes fcrc quef-
tiones qux in nofïro cenfu cadere poffunt , d-termi-
nantur per Uges juris empJiyteutici. On juge en effet
dans le comté de Bourgogne , que le tiers-acqué-
reur de bonne foi, prefcrit indiftinflement , par
quarante années , l'exemption du cens emphytéo-
tique & du cens feigneurial. Ceft ce qu"ont at-
tefté l'ordre des avocars 8c enfuite le parquet de
Befançon , par deux a61es de notoriété des 6 fé-
vrier & 24 mars 1714.
Il a été aufli jugé par arrêt de la même cour du
2,1 mars 1720 , que le tiers-acquereur d'un fief
qualifié d'allodialité, peut en prefcrire la féoda-
lité , & le convertir en véritable aleu , fans dé-
négation , fans contradl6tion , Si fans autre inter-
verfion de titre que fon contrat.
Mais ni cette jurifprudence , ni celle du parle-
(i) \ oici .e J.'.poiiiit dr CCI ariit: « La cour a mis &; met
» l'appel a 'on & ce dont eil appel au néant , & par nouveau
« juE,ement, fan- s'arrèier à U preuve ijpportêe par l'intima-
M de l'ufance pa lui all.guce qu'en lîrcfl'e les cens'emphytco-
X, t'u^uei ùf dépefidans des JJefs fuis juflice ne font fujets à la
M T rcTcrip ion de cent ans , même par les Murs acquértihrs, a
»» dtclar.- & déclare les hhicages pofledts par les jppelans ,
M dont eux ni leurs auteurs n'ont lien payé depuis cent ans
M d char.,, s d s iVivis prétendus par l'intimé ».
(2) I u^icavii fimuis ( dit M. Grivel , dcnfton J4J ) , non
tanim l\'.:f atwivm ab .m; uo iiio cenlu effe prarfcriptam ,
leà &: )tt:i iifum ditedi dominii.
PRESCRIPTION.
mentd'Aix , ne font fuivies dans les autres pays de
droit écrit.
M. de Salvaing , chapitre 14 , dit que « l'ufage
)î du Daiiphiné ne met point de diftinftion pour
» ce regard , entre l'héritier du reccimoifiant &
» le tiers-poffeffeur lu Ce n'eft pas que le tiers-
pofTefleur , dans cette province , ne puiffe jamais
prefcrire ; mais il ne le fait que de la manière
dont pourioit le fùre le cenfitaire primitif & {^s
héritiers, c'efi-à-dire, comme on l'a vu plus haut,
par le laps de cent ans.
Au parlement de Touloufe , l'exemption delà
directe 6.: du cens, ne peut être prefcrite en au-
cun temps parle tiers-polTefleur, quoiqu'il ait ac-
quis l'héritage comme franc , & qu'il en ait joui fous
cette qualité.
M. de Catellan , livre 3, chapitre 29, nous re-
trace un arrêt du 19 juillet 1655, confirmé par un
autre rendu à (on rapport, le 20 décembre 1675 »
qui a jugé que « le vafial ou emphytéote ne peut
') jamais prefcrire la mouvance contre fon fei-
" gneur , quoique le vaffal ou emphytéote , ou
» l'es auteurs , aient acheté la terre franche &
>» quitte de toute redevance , & l'aient enfuite
» pofledée en cette qualité pendant plus de deux
» fiêcles )>.
L'auteur ajoute qu'il a été rendu un pareil ar-
rêt à lagrand'chambrc, le 10 février 1694, en voici
l'efpèce : une métairie fituée en Guyenne, dans U
directe de Sainte- Lieurade , avoit été comprife
fous la qualité il'allodiale , dans un partage fait
entre deux fœurs en 1582. Celle i\ts co-parta-
geantes à qui elle étoit échue , l'avoit aliénée avec
la même qualité , & le tiers-acquéreur l'avoit « pof-
» fedée comme telle pendant plus d'un fiècle ,
» fans aucune demande de la part du feigneur ».
Nonobftant ces circonftances , le poifefleur fut con-
damné à reconnoître le feigneur direfl , 6c à lui
payer les droits de cenfive.
Que faut- il donc faire, fuivant la jurifpru-
dence du parlement de Touloufe , pour pouvoir
prefcrire centre la mouvance & la dire^e d'un
feigneur ? Il faut la nier expreflement , contra-
di(5ïoirement & en juftice. Les arrêts des 19 juillet
1655 , Se 20 décembre 1675 , dit M. de Catellan ,
ont encore jugé « que la dénégation de la mou-
» vance néceffaire pour l'interverfion de pofief-
)) fion & pour la Prefcription de la liberté , doit
5) être exprefle , & faite en jugement ou dans le
» procès intenté u. Dans le fait, ce qu'on pré-
tendoit faire paffer pour un afle d'iaterverfion ,
étoit une réponfe donnée en r4'?9 , à la demande
du feigneur en preftation de fcs droits , Se par
laquelle le vaffal avoit déclaré qu'il iroit trouver
fon feigneur , qu'il conféreroit avec lui , S; qu'il
fe foumettroit à tout ce qui feroit conflaté par des
titres légitimes.
Il y a encore un arrêt de 1679 , continue M. de
Catellr.n , u qui a ji gé conformément à cette
V décifion , que la dénégation faite en juilice , de-
PRESCRIPTION.
w voît être précife & formelle ». Un emphytéote
avoit été arfîgné pour reconnoître la diredle de
fon feigneur. Il avoit répondu qu'il ne s'y refu-
foit pas , mais qu'il falloit pour'cela que le fei-
gneur lui exhibât fes titres ; & il avoit proteAé de
tous dépens , dommages & intérêts ». Trente ans
» s'étoient écoulés depuis cet afle & cette ré-
5> panfe ; il fut néanmoins jugé qu'il n'y avoit
j) point d'interverfion de poiTeffion ».
DiSTIMCTION V. Des coutumes qui portent que. le
cens fe prcf:rit parle laps de trente ans. Examen
de cette dijpofition. — DïfcuJJion particulicre fur
les rentes feigteuriales dues Jur des m.iin-ftrincs ,
régis par La coutume du chef-lieu de f^alencicnnes.
* On vienc de voir que la nature du bail à cens
s'oppofe à ce que le tenancier prcfcrive la libé-
ration du cens , même dans les coutumes allo-
diales. Cependant il y a des coutumes qui difent
que le c- ns le prefcrit par trente ans; nous nous
propofons d'exammer l'étendue de cette difpofi-
tion : doit-on l'appliquer au droit du cens en lui-
même , ou feulement aux arrérages échus } *
D'autres coutumes ne parlent pas nommément
de cens , mais de rentes feigneuriales. Doit-on ref-
treindre leurs difpofitions aux rentes qui ne repré-
fentent pas le cens, & ne conflituent pas le fjgne
récognitif de la feigneurie .''
* Les coutumes dans léfquelles ces queftions fe
préfentent , font Auvergne , Bourbonnois , la
Marche , Anjou , Maine , Tourraine , Loudunois ,
Nivernois , Artois , Canibreûs , Lille , Hainaut ,
Valenciennes , Metz, évcché de Metz, Marfal &
Gorz?. Voici les termes des huit premières.
CourboKiîois, Cens portant direôle feif;neurie , font
prejcriptibles par Cefpace de trente années , excepté
par celtii qui a reconnu. Art. ii\ arrérages de cens
Çf autres devoirs, portant direâe feigneur ie , fe pref-
crivent par dix ans.
Auvergne. Droits & allions , tens & autres droits
fe prefcrivent , s'acquièrent & fe perdent par le laps &
l'efpace de trente années. Tu. 17 , art. 2 ; les arrérages
du cens ni fe peuvent demander que des trois dernières
années.
Anjou. Le fujet ne peut prefcrire ni acquérir l'héri-
tage , rentes , devoirs & autres droits de fon feigneur .,
ni exemption contre lui de fes droits ou devoirs dus
fur l'héritage & chijes immeubles , tenus de lui par te-
nement moindre de trente ans. A't. 440.
Maint. Art. 45 1 , conçu dans les mêmes termes.
Touraine. Cens 6* rentes fe pref.rivent par trente
ans. Art. 209.
Loudunois. Cens & rentes foncières ne feront pref-
criptibles par moindre temps que de trente ans. Cha-
pitre 20 , art. 3.
La Marche. Cens , rentes & devoirs quelconques ,
prefcripiibles, fe prefcrivent fans titre par trente ans
continus 6* accomplis. Art. 89.
Nivernois. Cens, lods ù ventes , &• autres droits ap-
partenarti au feigneur Ctnfur , forit prefcripiibles par
PRESCRIPTION.
387
Prefcrîptîon coutumière , qui efl de 30 ans.
Telles font les coutumes qui ont des difpofitions
fur la prefcriptibihté du cens; toutes , comme on
voit, ont une régie communs , cens fe prefcrit par
trente ans. Mais il en eft deux qui vont plus loin ,
& qui ajoutent : les arrérages du cens fe pref-
crivent par dix ans , Bourbonnais ; par trois ans ,
Auvergne.
Les deux efpèces de Prefcriptions que ces coii-
nimes établirent , la précifion avec laquelle elles
dillinguent le cens, ik les arrérages du cens , ne
permettent pas d'élever le moindre doute fur leur
véritable efprit : puifqu'elles difent que le» arré-
rages du cens fe prefcrivent par dix ans & par
irois ans, les articles qui portent que le cens efl
prefcriptible par trente années , doivent néceffai-
remcnt s'appliquer au fond même du droit. II efl
impoflible de les entendre différemment ; cela eft
contre les principes : n'importe; la loi eu écrite,
elle eft claire, elle efl impérieufe, 6c l'on doit y
déférer. *
En efl-il de même de la coutume de la Marche.'
Guyot prétend que non. « Je tiens, dit-il , que le
n terme cens ne doit pas s'entendre du cens em-
» portant dire^le feigneurie , par deux raifons ;
» i". le cens emportant dired^e feigneurie , efl de
» fa nature & de droit commun imprefcriptible
)? en pays de coutume , même en pays de droit
» écrit. 2". L'article 95 dit que le droit defiefen:
» imprefcriptible : or , le cens emportant directe
» feigneurie , efl un droit de fief; combien de fiefs
» qui ne confjilent qu'en cenflves » !
Ces raifqns font bien foibles. D'abord, fi la cou-
tume de la Marche déclare le cens prefcriptible,
que peut le droit commun contre fa difpofition ?
En fécond lieu , l'article 95 dit feulement que le
droit de fil' f, c'efl à-dire, la féodalité, la foi hom-
mage, ne fe peut prefriie contre le feigneur par h
vaffdl : ainfi la f'eule conféquence qui en réfulte,'
eft que le feigneur auquel appartient le dreit de
cens, & dans les mains de qui ce droit forme un
fîef , ne peut pas en prefcrire la tenure contre {on.
fuzerain ; & afTurément cela ne conclut rien du
cenfitaire an feigneur cenfjcr.
Du refle , il efl impolTible de limiter aux arré-
rages du cens, la difpofition de l'article 91 de la
coutume de la Marche. En voici les termes : « tous
» droits , aâlons & autres cîiofes corporelles ou
» incorporelles, cens, rentes & devoirs quelconques
)> pretcriptibles , fe prcfcriveiu , acquièrent et
V PERDENT , etiam fans titre , par l'el'pace de trente
» ans .... contre les lais , & quarante ans contre
» l'églife ". Ces mots, acquièrent 6» perdent, ne
font pas équivoques : le premier ne peut certai-
nement s'entendre que du fond du droit. Il en efl
donc de même du fécond.
La réflexion que fait la cnutume h la fin du
même article , fenible ajouter à l'évidence de cette
interprétation : u Si. tient lieu ladite Prefcnptioa
H de i-itre ^ droit confiuué , 6* a vigueur de temps
C c c ij
3
88
PRESCRIPTION.
>i immémorial. » Si un feigneur faifolt à fon cen-
fitrire la remife du droit de cens auquel celui-ci
ell tenu à fon égard , très-sûrement le cenTuaire
en feroit valablement décharge. Eli bien l la cou-
tume nous dit que cette remife eft préfumée par le
laps de trente ans : la pcfreffion qui a duré pen-
dant ce temps, eft , à fes yeux, un tiire^un droit
conflitué. Elle doit donc opérer en faveur du cen-
fitaire , le même effet qu'une décharge exprefle &
formelle de la part du feigneur.
Mais ne précipitons pas notre jugement , & pre-
nions garde que Guyot , avec fes mauvaifes raifons ,
ij'ait rencontré le véritable efprit de la coutume.
D'abord , quels font les droits , les cens , les de-
voirs que l'article 91 foumet à la prefcription de
trente ans ? Ce ne font pas tous les droits , tous les
cens , tous les devoirs , mais feulement les droite , les
cens , les dvoirs c\u\ , par leur nature, font PRES-
CRIPTIBLES. Or, comment faurons nous fi le cens
emportant direâe feigneurialc , eft dans la clafte des
cens qui peuvent être prefcrits?La coutume n'en
dit rien : elle s'en réfère donc au droit commun ;
c'eli donc comme fi elle le dcclaroit imprefcripti-
h\^; file le tire donc, par une exception tacite,
de la fplièie de prefcriptibilité qu'elle établit.
Ce n'eft pas tout. L'article 92 nous annonce que
« celui qui tient héritage en condition de fervitudo
5) ou de main-morte, peut bien prefcrire contre le
}> feigneur de qui il tient , les devoirs de rente or-
>> dinaire , mais non pas les corvées. ..& autres
}> droits de fervitude , finon depuis le tems de con-
3) tradiélion )».
Remarquons ces termes. Le tenancier main-mor-
table prefci it bien contre fon feigneur les redevan-
ces & preftations qui font étiang.-res à la nature du
bien qu'il polsède ; mais pour celles qui appartien-
nent à la nature de ce bien, & qui forment des
droits de fcrvitudc ^ point de prefcription , s'il n'y a
refus , contradidlion , interverfion de titre.
Partons de In. Le cens eft à l'hcrirage cenfuel , ce
qu'eft le droit de fervitude a l'héritage main-morts-
ble. Or, le tenancier d'un fonds main-mortable,
ne peut, par la feule ceftation de payement, ac-
quérir la libération du droit de fervitude. Donc , le
cenfuaire ne peut pas non plus , en ceffant de payer ,
prefcrire l'extindion du cens dont fon héritage eft
chargé.
Ajoutons encore que la coutume de la Marche
eft , fuivant l'expreftïon de le Brun, une de celles
qui frayent le p'iis avec le droit romain. Or, la loi
cnm notijjirni , §. 6 , au code de Prxfcriptione triginta
vel quadraginta annorum , rapportée ci -après » §. 2 ,
décide très-clairement que le cens récognitif du do-
maine direâ , ne fe prefcrit ni par quarante ans ,
ni par quelque terme que ce foit.
On obju^era peut-être que la coutume d'Auver-
gne fe fert , dans l'article 2 du chapitre 17 , des mê-
mes termes que ceux qui font employés par l'article
91 de la coutume de la Marche, & que cependant,
tout le monde convient que dans la première , ces
PRESCRIPTION.
tern'.e". emportent la prefcriptibilité du cens fei-
gneurial.
Mais quelle différence entre le génie de la cou-
tume d'Auvergne & celui de la coutume de la
M irche , par rapport à la Prefcription des droits
n
tigneunaux
>
La coutume de la Marche , comme on vient de^le
voir , déclare imprefcriptibles les droits de corvée ^
6c tous autres devoirs récognitifs de la fervitude ou
main-morte. Celle d'Auvergne , au contraire, veut
chapitre 17 , articles 15 & 16, qu'on puifTe pref-
crire par trente ans , le « droit de taille , charrois,
» corvées & manoeuvres certains dûs fur hérita-
» ges i> ; & elle n'en excepte que le cas oîi ce
droit eft exigible à volonté, parce qu'alors il eft
purement facultatif. De cette feule différence , il
réfulte que ce n'eft pas le même efprit qui a pré-
fidé à la rédaOion des deux coutumes ; tk dès lors , il
feroit inconfequent d'argumenter dans l'une de U
manière dont l'autre eft mterprétéc.
* A regard des coutumes d'Anjou , du Maine ,
de Lodunois & de Nivernois . la queftion ne fouf-
fre nulle difbculté. On y tient que les feuls arré-
rages du cens font fujets à la Prefcription.
Cependant elles difent de la manière la plus ab-
folue , cens e(l prefcrivtibie par trente ans ; mais elles
ne diftinguent pas le droit de cens, des arrérages ;
5c comme le mot cens eft une expreftïon générique ,
qui peut égalernent s'adapter à cclui-là & à ceux-ci ,
dans le doute, on interroge les principes ; leur ré-
ponfe fait la loi; en confequence , on concentre
lur les arrérages la Prescription établie par la cou-
tume. Cela eft aulTi jufte que raifonnnble ; juflc ,
en ce que déclarer prefcriptib!e un droit que le
titre de fon établiffement frappe de l'imprefcripti-
bilité , c'eft violer la loi des propriétés; raiforna-
bie , en ce qu'on ne doit jamais fuppofer que les
rédaéleurs d'une courume aient eu l'intention de
s'écarter des faines maximes.
Nous difons que dans ces coutumes , malgré le
texte qui porte , cens eft prtfciiptible , les arrérages
jouiffent feuls du privilège de la Prefcription : en
vuci la preuve.
Après avoir rapporté l'article de la coutume de
Tours , tranfcrit plus haut, Pallu, commentateur
le cette coutume, continue en ces termes:" Le
■> préfent article ne s'entend du chef-cens. .. mar-
j )) que ou fymbole de la feigneurie qui eft impref-
[ ;) criptible , quoique le terme de cens y foit com-
j •■> pr;s , qui ne doit s'appliquer par notre article
)) qu'au cens ioncier , ou rentes foncières ». *
C'eft auffi le fentiment de Brèche, titre 1 , arti-
cle 3 , & titre 18 , article 1.
iM. Cottereau atteftela même chofe dans fon droit
général de le France , 6» particniter des coutumes de
Toiiraine 6" de Lodunois , ouvrage auflî eftimé que
digne de l'être , & qui , n'?yanr paru qu'en 1778 ,
nous offre sûrement l'état a£luel de la jurifprudencc
obfervée dans ces deux provinces. Voici comment
il s'explique , nombre 7133 : «« Le cens dont font
PRESCRIPTION.
» mention hs articles 209 de Tours , & 103 de
n Loudun , n'ell que le :;ns forici.r, le Air cens...
j) la rente foncière... il n'y a que la quotité du
» cens qui (oit prefcriptible >n
Nous devons cependant convenir que plufieurs
o:n interpiété différemment ces deux coutumes.
Dupineau , dans Tes oblervations fur la coutume
d Anjou, ariieli 440 , de Salvaing , chapitre 13 ,
Auroux , fur la coutume de Bourbonnois , page
47, FreminviUe , pratiq.ie des terriers , tome 1 ,
p:îge 562 , les rangent au nombre de celles qui dé-
clarent le cens prefcriptible par trente ans. Mais ,
comme l'obferve M. Cottereau , en citant Boullai ,
auteur d'un commeuraire manufcrit fur la première
de ces lois municipales , « l'utage eu contraire , &
j» l'on fuit la même chofe à Loudun >».
D'ailleurs, ni Dupineau , ni M. de Saivsing , ni
Auroux , ni FreminviUe ne vivoient fous l'empire
de ces deux coutumes ; ils ne pouvoient donc guè-
res en faifir l'efprit , encore moins favoir de
quelle manière l'ufage les avoir interprétées ; &
n'ayant probablement jeté fur leurs dipofitions
qu'un coup dœi! rapide, eft-il étonnant qu'ils aient
été fédaits par le Icus littéral qu'elles préfcntent du
premier abord ?
Ajoutons, & cette obfervation pour être fingu-
lière j n'en e(l peut-être pas moins vraie , que de
ces quatre auteurs , peut-être n'y en a-t-11 qu'un
feul qui ait lu ces difpofitions : car on fait iufqu'où
va malheureufement la facilité de certains jurifcon-
fultes à copier fur pa;ole tout ce qu'un autre a
cité avant eux de lois , de coutumes , d'arrcts , d'au-
torités quelconques. C'efl un défaut dont les plus
célèbres & les plus judicieux ne font pas exempts.
Ré^ie générale , ne citez rien fans a\'oir vérifié.
Peut être nous dira-t-on que du moins Sainfon
n'éroit pas étr:inger à la Touraine , & que cet auteur
embr.iiTe l'opinion de ceux qui y regardent le cens
comme prefcriptible. Le fait eft vrai; mais la ré-
ponfe efi fimp'e : écoutons encore M. Cottereau.
« Il faut avouer que c'efl une grande négligence
î> de la part des réformateurs de la coutume de
j> Tours , de n'avoir pas en 1559, levé le doute
» auquel d* nnoit lieu l'article 209 , après avoir vu
)» Sainfon & Brèche partagés fur fon interpréta-
» tion , l'un jugeant le cens prefcriptible, & l'autre
V le confidérant comme imprefcriptible. — Brèche
w avoue que jjlufieurs tcnoicnt pour le fentiment
j> qu'embra(Te Sainfon : il devoir prévaloir , étant
V fondé fur les termes même de la coutume; Sain-
« fon qui avoit alFifté à la rtformarion faite en
1) 1507, étoit cenfé en connoitre l'efprit. — Un
j> changement dans l'article 209 , 1ers de la réfor
» mation faire en 1559 , étoit bien néceflaire :
»> Brèche lui-même , qui y étoit préfcnt , auroit dîi
» le provoquer. Dès qu'on a laine l'article tel qu'il
}? étoit, il fembleque, rejetant l'interprétation de
n Brèche , on a voulu que l'article n'eût pas d'autre
» fens que celui qu'il préfente. — ( Mais ) l'u-
y fage , qui du temps de Brèche , n'étoit pas conf-
PRESCRÎPTION.
389
y> tant , puifqu'd n'entraînoit pas tous les fuffrages »
» a acquis djpuis un tel d^gré de certitude , que
)> perfonne ne fait difficulté de le fuivre , contre
i> Icis termes de la coutume ». . . .
* Pocquet de Livonierc rend îe même témoi-
gnage à l'égard des coutumes d'Anjou ik du Maine :
il e;i a;.>puie même rinterprération fur l'autorité de
la chofe jugée (i) *.
Et 11 ne faut pas croire que la jurifprudence foit
cl.angée fur ce point dans l'une ou dans l'autre
c lUtume. M. Olivier de Saint-Vaafl qui les a com-
TA ntées toutes deux en «779 , n'auroit pas m.anqué
ci - nous avertir d'une révolution aufïi remarqua-
! ij ; & loin de la lailTer même foupçonner, il éta-
li r le contraire de la^manière la plus précife (2).
* On retrouve la même décifion dans le com-
n ..araire de Coquille fur l'article 22 du titre des
Cens de la coutume de Nivernois (3).
(l) * Voici l'es termes : « Parce que I.i mouvance eft irapref-
ciiptible entre le ieigneur Ô: le fujec, on a jugé , dit cet au-
teur , que le cens , qui cft la marque de la dcpendaace du
fujec , devoit être de même nature, &: pateilleme.it im-
prefcriptible. Brodeau , fur l'article 45 1 de la coutum? du
Maine , en rapporte un arrêt du mois de mai i jSj , après
enquêtes par turbes en la ville du Mans -, Se la m;me chofe
fe trouve jugte en la coutume d'Anjou , par un arrêt du
Il Dfiars 1667 J rapporte au journal des audiences , tome
J , liv. I, chap. 10; en forte qu'on y tient aujourd'hui
pour indubitable , que le cens eit inrn-efcriptible, fuivanc
le fentiment de M. du Pinau en fes obfervaiions fur ledit
article 440 de la coucume d'Anjou ». *
(i) Voici coiiDneni il s'expli jue fur l'article 4f i de I.i cou-
rue du Maine :
« Pour expliquer cet article, il faut faire une diilinclioa
entre les droits féodaux qui font de l'efTence !k de la na-
ture du lîef , & ceux q'ii ne font que des accidens de fief;
ces premiers font imprefcriptibles , mais le valFal peut p: ef-
ctire les féconds ; aiafi , la mouvance , la directe , la i'ji ic
hcmmage , le retrait féodal , la faifi; féodale , la commifc,
le droit de ]ods &: ventes , de rachat, de relief de fe.wice ,
des cens &" rentes Jeigmurïjles qui en tiennent lieu ., fonc
à toujours imprefcriptibles ; & le valfal &: le cenfitaite ,
même le tie;s acquireur , ne peut s'en e.xempter , par quel-
que laps de temps que ce foie, fans pouvoir être reçus â
prouver que leurs auteurs n'en ont point pay' , &: que lis
feigneurs ne les ont point exigés depuis deux ou Crois ficelés :
le feigneut ne pouvant jamais perdre fon dioit dedie^ile
fur fes fujets, tant qu'il n'y a point de Prefcripiion de la
part d'un autre feigneur : ne pourront le forc'ore non plus
, d'ufer de retrait , de faille féodale , de commife , quoiqu'il
I n'ait pas ufé de cette faculté de temps immémorial , étans
cenfé avoir remis les arrérages des rentes féodales qui en
. tiennent lieu , ainll que les lods &: ventes & rachat échus ,
lotfqu'il ne les a pas demandés.
w 11 y a donc une dilTerence totale entre le droit en foi , &
les profits qui en font échus; jamais le fujet ne peut pref-
i ctire le droit de payer les lods oc ventes , rachats Se cms
, dont il efl tenu ; mais il peut par trente ans s'exempter de
1 payer les lods &c ventes , les rachats 5c arrérages de cens &
I de tentes féodales qui en tiennent lieu , qui font dus 6c
I échus ■'.
(5) c< Le mot cens mis dans cet article , dit-il , a fait croire
> à plufieurs gens de pratii]ue, non afTez favans , que la fei-
> gneurie directe cenfueile fe prefctit par la ceiïation de
1 payet durant trente ans , qui me fembîe être opinion erro-
» née J pour cç «jue le mot cens, en cet accicle, s'cntçnd
390 PRESCRIPTION.
Telle eft donc la règle en cette mar'rére , règle
coniacrée par le double fiifFrage des arrêts & des
jiirifcojifidtes, Si qui reçoit, de fa conformité avec
les vrais principes , une fanaion inaltérable. Pour
que le ten.^ncier piiiiTe prefcriie à perpétuité la li-
béiMtion du cens» il ne luffit pas que la coutume
'dife en termes vagues & généraux , que le cens ei\
prcfcriptible , il faut qu'elle porte la précifion beau-
coup plus loin ; il faut qu'elle s'exprime de ma-
ir.ere qu'il foit impailible de concentrer fa difpoiî-
tion fur les feuls arrérages ^.
La coutume d'Artois a une dlfpofition à-peu-
près femblable à cçUes que nous venons de tranf-
crire,
La qucftion de favoir fi le fond du droit de cens
y ert prefcriptible p.ir le cenfitaire contre le fei-
gneur, mériteroit feule une dilfertatlon très-éren-
due. Ce_ que nous allons en dire n'ed que l'efprit
des raifons qu'on employé pour Se contre.
Les articles 3 i & 72 de la coutume font le fiege
delà matière. Le premier dit , que » le vaiîal ne
>» peut prelcrire contre fon feigneur acquiution de
» droit e/i ce qui concerne la hauteur de la juflice &
» feigneiirif, mais qu'il peut prefcrire entant que
w touche rentes, reJcvunces owfervicudes >». L'article
72 porte , que "quiconque demeure paifible pof-
•)■> felTcur d'aucune charge ou redevance annuelle ,
« réelle ou perfonnclle , par vingt ans entre pré-
» fens & âgés, & par trente ans entre abfens, il
j> acquiert le droit de la chofe , tellement que nul,
j? après le dit temps , n'efl recevabie à faire pour-
j> fuite contre tel pofTelTtiir i\
Toute la difficulté fe réduit, comme l'on voit,
à fr. voir fj ces mots de l'article 31, renies , rede-
vances ou firvitudes , doivent s'entendre du cens
en)portant direfle feigneurie,ou s'il faut en borner
la fignificatlon aux rentes , redevances & fervitu-
des, qui , quoique dues an feigneur , ne font ce-
pendant pas de l'eOence de la feigneurie.
Maillart tient la première opinion , & la con-
firme par dijux fcntcnces du confeil d'Artois , des
5 novembre 16S7 & 12 juin 1698, qui ont ,jdit-il ,
« déclaré des feigneurs non recevables dans leur
)i demande à fin de payement de rentes feigneu-
» riales qu'ils julîifioient par titres , inais auxquels
» on oppofoit la Prefcription ". Il ajoute , que
« par arrêt rendu au rapport de? M. de la Mouche ,
» le 5 juillet 1696 , coniirmatif des fentences ren-
u dues au balliage d'Arras le 11 feptembre 1692 ,
>i ik au confeil d'Artois le 8 mai 1694 , deux
V pièces d'héritage , qui ne dévoient ni cens ni
M Jej atccta^es <lucens; &: ainlî eft ententlu ci-deffus es ar-
^ cicîe; 1 1 &: is , &: le eçut recueinir des mots fuivans , 6"
5» iîuîrej drpin, qui déuicncrenr q'ie I4 Prelcnp:ion s'entend
» des droiij adjacens & cai'uc'Jj, & ncn du cevs en loi • en
" le met atf"« rappo te ckofes lemblables. L. jl fwin'v'..
^ juaSlci glojj. C.di ie.-vis fugir. Oi;tie fe peut & doit dire
» que par !a 'cliIï ceiTancn du payement des aticrages , le
>> IciiTieur ccnliev ne perd la ^'Oir^ffion qu'il a de la rçdc-
ïi y^ucç j 4mîi la î^lliug^ p.ç cduTefas Iç grçutjJç >^^
P RESCRIPTIO N.
» rentes , ont été déchargées du terrage feigneu-
» rial prétendu deflus & juftifié par d'anciens ti-
» très , auxquels la Prefcription étoit oppofée )>.
D'un autre côté ,jBrimel dans fes obfcrvations
fur la même coutume , foutient que le cens n'eft
pas moins imprefcriptlble en Artois qu'à Paris; &
fon opinion , conforme à celle qu'avoir enfeignée
avan^kii Baudoin d'Arras, eft appuyée fur des
raifons auxquelles il paroît difficile de répondre.
La prefcriptihilité du cens efl contre le droit com-
mun ; on ne pourroit donc l'admettre, en Artois,
qu'en conféquence d'une dlfpofition expreffe de
la coutume ; car les exceptions viux maximes géné-
rales doivent être claires & formelles. Or, ni l'art.
51 , ni l'art. 72 , ne mettent expreffément le cens
au rang des chofes prefcriptibles.
Il y a plus ; l'art. 31 même en établit l'impref-
criptibilité. Il porte , que le vaffàl ne peut prefcrire
contre fon feigneur acquifition de droit en ce qui
concerne îa hauteur de la jujlice & feigneurie d'iceliii.
Que veulent dire ces expreffions , fi elles n'em-
braflènt pas les droits qui constituent l'elTcnce
même, de la feigneurie ? Or, quel droit efi le plus
elfentiei à la feigneurie que le fond ménne du cens,
puifque fi l'héritage en efi une fois affranchi , il
devient allodial ?
Il faut même remarquer que cette partie de l'arr,
31 eft une fuite Se n'eiï établie que par réciprocité
lie l'article précédent. C'efl ce que fait entendre
Yiidvcrhc parcillcmint , qui la commence, Or, l'ar-
ticle 30 porte, que »> le feigneur ne peut jamais
» prefcrire l'héritage de fon vafTal par la longue
>; jouillance &c que icelui vailal , noiiob/îant le laps
i> de temps, demeure entier à relever , droiturer
>j ou fràre fes devoirs au regard d'icelui {on fei-
)j gneur». Si le feigneur ne peut prefcrire contre
fon vaiTal l'héritage tenu de lui, quoique ce vafTal
néglige de le relever Se de payer les droits fei-
gneuriaux pendant le temps requis pour la pref-
cription , il faut , par réciprocité de raifon , que le
vaflal à fon tour ne puilfe pas fe libérer par la Pref-
cription , des droits dont fon héritage efl chargé ea
reconnoilfancc de fa feigneurie. Sans cela , il n'y
auroit plus entre le feigneur & le vafTal cette éga-
lité d'impuifTance que le mot pareillement fuppofe
entr'eux au fujet de la prçfcripiion.
Maillard répond que le fervicede-s plaids & la
nécelTué de la déclaration au terrier , font les feuls
droits véritablement conllitutlfs de la feigneurie,
lefquels étant imprefcriptibles , confervent fuffifam-
ment la fupériorité du feigneur Si la dépendance
du cenfitaire.
Mais cette propofitton heurte de front la doc-»
trine de Dumoulin & de tous les feudifles, qui re-<
gardent le cens comme l'i-mage du domaine di-
reéf, Ôc la conftitution même de In feigneiirie. D'aiU
leurs , le fervice des plaids Se la déclaration au ter-f
rier' ne font que les fuites de la qualité de cenfi-
fairçs, S^ la prcfçriptibilité du cens les détruiroit,
PRESCRIPTION.
Comme l'extinflion de la canfe produit nécefTaire-
ment l'extinfîion des effets.
Les Jiigemens fur lefquels Maillart appuie fon
opinion , ne font guère plus concluans que Ces rai-
fons.c'elUe queBrunel a très-bien démontré, (i).
Depuis que Brunel a écrit, on a réformé en Ar-
tois deux coutumes locales , d'une manière qui con-
firme de plus en plus le parti de l'imprefcriptibi-
litèducens. Ce font celles du baillage d'Aire, art.
17 , & du bailliage de Saint-Omer , art. 9. Voici ce
qu'elles portent : « Le vaiïal ou fujet ne peut pref-
») crire contre fon feigneur acquifition de droits en
»» ce qui concerne la jwftice ou feigneurie, ni le
» fond de la renteou reconnoiflance atinuclle due
î> audit feigneur à caufe de fon fief ou tenement ,
« fauf la quotité ou preflation d'arrérages, que le
» vaflal eu tenancier peut prefcrire , contre les âgés
j> & non privilégiés , par vingt ans contre les laïcs,
3) Se quarante ans contre les gens d'églife «.
Le procès-verbal de la première de ces courû-
mes nous apprend que la jurifprudence du con-
feil d'Artois étoit alors ( en 1739 ) conforme à cette
difpofition locale; « Le cens, de fa nature , y c(ï-
») il dit, ne devant pas être féparé des droits de
j) hauteur & feigneurie , le confeil provincial juge
» que le cens n'eft pas plus prefcriptible que les
« droits attachés à la hauteur defdites feigneuries ".
Il paroît cependant que, quelques années après
l'homologation de ces coutumes , le confeil d'Ar-
tois s'eft départi de fon ancienne jurifprudence,
& a pris pour marque conftitutive de la direéte cen-
fuelle, le droit de relief au quel les héritages cot-
(l) et Ils ne peuvent , dit cet auteur, avoir cté rendus qu'à
ïj l'cgard de fimples rentes feigneuri.îles non primitives , &
» de tenage non feigucuiial &: non tenant lieu de cens ; car
» plufieurs jugemens rendus en cette ccu-ume prouvent le
»> contraire de ce qu'il avance. 11 y en a un , entre autres ,
« rendu au confeil d'Artois le I5 novembre JC^y , au profit
aj du comte de Tiesurepaire , contre Chrétien du Parque , qui
55 a jugé qu'un droit de terrage , du fur un fonds qui ne de-
» viiit pointd'autres rentes , étoit rtputé feigneurial , &: con-
» nqiicmnient tenoit lieu de ch;f cens, P\; comme tel iut
» jugé imprefcriptible. Il y a un autre jugement audit con-
» feii, du ^ njarî 1700, rendu tn;re les abbé & religieux de
M Marchiennes & \'i fieur Thomas-Albert de Pre'ud'homme
M d Haiily , qui condamne ce dernier, comme propriétaire
» de la terre & feigneurie d'Auchy , au payement de la re-
M devance d'un chape:) par an.... laquelle avoir été llipulce
»» par conceflîon &: accord de certain droit de ch.ifTe &: de
» péclie fur un terrain dont lefdiTs lîeii's de ^Tarrhiennes
33 ctoient feigneurs , ce qui la rcndoit feipne ur ale^ & par
M conléquent imprefcriptible, quoiquil y eût plus de qua-
ï> rante ans qu'ils ne l'avcient perçue... P.it fentence du cor-
x> feil d'Artois du 15 juillet 1 ('95 , confirmée par arrêt du par-
»3 lerncnc de Paris , à l'expédient , le l'îj.invier 1657^ entre
M le fleur Paul Gutrard , frigneur d'î-Iouvin , d'une part.
» Alexandre de Bret &: Antoinette de Crc ix , fa femme,
5j d'autre part; ces d-rniers Ont été condamnés à reconnoîcre
» & payer Je: rentes feigneuiiales prétendues fur leci: fieur
» Guérird , fur deux manoirs à eux appartcnan-, tenus en
« cotterie de fa feigneurie d'Houvin , nonobllant que dans
w l'inllance enfuitè d'appointé lient à véii'^er , lefJits de Bret
3> & fa femme aient perlîllé àfpuctnir que ces rentes étaient
51 pcefcrites «,
PRESCRIPTION, 391
tiers ou roturiers font afTujetis par la coutume gé-
néral de la province. C'eft ce qui réfulte d'une
fentence rendue le a avril 1754, entre les annon-
ciades de Béthune &les héritiers du feigneur de
la FoiTe ; & par laquelle , « attendu que dans cette
» province les cotteries ou rotures font fujettes,
» ainfi que les fiefs , au droit de relief , lequel
5> Concerne la hauteur de la juflice & feigneu-
5) rie V, la rente dont il s'agiffoit a été déclarée pref-
critc.
Par une autre fentence rendue l'année fuivante
entre le feigneur de Fouquières , 6c les maïeur &.
échevins deBétlume , une rente f^igncuriale a été
déclarée imprefcriptible ,« attendu que cette rente
» étoit la feule marque de la ftigneurie , & qu'à
») caufe d'icelle il n'étoit dû aucun droit de relief
» établi furies cotteries par la coutum; d'Artois «.
On trouvera ci-aprés deux autres fentences f!u
même fiège, qui ont confirmé cette jurifprudence.
Mais eft-il poffible que le droit de relief foit ,
dans la coutume d'Artois plutôt que dans les autres
du royaume , une marque diflinéHve delà directe
cenfuelle.'' Ce droit iiourroir-il rcpréfenter le do-
maine direct que le fei[;neur a voulu fe conferver
fur l'héritage qu'il a cédé , & dont il n'a pas voulu
perdre entièrement la propriété }
Qu'eft-ce que le droit de relief .'^C'eft «ne finance
par laquelle l'héritier du dernier valfal ou cenfitiiire
rachète l'héritage qui a été donné à fon auteur , foit
à fief, foit à cens , & qui , par la m.ort de celui ci ,
retournoit de plein droit au feigneur (i). Le relief
n'ert donc, comme le retrait & le quint , qu'un
droit utile, qu'un profit du fief: ce droit dépend à
la vérité de la feigneurie ; mais la feigneurie peni
fubfiHer fans lui: fi elle n'en étoit pas indépen-
dante, il faudroit dire qu'elle s'anéantiroit par le
changement de propriétaires , Ôt îie fe formeroit
de nouveau que par le rachat que feroient leurs
fucceffeurs , que par le relief qu'ils payeroient ,
que par les lods & ventes qu'ils acouitteroient; ce-
pendant on n'a jamais douté qu'une feigneurie une
fois établie, il n'y eût impoffibilité de la faire ceffer
un inftant.
Les fiefs en Anoisnefont pas moins fujets à la
foi Gi hommage que dans tout le royaume ; l'article
37 de la coutume les y foumet précifément. Pour-
roit-on raifonnablement donner au relief la préfé-
rence fur la foi & hommage , & le reprjfenrer
comme la marque conllitutive de la feigneurie féo-
dale ^ Un pareil raifonnement révolteroit le bon
fens & renverferoit tous les principes. Ne feroir-ce
pas une erreur fcmblable de prétendre que le re-
lief auquell'article 20 foumet les héritages cotiiers,
conf^itue la feigneurie cenfiiello? M'en feroit-ce
pas même une plus grande de vouloir mettre à cet
égard une différence entre le relief ccnfutl & le
relief féo'lal } Le cens efi pour les rotures , ce
qu'eft pour les fiefs la foi & hommage ; il n'eA pas
, (i)Guyot, traité des fiefs,, tome 2 j page 71 , n, }.
591
PRESCRIPTION.
feulement un droit utile & pécuniaire , il ciï en mê-
me-temps honorable Si révértntiel ; c'eft la qualité;
que lui ont donnée tous les f>.nulifles. Pocquet fie
Livoniere , liv. 6 , chap. i , led. z , dit que le cens
eu une reconnoifîance delà lujétion du cenfuaiie
& de la fupcriorité du feigncur ; il eft donc à la fei-
gneurie ctnliielle par rapport au feigneur & au
cenfuaiie , ce que la foi & hommage en au fief par
rapport au feigneur & au vaffal, C'efl la conlé-
quence qu'en tirent tous les auteurs qui ont traité
cette matière , & entre autres Brodeau (i) , Du-
plefTis (2.) , Denifart (3) & Pothier (.;).
Loin que le relief foit un droit honorifique & ré-
vérentiel, & qu'il conflitue proprement lafeigneu-
rie , Dumoulin , 8c après lui tous les feudiftes , ne
le regardent que comme un accidrnt onéreux &
vine (ervitude odieufe (^). Il ne peut donc être
cenfé compris dans la première j.»artie de l'article
31 de la couti.ine d'Artois , ni p.ir conféquent être
confidére con-me un droit concernant la juflice &
fcigneuTu ;ilefï,au contraire, nommément exprimé
dans la féconde partie du même article parle mot
fervitude , qui lui eft propre.
Il y a d'ailleurs dans la province d'Artois une
raifon particulière qui empêche que le cens n'y foit
Ir.bordonné au relief, &: que le payement de ce
dernier droit n'y pafTe pour la marque de la fupé-
Tiorité du feigneur; c'eft que les coutumes d'Hefdin
& de SaintPol font connoitre évidemment que le
relief eft tout-à-fait dépendant du cens (6) , 6c que
par conféquent il ne feroit point dû de droit de
relief dans ces coutumes pour les héritages qui ne
feroient point chargés de cens , ou fi le cens pou-
voit y être prefcrit.
On voit j)ar-là combien étolt peu [udicieufe la
rouvelle jurifprudence qui avoit pris racine , en
1754, an confeil d'Artois ; auffi le parlement de
Paris s'efi-il emprefîé de la réformer. L'abbaye de
faint-Pierre-lès- Gand prétendoit contre différens
particuliers de Harne un droit de champart, tenant
lieu de cens ^ rente feigneuriale. On lui oppoff it
la Prefcription ; &. dans le fait elle avoit contre elle
une pofleffion immémoriale. Le confeil d'Artois In
débouta ; mais fur l'appel , arrêt intervint le 5 mai
1759 , qui infirma la fentence & condamna au
payement du cens les pofiefileurs des héritages ai\Q
les moines de Gand vouioient y a/Tujétir. On fe
pourvut au confeil contre cet arrêt ; mais la re-
quête en caffarion fut rejefée.
Le baron de Stockem , le comte de Monceau ,
le baron de Caupin , les dames de Mezieres leurs
époufes, & le fieur Vandergrat, grand bailli de
(l) Sur Paris , tic. des cenfivef £3* droits fàgneunaux.
{;) Des f-'efs , liv. 9 , f.liap. ^ ; du cens, Jiy, i , chap, r.
(3) Article Cens , n. 4.
(4) Traité des ccnlives , (t(\. i , paraj;. ^.
(O Diimoit in fur Paris, citre I , paiag. 1, gl, i , n, 21 ;
Gtyot, du relief , chap. 5.
^6) Hcrdin , art xj j Saint-Pol ^ cit. a, a:t, S.
PRESCRIPTION.
Tournai , propriétaires de la feigneuric du Plantin ^
près de Lillers , ont fait afTignetjle 5 février 1760,
la. veuve de Jacques Dupuich , en payement de
relief & d'arrérages de cens dus pour trois corps
de terre qu'elle tenoit de cette feigneurie. Cette
vtuve a (outenu , par requête du 28 mars de la
même année , qu'il y avoit plus de vingt uns qu'elle
n'avoit rien payé de ce qu'on lui demandoit ; que
le ceas n'étoit pas exempt en Artois , comme à Pa-
ris , des atteintes de la Prefcription ; qu'il s'y pref-
crivoit au contraire par vingt ans; & qu'ai nu elle
devoit être renvoyée de la demande formée à fa
charge. Par une autre requête du 16 janvier 1762 ,
Antoine-François Dupirich , fon fils, qui avoit re-
pris l'inftance à caufe du décès de fa mère , a fait
afllgner en garantie Jean-Baptifte Pigouche , an-
cien occupent de fes terres, fur le motif qu'il étoit
chargé , par fes baux , d'en acquiter les rentes. La
caufe portée en cet état à l'audience du confeil
d'Artois , il y a été rendu, le 16 juillet 1762 , un
jugement qui a déclaré les rentes dont il s'agiffoit
' prcfcrites , tant pour le fonds que pour les arréra-
ges ; a condamné Dupuich, (uivant fes offres, à
payer le relief ûu par la mort de fa mère , 6c à
faire les autres devoirs de vaflalité; a mis les parties
hors de cour fur les autres demandes , & a con-
damné le baron de Stockem & conforts aux dépens.
Sur l'appel au parlement & l'appointement au con-
feil, qui y ert intervenu , le baron de Stockem &
conforts ont établi que les héritages dont il s'agif-
foit étoient mouvans de la feigneurie du Plantin ,
& chargés de rentes cenfives ; que la coutume
d'Artois , loin de favorifer la Prefcription de ces
fortes de rentes , annouçoit , par la première partie
de l'article 3 1 , qu'elle les regardoit , avec les autres
coutumes , comme imprefcriptibles; & par arrêt du
29 août 1769 , la fentence du confeil d'Artois a été
infirmée; les apptlans ont été déchargés des con-
damnations prononcées contre eux ; Dupuich a -
été condamné à leur payer les arrérages échus des
cens 8c rentes fcigneuriales dus fur les héritages
qu'il tenoit de la feigneurie du Plantin, & à les
continuer à l'avenir ; à payer la fomme de 6s liv.
pour le relief cû p.ir le décès de Jofepli Sennebœuf
fon ayeul maternel , & à faire à la feigneurie tous
les autres devoirs portés dans le dénombrement
du 21 oétobre 1718. Larrét acte déclaré commun
avec Jean-Baptifte Pigouche , & Dupuich a été
condamné avec lui aux dépens des caufes princi-
pales , d'appel & demandes.
Cette juriîprudence s'applique comme d'elle-
même, à la coutume du Cambrefis. L'article 7 du
titre 1 de cette loi municipale porte, comme l'ar-
ticle 31 de la même coutume d'Artois, que « le
n vafi'al ne peut prefcrire contre fon feigneur le
»■ droit de fief, en ce qu'il concerne la fupériorité,
» mais en tant qu'il tombe en rente ou redevance,
» le valTal peut prefcrire comte le feigneur ". L'ar-
ticle I du titre 17 dit , comme l'article 72 de la
coutume d'Artois, « que celui ^uj demeute
» paifible
PRESCRIPTION.
»J palfible d'aucune charge ou redevance annuelle
» & rcelle par refpace de vingt ans continuels Se
« accomplis entre perfonnes préfentes ik fion pri-
»» vilégiées,ila acquis par ladite pofltlficn ^ jouif-
»> fance la propriété & droit de la chofe ainli par
î> lui poffédée ».
M. Desjaunaux, à l'exemple de Maillart , penfe
que cls termes de l'article 6j , rente ou redevance ,
doivent s'entendre même du cens einportp.nt la
direfle fcigneurie ; mais les mêmes raifons qui ont
fait rejeter le fentiment de Maillart pour la cou-
tume d'Artois , doivent également faire profcrire ce
lui de iM. Desjaunaux pour la coutume du Cambre-
fis. Or> ne voit en effet dans aucun texte de cette
dernière coutume que le cens foit expreffément
rangé au rang des chofes prefcriptibles; l'art. 67
fuftu feul pour en démontrer rimprelcriptibitité ,
puifqu'il y eft dit que le vjfj'al ne peut prejcrire contre
fon J'eigneur . ... en ce qui concerne la fupériorité.
Il faut dire la même chofe de la coutume de
la gouvernance de Douai. «Un feigneur (porte-
i-elle , titre i , article 22), «ne peut prefcrire
« contre fon vaffal , ni le vaffal contre (on fei-
" gneur, autant qu'il touche fa juridiaion & fei-
« gneurie ; mais au regard des rentes & paye-
5' ment de relief, un vaiïal peut prefcrire contre
» fon feigneur ».
Il eft clair que ces mots payement de relief, ne
peuvent s'entendre que du relief échu , & il y au-
roit de Tinconféquence à en conclure que la cou-
tume afrujetiit le fond du droit de relief à la Pref-
cnption. Or, ces mots ne forment qu'un même
corps de phrafe avec ce que dit la coutume tou-
chant les rentes. Sa difpofition concernant les rentes,
ne peut donc s'entendre que des arrérages de ces
redevances.
Il n'en eft pas de même dans la coutume de la
châtelîenie de Lille. L'article 74 du titre premier
de cette loi , décide que , « la totalité d'une rente
« feigneuriale ne fe peut prefcrire en moindre
» temps que foixante ans , mais bien la portion
» d'icelle, ou forme de payement, à laquelle Pref-
j) cription ne faudra que trente ans ». Cette dif-
pofition n'eft ni obfcure, ni équivoque : elle fou-
inet la totalité de la rente feigneuriale à la Prefcrip-
tion de foixante ans ; ce mot totalité tranche tous
les doutes; & ce qu'il n'efl pas inutile de remar-
quer , les articles 4? , 46, 74 & pkifieurs autres ,
froixyent que la coutume n'appelle rente feigneu-
riale, que ce qu'on entend ailleurs par cens propre-
ment dit (i).
Quelques uns ont cru lire la même décifion
dans la coutume du chef-lieu de Valenciennes.
"Voyons fi les termes de cette loi font aifez précis
(i)O'olcrvez que ladifpûfiiion de c.-ue coutu.ne ne tait
pa5 loi dans tout Ion terriroire, La coutumede la ville de Lille
y déroge, en décarant, chapine (î , article 7, « qu'on ne
- peut preîcrire la totalité de la rente feigneuriale , mais
» /'cuJement p, nion d'icelic ou focme de payement »,
Tome XIJl.
PRESCRIPTION. 593
pour qu'on les interprète dans un fens auiïi con-
traire au droit commun.
Elle déclare d'abord , article 49 , que pour droits
fctgncuriaux non payés , ceux à qui ils (om dus doi-
vent être mis en poflefi'ion des héritages qui en
font chargés , pour les tenir par loi (i) , & s'en
approprier les fruits jufqu'à concurrence dcfJits
dr.'ics , le tout ne foit quil y ait Prefcription au
contraire,
AiTurément , il n'y a là rien qui frappe nommé-
ment & direéîement fur le fond des droits jào^neu-
riaux , rien par conféquent qui oblige de croire
que l'inrention de la coutume foit de rendre le
fond de ces droits paiïible de Prefcription de la
part des vaflaux ou cenfitaires.
L'article 93 eft-il plus décifif ? Voici ce qu'il
porte : « Quiconque aura joui & pofTédé paifible-
» ment & de bonne foi, à titre ou fans titre , de
» quelque héritage ou rente tenue pour immeu-
» blc , de quelque fervitude ou autre droit réel ,
» ou Jera demtwè paifible de quelque Jervitude ,
» charge ou redevance par l'efpace de vingt ans cn-
» tre préfens, & trente ans enrre abfens , tel pof-
)» fefieur acquiert par Prefcription la propriété de
» la chofe , & le droit ou décharge de la Jervitude ,
» contre qui que ce foit ».
Un inot répond à toutes les indu6ïions qu'on
veut tirer de cet article : c'eft qu'il ne parle pas
exprelTément des rentes reprérent:itive<. de la di-
reîle , & récognitives de la fcigneurie. Les termes
fervitude , chjrs^e , redevance , contre qui que ce foit ,
font bien généraux fans doute ; mais pour faire
cellér la règle qui établit l'imprefcriptibilité du
cens, il faut une dérogation fpéciale , parce qu'elle
tient, comme on l'a vu. plus haut, à la fubdance
de la tenure cenfuelle.
D'ailleurs eft-ce dans la coutume du chef-lien
de Valenciennes que nous devons chercher la rè-
(o\m\on du point de favoir fi le cens dii par les
main-fermes de cette partie du Hainruit, eft ou
n'eft pas prefcriptible. N'oublions pas ce qui eli
établi fous les mots Hainaut & Val£ncie~^nes ,
que cette coutume n'a aucun empire fur les fiefs ,
ni par conféquent fur les droits qui en dépendent.
Or bien sûrement, le cens , quoique dii par un
héritage tenu en main-ferme , eft un droit féodal ,
un attribut de fief, une portion incorporelle de
la fcigneurie à qui il appartient; & cela eA (i vrai
qu'elle ne fe partage pas en fuccefllon comme les
rotures.
Il ne refte par conféquent qu'à favoir ce que
règlent fur cette matière les lois qui , dans le
Hainaut , gouvernent les fiefs Si les droits f.odaux.
Ces lois font les chartes générales , & voici ce
qu'elles portent, chap. 107, an. 8 & 12.
« Les tenans fiefs ne fe pourront aider de Pref-
» cription contre les feigneurs defquels ils tien-
Ci) Voyez Tenus PAR toi.
Ddd
594 PRESCRIPTION.
j> dront leurs fiefs regardant le tenement d*îceux
j> par faute de relief.
)) En matière de droits feigneuriaux , n'y aura
3) Prefcription de rhérltier doyant le droit contre
>» fon feigneur ".
Ces difpofitions , on le voit clairement , font
décifjves contre le fyflème de la prefcriptibilité
du cens.
Auffi ce fyftême a-t-il été profcrit hautement par
deux arrêts rècens du parlement de Flandres.
Le premier a été rendu entre le duc d'Arem-
berg & le prince de Montmorency. Le prince
de Montmorency pofsède dans la feigneurie de
Walers , appartenante au duc d'Aremberg, & fi-
luée fous le chef-lieu de Valencicnnes , deux men-
caudécs de terre main fermes , que d'anciens car-
tulaires prouvoient être chargées envers le fei-
gneur , de vingt-deux fous de rente annuelle. En
1756, le duc d'Aremberg a fait a jour ^i) fur ces
deux mencaudées , pour avoir payement des ar-
rérages de cette rente. Le prince de Montmorency
eft venu foutenir qu'il y avoit près de deux ficelés
qu'elle n'avoir pas été payée, & qu'en confé-
quence elle étoit prefcrite. Le duc d'Aremberg a
p:étendu, de ion côté, que cette redevance avoit
été conftamment acquitée jufqu'en 1702 ; mais
d'abord il ne l'a pas prouvé bien clairement; en-
fuite , depuis 1702 jufqu'en 17^6, il y avoit en-
core plus de temps qu'il n'en eut fallu pour pref-
crire , s'il eût pu y avoir lieu à la Prefcription.
Toute la conteflation s'efl donc trouvée réduite
au point de favoir fi dans le chef-lieu de Valen-
ciennes , les rentes feigncutiales dues fur main-
fermes font prefcriptibles. Nous voyons par les
mémoires qui ont été imprimés dans cette affaire ,
qu'il n'a été rien néglige de la part du prince de
Montmorency pour établir l'affirmative; ik en ef-
fet , elle a été adoptée par fentence des Prévôt, jurés
& échevins de Valenciennes du 18 février 1761.
Mais fur l'appel qui en a et' iiuerjeté au parle-
ment de Flandres , arrêt efl intervenu le 17 avril
1766 , au rapport de M. Lamoral , qui a mis l'ap-
pellation & ce au néant, émendant,a déclaré que
la rente fcigneuriale dont il s'agiffoit , n'étoit pas
prefcrite , & a condamné le prince de Montmo-
rency à la payer avec dépens.
Le fécond arrêt n'eft pas moins précis. L'abbaye
de Saint-Ainnnd jouit de différentes preftations fei-
gneuriales à Ecaupcnt , village du chef lieu de Va-
lenciennes Le presbytère , entr'autres héritages ,
eft chargé envers elle d'un huiteux d'avoine , d'un
chs'pon, d'une poule & d'une corvée , le tout for-
mant un cens récognitif de la feigneurie j en 1768 ,
il étoit dû à l'abbaye de Saint- Amand cent dix an-
nées d'arrérages de cette redevance. Elle n'en a
demandé que vingt-une , & pour en obtenir le
payement , elle a fait pratiquer un ajour fur le pref-
(i) ■ c:me..e I receler, vjui e\\ en ufage Jans je chef-lieu
4e Valeacicnnes. Yoysi Adjour éc Ajour.
P RE S C R I P T I O N.
bytère. Le fieur Colmont , curé de la parollTe d'E-
caupont , a oppofé à ces pourfuites différens moyens
parmi lefquels on remarquoit la Prefcription. Sa
défenfe a d'abord été accueillie. Les prévôt, ju-
rés & échevins de Valenciennes , par fentence
du 2 mai 1774 , ont débouté les religieux de Saint-
Amand. Mais ceux-ci en ayant appelé au parle-
ment de Flandres, & le procès ayant été diftri-
bué à M. Hennet, la cour , par arrêt du 4 janvier
1776, a infirmé la fentence 5i condamné le fieur
Colmont au payement de la redevance.
PalTons à la coutume de Metz. Elle porte , titre
14, article 7, que les « droitures feigneuriales ,
') réelles ou perfonnelles , ne fe prelcrivent par
» les fujets ou redevables d'icelles , au préjudice
» des feigneurs , que par difcontinuation de paye-
» ment pendant quarante ans, mais quant aux ar-
rérages , &c. ». Cette difpofition efl trop claire pour
qu'elle puifle occafionner le moindre doute. Il efl
évident qu'elle rend le cens prefcriptible. Il faut
ranger la coutume de Metz dans la même claffe que
celles d'Auvergne, de Eourbonnois & de la châtel-
Icnie de Lille.
Les coutumes de Marfal , de l'évêché ^2 Metz &
de Gorze , ont fur cette matière une difpoftion
tout-à-fait particulière à leurs territoires. Elles déci-
dent , article 83 , titre 16 , article 7 , & titre 14 ,
article 16 & 17, que le « droit de cens ne fe pref-
» crit, par le détenteur de l'héritage contre le fei-
» gneur cenfier , que par temps immémorial j\
* Distinction VÏ. De la Pnfcription de U foliditi
du cens.
Le cens eft une charge réelle , hypothécaire &
indivifible ; lorfque l'héritage ou le territoire qui
en efl grevé vient à être parragé entre plufieurs co-
propriétaires , chacun d'eux en efl tenu folidaire-
ment , 6c chaque partie du tout eft affeélée au paye-
ment de la totalité du cens. Le cens , en un mot ,
efl tôt us in qualibn parte. Cette folidité eA fort
onéreufe aux tenanciers ; peuvent-ils en prefcrite
la libération }
M. le Camus dans fes obfervations fur l'article 124
de la coutume de Paris, prétend que la folidité du
cens eft imprefcriptible : « on a agité , dit-il , une
» qucftion; favoir, fi le cens payé par parcelles pen-
» dant plufieurs années, c'eft-à-dire , trente ans,
» fe divife; la plus commune opinion eft qu'il ne
)» fe divife point, parce que le titre primordial em-
>» pêche toutes fortes de Prefcriptions contre les
» feigneurs , hors la quotité & les arrérages du
» cens , ma^is qu'on ne peut pas malgré lui par-
» tager le cens en plufieurs parties , pourvu qu'il
» juftifie par quelque titre , quelque ancien qu'il
» foit , qu'autrefois il n'étoit pas divife ».
Loifeau tient au contraire, que fi les tenanciers
ont payé divifément pendant l'efpace de trente
ans , ils ont prefcrit la libération de la folidité.
a Le détenteur ne peut être convenu folidai-
j) rement , fi par l'efpace de trente ans , il a payé
PRESCRIPTION.
w feulement à proportion de ce qu'il détient ; car ,
» tout ainfi que la quotité du cens , la folidité ci\
» prefcriptible » ; î/u déguerpijfcment , livre 2 , cha-
pitre dernier. Perrière e/l de même avis fur le
titre des cens, §. i , n". 20. Cette opinion eft fon-
dée fur la maxime que , de droit commun , cens c(î
■ indivifible ; maxime inférée par Loifel dans fes inf-
titutes couriimieres , livre 4 , titre 2 , & qui a pour
bafe la loi 3 , C. û'e collatione fundorum patrimj-
nialium. Cette loi porte : Omnes qui pa'.r'htT&nijles
fundos,five communtler five ex afje retinent , pro lus
conven'undi fuiit ad univerforum munerum ad eofdcm
fitndos peninentium pro rata portione.
Avant ces auteurs , Dumoulin avoit ouvert une
opinion différente : il eftime que lorfque le feigneur
a reçu divifément la preftation folidaire , ne iùt-ce
qu'une feule fois , il eft privé par-là de l'exiger <t
l'avenir folidairement, pourvu qu'il ait reçu de ce
cenfitaire , pour fa part , & fauf proteftatlon (i).
Dunod s'eft rangé du parti de Dumoulin, u Je
» crois , dit il , que le laps de temps n'eft pas né-
» ceffaire , parce que la folidité n'eft pas de l'el-
» fonce du cens , & qu'elle ne fe perd pûs au cas
» que l'on propofe , par la Prefcription , mais par
» la volonté du feigneur qui la divifc , & qui peut
»> être connue fans le fecours du temps, par des
» conjediures, & par la manière dont il s'eft expli-
» que dans fes quittances ; en un mot, dès qu'il
»> paroît que le feigneur a quitté un de fes cen-
>» fitaires de la folidité , il ne peut plus la préten-
» drc contre aucun des autres. Le parlement de
» Bcfançon l'a ainfi jugé le 4 feptembre 1729 ;
j> des Prefcrîptions , partie 3 , chapitre 10 w.
Ces trois avis partagent les auteurs ; le pre-
mier a pour bafe un principe évidemment faux ;
le titre empêche toute efpèce de Prefcription , excepté la
quotité & les arrérages du cens. Tout eft prefcriptible ,
excepté ce qui eft de la nature de la mouvance
r féodale & cenfuelle : on n'a jamais porté plus
loin le fyftême de l'imprefcriptibilité. Or , qu'eft-
ce que la folidité fait à la nature de la mouvance }
Que le cens foit folidaire ou non , en eft-il moins
récognitif de la feigneurie ?
La féconde opinion eft dans les principes féo-
daux , mais elle choque ceux qui doivent régir
les contrats. Un feigneur a inconteftablement le
droit de renoncer à la folidité , dès qu'il réfulte
des termes dont il s'eft fervi dans l'acquittement,
que telle a été fa volonté ; pourquoi cette volonté
auroit-elle befoin d'être confirmée par la poffcflîon
trentenaire .-' La décifion de Dumoulin eft donc
plus équitable. Cette décifion eft également con-
forme à la nature des cens & aux difpofitions des
loix romaines. Le cens eft une preftation puremenj.
(i) Voici fes tcrrrus : Verum ell qoôd ex qiio tiominus fe
mel fcienter pai ter» cenfûs ab uno ex pofTelloribus jiro parte ,
feu porcione (uâ & fine proteftadone recepit, ex eo ipfo
cenfetur Hivilîfff, feu aivilionem approballc etiam re'peiiu
hypothecis & in tmiuum.
PRESCRIPTION.
595
réelle ; la charge porte direflemcnt fiu- la chofe i
& ce n'eft que par contre-coup que la perfonne eft
obligée. Res rci ,non perfona perforiez fubjicitur: c'eft ,
comme on l'a déjà vu , l'expreflion de d'Argen-
tré ; enforte que le tenancier n'eft obligé qu'à rai-
fon de ce qu'il poftede : de la dérive la confé-
quence , que la nature du cens eft d'èrre divifiblc
Comme les héritages fur lefquels il eft afïïs.
Les lois romaines décident très - expreftement
que la divifion s'opère de plein droit , fi le créan-
cier admet un de-", co-obligés à payer la partie de
la dette dont il eft tenu pro portione fud, & fans au-
cune réferve (i).
Et les motifs de cette jurifprudence font très-
bien développés par Bacquet , traité des droits de
juf'ice, chapitre 21 , n''. 245 (7).
Remarquons cependant la réflexion de Perrière :
« Néanmoins , dit-il , fi la quittance ne portoit ces
^y mots , pour la part 6* portion , encore que le
» créancier confefTât purement & fimplement avoir
)> reçu telle fomme , qui feroit la part Se por-
» tion de celui qui la payeroit , toutefois la rente
» ne feroit pas préfumée être divifée, tant à l'égard
)> de celui qui auroit payé , que de fes co obligés ».
Sur l'article i du titre des cenfives , §. i , n°. 21.
Distinction VIL De la Prefcription de la quotité
du cens , de la part du cenfitairc.
Si le cenfitaire a payé le cens à une quotité moin-
dre que celle qui eft portée dans les titres , pendant
trente ans, à un feigneur laïque , ou pendant quarante
àjl'églife , il a prefcrit la libération du furplus ; ainfi ,
pour me fervir des termes de la coutume de Mon-
targis,iroi;f cenfuels font prefcriptibles A TANTO (3).
Cette décifion eft de droit commun ; elle eft écrite
dans beaucoup de coutumes, Paris , Nivernois ,
Auvergne , Bei ry , Lille , Péronne , &c. *
C'eft aulTi ce qu'ont jugé deux arrêts du parle-
ment de Touloufe ;run de 1652 , Si l'autre du mois
d'août 1663. Ils font tous deux rapportés dans le
(1) Si ciedi tores velhos ex parte debiti admillde , iiiieiu-
quam vertrum pro fiiâ perfonà folventem probaveiiiis, aditus
rector provincisB , pro fuâ gravitare , ne alter pro j^Ueto exi-
gatur , ptovidebit. Lq'i i 8 , C. de pailb's. ^
(2) « La laifon peut être, dit il, que le crrancier, en dccha -
» géant un des débiteurs folidairement oMif.c , a ctc à cha-
M cun des autres dcbiteuis & co obligés le recours folidaire ;
J3 partant eft raifonnable que la dette foit diviïee entre tous
« les débiteurs d'icelle , & qu'ils foient de même condition,
o luivant l'obligation par tcu; enfemblcment paflee ; joint
j> que la loi prclume que le créancier , lequel a décha-gé ua
jj des débiteurs de la folidité d'obligation , par la réception
■> de fa paît & portion , a eu vouloir &z que fon intention a
>> été faire le fembhble pour le regard àzs autres coobligés «.
On trouve cette déc. lion dans les auteurs les plus refpecta-
bles, PaElum tacitum divifionis , dit Bartole , uni ex dchitori-
bus in foliiumobligat'sfadum co'teris , etiam ahfzmihus (f
i^ncirantilus , prodeji. L'opinion de Eartole, ajoute Racquer,
eft fuivie tant au palais qu'au chàc<let, tam inftmpUci iibito^
qu.im âiinuo. loco cit.
(3)Çhap. J7jau. 5. ^ , , ..
Ddd ij
39^ PRESCRIPTION.
recueil d'Albert , article Prefcnpûon.
* Mais pour que le vaffal puifle ainfi prefcrire la
libération du furplus de ce qu'il a payé , il faut le
concours de deux circonftances ; la première , que
les preftatioiis aient été uniformes pendant le temps
néceffaire pour la Prefcription ; la deuxième , que
ces preftations aient été faites /«i nornine tothis. On
irouve ces deux règles écrites, l'une dans la cou-
tume de Nivernois , 6c l'autre dans Dumoulin : <t Le
« fe gneur utile , comme cenfier , bordelier ou
»> rentier, qui a payé partie de la redevance par
3> lui due pour payement uniforme par trente
j) ans , a acquis la liberté du furplus d'icelle rede-
» vance "• (Nivernois, chapitre 36, article 2).
La quotité du «ens fe peut prefcrire par trente
ans , Jïlicet qiiando le cenfitaire jolvit fub nomine
totius , tanquâm non plus debens ;jeciis fi fub comme-
mordtione majoris cen/iîf , quia tune tocus confervatur.
( Dumoulin , fur l'article 6 du chapitre 17 de la cou-
tume d'Auvergne ). *
Pour établir en cette matière qu'on a prefcrit ,
eft-il néceffaire d'avoir des quittances de trente
ans ? Non ; il fuffit d'en avoir quelques-unes du
commencement , & quelques autres de la fin de
cet efpace de temps , parce qu'elles en font préfu-
mer de femblables pour les années intermédiaires.
Mais de qui doivent être ces quittances ? Si elles
font du fermier ou du receveur de la feigneurie ,
peut-on les oppofer au feigneur ? Et quand elles
embraffent dans ce cas un cercle de trente années ,
peuvent-elles élever une barrière contre la demande
de celui ci en payement de la totaliré du cens ?
Valin , fur l'article 5 de la coutume de la Ro-
chelle, nombres 134 & 135 , fait une diftinflion
qui mérite d'être remarquée.
Il convient que le receveur eft en cette partie
l'homme & le repréfentant du feigneur , que le
feigneur doit répondre de fes faits, & que par con-
féquent , fa négligence doit préjudicier au feigneur ,
fuivant la règle , qui per alium facit perfe ipjum fa-
ccre videtur ; ( ce qu'on fait par le miniflère d'au-
trui , on eft cenfé le faire foi-même ).
A l'égard du fermier , continue-t-il , on pourroit
croire du premier abord , que fes quittances duffent
engager le feigneur , fur-tout fi elles font relatives
au cueilleret qui lui a été remis pour faire fa per-
ception. D'ailleurs, il eft des terres qui font per-
pétuellement en ferme ; & de cette manière , l'état
des cenfitaites ne feroit jamais affuré , fi les quit-
tances du fermier ne valoient pas autant que celles
du feigneur ou du receveur.
Cependant Valin décide le contraire , « par 1*
» raifon que le fermier n'eft pas partie capable pour
» engager le Seigneur, & préjudicier à fes droits ».
11 feroit inutile de crier à l'inconvénient. Quel tort
fait-on au tenancier , en l'aftreignantà payer le cens
fur le pied de fon véritable taux ? Si le feigneur
n'avoit pas de titres pour conftater l'erreur des
quittances de fon fermier , à la bonne heure ; faute
de preuve du contraire de ce qu'elles énoncent ,
PRESCRIPTION.
elles fcroîent cenfées faites fur le pied de la confti-
tution primitive du cens. Mais dans notre hypo-
thefe , on ne voit pas que les quittances de fon fer-,
mier puiffent faire rejeter fa demande.
Remarquez , au furplus , que les quittances , pour
opérer la Prefcription de la quotité du cens , doi-
vent être pures & fimples , non équivoques, pour
un cens déterminé & fans réferve. Ainfi les quit-
tances indiquent-elles , tant de cens dû fur une
métairie & fes dépendances , fans déterminer la
quantité des terres ou des vignes ? En ce cas , point
de prefcription , à moins que cette quantité ne foit
conftatée par un aêie avoué du feigneur , ou fait
avec lui. On en fent la raifon ; c'eft que la mé-
tairie ayant pu être augmentée par des acquifitions
nouvelles , & tenues fecrettes , il feroit poflîble
qu'il y eût des articles pour lefquels il ne feroit
payé aucun cens au feigneur. a C'eft, dit Valin,
» à l'endroit cité , nombre 136, c'eft un des points
î» décidés par l'arrêt rendu au grand confeil le 30
)) mars 1748, au profit du chapitre de Saint-Mar-
)> tial de Limoges , comme feigneur du prieuré
» d'Afnay , contre M"" Jean-Baptifte Griffon ,
V avocat à la fénéchauffêe de la Rochelle ».
Autre queftion. Dans les coutuines qui déter-
minent elles-mêmes la quotité du cens , comme le
fait celle de Touraine, article 5 , la feule ceffation
de payement pendant trcntes années confécutives ,
fuffit-elle pour réduire au taux qu'elles fixent , un
cens que des titres particuliers portent à un taux
plus confidérable ?
Les avis font partagés fur cette queftion. Brillon , -
zu. mot cens y nombre 74, édition de 1727, dit,
en citant un arrêt du mois de février 1692 , rendu
dans la coutume d'Anjou , que « la quotité da
» cens eft prefcriptible , fans qu'il foit befoin d'ac-
i> tes contraires. Il fuffit (ajoute-t-il , & c'eft ce
» qu'a jugé l'arrêt), que depuis trente ans on
» n'ait payé aucun cens , pour autorifer le cenfi' <-■
j> taire à prétendre qu'il ne doit que le moindre
» cens dû par les héritages voifins dépendans du
)> même feigneur ».
Ce fentiment eft aufti celui de Bouault, dans
les notes manufcrites qu'il a laiffées fur la coutume
de Touraine. On a foutenu la même chofe dans
un mémoire imprimé en 1747, & l'on y a avancé
que c'étoit l'opinion de Pallu, page 12. « La note
» marginale (y eft-il dit) affure la réfolution né-
» gative à l'avantage du cenfitaire. L'apoftille de
n Dumoulin rapponée par Pallu, ne peut s'appli-
» quer , dans nos moeurs , que lorfqu'il s'agit de
» prefcrire contre le cens que la coutume fixe;
» prefcription dont le texte de l'article 5 parle ex-
» clufivement, & à laquelle fe rapporte la réflexion
)» féparée de Pallu ».
M. Cottereau (i) a prévu la queftion, mais il
ne l'a pas décidée. Rendre compte des raifons qui
peuvent être employées pour l'une & l'autre opi-
(i) Droit général de la ïiaace , &c. nombre 745 8.
PRESCRIPTION.
rion , c'eft à quoi il s'eft modeftement borné. Voici
d'abord ce qu'il dit en faveur de la prcfcription.
«I Le chef - cens , le cens fixé par l'article 5
« de la coutume de Tours , eft imprefcriptible
» comme la loi même qui l'établit; mais le cens
» foncier, la rente cenfiielle , en ce qu'elle excède
» le cens coutumier , n'eft qu'un fur-cens qui,
j» procédant du fait de l'homme, peut s'éteindre
« par la prefcription .... Il y a , ce femble , une
» différence entre la coutume de Tours & celle
» de Paris. La coutume de Paris déclare tout cens
» imprefcriptible : par cette difpofition générale ,
» le cens qu'un feignenr juflifie parle rapport d'un
j) titre, s'être réfervé , eft à couvert de la pref-
' » cription , à quelque fomme qu'il monte , à moins
» que des quittances depuis trente ans d'un moin-
5) dre cens ne faffent préiumei une dérogation à ce
'> titre. La loi ne diftinguant point, accorde le pri-
» vilè^e de l'imprefcriptibilité à toute convention
'» portant établiffement d'un cens. Difons mieux,
j) elle ne reconnoit que le cens conventionnel,
» auquel elle attache une prérogative fingulière.
» Au contraire, la coutume de Tours paroît dif-
« tinguerle cens coutumier & le cens convention-
» nel : elle lai (Te celui-ci fournis à la règle géné-
}) raie des prefcriptions auxquelles font fujcttes les
M conventions ordinaires; Scelle ne s'occupe que
>» de celui-là, le feul qu'elle prend foin de con-
î) ferver , parceque c'efl fon ouvrage , le feul qui ,
I) dans fon efprir, eft imprefcriptible , avantage
j> dont jouifTcnt tous les droits qu'elle établit »>.
D'un autre côté , M. Cottereau rapporte des au-
torités & des raifons qui combattent avantageufe-
ment cette opinion.'Il cite Baudoin & Bernard, dans
leurs notes manufcrites fur la coutume de Tours.
Voici les termes de ce dernier : » Il faut prou-
» ver pzr une fuite de quittances pendant trente
3' ans , qu'on eft en poffeftion de payer un moin-
» dre devoir. .Oppofer la Prefcription en cette
» matière , c'eft mettre en fait la poireffion tren-
» tenaire de payer un moindre devoir; & c'eft à
>» celui qui allègue le fait de pofTeffion , à le prou-
» ver par le rapport de fes quittances ».
A cette raifon qui paroît fans réplique, M. Cot-
tereau joint une réflexion également décifive. » On
i> peut ajouter, dit-il , que le cenfitaire doit prouver
« la coutume où il eft de payer moins que ce que
î) le feigneur demande , parce qu'il paroît que ce
» n'eft que dans le cas de cette coutume que l'art.
» 5 de Tours décide que le cenfiiaire a prefcrit ».
* Distinction Vliï. De la prefcription de la quotité
du cens y de la pan du feigneur.
Le feigneur qui a perçu d'autres & de plus grands
droits que ceux qui font établis par fes titres , a-
t-il acquis par-là le droit de continuer à l'avenir
cette exa(^ion ? Non.
La quotité des droits feigneuriaux une fois dé-
terminée , il n'eft plus au pouvoir du feigneur de
PRESCRIPTION.
397
l'augmenter; les déclarations contraires, la polltl-
fion même la plus longue ; tout eft nul , tout eft
regardé comme l'ouvrage de la furprife ou de la
force: il falloit bien que les lois élevaffent cette
banièie entre les tenanciers & les feigneurs ; il eft
fi facile à ces derniers d'abufer de l'ignorance des
habitans des campagnes , & de l'afccndant qu'ils ont
fur eux (1) !
On dit que la repréfentation des titres détruit
tout l'eflét de la pofteftîon du feigneur , quand
même cette polTelTion feroit appuyée fur des
déclarations émanées des cenfitaires. C'eft en eftct
la décifion de Dumoulin (2).
Mais il apporte une rcllrittion à cette règle (3) ;
il penfe que fi la polTefllon du feigneur remonte au-
delà de cent ans , elle forme en fa faveur un titre,
en vertu duquel il peut exiger tous les droits qu'il
a perçus pendant un auflî long efpace de temps :
Q^uia ex fubfecuti tanti temporis iifu ac patientiâ prct-
jumitur id oneris légitimé fuijp impojîium. Cette dé-
cifion eft conféquente à celle que l'auteur tient
dans tous fes ouvrages, que la pofTeflîon centi.-
naire eft un véritable titre , kabet vim tiiuli. Cette
maxime eft yraie, à bien des égards. Je crois cepen-
dant qu'elle ne doit ici produire tout fon effet que
lorfqu'on peut préfumer l'exiftence d'un titre anté-
rieur & légitime : mais fi les tenanciers ne jouiflênt
que des objets concédés par le titre primitif, con -
ment préfumer qu'ils fe foient volontairement &
Sciemment grevés de preftations plus onéreufcs
que celles que porte titre ; s'ils l'ont fait , c'eft un
effet fanscaufe, une furprife de la part du fei-
gneur ; s'ils ne l'ont pas fait , c'eft une ufurpation.
Si cependant des circonftances très-fortes , comme
une nouvelle conceft'ion , par exemple, rendoient
très-vraifembldble l'cxiftence d'un titre légitime ,
poftérieur au premier , alors la pofteftion cente-
naire , jointe à cette préfomption , pourroit fup-
pléer à ce titre , & c'eft dans ce cas-là feulement
que j'admettrois la reftriélion de Dumoulin. « Son
» opinion , dit Dunod, pourroit être foutenue dans
» le cas où les circonftances détermineroient à
M croire qu'il y a eu une jufte caufe d'augmenter le
(1 ) Il y a fur cela un trèi-heau paffagt de Dumoulin. Dotni-
Bus non poterie pr^rctibere jus ipfum cecipiendi rel exigenJi
aliquid ia fututum , ratione feudi , quod non (ît debitum per
confuetudinem , vel quod per conditutionem fcudi appiiea
indcbitum , undè II appaieat de originali conceflione feudi ,
vel aiio jufio ticulo ex fpcciali paclo feudum cfle vel fuifle
liberum à rclcvamentis ; eciam li patronus pofteà probec fc
exegiffc relevanienla contingentiaper fpadum 50,43, vel
So annorum ; puto quod non prodefi. lîbi pro future tcm-
porc, fed quôd etiam tcnebitur reftituerc quar petcepit i }o
annis fuprà. Sur l'anciennt (outume de Paris , $. 7 , n°. 1 <.
(2) Recognitio tanquàm erronea céda: veritati prioiis in-
veftitura:, vclconce/Tionis, ca probata, quia lîrapJex recogni-
tio vel renovatio non dïfponit nec immuta: lla:um rei undc
probaca ptima inveftitura , ei ftatus , ei recogniiio fequens ,
tamquàm erioBca &: quatcnùs comtatia & rcjici;ur. Coutume
, de Paris, §. çi , ^^ 10.
(}) Sut l'aaicle 7, n". iS»
39^? PRESCRIPTION.
>' cens V. Traité des Prefcriptions , part. 3 , cha-
pitre 10.
Distinction IX. De la Prefcription de Vcfpcce du
cens.
Le cenfitaire qui depuis trente ans paye en de-
niers un cens conflitiié originairement en grains ,
peut-il être contraint à payer dans la fuite , confor-
mément au titre originaire ? Prefque tous les au-
teurs qui ont écrit lur les cenlives , ont traite cette
queftion. La plupart diftinguent le tiers-acquéreur ,
de l'héritier ou repréfentant du premier cenfitaire,
C eft ce que remarque Dunod dans fon traité des
Prefcriptions , partie 3, chapitre 10: « Prefque
« tous les nuteurs , dit-il, eftiment qu'il n'y a pas
» lieu à la Prefcription, parce que , difent-ils, elle
>' détruiroit le cens , en détruifant fon efpèce & fa
î» qualité, à moins que ce ne fût en faveur d'un
>» tiers-acquéreur auquel on auroit donne une qua-
» litéou une efpèce difl'érentc du titre primitif,
»' qui pofTéderoit en vertu d'un titre nouveau , &
» qui feroit en bonne foi ».
Le tiers acquéreur peut donc prefcrire l'efpéce
du cens ; encore faut-il qu'il trouve dans fon con-
trat un fondement à cette Prefcription. A l'égard
des autres tenanciers , la poflelTion la plus longue
efl infuffifante pour convertir le cens d'une efpèce
dans une autre ; & fi-tôt que le titre efl: rcpréfentc ,
il faut qu'ils fe conforment à fes di(pofiiions. Telle
eft l'opinion régnante ; elle eft très-ancienne , & on
la trouve par-tout : eft-il donc permis de la difcu-
ter? Pourquoi non ? Les jurifconfultes feroient-ils
les feuls condamnés à fe traîner fur les idées les
uns des autres ?
Si on examine les motifs qui ont décidé les au-
teurs , on voit qu'ils fe fondent finguliérement fur
trois arrêts du parlement de Paris ; le premier qui a
été rendu le 24 mai 1 581 , en faveur du roi de
Navarre , en qualité de comte de Marie en Ver-
mandois , a condamné un tenancier à donner au
feigneur de Marie une poule par année, coofor-
jnément au titre primitif, quoique ce tenancier iùt
en poffefnon depuis foixante ans de ne payer que
cinq fous. Cet arrêt efl le premier que je connoifle
fur cette queftion ; Chopin le rapporte fur la cou-
tume d'Anjou , partie 2 , chapitre i , titre i , n". 4.
C'eft d'apiès lui que tous les auteurs le citent ; mais
on ne voit nulle part ni l'efpéce, ni les moyens des
parties , ni les motifs fur lefquels il a été rendu.
Comment affeoir une décifion fur une pareille au-
torité ? qui fait s'il n'efl pas le réfultat de quelques
circonflances de fait .'' Il n'efl rendu que contre un
particulier ; peut-être l'univerfalité pnyoit-elle la
preftation en efpèce. Si cela étoit , l'arrêt n'auroit
jugé autre choi!c , fmon que la pofleOlon d'un droit
univerfel fur la plus grande partie le c«nferve fur
tous. Enfin , de quelque manière que ce foit , il eft
très-poflible que Cet arrêt n'ait pas jugé la quef-
tion. Commençons donc par l'écarter.
Les deux autres font rapportés par Mornac , fur
PRESCRIPTION.
le digefte , titre de contrahendâ emptione. Le premier
efl du 29 décembre 16 11 ; & le fécond du 8 mars
1612. Cet auteur nous a tranfmis quelque chofe du
fait & des moyens fur lefquels ces arrêts ont été
rendus. On voit que celui de 1612 n'cft nullement
dans l'efpéce ; il s'agiiToit , non d'un cens , mais
d'une redevance de cinquante livres de cire dues
par un évêque à fa cathédrale , redevance que l'é-
véque avoir convertie en une preflation de liuit
livres en argent , & qu'il fut contraint de payer en
cire , conformément au titre de fondation. Quelle
conféquence peut-on tirer pour la cenfive d'un pa-
reil arrêt } Cependant quantité d'auteurs le rap-
portent comme ayant jugé une qucflion cenfuelle.
Quelle confiance peut-on après cela leur accorder?
Refle donc uniquement l'arrêt du 26 décembre
1611. Mornac nous a confervé les moyens du fei-
gneur ; le principal étoit tiré de la loi in vendiiioni-
bus , au digefle , de contrahendâ emptione. Cette loi
porte offeélivement : Nihil faut error nominis cbn
de corpore confiai. ( L'erreur de nom ne fait rien ,
lorfqu'il confie du corps ). On a. conclu de-là, que
lorfqu'un feigneur avoit reçu par erreur une pref-
tation pour une autre, cette erreur ne devoit avoir
aucune influence , quand le corps & l'efpéce de
la preflation étoient déterminés par le titre ; mais
il ne faut que jeter les yeux fur l'efpéce de cette
loi , pour fentir qu'elle ne peut avoir aucune appli-
cation au cas dont il s'agit. Le jurifcor,fuIte (iip-
pofe qu'un objet a été vendu fous une autre dé-
nomination que celle qui lui appartient ; & il
décide que la vente efî valable, lorfque l'erreur
tombe uniquement fur le mot , & non fur la chofe ;
c'efl-à dire, lorfque le vendeur reçoit ce qu'il en-
tendoit réellement acquérir. Si in nomine di(fen'
tiamus , veriitn de corpore confiât , venditio valet.
Telle efl la lettre de cette loi ; qu'elle analogie a-
t-elle avec notre objet? Certainement le jurifcnn-
fulte n'entendoit pas décider une queflion dePref^
cripiion , encore moins une queflion de mouvance.
Comment donc ces hommes éclairés ont -ils pu
donner dans une pareille méprife ? La chofe efl
fort fimple. Après dix fiècles d'oubli , le droit ro-
main reparut en Europe comme une efpèce de
météore ; la lumière qu'il répandit fixa tous les re-
gards ; on l'avoit négligé avec la plus étrange barba'
rie ; on l'étudia avec i;ne forte d'e^nthoufiafme, &
on crut y voir la décifion de tous les cas pofiibles.
Voilà la marche de l'efprit humain ; le premier pas
qu'il fait après être forti d'un extrême , efl prefque
toujours pour fe jeter dans un autre.
Tels font les trois arrêts qu'on trouve cités par-
tout comme le fondement de la jurifprudence ac-
tuelle: le premier ne prouve rien; le fécond n'efl
pas dans l'efpéce , & le dernier porte fur une
équivoque.
Les auteurs qui n'ont pas voulu paroître plier
uniquement fous l'autorité de la jurifprudence ,
ont raifonné fur cette queflion ; & voici à quoi fe
léduit leur raifonnement : Cette Prefcription ne peut
PRESCRIPTION.
pas avoir Heu, parce quelle détruirait le cens en dè-
truifant [on efpèce & fa qualité. On convient qu'il
faudroft rejeter une Prei'cription qui détruiroit le
cens ; mais eft-ce là TcfTet dont il s'agit ? qu o-
père-t-elle ? Rien autre chofe qu'une lunple con-
verfion, qui n'influe en aucune manière fur la na-
ture des chofes , puirqu'avant comme après cette
converrion, il exifte toujours un cens ayant , com-
me l'ancien, efpèce & qualité. Mais lailTons cette
difcuffion critique , & cherchons dans les lois féo-
dales la décifion de notre difficulté.
Les droits féodaux font de trois fortes , les ef-
fentiels , les naturels , & les accidentels ; on dif-
tingue pareillement dans une mouvance cenfuelle,
ce qui eft de fon eifence , ce qui ei\ de fa nature,
& ce qui ne lui eft qu accidentel. La rétention du
domaine direèl eft la feule chofe qui foit de l'ef-
fence de cette mouvance , elle peut exifter fans
aucune preftation qui en foit récognitive ; il y en
a des exemples : ainfi un fief peut être affranchi
du quint, du relief, même de la préfentation de
•la foi au dominant ; mais cette efpèce de mou-
vance a paru trop niétaphyfique , on a cru devoir
y attacher des preftations réelles. Les coutumes
admettent ou fuppofent ces preflations; elles font
de la nature de la mouvance; & le feigneur peut
les exiger fans autres titres que la coutume & lexif
tence de fa directe; mais quelle que foit cette pref-
tation , en efpèces ou en argent, confidérable ou
de la plus mince valeur, elle remplit également
le vœu de la loi ; elle veut bien , cette loi , fe char-
ger d'établir & de conferver une redevance réco-
gnitive , un cens , en un mot , mais non pas tel ou
tel cens; la forme, la quotité, l'efpèce de cette
prédation , tout cela eft donc purement acciden-
tel ; ainfi la rétention du domaine dire61 forme
l'effence de la mouvance cenfuelle. Le cens eft la
feule chofe qui dérive de la nature de cette mou-
Yance ; mais l'efpèce du cens eft purement acci-
dentelle , & ne dérive que des conventions. Or ,
c'eft un prmcipe inconteftable que ce qui n'eft
qu'accidentel & conventionnel , eft fujet à la Pref-
cription.
Encore un mot ; les auteurs tiennent tous que
le tenancier peut prefcrire la quotité du cens ; mais
cette diminution ne détruit-elle pas bien davan-
tage le cens , que fa converfion d'une efpèce en
une autre ? La plupart de ces mêmes auteurs ad-
mettent la Prefcription de l'efpèce en faveur du
tiers acquéreur ; ils fie regardent donc pas l'ef-
pèce même comme formant la fubftance de la
prcftation. *
A ces raifons, fe joint l'autorité d'une de nos
lois municipales. La coutume de Clermont en Ar-
gonne , chapitre 14 , article 7, décide exprcffé-
nient que la qualité du cens peut fe prefcrire (i).
(I) Voici Tes termes : « Le premier cens ()ue )e feigneur
» conftitue fur fon héiitage eft imprefcriptible à jamais ;
» uuis la fjualité Judi( cens 5c arrérages d'icelui fe peuvent
PRESCRIPTION.
399
Distinction X. De la Prefcription de f obligation
de porter le cens,
* Cens efl portable & non requérahle ; c'eft une ma-
xime du droit commun. Le feigneur qui a eu la
facilité d'envoyer chercher le cens pendant trente
ans, a-t-il perdu le droit d'exiger qu'on le lui ap-
porte chez lui ? Ricard , fur l'article 35 de la cou-
tume de Paris , rapporte un arrêt du 24 mai 1 586 ,
rendu à la troifjéme chambre des enquêtes, « qui
» a jugé que le droit de faire porter par les tenan-
'> ciers, à la maifon du feigneur , le cens qu'ils
» lui doivent , ne peut être prefcrit par quel-
» que temps que le tenancier ait payé en fa mai-
» ion M. Je crois cet arrêt dans les vrais principes;
le cens eft une preftation tout-à-la-fois utile & ho-
norifique; ce double caraflère en forme l'efTence ,
6c l'obligation de porter le cens confthue , au moins
en plus grande partie, cet honorifique. Prefcrire
contre cette obligation , ce iéroit donc dénaturer
la chofe & convertir le cens en redevance fon-
cière ; converfion que la feule Prefcription ne peut
pas opérer , parce que la nature de la ceniive ré-
clame perpétuellement *.
Plufieurs Feudifles , & notamment Pocquet de
Livonière , page 537 , citent , pour appuyer cette
jurifprudencc, un arrêt rapporté au journal du pa-
lais , fous la date du 7 aoîit 1682. Mais s'ils avoient
pris la peine de lire dans ce journal même , ils au>
roient iénti qu'il ne peut pas avoir jugé la quef-
tion. D'un côté , le feigneur prouvoit qu'il ne pou-
voit y avoir contre lui que vingt-quatre ans de
poiTeliion utile. DeJ'autre, la conteflafion éroit
dans la coutume d'Auvergne : or , cette loi décla-
rant le fonds même du droit de cens prefcriptible
par trente ans , il ne pouvoir y avoir de doute
fur la prefcriptibilité de la manière de le payer.
* Distinction XI. De la Prefcription des arrérages
du cens & des droits échus.
Dans l'article 7 de l'ancienne coutume de Paris ,
il n'étoit pas parlé des droits & profits féodaux (fus
par le vafTal ; il étoit feulement dit que la Pref-
cription n'avoit pas lieu entre le feigneur &. le
vaffal ; mais les réformateurs de la coutume trou-
vèrent à propos de mettre à la fin de l'article lî
de la nouvelle , que les profits de fiefs échus fe
prefcrivent contre le feigneur par trente ans.
11 y eut fur ce point des conteftations dans l'af-
femblée des états. Les eccléfiafliques requéroient
qu'au lieu de trente ans , il fût mis quarante ans
pour l'églife, comme il s'obfervoit avant la réfor-
raation. Les religieux de Saint- Denis en France &
les chevaliers de Malihe ou de faint Jean de Jéru-
falcm , remontrèrent que par privilège fpécial ,
confirmé par les papes & par les arrêts de la cour ,
îj prefcrire par trente ans , conmie aufii tous auuei cens le
n furcens depuis le premigi cens »,
400 PRESCRIPTION.
on ne pouvoir poinr prefcrire contre ciix , même
par cerit années. La nobleiTe & le tiers-état foiitin-
rent , au contraire , que la Prescription de trente
ans devoir avoir lieu en ce cas contre toute per-
fonne fans diftintStion. Enfin le procureur du roi
prorefta que cet article ne pourroit nuire ni préju-
dicier aux droits du roi.
Cependant ces profits fe prefcrivent par trente
ans contre Téglife.
Bacquet , dans fon traité du droit de déshérence ,
remarque une ientence des requêtes du palais du
9 mars 158c , qui l'a jugé ainfi contre les religieux ,
prieur & couvent de laint Martin-des-champs , au
profit de Nr Louis Bernage , avocat au parle-
ment , qui fut renvoyé abfous de la demande à lui
faite pour le payement , des lods & ventes d'une
maifon par lui acquife dans la cenfive des reli-
gieux , avec condamnation de dépens , parce qu'il
y avoit plus de trente ans que l'acquifuion étoic
faite.
Ce même auteur remarque une fentcnce du pré-
vôt de Paris , par laquelle il fut juge que ks reli-
gieux ne pouvoient demander que vingt neuf an-
nées d'arrérages des rentes , & un arréc donné à
l'audience, entre Mathurin Cordac, appelant d'une
fcntence donnée par le juge de Loudun le 22 juin
1571 , d'une part; & les religieufcs , abbeiTe &
couvent de Poitiers , intimés , d'autre. *
M. Olivier de Saint-Vaaft , fur les coutumes du
Maine & d'Anjou, tome 4 , page 237, fait men-
tion d"une fentcnce de la fénéchauftée du Mans
du 23 juin 1700, qui a décidé la même chofe con-
tre les religieux du Perray-Neuf.
• La raifon en eft , que ce font des fruits féparés
du fonds , & qui , par conféquent , n'en font point
partie *, quarum obventionum , fc'dicet cundiSio ex
lege municïpali , & ea propter illis prefcnbhur [patio
30 annorum , ut in omnibus perfonahbus ubtina. L.
ficut, C. de Prtfcript. 30 vel 40, annor . ^-àxio^Q ,
fur la loi malc agiiur , au même titre , ajoute que
ces droits appartiennent non à l'églife , mais aux
bénéficiers & titulaires des bénéfices; ainfi il ne
s'agit pas de l'intérêt de l'églife. Il eA iuftc qwe les
titula'ires fcrîent punis de leur négligence , s'ils
n'ont pas exigé les droits & profits cafuels qui
leur étoientdus durant ua temps auffi confidérable
que celui de trente ans.
n Les droits féodaux qui font échus fe prcfcri-
j> vent par trente ans contre le feigneur, même
») contre l'églife , à moins qu'il n'y ait faifie ou
» inftance pour raifon d'iceux >n Ce font les ter-
mes de Billecocq , des fiefs , liv. 4 , chap. 70.
C'eft donc un principe certain que les droits
féodaux échus fe prefcrivenr par trente ans , même
contre l'églife. Mais la même Prefcription a-t-el!e
lieu contre le roi ?
Dumoulin tient l'affirmative , & fon opinion a
été fuivie par les modernes.
M A l'égard des lods & ventes , quints , rc-
V quints, reliefs & autres profits dus au roi, à
PRESCRIPTION.
« caufe des vendltions , aliénations & mutations
»> de fiefs mouvant de fa couronne , patrimoine
»i 8c autres héritages tenus en cenfive de fa ma-
» jefté ; & tient-on que tels droits fe prefcrivent
» contre le roi, & pareillement contre les perfonnes
') eccléfiaftiques par trente ans ? » Bacquet , du
droit de déshérence , chapitre 7 n".
» On tient que cette Prefcription de trente ans
» a lieu , même contre le roi i>. Duplefiîs fur Paris ,
» du franc- al eu , livre 2 , chapitre i.
« Cette Prefcription a aiifli lieu contre le roi ,
» Billecocq , des fief , , livre 4 , chapitre 70 , parce
» qu'il ufe du d. oit commun à cet égard n. Bro-
deau , fur l'article 1 2 de la coutume dt Paris , n". 12.
A-t-elle lieu contre les mineurs.^ Dumoulin ef-
time que non; voyez les raifons qu'il en donne,
§■ 7 de l'ancienne coutume de Paris, n°. 41. Bille-
cocq fe range de fon parti (i).« Profits de fiefs fe
»' prefcrivent par trente ans entre majeurs », dit
Brodeau (2). D'où il réfulte , fuivant cet auteur,
que cette IVefcription ne court point contre les mi-
neurs. C'eft ce qu'enfeigne pareillement Dupleflis ,
dufranc-alcu, livre 2 , chapitre i.
L'opinion contraire a trouvé des partifans.
" Néanmoins, parce que la coutume parle géné-
" ralement & établit une Prefcription ftatutaire ,
)' il eft certain que les mineurs ne font pas excep-
» tés , & qu'après trente ans ils ne font plus en
" état d'exercer le retrait féodal , demander les
M ventes & honneurs, quoique le contrat ne leur
» ait pas été exhibé ». Ainfi parle Boucheul fur
l'article 26 de la coutume de Poitou , n°, 28. « Il
» cite Thevenot , Lelet , Confiant & Filleau fur cet
« article , & un arrêt du parlement de Bordeaux de
» l'an 1599» remarqué par Automne en fa confé-
» rence fur la loi 5 , C. in quib. cauf. in iniegr.
» refît t. » *.
On peut y ajouter un Arrêt du parlement de
Touloufe du 7 juillet 1583, rapporté par M. May-
nard , livre 4 , chapitre 46.
En parlant , comme nous l'avons fait jufqu'ici ,
de la Prefcription de trente ans, nous avons eu
en vue le droit le plus général de la France ;& en
effet nous avons établi à l'article arrérages que la
difpofition de l'ordonnance de Louis XII de 1 5 10 ,
n'a pas lieu relativement aux cens & rentes fei-
gneuriales.
Mais il y a bien des coutumes Se des provinces
où les arrérages de ces objets font fournis à une
Prefcription plus courte.
Nous ne parlons pas des coutumes qui, mécon-
noilTant la Prefcription trentenaire, y ont fubftitue
léeile de vingt ou de vingt-un ans. On fent bien
que dans leur territoire , les arrérages de cens ne
peuvent être plus privilégiés que les allions per-
fonnelles fondées fiir des contrats. Auffi y tienç-
on pour maxime qu'ils font fournis à la Prefcription
(i) Loco citaco.
(.:J Loco çiuto.
ordinaire
PRESCRIPTION.
ordinaire : la coiuiime de la gouvernance deOouai
en contient même une dirpofuion exjjrefle (i).
Mais il y a des coutumes qui ont établi pour les
arrérages de cens ik de redevances feigneuriales ,
des Prefcriptions tout-à-fait particulières.
Celle de Bourbonnois, article 18, décide que
les u arrérages de cens & autres deniers portant di-
»> re61e feigneurie , fe prefcrivcnt par dix ans ».
La coutume de Metz , titre 1 4 , article 7 ,dit à-peu-
près la même chofe : « Quant aux arrérages defdi-
» tes rentes & droitures feigneuriales , ils ne pour-
« ront être demandés que de dix ans ».
Dans la coutume de Saint-Mihiel, « les arréra-
« ges de cens.... ne peuvent être demandés de plus
» que des cinq dernières années v. C'eft la difpo-
fulon de l'article 11 du titre 10 de cette loi. On la
retrouve dans la coutume de Berry , titre 12 , arti-
cle 8 , mais avec une exception : fans toutefois y
comprendre les arrérages du cens dû au roi.
Les anciennes ordonnances de Franche-Comté
aflujettiffent également à la Prefcripiion quinquen-
nale , les arrérages des cens & redevances récogni-
tives de la dircÔe.
<t J'ai vu prétendre , dit Dunod , partie 3 , cha-
« pitre 10, que cette Prefcription étoit interrom-
i> pue par des billets affiches , ou des proclamations
>» faites à l'iffue de la mefle paroiffiale , pour les
» cens dûs aux feigneurs. Mais ce devoir que le
» cenfitaire peut ignorer , n'cft pas fuffifant pour le
n mettre en demeure , & notre ordonnance de-
» mande une interpellation judicitlle ou extra-
î) judicielle , qui doit être faite à la perfonne du
» débiteur ». C'eft auffi ce qu'enfeignent Soia , un-
ies ftatuts de Savoie, glofe iket jure , nombre 7 ;
Collet fur les mêmes lois, livre 3 , fedlion i, re-
marque 3 , & Revel remarque 51.
Suivant la coutume delà Marche, article 177 ,
le feigneur ne peut demander que quatre années
d'arrérages de cens.
Enfin il y a des coutumes qui déclarent les arré-
rages Je cens prefcriptibles par trois ans. A celles
que nous avons citées plus haut , fedion 2 , §. 6 ,
il faut ajouter celles de Normandie , & de la châ-
tellenie de Lille (2).
La première , après avoir décidé par l'article 21 ,
que les arrérages des rentes feigneuriales dues aux
hauts jufticiers , ne fe prefcrivent que par trente
ans , & que par conféquent on peut en exiger vingr-
(1-) Voici ce qu'elle porte , ritre I , article 19 : « qu'il eft
M permis auxdics feigneurs vicomtiers , par faute de rentes
» non paycet &cjujqud dix-neuf années i' arrérages inclufi,'e-
M mfnc, faire faiûr les hétitages d'eux tenu; ». On apperi^oic
aif.-ment pourquoi cette coutume ne permet pas aux feigneurs
d'exiger plus de dix-neuf annû-es d'a;rér.ipcs. C'eft qu'après
vingt ans, il y a toujours une année prcfcrite, & qu'ainfi il
re peut jamais en être dû plus de dix-neuf.
(i) Nous pourrions dire, foi;î /ci P;ys-Bas, lî on de voit
avoir égard au placard de Ph'rppc II , roi d'Efpagae , de
1^71, rapoorté dans l'addition à l'article Rbnte. Mais,
comme on Je verra an même endroit , la dirpcfition d; ce pla
card e;^ touil-'c'e daui une défuctaJe géntraJc.
itiinc xni.
PRESCRIPTION.
401
neuf années , ajoute, article 31 , que les bas-jufii-
ciers n'en peuvent demander quir trois ans , à moins
qu'il nappa-oijfe de la preinicre fiefe , par générale hy-
pothèque (i).
On a demandé , d'après cette difpofitlon , fi
l'aîné d'un tenement qui a acquitté tant pour lui
que pour fes puines , plus de trois années d'une
rente qu'ils dévoient folidairement avec lui, au
feigneur bas-jufticier de qui relevoit leur héritage ,
pouvoir les pourfuivre pour le rembourfement de
tout ce qu'il avoit payé pour eux, ou s'ils pouvoicnt
luioppofer la Prefcription triennale.'' Deux arrêts du
parlement de Normandie des 16 juillet 1654 (2)
( r ) et Ces paroles ( que ncus avons niifes en italique ) fonc
» ici , dit Bafnage , employées fort mal-à-propos , & il eît
» mal aifé de leur donner un fens raifonnable. S'il ell nccef-
u faire que la première fîeffe contienne une générale hypo-
>• thèque pour donner droit au feignetirde demander plus de
» trois années , il s'enfuivra par la même railon qu'on pourra
»j aulli demander plus tie trois années d'une rente foncière ,
» Ictfque Je bail à rente ne contiendra point la claufe d'une
3> hypothèque générale , cette paûion n'étant pas moins rc-
» quife pour les rentes foncières que pour les feigneuriales ,
>• puifqu'elles or t un même principe , &; qu'elle* font créées
» pour le bail à rente ou fieffé d'hciitage ; la feule différence
» confiftant en ce point , qu'il n'y a que celui qui a droit de
" hef qui puiffe créer une rente feigneuriale. Et c'eft pour-
M quoi Godefroi fur cet article, dit qu'en contéquence de
» ces paroles , s'il n'apparoit de la pren-ière fieffé par gérerait
» hypiithîque , il avoir toujours cru qu'on ne pouvoit deman-
» der plus de trois années d'arrérjges d'une tente foncière,
" &: toutefois il eft d'un ufage certain & notoire qu'on peuc
>t en demander jufqu'à vingt-neuf années. Il eft bien vrai
•1 que quand il s'agit du dcguerpifTement d'un héritage, le
» preneur n'y eft point re(,u , quand par Ja fieffé ou bail â
»> renre , il y a une obligation & une hypothèque générale
•j fur tous lej biens. C'eft en ce cas que cette claule peut va-
M loir & opérer, mais ce ne doit point être en vertu de cette
n c'iâufe que le feigneur adroit de demanJer vingt-neuf an-
" nées ; car la générale hypothèque ne fait rien pour le nom-
• bre d'années, & le défaut de cette ftipulation n'a point été
n auffi le motif qui a porté nrs légiilateu.s à réduire & liaii-
•» ter à trois années la demande des arrérages des rentes fei-
» gneuriales: i's ont eu ceté^ard, que les rentes feigneu-
>3 riales étant fouvent de peu de confcquence , il feioittrop
« in;ommode à un vaffai de conferver ff j quitanccj dutauc
>• tant d'années ; que d'ailleurs les feigneurs , 1; plus fou-
» vent , n'en donnent point , & qu'ils fe contentent d'cm-
» ployer les payemens fur leurs journaux; &: enlin , que le
» feigneur ayant fa jufticc &: (e% plaids de gage-pleige qu'il
" fait tçnirexpreflcment pour le payement de fes rentes , &:
» poiivant même punir par amendes ceux qui n'y viennent
» point , ou qui ne payent point leurs rentes , on ne préfume
» pas qu'il ait négligé fi longtemps de s'en faire payer, Se
» par conféquent il etoit raifonnable de limiter le temps de
» cette aûion, pour ne leur donner pas un moyen de faire
M de la vexation à leurs vaflaux «.
(1) Voici T'-foèce de cet arrêt , telle que la rapporte Baf-
nage , article 51.
« M' Pierre Dufour , avocat .i Caujebec , avoit payé toutes
» les rentes d'une aîncfTe dont i! étoit le chef, ou pour ufef
» du terme de Normandie , le porteur en tvjne ; il en avoit
>• arrêté les comptes avec le feigneur , mais en l'abf.-nce des
a puîné*. Dufour ayant demandé à Fierté leMoyne, cura-
» teur de Raulin le Maffon , vingt-neuf aniues par récom-
» penfe , on maintint contre lui que n'agifl'ant qu'au droit
1* du feigneur , il ne pouvtfiit demander ^Iw. de trois années.
Ëe c
401 PRESCRIPTION.
& 14 mal 1675 (i) , ont jugé pour ce dernier parti.
A l'égard de la coutume de la châtelleHie de
Liile , voici comment elle s'explique , titre pre-
mier, article 47: « Quand un feigneur... procède
j> par plainte à loi & laifie d'héritages... , pour avoir
H payement de plufieurs années de rentes feigneu-
V riales excédant trois années, l'héritier, s'il con-
3) dut à ces fins, fait à déclarer quitte en payant
3) feulement lefdites trois années dues, au jour de
j) ladite plainte ".
Cet article a donné lieu à plufieurs queftions fur
lefquelles il ne fera pas inutile de nous arrêter un
inftanr.
Par qui la Prefcription dont il s'agit peut-elle être
oppoféc ? Par Vhér'nier , répond la coutume , c'efi-
à-dire , par le propriétaire du fonds : car , dans le
langage de cette loi , as deux expreffions font (y-
Bonimes. Elles le font également dans plufieurs au-
tres coutumes. Voyez l article Héritier.
Mais ce mot hérïtitr eft il abfolument reftriiflif ,
& , en conféquence , doit-on faire ceflfer la Prefcrip-
tion de trois ans , lorfqu'elle efl: oppofée par des
créanciers dans une difcufïïon de biens .'' L'affirma-
tive a été adoptée par une ancienne fentencc de li
gouvernance de Lille, dontileft fait mention dans
un commentaire manufcrit que j'ai fous les yeux.
M. PoUet , partie 2 , § 10, nous apprend même
que telle étoit encore de fon temps l'opinion com
inune des praticiens. Mais , comme il le remarque
très-bien , c'ert une erreur infoutenable. « On fent ,
» dit il , pourquoi la coutume a einployé le mot
1» hir'itier. Comme elle traite de la plainte & faifie
3) du fond , elle ne doit regarder pour oppofant 'nie
» l'hiritier ou détenteur du fond ». Voyez al? fur-
plus le §. 4 de la feéiion i de cet article.
Lorfque le feigneur , au lieu de prendre la voie
de plainte & de faifie , vient former une oppofition
à fin de conferver , fur des deniers confignés foit
ï> Oufour prctendoit qu'à Ion égard ce n'âoic qu'une rent>;
»3 foncière , comme li l'aîné avoit rehaillé en fiefteà Tes puînés
M une portion de: fon tenciiient. Par arrêt du i é juillet i 6 j 4. ,
» Jes puîn's f"u;enc condamnés feu.'ctuenc au paye;iicnt do
» irois aiiuces , laiit'audi: Oufour j faire apparoir de diligen-
» ces bonnes & valables, & d'adtc judiciaire, auquel cas le
a» puîné ilcoit àès à préfent condamr.'î à Ta rccoinpenfe ».
(i) Cet arrêt , dit Bafnage à l'endroit ciré , a été rendu en-
tre Nicolas de Grieu , appelant , Se Simon le Cordier , in-
tirT.;. '.c (îeuî le Coidicr avoit fait condamner l'appelant en
fa récompenle de plulîeiirs années de rentes feigneuriales qu'il
avoir payées comme aîn'; au feigneur féodal. De Grieu, pour
moyc'.is d'appel , s'aidoit de l'arrêt de Dufour, qu'à propre-
ment paiJer le iburenant ne doit rien au feigneur, parce
«qu'ils Ibnt tenus de payer aux mains de l'aîné, autrement on
rendroit cet article iliufoirc: le feigneur bailleroit une quit-
tance à l'aîné, pour avoir un iHoyen de demander plus de
trois années au puînc Gréard pour l'intimé convenott que la
queliion avoit été décilce par l'arrêt; mais il demandoit à
prouv.rfj'ie l'appelant lui avoit promis diverfes fois de le
payer, Piulîeurs ne turi:nt pas d'avis de recevoir cette preuve ,
& que l'aîn; n'étoir point recevable à demander plus de tiois
»'inées fans diligences va ables ; il fut dit néanmoins avant
«jue de faire droit fur l'appel , que riiuimé fcroit la preuve
.^ fon fait.
PRESCRIPTION.
par lin acheteur qui a obtenu des lettres de pur-
ge (i) , foit par un adjudicataire fur décret forcé,
peut-on exciper contre lui de la Prefcription éta-
blie dans l'article 47 de la coutume , 5c le réduire ,
en conféquence , a trois années d'arrè.ages ?
M. Pollet , à l'endroit cité , dit avoir vu loutenir
oc pratiquer la négative. " On prétend ( ce font
" fes termes), que l'exception portée par cet sr-
" ticle , a feulement lieu lorfque le feigneur s'eft
» pourvu par la voie de plainte & de faifie ».
Mais, cortinue-t-il , » cette reflridion cft con-
» traire à l'efpritde la coutume. Selon l'article 48
» le feigneur ne peut pourfuivre les a;rérages de
» la rente feigneuriale que par aélion réelle fur le
» fond qui en eft chargé. Elle ordonne par l'arti^
» cle 47 , qu« tous les arrérages antérieurs aux
» trois dernières années feront prefcrits. N'eft-ce
» pas la rendre abfurde que de vouloir que la
'» Prefcription ne puifie avoir lieu , quand le fei-
» gneur agit par une voie qui ne lui eft pas per-
» mifc ï) ?
Ce ne font point l'i les feules erreurs que l'aveu-
gle routine des praticiens a apportées dans l'inter-
prétation de notre article.
On a pràendu que nonobftant l'offre faite avant
la plainte & faifie , de payer les trois dernières an-
nées , le feigneur à qui il en feroit diJ davantage ,
demeureroit en droit de fe pourvoir contre fon
cenfjtaire, & que celui-ci ne pourroit profiter de
la Prefcription dont il exciperoit , qu'en payant les
frais des pourfuites poHérieures à fon offre.
" Cette opinion , dit M. Pollet , choque toutis
» les règles de la juftice , de l'équité & du bon fens.
- » La Prefcription des années antérieures aux trois
» dernières , e(l encourue du moment que la der-
» nière des trois eft échue , 8c ne dépend point de
» la plainte. Pourquoi le débiteur ne pourroit-il pas
» s'en fervir avant la plainte .'' L'offre du payement,
>» refufèe par le feigneur ,1e conftitue en défaut i
» & il feroit injuHe de lui conferver le droit de
» caufer au débiteur les frais d'une plainte & d'une
» faifie , par lefquelles il ne pourroit obtenir que
» ce qu'il auroit rcfufé.
» La qiiedion a été jugée contre le feigneur par
» arrct rendu au rapport de M. de Flines du Trof-
» noy le 28 avril 1702, entre M^ Jean Delemer,
» curé du village de Gondecour , appelant du
n bailliage de Lille . & Martin Warefquiel fieur
» Defcaudeliers , intimé ».
Autre erreur. On tenoit autrefois , il a même
été jugé par une fentence de la gouvernance de
Lille de 1602, & quelques praticiens , dit M. VoV
let , tiennent encore aujourd'hui , que fi le cenfi-
taire dénie la rente dont le feigneur pourfuit le
payement , il ne p^vit pas invoquer fubfidiairement
la Prefcription triennale. On prétend jufiifier cette
opinion par la loi cùm de indebito , qui eft la 25^ ,
D. de probationibus , 8c on afiure qu'elle a été adop-
(i) Voyez FURCE.
PRESCRIPTION.
tée par un arrêt du psrlcment de Flandres du 24
décembre 1704 , rendu au rapport do M. Hanecart.
Voila des aurorircs graves , en apparence : mais
M. Follet les renverfe en peu de mots :
" On fait, dit-il , une mauvalfe application de la
»> loi càin de indebico. Cette loi porte , que lorfque
n celui de qui on répète une Tomme de deniers ou
w autre ciiole comme payée indûment , nie de l'a-
» voir reçue , & que le demandeur prouve l'avoir
J> payôe , le défendeur doit être chargé de prouver
" qu'elle lui étoit due. C'eA un principe du droit,
" que le demandeur doit faire preuve des faits fur
»> lefquels il fonde fes conclufions. L^ difpofition
" de la loi cîim de indebïto en efl une exception ,
" en haine de celui qui nie calomnieufement fon
» propre fait ; & il n'eft pas permis d'étendre à
» d'autres cas les exceptions introduites contre les
'» principes du droit (i). Il y a aulTi cette diffé-
»> rence , qu'il fe peut que celui qui nie que fon
»> héritage foit chargé de la rente , ne le nie pas
» calomnieufement.
» Pour ce qui touche l'arrêt rendu au rapport de
•>•> M, Hennecart, j'ai appris de' lui-même que la
» cour n'a point décidé la queflion , & que le pro-
»> ces a été jugé par d'autres moyens. Elle avoit
» même été décidée au contraire par un autre arrêt
»> rendu , au rapport de M. de Ruffy le 30 oflobre
>» 1702 , entre le baron de Portes, appelant du
n bailliage de Lille, & le fieur Stappart, intimé ».
Remarquez au furplus, qu'il y a dans le reffoit
de la coutume de la châtellenie de Lille , un ar-
rondiffement particulier où les arrérages des rentes
felgneuriales font affranchies de la Prefcription de
trois ans. C'eft de la coutume du chapitre de
Saint-Priat de Seclin que nous votilons parler : elle
décide, article 6, «qu'en l'échevinage de l'égtife
« de Saint-Priat & es feigneuries particulières ,
I) iceux feigneurs peuvent pourfuivre leurs rentes
« pour toutes années & termes qui en peuvent être
»» dus , & doivent être payés de toutes arrérages ,
» jaçoit qu'ils excèdent trois ans ». Cette coutume
lecale , rédigée comme celle de la châtellenie de
Lille en 1565, n'a reçu aucune atteinte par le pla-
card de 1571 , & depuis, comme avant ce placard ,
on y a toujours tenu pour conftanr , que les rentes
feigneuriales n'étoient pas fujettes à la Prefcription
de trois ans. C eft même ce qui a été jugé formel-
lement par arrêt du j)arlement de Flandres du 13
janvier 1779 , au rapport de M. de Francqueville
de Courlon , infirmatif d'une fentence de la gou-
vernance de Lille du 25 novembre 1774. Les par-
ties étoient le chapitre de Saint- Piat, & Pierre
Fourrière, laboureur à Avelin. .
Nous examinerons à l'article terrier , fi des lettres
de terrier peuvent mettre un feigneur à l'abri de la
Prefcription , lorfqu'il ne s'agit que d'arrérages de
cens.
(i) . quod verô ï 4 fF. d? legibus. Foyi^ a' Saudc fur la Zuj
quôd contra, 14I ,fF, de rcgulis jutis.
PRESCRIPTION.
40)
* Distinction XIL De la Prefcription di Ji-jneur
àfei^riiur,
La Prefcription des droits fe'gneuriaux n'efl: pro-
hibée qu'entre les deux corréif tif> , le feigneur &
le vadal : à l'égard de toute autre perfcnne on fuit
le droit commi;n (i). De-là réfulte la conféquence
que deux feigneurs voifins , n'étant point récipro-
quement dans la dépendance féodale, peuvent pref-
crire l'un contre l'autre par les règles ordinaires de
la Prefcription ; en forte que fi l'un d eux a perçu
publiquement «Se pendant le laps de trente ans, un
cens appartenant à l'autre , il en eft devenu par-là
propriétaire inconteflable ; fa poiTefTion lui a tram"
fêré la mouvance de l'héritier cenfuel (2).
Tel eft, quoi qu'aient dit Dupleftls & quelques
autres, le véritable fensde l'article 123 de la cou-
tume de Paris; cet article porte : Cens portant di-
rcélejcigneurie efl prefcriptible par feif^neur contre fei-
gneur , & fe peut prefcrire par trente ans contre âgés &
nort privilégiés , & par quarante ans contre VigUfe , s il
n'y a titre ou reconnoiffance dudit cens , ou que le dc-
tempieur ait acquis l'héritage à la charge dudit cens.
C'eft cette dernière difpofition qui a égaré Dii-
pleflis ; cet auteur a cru y voir un obftacle infur-
montable à la Prefcription , toutes les fois que le
feigneur pouvoir repréfenter titre ou reconnoiiTanca
du cens. Mais comment cet auteur nes'eftilpas
apperçu qu'il choquoit les principes de la matière
les plus direcis ? Qui a jamais dit en effet qu'un titra
fût un obftacle à la Prefcription trentenaii e } N'eft-
ce pas au contraire pour anéantir le titre , que
cette efpèce de Prefcription a été introduite : ces
derniers mots de l'article 123 ne fignifient donc
rien autre chofe , finon qu'une reconnoiftance du
cenfitaire interrompt la poft'effion du feigneur prcf-
crivant , de manière que fi le temps néceffaire pour
prefcrire n'eft pas écoulé à l'époque de cette re-
connoiflance , il faut encore , à compter de cette
époque , une pofleirion trentenaire pour accomplir
la Prefcription.
Ce qui a donné lieu à cette opinion finguliêre,
&c à plufieurs autres interprétations non moins bi-
zarres que la coutume de Paris a reçues fur ce point,
eft la grande incertitude des termes trop values
& trop généraux dans lefquels larticle 1.^3 a été
conçu.
En effet, fi l'on parcourt les premiers inter-
prètes de la coutume fur cet article , on reconnaî-
tra qu'ils l'ont tous entendu d'une manière difté-
Qi) Ubicumi.]ue hnius niodi correlativa oppoâtio repeti-
tur.numquam liibebit locum pi^fcriptio ; ali^jtjuin libéré
prïfciibitur , & lie débet intelligi noltra conùiecudo, (nniii-
ter & AiiteliaBenfis & cœtera; confuetudines huju'; regni quE
in hoc confo:mantur. A\n(i i'exprjm: Dumoulin fur Varticiz 7
delà coutume de Paris, n°.i{.
{i) C'ejl encore U dcc'fion de Dumoulin à l'endroir chc.
Diio patroni five duo domini diredti ejurdem feudi pcfTunt
alcer contra alcerum foli^uin feuium li/e folidum direâiim
jus & dotninium feudaleprarciibcndoacquirere.
Eeeij
404 PRESCRIPTION.
rente ; chacun d'eux en a pofé l'erpèce fuivant fa
prévention ou fes conjectures ; fouvent plus heu-
reux à combattre les interprétations des autres ,
qu'à établir la fienne. Ainfi , la plus jufte confé-
t^uence qu'on puiiTe tirer de ce combat d'opi-
nions , eft que cet article de la coutume de Paris ,
comme plufieurs autres , a été fort mal rédige ,
& que , fans s'arrêter à une décifion fi vague &
fi peu déterminée , il faut recourir en ce cas aux
règles générales du droit commun.
Si l'on ne le contente pas de cette première ré-
flexion , & ii l'on veut abfolument pénétrer le véri-
table fens de cet article , on en trouvera l'interpré-
tation la plus naturelle dans les commentaires de
Joly & de Brodeau , ou , pour remonter encore
plus haut, dans les principes généraux établis par
Dumoulin fur le feptième article de l'ancienne cou-
tume de Paris.
Or, quel eft, fuivant ces deux commentateurs ,
le fens de l'exception établie par la coutume , lorf-
qu'elle marque que la Prefcription de trente ans ,
qui a lieu de feigneur à feigneur en matière de
cenfive , ceffe toutes les fois qu'i/ y a titre ou n-
connoijfance ? Elle veiu dire , que quoiqu'un des
feigncurs ait été en poflefllon de toutes les mar-
ques de fuzeraineté pendant l'efpace de temps ré-
glé par la coutume , ôc qu'ainfi il femblc qu il ne
lui manque rien pour avoir acquis la Prefcrip-
tion , fi néanmoins pendant ce même temps l'au-
tre feigneur a été reconnu par le même vaflal ,
ou s'il y a eu quelqu'autre ture entre ce vaiïal &
lui qui ait confervé fes droits , la Prefcription eft
AifTlfamment interrompue, & la poireffion du pre-
inier feigneur lui devient inutile.
Tel a donc été l'efprit des réformateurs de la
coutume i ils ont cru que, pour acqi;érir un nou-
veau vaftal par la voie de la Prefcription , il ne
fuftlfoit pas d'avoir poftedé , pour ainfi dire, ce
vaiTal par diiférens adies de féodalité exercés pen-
dant trente années , mais qu'il falloit encore qu au-
cun autre feigneur ne l'eût poffédé ; en forte que
deux conditions doivent toujours concourir en
cette matière , défaut de poffeffion de la part d'un
des feigneurs , Ôc podeflion réelle & aâuelle de la
part de l'autre.
C'eft non feulement le meilleur fens , mais l'u-
nique fens raifonnable qu'on puiffe donner à cet
article.
Autrement, & fi on l'entendoit comme Du-
pleffis , il s'enfuivroit de cet étrange principe , que
jamais la Prefcripuon n'auroit lieu , à proprement
parler, en m.uiè e de mouvance féodale.
Car fi elle n'a lieu que lorfque le feigneur auquel
on l'oppofe , n'a ni titre ni reconnoifTance de fon
côté, il eft ^jvident qu'elle eft abfolument inutile à
celui qui la lui cppofe ; en effet , pourquoi op-
poferoit-il l.i Prefcription à un feigneur qui n'a ni
titre, ni reconnoiftance en fa faveur, & qui, par
conféqiient, n',i aucun droit contre lequel on ait
eu befoin du fecours de la poiTciHon .'' Au con-
PRESCRIPTiON.
traire , bien loin que la Pre cription cède, lorfque
!e feigneur qui la combat , allègue des titres & des
rcconnoif.ances en fa faveur, c'eft précifément dans
ce cas-là que la Prefcription devient néceffaire aa
pofléffcur.
Ainfi , ou la coutume n'a aucun fens raifonnable ,
ou les reconnoidances & les titres dont elle parle
ne peuvent être que ceux qui ont été donnés à un
des deux feigneurs , pendant que la Prefcription
fembloit courir en faveur de l'autre.
Aufti , quelque diverfité de fentimens qu'il y
ait eu fur ce lujet entre les premiers commen-
tateurs de la coutume , les opinions fe réunilTent
à préfent en faveur de l'interprétation naturelle
que Brodeau a donnée à cet article. Les derniers
interprètes la fuivent tous ; &. c'tft une maxime
certaine de notre jurifprudence , non fcuLment
que la mouvance ik la direéle peuvent fe pref-
crire entre deux Seigneurs , mais qu'il n'y a que
les reconnoifl'ances données pendant le cours de la
Prelcription , qui aient la force d'en arrêter le cours
& d'en empêcher l'accomplilfement. *
Nous difons h'mouvance & la dluEte ^ car quoi-
que l'article 123 de la coutume de Paris ne parle
nommément que de celle-ci , il n'en eft pas moins
V rai qu'on ne doit mettre , à cet égard , aucune uiffé-
rence entre les fiefs &. les cenfives.
Auftî atil été jugé , comme nous rapprenons
d'Auzanet fur cet article , qu'un feigneur avoit pu
prefcrire contre un autre feigneur la mouvance
d'un fi-jf; l'arrêt a été rendu le 1 5 décembre 164} ,
à la troifième chambre des enquêtes , Si pro-
noncé le lendemain.
Le parlement de Paris n'a fait en cela que fe
conformer à l'ef'prit général des coutumes, ôc à
la jurifprudence des arrêts des autres tribunaux.
Mais c'eft une queftion , fi l'on doit juger de
même entre un fuzerain & fon vaftal , & fi en con-
féqiience le premier eftincapable de prefcrire contre
le fécond la mouvance d'un arrière-Heh
La coutume de Bretagne, article 294, décide
pour l'affirmative , & fa difpofition, quoiqu'un peu
obfcure, forme une maxime très-conftanie dans
cette province. Poulain du Parcq qui la combat,
en convient lui-même ; & il rapporte un aéle de
notoriété du 8 juillet 1737 , par lequel il eft atteftè
« que le lien de féodalité , qui eft entre le fei-
» gneur & le vaifal , empêche qu'il puifl'e y avoir
•)i aucune Prefcription entr'eux pour ce qui con-
rt cerne les droits & devoirs de fief, ôi. que cette
j> loi eft réciproque & également au profit du
n feigneur & du vaffal.
w Qu'il réfulte de ce principe que le fe'gneur
■H ne peut prefcrire contre fon vaftal les mou-
11 vances de ce vaft'al , comme le vaflal ne peut
17 prefcrire les mouvances de fon feigneur.
» Que fi l'arriére-vaftal a rendu des aveux au fei-
!> gneur fupérieur , ces aveux rendus fans la par-
» ticipation du feigneur proche , font des titres
» étrangers 6c inutiles à fou égard , & incapables
PRESCRIPTION.
« de lui faire perdre fa mouvance , lorfqu'il en
»> eft duement inféodé par les titres primordiaux
r> de rinféodation, ou par les aveux qu'il a ren-
» dus au fupérieur qui eft fon feigneur proche ».
Mais que doit-on décider hors de cette coutume ?
Guyot , dans fes differtations fur les matières
féodaLis , tom. 2 , pag. 26, rejette également la Pref-
cription , par la raifon , dit- il , que c'eil le cas de
la règle qui empêche le feigneur & le vaffal de
prelcrire l'un contre l'autre.
Mais on répond , Ô'' il a été établi ci deffus ,
difttnâion III, que il cette règle fait obftacle à la
Prefcriprion , ce n'eft que relativement à ce que
le feigneur détient par puiflance de fief. D'ailleurs
en prefcrivant , dans notre efpèce , contre fon val-
fal , le feigneur fuzerain ne fait que rapprocher
les chofes de leur premier être , & ce retour ell
favorable.
Il ne paroît y avoir dans la jurifprudence des
arrêts ni incertitude , ni variation fur ce point :
dans tous les temos, on a jugé que le roi même
pouvoir prefcrire contre fon vaffal immédiat , la
mouvance d'un arrière-fief.
M. de Salvaing qui traite parfaitement la quef-
tion dans le chapitre 16 de fon traité de l'ufage des
fiefs , rapporte un arrêt du parlement de Pans qui
l'a ainfi décidé au fiijet d'une arrière-mouvance
du duché d'Orléans (i) ; & nous voyons dans les
réponfes de Carondas, livre 2, chapitre 2, que
cet arrêt a été rendu à la première chambre des
enquêtes, le 28 juin 1578.
M. de Salvaing nous apprend encore qu'il exifle
deux arrêts femblablej du parlement de Touloufe ,
l'un qu'il ne date point, & l'autre du 28 juillet 1 644.
M. de Catellan , livre 3 , chapitre 29 , cite un
troifième arrêt de la même cour du 18 juillet 1652,
qui confirme encore cette opinion.
Mais ne faut-il pas en excepter le cas , où c'eft
contre l'églife que le roi a poffedé la mouvance
d'un arrière-fief de la couronne ? le roi peut-il
prefcrire contre l'églife , tandis qu'il en efl le pro-
tefleur né , & le gardien fuprème ?
Nous ne connoiiTons que trois arrêts fur cette
queftion ; les deux premiers font du parlement
de Touloufe, & tous deux contre le parti de la
Prefcription. Le premier avoir pour objet la terre
de Caftelnau de Monratié : le fécond , qui eft du
[i] Voici Je quelle manicre s'explique ce magiilrat : te Le
a» feigneur de Voinvillc avoit faic failir féoJalemeat le fei-
M gneur de la Rouflîere ,&: foutenu contre lui qu'il étoit de
M fa mouvance , pour la preuve de quoi il rapporroic le;
» aveux donnés par les prédécelfeurs aux ducs d'Urltans, il
•• yavoitplujde deux cents ans , dans lelquels aveux le fei-
■ gneur de la Roufiîere étoit compris entre les vaflaux. Celui-
» ci répondoit que fes prédécefTeurs aymt fait la foi & liom-
» raag; au roi depuis cent ans , il étoit devenu valTal de fa
» ffia;e!lé. Le feigneur de Poinville tépliquoit, qu'étant vaf-
» fal du roi, la Prel'cription n'avoit pu courir contre lui. M.
» le duc d'Orléans 8c M. le procureur général du roi étant
» intervenus en la caitfe, foutinrenr que le roi avoit pu prel-
w ciicc la raouvance. Ce (][i)i fut ;ugé de la force «.
PRESCRIPTION. 4û>
20 décembre 1675 , concernoit la Baronie de
Vabres. On peut en voir l'efpèce dans le recueil
de M. de Catellan , à l'endroit ciié.
Mais fi l'on pèfe les raifons fur lefquelles ce
magidrat en fonde la décifion , ofons le dire , on
les trouvera en partie trés-foibles , & en partie
ridicules. 'Voici comment il s'exprime : « Il n'eft
» rien de fi fort que les liens par lefquels le roi
» tient à l'églife ; elle a droit fur fa prote£}ion com-
» me fujette, comme valTale & comme églife;
» le triple lien ejl diffiàie à rompre, fuivant l'ex-
» preiïion de Fecriturc; la proteélion que le roi
» doit à l'églife en cette qualité, eft un devoir plus
» religieux encore que tous les autres. Toutes ces
» raifons empêchent qu'il ne prefcrive l'arriére-
s) fief fur elle ; il n'en taut pas moins pour ôter
5j au roi un droit commun 6(. ordinaire».
Ainfi parle M. de Caiellan , Se , comme l'on
voit, fon raifonnemeni ell, à certains égards, digne
de fervir de pendant à lidée de Brodcau qui pré-
tend quelque part que les fieFs de dignité font
inipartageabks , parce que la couronne que por-
tent dans leurs armoiries les fcigneurs titrés, efl
le fymbole de la fainte Trinité qui efl une.
Ces manières de parler pouvoient éblouir dans
des temps ou toute l'étude du droit confifioit à fe
traîner fervilement fur les idées des autres ; mais
aujourd'hui que l'efprit de critique a fait briller
fon flambeau dans la jurifprudence , de pareilles
idées ne feroient sijrement plus fortune ; & fi
notre queftion fe repréfentoit , l'opinion de M.
de Catellan auroit fans doute le fort qu'a eu
celle de Brodeau à la grand'chambre du parle-
ment de Paris le ç février 1778 (i).
Du relie , Vedel dans fes obfervations fur les ar-
rêts du magiflrat cité , fait très bien fentir l'er-
reur de ceux dont nous avons parlé d'après celui-ci.
« Il me femble, dit-il , que le roi peut prefcrire
» par le laps de 40 ans » ; & il en donne la raifon,
« Toutes les feigncuries émanant originairement
» du roi , S>(. l'églife ne les polTédant que par con-
» ceffion , c'eft remettre les chofes dans leur pre-
» mier état , que de faire rentrer en la main du
M roi par la voie de la Prefcription, la mouvance
» de l'arrière-fief ; & cela efl en foi favorable (2).
— La proteiftion que le roi « doit à l'églife ne
» l'empêche pas d'ufer du droit commun , & de
» pouvoir prefcrire contr'elle pour une chofe pu-
» rement temporelle , & pour l'intérêt particulier
» de fon domaine. — Cette proteftion confiée à
» prêter fon bras & fa puilTance à l'églife pour
» en faire exécuter les lois. C'efi dans ce fens qu©
n les anciens pères donnèrent au grand Conftantin
» le nom d'évèque extérieur de l'églife , & que
j» le fix'ème concile de Paris dit que les princes
[_ ] ■ oyiri Liol 1 iME . icctiob 9 , §. 1.
Il Res en'm fjrilè rei/ftkur ad nrurd'-'i Juam. Cap, ab
exorlio , di'tinrt. jj Glofe de la pr.igma;ique , in pramio , aa
mot univerjïs, Haanniuï, de refigiiécionibus , livre 6 , tiirç 5 ,
nambie 10,
4o6
PRESCRIPTION.
» du fiècie ii;nncnt quelquefois au dedans de Te-
17 glife le jvremicr rang de la puiilance qu'ils ont,
j> afin de munir la difcipline ecclcfiaftique par cctce
» puifi'r.iicc , fuivant Toliervation de M. Talon,
>5 traite i^e l'autorité Jcs rois , dans fadminifl-ation
3j de L'é^iijt, p.'ge 112; mais la protection qu'ils
>» doivent à Icglife ne va p;.s iufqu'à dépouiller
» leur domaine en fa faveur; & l'eglife n'a point
» à fe plaindre fi le roi ufe du droit que la Pref-
» cription lui acquiert , puKqu'en cela il n'a pas
» plus de privilège qu'un particulier qui peut pref-
î> dire contre l'eglife ».
Auflî en a-t-il été jugé de la forte, par le troi-
fiéme ariét que nous avons annoncé. Il a été rendu
au parlement de Bordeaux le 8 février 1691 , en-
tre le fermier des domaines & les bénédiflins
d'Aixe (1).
H relie à favoir comment s'opère la Prefcrip-
tion d'une mouvance féodale. On doit preflenrir
qu'elle n'eft pas aufli facile que celle d'une direfte
cenfuelle : le cens , en effet , fe prefcrit tous les
ans : par conféquent chaque année le prefcrivant
fait un ade de poffelTion qui avertit fuliifamment
le véritable feigneur , & l'expofe juftement au re-
proche de négligence s'il n'agit pour arrêter la
Prefcription. Mais à l'égard des fiefs, les occa-
fions d'exercer la fuzeraineté font plus rares : il faut
ou un décès ou une mutation par aéle entre-vifs ,
& l'un ou l'autre n'arrivent pas fréquemment.
Trois de nos coutumes ont prévu cette dif-
ficulté.
Celle de Nivernois , titre des fiefs, article 1?,
(l) Voici coinintiitca arrzt ifi rappurt: par lu r'eyrere , ic-
tre P , nombre S .4 :
« Le fieuc deVaillac vendit à la dame de Gieulat une nié-
33 tairie de Campai^nac dépendante de la terre de Cafianeuil ,
n excnipre de caille &: noble. Le lyndic de."; béncdidins de l'ab-
M baye d'Aixe, fe prétendant'' feigneur direft & foncier de
M ceite métairie , en conféquence d'une baillette (^ ou bail .1
»• cens ) de I4<;i , fait aftion à la dame de Cieulat pour payer
M les lods & ver.t -s de la métairie en qucftion ; le fermier du
«domaine intervint en cette inlcance ,& prétendit que le
n roi devoir avoir ces lods & ventes ; parce que la métairie
M de Campaignac étoit tenue par M. de Vaillac en avricre
» fief du roi , pour laquelle il avoit été rendu fcpt diveis hom-
M mages ; au lieu que de la part des bénédictins, leur titre
Dj étoit dénué de poffeffion , n'y ayant jamais eu d'adion con -
s» lie ie tenancier pour le payement de la rente , ni dans les
» diverfes ouvertures de fief pour les lods &: ventes : de forte
« que le roi fe trouvoic en pofle/Tîon par les divers hommage:.
M qu'il avoit reçu s, au lieu que le titre àes bénédiflins n'étoic
M fuivi d'aucune pofleilion : le fermier du doinaine rapportoit
35 de plus pour piouver la nobilité de cette métairie, un certi
»•> ficat des jurais de Cafianeuil , qui prouvoit que depuis plus
» décent ans la métairie de Campaignac n'avoit point été
M encadafkrée au rôle des tailles. Par arrêt du 8 février iSj i ,
m donné au rapport de M. de Mofnier , les lods &: ventes fu-
irent adjugés au roi. [e motif de l'arrêt fut qu'en concouis
« du roi & d'un feigneur quel qu'il foie , la Prefcription de
M voit faire décider le droit en faveur de la poffedîon ; & dans
» l'hypothéfe , comme le roi avoit été en pofTeffion par ]es
s« hommages qui lui avoient éié rendus , &; que les béné^ic-
» tins deltfur part n'avoient point d'ade polîefloire en leur
M faveur, le ferniiet du doHuioe obtint gain de caufc, avec
M dépens »,
PRESCRIPTION.
porte que pour prefcrire la mouvance d'im fief,
de feigneur à feigneur, il faut le pofleder trer.te
ans , contre i!n laïque , & quarante ans contre
l'eglife , «i & qu'il y ait eu deux diverfes ouvertures
» avec faifies réelles duement notifiées ».
La coiuume de Berry dit la même chofe , ti-
tre des Prefcrip'.ions , article 9 , Sc elle ajoute que
la Prefcription commence à courir du jour de
l'exploitation de la première, faifie féodale.
Les chartes générales de Hainaut , chap. 107,
art. 10, déclarent la mouvance prefcrite, lorfque
pendant vingt-une années , terme auquel efl ré-
duite en cette province la Prefcription que le droit
commun fixe à trente ans , la foi-hommage a été
rendue trois fois de fuite à un feigneur qui n'eft pas
fuzerain du fief fervant, mais fe prétend tel.
Ces di(pofitions , quoique différentes, ont pour-
tant un même principe , & ce principe eft établi
ci deffus , fnflion 1 , §. 5. La poffeffion d'une
chofe incorporelle (avons -nous dit en cet en-
droit), ne fe perd que quand l'ancien poffeffeur a fu
qu'un autre jouiffoit , & qu'il l'a toléré : il faut
donc dans notre efpèce , que le feigneur domi-
nant ait (u qu'un autre a interverti fa poffeffion
en l'ufurpant ; & cette connoiffance ne peut fe
préfui-îier, qu après un certain nombre d'adcs de
iuzeraineté . exercés par l'ulurpateur.
Mais y a t-il fur cette matière une règle certaine
& capable de fuppléer au filence de la plupart de
nos coutumes ? Non , mais les auteurs font une
diftinétion qui peut en tenir lieu.
Si le prefcrivant, dit M. de Salvaing, chap. 16 ,
n'eff entré en poffeffion que par des ades de foi-
hommage fans profit, il ne peut acquérir ia mou-
vance c]ue par le laps de cent ans. Mais s'il y a eu
des mutations utiles , & qu'il en ait reçu les droits ,
la Prefcription eft confommée après trente ans.
Dunod établit la même do&ine , partie 3 , cha-
pitre 9 : « Lorfque les fiefs , dit- il , ne font pas de
)' profit , mais d'honneur fimplement , ou qu'il n'eft
>' point arrivé de mutation utile, les feigneurs ne
n font pas exaéls à fe faire rendre les devoirs quand
» il ne leur en arrive rien : il ne feroit pas jufte de
>' les priver de leur droit , fur ce que le vartal au-
■n roit reconnu un autre feigneur ,& qu'il lui au-
)' roit fait les foi & hommage , parce que ces afles
ji font réputés clandellins à leur égard, à moins
» qu'il n'y ait \\x\ temps immémorial ; car en ce cas
)) la négligence du feigneur feroit trop gvoffière
» pour mériter de l'indulgence , & pour qu'on
» piJt croire qu"il a ignoré la poffcfficn d'un au-
» tre qui fe feroit fait rendre plufieurs fois les de-
V voirs de fief pendant ce temps. Mais s il eft ar-
» rivé des mutations qui aient donné lieu à la per-
)j ception de quelques droits utiles , & de telle va-
•> leur que le feigneur dominant ait dû le favoir en
» homme prudent & attentif à fes affaires , la Pref-
)» cription de trente ans peut fufnre en ce cas , &
î) commencer depuis la première mutation, même
» quand il n'y en âuroit qu'une , parce que celui
PRESCRIP TIO N.
V qui en a perçu les droits s'cft mis en poflefHon >
jj 6i. que l'ancien leigneur en a eu une connoiiiance
j» probable & préfumée ".
Nous avons dit plus haut que dan-; les cenfives
laPrefcripiion s'opère par le fciil tait de la percep-
tion de la redevance cenluelle pendant trente ans.
Il en a cependant été jugé autrement par arrêt du
parlement de Touloufe du 5 février 1667, rendu
après partage. « Le plus grand nombre des juges ,
V dit M. de Catellan , livre 3 , chapitre 2 , crut
» qu'il ne futîiioit pas ( à celui qui prétendoit avoir
» prefcrit un droit de direfle , ) de rapporter de
jj fimples aftes pofieiToires de la rente , comme des
>> quittances publiques Si autres femblables ; mais
i> qu'il devoit juftiher ("a pofftflîon par des recon-
I) noiiTances; autrement , comme les feigneurs né-
j> gligent Couvent la levée annuelle des rentes qui
« ibut modiques , il feroit très-aifè aux emphytéotes
» de changer de feigneur en payant la rente à un
» autre ».
On voit que M. de Catellan prend ici le vrai
contre-pied de la dofltine des autres auteurs. Sui-
vant lui, il faut, pour prefcrire un droit de direfle,
rapporter des reconnoijfjnces , c'eft-à-dire , des a(5hs
qui ne coûtent rien aux cenfiralres , des a^^es palIés
la plupart du temps dans le fecret , des afles par
conféquent que le véritable feigneur peut aifément
ignorer ; & des perceptions continuées pendant
trente ans , des payemens faits entre les mains d'un
tiers au préjudice de celui qui devoit les recevoir
& qui n'a point pu ne pas s'appercevoir de leur
ceffation , font des ailles impuiffans pour opérer la
Prefcription d'un feigneur à l'autre. Il faut l'avouer ,
cette doârine a quelque cliofe d'étrange.
Aufli n'a-t-elle pas éiéle feul fondement de l'ar-
rêt cité. Ce qui l'a principalement déterminé , c'eft
que , par la jurifprudence qui régnoit alors à Tou-
loufe, un feigneur ne pouvoit pas, de lui à fes te-
nanciers, établir fon droit de directe fans recon-
noiflance, & qu'il n'y pouvoit pas être fuppléè par
la preuve de la perception d'un cens pendant trente
ans. On a conclu delà que dans l'efpèce qui fc pré-
fentoit , le poifeiTeur trentenaire ne pouvoit pas
avoir prefcrit contre le feigneur véritable , parce
que ( ce font les termes de M. de Catellan ),« c'eût
« été établir en fa faveur une direé^ité fur la fimple
>» pofleffion , ce qui ne fe peut en Languedoc , où
» tout demandeur en féodale doit avoir du moins
» une reconnoiflance avec des adminicules u.
Là-dcfTiiS deux obfervations.
La première , qu'il ne paroit pas jiifte d'argu-
menter ici de feigneur à feigneur , comme on le
fait du feigneur au tenancier. Qu'entre ceux-ci, il
faille une reconnoifiance , dans un pays de franc-
aleu , pour transformer une terre allodiale en cen-
five , on le conçoit aiTez. Mais que la cenfive une
fnis établie, on exige entre deux feigneurs qui fe
la difputent, les mêmes conditions pour la pref-
crire , que s'il s'agiffoit de la créer , c'eft aller trop
loin ; c'eft appliqu'^r une maxime introduite par la
PRESCRIPTION. 407
feule faveur de la liberté naturelle , à un cas dans
lequel ce motif ne fe rencontre nullement.
La féconde obfervation eu encore plus décifive
contre le parti adopté par l'arrêt. C'eft que le par-
lement de Touloufe paroît aujourd'hui fe relâcher
fur la nécefTué des reconnoiffances pour établir,
même du feigneur au tenancier, l'afîerviflémenr du
tonds de celui ci. Voyez les notes de Sudre fur
Boutaric, ir^iiié des droits fàgnewiaux , chapitre i ,
nombre 40 , & Vedel fiir M. de Catellan à l'endroit
cité.
On voit même par un arrêt rapporté dans les
notes de Ferrieres fur Guy-Pape, queftion 582 ,
que telle étoit la jurifprudence de cette cour dans
le feizième fiècle.
* Distinction XIII. Prefcription de lajuflicc.
Les juftices fe prefcriventde feigneur à feigneur :
une pofTeiîion trentenaire confomme cette Pref-
cription.
Mais faut-il que cette pofTeffion foit parvenue à
la connoifiance du feigneur contra lequel on pres-
crit .'' Ce qui pourroit rendre cette queftion problé-
matique, (dit M le préfident Bouhier dans fcs
obfervations fur la coutume de Bourgogne ) , c'eft
une conftitution des empereurs (i) , qui femble dé-
cider que la fervitude aqucz ducendx ne peut erre
acquife fur le bien d'autrui par une fmipte poftef-
ûon fans titre , à moins que le propriétaire n'en ait
eu connoiftance , ee fciente ; or , la fervitude eft un
droit incorporel comme la juridi61ion.
Mais d'habiles jurifconfultes (2) ont très-bien
fait voir que ces mots eo fciente n'avoienr été mis
dans cette conftitution, que pou.- donner fimple-
ment à entendre que ce qui avoit été fait ne s'êtoit
point fait en fecret : Ut inteUigeremus , clam ab eo
mhnwe aquam dedu^am ejfe & animo ccland-. Or cela
eft d'autant plus applicable au fait dont il s'agit , que
les droits de juftice ne pouvant s'exercer que par un
établiftemcnt d'officiers , par des jugemens publics ,
& même le plus fouvent par l'ércâion des fourches
patibulaires, des piloris, des carcans 8c autres mar-
ques apparentes , le véritable feigneur ne fauroit en
prétendre caufe d'ignorance : & , comme dit Co"
quille (3) , il fuftit , en ce cas , de la connoiftance
vraifeniblable du feigneur contre qui la Prefcriptioa
a couru.
La pofl*eflion étant donc un moyen d'acquérir le
droit de juftice , il n'eft plus queft'on que de favoir
fi elle peut être prouvée par témoins auftî-bien que
par ticres. Bacquet (4) , qui s'efl propofé cette diffi-
culté , convient que par \\n ancien arrêt du parle-
ment de Paris de l'an 1388, il fut décidé que h
[ I ] L. 1 , cod, dffervit. t" flquti.
[2I Fdchince, controvcr. l. K ,cap. ii; Dionyf. Gjr/io/re-
:!us , loco ciraro , p. 2:3 & i^o.
[3] Co>quilîe fur Nivern. ch.ip. i , art. IS.
[4] Bacquet, des droits de juftice, chap, j.
4oS PRESCRIPTION.
feule preuve par icmoins ne ruffiCoit pas en pareil
cas. Après quoi , il en rapporte un autre du 1 1 mai
1574, qui ordonna que la poireffion du droit de
juftice feroit prouvée , tant par écrit que par té-
moins.
Loifeau (i) , qui a agité la même queftion , fem-
ble le contredire , fur le fondement de l'article 54
de l'ordonnance de Moulins , par lequel eft rejetée
la preuve par témoins pour toutes les chofes qui
excédent la valeur de cent livres ; il ajoute , que
s'il fe trouve quelques arrêts qui aient admis en ce
cas la preuve teftimoniale , c'a été après la repré •
Tentation des titres , pour fuppléer ce qu'ils pou-
voient avoir de défeftueux par la preuve vocale ,
& fur-tout pour vérifier la continuation de l'exer-
cice.
Mais il s'eft trompé à cet égard ; car , par les ter-
mes de l'arrêt de 1574 , il paroît que la preuve
par titres fut ordonnée en même - temps que la
preuve par témoins ; & on ne peut alléguer l'arrêt
de 1388 comme contraire , puifqu'il fut rendu dans
un cas ©il on ne fe prévaloir que d'une preuve vo-
cale , qui n'êtoit foutenue d'aucun afle par écrit *.
C'eft probablement dans la même efpèce qu'a
été rendu au parlement de Touloufe l'arrêt du 18
juillet 1652, qui fe trouve dans le recueil de M.
de Catellan , livre 3, chapitre 2, & par lequel,
fuivant ce magiftrat, il a été jugé que «la juftice
» ne peut être prouvée que par aftes & non par
» témoins w.
* ce Pour moi, dit M. le préfident Bouhier , je
j» tiens, que quoique la preuve par titres, comme
» les jugemens, regiftres des greffes , aétes de foi
» hommage, dénombremens , Se autres pareils,
n foit la meilleure de toutes , cependant comme
j) il eft quequefois difficile d'en rapporter fuffifam-
» ment pour prouver une poffefiîon , fur-tout pour
»> de fort petites juftices , où il fe préfente rare-
>» ment des occafions d'en exercer les droits , on
J» peut très-bien admettre la preuve à la forme de
M l'arrêt de 1574, auquel je ne fâche pas qu'il y
») en ait au contraire.
» Je croirois même volontiers , avec nos au-
>» teurs (2) , ajoute ce favant magiftrat, que fi la
3> perte des regiftres de la juftice contentieufe ,
î> loit par un incendie , foit par quelqu'autre cas
■» fortuit , étoit duement conftatée , il y auroit de
M la juftice d'accorder la preuve par témoins , dans
» l'impoffibilité de vérifier la poffeffion par titres ;
;> c'eft une exception à l'ordonnance de Moulins ,
V dont tout le monde demeure d'accord (3) if.
On convient d'ailleurs (4) que fi les marques
vifjbles de la haute juftice , telles que les fourches
[i] Loifeau , des feigneur, chap. ^ , n"' S<j , 66 ; Se après
lui Perrier fur notre coutume, obfervat. 2,11.4,
[2J Le fcholiafte de Franc. Perrier , ^^j^fl. ifç.n" iS ;
Nie. Pertier, fur notre ccutume, obferv. 1, n". 4.
[ji Boiceau ?c Danty ,de la preme par rénaoins, chap. i j.
[4] Dupineau, notes f^r Anjou > art, j.
PRESCRIPTION.
patibulaires , le pilori , le carcan , ou autres , avoîetl ^
été détruites , foit par le tenips , foit par quelques
autres accidens , on pourroit prouver qu'elles ont
été vues. A plus forte raifon , fi elles fubfiftoient
encore , feroient-elles préfumer le droit de juf-
tice (i). *
Il en eft autrement des afles de foi & hommage.
Quand ils ne font pas accompagnés d'autres preu-
ves , ils ne peuvent pas établir le droit de juftice,
même contre le feigneur fuzerain qui les a reçus.
Bacquet dit le contraire , mais fa doflrine a été
profcrite par un arrêt du parlement de Touloufe
que M. de Catelan nous a confervé dans le cha-
pitre 2 du livre 3 de fon recueil (2).
Mais le même feigneur contre qui cet arrêt avoit
été rendu en forme interlocutoire , ayant produit ,
par la fuite , des aveux & dénombremens fervis
au roi en conféquence des hommages , il inter-
vint le 26 février 1677 , un arrêt définitif, par
lequel il fut maintenu contre fa majefté dans le
droit de juftice qui lui étoit contefté par M. le pro-
cureur-général.
H avoit cependant contre lui une circonftance
très-forte ,8c de laquelle naiftoit dans cette affaire
une féconde queftion qui trouve naturellement ici
fa place. C'eft qu'il n'avoit en fa faveur aucun afîe
poj/ijjoire du droit qifil réclamoit. Jamais , ni lui ,
ni fes auteurs n'avoient établi déjuges; & la juf-
tice avoit toujours été adminiftrée dans fon en-
clave , par les ofliciers du fiége royal de Rhodez.
On prétendoit que du moins le roi avoit par-là
prefcrit contre lui. Mais il pouvoir répondre que ,
d'une part , les aflcs de foi-hommage , & les dé-
nombremens toujours reçus fans blâme , avoient
confervé fon droit; que de l'autre, les juges du
fouverain n'ayant exercé la juftice dans fa terre
qu'à titre de prévention , ils ne pouvoient pas l'avoir
dépouillé du droit de la faire rendre lui-même par
fes propres juges ; qu'en déc'der autrement, c'eût
été étendre l'effet de leur pofl"eirion au-delà de fon
principe, de fa caufe & de fes motifs.
* Il refte fur cela une dernière queftion ; favoir,
fi l'exercice de la juridiélion , dans une partie des
droits qui en dépendent , fuffit pour prefcrire la
totale juftice. Par exemple, une perfonne prouve
fort bien qu'elle a pofledé le droit de moyenne
juftice pendant un temps fuftîfant pour prefcrire ;
pourra-ton en induire qu'elle a pareillement ac-
quis par Prefcription la haute juftice ou la bafle ?
Et de même , fi elle n'a prouvé que fa poffefTion de
la haute ou de la ba»Tc ?
Les auteurs (3) qui ont traité cette queftion pa-
[13 Bocrius , dccif. iix,n". z;.
[ij « Le fieur Rodât, pour prouver contre le roi que !a juf-
» tice d'un certain lieu lui appartcnoir , rcmettoic divers hom-
» mages par lui faits au roi de cette julHce ; on trouva que
« celane fuSfortpas, & il fut ordonné qu'il rapporteroit de
J) plus fufËfans titres >j.
[^] ChafTencuz , in cmf. Burg.tuhr. i , gl. i ,n. ulr. & gl.
i,n". IXJiBalbus, dfiPr-ts/cMpf, part. i,que(t. 1,0". ai.
roiftent
PRESCRIPTION.
roî/Tent la refondre fort bien par cette diflinfl'nn ;
ou il y a vin avure feigneur qui a toujours joi i
des autres juflices , ouil n'y en a point. P.ins ce
dernier cas, celui qui a exercé tranquillement les
droits d'une efpèce de juflicc , eft préfumé les
avoir toutes : mais il en efl autrement , fi quel-
qu autre feigneur eft en polîeflîon des autres ef-
pèces, quand même il n'en repréfenteroit qu'un
a6te ; car les auteurs nous donnent pour maxime ,
que per unum nElum fingularetn retinsinr cjuafi pof-
fejjio totius juris in univerfo. Voyez ci-devant, fec-
tion I.
§. II. De la Prefcnptïon des rentes , redevances &
prejîaiions annuelles.
La Prefcription peut avoir, en cette matière ,
comme en plufieurs autres , deux effets diffé-
rens : ou elle acquiert un droit à celui qui ne
l'avoit pas, ou elle en décharge celui qui y étoit
aflujetti.
De cette différence, naît la divifion de ce pa-
ragraphe en deux diftinâions.
Distinction I. De la Prefcription conjîdérée
comme moy:n d^ acquérir une renie , une redevance
ou une prejlation annuelle.
Il n'y a rien de particulier fur cette matière ,
lorfqu'une rente n'eA pas conteftée dans fon exif-
tencc , c'eft-à-dire , lorfqu'il eft avoué qu'elle eft
due par une perfonne ou par un fonds , & qu'il
ne s'agit que de favoir à qui elle appartient &
par qui elle doit être perçue. Il ne faut alors con-
sulter, en fait de Prefcription , que les règles gé-
nérales & les principes communs à tous les ob-
jets prefcriptibles.
Mais s'il eft queftion de créer la rente ou re-
devance , il y a plus de difficulté.
On a vu ci-devant, feflion 2 , §. 13, que fui-
vant l'opinion commune des docteurs , dix années
de preftation d'une rente ou redevance , fuffifent
pour faire préfumer que cette preftation a été faite
en vertu d'un titre , pour obliger en conféquence ,
celui qui a payé pendant ce temps , à continuer
de le faire à l'avenir.
Mais on exige pour cela le concours de quatre
conditions.
La première, que la preftation ait été uniforme,
foit pour la quantité, foit pour la qualité.
La féconde , qu'elle ait été payée chaque année ,
ou du moins en plufieurs fois.
La troifième , que les payemens foient prouvés
réellement, & qu'ils ne foient pas établis fur de
fimples préfomptions ; comme lorfque du paye-
ment des trois dernières années, on induit le paye-
ment des années précédentes.
La quatrième , que les payemens aient été faits
pour la même caufe , & fe réfèrent à un titre ,
qui , quoiqu'il ne paroiffe pas , foit certain , dé-
T»me XIII.
PRESCRIPTION. 4^9
terminé, capable de produire la rente , &. ne foit
pas combattu par le droit commun ou par quelque
forte préfomption.
Quand toutes ces circonftances fe rencontrent,
la rente eft regardée comme valablement créée ,
& après dix ans on a acquis le droit de la faire
continuer.
Mais, comme nous l'avons obfervé dans le §.13
de la feftion 2 , cette règle ne peut pas avoir lieu
dans les coiituir.es qui ont étendu au-delà de dix
ans le terme de la Prefcription ordinaire ; ou du
moins , il faut pour y acquérir une rente dans les
circonftances que nous venons de décrire , en
avoir reçu le payement pendant tout le temps par
lequel on prefcrit dans leur territoire.
Encore a-t-on quelquefois douté fi cette ma-
nière de devenir créancier pouvoit y avoir lieu.
Mais la queftion a été jugée pour l'affirmative , par
un arrêt du parlement de Bordeaux du 12 mars
1726, infirmatif d'une fentence du fiége royal de
Saint-Jean-d'Angely ; il eft rapporté dans le com-
mentaire de Valin fur la coutume de la llochelle,
article ^7, nombre I ^. (1)
Covarruvias (2) admet auflî cette opinion ; rnais
il la limite par une exception remarquable. C'eft
que fi le droit eft prétendu par un feigneur contre
ion fujet , il fa«t une poffeffion immrmoriale ou
quarante ans avec un titre , parce que, dit il , les
feigneurs font dans l'habitude d'extorquer de leurs
fiijets tout ce qu'ils peuvent, &: que la poffeflioa
immémoriale, ou celle de quarante ans avec uii
titre , peut feule effacer la préfomption qui réfulte
de cette habitude.
« Il eft de la prudence du juge , dit Dunod (3) ,
» de faire l'application de cette doflrine , fuivant
» les circonftances ».
Les rédafteurs des chartes générales de Hainaut
ont été plus favorables aux feigneurs. On a vu à
l'article Champ ART , que la redevance foncière ,
connue fous ce nom, s'établit dans cette province
par la feule poffeffion de vingt-un ans.
Il en a été jugé autrement dans d'autres cou-
tumes.
Delgorgue en fes additions au commentaire de
Duchefne fur la coutume de Ponthieu , article 115,
dit « qu'on n'acquiert pas , même par la Prefcrip-
i> tion de trente ans, le droit d'exiger un fur cens
» ou champart , & qu'il faut un titre ». C'cft ,
ajoute-t-il , ce quia été jugé dans cette coutume,
par deulc fentences de la fénèchauffée d'Abbeville
de 1649 ^ ^^5 3 ' ^ P^'' ^*^'^'' arrêts des 23 avril
(l) Voici comment s'explique cet auteur: « Mais favoir fi
" celui qui auroit été fervi d'une rente durant trente ans ,
M pourvoit fe prévaloir de fa poffefTion pour le fai.c continuer
« la rente fans avoir befoin d'en tapn prier le titre; c'ell-
M à-dire , fi cette jouiflance de trente ans opéreroit la Pref-
.> cription en (a faveur ôc vaudroit titre î Jugé pour l'affitma-
" tive , &.'c. ».
(1) Ad cap. pcfieflbr. part. X , §.4, qua:ft. 10.
(3) Des Prefcriptions , partie j , chapitre 7.
^ Fff
410 PRESCRIPTION.
1663 & 18 août 16S1 , confirmatif de deux autres
fcntences du mcnie fiége.
Il cite encore , pour confirmer cette décifion , un
arrêt du premier leptembre 1658 , infirmatif d'une
fentence du bailliage d'Amiens , qui avolt admis
l'appointement de preuve de la poflefTion.
On peut auffi voir fur cette matière les articles
Corvée & Taille seigneuriale.
Brillon , au mot Prejcriptior-rcme , 'cite un anét
du parlement de Paris du 28 juillet 1725 , qui va
plus loin. Il juge que u la preflation d'une rente
» (même de particulier à particulier), pendant
>» près de cent années , n'acquiert pas le droit de
" la prérendre toujours , quand il efl évident que
» la prédation a été faite fans caufe & par er-
» reur v.
Cet arrêt juge encore , « qu'en ce cas, on ne
'> peut pas demander la reftitution des arrérages
»> payés , même de ceux dont l'aâion n'eft pas
» prefcrite , à caufe de la bonne foi du ceifionnairj
» de la rente, qui a reçu; & parce que celui qm
') a payé volontairement, eft en faute de n'avoir
» pas reclamé pluiôt,on peut croire qu'il a payé
») par libéralité w.
Distinction II. De la Prtfcripùon confiJérée com-
me moyen d'éteindre les renier , redevances iS* pnf-
taùons qui nemporient f.'as la direde fei^rneune.
Deux queftions principales font toute la matière
de cette diftin<îîion.
i". La feule celfation de payement peut-elle
donner lieu à la Prefcription en faveur des re-
devables des rentes & preftations dont il s'a^^it ?
2°. Le tiers-acquéreur d'un fonds hypothéqué
ou affecté à iinz rente ou preftailon de cette na-
ture, peut-il prefcrire pendant que le créancier cft
payé, ï'oit par le débiteur, foit (quand le fonds
ert divifc en plufieurs parties également aliénées )
par un autre tiers détenteur?
Examinons chacune de ces queftions : il en eft
peu d'aufli importantes Se qui fe préfentent auffi
fréquemment dans les tribunaux.
I. La première eft hériiTée de difficultés ; & il en
eft peu , dans toute la jurifprudence , fur laquelle
les opinions , les ufages & les arrêts foient auffi
variés.
Deux lois romaines ont été, par leur oppofi-
tion apparente, la caufe de cette diverfité d'avis.
Suivant la loi eos qui , au code , de ufaris , on ne
peut plus agir pour les intérêt? d'un capital de de-
niers donnés en prêt, lorfque ce capital eft pref-
crit , foit par trente, foit par quarante ans ; & ce
feroit en vain que pour fonder une aflion à cet
égard , on objeéleroit que les intérêts des années
les moin'^ reculées ne font pas échus depuis un
temps fuffifant pour la Prefcription ; car , a'ciue le
légitlateur , quand l'a^lion pour le principal eft
PRESCRIPTION.
éteinte , la demande des intérêts n'eft plus rece-
vable (1).
Vciîa la bafe fur laquelle pofe l'opinion de ceux
qui regardent le fond des droits dont il s'agit ,
comme piefcriptible de la part des débiteurs 6c re-
devables.
Il n'eft pas difficile de fentir qu'ils font de ce
texte une application vicieufe. La loi fuppofe un
capital prefcrit ; elle ne s'inquiète pas de lavoir
comment il a pu fe prefcrire, parce que dans le
fait il étoit exigible , & par conféqueut fufcepti-
ble de Prefcription , mais elle fe fixe aux arréra-
ges : elle demande s'ils font compris dans la Pref-
cription du capital ; elle décide qu'oui, & elle ne
dit rien de plus. En quoi cette tiécifion peut-elle
influer fur la queftion qui fe préfcn.e à réfoudre ?
Nous ne demandons pas fi après la Prefcription du
fond d'un droit confinant en pre/l."rio;iS , on peut
encore exiger les arrérages échus ava,!t qus cette
Prefcription ne (bit encourue, l'cul ers où on pour--
roit appliquer la loi cirte; iDais nous demandons fi
cette Prefcription peut avoir lieu , & par confé-
queut nous mettons en querUon ce qui dans i'ef-
pèce de la loi efl fuppofé.
Il leroit inutile de dire quQ cette fuppofition elle-
même eft une preuve de la prefciipribilité du tond
du droit. Car , nous l'avons dé)à reinarqué , Il la loi
fuppofe le capital prefcrit , c'efl parce que dans le
rai: il étoit exigible ; c'eft parce que pouvant faire
la matière d'une a6tion , celui qui en étoit créancier
ne pouvoir pas invoquer en fa faveur la maxime ,
contra nonvaUntcmiigire non currit Prccfcriptio,
Mais dans notre liypothèfe tout eft bien diffèi-ent.
C'cll ou une redevance qui n'a point de capital dé-
terminé , ou une prédation manuelle qui n'a point
de prix, ou une rente du principal de laquelle on
ne peur exiger le rembourfement. Le créancier de
l'un on de l'autre de ces obji:;ts n'a point d'atlion
pour le fonds du droit : il ne peut demander que
des arrérages. Ainfi point de comparnifon entre
notre efpèce & celle de la loi ^•t'i' qui; & fi la Pref-
cription peut avoir lieu dans la première, h coup
stjr ce n'eft pas de la décifion donnée par cette loi
à la féconde qu'elle dérive.
L'autre texte du droit romain dont nous avons
parlé , efl le §. 6 de la loi ciun notiffimi , au code , de
Prœfcripiione triointu annorum : c'eft de ce texte que
font paitis les auteurs qui , contraires aux partifans
du fyrtême de la prefcriptibilité , enfeignent que
nulle Prefcription ne peut éteindre le fond d'un
droit confluant en preftations ou redevances an-
(l) Loi >]Lii principal! aLtione per t.vceptioneiii irigjïit.i vei
oiialraginM annorum, live peifonali , five hypothecaiiâ ceci-
derunc , jubemus non pofTc fuper ufiuis vel frudibus prïcctiti
tempoiis alii-uam moveie cjujellionem , diccndo ex iistlem
teniporibus e.is velle fibi perio'vi , cjui non ad tri^inta vcl
quadragirta pnteritos annos rtfetuntur, alTèrcndo lînguiis
înnis earum ailiones nafci : principali enim artione non
fui (îilente , fatis fupervacuum e(l fupt: uTuris vel fruilibuî
a Jhuc juJicem cognolcere.
PRESCRIPTION.
nuelles. Voici mot pour mor ce qu'il porte ; nous
ne hiifons que le traduire :
« Dans les promeires , legs ou autres obligations
» qui ont pour objet une preflation à faire tous les
» ans , tous les mois , ou dans tout autre temps
5) déterminé, il eft évident que les Prefcripiions
» dont il a été parié jufqu'à préfent doivent courir
» non du jour d'une obligation de cette nature,
» mais du commencement de chaque année , de
» chaqiie mois , ou de tout autre temps marqué.
}> De manière , par exemple , qu'il n'cfl jamais
« permis à celui qui a pofledé par droit d'emphy-
« téofe , loit pendant quarante ans , foit pendant
j> un autre temps quelconque, de dire que par le
»> laps de ce temps il a acquis le domaine de la
>» chofe (i) ".
Ce texte paroit établir l'imprefcriptibilité des pref-
tations annuelles. Chaque année produit à cet égard
une nouvelle obligation , 6i par conféquent une
nouvelle action : ainu , quelqu'efpace de temps
qu'il fe foit écoulé entre la dernière prédation du
droit , 8c le moment où le créancier commence
d'agir , il ne peut jamais y avoir de prefcrit qu'un
certain nombre d'années.
Ce qui lève toute équivoque , c'eft l'exemple
que la loi donne de l'emphytéote. On convient
que celui-ci ne pouvant jamais prelcrire le domaine
direfl , ne peut jamais , par la même raifon , pref-
crire la libération du cens qui en eft récognitif. Il
faut donc qu'il en foit de même des autres prefla-
tions annuelles : car l'exemple que propofe le lé-
gi/lateur, établit une parfaite fimilitude entre le
cas fur lequel il porte , & les autres efpèces ren-
fermées dans la loi.
Ainfi , d'un côté , la loi eos cjui ne juflifie pas , ne
rend pas même plaufible le fyflême de la prefcrip-
tibilité des preflations annuelles ; de l'autre , la loi
cùm noùjjimi , démontre qu'elles ne font pafTibles
de Prefcription que pour les arrérages échus.
L'imprefcriptibilité de ces prédations ne peut
donc pas être un problême dans le droit romain.
C'étoit l'opinion de Martin , ancien glofTateur ; &
quoiqu'il ait trouvé un puiffant antagonifte dans la
perfonne du doâeur Bulgare , fon contemporain,
il n'a pas laifle d'être fuivi par le plus grand nombre
des interprètes.
Dunod , qui le combat , prétend qu'il n'a pas eu
le mime fuccès dans les tribunaux : il aflure que
l'opinion de Bulgare , " plus fimple & plus con-
>> forme à l'efprit général des lois , en matière de
(l) In his etiam promiffîonibus, vel legatis vel aliis obli-
gationibus , qux dationem per fingulos annos , vel menfes ,
aut ali.juod (ingulare tempus continent , rempora'nieinorata-
rum Pra:fcriptionum non ab cxordio talis obligationis ^ Ted
ab initio ciijufque anni , vel menfis, ve! alteiiiis fingulaiis
temporis coniputari manifeftuni en:;nulU fcilicet dandâJi-
centiâ vel ci ijui jure emphyreutico rem al i.juain per qu.idra-
ginca vel t|iiorcum>]ue alios annos retinuerit , diccndi ex
iraafaao tçmpore douiinium lîbi in iifdciii rébus (ju^eiituin
«ffe.
PRESCRIPTION. 4fi
» Prefcription , Ta emporté dans la fuite " ; & il
finit par dire avec d'Argentré , fur l'article 272
de l'ancienne coutume de Bretagne, que « l'ufage
n univerfcl a fournis à la Prefcription les rentes
" conflituées à prix d'argent , quoique le capital
» n'en foit pas exigible ».
Cet ufage , s'il eit auflî réel que le Tuppcfent ces
deux auteurs , ne peut que mériter nos applaudif-
femens. 11 déroge aux lois romaines ; mais ces lois
font elles bien judicieufcs , lorfqu'elles affimilent ,
par rapporr a la prefcriptibilité , une fimple prefîa-
tion annuelle à une redevance emphytéotique ^
Quelle diftance entre le débiteur d'une rente ordi-
naire , & l'emphytéote qui poflede le bien d'autrui ,
fans avoir , fans qu'il foit même pofTible qu'il ait
jamais l'efprit de propriétaire ! le moyen de com-
parer un redevable qui ne détient rien à autrui ,
qui ^^ofCcùi unimo domini les biens qu'il peut avoir
affeélés à fa redevance, qui enfin n'ell tenu qu à
une charge purement accidentelle à fon fonds , &
une perfonne qui a en dépôt l'héritage de fon fei-
gneur direél , qui n'e/I obligé , comme on l'a établi
ci-devant, §. 1 que parce qu'elle eft afTociée dans
la propriété de celui-ci , & dans qui, pour tout
dire en un mot , raffujettiflement à la redevance
emphytéotique eft la caufe finale de fa joulifance «
le prix de l'abandon qui lui en a été fait , la condi-
tion//-Te ^ua /10/2 de fon affociation au domaine du
feigneur direél }
Ajoutous encore''que le fyfléme illimité du droit
écrit peut nous jeter, par rapport aux rentes conf-
tituées qiie les romains ne connoilToient point ,
daiTS des inconvéniens fans nombre 8t des embar-
ras effrayans. Mes ancêtres ont conditué une rente
dont on retrouve aujourd'hui le titre. Il y a qua-
rante , foixante , cent ans qu il n'en a été pay^ au-
cune efpéce d'arrérages. Viendra t-on malgré un
aufîi long efpace de temps , foutenir que je dois
pafler titrt; nouvel , & acquitter Ls arrérages nwn
prefcrits ? Mais , d'un côré , il eft poflible ([ue mon
aïeul, que mon père ait rembourfé le capital ,
& que la quittance de rembourfcment ait été dé-
vorée par un incendie , minée par le temps , per-
due par inadvertance. D'un auire côté , il n'eft point
vraifemblable qu'on n'eût pas .pourfuivi mon père
ou mon aieul , fi on ne les eût pas cru libérés. Fau-
dra-til donc que la découverte d'un titre ignoré
pendant un fi grand nombre d'années , impofe
filence à toutes les précomptions qui parlent en ma
faveur ;& mon adverfaire, qui ne fait pas mieux
que moi quelles innovations a pu éprouver ce titre
avant qu'il ne tombât dans (es mains, triomphern-t il
des invraifemblances les plus palpables , tandis
que , fuivant le cri de toutes les lois , la pofTelTlon
de trente ou de quarante ans fait en général re-
garder comme vrai tout ce qui eft pofTible ?
Ces confidérations , on le fait , ne peuvent s'appli-
1 quer qu'aux preflations rachetables , c'eft-à-dire ,
Iou aux rentes conflituées à prix d'argent, ou aux
rentes foncières dues par des maifons de villes.
Fftji
411
PRESCRIPTION. '
Mais à l'égard des autres , il exifle des principes ,
comme nous l'avons dit ; quoique rejetès par le
droit romain, ils méritent afiez l'aveu de la railbn ,
pour ]u(ï\ficr Vu/age univerfel que d'Argentré fup-
pofe établi en faveur de la prefcriptibilité de cts
preftations (i).
Refte à favoir fi cet ufage exifte en effet, tant par
rapport aux rentes rachetables que relativement
aux autres redevances ?
Pour nous en alTurer , il n'y a que deux fources à
confulter, nos coutumes & les décifions des tribu-
naux établis pour nous ju^er.
Tomes nos coutumes n ont pas,à beaucoup près,
rlccidé ni même prévu la queftion. Voici celles qui
prononcent en faveur de la prefcriptibilité des pref-
tations dont il s'agit,
I5f)uIounois , article 120; Artois, article 72;
Bailleul , rubrique 21 , article 3 ; Valenciennes ,
article 93 ; Cambrefis , titre 17 , article i ; Namnr ,
article 37 ; Lieee (2) , chapitre 9 , article 3 ; Met '. ,
titre 14 , article 9 ; Reims , articles 300 & 381 ;
Scnlis, articles 190 & 191 ; Clcrmont en Argonne,
chapitre 14, articles 4& 7 ; chàttllcnic de Lille,
chapitre 17 , article 2 ; ville de Lille , chapitre 6 ,
-.Article 1 ; gouvernance de Douai , chapitre 14, ar-
ticle I ; ville de Douai , chapitre 9 , article i ;
O rchics , chapitre 8 , article 1 ; la Gorgue , article
43 ; Lo rpine , titre 18 , article 2; Gorze, titre 14,
article 32 ; Ponthieu , article 115; Grand'Perche ,
article 2 1 3 i Orléans , article 309 ; Montargis , cha-
p trc I 7 , article 4 ; la Marche, article 91 ; Auver-
gne, chapitre 17, article 2.
Il faut ajouter à ces coutumes vne ordonnnnce
de 1^64 qui d\ particulière à la Franche-Comté :
elle porte félon Dunod , partis 3 , chapitre 7 , que
(( toutes rentes & redevances annuelles confeflees
» & reconnues par écrit , & portant hypothèque ,
« feront prefcrites par quarante ans, au cas que Je
j) payement n'en ait été fait pir ks principaux dc-
» biteiirs , héritiers, ou tenementiers (détenteurs )
„ des aiTignaux » , ou hypothèques fpéciales (3).
Voilà aflnrément un enfemble refpeAible de dé-
cidions en faveur de la prefcriptibilité des rentes ,
redevances & prédations annuelles qui n'ont pas
pour objet la reconnoiflance de la direOe feigneurie.
Mais le fentinient contraire a auiïi trouvé des par-
tifans parmi les réda(fleurs de nos coutumes. Il y
(i) Voici la termes de d'^-'gtntré. Generali obfervaiione
regni F'anciï, una pro omnibus omnium annorum prxitatio-
nituJ Pi'ï^'ctipt'O fiiHîcit ; & hoc juie utiiiiur : /ur /' :/r/<:/e
171 rft l'anc'ennt coutume de Bretagne , aux mots, qui n'é-
chcenc d'an en an , nomfcre j.
(a) La dirpoiîùon de cette coutume eft iîngulière : elle
exige quarante ans & lonne foi pour qu'on puiffe prefcrire ]a
libération dune rente : encore taut-il que ce foit emr) gens
ca) J'iesb- idoines. _
(O Et ex liisceffat apud nos ( dit M. Gnvel , décijîon 124) ,
quxitio illa antiqua &: perplexa in quâ doûores mitiHcè va-
riant, an Icilicetin hujufnio-ii ff^'t^tionibus annuis unius
cuiufqueanai propria lequiratur PraEictiptio ; &: quot funt J
aoui , lot rc>iuira.ntui; Ptxfcripiiones jo vd ^o annerui», {
PRESCRIPTION.
en a plufieurs qui, ou n'admettent pas la Prefcrîp.;
tion en cette matière , ou , ce qui revient au même ,
ne i'ïïdiuettent qu'à l'aide d'une conttadidion préa-
lable Ôc ftiffifante pour former une interverfion de
titre , ou enHn déclarent qu'il n'y a li; u contre les
droits dont il s'agit , qu'à la Piifcription immémo-
riale. Tranfcrivons ici leurs termes.
« Droit de tailles, corvées, charrois & autres
» redevances & prcftations perfonnelles , comme fem-
» blablement droit de cens & rente annuelle... ne fe
» peuvent prefcrire par le fujet ou débiteurs cowr,-?
» les feigneurs ou crèancien , finon par efp?.ce de
» temps immémorial , ou bien par refpace de trente
» ans , après la contradiction par eux faite de fatis-
» faire auxdites preftations ». Saint- Mihicl , titre
10, articles 7 & 8.
" Droit de... & rente annuelle... ne fe peut pref-
>' crire par les fujets ou débiteur contre leur fei-
" gneur créancier , finon par laps de temps immé-
» morial, ou bien par l'efpace de vingt ans vingt
» jours (i) après le refus ou contradiâion par eux
'> faite de fatisfaireà telles prelhtions ou redevan-
" ces ». Gorze, titre 14 , articles 27 & 28.
" Droit de taille es quatre cas , de charrois &
" manœuvres , & de tailles perfonnelles nefe pref-
>♦ crivent , fmon depuis la contradiélion ». Bour-
n bonnois , article 29 (2).
La coutume d'Auvergne décide la même chofe
par rapport au droit de taille aux quatre cas ; mais à
1 égard des autres preftations , elle diftingue celles
qui font déterminées d'avec celles qui font exigi-
bles à merci & volonté. Les premières fe prefcrivent
par trente ans. Les fécondes ne peuvent être pref-
crites qu'au moyen d'une coniradiâion préalable.
Voyez ci-devant, §. 1 , diftinflion V.
Alais que décident les arrêts , foit dans les cou-
tumes muettes , foit dans les pays de droit écrit ?
An parlement de Paris , on n'a jamais douté que
la Preicription ne pût éteindre une rente confti-
tiiée, une redevance foncière, en un mot, une
preflatlon quelconque, pourvu qu'elle n'emportât
point la feigneurie direfle.
Au parlement de Touloufe , on fait des à'ifWnc-
tions qui ne paroiffent avoir d'autre fource que des
idées purement arbitraires.
M. d'Olive , livre i , chapitre 6 , dit que « les
» arrêts de ce parlement ont confidéré les pen/îons
V obituaires comme des rentes foncières , pour les
■n déclarer non - feulement imprefcriptibles , mais
>) pour faire auffi que les arrérages en foient dus
M depuis vingt-neufans avant l'introdudion de l'inf-
n tance ". C'eft , continue- t-il , ce qui a été jugé
notamment par arrêt du 7 juillet 1633.
fi) Voyez ci-clevant, fedion 1, j. des Prefcriptions de
vingt ans, à la h"n.
(a) Cette difpoffticn eft d'autjnt plus extraordinaire dans
la courume de Bourbonnois , que le cens s'y prcfcrit haï
trente ans, fans qu'il (bit beibin de contradidioa.
Voycï ci'devaut, §. i > diftinâion Y.
PRESCRIPTION.
Dans les notes fur ce chapitre, M. d'Olive di*^
que cette iurilprudence a été introduite par efprit
de religion , pietjùs ïniuitu ; & il rapporte un arre^
du 7 jîinvier 1637, rendu dans une efpècc " où 1
» s'agifToit d'une rente obiruaire établie ^ar con-
>) trat , qiii fut jugée imprefcriptible ».
Plus bas , il nous apprend que par un autre arrcr
rendu à fon rapport le 3 i août 1639 , « il a été jugé
>' que non (culement la penfion obituaire que le
» londatcur a aflignée (ur certains fonds eft impref
" criptible & palîc pour rente foncière , mais auili
n celle que les héritiers du fondateur , l'obituaire
" & les patrons ont aiîîgnèe fur un fond , à raifon
>» delafoinme prôvcnue de la vente d'une maifon
" de la fondation v.
11 dit encore qu'un arrêt du 4 avril 1642 , rendu
après partage , a décidé" que la rente obitu.rire
» n'eîi pas prefcriptible , encore que par uneciaule
» exprefle de la fondation elle foit rachetabie m.
Dans un autre endroit ( livre 2 , chapitre 21 ) ,
M. d'Oli'.'e examine fi les rentes conftituées à pnx
d'argent ur un fonds allodial, font prefcriptibles ,
lovfqu'elles font conçues en forme d'emphytéofe ?
La négative paroitroit ne devoir loufirir nulle dif-
ficulté. Cependant , notre auteur prétend que le
parti de l'imprefcriptibiliié a été adopté par im arrêt
du x8 août 1634. Mais DefpeifTes qui dit avoir vu
cet arrêt , allure qu'il a décidé tout le contraire.
M. d'Olive dit encore que par deux autres arrêts
des 30 mars 1640 Se 27 juin 1641 , de pareilles ren-
tes ont été déclarées imprefcriptibles ; mais il a foin
d'avertir que dans l'efpéce du fécond , il y avoit
des circonrtances fuffifantes pour établir une tradi-
tion de fonds de la part du créancier de la rente ,
ce qui la rendoit vraiment emphytéotique.
Enfin, il dit que la jurifprudence a été fixée en
faveur de la prefcriptibilité par deux arrêts très-pré-
cis , l'un de 1641 , & l'autre du mois de juin 1644 :
nous devons ajouter , & par un troifième du 29
août 1657, rapporté par Albert , au mot rentes ,
§. I. _
Ce qu'a écrit fur cette matière M. de Catellan ,
livre I , chapitre 7, ne fait que confirmer les affer-
tions de M. d'Olive.
Il commence par annoncer qu'il a été un temps
ou les chambres du parlement de Touloufe étoient
partagées fur la queflion de favoir fi « les fonda-
» tions qui regardent le fervice divin Se les fer-
») vices pour les morts font imprefcriptibles , foit
j) qu'elles proviennent de tefiament ou de con-
» trat ».
Et il ajoute, qu'après de longues difputes fur
les opinions de Martin & de Bulgare , « la fa-
w veur de l'églife & des fondations pieufes a en-
j> fin réuni les efprits , & qu'on juge conilammcnt
}> & indifiiniflement dans toutes les chambres que
M les rentes obituaires ou autres en faveur de l'é-
» glife font imprefcriptibles m.
Après ce début , M. de Catellan paffe à la quef-
tion déjà traitée par M. d'Olive, fi la faculté de
PRESCRIPTION. 413
rachat, appofée à une rente conftituée par libéra-
lité au profit de l'églife, rend cette rente pafTible
de Prefcription , ou plutôt fi elle en fait préfumer
le rembourfenient , lorfqu'il s'eft écoulé quarante
ans fans que les arrérages en aient été pr.yés.
Après avoir dit que fur cette quefiion ks av'S
lont affez partagés , il rapporte un arrêt du 19
août 1665 , par lequel la Prefcription a été ad-
mife. Mais dans l'efpece jugée par cet arrêt , il re-
marque trois circontlances particulières, i". Lap«
de plus de trois fiècles : a", opulence des débitcnts
de ia rente, ce qui rendoit le rachat très-vrai(em-
blable : 3°. piljagc de leur maifon dans un te;rps
de guerre , d'où l'on pouvoir conclure que l'ac'e
de rembourfenient av-oit été égaré ou brûlé. Et
avec cela, l'avis qui forma l'arrêt, ne l'emporta
que de deux voix fur le parti contraire.
Excepté ce cas, continue M. de Catellan, j'ai
toujours vu juger en faveur de l'imprefcriptibilité,
nonobfiant le paéle de rachat. Telle eft notam-
ment la dêcifion d'un arrêt du 14 mai 1667.
On a élevé, nous dit encore le même magif-
trat , une autre queftion , par rapport a l'imprcf-
criptibilité des rentes obituaires.
Il s'agiiToit de favoir fi ce privilège eft limité
à l'aiRion perfonnelle qui peut être exercée par
l'églife contre les héritiers , ou s'il s'étend jufqu'à
l'adion hypothécaire , & fi en conféquence un
tiers-acquéreur eft hors d'état de prefcrire la liLé-
ration de la rente pour laquelle fon héritage eft
afl'eélé envers l'églife. Ce dernier parti , repond
M. de Catellan , u a été précifément adopté à m.ca
)> rapport , fuivant l'avis de Perrière , furies quei-
j> tions 432 & 576 de Guy-Pape, dans la car.fe
V de Maifier , acquéreur d'une rente fur le village
ij delaValete, hypothéquée pour une rente obi-
» tuaire ".
J'ai auflî vu ( c'eft encore M. de Catellan qui
parle) , j'ai auifi vu « juger avec moins de diîii-
3) culte, à la féconde chambre .des enquêtes , ati
)> mois de mai 1665 , que le laps de plus de cer.-t
» ans ne faifoit pas que le tiers-poilefieur pût pref-
» crire la rente établie fur fon fonds », 11 y avoir
cependant une circonftance bien favorable à la
caufe : c'eft que par l'afle de fondation, les hé-
ritiers & ayans-caufe du fondateur avoient la li-
berté de décharger l'héritage aft'eélé à la rente ,
en la transférant iur un autre. Le tiers-pofiefl'eur
foutenoit que le laps de temps devoit faire préfu-
mer cette tranflation ; mais il ne fut pas écouté.
"Vedel dans fes obfervations fur M. de Catellan ,
dit qu' « on peut ajouter aux arrêts qui ont ju^é
V la rente obituaire imprefcriptibie , fur la térc
» des tiers - acquéreurs du fonds affujetti à la
» rente, un arrêt rendu le 12 avril 1718 n. En
effet , dans l'efpècc de cet arrêt, le marquis de
Cafielnau contre qui il a été rena|ii>, avoit en (a
faveur, une jouifi"ance paifible de 148 ans, fans
acquitter la rente : il n'y avoit aucun fervice an-
nexé 3 cette redevance i elle avoit d'ailleurs éié
414 PRESCR IP nON.
tranfporice Air deux différens héiitnges , dont les
polVeireurs l'avoient payée régulièrement. Maigre
tes circonftances , le marquis de Callelnau tut
condamné.
Mais le parlement de Touloufe regarde-t-il com-
me imprelcriptiblcs les rentes conltituees à prix
d'argent? Non, il reftreint ce privilège aux rentes
qui ont été données ou léguées à l'éghfe ; Se dans
le cas même où c'cft au profit de l'églifc qu'a été
pafté le contrat de conititurion à prix d'argent ,
il juge que la rente eu. paflible de Prefcription.
Ceil , dit M. de Catellan , " ce que j'ai vu juger
j) à mon rapport le 12 juin 166^ , après partage
j> porté de la première chambre des enquêtes à
j> la féconde ».
Les arrêts de 1634 , 1641 , 1644 & 1*^57 , rap-
pelés ci deiTus , ajoutent à la vérité de cette alTer-
tion , un nouveau degré d'évidence.
Voilà tout ce qu'ont écrit, fur la Prefcription
des rentes , MM. d'Olive ik de Catellan ; c'e(t-
à dire, deux des plus favans magidrats qui aient il-
luftré le parlement de Languedoc. Joignons -y
deux décifions que renferme lur la même matière ,
le journal du palais de Touloufe.
Le chapitre 200 du tome 3 , nous préfente un
arrêt du 12 feptembre 1712, qui juge a que le
j> privilège de l'imprefcriptibilité accordé aux ren-
« tes obituaires contre les poiTcffeurs des biens
j) du fondateur, n'eft pas accordé de même contre
5> les poiTelTeurs , non des biens du fondateur , mal;,
« des biens de fes héritiers >».
Dans le tome 4, chapitre 96, eft un autre arrêt
du 24 mars 1719, par lequel il a été décidé que
(( la rente qu'une églife fait à une autre , fe prcf-
j> crit , fi elle n'eft foncière , ni obituaire , ni éta-
» blie en figne de fupériorité ". Voyez ci-après ,
§. IV.
Le parlement de Dauphiné étendoit autrefois
à tous les genres de preftations annuelles , la feule
cfpèce d'imprefcriptibilité qu'il admet dans la féo
dalité & la direâe (1).
Il les affranchiffoit de toute Prefcription au-
defibus de cent ans. C'eft ce qu'attefte Guy-Pape ,
queftion 406.
Mais M. de Salvaing nous apprend dans fon traité
de l'ufage des fiefs , chapitre 78 , qu'à l'inAant
où il livroit cet ouvrage à l'impreflion , c'eft-à-
dire , en 1668, il y avoir quarante ans que la ju-
rifprudence du palais étoit changée fur ce point.
Depuis ce temps , dit-il , « le parlement a jugé
j) conflammcnt que toutes preftations annuelles ,
M autres que les direéies , fe prefcrivent par qua-
« rante ans, comme n'étant confidérées que pour
j) fimples hypothèques ».
Ce magiftrat ajoute qu'il a cependant vu douter
fi cette jurifprudence ne devoit pas être reflreinte
aux rentes c<ii>ftituées , ou fi on pouvoit aufli l'ap-
pliquer aux rentes foncières : mais, continue- t-il ,
(i) Voycï ci devant ,'j. i , dilHni^ion 4.
PRESCRIPTION.
ce àoutG a été levé en faveur du fécond parti ,
par un arrêt du 28 juin 1645 , rendu de l'avis des
chambres.
BalTet rapporte aufli cet arrêt , livre 2 , titre 39 ,
chapitre 2 , & il obferve qu'il a pafTé de vingt-fix
voix contre dix.
Chorier , jurifprudence de Guy-Pape , page 35 »
en rapporte un autre du 29 juillet 1639 , qui juge ,
de l'avis de toutes les chambres , que les tiers-
poflefleurs d'un bien fujet à une rente anniver-
saire , en prefcrivent l'exemption contre l'églife
par quarante ans. En cela, le parlement de Gre-
noble s'écarte de la jurifprudence du parlement
de Touloufe, & en même temps, comme on le
verra ci-après , de celle du parlement de Bordeaux.
Mais il eft d'accord avec les vrais principes.
Le parlement de Bordeaux juge de même par
rapport aux rentes coiifîituées : il les regarde com-
me prefcriptibles par trente ans : c'cft ce qu'nttefte
l'annotateur de la Peyrere , lettre P , nombres 57
&. 71.
Mais à l'égard des rentes. que les habitans de la
Guyenne nomment fondicres , & qui répondent à
ce qu'on appelle ailleurs rentes foncières ou rentes
de bail d'liérii,ige , le parlement de Bordeaux les
juge imprefcriptibles comme le cens. La Peyrere ,
leure P, nombre 55 , en rapjjorte un arrêt du 26
juin 1643 , & (on annotateur ajoute que « cet arrêt
)> a été fuivi d'une infinité ^'autres arrêts fembla-
» blés , qui ont jugé que les rentes fondières font
)> imprefcriptibles , & même que le dé-
» cret ne les purge pas ». Plus bas, nombre 57,
note c, il prétend qu' « en ce point , la jutifpru-
» dence de fon pays eft plus conforme au droit,
T> en ce que (fuivant lui ) la raifon de la loi 6 ,
» C. de Prxfcriptione 30 val 40 annonim , a égals-
') ment lieu à l'égard de celui qui tient un hcri-
»> tage au devoir , c'eft-à-dire, moyennant la recon-
M noiflance d'une rente fecjnde n.
Du refte, le parlement de Bordeaux accorde,
comme celui de Touloufe, le privilège de l'im-
prefcriptibilité aux rentes obituaires. C'elt ce qu a
jugé , même contre un tiers-acquéreur des biens
aheélês à la fondation , un arrêt du 2^ févriar
169'), rapporté dans le recueil de la Peyrere,
lettre R , nombre 102.
Le parlement d'Aix, eft, de tous les tribunaux du
royaume, celui qui eft le moins favorable à la
Prefcription des preftations annuelles.
Tous les auteurs de fon reîTort conviennent de
l'imprefcriptibilité de celles qui n'ont point de ca-
pital déterminé ; & il ne refte de difHculté enrr'eux
que pour les autres.
Paftour , traité ùc^ fiefs , livre 3 , titre 5 , nom-
bre 4 , foutient qu'elles font prefciptibles ; &
M. de Bèfieux, livre 8, chapitre 4 , §. 3 , rapporte
un arrêt du 27 mars 1713 , qui l'a ainfi jugé. Il
s'agilToit d'une rente confiiruée en 1641 , pour
prix d'un héritage vendu , & dont on n'avoit de-
mandé payement que 7oans après. C'étoitcoiurc un
PRESCRIPTION.
tiers-acquéreur que les pourfuites étoient dirigées ;
mais il paroîc que cette circonllance n'a point in-
flué fur le jugement de l'affaire ; M. de Bézieux
n'en dit pas le mot dans les uiotits dont il rend
compte, &. il devoir les connoirrc, puilqu'i! ùoii
préfident de la chambre par laquelle l'arrêt a été
rendu.
L'opinion contraire eft foutenue par Duperrier ,
rom. 1 , queftion i a ,& dans Tes maximes , titre de la
Prefcriptiun d'.s prtjldiions annuelles, W eftime qu'en
bonne jurifprudence, les rentes conftituées à prix
d'argent ne font point fujcttes à la Prefcriprion
par la feule ceflntion du payement pendant trente
ans ; & la raifon en eti qu'il n'cft point dû de prin-
cipal, qu'il eft aliéné , que le créancier ne peut
de nander chaque anné;.- que la renie échue , qu ainh
1 aiTtion pour les éciiéanccs à venir fubfiile tou-
jours. Ce fentiment a enfin prévalu. Il a crè juge
par plufieurs arrêts , dit M.Julien , dans fon com-
mentaire fur les ftatuts de Provence , tome 2 ,
P3g- 511 . « que la Prefcriprion de trente ans ne
» pouvoit pas être oppofée en cette matière. Il
» y en a un arrêt d'audience du 22 décembre 1726 ,
» un autre du 23 mai 173'), au rapport de M.
" de Beauval ; un autre du 29 janvier 1738, au
>> rapport de M. de Gras; & le quarrième, pro-
»' nonce par M. le premier préfident de la Tour ,
» à l'audience du 20 novembre 1744 ».
Ces arrêts l'ont aufii rapportés pnr laTouloubre
dans fes notes furies a<îîes de notoriété de MM. les
gens du roi du parlement d'Aix.
Il a été rendu un arrêt femblable au parlement
de Bretagne , le 7 janvier 1627, en faveur 6Qi
augudins de Carhaix. On le trouve dans le plai-
doyer 121 de Frain.
Mais dès le 26 octobre de la même année, ce
tribunal a jugé le contraire, en confirmant fur re-
quête civile (i) , un arrêt du 4 juillet 1625 , par
lequel on avoit déclaré prefcrite , par ceflation de
payement , une rente qui fùfoit partie de la do-
tation de l'abbaye de Prières.
On trouve ces arrêts dans le commentaire fur
la coutume de Bretagne , publié par Poulain du
Parcq, article 280, nombre y.
Chapel, chapirre 153 , en rapporte un autre du
î8 décembre 1628, qui juge également en faveur
de la Prefcripiion , & cela contre l'hôpital de
Ploè'rmel.
Frain, à l'endroit cité, nous en fournit un du
4 juillet 1631 , qui décide encore qu'en fait de
prejîation ou rente annuelle , la Prefcriprion com-
mence du jour de la ceflation de payement, même
contre l'églife, & qu'il n'eft pas befoin de déné-
gation du droit pour y donner lieu. La contefta-
tion étoit entre les chartreux de Nantes & le nom-
mé d'Aubron.
[_i] On fait que dtv.s ce temps-la les requêtes civiles fe ju-
geoicnc pat le iiKtite Ju fond.
PRESCRIPTION. 4M
« Cette maxime, dit Poulain du Parcq (i), a
» été encore confirmée par arrêt du 20 juillet
» »^9i , entre M. le duc & madame la duche/Te
» de Coillin , ôi dom Jean Poirier, prieur de
» Chateia;idren ". 11 s'agiiloit d'une rente de fon-
dation (i).
Le par lenient de Douai juge comme celui d'Aix ,
pour la partie de fon refiort qui eft régie par les
charres générales de Hainaut. Ce n'eft pas que cette
coutume ait des difpofitions expre/fes pour l'im-
prefcriptibilité des rentes conftituées; mais les an-
ciens praticiens du pays ont cru trouver dans ces
lois quelques termes qui conduifoient à cette opi-
nion ; ils l'ont adoptée , & de la réunion de leurs
fiulrôges fur ce point , s'eft formée la maxime ,
devenue proverbe en Hainaut , que non payer reruc
ncn^sndrc Prejcilpcion. Le parlement de Douai a
trouvé cette jurifprudence établie par différens ar-
rêts du conieil fouverain de Mons , lorfquil a
été lubrogé à ce tribunal pour le Hainaut fran-
çois , &. il s'y ell conformé. M. le préfident Des-
jaunaux ,tome 3 5 §• 16, en rapporte un arrêt du
17 juillet 1702, par lequel il fut jugé qu'yen
» Hainaut les rentes perfonnelles , comme les
» réelles ou hypothéquées, ne fe prefcrivent point
'> pour les principaux deniers, faute d'en payer
» les cours pendant trente , mê.aie quarante ou
» cinquante ans ".
Ce qu'il y a de furprenant , c'eft que dans
la même province, le terrage , quand il ne tient
pas lieu de cens , fe prefcrit par vingt-un ans ,
même fans ccntradiftion ni refus préalable. C'efl
ce qu'on a établi fous le mot Champart. D'où
peut donc venir une différence aulîi marquée
entre l'une &. l'autre efpéce de preflation } Et
puifquc les chartes générales déclarent prefcrip-
tible tout terrage qui n'eft point récognitif de
la direi51e feigneurle , pourquoi ne pas ejivifager
du même œil les rentes conftltuées .''
Au Parlement de Dijon, la jurifprudence a tou-
jours été confiante en faveur de la prefcriptibi-
lité des prefîations qui ne caraélérifent pas la di-
reéle feigneurle.
Le procès-verbal des cahiers drefies "en 1569 ,
pour la reformation de la coutume de Bourgogne ,
fait mention d'un arrêt de l'an 1566, qui juge que
les cens fonciers &• renies /impies , dans Icfquels
[i] lof.cj'r. arrêt j.
[1] Voici le dirpofuif i^e l'arrêt,
c. La cour avant faire droitdans l'appel de la fenttncedu if
« juil'et l<5/o, ordonne que ledit Cadean , failanr pour Jedir
.3 roirier, prieur titulaire de piisuré de ChatelanHren , in-
» formera tant par aftes que pir témo-^ns j que ledit Poiiier
r> & Tes prcdéceffeurs on' été feryis ô: p»y-« , depuis les 43
» an'; derniers, delaren? de «juarame- quatre hoiilcaux de
M froment qu'il prétend lui être due fur les terres de Plon-
„ balance, Kity & Peros ; comme aulli que lefdits du Cam-
„ b< tu- & du Hilgouet fa ferr,rae infonDcront du contraire ,
» par le^ mêmes voies , devant les jiges royaux de Sair.t-
» B'ieux, dépens réfcryés .>.
4^S p rf:scrïption.
il n')^ a aucune réfcrve de lods , de retrait fel-
gneuria! , ni de domaine direfl , fe peuvent du
tout prcjcrire , tant pour te principal que pour les
arrét.igcs.
Raviot , fur Perrier , qiieftion 338, nombre 19 ,
dit qiie par un autre arrêt du 12 juillet 1567 ,
trouvé dans les nianufcrits de M. Colin , confeil-
1er au même parlement: « Les religieufes de Prâ-
î» ion, ayant demandé au ficur Brocard un cens
» qui n'étoit ni feigneurial , ni emphytéotique ,
5» & n'ayant pu justifier d'aucun payement pen-
3) dant quarante années , furent déboutées par la
îi Prefcription " ; & il ajoute , d'après les mêmes
nianufcrits, que M. Colin étoit l'un des juges.
Bouvot , tome 2 , article Prefcription , quefiion
3 , cite UI1 autre arrêt de la même cour du 4 août
1607, qui juge également que a la rente volante
3> eft prefcrite par trente ans , faute de demande
« & de pourhiites ». Un autre arrêt du mois de
juillet 1623, qu'on trouve dans la queflion 2 du
même article , a jugé, u qu'une rente léguée à l'é-
'> glife & afTignée , peut fe prefcrire par trente
y> années ». (i)
11 y a encore dans le journal du palais , un ar-
rêt de la même cour du 23 mars 1672, qui dé-
cide qu'une rente fimple foncière fe prefcrit par
trente ans.
On a cependant admis au parlement de Dijon ,
la maxime des parlemens de Touloufe & de Bor-
deaux , que les prédations dues à l'églife pour fer-
vices , font imprefcriptibles de la part des fon-
dateurs & de leurs héritiers,
« Les fervlces qui fc font tous les jours ( dit
ïj Raviot, quertion 345, nombre 26), font des
5> aifles qui exécutent, en quelque forte, la con-
>» vention ou le titre , & qui , par conféquent ,
j> s'oppofent à la Prefcription ».
On a même foutenu, lors d'un arrêt du 16 juin
1665 , que ce privilège d'imprefcriptibilité s'étend
aux oblations en grains que les paroi/Tiens (ont
tenus, en certains endroits, de faire à leur curé ,
pour le pain , le vin & le luminaire qu'il fournit
à l'églife : dans cette efpèce , deux particuliers
vouloient fe fouftrairc au payement de la rede-
vance en nature , &. prétendoient ne payer que
cinq fous , comme ils avoient fait depuis un temps
immémorial, iTans en connoître , difoientils , la
caufe. Le curé leur répondoit. Vous n'avez pas pu
prefcrir-' le fond du droit, parce que tout ce qui
eu dû à l'églife pour caufe de fondation & de
fervice , eft imprefcriptible : à l'égard du paye-
ment en nature , les principes veulent qu'il foit
toujours exigible, quoique pendant long-temps,
il y ait été fubftitué un payement en argent. —
L'arrêt cité donna gain de caufe au curé.
Mais le parlement de Dijon ne va pas, en ma-
tière de fondations , auffi loin que ceux de Tou-
(1) Pourquoi tiente ans contre l'églile ? Voyez ci après ,
§. 4, dilHiidlion I.
PRESCRIPTION.
loufc & de Bordeaux : à l'evemple Gu parlement d
Dauphiné, il juge qu'un tiiirs-polfeiTeur peut pref-
crire une rente obituaire. Raviot , à l'endroit mdi"
qué ci-deffus , nombre 27, en rapporte deux arrêts
des 7 juin 1666 & premier mars 1667.
Voilà quelle eft fur cette matière la jurifpru-
dence des différens tribunaux du royaume; il n'y
règne pas , comme on voit , cette uniformité que
fuppofe d'Argentré , lorfqu'il dit que l'ufage géné-
ral de la France a prononcé en faveur de ia pref-
criptibilité des preftations annuelles non portant
direéle feigneurie ; mais du moins il rèfulte des dé-
tails danslefquels nous fonimes entrés , que cette
opinion a pour elle la pluralité des coutumes &
àes arrêts ; noHS aurions même pu y a/ourer le fuf-
frage de deux cours fouveraines étrangères , à la
vérité , mais voifmes des états du roi , &. toutes
deux compofées , depuis long- temps, des plus pro-
fonds jurifconfultes. L'une ell le fénat de Catalo-
gne (i) , l'i-futre leconfeil fouverain deBrabanr(2).
Au refte , il eft un cas où ceux même qui tien-
nent le parti de rimprefcriptibilité , rendent hom-
mage à cette jurifprudence. C'cft lorfque la contef-
tation cft entre le créancier & un tiers-acquéreur
du bien affeéié à la preftation annuelle. On a vu
plus haut que les parlemens de Touloufe & de Bor-
deaux ne permettent pas à celui-ci de prefcrire
contre l'églife ; mais c'efl une maxime abfolument
particulière à ces deux cours ; & par-tout ailleurs ,
il pa/Te pour indubitable qu'en faveur du tiers-
acquéreur qui n'a point reconnu la rente , la Pref-
cription opère contre tous indiliinéiement. C'eft
même la difpofition expreOe de plufieurs coutu-
mes, notamment de celles d'Etampes , articles 63
6c 64 ; de Montfort , article 62 ; de Mantes , arti-
cles 108 & 109 ; de Melun , article 170 ; Verman-
dois, article 142; de Reims , articles 380 , 381 6c
384 ; de Senlis , article 193 ; de Clermont en Beau-
voifis , article 69 ; de Valois ; article 1 23 ; de Sedan ,
article 309, &c.
IL Mais c'eft une queftion fi ce tiers-acquéreur
peut prefcrire , taudis que le débiteur de la rente
continue de la payer .''
Il y a là-defTus un grand conflit d'opinions &
d'autorités. On dit en faveur du tiers-polTe/Ieur ,
qu'il a tout ce qui cft requis pour acquérir la Pref-
cription ; que s'il a pu prefcrire le fonds même ,
il a dû , à plus forte raifon , prefcrire l'exemption
Ci) Cancei'ius , vûrf.e rfyj/arionej , Jivre i , chapitre I î ;
nombre 40,
(î) Fuie hœc quûndarn controverfîa celebrii inter priniot
juiis nortri proccres Martinum &: Bulgarum , iiio negante
Prjrfcriptioneni habere locum prxtcrqiiàm in penfionibus cef-
fis antè annos triginta ; quod quas citrà cefferunt dici non pof-
funt per cricennium negleûx fuilFe, quia à cricennio nondiim
na;a;. — - Sed in foro jam pridem obtinuit bulgari opinio peri-
mens ex hpfu triginta annorum fortem unà cùm penfionibus
omnibus plcrari-.ue confueiudines belgii iianc opinionem
expreHîra ftabiliverunc , et Constanter ITA JUDicavI-
MUS. ( M. S:ochm,ins j confeiller au confcil/ouverain de Bra-
hiin: , 4-cijîon S 1 }.
quand
PRESCRIPTION.
quand il a ignoré la charge , Se qu'on ne lui en a
pas demandé le payement; que , ("iiivant les lois
romaines , le tiers-polTefieiir avec titre & bonne
roi, prefcrit contre Taâion hypothécaire par diï
& vingt ans , & fans titre par trente années (i) ;
qu'il ert jufte de mettre à couvert des rentes ceux
qui ne les ont pas conftituées , & de ne les pas
lailTer expofés à des recherches perpétuelles ; enfin
que c'eft à celui à qui elles font dues de s'imputer
de n'avoir pas interrompu la Prefcription pir
une demande en déclaration d'Iiypothéque, On
peut d'ailleurs employer pour ce parti la loi 29 ,
t). qiiïbus modis ujufruElus amiiiatur (^2)
Les partifans de l'opinion contraire répondent
que celui à qui le cens ou la rente font dus, en
retient la poilelllon fur les fonds qui y font affeélés
ou hypothéqués, quoique pofledés par un tiers,
tandis qu'on les lui paye : que cela réfulte de la loi
31 , §. I , au digefle de acquirendâ , vd arnhtendâ
po£~ef:oni(-^) ; que la Prefcription eft interrompue
même à l'égard du tiers , par les payemens que fait
ie débiteur , parce qu'ils empêchent la Prefcription
de l'aâion hypothécaire (4) ; qu'an ne peut pas im-
puter au créancier , s'il n'agit pas contre le tiers-
poffefleur, parce qu'il n'a ni droit ni prétexte de le
faire, tandis qu"il e'A payé par le débiteur; que
l'aiîion en déclaration d'hypothèque efl incon-
nue dans le droit romain , qui veut au contraire
qu'on difcute le débiteur & fes cautions , avant
de recourir à la chofe hypothéquée, & que cette
aiSion ne peut être exercée que dans les lieux où
elle a été introduite par l'ufage, ou par les ordon-
nances ; que le titre , & la bonne foi du tiers-
acquéreur n'opèrent pas contre le créancier qui na
rien k fe^ reprocher; que les loix qui difcnt qu'il
prefcrit l'hypothèque , doivent être entendues du
cas où elle n'eft pas confervée pa4- des payemens ;
enfin , que deux perfonnes ne pouvant pofTéder
folidairement la même chofe, le tiers-acquéreur ne
peut pasêtre cenfé jouir de l'exemption, tandis
que le créancier poffede la rente par le payement
qu'il reçoit.
C'eft ainfî que raifonnent, avec Dunod (^), tous
les antagoniiles de la Prefcription dans le cas dont
il s'agit ; & , comme l'on voit , ils conviennent
du moins que leur fentiment eft infoutenable dans
les pays où eft établi l'ufage des demandes en dé-
claration d'hypothèque. En effet , comme l'obferve
PRESCRIPTION.
417,
(l)Loi cùm notiffiini,C. de rrxferipdone jo vcl 40 in-
noium.
(ti Pomponiiis quzrit fi fundum à me proprietarins con-
duxîrit, eum.^ue fundini vendiJri't Seio , non acdudo uOi-
fïutiu , an ukimfruclum per emptorem retineam ? 6c ai: : li-
•cetpropiietaiiiis m.hi p.enâonem lolverit , umen ulunitruc-
luiii ainicti: cjina non meo nomJne, fed fuo fruitus eft emptoi.
(5^ Si conJ;ictor rem vendidir , & c.im ab emptoie con-
dux-it, &.- unique meiccdfs pra:ditK, piioc locator pollcdio-
nem per c in:!ij:h'one;n retinet.
(4) Loi deiniiie, C. <^<î a'^niVi exception!.
(si \^':sP<er: ip'ionj , p.ucic } , chapitrer.
Tome XIII.
M. Pothier, partie i , chapitre premier, de dire
que « le créancier ne peut point ngir contre le
" tiers-détenteur pour le payement de la rente,
» pendant que le débiteur la lui paye exaâenient
» chaque année; cette raifon cû bonne pour ce
» qui regarde la rente ; mais pour ce qui concerns
» 1 hypothèque , rien n'empêche le créancier de
» fe pourvoir contre le tiers-détenteur , pour en
j> avoir un titre contre lui , & arrêter le cours de
» la Prefcription ».
Difons même qu'on doit juger ainfi par-tout ,
parce que par-tout il doit être permis à un créan-
cier d'agir en reconnoiffance & en titre nouvel
contre le détenteur d'un bien hypothéqué a fa
créance: que les loix romaines ne le permettent
pas expreifément , foit ; mais le défendent-elles ?
Non sûrement. Or, en fait d'adlions , & fur-tout
d'aâions confervatoires , les plus favorables de tou-
tes , on peut bien regarder ccmime pcrmifes celles
qui ne font pas défendues. Il feroit étrange que
des loix , qui nous recommandent avec tant de
foin de veiller à nos droits , qui nous difent par-
tout qu'elles favorifent la vigilance {jura vigilan-
tïbus fuhven'iunt ) , ferina/Tent la bouche à un créan-
cier dont l'hypothèque eft tranfportée en main
tierce, fous prétexte que fon débiteur le paye exac-
tement, & n'a pas encore maiiitefté une impuif-
fance de continuer , qui éclatera peut-être d'un
moment à l'autre. Or, fi ce créancier peut agir,
pourquoi ne pourroit-on pas prefcrire contre lui ?
A-t-on oublié que par les loix du code de Prxfcrip-
tione tri^inta vd i]u.tdrz(^inia annorum , il n'y a d'af-
franchi/Tenient de la Prefcription de trente ou qua-
rante ans , que les allions & les droits (ur lefqucls
le légiflateur a déclaré lui-même qu'elle n'auroit
aucune prife .''
Qu'importe que le débiteur cont'nuc de pnyer
la rente , pendant que le tiers-acquéreur jouit li-
brement de l'hypothèque , Se ne paye rien .' Le
fait du premier eft étranger au fécond; il ne peut
nuire ni profiter à celui-ci , parce qu'il n'y a en-
tr'eux aucune de ces relations qui identifient , par
exemple, l'héritier avec la perfonne doiu il recueille
la fucceffion. Une fois l'aliénation confommée , l'ac-
quéreur poffede en fon nom (.-"-o/uo), il n'a plus
rien de commun avec fon vendeur ; & tout ce que
le vendeur peut faire ou ne pas faire , foit pour ag-
graver, foit pour améliorer fa condition , ei^ pour
lui la chofe la plus indifférente. M. le Préfident
Favre l'a très-bien démontré, en expliquant, dans
fes rationa'ia , la loi 29 , quibus mod'n ufiixfr^tlus
amittatur , qui a beaucoup d'analogie à notre ef-
pece ; & ce qifil dit à ce fujet, reçoit ici une ap-
plication exacte (1).
(1) l'haie! les u rijiii d; ce ^rand m tilrat : M^r. lani eniin
i|U'd fruituarius fcLcrit iriipicienduni e.t , ut 11 u:jif u'.mii non
amitieiet , qu im q'iid emptor , u; iiûuiiUuctuin libi :-C";Mire-
ret ; ciim amiilio ulusfiuOûs lucro eju: S: enio'umïntù cedar.
Qui i enim refert eniptoiis ar fruLtuiiius pçnlîoneni .i p'o-
priecario exegeiit, an non exe^e.it? An iox\.c i.npuiaLimui
Ggg
4iS
PRESCRIPTION.
La loi 32 , <^e acqu'irendâ poffejjione , contredit ù
pen fa do^lrine , que malgré le défir qu'il feinble
toujours avoir de mettre les textes du droit ro-
main en oppofition les uns avec les autres , il ne
dit pns le mot de celle-ci , dans le commentaire
de cette loi. Aufli que décide-t-elle ? Préclfémcnt
que fi mon locataire vend le bien qu'il tient de
moi à bail , 5c qu'il continue de le tenir de Ton ache-
teur, au même titre, ma poffeffion ne fera point
intervertie, dès qu'il ne cefTe pas de métayer les-
loyers. Sans doute , dans ce cas , je refte poffelTeur,
&. l'on ne prefcrit pas contre moi ; mais quelle en
elt la raifon ? C'efi qu'il n'y a eu dans la détention
que le locataire fait en mon nom du bien dont
jï lui ai paffè bail , aucun changement extérieur
Ôi. capable de m'apprendre qu'il avoit tianfporté
à i\n tiers ce qui ne lui appartenoit pas ; que par
conféquent la polTeflion civile réfide toujours dans
mes mains, iîi que l'acquéreur n'ayant pour lui
qu'une jouilTance clande(line , il n'eft pas poffible
qu'il prefcrive contre moi.
Ici , l'efpèce ert bien diflérente : votre débiteur a
aliéné l'hypothèque qu'il vous avoit donnée. Cette
aliénation n'a pas été couverte des ombres du myf
fère , ni voilée par un bail ; du moins on le fup-
pofe ainfi. Rien ne vous a donc empêché d'en être
jnftruit : fi vous ne l'avez pas été , c'efi ou une
faute , ou un accident que vous ne pouvez imputer
qu'à vous même ou à votre mauvais fort.
Efi-il plus exa6t d'objefter, d'après la loi der-
nière , au code , de annali exception: , que les paye-
mens faits par le débiteur empêchent le tiers déten-
teur deprei'crire l'aflion hypothécaire ? Non , cette
loi déicide feulement que celui qui a contre une
même perfonne deux aérions , l'une perfonnelle ,
l'autre hypothécaire , efi cenfé les exercer toutes
deux, lorfqu'il attaque cette perfonne pour toutes
les prétentions qu'il a contre elle , & qu'en ce cas
la Prefcription de l'une efi aulfi bien interrompue
que celle de l'autre. Décifion vraie , fiinple & in-
conteftable , mais qui n'a pas le moindre rapport
avec notre quefiion,
C'efi encore un bien mauvais fophifme de dire
que deux perfonnes ne pouvant pofTêder folidaiie-
ment la même chofe , il efi impofiible que le tiers-
détenteur poiTède l'exemption de la rente , tandis
que le créancier jouit de cette rente par les paye-
mens que lui en fait le débiteur qui y efi obligé
perfonnellement.
Efi-ce donc pofl"éder une rente que de ne point
la payer ? La pofi"eiiîon qui par fa nature efi afiive ,
& qui fuppofe une afiion continuelle de la part de
celui fur la tête duquel elle réfide , pourroit elle fe
ei cuod paflus Tt penlionem à proocierario folv'. , cjuim pro-
hibere n; folveretiK , etiamlî niaximè voluilTet , non tamen
poiuilllic i at è concrario ioipvitari ali>]ua negligentia porelt ci
quoqiie fruduirio qui penlioneiTi à prop-ieca.io eodenitjue
foncfailoie percepit, -or empioiis poffeliioaeiii non iiitcrpcl-
l»veii( t ^<^*
PRESCRIPTION.
trouver là où il n'y a qu'un défaut d'uâion , Si t
s'il efi permis de s'exprimer de la forte . qu'une lié-
gation de pourfuites qui , fi elles exifioient , fc-
roieni purement T'^^^'^s pour le tiers-ditenteur.
Tous les pofi'cfi^eurs de dixmes doivent contribuer
à l'entretien des églifes, jufqu'à une certaine coti-
currence. Celui qui a prefcrit l'exemption de la
dixme , comme on peut le faire en quelqties pays
(1), entre t il pour cela dans la contribution aux
charges déciinalcs ?
D'ailleurs, quand on dit que deux perfonnes ne
peuvent pas pon"éder folidairement une chofe, cela
s'entend d'une pofi!'eflion du même genre. Rica
n'empêche quejene polséde d'une manière, un droit
ou un bien que vous polfédez d'une autre manière.
Ainfi, quand on reconnoîtroi: dans le tiers-déten-
teur dont nous parlons ,un pofilefl^sur proprement
dit, qu'y gagneroient les adverfaires ! A coup fur,
fa pofiélTion feroit d'un genre différent de celle du
créancier: dés-lors , l'une ne feroit pas obflacle à
l'autre.
Une dernière confidération bien capable de dé-
terminer ceux qui pourroient encore balancer fur
la quefiion , c'efi , comme l'obferve M. PoUet ,
que « la condition des acquéreurs feroit bien mal-
» heureufe , fi après une poflelfion de trente ou
5) quarante ans , ou même davantage , car la raifort
» ejuon apporte pour empêcher la Prefcription , ne
» JoL'ff're prcfjnc point de bornes , ils pouvoient en-
» core être évincés ».
Au furplus, qu'efi-il befoin de tant difi*erter fur
cette quefiion ^ Il n'efi piefque pas de pays où
elle ne foit décidée d'une manière ou d'une autre,
foit par la coutume , foit par la jurifprudence des
arrêts ; & probabletnent , tous les argumens pofiî-
blts feront aufiî impuifians contre celle-ci que
contre celle-là.
Voyons donc d'abord quel parti ont pris là-
dfP'US nos coutumes.
Celle de Paris , article 115, déclare que la Pref-
cription a lieu en faveur du tiers-acquéreur des
biens hypothéqués à une rente, encore que cette
rente foit payée par le débiteur ou par tout autre.
Cependant, ajoute la Coutume, fi le débiteur
étoit toujours demeuré en pofi^sfiîon de l'héritage ,
à titre de bail , de confiitution , de précaire , d'ufu-
fruit, ou autre femblable, il n'y auroit point de
Prefcription , parce que le créancier auroit eu un
jufie fujet d'ignorer l'aliénation ; exception très-
jufie , ik calquée , comme l'on voit, fur la loi 32 ,
§. I , D. de accjuirendâ poffeffione.
Ces difpofitions méritent d'autant plus d'égards ,
qu'elles ont été ajoutées à l'ancienne coutume ,
lors de la réformation de 1580.
On les retrouve d'ailleurs dans plufienrs autres
coutumes , notamment dans celle de Calais , ar-
ticle 207.
Mais l'opinion contraire a été adoptée par les
j (i) Voyez l'ariicle DlXME.
PRESCRIPTION.
coutumes de Berry , titre 12 , article 14 » de Ni-
vernois , chapitre 36 , atticle 6 , da Bourbonnois ,
article 32, d'Auxerre , article 187, de Licge ,
ch.ipitre 9 , article 1.
Il exifte dans le comté de Bourgogne une loi
femblable ; une ordonnance de Philippe II , roi
d'Efpagne , de 1564, qui porte, « que toutes ren-
>> tes St redevances annuelles , confcffées Se re-
>» connues par écrit , ik portant hypothèque , fe-
»> ront prefcrites par quarante ans , au as que le
» pjytmtnl nen ait pas été fait par les principaux
» débiteurs , héritiers ou tenementicrs des ajjlgnaux ».
Tels font les termes dans lefquels Dunod rend
compte de cette loi ; & comme il l'obfcrve très-
bien , u elle femble fuppofer que tandis que la
» rente eft payée , elle ne fe preicrit pas même par
« le tiers -pofîeneur j>.
Parcourons maintenant la chaîne des arrêts ren-
dus fur cette matière , dans les coutumes qui ne s'en
font pas occupées fpécialemenr.
Ceux du parlement de Paris doivent être diflin-
gués par trois époques différentes ; l'une , qui a
précédé la première rédaélion de la coutume de la
capitale ; l'autre , qui embraffe tout le temps écoulé
depuis 1510 jufqu'en 1580, date de la réformation
la plus moderne de cette loi ; & la troifième , à la-
quelle fe rapportent tous les arrêts poftérieurs à
cette réformation.
La première époque nous fournit un arrêt con-
forme au fentiment de Dunod , Si par cooféquent
oppofé au nôtre. Il eft rapporté parmi les décifions
de Jean des Mares , article -^op; & il contient un
détail curieux des moyens des parties.
Dans la féconde époque , la Jurifprudence a
varié.
Brodeau furLouet, lettre P , §. a , dit que par
arrêt du 13 février 1 543 ,confirmatif d'une fentence
du châtelet du 21 mars IÇ42 , François Vaudour a
été condamné , comme détenteur d'une partie d'hé-
ri'tage afFeâé à une rente foncière defept feptiers de
grain , à payer & continuer cette rente , quoiqu'il
eût joui de bonne-foi , fans trouble , & pendant
tlus de trente ans, depuis fon contrat d'acquifition.
unique motif de l'arrêt , ajoute Brodeau , a été
que le bailleur de fonds « avoit toujours été payé
3> des arrérages de fa rente par les héritiers du pre-
3» neur ; & que pendant ce temps , la Prefcrip-
« tion n'avoit pu courir contre lui ».
Mais par un autre arrêt du mois de février 1 549 ,
rapporté d'après Papon & Carondas , dans le com-
mentaire de Perrière , article 115, glofe unique ,
nombre 2 , il a été jugé que le tiers-détenteur pou-
voir acquérir la libération de la rente par le feul
laps de dix ans , quoique le débiteur principal en
eiît toujours continué le payement.
La même année , le 2 avril, il a été rendu con-
tre les héritiers de François de Noyon , un arrêt
exaéiemcnt femblable. Il eft rapporté par le Veft ,
S-J9-
Carondas 6c Ferritre font mention d'un qua-
PRESCRIPTION. 419
trième arrêt du 5 juillet 1568 , qui a été plus loin ;
il a rejeté les lettres de reiUrution en entier qu'un
créancier avoit obtenues du prince pour fe faire re-
lever d'une Prefcription de cette efpece , fous pré-
texte qu'il avoit ignoré raliénation & le change-
nîent de main.
Mais , quelque temps après , le 15 Mars 1 573 »
le parlement de Paris en a rendu un autre , qui a
fans doute donné lieu , en 1780, à la reftriftionqui
terminerarilcle 1 1 5 de la nouvelle coutume. Cet ar-
rêt, dont nous devons encore la confervation r. Ca-
rondas , a jugé qu'un mari, donataire de fa femme
par a6te duement infinué , n'avoit pas prefcrit ,
par le laps de quinze ans , l'exemption de la rente
à laquelle le bien donné étoit aflFeélé envers un
créancier de la donatrice ; & la ra fon en a été , que
le créancier avoit eu une jufte caufe d'ignorer le
changement de main qui étoit furvenu , pirce que
le mari avoit conftamment demeuré avec fa femme ,
outre qu'en qualité de chef de la communauté , il
avoit droit de jouir de tous les biens qu'elle poffé-
doit.
A l'égard des arrêts poftérieurs à la réformation
de 1580, on devine bien qu'ils ont invariablement
étendu aux coutumes muettes la difpofition de
l'article 1 15.
Brillon , article Prefcriptien , nombre 10^ , en
a remarqué un du 2^ o61obre i^f 2.
Le recueil de Papon , &; l.i bibliothèque civile
de Bouchel nous en fournirent dcMX qui jugent
contre la Prefcription ; mais c'eftdans des cas par-
ticuliers.
Par le premier , du 28 février 1 592 , il a été jugé
que celui qui a promis de payer une rente en cas
qu'elle ceflat de l'être par le débiteur , ne peut
pas en prefcrire l'exemption , tant qu'elle eft payée
par celui-ci (i).
Le fécond eft intervenu dans l'efpèce fuivante.
Le fieur de l'Ifle-Baraton conftitue une rente de
cent livres au profit du chapitre d'Angers. Enfuitc ,
il vend fa terre au fieur de la Joufteliniere,qui, dans
les cinq ans , eft afllgné en reconnoiiïnnce de la
rente. Il confent une Sentence, portant qu'il ne
pourra prefcrire. Le chapitre continue pendant
foixante ans d'être payé parle fieur de llflc-Bnra-
ton & fes héritiers. Ce tems écoulé , ceux ci m.in-
quent au payement : le Chapitre recourt fur le fieur
de la Jouffeliniere, qui fe défetid par la Prefcrip-
tion. Par arrêt du 20 Janvier 1600, cette excep-
tion eft rejetée , & le fieur de la Joufl'eliniere eft
condaniné à continuer la rente (2).
Ces décifions ne frappent , comme l'on voit , que
fur des époques particulières : aufiî n'ont-el!es porté
aucune atteinte à la jurifprudence du parlement de
Paris fur notre queftion.
M. Maynard, livre 7 , chapitre ()i , dit qu'après
beaucoup de variations , le parlement de Touloufe
■ ) Pjpon , livre 1 1 , litte « j , nombre V
^i) Boucnel, vab. Prcfctipton,,
Gggij
4io
PRESCRIPTION.
s'eft enfin déterminé pour la môme jiirifprudence ,
& le prouve par un arrêt de l'année 1587.
11 en a été rendu un femblable au parlement de
Grenoble le 10 décembre 1641.
La même jiirifprudence eft établie au parlement
d'Aix ; & quoique le favant & fubtil Dnperrier ait
fait tous fes efforts pour la renverfer (i) , il n'a pu
y parvenir. Lui-même , tome 2 , lettre P , nombre
40, rapporte deux arrêts qui la confirment de la
manière la inoins équivoque : le premier eft du 20
mai 1636 ; le fécond , du 4 mars 1640. M. Julien ,
dans fon commentaire fur les ftatuts , tome 2 , page
565 , en cite un troifieme du 1 1 Mars 1671 ; & il
ajoute : « C'eft la iurifpriidence que nous fiiivons ;
» les inconvéniens feroient trop grands , & les ac-
» quéreurs toujours incertains dans leur poffeirion ,
)) il la Prefcription n'avoit pas lieu dans ce cas ».
Le parlement de Dijon a confacré la même opi-
nion par pkifieurs arrêts. Dunod , partie 3 , chapitre
7, dit que M. le préfident Bouhier a bien voulu
lui en communiquer deux , " par lefquels il a été
»' jugé en ce parlement, que le tiers-pofieileur pref-
» crit l'exemption du cens foncier , quoique le
J> débiteur principal en fafle le payement. Le pie-
J> mier a été rendu au rapport de ce favant & il-
» luftre magifirat , le 17 Janvier 1696 , au profit
» de Jean Quillai:d & conforts , contre François
j> Pinot; & le fécond , le 14 Juin 1709, aii rnp-
ï> port de M. Perard de la Vaivre , pour Charles
>» Guiard , contre l'abbé de Sainte-Marguerite ».
On nous a a(Tiiré que ces arrêts font encore rap-
portés, mais avec plus de détail, dans une dif-
fertation de M. Bouhier même , qui eft copiée aux
folios i7&.fuivans du tome 3 des manufcrits de
iW. Menelet , dépofés à la bibliothèque de l'uni-
verfitê de Dijon.
C'eft aufii la Jurifprudence du parlement de Flan-
dres. M. PoUet , pnrtie i , chapitre premier , en
rapporte cinq arrêts.
Le premier a été rendu à la féconde chambre,
le I février 1690: par cet arrêt, dit le magiftrat
cité , « il a été jugé tout (Tune voix pour la Pref-
« criptibn , après qu'on eut confuhé les autref cham-
•n bres , fur ce qui avoit été jugé auparavant pour
j> la Flandre flamande ».
Le fécond arrêt eft de la même chambre , Si^du
3 du même mois. Il intéreffoit , comme le précé-
dent , des parties domiciliées dans la Flandre fla-
inande>
Le trolfiéme , du- 19 décembre ii'^9') , eft inter-
venu à la première chambre , iur l'appel d'une
fentence des échevins de Valenciennes.
Le quatrième a encore été rendu à la féconde,
le 21 mars 1696 , entre le fieur d'Agjirfart , ap-
pelant de la gouvernance de Lille , & le feig -eur
d'Harencourt. Il eft auft"i rapporté par M. le préfident
des Jaunaux, terne i , §. 99,
Le cinquème arrêt, qui eft du 23 juin 1703 ,
PRESCRIPTION.
a infirmé une fentence du bailliage d'Ipres , qui
avoit rejeté la Prefcription. Il mérite d'autant plus
d'attention , qii^ la partie contre laquelle il a pro-
noncé , produifoit , pour foutenir fon fyftême ,
plufieurs fentences , tant du confeil provincial de
Flandres , que des fieges qui y reftbrtiftent , &
qu'elle ofTroit de faire preuve que c'étoit un ufagc
confiant d;ins la Flanï^ire flamande. El'e citoit même
en fa faveur un arrêt du mois de février 1671 , rap-
porté par M. de Flines , ciauG fon commentaire ma-
nufcrit fur la coutume de Tournay , ti: re des hypo-
ih'^Ljues, verfet hypothecx non piafcrihaur. Mais la
jurifprudence étoit trop bien établie par les quatre
arrêts précédens, pour qu'il fût poiïiblc de l'ébran-
ler : le parti de la Prefcription a encore iriomphé.
On a vu plus haut , qii? le parlement de Be-
fançon eft forcé par une ordonnance de 1564,
qui eft particulière à fon refiort, de juger tout dif-
féremment.
Cependant Dunod penfe « qu'on doit en excep-
'» ter les cens fonciers & les rentes fpécialement
» aftjgnées ». Il faut voir dans le texte même de
cet auteur les raifons fur lefquelîes il établit cette
différence (1).
Jetons un coup-d'œil fur quelques-uns des tri-
bunaux voifins de' la France , & voyons coznment
ils jugent notre queftion.
Le confeil provincial de Hollande a décidé le ç
feptembre 1581 , que la continuation du payement
de la rente par le débiteur principal , n'empêchoit
pas la Prefcription de courir ea faveur du tiers-
poffeffeur (2).
Le confeil fouverain de Brahant a embrafie l'o-
pinion contraire le 26 août 164'-. L'arrêt eft rap-
porté par M. Stockmans , confeiller à ce tribunal ,
décifion 83.
M. le préfident Favre en difcutar.f ce point dans
fon code , livre 7 , titre 1 3 , définition 1 9 , iiombre
13 , ne nous apprend pas comment on la juge au
(i) Voici ces raifons telles qu'il les expofe :
.c Je conclus de l'orclonpance de 1^64 ,& de ce que les
» affignaiions en déclaration d'hypothèque ne font pas en
.5 ufjge parmi nous , que nous avons reçu l'opinion qui tient
M que tandis que le créancier eft payé de la rente, la Pref-
y ciiption ne court pas contre lui en faveur du tiers-acque-
,> reur ; mais je crois qu'on en doit excepter les cens foncieus
: &: les rentes fpécialement affignée^ , parce qu'il n'eft pas
o probable que !;; crtau Jei ait ignoré l'alicnation Se le chan-
., nement de m.iin de fes alfignaux, S< qu'il a pu agir fur
,i iceax , foit en demandant le renouve!Iemer\t de fes titres ,
,1 loit en fe pourvoyant furies héritages tenus par les tiers-
» polTcffeurs, puifqu'il peut le faire lans difcuC.ion ; il n'en
.1 efl pas connue des héritages qui ne lui font hypothéquîs
» qu'en général , fur lefquels il ne peutai;ir qu'après unedif-
» culTion préalable Hc contre les polTeiTeurs defquels il n'a
» point d'a(flion ; il ignore niêivie fouvent qu ils forent alie-
» nés & pofltdéspar des tieif. Rien n'eil plus gênant que d'o-
., bliçer un créancier à veiller fur les aliénations que fait ua
.j dj''iieur;& il me paroît que la liberté ducomnjefce fouSte
„ de-, adtions CI. dcclaraiicn d'hypothèque ».
(j.) DecilicncscuriacHoIlamlKT jf'^^e'M'
* PRESCRIPTION.
fënat de Chambéry ; mais il la décide lui-même en
faveur de la Prefcription.
Enfin, on peut due que c'eft le parti le plus gé-
néralement adopté.
Une queftion qui a beaucoup de rapport avec
celle qu'on vient d'agiter , eft de favoir fi dans le
temps que l'un des co-détentcurs partiels d un héri-
tage paye les rentes 6c prédations dont il eft chargé
folidairement, l'autre peut prefcrire l'exemption ?
Le cas s'eft présenté au parlement de Franche-
Comté le 27 oâobre 1607. Il ne s'agiffoit pas d'une
rente conftituée ou foncière , mais d'un cens em-
ph)^éotique , qui dans cette province fe prefcrit ,
comme on l'a vu plus haut, par le tiers-acquéreur
auquel il n'a été rien demandé pendant quarante
ans.
On difoit contre la Prefcription , que le cens eft
de fa nature individu & folidaire ; qu'ainfi on de-
voit confidérer comme co-oblij^és tous les co-por-
tionnaires d'un héritage chargé d'un cens ; qu'il
failoit donc leur appliquer la loi dernière , au code ,
de duohus rcii , fuivant hciuelle les payemens faits
par l'un des co-obligcs empêchent la Prefcription de
courir en faveur des autres ; S>L qu'en tout cas , le
feigneur dire^l avoit confervé fapoffeiïion relative-
ment à chacun d'eux, par les arrérages qu'il avoit
reçus de quelques-uns.
Mais ces raifons ,;dit M. Grivel ( décifion 141 ) ,
n ont fait aucune impreffion fur les juges, & il a
été décidé que la Prefcription avoit libère ceux des
co détenteurs qui n'avoient rien payé.
Trois grands motifs ont difté cet arrêt: i". l'in-
convénient qu'il y auroic à faire revivre, après qua-
rante ans , & contre un tiers-acquéreur , une charge
dont il a cté exempt pendant tout cet intervalle ;
a°. la négligence du feigneur qui ayaHt pu fe faire
payer ou paiTer titre nouvel par chacun des por-
tionnaires , ne l'avoit point fait ; 3°. l'impuiffance
où avoient été ceux des co détenteurs qui avoient
payé, de nuire ni de prejudicicr par leur fait , à
ceux qu'on laifibit tranquilles (1).
Le cas des co-obligés dont parle la loi dernière ,
au code , de duobits reis , eft bien différent. Dans
cette elpéce , chaque co-débiteur peut s'imputer
d'avoir aifocié tel ou tel à fon obligation ; il favoit
où il devoit favoir , lorfqifil a contraélé , que le
fait de fon co- débiteur feroit regardé comme le
fien propre , & que celui qui pourroir lui préjudi-
cier étant fait par lui-même , lui préjudicieroit éga-
lement étant fait par fon codébiteur (2). Mais ici ,
aucun des co détenteurs n'eft obligé perfonnelle-
ment: c'eft l'héritage feul qui doit : il ne fe ren-
contre dnr.c pas de co-débiteur qui, par fon fait,
puifîé nuire à fes co-obligés ; & dès-lors comment
[1' ''ci i;uer ,-! "os .iifla aiiis nec piodeiïe nec nocere deliet ,
loi I C. >■(■: 7,ir. ,7/. ai!. & non débet efle in poieftatealtciius
cond .,6-i.'.-i -(.sm. dereiiorem facere me iavi:o , infcio &:
igno-.in. . ■ vtl , 'oc. cir. J
[:] 5. Ur . :.ut. dcjcd.t. L. fi Turus , D. defidijujforibus.
PRESCRIPTION. 411
les payemens de l'un empêcheroient-ils les autres
de prefcrire ?
C'eft ainfi que raifonne M. Grivel, &, comme
on voit , tout ce qu'il dit s'applique naturellement
aux rentes foncières , & même aux rentes confti-
tuées à prix d'argent dont les hypothèques font
paflées en mains tierces.
Aullî voyons-nous que le parlement deParisa
rendu pour ces deux efpèces de preftations , plu-
fieurs arrêts conformes à celui du parlement de
Franche- Comté du 27 o6fobre 1607,
M. Louet , lettre P, §. 2 , en rapporte deux ,
l'un qu'il ne date point , mais qui a été rendu dans
fa chambre ; l'autre du 6 oétobre 1 587. Et il remar-
que , comme le fait auffi Brodeau en citant un arrêt
du 5 mai 1625 , qu'il en eft autrement à l'égard de
deux co-obligés.
Bafnage , article 5 2 1 , dit qu'on juge de même en
Normandie , quand il eft queftion de rentes confti-
tuées ; mais qu'à l'égard des renies foncières, on
tient dans cette province que le tiers-détenteur
d'une partie de l'héritage ne peut pas les prefcrire ,
tant qu'elles icr.t payées par fes co-portionnaires ;
& il le prouve par un arrêt du 20 décembre 168 1 .
Nous devons pourtant remarquer que dans l'ef-
péce fur laquelle a été rendu cet arrêt , il fé trou-
voit des particularités très-défavorables à celui qui
prètendoit avoir prefcrit. Mais M. de la Quefnerie
dans fes notes fur Bafnage lève , par un arrêt beau-
coup plus récent , tous les doutes qu'on pourroit
avoir fur la réalité de cette jurifprudence. « L'a
» même chofe , dit-il, a été jugée depuis par arrêt
" rendu au rapport de M. du Bosguerard, le 22
" mars 1754, dont voici l'efpèce : Geffroy leBu-
» gle fîefTa (c'eft-à-dire bailla àrente) le 10 oSo-
» bre 1678, à Jean le Bugle , fon frère , plufieurs
" héritages pour 9 livres de rente foncière , perpé-
" tuelle & irracquitable. Jeanne le Bugle, fille &
» héritière de Gefîroy , vendit en 1693 , cette
V rente au nominé Defrues. Le 14 oâobre 1698 ,
» Simon le Bugle , fils & héritier de Jean le Bugle,
» fieffataire , vendit au nomme Guérin une partie
» des héritages fieffés. Defrues fe fît payer de la
» rente de 9 livres par les héritiers de Jean le
n Bugle , fieffataire , jufqu'en 1746 , que pour
5> éviter aux frais d'envoi en pofTefTion des fonds
» affeélès à la rente de 9 livres , les héritiers de
» Jean le Bugle firent remife à Defrues de la tota-
5) lité des fonds contenus au contrat de fiche du
j> 10 oéfobre 1678. Guérin , qui avoit acquis dès
» le 14 octobre 169S, une partie des héritages af-
" feélés à la rente de 9 livres , ik qui en avoit joui
» paifiblement jufqu'à ce jour, refufa d'en aban-
» donner la propriété , poft'cftîon & jouiffance ;
" mais il y fut condamné par l'arrêt. Il lui fut ce-
» pendant permis de fe faire envoyer en poiTefîion
» de la totalité des fonds itieiuionnés au contrat de
» fieffé, en payant les arrérages échus de la rente
» de 9 livres , & en fe charg-eant de la continuer à
)) l'avenir )f.
411
TRESOR IPTION.
s, III. De la Pi'tf ration entre alfocics , co-hJritlers
ou autres commu - r\ — Entre ihérnier 6* Le Icç-
timaire ou légMa ■. — Entre le donneur 6* le do-
nataire.
Ce paragraphe a , comme o.i voit , différens ob-
jets qu'il eft à propos de difcuter réparément,
I. De la Prejcription entre ûjfaciés.
M. de Catellan , livre 7 , chnpitre 8 , rapporte
un arrêt du parlement de Touloufe du % janvier
1669 , par lequel il fut jugé que de deux feigneurs
qui avoient originairement des rentes par indivis ,
1 un d'eux n'avoir pas pu prefcrlre ces rentes contre
l'antre , quoiqu'il en eût joui en totalité pendant
deux fiècles. « La bonne foi de la fociété ( dit à ce
« fujet M. de Catell.m ) , l'union qui eft entre les
>' afTociés , & qui les fait veiller l'un pour l'autre ,
■>} s'oppofent à cette Prefcription »». Vedcl en donne
une raifon plus fatisfaifantç pour les jurifconfultes.
Le co-propriétaire par indivis , dit-il, pofiede tant
en fon nom qu'en celui de fon communier ; cette
poflefTion eft folidaire cntr'eux : ,ille n'cA divilée
que par leur concours dans les portions , fuivant la
loi 8 , au digeHe , de le(;aiis 3" ; or il eft dccidi par
la loi 1 1 , au digcfle , de diverfis temporjlihus Pr(cf-
criftion.bui , & par le chapitre 17 , aux décrétales ,
de Prccf.riptio-iihui , qu'on ne peut jamais prefcrire
ce qu'on poflede au nom d'autrui.
La Peyrere , lettre P, nombre Sj , prétend au
contraire que la Prefcription peut avoir lieu entre
co-poflefTeurs d'un même fonds , & il rapporte un
arrot du parlement deBordeaux qui le juge ainfi (1),
M. Julien , dans fon commentaire fur les Aatiits
de Provence , tome 2 , page 514, edaye de conci-
lier cet arrêt avec la décifton établie par le préco-
dent. " La Prefcription , dit il , ne court pas entre
3> aflbciés tant que la fociété dure & qu'ils pofTè-
>» dent en nom commun. La Prefcription ne com-
3> mence tju'après la fociété finie , comme l'a re-
>» marqué Feliciiis dans fon traité ^/e/jc/Vr^r^, cha-
3» pitre 31 , nombre 75. Toutefois fi l'afibcié a pof-
j> iédé en (on propre nom , la Prefcription peut
j7 avoir lieu dans ce cas, comme il fut jugé par l'ar-
« rêt rapporté par la Peyrere..,. 5>.
Nous ne voyons pas en effet ce qu'on pourroit
[j] Voici les teiiriCi de cec auteur:
«< On peut prefciire contre fon confort : ainfi jugé par l'ar-
tt rêt luivant.
" l'iufieurs frères partagent riicridité de leur père, &:ii eft
M llipiilé qu'ils jouiront en commun de certains biens qui ne
3> fe pouvoient divifer conimodemenr. Pans la fuite l'aînî
» feul en jouit cinquante-un ans. Chiquet pout les frcres qui
M avoient fait l'atiion en partage apr< s cinquante- un ans ,
M dit que l'ainé n'a pu prefcire centre !on titre , qui2 jocius
M rtm communcm contriffocium n.ir --rtiefcribit. Hugon lépond
» pour l'aînc que 11 maxime a Hju çuanda focius n(^mine com.
» muiA pcjjliet , fecùs fi nomme proprio , L. J'r.-ns cqmmu-
>> nis , jf. communi dividunio. La cour , prélîdunr M. de Pon-
»> tac , jugea qu'il y ivoic T'rct'cription , &mit les paiti-s hors
f> de cour & deproccs (urlss conclulions en partage •>.
PRESCRIPTION.
oppofer de raifonnable à cet arrêt. Dans un efpac*
de trente ans , qui eu le terme fixé pour la Pref-
cription de l'adion en partage , n'a-t-il pas pu arri-
ver que mon anbcié m'ait vendu ou donné la por-
tion ? Or , on l'a déjà dit , la polTelTion trentenaire
fait préfumer tout ce qui eft poflible. J'ai joui feut
& Ibus mon feul nom , au vu & fu de mon affocié :
celui-ci ne s'eft pas plaint; il a donc reconnu qu'il
ne pouvoit pas fe plaindre. Son filence établit donc
en ma faveur une préfomption de titre , & après
trente ans cette préfomption a une force qui exclut
toute preuve contraire.
C'eft ce que décide la coutume de Metz , titre
14 , article 14.
Celle de Lorraine, titre 18, article 3 , approuve
cette décifion, mais elle y met une condition fort
fage. Pour qu'un par/hnn^ir , dit elle , prefcrive
contre celui qui e(l affocié à fa propriété , il faut
qu'il ait poffédé en fon nom privé, ik de Jon droit
particulier.
Cette condition eft aulïï requife de droit com-
mun. Un arrêt du parlement de Languedoc du 3
Septembre 1705, rapporté au journal du palais de
cette cour , tome 3 ,§. 96, page 117, a jugéuqu'ahn
» qu'un affocié pût prefcrire contre l'autre , il ne
'» fufîifoit pas qu'il pcffédât feid , m qu'il fît des
i> payemens de fcs deniers , parce que ce qu'il fait
') eft cenfé fait pour la fociété; mais qu'il falloit
'> qu'il parût qu'il avoit prétendu jouir nomine pro-
» prio 11.
Au refie , il n'y a aucun doute que dans le cas
d'une fucceffion déférée à plufieurs & appréhendée
par quelques-uns feulement, ceux qui en ont
joui pendant trente ans après leur appréhenfion ,
ne puiffcnt oppofer la Prefcription aux autres.
Maillart fur l'article 72 de la coutume d'Artois,
nombre 159 , rapporte un arrêt du parlement de
Paris du 17 mai 1735 ' 9"^^ ''' l^S*^ ainfi. Voici
comment il en exprimq la déçifion : « Le co hcrl-
» tier qui jouit de tous les biens de la fucceffion
» commune, ou de plus grande part qu'il ne lui
» en appartient ah inttflat , peut oppofer la Pref-
» cription au cohéritier, puifque fa qualité d'héri-
» tier lui donne la capacité de pofféder la totalité ,
» jufqu'à ce qu'il fe préfente un cohéritier dans
» les temps utiles ".
Le journal du palais de Toaloufe , tom.e 2 , page
première du fupplément, nous fournit un arrêt du
parlement de Languedoc du mois de juillet 1742 ,
qui décide pareillement que « la Prefcription de
j> trente ans a lieu pour un co-héritier contre fon
» co héritier ». Dans le fait , il n'y avoit de la part
de celui-ci aucune preuve qu'il eût accepté la fuc-
ceffion ; & on difoit que ("on défaut d'acceptation
joint au laps de temps , faifoit préfumer une renon-
ciation par le moyen de laquelle tout acçroiffoit à
(on co-héritier.
L'ancienne coutume de Bretagne , article 225,
avoit adopte l'opinion contraire. Mais d'Argentré
la trouvoit iî déraifonnable, qu'il s'efforçoit de la
PRESCRIPTION.
plier à nos principes : fuivant lui , toutes les fois i
qu'il y avoit lieu , après un certain temps , de pré-
himer que les partages avoient été faits , il falloir
admettre cette préfomption , & lui donner tout
fon effet.
Mais l'article iSz de la nouvelle coutume a fait
celTer le befoin de ces interprétations arbiirairea ,
es rtatuant que la Prefcription auroit lieu même con-
tre les jrères & faurs pour Uiir partage.
llya cependant quelques coutumes qui en dif-
pofent autrement. Celle de Normandie , article
529, porte qu'entre co héritiers la Prefcription qua-
dragénaire n'a point lieu avant le partage , & que
ni les aînés ni les puînés ne peuvent s'en prévaloir
pour fe difpenfer de partager ce qu'ils ont hérité
en commun.
Bafnage fait plufieurs obfervations importantes
fur cet article.
11 remarque d'abord que la difpofition n'eft pas
bornée aux fucceffions direfles, 5c qu'elle s'appli-
que également aux collatérales.
Il dit enfuite qu'on ne doit pas l'étendre aux
biens que des co-héritiers ont omis de partager ,
parce que , pour empêcher la Prefcription , il fuffit
qu'il y ait eu des partages faits: en effet, la cou-
tume ne l'exclut (\v\ avant le partage , & lorfqu'on
voudrcit s'en faire un ûuq pour ernpéiher L'aEl.orï de
partage.
L'auteur ajoute, & il prouve par deux arrêts du
parlement de Normandie de l'année 1606 & du
mois de mars 1657, que la Prefcription immémo-
riale iSc centenaire n'eft pas exclue par la cou-
tume, & qu'on ne peut pas étendre jufques-là une
difpofition qui ne porte cxpreffément que fur la
Prejcription quarantenaire.
La coutume de Gorze , titre 14 , article 23 , dé-
cide, comme celle de Normandie , qu'entre frères
ik. fœurs & leurs repréfentans , « nulle longue le-
» rîue ne nuit , quant au fait de leurs partages »,
Mais cette difpofition paroît limitée aux fuccef-
fions direfles ; & elle n'a pas lieu entre fimples af-
fociés. C'eft ce qu'annoncent les termes ée frères &
Jceurs; & cela réûtlte de la combinaifon de l'article
que nous venons de citer avec les trois fuivans.
L'article 24 porte que tant qu'une chofe tenue
en indivis eft poffedée en nom commun , nul ne
peut prefcrire le droit de fon co-portionnaire , foit
au pofleflbire , foit au pétitoire.
L'article 25 ajoute que cène imprefcriptibilité a
lieu entre comparfonniers INDIFFÉREMMENT.
Mais l'article 26 en excepte le cas où l'un des
co-propriétaires^y'oui des parts de fcs CO HÉRITIERS
paifiblement , fans conirafie , à leur vu & /« , par
vingt ans. ..
Dans la coutume de Bordeaux , lorfqu'il y a ,
fuivant l'article 80, plufieurs frères , confins ger-
mains , ou remués de germairjs qui ont leurs biens en
commun , & qu'un feul d'entr'eux les poiTéde tous ,
les autres font cenfcs pofleder par lui , ik il ne peut
prefcrire contre ceux qui ne jouifTent de rien.
PRESCRIPTION. 4^5
La coutume locale de Saint-Sever, thre 7 , arti-
cle 3 , porte également que dts frères ou defcenia-is
dont les biens font en commun , ne peuxi^nt pref-
crire lis uns contre les autres , foit en abfence, foir
en prcfence, à moins qu'ils n'aient fait un partage.
Au fu rplus , il eft univerfellement avoué que le
tiers à qui un communier , quel qu'il foit, a vendu
ou transféré à tout autre titre de propriété , la tota-
lité du bien qu'il tenoit par indivis , peut prefcrire
contre les conforts de fon auteur. M. de Catellan,
livre 7 , chapitre 8 , en cite un arrêt du parlement
de Touloufe , rendu à fon rapport le 4 juillet 1663.
IL De la Prefcription entre rhcriiier & le ligitimaire
ou légataire.
Nous avons parlé à l'article LÉGITIME , fe^'on
5 , §. 6 , de la Prefcription que Théritier peut oppo-
fer à la demande d'une portion légitimaire , & d^
moyens par Icfquels cette Prefcription peut être
écartée.
Nous y avons dit, entr'autres chofss , que tant
que le légitimaire eft neurrî dans la maifon & fur
les biens de la fuccefTion fur laquelle il a une légi-
time à prendre , nulle Prefcription ne peut courir
contre lui.
Cette maxime a aufTi lieu entre l'héritier & le
l^'gataire.
Boniface , tome 4 , livre 9 , titre i , chapitre 17 ,
rapporte un arrêt du parlement d'Aix du 24 janvier
1664, par lequel il fut ji^gé que la Prefcription
n'avoit point couru contre un frère légataire de
6ooo livres , & ne pouvoir être oppofèeà fon héri-
tier, quoiqu'il fe fût écoulé plus de trente ans de-
puis le jugement qui avoit ordonné la délivrance
de fon legs. La raifon de décider ainfi fut que dans
cet intervalle , il avoit été nourri fur les biens du
père.
M, Julien dans (on commentaire fur les ftatuts
de Provence , tome 2 , pages 982 & 983 , dit que
la même chofe fut encore jugée au parlement d'Aix
par arrêt du 1 3 juin 173 i.
Il y a dans le recueil de la Peyrere , lettre L ,
nombre 73 , un arrêt du parlement de Bordent x
du 2 1 mars 1 673 , qui paroit contraire à cette juri:-
prudence ; il déclare un légitimaire non recevable ,
pour n'avoir pas formé fa demande dans les trente
ans , " quoiqu'il eût été nourri dans la maifon de
» fon frère ».
L'annotateur de la Peyrere a cru concilier cet
arrêt avec ceux dont nous avons parlé, en di-
fant qu'on auroit jugé autrement fi le légataire
eût été nourri « fur les biens de l'hérédité patei -
j> nelle » : mais n'eft-ce pas dans cette efpèce même
que l'arrêt a été rendu .^ Le frère qui avoit nourri le
légitimaire dans fa maifon , étoit héritier inftittié du
père commun. C'étoit donc fur les biens de V hérédité
paternelle qu'avoient été prifes les nourritures ; ou
du moins ils y avoient ccntribué avec les autres
biens qui pouvoient appartenir à l'héritier.
414
PR ES.CRIPTÏ ON.
111. De la Pr:fcr'iption entre le donateur & le dona-
taire,
Loifqu'un donataire , par complaifance pour Ton
bienfaiteur , l'a laiffé jouir^pendant trente ans de la
chofe que celui ci lui avoir donnée, peut-on lui
cppoltr la Prefcripcion , ik par ce moyen anéantir
la libéralité qui lui a été faite ?
Il paroîtdu premier coup d'œil qu'on ne le peut
pas , & qu'il y a une certaine équité qui réclame
en faveur du donataire.
Mais qu'efl-ce que cette équité arbitraire auprès
de la loi .'' La véritable juflice uc peut pas s'écarter
aTnû des règles générales. La polleffion de trente
ans , nous ne l'avons déjà que trop répété , fait
préfumer tout ce qui eft poiTible & néceffaire pour
la maintenir 8c la faire répéter. Or dans un inter-
valle aulfi long, n'a-t il pas pu arr'iver que le do-
rntcur Si le donataire aient , d'un commun accord ,
réfilié la donation ? Seroit - il d'ailleurs extraordi-
naire que cette donation eût été feinte & fimulée
dans Ion principe ? Enfin le donataire doit s'impu-
ter fa négligence : il a dû favoir qu'il n'y a que des
privilèges exprés qui puilTent faire celfer la Pref-
ciiption (le trente ans , & qu'il n'en exifte aucun
en laveur des donations.
C'eft précifément ce qui a été jugé au parlement
de T()ulo\i'e par arrêt du lo juin 1667, rendu au
rapport do M. de Catellan , ik recueilli parce ma-
giflrat livre 7 , chapitre 17. Le donataire l'a atta-
qué par la voie de requête civile , mais il a été dé-
bouté.
§. IV. De la Prefer'iptlcn contre régllfe.
Nous avons ici huit objets à difcuter.
1*^. Combien de temps faut-il en général pour
acquérir par Prefcriprion contre l'églife ?
2°. Doit-on compter dans cette Prefcription le
temps qu'a vécu le bénéficier qui a aliéné , & celui
durant lequel le bénéfice a été vacant , ou tenu en
confidence .'
3°. En quels cas & par quel temps peut-il y avoir
lieu à la Prefcription des biens d'églife qui ont été
aliénés indiîement .•*
4". Quels font les conditions & les effets de la
Prefcription contre l'églife , lorfqu'elle n'a pour
objet que la libération des dettes , des droits &
des preftations qui lui font dus .''
5". L'églife jouit- elle de fon privilège, en matière
de Prefcription , lorfqu'elle fuccède à un laie contre
lequel la Prefcription a commencé de courir.
6". Pour prefcrire d églife à églife, la bonne foi
eft-clle nècenaire. Si en cas qu'elle le foit , peut-on
la prèfumer quand il y a un titre contraire à la pof-
felfion .''
7". L'églife peut-elle être reftltuèe contre la Pref-
cription .''
8". Le bénéficier qui a laifTé prefcrire les biens
de l'églife par fa faute , en ell-il rclponfable envers
içs fucceff&urs ?
PRESCRIPTION.
Distinction I. Combien de t <.mp s faut-il , en géné-
ral , pour prefcrire contre l'églife ?
Suivant la loi «r irifer, au code, de facrofanflis
eccle/îis , faite par l'empereur Jufiinien en 526 ,
toute prefcription étoit inutile contre l'églife fi elle
n etoit de cent ans.
Mais par le chapitre 6 de la novelle 13 i faite en
541 , le même empereur abrogea cette loi ; & dé-
clara 1°. que dans les matières où les particuliers
font fujets à la Prefcription de dix, de vingt ou de
trente ans , il pourroit être prefcrit contre l'églife
par quarante ans ; 2°. que les Prefcriptions de trois
Si de quatre ans auroient contre elle le même ef-
fet que contre lesfimples citoyens ; 3°. que l'églife
de Rome jouiroit feule du privilège de n'être fou-
mife qu'à la Prefcription centenaire.
Les conflitutions canoniques font conformes à
cette difpofition. Elle eft adoptée notamment par le
canon 1 5 , §. 6 , caufe 1 6 , queflion 3 ; par le canon
3 , caufe 16, quefiion 4 ; 8c par les chapitres 4 &
8 , aux décrétales , de Prcefcriptiombus.
Nous voyons d'ailleurs dans les capitulaires de
Charlemagne , que la rcduflion de la Prefcription
contre l'églife , au ternie de quarante ans , ètoit
fuivie en France, même fous la féconde race de
nos rois (i).
Le Pape Urbain VIII a tenté en 1641 d'étendre le
privilège dtt faint fiège à toutes les églifes. Suivant
la bulle qu'il a publiée à cet effet, elles ne font fu-
jcttes , pour les chofes & les droits qui leur rropar-
tiennent , qu'à la Prefcription centenaire ou immé-
moriale (2).
Mais cette bulle n'a point été reçue en France,
& nous tenons pour maxime que la Prefcription de
quarante ans a lieu contre l'églife.
C'eft même ce que décident pluficurs de nos
coutumes , notamment celles de Verm.nndois , ar-
ticle 142; de Châlons , article 147 ; de Chaulny,
article 63 ; de Bouillon , chapitre 23 , article 8 ; de
Clermont en Beauvoifis , chapitre 14 , article i ;
d'Artois , article 72 ; de Blois , titre des Prefcrip-
tions , article i , &c.
La coutume de la gouvernance de Douai , cha-
pitre 10, article 1 , contient la même difpofition;
mais parce que cette coutume n'eft pas homolo-
guée, on a prétendu depuis peu qu'elle ne devoit
})as être fuivie en ce point, & qu'il falloit ,/Jans
fon territoire , cent ans pour prefcrire contre l'e-
(l) Ne Jecem anni, neque vicînnii vel triginra annorum
Prxfcripcio reli^ioiîs doiiiùnis ooponanir, ità lola cjuarlr.iginti
cccleiîas lola cîntenaria &: imuiemorabiiis PreCcripcio acf-
i-.iitîitur , exclula qu.Tduincjue a!ià ininoiis t;mporis Pi.-cfcrip-
t'.one , jiixta bull.iiii Uibani VIIT , editam de anno lé"4i
( Urceolui , de tr^uiaitionibus , ju<r/7. 7^ , n. ii ),
glife
PRESCRIPTION.
glife. Voici refpèce dans laquelle ce lyMéme a été
Ibutenu.
Le 26 août 1698 , le prince de Raches vendit ,
par le miniftère du bénéficier de la chapelle de
Saint-Léonard, fon fondé de pouvoir, un héritage
rie fept bonniers & demi , à Jeanne - Françoife
Delcourt , veuve de Pierre Defcarpenteries.
Le 6 mars 1753, le fieur Defcarpenteries, cha-
noine de la collégiale de Saint-Amé de Douai ,
héritier médiat de la demoifelle Delcourt , légua
cet héritage à la demoifelle de Camnfel , qui le
tranfmit à la dame de Vaumor , époufe du fieur
de Lenfernat.
Le 24 janvier 1766, ceux-ci vendirent le même
héritage au fieur Chaffart.
Le 30 novembre 1780, le fieur Obrien , titu-
laire athiel de la chapelle de Saint-Léonard , a
revendiqué cet héritage , comme faifant partie de
la dotation de fon bénéfice.
11 a fondé fa demande fur différens cartulaires
de la principauté de Radies, dont le plus ancien
étoit de 1532 (i).
Le fieur Chaffart a afligné en garantie les fieurs
de Lenfernat, héritiers de fes vendeurs.
Ceux-ci font venus foutenir que depuis le 26
août 1698 , date de la vente faire à leurs auteurs
par le prince de Raches , il s'étoit écoulé deux fois
plus de temps qu'il n'en falloit pour acquérir la
Prefcription contre l'églife.
Le fieur Obrien a oppofé à ce moyen différentes
réponfes , dont une feule a touché les premiers
juges , fuivant ce qute j'ai appris de l'un d'eux , le
jour du jugement de cette affaire. Elle confifioit
à dire que pour prefcrire contre l'églife , même
dans le cas où l'aliénation de fes biens eft faite ,
fans aucune forme à la vérité , mais par un tiers ,
tel qu'étoit en 16981e prince de Raches, il étoit
hefoin d'une poffeifion paifible & continuelle de
cent ans.
Ce moyen , foiblement combattu , a d'abord
fait pancher la balance en faveur du fieur Obrien.
Par fentence rendue à la gouvernance de Douai ,
le 28 mai 1782, le fieur Chaffart a été condamné
au délaiffement des fept bonniers & demi, & les
fieurs de Lenfernat chargés de le garantir & in-
demnifer.
M:iis fur l'appel , le fyftème du bénéficier s'eff
écroulé , comme de lui-même ; & à peine a-til
ofé le faire reparoître : par arrêt du 23 décembre
1783 , rendu à la troifiéme chambre , au rap-
(i) On y lifoiten etFcc ce qui fuit: « S'enl'uivent autres
M certes leantcs au terroir de Landas , en mafle (ept bonniers
w & demi , lefdites terres appartenantes à la chapelle M.
» Saint Léonard audir Rachss : mais pour le prélenc, mon-
M dit leigneur prend les profits &: levées , en payant les raef-
» fes de la ch.ipeile ; mais fimondit feigneiir étoit refufant
>» de payer leldites meffes , le chapelain dudit Saint-Léonard
30 peut, pouira & doit avoir les profits & revenus defdires
» terres , en difant chacune femaine deux melîes j defquslJes
w terres la déclaration s'enfuid,. »,
Tomt Xin,
PRESCRIPTION. 4M
port de M. Bergerant , le parlement de Flandres
a mis l'appellation & ce au néant, émendant,^a
débouté le fieur Obrien de fa demande , & 1 a
condamné à tous les dépens.
En Normandie , le clergé a prétendu , lors de
la rédadlion de la coutume , qu'il n'étoit pas fujet
à la Prefcription de quarante ans. Mais ©n n'eut
aucun égard à (on oppofition , & l'on arrêta pu-
rement & fimpleraent par l'article 521 , que la
<« Prefcription de quarante ans vaut titre en toute
» juftice , pour quelque chofe que ce fait , excepte le
)> droit de patronage des églifes ".Cette difpofition
étoit bien générale : cependant elle ne fit pas en-
core taire les eccléfiaftiques ; ils prétendirent n'y
être pas compris ; & il a fallu, pour leur impo-
fer filence, que le parlement de Rouen les af-
fiijettît nommément à la Prefcription quadragé-
naire, C'eft ce qu'il a fait par l'article 117 des pla-
cités de 1666.
Il y a cependant en France des corps ecclé-
fiaftiques qui prétendent n'être fujets qu'à la Pref-
cription centenaire.
Un des mieux fondés de tous , c'efi l'abbaye de
Gorze(i);mais fon privilège nepeut avoir lieu que
dans le territoire de la coutume qui l'établit, & il
eft limité à l'ancien domaine de ce monaffère.
Les religieux de Saint-Denis ont obtenu du roi
Henri III, en décembre 1577, des lettres-pa-
tentes qui les exemptent de toute Prefcription ,
excepté de celle de cent ans. Elles ont été enre-
gifirées au parlement de Paris le 17 mars 1 578. (2)
Les chevaliers de Malthe portent leurs préten-
tions plus loin ; ils foutiennent , comme on l'a vu
ci-devant, §. I, diftinaion XI, qu'ils font exempts
même de la Prefcription centenaire. Voyez l'ar-
ticle Malthe.
Les religieux de la Mercy ont voulu s'afiimller ,
fur cette matière, aux chevaliers de Malthe. Mais
un arrêt du parlement deTouloufe du 22 janvier
1673 , a décidé qu'on pouvoit prefcrire contr'eux
par le laps de quarante ans.
D'autres communautés eccléfiaftiques ont pré-
tendu qu'il fuffifoit qu'elles fuffent foumifes^ immé-
diatement au faint-fiége, pour qu'on ne pût pref-
crire contr'elles par un temps moindre de cent ans.
Mais ce fyftême a été profcrit au parlement de
Grenoble par un arrêt du 5 fepteinbre 1469 , qu'on
trouve dans le recueil de Guy-Pape , quellions 36
&416,
La même chofe a été jugée au grand confeil par
un arrêt plus récent.
(l) " Touchant l'ancien domaine de l'abbaye de Gorze ,
<j bénéfices en dépendans ou motivans , appelés vulgaire-
» ment le patrimoine de Sainte - tjor{;onne , il elï e!lim«
>j d ancienneté â l'inftar du pat imcine Saint Pierre , ou do-
>3 maine papal, contre lequel Prefcription ne court que de
" cent ans &: joui ".Coutume de Gor^e , chapitre i+, articles
( 1) Voyez, au greffe le 3' vol. des ordonnances Je Hcnij
III, toi. ijj.
Hhh
4i6 PRESCRIPTION.
Dans le fait, M. le cardinal de Bouillon , en
qucilité d'abbè & de chef de l'ordre de Cluny ,
avoit obtenu unefentence qui condamnoit le fieur
de Vaux , propriétaire du fîef du Puy Gérard, en
Courbonnois , à reconnoîcre fa dirodte , à payer
les droits, 8cc. Le fieur de Vaux en avoit appelé ,
ik il fe fondoit fur l'article 23 de la coutume de
Bourbonnois , aux termes duquel le cens eft pref-
criptiblc par quarante ans contre l'églife.
M. le cardinal de Bouillon répondoit , 1°. que la
Prefcription avoit été interrompue par des paye-
mens annotés fur le regiflre d'un des fermiers. 2°.
Que lc3 anciens privilèges de l'ordre le mettoient à
l'abri de toute Prefcripùon. 3°. Que les lettres-pa-
tentes obtenues par l'abbaye de Cluny, pour la
rénovation de fon terrier , confirmoient expreffé-
ment ces privilèges.
Après les plaidoieriesdes parties , M. Benoît de
Saint-Port, avocat-général, a dit qu'on avoit fait
une critique inutile de l'adminiftration des an-
ciens abbés de Cluny , & que cela ne pouvoit
pas empêcher le cours de la Prefcription en fa-
veur des (ujets du roi, que leur bonne foi , jointe
à une longue poffeffion , met en sûreté ; que la
coutume de Bourbonnois étoit précife, & que le
temps requis par fa dilpofuion étoit plus qu'ccoulé.
Qu à l'égard des chapitres généraux qu'on avoit
eues , ils ne pouvoicnt avoir d'exécution que dans
l'oidre, & qu'ils étoient fans application à l'égard
des autres perfonnes. Enfin , que la claufe appofée
aux leares-patentes étoit une claufe inutile , une
claule inférée par furprife ou par faveur, & qui
ne figninoit abfolument rien. Qiie fi l'intention
du roi avoit été d affranchir l'ordre de Cluny de
la loi des Prefcriptions, l'on n'auroit pas manqué
de mettre, nonobjlant tomes coutumes à ce contraires ;
que ce qui avoit empêché d'inférer ces mots , étoit
fans doute la difficulté de les faire paffer.
Sur ces raifons, arrêt du 28 février 1708, qui
infirme lafentcnce , & faifant dépendre le fort de
la caufe du fait d'interruption allégué par M. l'abbé
de Cluny, ordonne qu'il fera informé pour favoir
quel étoit le fermier en 1702 ,compenfe la moitié
des dépens , & réferve le furplus.
On a donc jugé que l'ordre de Cluny eft fujet ,
comme les autres gens de main-morte eccléfiaf-
tiques , à la Prefcription de quarante ans.
Quoique cette Prefcription foit parmi nous de
droit commun, & qu.'elle paroiffe autorifée, tant
par l'article 26 de l'édit de février 1580, que par
l'article 49 de l'édit de 1695 , il ne laifte pas d'exif-
ter un certain nombre de coutumes dans lefquelles
on prefcrit contre l'églife par un moindre temps.
Ces coutumes font de deux fortes : les unes dif-
tinguent les biens qui compofent l'ancien domaine
d.i corps eccléfiaftique , du bénéfice ou de l'éta-
b ii-Tement pieux contre lequel il s'agit de pref-
crire , d'avec ceux qu'il a acquis par la fuite : les
autres ne font aucune diftinéiion.
La première elaffe comprend les coutumes du
PRESCRIPTION.
Maine , d'Anjou , de Loudun , de Metz & de
Gorze.
Par l'article 459 de la coutume du Maine, il
faut quarante ans pour prefcrire l'ancien domaine
de l'églife ; mais à 1 égard de tout ce qu'elle a acquis
dans les quarante ans qui ont précédé la rcdaftiotî
de cette coutume , on prefcrit contre elle parle
même temps que contre les laïcs , c'eft-à-dire ,
par cinq , dix , vingt ou trente ans , (uivant les cir-
conflances.
L'article 448 de la coutume d'An)ou porte la
même chofe , fi ce n'eft qu'il fixe à trente ans l'ef-
pace de temps que l'églife doit avoir pofTédé avant
la réda61ion de cette loi , pour qu'un bien foit cenfé
taire partie de fon ancien domaine.
Mais à ce point, les articles 431 & 447 con-
tredifent formellement l'article 448 ; ils exigent
quarante ans comme la coutume d'Anjou; & c'eft
ce qui fait croire que dans l'article 448 , le mot
trente a été fubftitué par erreur au mot quarûnte.
Tel eft aufli l'efprit de la coutume de Loudun.
Cela réfulte des articles 7 & 9 du chapitre 20 de
cette loi.
A l'égard des coutumes de Metz 8i de Gorze,
elles portent, chapitre 14, article 16, & chapitre 14,
articles i, & 6 , qu' « on prefcrit contre l'églife
» pour chofe dépendante de l'ancien domaine d'i-
» celle par quarante ans , & pour les biens d'autre
" qualité, par v':nzt uns vingt jours v.
Ces coutumes ont, comme l'on voit , rejeté la
•-loflrine de d'Argcn'ré (i) , ou plutôt de tousles
auteurs, qui ne mettent aucune différence, par
rapport à la nécefhté du terme de quarante aiis
pour prefcrire contre l'églife , entre l'ancien & le
nouveau donia-nc de celle-ci.
Les coutumes de la féconde claffe fixent indif-
linâement à trente années l'efpace de temps qu'il
faut , dans leurs relTorts , pour acquérir la Pref-
cription dont il s'agit. Ces coutumes font, Berry,
titre 12 , article 1 , & Hainaut , chapure 107,
article i.
Mais il y en a plufieurs autres dans lefquelles
on fuit la même jurifprudence , quoiqu'elle n'y
foit pas nommément adoptée par leurs difpofitions.
Telle eft d'abord celle d'Auvergne. Lors de fa
rédaiHion , le clergé de cette province fit des pro-
teftations contre dilîérens articles , & notamment
contre celui qui n'admet qu'une Prefcription de
trente ans , en tant qu'on voudroit l'étendre contre
l'églife. M.r.s du Moulin (2) nous apprend que ces
proteftations ont été jugées inutiles , & que le
clergé eft fournis aux articles qui en font l'objet.
C'eft , continue-i-il, ce qui a été expreft^èm.ait dé-
cidé par un arrêt dont M. l'avocat- général de
Riant a attefté l'exiftence & détaillé l'efpèce , ea
(i);uirlanicle 266 de la coutume de B.etagne , chapitre
îo, nombre 4-
(i)Coutunùer général de Richebourg, tojie 4,pagciij
DCte a.
PRESCRIPTION.
portant la parole à l'audience du 2- juillet 15 H.
Touffaint Chauvelin fur la mé<ns coutume ,
titre 17, article premier, affuie également que dans
cette province l'églife efl fujette à la Prcfcrioticn
de trente ans , & il en cite un arrêt du 7 feptcn.-
bre 1624 , rendu à la quatrième chambre des
enquêtes, au rapport de M. le Nain, contre le
chapitre de Laniac.
La même année , il eft intervenu à la grand-
chambre , au rapport de M. Boucher , un autre
arrêt qui a jugé que cette Prefcription couroit en
Auvergne , même contre l'ordre de Malihe ; &
Brodeau , dit en le rapportant dans fa note fur
l'article cité, que cela étoit déjà décidé pur d'autres
anciens arrêts.
Cet auteur cite encore , fur l'article 2 , un ar-
rêt du 7 février 1643 , qui juge que la Prefcription
du cens par trente ans , a Heu au pays couramier
d'Auvergne , même contre fêglife. Il ajoure qu'il
avoit été rendu précédemment divers arrêts feni-
blables.
Et au vrai , il auroit été difficile de jucer au-
trement : la coutume annonce elle-même très-
clairement qu'elle regarde les biens d'églife comme
prefcriptibles par trente ans , lorfque , par l'ar-
ticle 18 du chapitre cité , elle déclare que cet
cfpace de temps luffit pour prefcrire la quotité de
la dîme & la manière de la percevoir , foit contie
le curé ou vicaire , foit contre tout autre déci-
mateur
L'ufage de l'Auvergne à cet égard , eft très-
ancien. Mafuer , ce praticien fi inftruit de la jurii-
prudence de cette prorince, attcfte , dans (3. prati-
que, ùtre 21, nombre 7, qu'on le tenoit ainfi de fon
temps; Se Brodeau fur l'article 123 de la coutume
de Paris , nombre 4 , en attribue l'origine à la fa-
veur que le code Théodofien avoit acquife chez
les Vifigoihs , fous la domination delquels étoit
l'Auvergne, avant la conquête qu'en fit Clovis(i).
Le clergé d'Auvergne fit , en 1641 , tous les
efforts imaginables pour changer cet ufage. Louis
XIII , cédant à fes inftances , lui accorda, le 24
juillet , une déclaration portant « que les dî:ues ,
« les cens & rentes eccléfiaftiques , ou autres do-
(1) Voici les termes de Brodeau : « Depuis Théodofe Je
M jeune juiqu'à Juftinien , la Prefcription de treme ans a eu
« lieu contre l'églile , auiP, bien que contre les pcrlonnes
M laïques, &c celle de quarante ans depuis Juftinim , le code
• ducjuel n'ayant point tté reçu en Eipagne, ni aux autres
» provinces circonvoifines qui ctoient fous h domination des
M Goths , mais celui de Théodofe, fuivant la conlHtution
M d'Alaric, roides Goths, c'c(t-à-dire , des Vidgoths .. , il ne
s» faut pas s'étonner (i quelques canons, qui font lirés dfs
» conciles d'Efpagne , font mention de la Prefcription de
M trcnt- ans contre IVgiife, quoiqu'ils foient pollkieurs au
» teiiips de Jultmifn & de là vhm que par Ja coutume
» d'Auvergne, la Prefcription unifortiie de trente ans a lieu
» contre l'îglife en choies prefcriptibles , même contre les
*• chevaliers deMalthe, nonob(tant leurs privilèges , fuivant
»» les arrêts de la cour ; car cette province qui a été fous la
H d«miuation des Goths , a fuivi les lois de Théodofe ».
PRESCRIPTIOlSr. 417
i> traînes & revenus des provinces du haut Se bas
» Auvergne , auront le même cours & le même
>i temp, ordonné parle droit Si les conftitutions
»> eccléilafliques obfervées dans les autres diocèfes
» du royaume , nonobftant ce qui eft fiatué &:
» porté par cette coutume , à laquelle pour ce re-
» gard feulement , & fans tirer à conféquence , il
» cft dérogé ". Mais cette déclaration n'ayant pas
été enregiUrée (i) , on a continué en Auvergne
d'admettre contre l'églife la Prefcription de trente
ans; c'eft ce que prouve l'arrêt de 1643, ^ ^^
qu'atte/le Prohetdans fon commentaire fur la cou-
tume de c,;tte province, titre 17, article 1,2,
4 & 18.
Nous trouvons le même ufage établi dans le
duché de Bourgogne. On y regarde comme fai-
fant au/Ti bien la loi aux gens d'églife qu'aux fé-
culiers, l'arficle de la coutume qui réduit à trente
ans toutes les PrefcriptioHs du droit civil ; &
Taifand , titre 14 , article i , nombre 10, dit
qu'on n'y doute nullement « que les eccléfiafti-
» ques ne peuvent plus, depuis le confentement
» qu'ils ont donné à cet article , fe prévaloir de
» leur privilège ». C'eft , continue le même au-
teur, ce qu'a jugé un arrêt du 14 février 1636.
Bouvot , fur le même article de la coutume da
Bourgogne , cite deux autres arrêts qui avoient
précédemment décidé la même chofe ; l'un eft du
6 juillet 1587, l'autre du 14 aoijt 1607.
Et dans ces arrêts , tome 2 , article Prefcription y
queftion 2 , il en rapporte encore un qu'il date
du mois de juillet 1623.
La raifon qu'il donne de cette jurifprudence ,
eft que la coutume a été faite du confentement
des trois ordres, & que par conléquent elle lie
les gens d'églife comme les autres.
Raviot , fiir Perler, queAion 226 , nombre S ,
rapiorte deux autres arrêts qui jugent abfohîment
de même. Lun eft du 1 1 août 1644 , & l'autre , du
21 août 172.5. Il s'efforce pourtant dans fes rc-
ponfes aux notes de Bannelier fur cet endroit , de
faire voir que cette jurifprudence n'eft pas exaéle.
iVlciis il convient qu'elle exifte ; & Bannelier dit
qu'elle forjne une maxime en Bourgogne.
Denlfart , au mot Prefcription , nous fournit
une autre preuve de cette vérité. C'eft un ade de
notoriété du 6 décembre 1698 , par lequel les
avocats au parlement de Dijon atteilent que « par
» une exception à la règle générale , la Pref-
« cription de trente ans eft admife dans le ref-
» fort de ce parlement contre les eccléfiâfiiques ,
•>■> de même qu'à l'égard de toute autre perfonne ".
La coutume de Touraine paroît devoir admettre
la mêirie interprétation.
Lorfqu'il fut queftion de travailler pour la pre-
mière fois à la réformation de cette loi municipale ,
(!) Voyez dans les mémoires du clergé, le procts verba: de
raffeniblée de I645.
Hhhij
^ig PRESCRIPTION.
le roi donna , le a juin 1 506 , des lettres-patentes
danslefquelles il eu dit que, fi fur quelques uns des
articles de la rédadllon projerée , il furvient des
oppofitions , elles feront « rapportées pardevant
5> les gens de parlement , pour par eux en ordon-
» ner comme de raifon ; & quant aux autres arti-
î> clés defdites coutumes qui feront accordés ,
« iceux feront obfervcs comme loi... déclarant
î) tous les fujets defdlts bailliages & fénéchaulTées ,
« être fujets es coutumes arrêtées ».
D'après ces lettres patentes , il eft clair que le
clergé , en ne s'oppofant pas à l'article 209 qui éta-
blit indéfiniment la Prefcription trentenaire , s'efl
fdumis virtuellement à fa difpofition.
On dira peut-être qu'il a proteflé en général
contre tout ce qui pourroit être ftatué au préjudice
tle fes privilèges, immunités, libertés 6i préémi-
nences.
Mais i"" une proteftation auiïl vague peut-elle
être regardée comme une oppofition à l'article
209? Les lettres-patentes de 1506 déclarent que
tous les articles auxquels on ne fe fera pas oppof^ ,
fiioni obj'crvés comme loi,... par lous les fiijeis de la
Touraine •, & qu'on y prenne bien girdc , c'ei^
comme fi elles annonçoient que pour faire ceffer
tel article que ce foit , il faut une oppofition exprefle
& fpéciale: en effet , wne loi ne peut pas demeurer
dans l'incertitude , elle ne peut pas refter indéter-
minée ,i\ c(\ de fon elîence d'être connue , & fuf-
ceptible d'une application fixe Se arTurée : ainfi ,
dire que les articles auxquels il n'aura pas vté formé
oppofition, feront obfervcs comme loi, c'eft-à-dire
qu'on n'admettra que des oppofitions direéîes &
formelles.
1^. Le procureur du roi a répondu à la protefta-
tion du clergé , quoique vague & générale ; &
comme le clergé ne s'eft pas mis depuis en peine
de la rapporter p.irdevers'^ Us g^ns de parlement, il eft
évident qu'elle doit être confidérée comme non
avenue.
Il faut pourtant convenir que les deux commen-
tateurs de cette première rédaélion , Sainfon &
Brèche, ont été divifés fur la queflion de favoir fi
le clergé étoit compris dans l'article 209. Sainfon,
titre 18, article 2 , foutenoit la négative ; Brèche ,
même titre 6c même article , enfeignoit le contraire.
Mais entre ces deux interprètes . la préférence
n'e/î pas difficile à régler. Bernard , décédé doyen
du barreau de Tours en 176'] , & de qui nous
avons des obfervatlons manufcrites fur la jurifpru-
dence de fa province , dit en parlant du commen-
t.iire de Sainfon , qu'on ne doit pas donner ce nom
il à quelques notes noyées dans un fatras de ci-
j» tations où on fe perd ». Brèche n'en parle qu'une
feule fois dans tout fon ouvrage & c'ert pour lui dire
de groiïes injures (1). Sans doute , il auroit ufé de
(1) Failur.i fané & Heliriim fomnium hoc Joco prcfcrt bo-
nus ille vir Joannes Sainfon , tir. ij , art. 25,
PRESCRIPTION.
plus de ménagement envers ùa auteur qui eût été
tant foit peu eftimé.
Ce qui b'eft paffé à la féconde réfotmation de la
coutume en 1559, confirme bien tout ce que nous
dilons. Il y avoit alors fix ans que Brèche avoit
fait paroitre fon commentaire , & non feulement
cet ouvrage avoit été accueilli du public , mais il
avoit valu à (on auteur l'honneur d'être appelé à
la réformation de la loi qu'il avoit interprétée. Que
de raifons pour exciter le clergé a demander qu'on
inférât dans l'article 209 l'exception que Sainfon
avoit tenté d'y mettre. Se que Brèche a-^oit reje-
tée ! cependant le clergé garde le filcnce : :! biffe
pafTer 1 article fans oppofition , fans proteflation ; Sc
par conféquent il s'y loumct.
En effet , qu'on y faffe bien attention. Pour adop-
ter le fyftême de Sainfon, il auroit fallu modifier
l'article 209 par une exception qui fe trouve dans
les rédaélions ou réformations d'un très - grand
nombre d'autres coutumes : on ne l'a point fait ; on
a laiffé l'article tel qu'il avoit été rédigé en i^oy.
On y a donc compris les eccléfiaftiques : CAr , en-
core une fois, il on ne voiiloit pas les y compren-
dre , il étoit indifpenfable de les exclure.
Ce n'eft pas tout. Le clergé renouvela en i'i'^<)
les mêmes prote:lations générales qu'il avoit faites
en 11ÇO7. Que fit le procureur du roi ? Il requit
que le clergé , pour les biens qu'il pofîêde en Tou-
raine , fût déclaré fujet à la coutume , telle qu elle
feroit arrêtée. Elle le fut en effet , fans que le clergé
eût dans l'article 209 propofé aucun changeaient,
aucune modification ;& cela fait , les coinmin;:j\.'S
ordonnèrent que la coutume feroit obfervéi comme
loi tant par les comparans que par les défailhns , foit
f;cns d'cgUfe , de nohlcjfe ou du tiers- état. Si on ne
voit point en cela une preuve évidente £c fans ré-
plique de l'affujettiffement de l'églife à la Prefcrip-
tion de trente ans, qu'entend-on donc pur prcuvs
& par évidence ?
il y a plus encore. Le clergé demandclt par fes
proîeflations qu'il ne fût apporté aucun change-
ment dwxcowrK/nfj ci-devant accordées, jugemens &
arrêts donnés à fon profit , à moins c^ue cela ne fe fit
par le vœu unanime des trois ordres. Il confentoit
donc que la coutume demeurât à fon égard telle
qu'elle avoit été rédigée en 1507, fi ce ri'efl dans
les points auxquels il avoit pu y être dérogé de-
puis , foit par des lois , foit par des arrêts ? Or où
font les lois qui , dans l'intervalle de 1 507 à ^i 5 59 ,
ont excepté le clergé de la difpofition de l'article
209 } où font les arrêts qui ont jugé qu'il n'ètoit
pas compris dans cette difpofition } Il n'en^ exifte
p.TS l'ombre. Donc en demandant qu'il ne fût rieiî
change aux coutumes ci-de-.ant accordées ,\q cierge
a demandé que l'article 209 fut exécuté envers lui
comme envers les particuliers.
Au furplus , fi cet article laiiToit des doutes fur h
queftion , quel feroit l'interprète qu'il faudroit con-
fulrer pour les éclaircir.' Sans doute ce feroit l'u-
fage : opiifna eiùm legum interprss ejl corifueiudo ,
PRESCRIPTION.
fl'ufage eft le meilleur interprète des lois), dit
1 empereur Juftinien , au digelle , titre de le^ihus.
Or dans tous les temps, la Prefcription de trente
ans a été reçue en Touraine contre le clergé , &
jamais on n'a exigé celle de quarante ans.
Cet ufage remonte très-probablement à la même
époque que celui dont nous parlions tout-à-l'heDre
relativement à l'Auvergne : la Touraine a été ,
comme cette province, tous la domination desVi-
figoths. Ils y ont apporté , comme dans l'Auver-
gne , le code Théodofien auquel ils éioient fort
attachés ; & la Prefcription de trente ans admife
par une loi de ce code contre l'églife , a du s'éta-
blir & fe conferver en Touraine avec la même fa-
cilité qu'elle scd établie & maintenue dans l'Au-
vergne.
Ce qu'il y a de certain , c'eft que depuis la ré-
formation de 1559» tous ceux qui Oiit écrit fur la
coutume lui ont donné uniformément l'interpré-
tation que nous croyons devoir lui donner encore ,
& en ont coniîamment atteflé fufage.
Boullai, juge-prévôt de Loches, dans fes notes
imprimées en i6i(y , dit , page 205 , que le clergé
nûnobftnnt fes proteftations , eft fournis à toutes les
difpofitions de la coutume de Tours , mime à l'ar-
ticle 208 qui établit une Prefcription de cinq ans.
Le même auteur dans le commentaire manufcrit
qu'il a laiffé fur la même coutume , met en principe
que l^égllfe ne peut être rejlituée contre la Prefcription
d^ trente ans,
Pallu 5 confeiller & avocat du roi au fiège de
Tours , s'exprime ainfi à la page 308 de fon com-
mentaire, imprimé pour la première fois en 1661 :
«« Cette coutume ayant été arrêtée avec le clergé,
» nonobAant fes proteftations qui font demeurées
•»' fans effet , on a toujours tenu que la Prefcrip-
» tion de l'article 2.09 devoir avoir lieu contre fé-
» glife ; ce qui a été jugé à ce fiège , il y a plus de
» vingt ans , contre le chapitre de Mézieres >»,
M'' Dubois , père & fils , avocats célèbres à
Tours, & décédés l'un en 1683, & l'autre en 1736 ,
affiirent également dans leurs notes manufcrites ,
qu'on n'admet en Touraine que la Prefcription de
trente ans coiître l'églife.
M"^ Bouault , décédé en 1739 , doyen du même
barreau , après avoir dit dans fes notes , que Pallu ,
page 171 , femble exempter de la Prefcription de
trente ans les anciens domaines de l'églife , ajoute
que cela n'efl pas fuivi.
M*" Bernard qui a exercé la profefTion d'avocat
au fiège de Tours pendant près de cinquante ans ,
tient le même langage dans fon commentaire ma-
nufcrit : il n'y a , dit-il , que les articles 105 & 108
» qui étendent à quarante ans le temps de faire
« injonflion à lamain-mcrte de vider fes mains;
« mais c'efl contre l'églife , & non en fa faveur ,
» que cette Prefcription a été portée à quarante
j> ans ».
M* Dubrementel, qui a fourni la même carrière
que M" Bernard , & pendant le même efpacc de j
PRESCRIPTION. 419
temps, a décidé , le 15 février 1742, qu'on pref-
crivoit par trente ans contre l'églife en Touraine.
Le favant 6c judicieux auteur du droit général de
la Fr.ince & particulier de la Touraine, confirme tOUS
ces témoignages par celui de fon père , mort en
1775 , après avoir été pendant cinquante ans l'ora-
cle de fa province, « Le père de l'auteur ( dit-il ,
» nombre 7105), a fouvent atteflé l'ufage & na
M s'en eft jamais écarté.
» Ou tient fi unanimement ( ajoutc-t-il ) au bar-
" reau de Tours la Prefcription de trente ans con-
" tre lèglifc , qu'un jeune avocat ayant donné . il
» y a environ vingt-cinq ans , une confultation
» contraire, il la retira , à la foUicitation de fes
" confrères, qui lui rcpréfentèrent avec amitié les
» fuites de l'erreur dans laquelle il induifoit le
» client qui avoit eu recours à lui».
M. Cottcreau ajoute que cet ufage a encore été
certilié le 17 décembre 1777 , par une confultation
fignée de (juatorze avocats de Tours.
"On cite peu de jugemeiis ( continue ce jnrif-
»■ confuhe ) , parce que la queftion , toutes les fois
» qu'elle sefl préfentée , étant réfoliie de la même
» manière dans les confultaiions , on a rarement
n hafardé de la propofer en juflice ".
Cependant on remarque cinq efpèces notables
dans lefqiielles elle a été formellement décidée.
La première efl celle dont Pallu fait mention
dans le paiiage rapporté ci-defTus.
Voici la féconde , c'efi: M. Cottereau qui en rend
compte : ^ Pierre Guyot ayant été affigné par le
» ficur Archambault , curé de Neuvi , à raifon
» dune rente de vingt fous due à la cure fur un
» arpent de terre , a été renvoyé de la demande par
)> une fentence du juge de Neuvi du 7 juillet 1727 ,
n au moyen de la Prejcription de trente ans , & elle a
» été confirmée au fiège de Tours le 5 mai 1733 ".
La troillème efpèce nous efl encore retracée par
M. Cottereau (i) : a Le fiège de Châtillon, dit- il ,
1) a rendu le 5 fcptembre 1770, une fentence qui
11 prouve qu'il admet la Prefcription de trente ans
» contre l'églife. Il y en a eu appel , mais... ( on a
» enfuite ) acquiefcé à la fentence ».
La quatrième efpèce s'efl préfentée à l'audience
du même fiège le 7 feptembre 1776. Lorfqu'on y
propofa , dit M. Cottereau , la queftion de favoir
s'il faut quarante ans pour prefcrire en Touraine
contre l'é^lile , "le chef du fiège en témoigna de
» létonnement, parce qu'il y avoit nombre d'an-
» nées que le fiège , dit-il à haute voix , avoit dé-
» clarc que la Prefcription de quarante ans n'étoit
» point reçue. Mais on pronofa une autre queftion ,
11 fi un acquéreur qui éioit locataire lors de (on
» acquifition , avoit pu prefcrire. Voici les circonf-
» ces de l'affaire.
» Le fieur Laurence donna à rente , le 17 juia
)) 1733 , au fieur Croix, uncmaifon fituée à Tours,
» qu'il occupoit à titre de loyer ; quelques jours
(i) Tortie 1 , additions 2c correfticns , page 13.
4?o
PRESCRIPTION.
» après , !e fseur Croix fît infiiuier Ton contrat Sr
« prit pofîelîîon.
i> Le chapitre de Saint-Gntien obtint , le 6 fep-
>» ten)l»re 1735, contre le fjeiir Laurence, un ju-
>) gement qu'il lui fit fignirier le 8 mai 1736 , au
« domicile du fieur Croix , fon locataire & nnt'ur ,
>» portoit l'exploit de fignification. Ce jugement
Il condamnoit à réformer une déclaration on la
» maifon étoit dite n'être chargée que du cens ,
i> fans faire mention d'une rente de 4 liv. 10 fous
>» & d'une aufe de 3 liv. 18 fous 6 deniers.
» £n 1743 , le fieur Croix , aâionné pour exhi-
5» ber fon contrat 3c pour payer les ventes , fatislît
j> a l'un &à l'autre.
j) Le 22 mai 1767,1e chapitre de Saint-Gatien
« demanda vingt-neuf années d'arrérages des deux
I' rentes, au fils du fieur Croix , qui appelle en g;i-
•>■> rantie l'héritier du fieur Laurence; & le 7 fep-
jj tembre 1776 , le fiège de Tours déclara le cliapi-
11 tre de Saint-Gatien non-recevable dans fa dc-
» mande ".
Le chapitre fe prévaloit cependant du l'uffnge-de
Sainfon. Il y joignoit même un arrêt du 28 août
1739 ; & comme il avoit , pendant Tinilruâion , dé-
couvert dans fes archives un autre arrêt du 19 mars
1752, il effayoit également de s'en appuyer.
Mais l'opinion de Sainfon étoit abandonnée de-
puis trop long temps pour qu'on piu fe flatter d'y
ramener le fioge de Tours: & à l'égard des deux
arrêts par lefquels on prétendoit la juflifier , M.
Cottereau prouve très-bien qu'ils n'ont pas même
touché la queftion.
La cinquième efpèce a été jugée par arrêt. Il s'a-
giffoit d'un droit de dixme qui étoit contefté entre
le prieur de Channay & le curé de Courcelles. Le
premier foutenoit & prouvoit en effet que depuis
trente ans il étoit en poffefllon de ce droit , à l'exclu-
fion du curé. Il ajoutoit qu'en Touraine cet efpace
de temps fuffit pour prefcrire contre l'églife ; &
c'eft ce qu'a décide le fiège de Tours par fentence
du 6 feptembre 1774. Le curé de Courcelles en a
appelé , mais par arrêt du 23 janvier 1778, la cour
a mis l'appellation au néant avec amende & dépens.
Remarquez, avec le même jurifconfulte , <« une
ji chofe qui eft peut-être unique en fait d'ufage :
M c'eft que 1". l'unanimité des jurifconfultes a été fi
j) parfaite pendant deux fiècles , qu'on s'en trouve
jj pas un feul qui n'ait tenu le même langage que
3> les autres fur le point dont il s'agit; ^° . les agens
j) du chapitre de Saint-Gatien , malgré toutos leurs
5) recherches , n'ont pu découvrir un feul arrêt , un
« feul jugement , même un feul fait , qui contredife
j> l'ufage qu'on leur a oppofé. Un fait , un juge-
j) ment un arrêt ne feroient pas capables d'affoiblir
j> l'ufage, mais lorfqu'il ne s'en trouve point, de
« querpoids l'ufage n'eft-il pas » >
Mais voici une objei^ion qui , fans être comme
les précédentes , particulière à la coutume de Tou-
raine, s'étend à celles de Berry, d'Auvergne & de
PRESCRIPTION.
Bourgogne (1). Elle confiée à dire que par l'article
26 de l'édit de 1580 , & l'article 49 de l'édit de
1695 , on ne peut alléguer contre l'églife d'autre
Prejcription que celle de dro'u ; que la Prefcription
de droit eft de quarante ans ; & que puifque ces lois
font poftérieures aux rédactions des coutumes ci-
tées , on ne peut plus dans leur rcflbrt admettre
contre l'églife la Prefcription de trente ans.
A cela plufieurs réponfes.
1°. La Prefcription de trente ans eft, dans les
coutumes dont il s'agit, la Prefcription de droit pour
les eccléfiaftiques comme pour les laies.
2". Les édits de 1580 & 1695 ne contiennent
aucune claufe dérog.-itoire aux coutumes on ufages
qui admettent une Prefcription au-deftbus de qua-
rante ans.
3". Il y a d'ancitns ufpgesqui, quoique contrai-
res aux difpofitions de l'édit de 1695 , fe font ccn-
fervés depuis (2).
4". Depuis l'édit de 15S0, il a été rendu en
1587, 1607, 1623 , 1624 , 1636, 1643 ^ ï^>44 »
des arrêts qui ont maintenu , comme on l'a remar-
qué plus haut , la Prefcription de trente ans contre
l'églife , dans les coutumes d'Auvergne & de Bour-
gogne.
5". La déclaration de Louis XIII de 1641 prouve
bien qu'à cette époque on ne foupçonnoit pas que
l'édit de 1580 ciàt dérogé à cet ufage dans l'Aii-
vergne.
6". Si, lors de l'émanation de l'édit de 1695 ,
on eût vu dans l'article qu'il contient fur la Pref-
cription de droit , une dérogation aux coutumes qui
permettent de prefcrire par trente ans contre l'é-
glife , on n'auroit pas, trois ans après , certifié ,
par un aéle de notoriété, la continuation de cette
jurifprudence dans le reflbrt du parlement de Di-
jon; & fi cette dérogation n'a pas été apperçue
alors, comment l'admettre aujourd'hui contre l'o-
pinion & la pratique de près d'un fiécle? On ne
fait donc pas atteiîtion qu'un ufage conftammcnt
obfcrvé pendant un aufti long intervalle de temps,
eft lui-même une loi,& qu'on ne peut pas cher-
cher dans une fource plus sûre , l'explication des
ordonnances & édits qui l'ont précède!
Mais c'eft aHez nous arrêter au temps qui, en
thèfe générale, eft néceftaire dans chaque cou-
tume ou province , pour prefcrire contre l'églife.
De'ceudons dans les queilions fecondaires aux-
quelles cet objet important peut donner lieu.
Distinction II. Du itemps qui doit être déduit de
la Prefcription contre Céglife.
D'abord , quand il s agit de favoir fi on a pref-
(i) Nous n'ajourons f 25 à cette liTrcij coiiriiine de H.ii-
naiic], parce que ni ledit de i,Sj ni ctJui de irtgç n'ont
force de loi dins cette p ovlnce.
(i) Mémoires i^j tlcr^; , tome 7 , psg'' 4 '4. Jun'prudence
cinonii]iie de Roufitau de Ja Cûiubt , au tnoUQiiftJfeur , n.
î,7& M-
PRESCRIPTION.
Ci'it en vertu d'une aliénation faite fans niceflTué ,
■f^.is caufe , ou fans formalités , par le muiaire d'un
bénéfice , doit-on compter pour la Prelcription ,
tout le temps qu'a vécu le beneticier , aj.rés avoir
aliéné ?
La négative eft adoptée par une de nos cou-
tumes , cci\ celle de Gorze , titre 14 , articles 5 &. y.
C'eft ce que décide aufTi le canon// jacer dotes ,
caufe i6,quc;flion 3 , dans le décret de Gratien.
Dumoulin dans fes notes fur ce canon & lur Ale-
xandre, tome 3 , confeil 9 , vers la tin , dit qu on
le pratiquoit ainfi de Ion temps -./èrv^tur in praxi.
Mornac , fur la loi 16 , au code , de /acro fanais ec-
clejiis , alfure la même chofe: tel eft , dit-il , le droit
dont nous ufons conftamment : co que jure perpé-
tua utimur.
M. Louet, lettre P, §. i , rapporte trois arrêts
conformes à cette doflnne : le premier , du i fé-
vrier 1531; le fécond, de l'année 1 5.43 i le troi-
fième , du 17 feptembre 1594- 11 remarque même
que celui-ci a été rendu à fon rapport.
Le magiftrat à qui nous devons le journal du
palais de T'oiiloufe , dit, tome 5, P^iG'^ *'+' > ^^
rapportant un arrct du 28 août 1699 , lors duquel
cette quellion étoit agitée, que tous les juges Ibnt
convenus dans les opinions , " que cette maxime ,
» la Frejcrïpiion ne couri pas contre Cégiije , p<.nJ.int
j> qu'elle ejl privée Je Jon défeiifeur légitime , eft gé-
» néralemeni reçue pour tous les bénéfices , &
>' que ce défenfeur efl le titulaire. Car (ajoute-t-il) ,
» quoique l'évêque ou le promoteur puiffent re-
» lever les droits de l'églife , cependant, comme
« ils ne peuvent connoure les droits de tous les
» bénéfices , ni même toutes les chapellenies , il
V n'efl pas difficile qu'on en ufurpe les biens, ou
» même qu'on fupprime des chapellenies , fans
» qu'ils en aient connoilTance ».
Guy Pape , queftion 150, 8f Chorier , livre i ,
feflion 6, article i , attefleiu, en citant un arrêt
du 16 février 1458 , que c'eft auffi la jurifpru-
dence du parlement de Grenoble.
C'eft pareillement celle du parlement de Fran-
che-Comté, comme le prouve un arrêt du 4 mai
1728, qui eft rapporté par Dunod , traité de la
Prefcription des biens d'églife, pag, 28.
Au furplus , les raifons fur lefquelles cet auteur
appuie cetre jurifprudence, doivent la faire recevoir
par tout fans nulle difticulté :« quoique celui quia
3J mal aliéné, dit-il, ait pu agir lui-même , il y au-
» roit du danger à faire courir la Prefcription de
ji fon temps : il faudroit qu'il vînt contre ion pro-
« pre fait , & il a ordinairement de la répugnance
j> & de la pudeur à le faire. Il y a même fou-
w vent des vues d'intérêt ou de faveur dans les
» bénériciers qui font des aliénations préjudicia-
» blesj & quand il n'y en auroit point eu, celui
« qui a fait l'aliénation fe feroit fouvent une peine
» d avouer fa faute bi fa mauvaife adminiftration :
» il craindroit peut-être aufti de s'expofer à quel
w que reftitution d'argent qu'il auroit reçu , &. à
PRESCRIPTION. 431
« des dommages & intérêts. 11 efl donc jufte de
» fuppofer pour règle générale , que la Prefcrip-
■)■> tion ne court p:.s de fon temps , quand l'églife
M a été léféc , &. que les principales folemnités
î> ont été omifes , parce qu'elle n'cfl pas valable-
» ment défendue ".
Mais du moins la Prefcription courra-t-elle da
jour mîme de fon décès, ou dormira t-elle en-
core jufqu'à ce qu'il ait un fuccelTeuri'
La coutume de Gorze, à l'endroit cité, fe dé-
termine pour le premier parti.
Mais elle eft en cela contraire aux déclfions du
droit canonique (1),
M. de C.^tellaii , livre i , chapitre 35 , dit que
dans une ati.Hire jugée de fon temps au parlement
de Touloufe , ces décifions ont beaucoup influé
dans les motiis de larrêtqui a rejeté la Prefcrip-
tion dont on vouloir fe prévaloir contre le titu-
laire d'une chapelle.
Dunod , traité des Prefcriptions , partie i , cha-
pitre 10 , ne critique pas cette jurifprudence. mais
il la modifie : « les bénéfices, dit-il, auxquels on
» établit des économes pendant la vacance , pa-
» roiffent n'être pas dans ce cas , parce qu'ils ont
» des défenfeurs ». Mais en parlant ainfi , Dunod
ne tait pas attention que par une déclaration du
20 février 1725 , enrtgiftrée le 16 mars fuivant ,
il eu défendu aux économes-fequeftres d'intenter
aucun procès pendant la vacance des bénéfices ,
avec ordre de faire leulement les diliger.ces né-
ceflaircs pour le recouvrement des droits, fruits
ti. revenus dont le dernier titulaire étoit actuelle-
ment en poffeliion lors de fon décès ; & furfit à
tous procès intentés jutqu'à ce qu'il y ait un ti-
tulaire nouveau.
Aulîl eft-il dit exprefTément par cette déclara-
tion , que la Prefcription ne court point contre
les églifes dont les bénéfices ibnt en économat.
Mais la diipofuion n'a point lieu , lorlque l'éco-
nomat eft établi pour un temps illimité. C'eft ce qui
réfuhe d'un arrêt du confeil du 14 mai 177^.
Obfervez , au furplus , qu'en cette matière on af-
fimile la polTeftion d'un coniidentiaire à une va-
cance véritable. Ainfi on ne prefcrit pas contre un
bénéfice pendant qu'il eft tenu en confidence. C'eft
ce qui a été jugé au parlement de Bordeaux par
deux arrêts , l'un du 6 juillet 1680 , inféré dans le
recueil de la Peyrere , lettre P , nombre 6 1 , & l'au-
tre , du 18 mars 1681 , rapporté au même endroit ,
nombre 69.
Distinction Ilî. En quels cas & par quel temps
peut-il y avoir Lieu à la Prefcription des biens d'é'
glije qui ont été aliénés induanent?
Si l'aliénation faite par un étranger , qiii a vendu
comme fien , ce qui appartenr)it a l'glife , en forte
(^i) Chitines de quand S< ex tranfmijj'd, aux dtcrctalcs d^
Pjve/wiprionii'uj.
45i PRESCRIPTION.
que lacquéreiir ait cru acheter un bien bique ,
il n'eft point douteux qu'il ne puiiTe y avoir lieu
à la Prefcrijjtion ordinaire , Prefcription qui eft ,
comme on l'a vu ci-devant , de quarante ans dans
le droit commun, de trente ans dans les coutumes
de Berry , de Touraine , d'Auvergne , de Bour-
gogne , de Hainaut , &c. & de vingt ans vingt
jours dans celles de Metz & de Gorze pour les
nouveaux acquêts. C'eit i'crpèce & l,i décifion pré-
cife de l'ai rèt du parlement de Flandres du 23 dé-
cembre 17S3 , dont il a été rendu compte ci-def-
fus ; & il paroît plus régulier qu'un arrêt du par-
lement deTouloule, du mois de décembre 1691,
par lequel M. de Catellan , livre 1 , chapitre 35 ,
dit avoir été jugé a que la Prefcription du bien
» d'cglile ne court point , quand c'eft un laïque
») qui a fait Taliénation ".
Mais fi l'aliénation a été faite par Tufiifruiiier
ou l'adminiflrateur du bien eccléfiartique , & que
par conféquenr l'acquéreur ait eu en achetant ,
pleine connoiiTance de la nature de ce bien , peut-
il y avoir lieu à la Prefcription contre un titre
nul; & en cas que cela foit pofTible , le terme
ordinaire de quarante ou de trente ans, fuivant
les coutumes , ert-il fuffifant pour prefcrire ?
L'affirmative eft aiTez généralement adoptée par
les douleurs ultramontains. Ils donnent à la Pref-
cription de quarante ans la vertu de purifier les
aliénations de tout défaut de caufe ou de forme ,
& il paroîr qu'ils ne t'ont à ce fujet aucune dif-
tini^ion. Témoin Rédoan, dans Ton traire ^/e relias
ecclefix, non aUenandis , queftion 3 , chapitre 3 ,
nombre 12. (i)
Parmi nous , on diftingue communément en-
tre le tiers poflefTeur & celui dans les mains du-
quel le bien de l'églife a été transféré immédiate-
ment , au moyen du contrat qu'il a fait avec le
bénéficier ou l'adminifirateur.
1°, 11 eft confiant aujourd'hui que le tiers-pof-
fefleur qui a titre & bonne foi, prefcrit par la
poflelTion paifible de quarante ans. C'eft ce qu'é-
tablit Guéretfurles arrêts de M. le Prêtre, cen-
turie I , chapitre 4 , & ce que décide M. le pre-
mier préfident de Lamoignon , dans fes arrêtés ,
titre des Prefcriptions , art. 42.
Il y a d'ailleurs une foule d'arrêts qui le ju-
gent ainfi.
M. de Catellan, livre i , chapitre 35 , nous en
retrace un du parlement de Touloufe, qu'il date
du 28 août 1674.
Bafi'et, tome 1 , livre 2, titre 29, chapitre i ,
rous en fournit deux autres, rendus au parlement
de Greaoble le 14 décembre 1653 , ik le 14 mars
M. le préfident de Befieux , livre i , titre 2 ,
(i) Quxdam , iit-i/, non poffunt alienacx nia ùib ceità
foima , puto cùm dcçreto ; & tucc Przfcrijuio hjbec vim de-
cieti , & tes ecclefix prilctibuntuc &: pra;fLiibi poflunt fpacio
cuadi'aginta annoitiin , niù rçi tcmana: ecdeiii-,^
PRESCRIPTION.
chapitre "4 , §• 5 & 6 , en rapporte deux rendu*
à l'audience de la grand'chambre du parlement
d'Aix ; le premier, le 1 1 mars 1700 , furies conclu*
fions «de M. l'avocat-général de Pioléne; le fé-
cond , le 20 février 1702 , fur les conclufions de
M. l'avocat-général deGaufridy (i).
M. de Béiieux ajoute que la même chofe a été
jugée à la chambre des enquêtes oîi il préfidoit ,
par arrêt rendu au rapport de M. Ballon , entre
le nommé Gardin 6c les dominicains de Toulon.
C'eft auffi ce qu'avoit jugé précédemment un
arrêt du 10 juin 1667, qui eft rapporté par Bo-
niface , tome i , livre , i , titre 23 , chapitre i.
Mais fi le tiers-acquéreur n'eft pas de bonne foi ,
& que par exemple , il foit inftruit par fon titre
d'acquifition de la nullité du contrat fait primiti-
vement entre l'églife & fon vendeur ; dans ce cas ,
il n'y a , par rapport à la Prefcription, aucune dif-
férence entre fa condition &. celle du vendeur
même. C'efl ce que prouve l'arrêt du parlement
de Paris du 11 décembre 1646, que nous rappor-
terons dans l'inftant.
Et ce n'eff pas la feule exception que fouflre ia
règle générale qui vient d'être établie : le parle-
ment de Touloufe en admet encore une lorfqii'il
s'agit d'une aliénation faite par léglife pour le
p;iyement d'une taxe impofée par le prince : alors ,
6c fur-tout fi l'aliénation eff confinérabie , il per-
met aux ecclêfiafliques de retirer leurs biens , mê-
me fur les tiers-acquéreurs, en rembourfant le
prix qu'ils en ont reçu ; & ceux-ci ne font pas ad-
mis à alléguer la Prefcription , fîit-elle centenaire.
C'eft l'obicrvation de Graverol fur la Pv.ocheflavin,
livre I , titre 2 , article 5 ; il la juftifie d'ailleurs
par des arrêts. Vedel , fur Catellan , livre i , cha-
pitre 35, dit la même chofe. "Voyez fur cette ma-
tière l'article Aliénation des biens d'église.
2". Mais que faut-il décider, lorfque le bien efl
enco'e dans les mains de celui qui a acquis im-
médiatement de l'églife , ou dans celles de fes
héritiers }
Si le titre de l'acquifition n'étoit pas repréfenté,
Il chofe feroit très-fimple. La poiretfion de qua-
rante ans feroit préfiimer que ce titre a été, dans
le temps du comrîit , revêtu de toutes les formes,
& accompagné de toutes les conditions requifes
pour la faire valoir; & l'églife feroit non-rece-
vable à inquiéter l'acquéreur ou ceux qui le re-
prêfentent.
La difHculté efî de favoir s'il peut y avoir lieu
à la Prefcription, & par quel temps, lorfque le
titre paroît , & que ce titre eft vicieux , foit parce
qu'il en réfulte que l'aliénation a été faite fans
(i) Voici ce qu'a dit alors ce magilitat :« Quoique la iii-
3j rilprudence des arrêts ait varié pendant un temps fui- cette
.j matière j il elt prélenremcnr conitarjc &■ certain qu'avec Ja
n pofTeiIion de quarante ans le tiers-poffcireur cil à couvert
.1 de tojtes recherches, quand mène le titre du premier ac-
ij quéreut feroit nul & vicieux »,
caufe I
PRESCRIPTION.
caufe , foit. parce qu'il démontre que les formalités
piincipales n'ont pas été obfervées ?
L'opinion la plus commune , du moins à Paris ,
eit que ni dans l'un ni dans 1 autre cas , il n'y a
lieu à la Prefcription de 40 ans. Mais peut-être de-
vons-nous regarder comme la plus judicieufe , celle
qui admet cette Prefcripiion.
En effet, que s'agit il de prefcrire ? Rien autre
choie que des nullités ou une léfion.
Or, d'un côté , pouiquoi les nullités ne fereient-
clles pas prefcriptibles ? Elles ne dérivent pas d'une
caufe publique, mais d'un privilège; elles ne font
pas ablblues , mais fimples & refpedlives ; en un
mot , on ne peut pas mieux les comparer qu'aux
«léfauts de formalitcs dans l'aliénation du bien des
mineurs , déiaiit qui très-sûrement (e couvre par
la Prefcription. D'ailleurs , puiCque le bien de l'é-
glife peut être prefcr;t fans t.tre par quarante an-
nées , pourquoi les nullités du titre ne pourroient-
elles pas être effacées par le même temps ? On
objeâera la maxime triviale & fi fouvent mal ap-
pliquée , melius efl jutri habcre iuulum quàm h^b-.rt
vniojum : mràs voyez ce que nous en avons dit
ci-devant , ,<eflion i , §. 6.
P'i— autre côté, la léfion n'efl oour l'églife
qu'un remède ordinaire : & de même qu'elle ne
peut pas la propofer , fans prendre la voie de refîi-
lution en entier , de même il ne doit pas lui être
permis de le faire , après que le temps déterminé
pour la Prefcription de fes droits efl écoulé.
Ce qu'il y a de remarquable, c'efî que tel efl
lefprit du droit canonique. Le canon fi /acer^otts
qui efl tiré du neuvième concile de Tolède , eft
dans l'efpéce d'une aliénation injufie & vicjei;fe
faite par le prélat ou bénéficier d'une églife. Ce
canon décide qu'alors la Prefcription ne doit cou-
rir que du jour du décès de celui qui a aliéné. Il
luppofe donc , ou plutôt il décide que les vices
de cette aliénation font prefcriptibles. Or quel efl,
aux termes vlu droit canonique , le temps nécef-
faire pour prefcrire contre le clergé ? Nous l'avons
dit plus haut : c'efl 40 ans. Donc l'^églife elle-même
a reconnu que les titres vicieux ne pouvoient pas
triompher , en fa fiveur , de la Prefcription de
quarante ans. Donc c'efl lui accorder plus qu'elle
n'exigeoit dans le principe , que de vouloir exemp-
ter de cette Prefcription les biens qu'elle a aliénés ,
quoique (ans caufe ou fans formalités.
Mats voyons comment on juge la queflion dans
les différens parlemens du royaume.
Il y en a trois qji font connus pour admettre la
Prefcription dont il s agit.
_ Le premier efl celui deTouloufe. Anciennement ,
il ne recevoir pas même relativement à cette matière
la Prefcription de cent ans. Ceft ce que prouve un
arrêt du 9 juin 1666 , rapporté par M. de Catellan ,
livre I , chapitre 35. Ce magiflrat obferve à ce fu-
jet qu'en jugennt de la foue , fa compagnie étoit
« plus favorable à l'églife , que les lois de l'églife
» même , (puifque ) par le ç^non fi hardous L
Tome XllI. *
PRESCRIPTION. 435
" on peut prefcrire contre l'églife avec un titre
" vicieux, avec cette feule modification, que la
» Prefcription commence (feulement) à courir
'> du temps de la mort du prélat qui a mal aliéné ».
Mais cette jurifprudence efl changée depuis quel-
que temps , ik elle efl aujourd'hui conforme à la
règle établie par le canon cité. C'efl ce qu'obferve
Graverol fur la Rocheflavin , livre i , titre 10 :
« Aujourd'hui , dit-il, foit qu'il s'agiffe d'une vente
» ou d'une infeodation , le parlement s'y prend
» d'une autre manière, & s'arrête à la Prefcrip-
» tion de quarante ans , quand même il y auroit
» à dire au titre , & qu'il ne feroit pas revêtu des
» folemnités requifes par le droit, à compter néan-
" moins du jour du décès de l'eccléfiaflique qui
» a mal aliéné ; mais il faut que les quarante ans
» foient utiles » ; & il rapporte plufieurs arrêts qui
juflifient fon affertion.
C'efl ce qu'attelle aufTi Vedel fur Catellan , à
l'endroit qu'on vient d'indiquer : Après avoir rendu
compte des difpofitions du canon fi facerdotes , il
ajoute : <c Voilà la régie adoptée par la nouvella
" jurifprudence de ce parlement , qui l'applique à
" toute efpèce d'aliénation particulière des biens
'» eccléfiaftiques ».
Il paroît parles arrêts que rapporte Chorier,
dans la jurifprudence de Guy Pape , livre 5 , fec-
tion 5, article 7, qu'on juge de même au parle-,
ment de Grenoble.
Diinod prouve que cette maxime efl également
obfervée par le parlement de Befançon.
Elle l'efl aifTi dans les Pays-Bas. Du moins ,
nous trouvons dan>. le recueil de M. du Laury ,
§. 70 . un arrêt rlu grand confeil de Malines du
15 feptembre 1618, qui décide qu'après quatre-
vingts ans , l éghfe ne peut pas revenir contre l'a-
liénation qu'elle .1 faite , quoiqu'elle en rapporte
le titre, & qu'd n'y foit fait aucune mention des
formalités , même le< plus effentielles , qui auroient
dû précéder iSc accompagner l'acle.
Le parlement de Paris a fur ce point, des prin-
cipes tous diiférens.
On trouve dans le recueil de Filleau , partie i,
titre I , chapitre 41 , un arrêt du 6 mai 1623 ,
par lequel cette cour a entériné des lettres de ref'-
cifion prifes en 1620 , par l'abbaya de Saint-Martin-
de-Plein-Pied, contre des aliénations qu'elle avcit
faites en 1526, 1527 & 1573.
Bardet tome 2 , livre 7 , chapitre 36 , en rap-
porte un autre du 23 juillet 1638, qui rejette la
Prefcription oppef'ée par les héritiers d'un acqué-
reur , en faveur defquels il y avoit une pofî'ef-
fion de plus de 60 ans.
Le 4 décembre i64'5 , troifiéme arrêt, rapporté
au journal des audiences , qui déclare nul un bail
à rente f.tit en 1590 par le chapitre de Saint-Pierre
de Soiifons, quoique le preneur fe prévalût d'une
poffefTion paifible 6i confiante de cinquante qua-
tre .''.ns.
Heurys, tome 1 , livre i , queflion Si , nous
Iii
434
PRESCRIPTION.
en a confcrvé un quatrième du 19 février 1658,
qui cafTe une aliénation faite par le chapitre de
Saint-Gerand d'Aurillac , nonobflant le laps de
^8 ans.
BriUon , au mot aliénation des biens d'églife ,
en rappeik un cinquième du 20 juin 1716 , qui ,
ronobflant une poffeflion de quatre-vingt ans ,
condamne les religieux de l'abbaye de Saint Mcf-
min , à délaifTer à leur abbé commendaiaire une
niaifon qui leur avoii été en partie vendue, &
en partie donnée en 1622, par l'un des prédécef-
feurs de celui ci.
Nous pouvons , nous devons même joindre à
ces arrêts celui qui eft rapporté au journal des au-
diences , fous la date du 11 décembre 1646, &
par lequel un bnil à furcens du 26 mai 1569, a
été déclaré nul , quoiqu'il n'eût été attaqué que le
ç janvier 1643. C'étoit 'pourtant im tiers-acquéreur
qui , dans l'eTpèce , oppôfoit la Prefcriplion ; mais ,
en achetant , il avoit eu connoiiïance du vice de
l'aliénation primitive , & dès-lers on devoit pronon-
cer à fon égard , comme on l'eût fait contre ce-
lui qui avoit traité direiSement avec l'églife.
Mais le parlement de Paris étoit autrefois divifé
fur la queftion de favoir fi du moins la Prefcription
de cent ans ne pouvoit pas , concernant cette ma-
tière, prévaloir à un titre vicieux.
La grand'chambre jugeoit que non ; Filleau , par-
tie I , titre I , chapitre 42, en rapporte un arrêt
du 13 mai 1622, rendu dans une cfpèce où il y
avoit une poiTelTion de cent quarante ans.
Cette jurisprudence fut d'abord iuivie par les
chambres des enquêtes.
Les 4 OiTcobre 16 14 8c ^ juin 1615 , deux ar-
rêts de la féconde ont cafie , après 175 ans do pof-
feflion , des baux à vie des preneurs & de leurs
deicendans à l'infini , faits par une communauté
eccléfiaftique , fans nécciîlté prouvée , fans avan-
tage évident, & fans aucune folemnité. ils font
rapportés par Filleau , partie i , titre 1 , cha-
pitre 39.
La quatrième avoit pareillement admis par arrêt
du 28 juin 161 3 , rendu de l'avis des autres cham-
bres, uns demande en nullité d'aliénation, for-
mée après 133 ans de polTeffion paifible. (1)
Mais Auzanet , dans fes m.émoires , page 66 ,
& fur la coutume de Paris , article 118, nous ap-
prend que de fon temps, les chambres des en-
quêtes avojent abandonné la jurifprudence de la
grand'chambre , & jugeoient conflamment que
dans le cas même d'un titre nul &. vicieux , lac-
quéreur & fcs héritiers prefcrivoient le domaine
de l'églife par cent ans.
Leurs raiions en étoient que , par une déclaration
du mois de mars 1666, le roi avoit exclu, après
cet)t ans , les béréîciers de la faculté de rentrer
dans les biens aliénés pour caufe de fubvention ;
ijue le défaut de caufe fuffifante &de formalités ,
(0 Filltau, ifcif'. chapit 64:.
PRESCRIPTION.
ne forme pas dans l'acquéreur une mauvaife foi
pofitive,& qui tenant du dol , l'exclue à jamais
du droit de prefcrire ; que cependant il ne doit
pas avoir l'avantage de la Prefcription ordinaire,
parce que quand l'aliénation eft défendue par la
loi , on ne peut prefcrire que par cent ans , fui-
vantla décifion du Sexte, chapitre i , de Prafcrip-
tionihus; & que l'aliénation des biens d'églife faite
fans caufe fuffifante , & fans les formalités re-
quifes , eft un abus qui ne peut être couvert pnr
un temps au-deflbus de celui qui a les avantages
de la poireflîon imméinoriale.
Mais ces raifons ont perdu tout leur crédit , &
les chambres des enquêtes jugent aujourd'hui com-
me la grand'chambre , que la Prefcriptio;i cente-
naire eft infufHfante pour mettre à l'abri des re-
cherches de l'églife . une aliénation dent le titre
vicieux eft repréfenté.
La première & la troifiéme chambre des en-
quêtes viennent de rendre à ce fujet deux arrêts
très-remarquables. Voici l'efpèce du premier.
Le 2 avril 1611, Antoine Roze , évêque de
Clermont, & abbé de Saiut-Mel'inin, vendit , en
cette dernière qualité , à Claude Fumet « le droit de
î> cliâtellenie , droit de ju'lice haute . moyenne &
») baiTe , de l'abbaye de S:ùntMermin , fur la pa-
» roifle de Saint-Avit de Maizieres , la dîme de
« tous les grains , vins , laines , charnages, pois ,
-^ chanvres de cette paroiffc ; le droit de patronage
)) & de préfentation à la cure de Maizieres , les
» cenfives dépendantes tant du Baulin , que de la
» grange des Muids , que l'abbé de Saint-Mefmin
» avoit à prendre au-dedans de l'étendue delapa*
j) roiife de Maizieres, fur les maiforî',- , terres, prés,
V bois , builTons, vignes , bruyères, étangs , &
w généralement tous droits de juftice, feigneurie ,
» châtelleuie , cenfives , dixmcs , mefures , patro-
» nage & autres droits feigneuriaux , fans toutefois
y> comprendre dans cette vente les droits de juf-
>j tice , dixmes & cenfives appartenans à Jacques
» Duchon , feigneur de Maizieres , fur plufieurs
» héritages & territoire de la paroifte , fe refervant
)» néanmoins le fleur Roze le droit de juftice , de
M dixmes, de cens, de profits cenfuels , fur le lieu
), &. métairie de Baulin , terres , prés, bois, étangs
» en provenant , tant & fi longuement qu'ils de-
» meureroient entre les mains des abbés de Saint-
j, Mefmin ; à la charge par Fumet de payer fur la
» dixme à lui vendue dix muids une mine un boif-
» feau de bled-feigle chacun an , au curé de Mai-
» zieres pour fon gros ; plus de payer la fomme
» de 3000 livres pour être employée aux repara-
» lions à faire à la maifon abbatiale démolie & en
„ ruine , Si que le feur Roze veut faire rebâtir ,
» félon les baux qui en feront faits au rabais, vi-
„ fitc préalablement faite defditcs réparations par
„ le lieutenant général du bailliage d'Orléans , ou
)) autre juge royal , par l'autorité & en vertu des
H lettres- patentes du roi , à eux adreffantes , du 6
)) avril 161 1 ».
P RESCRIPTION.
Le 14 mal de la même année 161 1 , le fieur Roze
procéda au bail au rabais des réparations de fon
abbaye pardevant le juge feigneurial de Saint-Mef-
mln celles furent portées à la fomme de 3C50 l;v.
& adjugées au nommé Dumeau, maitre couvreur
à Orléans, quoique le procès-verbal du lieutenant
général d'Orléans ne les eût fixées qn'à la fomme
de 1388 livres.
Le 2t feptembre fuivant, le fieur Duchon de
Maizieres cédant , dit l'aâe , aux prières & inftan-
ces du ri>!ur Roze , retira & acheta du fieur Fumet
les droits que celui-ci lui avoit cèdes par l'aile du
2 avril, aux mêmes claufes & conditions : le fieur
Roze intervint dans cet ade , pour promettre &
s'obliger envers le fieur Maiz-eres, fes héritiers &
ayant-caufe , de le garantir & défendre de tous
troubles & empèchemens qiielconques , & pour
plus grande sûreté céda , quitta , tranfporta & dé-
lailTa la fomme de 1700 livres à prendre par le fieur
Maizieres fur le plus clair & apparent revenu de
Saint- Mefmin , en deux termes à un an de diftance.
Le rapprochement de ces deux a61es & ce qu'ils
contiennent, montroientclairement l'avantage con-
fidérable que l'abbé de Saint- Mefmin avoit voulu
faire au fieur Duchon , prefque fans bourfe déliée
delà part de ce dernier, qui acquéroit pour rien
des droits immenfes ; h léfion énorme que l'ab-
baye foulTroit de ces adles étoit palpable. H;ureu-
fement , pour les fuccelTeurs du fieur Roze , ces
aéles n'ont été revêtus d'aucune des formalités re-
quifes pour leur validité ; formalités qui feules au-
roient pu leur donner le fceau de l'irrévocabilité :
auffi les différens fuccefleurs abbés commendataires
de l'abbaye de Saint-Mefmin fe font ils portés à
faire refcinder des adles auffi préjudiciables aux in-
térêts de leur bénéfice. Daniel de Vaffan , premier
fuccefTeur du fieur Roze en 1618 ; Charles de Vaf-
fan , fécond fuccefleur en 1641 ; Nicolas de Ga-
doin en 1686 i l'abbé de Chepy , en 1720; l'abbé
de Colbert , en 1769 ; enfin en 1775 l'abbé de Raf-
tignac , partie en la caufe , fe font tous élevés con-
tre des aifles dcfiruéleurs de leurs droits ; & ce que
les premiers n'ont pu faire, ou à caufe de leur
mort , ou pour d'autres raifons , le dernier, l'abbé de
Rafiignac , a eu la fatisfaéllon de le voir terminer
à l'avantage de fon abbaye.
L'affaire a été développée dans des mémoires très-
approfondis qui ont éré imprimés pour l'abbé de
Saint-Mefmin. Celui du fieur le Neir de Maizieres
a éré fait par M. Laget Bardelin.
Une des fins de noii-recevoir qu'on oppofoit à
l'abbé de Saint-Mefmin dans le mémoire de M. La-
get , étoit que le fieur Duchon ayant payé en 1706 ,
pour les objets aliénés à fon auteur en 161 1 , la
taxe ordonnée par la déclaration du roi du 18 juil-
let 1702, éto.it à l'abri de toute éviflion , aux ter-
mes de cette loi , qui déclare propriétaires incom-
mutables , les détenteurs des biens d'églife aliénés
depuis 1556,3» moyen du payement de la taxe.
L'abbé de Saint-Mefmin a répondu & démontré
PRESCRIPTION.
4M
d'une manière aufli lumineufe que folide , que la
déclaration de 1702 n'a point pour objet , quant au
point dont il s'agit, les biens d'églife aliénés hois
des cas de ^ihvemiDn ; qu'elle n'eft applicable qu'aux
biens aliénés pour les befoins de l'état en vertu des
bulles des papes , & par l'amtorité des rois.
Ce point de droit public intérefibit le clergé de
France en général ; aufiî les agens généraux de ce
corps ont-ils accordé leurs bons offices à l'abbé de
Saint-Mefmin , principalement pour prévenir l'abus
qu'on vouloir faire de la déclaration de 1702 , par
l'extenfion qu'on cherchoir à lui donner dans le mé-
moire du fieur le Noir de Maizieres.
Enfin , après la difculTion la plus approfondie ,
arrêt eft intervenu le 11 mai 1784, au rapport de
M. Lambert, qui, «t fans s'arrêter ni avoir égard
» aux demandes, non plus qu'aux fins de non rc-
» cevoir du fieur de Maizieres , 6c des héritiers
" Duchon dont ils font déboutés, reçoit les prieur
» 8c religieux de Saint-Mefmin , tiers oppofans aux
» fentences des requêtes du palais , des 28 juin &
» 31 août 1624, à l'arrêt confirmatif d'icelles, du
» 29 avril 1625 , rendu entre Daniel de Vafian ,
" lors titulaire de ladite abbaye, & le fieur Du-
» chon; faifant droit fur ladi'e oppofition , déclare
» les procédures fur lefquelles lefdites fentences 8c
» arrêts ont été rendus , nuls & de nul effet ; en ce
" qui touche l'appel de la fentence des requêtes du
» palais de 1692 , ayant aucunement égard aux re-
» quêtes & demandes de l'abbé de Saint-Mefmin ,
» fans s'arrêter à celle de fes parties adverfes , non
" plus qu'à leurs fins de non-recevoir dont elles
» font déboutées , a mis & met l'appellation & ce
" dont efi appel au néant ; émendant , décharge
" l'abbé de Saint Mefmin des condamnations con-
» tre lui prononcées par ladite fentence ; au prin-
" cipal déclare nul & de nul effiït le contrat de
'> vente & l'aâe paffés les 2 avril & 22 feptembre
" 161 1 ; condamne le détenteur aftuel des objets
" dont eft quefiion à s'en défifier au profit de l'abbé
'» de Saint- Mefmin ; condamne l'abbé de Rafii-
» gnac , fuivant fes offres , à rembourfer les '^oco
» liv. , prix de l'aliénation de 1611 ; & condamne
» le fieur de Maizieres & les héritiers Duchon , à
» tous les dépens envers les abbé, prieur & reli-
» gieux de Saint Mefmin ».
Le fécond arrêt qui a été rendu le 27 du même
mois , au rapport de M. Clément de Givri , a con-
firmé une fentence du juge de Montbrifon , du 21
avril 1779, qui avoit déclaré nul Se de nul effet le
contrat de vente paffé par le chapitre de la même
ville ,à noble Pierre de la Mure , confeiller d'état pour
le roi au pays de Fore:!(^,\e 16 avril 1619 , d'une di-
recte , 8c de partie de la haute juflice de Magnieux-
Haute-Rive , ainfi que tous les afles approbatifs
fubféquens, & avoit condamné le poffefieur de
cette direâe 8c de cette portion de juftice , à les dé-
laiffer au chapitre de Montbrifon , en rembour-
fant par ce chapitre tout ce qu'il avoit reçu pour
liij
4i6 PRESCRIPTION.
prix principal , les frais Si loyaux - coûts de la
vente, &c.
Voici comment le défenfeiir des clîanoines ter-
niinoit Ton mémoire : " Il cÛ impoflible qu'il y ait
w Prefcription dans refpèce , puifque les objets
») aliénés font toujours reftés dans les mains de l'ac-
î) quéreur ou de Tes héritiers, jufqu'à ces derniers
» temps ; que le tiers-acquéreur puifTe prefcrire ,
)> même contre l'églife , par une pofîeflîon paifiMe
s> de quarante années , cela peut être lorfque fon
}» titre ne lui préfente aucune trace des nullités
3> du titre primitif; il eft alors fuppofé de bonne
5? foi , & il prefcrit. Mais il n'en eft pas de même
« de la part de celui qui eft partie dans le titre nul ,
J7 ni de la part defes héritiers , parce que le fonde-
•» nient de leur pofVcffion eft vicieux; leur titre ré-
:■> clame perpétuellement contr'eux ; & c'eft le cas
ti d'appliquer la maxime fi triviale , meliiis e(l non
î> fiahere tiiulum , quant habere viiiofurn. La terre
3> vendue étant toujours reftée dans les mains du
3) premier acquéreur ou de fcs héritiers , Si. le tiers-
s) acquéreur n'étant pas propriétaire depuis c;ua-
» rante années, il ne peut y avoir lieu à la Prcf-
« cription >».
Il paroîr que le giand confcil fuit depuis long-
temps la même jurifprudence. Il y a dans le joiirnnl
du palais un arrCt du 20 mars 1674, par lequel,
fur une demande formée en 1672 feulement, ce
tribunal a déclaré nulles différentes aliénations de
biens eccléfiafliques dont la plus récente étoit de
1571-
Les héritiers de l'acquéreur fe retranchoient ,
comme on le devine bien , fur la Prefcription cen -
tenairc: ils invoquoient la déclaration du mois de
mars 1666, & un arrêt du grand confcil même par
lequel les habitans d'Argenteuil avoient été main-
tenus contre le cardinal de Retz , dans leur poffcf-
fion immémoriale de ne payer la dixme que par
abonnement.
Le célèbre Vaillant écrivoit dans cette affaire
î30ur l'eccléfiaftique qui réclamoit contre lesaliéna-
rions faites par fes prédéceffeurs.
Il foutenoit d'abord que les héritiers de l'acqué-
reur ne pouvoient pas oppofer la Prelcription cen-
tenaire, parce qu'aux termes de l'article 26 de Tédit
cle février 1580, rapporté ci-deflus , il falloit dé-
duire de leur poiïeffion tout le temps qui avoit
couru jufqu'à cette époque.
Il répondoit à la déclaration de 1 666 , qu'elle n'a-
voit pour objet que les aliénations faites pour caufe
de fubvention; qu'aucun des contrats des défendeurs
n'étoit de cette qualité ; & que fi dans quelques-
uns la caufe de fubvention étoit exprimée, on y
voyoit en même-temps qu'elle étoit fuppofée.
 rée,ard de l'arrêt rendu contre le cardinal de
Retz, ii l'écartoit par la diAinélion commutje en-
tre celui qui pofiede depuis un temps immémo-
rial , fans que le titre de fa pofleflion foit repréfemé ,
& celui contre lequel on produit un litre prfmordial
dont le vice eft frappant. L'arrêt qu'on oppcfe , di-;
PRESCRIPTION.
foit-11 , eft dans la première efpèce. Mais pour la
féconde , u nous avons un arrêt tout récent du
» grand confeil , rendu au profit de M. lévêque
M de Saint-Pons ,qui, s'êiant pourvu contre des
» contrats d'aliénations faits par fes prédécefleurs
'» depuis plus de cent ans, les a fait caffer, & a
» fait entériner les lettres de refcifion par lui obte-
» nues contre ces contrats nuls & vicieux m.
Le Parlenient d'Aix fuit une jurifprudence toute
différente. A l'exemple de ce que jugeoient autre-
fois les chambres des enquêtes du parlement de
Paris , il admet la Prefcription centenaire , mais il
rejette celle de quarante ans. « On y jugeconftam-
» ment , dit M. Julien (t) , que la nullité de l'alié-
" nation d'un bien d'êglife par le défaut de forme ,
" eft couverte par le laps de cent ans , & ne peut
» être couverte par un moindre efpace de temps ".
L'auteur cite à ce fujet un arrêt de règlement rendu
le2y novembre 1604, dans la caufedu doyen ducha-
pitre de Gap , & prononcé par M. le premier pré-
fident du Vair. Cet arrêt, dit-il, "fit la diftinÂion
» des baux emphytêotiqiies où les formes n'avoient
» pas été obfervêes ,qui avoient été faits depuis
V cent ans ou plus , & de ceux qui avoient été
» faits dans le cours des cent dernières années. Les
» premiers furent maintenus , les féconds furent
» déclarés nuls ; & depuis , le parlement l'a tou-
»; jours jugé de la même manière ".
On trouve en effet dans le commentaire de
Mourgues fur les ftatiits de Provence , page 40S ,
quatre arrêts des 9 avril 1612, 7 janvier ik 13 juin
1619 , & du mois de mai 1626 , qui ont confirmé ,
à caufe du laps de cent ans, les aliénations nulles
& vicieufes contre lefquelles l'églife réclamoit.
Boniface , tome i , livre 2 , titre 6 , chapitre i ,
en rapporte un du 16 Juin 165-3 ' ^"^ ^ déclaré nul
un bail emphytéotique fait fans jufte caufe , & fans
formalités , près de quatre-vingt ans auparavant.
Le lendemain 20, dit le même auteur , un arrêt
rendu en faveur des carmes d'Aix , contre les péni-
tens blancs , a caffé un femblable bail , qui étoit ce-
pendant foutenu par uns poiTeftion de 90 ans.
Boniface ajoute que, précédemment , le 19 jan-
vier 1643 , un autre arrêt avoit caffé , après 80
ans , une emphytéofe accordée par un bénéficier à
fon aïeul , fans les formalités requifcs.
Il y en a encore un , continue-t-il , du 24 mai
1647 » q"' ^ '^^^^ "" ^<^s ^^ ^^ même efpèce, fait
54 ans avant la demaiî-de en refcifion , & confirmé
par une tranfaâlon pafTée 43 ans avant cette même
demande.
On a tenté de faire adopter par ce parlement,
une diftinâion qui eft , dans cette matière im vrai
paradoxe. On a prétendu qu'il falloit mettre urre
différence entre les aliénations faites d'églifc à
églife ; & celles qui étoient faites par l'églife au pro-
fit de perfonnes laïques. On convenoit bien qu'à
(i) Coramenwite fur Jes llatuu de Piovcwce, tome i,
page 518.
PRESCRIPTION.
l'égatd de celles-ci , il falloit cent ans ; mais on fou-
tenoit que relativement à celles-là, 40 ans fiiffifoient
pour en prefcrire la nullité.
Mais cette diftinc^ion a été rejetéeparun arrêt
du 30 juin 1760, rendu en faveur de l'abbefTe de
Saiut-Honorat de Tarafcon , contre les Urfulines de
la même ville. Dans cette eipèce , il y avoit en fa-
veur des Ufulines , une pofîelîion de plus de 90
ans. Cependant, il a été jugé qu'elles n'avoicni
point prcTcrit (i).
M. de Cormis , tome 1 , col. 174 , chapitre 68 ,
fait mention de divers arrêts plus anciens, qui ont
décidé la même chofe entre l'abbé & les religieux
de Montmajour. C'efl auffi , comme on l'a vu plus
haut , ce qu'a jugé l'arrêt du parlement de Paris du
20 juin 1716 , rendu entre l'abbé & les religieux de
Saint-Mefmin. On en trouvera ci-après un lembla-
ble du parlement de Metz, du 1; juillet 1713.
Le parlement de Normandie paroît avoir fur
cette matière , la même jurifprudence que celui
d'Aix. C'eft ce qui réfulte de difTérens arrêts rap-
portés par Bafnage , dans fon commentaire fur la
coutume de cette province , article 521.
Il y en a un du 29 mai 1 564 , par lequel , dit Cet
auteur, <i il fut jugé pour le curé de Saint-Sauveur
5> de Caen , contre les Croifiers de la même
S) ville , qu'après cent quatre-vingt dix ans de pof-
»> feffion » , ceux-ci n'étoient point reccvables à
revendiquer leur bien , fur le prétexte de défaut de
folemnités. On leur objeéloit qu'après un fi long
temps on devoit préfumer que toutes les formalités
néceffaires avoient été renplies , & qu'il étoii
poffible que les pièces juftificatives en fufîent per-
dues.
D'autres arrêts des premier mars 1605, 4 aoijt
1606 , 30 janvier 1607 & 21 juin 1657, ont jugé
que la poffeffion de quarante ans eft infu/fifante
pour couvrir, en faveur de celui qui a traité avec
î'églife , ou de fes héritiers , les nullités de l'alié-
nation dont le titre eft repréfenté.
C'eft ce que décident encore deux arrêts rendus
depuis la publication du commentaire de Bafnage.
Le 19 novembre 1606 , le fieur de Macarany ,
chanoine & chancelier de I'églife métropolitaine
de Rouen, autorifé par un a<^e capiiulaire , fieffa
plufieurs héritages au nommé Langlois , pour 1 10 1.
de rente foncière. On n'obfcrva concernant cet a6te
aucune des formalités prefcrices pour la validité de
l'aliénation des biens eccléfiafliques.
Le fieur de Macarany mourut en 1699. Le fieur
Routier , fon fucceffeur , confeniir à l'exécution de
la fieffé : il y ajouta même la ceflîon d'ime demi-
acre de terre ; & jufqu'en 1753 pcrfonne ne fon-
gea à inquiéter Langlois ni fes héritiers.
Mais à cette époque , le fieur de Gouy qui de-
puis deux ans étoit pourvu du bénéfice de chance-
PRESCRIPTION.
4^7
( 1) Commentaire de M. Julien fur les ftaçiws de Provence ,
touic j, pagejjo.
lier de I'églife de Rouen , affigna les héritiers Lan-
glois pour lui remettre les fonds fieffés par le fieur
de Macarany , attendu qu'ils avoient été aliénés
induement , fans néceflité , fans befoin , fans for-
malités , & pour un prix bien au-delfous dj leur
valeur.
Les héritiers du fieffataire fe retranchèrent fur
leur pofleflîon de cinquante quatre ans.
Le fieur de Gouy convint que cette pofle-fiîon
auroit pu les mettre à couvert , fi le titre n'en eût
pas été repréfenté ; mais que ce titre étant produit ,
il ne pouvoit y avoir lieu à la Prefcription de qua-
rante ans.
Et en effet, par arrêt du 19 juin 1755, rendu
fur les conclufions de M. l'avocat général de Bel-
bœuf, le contrat de f.ciÏQ fait au nommé Langlois
fut déclaré nul, & le fieur de Gouy fut renvoyé
en poffeflion des biens aliénés par cet aifle.
Le fécond arrêt n'efi pas moins précis : par con-
trat du 18 décembre 1700, les religieufes de l'ab-
baye de Saint-Léger de Préaux vendirent au fieur
Fribois de Beneauville la terre Se feigncmle de
Billy, confinante dans le patronage de la paroi/Te ,"
un domaine de foixante acres de terre , un droit de
dixme & des rentes feigneuriales.
Cette aliénation fut faite pour 6co livres, paya-
bles deux années après le contrat, en donnant rem-
placement, & 100 livres devin. Le capital ne fut
point payé Si l'acquéreur en fi: la rente.
Du refie,on n'obtint, pour faire cette aliéna-
tion , ni permiffion de l'évéque , ni lettres-pareorts
du roi ; point d'information Je commodo & incorn'
modo ; point d'affiches , point de publication : rn
un mot, toutes les folemnités reqiiifes en fuit d a^
liénation de biens eccléfiafliques , furent négligées.
En 1719 , les religieufes de Préaux réclamèrent
contre le contrat de 1700; elles en articulèrent la
léfion & la nullité. Le fieur Fribois offrit une aug-
mentation de prix , à condition qu'on obfervero'^it
les formalités néceffaires pour mettre ce contrat ù
l'abri de toute contefi;ition.
Cette affaire n'eut pas de fuite. Le fieur Fribois
mourut : fes enfans firent aux religieufes, le 19 dé-
cembre 1729 , un billet par lequel ils reconnoif-
foient u être obligés à la faifance & continuation de
)> 400 livres de rente foncière , pour & au lieu de
» 300 livres portées au contrat de fieffé du 18 dc-
M cembre 1700,1e préfent avec ledit contrat ne
» valant que pourun.feul & même, & ce pour
» caufe de fieffé d héritages fitués en la parciffe do
» Billy -.K
Ce billet ne fut pas revêtu de plus de formalités
que ne l'avoit été le contrat de 1700.
Le 18 décembre 1773 •> ^^s religieufes de Préaux
demandèrent la nullité des deux a^Ses , & appre-
nant que les biens étoient dans la poffeffion du fieur
des Auîhieux , qui avoit époufé la fille du fieur Fri-
bois l'aîné , elles le firent affigner au bailliage de
Caen pour fe voir condamner à les leur délaiffer.
458
PRESCRIPTION.
oC ficurdcs Authieux commença p,ir 'lemander
du temps pour rechercher (es titres ; enfuite , il mit
le fieur Fribois de Beneauville en caufe, & dans
une requête qu'il prélenta à cet effet le 24 mars
1774 , il expofa que les religieules de Préaux le
pourfuivoient pour rentrer en porTeirinn des ob-
>> jets fuués fur la paroilTe de Billy , qu'elles avoient
ï> vendus en 1700 au fieur Fribois »>.
Enfuite , il voulut méconnoître le titre dont il
avoit avoué l'exirtence par cette requête : il fe ren-
ferma dans fa poffeflion de foixantetreize ans , &
prétendit que dans tous les cas on prefcrit par qua-
rante ans , même contre les nullités d'une aliéna-
tion faite par l'églife.
Les religieufes de Préaux invoquoient les arrêts
de 1605 , 1606, 1607 , 1657 & 1755 , dont nous
avons rendu compte ; & pour en démontrer la juftc
application à leur caufe , elles produifoient le con-
trat de 1700 & le billet de 1720.
Cependant les officiers du bailliage de Caen les
déclarèrent non-recevables.
Sur l'appel , la caufe fut plaidée par MM. Thoi:-
ret , le Danois & Thi^iilen. Après une difcuflîon
digne à tous égards de l'importance de l'objet liti-
gieux , il intervint arrêt à la grand'chambre , le
18 novembre 1776 , fvir les conclufions de M. de
Grécourt, avocat général , par lequel la fentence
fut infirmée , le contrat de 1700 caffé avec tout ce
qui s'en étoit enfuivi , les religieufes de Préaux
réintégrées dans leur bien , & les fieurs Fribois
condamnés aux dépens.
Le parlement de Metz a rendu le 5 juillet 171 3 ,
un arrêt qui prouve la conformité qu'il y a fur cette
matière, entre fa jurifprudence & celle du parle-
ment de Normandie. 11 s'agiffoit de favoir , dit Au-
geard , tome 2 , §. 139," fi un abbé peut , après
» foixante-dix ans, attaquer un contrat en forme
j» de tranfaftion , portant aliénation d'une partie
i> des biens de la menfe abbatiale , paffé par un
« de fes prédéceffeurs au profit des religieux de
» fon abbaye , & homologué par arrêt , fur le fon-
j) dément de la léfion , & du défaut de formalités ,
« de néceffité & d'utilité ». L'arrêt a adopté 1 affir-
mative.
A l'égard du parlement de Dijon , nous ne
voyons pas qu'il ait jamais eu .i prononcer fur des
aliénations vicieufes , mais couvertes par une pof-
feiTion de quarante ans. Le feul arrêt que nous
trouvons de cette cour fur cette matière , eff dans
le cas d'une pofTeffion centenaire ; & il juge ,
comme on le fait à y\ix & à Rouen , qu'elle fiiffit
pour mettre l'acquéreur à l'abri de toutes recher-
ches.
Après avoir confidéré la Prefcription comme un
moyen d'acquérir les biens des eccléfiafttiques ,
il faut examiner quels font fes effets contr'eux ,
lorfqu'clle ne tend qu'à nous libérer envers eux.
PRESCRIPTION.
DtSTINCTION IV. Quels font les effets de In Pref-
cription contre rcgiije , lorJquelU na. pour objet
que la libération des dettes , des droits & des pref-
tations qui lui font dûs ?
La règle générale eft que ces droits ne fe per-
dent que par quarante ans. Ils font comptés au
nombre des biens de Féglifc, & elle en a une ef-
péce de poffeffion ; elle doit donc jouir à cet égard ,
des mêmes privilèges que pour les biens qu'elle
pofsède proprement & véritablement ; mais qua-
rante ans fiiffiront pour les prefcrire. C'eft la dif-
polition de la novelle 131, rappellée ci-deffus,
diitinâion I, du chapitre 20, aux décrétales , de
cenfibus ; & d'une foule d'autres textes, tant du
droit canon que de nos coutumes.
Sur ce principe , dit Dunod , par arrêt rendu
au parlement de Befançon le 27 février J709 ,
" le droit qu'avoit le religieux infirmier de Saiut-
» Claude , comme dépendant de fon office , de
» fe faire donner les langues & les filets des co-
» chons qu'on tuoit à la boucherie publique de
n cette ville , fut jugé prefcrit , parce qu'il y avoit
j> quarante ans qu il n'en avoit pas ufé ».
Cette maxime reçoit cependant plufieurs excep-
tions, les unes en faveur de réglife, les autres à
fon dcfavantage.
1". On a vu |)lus haut , diflinflion I , que d'ffô-
rentes coutumes ont allongé ou abrtgé le terme de
quarante ans. Leurs difpofitionsne s'appliqueni pas
moins aux droits incorporels de l'églife, qu'à fes
biens immeubles.
2°. L'églij'e n'eft privilégiée que pour le fond de
fes droits. Quand il ne s'agit que d'arrérages échus,
elle fuit les mêmes règles que les particuliers. Voyez
le §. I de cette feflion.
3°. Nous avons remarqué dans le §. 2 de la mê-
me feâioH , que le parlement de Touloufe n'ad-
met aucune Prefcription , pas même celle de cent
ans , contre les rentes & redevances annuelles dues
à l'églife pour obits ou autres fondations.
Mais il faut remarquer que par la jurifprudence
de la même cour, le fonds affigné pour dire des
meffes à perpétuité, eft fujet à la Prefcription en-
tre les mains d'un tiers-acquéreur qui l'a pofîèdé
pendant quarante ans fans rien payer. C'ert ce que
prouvent d'ev.x arrêts des 13 juillet 164'; , & 29
mai 1646 , rapportés par Albert , au mot penjïon ,
article 6.
On en trouve un femblable du 20 acût 1726,
dans le journal du palais de Touloufe, tome 4,
§. 258 , page 364. Il a été rendu , dit le rédafleur,
u fur le fondement que les fonds donnés à l'é-
» glife ( même à la charge de fervice ) , font fu-
•>■> jets à Prefcription , & que tout ce qui eft exi-
» gible eft prefcriptible. Les rentes obituaires font
» mifes de niveau avec les rentes feigneuriales, &
» ne font pas fujettes à Prefcription par notre
n ufage ; mais cela ne s'étend pas aux fonds mê-
w mes , parce qu'il eff de l'intérêt public , pour le
PRESCRIPTION.
« repos des familles , qu'on ne piiifle pas être
» troublé dans fes polTeffions après un certain
>> temps ".
Le parlement de Touloufe n'étend pas non plus
aux legs de fommes à une fois payer , quoique faits
avec charge de fervices perpétuels, le privilège
d'imprefcriptibilité qu'il accorde aux rentes obi-
tuaires. C'eft qui réinlte d'un arrêt du 23 août
1668 , rendu entre les carmes de Nîmes , &. le ba
ron d'Aubaix, faifant profeffion de la religion pré-
tendue réformée. 11 eil rapporté par Graverol (ur
la Rocheflavin , livre 6 , titre 72.
4"^. Suivant un arrêt rendu au parlement de Bor-
deaux le 4 août 170S, confirmatif d'une fentence
des requêtes du palais de la même ville, « les re
» devances que font certains prieurés à des ab-
» bayes dont ils ont été démembrés, ne font point
» fujettes à la Prefcription » , même immémo-
riale, parce qu'elles ont pour objet la reconnoif-
fance de la fupériorité. C eft ce qu'attefle l'auteur
du journal du palais de Touloufe , tome 3 , §. 139 ,
page 322. _
Il a été jugé quelque chofe de femblable , com-
me on le voit dans le m^me voL.me , §. 182,
page 41 3 , par un arrêt du parlement de Languedoc
du 17 juillet 171 1. Le fieur Pcyret , abbé de Saint-
Pierre-dela-Tour dans la ville du Pny , & en cette
qualité, patron d'office de facriilain dune des égli-
fes paroiiiiales du même lieu , demandoit au pour-
vu (le cet office une redevance annuelle de 40 li-
vres de l're. Il rapportoit d'anciennes reconnoif-
fances qui prouvoient clairement qu'elle étoir due,
mais il étoit obligé de convenir qu'elle n'avoit
pas été payée depuis 1632 jufqu'au jour de la de-
mande formée en 1687. Le facri(tain prétendoit ne
pas devoir cette preftation , & en tout cas il fou-
tenoit qu'elle étoit prefcrite. Il fe prévaloit beau-
coup de ce qu'il ne paroiffoit , par aucun titre,
qu'elle eût été impofée lors de l'infiitutio* de la
facriflie.
Par l'arrêt cité , rf/z/u hautement 6» Je on^evoix
contre trois, il a été jugé que le facriftain devoir
cette rente , que la grande quantité de reconnoif-
fances & le droit de patronage qui n'étoit pas con-
tefté au fieur Pcyret , fuffifoient pour faire préft>
mer qu'elle avoir été établie avec l'office de fa-
criflain , en figne de fubjeâion ; Se que dés-là elle
étoit imprefcriptible.
Cette matière eft aufTi traitée dans le journal Ju
grand confeil, publié en 1764.
On y demande , partie 2 , §. 9 , fi une rede-
vance due par un bénéfice , en /igné de fupériorité ,
au chef-lieu dont il dépend, peut fe prefcrire par
quelque laps de temps que ce foit ? Et l'on ré-
pond que par arrêt rendu le 23 mai 1761 , le grand
confeil a condamné la partie qwi prétendoit ne
pas devoir la redevance, à payer les arrér; ,;es de
vingt-neuf années . & à en palier titre nouvel ix
reconnoiffance dans un mois , finon que Tarrét
e.T tiendroit lieu. La raifon de décider a été, dit
prescriptio;n. 459
M.^ Moufiier , que les redevances dues par les bt -
néficiers inférieurs, à ceux dont ils relèvent , fort
regardées comme un véritable cens, qui eft de fa
nature , imprefcriptible.
Le §. 20 du même recueil préfente encore cette
queftion. Une rente due à une abbaye en figne
de fupériorité, eft-elle imprefcriptible? L'arrêt du
8 août 1761 condamne !e refufant à payer à
l'abbé la rente dont il s'agit , & à pa/Ter titre nou-
vel , parce que , dit M, Mouffier , quand il e(l éta-
bli qu'une redevance eft due in /ignurn fiipenoii-
tatis , elle n'eft fujette à aucune Prefcription.
C'eft ce que décide encore un arrêt du 22 du
même mois , qu'on trouve dans le §. 23.
5°. L'aébon hypothécaire fe prefcrit elle conrre
réglifepar le même terme que contre les particu-
liers? Voyez Hypothèque.
6". Lesaélions courtes, c"e(1-à-dire, qui n'ont pas
la durée de celles que le droit romain appeloit iani;i
temporis , & font par conféquent au-delfous de dix
ans , ne font pas prorogées à quarante ans en fa-
veur de l'églife : elles fe prefcrivent à fon égard par
le même temps que contre les féculiers. C'e(l ce
qu'étabbifent Gonzalés fur le chapitre 4 , aux décré-
tales , de Prœfciptionibus , nombre 5 ; Covarru-
vias fur le chapitre p^\IT''j[f^'' , partie 2 , §. 2 , nom-
bre ^ , & Diuiod , traité de la Prefcription des biens
d'églife, page 31.
Partons aux queftions particulières que font naî-
tre les divers genres de Prefcriptions établies con-
tre l'églife.
Distinction V. Du cas où l'ég.'ife fuccède à un
Laïque contre lequel la Prefcription a commencé ce
courir,
Lorfque l'églife fuccède à un laïque contre le-
quel la'Prefcription a commencé, cette Prefcrip-
tion fera-t-elle prorogée à quarante ans , comme fi
elle avoir commencé 6c couru fans dif..ontinu<'.-
îlon contre l'églife ?
Les auteurs des notes fur Dupleffis, de la Prei-
cripuon , livre i , chapitre 4 , rappellent différentes
opinions des anciens gloffateurs fur cette queftion ;
c< ils paroiiTent fe ranger du parti de ceux qui
tiennent que l'églife eft foumifc à la Prefcription
telle qu'elle eft établie centre le laïque, pour le
temps qui a couru contre lui ; mais qu'elle ufe de
fon privilège poi'r celui qui refte à courir con-
tr'elle. Ainli , félon ces auteurs , dans le cas d'ime
Prefcription de dix ans qui a couru pendant cinq
ans contre le laïque auquel l'églife a fuccédé , elle
n'en aura plus que vmgt.
On a tenté en 1665 <^'^ ^^'''^ adopter cette opi-
nion au parlement de Touloufe ; mais elle y a été
rejerée par arrêt du mois de mai , après partage.
L'année fuivante, un arrêt du 9 août a jugé de
même , avec moins de dijji:ulté & fans parta->e. Ce
font les termes de M. de Cateliau , livre i , cha-
Ce magiftrat cite encore un arré du 28 juillet
440 PRESCRIPTION.
1665 , qui décide, u que l'églife ayant le droit
j> du créancier d'un vendeur fous faculté de ra-
>» chat , peut ufer de cette faculté durant quarante
ïj ans , à compter du jour de la vente ». On ob-
jeâoit qu'agiffant du chef dn débiteur , ex per-
Jond débitons , elle devoir fouffrir toutes les excep-
tions auxquelles il auroit été lui-même fujet ;
qu'elle ne faifoit qu'exercer l'at^ion d'un particu-
lier ; & que cette aélion ne pouvoit pas avoir ac-
quis par la ceffion qu'on lui en avoir faite, un
privilège qu'elle n'avoit point primitivement ;
qu'en un mot , le débiteur étoit cenfé agir par
l'organe de l'églife, & par conféquent qu'il ne
devoit pas proriter d'un avantage perfonnel à l'é-
glife même. Mais <' on crut , dit M. de Catellan ,
i) que l'églife , au moyen de la ceirion qui lui
5) avoit été faite par le créancier du vendeur ,
j) étant devenue créancière de celui-ci avant le
M temps de la faculté de rachat expirée contre le
» cédant , elle avoit trouvé cette faculté dans les
j» biens de fon débiteur; qu'ainfi cette même fa-
» culte lui ayant été dès-lors hypothéquée pour
j> fa dette, elle devoit avoir , comme tout ce qui
« appartient à l'églife , le privilège de ne pouvoir
jj être prefcrite contr'elle que par quarante ans ".
Distinction VI. Pour Pnfcrire d'églife à égl'ife ,
U bonne foi eft-elle nécejfairc , & en cas qutllc
le foit , peut-elle fe préjuincr , quand il y a un titre
contraire à la pojjejjion ?
Cette queftion s'eft préfentée plufisurs fois au
parlement de Touloufe.
Par un ancien partage homologué en cette cour
fous le règne de François I , le collège d'Auch
devoit avoir fix neuvièmes de la dîme de la pa-
roiffc de Sarragachies , & le reliant appartenoit à la
fabrique de l'églife du même lieu. En 1699, le
collège d'Auch s'eft plaint de ce que la fabrique
avoit , au mépris de cet a61e , ufurpé fui lui un
de fes fix neuvièmes de dîme , & il a demandé
qu'elle fût condamnée à lui délaiffer. Les marguil-
liers ont répondu qu'ils étoient depuis plus de
quarante ans en pofielTion de quatre dixièmes ; ils
l'ont prouvé par des baux , & ils ont offert d'y
ajouter la preuve tefîimoniale la plus complette.
Mais par arrêt du 7 février 1702 , le parlement
de Touloufe , fans avoir égard à cette ofire , a ad-
jugé au^ collège d'Auch ;les conclufions de fa re-
quête , fur le motif" que les marguilliers n'avoient
j) pu prefcrire au préjudice du partage & de i'ar-
« rét (qui en avoit prononcé l'homologation),
j> attendu que la feule pofTeffion fans bonne foi
»j ne peut pas opérer la Prefcription d'èglile à
« églife , & qu'il ne peut y avoir de bonne foi
») quand il y a un titre contraire >?. Ce font les
termes du magifliat qui a donné au public le
journal du palais de Touloufe , tome 3 , §. CX.
Et il ne fe borne point-là : il rr.pporte au même
fiidroit une autre efpèce dans laquelle la queftion
PRESCRIPTION,
a été beaucoup plus approfondie.
Une fentence des requêtes du palais de Tou-
loufe de l'année 1632 avoit condamné le fieur de
Barras , chevalier Ue Malthe & commandeur de
Salés, à payer la dîme au curé de Saint- Juft , fur
le pied du dix-feptième ; & elle avoit été confir-
mée par arrêt en 1634.
Le 16 juillet 1704, le curé de Saint-Jufl a fait
afTigner le commandeur de Salés , aux requêtes
du palais , pour voir ordonner l'exécution de cette
fentence & de cet arrêt.
La réponfe du commandeur a été qu'il étoit
depuis plus de quarante ans en pofTefTion paifi-
ble Se continuelle de ne payer la dîme qu'au cin-
quantième ; qu'il ne paroifîljit pas que l'arrêt de
1634 eût prononcé ce que lui faifoit dire le curé;
(k qu'au demeurant , la dilpofition en étoit pref-
crite.
Sur cela , fentence du 15 feptembre 1705, qui ad-
met le commandeur à faire preuve de fa pofléirion
qu.irantenaire.
Appel par le curé, & dinribution du procès au
magiltrat d'après qui nous parlons ici.
« En jugeant les griefs, dit-il, nous avons été
» partagés. Mon avis a été de réformer; ce fai-
» iant , maintenir le curé dans le droit de pren-
» dre la dîme à la quote du dix-feptième; parce
» que d'un côté il nous a paru fufîiiamment prou-
» vé que le jugement de 1632 avoit condamné
» le commandeur à payer la dîme au dlx-fep-
)» tième , & que de l'autre , nous avons cru qu'il
» n'avoit pu prefcrire contre le titre ; car comme
» membre d'un corps eccléfiaf^ique, il n'a pu pref-
» crire contre une autre églife (ans bonne foi,
» & il n'a pu avoir de bonne foi , tandis qu'il y a
" eu un titre qui décidoit contre lui ».
Ici , le magiflrat cité rend compte des raifons
qu'oppofoit le compartiteur à ces motifs. Il pré-
tendoit que par l'ufage du parlement de Tou-
loufe , la feule pofTeffion de quarante ans fuffifoit
à une églife pour prefcrire contre une autre , quoi-
qu'il n'y eût pas de bonne foi. Il ajoutoit que dans
le cas où la pofTefiîon de quaraiite ans s'accom-
plit fur la tète de plufieurs perfonnes qui fe font
fuccédées les unes aux autres , on ne pouvoit pas
oppofèr de mauvaife foi , parce qu'un bénéficier
n'ell pas cenfé avoir connoiiTance du titre de fon
prédécefTeur.
Sur ces raifons refpeciives , le partage a été
porté de la granë'chambre à la première des en-
quêtes ; mais les opinions ne s'y font pas nneux
accordées. Enfin , l'affaire portée à la deuxième
chambre , arrêt qui juge , prefque tout d'une voix ,
contre la Prefcription , &. par conféquent fuivant
l'avis du rapporteur.
" On y a établi (dit ce magiflrat), comme une
T) maxime confiante, que pour prefcrire d'églife à
n églife , il faut bonne foi. On a dit qu a la vé-
» rite on s'eft départi de la dlfpofition du droit ca-
)? noniquc qui , avec la bonne fgi , veut encore
» un
PRESCRIPTION.
» un titre (i); qu'on s'eû départi encore dela^jn- i
i> rifprudence autorifée par les arrêts de Cambcas ,
>» livre 2, chapitre 6 , qui veut auffi titre & bonne
« foi , parce que la bonne toi avec une poffcflion
» de quarante années fait préfumer un titre ; mais
» qu'on demande au moins la bonne foi , fuivant
» l'intention des canons, quand c'eft d'églife à
J> églife ; car il feroit fort extraordinaire que l'e-
}> glife dont les lois font fi févères pour refufer
M la Prefcription à ceux qui n'ont pas la bonne
» foi , pût elle-même être difpenféc de bonne foi
« quand elle veut acquérir la Prefcription ».
Distinction Vil. LégUfe peut-dU être reflituéc
contre la Prefcription ?
Il n'y a aucune loi qui lui accorde ce privilège ;
mais on dit qu'elle efl comparée aux mineurs ,
nommément quant à la reftitution en entier (2) ;
ëc que les mineurs peuvent fe faire reftituer con-
tre la Prefcription même de quarante ans ; d ou
l'on conclut, quaprès la Prefcription, elle a quatre
ans , fuivant le droit romain , & dix ans , félon nos
ordonnances , pour s'en faire relever par lettres
du prince.
Mais Decius (3) , Socin (4) , Alexandre (5) ,
du Moulin (6) & d'autres foutiennent que la Pref-
cription de quarante ans devant donner la plus en-
tière sûreté , pUnijJîmjm fecuritatem , elle ne peut
pas être effacée par la reftitution , même en faveur
des mineurs.
u Cette opinion , dit Dunod , me paroît fuivie
« dans l'ufage contre l'égiife ».
Nous devons cependant obferver que l'article
a du titre 12 de la coutume de Berry , femble la
profcrire (7). Mais auffi cette coutume limite à
trente ans le temps nécifTaire pour acquérir la
Prefcription contre l'égiife. La faculté qu'elle ac-
corde aux eccléfiaftiqiies de fe faire relever, ne
fait donc que la rapprocher, dans l'exécution, des
termes du droit commun.
Distinction VIÎI. Le bénéficier qui a L'tjfé pref-
crire les biens de t'cglife , par fj faute , en efl-il ref-
ponfisble envers fes fuccefjeurs ?
Sans doute ; fouffrir qu'on prefcrive contre nous ,
dit une loi citée dans le §. 2 de la feflion i de cet
article, c'eft aliéner. Il ne faut donc pas s'étonner
que M. le premier préfident de Larnoignon , titre
des aHions perfonneÙes & hypothécaires , article 74 ,
(I) Chap. // dilgenti , aux dtc.eues, de PrajC'-iptionibus.
(i) Chapitre i & 3 , de refiiru-wnihus in inte^rum , & cha
pitre 8 , de re judicad, aux décrétaies.
(») Confil. 29 & ^4-
(4) Conlil. I<6, n. 2^ , lib, 2.
(0 Confil. 151 & Kîj.lib. 1,
(é) Confil. ig,
(7) « Toutefois par laiiite coutume n'a été entendu êfe
» dtrogé au bénéfice fpcciai des églifes & mineurs de reili-
» tution en entier , es cas efquels il doit avoir lieu , s'ils en
=0 font relevés par bénéfice du priacc & par lettres royaux
» en la manière accoutumée ».
Toy^t XIII.
PRESCRIPTION. 44»
afTujeftine les biens de ce bénéficier aune hypo-
thèque tacite & légale pour le rétablifiement des
biens qu'il a lailTés perdre , & qu'il la fafle re-
monter à la date de fa prife de poncffion.
Sa décifion eft d'ailleurs conforme à un arrêt
du parlement de Franche Comté du mois de juillet
1689, rendu contre les héritiers du fieur Gui-
bourg , chanoine de la métropole de Befançon (i).
§. V. De la Prefcription en matière benéficiale.
Il y a deux chofes à confidérer dans ce genre de
Prefcription, le droit des coUateurs &c celui des
pourvus de bénéfices.
r. On a parlé fous les mots Concordat ger-
AîANiQUE, Flandres, Franche-Comté, Pa-
tronage & autres, des conditions nécefTaires pour
prefcrire le droit de nommer à un bénéfice.
Je n'ajouterai à ces détails , qu'un arrêt que j'ai
vu rendre à la grand'chambre du parlement de
Paris le 9 juillet 1777.
M. l'évéque d'Uzês fe prétendoit coUateur libre
d'une cure dont un feigneur laïc foutenoit avoir la
préfentation. Ce dernier ne rapportoit point de ti-
tre primitif de fon droit de patronage , mais il
avoit quantité d'a6les po{reftbires,& ils étoient fou-
tsnus par diverfes reconnoiftances des vicaires géné-
raux de l'évéque. Cependant la chaine de ces aftes
ne defcendoit que jufqu'à l'année 1596. A cette
époque , l'évéque avoit donné comme collateur
libre , des provifions à un fujet déjà pourvu fur la
préfentation du feigneur , & déjà en poiTeftion. De-
puis, le bénéfice n'avoitplus été conféré ni par le
feigneur , ni par l'évéque. Il avoit toujours été
réfigné en cour de Rome fans le confenrement du
premier, •& le fécond avoit toujours donné fon
vifi aux provifions émanées du faint-fiège.
Sur l'allégation & la preuve de ces f?.irs ref-
peétifs, le premier juge prononça contre M, l'é-
vc;que d'Uzès.
Sur l'appel M. l'avocat-général Séguier a dit que
ie droit du patron étoit fulfifamment établi parles
aifles de pofTefl'ion produits dans la caufe : que la
feule queftion à juger étoit de favoir s'il n'en avoit
pr>s été dépouillé par la Prefcription : qu'à cet égard
il falloit d'abord convenir que la collation faite en
1^96 par l'évéque ne pouvoit être d'aucun effet,
puifqu'elle n'avoit rien ajouté au droit du curé qui
déjà avoit pris pofleffion en vertu du titre qu'il
tenoit du feigneur ; que les vifa accordés par l'é-
véque, fur des provifions de cour de Rome, n'é-
toient pas de vraies collations, & ne pouvoient
pas être confidérés de la part de l'évéque comme
des a£les pofiefibires ; que l'ufage de réfigner la cure
fans le confentement du patron laïc, étoit un abus
qui ne pouvoit former de titre , ni au faint-fiège
pour foutenir que ce bénéfice fût fujet aux réfigna-
tions , ni à l'évéque pour l'affranchir du droit de
(1) Dunod , de Ja Prefcription dss biens d'cp'iir , rag^- )•.
Kkk
V
44X PRESCRIPTION.
patronage , & s'ériger en coUateur libre.
Par ces confidérations, M. Tavocat-général a con-
clu à la confirmatiou de la fentence , Ôc l'arrêt cité
a fiiivi de point en point fes conclufions.
II. La Prefcription confidjrée par rapport aux
pourvus de bénéfices , donne lieu à plufieurs Quef-
tions importantes. Voyez DévolutAIRE , Poj-
SESSION, RÉGALE & UNION.
§. VI De Ij Prefci'iption contre Us communautés
laïques.
Combien de temps faut il pour prefcrire contre
les gens de main-morte laïques ?
On convient aflez qu'il faut quarante ans dans
les coutumes où il eil dit indiftin(Semcnt que cet
cfpace de temps eft requis pour prefcrire comte ; ;i-
vilégics. La généralité de ces termes fait préfumer
qu'en les employant , leur intention a été de ren-
dre commun à tous les gens de main morte , un
privilège que le droit romain , confidéré dans
ion dernier état, paroiffoit limiter à Téglife.
Toute coutume à part , & en théfe générale ,
trente ans fuffifent. Les communautés laïques jouif-
fent bien des privilèges des mineurs, mais on ne
voit nulle part qu'elles en aient de plus étendus :
or, en terme de droit les mineurs font fournis à
la Prefcription trtntenaire.
On voit par le journal du parlement de Tou-
loufe, que la queflion s'eft préfentée plufieurs fois
dans cette cour.
Le 30 août 1720 il s'eft agi de régler, par un
interlocutoire, l'efpace de temps que devoit em-
brafl'er la preuve d'une pofTeflîon oppofée par une
communauté , à une autre, relativement à un
droit d'ufage. Le magiftrat qui a rédigé le recueil
d'après lequel nous parlons , dit qu'il j> y a eu
j) plufieurs voix à n'ordonner que la preuve de
j> trente années de jouiflance , & que cependant
» on a jugé à la pluralité , qifil falloit quarante
ij ans (i) ».
Mais peu de temps après , dans une efpece fem-
blable, l'opinion contraire a prévalu. >» On a or-
î) donné que la communauté de Cers prouveront
» contre la communauté de Villeneuve, que dans
ï> l'efpace de trente années , avant l'introduélion
>7 de l'inftance, elle avoit joui du droit » de com-
pafcuité dont il s'agiflbit (2). L'arrêt a été rendu
le 5 juin 1723.
Cette difficulté a encore été agitée le 17 juin
1732 , entre un commandeur de Malthe & la com-
munauté des babitans de Saint- Vincent. » Le plus
J7 grand nombre des avis auroit été pour dire qu'il
M ne faut que trente années pour prefcrire contre
î» une communauté d'habitans » ; mais l'affaire a
été jugée d'après un autre moyen (3).
(.i)Tome4, §.117, F^ge I57.
(5) Tome ij§. ;6j , page 17t.
PRESCRl PTION.
Enfin , le 19 juin 1738 , il a été décidé en termes
précis « que la prefcription de trente ans a lieu
» contre les communautés laïques (i) ». ■;
L'auteur du journal ajoute que cette opinion eft
conforme à une déclaration du mois d'avril 1686,
donnée pour confirmer , moyennant finance, les
poirefléurs des terres défrichées dans les marais &
garrigues du Languedoc , qui font fous la baute-
juftice du roi. Par cette loi , en effet, le fouveraiii
déclare ne pas entendre empêcher que les com-
munautés qui n'auront pas fuffifament de pâtura-
ges , ne puiffent obliger ceux par lefquels ont été
faits depuis trcnieans ries Ouvertures & défrichemens
dans les garrigues , de les réduire en nature d'ufage
& de biens communaux.
Il paioît que c'eft auifi la jurifprudence du par-
lement d'Aix. Il a même jugé par arrêt du 20 jan-
vier 1559, que la Prefcription de trente ans a lieu
contre les confréries pieules (2) , quoique ropinicn
commime des dodeurs étende à ces corps tous les
privilèges de l'églife, du moins lorfqu ils font due-
ment autorifés (3).
Peut-on prefcrire contre une communauté laï-
que, la propritté d'un bien , ou un droit qui en
fait partie , nonobfiant le vice de l'aéle d'aliéna-
tion r
On a vu, plus haut , combien il y a d'avis &
d'arrcts divers fur cette queftion , relativement à
l'églife ; & fans doute que chaque parlement la dé-
cideroit, à l'égard des communautés fcculieres fui-
vant les principes qu'il s'eft faits , par rapport aux
gens de main morte eccléfiaftiques.
Auffi le parlement de î'ouloufe , qui juge aftuel-
lement que la poffeffion quarantenaire purge,en fa-
veur du premier acquéreur , tous les vices de l'a-
liénation des biens de l'églife, ne fait-il nulle dif-
ficulté de prononcer de même à l'égard des com-
munautés laïques. C'eft ce que prouve enir'autres,
un arrêt du 4 février 1724, rendu en faveur de
deux particuliers , qui prétendoient couvrir , par
une poffeffion de 91 ans, le défaut abfolu de for-
malité d'un a61e par lequel on avoit concédé un
droit d'ufage dans les montagnes d'une paroiffe.
Ils convenoient,dit l'auteur du journal du palais
de Touloufe, tome 4, §. 196, page 259 ; « ils con-
» venoient tacitement du vice de laéle, mais ils
» foutenoient que la feule poffeffion paifible pen-
» dant un auffi longtemps leur fufflfoit , ne s'a-
» giffant pas de biens qui de leur nature , fuilent
)» inaliénables, comme feroient des communaux,
T) & que les communautés laïques ne peuvent pas
ri prétendre plus d'avantage en ce point, que l'é-
» glife contre laquelle on prefcrit par quarante
>» ans ». C'eft , en effet , ce qu'a jugé l'arrêt cité.
(i) Tome i ,$. ?79 , page 14^.
(i)Oiuvres de Duperner , tome i, aux arcêts de M. de
Thoron , foni. 9}.
(O Dunod , de l'aliénation & de la Prefcription des biens
, d'égliic,fage i,
t
PRESCRIPTION.
§. VII. De la Prefcripdon de U nobUjfe , de nom &
d'armes.
A l'article Noblesse nous avons parlé de la Pref-
cription, fuivant le rapport qu'elle a avec cette
matière.
Les mêmes principes doivent régler celle des
noms & des armes de famille.
Il efl confiant , en effet , que ces objets font hors
du commerce; inceffibles fans l'autorité du prince,
ils ne peuvent pas être prefcrits , parce qu'on ne
peut prefcrirc que ce qui peut être acquis. Ajou-
tons que par les lois romaines (i) , le temps leul
ne fuffit pas pour chang,er l'état 6c la qualité des
perlonnes.
Mais il efl bien différent d'ufurper par la Pref
cription le nom & les armes dun autre , ou de les
pofféder, fait depuis autant de temps que lui, foit
au moins depuis un temps immémorial. Dans ce
cas, en effet, l'une des deux familles ne peut pas
exiger que l'autre rapporte le titre fondamental de
fa potTcffion ; ou plutôt la poffcfiton même forme
le titre de celle-ci. C'eft ce que Dumoulin ex
prime par cet axiome û connu , en parlant de la
poffeffion ancienne : vm s-abet conjUiuti , non di.-
citw Prajcrirti-j , fid thulus.
Si une poifeiliou de cent ans ne fiilîfoit pas dans
cette matière, une poffeirion de 500 ans, môme
de 1000 ans pourroit donc être é2,ali.m;i)r infiffi
fiante, dans le cas où quelqtfun prouveroit qu il
portoit tel nom & telles armes cisquanre ans
avant un autre, il y a 1050 ans ! Cier homme ie-
roit donc en droit de les lui faire ab,ind()iM-r !
Etl-i! rien de plus infenfé .-' Voili pourraiir tù crni-
duit l'abus des régies & des p-incipes , oui condiii-
loit le mépris de la poffeffion centenaire.
Vous aviez, il y a cent ans, autant d'inrjrét que
vous pouvez en avoir aujourd liui ,'( mo deman-
der par quelle raifon je portois les mêmes ar nés
que vous ; vous n'avez pas réclamé. Si votre ulerce
n'a rien ajouté au titre de ma polTeffion , au moins
en a-t il été, de votre part, une rcconnoiffince,
un aveu , une approbation. 'Vous êtes donc par vo-
tre propre fait , no.', rccevnble daii'; la demande
par laquelle vous attaquez ma pofiefTion ancienne.
Si la poffelTion centenaire tient lieu de titre en
matière de nobleiTe, à plu, {one. raifon, doit- elle
CD être un en matière de nom & d'armoiries.
Il y a fans doute plus d'un exemple de confef-
tarion fur ces sb.iets. Nous n'en citerons qu'un,
mais il eff récent , & l'efpèce eft précife.
M. Bigot, préfident à mortier au parlement de
Rouen , d'une ancienne nobleffe , originaire de Ver-
neuil en Perche, traduifit , en 1769, aux requêtes
de ce parlement, M. Bigot de Sainte Croix, qui
venoit d')^ éire reçu , en qualité de nréfident , &
dont le père & l'aïeul avoient exercé la profefTioir
PRESCRIPTION. 445
d'avocat avec diitinclion , l'un à Paris , l'autre à
Rcuen.
Le préfident à mortier prétendoit que le préfi-
dent aux requêtes n'étoit point fon parent, & que
s'il portoit les mêmes armes , ce ne pouvoit être
que par ufurpation ; il demandoit qu'il lui fût fait
défenfes de les porter davantage. Il prenoit même
des conlufions précifes , pour que M. de Sainte-
Croix fût tenu de reconnoître , & de déclarer en
jufiice qu'il n'étoit pas fon parent.
x^L de Sainte-croix commençoit p?.r écarter la
queflion de parenté ; & il foutenoit que le préfi-
dent à mortier dcvoit être non recevablc dans cette
dem:inde, parce qu'il n'y avoit ni intérêt de for-
tune , ni intérêt d'honneur. Je ne fais valoir con-
tre vous , difoit-il , aucun droit fucceffif: je ne vous
demande point de p.Trt.ige : par conféquent point
d'intérêt de fortune. Je ne fuis pas , à\\n autre côté,
d'un état à vous faire rougir d'avoir avec moi quel-
que lien de parenté. Notre origine mutuelle eft con-
nue ; on y voit des rapports , des rapprochemens ,
& dés-lors point d'intérêt d'honneur.
A l'égard des armoiries, M. de Ste-Croix le renfer-
moit dans la poffeffion. Les armes qu'on lui ddputoit
lui avoientét j tranfmifes par fon père, qui les avoit
portées aiiifi que lui, au vu & fu ( ce font fes ter-
mes), du préfident à mortier. Son père les tenoit
tic Ion aïeul , & la poffeffion de fon aïeul étoit la
contii nation de celle de fon bifaieul & de fon
trif.ïciîl. Ce dernier avoit eu pour frère Claude
B.got , g*-and prieur de l'abbaye de la Sainte Tri-
nité HU-Mout-Sainte Catherine , près la ville de
RoL;en. Lu 1671 , il avoit fait une donation à l'hô-
tel-dieu de cette ville. Pour perpétuer la mémoire
''e cette libéralité , qui étoit confidérahle , on avoit
écvé dans l'éslife de la Madeleine à Rouen , un
monimient fur lequel on avoit pofé les armes du
{"< Tidateur. il y avoit dix ans en 1769 c\\.'^e ce monu-
ment étoit détruit , & M. Bigot de Sainte-Croix
c'emandoit à faire preuve p.ir enquête que ce mo-
nur.ent étoit décoré de fes armes.
Il perdit fon procès aux requêtes . & il le gsgna
d'une voix unanime à la grand'cb.ambre , oii , par
un arrêt du 14 août 1771 , M. le préfident Bigot
fut déclaré purement & fimplcment non-recevable
dans fes demandes, &. condamné aux dépens (i).
§. VIII. Ve la Pcfcription des crimes.
La brièveté delà vie de l'iiomme , les remords
(0 Loi i ,C,it rci dominic. Loi y , D. dcdicurijnibus.
(^i) Cec arrct m'ayant pallj p.ir les iiuins , j'en ai re.enu le
dilpoiiiif ; le voici: f La ccu.' , panics ouies , f.nlant dioit
.1 lur le ilclibtri , ians avoi cgaid .-i .'a recjucte verbale île la
o panie de Perchcl ( .N(. Bigc>t , prrfi !ent a Mortier 1 , faifant
» droit fur l'appel vie la p.ii.ie de Lignières,( M. Eigot de
11 Sainte- Crcix ) a mis & met l'appel aion &.' c« dont ell ap-
jj p.;l au niant, corrigeant & rifoimaiic, adi'clari'&: déclare
11 11 lartie de Perihel non reccvaMe lanr iur la demande
u principale v|iie fur fa demande incidente ; a condamné ôc
), con:îarnne ladite panie de Perche! aux dépens des caufes
., principale & d'appel envers la partie de 1 l'irniercs -j.
Kkkij
444 PRESCRIPTION.
& les craintes qui font le premier fupplice d'un
coupable, le danger de perdre la trace des preuves
de la juftification d'un accufc , toutes ces confidé-
rations ont engagé les légiiïateurs romains à met-
tre en principe que tout crime fe prefcrit par vingt
ans , à compter du jour qu'il a été commis. C'ell
ce que paroît infinuer la loi 3 , au digefle , de re-
tjulrendis vel abjentibus damnandis ; mais la loi 12 ,
au code , ad le^em cornclLim de f. il fi s , lève tous les
doutes , & établit cela très-clairement.
Le droit canonique a adopté cette Prefcription ,
comme on le voit dans le chapitre 6 , aux décréta-
Ics , de exceptionibiis.
On a remarqué dans le §. 13 de la feflion 2 , que
les coutumes de Bretagne & de Hainaut l'ont ré-
duite à dix ans.
Mais dans toutes les autres provinces du Royau-
me , on l'a reçue , fans héfiter , telle qu'elle étoit
réglée parle droit romain.
On a prétendu autrefois qu'elle devoit être éten-
due à trente ans dans les coutu«mes qui difent ,
comme celle de Bourgogne, titre 14, article i ,
<iue « toutes les Prelcriptions font uniformes &
^» réduites à trente années » ; mais ce fyftèmea été
profcrit par un arrêt du parlement de Dijon du 22
décembre 1593 . rapporté dans le commentaire de
Taifand fur la coutume qu'on vient de citer , titre
14 , article i , note 5.
£t ce n'eft pas feulement dans les tribunaux fé-
culiers que cette Prefcription eft en vigueur : elle
foit également la loi aux juges ectlifiaftiques.
Fevretjdans fon traité de l'abus, livre 8, chapitre
3 , nombre 15 , obferve que fi les ofKciaux n'a-
voient point égard à la fin de non recevoir qu'elle
produit , il y auroit lieu d'appeler de leur fentcnce
comme d'abus , parce qu'elle porteroit atteinte à
un point de jurifprudence établi par l'un & l'autre
droit , &• confacré par les arrêts de toutes les cours
fouveraiues du royaume.
D'Héricourt , lois eccléfiaftiqucs , partie i , cha-
pitre 24 , n®mbre 44 , attefte aufîi que la Prefcrip-
tion de vingt ans eft admife dans les tribunaux
cccléfiaAiques , comme dans les féculiers , pour
toute forte de crimes. 11 ajoute feulement que dans
le cas ou les clercs ont encouru une cenfure pour
un crime contre lequel les canons ont déclaré que
cette peinje auroit lieu de plein droit , ils doivent
fe faire aïTfoudre même après les vingt ans que le
crime a été commis , quoiqu'on ne puiffe faire au-
cune procédure contr'eux pour raifon de ce délit ,
qui en couvert par la Prefcription.
Y a t-il des crimes fur lefquels cette Prefcription
n'a point de prife }
Il paroît que dans le droit romain ils y étoient
tous fujets. Le k\oi ferè{^ prefque ) dont fe fert la
loi 12 , au code , nd legem corneliarn de falfis , ne
fignifie pas que le légiflateur a voulu affranchir de
la Prefcription dé vingt ans , la pourfuite de quel-
ques crimes. Le véritable fens de ce terme eft qu'il
y a des ttimes à l'égard défqueJs des lois particu-
PRESCRIPTION.
Hères ont introduit des Prefcr piions plus courtes.
En effet , on a vu plus haut , feftion 2 , §. 2 , 4 &
5 , qu'il ne faut pas , à beaucoup près , vingt ans
pour prefcrire l'injure , l'adultère & le péculat.
Parmi nous, il y a quelques crimes exceptés de
la Prefcription de vingt ans.
Tel eft d'abord le duel. L'article 35 de l'édit du
mois d'août 1679 P^i'fe que ce crime « ne pourra
» être éteint ni par la moit, ni par aucune Pref-
" cription de vingt ou de trente ans , ni aucune
)> autre, à moins qu'il n'y ait ni exécution, ni
" condamnation, ni plainte , & pourra être pour-
)) fuivi , ïïprès quelque laps de temps que ce foit,
» contre la perfonne ou centre fa mémoire ».
Cet article ajoute , que ceux qui fe trouve-
ront coupables de duel depuis l'édit de 1651, pour-
ront être recherchés pour te<; autres crimes par eux
commis auparavant ou ckpuis , nonobflant la Pref-
cription de vingt ou de trente ans , pourvu que le
procès leur foit fait en même-temps pour crime de
duel & par les mêmes juges , S>L qu'ils en demeu-
rent convaincus.
D'où il faut conclure , 1°. que s'il n'y a eu ni
plainte , ni condamnation potir crime de duel pen-
dant vingt ans, on peut, après ce délai, oppofer
la Prefcription , comme pour tous les autres cri-
mes : 2". que la conviélion de l'accufé pour crime
de duel , empêche la Prefcription des autres crimes
qu'il peut avoir commis, foit avant ou après l'ac-
cufation pour duel , pourvu que le procès lui foit
fait en même-temps ck par les mêmes juges, pour
crime de duel, c'eft à-dire, que les autres crimes
doivent être joints & pourfuivis en même-temps
que le crime de duel, fans quoi les autres crimes
fcroient prefcrits par l'efpace de vingt ans , & l'ac-
cufé ne pourroit plus être pourfuivi pour raifon
de ces crimes.
Suivant quelques auteurs , le crime de lèfe-majef-
té eft encore excepté de toute Prefcription ; & cette
exception a lieu foit qu'il y ait eu plainte ou con-
damnation, ou qu'il n'y en ait pas eu, parce que l'ac-
tion de ce crime eft imprefcriptible. Quand il s'a-
git de venger la majefté du prince offenfé, difent
ces auteurs , on paffe par-deffus toutes les règles ,
jufque-là, que fi le coupable vient à mourir peii-
dant l'inftruâion de la procédure , ou qu'il foit
mort depuis long-temps , on fait le procès au ca-
davre , s'il exifte ; ou s'il n'exifte plus , on le fait
à fa mémoire, que l'on condamne pour crime de
lèfe-majefté. *
M. de Catellan , livre 7, chapitre i . nous ap-
prend que cette opinion fut approuvée par la
grand'chambre du parlement de Touloufe , loi^s
d'un arrêt du 24 avril 1668. Il s'agiffoit de favoir
fi alors le crime de duel étoit prefcriptible : « On
» jugea , dit le magiftrat cité , qu'il falloit laiffer
» au crime de lèfe-majefté au premier chef , le
» droit fingulier d'être excepté de toute Prefcrip-
» tion , ce qui eft en effet extrêmement juffe ; car
y puifque nulle Prefcription hc met à couvert les
PRESCRIPTION.
n ufurpateurs du domaine des rois , il feroit bien
» plus mal-à-propos qu'aucune Prefcription put
>» mettre à couvert les coupables des crimes qui
» les regardent ».
Albert, au mot Prefcription, nous donne quel-
que chofe de plus précis fur ce point. Il alïïire
que par un arrêt général de 1608 , le parlement de
louloufe a excepté de toute Prefcription le cri-
me de lèfe-raajefié.
Taifand , fur la coutume de Bourgogne , titre
4 , article i , nombre 5 , dit pareillement que dans
cette province, on excepte de la Prefcription de
vin^t ans le crime de lije-majejlé divine & humaine :
mais il ne cite aucune autorité, aucun arrêt, au-
cun fait, qui juflifient fon afleriion.
Et Diwod (i) foutienr , avec phifieurs jurif-
confultes, que tout ufage à part, on ne doit pss
excepter ce critne de la Prefcription de vingt ans,
parce que les ordonnances du royaume ne la font
cefler que par rapport au duel.
La maxime qui permet de pourfuivre le crime
de lèfe-majeûè après la mort du coupable, ell ici
indifférente. Car (Si c'efl: une obfervation que
fait Brodeau fur Louct , lettre C, §. 47, nom-
bre 4), de ce que certaines lois déclarent que quel-
ques crimes ne s'éteignent point par la mort de
l'accufé , il ne s'enfuit nullement que le droit de
les pourfuivre puifle durer pins de vingt années.
Il en efl de cela comme des allions civiles que le
droit romain qualifie de perpétuelles (2) , & qu'il
ioumet cependant à la Prefcription de trente ans.
On a prétendu dans le dernier fiècle que la Pref-
cription de vingt ans ne devoir pas arrêter la pour-
fuite du crime d'un particulier qui s'étoit travefti
en conferteur pour furprendre , par ce déguife-
ment facrilége , la bonne foi d'une perfonne du
fexe , de qui il avoir enfuite extorqué une do-
nation.
Mais par arrêt du parlement de Provence du 15
mars 1653, l'adion criminelle fut déclarée pref-
crite, & « le premier préfident avertit les avocats
» qu'ils n'eulTent plus à mettre en doute que les
i> crimes ne foient prefcrits par le laps de vingt
» ans '>. Ce font les termes de Boniface , tome a ,
partie 3 , livre 1 , titre 15 , chapitre i.
On a auffi voulu excepter le parricide , & cela
d'après la loi dernière, ad legern pomponiam de par-
ricidis , qui dit que l'accufation de ce crime eft
recevable à toujours , accufatio parricidii femper
permitiitur. Mais le parlement de Paris n'a pas cru
que ce texte fût affez formel pour établir une pa-
reille exception , & par arrêt du 18 décembre
1^99, rapporté dans les obfcrvations de Brodeau
fur Louet , lettre C , §. 47 , il a été jugé que le
parricide étoit fujet à la même Pref-.iption que
ies autres crimes.
(I ) Des Prefcriprions , partie X , chapi t .
(!■) Voyez le titre des iniliiutes , de pergicuis 6* umporal'i-
I>ui a^ion'ibds.
PRESCRIPTION. 44S
Le parlement de Bordeaux a jugé de même
par un arrêt du 18 août 1668 , qu'on trouvera
ci-aprés.
On fent bien , d'après cela , que le crime d'in-
cendie ne peut pas non plus être privilégié. Aufli
Papon , livre 24 , titre 1 1 , nombre i , rapporte
un arrêt du parlement de Paris du 2 décembre
1518, qui a renvoyé une femme accufée de ce cri-
me , quoiqu'elle s'en confelTiu coupable.
Il eft vrai que par un arrêt du parlement de Bor-
deaux du mois d'août 1688, un particulier a été
admis, après plus de vingt ai-is , à prouver que
fa maifon avoir été incendiée par le fait d'un au-
tre. Mais, comme l'obferve la Peyrère en le rap-
portant , lettre P , nombre C6 , c'eft que dans ce
cas il n'y avoir point de délit, & qu'on n'articu-
loit contre l'incendiaire qu'une fimple faute.
On exceptoit anciennement de la Prefcription
de vingt ans , le cnme de fuppofition de part.
Mais un arrêt du parlement de Paris du 26 mars
1665 , rapporté par Soefve , a profcrit cette mau-
vaife jurifprudence.
L'arrêt général du parlement de Touloufe dont
nous avons déjà parlé , n'affranchit pas leulement
de la Prefcription le crime de lèze - majefté , il
étend la même exception aux autres crimes atro-
ces , tels que l'ndultère qualifié; & l'on trouve
dans le recueil d'Albert, à l'endroit cité, un ar-
rêt du 21 mars 1657, par lequel cette cour a pro-
noncé fur une accufation intentée contre une
f^mme d'avoir fait tuer fon mari vingt-lept ans au-
paravant, & d'en avoir époufé le meurtrier douze
ans après. 11 y avoit pourtant une circonflance
bien forte en fa faveur ; on n''avoit informé que
vingt-quatre ans après le crime commis.
Mais on fent bien qu'une pareille jurifprudence
efî trop contraire aux principes pour fubfiicer long-
temps dans le tribunal qui l'a admife , & à plus
forte raifon, pour fervir d'exemple aux autres
cours.
Les crimes qui font demeurés cachés & fans
pourfuites , fe prefcrivent ils comme ceux qui ont
été connus &. pourfuivis? pourquoi non ? Le cou-
pable des uns cfl , comme celui des autres , expofé
aux agitations & aux craintes que la loi regarde ,
après vingt ans, comme une expiation fuffifante
du crime. Il y a d'ailleur« même danger pour 1 al-
tération ou la perte totale des preuves qui peu-
vent établir l'innocence de l'accufé. Ainfi , quoi
qu'en difent quelques anciens doflevirs cités par
Boniface a l'endroit indiqué ci-après, on ne doit
pas difluiguer (i).
Et dans le fait , les arrêts n'ont pas diftingué
non plus. Poulain du Parcq , fur l'article 288 de
la coutume de Bretagne, en rapporte un du par-
lement de Rennes du 15 janvier 1614, quia dé-
(l) 'louflcau de la Combe, matières criminelles , partie
3, chapitre i , fct^ion 5 , nombre 4. Dunwi, des Ptefciip-
tions , pattie : , chapitre 3.
4|.<; PRESCRIPTION.
cliré la Prefcription acquifc en faveur d'un ac-
culé , quoiqu'on fourim qu2 (on crime n'étoit
connu que depuis peu , & que le temps ne de-
voir courir que du jour de la connoilTance du dé-
lit &. de fon auteur. Il ajoute que la même chofe
avoir éré jugée pvcriédemmenr par un ariéc rendu
en faveur d'un {jour de Grillemonr.
iVl. de Catellan , livre 7 , chapirre i , rapporte
un arrêr du pnrlemer.r de Touloufe du ii mars
J699 , qui a admis la Prefcription de vingr ans en
faveur d'un curé accufè d'avoir enlevé quelques
fenillets de fon regiftre baptiftaire , ce qu'on n'a-
voir découvert que long-temps après.
Le recueil de Eoniface , tome 2 , partie 3 , livre
I , titre 15 , chapitre 2 , nous en fournit un autre
du 30 mai 1664, par lequel le parlement de Pro-
vence a jugé que la Prefcription du crime de faux
comniençoit du jour qu'il avoir été commis , &
non du jour qu'on en avoir eu connoiflance.
Mais prenons garde d'étendre ce dernier arrêt hors
de fon efpèce. Il ne s'y agifibit que d'une accufation
en faux principal ; & pnr ce;re raifon , elle a été
déclarée prefcrite. Mais , (ans doute , on auroit jugé
bien différemment, s'il eût éré queftion d'une inl-
cription en faux incident. Cette aéiion , en efiet ,
n'eft jamais intentée que par forme d'exception ;
or , il eft de principe que toute exception doit du-
rer autant que l'aclion principale contre laquelle
elle eft de nature à être propoCée (i) ; il ne peut
donc pas y avoir de remps limité pour s'infcrire in-
cidemment en faux : cette faculté n'a point d'autres
bornes que le temps réglé pour faire ufage de la
pièce prétendue fauffe. Tant qu'il fera permis de
produire cette pièce en jufiice , il le fera également
de l'arguer de faux, & de la faiie rejeter du pro-
cès. Autrement, il faudroit dire que le teitips peiu
changer le faux en vrai , ce qui feroit abfurdc.
Enfin , c'eft ce qui a été jugé par arrêt du premier
feptembre 1629 , rapporté dans les obfcrvaiions de
Brode.ai fur Louet , lettre C, §. 47 , nombre 9.
Mais du moins dans ce cas , la Prefcription de
vingt ans n'a-t elle pas lieu pour la punition du
crime ?
Sans doute, elle a lieu ; & cela ne fouffre nulle
difficulté , lorfque ce n'c/I ni par les auteurs du
faux, ni par leurs complices, qu'eft faite la pro-
duélion de la pièce faufie.
Dans le cas contraire même , Dunod , partie 2 ,
chapitre 9, paroît décider que la Prefcription doit
les menre à couvert de la peine qu'ils ont méritée
C'efî aufCi le fenriment de Rou/Teau de la Combe ,
dans fes maiiéres criminelles, partie i .chapitre 2,
feâion 2 , noi7:bre 18. Mais ils font contredits par
M. Julien dans fon commentaire furies fîatuts de
Provence , tome 2, page 591. « Si celui qui fefert
i) de la pièce fauffe , dit-il , en a été l'auteur , ou s'il
« en connoit la fauaeté, ne doit-on pas dire que
(i)Cui lemporalia funt adagendiimpctjctua luntadexci-
pienduni.
PRESCRIPTION.
» la produflion tx l'ufage qu'il fait de la pièce faufTe
" eft un nouveau crime , la continuation ou plutôt
» la confommation du crime de faux pour laquelle
» il doit être puni .'' Pourquoi le crime d'apoilafie
» n'eft-il prefcrir par aucun temps, fuivant la loi
» 4 , au code , de apofljjis ? C'eft parce qu'il fe re-
" nouvelle ik fe réitère tous les jours , tant que le
» coupable perfidie dans fon apofltafie ».
Que doit-on dkider relativement à la fimonie ?
Deux anciens arrêts ont jugé que non-feulement
elle admet la Prefcription de vingt ans , mais même
qu'après dix ans de poiTeflion paifible , le bénéfi-
cier fimoniaque eft à couvert de toute recherche.
Le premier de ces arrêts a été rendu au parlement
de Paris le 4 mars 1574 (i) ; le fécond, au parle-
ment de Grenoble le 13 mai 1609 (2).
Depuis, la queflion s'eft repréfentée dans une
efpèce où il y avoit en faveur du fimoniaque & de
fon réfignataire , une poffelfion de vingt-un ans;
par arrêt du parlement de Paris du 1 5 février 1655,
rapporté au journal des audiences , il a été jugé que
le crime n'étoit pas prefcrit , & le réfignataire" a été
évincé par un dévoluraire.
Vedel fur Catellan , livre premier, chapitre 31,
dit qu'il penchcroit volontiers j)Our ce dernier pré-
jugé. L'intérêt de l'églife , ( obferve-t-il ), exige
qu un crime qui fait tant de ravages dans fon fein,
ne puiffe être couvert par aucun laps de temps.
C'eft aufii l'opinion de M. .^ulicn , à l'endroit
déjà cité : a La fimonie, dit-il , n'ell point couverte
" par la paifible pcffenion de plus de viiigt ans, &
» le bénéfice peut être imphré par dévolut , tant
» que le fimoniaque en a la poffefiion , comme l'a
» remarqué l'auteur des notes fur les définirions
" ihi droit canonique , titre de Lt funonie , nombre
» 12, page 838. La raifon en efl que la fimonie fe
5> continue pendant tout le temps de la poffeifion
» fimoniaqua ».
Lîunod, partie 2, chapitre 9, adopte le même
fentiment , & l'établit fur les mêmes raifons.
Il faut en dire autant de l'ufure. On trouve dans
le journal des audiences un arrêt du 22 juillet
171 -; , par lequel il a été jugé que ce crime ert
imorefcriptible , & en coniequ'ence que des inté-
rêts uuiraires qui avoientété payés volontairement
pendant quarante années , dévoient être reAitués
par l'attion appelée en droit cmdiFùo indebiti,
Lerédaéteur du journal des audiences nous ap-
prend, à cette occaiion , que la même chofe avoit
été jugée par wnu arrêt en forme de réglemeiit, du
» 7 juillet 1707 , au profit dii fieur Rohatdt, doyen
» de la nation de Picardie , contre le fieur de (re-
» quet , confeiller au préfidial d'Amiens , quoique
» l'obligation contre laquelle le fieur Rohauit ré-
»' clamoit , fut du 29 oâohre 1647 , & qu'elle eût
Y) été approuvée &. reconnue par difi'erens actes
» fubféquens ».
(i) Carondas, d.Tns fe^ obfervacions , vtrh. béncfice.
(ij Baflct f tom; i , liyre 6, titre if » chapitre i.
PRESCRIPTION.
Brodeau fur Louet , lettre T , §. 6 , en cite deux
beaucoup plus anciens , auxquels il femble attri-
buer la même décifion ; mais il n'en préciCe pas
allez l'eTpèce pour qu'on puiffe en faire une appli-
cation sûre.
Remarquons au furplus que par les arrêts de
1655 , de 1707 & de 1713 dont il vient d'être pnrle ,
il n'a été pr-ononcé aucune peine , foit contre le G-
moniaque, foit contre les ufuriers. Ainfi le parle-
ment de Paris femble avoir jugé dans ces efpeces,
que la peine peut être prefcrite , fans que l'intérêt
civil le foir.
En eft-il de même dans les autres crimes? On
convient bien que les confifcations, les répara
lions civiles , les dominnges-iniéréts qui s'adjugent
par manière de peine, fe prefcrivent avec le crime
dont ils réfultent , parce que ce font des accef-
foirtS qui ne peuvent pas furvivre à leur principal.
AulTi la Peyrere , lettre P. nombre 67 , rapporte
un arrêt du Parlement de Bordeaux , du 16 juillet
1666 , qui décide que par la Prelcription de vingt
ans , l'accufé eft déchargé , non-feulement de la
peine corporelle , mais encore des amendes & des
dépens auxquels il a été condamné par un juge-
ment de contumace non exécuté en effigie. C'ert
ce qui a encore été jugé , fuivant le même auteur ,
nombre 66 , par un arrêt du 18 Août i663 , dans
le cas d'un parricide pour lequel on demandoit des
dommages-intérêts après les vingt ans de la con-
damnation par contumace non exécutée. On pré-
lendoit que l'aiiion pour les dommages - intérêts
duroit trente ans ; mais le parlement de Bordeaux
décida , comme dans l'eipece précédente, que le
principal étant prefcrit , l'acce/foire l'étoit auflî.
■C'efîce qu'ont encore décidé deux arrêts du par-
lement de Paris , des 7 août 1681 , & 6 Juillet
1703 , qu'on trouve dans le dictionnaire des arrêts ,
au mot Prefcription , nombres 3 ^ 8f 36.
Mais la difficulté eft de favoir , fi l'on doit ap-
pliquer la même règle au cas où les dommages-
intérêts forment un capital par eux-mêmes , comme
lorfqu'ils naiffent d'un fait dont le criminel a pro-
fité , & pour lequel on auroit contre lui une ac-
tion perfonnclle ; d'un vol , par exemple, ou d'une
wfurpation violente .''
Cette queftion a finguliérement partagé les opi-
nions des do61eurs & les décinons des tribunaux.
On dit pour l'affirmative, qu'on ne peut repérer
ces chofes du criminel, fans le convaincre, & qu'il
feroit abfurde de pouvoir prouver le crime fans le
punir; qu'il réfulteroit de cette preuve une infamfe ,
& que ce feroit une peine qu'il n'eft plus permis
d'infliger ; enfin , |ue la Prefcription de vingt ans
faifant préfumer l'mnocence en matière criminelle ,
comme celle de trente ans fait préfumer le titre
& la bonn: foi en matière civile, il en réfulte une
préfomptiony«r/i 6* de jure , qui exclut toute preuve
contraire.
Cette opinion (répond Dunod , partie 2, cha-
pitie 9 ) , «t cette opiiiioti efl contre les principes
PRESCRIPTION. 447
» du droit, qui donne une aélion principale qu'on
'> peut exercer pendant trente ans par Ja voie ci-
» vile , pour répéter ce qui a été volé ou ufurpé.
» Ce n'eft pas le crime qu'on pourfuit , ni la
1) peine du crime qu'on demande , c'eft la refti-
» tution de fou bien. La loi dit à la vérité ,-qu'après
» vingt ans , le criminel fera à couvert de la peine ;
» mais ce n'eft que par une fin de non-recevoir ,
» qui ne le décharge pas de rendre ce qui ne lui
» appartient pas. Il ne doit pas être de meilleure
î> condition que ceux qui fe lont emparés du bien
» d'autrui, fans commettre un crime pnniiTable;
" & c'efl afitz pour lui d'éviter la punition qu'il
)» méritoit. C'elt une grâce que la loi lui fait, qui
" ne doit pas tourner au préjudice de la partie in-
>» tére;îée , m être étendue au-delà de la difpofjtion
" 6c des vues de la loi. La mort , qui éteindroit le
>» crime, n'empêcheroit pas la demande en refti-
» tution de la chofe volée. Il n'y a point d'ab-
V liirdit: qu'il foit prouvé fans qu'on puilTeU; punir ,
)> lorfque la loi en a remis la peine; tout comme
» il n'y en a point à laifTer impunis ceux auxquels le
" prince a tait grâce , quoique leurs crimes ioient
>y prouvés. La preuve qui ne tend pas à la puni-
» tion du crime, peut toujours être faite; la ien-
)» teuce qui fuivra , n'emportera pas une infamie
» de droit ; elle n'impofera par confêquent aucune
n peine ".
Il feroit trop long de rappeler les noms Se les
textes des auteurs qui ont pris parti entre ces deux
opinions. Contentons-nous de parcourir les arréis
qui les ont refpeétivement adoptées ou profciites.
Le parlement de Paris jugeoit autrefois que la
prefcription de l'adion criminelle n'éteignoit pas
l'ai^ion civile. Brodeau , lettre C , §, 47 , rapporte
un arrêt du 21 mars i')'j2 ,qui, en déclarant pref-
crit par vingt ans , le crime de vol dont une partie
étoif accufée , renvoyé devant le {/remier juge poiir
procéder à fins civiles fur la répétition des choies
volées . & il ajoute qu'il en exifle plufieurs autres
fembiables.
Mais cette jurifprudence a été changée par un
arrêt du 27 janvier 1596, rapporté dans les œuvres
de M. Servin , tome 2 , article 70. 11 a été fuivt
d un autre du 22 janvier 1600 , lors duquel M. le
premier préfident avertit les avocats de ne plus
mettre cette maxime en problême. C'efI ce que
nous apprenons par les obfervations de M. le Prê-
tre. Serpillon , dans Ion code criminel, page 829 ,
en cite un femblable du 6 juillet 1603. Il y en a en-
core un du II février 1604, qui efl rapporté par
M. Louet; & depuis on a tenu confîamment que
la peine du vol Si. la reftitution de la chofe fe pref-
crivert en même-temps.
Que juge là-defTus le parlement de Touloufe ?
S'il en faut croire M. de Catellan , livre 7 , chapitre
I , on tient d.ins cette cour que " le crime n'eft pas
„ 'feulement éteint par la Prefcription quant à la
,, peuie , mais qu'il l'ed quaût à fe* autres luîtes &
44^
PRESCRIPTION.
« aux dommages-intérêts , parce que toute la dette
j» eft préfumée payée ».
Mais ilparoît que cela doit être entendu dans le
fcns de Dunod.Car l'oblervateurde M. de Catellan
remarque un arrêt du parlement de Touloufe du
14 août 1691 , par lequel il a été décidé que « quoi-
j> que l'aé^ion en dommages-intérêts comme accel-
» foire de la peine due au crime , foit prefcrite par
« le laps de vingt ans , il n'en eft pas de même de
j> l'aflion qui tend à la reftitution des cliofes déro-
j> bées... Le motif de cet arrêt ( continuet-il ), fut
» pris de la difpofition des lois qui veulent que
« quoique le crime de vol foit éteint quant à la
5» peine , il vait lieu à la reflitution des objets vo-
>' lés (i)... L'a£tion en reftitution du vol n'eftpas
« proprement accelToire de TaiSlion pénale, puif-
j> qu'on aie choix de l'une ou de l'autre, & qu'on
« peut laifler la criminelle & prendre la civile >?.
L'auteur du journal du parlement de Touloufe ,
tome I ,§. 141 , page 327, fait auffi mention de
cet arrêt , &il ajoute que depuis il en eft intervenu
deux femblables , le premier du 7 mai i6')'y , & le
fécond du 22 juillet 1709. « Il a paflé ( dit- il en
>» rendant compte des circonftances de celui-ci ),
li à confirmer la fentcnce qui avoit jugé que la
>» reflitution des chofes volées n'étoit pas prefcrite.
î> On s'eft déterminé fur les principes du droit
>» écrit , qui diAinguent l'aflion appelée condiâio
ï» funi , de l'ailion pénale. On a trouvé que dans
« l'ufage du royaume, ces deux adtions étoient
3> tellement diflinctes, que dans tous les procès
5) criminels le procureur du roi ou fifcal peut feul
« conclure à la peine , & la partie aux intérêts ci-
j> vils ».
Le parlement de Dijon paroît avoir toujours
conformé fa jurifprudence à ces principes. Par un
arrêt du 16 janvier 1666, il a jugé » que dans le
>» cas de meurtre où le crime ne peut être féparé
r* des réparations civiles ; ces réparations font pref-
» criptiblcs par le même temps que le crime ».
C'efl ce qu'atteftent Serpillon dans fon code crimi-
nel, page 83 I, 8c Taifand, fur la coutume de Bour-
gogne , titre 14, article premier.
Mais dans les cas oii, comme le dit Dunod , les
dommages-intérêts forment par eux-méines un prin-
cipal , le parlement de Dijon ne les juge prefcrip-
tibles que par trente ans. Raviot, fur Perier , quef-
tien iio, nombre 10, en rapporte un arrêt du 8
janvier 1673. I^ ^" ^ ^^^ rendu un femblable le
ji juillet 1694: la partie contre laquelle il avoit
prononcé, en a pourfuivi la caffation au confti! ;
mais la requête ayant été cominuniquée, & les
moyens qu'elle contenoit, réfutés, arrêt cfl inter-
venu le 2 mars 1695 , par lequel le roi étant en (on
fonfeila ordonné que celui du parlement de Dijon
( 1 ) AûJoncs f X deliiftis defcendentes adveifus hcredes dan-
mr , quarenùs ad eos pervenit. ( Loi in hi-redem , P. de do!o
malo ). Quia tiirpia lucra hœredibus extorquenda funt, licet
ciimina extinguantur ( Loi 5 , P. de çalumniacoribus ).
PR ESCRIPTION.
feroît exécuté félon fa forme & teneur (i). On a
(uivi en cela, les principes de droit romain qui fait
loi en Bourgogne dans le filence de la coutume.
Le grand-confeil en a décidé de même par ar-
têt rendu le 30 aoijt 1677. On le trouve dans le
diâionairede Brillon , au mot Prefcription, nom-
bre 33.
Le parlement d'Aix a adopté la dernière jurif-
prudence du parlemenr de Paris. M. Jullien , à l'en-
droit déjà cité de fon commentaire des ftatuts de
Provence , page 594 , en rapporte deux arrêts des
25 février i66a & 30 mai 1664. Boniface, tome 2,
partie 3, livre 2, titre 15 , chapitre 3 , nous en
retrace un femblable du 22 mars 1645.
C'ell aufli la jurifprudence du parlement de
Rouen. Bafnage , article 143 , en rapporte un arrêt
du 22 avril 167 1 , qui , après vingt ans , décharge
un voleur de chevaux & de la peine & de la ref-
titution à laquelle il avoit été condamné par une
fentence, dont fa fuite avoit empêché qu'on ne
jugeât l'appel.
Mais, comme le remarque le même autenr lorf-
que la condamnation des rntérêts civils eA en der-
nier reflbrt , elle ne fe prefcrit que par trente ans ;
c'eA ce que le parlement de Rouen a décidé par
a rrét du 26 juin 1662.
Voyons maintenant s'il y a des caufes qui peu-
vent (ufpcndre, interrompre ou eiîipêcher la prel-
cription dont il s'agit, & quelles font ces caufes ?
1°. On a vu plus haut, liv. i, §. 7, qu'il ne fautpns
mettre au nombre de ces caufes la minorité de la
partie intéreflee à rendre plainte.
2°. Il en eA de même de la guerre & des troubles
qui agitent l'état; & ce qu'il n'eA pas indiftêrent
de remarquer, c'eA que quand il intervient, au
retour de la paix , un édit ou une déclaration qui
compte pour rien , en fait de Prefcription , tout
le temps qu'ont duré les hoAilités, on ne com-
prend pas les aftions criminelles dans la dirpofi-
tion de ces lois. Brodeau , lettre C , §. 47 , dit que
par l'arrêt du 18 décembre 1599, déjà cité plus
haut, & par un autre du 27 juillet i6io,(t il tut
» jugé que la Prefcription avoit couru pendant
» les troubles , même entre perfonnes de divers
» partis, l'article 59 de ledit de Nantes ne s'en-
M tendant que des Prefcriptions en matière civile,
» & non en matière criminelle ».
3". Les pourfuites qui tendent à la découverte
& à la punition du crime , interrompent-elles la
Prefcriprion .'' Il eft certain que la plainte , l'infor-
mation, le décret même , quand il n'eA pas exé-
cuté, ne produifent aucune interruption. Brodeau
fur Louct , lettre C , §. 47 , r^ipporte un arrêt du
10 février 1607 , qui l'a ainfi jugé, dans l'cfpèce
d'un crime commis en 1586, fnivi aii(îî-tot d'une
information qui avoit été décrétée. Si. pour lequel
on avoit encore informé en 1605 & 1606.
(1) Tail'and fui la coutume de Boui^ogne , titte i 4 , arti-
cle I , note 5.
PRESCRIPTION.
On trouve anfli dans le journal des audiences
un arrêt du 6 juillet 1703 , qui décide que « la
»i Prefcription du crime par le laps de 20 ans ne
H peut être interrompue .... par une fimple pro-
» cédure faite pendant le cours de vingt ans ".
Nous pouvons encore appliquer ici un arrêt du
parlement de Bordeaux du mois d'août 1668 , qui
a jugé u que la Prefcription commence du jour
»» du crime commis ». C'eft ce qu'attefte l'anno-
tateur de la Peyrere , lettre P , nombre 67,
Telle eft auifi la jurifprudence du parlement de
Touloufe. Vedel fur Catellan , livre 2 , chapitre
69, en rapporte un arrêt du 3 février 171a, qui
juge que u la Prefcription de vingt ans concernant
» les crimes commis, ne lailTe pas de courir &
M de s'accomplir, quoique pendant les vingt années
») il ait été fait des pourfuites contre le prévenu ,
» Si. qu'il ait été même rendu un arrêt por-
» tant que les recolleniens vaudront confronta-
>» tion M. (i)
En eft-il de même d'un décret qui a été exécuté ^
Brcdeau , à l'endroit que nous venons de citer ,
embrafle U négative : il prétend que dans ce cas ,
l'adion criminelle cft perpétuée jufqu'à trente ans ;
& il eft fuivi par Taifand fur la coutume de Bour
gogne , titre 14 , article i , note 5 ; & par Baflet ,
tome X , livre 2 , titre 29 , chapitre 5 , &c.
:: Il paroît bien difficile d'admettre cette opinion.
Qu'eft-ce qu'un décret? Un fimple interlocutoire ,
un afte de pure inftrudion : exécuté ou non exé-
cuté , il ne change point de nature : il n'eft lui-
même qu'une procédure imparfaite ; & fous cci
afpeét , il ne peut rien opérer contre la Pref-
cription.
Cela paroît d'autant moins douteux , que par
un arrêt du parlement de Paris du 20 décembre
1613 , il a été jugé que la Prefcription de vingt
ans devoir avoir lieu en faveur d'un fratricide .
quoique celui-ci eût été non-feulement décrété &
emprifonné , mais même condamné à la queftion ,
& qu'il fe fût évadé avant de fubir cette dure
épreuve (2).
Auflî trouvons-nous dans le commentaire de
B.ifnage fur la coutume de Normandie , article
143 , un arrêt du parlement de Rouen du 8 juin
1660, qui juge formellement que l'exécution d'un
décret de prife de corps n'interrompt pas la
Prefcription de vingt ans.
(O" 1 .1 railbn déteniiinante de cet arrêt , dit le mcme au
» ttur, futquc quoiqu'en iratièrc civile les pourfuites em-
» pèchent toute péremption d'inftance, il n'en eft pas de
= nierac en matière de crimes , dans lefquels la Prefcription
>» cft fans doute plus Favorable, puifqu'elle tend à mettre le
'» coupable à l'abti de la peine , & qu'il eft de maxime , que
» pieii.e moUienJr funt poilus qu.im exdfpemnda , kg. 4,1 , f .
n de pœn. Que d'ailleurs cette Prefcription de vingt ans eii
» introduite en faveur de l'innocence pour laquelle la loi
« penche toujours, fuivanc l'orateur lOmain en l'oraifon ,
" pro Mureena , homines in capitispinçulis ttUm alienijfimii
» favent ■».
1) Brodeau . loc. cit.
Tome Xlllt
PRESCRIPTION, 449
Un autre arrêt de la même cour dli 2î avril
1671 , a encore admis cette Frefcption en faveur
d'un accufé qui s'êtolt échappé dans le tetîips
qu'on le conduifoit pour faire juger 1 appel d'une
fentence par laquelle il étoit condamné au f)uet.
Enfin ,.le jugement même par contumace , quoi-
que définitif, ne fuffit pas pour interrompre la
Prefcription , & il n'y a qu'une exécution par
effigie qui puiffe étendre à trente ans la durée de
l'aflion criminelle.
Brodeau , à l'endroit indiqué ci-defTus , nous
retrace un arrêt du 4 mars 1623 , qui déclare pref-
crite une accufation dont l'objet étoit un crime
commis en 1594 , SiC. qu'avoit fuivi en 1604,
une fentence de condamnation par contumace
qu'qn avoir laiffée fans exécution.
Le journal des . audiences nous offre un arrêt
femblable du 22 mars 1653.
Il en a été rendu un pareil à Rennes le 3 juillet-
1664, Il eft rapporté par Hévin, fur l'article 288
de la coutume de Bretagne.
Le parlement de Provence a jugé de même par
arrêt du il mai 1735. André Perreimond avoit
été accufé par le procureur jurididionnel du lien
de Valauris , de crime de vol avec effradion , &
il étoit intervenu une fentence par contumace le
27o6lobre 17 14, qui le condamnoit à la mort. Plus
de 20 ans après le crime commis, ôc 20 ans moins
deux jours après cette fentence, Perreimond étant
détenu dans les prifons d'Aix, fur une accufation
de contrebande doit il fut abfous , le procureur-
général le fit recommander par afte du 26 octo-
bre 1734, 8c il fut en confcquence renvoyé de-
vant le juge de Valauris , qui le condamna une
féconde fois à la mort. Il interjeta appel de la fen-
tence & préfenta une requête en caffation de la
procédure. La caufe portée à l'audience , fon dc-
fenfeur foutint que la condamnation par contu-
mace n'ayant point été exécutée , il n'en étoit ré-
fulté aucune interruption , 8c qu'ainfi l'aâion cri-
minelle étoit prefcrite. En efîet , par l'arrêt cité , la
cour déclara le crime prefcrit 8c l'accufation non-
recevable. C'eft à M. Julien que nous femmes re-
devables de la confervation de cet arrêt : il le rap-
porte dans fon commentaire fur les ftatuts de Pro-
vence , tome 2 , page 589.
La Peyrere , lettre P . nombre 66 Sc6j , en cite
trois du parlement de Borde:jux des 28 avril 1664 ,
16 juillet 16668c 18 août 1668, qui ont jugé iden-
tiquement la même chofe.
Un autre arrêt de la même cour du 20 août 1701
a été plus loin : il a jugé qu'un homme condamné à
mort par un jugement de contumace qui étoit de-
meuré fans exécution , s'étant marié pendant les
vingt ans , fon mariage devoir , après ce terme ,
jouir des effets civils , parce qu'au moyen de l'inexé-
cution de la fentence , on ne pouvoit pas dire qu'il
eût jamais été mort civilement.
Cet arrêt eft encore rapporté par la Peyrere ,
mais dans un autre encroit que les précédens.
LU
450 PRESCRIPTION.
C'eft fous la lettre C, nombre 187, édition de
1706.
L'additionnaire de cet auteur prétend , fous la
lettre P , nombre Cj , qu'il en {"eroit différemment ,
li A la circon'lance d'une condamnation par contu-
mace non exicutée , lé joignoit celle du bris de
prifon ; Si il rapporte un arrêt du même parlement
de 1690 , qui a jugé qu'en ce cas il n'y a point lieu
à la prcl'ctiption de vingt ans, parce que le coupa-
ble ne doit point tirer avantage de fon évafion , &
qu'jl eA develiu , par fa capnrc , un p;ag: di iufticc.
Mais , comme Tobierve Dunod , partie 2, cha-
pitre 9 ,'Cette décifjon^paroit lubtiU &• riçoureufc,
il y a encore bien. plus tic âibtilité & de rigueur
dans un autre arrêt du même parlement que rap-
porte pareillement l'annotateur delà Peyrere^Sc
4ju'il date du 17 août 1690. Selon ce jugement ^ '1
fuflit qu'on ait été arrêté & mis fous la garde d'un
huirtîer , avant l'expiration de vingt, axis , pour
qvfon ne puiffe plus invoquer k Prefcr^ption rê"-'
lultante de ce terme. . ' ■'■
Lorfque la fentence par contumaceaété exécu-
tée en enlgie , nill douté que la Prefcription de
vingt ans ne doive ceffer. L'accufateur ayant fait
exécuter la fentence autant qu'il dépëndoit de lui,
on ne peut lui rien imputer , &. la diligence "qu'il a
faite perpétue fon a£lion jufqu'à trente ans. C'eft
ce qui a été jugé par pluiisurs arrêts. Brodeau fui*
Louet , lettre C , §, 47 , ea J'apporte undu 19 mars
1642 , dansTclpêce iluquel il y'avoit trcnie-un ans
que le crime avoir étfé commis, & vingt-huit ans
que l'exécution avoit été faite par effigie : la cour
a juge que la Prefcription n'étoit pas acquife , &
i'accufê a été renvoyé devant le premier juge pour
fubir toute la riguetir del'inAruiftion criminelle.
C'eft ce qu'ont encore jugé deux arrêts des 21
feptembre 1624 tk 6 avril 1625 : ils font rapportés
par Bafnage , fur l'article 143 de la cou.ume de
Normandie.
Le même auteur en cite un femblable rendu au
parlement de Rouen le 27 juillet 1645.
La Peyrcre , lettre P , nombre 67, afliire que la
jurifprudence eft la même fur ce point au parle-
ment de Bordeaux : " nous pratiquons, dit-il , que
M quand il y a eu exécution en effigie , il faut trente
■>■> ans ».
Dans les cas où il n'y a pas lieu à cette manière
d'exécuter, la fignification de la fentence produit
le même effet. « il a été jugé au parlement de Bor-
M deaux en 1703 , dit l'additionnaire de l'auteur
« cité , que quand il y a eu fentence de banniffe-
» ment fignifiée, il faut trente ans pour prefcrire '>.
Mais de quel moment doit courir la Prefcription
de trente ans , qui , fuivant ce qu'on vient d'établir ,
eft la feule admifc dans le cas de l'exécution en
effigie , ou de la fignification q.ui en tient lieu }
Puifque la Prefcription de vingt ans fe compte
du jour du crime, il fembleroit , au premier abord,
qu'il en dût être de même d^; celle de trente ans,
qui j dans le cas propofé, en prend la place.
PRESCRIPTION.
Cependant il eft reconnu généralement que cette
dernière Prefcription ne commence à courir que du
jour de l'exécution. Pourquoi cela ? C'eft , répond
M. Julien dans l'ouvrage déjà cité , page 594,
« parce que les jugemens définitifs forment une
' Il obligation contre la partie condamnée , &. que de
" cette obligation il naît une aâion perfonnelle qui
» dure trente ans ».
-Cette Prefcription, dit encore le même auteur,
« n'a lieu que du jour de l'exécution , parce que ce
» n'efi: que de ce jour que le jugement acquiert la
w publicité, & elt cenfé avoir été prononcé à l'ac-
» eu fê «.
Il en feroit de même , fuivant de la Combe , fi
la fentence étant contradiftoire , le condamné s'é-
loit enfuite évadé. On a cependant prétendu que
dans ce cas il ne pouvoit pas y avoir de Prefcrip-
tian ; mais le contraire a été formellement décidé
parua- arrêt du 10 avril i6i.ç. L'efpèce en eft très-
particulière. Un homme condamné à mort pour un
crime capital ,éft renvoyé .fur les lieux pour être
exécuté ; pendant qu'on le conduifoit au fupplice ,
;il trouve lié) moyen de s'évader. Quarante ans
après , il eft repris. Le juge du lieu , à la requête
des perfonnes inréreffées dans l'affaire , informe de
(i fuite , à l'effet de mettre à exécution l'arrêt rendu
^quarante ans auparavant; l'appel de cette pvocé-
'dure ayant été porté à la Tournellc , M. l'avocat
général le Bretm voir que la Prefcription de trente
ans avoit fuffi pour anéantir & la condamnation
prononcée contre cet homme , & fon êvafion pof-
térieure dont on prétendoit lui faire un nouveau
crime. " Car, dit ce magifîrat, Ci en matière civile
» l'aêlion ex judicaio ie prefcrit par trente ans y
» pourquoi ne fcroit-on pas le femblable en ma-
» tière criminelle , qui eft de bien plus grande im-
» portance , attendu la maxime générale qui veut
V qu'en telles affaires la Prefcription de vingt ans
» fuffife » .' C'efl pourquoi fes concUiiions turent
h ce qu'on mît l'appellation & ce au néant , & à ce
que les prifons fuffent ouvertes à l'appelant. Ceft
auffi ce qui fut jugé par l'arrêt. Il a été recueilli par
M. le Bret lui-même , au nombre de fes d ';cifions
notables , livre 6 , décifion 3.
Quels font les effets de cette Prefcription .? Cette
queftion eu de la plus grande importance : elle mé-
rite d'être approfondie.
D'abord , la Prefcription a-t-elle un effet re-
troa(aif en faveur du condamné par contumace, &
. rhabilite-t-elle à recueillir les fucceffions qui lui
font échues avant l'expiration de trente ans ?
Il y a quatre arrêts pour la négative : l'un du par-
lement de Paris du 15 mai 1665 (i) ; l'autre du
parlement de Bordeaux du 28 août 1669 (2) ; le
troifiême du parlement de Toulonfe du 14 février
1681 (3); le quatrième , du parlement de Dijon
[1] Soefve, tonne a, centurie j.
[1] La l'ey-ete , lettre S , noiubve m,
Cj] CatclJan , livte i, cbapitie «£.
::i^
PRESCRIPTION.
du 9 août 1686 (t). Le premier eft même d'autant
plus remarquable , qu'il érend l'incapacité du crimi-
nel jufqu'aux enfans nés après Ta condamnation.
Et il ne faut pas croire que ces arrêts foient ton-
trariés par celui du parlement de Bretagne du 3
juillet 1664 , quicft rapporté dans les notes -d'Hé-
vin fur l'article 288 de la coutume de cette pro-
vince , ni par celui du parlement de Bordeaux du
16 juillet 1666 qu'on trouve dans la Peyrere , lettre
P , nombre 67. Car s'ils ont admis des condamnés
par contumace à recueillir des Cucceflions échues
avant Si après leur condamnation , mais antérieure-
ment à l'époque oi4 la Prefcription avoit étéacquife,
c'eft parce qu'il n'y avoit eu contr'eux aucune exé-
cution ni par effieie ni autrement.
On fent la diftérence de cette hypothèfe d'avec
la précédente : & Poulain du Parcq l'êxpofe très-
bien dans fa note fur le paffage cité d'Hévin. a Par
« l'article 28, dit-il, du titre des\difj.uti & contumaces
« de l'ordonnance de 1670, les cinq ans de la contu-
i) mace ne commencent que du jour de l'exécutiun
»> des jugemens de condamnation. Ainfi ce délai
» ne peut courir pendant que le jugement n'eft pas
1» efRgié ; & la Pvef:riptlon de vingt ans tvirvenant
« avant que les cinq ans de la contumace aient
>» commencé de courir, l'accufé n'a pas perdu , un
V Iciil moment, fon état de citoyen. On ne peut
» donc pas l'en priver , lorfque le jugement'nou
3> exécuté eu éteint par la Prefcription. — Au con-
» traire, quand le jugement de contumace a été
» exécuté par effigie ou par tableau , la privation
j> du droit de citoyen , & de tous les effets civils ,
ï» a fon exécution. Ainfi dans cette partie on ne
" peut pas douter que le jugement n'ait toujours
» fubfifté, parce que la Prefcription contre un ju-
I» gement n'a pu courir pendant qu'il a eu fon exé-
M cution. La peine capitale prononcée par le même
« jugement n'ayant point eu d'exécution par la
» fuite de l'accufé, il eft évident que cette partie
n du jugement a été fujette à la Prefcription , fans
>> que cette Prefcription ait pu s'étendre à la priva-
" tion des effets civils & du droit de citoyen , !a-
V quelle a toujours eu entière exécution pendant
M que la Prefcription couroit contre ta peine ». '
Mais que déciderons-nous par rapport aux fiic-
ceffions échius après que la Prefcription de trente
-ans eft entièrement acquife & confommée > Voici
une efpèce célèbre dans laquelle cette queftion a
été traitée avec profondeur Si jugée avec éclat.
Du mariage de Louis Tillette , chevalier , fei-
gneur d'Acbeux , & de Marguerite Fleurton , font
wés plufieurs enfans.
François Tillette d'Acheux , qui étoit l'aîné , fut
condamné à mort par fentence de contumace ren-
[1] Râviot , queilicn 18^. Cet airêt eft dans l'erpcçe d'un
fidtjcciMinis qui s'ctoit ouvert .iprès I.i condamnation car con-
tumace. On a iuE;;c]U(: le coupable avoiî fait p!»c; au d.-gré
fuiv.inr, Se que la l'refcriptioH de fon crime n'Avoir point
nl'effet rctroaiiif.
' p:re'SCript.[ON. 451
ih\z au bailliage d'Amiens le 29 niii 16S8; & le
3 juillet fuivant, cette fenTeace^,£^t excquàei païf
effigie. -, a' 'i ;' k c ■ ' / '
Trente ans après cette condamnation , François
Tillette d'Acheux ayant prefcrit la peine , revitit
dans le pays , 6c chercha à s'y marier.
Le fieur de la Boiffiere , l'un de fes frères, forma
oppofition à fes bans; mais une fenrence de la fé-
ncchauflée ordonna qu'il feroit paffé outre h la cé-
lébration dn mariige , & fur l'appel qu'en inter-
jeta le fieur de la Boiffiere , elle fut confirmée
avec amende & dépens par arrêt du i3aoi!iti720.
Cet arrêt n'évcit pas , dans le fieur d'Acheux,
une preuve de Textiné^ion de la mort civile. Auflî
ayant voulu faire valoir la Prefcription pour fe
mettre en poffeffion des biens de fa mère &. de fes
frères décédés poflérieurement à l'époque oii elle
s'étoit trouvée acquife , le fieur de la Boiffiere qui
avoit le droit d'aineffe ,.a foutenn qu'il étoit norj-
recevable comme mort civilement ; & le fieiir
d'Acheux a été en effet déclaré tel par fentence da
bailliage d'Amiens du 9 février 1735.
Le ficur d'Acheux a interjette appel de cette fen-
tence ; & il s'ed efforcé de faire voir que la mort
civile doit fe prefcrire par trente ans.
« Il faut , difoit-il , diltinguer deux, fones d'inté-
rêts , l intérêt particulier & l'intéiût public. L'inté-
rêt particulier eff la réparation due à l'offenfé ; l'in-
térêt public eft la punition du coup.ible, & quoique
la punition ne foit pas exécutée par la faite de l'ac-
cufé , la partie publique ne laine pas d'être fatis-
faite.
1) Quelque part que foit l'accufé , on fe repré-
fente fes inquiétudes & fes allarmes ; on fo fait
une image de fa mifere & de fes peines ; on ne
doute pas que fa confcience & fes remords ne le
jugent & ne l'exécutent fans ceffe , s'il eft crimi-
nel ; & on conçoit qu'un homme ainfi agité eu ,
en quelque manière, plus à plaindre de voir jour
ik nuit le glaive de la juflice fufoendu fur fa tète,
que fi un prompt fupplice avoit mis fin àfes jours
malheureux.
)» Cet état eft fi terrible aux yeux de la raifon &
de l'humanité, qu'on a cru devoir le limiter à vingt
ans ; & fi alors le condamné à mort efl à l'abri de
la peine , ce n'eft pas pour avoir eu le bonheur de
furvivre vingt ans à fon criitic . c'eft au contraire
pour avoir eu le malheur d'er. fupporrer le pc'ds
en foi-méme pendant un fi long temps. On pré-
fume qu'une h longue pénitence l'a fuiiifamment
corrigé. Cette préfomption e^ fi jufte , que- l'églifc
même, dans fa plus^grande févérité, n'itrjpofoit aux
homicides volontaires qu'une excommunication de
la même durée , après laquelle elle les rérabliffoit
dans la communion comme purifiés. Combien
donc une expiation de trente années doit elle pa-
roître fufiifante .-' Quoi qu'il en foit , il cft certain
qu'après un tel la^s de temps, le condamné k
mort n'a plus rien à craindre ni de la partie civile
ni du miniiière public. , j
Lllij
451 PRESCRIPTION.
» Ces deux intérêts étant enfin appaifés & fatîf-
faits , quelle apparence qu'il y ait encore quelque
peine à fubir par le condamné à mort ainfi reftitué
à la vie ? En vain voudroit-on fuppofer qu'il de-
meure perpéïuellement dans les liens de la mort
civile. Cette idée ne peut être accueillie que de
ceux qui font plus prêts a décider qu'à raifonner ,
& qui croyent que plus leur décifion eft rigou-
reufe , plus elle doit paroître grave & réfléchie.
» En effet , qu'eft ce que la mort civile ? Pour ne
point parler de celle des religieux dont il ne s'agit
pas ici , la mort civile eft l'état de ceux qui (ont
condamnés à la mort ou à d'autres peines qui em-
portent la confifcation des biens; état qui les rend
incapables d'efter en jugement , de contraQer, de
fuccéder, de tefter ; incapables, en un mot, de tous
les aâes de la fociété civile (i). Mais cet état , il
a fa caufe : c'eft la condamnation qui elle même le
produit , ou le crime du condamné, s'il eft con-
vaincu dans les formes, ou fa contumace, fi fon
procès lui a été fait par défaut. Dans ce dernier
cas qui eft notre efpèce , la loi veut que fi le con-
damné ne fe repréfcnte point dans les cinq ans du
jour de l'exécution figurative , il foit réputé mort
civilement dès ce même jour ; & pourquoi ? Ceft
qu'après les cinq ans , la condamnation eft réputée
contradidloire , & que le condamné étant regardé
comme mort à la nature, il feroit abfurde de ne le
pas regarder comme mort à la fociété. Il eft donc
évident que la mort civile en foi n'eft autre chofe
qu'une ûdlion : ici, même , elle n'eft qu'un fécond
degré de fidion.
» Or tout l'effet qu'on peut attribuer à une fic-
tion , doit affurément fe borner a celui de la vérité ;
cette propofition fera d'autant moins conteftée ,
qu'il eft certain en droit que la mort civile n'équi-
pole point à la mort naturelle ; ce qui eft fi vrai ,
qu'elle ne fait point ouverture au douaire (2) ;
ainft dès que le condamné ctf^e d'être regardé
comme mort à la nature, il eft d'une conféquence
nécefiaire qu'il renait à la fociété. S'il peut en toute
sûreté paroitre parmi les citoyens ; fi fon crime eft
prefcrit & fa condamnation anéantie ; fi ni partie
publique , ni partie privée ne peut plus l'inquiéter ,
il eft donc lui-même au nombre des citoyens , & i{
en peut faire tous les aâes du jour qu'il y eft réin-
tégré ; ou bien il faudroit dire que la fiétion eft plus
puiffante que la vérité dont elle n'eft que l'ombre;
que l'effet fubfifte après la ceffation de la caufe; que
le plus ne renferme pas le moins; & qu'enfin , le
condamné quia prefcrit contre fa condamnation,
eft toujours néanmoins fous le joug de celte con-
damnation , quoique prefcrite. Tant d'abfurdités
peuvent-elles entrer dans un efprit raifonnabie ?
» Il n'y a que l'imprefcriptibilité du crime qui
tend la mort civile imprefcriprible. Ccftune excep-
f il Domat, lois civiles, livre pttJimin. tit. z. , (eâion 2 ^
a. i i^'
^li Voyez, fur cstte aff«:ào0,rartitcfe DoVAiRE,
. :i
PRESCRIPTION
tion qui confirme la règle générale , ou plutôt c'eft
une féconde règle qui n'eft qu'une fuite & une
conféquence de la première ; ainf; les condamnés
pour crime de lèfe-niajefté demeurent perpétuelle-
ment dans la mort civile , parce que ce crime , le
plus énorme de tous , eft imprefcripril le de fa na-
ture: mais comme c'eft le feul de cett-.; efpèce , il
eft certain que le condamné pour tout autre délit,
peut efpérer que le temps le fera rentrer en grâce
avec la loi ; c'eft pourquoi le condamné à mort
pour crime même de parricide n'eft pas privé de
cette efpérance. Si après qu'il a prefcrit contre fa
condamnation , il demeure déchu du droit de fnc-
céder , ce n'eft point qu'il foit incapable des effets
civils en général , mais c'eft qu'il eft indigne d'exer-
cer celui ci fpécialement , ÔC de participer jamais
au bien d'une famille dans laquelle il a dérangé l'or-
dre de fuccéder ; car au furphis on n'a jamais con-
tefté qu'il ne piàt contraâer ik faire tous les au-
tres afles de citoyen.
« Quand on veut approfondir les caufes de
»> ces différences , on découvre bientôt qu'elles
i> fondées fur de grandes raifons.
» Les hommes naiffent à leurs familles, qui
w elles-mêmes font à l'état ; Si. de même que
" chaque famille a fon chef, de même toutes les
» familles enfemble reconnoiffent un chef com-
» mun dans la perfonne du fouvcrain qui eft le
" père de tous. Ainfi, quiconque oferoit attenter
»> à la perfonne facrée du légitime fouverain , com-
» mettroit celui de tous les crimes qui a le plus
i> d'étendue dans fes effets , 8c qui par confé-
» quent doit être le plus févèremenr puni : d'un
)) côté comme le coupable jette le trouble dans
>f tout l'état, il eft jufte que jamais l'état ne lui
» ferve d'afyle ; c'eft un monftre qui n'a plus de
n patrie , contre qui tous les fouverains doivent
)» s'armer , Si. pour qui l'univers entier ne doit plus
)) être qu'un précipice : d'un autre côté , comme
» le fouverain, en tant que fouverain, ne meurt
» jamais , Se qu'il n'y a point de Prefcription
» contre lui , il eft naturel que les coupables du
n crime de lèze majefté trouvent en lui un éter-
» nel vengeur. Ce font là les caufes de l'impref-
» criptibilté de ce crime.
» Il n'en eft pas de même du crime de parricide;
» à la vérité, ce mot feul fait horreur, mais en-
» fin le coupable de ce forfait atroce ne répand
» le deuil que dans fa propre famille. Qu'il en
» (oit donc à jamais retranché , que jamais il n'y
'X fuccède ; qu'il ne puiFe même demander ni re»
') cevoir des alimens de fis proches ; que par-là,
» il foit forcé , s'il fe p:ut , de venir tendre la
" gorge au couteau de l'exécuteur : tout cela eft
n jufte. Mais [ uifque la loi lui fait grâce après
» trente ans ; ] u fqii'alors il peut reparoitre im-
» punément dans la fociété civile; pulfqu'il faut
)> qu'il vive enfin , ce feroit une abfurdité de pré-
)> tendre qu'il lui fiit interdit d'agir & de contra6}er
)) comme les autres citoyens : voilà pourquoi il
PRESCRIPTION.
« eft en effet capable de contrafler , 'encore qu'il
» foit indigTe de fuccéder ; Con indignité à cet
» égard , n'étant point une indignité ablolue , mais
»> feulement une indignité relative.
" Par une fuite de ce raifonnement , le condamne
>» qui eft dans le cas au Heur d'Acheux , peut non-
*» feulement contraâer , mais fuccéder après la
»> Prefcription : ajoutons qu'il eft du bien public
» que cela foit ainfi , parce qu il (erolt très dan-
>' gereux pour la fociété d'y lailîer rentrer des
>» hommes à qui toutes les voies pour fubfifter
» feroient fermées ; & elles le feroient pour ces
» derniers , fi dépouillés de tout bien par leur
» condamnation, & déchus encore de ceux aux-
>» quels ils auroient pu fuccéder depuis trente ans ,
»> ils demeuroient privés de l'efpérance de toute
>' fucceffion future , & de l'exercice des autres
»» effets civils. Par-là , des vieillards ordinaire-
*> ment fans vigueur & fans talens, après avoir
» paffé la meilleure partie de leurs jours dans la
n misère & dans l'obfcurité , fe verroient fans
»» moyen de s'en procurer , & ce qui feroit plus
»' trifte encore , fans a(^ion pour demander en juf-
»' tice le pain qu'ils pourroient gagner , s'il leur
» étoit retenu : car la privation des effets civils
» iroit jufques là (i). Qu'elle fituation affreufe !
M L'efclavage fi peu connu & fi abhorré dans nos
n mœurs eft bien moins dur, puifqu'il fuppofe un
j» patron chargé du foin de nourrir & de défendre
>» fon efclave ; & ici l'homme feroit tellement
j) dégradé, qu'il ne lui feroit pas même permis de
»> fe plaindre de l'injuAice des autres hommes. La
M fragilité humaine pourroit-elle tenir contre de
» telles épreuves .•' de quelle grâce l'homme ré-
« duit à cet état n'auroit-il pas befoin pour ré-
)> fifter aux tentations dont il deviendroit la proie ?
V La plus forte feroit fans doute de tourner fes
» mains contre lui-mèm.e pour s'arracher une vie
» qui feroit tout fon malheur. Seroitil donc éton-
»> nant qu'une réfolution plus lâche encore lui fit
« tenter quelqu'aâion plus contraire à l'ordre pu-
ï) blic ? Ne croiroit-on pas que 1?. loi veuille expo-
ji fer des hommes , dont le falut lui eff cher, à de
j> ù grands dangers : la loi eft fage ; & puifqu'elle
« permet aux condamnés à mort de reparoître
») après un certain temps parmi les citoyens , di-
« fons avec confiance que fon intention eft qu'ils
« en puiffént faire tous les a^tes ; autrement la
M vie qu'elle leur laiffe feroit plutôt un dernier
» trait de colère qu'un don de fa miféricorde ; ce
Il ne feroit qu'un fardeau dont elle voudroit les
3) accabler,
. )) Telles font les véritables idées qu'il faut fe
[i] Faufle maxime. La mort civile ne peut pas empêcher
l'exercice des adions qui naiflent du droit des gens. Voilà
pourquoi un atrêi du parlement de Dijon du ai février îf 8+,
rappoitc par Perrier , ijueftion J^C, a juge que le comte de
BulTeuil, trente trois ans nprès l'cxicmion Fgurative d'un ar-
rêt qui l'avoi: cond.ininc à mott , pouvoir cRcr en jugemeci
lans ccrc adîfté d'un eu atcur au:t caulcs.
PRESCRIPTION. 453
» former fur la iwort civile & fur les différentes
M mefures de peine qui appartiennent à chaque
» différent degré de crime.
A ces raifonnemens , le fieur d'Acheux ajou-
toit l'autorité de M. le Bret , de M. Bifnon , & fur-
tout celle de M. Talon ^ il citoit un plaidoyer de
ce magiftrat dans une caufe jugée par arrêt du 1 1
mars 1632, fur la queftion de favoir (i un condamné
à mort par un jugement exécuté en effigie, étoit
recevable après trente ans à demander partage
dans la fucceliion de fon père & de fa mère ;
ik il obfervoit que fi M. Taloii avoit conclu, &
l'arrêt jugé contre ce particulier , c'étoit parce
qu'antérieurement à fa condamnation , il avoit
tait profeffion dans un couvent.
«( Mais ( continuoit le défenfeur du fieur d'A-
» cheux ) qu'eft-il befoin de chercher des préju-
» gés fi loin quand nous en avons un infiniment
>» décifif dans l'efpèce préfente .'' c'eft l'arrêt de la
" cour du 13 aoiùt 1720, qui a confirmé les fcn-
" tences de la fénéchauffée de Ponthieu , lef-
>» quelles fans avoir égard aux oppofitions for-
" mées par le fieur de la Boifïïère au mariage du
" fieur d'Acheux , ont ordonné qu'il feroit paflé
» outre à la proclamation des bans , & à la célé-
" bration de ce mariage : c'eft donc chofe jugée
» avec le fieur de la Boiffière lui-même, que la
" Prefcription de trente ans a réintégré le fieur
» d'Acheux, fon frère, dans tous les droits de
i> cité ; car le mariage eft affurément l'aéle le plus
» refpeéîable de la fociété civile.
» En un mot, la Prefcription dont il s'agit efl
" tout-à-la-fois fi certaine ôc fi efficace , qu'il n'eft
" point d'ufage en chancellerie d'accorder en ce
" cas aucune lettre d'abolition , de réhabilita-
» tion ni autres ; attendu que le laps de 30 ans
» éteint la condamnation du crime avec tout ce
» qui en dépend , & que les lettres du prince ne
» pourroient produire plus d'effet que cette giace
» légale : c'eft ce qui eft attefié par les fecré-
'» taires du roi les plus employés du grand collège.
» On oppofe que la Prefcription pour acquérir
" des droits civils, fuppoferoit dans celui qui la
'» prétend, une habilité à acquérir & une capa-
» cité de pofféder ces mêmes droits; car, dit on,
» nulle Prefcription fans poffelTion; or, le con-
» damné à mort loin qu'il ait une poffefiion dcS
n droits civils, eft au contraire dans une incapa-
» cité abfolue d'en pofféder aucun : donc il ne
)» peut les acquérir par la Prefcription.
» On répond que cette Prefcription n'eft pas tant
)> une acquifition qu'une libération d'une choie
» onéreufe dont on eft chargé. Ce n'eft pas [irei-
» crire un tel droit , mais c'eft prefcrire une telle
» charge, une telle fervitude.
)j Le fieur d Acheux chargé d'une condamna-
» tion de mort, a prefcrit contre elle par l'cf-
» pace de 30 ans, en ne la point exécutant.
« Or, dès l'inftant que fa mort civile a ccffê par
j) la Prefcription , dès cet inftant même il a été
AU
PRESCRIPTION.
» rendu à la vie civilo , car il n'y a point de milieu
j> entre ces deux états. Ai.'ifi , en rentrant clans
» la vie civile, il a repris tous les droits qui en
» font inféparables ; & voilà ce qui fait voir que
n pour les recouvrer, il n'a point été nécelTaire
» qu'il en eût auparavant ni la pofleffion , ni mê-
»» nie la capacité.
>• En effet , cette incapacité ne peut fe divifer
M de la mort civile parce qu'elle n'en eft qu'une
>i dépendance , 6c qu'elle fait même partie de la
« peine du condamné à mort : ainfi vouloir que
« la privation dci effets civils rubfi^c après qu'il
î> à été prefcrit contre la mort civile , c'eft ad-
>» mettre l'effet après la ceffation de la caufe ; c'eft
» dire que le condamné à mort eft encore fujet
" à la peine, en avouant qu'il a prefcrit contre
» la peine : contradiflion qui eft le comble de
» l'abfurdité. De deux chofes l'une, ou la peine
î» eft éteinte, ou elle ne l'eft pas. Au premier cas ,
« tout ce qui eft peine eft évanoui ; au fécond
» c^'.s , ce qui eft peine doit encore être fubi. Il
■>■> faut donc que le ficur de la BoiiTiere , pour
» réuffir dans fa prétention, nous ùlTe voir que
M (on frère eft encore efclave ûj la peine , manci-
» p^itiis ca'nifrci , comme parlent les criminaliftes ;
>i fi fin fyftème ne va pas jufques-là, il ne mène
») à rien ; s'il va- là , qu'il en tire lui-même la con-
»> (équenco ».
Tels étoient , en fubftance , les moyens du fieur
d'Acheux.
M. Sicand , défcnfeur du fieur de la Boiftiere ,
-les a réfutés , i". par les ordonnances du royaume ,
a", par les difpofitious du droit romain , y\ par
la jurjfprudence des arrêts, 4". par le fuffrage de
MM. les avocats-généraux & des auteurs.
<i r®. L'ancien ufage du royaume (difoit-il),
j) expliqué dans les capitulaires de Charlemagne,
« n'éioit pas de condamner à mort par contu-
>) mace ; en banniffoit feulement l'accufé , on fai-
yi fou une annotation de fes biens ; & s'il laiffoit
r pafltr l'année de cette annotation fans fe pré-
»> ienter, & fe juftifîer, fes biens étoient confif-
n qués fans retour.
>7 Lorfquil a été introduit de condamner à mort
V par contumace, on a confervé pendant long-
ï) temps l'ufage de ne donner qu'un an au condam-
v> né pour fe repréfenter ; après quoi , en quel-
5> que tetrps que le condamné fe préfentât, quoi-
» qu'il parvînt à fe juftifîer, il ])erdoit les fruits
s» de fes biens qui avoient été fiilis^ & s'il étoit
SI pris au lieu de fe préfenter,on l'exécutoit fans
» nouvelle procédure.
j> Par l'article 28 de l'ordonnance de Moulins
î) du mois de février 1566, au lieu d'un an , on
M a accordé cinq ans aux condamnés par connt-
5> mace pour fe repréfenter , à compter du jour de
jj la condamnation ; mais faute par eux de fe re-
3» préfenter , on a ordonné qu'ils perdroient , non-
s) feulement les fruits de leur héritage , fulvant
» ces ancieniïgs ordonn.inces , mais auffi la pro-
PRESCRIPTION.
»» prîèté de tous leurs biens adjugés par juftice ,"
» (ans pouvoir être répités ni du roi , ni des fei-
" gneurs hauts-jufticiers , ni des parties civiles.
» 11 a néanmoins été réfervé au roi de les rece-
i> voir à efter à droit, & fe purger après les cinq
» ans , & même de leur remettre la rigueur de
» cette ordonnance.
»» M' René Chopin dit , fur la coutume d'An-
» jou, livre 3 , chapitre 2 , titre 5 , nombre 22 ,
» que cet article de l'ordonnance de Moulins étoit
» obfervé étroitement au palais, & qu'en confé-
» quence les condamnas a mort par contumace,
» n'étoient pas rétablis dans leurs biens après les
» cinq ans , encore qu'ils fe repréfentaffent & fe
n foiiiniflent à prouver leur innocence , ainfi
» qu'on le voit par l'exemple d'un arrêt prononcé
» à l'audience de la tournelle le 14 juillet 1582.
1» En mettant les condamnés dans la néceffité
» d'avoir recours au prince afin d'avoir des lettres
» pour efter à droit, ik fe purger après les cinq
» ans , l'ordonnance de Moulins décide qu'ils font
» morts civilement. Cette faculté , dit Bornier fur
» l'article 29 du titre 17 de l'ordonnance de 1670 ,
» ne pouvait leur revenir que par la grâce du prince ^
" d'autant qu'ils avoient perdu la vu civili , qui en
" ctoit le principe.
» On regardoit en effet les condamnés à mort
» par contumace , comme étant morts civilement,
" s'ils ne s'éroient pas repréicntés dans les cinq
'» ans , Se ils n'avoient après cela que deux moyens
» pour revenir à la vie civile ; l'un étoit de de-
)> mander au roi des lettres pour eiler à droit , & fe
» purger , s'ils étoient innocens ; cx l'autre étoit
w d'obtenir, s'ils étoient coupables , des leitres
i> de grâce , qui les remiffeni dans leur premier
» état.
» C'eft ce que la déclaration du 26 novembre
I' 1639 fait connoitre clairement en prononçant,
» par l'article 6 , l'incapacité de fuccéder contre
» les enfans procréés par ceux qui fe marient ,
I) après avoir été condamnés à mort, même par
» défaut. Si avant leur décès , ils nont été remis
>' au premier état , fnivant Us voies prefcrites par les
■>■> ordonnances.
» De ce qu'en haine du crime, & à caufe de
)' l'infamie que la condamnation produit , la dé-
» claration de 1639 frappe les enfans des per-
" fonnes condamnées à mort , jufqu'à leur faire
" iupporter une partie de la mort civile , quoi-
" qu'ils foient innocens ; il s'enfuit qu'elle re-
» garde les perfonnes condamnées à mort , com-
» me étant dans l'état de mort civile, & incapa-
)> bîes de toute fucceftion à caufe de leur con-
n damnation.
" Ces termes, avant leur décès , embraffent toute
» la vie des condamnes , & il en réfiitte qu'ils
» reftent morts civilement pendant toute leur vie ,
» quelque longue qu'elle foit , à moins qu'ils
)> n'aient été remis au premier état , de la manière
)» dont la déclaration le prefcrit.
PRESCRIPTION.
>» Il ne peut y avoir d'équivoque fur ce que h
î» déclaration exige , pour qae ces condamnés
î> foient remis en leur premier état , parce qu'elle
» dit précifément que ce doit être fuivant les voies
» pre/crites par les ordonnances. De-là il fuit que
« c'eft dans les ordonnances uniquement qu'il
» tant prendre les moyens de cette reftitution.
n Les moyens qu'on trouve dans les ordon-
nances pour remettre les condamnés à mon dans
leur premier état ^ c'eft de fe repréienter dans les
cinq ans, & fe juriifîer. C'eft de prendre après
les cinq ans des lettres pour efter à droit, & fe
purger. C'eft d'obtenir quand ils font coupables,
des lettres de pardon , de rémifiîon ou d'aboli-
tion, félon la nature du crime, avec reftitution
en leur premier état.
n On ne trouve point dans les ordor.nances que
la Prefcription de 30 ans piiiïïe produire cet eff^t,
&. on ne peut imaginer qu'elle le produife. Pre-
nîièrement, ce n'eft pas une déclaration d'inno-
cence , un moyen de fe juftifier , une juftitication ,
une abfohnion; c'eft feulement comme on l'expli-
qua en 1665 , dans la caiife de la Morineau rap-
portée au journal des audiences , une exception ,
un afToupilfement des lois , une exemption de la
peine de mort , -un paffr-ge de l'appréhenfion de
mort à l'allurance delà vie, un afyle , im bou-
clier qui met à couvert de toutes les attaques, de
toutes les prifes , de tous les foudres que la jafiice
lève, & lance fur les têtes criminelles.
^ " Secondement , il ne feroit pas excufable de
comparer la Prefcription de 30 ans à une grâce
telle que le prince peut l'accorder en vertu de fa
pleine puiiïance , puifqu'on ne peut dire qu'elle
elTace l'infamie , qu'elle procure aux condamnés
la reftitution des biens qui ont été confifqués , &
des amendes qui ont été perçues; qu'elle les faOe
rentrer dans les fucceftions directes ou collaté-
rales qui ont paffé à d'autres fujets pendant les
30 ans.
» Si la Prefcription de 30 ans ne peut remettre
les condamnés à mort dans leur premier état, ils'en-
{îi\t\ aux termes de la déclaration de 16391 qu'elle
ne peut les reftituer à la vie civile, i^ qu'ainfi ,
nonobiïant cette Prefcriptioh , 'il-s réfterit , péri-
mant toute leur vie, dans l'état de mort civile, à
moins q\i'ils n'aient été juftifiés , ou aient obtenu
des lettres du prince, pour être remis dans leur
premier état.
V L'ordonnance de 1670 ne permet pas d'en
douter. Jufques-là, il s'êtoit levé beaucoup de dif-
puteS fur l'étendue & les effets de la mort civile
des condamnés à mort. L'article' 29 du titre 27 de
l'ordonnance de 1670 , a fait une loi générale qui
eft de réputer mort civilement du jour de l'exé-
cution de la ferftence, celui qui aura été condamné
à mort par contumace , & qui décédera après les
cinq ans fans s'être repréfenté.
1) L'ordonnance dit celui tfui décédera'. Se par-là, ,
«lie embraffe, comme la déclaration de 1639 , la '
PRESCRIPTION. 455
vie entière des condamnés , quelque longue qu'elle
puifte être ; ainfi dans le cas où les condamnés
ne fe repréfentent pas dans les cinq ans , ils de-
meurent morts civilement pendant toute leur vie,
» Tout eft confommè , dit un critriinallfte mo-
derne (i) par le défaut de repréfentation des
condamnés pendant les cinq ans.
j) C'eft ce qui fait que dans ce cas l'ordonnance
refufe à la veuve, aux enfans , aux héritiers du
condamné , la faculté de fe pourvoir de plein droit
en juftice, pour purger la mémoire du condamné
( article 2 , titre 27 ).
» C'eft ce qui fait que par l'article 28 du titre 17,
après ce délai de cinq ans, les fentences de mon
font réputées contracli^îoires , ik il eft ordonné
qu'elles vaudront comme arrêt ; elles doivent par
conféquent avoir perpétuellement leur exécution
pour la mort civile , à moins qu'il n'y ait quel-
qu'exception.
)> C'en eft une de fc juftifier: & c'eft pour cela que
p.;r l'article 28 du titre 17 , le roi , fuivant l'ordon-
nance de Moulins , s'eft réfervé la faculté de re-
cevoir les condamnés par contumace à efler à droit
après les cinq ans , en leur accordant des lettres
pour fe purger.
Les condamnés à mort peuvent aufti , fuivant le
titre 16 de l'ordonnance de 1670 , avoir recours à
la clémence du roi pour obtenir des lettres de par-
don , de rémiliion ou d'abolition , qui les remettent
dans leur premier état.
■>■) A l'exception de ces deux cas, c'eft-à-dire, à moins
que les condanmés à mort n'ayenr éic juftifiés fur
des lettres d'ellerà droit , ou qu'ils n'ayent été remis
dans leur premier état par des lettres du prince, s'ils •
décèdent fans s'être repréfentés pendant les cinq -
ans de la contumace , il faut dire qu'ils font reftés
pendant toute leur vie dans l'état de mort civile.
V La Prefcription de trente ans ne pouvant
comme on vient de l'expliquer , fervir de juftiHca-
tion , ou être comparée à la grâce du prince, il
s'enfuit qu'elle ne peut rendre aux condamnés à
m^rt la vie civile qu'ils ont perdue, faute de s'être
repréfentés dans les cinq ans de la contumace.
n Comment cette Prefcription pourrojt-elle ren-
dre la vie civile , lôrfque dans les cas où U n'y a
pas de condamnation à mort , après que le con-
damné a fatisfait à la peine , l'i a befoin de lettres
de réliabilitation en fes biens & bonne renommée.
» Il en a ^e/oi/z , ditBornier fur l'article 5 du titre
' 16 ,■ après avoir fatisfait à la peine , pour effacer la-
note d:- infamie , 6* 4.' incapacité d'agir civilement qui
lui refte. La fatisfaélion pour la peine ,de quelque
façori' qu'elle -foit fàltdV'paf" exécution réelle ou
par Prefcription ,'n'ôte donc ni l'infamie ni l'inca-
pacité d'agir civilement ; eiles reftenr après cette
fatisfaftion , & il n'y a que le prince qui puifte les
eftacer.
)» L'application de ces principes à l'efpèce pré-
[i]OraB<au,pag« 1^6.
j-utq i^oj ^n*
4^6 PRESCRIPTION.
fente eft renfilile. Il n'y a |)<s ici à (iifp.i)ter , pour
favoir fi la Piefcription de trente ans a remis le fieur
d'Acheux dans le premier étar.
» Il ne s'eft pas repréfenté pendant les cinq ans
pour fe jufiifîer , & par-là il doit être réputé mort
civilement du jour de l'exécution de la fentence de
1688. Après les cinq ans, il n'a pas demandé des
lettres d'efler à droit pour fe purger ; il ne rapporte
point de lettres du prince qui l'ayent remis en fon
premier état ; il ne peut dire par conféquent qu'il
Ibitdans fon premier état ; il n'y eft pas effeélive-
ment.
i> Pourroit-on en douter , lorfque de fon aveu
fait dans fa requête du 3 i janvier 1735 , & fur l'ap-
pel de la fentence du 9 février dont il s'agit , il eu
refté pendant trente ans dans l'état de mort civile ;
que cette incapacité lui a fait perdre la fucceflion
de fon père & d'une tante qvii font décédés dans
les trente ans. Il ne peut d'ailleurs prétendre que
l'infamie réfuhante de la fentence de 1688, foi t ef-
facée, la nature de fa condamnation oblige même
d'obferver qu'il y a d'autres taches fubfiiiantes.
» Donc aux termes de l'ordonnance de Moulins,
de la déclarationde i63Q,& l'ordonnancede 1670,
il eft aéluellement dans Térat de mort civile , quoi-
qu'il fe foit libéré de la peine de mort par la Pref-
cription de trente ans. Donc il a été jugement dé-
claré non-recevable dans la demande qu'il a formée
au bailliage d'Amiens, pour être admis au partage
des biens de fa mère & de fes frères & fœurs qui
font décédés depuis trente ans , après la fentence
de i688.
» 2°. C'efl dans le droit romain que le fieur
d'Acheux cherche le fonds de la Prefcription qu'il
oppofe , & il argumente de ce qu'à l'exemple des
Grecs, on y a reçu la Prefcription de vingt ans
contre le crime , & la Prefcription de trente ans con-
tre la condamnation. Il cite Démoflhenes pour les
Grecs , Cicéron pour les Romains ; il fait aufli quel-
ques raifonnemens fur la loi quatrela, au code, ad
U^cm Corneliam de falfis , fur la loi troifiéme, au
code , dt Pra/criptionil/us 30 vel 40 annorum.
» A juger du fentiment de Démofthenes & de
Cicéron , par le rapport qu'en a fait le fieur d'A-
cheux , 11 ne peut en tirer aucun avantage , parce
que l'un auroit parlé du malheur, des remords,
des inquiétudes , du défefpoir qui accompagnent
l'accufé Ad^ns fa fuite , l'autre auroit parlé du cas où
il ejl queflion de la sûreté de la vie : ces idées ne s'ap-
pliquent qu'à la peine de la moi t naturelle dont il
ne s'agit pas ; elles ne décident rien pour la mort
civile dont il s'agit uniquement.
» La loi quctrela ne peut fervir au. fieur d'A-
cheux , parce qu'tUe n'a lieu que pour les fimples
aéiions criminelles , dont l'extinsflion qui fe fait par
la Prefcription de vingt ans , laiffe l'accufé au même
état qu'il étoit avant le crime ; il n'en eft pas de
inêiae lorfqu'il eft intervenu un. jugement définitif
qui a été exécuté par effigie ; alors il faut trente
»nspourprefcrire, & cette Prefcription n'éteint ni
PRESCRIPTION.
le crime ni le jugement. "Voyons ce qu'elle peut
opérer dans le droit romain pour les condamna-
tions que le jugement prononce , ou pour les effets
qu'il produit.
M II eft de principe dans le droit romain, & ce
principe eft reçu chez toutes les nations, que pour
s'affranchir d'un droit pajfif ^ d'une telle charge, d'une
re//<yerv//«^e, par la Prefcription de trente ans, il
faut en avoir poffédé la libération pendant trente
ans. Le fieur d'Acheux convient que par la fen-
tence de 1688 , il eft tombé dans l'état de mort ci-
vile, qne pendant les trente ans il n'en a pas pof-
fédé la libération. Delà il fuit qu'il ne s'en eft pas
affranchi par le laps de ces trente ans.
» Il dit qu'il n'a pas exécuté fa condamnation
pendant trente ans , & il prétend que par-là il s'eft
libéré, non-feulement de la mort naturelle, mais
auftî de la mort civile.
>» La maxime du droit romain , tantum prxfcriptum
quantum pojjiffum (autant prefcrtt que poffédé ) ,
qu'on fuit en France & chez toutes les nations , fert
de folution à cet argument. Il eft vrai que le fieur
d'Acheux n'a pas exécuté fa condamnation pour la
peine de mort naturelle pendant trente ans ; voilà
ce qui fait qu'il s'en eft affranchi à perpétuité par
la Prefcription de trente ans ; mais il a perpétuelle-
ment exécuté fa condamnation pour la mort civile
pendant les trente ans; c'eft ce qui fait que cette
Prefcription ne peut lui fervir pour l'affranchir de
la mort civile.
>» Le droit romain fournit d'autres argumens
auxquels il n'eft pas poftîblc de réfifter. Il eft dé-
cidé par la loi 29 ,^ de pcenis , que le condamné à
mort perd la vie civile à l'inftant de fa condamna-
tion , & que cette peine précède la mort naturelle ,
quelquefois pendant long-temps (i).
Delà il fuit que la peine de mort naturelle &
celle de la mort civile, font deux fortes de peines
diftinguées, dont l'une peut fubfifter fans l'autre ,
quoiqu'elles ayent le même principe : par une fuite
néceffaire , l'homme condamné à mort peut pref-
crire contre la mort naturelle fans prefcrire contre;
la mort civile.
» D'Argeniré , dans fa première confultatîon ,
applique cetic loi aux fentences de mort rendues
par contumace , qui, fuivant notre ufage , s'exécu-
tent par effigie, & il dit que , quoique les condam*
nés ne meurent pas , ils font tenus pour morts ,
efclaves delà peiqe, incapables de tous effets civils ,
de tous droits, de tous honneurs ; que cette peine
eft perpétuelle , qu'elle eft immuable , qu'elle fuit
les condamnés en tous lieux , à moins qu'ils ne fe
juftifientounefoient reftitués par lettres du prince.
» Par la loi première , au digefte , de bonorum
pojfejfione eontrà tabulas, paragraphes 8 &9,on
[l] Qui uhimo fupplicîo damnancur, flatim, & civitatem ,
&: libettitem amitcunt , itaqiie hic cafus prœoccupat mortem
èi. noa nuniuain longuni tem^ui occupjt.
voit
PRESCRIPTION.
'<>«>ît que chez les romains les condamnés aux mi-
res ou fettLement à la déportation, avoicnt bc(oin
<!e la reAitution du prince , pour jouir des effets
de la vie civile, ^i rtjlttutifint.
•>■> Aux termes de la loi 3 , au code , de gemrali
aboiuioïc, l'indulgence du prince n'affranciiilToit
que de la peine, ixsnx <;r.iiijin fasit , ce qui s'en-
tend , fuivant D(^nis Godefroy , de la peine corpo-
relle ( pan-im carpjrulem ) , de la il fuit que les au-
tres peines reftoient fur les condamnés : la loi le
décide formellement, en difant que la peine d'in-
famie n'eft pas effacée , nec infamiam criminis loLiit.
Elle dit même que l'indulgence du prince note les
condamnés , i^uos libérât , notât.
>» Il eA certain néanmoins que parmi les romains ,
le prince pouvoit reftituer les condamnés en entier;
cela efl établi par la loi première , au code , de j'cn-
tentiam pajjîs 6* Tejïitutis ; mais pour qu'un con-
damné fût reftitué en entier , il falloit , fuivant cette
même loi ,que le prince eût parlé en ces termes:
Honorihui 6» ordini tuo , 6* omnibus cateris te rejïituo.
( je vous reflitue dans vos honneurs , dans votre
rang , & à tous effets ). 11 eft dit dans la loi 5 , au
xnême titre, que le condamné aux mines ne pou-
voir obtenir la reflitution de fes biens qui avoient
été juftement confifqués, à moins que le prince ne
la lui eût accordée fjjécialemenr, nifi fpeciale benefi-
cmm fttper hoc f ne rit impetratum.
» Le fieur d'Acheux ne s'étant pas juftifié, &
n'ayant pas obtenu des lettres du roi pour être ré-
tabli dans l'état dont il jouiffoit avant la fentence
de 16S8, il s'enfuit, à raifonnerde fa fituation par
les difpofitions du droit romain , que pour être li-
béré de la peine de mort naturelle par la Prefcrip-
tion de trente ans , il ne left pas des autres peines
^ue fon crime a produites , fmguliérement de la
mort civile.
3°. Après ces détails , M. Sicaud paffc à la ju-
rifprudence des arrêts, & fait voir que celui du
15 mars 1665 rappelé ci-deffiis , a décidé la quef-
tion , quoique pour une fucccllion échue avant la
la Prefcription acquife, puifqu'il a jugi que cette
Prefcription n'efface point la mort civile , & ne
produit que l'impunité du crime.
Le ficur d'Acheux, ( continuoit M. Sicaud ),
veut que tout foit éteint par la Prefcription , 6c
les peines, & la fentence & le crime; par les
arrêts , il eft décidé que la fentence fubfifte & doit
fubfifter à perpétuité ; que le crime ne pourroit
être aboli que par des lettres du prince , & que n'y
ayant pas de lettres du prince, la mort civile,
l'iafamie , la flétriffurc fubfiftent. L'arrêt même
du II mars i6}2 qu'il cite, en eft une preuve,
puifque , lors de cet arrêt , M. le premier-préfident
étant aux opinions, demanda fi le condamné avoit
obtenu des lettres ; à quoi fon Avocat ayant ré-
pondu que non, il fut déclaré non - recevable à
recueillir les fuccefiions de fes parens décédés
après les trente ans.
4". M. Sicaud fait voir enfuite que pour bien
Tt>me XIII.
PRESCRIPTION.
45T
entew^rc les fentimens de Meflieurs lôs avocats-
généraux , Servin &c le Bret, qu'oppofe le fieur
d'Acheux j il faut obferver que dans une fentence
de condamnation à mort , il y a la peine de mort ,
la confii'cation , l'amende, les intérêrs civils, les
dépens , l'incapacité des eiiets civils , & l'inlanùc
qui en réfultent.
« Comme ce font direrfes peines jugées telles,
dont l'une peut fubfifter fans l'autre , il faut dire
qu'on peut s'affranchir des unes par la Prefcription
de trente ans fans fe libérer des autres , & que cela
dépend de l'exécution , ou inexécution ; il faut dire
en conféquence :
Premièrement , que tout ce qiîe le condamné
à mort n'exécute pas pendant trente ans, & tout
ce qui n'eft pas confervé par des pourfultes , peut-
être éteint par la Prefcription.
Secondement, que tout ce qu'il exécute pen-
dant les trente ans, ou qui eft confervé par des
pourfuitcs, ou des minorités, ne laiff: pas de fub-
fifter, pendant les trente ans qu'il exécurc la mort
civile : donc il n'en acquiert pas la libération par
la Prefcription de trente ans , qui le libère des
peines corporelles.
M. Sicaud montre après cela que Barder ne rip-
porte pas fidellement le fentiment de M. Talon
dans la caufe jugée en 1732; qtte fon erreur eft
prouvée pir l'arrêt dont le ft;,'ur de la BoifTiere
avoit levé un* expédition ; que d'ailleurs dans Bar-
det même ,& dans la caufe de Guerou , jugée pat*
arrêt du 23 Juillet 1626 , M. Talon dit que le con*
damné demeure perpétuellement incupuble des effets
civils , s'il ri\jl entièrement refiitué 6* pjyi.
» A ces hommes illuftres , il faut joindre M l'a-
vocat général le Nain , dont les vertus de tout
genre ont fait l'objet de notre amour & de notre
refpefl. Qui pourroit avoir oublié l'attention qu'il
avoit d'initruire le barreau fur-tout ce qui pouvoit
regarder l'intérêt public .'' Il le fit dans iiTie cauf«
jugée par arrêt du 25 inars 1709 , rapporté au
journal des audiences.
<c 11 s'agWlbit de la capacité des cnfans d'uit
homme condamné à more qui s'étoit marié danj
les cinq années de la contumace. Se étoit décédé
fans s'être repréfenté dans les cinq ans.
« Deux queftions furent propofées entre plu-
fieurs autres; l'une étoit de fçavoir fi les enfans
font incapables de fucceftlon collatérale , ainfi que
de la fucceftlon de leur père condamné .'' Nulle
différence dit M. le Nain dans le principe , parce
qu'un condamné à mort qui décède apiès les cinq
ans, perd le droit de cité ; & l'ordonnance de 1639
dit, toutes fuccejjlons.
« Une féconde queftion fut de fçavoir, fi pour
affurer leur état , les enfans pouvoient prefcrire le
crime de leur père par trente ans. M. le Nain dit
que fi la Prefcription de trente ans avoit été ac-
quife parle défunt, la queftion feroit plus difficile,
quoiqu'on pût dire , que fi on prefcrit la peine du cri»
rne , on ne prefcrit point pour acquérir le droit de cité»
M m m
•45S
PRESCRIPTION.
« M. de Catellan , tom. i, livre 2,jBhapitre
68 , dit que rabfolutlon du condamne à Mbn a un
cfFet retrc)a(5^if pour les fuccelTions échues pendant
la contumace; mais lorfqu'il demande fi la Pref-
crlption de trente ans aura le même efïet , il réibut
le contraire , & les raifons qu'il en rend font, que
la Prefcription de trente ans eu. une exception que
le temps fournit au prévenu, pour le mettre à cou-
yei't de touto pourfuite ; que ce n'efl pas une
innocence jufliHce,que c'eft un payement de la
peine due au crime, lequel ci} préfumc fait par
les craintes Si les inquiétudes du prévenu pendant
les îrcn:e ans. Il le compare à celui qui prefcrh
ii'it créance ordinaire.Towit's Qcs raifons concourent
à décider que le condamné à mort eft incapable des
fuccenions échues depuis la Prefcription de trente
ans; Se elles confirment une partie des moyens
du fieiir de la Boifllere.
» Le Brun dans le traité des rucccfTions , livre i ,
chapitre 2 , feâion 3 , diftinâion 3 , nombre 1 1 ,
Bafnage fur l'article 13a de la coutume de Nor-
mandie, & Domat, partie 2, livre 1 , titre 1, feélion
2 , article 36, font du même fentîment.
» On trouve dans les ordonnances , & dans
toutes les loix la nécefTité d'en conferver la vi-
gueur, l'inconvénient de remettre pleinement les
condamnés à mort dans leur premier état apiès
trente ans; rutiliié de laifîcr les familles dans l'ordre
tic fuccéder où elles fe trouvent a ;/iès trente ans ;
chacune de ces raifons & toutes cnfemble , peu-
vent avoir produit depuis quelque temps l'ufage
de ne point accorder de lettres après trente ans.
" C'eA pour le fieur d'AcIieu-f une refiburce
inutile d'alléguer cet ufage, puifqu'U ne peut en
réfulrer autre chofe ,finon qu'on doit le juger dans
l'état où il fe trouve. AviT( termes de l'ordonnance
de 1670, il eft afluellement dans l'état de mort
civile, pour ne s'être pasreprcfentée pendant les
cinq ans de la contumace; il eil par conTéqucnt
incapal)le de toute Aicceffion ».
Telle éfoit la défcnfe du ficnr de la JRoiiîîcre.
Elle étoit trop viifiorieufe pour ne pas emporter tous
ks fuiTrages ; & en effet , par arré: du 6 mars 1738,
rendu à la grrind'clîambre au rapport d'im magif-
trat célèbre, M, Severt , la fentence du bailliage
d'Amiens a été coniirraée avec amende & dé-
pens, (i)
[ij M. Richer , dans fcn tiaité Jt- la movt civile, pag. 54^,
applaudit avec rai:on à !a ju'.lice t< à l'txaAitude de cette Jé-
ci.'iou. Mais i! foutient que la jurifprudence du parlement de
Totiroffs y efl contraire. Voyons comment il Je prouve.
1! y en 3 , flit-il , trois arictj. « Le premier, qui eft du i«
» juillet 166$ , paroît d'abord avoir jugé contre notre Centi
» lïicnr : mais la condamnation n'avoit poinc éct exécutée par
=0 tiïn^.ic ; a.iiilî il n'y avoi; point de mort civile.
» Le fécond, qui eft du iS août 166^ , a jugé précifément
» contre noire fentîment , puifqu'il a décidé que la Prefcrip
» iroB. acqvîf- par ua condamné à more, ne le rend paj , i
a> cii v-ra'i ,-ïSïyi!c à fe fïiie adjageir 1« fucteCîîons échue;
» pti«ilittt irsurc ans : nais (jo'jptcs ce teccp* exp
ia rrelcrip-
:nd paj , iJ {
ons échue» f
pire j il ac- j
PRESCRIPT 1 ON.
Il paroît que le fieur d'Acheux avoit preffcntî
cet arrêt. Car , dans l'intervalle de rinftru£\ion au
jugement , il avuit pris une voie qui ouvroit une
queAion nouvelle. Le 4 avril 1737 , il s'étoit conf-
titué prifonnier à la conciergerie du palais , pour
purger la contumace.
On comprend en effet que s'il étoit parvenu à
» quicrt la capacité de recueillit ctUes qui font échues de»
" puis,
M Le troificme , qui eft du i ) août ij} i , efl pareillement
« contre notre opinion. Ainû il faut tenir pour confiant que
» la jutifprudencc du parlement de Touloufe tft contre
M nous ».
Cela n'eft pourtant pas auiTi confiant que M. Rither l'a-
vance.
D'abord , des ttois arrêts for lefquels il s'appuie , les deux
premiers ne font pas du parlement de Touloufe ; mais de
celui de Bordeaux : on les trouve l'un &: l'autre d^ns Je re-
cueil de la Peyterc , lettre P , nombre iy ^ &i lettre S , nom-
bre m.
Enfuite , le fécond arrêt ne paroît pas ruême avoir jugé ce
que lui prête M. Richer. Ecoutons la Peyrere : « Arrêt du iS
M août t(^$ -, au rapport de M. de Baiatet , à. h féconde
» des enquêtes : Matiin Moreau ayant été condamr.é .i fouf-
» frir niorc pat défaut , pour raifon d'un meurtre, et exc-
» cuié enettigie, vient apics trente ans, Se demande à fes
» frètes la poition en la fuccellîon de fes pê;e & mère , qui
» fui ctoit échue pendant fa contumace: jugé qu'il ne r"ii-
•> voit avoit part aux fucceifions échues pendant fa contu-
•• mace , ains feulement à celles qui lui pourtoient échoir
« depuis les trente ans «. Ce: arrêt a-t il vraiment décidé que
M an in Moreau avoit droit aux fucceflions çui lui pourruiinr
(choir depuii les trente ans ? Il ell difticile de fe leperfuader.
Que demandoii Martin Moreau > De^ fucccjfîons échues fen-
dant fa contumace > la fucceflicn de fes père (y mcre , rien ^e
p!u5. Les juges n'ont c'onc pas pu étendre leurdécilîon à des
objets qui n'éroient pas conteitcs. Peut-être n'ont ils fait que
réierver à Martin Moreau Je droit de faire valoir fes préten-
tions furies fucceJlîcns <;ui s'ouvrirci.'nt à l'avenir, Jes dé-
fenfcs & exceptions de fes adverfaircs fauves ; peut-être auHi
laPeyiere,en employant les mots, ains feulement a:ixfuc-
cejfions qui lui pourraient échoir depuis les trrnte ans , n'a-tii,
voulu que donner fa propre opinion fttr un peint qu'il n'a-
voit probablement pas examiné. Ce qui fortifie notre conjec-
ture , c'eit que dans un autre endroit, fous le a°. 6j de la
lettre P , il parle encore de cet arrêt , & n'en fait tomber la
déei/îon que fur les fucccfllcns échues avant les trente ant.
Voiri fes termes : " La Pre'cripiion de vingt ou trente ans
•> acquife par un condamne , ne le rend pas habile à repren-
« dre Jcs fucceflijns tchues pendant ledit temps de vingt ou
» trente ans. Ainfi jugé par a:rêr du iS août if^C^ ».
En voilà ceitainemcnt plus qu'it n'en faut pour élever dani
tout efprit raifonnable , les doutes les mieux fondés fut la vé-
ritable décilion de cet arrêt, &: empêcher qu'on ne l'employé
comme autorité fur la queflion qui nous occupe : du nioiri»
faudroicil , avant d'en faire ufage , le véiiher fur les regif-
très du parlement de Bordeaux.
KeJîe r^trci du parlement de Touloufe du ij août 173 r.
Mais 1°. M. Richer n'en irvfJique point l'efpèce ; il ne dit
pas mérue de qui il la tient , & une chofc certaine , c'ei^qu'il
n'eft rapporté dans aucun des recueils d'airêts qu'on a de ce
parlement. 1°. Nous le trouvons cité dans les mémoires taitj
en 17^7 pour Je iieui: d'Acheux, mais il n'y eft préfenté que
tomme ayant jugé qu'aprls vingt ans le crime b" Ls a^'wnf
pécuniaires font éj^alement prefcrits, 5". Enfin , ce feul arrêt
quel qu'il foit , ne peut pas former une jurifbradencs conf-
iante; &C dès-là, il n'eftpaj vrai, comme l'aHure M. Richer »
qu'iJ foit fi>njîû7ir i-juc le parlement de Touloufe atc fur notre
«juçiHon de» tnA.'dn.es cppÇ'fscià celk» doparlenacnidePaiiA.
PRESCRIPTION.
fe juflilîer , fa mort civile n'aurolt plus fubfifté , Sc
il n'auroit plus eu befoiii de tirer avantage de la
Prefcription de Ton crime.
Cette voie extraordinaire ne rencostra d'abord
aucun obftacîe. Dès le lendemain ç , il obtint un
arrêt fur requête, qui ordonna qu'il fcroit tranf-
féré dans les prifons. d'Amiens pour être fait droit
fur fa demande.
Les juges d'Amiens l'admirent effeflivement à
purger la contumace , Sc lui firent fubir interroga-
toire. Quelque jours après, ils d-clarèrent nulle
l'information fur laquelle il avoir été condamné ,
& ordonnèrent qu'on informât de nouveau.
Le fieur d'Acheux appela de la féconde partie
de cette fentence , 6c fur fon appel , il intima
M. le procureur-général.
De fon coté , M. le procureur - général forma
oppcfition à l'arrêt du 5 avril 1737, qui avoir ren-
voyé le fieur d'Acheux au bailliage d'Amiens, Si.
il fe rendit appelant de tout ce qui avoit été fait
dans ce fiège d'après ce même arrêt.
La caufe portée à l'audience de la Tournelle,
il fut queftion de favoir fi la Prefcription de trente
ans qui avoit mis la partie publique dans l'impuif-
fance de faire aucime pourfuite contre le fieur
d'Acheux , devoir par réciprocité empêcher le fieur
d'Acheux de faire preuve de (on innocence, & fi
la (ociété avoit prefcrit contre lui fon incapacité,
comme il avoit prefcrit contr'ellc fon impunif.é. Le
niiniftère public foutenoit l'affirmative fur l'un &
l'autre point.
Pour tâcher , au contraire, d'établir la négative,
M. Simon de Mofa , dét^'enfeur du fieur d'Acheux ,
diflinguoit les deux difpofitions de la fentence du
bailliage d'Amiens , dont étoit appel.
<« La première difpofition ( difoit-il ) qui dé-
clare l'information nulle , eft jufte.
'> Une information dans laquelle le greffier n'a
point figné les dépofitions des témoins , & où les
témoins ne font point interpellés de déclarer s'ils
font parens , alliés , ferviteurs, ou domefliques des
parties, qÛ nulle , & ne peut être regardée comme
une information. Perfonne n'ignore que toute for-
maliré en matière criminelle ell de rigueur , ik que
la nullité de la procédure eft de droit , s'il y en
a quelqu'une qui n'ait pas été obfervée, foit que
l'ordonnance l'ait prononcée ou non.
» Ce qui rend un criminel digne de mort, c'eft
qu'il a, pour ainfi dire, contracté avec la loi, &
qu'il s'eft foumis , dès qu'elle a été publiée, à toutes
les peines qu'elle prononce.
» Mais la loi s'eil auffi impofé les conditions
fous lefquelles elle le condamnera ; ces conditions
font les formalités.
>» Et ces formnliîés font encore plus de rigueur
en matière d'abfence , que lorfquc l'accufé eA pré-
fent ; pourquoi ? Parce qu'étanr préfent , il peut
fe d;;fendre; il faut donc lui remplacer, fi on peut,
cet avantage.
» Si ces formalités e/TentielIes manquent , il n'y
PRESCRIPTION. 459
a point d'acle , point de procédure, point de ju~
giment. Il exlfte un être phyfique , un parche'
min , mais fans force & fans vertu , incapable
de produire aucun effet ; tout eft nul de plein
droit.
» Le rien ne produit rien , ce qui eft nul n'a
point d'effet; il n'y a donc ni condamnation , ni
peine de la condamnation : la loi n'en a point pro-
noncée, au contraire elle ne l'a pu , puifqu'elle n'en
prononce que dans le cas d'une procédure vala-
ble. Elle feroit donc en contradiclion avec elle-
même , ainfi il n'y a ni contumace , ni mort civile.
Qu'on ne dife pas que c'eft fubtilitè toute pure,
c;'.la eft incontellable , ces principes font écrits
dans l'ordonnance.
j» Il ne refte donc plus qu'une jîlainte rendue il
y a près de cinquante ans, plainte ifolée qui ne
peut être le fondement d'aucune in/lruiition ; elle
eft prefcrite ;'le miniflère public, les parties ci-
viles, tous font fans aélion pour pourfuivre la
vengeance du crime qu'on fuppofe.
» Il eft donc contre la règle & contre les prin-
cipes d'avoir ordonné qu'il feroit fait une nou-
velle information.
» On doit accorder au fieur d'Acheux la li-
berté qu'il demandoit ; Si en effet dès qu'un hom-
me eft innocent, rien n'eff plus jufle que la de-
mande qu'il forme pour être mis en liberté ; com-
me, aucontraire, rien n'eft plus injurte que de ne
pas la lui accorder: or le fieur d'Acheux eu innocent
du délit porté dans la plainte de 1688 , ill'eft à fes
yeux , si dans l'intérieur de fa confcience qui ne
lui reproche rien; il l'eft aux yeux de lajuflice,
dés qu'il n'y a point de charge contre lui qui puiffe
le faire regarder comme coupable.
3> Il n'y a point de milieu entre être innocent &
être coupable; pour être coupable, il faut qu'il
foit convaincu par des charges : or ici il n'y a.
point de charges, l'information eft nulle, elle ne
peut faire preuve, elle ne peut le charger; la
conféquence néceffaire eft qu'il eu innocent ; la
preuve complette de fon innocence conHfte en
cela même , (ju'il n'y a point de preuves qu'il foit
coupable ; l'innocence elt toujours préfumée quand
il n'y a point de preuve de délit : n'y a-t-il pas
de l'injurtice, de l'inhumanité à ne pas accorder
la liberté à un innocent, à un homme contre le-
quel il n'y a Se ne peut y avoir aucune preuve qu'il
foit coupable }
)» Mais, dit-on, le fieur d'Acheux n'eft plus à
temps pour fe repréfenter ik fe mettre en prifon ,
en conformité de l'anicle 18 du titre 17 de l'or-
donnance de 1670 : il a laiiTé écouler plus de trente
ans depuis la fentence de contumace Si de fon
exécution : il a bien prefcrit contre la peine qui
eft prononcée, mais la fentence a, par le mên;e
laps de temps , prefcrit contre lui la mort civile
qui éroit attachée n la peine : il n'a plus d'être
civil pour efter à droit , il ne l'a pu que dans les
cinq ans du jugement de contumace, ou du molus
Mmmij
46o PRESCRIPTION.
il a diJ Ce préfenter dans les trente anj.
» Qu'il foit permis de dire que ces propofuions
font contraires à l'humanité. Y auroit-il donc un
temps où l'innocent injuftement condamné ne fe-
roit plus r«cevable à juftifier fon innocence ?
Nous voyons que parmi les romains , il n'y avoit
jamais de Prefcription en matière criminelle con-
tre les accufés , Si qu'au contraire la Prefcription
ctoit ouverte aux accufés contre la peine & la
pourfuite du crime. Nos lois éclairées par la re-
ligion feroient-elles donc moins juftes que celles
qu'on a faites dans les ténèbres du paganifme ?
Non , & il ne fera pas difficile de s'en convaincre.
» Premièrement ; par l'arrêt de la cour du 5
juin 1737, qui a ordonné fur la requête même
du fieur d'AcIieitx , qu'il feroit transféré dans les
prifons d'Amiens : c'eft une approbation mani-
fcfte de la démarche du fieur d'Achcux , Se une
reconnoiffance de l'effet qu'elle devoir avoir. Car
fi en fe rcpréfentant , il n'avoit pas anéanti toute
la contumace , s'il n'eût pas été à temps pour leffa
cer par la repréfentation de fa pcrfonne , on n'au-
Toit pas ordonné qu'il feroit transféré dans les pri-
fons d'Amiens ; ce n'étoit sûrement pas pour la
vindifle publique ; il n'y a plus de vindiéle pu-
blique , lorfqu'un efpace de trente ans a cou-
vert un jugement de condamnation exécuté. Ce
ne pouvoit donc être que pour donner à un ci-
toyen , à un gentilhomme , le moyen de fe juf-
tiner aux yeux de la juftice, d'un crime dont il
avoit été calomnieufcmeni accufé ; pour le mettre
à portée de fe maintenir dans un état entier , au-
quel la fentence de contumace ne peut donner
atteinte. Or , puifqu'il ne pouvoit fe maintenir
dans cet état , fans détruire Se la fentence & toute
la procédure de contumace , l'arrêt de la cour ,
en ordonnant qu'il feroit transféré dans les pri-
fons d'Amiens ( ce qu'il n'a pu faire que dans la
vue de lui procurer le moyen de fe juftifier), a
«donc reconnu que la repréfentation de fa per-
fonne détruifoit & anéantinoit la fentence de con-
tumace , & toute la procédure qui avoit été faite
depuis ce décret,
w Le miniftère public parfaitement inftruît des
règles & des principes , a été partie dans cet arrêt ;
c'eft fur fes conclufions qu'il a été rendu : il a
reconnu de même par l'arrêt, que la fentence de
contumace étoit effacée par la repréfentation de
la perfonne du fieur d'Acheux , lorfqu'il fe re-
mettoit dans les prifons du juge qui avoit jugé la
contumace, puifqu'il a donné fes conclufions pour
le faire transférer dans les prifons d'Amiens. Par
quelle fatalité ce miniftère public toujours un en
foi Se indivifible , ]X)urroit-il fe trouver contraire
à lui-même , jufqu'au point de faire entendre que
le laps de trente ans depuis la fentence empêche le
fieur d'Acheux de purger la contumace ?
i> Comment d'un côté ayant requis que le fieur
«l'Acheux qui s'étoic remis dans les prifons de la
PRESCRIPTION.
conciergerie, fût transféré dans celles d'Amiens ;
ce qui ne pouvoit être que pour purger la contu-
mace, pourroit-il dire d'un autre côté qu'il n'étoit
plus à temps pour la purger , & qu'elle étoit ac-
quife par le laps de trente années ?
»» En fécond lieu , il ne faut que lire l'ordon-
nance de 1670 , pour connoître qu'il n'y a point de
temps fixe après lequel l'accufé ne puiffe plus pur-
ger la contumace en fe remettant en état. L'article
18 du titre 17 , porte cxpmffémem, fi U comumjx ej{
arrêté prifonnier , ou fe repréfenle après le jugement , ou
rnéme après les cinq années dans les prifons du juge
qui Caura condamné , les défauts &> contumaces fennt
mis au néant en venu de notre préftnfe ordonnance , S-c,
»» Ces termes, ou même après les cinq années , ne
reçoivent aucune reftriélion ; ils font même expri-
més dans l'ordor.nance , à l'effet exprès que les ac-
cufés aient à perpétuité une porte ouverte pour
juftiF.er leur innocence.
»> Qu'on ne dife point que les accufés n'ont cette
reffource que pendant les cinq ans qui fuivent le
jugement de contumace , & qu'après les cinq ans
ils ont befoin de lettres du prince pour efler à
droit, fuivant l'article 28 du même titre 17 de l'or-
donnance ; ce feroit une fauffe application de cet
article , qui ne parle que des condamnations pécu-
niaires , amendes & contifcations , & nullement
des peines publiques contre lefquelles l'article 18
admet toujours le retour en faveur des contumax
qui fe repréfentent pour anéantir, par leur repré-
fentation , toute la contumace. L'article 28 porte
que fi le contumax ne fe repréfente dans les cinq
ans , les condamnations pécuniaires, amendes &
confifcations font réputées contradifloires , fi le
contumax n'obtient des lettres du prince pour cflef
à droit.
» Ces lettres ne font néceffaires & n'ont d'effee
que pour anéantir les condamnations pécuniaires >
amendes & confifcations prononcées , mais non
pas pour anéantir le jugement de contumace : fi le
contumax veut recouvrer fes biens , meubles &
immeubles confifqués , il ne le pourra pas, par le
feul effet de la repréfentation de fa perfonne, &
par le feul effet de l'anéantiffement du jugement
de contumace , il a befoin des lettres du prince
pour efier à droit ; mais s'il ne veut qu'effacer le
jugement de contumace , fans toucher aux con-
damnations pécuniaires , amendes & confifcations ,
il ne faut confulter que l'article 18 , qui ne fait au-
cune différence entre les cinq ans & le temps pofié-
rieur pour être reçu à fe repréfenter & à purger I»
contumace par fa repréfentation. Il eft recevable
même après les cinq ans à fe repréfenter , fans
qu'il lui foit enjoint d'obtenir des lettres du prince
pour efier à droit : il lui fuffit de fe repréfenter
pour anéantir tout défaut & contumace , fant
qu'il y ait aucune condition fans laquelle la con-
tumace ne feroit point effacée.
» Cet article & l'arrêt de la cour du ç juin 1757..
répondent parfaitement à cette prétendue Prefcrip
PRESCRIPTION.
tîon acquife par le laps de trente années depuis le
jugement de contumace contre l'accufé condamne ;
pinlqu'il n'y a point de temps préfix au-delà du-
quel IViCcuré ne fait plus en état de Te repréfen-
tcr,& de meure au néant \cs défauts & la contu-
mace ;& l'arrêt de la cour reconnoît qu'il a cette
faculté , & qu'elle n'a jamais pu être prefcrite con-
tre lui , en cela même qu'il ordonne qu'il fera
transféré dans les prifons d'Amiens.
» L'ordonnance ne fait point de différence pour
la repréfentation , foit avant , feit après les cinq
ans i elle n'en fait point après les cinq ans dans
aucune époque: parles termes après Us cinq ans ,
elle comprend tout le terme de la vie de l'accufé
(ans aucune reftri^lion,
" Et quelles feroient les conféquences d'un prin-
cipe contraire ? Si la Prcfcription excluoit le con-
tumax de (c repréfenter après les trente ans ; s'il
étoit vrai que la condamnation exécutée par effigie
eût acquis la force de chofe jugée contre laquelle
on ne pût revenir, le public auroit donc acquis
contre le condamné une Prefcription trcntenaire ,
pour le forcer de demeurer irrévocablenient/frvwj
pa-nx; le condamné auroit donc acquis lui-même
le non erre par Prefcription , quelqu'innocent qu'il
ait pu être dans le principe. Il fera donc déterminé
qv.'il doit demeurer à perpétuité condamné comme
coupable: il pouvoit , avant l'expiration des trente
ans , manifefter viâorieufement fon innocQ/ice , &
fe reftituer à la vie civile en fe repréfentant. L'expi-
ration des trente ans aura donc rendu fa condam-
tion à mort irrévocable. 11 y aura donc un temps
au-delà duquel l'innocent ne pourra plus élever fa !
voix pour manifï-rter fon innocejice. Qui o(c pro-
poler un principe dont on tire des conféquences fi
contraires à toute humanité, à toute jurtice ? L'in-
nocence ne fera-t-elle plus recevableà fe purger
d'une accufation calomnieufc } Cela choque la rai-
fon & le bon fens.
» Et d'ailleurs quelle Prefcription pourroit avoir
acquife une fcntence de condamnation formée fur
une information nulle ? A-ton pu afleoirune con-
damnation fur une telle information ^ La condam-
nation n'efl elle pas nulle dés fon principe , en cela
niêmc qu'il y a défaut de preuves .?( La nullité de
l'information n'opère-t elle pas le même effet que
fi jamais il n'y avoit eu d'information ). Or, fi la
condamnation eft nulle dès fon principe , elle n'a
pu acquérir parle laps de trente ans un degré de
force & de validité qu'elle n'avoit pas.
>» Ajoutons même que l'allégation qu'un accufé
fait de fon innocence, eft une exception contre
l'action qu'on veut faire naître contre lui du crime.
Or, l'exception , dans le principe de droit , n'eft ja-
mais fujette à Prefcription , quod temporale ejl ,id
tf^cndum , perpauum tfl ai excipicn.ium : d'où il fuit
que jamais on ne peut oppofer au fieur d'Achetix
aucune Prefcription pour l'empêcher de montrer
(on innocence ; que par conféquent on ne peut lui
PRESCRIPTION.
461
JnterJire , par le moyen de la Prefcription , la fa-
culte de fe repréfei ter à cet ertet , ik de purger fa
contumace par fa repréfentation.
» Dire qu'après trente ans l'accufé n'a plus d'être
ci%'il peur eHer à droit, & que par conféquent il.
ne peut pas fe repréfenter , c'eA vouloir abufcr des
termes , Se chercher à s'abufer foi-même : le con-
tumax , pendant les cinq ans après le jugement, a-
t il moins perdu l'être civil ? N'eft-il pas mort civi--
lemcnt par 1 exécution du jugement , de même que'
s'il y en avoit trente que le jugement eût été rendu ?
Acquiert-il un degré de mort plus ineffaçable après
le laps de trente ans ? Efl il plus mort qu'il ne
l'éioit auparavant ?
» L'incopvcnient d'ouvrir une voie aux crimi-
nels peur éviter la rigueur des lois , toutes les fois
qu'ils trouveront moyen de laiffer écouler trente
ans, fans porter la peine de leur crime , ne mérite
ici aucune attention; fi le fyflémedu fieur d'Acheux
ouvre une voie aux coupables pour éluder la puni-
tion , le fyfféme contraire accableroit l'innocence
en l'empêchant de fe jiiflifier.
Or , il n'y a perfonne qui ne fente au fond de
fon cœur, combien il feroit iiijurte de fermer à l'in-
nocent condamné la voie de fe juftifier; quelle
honte feroit- ce pou.r l'humanité , û les lois avoient
fixé un délai au-delà duquel fes plaintes 6c fa jufti-
fication feroient inutiles & rejetées !
j> La crainte de fauver un coupable ne doit ja-
mais l'emporter fur le devoir d'écouter linnocent
dans fa juflification.
» Le fieur d'Acheux fe repréfente pour fe ju/li-
fier de l'accufation calomnieufe d'un crime pour
lequel il a été condamné fur une procédure nulle ;
fa voix fera-t-elle étouffée , parce qu'il n'eft plus
dans les cinq ans , parce qu'il n'eft plus dans les
trente ans depuis le jugement ? On ofe dire qu'une
pareille propofition bleffe la religion , révulte la
nature & l'humanité.
)) On fait au fieur d'Acheux une autre objciîlion
pour foutenir qu'il ne peut pas fe repréfenter. On
lui dit qu'il ne peut pas fe repréfenter devant ua
juge qui ne peut ici le condamner ni l'abfoudre;
que le juge ne le peut condamner à caufe de la
Prefcription, & qu'il ne peut l'abfoudre, parce que,
fuivant la maxime de droit , celui qui ne peut con-
damner , ne peut pas abfoudre.
» Il ne faut que préfenter la maxime de droit
telle qu'elle eft pour répondre à cette ohje£lion ;
c'eft la loi 37 ,^ de diverjîs regulis juris. Elle ne dit
point, qui condemnare pottjï , ahjolvere non poiefl ;
mais, riemo qui condemiare potefl , abfolverenan potejî.
La véritable traduflion de cette loi, eft que quicon-
que a le pouvoir de condamner, doit néceffaire-
ment avoir le pouvoir d'abfo'idre : or , il eft conf-
iant que le juge devant lequel le fieur d'Acheux fe
repréfente a le pouvoir de con-lamner, &. par con-
féquent qu'il a auffi celui d'abfoudrt. Il eO vrai que
ce ju^e ne peut pas condamner le fieur d'Acheux à
4^1
PRESCRIPTION.
cauie delà Prcfcription ; mais il ne s'enfuit pns
qu'il n'ait pas dans (on miiiiftère le pouvoir de le
condamner, s'il y avoir des preuves contre li;i.
Ceu fur le pouvoir en général feulement que
frappe la maxime de droit , & non pas fur ce que
le juge ne peut faire relativement à un tel cas.
" Par exemple , un juge qui a le pouvoir de con-
damner & d'abfcudre , ne peut pas condamner , s'il
ny a point de preuve. Il feroit ridicule de dire
fju en ce crîS il ne peut pas :;bfoudre , parce qu'il
eu vrai de dire qu'il auroit le pouvoir de condam-
rer, s'il y avoir des preuves fuftîfantes. lien cft
de même lorfque le juge ne peut pas condamner à
cauîe de la Frcfcriprion il ne s'enfuit pas qu'il
n'ait pas le pouvoir d'abfoudre ; de ce que la Pref-
cription l'empcclie d'exercer le pouvoir de con-
damner , il ne s'enfuit pas qu'il n'ait pas ce pouvoir,
parce qu'il l'auroit , ceiTant la Prefcription ; c'eft là
procifément le cas d'appliquer la maxime de droit ,
ncmo qui condcmnarc petcjl , u^Jolvcre non polcjl ; puif-
que le juge auroit le pouvoir de condamner cefîant
la Prcfcription , il ne peut pas ne pas avoir le pou-
voir d'abfoudre.
» Ainfj, on ne peut pas dire que le fieur d'A-
cheux fe repréfcnte devant un juge qui ne peut ni
le condamner, ni rabfoudre ; le juge a confiam-
jnenr le pouvoir de le condamner, & il le pourroir ,
cefTanr la Prefcription ; par conféquent il a le pou-
voir de l'abfoudrc ; d'où il fuir que la propofjtion
qui lui efl oppofée ne peut proiluire aucune in-
duâion qui le rende non-recevable à fe repréfenter
pour purger la contumace,
>» Dès qu'il lui eft permis de fe repréfenter , il
fuit néce(rairrment qu'en fe repréfentant, il anéan-
tit toute la procédure de contumace ; qu'il n'auroit
plus contre lui que l'information décrétée , fi elle
étoit valable , & que l'information étant radicale-
ment nulle, il eft néceffaircment innocent, par ce-
la' même qu'il n'y a point de preuve qu'il foit cou-
pable.
n On ne peut s'attacher à aucune préfomption
pour laifTer même le moindre fcupçon contre lui ;
ce n'eft point par des préfomprions qu'on peut atta-
quer l'mnocence d'un citoyen, il faut des preuves,
& des preuves démonftratives , juridiques , & faites
dans les formes prefcrites par les ordonnances ; fi
les preuves n'cxiftent point , fi elles ne font vala-
bles , \çi préfomptions ne peuvent être qu'en fa-
veur de fon innocence. On n'a pas befoin de prou-
ver qu'on eft innocent , & au contraire , il faut
qu'il foit prouvé clairement qu'on ert coupable ;
combien ne doit-on donc pas être furpris que le
xninifiére public , obligé par état à ne connoitrc de
coupable qu'autant que la preuve efl m..Tnifef}e&
t\Vi.Q les informations font valables & concluantes ,
ait néanmoins voulu faire tomber furie fieur d'A-
cheux la préfomption du crime, en conféquence
d'une information radicalement nulle ? La f^ vérité
de fon miniRère ne peut pas l'autorifer à cela.
« Le miniftère public, comme le juge , ne peut
PRESCRIPTION.
Ifi préfumer qu'innocent , dès qu'il n'efl pa? prouvé
qu'il eft coupable: or, dans l'efpèce prélente, nulle
preuve que le fieur d'Acheux foit coupable ; l'in-
formation faite en i68i^ eft nulle , & doit être re-
gardée comme n'ayant j"m..i5 exifté : la confé-
quence néceftaire eft qu'il eft innocent ; donc point
de préfomption qu'il foit coupable : le crime ne fe
préfume point ; on n'eft point coupable s'il n'eft
prouvé qu'on l'eft ; le corps du délit aura beau être
certain, s'il n'y a point de preuve contre quel-
qu'un , il ne peut y avoir d'imputation de crime :
tout fe réunit alors pour juftiner linnocence.
•>i On ne doit point être étonné que le fieur
d'Acheux , quoiqu'alfuré de fon innocence, s'op-
pofe à la nouvelle information qui eft ordonnée par
la fentence du juge d'Amiens.
•n S'il s'étoit trouvé vis-à-vis d'une information
valable fur laquelle on l'auroit décrété , il auroit eu
un intérêt fenfible de taire voir la îaulieté des de- .
pofitions des témoins , 6i. de moptr?r (on inno-
cence dans un interrogatoire où il auroit renverfé
ces dépofitions : c'eût été le parti qu'il auroit pris,
fi l'information eût été valable.
» Mais l'information étant nlille, il n'y a plus de
dépofuion contre lui : pourquoi voudroiton l'obli-
ger de fe faire un nouveau fantôme pour le com-
battre? Urie information valable , quoique prefcrire
& impulftante pour lui faire fiibir la peine du crime ,
ei't été i^n monument qu'il auroit eu intérêt de dé-
truire ; un honnête homme, &. fur-tout wn gentil*
homme, doit effacer les imprefllons qu'on pour-
roit prendre contre lui par l'imputation qui lui eft
faite ù\\n crime, quoiqu il ne foit plus permis d'en
faire la recherche; mais une information nulle, &
déclarée telle par les premiers ji'ges, n'eft rien;
c'eft comme s'il n'y en avoir point eu ;& n'y en
ayant point , ce feroit un aéle illufolre que de de-
mander qu'on fit la preuve de faits énoncés dans
une plainte rendue il y a près de cinquante ans ,
puifque le fieur d'Acheux feroit fans aélion pour en
demander la réparation, comme le minifîère pu-,
blic & les parties civiks , s'il y en avoir , feroient
fans aflion pour en pourfuivre la vengeance.
jj D'ailleurs y a-r-il perfonnc au monde qui vou-
lût rifquer l'intégrité de fon état & fa réputation
fur wne information de faits, dont il faudroit que
des témoins euftent gardé la mémoire préfente de-
puis cinquante ans pour en pouvoir dépofer fidè-
lement.
5) Le fieur d'Acheux n'ayant contre lui qu'une
plainte fiérile, anéantie par kh laps de temps auffi
long ; plainte deftiiuce de toutes preuves dès (oa
principe, la préfomption de Çon innocence lui eft
irrévocablement acqnife après un aufîi long- temps;
il eft à l'abri non-feulement des peines, mais même
de tout reproche.
)) Il ne doit pas, pour conferver l'intégrité de
fon état qu'une information nulle & une contu-
mace anéantie n'ont pu troubler, eftiiyer les lon-
gueurs d'une nouvelle inftruélion , ^ans les horreurs '
PRESCRIPTION.
d'une prlfon , où, accablé d'infirmités & d'années,
}\ hifîeroit en mourant cette intégrité d'érar à (a
famille , fans en avoir recuilli lui même le fruit ;
il n'a déjà que trop foi;fFerr , par le dérangement de
fa fortune, pour u.t crime imaginaire , dont il ne
fut jamais auteur ni complice.
" Il c(ï temps de le rendre à fa famille, à lui-
même. On Ole dire que iétat déplorable dans le-
quel il eu , l'exige de la jiiilice; gémiffant en pri-
fon à l'âge de foixante-d.x-liuit ans, fans aucun
décret qui fubfifte contre lui, fans aucune preuve
qui puifTe détruire la préfomption de fon innocen-
ce , il a droit d'efpérer que la cour le tirera d'une
fituation auili trifte Si auilvcruelle ».
Telle a été la défenfe du fieur d'Acheux. M. l'A-
vocat général d'AguefiéaU , fon feul adver.aire ,
a établi en premier lieu , que quand il s'^giiToit de
l'intérêt public , M. le procureur général éroit tou-
jours en droit de former oppofition aux arrêts con-
tradifloires rendus avec lui , 6i qu'il ne pouvoit être
queftion en pareil cas que de favoir fi les moyens
d'opnofuion étoient juftes.
Il a établi en fécond lieu que les condamnés par
contumace, aux termes de l'article 29 du titre 1 7 de
l'ordonnance de 1670 , étant réputés morts civile-
ment du jour de l'exécution figurative de la fen-
tence , lorfqu'ils ne s'étoient point confiitués pri-
fonniers, on qu'ils ne s'étoient pas repréfeniés dans
les cinq ans de la contumace , ne pouvoient après
ce temps, fuivant les articles 18 oc 28 du même
titre, fe préient.r pour fe purger fans avoir des
ktrrcs (.lu prince.
Troifiémement , 11 a prouvé que les condamnes
par contumace ne pouvoient, après les trente ans ,
è're admis à purger la contumace, par la raifon
qu'on ne peut les condamner au moyen de laPref-
cription de l'accufarioc! acqutfe parle laps de trente
ans,& qu'en tout temps M. le procureur général
s'oppoferoit à ce qu'im condamné à mort renonçât
à cette Prefcription , parce' qu'il n'eft pas le maître
de fa vie, nerno .ntdicur perire volcns.
Eh ! comment (a ajouté M. l'Avocat général ) ,
concevoir qu'il peut , après ce temps, fe repréien-
ter ? S'il le pev.t , il faut l'envifager comme inno-
cent ou comme coupable. Point de milieu.
S'il eft innocent, il femble d'abord qtf on doive
fe porter avec empreffement à l'abfoudre. Cepen-
dant pour pouvoir l'abfoudre il faut qu'on puifle
le condamner s'il eft coupable. Il faut qu'il y ait
réciprocité : autrement, tout l'avantage fercit de
fon côté : or, il n'efl pas pofTible qu'on ne puifle
ie jirgcr que dans le cas qu'il ieroit innocent. De-
là , la maxime cjuï non potcfl condemnnre non potefî
abfolvere : la réponfe qu'on y a faite eft plus fubtile
que folide. Pour entendre cette max'tme dans fon
véritable fens , il faut précifément qu'un juge ait le
pouvoir , dans la mémeaccufation , d'abfoudreou
de condamner l'accufé. C'efl dans ce point qu'on
doit fe renfermer. Il tant que les pouvoirs d'abfou-
dre ou de condamner ioientc^aux départ & d'au-
PRESCRIPTION. 463
tre ; & qu'il n'y ait que l'innocence qui empêche
de condamner , & le crime d'abfoudre. Examinons
donc ce qui pourra arriver s'il eft criminel , & c'efl
cette dernière hypothéfe qui doit décider.
S'il efl coupable , en fe repréfcntant , il fait tom-
ber la contumace , aux termes de l'ordonnance ,
Se , à caufe de la Prefcription , on ne peut pronon-
cer contre lui aucune peine. Il n'eft pas en ion pou-
voir de renoncer à cette Prefcription ; il eft cepen-
dant coupable , & on ne peut pas le condamner.
Ainfi, tju'il fi'it criminel ou non, il faudroit tou-
jours l'abloudre. De-là, quelles conféquences, pnif-
quc l'accufé fera toujours sîjr de tout anéantir au
bout de trente ans,
M. l'avocat générjl a ajotttè que la mort civile
n'eft pas une fiction , une peine comminatoire ,
que c'étoii la mort naturelle exécutée autant qu'elfe
pc/uvoit l'être.
D'après ces confidéraMons , arrêt du 7 fcptembre
1737 , qui reçoit M. le procureur général oppoia;-!!
à l'arrêt fur requête du < juin , Si appelant de tout
ce qui a été fait en execunon de cet arrct an bail-
liage d'Amiens ; faifant dro;: fur le tout , fans s'ar-
rêter à l'appel du fieur d'Acheux , évoque le pzin-
c pal, & y faifant droit, déclare le fieur d'Acheux
non-recevable dans fa demande à fin de purger la
C'jntiiniace , & en conféquence ordonne que les
piifoiis lui feront ouvertes.
Il rcile fur toute la matière que nous venons de
traiter , une diificulté très-importante ; c'efi de fa-
voir s'il faut que les vingt ou trente ansfoient com-
plets , pour que les Prelcriptlons dont nous avons
, parlé aient lieu , ou s il luftit que le premier jour
de la vingtième ou trentième année foit com-
mencé .''
Vedel fur Catellan , livre 7 , chapitre i , cm-
brafîè le premier parri , mais fans examen , f<ns
dilcudion, & fur le feul fondement d'un axiome
de droit qui ne p :ut être appliqué qu'à un petit
nombre de cai (î).
Aiifii Raviot , quefîion 256, nombre 50, rap-
porte un arrêt du parlement de Dijon du 25 juin
1670, qui juge formellement le contraire. C'efl
même ce qu'avoir précédemment cnfeigné Julius
Clarns, queft. 52 , nombre 3; & Seipillon , dans
fon code ciiminel , page S28 , dit que c'efl la ju-
rijprudence desarrê's nouviLiux.
§. IX. De la Prejcription des inflûnces & des ji^f^t'
ui^ns.
I. On ne doit pas confondre , en fait d'inflaBcei ^
la Prefcription avec la péremption.
Une inilance efl périmée , de droit commarr ^
par le laps de trois ans ; & dms la coutume de
Hainaut , par le terme de quatre années.
li^Annvs înctptus Imherur pro- ecmplero. Vcyez fttr ce:
a.f'one Voac , lu Jl;5ciV'; , titre de 1ht fi: cempora ib%i- fxtep-
l'jn'.txu:, 5. DunoJ > dis Frf/ci ; ;.■:);- nj pwtie i, cbapûee
ci.-rnuu
4^4
PRESCRIPTION
Mais elle n'eft prefcrite qu'après une ceflaîîon
de procédures pendant tout le temps requis , foit
far le droit civil , ioit par les coutumes , pour la
refcription des actions perfonnclle').
Nous ne nous arrêterons pas ici aux rèi;les qui
gouvernent h nuitière dcj pcrcnintions d infla.'i-
tes : elles font détaillées l'on» le m;;t PePvEMPTION".
Quant à la Prefcription , elle s'encourt par !e
terme dont ou vient de parler , dans les cas & dans
les li-:ux où le laps de trois Se de quatre ans n'opère
point de péremption.
Ainfi quoique le parlement de Flandres n'ad-
mette point de péremption , il ne Inifl^e pas. comme
tous les autres tribunaux , de recevoir la Prefcrip-
tion dinftance & de lui donner tout fon efiet.
Voyez l'ÉREMPTlON.
Autre exemple. La mort de l'une des parties ou
d'un de leurs procureurs empêche la péremption.
C'cpendant il cl\ certain que la Prefcription d'inf-
tance a litu dans ce cas.
Mais de là n;iît une qnef^ion. La Prefcription
doit-elle courir du jour de la dernière procédure,
ou feulement de celui oii la péremption a été inter-
rompue? On a quelquefois voulu foutenir ce der-
nier parti. Mais ( comme l'obferve M.Julien dans
(on commentaire fur les ftatuts de Provence, tome
S , page Co'^ ) , « 1(^ fentijnerii comrairc cl\ mieux
»i fondé. On ne doit pas confondre la Prefcription
»i avec la péremption d'inHanc;?. La panie qui ,
») après la dernière procéduie, demeure trente ans
i> dans Tinafiion , eft ccnfée avoir abandonné fon
» droit ; après trente ans , tout eft péri & prefciit ,
») dit Brodeau fur Louet , lettre P , fommaire lO ,
a> nombre3. Les aflignations, les jiigemens, tout
i> fe prefcrit par trente ans , indépendamment du
» décès des parties ». M. Julien ajoute qu'il en a
été ainfi jugé par un arrêt de la cour des aides de
Provence du 6 février 1737 , & par un autre du
parlement d'Aix du 22 avril 1761. Voici fomment
il rapporte l'efpèce de celui-ci.
Il La mère de la demoifelle Bernard avoir intro-
» dnit une inftance .TU fiége de Toulon, dont la
» dernière procédure étoit du 14 juillet 1724. Cette
» mère étant décedée le 5 juin 1726 , la fille vînt ,
»> le 5 mai 1756 , demander la reprife de cette pré-
») tendue inftance. C'étoit après plus de trente ans ,
V à compter du jour delà dernière procédure du
r 14 juillet 1724, & après vingt-neuf ans & onze
j> mois, à compter du jour du décès de la partie.
» L'arrêt, en confirmant la fentence du lieutenant
M de Toulon , qui avoit débouté la demoifelle Bcr-
» nardde fa demande en reprife d infiance , jugea
i> que tout étoit prefcrit , parce qu'il falloit comp-
>i ter les trente ans du jour de la dernière procé-
V dure & non du jour du décès de la partie ».
Cette quçftion ne peut jamais fe préfenter dans
les tribunaux qui n'admettent point du tout la pé-
remption. Mii> en voici une a^irre qui peut s'élever
dans toutes k= ju:jdivTiQU5po(riblts. Après qu'une
PRESCRIPTION.
inflnnce eA prcfente , le droit comefté par cet inf-
tance peut il n'ctre pas prtferit r
Ouï , il eft pofhble que ce droit ne foit point
palTihle de Prefcriprion. 11 peut aulîi arriver ni;e des
circonHances particulières qui n'ont pas pu tmoê-
cher rinftance de fc prefcrire , aient néanmoins
ccnfervé le fond du droit. Enfin , la Prefcription de
l'itifiance n'anéantit par elle-même que l'infranctf.
fit celui qui l'a lallTe encourir . demeure toujouis
maître d'intenter une nouvelle aftion pour fiire
décider fi l'objet litigieux ert prefcrit ou ne 1 efl yns.
C'qO. ce qu'a jugé un arrêt du parlement' de
Franche - Comté , du 4 feptembre 1703, rendu
entre le fieur Lengroignet &. les habitans du Val
de Montmariin. « Par cet arrêt, dit Dunod , (i)
» l'infunce fm jugée périe ( dans un cas où il y
avoit celfation de procédures depuis trente ans ) ,
« & cepend.mt les aélions lefervces au fieur
» Lengroignet , pour fe pourvoir de nouveau »,
Il en a été ji:gé de même au parlement de FJnn-
dre, par arrêt du 20 juillet 1758 , entre les prévôt,
doyen & chapitre de laiut Gery de Cambrai ,
demandeurs en reprife d'une infiance commencée
Cil 16S9 ' <^'i'""^ P^rt ; & M. l'arche véqwe de Cam-
brai , demadeur en renvoi pardevanr fes bailli Sc
hommes de riefs , d'autrejpart ; le difpofitifde cet
airêt eft ainfi conçu : « La cour déboute Icfdits pré»
» vôt , tloyen & chanoines de leur demande en re«
» prife d'erremens de l'in/laiice en laquelle eRin-
>» tervenu l'arrêt du 28 oâobre i68^ , bqnelle la
» cour déclare éteinte tk prefcrite ; les déboute
» en confequence de l'évocation par eux requife
» de l'inflauce pendante pardevant les bailli &
I» hommes de fiefs de l'archevêché de Cambrai,
» dont s'agit au procès, faufauxdits prévôt, doyen
» &. chanoines à oppofer pardevant lefdits bailli
» & hommes de fjefs , tant contre ladite faifie que
» contre la bannalité prétendue par ledit arche-
M vêque , tels moyens qu'ils aviferont bons être ».
On voit par ces derniers termes , que la cour
a voulu faire entendre que quoique l'inflance éle-
vée fur la bannalité fiJt prefcrite, le droit de
contefter de nouveau cette fervitudc ne l'éioit
pas,
11 ef^ conftant qu'un procès inflruit & diflribué
à un rapporteur en CQur fouveraine , n'eft pas fiijet
à laîpércmption ; mais fe prefcrit-il , fi on le laifîe
fans pourfuite pendant trente ans .-'
Boniface , tome 4, livre 9, titre i, chapitre 18,
dit que cette quertion s'eft préfentêe de fon temps
au parlement d'Aix , mais que les partie? y ont
trouvé refpei51ivement des doutes, qui lèsent po^
tées à trnnfiger.
M. Julien , fur les flatuts de Provence , pré-
tend que ces doutes n'ètoient que de vains fera-
pules de la part de celui qui alléguoit la Prefcription.
Si les .arrêts fe prefcrivent , dit-il , lorfqu'on les
[l] Des PtefLii^iioni, P»riiçi » çha^hiç il.
l?iO(9
PRESCRIPTION.
laifTe pendant trente ans fans fuite & fans éxe-
cution , comment puurroit-il en être autrement des
infiances ?
Mais on répond à cela, que la Prefcription ne
doit pas courir contre ceux à qui l'on ne peut im-
puter aucune négligence. Que le refpeâ dû aux
magifirats fouveraiiis ne permet pas aut pajtics de
leur faire des fommaîioiis déjuger; que dès-li ,
il n'eft pas naturel de leur oppofer le défaut d'un
jugement qu'il n'a pas été en leur pouvoir de fo
procurer; en.*in , qu^n pareil cas , la loi préfume
toujours que fi un procès cPi demeuré indécis pen-
dant un auifi long efpace de temps, c'eft que des
occupations plus importantes n'ont pas permis à
la cour de le juger.
Ces raifons Oiir déterminé la jurifprudence du
parlement de Paris en faveurde l'opinion qu'elles
•appuient. C'efl ce que prouvent deux arrêts, l'un
du 14 aoiJt 1649, ''endu, de l'avis de toutes les
chambres, l'autre du 3 juillet 1760, au rapport de
M, l'abbé de Malézieux.
Il y avoit dans l'efpèce du fécond , une parti-
cularité remarquable. Le procès n'avoit été redif-
tiibuéque plus de quarante ans après que le rap-
porteur étoit monté à la grand'charabre , Se Ton
prétendolt en conclure que les motifs qui font
celTerla Prefcription, ne pouvoient pas s'appliquer
à cette efpèce , parce qu'il y a eu de la négligence
de la pa-tde ceux qui n'avoient pas demandé u.t
autre rapporteur. Mais la cour ne s'ert pas arrêtée à
cette circonftance.
II. Nous avons déjà dit que les arrêts &. à plus
forte raifon les fentences fe prefcrivent.
Il eft en effet de principe que fi celui qui a
obtenu un jugement , lainbit padér tout le temps
de la Prefcription ordinaire fans y donner fuite ,
c« jugement n'auroit plus d'effet , & l'aâion qui
en réfultoit & qu'on appelle en droit jud'ican ou
de jugé, feroit prefcrite , parce qu'étant perfon-
nelle , & dérivant du quifî-contrat formé en juOice ,
(i) elle ne peut être ni tWxne autre natttre , ni
plus privilégiée que fi elle venoit d'un contrat
proprement dit. (2)
Cette vérité a été reconnue même par les rédac-
teurs des chartes générales de Haynaut. L'article 1 2
du chapitre 5 3 Ibumet les arrêts à la Prefcription
de vingt-un ans , qui dans cette province tient
lieu de la Prefcription trentenaire.
Le journal du parlement de Touloufe , tomç 3 ,
§. 91, nous retrace un autre arrêt de la même
cour ^ du 16 juillet 1705, qui juge « que quoi-
>» qu'une fentence n'ait jamais été fignifiée, ce-
>» pendant fi on a demeuré trente ans fans l'exé-
»» cuter, la Prefcription peut être oppofée, parce
>' que l'exécution des fentences & des arrêts peut
PRESCRIPTION.
465
fidio.
(i) In judicio qu'f, contrakimus. Loi 3 , §.2 D, de pe-
(i) r.oi mVes , $ Jernier, D. ii rejudicjcà.
» être prefcrite , & l'aélion qu'ils donnent ne dure
que trente ans ».
Mais quand le jngetrient a été fignifié, la Pref-
cription court-elle du jour du jugement même,
ou i'culement de celui de la figniiicatioa qui en a
été faite .''
Cette queftion a été traitée au parlement de Tou-
loufe , dans une cfpece que rapporte M. de Catel-
lan , livre 7, chapitre 25. Il s'agiffoit d'une fomme
pour laquelle le créancier avoit obtenu un jugement
par défaut. Le débiteur contre lequel il vouloir raire
exécuter ce jugement, fe prévaloit du défaut da
pourfuites pendant trente ans , à compter du jour
que la condamnation avoit été prononcée. Le
créancier répondoit que la Prefcription avoit été
interrompue par la fignification du jugement, &
que les trente ans n'auroient pu courir que du jour
de cette fignification.
Ces raifons refpeiflives ont occafionné un par-
tage à la grand'chambre. Mais l'affaire ayant été
portée à la prem'ére des enquêtes , il y eA iiiter-
venu arrêt le 10 mai 1662 , en faveur de la partie
qui alléguoit la Prefcription.
« On crut , dit M. de Catellan , que les pour-
j» fuites finiffoienr au jugement de condamnation ,
5> & que la fignification ne devoit pns être com-
)> prlfe parmi les pourfuites, mais rcgr.rdée comme
» une fimple notification duji.gement, néceffaire
)» au créancier pour mettre le jugement à cxécu-
') tion , & compter le temps que le créancier peut
» avoir pour y former oppofitlon »,
Mais la quefiion s'étant repréfentée depu's , le
parlement de Touloufe l'a décidée autrement L'ar-
îét eff Av. 3 feptembre 1720. En voici l'efpèce :
Un jugement du 13 juillet 1678 , qui n'avoit c'té
fignifié que le 9 oétobre fuivant, avoit conclnmré
les confuls de la ville de Foix à payer dans fix
ans une fomme de i^ 00 livres. Les fix ans écoulés ,
le créancier garda !e filcnce , jufqu'au 25 feptembrcî
1714 , qu'il fit figniher de nouveau le lugemenr ,
avec fommation de. payer. Les confidsdeFois allé'
guerent la Prefcription.
On convenoit , dit l'auteur du joiirnal du palais
de Touloufe, tome 4 , §. 1 18 , page 158 , on coit-
venoit que les irente années pour prefcrire ne
dévoient être comptées qu'après l'échéance des fix
ans de délai. Mais la quelHon étoit s'il falloit comp-
ter du jour de la condamnation , ou de la fignifi-
cation. Au premier cas , la Prefcription étoit com-
plette ; r.u fécond, il y inanquoit treize jours.
<c Le plus grand nombre des j-uges ( continua
le magifirat cité, qui étoit rapporteur de l'affaire ) ,
« ont cru que les trente ans ne dévoient être
» comptés que du jour de la fignification , par cette
» raifon que les délais accordés par lescondamna-
» lions contre les débiteurs ne courent que du jour
» de la fignification, comme il efi porté par l'ordon*
» nance de 1667, titre de l'exécution des juge-»
» inei\s , articles i , 1.2& 17, & que les délais doir
Nnn
^66
PRESCRIPTION.
M vent être communs contre le débiteur & le
» créancier ».
On aiiroit pu ajouter , ce femble , que la figni-
ficition d'un jugement eft un commencement d'exc-
c.inon , & qu'elle doit par coniéquent interrf)mpre
la Prelcription , & que fi le débiteur peut encore
prefcrire,, ce n'eft que du jour de Tinterruptio;] ,
parce qu'elle le reporte, comme nous l'avons dit
plus haut, fcflion i , §. 7, au même point que
s il n'avoit pas encore commencé de prefcrire.
§. X. Des Prefcr'iptiom (V fins Je non - recevoir , ert
mattire de commtrce mtritïme.
Cette matière eft traitée dans le titre 12 du livre
premier de l'ordonnance de la Marine , du mois
d'août 1681.
L'article premier porte que les m.iîtres & patrons
ne pourront par quelque temps que ce foit prefcrire
le vaifl^eau contre les propriétaires qui les auront
établis. Cette décifion eft fondée fur ce qu'on
ne peut prefcrire qu'en podédant de bonne foi ,
nom/ne proprlo & animo domïn'i ; ce qu'on ne peut
fuppofer dans le maître ou capitame de navire
qui n'en elî que le gardien ou le dcpofuairc.
Suivant l'article 2 , les maîtres & patrons ne
peuvent former aucune <lemande pour leur fret ,
ni les ofiiciers , matelots & autres gens de l'équi-
page pour leurs giges & loyer, un an après le
voyage fini.
Quoique le léginateur n'ait parlé dans cet ar-
ticle que des maîtres ou capitaines, on doit en
étendre les difpofitions au propriétaire ou arma-
teur du navire , attendu que c'efl à lui que le fret
appartient réellement , & que fi le capitaine ert
autorifé à en pourfuivre le recouvrement, c*eft
comme procureur né du propriétaire , & comme
reprcfentant celui-ci de \i même manière qii'il l'a
repréfenté en flipulant & réglant le fret , foit par
la charte partie ou pnr les connoiffemens.
Avant l'ordonnance dont nous parlons , on ju-
geoit au parlement de Touloufe que l'adion en
payementdu fretduroit trois ans , comme le prouve
un arrêt du i:ifeptembre 1672, rapporté par Gra
verol fur la Roche Flavin.
Ceux qui ont fourni le bois & les autres chofes
néceffaires à la conftruflion, équipement , & avi-
taillement dôs vaifleaux , les charpentiers, calfa-
teurs, & autres ouvriers employés à la fabrique &
radoub ne peuvent former aucune demande pour
le prix de leurs marchandifes , ni pour leurs peines
& falaires après un an à compter, à l'égard des
marchands, depuis le jour delà délivrance de leurs
marchandifes , & à l'égard des ouvriers, depuis le
jour que leurs ouvrages ont été reçus. Telles font
les difpofitions de l'article 3.
Et l'article 4 établit une pareille Prefcription en
faveur des maîtres, patrons ou capitaines: on ne
doit recevoir aucune aiiion contr'eux en AkXi'
PRESCRIPTION.
vrance de marchandifes cha gces dans leur vaiïïèau,
un an après le voyage accompli.
Comme il efl intérefiant , peur la sûreté & l'aéli-
vité du commerce, que l'ailion en payement du
dommage arrivé à la marchandife ou au vailTeau
n'ait qu'une durée fort courte , l'article ç a ordonné
que le marchand ne pourroit former aucune de-
mande contre le maître ni contre fes a(Tureurs pour
dommage arri\é à fcs marcliandiies lorfqu'il les
auroir reçues fans proteH^iion , ni le maître à in-
tenter aucur^e a<ftion pour avaries contre le mar-
chand , après qu'il auroit reçu fon fret fans avoir
proteflé de fa part. Et par l'article 6 , le Icg-flateur
a voulu que les proteftations ne produififlent aucun
effet, fi , dans le mois , elles n'étoient fuivies d'une
ùcmdLnàc en juftice.
Ces difpofitions ont été employées avec fuccés
à la défenfe de deux affûteurs dans l'efpèce fiii-
vante :
Le navire le comte i' Arto'n portoît des marchandi-
fes affurées par les fteurs Pollet & Herrewin ; il en
contenoit auiîî beaucoup d'autres. Le 22 mars 1771,
il échoua à l'entrée du port de Dunkerque. Les ha-
bitans de cette ville s cmpreffèrent déporter àz%
fecours ; ils prêtèrent leurs voitures & leurs che-
vaux pour tranfporter les marchandifes , qui fu-
rent toutes retirées du navire. Mais il y en eut d'a-
variées ; & fans aucune proteftation contre les affu-
reurs pour ce dommage , le fieur Devlnk fit tranf^
porter la plus grande partie de fes marchandifes
dans fes magnfms,; il en fît tranfporter auffi dans
les magafins de l'amirauté ; & il a prétendu qu'il
avoit fait avertir fes affureurs de l'échouement,
par un courtier auquel ils avoient promis de payer
la perte , en fe regardant comme bien avertis.
Le procureur du roi de l'amirauté , chargé de
faire vendre les marchandifes , les fit annoncer , 8c
la vente fe fît publiquement. Toutes ces opérations
entraînèrent des délais, & ce ne fut que le 24 juillet»
que le greffier de l'amirauté rendit fon compte»
d'où il refulta que la perte étoit de 46 I. 14 f. 3 d.
pour cent. Le fieur Devink préfcnta le fien à diffé-
rents affureurs qui l'approuvèrent, & payèrent le
montant àQ% avaries. Il n'en fut pas de même des
fieurs Pollet & Herrewin. Ils ne voulurent point
approuver le compte du fieur Devink; les co-affu-
reurs avoient fait ce qu'ils avoient voulu ; leurs
arrangemens étoient étrangers aux fieurs Pollet 8c
Herrewin ; le délai fatal étoit expiré ; ils foutinrent
le fieur Devinck non-recevable. Traduits à l'ami-
rauté , leurs moyens ont été fondés fiir le défaut
de protefiations & de demande régulière dans le
temps fixé par l'ordonnance; ceux du fieur De-
vinck , fur la promeffe faite au courtier, & Air l'ufa-
ge. Sentence de ramhauté de Dunkerque , qui a con-
damné le fieurs Pollet & Herrewin à payer le mantanc
des avaries , 6» aux dépens.
Sur l'appel au parlement de Paris , les fieurs Pol-
let &c Herrewin , ont oppofé au fieur Devinck les
PRESCRIPTION.
Prefcriptlons & fins de non-recevoir , établies par
les articles 5 & 6.
Les moyens du fieur Devinck ont été, comme
en caufe principale, que les autres affûteurs n'a-
voi^nt fait aucune difficulté de lui payer le montant
des avaries que fes marchandifes avoient fouffertes ,
quoiqu'ils n'euffent été avertis que verbalement ,
ou par lettres ; que le fieur Devinck n'avoit point
reçu fes marchandifes; qu'il les avait fait tranfporter
dans les magafins de l'amirauté ; qu'elles y avoient
été vendues , à la requête du minidère public , aux
rifques des affureurs appelés à la vente; & que ,
par cette raifon , il avoit dû être difpenfé de faire
des proteflations par écrit, & de former une de-
mande qui n'en étoit que la fuite.
Il infifloit fur l'avertiffement donné aux fieurs
Pollct & Herrewin ; c'eft , difoit il , le courtier
Thevenet , qu"on doit regarder comme un homme
public, qui leur a donné connoiffance de l'échoue-
nient du navire ; & ce courtier , digne de foi , en a
doiiné fon certificat ; enfin , le fieur Devinck rap-
portoit d'autres certificats de négocians &de cour-
tiers , qui atteftoient que l'ufage étoit de n'exiger
aucune formalité de la part de l'affuré, lorfque les
aiTureurs étoient avertis du malheur arrivé au
navire.
Mais comme la loi eft toujours fupérieure aux
confidérations , & que les formalités prefcrites par
l'ordonnance avoient été conflamnient négligées
dans cette affaire, le parlement, par fon arrêt du
27 juillet 1779 , a prononcé ce qui fuit.
» Notredite cour faifant droit fur le tout , met
» l'appellation & ce dont a été appelé au néant;
o> émendant , fans s'arrêter aux requêtes dudit De-
»' vinck , dont il eft débouté, ayant aucunement
» égard à celles defdits Herrewin & PoUet, con-
J) damne ledit Devinck à payer; favoir , audit Pol-
» let la fomme 420 liv. , & audit Herrewin celle
» de 175 liv. pour la prime de trois & demi pour
» cent, convenue fur la fomme de 12000 livres
» à l'égard dudit Pollet , & celle de 5000 livres à
" l'égard dudit Herrewin , fuivant la police d'affu-
» rance du 30 janvier 1777 , par r&anpTt aux mar-
» chandifes de café , indigo & aurres^niargées au
»> Cap François , pour le port de la ville de Dun-
.» kerque , à bord du navire le Comte d" Artois.... ,
>' avec les intérêts.... En conféquence , condamné
>» ledit Devinck & par corps , à rendre & reflituer
J» auxdits Pollet & Herrewin , dans trois jours.... ,
»' la fomme de 7700 livres 12 fous par eux confi-
» gnée , comme contraints , au greffe de l'amirauté
J> de Dunkerque.... , pour le montant des con-
» damnations contre eux prononcées par la îsn-
V tence du 16 mars 1778, avec les intérêts de la-
« dite fomme , à compter du jour de la configna-
« tion jufqu'au parfait rembourfement. Sur le fur-
» plus des demandes, fins & conclufions , merles
>» parties hors de cour, & condamne ledit De-
ï> vinck en tous les dépens des caufes principales ,
« d'appel Se demandes..,.
PRÉSÉANCE.
467
Après la délivrance des marchandifes , le maître
ou capitaine ne peut alléguer d'autres cas fortuits
que ceux qui font mentionnés dans fon rapport.
Article 7.
Toute demande pour raifon d'abordage doit ,
fuivant l'article 8, être formée vingt-quatre heures
après le dommage reçu , fi l'accident arrive dans un
port , havre ou autre lieu où le maître puiffe agir.
La Prefcription qui s'obtient en fi peu de temps
efl fondée fur ce que les accidens maritimes étant
îrés-fréquens , il pourroitfc f^ire qu'un navire après
avoir été abordé par un autre, fouffrît dans un in-
tervalle affez court , d'autres avaries dont on diffi-
muleroit la caufe pour les faire regarder comme un
effet ou une fuite naturelle de l'abordage.
Lorfque des taverniers ont fourni de la nourri-
ture aux matelots par l'ordre du maître ou capi-
taine , il faut qu'ils demandent leur payement dans
l'an & jour , finon ils ne doivent plus être reçus à
former cette demande. C'eft ce qui réfuhe de l'ar-
ticle 9.
Et l'article 10 porte que les Prefcriptlons éta-
blies par les articles précédens ne doivent point
avoir lieu lorfqu'il y a cédule , obligation , arrêté
de compte ou interpellation judiciaire.
( Cet article ejl de M. Mer LIN , avocat au parle-
ment de Flandres & fecrétaire du roi, excepté cjue le
dernier paragraphe de la fcâion 3 appartient à l'édi'
teur , & tout ce qui fe trouve entre des ajlériques ap-
partient à M. H..,. , avocat au parlement ).
PRÉSÉANCE. On entend par ce mot, le droit
de fe placer dans un ordre ou dans un ran^^ plus
honorable qu'un autre.
Les hommes , trop fouvent aveuglés par l'or-
gueil ou la vanité, font fi portés à fe croire fupé-
rieursà ceux auxquels ils font inférieurs en dignité
6i en mérite , qu'il a été néceffaire d'affigner les dif-
férences qu'établiffent entre eux le pouvoir, les
charges & la profeffion qu'ils exercent.
Ce n'a pas été fans difficulté & fans de fortes ré-
clamations qu'on eft parvenu à régler ces Préféan-
ces. Nous nous bornerons à indiquer ici celles qui
ont été fixées par l'ufage , par les ordonnances ou
les arrêts.
L'ufage général du royaume eft de regarder
comme la première place celle qui eft à main droite.
Ainfi , par exemple, fi le lieu d'affemblée efl une
cglife , ce fera la place à droite en entrant au chœur
parla porte de la nef , qui fera la plus honorable.
De même dans les marches , le corps qui va à la
droite de l'autre indique fa Préféance.
Préféance du clergé. Il eft de principe qu'après le
roi & les princes de fon fang , le clergé eft , dans
notre monarchie, reconnu pour le premier corps, Se
celui qui doit précéder tous les autres ; c'eft lui qui
occupe le premier rang dans les affemblées des états.
La raifon de cette prééminence , fuivant Domat ,
eft " que les eccléfiafliques font les miniftres de
)> JéfusC-hrift . les difpenfateurs des myftères de
n la religion; c'eft cette importance & cette éléva-
Nn nij
4^8
PRÉSÉANCE.
îi tion d'un mlnidère fi augufte , qui donnent à cet
» ordre, au-deùus de tous les autres qui ne regar-
j) dent que le temporel , un rang diftingué , à pro-
5) portion de leurs différences ; Si quoique tous
j) ceux qui font de ce corps ne foient pas élevés
» au miniRère facré de ces premières fonétioir- ,
>j toutes celles qu'ils exercent fe rapportante cette
i) adminirtration de l'églife , l'ordre du clergé a fa
3» dignité au-deffus de toutes celles des autres or-
5) dres les plus élevés ». Cette règle n'eft pas aufli
générale que Domat le prétend î, & elle foufTre
beaucoup d'exceptions & de diftinflions.
Par l'article 45 des lettres-patentes du mois d'a-
vril 1695 , le clergé eft qualifié le premier corps du
royaume -yle parlement de Bordeaux a rendu hom-
mage à cette loi, en déclarant , par afle du 15
juillet 1630, « que les préfidens & confeillers de
3) ladite cour n'ont jamais prétendu aucune Pré-
» féance fur les çyêques ».
Mais à l'égard du fécond ordre du clergé , non-
feulement les ofliciers des cours fouveraines.. mais
fouvent ceux des juridiétions inférieures , ont pré-
rendu le précéder; & ce font ces préteniions qui
ont fait naitrc la multitude de réglemcns dont nous
devons rendre compte.
Un arrêt du confcil d'état du 4 janvier 16:9 '
porte, aue le parlement de Touloufe allant en
corps à 1 églife métropolitaine , prendra féance en
la première chaire attenant celle de rarc/ievéijue , &
aux fuivantes ; 8c qu'en toutes autres affemblces 8c
cérémonies , les archevêques qui s'y trouveront
en camail & en rochet précéderont les préfidens
& confeillers,
Prèféance des cours fouveraines fur les chapitres.
La cour des comptes , celle des aides & finances de
Montpellier , cft en poffefTion de précéder le cha-
pitre &c la cathédrale de cette ville, dans les céré-
monies où ces corps fe trouvent. H paroît qu'on a
voulu faire exception en faveur des chapitres no-
bles , & accorder à ceux-ci la Prcféance même fur
les cours fouveraines ; car l'édit de création de la
cour des niounoies à Lyon , en ordonnant qu'elle
précéderoit toutes les autres compagnies, ainfi que
tous les chapitres de la même ville, a néanmoins
excepré le» chapitre & comtes de Lyon , à l'égard
defquels le légiflateur entend quil ne foit rien innové.
Pré féance d.-s chajitrcs fur les officiers des jujlices
ir.férl'ures. Les mêmes lettres-patentes qui accor-
dent la Prèféance aux magiftrats des cours fupé-
rieures fur les chapitres ordinaires , rendent à ceux-
ci la fupérioiité fur les officiers desjuftices inférieu-
res , car le !:r!;inateur déchire vouloir que a les
j> corps des chapitres des églifes cathédrales pré-
•)} cè-icnt en t^^us les lieux ceux des bailliages &
■)■> f èges préfidira'.x ».
Il Veut aiin*! que ceux qui font « titulaires des
" dignités djfJits chapitres précèdent les préfidens
V des préfidiaux , les licutenans gén Vaux , & les
» Vic-.itenn.'is criminels & particuliers defdits fiéges o.
£iifiu il veut c^ue les chanoines précèdent les
PRÉSÉANCE.
confeillers & tous les autres officiers « des ftiémes
■>■> fièges , &. que même les laies , dont on eft obligé
» de fe fervir en certain tçmps pour aider au fcr-
■>■> vice divin, y reçoivent pendant ce temps les
» honneurs de l'églife , préferablement à tous les
w autres laïcs ».
Leroi de Lo^embrune rapporte un arrêt du con-
fcil du 27 janvier 1667, iur l'article 9 de la cou-
tume de Boulonnais , par lequel « le préfident-lieu-
» tenant général de Boulonnois Se le lieutenant
M criminel du même f.ègeont été maintenus dans la
» poffeffion de prendre place dans les hautes flal-
».' les du chœur , du côié gauche de réglife cathé-
M drale de Boulogne , entre les dignitaires, au-
» deffus des chanoines ; favoir , le prcfident-lieu-
)» teiwnt général entre le chantre & le pénitencier ,
j) & le lieutenant criminel entre le pénitencier &
» les chanoines , pourvu qu'ils fufient en robe de
» magiflrature ».
Ces modifications , au lieu de fatisfaire les diSe-
rens corps & de prévenir les diffentions de la va.-
nité , n'ont fait au contraire que les multiplier.
En 1740, M. le àuc d'Orléans ayant paHé à
Amiens , le corps de la ville & le chapitre fe rendi-
rent au même infiant dans la maifon où ce prii^ce
s'éteit arrêté , pour le complimenter. Le doyen du
chapitre s'éioit déjà avancé, avoit fait fa révérence
& le difpofoit à porter la parole , lorfque l'inten-
dant de la province appela le premier échevin , &
lui dit que c'étoit à lui de parler le premier: le
chapitie s'en plaignit ; mais , nonobflant fes obfer-
vations , l'honneur de haranguer le premier fut
défcré au corps de ville.
Les agens du clergé difent , dans leur rapport de
1745, que M, de Saint-Florentin , alors minif.re ,
écrivit que le roi avoit défapprouvé la conduite des
maire & échevins.
Il réfulte de ce que nous venons de dire , que
quoiqu'en général le clergé foit regardé comme le
premier coxps de la monarchie , il y a bien des cas
particuliers où les la'ics , revêtus en dignités , ont
le pas ou la place au-dedus des ecclcfiaftiques ; il
y a même tout lieu de croire que les lettres-paten-
tes de 1695 n'accordant la Prèféance fur les bail-
liages & fiègcs préfidiaux , qu'aux chapitres des
églifes cathédrales, ceux des églifes collégiales ne
pourroient s'en faire un titre pour prétendre le
même honneur fur les officiers des bailliages. Et en
effet, comme l'obferve Denifart, fi le légifateur
efit entendu accorder indiftinélement à tous les
'chapitres le pas fi'.r les of.'^ci-îrs de iuflice , il n'eût
pas employé dans l'édit la rtflriélion de ch-.pitre
des églifes carhéùrales.
Au furplus , c'cfl bien moins pnr leurs dignités
oue par leurs venus, que lis eccléfiafiiques doi-
vent ambitionner les Préféances &. les diflinélions ;
toutes les fois que des membres du c'crgé ont une
loi pofitive en leur faveur , il leur eft fans doute
permis de la faire valoir & de fe maintenir dans
les honneurs quî le légiflateur leur a accordes j
PRÉSÉANCE.
mais comme la modertie eil la venu qui leurfied
ie mieux , ils doivent éviter de parcître jaloux d'u-
furper les premières places , parce qu'une v?nité
trop apparente choque les autres corps , Si occa-
fionne des fcandales qui nuilent à la religion & à
fes minières.
C'étoit avec raifon que M. l'avocat général Gil-
bert de Voifin , portant la parole dans une contef-
tation qui s'étoit élevte entre le fjège préfidial &
ie chapitre de Viny , relativement à la Prcféance ,
difcit (I que Icrfqu il s'agifîbit de la Préfèai-.ce des
5' diirjreus corps de chaque ordre , un corps laïc
« pouvoir avoir la Prél'éance fur un corps ecciéfiaf-
>? tique , fuivant que différentes confidérations
»> rendoient l'un ou l'autre plus ou moins reconi-
j> mandables ». Conformément a cette opinion , le
parlement rendit, le 12 jtiin 1731 , un arrêt par
lequel il jugea que dans tous les cas où il ne s'agi-
roit pas de fonctions eccléfiaHiqucs , le préfidial
précédcroit le chapitre , foit de corps à corps , foit
de députés à députis.
Nous avons parlé des Vrèféances entre les ec-
clcfiafliques tk les KVics ; mais il en eft de panicu-
liéres à l'ordre du clergé , ce qui réfultent , foit de
la dignité de leurs fondions , comme quand ils
font cardinaux , patriarches, archevêques, évo-
ques, abbcs comme ndataires ;foit de leurs avance-
Kiens dans les ordres facrés, comme s'ils, font prê-
tres, diacres, fous-diacres ; ou de leurs minifléres de
payeurs , archidiacres , doyens ruraux , curés ; ou
des qualités de leurs bénéfices , comme chanoines
d'églife cathédrale ou de collégiale: toutes ces nuan-
ces dans les titres , dans les dignités , donnent lieu
à des Préféances qui font confacrécs par l'ufage.
Il efr e{r.;ntiei d'oblerverqueles perfonncs pour-
vues de dignités ou de charges auxquelles la Pré-
féance eft accordée fur d'autres , ne peuvent l'exi-
ger que lo-.fqu'elles font revêtues des marques de
leurs fondions. Ced ce qui fut expofé avec beau-
coup de jufteffe , en 1761 , par M. de Saint-Far-
geau , dont les conclufions furent fuivics par l'arrêt
du 19 décembre rendu en faveur du lieutenant
criminel de Saumur contre le lieutenant général
d'épée au même fiége. Cet arrêt prononçoit , que
<1uoique le lieutenant général d'épée eût la Pré-
{é:ucc fur les officiers de ce fiège après le lieute-
nant général de robe longue, a il ne pourroit néan-
» moins la prétendre lorfqu'il feroit vêtu en per-
» fonne privée, & que L-s autres oilklers feroient
3) revêtus de l'habit de magiurat ».
Prcféancc du parlemen: fur la co::r Jes a'id^s L'arti-
cle 48 de la déclaration du 24 août 1734 , con;e-
iiani réglenicnr entre le parlement (S; ia cour cfes
aides de Bordeaux , pot te , que « dans toutes les
» riffemblées particulières où il fe trouvera des of-
î) ficicrs dus dcwx cours , le premier préridtnt de
j) la coîir des aides aura le pas , le rang & la (êance
Ti immédiatement après le uernier des prcfjdens du
j> parlement , & av;;nr le doyen des confei:!e!S de
» hdi:c cour, & tous les coiifcillers de la grand'-
P RÉSÉANCE.
4^9
n chambre, préfidcns & confeillers des requêtes ;
» &. à l'égard des autres préfidens de ladite cour
3) des aides , ils auront le pas , le rang & la féance
j> iinmédiatement ap:és lefdits préfidens aux en-
5) quêtes & confeillers de grand'chambre, & avant
" le doyen 6c tous les coiifeilicrs des enquêtes ; 6c
» pour ce qui concerne les confeillers de ladite
» ceur des aides, ils n'auront rang & féance qu'a-
» prés le dernier des confeillers du parlement ".
Préféance du fcncch.il fur It prclîdul. Il feroit
peut-être à defirer qu'il y eût une déclaration dont
les articles fixafTent clairement le rang que doi-
vent occuper les membres des diflérens corps «
cela préviendroit beaucoup de conteftations. En
1747 , il s'en éleva une entre le comte de Mou-
chy , fénéchal & gouverneur de Ponthicu , & le
lieutenant général au préfidial & à la fénéchauffée
d'Abbeville ; l'arrêt qui fut rendu à ce fujet an
confeil, & qui e(l du 28 août 1747, ordonna» qus
)> dans toutes les affemblées , ctrémonies & ré-
)) jouiflances publiques , M. de IMouchy , en fa
» qualité de fénéchal , aiiroit la Préféance fur le
» préfidial , & marcheroit à la droite du prcftdent
)? fin- la même ligne ».
Le même arrêt décida » que ledit fîenr de Mou-
» chy feroit averti par le greffier diidit fiége , des
» ordres qui auroienr été donnés pour lefdites cé-
» rémonies & réjouifîances publiques ,lorfque le-
» dit fénéchal feroit prélent en ladite ville m.
La jurifprudence des arrêts eft en contradi(îîion
avec les opinions les plus forrcm?nt établies. Nous
venons de voir que quoiqu'il fût généralement reçu
que le clergé étoit le premier des ordres des états ,
il y avoit plufieurs réglemens qui donncicnt la
Préiéance à de fimples laies , particulièrement aux
officiers des cours fouveraines.
11 eft également reçu dan? rojHnion publique,
qu'après le clergé , c'eft l'ordre militaire qui a le
pas fur les autres corps : on va voir que cette
maxime fouftVe encore beaucoup d'exceptions.
Prif:ance dei ofjlàcr.s de juflice qui 'jûui(fent de la.
nobLJfe , far les gentilshommes iiiiiitaires. D'abord ,
il eft de principe que ceux qui poiTédent des offi-
ces qui anoblift'ent , ort la Préféance fur les gen-
tilshommes. La raifnn qu'on doc ne de cette fupé-
riorité , eft que les premiers étant anoblis par iecr
charge, font cenfés égaux aux gentilshommes, &
qu'ils or.t de plus l'honneur d'être officiers du roi ,
d'être revêtus de la pulfTance publique , & de rem-
]^Hr une fonélion que les fimples gentilshommes
n'ont pas.
Loifeau , dans Ton traité des ordres , établit cette
opip.ion. Ce qui parnît plus étonnant , c'eft que
les confeillers eu préfidial de Va-ux obtinrent , ie
îO février 1740, lai arrêt du grand confeil, qui
jugea qu'un de leurs membres devoit avoir la Pré-
f-ance fur Jc ficiir (!<u Vaucel, écuyer , & de plus
chevi.lier de fairt Louis. Cet arrêt " niaii")tint tous
3) les olTicicrs ce fi-'ge dans le droit & poirefîîcn de
470
PRÉSÉANCE.
M précéder les fimples gentilshommes , tant en
>> corps (jiic de particulier à particulier , en tou-
j> tes affemblées & cérémonies publiques ou par-
y» ticulières, lorsqu'ils feroient en habits dkens ,
« c*eft-à-dire dans l'habit qui diftingue les gens de
» robe ».
Le grand confeil ordonna , par arrêt du 21 jan-
vier 1739 ' ^'^'^ '^^ tréforiers de France précéde-
roient les gardes du corps.
Prèféance des fecrétaires du roi. Il n'eft pas inutile
de citer ici un autre arrêt du 24 décembre 1749,
également rendu par le grand conlcil en faveur des
fecrétaires du roi. Cet arrêt a jugé que « le fieur de
»j la Hogue auroit laPréféance en toutes les affem-
»> blées publiques & particulières , proceffions &
« autres cérémonies , acant le vicomte, le lieute-
» nant généri.1 de police & officiers de la vicomte
»> de Granville , s'ils n'étoient en corps de compa-
» gnie ». Le même arrêt ajoute , " que les mêmes
« officiers ne feront réputés être en corps & ordre
» de cérémonie , que lorfque s'érant aftemblés au
i> lieu où fe tient la juridiihon , ils en feront par-
» ti# en corps & ordre de cérémonie , précédés
w parles huifîltrs du fiège , pour fe rendre au lieu
n de la procefllon ou affemblée ».
Le même arrêt a encore ordonné que le fieur
de la Hogue (c opineroit &C figneroit avant les
» prêtres habitués en fa paioiiTe , en toutes les
» affemblées de la paroifle , pour affaires de la
» fabrique , éledion de marguilliers , de fyndic ou
»» facriftain ».
n Mais dans la concurrence d'un fecrétaire du
« roi avec un feigneur haut jiiflicier , la Préféance
» & les droits honorifiques ont été accordés au
» feigneur haut-jufticier par arrêt rendu au grand
ï> confeil le 7 mars 1730 ».
Préféance des gentilshommes fur les oflcters des
hauts-jujliciers. Il s'éleva une queflion qui fut jugée
en 1685 ^" confeil ; il s'agiffoit de favoir qui de-
voit avoir le pas , dans les cérémonies publiques,
ou des gentilshommes , ou des officiers des fci-
gneurs hauts-jufticiers du Bas Poitou : il fut dé-
cidé , » que les gentilshommes auroient toute l'an-
»i née les Préféances au-defTus des fénéchaux &
« juges des feigneurs hauts-'jufliciers , dans les pro-
« ccffions , offrandes , diflributions de pain béni
»> & autres honneurs de l'églife, affemblées & cé-
« rémonies publiques , à la réferve (éulement des
>) jours de fêtes des patrons defdites paroiffes ,
» auxquels jours lefdits fénéchaux & juges def-
« dits feigneurs auroient la même Préféance fur
» les gentilshommes ».
Gerjs du roi. Toutes les fois que les gens du
roi font en marche, le premier avocat-général a
le pas fur le proeureur-général , qui précède Jes
autres avocats-généraux. Un arrêt de règlement du
parlement du 7 feptembre 1712, rendu pour la
fénéchauffée de Château du Loir, marque le rang
PRÉSÉANCE.
\ que doivent tenir, foit au parquet, foit à l'au-
dience , foit dans les cérémoies , tout ce qui com-
pofe le miniftère public.
Préjéiince des avocats fur les médecins & anciens
marguilliers. LaPréféance a été accordée aux avo-
cats de Saumur fur les médecins , par arrêt rendu
à la grand'chambre , conformément aux conclu-
fions de M. le procureur-général, le premier juil-
let 1723.
Ils ont obtenu sufîï la Préféance fur les anciens
marguilliers comptables d'une paroiffe de Paris ,
par arrêt du 15 juin 1688.
Un arrêt du confeil du 21 février 1683 , ordonne
que les avocats au confeil & ceux du parlement gar-
deront entr'eux , dans les affemblées générales &
particulières , confultations , arbitrages , & ailleurs ,
le rang & la Préféance , fuivant la date de leurs
matricules. Quoique cet arrêt ait été confirmé par
une déclaration du 6 février 1709, regifirée au
parlement, néanmoins la différence du travailla
délicateffe des principes fur les honoraires , ne per-
mettent pas aux avocats du parlement ds laiiTer
marcher fur la même ligne les avocats du confeil.
Un arrêt rendu le 12 juillet 1730, fur les con-
clufions de M. Gilbert, a prononcé que le prévôt de
Rofai en Brie , quoique juge de feigneur, précé-
deroit les marguilliers aux proceffions publiques.
Le famedi 3 mars 1742 , la cour , par arrêt rendu
fur les conclufions de M. l'avocat général d Or-
meffon, a encore jugé que les officiers d'un bail-
liage précédcrolent les anciens marguilliers, aux pro-
cellions & autres cérémonies publiques de l'églife.
Préféanct des ji'ges hauts-jufliciers fur les échevins
des mêmes lieux. Plufieurs autres arrêts donnent la
Préféance aux juges fur les officiers municipaux.
On trouve dans le code des curés , tome 3 , un ar-
rêt rendu au parlement deTouloufe , par lecjuel il
efl ordonné que les juges des terres dépendantes
de l'abbaye de Saint-Sernin , précéderont les con-
fuls , ce qui fignifie échevins , & autres particuliers ,
dans l'églife , aux proceffions, affemblées générnles
Se particulières , & autres endroits ; qu'ils préfidi.-
ront auxdites affemblées , & allumeront les feux
de joie. Fait défenfes aux confuls de convoquer
aucune affemblée des communautés, fans y appe-
ler les juges ou lieutenans poi:r y préfider.
Le même parlement a rendu un autre arrêt le
27 janvier 1756 , par lequel en déclarant communs
avec le marquis d'Aramont, des arrêts de règle-
ment des 23 juillet 1746 , 10 & 27 juillet 1747 , il
a ordonné que les baillis , juges, leurs lieutenans
& procureurs jurididionnaires des feigneuries ap-
partenantes audit fieur marquis d'Aramont , joui-
toiem du droit de précéder les confuls dcfdiies
terres , dans toutes les affemblées générales ou par-
ticulières ; de préfider , d'aller les premiers à l'of-
frandre après le marquis d'Aramont. Mais cette
jurifprudence n'eft pas la mèn'e dans tous les par-
lemens i celui de Provence a au contraire rendu un
PRÉSÉANCE.
arrêt en faveur des confuls de Pélifanneî , le 19
février 1727 , par lequel il a maintenu ces corifiils
dans le droit d avoir la Préféance fur les oiticlors
de l'abbé de Montmajoiir. il eil vrai que les con-
fuls de Pélifannes font lelcjneurs hauts juihciers du
lieu , & qu'ils avoient pour eux la poffelîlon imnié
moriale- 11 y a d'autant plus lieu de croire que ce
furent ces confidératious qui dcterminèrent le par-
lement de Provence à rendre cet arrêt , qu'il avoir ,
cil 16185 accordé la Préféance aux juges ordinai-
res fur les confuls.
Avant rétabliflement d'un préfidail , créé à Be-
fançon au mois de feptenibre 1696, il avoit été
ordonné par lettres-patentes du mois de feptembre
1677 » ^ F'^r arrêt du confeil du 20 oélobre 1678 ,
que les vicomte, maïeur , échevins, Si. autres of-
ficiers du niagiflrat , auroient rang Se féance avant
les olHciers du bailliage. Mais depuis l'érc^lion du
préhdial , il a été rendu au confeil un arrêt contra-
dictoire le 10 juin 1698 , qui donne le pas au pre-
mier officier du préfidial fur celui du magiflrat.
Préjéa'.ce du chàtelec de Paris fur le corps de v.lle.
Lo; fqne le tribunal du châtclet afliftc en corps à la
publication de la paix , M. le lieutenant de Police ,
ik les confcillers qui l'accompagnent , ont la droite
furies officiers de la ville.
Au fuvplus , cette quellionaété fi pofitivement
jugée au confeil du roi , qu'elle ne peut plus faire
de doute.
Un arrêt rendu entre les officiers de la fênéchauf-
fèe & fiège préfidial de Clermont , Ôc les maire ,
échevins ^ procureur du roi de la même ville, a
ordonné «qu'aux proceffions & cérémonies publi-
" ques , les officiers du préfidial , tant en corps
» qu'en particulier , précederjierit les maire , éche-
» vins 6' autres officiers de ville ».
Malgré le dégoût qui doit naître de cette multi-
tude de citations d'atréis , nous croyons devoir ne
pas omettre les principaux , pour apprendre à ceux
qui feroient tentés de réclamer d'injufles Préféan-
ces , le fort auquel ils doivent s'attendre.
Préféance du prcfi H-il jur la prévôté. Un arrêt du
9 aoiàr 16^6 , ordonne que les confeillers du préfi-
dial du Mans précéderont les préfidens au fié^^e de
la prévôté de la même ville , en toute affemblée
publique & particulière.
Le prévôt d'Abbeville & celui de Crefpy ont
eiTii) é le même jugement , l'un en 1627 , &c 1 autre
en 1635.
Un règlement dn 13 août 1698 a aufïï ordonné
que le prévôt d'Avalon n'auroit de rang & féance
dans les afTemblées publiques, qu'après les confeil-
lers du bailliage de la même ville; il efi vrai qu'il
a obtenu par le même règlement un dédommage-
ment , car il lui accorde la Préféance fur l'avocat
& le procureur du roi du même bailliage.
Préfiance de la juflice royale fur la. jujlice feigneu-
ri-fle. Quand , dans une même ville , il y a une juf-
tice royale & une juftice de feigneur ayant haute
juftice, la Préféance appartient aux juges royaux ,
PRÉSÉANCE. 471
même dans le territoire de la jufiice feigneuriale. Le
parlement l'a ainfi jugé contre le bailli Se l'évéque de
Langrcs , en faveur des officiers de la juflice royale
de ctite ville. Il pamit qu'il a été tait une exception
contre les éluS;, en faveur desjugeshauts-jufiiciers;
du moins ceux du duché de Mazarin , & le féné-
chal de l'évéque de Limoges , ont obtenu la Pré-
féance fur les officiers de l'eleftion.
Préféance des élus fur les officiers de la maitrift
des eaux & forêts , accordée & refufée. Ces derniers
ont , dans quelques villes du royaume , obtenu la
Préféance fur les officiers des eaux & forêts ; mais
ceux-ci ont , à leur tour , fait juger quelquefois
qu'ils dévoient précéder les officiers de l'éleélion
ë: ceux du grenier à fcl : ils peuvent faire valoir ua
arrêt rendu au confeil le 6 oétobre 1738 , pour la
maitrife d'Angers, & un fécond , du 14 août 1741 ,
pour celle de Tours Ce qui établit principalement
la Préféance à l'égard de ces corps, c'efi la poîfeffior.
Préjé.ince des trcforicrs de France fur les o^ciers
des préfîdiaux. En général , il efi de principe , que
la juridiélion ordinaire doit avoir la Préféance {"ur
la juridiélion extraordinaire , & que le juge du lieu
doit avoir le pas fur un autre juge qui n'efi pas fon
fupérieur. C'eft d'après es principes, que le parle-
lucnt a donné la Préféance au préfidial de Ca en fur
les tréforiers de Fiance , par arrêt du 24 juillet
1652. Cependant le confeil privé ayant égard , foit
aux privilèges attribués aux tréforiers de France ,
foit à la pofiéffion fondée fur un édit du mois d'a-
vril 1604 , & fur un arrêt contradictoire du 24
février 1691 , a accordé la Préféance au bures»""
des finances de Bordeaux fur les officiers de la
fénéchaufiée & préfidial de la même ville : les
tréforiers de France d'Amiens & de Soiiîbns ,
jouiiTent de la même Préféance.
Préféance des jti^es des bailliages fur le prévôt de
la m ir échauffée. Le parlement a jugé , par arrt't
rendu fur les conclufions de M. Joly de Fleury , !e
7 avril 1702 , entre les officiers du bailliage de
Mont-fort la-Maury , & le prévôt de ta maréchauf-
fée du même lieu , « que dans les afiemblées où
» les officiers du bailliajîe fe trouveroienr en-
)> voyés , ils auroient la droite , & que le prévôt Je
Il la maréchaufl!ee feroit au côté gauche du bail-
" liage & dans une ligne parallèle à celle du 'lieu-
» tenant gênerai ; pareillement que les officiers
j) dudit bailliage auroient rang & féance dans l'é-
» glife fur le banc qui efl à droite , dans les céré-
» monies où ils affifieroient en corps , & le pré-
j> vôt fur le banc qui eft à la gauche, & que,
» lorfque le bailliage ne feroit pointcn corps dans
» l'églife , le prévôt de la maréchaufiTée auroit rang
» & féance fur l'un des bancs avant le premier
i> confeiller dudit bailliage ; & quand lefdits offi-
)> ciers & le prévôt de la maréchaufiTée feroient
» obligés de défiler dans le cours des procefiî^ons
w & autres afTemblées , même lorfqne dans l'é-
•n glife ils iroient à rofrr;i»ide , tous les officievs dn
47i PRESEANCE.
j» bailliage paffcioieiît avant ic prévôt de la mare'
s? cliaiifiee ".
Preféancc des g.trde^ de V hôtel (ur les officiers d'une
juflicî fei-^ncnriale. Par arrit r^nJu contradifloire-
msnt au grand conleil , le 5 mais 1716 , entre àti'^
gardes de la. prévôté de rhôicl . & les offi:icrs de
fa juAice rsigneuriaie de Doukvaat.la Prélcance
a été accordée aux gardes de la prévôté de rhôicl.
Préféance de:, conjuls /ur les noi^tires. Les juges*
confuls du Mans , tant anciens qu'en exercice ,
ont obtenu, par arrêt du 27 juin 1746, la Pré-
féance fur les notaires.
Les confuls d'Abbeviîle avoicnt reçu, le 16 oc-
tobre 1743 , la nicrne cliftinfiion.
Ceux d'AmieTis , tant anciens /.nren exercice , &
ceux de Montanban , jouiiTent de cette fupérioiité.
Mais coinme il n'y a rien de fi incertain & de û
contradictoire que les jiigemens des hoiniries, les
notaires d'A*i'icns om fait juger, en 1762 , qu'ils
dévoient avoir la Piéféance fur les confuls qui
n'étoient plus en exercice.
Préfiiincc des o^^'urs mun'c'ip.Mix fur les jugci
corj'uls. Un autre arrêt rendu le 21 juin 1759 , &
d'après les conc'.ufions de M. l'avocat général Se-
guier , ordonna que les ofnciers municipaux au
foient 11 Préféance Air l;s jugesconfuls de la ville
<lo l^iâloîis , dans toii'es les r-Hemblées. L'auteur
de la coiledion de jurifprudence , qui rapporte ce-t
arrêt, prétend que le motif qui !'a diélé, e/i que
les juges coîifiils font des ji'g'-'s d'aitribution qui
n'ont point detùritoire.
Les nn;» & préféance des oïïicier:, royaux, maire
Si conful de La'iguedoc, ont été réglés par un arrêt
cUi confeildu \o mai 1,701 , contenant fept articles ;
tnî autre nrré'dti confei! du 12 juin 2702, a de-
puis ordonné Que le règlement de 1701 feroit exé-
cuté entre les oSciers des fei^niurs Se les mjire
6c confuls.
L'article 6 de l'édit du mois de janvier 1718 ,
portant éfabii'fement (^^[^■z juridiélion confulaire
à V'alc-nciennea , orâoniie qu'entre les perfonncs
convoquées pour l'éleâion des juge 8c confuls ,
la Préféance fera donnée aux anciens juges, puis
aux ancieiis ccnfuis , tniuite aux fecrctaires du
foi, puis aux gradués, & enfin à l'âge.
Vrép.ancc du iieuienmi ciimiml de ri^be- courre fur
/e prévôt des rnarèdijux de Fra^ice. Le liei;;enanî cri-
minel de rcbe-courte a la Préféance fur le prévôt
des marécha'.ix de France ; cela a été jugé ainfi
|)ar arrêt du 2-7 rM\ i-/ k,.
11 y a pourtant iine circonflance ^ mais c'efî la
feule dans laquelle le prévôt des maréchaux de
France précède même les bailliage':; elle a lieu qua.id
les gouverneurs, lieutenans généraux des provin-
ces , lieutenans de roi Se commandans , fe trou-
vent aux cérémonies publiques; alors les lieute-
nans des mi.réchaux de France peuvent prendre
i^cunce après les gouverneurs Se commandans ,
avj/it Jes oiiiçiers de^ t)ai]iii;§es & préiîdiaux, con?
PRÉSÉANCE.
formcment à l'édit du mois de mars 1693 , 8c à la
déclaration du 20 judlet 1694.
Cornmijj aires & i^rc/pers du chd-:/cr, I! a été ju^é
p:ir un arrêt provifoire du az mai 17 13 , entre !.s
commiilaires Si le greffier en clîef du chateiet, qui
fe difpuroient la Prcfeance , que le greffier en chef
auroit féance entre les commilTiiires ; en forte qu'il
y auroit toujours un nombre égal de commiiTaires
avant & après lui.
Hu[j]îers au parlement 6* procureurs. Un arrêt dil
confeil du \6 avril i 747, a ordonné que le premief
huiffier au parlement de Grenoble p;écéderoit le
doyen des procureurs dans toutes les afiembléeS:
générales Se particulières, & que les autres procu-
rems & luiiffiersau parlement marcheroient par or-
dre de leur réception.
La cliarge ilont on efl revêtu ne donne pns
la Préféance dans un lien eii on ne l'exerce point.
Cela a été jugé par arrêt du 27 août 176"',
contre le fieur Chcvery, préfident au grenier à
fcl de Provins , qui prétcndoit , à ce titre , avoir
des diflinéVions & la Préféance dans l'églife pa-
roiffiale d'un village où il po/Tédoit quelques fonds
roturiers.
La Préféance n'a lieu que dans les cérémonies
publiques ou dans les a/Tembléçs, Si elle ne pci;r
être réclamée dans les cérémonies particulières oit
les individus font indiAinéicment invités , telles
que les célébrations de ménages , ou les cnter-
reinens.
Nous n'avons jufqn'à préfent confédéré que les
Préfjanccs particulières ; mais il en eft de plus,
étendues Se qui fcmblent réfuler plus dans fopi-
nion que dans le fait; ce font celies de ia niif-
fance , des grands emplois. Ainfi , quoique les
bommes cjui dcfcendent des maifons illuflres , qui
porteur wn grand nom , qui ont des décorations ,
ne puiflc-nt Das toujours exiger rigoureufement la
?rélé;ince dans les cérémonies publiques ; ce-
p^-ndant iw.c rzKon éclairée s'empreile de la leur
a;corder.
Malgré ce qu'on vient de lire , & tous les ar-
rêts que nous avons rapportés, on n'en doit pas
nioins adopter les idées fages de Domat, qui pré-
tend que de tous les ordres la:que<> , le premier efl
celui de la profefàon des armes , dont l'ufage fait
la gloire du prince Se la furçté publique : le roi
c:î le chef de ce corps; il a pour membres les
princes du fang , les officiers de la couronne, les
gouverneurs des provinces , Se toutes les perfonnes
les plus illufircs par leur naifTance.
Le fécond ordre des laïques , ajoute le même
auteur , eft celui des miniftres Se de ceux que
le prince honore d'une place dans (on conieil
fecret.
Le troifième de ces ordres eft celui des perfonnes
qnl exercent les fonélions de'l'adminiftration de
la juftice , foit au confeil des parties , foit dans les
diverfes compagnies de juftice.
Le quatrième ordre eft celui des officiers dont
les
PRÉSÉANCE.
les profedions regardent les finances, ou qui font
relatives à Tordre des deniers publics.
Il placé dans le cinquième ordre ceux qui pro-
fèrent les fcienees ou les arts libéraux.
Il met dans le fixième les marchands & tous ceux
qui exercent une efpèce de commerce.
Le feptième , eft rempli par les ouvriers , les
artifans.
Il range dans le huitième les cultivateurs & les
pafteurs , qui, par l'importance &. la néceflîté de
leurs travaux , fi précieux à la fociété, devroient
être placés les premiers , fi leur ignorance & leur
groffièreté ne les mettoient au deffous des autres
hommes.
Après ces divifions , Domnt obferve judicieufe-
nient que les rangs des clafles ne fe règlent pas
tous par les rangs de l'ordre. « Ainfi , par exem-
»» pie , le rang des premiers officiers qui ont la
» direflion des finances , cft au-delTus de plufieurs
V officiers de juftice ; mais l'effet de la diftinâion
» des ordres , pour ce qui regarde les rangs , eft
» que les premiers d'un'ordre qui eft au-delTus d'un
» autre , ont leurs places au-deilus des premiers de
5» l'ordre qui eft au-defibus. Ainfi les premiers offi-
>♦ ciers ue juftice ont leur rang au-deffus des pre-
» miers officiers des finances 5>.
La volonté feule du prince peut établir des
Préléances ; il en efl d'autres qui ne font point
arbitraires, telles que celle d'un chancelier , que
fa dignité élève au - defius de tous les officiers
qui font employés dans l'adminifiration de la
juftice.
Dans le même ordre , les parlemens ont la
Préféance fur toutes les autres compagnies ; les
préfidens fur tous les fimples confeillers. L'an-
cienneté de réception établit enfuite les Préféances
entre les officiers revêtus de la même charge.
Autrefois l'âge étoit une raifon de Préféance ;
les vieillards avoient des droits aux premières pla-
ces ; mais aujourd'hui le vieux militaire eft précédé
par un jeune homme favorifé de la fortune. L'an-
cien magiftrat marche après un jeune préfident.
Depuis que tout fe donne aux richefies , & rien
à l'expérience, la vieillefie n'a plus de dédommage-
ment à efp:rcr fur la terre. Combien il feroit à fou-
liaiter qu'une bonne réputation, que la vertu, que le
fa%oir, fuifent des titres de Préféances ! Mais elles
feroient une fource d'inimitiés & de jaloufies ; car
tous les hommes prétendent à l'honneur de la vertu
& du favoir , au milieu même du vice & de l'igno-
rance.
Domat voudroit qu'on accordât la Préféance aux
pères de f-^mille qui ont le plus d'enfans : cette idée
eft celle d'un bon citoyen , qui fent combien il im-
porte à Is profpérité d'un royaume, que la popu-
lation y foit encouragée , & qu'on accorde des
honneurs à ceux qui donnent des foldats & des
cultivateurs à la patrie. ( Article de M, DE la
Croix ^ avocat au parlement).
Tome XIIL
PRÉSÉANCE.
475
ADDITION à l'article PRÉSÉANCE.
On peut élever des doutes fur le point de favoir
quel rang occupoit le clergé dans ces anciennes
alfemblées nommét^s Champ de mars y puis Champ
dt mai. S'il eft vrai , comme le prétendent quelques
auteurs, qu'il n'y figuroit que comme repréfen-
tant le peuple, fans doute la noblelTe avoit la
Préféance.
Quoi qifil en foit , paftbns à des temps moins
reculés , &. voyons le rang des difterens ordres dans
les états généraux Se particuliers.
Il paroît, à partir de quelques anciens monu-
mens, que fous le règne de Philippe Augufte les
notables des principales villes furent quelquefois
appelés dans les aftemblées générales. Si l'on en
croit un ancien hiftorien , faint Louis convoqua
pareillement à l'alTemblée générale qui fe tint à
Paris en 1241 , les députés des meilleures villes du
royaume, avec les prélats & ics barons.
Mais le tiers-état n'avoit point encore été con-
voqué en France avec tant d'éclat qu'il le fut à
l'occafion du fameux démêlé de Philippe le Bel &
de Boniface VIH. Le roi , qui r.e vouloit rien né-
gliger pour maintenir les droits de fa couronne
contre un pape qui entreprenoit d'étendre fon au-
torité dans le royaume fur le temporel , crut qu'il
falloit intérefter tous fes fujets dans fa querelle,
par l'union folemnelle de tous les ordres de létat :
il convoqua donc à Paris les prélats & les barons,
& avec eux le fécond ordre du clergé, les uni-
verfités , & les députés des principales villes, qui
eurent voix délibérative dans les deux afTeniblées
de 130a & de 1303. Les états généraux, alors corn-
pofés des trois ordres , du clergé , de la nobleile ,
6c du tiers-état, confcrvérent cette forme fous les
règnes fuivans.
Aufl'i-tôt après la mort de .Tean , fils pofthun-e
de Louis Hutin, qui ne vécut que huit jours, les
prélats & les feigneurs , avec les Parifiens & l'uni-
verfité , reconinirent pour roi Philippe le Long,
à l'exclufion de fa nièce , fille du premier lit de ce
méme Louis; &, pour rendre la chofe plus au-
tiientique , Philippe convoqua en même temps les
trois ordres à Paris.
Le clergé, qui eut la Préféance dans ces états ,
l'eut auffi dans d'autres très-célébres , tenus de
même à Paris après la mort de Charles le Bel ,
ou Philippe de Valois fut reconnu , fuivp.nt la
loi falique , pour Théritier préfomptif de la cou-
ronne. Il obtint d'abord la régence, à l'exclufioa
d'Edouard , roi d'Angleterre , & fut déclaré roi
quelques mois après, lorfque la reine accoucha d'une
fille.
Les trois états furent aiïemblés jufqu'à trois fois
pendant la prifon du roi Jean , & le clergé y eur
la Préféance; mais, fous Charles VI, les ducs
d'Anjou , de Berry , de Bourgogne & de Bour-
bon , oncles du roi , & en poffeffion de toute l'au-
torité , furent nommés les premiers dans pUificurs
Oo o
474
PRÉSÉANCE.
aétes , Si commencèrent k prendre féance au deffiis
des prélats dans les conf^ils & dans les autres af-
feniblées. A leur exemple , les princes du fang
prirent ordinaiiement dans la fuite le premier
rang, comme un droit attaché à leur naiiTance.
Citte dirtini^ion , fi légitime pour des princes qui
peuvent devenir nos rois , n'a jamais fait de con-
fsiquence pour d'autres , & les députés de l'égliie
n'en n'ont pas moins confervé leur Préféance fur
les députés laïques , dans les états généraux tk dans
lesaffemblées des notables. En voici quelques exem-
ples tirés du cérémonial françois , où même les
cardinaux confervent encore cet avantage fur les
princes du fang.
£n Caffimblte des états généraux de France , tenue
à Tours Jjus Louis XI , en mil quatre cent (ùixante-
fept : « Audit premier parquet ctoit le roi en une
« haute chaife , & aux deux côtés du roi il y avoit
« deux chaifes à dos , loin de la fienne chacune
» de fept à huit pieds, l'une à dextre & l'autre à
» fentjîre , toutes deux couvertes de riches draps
T) d'or , fur velours cramoifi ; efquelles chailés
« étoient , c'efl à favoi'r , en celle de main dextre
» le cardiiial de Sainte-Sufanne ,évcque d'Angers ,
ï» paré d'une grande chape cardinale ; en celle de
»• mdixn fineflre , le roi de Jérufalem & de .Sicile,
»> duc d'Anjou , vêtu d'une robe de velours cen-
5) drée , fourrée de m;irti c. Et enfuite , pag. 2S0 :
î> Sur les matières propofées , de par le roi , par
ji la bouche de M. le chancelier , en la préfcnce
}) de très-haut & très puidant prince le roi de Jé-
« falem & de Sicile , duc d'Anjou ; & très-ré-
5) vérend père en dieu, & très-redouté feigneur,
j> M. le cardinal; de mes très-redoutés feigneurs,
r melTeigneurs du fang; de très-révérends & ré-
« vérends pères en dieu , meflîeurs les patriar-
« ches, archevêques, évèques , pairs de France
« eccléfiaUiques , & autres prélats & gens d'églife ,
55 de meffieurs les nobles & gens de cités & bonnes
» villes, faifant & repréfentant les trois états gé-
j> nèrauxde ce royaume, & efquelles chofes le roi
3> a deinandé à mefdits feigneurs leur bons avis 8i.
n confeil , &c ".
On voit que dans ces états, ainfi que dans ceux de
Tours & d'Orléans, de 1483 , 1506, & Mf^o, ks
cardinaux avoient les premières places ; l'élévation
où ils fe trouvèrent dansl'églife, fous le pontixïcar
d'Innocent IV & de Boniface VIÎI, leur avoit donné
une grande confidération en France fous le règne
de faint Louis & de Philippe le Bel. Ils prenoient
par-tout le premier rang ; mais aux états qui [fu-
rent tenus à Saint Germain-en-Laye en 1561 , &
qui n'étoient que la continuation de ceux d'Or-
léans , les princes du fang ne voulurent plus fouf-
frir que les cardinaux fuffent affis au-deffus d'eux,
& le cardinal de Bourbon , qui fe mit au-defTus
du prince de Condé , fon frère , déclara que c'étoit
comme fon} aîné , & non pas comme cardinal; les
cardinaux de Chàtillon & d'Armagnac fe placèrent
après ks autres princês du tang. Et charles IX ,
PRÉSÉANCE;
tenant depuis ion lit de juftice en 1563, au par*
lement de Rouen, où il fut déclaré majeur. M,
le duc d'Orléans & les princes du fang eurent la
droite, 5i les cardmaiix de Chàtillon & de Guife
la gauche. Enfin , Henri III ordonna, par un édit
exprès , que les princes du fdug auroicnt par-tout
la Préféance fur toutes fortes de perfunnes ; & c'efh
ainfi qu'on l'a toujours obfervé depuis , comme on
l'obferva d'abord aux états de Blois où cet édit fur
fait, mais où la Préiéance d;s princes du fang n'em-
pêcha pas que les eccléfiafliques ne l'enlTent fur les
autres députés.
A l'égard des états particuliers des provinces ,
on fait qu'en Bretagne les commillaires du roi af-
fiftent à l'ouverture des états. Le "ouverneur de
la province , comme premier commiHaire & repré-
fentant la perfonne du roi, y rient la première
place. A la féconde féance , l'intendant , qui efl
le fécond commiiTaire, fait les propofitions & les
demandes. Après quoi, les commilTaires, même le
gouverneur, fe retirent & ne reviennent ordinai-
rement que pour la concliifion des états.
Le clergé, précédé par l'évéque du diocèfe où
on tient les états, eft à la droite du trône : la no-
blelTe efl à gauche , ayant à fa tête alternativement
les ducs de Rohan &. de la Trémouille , comme^
premiers barons de Bretagne. Le tiers-état ert placé
plus bas.
L'évéque, qui eflà la tête du clergé, préfide aux
érars, propofe les affaires, & conclut , après avoir
pris l'avis du tiers-états & de la nobleffe.
Il en efl à peu près de même dans les autres pro-
vinces d'états. L'archevêque de Narbonne efl pré-
fident né des états de Languedoc, & l'évéque d"Au-
tun des états de Bourgogne.
Du ran^y de MM les duc'> ^ pairs entr'eux. Le
rang des pairs de France fe règle, non par la date
de leur réception au parlement , mais par celle des
lettres d'éreétion de chaque pairie. À cet égard
point de difficulté.
Mais il peut y en avoir beaucoup fur le point de
favoir, fi , lorfqu'une pairie ert: érigée pour les hoirs,
tant mâles que femelles, celui qui époufe l'héri-
tière de cette pairie , avec permifTion & déclaration
du roi qu'il continue la pairie en fa perfonne, pren-
dra féance au parlement , du jour des lettres d'érec-
tion ou du jour de fa réception.
Sans nous livrer à des diflertations qui nous me-
neroient beaucoup trop loin , nous nous contente-
rons de rapporter un arrêt qui paroît avoir jugé
cette importante queftion. Voici d'abord les détails
de l'efpéce fur laquelle il efl iitervenu.
Philippe de Bourgogne , comte de Nevers , laifTa
deux tnfans, Charles & Jean. C'efl en faveur de
Charles , qui étoit l'aîné , & de fes defcendans ,,
que la terre & feigneurie de Nevers , qui n'étoil
qu'un comté , fut érigée en pairie par le roi Char-
les Vn en 1459. ^" "^ remonte pas plus haut ,.
parce que les précédentes éreélions en pairie da
mênié comté ,. font inutiles à renurq^ucr.
PRÉSÉANCE.
Charles de Nevers étant mort fans enfans , Jean ,
fon frère puîné , lui fuccéda au comté , Si le roi
Louis XI continua la pairie en fa faveur Si pour fes
defcendnns. Jean ne lailîa que deux filles, Ifabelle
&. Charlo te ; Ifabelle fut mariée à Jean de Clèves,
auquel le Comté fut tranfmis fans diiîîculté , 6c il en
fit riiommage au roi. De leur mariage eft defcendu
Engilbert de Clè»es , qui fut comte de Nevers , du
chet d'Ifabelle de Nevers fa mère : le roi Louis XII
lui accorda , en 1505 , des lettres de continuation
pour lui Si pour fes defcendans mâles.
Engilbert eut pour fils Charles de Nevers , qui
époula Marie d'Albrct fa oufmc : de ce mariage
vint un enfant mâle , nommé François. Marie d'Al
bret, après la m.ort deCh.T-les de Nevers, fon mari,
eut le bail ck la garde noble de François fon (ils,
6c en 15 21 elle obtint des lettres pour la jouif-
fance de la pairie pendant la garde. Ainfi la pal<ie
a toujours fubfjrté depuis les lettres de i 505.
La garde finie , Marie d'Albret , fage & pleine de
prévoyance , pour ne plus tomber dans les fâcheux
inconvenieus de l'extinilion de la pairie par le dé-
faut de mâles, & afin de donner un nouveau lufire
a cette terre, d'une très-grande étendue , demanda
au roi François I la grâce d- vouloir ériger le comté
en duché, ik de l'étendre à tous les defcendans ,
tant màLs que femelles; ce que le roi lui accorda
par fes lettres de i 5^18 , à caufe des grands & im-
portants fervices rendus à 1 état par la maifon de
Nevers. Ces lettres portent , que l'éredion , ou plu-
tôt que le changement du comté en duché eft fait
au profit de Marie d'Albret, de François de Clè-
ves , & de lei'rs defcendans , tant mâles que, femel-
les , fucceûeirs Si ayans-caufes. Dans le dil'pofi-
lif , il n cil' point parlé de la pairie , par une raifon
nécelTaire à obferver: c'eft que la pairie, qui avoir
été érigée par Louis XII , en 1 505 , pour Engilbert ,
comte de Nevers , Si pour fes defcendans , fubfif-
toit encore, puifque François de Nevers , petit-fils
d'Engilbert, étoit vivant. Les letiresde 1538, qui
n'étoient que pour changer le comté en duché ,
n'ont point dérogé à h pairie , qui n'éroit pas
éte.'nte , y ayant des defcendans mâles d'Engilbert ,
qui la foutsnoient & l'avoient continuée avec le
fief dans la fe'gneitrie del-Jevers. Tout le change-
ment qui s'ell fait dans cette dignité , a donc été ,
que la pairie , qui étoit jointe a un comté , a été
unie à un duché dont elle a emprunté les condi-
tions &c les prérogatives , Si particulièrement celle,
de pafler aux defcendans, de quelque fexe qu'ils
fuflent, même aux fuccelTeurs Si ayant-caufss. Il
s'efi fait par ce moyen une union de l'un avec
l'autre , fans toutefois que la pairie , réunie avec le
nouveau duché, ait perdu la prérogative Si l'an-
cienneté de fa création , ces lettres de 1538 ayant
confervé la nature & la qualité de chacune de ces
deux dignités. En voici les termes : ConJIdérjnt que
notredit confia de \evers & Jes jucceffeurs ont tenu €>
pojjéde Icfdiii pjys & comté de Nivers , comme en-
ton jaii d« préjiiii noircdicc çoujïne Mûrie /Aib'et ,
PRÉSÉANCE.
475
pjr concejfion de nous faite , en dro.t & préroguive
de pairie , ayant fervi aux f acres des rois & couronne-
ment de nous & nos prédéccfftnrs ; nous , de notre pro-
pre mouvement & pleine pui^dnce , &c. avons icelni
pays & comté de isivernois , créé , & érigé , créons 6*
érigeons par ces prcfcaes , en titre , nom , honneur ,
prérogative , pouvoir & prééminence de duché , pour
tenir & pojfeder audit titre & prérogative deauche,
de nous & de notre couronne par une feule foi & hom-
mage , par notre coufme, fes- hoir ^ , mâles & femelles^
fucceffeurs & ayant- cauje , propriétaires dudit P'tys
quils tiennent & pofsèdent ores & pour C avenir , en ti-
tre, droit & prérogative de pairie fous le refjort de no-
tredite cour de parlement.
Ces mots , que nous avons créé €• créons en titre en
dignité de duché, fans ajouter celui de pairie, pré-
fuppofent , dit Coquille , que l'ancienne pairie fub-
fifte comme elle étoit auparavant , Si que la créa-
tion nouvelle n'efi que pour le duché feulement.
L'union qui eft faite pour l'ancienne pairie au nou-
veau duché, n'eftque pour tenir l'un Si l'autre à une
feule foi Si hommage , comme les lettres le décla-
rent ; mais elles ne changent point la qualité de la
pairie, parce que, comme remarquent les doc-
teurs. Si principalement Dumoulin , les unions qui
fe font par le fait de Ihomme, confervent les cho-
fes unies dans leur nature Si leur ancien établifte-
ment. Aulfi la dernière elaufe des lettres , pow jouir
ores & à l^avenir du droit de pairie , confirme la pré»
rogative de la pairie , comme elle etoit dans le
temps .procèdent; ores & à l'avenir fignifiant le
temps pafte Si celui de l'avenir.
Depuis ces lettres de 1538, Marie d'Albret étant
morte, François de Nevers recueillit la fucceffion.
Si fit la foi 6l l'hommage au roi du duché Si de I3
pairie : il laifia cinq enfans ; favoir , deux mâles &
trois femelles; les mâles font François II Si Jac-
ques de Nevers; les iilics, Henriette, C^atherine
Si iMarie : ce François II a fait l'hommage de l'un
Si de l'autre. Si , étant décède en 1562 fansUaifter
d'enfnns , Jacques fon frcre , a fticcédé an duché à
la pairie. Après le décès de Jacques, aufil mort fans
enfans, Henriette, fa fœur aînée, a été faifie du
duché Si de la pairie.
En 1566, Henriette ayant époufé Louis de Gon-
zague, elle lui porta le duché a^ec la dignité de la
pairie , 6(. la même année Charles IX liù accorda
des lettres d'agrément Si de continuation du duché
Si de la pairie , de la manière qu'Henriette de Ne-
vers en jouilToir. On peut dire, avec vraifem-
blance, que ce font les premières lettres qui aient
été données aux maris des ducheftes ; car , dans
tous les fièclcs . la foi Si hommage du mari fufh-
foit, la tranfmiflion de la pairie fe faifant de plein
droit en vertu du mariage , fans être obligé de pren-
dre des lettres particulières , qu'on jugeoit alors
inutiles.
Louis de Gonzaguc n'eut pas plutôt ces lettres,
que M. le duc de Montmorency , dont la pairie
n'étoiî que de 155 1 , s'oppofa à leurentéiineinent
O o o ij
476 PRÉSÉANCE.
& à la réception de Louis de Gonzague au parle-
ment , prétendant qu'il ne pouvoit prendre le rang
& la féance que du temps des lettres de 1 5 56 , &c
non des premières éreâions, pas même de 1 505 &
de 1538. Louis de Gonzague, au contraire, la pré-
tcndoit, ou de l'année 1505, que la pairie avoir
été érigée en faveur el'Engilbert , ou de 1538 , que
le comté avoit été créé en duché. Après une plai-
doirie folemnelle , la caufe fut appointée par arrêt
de 1S64.
Dix ans après , M. le duc d'Aumale forma la mê-
me conteftation pour la féance; ce qui put y don-
ner occafion , fut la cérémonie du baptême du fils
de M. de Nangis , où M. le duc d'Aumale , dont la
pairie étoit de i 547, voulut prendre le pas fur M.
le duc de Nevers. Le prétexte de fa Préfcance fut ,
que lui , duc d'Aumale , étoit duc de fon chef j au
lien que M. de Nevers ne l'étoit que du chef de fa
femme. M. le duc de Nevers remontra , en préfen-
ce du roi , que le rang des pairies ne fe régloit pas
par le temps des mariages de ceux qui en éioient
revêtus, mais par celui des éreâions ; qu'il y avoit
plufieurs exemples en faveur des maris faits ducs
ik pairs par leurs femmes, & qu'ainfi la pairie de
Nevers étant de Tannée 1505, & le duché de 1538,
il devoit précéder M. le duc d'Aumale, dont la
pairie n'étoit que de 1547. Sur ces raifons , foute-
nues de plufieurs exemples, le roi jugea en faveur
de M le duc de Nevers.
Quelque temps après, s'étant fait une pareille
cérémonie au Louvre pour le baptême du fils de
M. de Clermont d'Entragues , M. le duc ti'Aumale ,
fe prévalant de l'abfence de M. le duc de Nevers ,
prit la place qui appartenoit à ce duc. M. le duc de
Nevers arriva pendant la célébration du baptême,
ti , voyant que M. le duc d'Aumale avoit pris fa
place j il eut la difcrction de fe retirer , afin de ne
pas troubler la cérémonie en prélence du roi ; mais
en même-temps il prit la précaution de donner fa
requête au roi , par laquelle il conclut à ce que le
rang lui fût donné au-deffus de M. le duc d'Au-
male, en tous lieux & en tous endroits du royau-
me. Cette requête fut renvoyée au parlement , feiil
jurfe de ces difTérends de Préféance entre les ducs
& pairs. La caufe fut folemnellement plaidie.
M. Marion , alors avocat de^ parties , & depuis
avocat général , foutenoit la Préféance de M. de
Nevers par trois moyens principaux ; le premier
étoit fondé fur l'antiquité de la pairie , l'autre fur la
force & l'effet de la tranfnii/Tion des droits de la
même pairie qu'Henriette de Clèves avoit apportée
à M de Nevers fon mari ; le troifième fur les let-
tres de 1566, par lefquell.s le roi avoit agréé le
mariage de Louis de Gonzague avec Henriette,
duchefie de Nevers , & avoit continué la pairie en
faveur du inari , pour en jouir de même qu'Hen-
riette auroit fait fi elle n'avoit point été mariée.
Il faifoit remonter l'ancienneté de la pairie juf-
qiren 1359 , q"e Charles VU avoit élevé la terre
^e Nevers à cette dignité en faveur de Cbaries de
PRÉSÉANCE.
Nevers. Si on ne vouloir pas sarrèter à cette érec-
tion , il diloit qu'il falloii toujours remonter ou à
1464 , que Louis XI avoit continué la pairie en fa-
veur de Jean , comte de Nevers , frère de Charles ,
ou à 1505, que Louis XII l'avoit renouvelée pour
Engilbert de Clèves, &: que le plus bas qu'on pût
detcendre étoit l'année 1 538 , dans laquelle le roi
François premier avoit changé le comté en duché
p»ur François de «Clèves & pour tous fes defcen-
dans. Il ajûutoit que ,• fuivant l'ufage certain delà
France, le rang & la Préféance fe règlent par l'an-
tiquité des pairies i que la femme qui eft duchcffe
& paire, tranfmet la pairie à fon mari , pour la
polTéder avec les prérogatives de la féance ,
que le temps des éreé^ions donne aux poiTefTeurs
ou propriétaires du duché; que le mariage ne fait
point de changement dans les fiefs de dignité , par-
ce qve les deux conjoints ne faifant qu'une même
perfonne, ils fc communiquent l'un à l'autre tout
ce qu'ils avoient de propre avant leur union ; enfin ,
que par les lettres de 1 566 , le roi , qui eft le dif-
penfareur fouverain de ces offices , avoit approuvé
le mariage de M. de Nevers, & lui avoit continué
les droits de cette pairie, fuivant les ancienne»
éreâions.
Le defcnfeur de M. le duc d'Aumale foutenoit,
au contraire , qu'on ne pouvoit pas faire renionier
le droit de la pairie de Nevers aux éreflions de
14^9, 1464 & 1505 , parce que cette pairie avoit
été éteinte en 1538, lorfque le comté de Nevers
avoit été fupprime pour en faire un duché ; que
les lettres de 1538 avoienr feulement érigé la fei-
gneurie de Nevers en duché, fans en renouveler
la pairie, dont il n'eft rien dit dans ces lettres;
après tout, ajoutoit-il, quand on voudroit fuppofer
que la pairie tût été renouvelée par les lettres de
1538, Louis de Gonzague étant étranger à la mai-
fon de Nevers , il ne peut , au plus , avoir fon rarng
que de l'année 1566, qui eft le temps des lettres
que le roi lui avoit accordées pour être reçu & pour
prêter le ferment.
Ce qui embarrafla le plus les magiftrats dans cette
affaire , fut de favoir de quel temps on fixeroit 1 inf-
titution de la pairie de Ntvers; fi ce feroit de l'année
1505 ou de l'année 1 î3&' , car, en la fixant à l'année
1538 , on préji:dicioit à M. le duc de Nevers tn fa-
veur des autres ducs & pairs qui pouvoient a\ oir
des pairies érigées avant 1538, & pofîérieurtment
à I50<; :aufii, pour ne ritn préjuger fur l'antiquité de
la pairie , &c ne point préjudicier aux droits de M. le
duc de Nevers , le parlement prit le tempérament
de donner indéfiniment la Préféance à M. le duc de
Nevers , fans déterminer laquelle de ces deux érec-
tions prévaudroit. Comme il n'y avoir aucune difS-
cu'té , dans cette incertitude de l'une ou de l'aune
éreâion , de donner la Préféance à M. le duc cie
Nevers , parce que le duché d'Aumab n'avoit été
érigé qu'en 1 547, la cour ordonna fimplemert eue
le duc de Nt\crs précéderoit le duc d'Aumal?.
Voici les termes de rarrét ; « Sans s'arrêter à la
PRÉSÉANCE.
i> grandeur des maifons , mérites ik fervices ren-
>» dus , tant par les parties que par leurs predécef-
« fenrs , aux rois & à la couronne , & faas toucher
î> aux droits &. prérogatives de la pairie , la cour a
« ordonné que le duc de Nivernois précédera en
» tous lieux & endroits de ce royaume le duc
» d'Aumale ».
De la Préfcance entre les propriétaires du fi^f-, 6*
les ofic'te's de cour Jouveraine donucUus dans lu même
paroijje. On peut voir à l'article droits honorifiques ,
ce qui concerne les feigneurs hauts-jufticiers & les
patrons. Nous ne parlons ici que des fimplespro-
pri<étaires du fief, en concurrence avec des perlon-
res conftituées en dignité , tels que des officiers de
cour fouveraine. Nous penfons que les feigneurs
de fief, gentilshommes ou roturiers , doivent les
précéder.
En matière de droits honorifiques ou de Pré-
feance attachés à des fiefs ou à des jufiices , ce n'eft
point la dignité des perfonnes que l'on confidére ;
il s'agit d'un droit réel ,& non pas d'un droit per-
fonnel , ou du moins on n'a recours à U qualité des
perronnci , qu'après qu'on a totalement épuifé la
réalité. C'eft une maxime établie par Maréchal.
Cet auteur décide dans le chapitre premier des
droits honorifiques.
i". Qu'entre feigneurs, c'eft celui qui a le fief
le plus noble ù qui h Préféance efi: duc.
2°. Que ceux qui ont des fiefs , précèdent ceux
qui n'en ont point.
3°. Que même les gentilshommes qui n'ont que
de fimplcs rotures, précèdent dans l'églife , ceux
qui n'ont aucun domaine , pour la raifon que ceux
qui ont des domaines , même en roture , payent la
dîme & contribuent à l'entretien & aux réparations
de l'égUfe.
4°. Que quand les chofes font dans une parfaite
égalité , alors on a recours à la qualité des perfon-
nes ; par exemple , fi un gentilhomme acquiert
cjuelque grand honneur, il eft en droit de précéder
les autres.
C'eft une maxime tellement certaine , qu'il rap-
porte l'exemple du Maréchal deTavannes, qui,
dans fa terre d'Arc fur-Thille , fut précédé à l'of-
frande par un gentilhomme , co-feigneur aveclui,
quoique la portion du maréchal deTavannes fût
beaucoup plus confidérable , mais parce qu'elle re-
levoit de celle qui appartenoit au gentilhomme ,
qui en fit des excufes au maréchal de Tavannes ,
auquel le gentilhomme avoua devoir toutes fortes
d'nonneurs , mais n'avoir pu abandonner les droits
attachés à fa terre.
Il ei\ vrai que Maréchal rapporte encore l'exem-
ple d'un gentilhomme qui avoir un fief, & avoit
djféré à un feigneur dont le fief étoit moins noble ,
parce qu'il étoit chevalier des ordres du roi ; mais
avec déclaration de fa part, que telle déférence
d'honneur par lui acceptée , ne feroir qu-e pour fa
jKrfonne feulement , & ne paffiroit point à fes
ûiccefleurs. Ces exemples fmtjulicrs ne peuvent
PRÉSÉANCE.
477
point être tirés à conféquence ; bien loin qu'ils puif-
ient détuire le principe , ils l'établiiTent.
On objecle i". pour établir que les officiers des
cours fouveraines doivent avoir la Préléance fitr
les fiiupies feigneurs , que les honneurs ne font
dus de droit qu'aux patrons & aux feigneurs liauts-
j^jfticiers , (k. tout au plus qu'aux feigneurs du fief
fur lequel l'églife eft bâtie ; 2". que fi d'autres en
jouiiîeiit , ce n'efi que par bienféance ; parconfé-
quent, qu'à leur égard ce font les qualités les plu»
honorables qui méritent la Préféance.
On convient, qu'a la rigueur, les véritables
droits honorifiques , appelés g.-.mds honneurs , n'ap-
partiennent qu'aux patrons & aux feigneurs hauts-
juiliciers. Tels font les droits de litre en dedans 8c
au dehors de l'églife, la nomination aux prières
nominales, l'encens; mais à l'égard des moindres
honneurs , l'oftVande , le pain- béni , le pas à la pro-
celfion , ils appartiennent aux feigneurs de fief La
diftinélion du droit , à la rigueur, k l'égard des pa-
trons & hauts-jufticiers , Si du droit de bienféance
à l'égard des autres , n'a rien de décifif. Dans l'ori-
gine , on peut dire que le droit même du patron .Jc
du feigneurhaut-jufticicr tû. une dérogation à l'an-
c.en droit, fuivant lequ-el on ne devroit faire au-
cune diftinftion dans l'érlife , où tous les honmics
devroient être égaux ; mais l'ufige contraire a pré-
valu , ÔC a [orme un autre droit en faveur du pa-
tron , & enûiite du feigneur haut-jufticier. A l'es? rud
du feigneur du fief fur lequel l'églife eft bâtie, i'oti
droit ne peut être regardé que comme un droit de
bicnféarke : il ne laifle pas que d'en jouir, &. ce
àro'it appelé Je ûicz/féance , eft devenu, p.-rl'ufagc ,
un droit commun; de-là , on ne peut pas jufiemeuc
tirer la conféquence que ce foient les qualités per-
fonnellts qui puiflént opérer la diflin(Hion ; il s'en-
fuivroit qu'entre un gentilhomme fans fief, revêtu
de quelque grade, ik un gentilhomme poiTédanr
lief , on auroit décidé que le premier devoir avoir
la Préféance ; ce qui feroit certain fi les qualités
perfonnelles décidoient. Si c'eft un fimplc droit ds
h'.'nféance qui ne foit pas devenu droit commun ,
il faut encore conclure qu'un roturier poftedant un
fief dans la paroifle ne doit point l'emporter fur le
gentilhomme qui n'a pas de fief; même un anobli
ayant un fief devroit céder à un gentilhomme fans
fief. Ces diftinâions perfonnelles feroient la four-
ce d'une infinité de conteftations; les gentilshom-
mes difputeroient entr'eux , fur l'ancienneté de
leur nobleffe. Au lieu que quand ils s'agit d'un
droit réel , on cède avec beaucoup plus de iacilité ,
& on ne croit pas valoir moins que celui à qui on
cède.
Ainfi le droit de bienféance ne doit pas moins
être obfervé , & les ufages qui ont leur fourcs dans
la bienféance ne doivent pas être re/etés; autre-
ment tout feroit arbitraire.
Le privilège de MM. les ofEciers de cour fouve-
raine , ne çonfifte pa-; à dépouiller Icà rci'4,ne!!r5 de
hefsj.des droits & des Préféances dont ik l'ont en
478 PRÉSÉANCE.
po/Teffion. Maréchal , dans fon traité des droits ho-
norifiques, ne le décide pis. Voici les propres
termes de cet aiiteiir : Pour ce qui cfl des fc.znces des
cjficiers enti'cux , de ceux qui n'ont de prééminence
qu'à caufe de Lurs cha:?,cs , hs officiers royaux fa
vcnc cntreux leurs rangs ^ qui font Li plupart rédés
par quantité d'arrêts.
Cela ne s'applique donc qu'aux officiers entre
eux , qui n'ont de prééminente qu'à caufe de leurs
charges.
Maréchal ajoute : Quant à leurrangfur les oificiers
fubalternçs , MM. des corps & compagnies fcuvcrai-
lies , comme des parlenicns , grand' corifeil , chambrç
des comptes , cours des aides JefiudUs dignités anc-
bhffcnt , outre que plnfieurs font gentilshommes &
nobles de race , précèdent , & il faut que tous autres
officiers inférieurs leur cèdent , mém: dans les églifes
ijui^ ne font point royales , & dans toutes fortes de
villes , bourgs 6' paroljfes , nonohjlant quelles n'ap-
partiennent point immédiatement au roi.
Il efi donc évident que Maréchal ne décide point
la conteflation cn:ic un officier de cour ibuvcraine
& un feigneur de fief.
Un confeiller clerc , qui fe trouve être le plus an-
cien ^peut-il préfider le tribunal dorU il ejl membre ?
Cette queflion s'cft élevée fur la fin du dernier
fiecle, entre, le fieur Petir-Pied , confeiller clerc
au châtelct , & les confti'lcrs laies de ce tribunal.
L'arrêt qui juge cette queftion çit conçu en ces
termes :
M Le roi en fon confcil, faifant droit furl'inrtan-
» ce , a maintenu & gardé , maintient & garde ledit
» ficnr Petit-Pied au droit de préfidcr ëi faire les
5) fonclions de doyen , tant à l'audience qu'a la
il c!:ambre au confeil dudit châtelct de Paris Ck; au-
I) très lieux où îa compagnie fera airimbiée, lorf-
» qi;'i! fe trouvera le plus ancien officier , fuivant
}) l'ordre de fa réception , tout ainfi que le peuvent
ji faire les atitres confcillers du cliâtelet; & Icrf-
» que la colonne où ledit fieur Petit Pied fe trou-
» vera difliibué, fera de fervice au criminel , il ne
3) pourra peint afTifler à l'audience civile , mais ainf-
j; fera aux rapports & jugeniens des procé<; dans
>! la chambre criminelle , & y aura voix délibéra-
3) tive ; pouria même y rapporter 6c ypréfjder,
» lorfqu'il fe trouvera le plus ancien ; fans néan-
» moins que ledit fieur Petit Pied puiffie prétendre
ti aucune part dans les épicts des procès qui fe-
11 ront )iip,és dans la chambre criminelle; dépens
j) compenfcs. Fait au confeil privé du roi, tenu
n à Saint-Germain-cn-Lnye, le 17 mars 168233.
Cet arrêt jue,e la queftion de la manière la plus
formelle ; cependant il faut convenir qu'il s'écarte
de ce qui fe praùque dans la plupart des préfidiaux.
En effet , le châtelct produifit ur\ grand nombre
d'aftes qui atteftoiçnt l'ufage contraire.
De la Préfêance des officiers des prifiiaux. Les
préîldiaux, dans les cérémonies publiques , ont le
fang au-den"us des mairçs , gouveineurs & éche-
PRÉSÉANCE.
vins de ville. ( Lettres Patentes du ii mai 1557,
rendues en faveur des préfidiaux du royaume.
Voyez Joly , tome 2 , pag. 1849 ).
11 y a eu depuis plufieurs arrêts & règlemens ren-
dus en conformité ; er.tr'autres :
Un arrêt du 7 avril 1564 , rendu en faveur des
officiers de Bordeaux, contre les maire & jurats
de la même ville. ( Voyez Joly , ibid. ).
Autre arrètduSjain 1581 , en faveur des of-
ficiers du préfidial d? Tulle, contre les maire &
confu is de la même ville. ( Joly , ibid. )
Aiitre du ir mars 1609 , rendu en faveur des
officiels du préfidial de Touloufe , contre les C3^
pltouls ( i oXy fibid. page 1850 ) , confirmé par ar-
rêt ilu confeil du 10 décembre de la même année ,
rapporté par Cliewi , tome 2 . page 1097.
Autre arrêt du parlement de Paris du 16 mars
1598, rendu en faveur des olîrcitrs du préfidial
d'Amiens, contre les maire & échevins de ladite
ville. ( Chenu , tome r , titre 38 , chapitre 172 ).
Autre du ii février 1606, en faveur des off.-
ciers du bailliage de Chaumont en Baffigny , con-
tre les maire 6c échevins de ladite ville. ( Chenu ,
tome 2, pnge 1099 ),
Autre arrêt du confeil du 3 mai 1609 , rendu en
faveur des officiers du préfidial d'Auxerre, contre
les maire & échevins de la même ville ( rapporté
dans le recueil des arrêta d'Augeard , tome 1 ) ,
qui porte , « que dans les procefiions Se cérémo-
" nies publiques , les officiers du préfidial & ceux
» de 1 hôtel-de-ville marcheront fur deux lignes ;
» (avoir ,les offi.ciers du préfidial toujours à droite,
» tk ceux de l'hAtel-de-ville toujours à gauche ,
3» ians le çroifer ni s'entrecouper 33, (Voyez auffi
l'article r 3 de la déclaration du 19 août 1702, &
l'article 37 de l'édit du mois de décembre 1706 ,
fervant de règlement pour les rangs des maires ijc
échevins ).
Les officiers des préfidiaux ont même été main-
tenus dans cette Préiéance , contre le.s gouver-
neurs & autres officiers municipaux des villes,
( Ainfi jugé pour Rennes par arrêt du parlement
de Bretagi^e du 18 décembre 1/^37 , confirmé par
arrêt du confeil du 3 mai 1639).
Autre arrêt du parlement de Bordeaux du 13
mai 175 I , au profit des officiers du préfidial de
Tulle , qui leur donne la Préfêance , tant en corps
qu'en particulier, contre le fieur de Laccmbe,
gouverneur de ladite ville & communauté de
Tulle , & fait défenfes , tant audit fieur de La-
combe, qu'à tous autres ofiicicrs municipaux de
ladite ville de Tulle , de troubler les officiers du
préfidial , tant en corps qu'en particulier , dans
iefdits honneurs, rang 6c Préfêance.
La même Préfêance a été réglée pour les offi-
ciers des préfidiaux , contre les lieutenans des ma-
réchaux de France , par arrêt du confeil du 2 mai
1749, rendu en faveur des officiers du préfidial
(Je Chaînas 6i des autres préfidiaux du royaume.
PRÉSÉANCE.
Cet arrêt fait cléfenlts aux lieutenans des maré-
chaux de Fr-.iiice de troubler les officiers des préfi-
diaux , bailliages & autres fièges royaux , dans le
droit de Préléance dans coûtes les cérémonies pu-
bliques, fauf dans le cas OLi les gouverneurs, lieu-
tenans généraux des provinces , lieutenans de roi
& commandans fe trouveront & aflifleront auxdi-
tes cérémonies publiques , auquel cas feulement lef-
diis lieutenans des niaré».[uux de Fiance pourront
prendre rang & leance iniinédiatement api es lifJits
lieutenans généraux , lieutenans de roi & com-
mandans , Se avant lefdits officiers des bailliiges &
fièges préfidiaux , conformément aux édits des mois
de mars 1693 ' -° î^i^^'^^ 1694 , Si. novembre 1707.
2°. Les préfidiaux ont la Préféance , en toute
affemblce publique , fur I.s tréforiers de France
des bureaux des finances ; ainfi jugé peur la vills
de Lyon par arrcr du confeil du 2 décembre 1622 ,
rapporté par Henrys, tome 2 , page 150 de l'édi-
tion de 1708.
Autre artèt du 16 avril 1680, pour Amiens,
rendu connnun pour Orléans , par arrêt du confeil
du II oéiobre 1684 , tous les deux rapportés auflî
par Kenrys , ibidem ^ page 151 & 158 ; & pour
Riom, autre arrêt du confeil du 30 décembre 1681.
3 ". Les préfidiaux ont la Préféance fur les fecré-
taircs du roi , tant fur ceux du çrand co lé''e , aue
lur ceux des cours ; ainfi juge par arrêt du grand
confeil du 28 juin 1618, qui ordonne qu'en tou-
te alTemblée générale & publique le corps du pié-
fidial de Troies précédera les fecrétaires du roi.
JJem , pour Riom , par arrêt du grand confeil du
31 janvier 1651.
Idem , pour Nantes , par arrêt du confeil du 4
février 1687 , rapporté dans l'hifîoire de la chancel-
lerie , tome 2 , page 155.
4". Les lieutenans, confeillers , avocats & pro-
cureurs (hi roi des fièges préfidiaux , ont la Pré-
féance, même de particulier à particulier, fur les
gentilshommes , en toute afiemblée publique &
particulière. (Voyez Maréchal dans fon traité des
droits honorifiques, tome i , page 195 de l'édition
de 1697). Il y a un très -grand nombre de ré-
glemens,& entre autres un arrêt du grand con-
feil , du 10 février 1740 , rendu en faveur des
officiers du préfidial d'Evreux , qui donne à ces
officiers la Préféance fur les gentilshommes en
toute afi^emblée publique & particulière , tant en
corps, que de particulier à particulier, dans re-
tendue des ville & fauxbourgs d'Evreux, lorfqu'ils
feront en habit décent.
')''. Les préfidiaux ont auffi la Préféance fur les
«niverfités ; ainfi jugé par arrêt du parlement de
Toulouie du 26 août 1603 , qui porte , que " le
» préfidial de Cahors aura le pas fur l'univerfiré
V dudi: lieu aux proceffions ». ( Vojez Dcfcor-
biac , tit. 6 . chap. 23 , page. 257).
6°. Ancientiement les préfidiaux , d-e corps -à
corps , & de député à député , avoient la Préféance
âiries chapitres des cathédrales hors de leu.'-s fonc-
PRÉSEANCE. 470
tiens eccléfiafiiques , ëd en toute airenibîée pi:Mi-
que & particulière ; favoir, les pr^fidens, lieute-
nans généraux , criminels & particidiers , fur les di-
gnitaires. Scies confeillers fur les chanoines def-
dites églifcs ; ainfi jugé par arrêt du confeil du \z
mai 1671 , pour le préfidial de Bazas ; & par arrêt
du ^rand confeil du 28 avril 1679, «"endu pour le
préfidial d'Evreux , rapporté au fécond tome du
journal du palais , page 32 de l'édition in-folio.
Autre arrêt du confeil du ii avril 1692 , qui
renferme une femblable difpc.fition en faveur du
préfidial de Langres , contre le chapitre de la ca-
thédrale de la même ville.
Mais l'article 45 de l'édit du moisd'avril 1695,
touchantjla juridiflion eccUfiafiique , a changé ce
droit & cetufiige. Sa majeflé veiit , par cet article ,
que les corps des églifcs cathédrales précèdent en
tous lieux ceux des bailliages Si. fièges préfidiaux ;
que ceux qui font titulaires defdits chapitres ptécè-
dent les prefidens des préfidiaux , les lieutenans gé-
néraux si les lieutenans particuliers defdits f ègcs ;
Se que les chanoines précèdent les confeillers St
autres officiers des mêmes fièges.
A l'égard des autres chapitres , même royaux ,
comme ledit n'en parle pas , les chofes font ref-
tées à cet égard dans l'ancien état; c'efl- à-dite ,
que les officiers des préfidiaux d«>ivent les pré-
céder , lorfqu'ils ne font aucune fonâion ecclé-
fiafiique ; ce qui réfulte des téglemens ci-delTus
rapportés.
Du rang des commiffahes au chîtelet de Paris ,
notiimment du point de favoir s'ils ont la Préféance
fur lis fuhflituts de Al. le procureur du roi. Cette
quefiion de Préféance entre les co.r.milîaires 8i les
fubfiituts de M. le procureur du roi, efi aélucllc'
ment pendante au parlement. M. Mouricaut, avo-
cat des commiflaires , a mis dans leur défenfe la fo-
lidité , l'érudition Sc la bonne logique qui carac-
térifent tous fes écrits. Voyez la notice de fon mé-
moire ; on y verra des détails trés-intéreifans fur
l'origine, le rang oC les prérogatives de tous les
commiiïaires en titre d'office.
Les fondions des commliTaires au châtelet font
prcfque toutes , fous quelque point de vue qu'on
les envifage , efTentiellement partie de celles de
la magiflrature : dans tous les tribunaux où il
n'y a point de commiffiiires en titre d'office , ce
font les juges eux - mêmes qui rempUiîcnt ces
fondions.
Long temps les commiffaires jugèrent avec le
chef du tribunal ; mais leurs occupations s'étanc
multipliées , on crut devoir les y confacrer fans-
r^ferve. G'efi dans cette vue fans doute que, par
l'art. 8 de l'ordcnnancc de réformation du châtclet
du mois de février 1327, Philippe de Valois dé-
fendit aux commifiaires examinateurs , dont il
porta le nombre à douze, de fiéger déformais
avec le prévôt, ('^'oyez Joly , liv. 3 , tit. 25 , n".
3. ) Cette difpqfiiion a été renouvelée par l'article
premier du tiers dus exanù.iuieurs , de l'ordonaucc
■«»
48o
PR È SE ANGE.
àc ;4'5 ( Voy£z3o!y ; liv. 3 , n". 6 , tit. 7.) *
Le nombre des commilIa:ics enquêteurs ou exa^
minateurs a été depuis fucceirivement augmenté ,
& leurs tonâions ont été détaillées par une mul-
titude de réjilemens. Il fuflîra de te rixer fur ceux
qni ont déterminé leurs prérogatives, & notam-
ment leur rang.
Nous obferverons à cet effet, que par édit du
mois de février 1514, François premier avoit créé
des offices d'enquêteurs & examinateurs dans celles
des juridiâions royales où il n'y en avoit point
encore d'établis, à teh droits , autorités y préroga-
tives , faîdires & émolumens quavoient accoutun.é
avoir & ufer Us examinateurs 6» enquêteurs du chà-
telet de Pans ( Voyez Joly , liv. 3 , tir. 16 , n". i ) ;
que cet établiltement occafionna une multitude de
démêlés , &. que, pour les terminer définitive-
ment, Henri III donna au mois de mai 1583 , un
nouvel édit , par l'article dix-fept duquel if s'ex-
prime en ces termes remarquables : « Et pour-
» voyant auxdits commiiLires enquêteurs, jur le
>» rano qu'ils doivent avoir & tenir & leur appar-
I» tieiît ; attendu que leur j dits états font en iiombn ,
» & des plus importuns de la judicature après aux
» de nos jugis, & que pou? le fait de Icurfdits
» offices , il efl; befoin qu'ils fe trouvent fowvent
» es auditoires de nofdirs juges, ou ailleurs par-
» devers eux en leur chsmbre du confeil , pour
>> leur rapport, ou infor.'ner des cas qui fe pré-
« featent , o\i les fatisfaire fur aucuns points des
» afles efquels ils auroient vaqué & befoigné ,
3) dont nofdits juges poiirroient être en doute ;
» voulant auflî quilsfoiini reconnus félon leur qua-
V lité & dignité -de leurfJiit t/^ces , nous avons, con-
» formiment à aucuns arrêts de notredite cour du
» parUmi:nt de Paris , ordonné &c ordonnons ,
» qu'iccux commifuires enquêteurs aient entrée &
» féance , à [avoir aux auditoires & fié^^es de nofdits
M jw^es durant la plaidoirie, 6* en leur clurnbre du
>» confeil durant quils auront à y être pour le fait
» de leur rapport, 6* non autrement, & ce irnmédia-
I? tement auprès de nos avocats & procureurs en
w chacun defdirs fiéges , ou ailleurs qu'il fera avifé
n par nofdits juges, pour le plus jionorable , félon
» la qualité defdirs offices defdits commiflaires
I) enquêteurs; & en tous lieux & ajpmblécs publiques
j> & folemnciles , qu'ils puiffent aller & maichtr in-
n diflinlîement après nofdits officiers , & privati-
» vement à tous autres nos officiers & autres quel-
j» conques. Mandons à tous chacuns nos juges ,
» leurs iicntenans & confeillers , défigner aux-
j> dits coir.miiTaires §c enauéteurs ledit lieu &
n phce de lei:r féance, ainfi que dit efl, & d'i-
3> celui, tnremble de celui d'être, aller & mar-
»? cher tf '""f-. nofdits officiers en tous lieux & ^ffi^ni'
V blées publiques; laiiter jouir & ufer pleinement
» & paifiblement , fans leur faire , mettre , or-
j) donner ni permettre qu'il leur foit fait, mis,
» ni donné aucun trouble, des lourbiers , ou em-
M pêchcment contraire ».
PRÉSÉANCE.
Rien ne fauroit être plus précis & plus formel
que cette loi. Or, elle ne faifoit qu'appliquer aux
commiffaires des juridi6Hons de province , les
fonctions & les prérogatives dont ceux du châtelet
de Paris étoient , comme dit le préambule de cette
loi , en paifible jouiffance; partout , l'édit rappelle
que les premiers font établis à finflar des féconds.
Ceux-ci avoient donc le droit attribué à ceux-là,
de fîégcr & de marcher immédiatement après les avo-
cats & procureur du roi du châtelet. On en voit la
preuve dans un arrêt de la cour, rendu le 27 jan-
vier 1589, entre les commiffaires au châtelet , les
confeillers & les procureurs du même fiége , re-
lativement à leurs fon<5tions : le plaidoyer de l'a-
vocat des commiffaires efl rapporté dans Je préam-
bule de cet arrêt ; on y voit qu'il reclama fans
contradiflion , comme un de leurs privilèges an-
tiques , celui d'avoir le plus prochain ficge & rang
après les ju^es. (Voyez Joly , titre 29 , n*^. 68. )
Le nombre de ces ofîiciers , tant à Paris que
dans les provinces , fut augmenté par un autre
édit de Henri 111 , du mois de juin 1586. (Voyez
Joly, tit. 17, n". 2.) Ce prince, il efl vrai, au
mois de mai 1588 , fupprima tous ceux qu'il avoit
créés; mais Henri IV les rétablit par un édit du
mcls de mars 1596. ( Voyez Joly, n°. 2. ) Et par
anét de fon confeil du 11 avril 1709, il déclara
de nouveau, que tous les enquêteurs & examina-
teurs attachés aux juridictions de province , de
quelque création qu'ils fuffent , étoient s Yinflar
des commijfdires examinateurs du châtelet de Paris ,
6" pour jouir de pareils droits , fondions , autorité^
prérogatives & prééminences , ainfî qu'en jou!(foient
Ufjits commiffaires au châtelet. ( Voyez Joly, tir,
15, n". 14.) L'édit de 1583 , qui contient J'énu-
mcration de ces prérogatives & prééminences , &
notamment celle <fu ransr, eft donc certainement
un titre co^nmun a tous.
Les commiffaires y ont été maintenus par plu-
fieuis arrêts , notamment par ceux des 1 5 j.in-
vier 1^)06, 17 oflobre 1609, 16 janvier 1627,
22 juin 1630 , & 21 août 1660.
Le premier, cité par Lamarre dans fon traire
de la police , liv. i , tit. 1 1 , chap. 9 , & par Jouffe
dans ion traité des fondions des commiffaires ,
chap. 6 , fut rendu entre M. de Lefloc, commif-
faircexaminateur à iVlonrdidier , 8: le (iibilitr.tdu
procureur <lu roi au même fiége. 11 ordonna qu'<7«
fié^e &• en t.ute autre ajfcmklee le couimi£âire auroit
la Piéjéance fur le fubjliiut.
Le fécond" arrêt , rapporté par Joly , tit. T4 ,
n'*. 43 , fut rendu entre M'' Servant, fubflitiu du
procureur du roi .tu bailliage de Bourges , & M*
Amignon , enquêteur au même ficge. Les titres
refpeâifs furent produits & amplem.cnt difcutés au
procès : \r' Amignon y citoit l'édit de J583 , &c
de plus un arrêt de la cour du 1 1 janvier 1603,
par lequel défenfes avoient été fsites au fubf.itut
du procureur du roi aux eaux & lorêts de Biois,
de prendre Jéance 4U côté dudii procureur du roi. Il
fut
PRÉSÉANCE.
fut ordonné , entre autres cliofes , cmfannimtnt
aux édus de création , arrecs & rsoUrnens fur le fj.it ,
que le fubl'litut précideroit le commiiraire , (n fab-
jence du procureur tiu roi feuleirunt.
Le iroifièine arrêt , cité par Lamarre & par
Jouife , aux en'lroits précédemment indiqués d'a-
près Filleau , tom. a, part. 3, tit. 3 , fut rendu
entre l?s oiHcicrs de h prévôté de Coiffy , & le
cominiffaire - examinateur du même fiége. Il or-
donna qu'en toute aiiemblée publique 6c en tous
lieux, le commiffaire auroit rang & {"éance immé-
Jiaicment ayrès le procureur du roi.
Le quanièine, rapporté par JoufTe dans le re-
cueil qui i'ult fon traité, fut rendu entre les corn-
miiTaires examinateurs de la (énéchauiTée du Mans,
& les autres officiers du fiége. Il ordonna , entre
autres chofes, que les commiflaires auraient entrée
Cf' feance aux auditoires & fi^ges des ju^es , durant
la pldidoicrii , 6" à la ckambre du conjeil , durant
qu ils auraient à y être pour le fait de leurs rapports ,
& en loui lieux & nffemh'ée pul>Uque 6* folem-
nelle , immédiatement avant les avocat & pro-
cureur du roi.
Le cinquième & dernier , cité par Lamarre &
Jouile , aux endroits précédemment iudi([ues, fut
rendu par la cour , & ordonna qu'a l'entrée du roi
& de la reine , & en toute autre cérémonie , les
commiiTaires marcheroient immédiatement avant les
avocat & procureur du roi.
Ce droit leur fut enfin confi'mc de nouveau
par redit du mois d'oftobre 1693 , par lequel
Louis XIV ayant réfolu de Jupprimer tous Us '■jfi^--
d enquêteurs & commiffliires ~ examinateurs qui rie je
trouvaient pas remplis ni exerces , d'en créer de n ni-
veaux dans Us mêmes lieux , &> de ne point Ijijj'cr
de différence ( ce font les termes du préambule )
entre eux qui en faifoient ailuellement les fondions ,
eti créa en effet un nombre déterminé dans chaque
fiége. Parmi les prérogatives que l'édit leur con-
firma , fe trouve celle du rang , en ces termes :
« Auront entrée & féance aux auditoires Se fiéges
« de nos juges durant la plaidoierie, & en leur
« chambre du confeil , autant qu'ils auront affaire
j> pour ie fait de leurs affaires , & non autrement ,
» 6» ce auprès de nos avocats & procureurs , & pa-
» reillement en tous autres lieux & aff^mbl'.cs
» publiques & folemnelles ». (Voyez le recueil
qui fuit le traité de Jouffe. )
Préfé^nce entre les procureurs & les notaires. Les
procureurs & les notaires font divi es fur le p';i n
de favoir auquel des deux corps appartient la
Préféance.
Dcnifart, dans fa colleiSion de jurifpradence ,
a foutenu avec beaucoup de chaleur la caufe des
procureurs.
Un notaire , auffi inftniit qu'attaché à (on état ,
a réfuté Denifart dans une petite brochure impri-
mée en 1768.
Comme l'ouvrage de Denifart eû très-répaîTc'u,
&i la brochure rrès-rare, nous allons en prélenier
Tome Xlîl^
A'i
PRÉSÉANCE.
nn extrait, afin que chacun foit à portée de con-
noître les moyens qui militent en faveur des deiix
corps.
Denifart , dit l'auteur de la réfutation , prend
fon texte de ce que dit Langlois dans fon traité (ur
les droits & fondions des notaires ; cet auteur y
avance, qu'en toutes cérémonies, afles publics &
affemblées, les notaires ont le rang & la Préféance
fur lés procureurs; il cite dix arrêts qui l'ont jugé
ainfi. Mais, obferve Denifart, Langlois étoit no-
taire lui-même ; il n'efl donc pas étonnant qu'il
ait parlé fi :-ffirmativetiient fur une queîHon quon
doit au moins regarder comme problématique.
Voici ce qu'd juge à propos de fuppléer à ce que
dit Langlois. «Ce qui ell jugé, dit-il, en ma-
)> tière de Préféance , entre certains officiers d'un
» fiége , ne doit pas influer contre les pourvus
n des mêmes offices dans un autre fiége, parce
)> que dans cette matière c'efl la poffeffion & l'u-
» fage qui déterminent; d'ailleurs les arrêts cités
» par Langlois ne regardent pas les procureurs
» des cours fupérieures , qui ont toujours eu la
11 Préféance fur les notaires , à l'exception de
n ceux du parlement de Dijon -. La confufion
qui règne dans cette réfutation, fait affez voir que "
Denifart n'étoit pas à fon aife quand il l'a ha-
fard.e; il auroit fagement fait de ne pas l'entre-
prendre, puifqu'il n .iVoit pas de meilleurs moyess
pour détruire ce que Langlois n'avoit avancé que
fur des autorites. Quelle forme de raifonner ,
en effet , que celle de dire , la queftion que vous
décidez efl problématique , ik enfuite de lever
tout doute bi de ioutenir l'affirmative , au moins
pour les pri;eurei;rs des cours fouveraines r Et
comment établit-il la Préféance qu'il donne gra-
tuitement à ceux-ci en y renonçant pour lui-même ?
C'efï en piéfentant un arrêt dsi parlement de Di-
jon , qui accorde cette même Préfénnce aux r;o-
t^ires, en la refufa.it aux procureurs, & en ci-
tant un autre arrêt du parlement de Touloufe ,
'jni la donne aux procureurs. Imaginera-t-on qu'on
puiffe foiider un droit commun Se général fur deux
r.61es abfolument contradiéloires , Si conclure de
là que les procmeurs ont toujours eu la Préféance
fur les notaires } S'il eût raifonné plus jufle , il au-
ro'it pu fe fcrvir de ces deux arrêts, pour établir,
comme il l'avoit avancé , que !a queflion éroitpro-
blémitique. Peur moi , je crois conclure plus juffe ,
en difant , d'ap-ob les faits avancés par Denifart,
qu'il ell conrt.',nt , d'après lui-même, que les nc-
; aires ont la Préfé.Jnce fur ks procureurs au châ-
t.let &i. ceux des juftices inférieures : les arrêts
cl.és par Langlois en font une preuve qu'il n'a pu
coniredire par aucune autorité, & qu'ils l'ont,
ma'g'ê Denifart , iv.x les procureurs des cours fcu-
vcaines : mais il f ut nous entendre fur l'efpêce
de cette P'-éiéance , & examiner le cas où elle
peut avoir lieu. Ce ne. peut être que dans une
céré:non:e Ou affembléo publique , où les nota-
bles du lieu feroient appelés ; car , à raifon de
Ppp
4^1
PRÉSÉANCE.
leurs offices , les procureurs des coûts fouveraînes
ns peuvent jamais fe trouver en concurrence avec
les notaires , qui ne tiennent point au tribunal
dont ils font , & qui , fous ce point de vue , n'ont
jamais occafion de difputer de rang & de Pré-
l.:ance avec eux. Or, dans une affemblce ou céré-
monie publique , où les notaires ik procureurs fe-
loient appelés comme notables , & fe trouveroient
par conléquent réunis avec le corps municipal ,
les notaires auroicnt indubitablement la Préieance ,
puifqu'ils lont admis aux charges municipales , &
que les procureurs ne le font pas ; c'eft un fait
trop notoire , d'après ce que nous avons déjà dit
à ce fujet , pour nous y arrêter plus long-temps.
Ou je ne m'y cannois pas, ou voilà le feul trait
qui puifle bien caraélérifer le droit de Préféance
entre les notaires 6i les procureurs.
Préieance entre les divers officiers municipaux
d'une ville. Quq\ rang doivent prendre ces officiers
entr'eux ? Doit - on , pour le régler, confjdérer
l'ordre d'ancienneté, ou feulement la place à la-
quelle ils ont été élu- ?
Cette queliion a mlritéen 1768 une aiteniion
parii'ml.ére de la part de M. le procureur-général
^du parlement dt. T"ulôufe.
Ce ■>! g'.-lrat r. reprcfenté à fa compagnie " que
« le roi .lynu voidu rendre aux habiians des villes
>; ik bourgs la liberté de choifir leurs officiers mu-
j) nicipaux bi de participer chsci.'n en quelque façon
» à i'adminiftration qui doit être fai;e dts I: iens de
» la communauté, auroit fixé par fonéuit du mois
•>•) de mai 1765, le nombre d'officiers mu; icipaux ,
» de confeillers de ville & de notables qu'il t<i né-
w ceffairc d'appeler aux affemblées de ville , pnur
j) former le confeil qui doit en diriger l'admiiiiltra-
i> tion; que le roi veut par ledit édit, que les écbevins
î) exercent leurs fondions deux années , de telle
>» iorte cependant qu'il y en ait toujours deux an-
5) ciens 8c deux nouveaux dans les villes , où il y
7j en a quatre , & un ancien &. un nouveau dans
>j les Villes où il n'y en a que deux , ou un feul tous
j» les ans ; qu'à l'égard des confeillers de ville ,
i> il en fera changé un tous les ans , enforte qu'un
» confeilier de ville ne puifîe l'être plus de fix ans ,
« dans les villes où il y a fix confeillers de ville;
n plus de quatre , dans celles où il n'y en a que
» quatre , & plus de trois , dans celles où il n'y en
» a que trois; & voulant prévenir les conteflaiions
ï) furies rangs & Préféances dans les affemblées,
» l'article 40 dudit édit fixe 'a pwfition des places
» des vocaux dans lefdites a(îemblées, que fa ma-
M jcfté fuppofe devoir former un quarré ; à raifon
V de quoi le roi veut que ks officiers municipaux
»7 fe placent de fuite enre.->ible , au côté qui eft
T) resardé comme le prem-cr ; que les officiers des
n jundii5}ions qui ont voix & féances auxdites af-
» femblées, fe placent dans le côté vis-à-vis des
73 officiers municipaux; que dans celui à la droite
5> des officiers municioaux , foient plac.s les ecclé-
» fiaftiques, les nobles, -ceux qui exercent dtfS
PRÉSÉANCE.
» profeflîons libres , des arts libéraux, & que tous
v> les autres notables fe rangent dans le côté fur la
» gauche des Oiticiers municipaux.
» Que dans l'exécution , ce fage arrangement
» n'a point demandé de plus grande expacation
» dans le plus grand nombre des villes du royaume,
» où l'on a fuivi la maxime générale . que parmi
» les officiers qui rempliffent des places égales
n par elles-mêmes, l'ancienneté don donner la
» Préféar.ce ; maxime fuivant laquelle l'échevin ,
» ou les échevins de la féconde anné^, ont tou-
j> jours pris , quels qu'ils fufTent, la Préféance fur
" celui eu ceux qui n'étoicnt échevins que d.; la
i> première annéii ; mais qvi'.l n'en a pas été de
» même dans les villes vx bourgs des provinces
» du reiT' rt de ::: cour; 'nu d.ns ces v;lles iSc
» bourgs jÙ il ■( .; , foit q-.. tre, foirdeax échevuis ,
)' e^ peri ;nne 'uns claff; un peu ph)s relevée
' que le; aut >.», n'orit p. -s voulu ar.-.epter les
places qui les iaifoisiu {!!;',er p>^ur un t,:npsau-
'> deilous des p-ïriuiines A wa ét<,t intéiicir, ou
•> s'ils ont été furcés dclc3a;jepier,ils felont '/ofli-
» ném. ni dupenfés de parcirre dans aucnr.e af-
» fem'.iée du conlcil de ville ; que cetrc ciihiculté
'» de Préféance a éloigné du confeil des villes
»» les principaux habitans ; qu'elle efl devemie en-
» core bien plus grande daui les proceffionî Sc
» marches publiques , où un échevin d'une con-
)» dition rélvivée n'a pas voulu céder le pas au
» nouvel échevin , quoique plus ancien , mais d'un
» état inférieur ; (jue la même difctiffion s'eit éle-
j> vée , mémo entre les confeiilers de ViUe , aux
j> proceffions & autres cérémonies publiques, où
» les uns ont prétendu prendre leur rang fuivant
» leur ancienneté , ISi les autres , luivant !:nir état.
)) Qu"; quelques repréfentatior ", qu'ait pu faire
1) à cetégud le procureur-général du roi , aux dif-
» fcrens échevins & confeillers Je ville qui lui
» ont porté des plaintes à ce fui et , ou qu'il a fu
» s'cloigner des confeils de vilie par cette pri'
» meur,'i\ n'a pu rcuffr à vaincre leur prcjugé ,
" dans leqnel ils font encore plus confirmés par
n l'ufage aiuorifé par le roi dans le Languedoc,
n de faire des écliellcs de chifles pour le choix
5> des confuls & pour celui des cor'eillers de ville;
j» échelles qui fixent le rang de chaque confeilier
» de ville des différentes clafles ; que la répugnance
» qu'ont les échevins & confeillers de ville d'une
M claffe fupérieurc , a ne preidre que les dernières
» places la preraière anné' , pour ne parvenir que
» la féconde année à la .jfemière place, fi c'eft
') un échevin , ou la fiXieme , quatriéire , ou troi-
» fième , fi c'eft un '-on'eiller de ville, n eil pas
» feulement fondée fur l'exemple de ce qui fe pra-
» tique en Languedoc , mai-> encore lur l'uf'ge
5> qui fe pratiquoit dans Ci s m.'n es provinces avant
» redit de 176^ ; que ceirc répugnance prefquin-
î> vincible devient tous lo^ iouvs plus n'-éju'diciable
»" au bien des villes & bourgs don: l'admindha-
» lion e(l abandonnée par les habitans des pre-
PRÉSÉANCE.
♦» mières claiTes, & feroit livrée dans peu d'années
» à ceux qui font les moins en état de les .é^ir ;
« c'eft-à-dire , aux habitans de la dernière claiîe ,
»> qui ne voient perfonne au-deflbus d'eux.
n Que ledit de 1765 n'ayant point prononcé
■n fur le rang & Prèféincc des échevins entr'eux ,
» ni fur celle des confeillers de ville, également
» entr'eux , dans les proceffions & autres céré-
»» monies publiques, il eft de la fageiTe de la cour
T) de ùippléer au Hlence de Tédit à cet égard, par
» un arrêt de règlement qui puifle ranimer le zèle
»> des bons citoyens, ralenti & prefqu'étouffè par
i> le dégoût que le préjugé & l'habitude leur font
M trouver à ne fiéger dans une aifemblée de ville ,
i> quoi [ue moins anciens, qu après des officiers
« plus anciens, mais qui fe trouvent dans un état
» inférieur ».
D'après ces confidérations , le parlement de Tou
loufe a rendu le 2 mars i-jf.S , un arrêt qui , " fai-
» fant droit fur les requifinons -Ju procnreur-gé-
ï) néral du Roi, a ordoniié Ck ordonne qu'à l'ave-
« nir , lors de l'éleé^ion dos nouveaux échtvins
» & confeillers de ville, qui fe fera dan- les villes 5;
>) bourgs des pro^'inces du reifort de \a cour . fins
M exception, les fujets nouveaux élus pre- ■-'roMt
» la même place , rang & fiance. f)it aux a ! m
» blées de ville , foit dans les proceflî^ns & > j-
j> rémonies publiques , qu'occupoit celui ou ce ix
« auxquels ils fuccéderont ». *
De Li PréftJnce entre pliifï<:urs échevi'is élus en
viême temps, A Paris , la pluralité des voix donn;
cette Préféance.
Loifeau s'élève contre est ufage , qu'il dit être
jgénéral en France. Voici fes termes :
u Quelle apparence y a-t il , fi en même temps
j> un juge & \\n procureur de fon fiége font faits
» échevins, que le procureur précède fon juger
j> Eft-ce pas directement contre la loi 2 di .i:by:
» Jcrihendo , difant que qui d'ign'r.ates principis jn
» d'icia confecuti funt , dnttire ûcbent cos , qui tan-
3) thm municipalibus honor'ibu- fuifli funi ; & contre
« la loi 6 , C. de advjca t. diverf. juL, qin dirque
w qui principi digni v'ifi funt , mnl<h rnigif fuir i,,
j» anterioribus adjuvandi ; & de fat, la loi i de
» a'bo fc-ib. , dit que in a bo fcribendo dignitates
j» fpcB.indiZ junt. Or , efl il en tout cas que celui
j> qui a deux dignités , l'une du roi , l'autre de
» la ville , doit devancer celui qui n'a que c-lle
» de la ville , qui eu la moindre. Même il y a
i> décifîon expreffe en la loi" i , de conj'ii. Itb. 12 ,
» C. que celui ^jui a été conful le dernier , étant
» praticien , doit préc'der les autres qui ont été
» confuls devant lui , Se qui ne font pas praticiens,
» à caufe de la rencontre des deux dignités de
» coniul 8c de pratici.;n.
» Aufîî cette \o\Jpuril, qui préfère celui qui a
n eu plus de voix, ajoute notamment fon ex': j-
« tion , nijî privile^iis ceffantibus cczteris : or , ces
« privilèges ou préférences , font celles qui fort
» défjgnées par la loi l & 2 de albo fciibendo ', à
PRÉSÉANCE. 4^5
)> favoir , que ceux là doivent précéder qui ont
» une plus grande dignité , notamment les oiTiciers
)> du prince. Concluons donc , & félon la difpo-
» fition du droit romain , & félon l'équité & toute
n apparence, qu'entre les échevins , ceux qui font
» officier»; du roi , ou ont d'autre notable dignité
» &(. rang établi par deffiis les autres , les doivent
» précéder, ores que les autres ayenteu plus de voix
» en l'éleéVion ; mais ceflanttoures [jrérogatives d'nil-
5, leurs , c'eft fans doute que ceux qui ont plus de
J, voix doivent marcher les premiers ».
Dans la ville de Lyon , c'efl le q'jartier qui
donne le rang. Les échevins donuciliés au-delà de
la rivière de Saône , où eft bâti l'hôtel de ville ,
ont la Préféance fur les autres: fi les deux élus
font du même quartier, le gradué précède le mar-
chand.
Préféance des gouverneurs fur les chanoines des
és;lifes Cathédrales. Lorfque le gouverneur d'une
province ou dune ville épifcopale ert dans l'églife
cathédrale , il a la Pré^-^ance fur les chanoines ;
il a le drou d'être cncerifé avant eux , & immé-
diatement après l'évêque C efl la décifion dun ar-
rêt du confeil d'état du roi , entre le comte du
Bar. gouverneur de B anvais , l'évêque & le cha-
p.trs de cetre vi'l . Voii le difi^ofitif de cet arrêt :
« Le roi étant en fon confci a ordonné & or-
" .Jv."in. , \'"ut ôc entcn J , que lo'fque le ficur du
•> B M fe (ri u"e 1 la place qu'il doit avoît- dans
'• ! cv2ur de 1 idiie ég'ife ca'hédrale, & tju'd a
■ t-.'jjout, eue !i'f[u'à pr fent aux jours de céré-
" m^iniesdc dimanches & rètes folemnelles& nori
■1 folcmnelles (ù 00 encenfera , il fera encerfé im-
» m'.diuemini an è, 1 évèque , & en fon abfence,
') après Ij d'/en d icelle ; & ce , en la même forme
;> & manière qne l'on aura encenfè ledit évéque &
» doyen avant ledit fieur du Bar : enjomt fa ma-
» jcfté aux uns & aux autres obf rver & exécuter
» pnn£luel!ement le préfent arrêt fervant de régle-
1) ment, leiuel fera cnregiflré par-tout où il ap-
» pa't'endra , afin d'y avoir recours en cas de
» beîoir:,
» Fait au confeil d'état du roi , fa majefté y
» étant, tenu à Saint-Germain en-Laye le vingt-
)j huitième juur de janvier 1678 ».
Lor;quit sc.ève entre dei curés ure di^culté fur Lt
Prèjéince dans les procefions publiques , Cévê-Mie tn
perfonne peut les dé.iJer prw'foi-ement. En 163*),
cette qufcition fut portée au Parlement fur un ap-
pel comme dabus, interjeté par quelques-uns des
curés de la ville d'Amiens, d'une ordonnance pro-
vif^ire rendue par l'évêque en perfonne , fur le
ranJ, qu'ils dévoient occuper entr'eux.
LeU' moyen d'abus confiloit à dire, que quoi-
que les (ei;>neurs hauts-jufiiciers ayent toute juf-
tice, ils ne peuvent néanmoins l'exercer eux-mê-
mes , &. font obligés de commettre , prépofer &
{ inrtituer des juges & autres officiers pour rendre la
'• jul\ice aux fujets d; -ni ; de même , quoique les
{ évîques ayent Icui /^ndiilioa eccléfiaflicnie, néau-
P p p ij
4^4
PRÉSÉANCE.
moins ils n'ont pas le pouvoir & la liberté de l'exer-
cer en perfonne , mais ils font obligés d'y commet-
tre (Si inftituer des officiaux , des promoteurs & au-
tres officiers.
M. l'avocat-général Talon dit, a que la compa-
» railbn des évéques avec les feigneurs laies tou-
« chant la jurididion , n'eft pas univerfellcment
5» véritable , puifque la connoifTance des procès
y> eft abfoUiment & univerfellement interdite aux
» feigneurs laïcs ; au lieu que l'interdiélion faite
» aux évèques ncft point pour ce qui concerne la
« police de l'cglife , le culte & le fervice divin ,
» touchant lefquels il eft certain qu'ils peuvent
}) prendre connoiflance des caufes , & ordonn.i
3» ce qu'ils eftiment à propos ; ce qu'ils font & pra-
>» tiquent ordinairement pendant le cours de leurs
« vifites. Par cette raifon , l'ordonnance veut que
« les appellations comme d'abus , quoiqu'ordir,,,-
« reinent fufpenfives & dévolutivcs , ne puifPint
>» néanmoins empêcher & arrêter l'exécution des
n jugemens & ordonnances qui concernent le
>i culte divin & la police de l'églife , parce qu'en
« telles matières il v a du plril dans le retardement.
j) M. l évéque d Amiens a pris ui;e connoiiTance de
» la cuuie , le j'ius foniïnaireine.'U c-j'u'il fe peut;
V il n'y a eu aucun demandeur ni détendeur ; l'or-
» donnancfe a été rendue fur la fnuple requête du
w promoteur ,& félon que la matière a requis de
* la promptitude ik de la célérité. Il n'y a point
» d'apparence d'établir un moyen d'abus fur ce
}> que M. l'évéque d'Amiens lui - même en per-
)? fonne a pris connoiffance de la caufe , & a
« rendu ce jugement qui n'eil que momentané, &
j) en attendant que les parties puifTcnt repréfenter
î» leurs droits de part & d'autre au principal, tou-
j» chant lequel elles font contrràres en leurs faits.
j) Par cette raifon , il y a lieu de les renvoyer par-
» devant l'ofiîcial d'Amiens , 6c fur l'appel , les
» mettre hors de cour & de procès >^
La cour , fur l'appel comme d'abus , mit les par-
ties hors de cour & de procès , & les renvoya par-
dtvant l'official d'Amiens, pour contefter fur le
principal, le lundi dernier jour de janvier 1636.
Les albés commendat dires ont-ils la Préféance fur
les dit^rJ: ai restes £glif<^s cathédrales ? Cette qucftion
s'éleva dans le dernier fiècle entre l'abbé comnien-
dataire de l'abbaye de faint Denis de la ville ùc
Reims, & le prévôt de l'églife métropolitaine de
h même ville : la queftion portée à la grand'-
chambre du parlement, M. l'avocat général Talon
dit : Que la queftion de Préféance & d'honneur
dont il s'agit entre les parties , doit être décidée
ou parTotigine & l'antiquité de leurs qualités, ou
bien par la conftdération de ce qu'elles font & de
ce qu'elles font à préfent. Si on remonte à l'origine
& à l'antiquité, il n'y a aucun doute que les pré-
vôts, doyens & autres dignités des églifes cathé-
drales né foient plus anciens que les abbés. Nul
doute pareillement que dans cette antiquité &
dans cette première origine , la fonction des digni- J
PRÉSÉANCE.
tés des églifes cathédrales ;;"ait été plus noble qu€
celle des abbés, non feulement parce que les digni-
tés des églifes cathédrales , de tout temps, oiu eu
l'ordre de piétrife annexé , au lieu que les abbés
n'étoient que ftmples religieux non clercs , & per-
fonncs purement laïques; mais de plui, parce que les
dignités des églifes cathédrales participent en quel-
que façon à la dignité des évéques ; lefquels , com-
me il eft notoire dans cette première origine, prè-
pofoient & commettoient des prêtres pour admi-
niftrer les facremens aux religieux qui étoient per-
fonnes puremciit laïques , & non point promus an
facerdocc; ni ii la cléricature , mais qui fe retiroient
hors di: monde pour rtire plus facilement péni-
tence. (. -S prêtres ainli prépofés avoient ioin , tant
du fpir: uel que du temporel des religieux; pour
leur dii-'.;61ion , on pvJpofadans la fuite des abbés
qui nv'j.:nmoins n'ôtOi.nt pomt prêtres dans leur
premioie inftirution. Remontant dans cette anti-
quité , & s'arrêtant à cette fburce & à ce premier
état , la caufe de l'intimé fe trouve infaillible ;
mai:., d'autre part, confidérant l'état des chofes
préfentes , il v a beaucoup à redire. Les abbés,
dans la fucceffion des temps , ont été non-feule-
ment faits prêtres , mais de plus ont été élevés à de
grandes dignités , qui étoient des premières de l'é-
glife ;on leur â donné de grands privilèges , pou-
voirs, prééminences & autorités, comme de por-
ter les habits pontificaux , de conférer les ordres
facrés & autres femblables : a cela on peut ajouter
l'éclat & la fplendewr des dignités fcculières 8c
temporelles ; car la plupart des abbés pofsèdentde
grandes terres & feigneuries; quelques-uns même
font princes, comme en Allemagne : enfin , ordinai-
rement ce font des perfonnes qui ont des qualités
relevées , tant par leur naiftance que par leur mé-
rite particulier , ce qui rend la queftion fort diftïcile
à juger en la thèfe. En 1614 , lors de la convoca-
tion des états de cette ville de Paris , pareille quef-
tion fe préfenta ; M. l'évéque de Chartres , lors
en qualité d'abbé de Bourgueil, porta la parole
pour tous les abbés de France , & M. de la Soulzay ,
doyen de fainte Croix d'Orléans , pour toutes les
dignités des églifes cathédrales. La décifion fut que
les abbés , chefs d'ordre , auroient la Préféance , &
que tous les autres abbés & dignités des églifes
cathédrales prendroient place comme ils fe ren-
contreroient , fans obferver aucun rang ni aucun
ordre : cet exemple peut être confidérable. En l'hy-
pothêfe de la caufe , il ne s'agit point des fondions
de l'une ni de l'autre des panies , mais d'une aflem-
blée convoquée pour donner ordre à quelques au-
mônes: en telles matières, les plus riches font les
plus intéreffés , & par conféquent les abb/'s. Pour
ce fujet les fupéiieurs des ordres mendians ne fe
trouvent point en telles aftcmblées , quoiqu'ils
foient perfonnes de probité & d'érudition. Lc^ qua-
lités de l'appelant le rendent recommandable ; il
eft iftu d'une fort illuftre fr.mille , il eft premier
auiïiônier de k reine , &. abbé de faim Denis de
PRÉSÉANCE.
Reims, ancienne abbaye: par toutes ces confidé-
rations il doit avoir ia Freféance.
La cour , fur l'appel , appointa les parties au
confeil, & fur le principal qu'elle évoqua en droit
êc joint, le mardi vingtième jour de décembre
1639 , M. le pi'ernier Préfident le Jwy prononçant ;
lequel après la prononciation dit aux parties qu'el-
les dévoient s'accorder de leur di^érend, & en
croire des hommes fages.
PrêtentUn des ^énovéfains. Les chanoines régu-
liers de fainte Geneviève , établis à Châteaudun ,
pi-étendoient que par un privilège particulier à
leur régime, ils dévoient être convoqués aux af-
femblèes municipales. Se même avoir la Préfeance
dans ces aflemblées fur tous les eccléfiaftiques de
la ville , notammem fur les chapitres féculitrs.
L'affaire portée au parlement , le corps muni-
cipal a déclaré qu'il s'en rapportoit à la prudence
de la cour. Les chanoines fécullers ont cru devoir
oppofer une réfiftance plus ferme ; ils ont foutenu
le procès , & l'affaire a été appointée au rapport de
M. Lelébyre d'Amecourt.
M. Barré , défenfeur du chapitre , a fait impri-
mer un mémoire, dans lequel il démontre que les
religieux, quels qu'ils foient, font abl'olumenr in-
capables de toute efpéce d'adminirtration munici-
pale, & que, loin de pouvoir prétendre à la Pré-
feance dans ces aflemblées, ils n'ont ],'as même le
droit d'y figurer. Ce mémoire lolidt-menr raifonné ,
ne lalffe rien à defirer fur cette queftion : nous /
allons en prcfenter une courte analyfe.
Soit que l'on confidère les religieux & les moi-
nes comme corps ou comme particuliers , on trou-
\ cra toujours , qu'étrangers à la fociétc mimicipale ,
à la ville au milieu de laquelle le hafard du mo-
ment les a jetés , ils n'y ont point pris naiflance ,
& en tout cas ils y ont renoncé. Ayant également
pour domicile toutes les maifons de leur ordre, ce
n'efl pas mèms leur choix qui les établit dans celles
où ils fe trouvent pour l'indarît ; la volonté de
leurs fupérieurs , qui les y a colloques , les tranf-
portc-ra bientôt ailleurs : détachés de toute rela-
tion avec le fiècle , ils ne font d'aucune tribu ; ils
ne font à:ins aucune des clafles de citoyens; ils
n'appartiennent qii'à la fociété monaftique , pour
la(|Uf lie ils oit facrifîé toute liaifon avec le monde ,
même celle du fang ; incapables de tous effets ci-
vils , ils le font également de tous honneurs exté-
rieurs , l'efpoir d"y prétendre feroit'même abfolu-
ment contraire au dépouillement qu'ils ont fait de
toute ambition ; ils n'ont donc aucun des titres qui
conftituent le citoyen.
Que fera-ce fi on revient fur l'examen des dif-
pofitions, que nous avons démontrées néceffaires
dans quiconque prétend avoir entrée aux affem-
blces mun cipales }
Comment ua religieux pourroit-il y apporter un
intérêt réel pour la chofe publique? 11 fait profef-
P RÉSÉANCE.
4S5
fion au contraire ; il a fait vœu folemnel d'un déta-
chement des chofss du monàe.
Les religieux de l'ordre de faint Auguflin ne font
pas moins , que tout autre , les trois vœux fous lef-
quels eft comprife cette abnégation totale, Si des
chofes mondaines, & même de toute liaifon à la
vie civile. Ils ne pourroient conferver, fans s'écar-
ter de leur inftitut, ce zèle pour une adminidration
temporelle, qui, le plus fouvent même, fe porte
fur des chofes abfolument étrangères aux idées
religieufcs , dont ils font cenfés ne fe diftraire
jamais.
Ont-ils plus la connoiffance de la chofe munici-
pale.'^ Mais feul , & ne tenant à rien, dans un pays
où il ne réfide peut-être que depuis quelques mo-
mens , le religieux ne fait pas même la nomencla-
ture de ceux qui ! habitent. Comment difcerneroit-
i! celui dont la capacité pourroit déterminer fon
choix ? Il ne connoît aucune des reffourccs loca-
les du pays i comment pourroit-il en faire l'appli-
cation ?
Apportera-til au moins cette liberté d'opinion fi
défnable, & dont le défaut eft un obftacle perpé-
tuel au bien public ^ Non ; le dépouillement de
toute volonté, l'obéiffance aveugle aux fupérieurs,
efl l'un de fes vœux , & c'e(t celui dont l'autorité
monaftique a fu le mieux conferver l'exécution.
Cela eft vrai , fur-tout pour les religieux génové-
fains , <iont les conftitutions portent une prohibition
expreffe de ftabilité & de permanence dans leur
monaflère , & détèrent expreffément toute autorité
au régime général de la congrégation.
Comment pourroit-on méconnoitre que l'efprit
& la lettre de ces conftitutions les écartent de toute
occupation mondaine , & par conféquent de tout
emploi civil , quand elles ont porté la prévoyance
jufqu'à leur interdire même , & pour bonnes caiifes ,
eiVil dit , de s'occuper d^im leurs entretiens fa-niliert^ ~
de tout ce qui s'appelle ajjemblées , charges publi-
(Jllcf , &c.
Caveant optimls de caujîs in familiaribus colle-
qu'ils ne fermonss habeantur de concionibus aliifque
muniis.
Ce texe n'eft pas même le feul qui leur interdife
l'ambition des honneurs ; il en eft un autre qui
exige d'eux le vœu de defirer aucun bénéfice ni di-
gnité, foit relatif à la religion, foit d'un autre
genre.
Monfantur novitii de vofy ficiendo , (lûtim pofl
emiffam pr,feJJionern de niimquam ambiendis be-
nefichs uilis & pnelaturis tam intra quàm extra reli-
gionem.
Quoi ! des gens à qui il eft Interdit de s'occuper
cntr'i.i'.x de toit emploi public ; des gens qui par
conféquent n^ peuvent pas recevoir . non-ieule-
lement de la fociété, mais même de leurs confrè-
res , aucun éclairciffcment fur l'objet & la nature
d'aucune charge ni d'aucun emploi , pourroient
avoir un député dans l'atÙTiiniftration , & feroient
capables , chacun en particulier , de le devenir l
486
PRÉSÉANCE
Des gens qui ont fait ferment de n'ambitionner
jamais aucune dignité acroient recevables à fe pré-
fentcrdaiis une alîémblée qui n'a d autre objet que
l'adniiniUration civile, & Ci.ia pour y difputcr le
premier rang au corps principal tics citoyens !
Cette prétention eft direflement comb;ttcue pai les
termes» mêmes de leur inlHtution , qui les confa-
crent exclufivement à la vie contemplative.
Arrêt du 21 août 178 1 , qui , faifant droit fur les
conclufious de M., le procureur général , fait dei'en-
i'es auxdits génovèfains , i.omme réguliers , de fe pié-
fcntcr aux affcmblées municipales.
Cet arrêt eft remarquable, en ce que ce n'efl pas
fur la demande du chapitre de Chateaudun qu'il
prononce , mais uniquement fur les conclulîons de
iM. le procureur général.
^ Addition de M. H *** , avocat au parlement , ex-
cepti que ce ijui ejl entre des ajlériques appartient à
M. MERLjy , avocùt , &c.
PRLSENCK, C'eft le privilège qu'accordent , en
certains cas , les lois de l'eglife aux chanoines ab-
fcns , de pouvoir toucher les revenus de leur pré-
bende , comme s'il étoient préfcns.
On ne peut regarder comme abuflve cette dif-
penie , en vertu de laquelle un chanoine qui n'af-
iifle point ei\ réputé préfent; il cft certain nombre
de cas dans lefquels elle elt indifpenfable , & ou le
bien de Icglife exige qu'elle l'accorde.
Les affaires des églifcs particulières ont toujours
demandé qu'elles eulTent des clercs dans les capi-
tales , à la cour des princes, ou employés à l'ad-
miniftrarion de leurs biens , & par coniéqnent qui
fufrcnr exempts de réfidence. Av.mt que les biens
de l'égtife cenaffent d'être adminiOrcs en commun,
ces clercs éioient entretenus par une penfion pro-
portionn '^e à leur rang dans l'r clergé , & au fervice
qu'ils rendoient à 1' glife. Les bénéfices fe font for-
més , tout eft devenu cure ou prébende ; il ne refte
plus aiici'.ne portion des biens de l'eglife qui foit
adniiniilrée en cmimiin : elle ne ;^eut donnera ces
clercs , chargéi de la pourfiiiie des affaires d'uue
églife , ou pi cwolés au gouver.i ccient de fes biens ,
des cures ruù demandent la plus exafte réfidence
de la part du pafteur ; au lieu que la cathédrale n'en
eft pas moins bien defTervie, parce qu'un ou deux
chanoines fc trouvent abfens , & qu'on peut con-
fidérer fa menfa comme un fonds qui refte à l'egli-
fe , pour pourvoir à la fubfiAance de ceux qui la
gouverr :u , & qui font employés, foit dans l'en-
droit même, foit ailleurs , pour fon fervice. Les
prébendes font donc le feul moyen qui lui relie
p( nr procurer la fubfifîance des clercs qu'elle eft
obligée d'exempter de la réfidence. L'ufage de ré-
puter p-éfens les chanoines abfens , dans certaines
circonilancts n'a donc rien de contraire aux rè-
gles de Icgife , & d'oppofé à la difcipline même
des temps 'es plus parfaits. Examinons quels font
les d fférents cas d-ns lefquels cet ufage a lieu.
En général , on peut rapporter parmi nous ceux
PRÉSENCE.
qui font tenus préfens, à cinq claffes principales ;
à ceux qui font dans l'impolTibilité d'aflîfter à l'offi-
ce ; a ceux qui font employés par l'évéque 6c pour
le bien fpiritucl du diocëfe ; à ceux qui font abfens
pour caui'e d'études ; à ceux qui fonr employés
aux affaires temporelles de l'eglife , & enfin à ceux
qui font au fervice des princes ou de l'état.
1°. Les premiers de ceux que la néceffité exemp-
te de l'airiftHiice à l'office, lont , fans contredit ,
les chanoines malades. Il y a pour eux une vérita-
ble impoffibilité d'y affiiler. C'eft dans l'état de
maladie qu'ils ont plus bcfoin que l'eglife leur ac-
corde leur fiibfirtance ordinaire ; autrement , elle
les traiteroit plus mal qu'un maître n'a coutume de
traiter fes fervueurs , qu il n'abandonne point dans
leur maladie. AulTi , dans le temps même où tlle
exigeoit des chanoines l'affiftance la plus rigoureu-
fe , Itsa-t elle tenus préfeus , non-feulement quant
aux gros fruits , mais quant aux diftributions. Le
cardmal Odon , fgat d'Innocent IV, dans les ré-
glemens qu'il donna en 1245 ^" chapitre de Paris,
déclara que les malades dévoient percevoir les dif-
tributions en entier. Infirmi 6* cegri qui refident ^ dif-
tnbutionei intègre per.ipiant , quod rolumus etiam
otferv.iri erga eos qui fjriguine muniti fucrint 6" potio-
mm hauferint.
Le droit des décrétales décide expreffément
qu'on doit tenir préfens les chanoines malades- C.ip.
ad iiuduntiam 15, tx'.rà de cUricis non reJïJent. li
veut que les malades ne foient pas privés des diftri-
butions. Manualia bénéficia , Jive vitîualia de ipfi
exigaitaie, qux eccltfwe poieft accedere , fraternitas
tua prxbest agrotanti. Cap. i , extra de clericis ccgro-
tant. Le titre de la pragmatique, quo tempore quif-
qtie debeat ejji in choro , qui eft du concile de Bafte ,
déclare qu'on tiendra préfent celui qui eft dans
l'impoffibilité d'affifter , necejjltatc cogente ; expref-
fions qui, félon Guymier, doivent particulière-
ment s'entendre de l'état de m.aladie.
La difcipline moderne de l'eglife de France eft
confiante fur cet article. Les conciles de Bordeaux,
en 1582 , de Bourges ,en 1584, &d'Aixen 1585,
veulent non-feulement que les malades perçoivent
le gros de leurs bénéfices , mais qu'on leur accorda
les diftriburions quotidiennes. C'eft auflî le fenti-
ment de tous les auteurs & de tous les canoniftes.
Cependant on trouve un arrêt du parlement de
Paris du 8 août 1628, qui paroît n'avoir pas jugé
conformément à ces principes. Le chapitre d'An-
goulême avoit privé de fes diftributions un cha-
noine , qu'une maladie empéchoit de réfider de-
puis deux ans ; le chanoine rapportoit des certifi-
cats authentiques de fon état , en forte qu'il ne pou-
voit y avoir aucun doute à ce fujet. \\ appela de
l'ordonnance capitulaire qui l'avoit privé de fes dif-
tributions , &c elle fut confimée ; mais il faut faire
attention que l'eglife d'Angoulême avoit un ancien
ufa'^e qui privoit des diftributions ceux que la mala-
die empéchoit d'affifter. La feule chofe qu'il faut
conclure de cet arrêt , c'eft donc que les anciens
PRÉSENCE.
ufages des chapitres doivent fervir de fègle en ce
point ; nuis il n'en eft pas moins vrai de dire ,
qu'où il n'y a point de ces ufages anciens & bien
conitans, les diftributions quotidiennes doivent
être données aux malades.
Sous le nom de mjUdes , on n'entend point feu-
lement ceux que leurs maladies retiennent au lu ,
mais encore les aveugles, ceux qui font attaques
de la gravelle , de la goutte ; en un mot , tous ceux
qui ne peuvent aflifler au chœur pour railon d'in-
firmité. C'ed pourquoi le parlement de Touloufe ,
par fon arrêt du ii février 1696 , rapporté par Ca-
tellan , livre i , chap. 51,3 condamné le chapitre
d'Alby à tenir préfeni un chanoine aveugle. Il faut
suffi mettre au nombre des malades les infenlés :
la folie efl une véritable maladie , qui ne rend pas
moins digne de compaiîîon celui qu'elle attaque,
ni moins incapable d'exercer toutes fo.tes de fonc-
tions que les autres efpéces de maladies
Les chapitres n'ont pas coutume d'exempter to-
talement de 1 afll.iance à l'office les chanoines dont
le grand âge ou les longs fervices méritent quelque
confidération ; mais un grand nombre IcS exemp-
tent de la pointe pour quelque olUce particulier.
A Noyon , les chanoines fcxagénaires , qui ont
quinze ans de fervicc , font difpeniés, non pas de
l'office du jour , mais des matines feulement , par
tm flatut du 21 décembre 1558. L'églife de Paris
exempte nulTi de l'afriftance à matines les jubilés
qui ont cinquante ans de canonicar. Les cours ont
eu quelquefois occafion de prononcer furces difpen-
fes 6: fur les iiatuts qui les autorifent , & elles ne les
ont point improuvés. L'éditeur des mémoires du
clergé, tom^ 2 , page 1199, rapporte un arr>;r du
par'ement d'A'x , qui juge que le chapitre de Taraf-
conn'avoit pu révoquer la dilpenfe d'affifter aux
matiîjes, aux proceffions Sv aux obits , qu il avoir
accord.^e à un chanoine de foixante-dix ans , & de
cinquante quatre ans de canocicat. Un arrêt du
confeil du roi , du 28 janvier 1730 , porte : » que
« conformément aux anciens ftatuts , les tréfo' ler ,
5> chantres & chanoines fexagénaires , pourront
» être difpeiif. s d affilier à matines ,& cepo.idant
« recevoir les diftributions qui fe payent punr ledit
V office , comme s'ils avoicnt été préfens ').
Si l'ufage de 1 églife eft de tenir préfens ceux que
la maladie ou le grand âge empêcb nt d'affiiler à
l'office , elle eu bien éloignée dacrorder cetre
grâce à ceux que la crainte d'une maladre conra-
gienfe, de la perte, par exemple , engage à s'ab-
fenter de leur églife. La crainte de la maladie n'eft
point un véritable empêchemct.t ; c'c(l 'a maladie
feule qui met dans l'impoffihilité d'alfirter. D'ail-
leurs , 1 églife, bien loin de leur être ùvorab'e
dans un pareil cas , ne peut '7Ue co'ulamn'.r leur
lâcheté. Le* chanoines, à la v rite , ne font point
ob'igés or linairt-ment de prêcher . de confciTer ,
d'ar'miniftrer le viatiaue aux malades ; mais les
temps de calamité & de cont.igion font des rirconf-
tances particulières , où tous ceux qui font honorés
PRÉSENCE.
487
du caraélère de la prêtrife , font obligés de voler au
fecours des peuples. L'arrct que le parlement de
Grenoble a rendu le 12 mai 1585, par lequel il a ju-
gé que les diAributlons n'éioieni pas tliics aux abfens
pour caufc de peile , tfl donc dans les vraies vues
de leglife, Si entièrement conforme à fon efprir.
L'impcffibilité d'affifler eft auffi une raifon puur
tenir prélent celui qui eft excommunié ou prifon-
nier , fans y avoir donné lieu par fa mauvaiie con-
duite ; il doit percevoir non-feulement le gros de
fon bénéfice, mais encore les diftriburion« , parce
qu'il ne tient point à lui qu'il u'affifte à l'office : il
faut cependant 1 uppofor qu'il y aftiftoit aLparavant ;
carfi avant fon excommunication ou fon emprifon-
nement il n'étoit pas exaét, on ne peut pas préfu-
mer que la raifon pour laquelle il n'affifte pas , eft:
rimpolîibilité de le faire. R.;cn ne luieit dû au con-
traire , s'il a mérité lexconimunication ou l'empri-
fonnement ; &(. de-là il fuit , que pour lui ad/ugcr
les fruits de fon bénéfice , il faut attendre l'événe-
ment de l'aftaire qu'il s'eft attirée : s'il eft condamné
comme coupable , il doit perdre les fruits ; il les ga-
gne , s'il eft renvoyé abfous. Ceft ce qui a été jugé
far arrêt du parlement de Touloufe du 9 janvier
1672, rendu toutes les chambres aftemblées. Un
chanoine de (^aftres, nommé de Savignac . avoit
été interdit ; il en appela comme d'abus , & fur cet
appel comme d'abus , iiuervint un premier arrêt
qui leva l'on interdit, Sccondamiiu le chapitre .'i lui
payer fon gros en entier. Il prétendit qu'on dcvoit
lui donner les diftributions manuelles ; le chapitre
s'y op|)ofa ; ôc c'eft fur cette nouvelle conteftaiion
que tut rendu l'arrêt du 9 janvier 1672 , qui lui ac-
corda routes les rétribtirions de fon bénérice pen-
dant le tenipf. de fon interdiélion.
C'eft toujours par une ùme de la même raifon ,
que les chanoines qui plaident contre leur chapitre
font tenus préfens; les arrêts qui leur onraccordé
le gros de leur bénéfice & les diftributions , fort
nombreux: nous citerons enrr'autres un premier
arrêt rendu au parlement de Paris le 20 mai 1669 ,
pour IcS chanoines dits à l'autel Notre i3ame,dans
i'églite cathédrale de Saint Etienne dépens , qui a
ducrtcment juge que les chanoines abfens pour pro-
cès contre leurs chapitres, font tenus préfens, &
qu'ils doivent jouir de tous les fruits de leurs pré-
bendes. Un autre arrêt du parlement de Paris , ren-
du a la grand'chambre le 11 juillet 1^)72, pour
l'églife de Saint Pierre de Màcon , ordonne que le
fieur d.; I- P^ypc de 'Veftrieu , chanoine, appelant
coinme d' bu-, de trois conclufions capitulaires
contraires aux règU.s de réglife , feroit tenu pré-
frn' , à l tffit de percevoir les revenus de fon bé-
néfice, même toutes les d!ftributi'>ns inanueUes ,
pendant tout le temps qu'il avoit été abfent pour
la pourfuite de ce procès. Erfin , un troifième arrêt
du 5 août 1705 , rendu aufli à la grand'chambre
du parlement de Pari*. , entre le chapitre de Mt ux
tk les grands cr.apelains hauts vicaires de la menae
églife, a ordonné que le fieur Fouillon feroit payé
4SS
PRÉSENCE.
de rabfence de dix jours employés par lui à la fol-
licitation du piocès pendant à la quatrième cham-
bre, eiiiembie des abfences qu'il avoit faites à la
loUicitation de la pretente inllance.
Mais pour que les chanoines plaidant contre leurs
chapitres l'oient difpcnfés de rélider & gagnent les
fruits de leurs prébendes, il faut que les procès
qu'ils intentent foient pour caufe légitime , ou que
ceux que leur chapitre leur fufciie toient injufles ;
autrement ce feroit une faute de leur part qu'il fau-
droit attribuera l'impolTibilité où ils font de réfider.
Or , il n'y a , dit Fagnan , que ceux qui ne fe feront
point mis , par leur mauvaife conduite , dans l'im-
pofîibilité de réfider, qui doivent être tenus pré-
fens. Fer quem non flat quomï-:hs non re/IJeat in fuo
hcneficto , nullum , ob non refideniiam , dstrimentum
Jentire débet. Fagnaji fur le chapitre cjuLi nonnuUi ,
extra , de clericis non re/ï.enteniibus. C'eft ce qui a
été jugé par un grand nombre d'arrêts qu'H feroit
trop long de rapporter.
On trouve cependant un arrêt du parlement
ri'Aix du 19 juin 163 1 , qui adjuge les diilributions
au fleur Bremon , chanoine de Forcalquier, qui
aveit plaidé contre fon chapitre , pendant tout le
temps de ion abfence, quoiqu'il eût perdu fa caufe.
La raifon qui engagea le parlement à prononcer
ainfi , c'eft qu'il avoir la poflefiion immémoriale ,
que les titres étoient douteux , &. qu'il ne parut
pas qu'il s'étoit engagé légèrement dans l'aflaire
& par efprit de chicane.- Cet arrêt eft rapporté par
Boniface, t. 1 , liv. 2 , tit. 8,chap 3.
Pour paiferà ceux qui font réputés préfens, parce
qu'ils font employés par l'évêque, ou pour le bien
fpirituel du diocèfe, nous commencerons par les
évêques eux-mèn^es , qui perçoivent toujours les
diftributions quotidiennes, lorfqu'ils font chanoines
dans leur églife. En effet, s'ils réfident dans leur
diocèfe î ils doivent être difpenfés d'affilier à l'of-
fice , parce que le gouvernement de leur dio-
cèfe ert ccvXè ne point leur en laifTer le temps ;
èc s'ils font abfcns , on ne peut pas prouver quils
le font autrement que pour caufe légitime. L'auteur
des mém.oi^s Ùà clergé rapporte, tom. 2 , p. 935 ,
un arrêt du ç ;flement de Touloufe du 18 juillet
1602, qui e(t exprés fur cet article. Il porte, que
31 M. d'Elbene , évéque d'Alby, fera tenu préfent ,
» tant qu'il fera fa réfidence aâuelle dans la ville
a> d'Alby & dans fon diocèfe, ou qu'il en fera ab-
« fent pour caufe légitime, fans qu'il puifTe être
j» fujetà la pointe & privé de fes fruits, fous quel-
j> que prétexte que ce foit , autre que fa non-ré-
it fidence dans le diocèfe , à la charge néanmoins
« d'affilier aux heurts canoniales, lorfque les^ccu-
ï» pations de fa charge épifcopale le permettront >».
L'u(age de l'églife permet a l'évêque de pren-
dre à fa fuite des dignités ou chanoines de fon
églife à fon choix , &. veut qu'ils foient réputés
préfens , même à l'edet de percevoir les diftribu-
tions quotidiennes. Le concile de Rouen tenu en
158» , lit. de epifcop &capit, §, 14; celui d'Aix de
PRÉSENCE.
Iijg3,tître de canonicu , ne font mention que de
deux dignités ou chanouies que l«s évêques peu-
vent prendre a leur fuite. Fevret penfe que l'évê-
que n'en peut prendre que deux. La Glofe , fur le
chapitre Jii auuientïam , iç , extra, de clericis non
rejidentibus , n'étend point ce nombre au-delà ; &
comme nous n'avons aucun canon , aucune or-
donnance , aucun ufage même qui permette à l'é-
vêque d en prendre à fa fuite un plus grand nom-
bre ; que les a;rérs qui ont ftatué quelque choit k
ce fujet ne ion; aulfi mention que de deux dignités
ou chanoines , il tant en conclure que le nombre
de ceux à qui l'évêque peut accorder les lettres
qu'on appelle d: cornitatu , ne doit pas excéder ce-
lui de deux.
Mais les évêques peuvent-ils prendre à leur fuite
telles dignités de leur églife qu'ils jugent à propos ,
& ces dignités font-elles toujours réputées pré-
fentes i On peut dire en général , que l'évêque eft
libre de choifir entre toutes les dignités & chanoi-
nes de fon églife. S'il y avoit quelque exception à
faire à ce fujet , ce feroit certainement à l'égard du
théologal. Cependant M. l'archevêque d'Aufch
ayant pris le théologal de fon églife pour être de
fa fuite, le cliapitre prétendit être en droit de lui
refufer les fruits de la théologale. Appel au parle-
ment de Touloufe de ce refus de la part du théolo-
gal ; fur l'appel , le fyndic du chapitre fut condamné
à les lui délivter , Se l'archevêque d'Aufch fut
maintenu en poife/Tion de connoître desempêche-
mens légitimes , en cas d'abfence du théologal , &
de fubftituer des prédicateurs à fa place. Albert,
qui rapporte ce premier arrêt, lettre O , article 8,
obferve encore que la même chofe a été jugée en
faveur de M. l'évêque de Caftres en 163.4.
Il eft vrai que nous trouvons des arrêts qui fem-
blent contraires à cette règle générale. M. de
Vieuxpont , évêque de Meaux , avoit donné des
lettres de comitatu au fieur Chevalier , chanoine ,
& en même temps chancelier de Meaux , & en
cette qualité chargé d'enfeigner le chant à ceux qui
font le fervice ordinaire dans l'églife cathédrale.
Le chapitre fit refus de lui donner les fruits de
la chanc«.llerie. Sur la conteftation qui s'engagea à
ce f^ijet, intervint arrêt du parlement de Paris If 6
février 1706, qui jugea que les fruits delà pré-
bende échus pendant l'abfence du fieur Chevalier ,
lui feroient rendus , & qu'il perdroit ceux de la
chancellerie. Mais des arrêts ifolés ne peuvent ja-
mais rien établir de contraire à une règle générais ,
lorfqu'elle eft fondée en motifs & confirmée par
une fuite d'arrêts peu interrompue, parce qu'ils
font prcfque toujours l'effet de circonftnnccs & de
confidérations particulières qui ont déterminé les
juges dans le temps , & qu'il eft impcfilble à<t con-
noitre dans la fuite. Concluons donc que , généra-
lement parlant, les évêques peuvent prendre , pour
être de leur fuite , telles dignités que bon leur fcm-
ble , parce que l'évidente utiliré du diocèfe doit
l'emporter fur l'utilité particulière de la cathédrale ,
&
PRÉSENCE.
(& que c'eA à eux de connoitre q^iand cette évidente
utilité de leur églitc deriiande qu'un chanoiae ou
une dignité Toit exemptée de la rélidence.
Nous venons de voir que les évêques peuvent
prendre pour commenfaux deux chanoines ou di-
gnités de leur églife cathédrale ; ont-ils le même
droit par rapport aux chanoines des églifts collé-
giales ds leur diocèfe ? Les canoniftes ont été par-
tagés fur cette queftion : Dumoulin , dans la note
fur le chapitre ad tiuiïent. cxt. de ckrlcis non rcfi-
dcm. tient la négative , & en fait une exception de
]a règle contenue dans cette décrétale :fcciis , dit-il ,
de cunonïcis alterius collcgii dicec^/îs. Il a été fuivi
par Fevret & par pluaeurs antres. Mais le chapitre
de cccteris ,J,de clericis non refident. , efl conçu en
tcr;-ncs généraux , & paroi: comprendre les clia-
.iiçines de toutes les églifes du diocèfe. C'eft ainfi
.que la plupart des canoniftes anciens l'ont en-
tendu ; entre autres , de Selve, de beneficiis , part.
4 , quizfl. 6 , §. 1 2. D ailleurs , la raifon qui fait ré-
futer préfens les chanoines de la cathédrale que
l'évèque prend à fa fuite ,. doit faire accorder le
même privilège à ceux des collégiales , fi l'évèque
juge à propos de leur donner de préférence des
lettres de comhatu. On ne tient préfens les chanoi-
nes des cathédrales qui font de la fuite de l'évèque ,
que parce qu'ils doivent être utiles au diocéic ; fi
les chanoines de collégiales que l'évèque choifit ,
dévoient lui être plus utiles , parce qu'ils font plu^
éclairés , plus inflruiis dans les affaires & dans
les différentes parties du gouvernement cccléfiafli-
que, pourquoi ne jouiroient-ils pas du même pri-
vilège ?
Au refte , ©n peut dire qu'il ne refte plus de dif-
ficulté à ce fujet. Il y a long-temps que les arrêts
ont jugé que les chanoines des collégiales , qui
font de la fuite de l'évèque , doivent être réputés
préfens , comme ceux des cathédrales. Par arrêt
du confeil du 22 décembre 1648 , il a été jugé que
le ficar Dutour , chanoine de l'églife cathédrale de
Soiffons & de l'églife collégiale de S. Pierre de la
jTiéme ville , percevroit les fruits de fa prébende
dans l'églife de S. Pierre , pendant qu'il feroit ab-
fent à la fuite de M. l'évèque de Soi/Tons. La même
chofeaété jugée, le 11 mai 1656, en faveur d'un
chanoine de l'églife collégiale de S. Vaaft , dio-
cèfe de Soiflbns , qui étoit aulîi chanoine de l'é-
glife cathédrale. Il eft certain que la caufe de ces
chanoines n'eût pas été moins favorable , s'ils
n'euffent été chanoines que de collégiales , & qu'il
tant conclure de ces arrêts , que le parlement a dé-
cidé que les chanoines de collégiales doivent être
tenus préfens , lorfqu'ils font à la fuite de leur
évèque.
Les chanoines </e comhatu (ont , par rapport aux
diftributions quotidiennes , abfolument dans le cas
de tous les autres privilégiés , c'eft-à-dire , qu'ils
ne peuvent en être privés: il y a là-deïïijs un fi
grand nombre d'arrêts , qu'il n'efi point permis
d'en dou'.er.
Tont JIJI.
PRÉSENCE. 4^9
L'arrêt du 6 février 1606 , que nous avons rap-
porté plus haut , ordonne que les deux chanoines
qui feront à la fuite de M. l'évèque de Meaux , (e
ront réputés préfens pour tous les fruits de leiir»
prébendes, de même que les sutres privilégiés.
On trouve un arrêt du 19 mars 161 1, qui juge
qu'un chanoine de Noyon , qui étoit à la fuite de
lèvêque , feroit payé des fruits & revenus de fa
prébende , tant en deniers que chapons.
Il y a plufieurs arrêts du confeil d'état des 26 jan-
vier 1644 ', contre le chapitre d'Amiens, & 7.7
oélobre 1661 , contre le chapitre de Soiffons ; de'
l'an 1661 , contre le chapitre de Rouen , & du 6
août 1677 , contre le chapitre de Lifieux , qui ont
adjugé les diftributions quotidiennes aux chanoi-
nes employés par les évêques. Par un autre arrêt
du parlement de Paris du 1 1 juillet 1650 , il a été
jugé que les deux chanoines que M. l'archevêque
de Reims a droit de nommer pour être de fa fuite ,
feroient tenus préfens, & jouiroient de tous les
fruits & revenus de leurs prébendes: cet arrêt eft
rapporté aux nouveaux mémoires du clergé , tome
2 , col. 981.
Mais on peut demander fi , ayant été choi-
fis pour être de la fuite de l'évèque avant d'avoir
fait leur rtage , ils doivent percevoir leurs diitribu-
tions. Cette queilion ne peut pas faire de difficulté ;
on ne doit faire à ce fujet aucune différence entre
eux & les autres privilégiés : d'ailleurs , prefque
tous les arrêts qui ont eu occafion de prononcer fur
cet article, les leur attribuent.
Chopin en rapporte un du 18 juin 1587, par
lequel un chanoine de Noyon , qui étoit à la fuite
de fon évêque , a été maintenu en poffeffion des
fruits de fa prébende, quoiqu'il n'eût pas fait fon
ftage. Monafl. liv. 2 , tit. 33 , n". 15.
Le fieur Marchand , chanoine de l'églife de Cou-
tances , qui étoit à la fuite de fon évêque, n'avoir
point fait fon flage , & le chapitre demandoit qu'il
fût , tant pour le paffé que pour l'avenir, privé de
tous privilèges & franchifes , fuivant l'ufage de
cette églife, jufqu'à ce qu'il l'eût accompli. Il ac-
cordoit au fieur Marchand les gros fruits de fa pré-
bende , & les diftributions qui lui étoient dues
pour les offices auxquels il avoit aflîfté. Le fieur
Marchand demandoit au contraire que le chapitre
fût condamné à lui faire payer toutes les diftribu-
tions quotidiennes , depuis qu'il éroità la fuite de
M. l'évèque de Coutances , fuivant les conftitu-
tions canoniques. L'arrêt qui intervint au parle-
ment de Paris le 28 mai 1650, fur leurs demandes
refpeélives , ordonne que le fieur Marchand jouira
de fes diftribntions pour le temps qu'il a été à la
fuite de M. de Matignon , évèque de Coutances .
comme s'il eût été préfent au fervice de ladite
églife , à la réferve de celles qui fe diftribuent ma-
nuellement; condamne le chapitre à lui payer ou
faire payer par fes receveurs tous les deniers qui
lui feront dus pour lefdites diftributions ; à cette
fin , feront les rôles & regiftres defdites diftribu-
Qqq
49©
PRÉSENCE.
tions prélcntés : cet arrêt eft rapporté aux nou-
veaux mémoires du clergé , tome 2 , col. 979.
Si , félon les règles canoniques , les chanoines
qui font in comhatu font réputés préfens, les grands
vicaires , officiaux , promoteurs & archidiacres doi-
vent l'être , à bien plus forte raifon , lorfqu'ils font
occupés pour le bien du diocèfe. Les fervices qu'ils
rendent à l'évêque font plus importans que ceux
qu'il tire d'un fimple aumônier ou d'un fecrétaire ,
à qui il accorde fouvent des lettres de comhatu.
Leurs fervices ne fe bornent point à la perfonne
de l'évêque ; ils regardent l'églife plutôt que l'évê-
que même , pnifqu'ils font fes coadjiueurs dans le
gouvernement général de fon diocèfe. Or . par
cela même ils en ont moins de temps pour ailiitcr
à l'office, & ils en ont plus de raifons pour être
difpenfés d'y affifter.
Ce privilège des grands vicaires , officiaux, pro-
moteurs 8c archidiacres , a été autorifé par une
déclaration exprefle de l'afTemblée générale du
clergé , convoquée en 1635. L'afTemblée y décide,
entre autres chofes , que les vicaires généraux ,
officiaux , promoteurs , faifant la vifite des diocéfes
ou autres fondions de leurs charges , dedans ou
dehors iceux , les archidiacres qui ont droit de vi-
fue la faifant dans leur détroit & étendue de juii-
didtion , & généralement tous ceux qui feront em-
ployés par les évêques ou chapitres pour le bien
5c affaires de leur diocèfe ou chapitres , jouiront
<le tous les revenus de leurs dignités , offices &
prébendes , tant du gros que des difliibutions ma-
nuelles Se journalières , coinme s'ils étoient pré-
fens à l'églife , tant qu'ils feront actuellement fer-
vans & employés aux chofes ci-deifus. L'exécution
de cette dclaration a été ordonnée par un arrêt du
confeil d'état du 23 février 1636.
Le même privilège a été confirmé par plufieurs ar-
rêts, parmi lefquels il nous fuffira de citer celui du
ceufei! privé du 26 janvier 1644 , portant rég'emetit
fur piuheurs chefs entre l'éveqiie d'Aïuiens & fes
grands vicaires d'une part ; ik le chapitre d'A-
miens , de l'autre : cet arrêt décide qu'î)utre les
deuxch.Tiioines qui font à la fuite de Tévèque , fon
grand vicaire 8c fon officiai feront tenus préfens en
i^ous fruits 8c diflributions de leurs prébendes ,
& exempts de la pointe , lorfqif il > hvont oc-
cupés aiix Fonilions de leurs charges 8c aux art'aires
év. diccê/e.
On demande fi , lorfqn'il y a plufieurs grands
vicaires dans un diocèfe , ils doivent tous être
tenus préfens. La réponfe qu'on peut faire à
cette qiieftion , c'eit qu'il faut fuivre à ;cet égard
l'ufage des églifes ; que fi une églife a coutume
de n'en exempter (ju'un de l'affiftance à l'office , il
n'y a qu'un grand vicaire qui puiffe demander .î
être réputé préienr. Dans les chapitres , au con-
îraite , où Tufr-gc cft d'accorder ce privilège à deux
ou trois grands vicaires , il y en a deux ou troi;^
qui peuvent prétendre à l'exemption; autrem-stu
il pourtoit en arriver quelque incouvéniem , fiir-
PRÉSENCE.
tout aujourd'hui où les.êvêques fe font mis tîans
Tul^age de prendre un très-grand nombre de grands
vicaires. En effet, fi dans un chapitre peu nom-
breux , où l'évêque auroit cinq ou fix grands
vicaires , tous dévoient être réputés préfens , l'é-
glife pourroit n'être pas fuffifamment deffervie.
Ordinairement les grands vicaires .officiaux, pro-
moteurs, font tenus d'avertir le pointeur, pour être
tenus prélens. C'eft ce qui a été jup,è par les arrêts
du confeil d'état , rendus les 18 janvier 1727, 18
mars 1736 , & 27 feptembre de la mèms année,
au profit des évêques d'Orléans èi. de Rreiix en
Languedoc, qui portent, que les grands vicaires,
ofKciaux 8c pron}OteufS feront aveitir le pointeur ,
fans que néanmoins ni lui, ni les autres puiifent
prendre connoiffance des caufes de leur abfence.
Cependant ceux de Rheims ont été difpenfts de
l'avertir, par l'arrêt du 11 avril 1723, & il fuftit
qu'ils faffent ime fois apparoir au chapitre capi-
tulairement aiTemblê, de leurs lettres & de leurs
qualités. Il y a lieu de croire que le motif de cet ar-
rêt a été, que telêtoit l'ufage de l'églife de Rheims;
car , comme nous l'avons déjà obfervé , c'efl l'u-
fage qui fait prefquetoujours la règle en toutes ces
matières.
Il faut rapporter à la clalTe de ceux qui font
employés pour le bien fpirituel du diocèfe, les
théologaux, les pénitenciers, les curés qui font_^
en même-temps chanoines de leurs églifes , 8c les
dignités &C chanoines que les évêques emploient
aux miffions , prédications SiC autres fanélions du
minîftère de leur diocèfe. Grégoire ,XIII &(. le
conciJc de Cologne, de l'an 1549 , n'accordent
les diflributions aux théologaux que pour le jour
qu'ils font leurs leçons ou leurs fermons , & tcuc
au plus la veille, à la charge encore d'nffiAer à
la grand'meffe du chœur. Le concile de Bâle ,
dontle décret a été inféré dans la pragmatique , an
titre de collationibus , Se le concordat leur font plus
favorables ; ils leur accordent , lorfqu'ils s'acquittent
de leurs obligations , tous les fruits de leurs pré-
bendes , comme aux chanoines qui ont affiflé le
plus exaéîement. L'art. 8 de l'ordonnance d'Or-
léans , 8c les art, 33 8c 34 de celle de Blois, y
font conformes. Le concile de Rouen en 1581,
tit. de epifcop. & capit. n". 37 , 8c celui d'Aix en
1585 , les tiennent préfens , mais à condition feu-
lement que hors le temps des leçons & de la pré-
dication, ils defferviront l'églife comme les autres
chanoines. Eâ tamen lege &> conditione , ut ipjd non
dffuïat extra pradicationis & leHionis tempora , ec-
clefiœ chm aliis canonicis dej]en''ire.
'Voici qu'elle efl l'étendue du privilège des théo-
logaux; ils doivent percevoir, non-feulement le»
gros fruits , mais les diflributions quotidiennes
8c les obits. C'efl ce qui a été jugé par plufieurs
arrêts , entre autres par un arrêt du parlement
de Touloufe du 3 décembre 1676 , rapporté par
Caiellan , liv. premier , cbap. 59 ; St. par un autre
PRÉSENCE.
àrrit An 4 Janvier 1723 , contre le chapitre de
Rheims.
Quelques chapitres , Si entre antres celiîi de
Laon , ont autrefois entrepris de refufer des va-
cances à leurs théologaux ; mais ils ont toujours
été condamnés fur ce point. On a jugé que ies
théologaux n'avoient pas moins bei'oin de va-
cances que les autres chanoines, foit pour fe dé-
lafTer de leur travail , Toit pour vaquer à leurs
affaires particulières , foit enfin pour fe prépa-
rer aux fermons & aux autres ofEces de l'année
fuivame.
Au refte , ce privilège celle pour les tlîéolo-
gaux qui ne rempliffent point les devoirs de leur
place ; ainfi dès qu'ils fe déchargent fur d'autres ,
foit pour les leçons , foit pour la prédication ,
les chapitres ne font phis obligés de les tenir
préfens.
Les pénitenciers jouiflent aufli en France , com-
me ailleurs, de ce privilège; ils font tenus pré-
fens, mais feulement pendant qu'ils entendent les
conteffions : ils gagnent alors les diftributions &
le gros. C'eft la décifion exprefle du concile de
Trente , feff. 24 , c. 8.
Les curés qui ont des prébendes annexées à leurs
cures dans les églifes cathédrales ou collégiales ,
ne font pas, pour l'ordinaire , traités moins favo-
rablement. On peut voir au journal des audiences
l'arrêt du 7 juin 1681 , en faveur du curé de fnint
Venant de Tours , qui ordonne , qu'en cas d'ab-
fence aux anniverfaires & autres fondations faites
au profit du chapitre , il fera cru fur la fimple dé-
claration quil fera qu'il étoit employé aux fonc-
tions de fon miniilère, fans être obligé d'en rap-
porter d'autres preuves. On trouve encore au jour-
nal du palais , tome i , page 1 94 , un arrêt du par-
lement de Bordeaux rendu le 26 mars 1672 , en
faveur du fieur Layet , chanoine & curé de l'e-
glife carhédrale de Bayonne, par lequel ce curé
& fes vicaires prébendes font réputés préfens aux
offices du chœur , pendant tout le temps qu'ils
lont occupés aux fonctions curiales ; & Gibert
fûutient que le privilège des curés-chanoines n'e/l
pas moins favorable que celui des théologaux , &
veut qu'ils en jouiflcnt, non-feulement pour le
temps où Us font occupés à l'adminiflration des
iacremens , mais encore lorfqu'ils préparent leurs
proues , Se lorfqu'ils prennent un temps raifon-
jîable pour fe délaflér de leurs fatigues.
Nous difons '.}ue le privilège d'être tenus pré-
fens ei\ accordé pour l'ordinaire aux curés-cha-
noines, parce qu'encore qu'ils en joui/Tent pref-
cjue dans toutes les églifes , qu'il foit très-conforme
à l'efpritdi l'églife, 6c qu'il feroit bien qu'il leur
iùt accordé partout; il y a cependant quelques
églifes où ils ne font point exempts : ainfi c'eft
la coutume des Ueux , les ftatuts du chapitre Se les
ordonnances du diocèfe qui doivent fervir de loi
Air cette matière.
Enfin les chapitres font tenus de réputer pié-
PRÈSENCE.
491
fens les dignités & chanoines employés par l'é-
vêque aux millions & prédications dans le dio-
cèfe , mais ce n'eft qu'à certaines conditions que
ces dignités & chanoines peuvent jouir de ce pri-
vilège. Us doivent apporter des certificats des cures
<k des marguiiîiers des paroilTes ; ils ne peuvent
y être employés qu'au nombre de quinze en mê-
me temps ; favoir , trois pour les prédications »
iSc douze pour les millions : avant de partir , ils
font tenus d'en donner avis au chapitre, (k il faiic
qu'il relie dins l'églife un nombre fuiîif.int d'autres;
dignités , chanoines & autres eccléfiaftiques pré-
fens , pour faire le fervicc accoutumé. C'efl: ce
qu'ordonne un arrêt du confeil du roi , rendu le
30 oiîobre 1640, pour le chapitre de Chartres,
qui décide que les dignités 8c chanoines de la ca-
thédrale , lorfqu'ils feront employés aux miffions
dans le diocèfe , avec pouvoir & commilîion de
l'évêque , ou à prêcher les avants , carêmes &
odavos du faint facrement , ils jouiront de tout le
revenu de leurs prébendes , tant en gros fruits
qu'en diftributions manuelles & quotidiennes, pen-
dant qu'ils y feront occupés. Il fuit Je cet 7trrê: , que
ce privilège ne regarde que ceux qui travaillent
dans leur propre diocèfe , fous les ordres de l'é-
vêque ; & que fi un chanoine alloit, de fon pro-
pre mouvement , prêcher ailleurs des avents &
des carêmes , il ne pourroit en jouir légitime-
ment, quand même ion chapitre le lui petmet-
troit.
La troifième clafTe des privilégiés efl compofée
de ceux qui font abfens pour caufe d'études , ik:
elle comprend les profelTeurs &c les étudians dans
les univerfités. Innocent ÎII avoit accordé , poiir
quelques années feulement , à quelques perfonnes
d'une fcience diftinguée , le privilège de perce-
voir tous les fruits de leurs bénéfices , comme s'ils
avoient exadlement afliflé. Sa lettre au chapitre
& à l'archevêque de Sens, nous apprend qu'il l'a-
voir accordé en particulier à un doj^in de cer:e
églife qui enfeignoit la théologie dans l'univerfité
de Paris. Honoré III , (on fiicce/Ieur , l'étendit
depuis à tous les profeffcurs, pour tout le tem nr,
qii ils enfeigneroient , & à tous les étudians en
théologie, pour cinq ans feulement, par une dé-
crétale qui commence par ces mots : Tuiz fratc--
nitati , au titre de clericis non rcjldentïbus. Docenus
in thcoloçici facultate dum in jchoV's docuerint , rr>
Jludentcs in ip.uî intègre per annos quhique perapuint
de licenti.î fcdis apofloUaz pioventas prcebendarwa
& beneficiorum fuontm , nonobfiante aliquA aliâ cor.-
fuetudine vel Jl.uuto, atm denario fraudari non de-
beant in vineâ domini opérantes. Cette décrctale a
été depuis confirmée par le concile de Trente,
(^(f. de la réformation , cap. 1". , oli il dit : Doce-itc)
fcripturam/acram, dum publiée in fcholis docucnnt ^
6» fcliolares qui in ipfis fchoUs Jlude.1i , privïlegii's
omnibus de perceptione fruSiu.um prccbcr.darum & be-
ncfid^run piorum in ab/entiâ à jure commuai cm-
cejjis plenc ^audeant & fruantw.
492
PR RSENCE.
La textes que nous venons de rapporter ne
conceriient , à la vérité , que les profetTeurs &
l«s étudians en théologie ; mais les fuccefTeurs
d Honoré III avoient accordé la même grâce aux
profefleurs déroutes les autres facultés. Jean XXII ,
dans la bulle que rapporte Chopin , liv. de po-
litid 3 , tii. 4 , n. ult. l'accorde généralement &
fans diftinflirfn à tous les maîtres & régens de
runiver/ité de Paris. Vobis indulgcmus , ydh-'û , ut
univerfi magijlri prafentes & futuri in jludio vsflro
.-lihi jludentes , frutluf , redditus & proventus om-
nium heneficiorum qua obtinent , ctiamjî dignitates ,
perfonatus vel u£icia exïjlant , dummodb hujufmodi
dignitates in cathedralibus majores pofl pontificalem
& in collegialis ecclejîis principales non fint , cum
cnini integritate iifque ad quinquennium percipere li-
bère valeant quotidianis dijlributionibus duntaxat
tx'.eptis. Charles V , dans fes lettres-patentes du
mois de mars 1366, fuppofe que le privilège ac-
cordé ici pour cinq ans feulement , avoir été éten-
du par d'autres bulles jufqu'à feptj ce qu'il con-
firme par fon autorité royale.
Toutes ces bulles ne donnoient point à per-
pétuité aux profeffeurs le droit d'être tenus pré-
fens dans leurs bénéftces ; mais l'ufage y fuppléa ,
&. tous les profefleurs de 1 univerfité de Paris ,
même ceux de la faculté des arts, ont joui au-
trefois de ce privilège.
Aujourd'hui il n'y a plus que les profefleurs de
théologie qui foient en poffeflîon de percevoir
les fruits de leurs bénéfices fans réfiderdans leurs
o^^lifes. " On ne voit point , dit l'éditeur des mé-
•ji moires du clergé, que les profeffeurs des autres
7> facultés fe prévalent aujourdhui des privilèges
» qui leur ont été accordés autrefois ; & s'ils le
» faifoient , leur prétention paroîtroit extraordi-
5) naire ». Les arrêts maintiennent dans ce droit
ceiix de la faculté de théologie de Paris. Nous en
avons un du 4 juillet 1736, rendu au parlement
de Rouen pour un pvofeffeur en théologie de l'u-
iiiverfité de Caen, qui ctoit en méinetemps cha-
noine de la cathédrale de Bayeux, Cependant on
ne pourroit pas aflurcr que les profeffeurs en théo-
logie de toutes les univerfués du royaume y fe-
roTent maintenus ïparce qu'il y :i plufieurs dç ces
univerfités qui femblent aujourd'hui en avoir perdu
la poffeffion. Au relie , félon la jurifprudence ac-
tuelle du royaume , les profeffeurs en théologie
qui jouiffent du privilège d'être tenus préfens, en
jouiffent avec la rrénie étendue que tous les au-
tres privilégiés ; c'eft-à-dire , qu'ils perçoivent les
diftributions ordinaires , & que s'il y en a quel-
ques-unes qu'en ne leur accorde point, c'eft que
les autres privilégiés en font également pvivés.
A l'égard des écoliers qui étudient dans les uni-
verfr.és , leur privilège n'eff pas auffi étendu ; on
ne leur accorde que les gros fruits. Louet & Bro-
deau rapportent plufieurs arrêts qui ont confirme
cet ufaee, &■ il n'y a aucun ciiapitre dans, le royau-
me qul^leHr accorde les diftril3^fions.
PRÉSENCE.
Nju5 avons vu que les papes ne leur accor-
doient autrefois le droit de toucher les gros fruits
de leurs prébendes que pour cinq ans ; que Charles
V avoit étendu ce temps jufqu'à fept années. Au-
jourd'hui il n'y a point d'autre temps déterminé
pour le privilège des chanoines étudians , que ce-i
lui du cours de leurs études ; &, ce ne font pas
ieuiement les étudians en théologie qui en jouif-
fent , il eft accordé à tous ceux qui étudient en
philofophie & ^ans les humanités.
Ils doivent demander à leur chapitre permiffion
pour aller aux écoles publiques. Il eft du bon ordre
qu'ils n'entreprennent point un cours d'étude fans
avoir demandé l'avis du chapitre , & fans avoir
obtenu fa permiffion. Rebuffe dit , à la vérité , que
ce n'efl point la coutume de France que les cha-
noines fèculiers demandent cette permiffion ; &
Brodeau fur Louet , lettre E, cite un arrêt du par-
lement de Paris du 6 mai 1577 , qui l'a ainii jugé
contre le chapitre de Nevers , en faveur du fieur
Albin , chanoine de cette églife : mais il y a lieu
de croire que le parlement n'a difpenfé le ficur
Albin d'obtenir la permiffion du chapitre , que
parce qu'il l'avoit déjà demandée & qu'il en avoit
effuyé un refus. Or , il eft certain que fi les jeunes
chanoines font obligés de demander la permiffion
du chapitre , le chapitre , de fon côté , ne doit
pas la refufer à ceux qui ont les taléns néceffaires ,
& que, dans le cas de refus injufte de la part du
chapitre , ceux-ci peuvent ufer du privilège que
les lois leur donnent.
PluGeurs conciles avoient décidé que les cha-
noines ne pourroient aller étudier dans les écoles
publiques , lorfqu'ils auroient atteint l'âge de
trente ans; d'autres, que, fuppofé qu'ils fuffent
en cours d'étude , ils cefferoient à cet âge d'être
tenus préfens , quoiqu'ils ne fuffent pas obligés
de le difcontinuer. Chopin , liv. de facrâ polir.
tir. 3 , n. 18 , écrit que par un ftatut iolemnel
de l'églife collégiale de faint Grégoire de Ven-
dôme du 18 janvier 1376 , confit mé par arrêt du
parlement du %j février fuivant , il a été ordonne
que les jeunes chanoines & les nouveaux chape-
lains de cette églife iroient étudier aux univer-
fités, pour fe rendre capables de fervir utilement
l'églife, jufqu'à l'âge de vingt-quatre ans, pen-
dant lequel temps ils percevroient feulemerit Is
gros Si moitic des difiributions de leurs bénéfices.
Mais la jurifprudcnce n'a point déterminé le
temps , paffé Lquel les chanoines ne pourroient
plus aller étudier dans les univerfités ; & le h.en
de l'églife demandoit qu'on n'étabht point à ce
fujet de règle générale , parce qu'un chanoine
qui n'aura penfé que très-tard à commencer fon
cours d'études , peut dans la fuite lui être encore
très-utile.
Les chanoines étudians peuvent exiger d'être
tenus préfens, quand ils n'auroicnt point tait leur
ftagc ; n-.ais ils n en font point exempts pour cela ,
.le ""temps . n'eu eft que différé. C'eil ce qui a été
PRÉSENCE.
jugé pat arrêt du parlement de Paris , du ai mai
1583. Par cet arrêt, il a été ordonné qu'un cha-
noine de iaint Pierre de Laon , nommé Loifel ,
étudiant dans l'univerfité de Paris , percevroit le
gros de fa prébende, tant qu'il feroit écolier, quoi-
qu'il n'eut pas fau Ion ftage. Louet, qui rapporte
cet arrêt, obferve qu'il n'en faut pas inférer que
les chanoines étudians font difpenfés du ftage dans
les églifes où il eft établi par un ftatut particulier ;
ôc que tout ce qu'on en doit conclure, c'eft que
robligation d'y fatisfaire eft feulement différce
après la fin des études.
On ne peut jouir du privilège d'être tenu pré-
fent pour raifon d'études , fans avoir pris poifef-
fion perfonnelle.
Nous n'avons point de conciles ni d'ordonnances
qui aient déterminé quel peut être le nombre des
chanoines étudians dans un chapitre, comme nous
en avons qui l'ont déterminé par rapport aux cha-
noines de la chapelle du roi. Cependant on ne
doit pas croire que les chapitres font obligés de
tenir préfens tous ceux qui s'abfenterolent pour
raifon d'études. Il faut tenir pour règle , qu'il doit
refler un nombre fuffifant de chanoines pour cé-
lébrer le fervice divin avec la décence convena-
ble. Ainfl , dans un chapitre confidérable , on peut
permettre à un plus grand nombre de chanoines
d'aller étudier dans les univerfités, que dans les cha-
pitres quilefont moins. C'eft pour cela que les arrêts
ne font point conftans fur cette matière, & qu'ils
ont régie le nombre des chanoines étudians à deux
ou trois, félon le nombre des chanoines. Nous en
avons un du 14 mars 1614, rendu au parlement
de Paris, qui juge qu'il pourra y avoir quatre cha-
noines dans l'églife de faint Cerneuf de Billon ,
en Auvergne , qui jouiront de l'exemption de la
réfidence en faveur des études.
Quand les fondateurs ont voulu, dans uneéglife,
que les prébendes ne fuffent conférées qu'à des
eccléfiaftlques qui , lors de la collation , euffent
l:i fciencc & la capacité requifes , ce privilège des
chnnoines étudians ne peut avoir lieu. C'efl ce
que nous pouvons conclure indireêtement d'un ar-
rêt du parlement de Paris du 2 juillet 1556, par
lequel il fut jugé, qu'un particulier qui avoit été
dilpenfê de rénder par cette confidération qu'il
étoit in j:onfonlo &• famil'ui papcz , avoit été mal &
abuûvement difpenfé, parce que la fondation re-
quéroit expreiTément la réfidence. Par conféquent ,
(i une tondation exigeoit que les prébendes ne
fuffent point données à des étudians , la difpenfe
de féfidcr pour caufe d'études feroit abufive.
Nous avons dit que les chanoines étudians ga-
gnoient le gros de leurs prébendes; cependant
cette règle n'eft point générale; un grand nombre
de chapitres font en poflefnon de leur donner des
penfions, au lieu des gros fruits. Plufieurs arrêts
ont autorjfé cetiifagc, lorfque les penfions font
proportionnées aux fruits de la prébende , ou
PRÉSENCE. 493
qu'elles font eftimées fuiîifantcs pour l'entretien
des étudians.
On fent que la raifon qui a eng:igé les cours à
mettre une différence entre les étudians & les au-
tres privilégiés, c'efl que ces derniers font regar-
dés comme ayant un droit acquis aux fruits de
leurs prébendes , par les fervices qu'ils rendent
elFeêllvement , ou qu'ils font préfumés rendre à
l'églife. Les chanoines étudians , au coiuraire ,
n'ont point encore rendu de fervices à leglile,
& ne lui en rendent point effeêlivenicnt pendant le
cours de leurs études. Ils lui donnent lieu , à la vé-
rité, d'efpérer qu'elle pourra fe fervir un Jour utile-
ment d'eux, s'ils mettent à profit le temps qui leur
eft accordé pour étudier; mais des fervices futurs
& feulement en efpérance, n'équivalent point à
des lervices préfens. Il n'eft donc pas déraifonnable
de les traiter moins favorablement que les profef-
feurs en théologie, par exemple, ou que lesconfeil-
lers des cours fouveraines. La juftice & l'intérêt de
l'égUiê demandent feulement qu'ils foient pourvus
d'une manière fullifante à leur fubfilknce , pendant
qu'ils étudient.
Mais il faut que les penfions que les chapitres
leur accordent , pour être autorifées , foient pro-
portionnées , d'une part , au gros de la prébende ,
& de l'autre , qu'elles foient fuffifanres pour 4eur
entretien. Si la penfion aflignée au chanoine étu-
diant n'étoit que la quatrième ou la cinquième par-
tie de fon gros, il y a tout lieu de croire qu'il par-
viendrolt à s'en faire adjuger une plus confidéra-
ble ; &■ les chanoines étudians font toujours par-
venus à obtenir une augmentation , quand leur gros
étant fufHfant pour leur entretien, la penfion qui
leur avoit été adjugée par le chapitre ne pouvoir
pas fournir à leur fubfilîance.
Ce que nous venons de dire peut fervir de rè-
gle pour les églifes qui ont confcrvé la divifion des
fruits des prébendes en gros & en difhibutions ;
mais il y en a qui les ont tous convertis en dif-
trlbutions manuelles : on peut demander quelle
fera dans ces églifes la portion des chanoines
étudians.
Les canons & les ordonnances n'attribuent quj
les gros fruits aux clianoines étudians , & non les
diftributions quotidiennes ; ils ne doivent donc pas
jouir de tous les fruits de leurs prébendes. Les dll-
tributions manuelles reprêfentant la totalité des
fruits dans les églifes dont nous parlons , les cha-
noines étudians doivent donc percevoir une par-
tie confidérable des diftributions ; mais les cha-
pitres ne foru pas obligés de les leur accorder en
entier. Aufïï la pratique la plus ordinaire des égli-
fes , où tous les fruits des bénéfices font en diilri-
butions , & qui ne font pas en pofTelTion de don-
ner des penfions aux étudians , eft de leur retran-
cher la troifiême partie des diftributions, & de ne
leur en accorder que les deux tiers. Cet ufage eft
conforme à la décifion de h cont^régation du con-
cile. Barbofa de canoni. c. 15 , & Fagnan fur U
494 PRÉSENCE.
chap. Jtf cxtcro. de clericis non refiJcnt'ihus , en par-
lent comme d'une difcipline conilamment ét;iblie ;
îk 1 éditeur des mémoires du clergé dit qu'elle n'a
rien de contraire aux maximes & aux ordonnances
du royaume.
Nous avons fait «ne quatrième clafle de ceux qui
font abfens pour les arTaires temporelles du cha-
jMtre ou du diocèfc , qui comprend par conféqueiu
les chanoines agens du clergé , les agens des dio-
ctlies & des provinces , les députés aux états &
aux chambres eccléfiaftiques des décimes. Les cha-
noines employés de cette manière font tous dif-
pcnfés rie la refidencc , & perçoivent les fruits de
Jeurs prébendts , non-feulement quant au gros ,
mais quant aux diflributions quotidiennes. On peut
voir dans les mémoires du clergé , tom. 2 , col. 990
& iuivantes, les alTemblées du clergé & les arrêts
du confeil d'état qui leur ont accordé ce privilège.
Nous nous contenterons de citer un arrêt du
confeil privé du 19 oiftobre 1638, contre le cha-
pitre de C hartres , qui a jugé qu'iui promoteur de
Âa chambre des décimes jouiroit des diflributions
tle fa prébende , tant qu'il exerceroit la fonélion de
proinoîeur.
Les agens des chapitres, hors du lieu , font éga-
Jenient exempts. Si le bien de l'églife l'oblige à
députer des eccléfiitftiques pour veiller à fes af-
faires générales , l'intérêt de ciiaque églifc parti-
culière la met aulll dans la néceffité de députer de
fes membres , pour la pourfuite de fes affaires par-
ticulières ; & les chanoines qui travaillent pour l'in-
térêt des églifes particulières , ne méritent pas
moins qu'on leur accorde la fubfiiîance , que ceux
qui font employés aux affaires générales de l'églife.
Enfin les chanoines, qui , durant l'oflîce, font
occupés au bureau des pauvres en qualité d'ad-
îTiiiîiflrateurs , f»it des hôtels-dieu, foit des hô-
pitaux, font ordinairement réputés pré(én«. Nous
n'avons à la vérité aucun règlement général qui
leur donne ce privilège; mais l'ufage les exempte
de l'affillance de rcifice , & les arrêts les main-
tiennent dans ce droit. On trouve dans le tome
fécond des mémoires du clergé un arrêt rendu
fur ce fujet par le parlement de Touloufe , le
^ décembre 1575 , en faveur d'un chanoiiie
d'Aufch.
Il ne nous reHe plus qu'à parler des chanoines
qui font au fervice des princes ou de létar. Les
chanoines confeillers, dans les cours fouveraines ,
font réputés préfens pour tout le temps que dure
l'exercice de leurs fom^ions. Les fervices qu'ils
rendent à l'état , dans l'adminiflration de la jiif-
rice, & fouvent à l'églife elle-m.êmc , exigent ce
témoignage de reconnoiffance de fa part , &: il n'eft
pas jufte qu'étant entièrement employés à procu-
rer le bien public dans les fondions les plus im-
portantes , ils foient privés de la fubfiftance qui
leur eft due en qualité d'ecclêfiafiiques.
Rebuffe prétend que le privilège des confeiUers-
çlepcs des parleniens leur a été accordé par Clé-
PRÉSENCE.
ment "VI ; mais fon origine doit être plus ancienne ,
puifque nous trouvons des confeillers-clercs du
parlement de Paris , qui font tenus préfens dans
leurs églifes avant ce Pontife. Levaffeur, dans fes
annales de Noyon , fait mention de plufieurs
doyens de cette églife qui ont été confeillers au
parlement , & cite un certain Pierre Derkeri qui
l'étoit en 1331 , 8c qui a été tenu préfent. Quel-
ques années après , nous voyons encore le mêine
privilège accordé à des officiers de cette cour.
Philippe de Valois donna , le 26 mai 1336, à fon
greffier en chef, chanoine de l'églife métropoli-
taine de Rheims, lettres-patentes pour l'autorifer
à toucher , quoiqu'abfent , les revenus de fa pré-
bende. Depuis ce temps , les confeillers-clercs des
parlemens font en pofllflîon de l'exemption de ré-
fider , non-feulement pourJes funples canonicats ,
mais même pour les dignités. Les regiftres de l'é-
glife de Beauvais nous apprennent que Jean ce
Mortis & Gui Loifel , pourvus de la clîantrerie
de cette églife , qui efl la troifième dignité, o.n
toujours été réputés préfens , en vertu du privi-
lège attaché à leur office. Les chapitres qui leur
ont voulu contefler ce droit, ont toujours perdu
leur procès ; 6f Chenu, tit. premier , chap, 9, rap-
porte fur ce fujet un arrêt du grand confeil , rendu
le 9 fcptembre 1537 , au profit d'un confeiller-
clerc du parlement de Rouen, qui étoit chantre
en dignité , Si chanoine de l'églife d'Evreuv.
Les confeillers-clercs ne font pas feulement te-
nus préfens pour les prébendes qu'ils pofsédent
dans le relTort des parleinens dont ils font mem-
bres; en quelque partie du royaume que foit fi-
tué leur bénéfice , on ne peut leur contefier ce
privilège. C'eft ce qui a été jugé par arrêt du par-
lement de Paris, du Z'^ juin 1595 , qui adjuge à
M. de Moufli , confeiUer au parlement de Rouen ,
& chanoine de Sens , les gros & autres fruits de
fi prébende , depuis le jour de fa prife de pof-
fellion perfonnelle, à l'exception des diflributions
manuelles , tant qu'il a fait ou fera fervice au
roi , au parlement de Rouen , audit office de
confeiller.
On peut encore conclure plufieurs autres chofes
de cet arrêt : la première c'efî que les confeillers-
clercs ne font exempts que pendant le temps c!e
leur fervice à la cour. « Préjugeant la cour, dit
i> Louet qui rapporte cet arrêt, que ledit fieurde
)> Moufl'i devoit aller audit chapitre au temps des
■>■> vacations , qu'il n'étoit en exercice île fondit
>> Oî^>ce ftle confeiller; autrement qu'il perdroit les
» fruits au prorata i».
Le parlement de Touloufe a jugé la mêiue
choie par deux arrêts des 28 juillet 1638 & 14
mars 1689 , qui font rapportés par Catellan . liv. 1 ,
chap. 51. Ces deuxarrèts, en adjugeant aux con-
feillers clercs chanoines, quoique non prclers, ies
rétributions desanniverfaires & fondations ,& t5>i;s
les autres fruits, à l'exeption d^.s, diO'-ibtuions ma-
nuelles qui fe donnent au chceur, ordonnent que
PRÉSENCE.
ecttc exemption ne durera que pendant la tenue
du parlement, & que , dans le temps des vaca-
tions , les conleillers-ciers qui ne (eront p is de (er-
vice en ceue chambre ; redeviendront lujets à l'o-
bligation commune de deffervir leurs prébendes «ji
d'alfifter aux oftlces , fous les peines ordmaires,
à moins qu'en ce temps-là ils ne (oient occupés
comme commiilaires ù l'exécution de quelque ar-
rêt du parlement.
Mais l'arrêt du 28 juillet 1658 a jugé encore quel-
que choCe de particulier; il décharge les conlcil-
lers-clercs de deffervir leurs canonicats les jours
fériés du temps de la tenue du parlement ; & c'eft
ce qui eft fuivi dans l'ufage. On penfe qu'il ell
jufte de donner ce temps aux confeillers chanoi-
nes, pour examiner les procès qu'ils ont à rappor-
ter ; 6c on juge qu'il ne faut point avoir égard aux
uTages des églifes , qui pourroient jiérourner les
chanoines confeillers de l'afliduité au palais, parce
qu'on la regarde comme plus favorable à. plus né-
ceffaire que l'affiftance au chœur.
La féconde chofe que nous devons conclure de
l'arrêt du 25 juin 1595 , rendu en faveur de iVJ. de
MoufTi , coniéiUer au parlement de Rouen, c'e(ï
que les confeillers chanoines n'ont pas droit de
percevoir les fruits de leurs prébendes , qu'ils
n'aient pris poffeffion en perfonne , puifqu'il n'ad-
juge au fieur de Mouffi les fruits de l'a prébende ,
qu'a condition qu'il prendra polTelfion en perfonne.
Une troihème décifion qu on peut en inférer ,
c'eft que les confeillers-clercs chanoines gng.ient
les gros fruits de leur prébende & les diftnbutions
quotidiennes , mais qu'on ne leur accorde point les
diflnbutions manuelles , attribuées en argent à
ceux qui aiHAent.
Pour ce qui concerne les gros fruits , on trouve
à la vérité un arrêt du confeil privé du 19 juin
1583, qui n'en adjuge au fieur Coquelay , cha-
noine de l'églife de Meaux & confeiller au parle-
ment de Paris , que la moitié ; mais cet arrêt ne
peut faire de préjugé contre le droit confiant &;
reconnu des confeillers - clercs. " On n'a jamais
» douté au palais , dit Louet , que les confeillers-
M clercs ne gagnaffent les gros fruits de leur pré-
y> bende en entier pendant le fervice qu'ils ren-
» dent au roi ■», Et fi l'arrêt que nous venons de
rapporter n'adjuge au fieur Coquelay que la moi-
tié des fruits , c'eft qu'il étoit en même temps cha-
noine de Paris. Son privilège ne pouvoit pas opé-
rer plus que la réfidence elle-même, qui ne pou-
voit avoir lieu en même-temps dans les deux églifes.
A l'égard des diflributions manuelles qui font
dirtribuées en argent aux préfens , tous les arrêts
s'accordent à les refufer aux confeillers clercs des
parlemens. Un arrêt du parlement de Paris du 9
juin 1600, ordonne que M. du Tillet , confeiller
au parlement , jouira de tous les fruits de la pré-
bende qu'il avoit darïs 1' 'glife du Mans , à l'excep-
tion (les diflrifcutfon>> manuelles qui fe donnent en
argent au choeur après le fervice. Un aiure arrêt du
PRÉSENCE.
495
31 janvier 1606 refufe aux fieurs Bui/Ton & de
f lieiis , confeillers au parlement , chanoines de
l'égiife de Cliartres , les diflributions manuelles
qu on donnoit autrefois aux allillans , quoique de-
puis la prellation en eût été changée par ordon-
nance capituiairc. Il n'y a donc point de diftérence
a cet égard entre les confeillers - clercs du parle-
ment & les autres privilégiés ; ils touchent les di(-
tribuiions quotidiennes qui font mifes en table ;
mais pour les dii^ributioiis purement manuelles,
elles ne leur appaniennent , ainfi qu'à tous les au-
tres privilégiés , que lorfque l'ufage & lès flators
des éi'Jifes ordonnent qu'elles feront accordées à
ceux qui font tenus préfens.
Lts confeilîers-clercs jouiffent auflî de leur pri-
vilège, quand même ils n'auroient pas fait leur
flage. On trouveunarrêt duparlementde Pdrisdu 15
décembre i 550, qui a condamné le chapitre du Mans
à vendre au fi;ur Goelvrot , chanoine de cette
églife 6c confeiller au parlement , les gros fruits &
les autres revenus de fa prébende , excepté les dif-
tribuiions quotidienries ( c'efl-à-dire manuelles ) ,
quoiqu'il n'eût pas tait fou flage.
Ils ont encore droit à la collation des bénéfices ,
lorfque les chanoines font convenus de fe h parta-
ger par tour. L'arrêt du 3 i janvier 1 606 , que nous
avons déjà cité, ordonne que les fieurs Buifion &
de Thelis , chanoines de Pêglife de Chartres, fe-
ront mis fur le tableau , en leur ordre , pour leur
droit de colUtion des bénéfices Se autres dont
jouiiTent les chanoines réfidens.
Il n'efl pas également certain que le droit d'érrc
tenus préfens appartienne aux confeillers-clercs des
préfidiaux , fénéchuulîées & bailliages. Il y a des
auteurs qui foutiennent l'affirmative. Henrys , après
avoir difcuté la quedion & rapporté avec étendue
les raifons pour Se contre , penfe qu'ils doivent
être tenus préfens. D'Olive, au contraire , liv. i ,
clmpitre 1 1 , eflime que ce privilège n'appartient
qu'aux cours fouveraines ; & c'efl le fentiment du
plus grand nombre , d'autant plus que les arrêts le
leur refuient. Albert, dans fon recueil des arrêts
du parlement deTouloufe, en cite un qui fut rendu
le 22 mars 1644, contre le fieur Croiffa nt , cha-
noine d'Aufch Si confeiller à la fénéchaufîée de
cette ville. " On ne voit point encore , dit l'aH-
T> teur des lois ecclefiaftiques , au titre du fervice
17 divin , n". 28 , d'autorité fur laquelle on puifTe
» appuyer leur privilège , & leurs raifons n'oi^t
)> point paru affez fortes pour l'emporter fur l'u-
» fage qui le leur refufe »,
On croit communément que Grégoire X eft l'au-
teur du privilège des chanoines commenfai>x de la
maifon du roi ; mais il doit être plus ancien. Pierre
de Blois , qui ècrivoit vers le milieu du douzième
fiècle, en fait mention dans fa lettre 13^ , 8c il en
eft parlé dans un ftatut de l'églife de Paris de l'.Tn
1170, qui fut depuis confirmé par Alexandre IIL
Quoi qu'il en foit de fon antiquité , il fe trouve
auîorifé non-feultmemparles bulle* de Grcgoife
49<5 PRÉSENCE.
X , m?. Is encore parcelles de fes fuccefleucî Alexari'
dre IV & Clément Vf. Li bulle de Clément VI leur
permet de percevoir les fruits de tous les bénéfices
qu'ils pourront po/Téder , foit dans les cathédrales ,
foit dans les collégiales , de quelque nature & ef-
pèce qu'ils foient , fans exception des premières
dignités , perfonnats & offices , quand ils n'au-
roient point fait de ftage , de même que s'ils réfi-
doient en perronne,& ce nonobftant tous ftatuts
& conftitutions canoniques , quoique confirmés
par ferment. Nos rois l'ont auffi confirn]é par des
lettres -patentes des années I5';i, 1554, M^7 >
1581 , 1606 & i6ia , & par les déclarations de
1666 & 1727.
Ce privilège eft accordé aux aumôniers , chape-
lains , clercs, chantres & autres officiers ecclehalVi-
ques, tant de la maifon du roi que de celU; de la
reine & des enfans de France : les précepteurs des
pages y font compris, ainfi que nous l'apprenons
d'un arrêt du 13 feptembre 1667, rendu au con-
feil du roi au profit du fieur Varlet , chanoine de
Saint-Quentin, & précepteur des pages du roi, qui
l'a mis au nombre des privilégiés.
On ne trouve aucune bulle qui l'accorde aux
officiers eccléfiaftiques des princes du fang ; mais
la jurifprudence des arrêts y a fuppléé. Nous avons
deux arrêts; le premier du 20 juin 1635 , i>-\Q f<^-
cond du 3 I décembre 1639 , qui ont été rendus au
profit de deux aumôniers de M.le prince de Conùé»
dont l'un étoit chanoine de faint Honoré de Paris ,
&. l'autre de faint Etienne de Bourges. Le chapi-
tre de faint Honoré produifoit cependant des bulles
qui obligent tous les chanoines de cette églife à la
réfulence , à l'exception des feuls officiers de la cha-
pelle du roi. Au refte , la déclaration du 18 mars
1666 ne laifTe plus fur cet article de difficulté à l'é-
gard de ceux qui font employés fur les états du
roi.
Le? chanoines de la fainte chapelle étant autre-
fois regardés comme les chapelains ordinaires du
Tol , jor.'fToient dti privilège d'être tenus prtf;.ns,
fans réfider dans les autres églifes doMt ils étoient
chanoines , 8c par conféquent de pofieder les ca-
nonicats de ces églifes fans incompatibilité. îl c(ï
vrai que depuis que nos rois ont eu une autre cha-
pelle ordinaire, on a commencé de le leur con-
tefter. La déclaration de 1727 fembloit cependant
avoir décidé la queAion en leur faveur ; mais celle
du 18 décembre 1740 leur a ôté abrolmnent ce
droit. Le roi y dit en termes formels , que fes cha-
noines ne pourront déformais poiTéder avec leurs
canonicats aucun bénéfice à charge d'ames ou
autres , fujets , par quelque titre que ce foit, à la
réfidcnce dans d'autres égliies , Ôc il y enjoint à
ceux qui s'sn trouvent actuellement pourvus , de
faire ince(Tamment leur option.
Les aumôniers des régimens qui fervent dans
les armées du roi , ont fouvent fait leurs efforts
pour s'approprier ce privilège ; mais ils en ont tou-
jours été débouté* par les arrêts. Par arrêt du 6
PRÉSENCE.
mars 1658 , rapporté au journal des audiences , un
aumônier du régiment des gardes , chanoine de
faint Thomas de Crépy en Valois , a été dl-bouté
du droit d'être tenu prefent dans^ fon églife.
Pour que le trop grand nombre des privilégiés
ne nuife pas au fervice divin dans les églifes, la
piété de nos fouverains les a engagés à le réduire
dans de jufles bornes. Henri II , par fon édit du
mois d'avril 15^4, ordonne que les officiers de la
chapelle & oratoire percevront les fruits, enfem-
ble toutes les diftributions manuelles & quotidien-
nes de leurs dignités , bénéfices , chanoinies & pré-
bendes, pendant le temps qu'ils feront au fervice
du roi, de même que s'ils étoient préfens &c affif-
toient au fervice des églifes , pourvu néanmoins ,
ajoute ce prince , « que defdites églifes carhédra-
» les & collégiales qui ne font point à la difpofi-
» tion du roi , il n'y en ait pas plus de deux , 6c es
w églifes collégiales oii nous avons pleine & en-
» tiére difpofition , ils ne foient pas plus de quatre ;
» & au regard de celles oîi le nombre eft de qua-
» rante ou plus, nous voulons & entendons qu'il
i> y en ait fix v. L'exécution de cet édit fut or-
donnée par un arrêt du confeil privé du 19 juin
1585.11 eft vrai que dans les déclarations pofté-
rieures il n'eft point queflion du nombre des pri-
vilégiés qui peuvent être dans la même églife ;
mais il fuffit qu'il n'ait point été expreffément dé-
rogé à ce qui a été réglé , tant par cet arrêt du con-
feil privé que parl'édu de 1554, pour qu'on doive
le regarder comme faifant une loi de laquelle on
ne peut s'écarter.
La déclaration du roi du mois de mars 1666 , en-
regiflrée au grand confeil le 18 du même mois,&
celle du 2 avril 1727 , auffi enregiflrée au grand
confeil le 5 mai fuivant , ayant réglé tous les droits
des officiers des chapelles & oratoires du roi , & de
tous ceux qui font employés dans les états , il ne
s'agit que de rapporter leurs diffiïrentes difpofi-
tions , pour faire connoître en quoi confifte leur
privilège.
1". Selon la déclaration de 1766 , les fous-maî-
tres, chapelains , chantres , clercs , enfans de cha-
pelle , oratoire & chambre du roi , & tous autres
employés dans les états , doivent être tenus & ré-
putés préfens dans toutes les églifes du royaume ,
pour tous les bénéfices, offices & dignités qu'un
chacun d'eux a auxditcs églifes pendant tout le
temps de leur fervice; favoir, les ordinaires pen-
dant toute l'année , ceux de femeftre pendant ùx
mois , & ceux de quartier pendant trois mois , &
chacun d'eux encore pendant deux mois , pour Te-
nir & retourner à leurs bénéfices.
2°. Par celle de 1727 , ils doivent entrer e«
jouiflance defdits revenus , quand même ils n'au-
roient pas fait le ftage prefcrit par les ftatuts de
plufieurs chapitres , à proportion néanmoins de ce
qui en eft perçu par les chanoines afluellcment ré-
fidens qui font ledit ftage , bien entendu qu'ils
aient pris pofîelEon perfonnelle, fi les ftatuts l'exi-
fient ,
PRÉSENCE.
gent , & qu'après le temps de leur fervîce ils feront
ledit ftage.
3". Ils doivent être employés Tur le tableau , pour
rommer , félon leur rang ,'"aux bénéfices dépendans
des églifes où ils ont des dignités & prébendes ;
& s'il eft d'ufage que les nominations fe fafîfent en
chapitre, ils font admis à y faire faire , pendant
leur temps de fervice, leurs nominations par pro-
cureur.
4°. Ils doivent parvenir aux maifons canoniales
à leur tour , quand même les ftatuts des chapitres
extgeroient une réfidence aduelle dans les lieux où
font Ici'dits chapitres , pour pouvoir obtenir ou
opter lefdites maifons.
5°. Voulons, dit le roi, c'eft toujours la décla-
ration de 1727, qu'ils participent à tous autres
<iroits généralement quelconques, qui appartien-
nent aux titulaires defdits bénéfices ai^uellement
réfidens & préfens à l'office divin dans lefdites
églifes, à la réferve feulement des diflributions
manuelles , qui ont de tout temps accoutumé de fe
faire à la main , au chœur & pendant le fervice di-
vin , en argent fec & monnoyé , fans que lefdits
chapitres puiiTent changer ni innover, en aucune
manière que ce foit , la forme des payemens & des
diftributions , au préjudice defdits officiers.
6°. Voulons pareillement que tous offices & bé-
néfices dnns les églifes cathédrales ou collégiales ,
autres que les dignités ou prébendes, chargés par
les fondations ou par l'ufage defdits chapitres d'un
fervice perfonnel & continuel, foient cenfés à l'a-
venir incompatibles avec les charges de notre cha-
pelle & oratoire.
7°. Voulons qu'<à l'avenir aucun titulaire de pa-
reils offices ou bénéfices , ne puifle être pourvu des
charges de notre chapelle & oratoire, qu'en fe fou-
mettant de rcfigner lefdits offices ou bénéfices dans
le temps de droit.
( article Je M. fabbé Laubry, avocat au par-
lement Y
PRÉSENTATION. Ceft un ade de procédure ,
par lequel un procureur déclare au greffe des Pré-
ientations d'une cour ou d'une juridiction royale,
qu'il occupera pour telle partie contre telle autre,
dans l'inftance introduite entr'elles par la demande
qu'il défjgne. Il y a Préfentation pour les deman-
deurs , appelans ou anticipans , & Préfentation pour
les défendeurs . intimés & anticipés.
L'ufage des Préfentations tÙ. auiîî ancien que
rétablifiement de l'ordre dans les procédures ; ces
Préfentations fe prenoient d'abord au greffe ordi-
naire , où il en étoit tenu regiftre ; enfuite il fut créé
des greffiers particuliers des Préfentations dans les
cours de parlement de Paris & de Touloufe; & cet
établiffement ayant paru utile , il en fut fait égale-
ment dans les différentes provinces du royaume.
Par édit du mois d'août 1575 » Henri III créa &
érigea en chef & titre d'office formé , un greffier
& garde des Préfentations dans chacune des cours
«le parlement, grand'confeiU cour des aides & au-
lome XIII.
PRÉSENTATION. 497
très cours fouveraines où il n'y avoit point de gref-
fiers des Préfentations établis & féparés des gref-
fiers ordinaires; requêtes du palais, préfidiaux,
bailliages, fénéchauffées , prévôtés & autres juri-
di61ions royales du royaume , tant en matière ci-
vile que criminelle , povir enregirtrer les Préfenta-
tions dans un regiftre tenu à cet effet.
L'article premier du titre 4 de l'ordonnance de
de 1667 , porte , qu'en toutes cours où il y a des
greffes des Préfentations, les défendeurs , intimés
& anticipés , feront tenus de fc préfenter & coter
le nom de leur procureur fur le cahier des Préfen-
tations , dans la quinzaine ; & dans les autres fiè-
ges, où il y a pareillement des greffes des Préfen-
tations , dans la huitaine ; & pour les matières fom-
maires , tant aux cours qu'aux autres fièges,dans
trois jours ; le tout après l'échéance de l'alfignation ;
& feront les Préfentations faites tous les jours, fans
diffiné^ion.
Par l'article 2 du même titre , le roi avoit or-
donné que les demandeurs, & ceux qui ont relevé
leur appel ou qui ont fait anticiper, ne feroient ,
à l'avenir , aucune Préfentation dont fa majeffé
abrogea l'ufage à leur égard : mais la Préfentation
des demandeurs , appelans ou anticipans , a été ré-
tablie en 1 695 ; en forte que les Préfentations , tant
des demandeurs que des défendeurs , font indif-
. penfables en toute affignation en matière civile &
criminelle, foit en première inffance ou d'appel ,
affillance de caufe , anticipation , fommation , con-
tre-fommation , exécution des jugemens , fentenccs
ou arrêts & autres.
Dans les interventions , il faut ime Préfentation
pour l'intervenant , & cela ne fouffre aucune diffii
culte ; mais on a prétendu qu'il en falloit égale-
ment pour ceux qui font parties principales au pro-
cès dans lequel un tiers intervient , quoique les
procureurs de ces parties principales fe fuffent déjà
préfentés pour elles: on s'eft fondé fur l'article pre-
mier de la déclaration de 169^ , qui porte , que
les procureurs des parties fe préfenteront reipec-
tivement, & on cite des certificats de l'ufage ob-
fervé au châtelet de Paris ; mais cette prétention
ne paroît aucunement fondée, La Préfentation n'eft
autre chofe qu'une d'éclaration qu'un tel procureur
occupera pour telle partie dans telle inffance. Or,
cette déclaration ayant été faite pour l'in^ance
principale , il n'y a pas lieu de la renouveler fur
l'intervention, puifqu'une même perfonne ne peut
avoir en même-temps deux procureurs dans une
feule inftance, l'un contre fa partie principale , &
l'autre contre l'intervenant. Il n'y a donc pas de
motifs pour exiger cette Préfentation pour les par-
ties principales, & les réglemens n'en fourniffent
aucun prétexte. Le terme refpeElivement , employé
dans l'article premier dé la déclaration de 1695 ,
eft relatif à ce qui précède , en toute ajjîgnaiion les
procureurs des parties fe pré/enteront refpeHivfmenr.
Ce terme étoit d'autant plus néceffaire , que la Pré-
iemation des demandeurs , qui avoit été abrogée
Rrr
4'A
PRÉSENTATION.
par l'ordonnance de i667,venoIt d'être rétablie ,
ik qu'il falloit pnr conféquent expliquer que le de-
mandeur & le détcnd^-ur , qui eniroient en procès
(ur raiîîg(îatIon doi'.nte de la paît de l'un à l'autre ,
dévoient refpe^livenient fe prélenter. Mais bien
loin d'en pouvoir faire l'application aux interven-
t;o:,s , c'eft que l'article 2 de la même déclaration ,
qui luit immédiatement le terme dent on s'eft vou-
lu prévaloir , porte, en termes pofitifs 8c limita-
tifs 5 que dans le cas d'intervention , les procureurs
d^s parties intervenantes feront tenus de fe pré-
fi^fiter. Une loi auffi claire exclut toute difTerta-
tion , & doit faire regarder les ufages contraires
comme ayant été introduits par les procureurs pour
multiplier, mal- à-propos, les ailes des procédures.
Il ne peut être exigé qu'un droit , pour la Prcfeu-
tation d'un demandeur , quoiqu'il agiiïe contre dif-
térens particuliers , & il n'efl dû pareillement qu'un
dro'.t pour une feule Préfentation faite par un mê-
me procureur pour différentes parties ayant intérêt
dans la même caufe : ©n prtftend néanmoins pou-
voir exiger autant de droits qu'il y a de parties dé-
nommées dans la Préfentation ,lorfqu'e!les ne font
pas liées par un intérêt commun & folidaire : on
fonde cette prétejition furie règlement de 1621 ,
qui porte , qi:e le droit fera perçu de chaque partie
pour chaque alîîgnation , tant en demandant qu'en
défendant; fur un arrêt du 29 feptembre 1721 , ik.
fur une ordonnance de M. l'intendant de Soiifons
dvi 7 juin 1739.
Le règlement de 1621 , en difant que le droit fera
p..yé par chaque partie , tant en demandaiu qu'en
défendant , explique feulement que le droit fera
payé fur la même aiTignation , tant par le deman-
deur que par le défendeur : il y a fi peu d'équivo-
que , qu'il eft dit , immédiatement après cette dif-
pofition , que fur une affignation de la part deplu-
fieurs demandeurs joints en même caufe à plufieurs
parties par un même exploit, il n'eft dû qu'un droit
pour les demandeurs, pourvu qu'ils comparoiffent
enfeaible, en même-temps. Si par un même procu-
reur , & qu'il n'cft pareillement dîi qu'un droit pour
les défendeurs ; mais que fi les parties fe préfen-
tent par divers procureurs, ou en divers temps , il
eft dû un droit pour chacune d'elles. Ce règlement
n'autorife donc point la prétention que nous exa-
minons; celui de 1661 la profcrit abfolument ,puif-
qu'il n'ordonne le payement d'un droit pour cha-
que partie , que lorfqu'elks plaident par différens
procureurs , ou qu'elles plaident en divers temps.
L'arrêt du 29 feptembre 1722 eu. rendu dans une
efpèce particulière , dont on ne peut tirer aucune
conféquence.
Et à l'égard de l'ordonnance de l'intendant de
Soiffons , elle ne peut être d'aucune confidération
fur une queftion décidée par des lois authentiques,
auxquelles il n'a point été dérogé.
La régie générale , qui ordonne les Préfcntations
dans toutes fortes de cavifes , admet les exceptions
fuivantes.
PRÉSENTATION.
Dans toutes les affaires où il n'y a point ie par-
ties adverfes , & qui par conféquent font portées à
l'audience fans aflîgnation , il n'y a point de Pré-
fentation , parce qu'il n'y a point de motif pour
déclarer quel fera le^ procureur qui occupera. Voyez
l'article 4 de la déclaration du 5 novembre 1661.
L'article S de la déclaration da 12 juillet 169'î ,
porte, que les caufes fommaircs qui feront portées
à l'audience , & dans lefquelics on ne jugera point
le fond des comertations des parties , ne feront
point fujeites aux droits de Préfentation , non plus
que les inflruélions qui fe font devant les com-
miflaires.
Suivant l'article 9 de cette déclaration de 1695 ,
il ne doit être payé qu'un droit de Préfentation re-
lativement aux alîîgnations données pour voir &
clore les inventaires & les comptes, à moins que,
fur les conteftations & débats , les parties ae foient
renvoyées en jugement ; auquel cas les procureurs
font tenus de fe préfenter fur les affignations.
Par l'article 10 de la même déclaration , il cii or-
donné que dans les caufes des pauvres mercenaires
deinandant payement de leurs lalaires & journées ,
il ne fera par eux payé que la moitié des droits de
Préfentation, défaut ou congé, lorfque leurs de-
mandes portées par les exploits n'excéderont pas
dix livres ; mais que les droits feront payés en en-
tier par le défendeur.
S.iivant un arrêt du confeil du 14 feptembre
1728 , le demandeur Se le défendeur font difpenfcs
de lever des Préfentations dans les caufes portées
devant les officiers des greniers à fel.
Présentation , fe dit, en matière bénéficiale,
de la nomination qu'un patron laïc ou eccléfîaf-
tique fait de quelque eccléfiaflique à un bénéfice
auquel ce patron a droit de préfenter , pour être
pourvu par celui qui en a la collation. Julqu'au
temps de Boniface VIII , les patrons hïcs avoient
fix mois pour préfenter , comme ils font encore en
Normandie , où on a confervé l'ancien ufage ; mais
préfentement, dans les autres provinces ,1e patron
laïc n'a que quatre mois pou.- préfenter ; l'ecclé-
fiaftique & le mixte en ont fix.
Le délai da quatre mois ou fix mois , court du
jour du décès du bénéficier, & non pas feulement
du jour que le patron en a eu connoiffance.
Le patron ne doit préfenter qu'une perfonne qui
ait les qualités & capacités requifes pour pofféder
le bénéfice ; autrement le coUateur peut refufer au
préfenté de lui dentier des provuions , pourvu
qu'il lui donne un aéle de fon refus , &. qu'il en ex-
prime les caufes.
Il eft d'autant plus important pour le patron ec-
cléfiaflique de nommer un fujet capable , qu'il ne
peut varier dans fa Préfentation ; de forte que s'il
nomme quelqu'un qui n'ait pas les qualités & ca-
pacités requifes , il efl déchu pour cette fois du
droit de préfenter; la nomination efl dévolue au
coUateur; au lieu que le patron laïc peut varier,
6< préfenter fuccçflàveaient plufieurs perfonnes.
PRÉSENTATION.
"Quand la Préfentation appartient à pUifieurs per-
fonnes, il faut qu'elles s'aflemblent pour donner
la Préfentation Si. la figner conjointement.
Dans ies chapitres où les chanoines préfentent
tour à tour , ou par femainej , ou par côté , il faut
être dans les ordres facréj pour pouvoir nommer
à fon rang.
Tl n'eft pas permis au patron de fe préfenter lui
même ; mais il peut être préfcnté par un co-patron ,
& il peut d'ailleurs préfenter fon fils.
/ En Normandie, lorfque la poflellion ou la pro-
priété du droit de patronage font en litige , le roi
prèfente aux bénéfices qui dépendent du patronage
litigieux ; il en eft de même dans cette coutume
lorfqu'il échet au mineur un fief tenu immédiate
ment du roi.
Un bénéficier mineur, & âgé de quatorze ans
feulement , peut préfenter aux bénéfices qui dé-
pendent du iisn , fans le ccnfantement de fon tu-
teur, parce que les eccléfiaftiques mineurs font
réputés majeurs pour ce qui concerne leurs béné-
fices. Pour ce qui e'I du patron laïc , il ne peut
préfenter lui même que quand il approche de la
majorité.
L'aéle de Préfentation doit être Q^é à la mi-
nute , tant du patron que de deux témoins ; & la
groffe , qui s'expédie en papier ou parchemin tim-
bré , doit être pareillement fignée du patron. Les
Préfentations doivent aufîi être infinuées dans le
mois de leur date , à peine de nullité. Ces afles
doivent être fignés de deux notaires apoftollques
& de deux témoins.
Mais on demande fi la Préfentation faite par un
tiers , comme procureur du patron , peut prévaloir
fur celle du patron même, quoique la procuration
ait été donnée fous fignature privée & fans témoins.
Le parlement de Paris a jugé pour l'affirmative dans
l'efpèce fuivante , que rapporte ainfi l'auteur de la
colle61ion de jurifprudence :
» La cure de Saint-Pavlnsdes- Champs , diocèfe
» du Mans , ayant vaqué au commencement de
» l'année 1765 , par le décès du fieur Portier, der-
'> nier titulaire , M. de Simiane , ancien évêque de
« Saint-Paul-Trols Châteaux , abbé dEvron , & ,
j> en cette dernière qualité , patron de la cure dont
» il s'agit, y préfenta le fieur Roufiett. par afles
y> des 18 février & 20 mars 1765 : le preinler de
») ces aéîes , pafTé fous fignature privée , mais en
}> préfence de deux témoins connus Si. domiciliés ;
n le fécond pardevant notaires.
j) Sur cette double Préfentation , le fieur Roufiet
» obtint des provifions de M. l'évéque du Mans
jj le 26 mars 1765 , & prit po/Tîffion de la cure
» le même jour : mais le fieur Yvon y forma op-
M pofition , fur le fondement quil étoit pourvu lui-
» même de la cure dès le i 5 février précédent ,
>» fur la Préfentation du fieur de Launay , curé de
» Saint-Parace , qui , à cet effet , avoit été fondé de
» la procuration de M. de Simiane. La complainte
» s'engagea entre les deux contendans au bailliage
PRÉSID ENT.
499
») du Mans; le fieur RouHct foutint que la procit'
» ration en vertu de laquelle le fieur Yvon avoi^
j> été nommé, étoit nulle , attendu qu'elle fe trou*
» voit fous fignature privée & fans témoins ; que
» par conféquent cette nullité entraînoit la ruine
» de l'agio de Préfentation fait en confequence, &
»» de la provifion qui Tavoit fuivi. LefiJur\von
)» répliquoit, que la procuration dont avoit été
)> fondé le fieur de Launay pour préfenter , avoit
)► été infinuée ; qu'ainfi elle avoit une date certaine
» & antérieure à la Préfentation 6c aux provifions
» du fieur Reuffet ; qiae la procuration ayant pu
)» être donnée fous feing - privé , un pareil a'ie
t> n'ctoit point dans le cas d'avoir des témoins inf-
3> trumentaires pour garans , les lettres de vicariat
V ou procuration pour conférer & préfenter, n'é-
» tant point d'ailleurs nommées dans aucun régle-
» ment. Le bailliage du Mans n'eut point égard aux
« moyens de nullité oppofés par le fieur Roufl"et ;
)) Se, par fentence du 17 juin 1765 ,1e fieur Yvon ,
w premier pourvu , fut maintenu dans la cure.
» Le fieur Roufi!et interjeta appel de cette fen-
M tence à la cour. La caufe portée à l'audience, les
» concUifions de M. Séguier , avocat général , ten-
» dolent à l'Infirmation de la fentence , fur le fon-
5) dément de la nullité de la procuration ; mais, par
î7 arrêt du mercredi 3 décembre 1766, la cour or-
» donna qu'il en feroit délibéré ; & depuis , le dé-
)» libéré ayant été jugé, il intervint arrêt , au rap-
i> port de M. Sahuguet d'Efpagnac , le famedi 14
» février 1767, qui confirma la fentence du bail-
» liage du Mans, en confequence maintint le fieur
)> Yvon , premier pourvu ».
Les Préfentations faites par les patrons eccléfiaf-
tiques ou laïques , font comprifes dans la première
fedion de l'article premier du^tarif du mois de fep-
tembre 1 722 , qui en fixe le droit de contrôle à cinq
livres en principal ; ce qui a été confirmé par l'ar-
ticle 4 de l'arrêt de règlement du 30 août 1740.
On appelle Préfentation alternative , celle qui
fe fait par plufieurs copatrons , chacun à leur tour ;
Se l^réfenration forcée , celle qu'un patron ecclé-
fiafiique eft obligé d.^ faire en faveur d'un expec-
tant qui a requis le bénéfice au tour du patron.
On appelle Préfentation par côté ^ celle que cha-
cun des côtés d'un chapitre fait alternativement:
& Préfentation par femaine , celle que chaque cha-
noine fait pendant la femaine qui eft afiignée pour
fon tour.
PRÉSENTATION DES ROLES. Voyez Par-
ticle Rôle.
PRÉSIDENT. C'eft un ofiîcler pourvu d'une
charge en vertu de laquelle il a droit de préfider
à une compagnie.
Des Préfidens du Parlement de Paris, Premier Pré-
fzdent. Anciennement , quand le roi nommoit i\n
premier Préfident , & même des Préfidens en gé-
néral , il les choIfifToit ordinairement entre les ba-
ron-, ; il falloir du moins être chevalier , fur-tout
pour pouvoir remplir U première place ; & de-
Rrrtj
50O
PRÉSIDENT.
çiiis falnt Louis , il fallut encore long-remps avoir
Ce titre pour être premier Préfident ; tellement
que fous Charles V, Arnaud de Corbie ayant été
élu premier Préfident , cela refta fecret jufqu'à ce
que lui & le chancelier d'Orgemont euffent été
faits chevaliers.
Cela ne fut pourtant pas toujours obfervé fi
fcrupuleufement ; plufieurs ne furent faits cheva-
liers que long-tems après avoir été nommés pre-
miers Préfidens ; tels que SinTon de Bucy , le-
quel fut annobli étant premier Préfident ; Jean de
Popincourt fut fait chevalier, & reçut l'accolade
du roi. Ces magiftrats étoient faits chevaliers és-
lois. Philippe de Morvilliers , quoique gentilhom-
me , fut long-tems maître & Préfident avant d'être
fait chevalier, & Robert Mauger ne fut jamais
qualifié que maure , & fa femme ne fut point qua-
lifiée madame.
Cependant , quoiqu'on ne fafie plus depuis long-
temps de chevaliers ès-lois , & que la cérémonie
de l'accolade ne fe pratique plus , il eft toujours
d'ufage de fuppofer le premier Préfident revêtu
du grade éminont de chevalier ; c'efi pourquoi l'hif-
toire des premiers Préfidens les qualifie tous de
chevaliers , même ceux qui ne l'étoient pas lors
de leur nomination à la place de premier Préfi-
dent , parce qu'ils font tous cenfés l'être , dès qu'ils
font revêtus d'une dignité qui exige ce titre ; le
roi lui même le leur donne dans toutes les let-
tres qu'il leur adrefle ; on le leur donne pareille-
ment dans tous les procès-verbaux d'aiïemblée ,
& ils le prennent dans tous les actes qu'ils paf-
fent. Le premier Préfident portoit même autrefois
fur fon manteau une marque de l'accolade, & l'ha-
bit qu'il porte, ainfi que les autres Préfidens, eft l'an-
cien habillement des barons & des chevaliers ; c'efi
pourquoi le manteau eft retroufi!e fur l'épaule gau-
che , parce que les chevaliers en ufoient ainfi , afin
que le côté de l'épéc fût libre ; car autrefois tous
les barons & les fénateurs entroient au parlement
l'épêe au côté.
L'habillement du premier Préfident eft diftingué
de celui des autres Préfidens, en ce que fon man-
teau eft attaché fur l'épaule par trois létices d"or ,
& que (on mortier eft couvert d'un double galon
d'or.
Il fut un temps où le parlement élifoit le premier
Préfident par la voie du fcrutin y c'eft ainfi que
Henri de Marie fut élu en 1413 , Robert Mauger
en 1417 , & Elle de Taureftes en 1461.
Matthieu de Nanterre , qui avoit été nommé pre-
mier Préfident dans la même année, fut deftitiiéen
1465 par Louis Xi, qui l'envoya remplacer Jean
d'Auret, premier Préfident du parlement de Tou-
loufe, qu'il mit à la place de Matthieu de Nanterre:
celui-ci fut depuis rappelé à Paris, & ne fit aucune
difficulté de prendre la place de fécond Préfident,
étant perfuadé que la véritable dignité des places
dépend de la vertu de ceux qui les remplififenr.
PRÉSIDENT.
I Les premiers Préfidens avoient autrefois toù?
entrée ?.u confcil du roi.
Plufieurs d'entre eux ont été envoyés en ambaf-
fade & honorés de la dignité de chancelier des
ordres du roi , de celle de garde des fceaux , & de
celle de chancelier de France.
En 1691 , le premier Préfident obtint les entrées
des premiers gentilshommes de la chambre.
Le prieuré de faint Martin-des champs eft obligé,
fuivant une fondation faite par Philippe de Mor-
villiers , premier Préfident , mort en 1438 , & in-
humé dans l'églife de ce prieuré , d'envoyer tous
les ans au premier Préfident , le lendemain de la
S. Martin, avant la méfie rouge, par deux de fes
religieux , deux bonnets carrés , l'un de velours
pour l'hiver, & l'autre pour l'été: l'un des reli-
gieux qui préfentent ces bonnets ,,fait un compli-
ment, dont les termes font prefcrits par la fon-
dation , & un autre compliment en langage du
temps préfent.
Préfidens à mortiers. On voit dans les regifires du
parlement, que la plupart des Préfidens à mortier
font qualifiés de mejfires & de chevaliers: quelques-
uns néanmoins 'font feulement qualifiés maîtres ;
c'étoient ceux qui n'avoient point été faits cheva-
liers.
Préfentement tous les Préfidens à mortier font
en pofl'efiTion de prendre dans tous lesaétes le titre
de chevalier, en vertu de leur dignité, quand ils
ne l'auroient pas par la naifiance.
Ils prennent aufii le titre de confeillers du roi en
fes confeils, parce qu'ils avoient autrefois entrée
au confeil du roi.
L'habit de cérémonie des Préfidens eft la robe
d'écarlate fourrée d'hermine , & en hiver ils por-
tent par-defiiis la robe le manteau fourré d'hermine
retroufte fur l'épaule gauche , & le mortier de ve-
lours noir , bordé d'un galon d'or. Il y a lieu de
penfer que ce galon repréfentc un cercle d'or mafiif
que lesPiéfidens portoient autrefois, &quec'étoit
la couronne des barons.
Le ftyle de Boyer porte, que le mortier eft cou-
vert de velours cmmoifi; cependant depuis long-
temps il eft couvert de velours noir.
Autrefois les Préfidens mettoient ordinairement
leur mortier fur la tête; & le chnperon par-defius,
préfentement ils portent le chaperon fur l'épaule,
& ne mettent plus le mortier (ur la tête que dans
les grandes cérémonies , comme r.ux entrées des
rois'^Sc des reines ; lorfqu'ils font en roberoug*,
ils tiennent leur mortier à h main ; lorsqu'ils font
en robe noire , leur habillement de tête eft le bon-
net carré.
Il eft d'ufage que leurs armoiries foient appli-
quées fur le manteau d'hermine ; le mortier fe met
au deffus du cafque , lequel pofe fur l'écu.
Pour être reçu Préfident , il faut être âgé de qua-
rante ans, fuivant l'édit du mois de novembre 1683,,
mais le roi difpénfe quelquefois à trente ans.
j Les préfidens à mortier ne font tous , pour ainfi
PRÉSIDENT.
dire, qu'une feule & même perfonne avec le pre-
mier Préfident , que ch:icim deux repréicnre ; cha-
cun d'eux peut , en fon abfence ou autre empêche-
ment , préfider tout le parlement affembl^.
Des Frifidens de la chambre des comptes. Voyez
Chambre des Comptes.
Des Préfidens de la cour des aides. Les généraux
confeillers fur le fait des aides , ayant été tirés
originairement du corps des trois états du royaume,
la fonélion de préiidcr à la cliambre de la juftice
des aides , demeura affedlée aux eccléfiaftiques ,
comme étant du premier corps des états ; ce qui
continua même depuis que les génémux cefsérenr
d être choifis par les états , 8c qu'ils furent nomrr:5
par le roi. Il n'y avoit dans l'origine qu'un Préfident;
cette place fut occupée par les perfonnes les plus
qualifiées & conftituées dans les plus éminentes di-
gnités eccléfiafliques.
Avant l'an i 370, on ignore les noms de ceux
qui ont préfidé à cette chambre ; on fait feule-
ment que c'étoit un des généraux du corps du cler-
gé à qui cet honneur étoit déféré.
Le premier dont on a connoiffance efl Jean de
la Grange , abbé de Fécamp , puis évêque d'Amiens
& cardinal : quoique la qualité de Préfident ne lui
ait point été donnée, il ne lailToit pas d'en faire
les fonâioii.s 8c d'en avoir les prérogatives, de la
même manière qu'en ont joui fes fuccefleurs , juf-
qu'à Gérard d'Athies, archevêque de Befançon ,
qui, le premier, fut décoré du titre de Préfident à
la chambre de la jujlke des aides , par lettres du roi
Charles \I du 24 mars 1398.
Il paroît qu'il étoit aiifli d'ufage de donner un
éccléfiafiique pour adjoint aux prélats qui préfi-
doient à la chambre de la juftice des aides. On peut
regarder CCI adjoint comme vice- Préfident , puif-
qu'il préfitioit à la place du Préfident, en cas d'ab-
fence ; mais l'ufagede nommer ces vice-Préfidens
s'abolit fur la fin du régne de Charles V!I.
Cette fucceffion de Préfidens eccléfiafiiqnes ne
fut interrompue qu'en 1401 & 1402, que Charks
d'Albret,coufin germain du roi Charles VI. & Louis
duc d'Orléans, frère du roi , 8c enfuite Philippe ,
duc de Bourgogne & Jean duc de Berri, furent éta-
bli"; pour préfider les généraux des aides.
Ce ne hit qu'en 1489 , qu'il y eut pour là pre-
mière fois un laïc pour Préfident; & Charles di;
Hautbois , évêque de Tournai , reçu en i 5 10 , efî
le dernier des écléfiaftlques qui ait pofiedé cette
dignité.
Le roi François premier ayant , par édit du ^j fé-
vrier 1512 , créé un office de fécond Préfident,
Louis Picot, qui avoit été reçu Préfident dés le
9 août 1513, prit le titre de premier Préfident ,
qui depuis a été donné à fes fuccedeurs.
Par lettres du 8 avril i^^6, avant pâques,Hcn
ri II a accordé au premier Préfident de la cour des
aides le titre de chevalier , ainfi qu'en avoient join
fes prédécefTeurs ; & par l'article 7 du ré clément ciu
5. janvier 1673, le titre de ConfeUhr du roi en fes con-
PRÉSIDENT. 501
fais d'èiat &• privé ,\ai a été confirmé a'mfî qu'au
pteraier Préfident du parlement & de la chambre
des comptes.
Henri II , par édit du mois de mars 1551, por-
tant établifiemcnt de la féconde chambre, créa deux
autres Préfidens pour préfider à cette chambre , 8c
aufiî aux plaidoiries à la première chambre, en
l'abfence du premier & du fécond Préfident.
Louis XIII, par fon édit du mois de décembre
1635 , qui établit la troifième chambre, créa deux
offices de Préfidens pour cette chambre.
Louis XIV, par un édit du mois de mars 1691,.
en augmenta le nombre de deux; & par édit du
mois de novembre 1704 , il en créa encore deux
autres , de manière qu'il y a préfentement dix offi-
ces de Préfidens : le premier Préfident préfide à la
première, & les neuf autres Préfidens font difiribués-
au nombre de trois dans chacune des trois cham-
bres ; favoir, les plus anciens à la preinière , &
les autres dsns les deux autres chambres : ces der-
niers montent par ordre d'ancienneté à la première
chambre.
Préfident de la cour des mcnnjies. Voyez MON--
NOIE.
Préfiidens des préfidîaitx. Par édit du mois de juirr
1557^ Henri II créa dans chaque préfidial un office
de Préfident , qui devoit avoir la préféance fur le
lieutenant général à l'audience du préfidial. Ces
offices de Préfidens furent enfuite fupprimés parles-
ordonnances d'Orléans 8c de Moulins jmais ils fu-
rent rétablis en 1 568.
Les chofes font reflées dans cet état jufqii'err
1764, que , par un édit (i) du mois d'août de cette
(i) Cet édit conc'.tnrUs difpoluicns f-rvantes.
Akticle r. Tous lej oitices J- preddens des Préfidiaux ,,
qui fe tvouveiont vacans au icu-: de l'enrcgirtrement de notre-
préfent édit, feront &: demeureront éteints & fuppiiniés
comme nous les éteignons & fi:pprimons par notredit édit,
i. A l'égard de ceux defdits offices qui feront remplis- îw-
dit jour , voulons que, lorfqu'ils vaqueront par morr ^ «l'é'
mifiion ou autrement , ils foicnt & demeurent pareillemenr
éteints & fupprimés, comme nous les éieignonj & fupprî-
mons , au lit cas , pat le prélent édit , fans qu'il puide èfrc
e.vp-dié à l'avenir de provifions defdits offices , ni qu'ils puif-
fent être rétablis fous quelque prétexte que ce foit.
3. L'indemnité qui fera due aux proprittaires de la financtr
dis offices de Préfidens des préfidiaux qui font a£luellemenr
vacans, leur fera payée, par égales portions , avec les inté-
rêts d'icelles ,. à compter du jour de l'enregiftrement du pié-
fent édit, par les lieutenans généraux civils & ].;s lieutenans
criminels , ou autres premiers o.fficiers de pareille narure â5
qualité de ncfdics bail/iages &: fenéchauflecî.
4. Nofdics lieutenans généiaux , lieutenans criminels , ou-'
autres premiers officiers fufdits, ferovit pareillement tenus de
payera rembourfer , par égaîes portions , aux pourvus def-
dits offices de Préfidens , au cas de démiflloa , ou à leurs hé-
ritiers ou ayant- caufes , en cas de éùcès , une j-ndemnité pro'
pctionnce à la valeur de leurfdits offices , avec les intérêts de'
Udi[e indemnité , à comprer di! jour de la vacance , au mo^erv
Je quoi les pourvus defdits offices , ou leurs rcpréfcntans , ne
pourront en difpcfer , même fous prérexte du reiard du tera--
bourfement de ladite indemnité.
1. Et où il fe trouveroit que l'un defdits lieutenanx gjiié"
iiïux ciyiJs > lieutenans criminels , ou autiw fufdiis preiuiers-:
501
PRÉSIDENT.
année, le feu roi a jugé à propos de fuprîmer les
ojfices dont il s'agit. Sa majefté a eu pour objet,
officiers de nos bailliages &: fcndchauiTées auroitacquis , avant
l'eniegiftrement du préfent cdit , la propriété de l'un defdirs
offices de Prcfidens , il ne pourra prétende aucune indem-
nité , ni être tenu à contribuer à l'indemnité qui fera due
pour rai Ton de l'au'ie olïice de Préfident , laquelle, ajdlt
cas, demeurera en enrierà h charge de celui derdics Oiîkiers
<jui ne le trouvcroit poflèder aucun dcfdits oSces de Prélident.
^. LcrdJtcs indemuircs feront réglées à l'amiable enrre les
parties intérefTes, (Inon en notre cpnfeil en la manière ac-
coutumée , à l'effet de quoi les parties remettront , audit cas ,
leurs titres , pièces &: mémoires , entre les mains du contro
leur général de nos finances; &: , faute par ceux qui préten
dront être endroit dedenandcr une indemnité , d'avoir fait
ladite remifc dans le délai de (ix mois après l'enregilhement
de norre préfent édit , eu après la vacance de l'oiïicc , les in
tcrcts de l'indemnité ne commenceront à courir que du jour
de la demande.
7. Les héritiers ou ayant-caufe des pourvus d'offices de
Prélîdens , qui n'auroicnt pas fatijfait , avant leur décès , au
payemenr des droiis de prêt & d'annuel , ne pourront deman-
der aucune indeniniré pour raifon de la fuppreflion defdits
offices.
8. Les gages des offices de Préûdens , pour raifon defquels
nos lieutenans généraux civils, lieutenans crimiaels ou autres^
auront payé, dans les, cas marqués par les précédens articles,
les indemnités appartiendront auxdits officiers par égales por-
tions, &c ce à compter du jour de l'enregiilrement denotre
jifcfent édit dans nos cours , à l'égard des offices aîluellement
vacans ; &: à l'éga-d des offices qui vaqueront à l'avenir , .î
compter du jour de la vacance defdits offices. Voulons en
conféquence qu'ils foicnt employés dans nos états pour raifon
defdits gages , par un feu! & même article, avec ceux pour
lefqu-Is ili y font dcj.i employés à caufe de leurs offices, à la
charge feulement de juftifier que les offices dont ils deman-
deront les g'ges font vacans , fie qu'ils ne font point tombés
fil nos pâmes cafueles.
5. Les gages des offices de Préfiàens qui font actuellement
vacans en nos partie» cafuelies ,& de ceux qui pourront y
vaquer à l'avenir , continueront d'être employés dans nos
états, pour être diiltibucs parnos ordres, par forme d'augnjîn
tation de gages, à ceux de.; lieutenans'généraux civils, & lieu-
tenans criminels ou autres qui auront contribué aux rembour-
l'eniens dont nous les avcnî chargés parles articles précédens ,
dans le cas où nous jugerions qu'ils n'eulTent pas été fuffifam-
jncnr dédommagés par la jouiflance des gages des offices qu'ils
auront remboutfcs.
10. Les lieutenans généraux civils , lieutenans criminels ,
ou autres premiers officiers de nofiits bailliages &.' fénéchauf-
ùes, jouiront du franc-fa'é attribué auxdits offices de Préfi-
dent, par égales portions , & par augmentation ou franc-
falé qui auroic été attribué à leu f-iits offices ; voulons en con-
féquence qu'ils foient employés dans nos états des gabelles
pour ledit franc falé , favoir , à co;)ipter du premier pdobre
prochain pour le franc falé içs offices ailnellemcnt vacans ,
& par rapport aux offices aduelleuent remplis , à co:npter
fiu premier Octobre qui fui /ta la vacance defdits offices, fans
oue lefdits officiers foient tenus de juftifier d'aurrcs pièces
que de leurs provilîons , &: de l'extrait mortuaire ou de la
démiflion du dernier pourvu de l'office de Préfident.
|i. Les lieutenans généraux civils, lieutenans criminels,
eu aiitres premiers officiers de pareille nature & qualiré, de
nos bailli.rges& fénéchauffées , ne feront pouivjs à l'avenir
tl.ue fous le titre primitif de leurs offices , fans qu'ils puilTent
prendre d'autre titre &: qualité , & ror;:nment celle de Préfi-
dent. Voulons en conféquence qu'ils ne foient tenus de payer
Rutres ni plus gr.tnJs droits de prêt 5c d'annuel, de mutation,
4e provitlons & de réceptions , que ceux dont font tenus
)£urfdits rflkf s j & f e npnpbriint les différente* attributions
PRÉSIDENT.
dans cette fuppreffion , de réduire les bailliages Se
fénéchauffées du royaume, qui font en même temps
fiéges préfidlaux, au nombre d'officiers qui peut
êtic néceflaire pour le fervice ; de rendre aux lieu-
tenans généraux 6c aux lieutenans criminels, ou au-
tres premiers officiers des bailliages & fénéchauf-
fées,une prééminence dont ils n'auroient jamais dû
être privés,& de réferver le titre de Préfident à ceux
qui ontl'honneurde préfideraux cours fouveraines.
PRÉSIDJAL. C'eft un tribunal établi dans cer-
tains bailliages Si. fénéchaufTées , pour connoître
en dernier reffort de certaines matières , jiifqu'à
concurrence de deux mille livres , tant en prin-
cipal qu'intérêts , ou arrérages échus avant h de-
mande.
La multitude d'affaires dont les cours fouve-
raines étoient chargées , & l'utilité qui devoit ré-
fulter de laiffer aux premiers juges le foin de ter-
miner en dernier reflbrt les caufes légères, dé-
terminèrent Henri II à donner ledit du mois de
janvier 1551. Par cette loi , ce prince ordonna
que dans chacun des principaux bailliages & fé-
néchaufTées il y auroit un Préfidial compofé de
neuf magiftrats, pour le moins, y compris les
lieutenans généraux & particuliers , civils & cri-
minels.
Il fut dit que ces magiftrats connoîtroient de •
toute matière criminelle , félon le règlement
qui en avoit été fait par les précédentes or-
donnances.
Qu'ils connoîtroient de toutes les matières ci-
viles qui n'excéderoient pas la fomme de 250 liv.
tournois en capital , ou 10 liv. de rente annuelle ,
& qu'ils en jugeroient fans appel , comme juges
fouverains ik. en dernier reffort, ainfi que des
dépens , à quelque fomme qu'ils puffjnt monter.
Ce pouvoir de juger en dernier refTort jufqu'à
250 liv. de principal, ou 10 liv. de rente, fut
ce qu'on appela le premier chef de redit des
Fréfidiaux.
Le même édit ordoKna que les fentences que
rendroient les Préfidiaux pour chofes qui n'excé-
qu« nous leur avons faites par notre préfent édit.
II. Voulons au furplusque lefdits officiers continuent de
jouir de toutes les prérogatives &: fondions attribuées à
leurfdits offices , & mcme qu'en attendant la vacance defJitj
offices de Préfidens, ils puilTen: , en leur abfence , prélTder ,
favoir, les lieurcnins généraux ou autres ayant lis niciiies
fonilions , au jugement de toutes aflaires civiles au premier
&: fécond chef de l'èdit , & les lieutenans criminels ou autres
premiers officiers ayant les mêmes fonctions, au jugement
de toutes affaires ctiminelles, jugées préfidialement ; comme
aufli qu'ils puilTent réciproquement afliffer au jugement def-
dites affaires civiles & criminelles , le tout conformément aux
difpofitions des ordonnances , arrêts &: réglemens intervenus
à ce fujet , fans que le lieutenant général & le lieutenant parti-
culier , ou autres officiers de pareille nature, puiffenten aucun
cas préfider au jugement des affaires ciiminelles , ni que le
.. :_-:_-i î'-rr,(r -_;._:__i »a:.-;>rr
iieutenant criminel , l'airefTeur criminel , ou autres officiers
dépareille qualité, puiffenc prélîdcr au jugement des affaires
civiles. Si donnons en mandement, ôcc.
PRÉSIDIAL.
deroient pas la valeur de 500 liv. ou lO llv. de
rente , s'exécuteroient par provifion , nonobftant
l'appel, tant en principal que dépens, à quelque
fomme que les dépens purfent monter ; & cette
difpofition fut ce qu'on appela le Jecond chef de Cé-
aic dis Prcfidiaux,
Cette première loi a été fuivie de plufieurs autres
qiii l'ont étendue & interprétée.
Pour affurer le maintien de la juridiflion Pré-
fidiale contre la réfutance que quelques cours pa-
roi/Toienty oppofer , Henri III attribua au grani
confeil la connoilTance des atteintes qui feroiewt
portées à ceite jurididion ; & des lois poflérieures ,
en déterminant plus diûindement l'objet de cette
attribution , avoient chargé le grand confsil de ju-
ger les conilits entre les parlemens & les fiéges
Préfidiaux. Mais le roi s'étant fait rendre compte
de l'exécution de ces lois , a reconnu que le
moyen introduit par Henri 111 pour maintenir la
jurididion Préfidiale, n'étoit plus nécelTaire, de-
puis qu'une expérience de plus de deux fiècles
avoit pleinement établi l'utilité de cette jurididion ;
d'ailleurs , que l'obligation où éioient fes fujets de
venir des provinces les plus éloignées plaider au
grand confeil fur la compétence ou incomp-tence
du Préfidial , relativement à l'affaire la plus lé-
gère, alloit diredement contre le but de l'inftitu-
tion de la Préfidialité , & occafionnoit une fur-
charge exccflive aux parties , par l'exécution môme
de difpofitions qui tendoient à leur foulagement ;
ia majêAè a pareillement reconnu que le recours
fréquent des Préfidiaux au grand confeil contre
les parlemens , leurs fupérieurs légitimes & na-
turels , avoit l'inconvénient d'annoncer une con-
tradidion qui n'exiftoit plus , d'altérer la fubordi-
nation , d'induire les Préfidiaux à de faux prin-
cipes fur leurs conflitutions , & d'exciter fouvent
des troubles & des débats fâcheux, que l'exercice
de la jurididion préfidiale , ramenée aux termes
de fon inilitution, ne doit point occafionner, &
qui tournent au grand préjudice des parties & de
l'adminiflraiion de la juftice. Sa majefté a auflî
penfé , que pour rendre à la Préfidialité l'auto-
rité que le changement des valeurs numéraires &
l'augmentation du commerce lui avoient fait per-
dre peu à peu , il convenoit d'augmenter les fom-
mes dont les Préfidiaux avoient droit de con-
noître ; elle a encore eu en vue de pourvoir aux
difficultés relatives à l'exercice de la jurididion
préfidiale , en déterminant les objets de fa com-
pétence d'une manière prccife , & qui ne permit
plus d'incertliude; enfin elle s'efl propofé d'ajou-
ter aux difpofitions des lois relatives aux contef-
tations qui doivent être portées devant les Pré-
fidiaux , les mefures les plus efiicaces pour que
l'inflrudion & le jugement de ces conteflations
futfent aufii fommaires & auffi peu difpendieux
qifil feroit poffible , & qif il ne pût d'ailleurs être
porté aucune atteinte à la compétence & au der-
nier reffort attribué aux Préfidiaux. Ces motifs ont
PRÉSIDIAL. 503
donné lieu à l'édit de novembre 1774 (i*) , 5c ''
l'editdu moi^ d'août 1777. Comme ce fécond édit
forme particulièrement le dernier état de la jurif-
prudence fur la compétence des Préfidiaux ik l'exer-
cice de la jurididion préfidiale, il convient d'en
rapporter ici les difpofitions :
« Article i. Les édits & réglemens concer-
>» nant les Préfidiaux, & notamment notre édit
» du mois de novembre 1774, portant amplia-
'» tion de leur pouvoir , {'^ont exécutes en ce
» qui concerne feulement le premier chef de
)j leur compétence , fans qy.Q les parties , pour
» procéder au Préfidial en première infiance ,
» loient tenues à l'avenir de prendre aucune com-
" miiTion , dont nous les difpenfons par le pré-
» fent édit.
» 2. Abrogeons toutes les difpofitions defdits
" édits concernant le fécond chef : voulons qu'à
" l'avenir les demandes Se contefiations qui excé-
» deront la fomme de deux mille livres, foient
» portées , tant en première infiance que par ap-
» pel , pardevant les juges qui en doivent con-
" noître.
» 3. Les juges Préfidiaux auront la connoif-
» fanée en dernier refi"ort des demandes de fom-
» mes fixes & liquides qui n'excéderont pas la
'> fommc de deux mille livres , tant pour le prin-
» cipal, que pour les intérêts ou arrérages échus
» avant la demande. A l'égard des intérêts, ar-
» rérages ou refiitutions do fruits échus depuis
» la demande, dépens, dommages & intérêts, ils
» ne feront pas compris dans la fomme qui déter-
» minera la compétence.
» 4. Il fera loifible à la partie qui pourfuivra
•>•> le payement d'une créance excédente la fomme
11 de deux mille livres , de déclarer , qu'à l'effet
» d'obtcn r jugement en dernier refibrt , elle en-
» tend refireindre fa demande , tant en principal
» qu'arrérages ou intéiêts échus , à ladite fommc
» de deux mille livres ou au delTous ; après h-
» quelle refiridion, le défendeur demeurera quitte
» en payant ladite fomme , & ne pourra plus
>» être inquiété ni pourfuivi pour le furplus , en
» v.^rtu du même titre de créance, foit devant
» lei'dits juges Préfidiaux , foit dans aucune autre
» jurididion,
" 5. Dans le cas où les demandes auroient pour
» objet des effets mobiliers ou immobiliers, ou
» des droits incorporels , lefdits juges PréfiJiaux
» n'en pourront connoître en dernier reffort
» que lorfque le demandeur aura déclaré , par
CD Cet édit de novembre 1774 >^ ordonné que les juges des
Préfidiaux jugeroient er. dernier rcflort routes les mariéres civi-
Its, de quelque qualité qu'elles futfent, qui pouvroient tom-
her en eîlimaticn , &: qui n'excéderoicnt pas la fomi-ne de
deux mille livres de principal , & de quaire-vingc livres de
tente , enlenible des dépens &■ reftitutions de fruits , i quel-
que fomme qu'ils puffcnt monter ; &r enoutre par provi:ion
a la charge de donner cauùon , jufqu'à quatre mille livres de
principal , fie de cent foixante livres de rence.
504 PRESIDIAL.
« afle pricis , qu'il évaliieoii reftreint fa demande
j> en principal & arrérages , intérêts ou reftitu-
» tions de fruits èclius, a ladite fomme de deux
j» mille livres ou au-delTous , fans qu'en aucun
»> cas il puiiïe être ordonné de virite ou eflimation
» de l'objet conteflé.
» 6. Voulons qu'audit cas d'évaluation ou ref-
» tri^lion , le défendeur ne puifTe être condamné
» qu'à payer en deniers la fomme à laquelle le
>» demandeur aura évalué fa demande , avec op-
M tion néanmoins de délaiffer en nature l'objet
» qui lui aura été demandé : voulons pareillement,
5» que dans le cas où il auroit été queflion d'une
» charge ou prcftation annuelle, ladite charge ou
» prédation demeure rembourfable de la fomme
M portée par ladite reftriiflion, pendant l'efpace de
w cinq ans.
n 7. Les refiriéllons ou évaluations autorifées
j> par les articles 4 & 5 ci-deffus , ne pourront être
« faites par les tuteurs, curateurs , maris, ou au-
" très adminiftrateurs de biens eccléfiaftiques ou
» laïcs , ni par les bénéficiers, lorfqu'il fera quef-
j» tion du fonds du droit appartenant à leurs bcné-
» ficcs : ne pourront pareillement être faites par
» les mineurs émancipés, ou autres perfonnes qui
» n'ont pas la libre difpofition de leurs immeubles ,
j> dans les cas où il fera queftion de la propriété
V defdits immeubles, ou du fonds des droits qui
j) en dépendent.
3> 8. Lefdites évaluations ou reftriélions pour-
») ront être faites, en tout état de caufe, dans les
» conteftations dont les bailliages ou lénéchauf-
M fées qui ont le droit de juger prcfidialement fe-
» roient faifis , foit en première inftance, foit par
j) appel. A l'égard des contertations dont nos cours
« fe trouveroient faifies par la voie de l'appel ,
» les parties ne pourront plus ufer de reftriftions
» ou évaluations pour demander leur renvoi au
J) Préfidial.
« 9. Lefdits juges Préfidiaux ne pourront en
« aucun cas connoître en dernier reflbrt des af-
jj faires concernant notre domaine ou les droits
5> de notre couronne; des matières bénéficiales
>» ou eccléfiaftiques , ou concernant l'adminiftra-
)> tion des hôpitaux ou fabriques; des affaires du
« petit criminel , police ou voierie ; des régle-
j> mens entre nos officiers , ou ceux des fei-
55 gneurs , fur leurs droits & fur l'exercice de leurs
)) fondions , ni pareillement des matières confu-
j) laires , & autres dont la connoifTance exclufive
>» eft attribuée à des fièges particuliers , non plus
if que de celles donr la connoiflance appartient à
5) nos cours des aides , dans les pays où nofdits
}) bailliages & fénéchauffées font en pofleiîîon d'en
» connoître.
1) 10. N'entendons pareillement que lefdits ju-
w ges pui/Tcnt connoître en dernier reflbrt des con-
î) teftations fur les direftes & devoirs feigneuriaux,
« quand le fond & la nature de la mouvance ou du
» devoir feront conteflés ; des retraits féodaux on
P R É S I D I A L.
)) lignagers, des interdirions , des fcparatlons de
'» biens ou d'haÎDitations , des demandes à l'occa-
» fion defquellcs il s'élèvera conteftation fur l'état
» &i qualité des perfonnes , fur celles des héri-
» tiers, de femme commune ou féparée, d'a/To^
» ciés , de gardien noble ou bourgeois , de tuteur
') ou curateur, ni des oppofitions ou levées de
» fcellés , inventaires ou partages.
» 1 1. Dans le cas où , en ftatuant en dernier ref-
» fort fur des matières de leur compétence , lef-
» dits juges auroient prononcé quelque peine ,
» amende ou injonftion contre aucun de nos offi'
» ciers ou des leigneurs , lefdites difpofitions ne
J) pourront être exécutées qu'à la charge de l'appel
5) en nos cours , fans préjudice de l'exécution en
') dernier reflbrt des autres dirpofitions defdits ju-
» gemens ; fans que lefdits juges Préfidiaux puif-
» fent en aucun cas faire aucun règlement , ni pro-
'» noncer comme juges en dernier reflort , ou en-
n joindre à aucun juge refîbrtifTant devant eux ,
» dans les cas de l'édit feulement , la publication
i> 6c enregiftrement d'aucuns édits , déclarations iu
» lettres-patentes.
» 12. Aucune conteftation ne pourra être jugée
» en dernier reflbrt que fur la réquifition des par-
1) ties: faifons défenfcs à nos procureurs de requé-
î» rir , 8i auxdits officiers d'ordonner d'office ,
)j qu'aucune conteflation fera jngce prcfidialement;
)) pourra au fiirplus le dernier reiîorr être requis
»> par les parties , ou l'une d'elles . en tout état de
» caufe, fans néanmoins qu'.: rnifon de ladite ré-
j> quifition les jugemens dont il auroit tléjî été in-
t) terjeté appel , puifTent être cenfcs rendus en
» dernier refibrt.
» 13, Lorfque le dernier refTort aura été requis
» par l'une des parties , lefdits juges feront tenus ,
» avant de prononcer aucun autre jugement, de
» ftatuer préalablement & fèparément fur leur
5) compétence Préfidiale , & d'ordonner que la
» caufe fera jugée en dernier refTort , ou qu'elle
» fera jugée à l'ordinaire , à quoi ils procéderont
» fommairement fur les conclufions de nos pro-
5» cureurs efdits fièges, par une fentence contra-
>j diiSoire avec les parties , ou par défaut , qui ne
» pourra être rendue par moins de cinq juges; ce
w qui aura lieu , foit que le Préfidial ait été faifi de
» la conteflation en première infiance, foit qu'il
» l'ait été par la voie de l'appel.
» 14. Dans le cas où l'une des parties fe feroit
» pourvue au parlement , & l'autre au préfidial »
r fur l'appel de la même fentence du juge infé-
>» rieur , il fera furfis à toutes procédures fur lef-
;» dits appels, jufqu'àce que le préfidial ait pro-
» nonce fur fa compétence , contradidoirement ou
i> par défaut , en la forme portée par l'article pré-
j> cèdent , & ce à peine de nullité de tout ce qui
» feroit fait depuis l'affignation donnée fur l'appel
J) au préfidial.
» 15. Leslentences que lefdits ofHciers rendront
n fur leur compétence, feront fujettes à l'appel,
M dans
PRÈSIDIAL.
» dans le cas feulement où ils auront retenu la
>» caufe pour prononcer en dernier reffort. Vou-
31 Ions que leurfdits jujemens foient exécutés ,
« lorïqu ils auront délaiffe , fans que la partie qui
>> aura requis le dernier relTort puifle en interjeter
« appel fous aucun prétexte.
» i6. Les fentences par lefquelles lefdits juges
» auront retenu la connoiffance d'une conteftation
V pour y prononcer en dernier reffort , pafferont
» en force de chofe jugée, s'il n'en eft pas inter-
») jeté appel dans huitaine après la fignitîcation à
» perfonne ; & fera ledit appel relevé dans le dé-
« lai de quinzaine & d'un jour par dix lieues. Vou-
3» Ions que le premier a61e de procédure fignifié
>» depuis ladite fentence par la partie déboutée de
« fon déclinatoire , foit regardé comme un ac-
" quiefcement , fans qu'en aucun cas elle puifle
" être relevée de la fin de non-recevoir réfuitante
« de Icxpiration des délais ou de fon acquiefce-
« ment.
'» 17. Les appellations desjugemens de compé-
« tence feront portées en nos cours ; le délai de
»» l'afîlgnation fur kfdits appels ne fera que de
»> huitaine & d'un jour pour dix lieues ; & feront
»' lefdites appellations inftruites &: jugées inceflam-
« ment & comme matière lommaire , par l'avis de
" nos avocats & procureurs généraux , en la forme
»> prefcrite par 1 article 4 du titre 6 de l'ordonnance
*» de 1767.
» 18. Enjoignons à nos avocats & procureurs
» généraux de tenir exadement la main à l'exécu-
*' tion des édits & ordonnances concernant la pré-
5> fidialité, dont nous chargeons leur honneur &
" confcience ; & feront les appels interjetés en nos
'> cours de jugemens de compétence rendus par
» lefdits juges Préfuiiaux , jugés fuivant les difpo-
»' fitions defdits édits , fans avoir égard à aucun
>» acquiefcement des parties fur la compétence def-
»> dits juges, donné depuis que l'appel aura été re-
»> levé ; tous lefquels acquiefcemens , foit qu'ils
»' précèdent ou qu'ils fuivent le jugement défini-
« tifdu fond de la conteflation , par lefdits juges
»> Préfidiaux , nous avons dès-à-préfent déclarés
« nuls 8c* de nul effet; ce que nous voulons être
»» exécuté , à peine de nullité dont nous nous ré-
»> fervons la connoiflance.
w 19. Les appels des jugemens de compétence
» ne feront point fufpenfifs , 6c il ne pourra point
i> être accordé d'arrêt pour défendre auxdits juges
ï' de pafTer outre au jugement de la conteflation , à
>' peine de nullité & de tous dépens , dommages &
» intérêts , payables tant par la partie que par fon
»> procureur Solidairement, même d'amende con-
» tre le piocureur. Voulons qu'il puifle être procé-
" dé au jugement des conteflations portées au pré-
« fidial , nonobftant &. fans préjudice defdites ap-
>> pellations , & que les jugemens foit interlocu-
« toires , foit définitifs , qui pourront y être ren-
« dus, foient exécutés en dernier reflbrt, fi le ju-
« gement de compétence eft confirmé , ou à la
Tçme XIII.
PRÈSIDIAL. 505
» charge de l'appel , fi Je préfldial n'efl pas juge
» compétent.
» 20. Au moyen des difpofitions ci-defl"us , con-
» cernant les jugemens de la compétence préfj-
j) diale, il ne pourra à l'avenir être élevé aucun
» conflit entre nos cours & les fièges Préfidiaux de
V Uur reflbrt. Révoquons en confcquence , en tant
)> que de befoin , la difpofuion de l'art. 26 du tit. 2
1) de l'ordonnance de 1737, & autres réglemens
H au fujet defdits conflits.
» 21. Toutes demandes incidentes , dent l'objet ,
» réuni à celui de la demande principale , excéde-
» roit la fomme de deux mille livres , & qui fe-
M roient formées depuis la réquifition du dernier
;> reflbrt, ne pourront être reçutts, fauf aux par-
» lies à fe pourvoir par nouvelle aâion , pour rai-
» fon defdites demandes , autres néanmoins que
3> celles qiii ne peuvent plus être formées, aux ter-
j) mes de l'article 4 ci-deflus.
j> 22. Il fera flatué à l'audience , ou fur délibéré,
M fur toutes les caufes qui feront dans le cas d'être
»i jugées en dernier reffort par lefdits juges Préfi-
» diaux : leur enjoignons de ne prononcer d'ap-
j> pointement que dans les affaires qui exigeront
» indifpenfablement une inflrudion par é'^rit ; &,
» dans ce cas , leurs épices ne pourront excé-der la
» fomme de fix livres pour les jugemens intcrlo-
» cutoires, & celle de douze livres à l'égard de
» ceux qui feroient définitifs.
"23. Aucun jugement contradiéîoire on par dé-
» faut, interlocutoire ou définitif, autre que ceux
» dont il eft fait mention dans l'article i 5 ci dcffus ,
» ne pourra être exécuté en dernier refTort , s'il
V n'en eft fait mention au commencement du dif-
» pofitif , & s'il n'efl rendu au nombre de fept ju-
» ges au moins , lefquels figneront fur la minute ,
» & dont les noins & qualités feront marqués par
» le greffier. Ordonnons pare;iLMnept aux gref-
)> fiers d'y faire mention des jugemens & arrêts
>» intervenus fur la compétence. 'Voulons en ou-
» tre que les dépens foient taxés & liquidés dans
» les jugemens définitifs.
)> 24. Permettons à nofdits officiers , dan-; le cas
î» où ils ne fe trouveroient pas en nombre fuffii^nt ,
» d'appeler d'anciens gradués non fiKpcfts aux
» parties , au nombre de trois au plus , & par
)) préférence nos avocats & procureurs efdits fiè-
» ges , dans les caufes où il n'échet de donner des
j> conclufions.
» 25. Les jugemens des juges préfidiaux, dans
» lefquels les formalités preicritei par les deux art.
» précédens , n'auront par été obfervécs, feront
» fujets à l'appel en nos cours , encore qi;'il y eût
» fentence de compétence préfidiale , acquiefcée
» par les parties , ou confirmées par arrêt ; 8c fe-
j» ront tenus les appelans d exprimer dans les let-
V très de relief d'appel , ou dius la requête par la-
» quelle ils demanderont d'être reçus appdlans ,
» qu'ils interjettent ledit appel , attendu que la fen-
» tence ne fait point mention qu'elle ait été ren-
S 5S
5o5 Ï^RÉSIDIAL.
» due en dernier reffort , ou qu'elle n'a pas été
» rendue & fignée par le nombre requis de juges ;
V faute de laquelle déclaration l'appel ne pourra être
I) reçu, ni les lettres de relief expédiées; & dans
n le cas où romiflîon alléguée par l'appelant ne Te
j> trouveroit pas effective , il fera purement & fiin-
V plement déclaré non recevable , & condamné en
» trois cents livres d'amende , moitié envers nous
» moitié envers la partie.
» 26. Tout jugement rendu en conformité des
>» art. 20 & 21 ci deiTus , fera exécuté en dernier
« reflbrt , fans que l'appel, en aucun cas, même
« à titre d'incompétence ou apurement , en foit re-
î> cevable , & lans que nos cours puilTent même ,
« fous prétexte d'infpedlion de police , prendre
» connoi(r<mce de ce qui fera prononcé par lefdits
V jugemens , relativement aux conteftations des
» parties j en principal, intérêts, fais & dépens.
» Faifons d.fonfes aux officiers de nos chanccUe-
V ries de fceller aucun relief d'appel efdits cas, à
35 peine de nullité , Si aux procureurs d'occuper
j) iur iceux , à peine contre les parties de trois cents
» livres d'amende , moitié envers nous , moitié
>» envers la partie , & d'interdi6iion contre les
■i> procureurs; toutes lefquclles peines feront pro-
» noncées d'office & (ur les conckifions de nos
« procureurs généraux en nos cours , quand mê-
»> me les parties n'y auroient pas conclu ; & ne
« pourront, à l'occafion; dcfdirs appels, être in-
« troduits aucuns règlemens de juges entre nof-
î> dites cours & lefdits juges pr Jfuliaux , fans pré-
3> judice des voies de droit contre les jugemens en
« dernier reflbrt.
}> 27. En chaque bailliage & fénéchauffie ou il
» y a préfidlal, le bailliage ou fénéchaufTee & le
»i préfidial ne formeront qu'un fcul Si même fiège,
» fans que, dans l'ordre des féances & du fervice,
» foit pour les audience^ ou pour la chambre du
î> confeil , il puiiTe être fait diftindtion des affaires
« fujettes au -dernier relTort , de celles fujettes à
« l'appel. Voulons que les unes & les autres foient
3> portées indiftiudement aux mêmes audiences ,
ï) chambres ou féances , fans aucun changement;
»» quant au furplus , dans l'ordre ordinaire du fer-
» vice , n'entendons innover quant aux ufages
>i & à la forme des féances de notre châteiet de
»> Paris.
M 28. Dérogeons à toutes lois, ordonnances on
»» règlemens contraires aux difpofitions du préfent
n édit , que nous voulons être gardé & obfervé en
» tout fon Contenu , à compter du jour de fa publi-
» cation & enregirtrement en nos cours , à peine
» de nullifé de tout ce qui feroit fait au préjudice
« d^fdites difpofitions. Si donnons en mande-
n ment , 6cc. ».
Cet édit a été fuivi d'une déclaration donnée par
!« roi le 29 a;,ût 1778, pour in'erprêter quelques
difpofitions du même cdr, & y ajouter celles que
h niajefté a ji;gées propres à rendre le recours
P R B S I D I A L.
sux Préfidlanx plus facile &: moins onéreux à fes
fujets.
Cette déclaration contient les huit articles fui-
vans :
» Article i. L'article premier de notre édit du
M mois d'août dernier , concernant la jurifdi^lion
» des Préfidiaux, fera exécuté; Si , pour procurer
j> un plus grand foulagement à ceux de nos fujets
» qui font dans le cas de s'y pouvoir, voulons
" qu'ils puiilcnt procéder au Préfidial ,tant en pre-
» mière inftance qu'en cas d appel , fans prendre
» de commill'ion ; comme aufTi que les amendes
» d'appel 61 les droits de greffe pour les défauts
» faute de comparoir, n'y foient perçus à l'avenir
)> que fur le même pied qu'ils le font dans les bail-
» liages & fénéchaulfées.
» 2. L'article 4 dudit édit fera exécuté ; en con-
» féquence , les juges Préfidiaux ne pourront or-
» donner d'office que l'objet conreflé fera eftimé
'» par experts , à l'effet de déterminer leur compé-
» tence. Ne pourront pareillement les demandeurs
» requérir aux mêmes lins l'efilmation par experts ,
'> faut à eux à ufer des évaluations permifes par
» ledit article ; 6i , dans le cas oîi les demandems
)) n'auroient pas évalué l'objet de leur demande ,
n voulons que les défendeurs qui voudront être
» jugcS en dernier reiTort , puiii'ent être admis à
» piuuver par les mercuriales ou autres documens ,
» même par eftimation d'experts , que la valeur de
» l'objet coniefté n'excède pas la fomme de 2000 li-
» vres, fans qu'audit cas le demandeur puiffe être
» obligé de fe contenter du montant de l'eftlma-
;> tion , fi fa demande lui cfl adjugée en définitive.
M 3. En ce qui concerne l'aticle 7 , déclarons que
» nous n'avons point entendu , par la difpofuion
» dndit article, empêcher les tuteurs, curateurs ,
» maris , & autres adminiflrateurs, d'ufer d'évalua-
» tions ou reftriâions , lorCqu'ils y feront dûment
M autorifés ; ce qui aura pareillement lieu à 1 égard
M des femmes.
ji 4. Interprétant , en tant que de befoin , la der-
n nière difpofuion de l'article 10 , déclarons n'avoir
j} entendu interdire aux Préfidiaux la connoi/Tance
i> des oppofitions aux fcellés , des demandes ré-
)i Alitantes des inventaires , ni de l'exécution des
w fentences des confuls , quand l'objet contefté
» n'excédera pas 20CO liv. , non plus que des de-
» mandes en partage, quand la n.afTe à part?ger
j> n'excédera pas ladite fomme, & que la qualité
)> des parties ne fera pas conteftée, fans qu'ils puif-
n fent procéder aux oppof;tions Si. levées des fcel-
j) lés , à la confeéiion des inventaiies , ni recevoir
V l'appel des fentences des confuls.
j> 5. Les jugemehs de compétence prefcrits par
i> les art. 13 8i 16 , feront rendus n 1 audience , 8c
j> fans frais; ils ne feront point expédiés en par-
» chemin , & ils ne feront point fcellés ni fi^^nés
» en chef. Voulons que la fignificatlon , qui en
» fera faite de procureur à procureur, foit fuffi-
n fante pour faire courir le délai de huitaine, après
P R È s I D I A L.
*) lequel l'appel ne fêta plus recevahîc. Voulons
» pareillement que l'appelant (bit déclaré uon-re-
r> cevable , s'il n'a relevé ("ondit appel dans le do-
>> lai prefcrit par ledit article. Enjoignons rux gicf-
»> fiers de faire mention dans l'expédition del'dits
»> jugemens des conclufions & qualités des parties.
» 6. L'article ai fera exécuté à l'égard des dc-
»♦ mandes incidentes qui feroient formées par le
» demandeur après le jugement de compétence.
" N'entendons comprendre dans la difpofition du-
» dit article , celles qui ne concerneroient que les
>» arrérages ou intérêts échus depuis la demande,
w ainfi que les dommages intérêts & dépens , non
» plus que les demandes qui f»roient oppofées par
>> le défendeur.
» 7. En ce qui concerne les difpofitions des art.
»> 22 & 25 , touchant les épices, lafignature des
" juges aux jugemens qui feront rendus à l'au-
»» dience , & la liquidation des dépens , comme
»> aufli en ce qui concerne l'article 27 par rapport
ï) à l'ordre des féances , il en fera ufé comme par
« le paffé , jufqu'à ce qu'il en ait été par nous au-
i> trement ordonné.
5» 8. Maintenons notre châtelet de Paris dans
•> tous les ufages qui lui font propres , foit pour la
* forme de fes féances , foit pour la fignature des
» juges qui y ont aflîfté; l'autorifons aufTiàjuger
»» en féances préfidiales , & à la décharge du parc
>» civil , jufqu'à la concurrence de 4000 livres ,
» comme en matière ordinaire, fauf l'appel en
» notre cour de parlement. Si donnons en mande-
» ment , &c. ■^.
Un arrêt rendu au confeil d'état du roi le 16
juillet 1783 , a ordonné que la levée & flgnifica'ion
des jugemens de compétence en matière préfidiale ,
n'auroient pas lieu lorfque ces jugemens auroient
été rendus du confentement des parties , ou qu'elles
y auroient acquiefcé avant l'appel relevé.
Quant à la compétence des préfidiaux en ma-
tière criminelle , voyez ce que nous avons dit à
l'article Cas, en pzrhnt des cas prévôtaux ou pré-
Jîdiaux , tome 2.
Quoique l'édit du mois de janvier i^p ait at-
tribué aux Préfidiaux le droit de juger fans appel,
& comme juges Jouverains & en dernier rejfort , les
(ontejljiions dont parle cette loi , ils ne peuvent
néanmoins pas prononcer par jugement fouvera'in ,
mais feulement p^r jugement dernier.
Ils ne peuvent pas non plus , en prononçant ,
ufer de l'expreffion , mettre l'appellation au néant ;
ils doivent prononcer par ^ic^ ou mal jugé.
Les magiftrats de plufieurs Préfidiaux ont la
prérogative de porter la robe rouge les jours de
cérémonie.
Quand les Préfidiaux font en corps dans une ca-
thédrale pour quelque cérémonie publique , ils
doivent y occuper un certain nombre de places
dans les hauts flalles du choeur. Ce nombre doit
être proportionné à celui desftalks qui peuvent
PRÉSIDIAL. 507
être occupés, & des officiers du corps qui afiïftent
à la cérémonie.
Un arrêt du grand confeil du 28 avril 1679,
rendu entre les officiers du Préfidial & le chapitre
de la cathédrale d'Evreux , a ordonné que quand
ces officiers aflîfleroient en corps à quelque céré-
monie publique dans la cathédrale , le chapitre fe-
roit tenu deleurlaiflér huit places dans les hauts
ftalles du chœur après les chanoines , fans que !e
greffier & les autres officiers inférieurs pudent les
occuper, finon après que les officiers du chapitre,
foit habitués ou chapelains , ou autres bénéficiers ,
feroient placés.
Deux autres arrêts, l'un confeil du 11 avril
1692 , & l'autre du parlement de Rouen du 21
juillet 1745 , ont jugé de même en faveur du Pré-
fidial de Langres & du Préfidial de Coutances.
Dans les cérémonies publiques , les Préfidiaux
ont le rang au-deffi.is des maires, gouverneurs, &
échevins des villes. C'efl ce qui réfulte des lettres*
patentes du 11 mai 1^57 , rendues en faveur des
Préfidiaux du royaume.
Divers arrêts & réglemens ont été rendus poftc-
rieurement en conformité de cette difpofition. Joly
en rapporte deux, l'un du 7 avril 1564 , en faveur
du Préfidial de Bordeaux , contre les maire & jurats
de la même ville; & l'autre du 8 juin 1581 , en
faveur du Préfidial de Tulles , contre les maire &
confuls de cette ville.
Chenu en rapporte trois autres , l'un du 16 mars
1598 , en faveur du Préfidial d'Amiens, contre les
maire & échevins de cette ville; le fécond du 11
février 1606, en faveur du Préfidial de Chaumont
en Baffigny , contre les maire & échevins de cette
ville ; & le troifième du 1 1 mars 1609 , en faveur
du Préfidial de Touloufe, contre les capitoulsde
cette ville.
Par un autre arrêt du 13 mai 175 1 , le parle-
ment de Bordeaux a attribué au officiers ày\ Préfi-
dial de Tulles , tant en corps qu'en particulier , la
préféance fur le fieur de la Combe , gouverneur de
cette ville.
Par un autre arrêt rendu au confeil le 2 mai 174(7,
la préféance a pareillement été accordée aux offi-
ciers des Préfidiaux contre les lieutenans des maré-
chaux de France (i).
Les Préfidiaux ont auTi la préféance en toute
affeiTiblée publique fur les tréforiers des bureaux
f l) Cet arrêt t'ait dcfenfe aux lieutenans des marcchaux de
France de trouhler les officiers des Prclîdiaux , bailliages &
autres fièges royaux, dans le droit de ptcfcancc Jans cojrcs
les cérémonies publiques , fauf dans le cas où les gouverneurs,
lieutenans généraux des provinces , lieutenans de roi &• com-
mandans fe trouveront &: affi lieront auxdites cé-éinonie; pu-
bliques , auquel cas feulement lefdits lieutenans de; maré-
chaux de France pourront prendre rang &; féance immédiate-
ment apiJs lefdits lieutenans généraux, lieutenans de roi &:
commandans , & avant lefdits officiers des bailliages & lltg?t
PrcfiJiaiix , conformément aux édiis des mois de nia-'s Ifj 3 ,
10 juillet If ?4 , & novembre i7>-7.
S s si]
ço8 PRÉSIDIAL
des finances. Ccft ce qui refulte de divers arrêts
du conleil des 2 décembre 1622, 16 avril 16S0,
30 décembre 1681 , & 1 1 oi^obre 1684, rendus
pour Lyon , Amiens, Riom & Orléans.
Deux arrêts du grand confeil des 28 juin 1618
& 31 janvier 165 1 , & unarrct du confeil du 4 fé-
vrier 1687, ont jugé en faveur des Préfidiaux de
Troies , de Riom & de Mantes , qu'en toute afTem-
blée publique ils dévoient précéder les fecrétaires
du roi.
Il a pareillement été jugé , par divers arrêts , que
les officiers des Préfidiaux , même quand ils n e-
toient pas en corps , dévoient avoir la préféance fur
les gentilshommes en toute affemblée publique £c
particulière.
On jugeoit autrefois que les Préfidiaux, de corps
à corps , & de député à député , dévoient avoir la
préféance fur les chapitres des cathédrales , hors
de leurs fondions eccléfiaftiques; mais rarticle 45
de l'édit du mois d'avril 1695 a changé ce droit.
Cette loi a ordonné que les chapitres des cathédra-
les prccéderoient en tout lieu les baillinges & les
Préfidiaux; que les dignitaires de ces chapitres pré-
céderoient les préfidens des préfidiaux , les lieute-
rans généraux ô< les lieutenans particuliers , & que
les chanoines précéderoient les confeillers Se. les
autres olîîciers de ces fiègcs,
A regard des autres chapitres, même royaux ,
comme l'édit nen parle point, les chofes (ont ref-
tées dans l'ancien état ,c'eft à-dire, que les officiers
des PVèfidiaux doivent précéder les membres de
ces chapitres , lors qu'ils ne font aucune fonâion
eccléfiaflique.
PRESOMPTION. Jugement que la loi ou
l'homme porte fur la vérité d'une chofe , par une
conléquence tirée d'une autre chofe , d'après ce
qui arrive communément & ordinairement : Exeo
ijuod plemmque fît, diicuntur prœfompiiones ^ dit Cujas
fur le code , titre dfs probationibus.
Alciat dérive le mot Prc/omptio/jy es fumere 8c de
jprtc , parce que la Préfomption fait tenir quelque
chofe pour vrai ,. fumic pro vero , fans qu'il foit be-
foin d'en faire d'autres preuves, p/vc (^idejî ante^
i]uàm aliundè probetur.
Il ne faut pas confondre la Préfomption avec la
preuve proprement dire. " Celle-ci , dit Pothier,
■n fait foi direfloment 6< par elle-même d'une chofe :
» la Préfomption en fait foi par une conféquence
« tirée d'une autre chofe. Ceci s'éclaircira par des
j) exemples. La foi que fait l'afte portant quittance
j> du payement d'une dette , cft une preuve Httcr.ih
» du payement de cette dette : la foi que font les
» dépofnions des témoins qui ont vu le créancier
»> recevoir de fon débiteur la fomme qui lui éroit
« due , en eft une preuve vocale ; car la quittance &
n ces dépofitions de témoins font foi par elles-
» mêmes & direâement de ce payement. Mais la
» foi que les quittances des trois dernières années
>> de fermage, font du payement des trois années
» précédentes , eft une Préfomption , parce que ce
PRÉSOMPTION.
» n'eA pas par elles-mêmes & direftemcnt que CGS
5> quittances en font foi , mais par «ne conféquence
» que la loi tire du payement des trois dernières
» années , que les précédentes ont été payées, la-
j> quelle conféquence ert fondée fur ce qu'il efl
» ordinaire de payer les anciens fermages avant
» les nouveaux ".
Menochius diftingue la Préfomption d'avec l'in-
dice, la conjeâure, le figne, la l'ufpicion & l'admi-
nicule.
L'indice , dit-il , n'efl pas , comme le prétendent
quelques-uns , une conjetfîure qui réfulte de cir-
conflances probables qui peuvent n'être pas vraies,
mais qui du moins font ncceflairement accompa»
gnées de vraifemblance ; car cette définition peut
aufli convenir à la Préfomption de droit ; c'eft une
certaine marque ou démonftration qu'une chofe a
été faite.
La conjecture eft , fuivant le même auteur , l'in-
dice d'une chofe cachée , ou la preuve qui réfulte
de la vérité du fait par le raifonnement , par les
fignes qui l'accompagnent , & par la conjonflure
des temps.
Le figne eft la marque fenfible ( c'eft-:i-c]ire qui
tombe fous quelqu'un des fens ) d'une chofe dont
il eft ou le prélude, ou l'accompagnement , ou la
fuite, & qui néanmoins a befoin d'être confirmé.
par d'autres preuves plus fortes. Ainfi une épée
fanglante dans la main d'une perlonne, eft u.) figne
qu'il y a cu quelqu'un de tué ou de bltffé.
La fufpicion eft un mouvement de lame fondé
fur quelques circonftances qui inclinent à juger
d'une façon plutôt que d'un autre, mais qui n'em-
pêchent pas de douter fi on ne doit pas juger autre-
ment.
Enfin , l'adminicule eft ce qui fert à confirmer
une chofe déjà probable par elle-même.
Nous n'examinerons pas fi toutes ces définitions
font juftes , parce que , dit Danty , « dans notre
» ufage on confond la fignification de tous ces-
» noms , fur-tout en matière civile : on appelle.
» Préfomption , ce qui n'eft qu'un indice ; on ap-
)) pelle un indice , ce qui eft un figne ; on appeUc
» un foupçon , un indice ».
11 eft plus important de remarquer quelles font ,
parmi le nombre infini de Préfomptions qui fe pré-
fentent à l'efprit dans les affaires douteufes, celle»
qui méritent le plus de croyance , & doivent dé-
terminer le juge.
Les auteurs diftinguent trois fortes de Préfomp-
tions , l'une qu'ils appellent jur/j & de jure; la fé-
conde , qu'ils nomment fimpkment ju/is ; &. la
troifième qu'ils qualifient de Préfomption humaine^
La Préfomption de droit & autorifée par le droit
( juris & de jure ) , eft une difpofition de l'a loi qui
préfume qu'une certaine chofe eft véritable , &
veut qu'elle pafiTe pour telle , comme fielle en étoit
convaincue. C'eft la définition à'A\cht: Difpofitio.
leps ûliquid prafumeritis, & fuper pmfumpto ^ tarir
quàmfibi conipcrtoflatuentis^
PRÉSOMPTION.
Elle eft ,dit Menochius, appelée pra'fumptîo ju'
ris , parce que c'eft la loi qui l'a introduite ; & on
ajoute à cette qualiBcation les mots de jure , parce
que la loi en fait le fondement d'un droit ccn:;in ,
d'une difpofition conftante , qu'on ne peut éluder
même par une preuve du contraire.
Ainfi la loi préfume qu'un mineur de vingt-cinq
ans n'a pas affez de difcrétion , de prudence ni de
fermeté pour difpofer de fes immeubles en bon
père de famille , & c'eft d'après cela qu'elle lui en
interdit l'aliénation. En vain tenteroit-on de faire
valoir cette aliénation en prouvant que le mineur
qui l'a faite avoit autant & plus de jugement que
beaucoup de majeurs; on ne feroit pas écouté.
Ainfi, une fentence quia acquis l'autorité de la
chofe jugée, eft tellement regardée comme juridi-
* que , que les preuves les plus claires de fon injuf-
tice ne feroient pas reçues.
Ainfi, loj-fqu'un plaideur a prêté en juflice le
ferment dccifoire qui lui étoit déféré par fon adver-
faire , celui-ci ne doit pas être admis à faire la
preuve , même par pièces nouvellement recou-
vrées, que le ferment eft faux 5c renferme un par-
jure. Voyez la loi 3 i , D. de jurtjurando ; la loi i 5 ,
D. de exceptionihus , & l'article SermENT.
La Prcfomptionyurii 6'û'ey«r<r,ertdonc plus forte
que la preuve littérale ou vocale , & même que la
confcllion.
En liiTer, la preuve littérale n'exclut pas celui
contre qui elle milite , de la preuve contraire. Par
exemple , pour prouver que je vous dois cent
livres , vous produirez une obligation notariée , par
laquelle j'ai reconnu que vous m'aviez prêté cette
fomme ; cette preuve littérale ne m'empêchera pas
de prouver que je ne vous dois rien , &. ceU ce que
je pourrai faire en rapportant une contre-lettre ,
par laquelle vous avez reconnu que je n'ai pas reçu
de vous la fbmme portée dans votre obligation.
Il en eft de même de la preuve vocale : un ufage
journalier nous apprend qu'en matière civile le juge
n'autorife jamais une partie à faire une enquête ,
fans admettre l'autre à faire preuve du contraire ;
& qu'en matière criminelle , on reçoit, après la
vifite du procès , la preuve des faits juftificatifs al-
légués par l'accufé , lorfqu'ils font de nature à éta-
blir fon innocence. Voyez Enquête 8c Faits jus-
tificatifs.
La confeflion même judiciaire n'a pas plus d'ef-
fet que la preuve proprement dite ; celui qui l'a
faite peut la détruire , en prouvant qu'une erreur y
a donné lieu. Voyez l'article Compellations.
Le principe qu'une Préfomption juris & de jure ,
exclut toute preuve contraire , n'eft pas fans excep-
PRÉSOMPTION.
f09
tions.
Tous les auteurs conviennent que cette Pré-
fomption peut régulièrement ctre détruite par h
confeflion judiciaire de la partie intéreffée à la faire
valoir. Menochius en propofe quatre exemples.
1 . La loi 23 , C. ad fenatujconfultum VelUïanum ,
porte , que s'il eft prouvé par écrit qu'une f^vaniQ a
reçu de l'argent pour un cautionnement qu'elle a
prêté , il réiulte de \h une Préfomption juris Je jure ^
que ce n'eft point par cette fragilité naturelle à fon
fexe qu'elle s'efl rendue caution , ce qui l'e.Tipê-
che de réclamer le bénéfice du fénatufconfulte
Velleïen. Cependant , dit Menochius, fi dans cette
efpèce le créancier avouoit en juftice , que*ce n'eft
point l'argent compté à la femme qui l'a déterminée
au cautionnement, mais fa propre foibltîTe , il n'en
faudroit pas davantage pour faire revivre l'excep-
tion du fénatufconfulte, parce que c'e/l de la vo-
lonté du créancier qu'efl cenfé dépendre le motif
qui a engagé la femme à s'obliger envers lui pour
un tiers.
2". La loi 13 , C. arbitrlum tutelx , décide qu'un
tuteur n'eft pas recevable à prouver que certains
effets compris dans l'inventaire de la tutele , n'ont
jamais exifté dans le patrimoine de fon pupille. Si
néanmoins le pupille, devenu majeur , convenoit
judiciairement que c'e/î par méprife que ces effets
ont été portés dans l'inventaire, cet aveu déchar-
geroit à cet égard le tuteur de toute recherche.
3°. Il étoit de principe chez les romains , aux ter-
mes de la loi 14 , C rion r.utneratâ pecuniâ , que le
filence d'une perfonne qui avoit reconnu par écrit
qu'elle avoit reçu une fomme quelconque , for-
moir, après deux ans , une Préfomption invincible
qu'elle lui avoit efFeâivement été comptée. Mais
cette Préfomption pouvoit être détruite par l'aveu
judiciaire du créancier , comme l'ont remarqué
l'auteur de la grande glofe fur la loi citée, & Feh-
nus fur la décrétale (i caïuio , de fide înflrumentorum ,
n. 66.
4°. Quoique la chofe jugée exclue toute preuve
contraire , fi cependast la partie en faveur de la-
quelle a été rendu le jugement, convenoit en juf-
tice de la fauffeté du fait qui en a été la bafe , fotî
adverfitire pourroit en appeler , fi c'étoit une fen-
tence , & l'attaquer par requête civile, fi c'étoit un
arrêt, parce qu'un aveu de cette efpèoe renferme-
roit la preuve que le juge a été induit en erreur par
dol perfonnel.
Au refte , ce que nous difons de la confeffion
judiciaire, ne peut s'entendre que de celle qui eft
faite volontairement; car une partie q^ui a en fa
faveur une Préfomption juris & de jure , ne peut
être forcée de répondre à un interrogatoire fur
faits & articles qu'on voudroit lui faire fubir, rel.-:-
tivement aux chofes qui font l'objet de cette Pré-
fomption. C'eft la ccnfcquence néceflaire du prin-
cipe établi par la décrétale 1 , de prohaûomhus , &
confacré par trois arrêts du parlement de Paris des
14 janvier 1625 , 13 mars 1627, & premier fep-
tembre 1777 (i), qu'on ne peut contraindre à ju-
(i) Les deux premiers de ces arrêts font rappottfî au iouc-
nal des audiences. L'autre a été rendu à la tcamelle civîFe,
&; il a confirmé une fencence de la fénéciiaufféc Jç Lyon ;
u 'aidant MM. Hutcau& Marnier,
510 PRÉSQMPTION.
rer celui qui rapporte une preuve coniplette de fa
prétention.
Il faut aulîî remarquer que la confeflîon extra-
judicùiire & purement verbale ne peut produire à
cet égard les mêmes effets que fi elle étoit faite en
jufticc , parce qu'il faudroit , en cas de dénégation ,
la certifier par témoins , ce que ne permet pas ce
grand principe , qu'une Préfomptionyam 6* de jure
n'admet point de preuve contraire.
Il eft même des objets lur lefquels la confe/Tion
judiciaire ne porteroit aucune atteinte à cette Pré-
fomption : par exemple , quand deux perfonnes fe
Ibnt mariées avec toutes les formalités requifes ,
elles auroient beau convenir toutes deux en juf-
tice qu'elles n'avoient pas, en faifant cet a6îe exté-
rieur , l'intention de former un engagement fé-
rieux , leur déclaration ne mériteroit aucun égard ,
& on les forceroit , malgré elles, de vivre eufem-
ble. Il faut dire la même chofe de toutes les ma-
tières qui ont trait au droit public, & dont la dé-
cifion ne dépend pas de la volonté des particu-
liers.
Quoiqu'il foit certain en général , comme on
vient de le voir , que la Préfomption dont il s'agit
ne peut pas être détruite par une preuve contraire ,
on peut cependant obferver avec Menochius , que
cela n'a pas toujours lieu quand la preuve ne tombe
pas directement fur le fait qui eft l'objet de la Pré-
fomption. La raifon qu'en donne cet auteur, efl
qu'on auforife quelqnefois indireflement ce qu'on
ne permet pas de faire d'une manière direfle : par
exemple , lorfqu'une femme , après s'être mariéj
par force , a demeuré volontairement avec fon mari
pendant un certain temps, cette cohabitation forme
une Préfomption juris 6f de jure , qu'elle a ratifié
fon mariage. Mais l'effet de cette Préfomption peut
être éludé par une preuve indireâe , il ne s'agit
pour cela que de faire voir que la cohabitation a
toujours été forcée ; par ce moyen , on ôte à la
Préfomption toute fa vertu , parce qu'elle n'a plus
de ni-atière fur laquelle elle puilTe porter.
Autre exemple : on a déjà vu qu'un tuteur ne
feroit pas recevable à prouver qu'une partie des
effets portés dans l'inventaire de fon pupille, n'exif-
toient pas dans le patrimoine de celui-ci lors de la
confeflion de cet afle ; mais rien ne l'empêcheroi;
de prouver qu'il a reftitué ces effets , Se par-là il
éluderoit la Préfomption qui milite contre lui.
L'exception qui réfulte de la Préfomption juns
€f de jure , peut, comme toutes les exceptions
péremptoires, être alléguée en tout état de cau("e.
Menochius & Alciat foutiennent cependant qu'elle
n'eft plus recevable après que la preuve du con-
traire a été adniife ik faite , parce que , difem-
ils , la partie à qui elle eu favorable , eu cenf.e
y avoir renoncé en acquiefçant à l'appointement
a vérifier. Mais voyez ce que nous difons à l'ar-
ticle Preuve, fur la qucftion de favoir fi la
défenf''o d'admettre la preuve par témoins dsns
les cas portés par l'ordonnance de i66j , & l'édit
PRÉSOMPTION.
perpétuel de i6ii , eft couverte par l'acquiefce-
ment à une fentence qui appointe les parties à
faire enquête.
Il eft temps de nous occuper de la Préfomp-
tion de droit. Alciat la définit de cette manière :
C'eft , dit-il , une conjeéïure probable , fondée fur
un figne certain que la loi prend pour une preuve ,
jufqu'à ce qu'elle foit détruite par uns preuve
contraire.
Voici quelques exemples de cette Préfomption.
Suivant la loi 4 , C. de probationibus ^ lorfqu'un fils
fe trouve poffeffeur d'un héritage que fon père .1
poffédé pendant fa vie , il eft cenfé le tenir de lui ,
& la pofTeflion du fécond eft regardée comme conti-
nuée dans le premier.
La loi ^ I , D. de dunatlonïbus inter virum & ttxom
rem , & la loi 6 , C. du même titre , mettent en
principe , que le bien acquis par la femme durant
le mariage , eft cenfé provenir des deniers de foa
mari, à moins qu'elle ne juflirie le contraire, ce
qu'on a établi pour éviter tout foupçon qu'elle
le foit fervie de voies illicites pour fe procurer
de- l'argent , ad evitandam turpis quœjlùs j'ufpicio-
nem. Et c'eft pourquoi cette préfomption ceffe à
fon égard , lorfqu'elle fait un commerce féparé ,
ou qu'elle a beaucoup de biens paraphernaux ,
comme l'ont décidé deux arrêts de la chambre im-
périale de Spire , rapportés par Mynfingere , cen-
turie 2 , obfervation 92, , & un autre du fénat de
Chambéry , rapporté par M. le préfident Fabre
en fon code , livre 4, titre 16, décifion4i.
La loi 5 , D. <fe in jus vocando , & la loi 6 , D.
de /lis qui fui vel alieni juris funt , déclarent qu'un
enfant né durant le mariage de deux perfonnes,
doit être regardé comme leur fils légitime; mais
que cette Préfomption peut être détruite par la
preuve de l'abfence ou de l'impuiffance du mari.
Voyez l'article LÉGITIMITÉ.
La loi 34, C. ad leç^em Juliam , de adulteriis ,
nous offre encore une Préfomption de droit ^ qne
Danty regarde, mal-à-propos, comtue une Pré-
fomption juris & de jure. En voici l'efpèce : Deux
perfonnes accufées d'aldutère s'éroient fait déchar-
ger de cette accufaiion,en prouvant qu'elles étoient
proches parentes , Se qu'ainfi on ne devoir pas pré-
fumer quelles euffent commis un fi grand crime.
Mais dans la fuite ces deux perfonnes fe mariè-
rent enfcmble , & on décida , par la loi cirée , que
ce mariage devoit être regardé comme une preuve
& un aveu de la vérité de l'ijccui'ation à laquelle
elles s'éroient fouftraites : juj/i/nus in eofdem Jeverif-
fimè vindicari , 6* veluti conviBum facinus confejfum-
que puniri. Il n'y arien, comme on \oit, dans ce
texte , qui porte le caraflère d'une Préfomption in*
vincible.
Lorfque deux perfonnes d'une même province,
dont la coutume admet la communauté de biens
entre l'homme 8c la femme, s'y font mariées 8f.
établies, il y a une Préfomption de droit qu'elles
font convenues de vivre en communauté , 6t U
PRÉSOMPTION.
femme n'a pas befoin d'en faire preuve , pour de-
mander aux héritiers de fon mari la moitié des
biens qu'il a acquis; mais cette Préfomption n'ex-
clut pas la preuve du contraire , preuve qui peut
fe faire par un contrat de mariage portant exclu-
fion de communauté.
La coutume d'Orléans dit, article 234, " q^i-
» tous murs font communs entre voifins jufqu'à
r> neuf pieds; ced à favoir . deux pieds en terre ,
» & fept au-deffus de terre, qui n a titre ou inar-
» que contraire )». On trouve à peu-piès la même
dil'pofition dans les coutumes de Nivernois , cha-
pitre 10 , article i4;deLaon , article 171 ; de Me-
iun , article 192 ; d'Etampes , art. 78 , & elle for-
me , comme le portent ces lois , une Préfomption
de droit qu'on peut détruire par àes titres ou des
marques contraires. Voyez l'article Mur.
La loi '^ , Q. de apoci.is publiais , établit une Pré-
fomption de droit, qui eftd'un ufage trés-fréquent;
elle porte que les quittances de trois années con-
fécutives de tributs , font préfumer le payement
des années précédentes.
Quoique cette loi n'ait été faite que pour Ijs im-
pofitions publiques , on n'a pas laiffé de l'étendre
/ aux arrérages de rentes , foit foncières ,foit conf-
tituées ; aux loyers des maifons , aux fermages , en
\\n mot à toutes les dettes annuelles.
On donne à cette Préfomption deux morifs bien
raifonnables. 1°. Il eft ordinaire d'exiger les an-
ciennes dettes avant les nouvelles. Ainfl les paye-
l^ens des nouveaux arrérages , plufieurs fois répé-
tés , doivent former une Préfomption du payement
des anciens. Ex eo quoi plerumque fit, Frafumptio-
nés ducuntuT. 2°. Les quittances font fujettes .î s'éga-
rer; plus elles font anciennes, moins on fe fent
porté à en prendre foin ; on doit donc avoir des mé-
nagemens pour les débiteurs qui ne les confervent
pas long-temps ni en grand nombre.
La loi 2 , §. I , D. de paElïs , nous fournit encore
un exemple d'une Préfomption de droit ; elle dé-
# cide que la remife faite par le crér.ncier au débi-
teur de fon billet, fait préfumer , foit le payement,
foit la décharge gra-uite de la dette (i). Mais
c'eft une quertion fi la poflelTion où le débiteur
fe trouve de ce billet , emporte feule fa Préfomp-
tion que le créancier le lui a rendu , ou fi au con-
traire on doit croire qu'il l'a volé à celui-ci. Boi-
ceau avoit voulu diftinguer le cas oii le débiteur
allégueroit que le créancier lui a fait remife de la
dette, de celui où il prétendroit avoir payé; mais
Pothier a très-bien léfuté cette d ftinflion. » Je
M penfe, dit-il, qu'on doit indiflinâement décider
» que la portefTion du billet par le débiteur , doit
n faire préfumer qu'il lui a été rendu par le créan-
PRÈSOMPTION.
5ï
(i) Nousdifons , foit le pjyemcnt , foit laitchcr^tgtaf/ne.
La !o! citée ne parle cepen 'ant que de décharge gr.iuite •
mais dans rufa>;e on l'étend fans difficulté au payetnen.5 il y
en a un arrêt du parlement ds Flam'tïs du ii décembre j Soo
rappo.té pat M. de Baralle , pagç 174, '
»> cier, ou comme acqtiittè, ou comme remis , a
» moins que le créancier ne juOifie le contraire,
w puta que le billet lui a été volé. En vain dira-
" t-on que la donation ne (e préfume pas ; car cela
'> veut dire qu'elle ne fe préfume pas facilement ,
" Si. fans qu'il y ait un fu|et fuffifant pour la faire
" préfumer ; or, fuivant la toi citée , il y a un fu-
» jet fuiTîfant de préfumer la donation & remife de
" la dette, lorfque 'e créancier a remis le billef an
>' débiteur ; & la polTelHon du billet par le débiteur,
» doit aufTi faire préfumer que le créancier le lui a
» rendu, puifuie c'eft la voie naturelle par la-
» quelle la poilefTion en a pu pafTcr de la perfonne
» du créancier , en laquelle il étoit , en celle du
» débiteur. L'argument tiré de l'ordonnance qui
n veut que les conventions, dont l'objet excède
» cent livres , fe prouvent par écrit , n'eft pas
n meilleur; l'ordonnance n'a voulu exclure par-là
" que la preuve teftimoniale , & non pas les Pré-
" fomptions réfultantes de faits avoués par les
3> parties )>.
Cette Préfomption n'a pas lieu quand le débiteur
ne repréfente fon obligation qu'en grolFe ; " parce
V que , dit Pothier , la mmute qui demeure chez le
» notaire , & qui n'eft pas quittancée , réclame en
» faveur du créancier, à qui la groffe a pu être
i> volée, ou qui, fe fiant à la minute , a pu s'en
n deffaifir & la confier au débiteur 5>.
La loi 24 , D. de Prefumptionibus , roule fur
une Préfomption femblable à celle dont nous ve-
nons de parler ; c'cft qu'un billet ou une obligation
en minute qui fe trouve barré , eft préfumé acquit-
té. La raifon en efl tirée de l'ufage dans lequel font
prefque tous les créanciers de barrer leurs billets,
lorfqu'ils en reçoivent le payement.
Ces deux Préfomptions admettent une ercep-
fien que Pothier remarque en ces termes : «» Si le
)) débiteur étoit le fa£leur du créancier ou autre do-
i> meftique à portée de fe faifir du billet, la poffef-
3> fion en laquelle il ieroit du biUet pourroit n'être
)j pas une Préfomption fuffifante ni de la remife,
)> ni même du payement de la dette. Il en feroitde
" même fi c'étoit un voifin chez lequel le créan-
j) cier eût porté fes effets dans le cas d'un in-
» cendie ».
La fituation d'un héritage dans l'étendue d'une
feigneurie qui a le droit d'enclave , emporte une
Préfomption de droit, que cet héritage eft affujetti,
envers le feigneur, à tous les droits qui dérivent
de la direâe. voyez les articles Enclave & Franc-
ALEU.
L'article 66 de la coutume d'Orléans porte :
i> que quand un feigneur de fief a reçu fon vafial,
i> il ne lui peut donner empêchement pour les p-^o-
» fits qui lui en pourroient è:re dûs devant la ré-
n ception en foi, ni les demander, finon qu'il eûr
» fait réfervation exprefTe defdits profits w Cet ar-
ticle fait clairement réfulrer de la réception en foi
faite fans réfcive , une Préfomption de droit du
51^
PRÉSOMPTION.
payement ou de la rcmifc des profits , « & elle eft
» fondée, fiiivantPothier, fur ce qu'il eft ordinaire
ï> que le feigneur faffe cette réierve , iorfqu'il n'a
S) pas été payé des profits, Se qu'il n'entend pas
w en faire remife. Certe Préfomption , ajoute le
« même auteur, difpenfe levaiTalde faire d'autres
»> preuves du payement des profits, & d'en rap-
>' porter quittance ; mais elle n'exclut pas le créan-
ï> cier de faire la preuve que les profits lui font
5» encore dûs , puia par des lettres par lefquelics
« le vaffal auroit reconnu en être débiteur ».
Il y a des Préfomptions de droit , qu'on appelle
improprement prefcripcions. On fait ia différence
qu ily a entre la prefcription proprement dited'une
riette , & la Préfomption de droit du payement. La
première éteint abfoluinent la dett;, & par confé-
quent empêche le créancier de l'exiger , quelque
certitude qu'il y ait qu'elle n'eft pas acquittée ; la
féconde, au contraire, n'eft qu'un foupçon aiiro-
lifé par la loi , d'un payement effeâif ; elle cède à
une preuve écrite du contraire , & même au refus
tlu débiteur d'affirmer qu'il a réellement payé.
Telles font les prefcriptions introduites par la cou-
tume de Paris, par l'ordonnance de 1673 P^*" ^'^
placard de Charles-Quint de 1 5:40, concernant les
Salaires d'ouvriers , le payement des marchandifes
vendues en détail. Sic.
On prétend affez communément à Paris , que le
feul laps de dix ans depuis le mariage , forme une
Préfomption de droit du j)ayementde la dot. Mais
c'eft une erreur fondée fur une mauvaife inter-
prétation d'une loi de Juftinien ,& introduite au-
palais par quelques arrêts mal entendus. Voyez la
differtation qu'a faite là-deffus Berroyer en fes
notes fur les arrêts de Bardet, tome 2 , page 624.
La loi 34 , C. ad legem Juliarn , de adulteriis ,
analyfée plus haut, nous aprend qu'il peut y avoir
des Préfomptions de droit même en matière crimi-
i3e)le. C'eft ce que prouve aufii l'édit de Henri II,
du mois de février 155^ , renouvelé parla décla-
ration du 25 février 1708. Suivant cette loi , toute
perfonne du fexe qui eft convaincue d'avoir celé
fa groffe/Te & (on accouchement , doit, en cas que
fon fruit foit mort fans baptême 6f fans recevoir
publiquement la fépulture , être condamnée à mort,
comme terme 6* réputés avoir homicide fon enfant.
Ces termes ne préfentent qu'une Préfomption de
droit, & par conféquent on ne doit pas punir de
ïnort la femme qui n'a point fait de déclaration ,
lorfqu'elle prouve qu'elle n'eft point homicide de
fon fruit. C'eft ce qui a été jugé depuis peu au
parlement de Grenoble , en faveur de la veuve
Loreau. Voyez le journal des caufes célèbres 1775,
tom. I , pag. 128.
Au refte , cette Préfomption ne peut , comme
toutes les autres, produire fon effet que dans le
cas du concours de toutes les circonftances mar-
quées par la loi qui l'a établie. « Ainfi , dit Serpil-
»» Ion , il faut , 1°. que le corps de délit exifie ; c'eft
» la première & la plus néceffaire de toutes les ,
PRÉSOMPTION.
» conditions : 2°. Il faut que la fille n'ait pas dé-
» ciaré fon état de grolTeffe à des perfonnes qui en
» puilTent rendre témoignage i 3°. que l'enfant
') n'ait pas été inhumé dans une des fépultures pu-
'> bliques 8c accoutumées. Si l'une de ces trois
» conditions manque , le crime n'eft pas prouve
» On trouve dans Brillon , au mot g-oj/ejfe, un
» arrêt du 18 juillet 1716 , qui a juge que la grof-
» fcffe recelée n'eft fujette aux peines de l'ordon-
» nance , que lorfque l'enfant qui en eft provenu
» a été privé du baptême & de la fépulture ».
Il eft important d'examiner quelle forte de preu-
ve il faut oppofer à une Préfomption de droit,
pour la faire ceffer. On peut dire en général, qu'il
taut , en cette matière , des preuves direi^es & clai-
res. « La Préfomption capable d'attaquer celle de
" la loi, dit M. d'Agueffcau , doit être écrite dans
» la loi même ; elle doit être fondée fur un pnn-
" cipe infaillible, pour pouvoir détruire une pro-
n babiliié aulfi grande que celle qui fert de fonde-
» mtnt à cette preuve». Ce n'eft donc pas à des
conjtdures , à de fimples indices, qu'il faut recou-
rir lorfqu'on veut éluder une Préfomption de droit.
Tnnt qu'elle n'eft combattue qu'avec de telles ar-
mes , le juge doit lui laiftèr tout fon effet.
La veuve Grard dcmandoit aux héritiers d'un
gentilhomme le payement d'une très-grande quan-
tité de provifions de bouche qu'elle lui avoir li-
vrées pendant fa vie. On lui oppofoit la prefcrip-
cription triennale, établie par le placard de 1^40,
Elle répoiidoit que cette prefcription n'étoit qu'une
Préfomption de payement ; qu'ainfi elle devait cé-
der à phifieurs Préfomptions de non payement,
qu'elle rapportoit de (on côté , ou que du moins
on devoit l'autorifer à faire preuve par témoins de
la reconno'.ffance verbale que le défunt avoit faite
de la créance peH de temps avant fa mort. Mais ,
par fentence rendue au fiège échevinal de Douai ,
le 23 avril 1779 , la veuve Grard a été déboutée
de fa demande & condamnée aux dépens. Le mo-
tif de ce jugement a été que la fomme dont il s'agif-
iûit étoit trop forte pour qu'il pût y avoir lieu à la
preuve teftimoniale ; & que la Préfomption de
payement étant établie en faveur des héritiers par
une loi expreffe, elle ne pouvoit être anéantie par
des conjeélures arbitraires.
Il y a cependant un' cas où on peut oppofer une
Préfomption fimple à une Préfomption de droit ;
c'eft lorfque celle-ci n'eft fondée que fur une raifon
particulière, & qu'on fait voir que cette raifon ceffe.
On en trouve un exemple dans les arrêts cités plus
haut, qui ont modifié la difpofition des lois 51 , D.
8i 6 C'. de donatlonibus inter virum 6* uxorem.
Les Préfomptions qui ne font point écrites dans
le droit , font appelées Prcjomptions de L'homme ,
parce qu'elles (ont incertaines &: (oumi(ss à la pru-
dence du juge. Elles ont quelquefois la même
force que lei Préfomptions de droit ; mais il faut
pour cela qu'elles réuniftVnt trois cara^ères.
PRÉSOMPTION.
1°. Elles doivent être graves & précife? , c'e'rt-
à-<Vire porter iur des taits qui aient une connexité
certaine avec ceux dont on cherche la preuve.
2". Elles doivent-être claires &. uniformes , c'eft-
à-^ire , liées les unes aux autres , de manière qu'elles
ne fe dJmentent point , & qu'elles tendent toutes
au même but.
3°. 11 faut qu'elles foient en certain nombre ; car
une feule ne fulfiroit pas pour afleoir un jugement
i\cfnïmf.
Tout cela réfulte d'un principe établi en ces ter-
mes par Dantv : « Puifqu'on n'eft obligé de s'en
j> rapporter à des Préfomptions , que lorfque la
» preuve par témoins , ou celle par écrit . vien-
» nent à manquer, il s'enfuit que la loi regarde
« les Préfomptions comme djs lémoins , puifque
V c'cft fur la foi de ces Préfomptions qu'elle fe
n détermine , & que par conféquçnt elles doivent
» avoir les mêmes qualités que celles que la loi
1) requiert dans la dépofiùon d^-s témoins , pour y
>» ajouter une croyance entière. Or , la première
» qualité d'une déporuion eft qu'elle doit être
1) grave & précife. .. ; la féconde eft qu'une d'-pofi
i> tion doit être claire Si jufte... ; la troifème eft
» que cette dépofition ne doit pas être unique ,
<( unus teftis , r.ulitis tejïis j>,
C'eft par le défaut de concours de ces trois con-
ditions , qu'a été rejetée , par arrêt du 31 juillet
1775 ' ^3 Piéfomption qui militoit contre /• feph
Garnier , accufê d'.ivoir écrit au fieur de Maziere ,
fermier général , plufieurs lettres , par lef.juelles
celui-ci étoit menacé d'être affailiné , s'il ne porroit
trois cent foixante louis au bas d'un poteau placé au
co'.irs. Cette Préfomption réfultoit de ce que ce par-
ticulier étoit defcendu dans le fofle à vingt pas du
poteau indiqué, s'y étoit replié fur fes genoux , &
avoir regardé de côté & d'autre pourvoir fi perfunne
ne l'obiervoit. On s'étoit faifi de fa perfonne dans
cet état, 5i on prétendoit le faire condamner com-
me l'auteur des lettres; mais l'arrêt l'a déchargé de
l'accufation , & il a été fuivi d'un autre, en 1777,
qui lui a adjugé 6000 liv. de dommages - intérc. s,
à la charge dufieurde Maziere, fon dénonciateur.
Il eft évident que le fait fur lequel on appuyoit
fon accttfation , n'avoit pas un rapport allez di-
reél avec celui qu'on vouloit prouver , pour
faire prononcer contre lui. Il y a plus , quand
même il feroit defcendu au bas du poteau , ^c
qu'y voyant une éminence formée avec des pierre-,
il les eût dérangées & eût découvert le fac , i!
n'aurôit point encore été poffible de le condamner ,
parce que tout cela eût pu n'être pas prémédité de
fa part.
On trouve dans Serpillon des détails intéreHans
fur les Préfomptions en matière criminelle. Il com-
mence par établir , d'après l'ordonnance de 16-0 ,
que la première condition requife pour faire fubir
la torture à un accufé (t) , eft que les preuve?
(i) 1.3. torriire ou qucftion préparatoire étant abrOycc ,
Tome XIII.
PR ÈSOMPTION. 51Î
I foient confidérables , & enfuite il ajoute : a l ^
» difficulté eft de favoir quelles font les prtuvcs
'> qui doivent pafTer pour confidérsbles ; celks qt:i
" peuvent l'être à l'égard d'un v.igabond ou autre
)» mal famé , ne doivent pas être regardées du
» même œil, quand l'accufé eft domicilié & biett
it tamé ; par conféquent rien n'eft fi aibitraire , ni
» fi difficile à fixer
» Les indices les plus forts font, par exemple,
" s'il s'agit d'un vol, la chofe volée , trouvée i.n
» la puiffiance de l'accufé mal famé ; s'il l'a vcn-
» due ou donnée; s'il a fait, depuis le vol , f'cs
v> dépenfes au-delà de fes facultés ; s'il a fréqi!en;é
') les cabarets plus qu'à fon ordinaire , & y a payé
» de la dépenfe excefltve ; s'il a montré de l'ar-
» gent plus que vraifemblablement il n'en pou»
» voit avoir : plui'ieurs indices pareils joints ,
» approchent delà preuve confidérable , fur te ut
" fi l'accufé ne peut prouver d'où lui eft venu l'ar-
'j gcnt qu'il a fait voir ou dépenfé. Il faut que
» cliacrn de ces indices foit prouvé par deux té-
» moins irréprochables.
" S'il s'agit d'un meurtre , un indice manifefte
" eft le cas de deux témoins fans reproches , qui
» dépofent avoir vu l'accufé fortir du lieu où il
» vient d'être commis un meurtre „ ayant fon épée
>' nue Si enfanglartée Ctpen^ant pour condnm-
" ner à la qucftion , il faudroit encore d'autres
» indices , appelés éloignés , comme des menaces
» précédentes , une inimitié prouvée , & autres
'- pareilles adminicules , à moins que ce ne fut
i> un vagabond , ou un homme mal famé qui fût
j> accufé ; c:ir s'il étoit de bonne réputation, i5i
» s'il ne paroifToit pas qu'il eût intérêt à commer-
» tre le crime , quel que foit l'indice manifeile
r dont on vient de parler , il ne fuffiroit pas pour
i; la '.ortur-^.
)) La vàrinicn d'un accufé dans fes réponfes , c(ï
î) un iiidicc confitérable Lange prétend que c'efl
» une femi prei;ve , lorfqu'elle concerne le délit
» & les circônflances efTentielles
)) La fuite au teinps du crime, fait préfumer que
V celui qui fe fauve en eft l'auteur; il eft cepen-
» dant vrai que cet indice eft foible. Il peut s'être
)j fauve , parce qu'il a craint d'être fcupçonné ,
}} quoiqu'innocent ; des indices trompeurs, l'infi-
o délité des témoins , le danger d'une procédure
j) criminelle , l'horreur des prifons , même l'er-
1) reur d.ns laquelle on ne voit que trop fouvent
» tomber les juges , ont intimidé les plus conftans
» & les plus innocens.
V Le bruit public eft encore fort fujet à trom-
» per ; il ne faut pas le prendre pour une forte
comme on le verra au mot Question , les chofes qua dites
St-!pillon n'ont plus d'at^plicanon à cet objet , aufli ne les rap-
,-0 le tonqiia ciufe de Ja Inmiére qu'elles répandent fur 11
i,,' ne àis Préfomptions, & fut les conféciaences (|ue, le juge
peut en tiret.
T 1 1
V4
PRÉSOMPTION.
j» Pr^fomptlon. P^an^e voces populi non funt au^
>> dienda , nec er.'im vocibus eorum credï oportet ,
j) qiiandb dut lox'rutn crimlne abjolvi , aut innoccn-
j) tem condimnatl dcfidcrant. l,oi la, c. de pan'is.
V Le bruit public ne fe forme que fur des ouï-
ï> dire , fouvent l'accufateur en eft l'auteur; fa dé-
•n pofition ne feroit pas redevable : non crediiur plus
») copia quàm originaii.
v> La déclaration faite par un blefle en mourant ,
» que c'eft un tel qui l'a affaiïiné , eft une forte
j> Préfomption ; mais elle ne fuffiroit pas pour le
3> faire condamner à la queftion , parce qu'il a
» pu fe tromper , & , dans les frayeurs de la mort
3> qui lui ont troublé les fens , ne pas dire la vé-
j» rite. D'ailleurs , dans cette occafion , le blefTé
3> dcpofant dans fa propre caufe , nos auteurs rè-
« pugnent à donner une pareille déclaration com-
« me une preuve aflez confidérable pour opérer
« feule une condamnation à la queftion S'il
» y a d'autres indices qui forment des Préfomp-
■» tions relatives à la déclaration du bleffé , il y a
n lieu à une condamnation à la queftion ....
» La déclaration d'un blefle qui décharge, en
» mourant , l'accufé , fiiflit pour le faire renvoyer.
»» NiC pietas pro feryis ,ncc follicitudo hœrcdis obnnere
>» débet ut ad pcenam vocentur quos ^bfjlvit doniinus
j> ipfe. Loi a , D. <ji S'-laniavjm. Les lois font plus
V portées à abfoudre qu'à coi-lamner ; cependant ,
3j fi on trouvoit d'ailleurs de> preuves futKfantcs ,
y) kl déclaration du mourant n"t;oipôcheroit pas la
« condamnation ; il a pu lui pardonner fa mort ,
t> mais il n'a pu loi remettre la peine publique....
jj Dans la légle générale, Tiniiricié bien prou-
» vée ne fuffiroit pas pour condamner à la quef-
Dj tion ; il faut au moins troij fortes Préfomptions :
« par exemple , l'inimitié , les menaces , & une
J) autre, ou la dèpofition d'un témoin fans repro-
» che , yy'unc à l'une de cesPrcfomprions ».
Il r^fulte de tout cela , qu on peui r.::ger les Pré-
fomptions humaines en trois claffes ; ik en effet les
jurifconfultes les divifent en violentes , en graves ,
Sien légères.
Lorfque la lialfon des faits connus au fait in-
connu eit néc^lfrire , l'indice qui réfulre des pre
micrs forme une Préfomption violente de la vérité
du fécond. , ^ .
S. cettj liaifon , fans être abfolnment necellaire
fv' certaine , eft cependart conforme à 1 O'dre le
r,u- naturel des chofes , îk qu'elle n:; puilTe être
t:u,tû' que dans des c::s très-rr.res, l'indice qu'elle
pr-duit forme une preû.n-ption gr.ve.
Enim on regarde comme Itgère la P. éfomprion
motivée par d<^s indices c]t\ , quoique liés avec le
fai' qu'<.<n cherche , ne laiffent i^îs cependant d être
qu .Iqatfois, ou mèriio irès-fouvent , joints avec le
f iit cOinraire. , > ,
Il n'eft iiuère poi^.ble de donner des règles cer-
tai.ies po'Jr diftiîig'Jer r'ans la pratique ces trois
forres de FréfomptioiiS. Tout c? quon peut en
dire, c'tft que leur force dépendant delà liaifen
PRÉSOMPTIOK
ou du fapport qu'elles ont avec le fait principal ,
elles ont plus ou moins de force , fuivant que ce
rapport eft plus ou moins prochain ; c'eft aux juges
à l'apprécier par la confidération des circonftances
<ki temps, du lieu , de la perfonne , de la qualité ,
de rage , &c.
Il faut cependant obferver que fouvent une Pré-
fomption , légère par elle-même , devient grave par
fa réunion à d'autres. C'eft une maxime conftante ,
que plufieurs indices légers, joints enfemble, for-
ment un indice grave ; quelquefois même il fuffit
pour cela que chacun de ces indices foit prouvé
par des témoins finguliers. En voici un exemple
propofé par Joufî^e : « Si Caïus ayant été tué d'un
i; coup de piftoîet , i°. un témoin dépofe que
» Seïus a eu auparavant une querelle avec lui :
» 2°. qu'un autre témoin dépofe que Seuis a me-
» nacé Caïus : 3°. qu'un autre déclare avoir vu
« Seïus acheter de la poudre Si. du plomb : 4". qu'un
)? quatrième témoin dépolé que Seius eft forti de
J) chez lui , ou s'cft caché dans un endroit retiré
)» avec un piftoîet , un peu auparavant que Caius
5) ait été tué ; ces quatre indices joints enfemble ,
» tendans tous à une même fin , quoique prouvés
» par des témoins finguliers , font fuffifans pour
)) former un indice grave contre Seïus ».
Souvent les Préfomptions s'afToibliftent ou fe
détruifent mutuellement; dans ce cas, le juge 'doit
les comparer enfemble , les pefer , coufidérer le
rapport plus ou moins immédiat qu'elles ont avec
le fait principal, ik fe déterminer pour celles qui
ont le plus de force & de certitude. C'eft ce que
prefcrit la loi 21 , §. 3 , D. de teftibus (i).
Ainfi on doit préférer une Préfompt. on grave à
une Préfomption légère ; une Préfomption Spéciale
à une Préfomption générale ; une Préfomption na-
turelle a une Préfomption accidentelle ; une Pré-
fomption affirmative à une Préfomption négative ;
une Préfomption de droit à une Préfomption hu-
maine ; une Préfomption favorable à celle qui l'eft
moins , & par conféquent celle qui détruit le crime
2 celle qui l'établit.
Mais dans tous ces cas la Préfomption qui l'em-
porte fur celle qui la combat, n'a pas la même
force que fi elle n'avoit pas de conci'rrente ; car
il eft de principe, qu'un indice, quci<^ue léger,
affbiblit un autre indice qui lui eft contraire. Ainfi ,
dit Julius Clwrus , queftion 60 , r. 23 , la bonne
réputation d'un accufé détruit quelqi-ttois & dimi-
nue toujours les indices qui nii'if; nr contre lui.
(1) Si teiles on^ncs ejuMeni honçrtstis ?.; f\i ir.i.iiionit
(lut , & riPgotii qualiras ac juclkis iwoti.s cuiii i is conci rrit ,
fe.jUsTida funt omria teiHmonia. Si vero ex h'i qi'pn eori-in
a'-.addixe int, licet ''mpori PuinciO , c fiierdum » ., fcd cuuJ
l'.ariirï i.ej^oni rrnvenit iV »^i>otî inirnicin.T: ,u:' g^arj» folji-
cione ci-'t. Tf r<îriTiabirc;i'e ii"iex HictL-m anirni 11. i ♦•x .irci-
inentis u.: teiitinoniis oucétt: ap:JO',-i (V. vcio prox'miv ra cfie
c n.p'rcii^ Non. eiiim ai nu:!iK.idincn:i tc',i\\ rp- ut. <V^
ad (incetaivi ttr'limonicrunj lidein, & icUJmwiii- 4' i-uspoiiiu
lex v^rtcaiis adûitit.
PRÉSOMPTION.
L'explication naturelle & vraifemblable que
donne un accufé dans fes interrogatoires ou con-
frontations , des indices graves ou même violens
qui le chargent , eft encore un moyen très-propre
à les affoiblir ; de là , en effet , il réfulte que ces
indices peuvent n'avoir aucune liaiion avec le
crime dont il s'agit , & conféquemment on ne peut
en conclure que l'accufé foit l'auteur de ce crime.
On voit par tout cela combien il eft difficile d'ef-
timeravec juflcfTe la preuve qui réfulte des Pré-
ibniptions. « Le pays des conjectures, dit le cé-
» lëbre Cochin , eft entrecoupé de mille routes
» obfcures , dans lefquelles on fe perd & on s'é-
» gare fans eefle : l'un eft touché d'une circonf-
» tance à laquelle l'autre fe trouve infenfible. Sou-
)> vent ces circonftanccs fe combattent les unes
» les autres : l'une paroit favorifer un parti ,
» l'autre femble lui être contraire. On s'épuife en
» raifonnemens pour l'.s faire valoir, & tout le
» fruit de ces recherches hafardées eft d'avoir en-
5> veloppj la vérité de tant de nuages , qu'elle de-
» vient inacceffible à la juftice ».
Tâchons cependant d'établir quelques règles fur
cet objet. Voici celles que nous donne ioufïe.
M I". Les indices douteux , incertains, équivo-
j> ques , non concluans , & qui n'ont point un rap-
jj port néceftaire au crime , ne peuvent former au-
» cune preuve....
» 2°. Un indice grave vaut un peu moins qu'une
j) femi-preuve , & un indice violent vaut plus....
" 3°. On ne peut condamner un accufé fur de
5> fimples Préfomptions , indices ou conjc^flures ;
»» ce qui arrive lorfque la liaifon des indices au fait
» principal n'eft que vraifemblable....
» 4°. Mais fices indices font violens & indubi-
5> tables , c'eft-à'dire , iî la liaifon de ces indices
" au cri.me eft abfolument néceGire, alors ils for-
j> ment une preuve complette & fafîlfante pour la
j> condamnation »...,
Nous parlons à l'article Preuve , des différen-
ces qu'il y a entre les divers a£ies d'une procé-
dure criminelle , par rapport à la qualité requife
dans les preuves fur Icfquelles ils doivent être
fondés.
Un accufé^ qui a écliappé à la condamnation ,
parce qu'il n'y avoit contre lui que des Préfomp-
tions Si des indices , peu:-il prétendre des domma-
ges-intérêts à la char<;e de ion accufateur ? Les
lois décident, les auteurs enfcignent, & les arrêts
jugent qu'il faut diftmguer en cette matière la ca-
lomnie d'avec l'erreur.
La loi 3 , C. de calumniiior.bus, porte , que l'in-
nocence & la juftification de l'accufé ne font pas
une preuve certaine de la c.-iloTiaie de l'accufateur
qui peut avoir eu un fondement raifonnable pour
iatenter l'accufation. A'o/j M'/r?/ rez/f aùfolucuf efl
ex eo folo accufitor , (jui poicil ju(lam habuifj'i ve-
nitndï ai crimen ratiorr.m , Cd'ntnmator cri:ie,idus efl
Une ordonnance portée par PhMippe IV en 1303
déclare que tout dénonciateur ferj tenq d'indem-
PRÉSOMPTION.
5M
nîfer entièrement l'innocewt qu'il aura accufé , h
moins que le bruit public , ou la dépofuion d'un
témoin irréprochable , ou un Joupcoa yrocabU , ne
puiftent excufer fa dénonciation. Dcnunciator vd
inJliuBor rejarciac denunciato damna & expenfas quas
idem denunciattis fuftinuer'u , nifi de diclo deliélo de-
nunciatus fuerit difflimatus , vel aliàs probabilîs fufpi-
cio contra eum ad cognitionem caufcc adjudicium.
C'eft aulfi ce qu'établifleat Cujas fur le livre 26
des réponfes de Papinien , & Julius Clarus , livre
î , §. dernier, qucftion 62. On fent d'ailleurs que
l'intérêt public juftifie affez cette do61rine. Trop de
rigueur employée contre les dénonciateurs que
des indices preffans ontféduits, ne ferviroit qu a
autorifer la licence 8c le défordre ; la crainte qu'on
arroit, en pourfuivant la vengeance des crimes les
plus énormes, de s'expofer aune condamnation
de dommages &: intérêts, en retarderoit, en élude-
roit peut-éire la punition; & le public, qui peut
être bleffé par l'accufation d'un innocent , fouffri-
roit encore plus par l'impunité des coupables.
Le plus célèbre des arrêts rendus fur cette ma-
tière , eft celui du 17 janvier 1600. Jean Proft
ayant été affaffîné , fa mère accufa Bellanger , mai.
tre de la maifon où il demeuroit ; Bellanger fut con-
damné à la queftion fur des indices très-violens >
& entr'autres fur ce qu'il avoit pris de l'argent à
P;oft, & avoit proir.is à fa fcrvante de lui en don-
ner fi elle n'en difoit rien. Bellanger ayant fouf-
fert la queftion fms rien avouer , intervint arrêt
portant réception en procès ordinaire , conformé-
ment à l'ordonnance de 1539, "& néanmoins rc>
» tenu qu'en cas qu'en l'ordinaire ne fe trouvant
'> plus grande preuve , les accufés obtinffent leur
n renvoi, ne leur feroient adjugés aucuns dépens,
»> dommages-intérêts >f. Dans la fuite, deux vo-
leurs, arrêtés 8t condamnés à mort pour d'autres
crimes , déclarèrent qu'ils avoient commis le meur-
tre de Jean Proft , & Bellanger demanda des dom-
mages-intérêts contre (on accufntrice. Mais par l'ar-
rêt qui intervint après une plaidoirie du plus grand
écîrit , en préfence du roi Henri IV & du duc
de Savoie , il fut déclaré innocent fans répara-
tions , dépens , dommages Si intérêts , attendu
portent les conclufions de M. l'avocat général Ser-
vin , cjue la mère nélcit pas & ne pouvait être juséc
Calomniatilce.
L'affaire de le Brun , n'ort dans les tourmens de
la queftion, pour un affaftînat qu'il n'avoit pas com-
mis, nous offre un autre exemple de la jurispruden-
ce confacrée par les deux arrêts dont nous venons
de parler. Les accufateurs fe dcfendoient d'une ma-
nière bien adroite.' Nous avons , difoient-ils ( c'eft
Augeard qui rapporte ces détails), nous avons pour
garans de la juftice de notre cz\\(z , les juges qui
ont condamné le Brun à la queftion; ils ont, par
cette condamnation , adopté notre erreur ; ils fe la
font rendue propre ; & par-là ils non? ont juftifiés
puifqu'on ne peut nous reprocher que de n'avoir
pas été plus éclairés que les ju^cs mêmes. Si la
T 1 1 ij
5i6 PRESSOIRS.
cour , avec toutes fes lumières , Con exafîitude &
ion application , n'a pu découvrir la vérité ^ dira-
t-on que nous étions obligés de la deviner ? & fi les
juges n'ont pu fe difpenler de condamner le Brun
à la queftion , voudra t-on que nous ayons pu nous
difpenfcr de l'accufer ?
Ces raifons étoient fans doute bien décifives ;
cependant . parce que les accufateurs avoicnt né-
gligé certains indices qui auroient pu leur indiquer
le véritable meurtrier , s ils en avoient fuivi exa^ie-
jîient la trace , l'arrêt qui fut rendu fur cette con-
teflation le 30 mars 1694, ne les déchargea que
des dommages - intér-ts , & les condamna aux
dépens.
Il feroit inutile de citer un plus grand nombre
d arrêts fur cette niàtiire. Ceux qui voudront en
connoître d'autres , peuvent confiilter les caufes
célèbres de Gayot de Pitaval , tome i , vers la
fin , & le journal publié par MM. DelTeflarts &
Richer.
Foyf{ Menochius & Aidât dans leurs traités h-
tins de l'raefumptionibus ; Fannactus ; Julius Cla-
TUS ; le code criminel de Serpillon ; Voët fur le di^cjîe ,
titre de probationibus & Piœfomptionibus ; le traité
de la preuve par témoins ^ de Danty ; celui des obli-
gations par Poihier ; le journjl des audiences , tome
cinquième de ta nouvelle édition , & tome 6 de Camien-
ne ; les arrêts du confdil fouverain de Brabant re-
cueil lis par MM. btokmans & JP'cnanr^ ; ceux du
gf.md co-^feil de Maiines , publiés par M, Dulaury ,
&:, Voyez auffi les articles Preuves , Indicés ,
Question, Légitimité, Legs, Institution
D HÉRiTi R, dénonciation , Calomnie, Ser-
ment , &c. ( Article de M. Merlin , avocat au
p.irlemznt de Flandres ^
PRESSOIRS. Il en eft des Preffoirs comme des
fours & de Moulins ; il y en a de deux tfpéces ,
banaux & non banaux.
Comme, de droit naturel , chacun a la liberté de
faire , dans fon propre fonds , telles conrtruâions
qu'il lui plaît , pourvu que ce ne foit pas dans le
deffein de nuire à d'autres, il lui eft tiés-permis
d'y conftruire tout ce qui lui eft néceftaire pour
moudre fes grains , cuire fon pain , & prefturer fes \
raifins : mais arifti comme il ne lui eft pas défendu
de s'interdire cette faculté pour des caufes légiti-
mes , il faut voir comment il peut à cet égard avoir
les mains tellement liées, qu'il ne lui foit plus per-
mis d'ufer de cette liberté.
C'eft l'établiftement des banalités qui a introduit
cette reftrii^lion à la liberté ; & cet établiftement ,
comme contraire au droit naturel, n'a pu fe faire
valablement , que par une convention volontaire ,
faite avec les perfonnes qui s'y font affujetties. C'eft
ce qui a fait dire , avec raifon , à un auteur moder-
ne (1), que les bannlités doivent être de conven-
tion exprefte ou préfumée. Or, l'ejpreft'e peut fe
faire , foit avec une communauté d'habitans en
(i) Guyot, dss ùeTs , 1. 1 , p. 343.
PRESSOIR.
corps, foit avec quelques particuliers feu Icmert.
Mais , en cas qu'elle fe fafle avec la commu-
nauté en corps, futht-il que la plus grande partie
de ceux qui la compofent y aient conlentt , ou faut-
il que tous généralement l'aient approuvée ? Quel-
ques doi^eurs (1) ont prétendu que le confente-
ment de la plus çrande partie à&'> habitans fufnfoit.
On dit même (2.) que cela a été jugé par quelques
arrêts du parlement de Rouen ; d'autres (3) n'exi-
gent que le conlentement des deux tiers , poutvu
que l'aflembiée ait été faite légitimement & dans
les formes.
Un troifième fentiment (4) , eft que le confente-
ment généial de tous les habitans eft abfohiment
néeeflaire , pour qn'ils puiifent être liés par une
telle convention; car il ne s'agit pas feulement de
l'intérêt du corps, mais encore de c-îlui de chaque
p;irticulier , & in alu communi plurious , ut Jingulis ,
rnclior videtur conditio proh.bcntis , fuivant les lois.
{<y) Si cependant , dit un moderne judicieux (6) ,
le petit nombre s'y oppofoit ians des iaifcns con-
venables , & par pur cnprice , il irroit )u(le que les
juges l'obligeaftent à iuivre lavis du plus grand
nombre, afin que , par Toi^iniâtreté de quelques
particuliers, le corps ne fût point privé de 1 avan-
tage qu'il pourroit trouver dans la couveniion.
Les Preftbirs banaux font anciens : une chartre
du roi Jean , donnJe à Paris en 13 54, portant r(.n-
hrmation des privilèges de la ville de Joinville , fait
mention que le moulin, le four, le Prefloir, y
(ont banaux. M. de Safienage , marquis de Pont-en-
Royaux, dans le Dauphiné, a un PrelToir banal ,
qui date encore d'une plus grande antiquité ; la
chartre qui l'établit eft de 1030 , donnée par le
prince Ifmidon , l'un des ancêtres de M. de Saffe-
nage. M. Salvaing , dans Ton ufage des fiefs , cha-
pitre 64 , remarque que le droit de Preftoir banal
eft très-rare dans le Dauphiné , & qu'il ne connaît
que la terre de Pont en-Royaux où cette efpèce
de banalité foit établie & connue.
Malgré l'antiquité des Preftbits banaux, nous
n'avons que très peu de coutumes qui en : 'rient ,
& je n'en connois que deux qui en faftentun dfoit
général pour les feigneurs ; la coutume de Lorraine ,
tir. 6, art. ç , dit : « Droits de banalité de fours,
)> moulins & Preft!"oirs , appartiennent régulière-
» ment au haut-jufticier , fi , par ufage ou droit
i> particulier , il n'appert du contraire ». La coutu-
me du Maine, art. 28, donne le même droit au
bas-jufticier , pour les vignes que fes fujcts tien-
il) Henng. de moler.din. qt<tfl. 11 ,n. iitf, 117,
(i) Béiault fur Normandie , parag. lio.
(;) Le Grand fut Troi^s , parag. 6'4 , n. 34 & fuivans.
Boucheul fur Poitou , parag. î 4 1 ". $4,
(4) Gravct:e , de anùquic. remp.part. 4, cipur. vit. n. 29 ;
Biodeau fur Paris , parag. 71 , n. x ; Dunod , de pr<tfcript. >
pirr. i , chap. il , p. 4,0 ; Bafnage lut Normandie , f^r^S*
210; Godi;f; oy, l'Jr./.
15) L. 1!? , D. commun, dlvidt
{C)0\itioA,loc, cit.
PRESSOIRS.
nent de lui , pourvu que le PrelToir foit à deml-lieue
de diftance des vignes. L'art. 29 permet au fujet
qui a dix quartiers de vignes , ou audefTus , d'avoir
lin Prefloir particulier pour prelTurer fa vendange,
en avertiiTant le feigneur , (Ik en lui payant 5 lous 4
den. tournois.
5) Toutefois , dit Bacquet , traité des droits de ji/f-
« tice , par la coutume de la prévôté & vicomte de
51 Paris -(laquelle nous avons délibéré de fulvre ,
« & félon icelle n nis régler ) , le droit de juftice ,
>' ni le droit de fief, n'attribuent droit de banalité,
» comme les droits de juftice , de fief & banalité ,
« Ltant droits divers , diftindls Si féparés , & l'un
" n'ayant rien de commun avec l'autre. En forte
»> que le haut , moyen ou bas-jufticier , ni pareille-
>> ment le fe:gneur féodal , ne peut prétendre four ,
j> moulin , ou Preffouër banal , ni contraindre fes
>' hofks jufticiables ou fujets d'aller moudre en
» fon moulin , cuire en fon four & preflbrer en
« fon PrefTouër, ni les empêcher de faire Preffouër
>) ou fours en leurs maifons , ou bâtir moulins fur
« leurs héritages , s'il n'en a titre valable , ou aveu
» & dénombrement ancien. Et fi le titre n'eft au-
» paravant vingt-cinq ans , il n'eft réputé valable ,
i> comme il eft porté par les 71*^ & 72'^ articles de
» la nouvelle coutume de Paris >».
Les banalités de four 6c de moulin font psrfon-
nelles. Il femble que la régie devroit être la même
pour la banalité de PrelToir ; cependant beaucoup
d'auteurs penfcnt que cette banalité e(l réelle ,
qu'elle ert une charge des vignes du territoire.
M. le préfident Bouhier (t) s'<"lève avec beau-
coup de force contre cette opinion. Ses motifs
fontpuifés dans la nature des chofes : nous allons
tranicrire ce qu'il dit à cet égard.
« J'avoue , dit ce favant inagiflrat , que je ne
3' comprends pas la raifon de la diftinâion qu'on
3j veut faire entre cette banalité & les autres.
1» En effet, on ne fauroit douter que , quelle
j> qu'ait été originairement la caufe de l'établifTe-
ii inent des différentes banalités dans une même
V communauté , elle n'ait été vraifemblablement la
31 même pour toutes , foit qu'elle^ aient été établies
^J dans les anciens affranchiffemens , 'bit par quel-
» ques conventions ou autrement: la nature en
j> doit donc être la même. On peut dire de plus,
3> qu'on n'a jamais pu les rendre réelles , qu'en
}» chargeant précifément les fonds de la fujétion
)j dont il s'agit ; car c'cft cela feul qui produit la
V réalité. Si donc il étoit prouvé que les vignes
}j eufïenr été données fous la condition de la ba-
» nalité, comme dans le cas d un arrêt du parle-
3> ment de Paris du 25 feptembre 1559 , rapporté
3> par Carondas (i) , il n'y aiiroit nul doute que
ï> le droit ne fiât téel; c'eft même le feul cas où
« il puiffe l'être , comme l'a remarqué un des pliii
(i)Obfervations fur la ccucumede Bourgogne, chap. 4I.
(i) Voyez Cœpola , defervit» c<ip. i»
PRESSOIRS. 517
j> judicieux interprêtes des coutumes (i). Mais
j> comme un tel fait ne fe préfume point , on doit
» croire que la banalité du Preffoir a été inftituée
» comme toutes les autres ; & c'eft fans doute pour
» cela que la coutume d'Anjou, article 31 , n'en
» fait aucune différence par rapport à la perlona-
H lité.
» Une chofe affez fingulière , efl que l'arrêt da
» parlement de Paris du 24 avril i6oo , qui fait le
)) principal fondement de l'avis contraire , foutenu
)» par Chopin, kquela été aveuglément fuivi par
3) tous les autres, fut rendu dans une hypothëfe ,
» dont le fait devoit conduire à une déciiion toute
» oppofce ; car il s'y agiffoit d'une banalité de
» Preffoir, qui avoit été établie par un aifle d'af-
5» franchiffement de la main-morte ; d'oii il réful-
» toit que ce droit étant fubrogé à une fervitude
» qui étoit inconteilablement perfonnelle , il de-
33 voit être confidéré comme étant de la même
53 qualité, fuivantla maxime : fubrogutum f.ipit nu-
» turamfubrogati ; dont un habile jurifconfulte (2)
)» a fait une julle application en pareil cas. Aufli
» cet arrêt n'a-t-il pas empêché qu'on n'en ait
» rendu dans la fuite plus d un contraire ".
De ce principe , que la banalité de Preffoir,
comme celle de moulin & de four, eft purement
perfonnelle , M. le préfident Bouhier tire la confé-
quence , que les propriétaires forains en font af-
fianchis, 8c qu'ils peuvent preffurer leurs raifinsoù
ils le jugent à propos. A l'appui de fon fyllême ,
cet auteur rapporte deux arrêts ; le premier du par-
lement de Bourgogne du 17 juillet 1653 (3), par
lequel un foraui fut renvoyé de la demande du
propriétaire d'un Preffoir banal , tendante a ce que
ce fo'-ain fût condamné à détruire un petit Preffoir
qu'il avoit au lieu de la banalité, & où il avoit fait
preffurer fes raifins , quoique ce Preffoir eût été
conflruit depuis peu : cette décifion efl précife.
L'autre arrêt a été rendu au parlement de Befan-
çon le 4 févrir 1740, dans l'efpêce fuivante , au
rapport de M. Talbert, l'un des plus grands ma-
giflrats de cette compagnie. Jean-Claude Boucoux
avoit le Preffoir banal de Malay , dont il étoit fet-
gneur ; Jean-Baptifte Huzin , propriétaire de quel-
ques vignes au même lieu , prétendit que , comme
forain , il pouvoit porter fes raifins dans tel autre
Preffoir qu'il lui plairoit , & fut en effet maintenu
dans cette liberté par fentence du bailliage de Ve-
tcul , qui fut confirmée par l'arrêt dont je viens
de poirier, & prefquétout d'une voix.
Tenons-nous-en donc à la doctrine de le Grand
(4) , & difons avec lui , que ceux qui ne font pas
domiciliés dans le lieu de la banalité , ne font pas
(i) Chopn fur Paris , loc, citât. BroJeau, ibid. parag. 71 ,
n. ,0 ; ferriere , ibid. n. 15, :o.
(2) Caror.^as fur Paris , parag. 93.
(j) Taiùnd fur Bourgogue, page 738 ; Raviot fur Perr. ,
aasll:. i?» , «. 13-
(4) Le GtAnd lut Tioles , parag. 04 , n. 54.
5i8
PRESSOIRS.
obli:ZCS de porter leurs raifins au Preflblr banal j
mais peuvent les tranfporter où bon leur femble ,
à moins qu'il ne foit jutlifié que leurs vignes ont
été dé'.aiflees dans l'origine à eux ou à leurs au-
teurs , à la charge\j*expreire de faire preffurer leurs
vendanges au PrefToir banal ; car , en ce cas, ils
font tenus d'exécuter la condition, ou de dédom-
mager le feigneur, fuivartt un arrêt du parlement
de Paris du 15 décembre 1559 (1) , que nous pou-
vons encore oppofer à celui de 1600 , puifqu'il ju-
gea que ceux qui n'avoient pas leurs vignes à la
même charge , n'ctoient pas fujets à la banalité.
Il faut convenir que cette opinion cft au moins
très-plaufible. Effeiftivement on ne voit aucune dif-
férence entre la banalité de PrcfToir & celle de
moulin ; du moins il paroît bien difficile de donner
vn motif raifonnable à la àiCiinCtion qui répute
l'une de ces ba alités plus réelle que les deux au-
tres. Toutes n'ont-elles pas la même origine, puif-
qiie touieî ne peuvent dériver qiie de deux four
ces , la convention ou la tradition des héritages ?
Pourquoi donc ne feroit il pas vrai do dire que la
banalité de Preiîbir," comme les deux autres , n'eft
cffentiellemcnt ni réelle ni perfonnelle ; que la
première de ces dewx qualifications lui appartient fi
elle a été établie lors de la conceflion des terres , &
la deuxiêiTîe , fi elle dérive de la convention ?
Un point de droit que perfonne ne révoque en
doute , c'eft que toute preftation qui dérive d'une
convention eft purement perfonnelle , & qu'il nV a
de charges réelles que celles qui ont été imposées
in traditione fiindi ab Initio.
Un point de fait également certain , c'eft que la
majeure partie des banalités de Preflbir doit fon
origiwe à des conventions entre le feigneur & les
tenanciers ; conventions bien poftérieuresà l'acccn-
lement an territoire.
Mais s'il eft également împoflible de contefter ce
point de droit , & de nier ce point de fait, il faut
danc reconnoitre qu'il y a des banalités de Preffoir
perfonnelles , comme il y en a de réelles ; qu'à cet
é-"'ardtout eft égal entre les fours, les moulins &
les PrelToirs. Il faut encore aller pliis loin , & dire,
que puifqu'on répute toutes les banalités de mou-
lin & de four perfonnelles , parce que la plus
grande partie doivent leur origine à des conven-
tions poftérieures à la conceftîen des héritages , il
f.uit envifagerdu même œil les banalités de Prefibii^.
Du moins ce fyftême eft-il fondé fur des motifs
qui pavoiftent raifonnables Si conféqueiis. Et quel-
les raifons les auteurs qui fe font rangés du parti
contraire donnent ils de leur opinion ? Aucune.
Cela paroît incroyable; cependant cela eft vrai.
U::i ancien jurifconfulte , fur la foi d'un arrêt en-
core plus ancien , a dit : Les banalités de Preffoir
font réelles. Et les auteurs qui ont écrit depuis
ont repéré : Les bavinîités de PrelToir font réelles.
Et cela , fans pefer les motifs de cette opinion, fans
(i) Caionias fur Paris , parag. 50,
PRESSOIRS.
, examiner fi elle avoit un fondement quelconque.
C'eft ainfi que les livres fe multiplient, & que la
fcience refte au même point.
Au furplus , voici les fuffrages en faveur du fyf-
tême de la réalité ; nous les tranfcrirons en entier ,
afin que chacun puiffe juger du degré de confiance
qu'il doit accorder à ces auteurs.
On diftingue, dit l'annotateur de Boutaric , « fi
» la banalité eft réelle, comme celle de Preffoir , ou
» fi elle eft perfonnelle. Les eccldfiaftiques ne font
î» pas exempts de la banalité réelle ; mais ils le
» l'ont, de droit commun , de celle qui eft per-
r> fonnellc. C'eft la penfée générale des auteurs.
» La banalité de Preffoir , dit Guyot dans fon
'» traité des fiefs , eft réelle ; elle affeâe toutes les
» vignes du territoire : elle confifte dans le droit
" de contraindre tous ceux qui pofsèdent des vi-
» gnes tians le territoire banier , tels qu'ils foient
» ik fans exception , à apporter leurs vendanges
» furie PrelToir, à peine de confifcation & d'a-
11 mende.
If II faut obferver , dit Perrière fur l'article 71
« de la coutume de Paris, n°. 19, une différence
3? entre la banalité du moulin & du four , & celle du
» Preffoir , que celles-là font perfonnelles , & que
)) celle-ci eft réelle ; de forte qu'elle s'exerce fur
>» les vignes qui font dans l'étendue de la juftice ,
1) foit que les propriétaires y aient leur domicile ou
» non , parce que c'eft une efpècede fervitude im-
•>■) poféc fur tout un territoire ».
Brodeau , fur les mêmes articles 32 & 33 , rap-
porte plufieurs arrêts par lefquels il a été jugé ,
« que les propriétaires des vignes fiijettes à la ba-
» nalité du Preffoir , quoique demeurant hors de la
» juftice , font obligés de faire apporter leurs vcn-
» danges au Preffoir du feigneur , pour les preffu-
» rer. Le premier eft du 24 avril 160Q, à l'audience
» de la grand'chambre , rapporté par Chopin ; le
» deuxième eft du 21 mars 1609, donné auffiàla
» grand'chambre ; le troifième a été donné au mois
» de juin 1630, à la quatrième chambre des en-
n quêtes ; il y en a un quatrième du 7 feptembre
» 1641 ; & Cirondas , fur l'article 90 , en rapporte
» un cinquième plus ancien; de forte que la quef-
» tion ne fait point de difficulté.
» On demande, dit encore Perrière, n". 23 , fi
» celui qui a fief dans l'étendue de la feigneuris
» peut s'exempter de la banalité. M. le Prêtre,
j> centurie troifième, chap. 52, remarque deux
" arrêts qui ont jugé que le Jeigneur du fief ne peut
" fe préundre exempt d'aller au four ou au moulin
yi banal des feigneurs juflïciers , fi ce n'eft en vertu
n d'un titre particulier & fpécial au contraire. Le
11 premier a été donné pour la coutume de Touraine
» le 23 février 1602; & le fécond pour la coutume
» de Paris , au rapport de M. Ribier, le 7 mai 1605.
î> La raifon en eli, que le feigneur qui a moulin
» banal peut empêcher de conftruire un autre
» moulin que le fien dans fa terre, & partant
j> ceux qui y demeurent, quoique feigneurs de
PRESSOIRS.
« fief, font tenus d'aller moudre au moulin du
» feigneur ».
Brodeau , loco chato , rapporte aufll deux au-
tres arrêts, qui ont aflujetti des feigneurs de fief
à la banalité de moulin ; le premier du 8 d'août
1628 ; & le fécond du 27 août 1632,
" Quant à la banalité du Preflbir , dit Lacombe,
« verbo banalité, n°. 15 , page 69, toute la ven-
» dange provenant des vignes fujcttes à la bana-
» litc doit être portée au Preflbir banal , &. le droit
}> en eft dû même de la mère goutte. Cette quef-
» tiOB a été jugée in terminïs par un arrêt du 27
« août 1743 , de la cinquième chambre des en-
j) quêtes , au rapport de M. de Chavanne , qui
J> condamne les liabitans de Palys à apporter leurs
« vendanges , cuvées ou non cuvées , à leur choix,
») fur les Preffoirs banaux du feigncur de Palys ,
j> pour y être prefiiirées & en être perçu le droit
»» de prefTurage ; ordonne que ledit droit fera pa-
» reillement perçu fur chacune pièce du furphis
» des vins qui fe trouveront dans les caves &
j> celliers des particuliers & habitans qui n'au-
» ront pas apporté au Preflbir du feigncar de Pa-
>» lys , & fur' les vendanges cuvées , fi mieux ils
» n'aiment faire conduire au Preflbir leur vin de
» cuve , pour ledit droit y être perçu ; leur fait
» défenfes de façonner & faire transporter leurs
y> vendanges dans d'autres lieux & Preffoirs que
» fur les Preflbirs banaux du fc'gneur de Palys ,
M fous telles peines qu'il appartiendra.
" Le droit de banalité de four ou de moulin ,
11 dit Dupleffis ( duns fon traité des fiefs , liv. 8 ,
M chap. 2 ) , eft plus perfonnel que réel ; mais le
» droit de Preflbir eft réel ; c'en pourquoi les te-
« nanciers y font fujets , quoiqu'ils demeurent
») hors de la feigneurie , pour les vignes qu'ils tien-
» nent dans ladite feigneurie. Les nobles & les
)) gens d'églife , dit encore le même auteur, font
5J fujets a la banalité dans la coutume de Paris ,
» puifqu'elle n'en fait poitit d'eïemption , & par-
» ticulièremcnt à CwUe de moulin, & même le curé
j) de la paroiflc.
Brillon, vcrbo banalité , rapporte , d'aprts Papon,
un arrêt du 22 décembre 1552 , qui a juré que
les nobles , aufli bien que les autres, font aitiiiettis
à aller au Preflbir banal.
j> La banalité de Prefif^'r, -.-lir aiiHl I? nirjon ,
j> tome premier, p;^ge 4<;^. eft plus ré-.lle eue
» perfonnelle; de-là il ré!u't,' uf. cerx qui tx-
« ploitent des vignes da ;s !'cr< r.cue de !i u.i
M gneurie,y font .i<ic:s par r: pocrt ai'x vigne;,
j» quoiqu'ils ne foieti p 's domiciliés dans l'éten-
>> due d-^ la r.'igneurie. îy s gentihho'nmej ni l^'s
}» ec<;lérMfliques ne font poi.;* ercenipr» de cerre
j) banj'ité , comme ils ne !e fjnt pas de celle de
J» nxiiilin ».
rnFin le pnnripe de la réaLiC des PrtfToirs
banau-; , & d'.' l'-'^Micrtiflemcnt des n i';e- , &
lur-iout des poITeiTeurs de fief aux banalucs , eft
PRESSOIRS. 519
reconnu par un auteur moderne , qui s'eft acquis
la plus grande réputation. On veut parler ici de
M. Pothier. Voici comme il s'explique à cet
égard fur la coutume d'Orléans , dans fon intro-
duâion au titre des fiefs , chapitre 1 1 , feâion 3 ,
page 182.
» La banalité de four & la banalité de mou-
» lin font des banalités perfonnelles , qui ne s'exer-
» cent que fur les perfonnes qui demeurent dans
» l'étendue du territoire du feigneur : c'efl à
» raifon du domicile qu'elles y ont , ou de la
» réfidence qu'elles y font , qu'elles y font
» fujettcs.
» En cela ces banalités diffèrent de la banalité
» de Preflbir , laquelle eft une banalité réelle , à
» laquelle ceux qui pofsèdciit des vignes dans le
» territoire , font fiijets à raifon des vignes qu'ils
» y pofsèdent, quand même ils auroicnt leur do-
» micile ailleurs.
» Dans les banalités réelles , telle qu'eft celle
j> de Preffoir , il efl évident qu'on ne doit point
)) avoir égard aux qualités des perfonnes , puifque
" ce ncA qu'à raifon de leurs biens qu'elles y font
" fu jettes ".
Il y a un cas , où , quoique le feigneur foit
fondé en droit de banalité de four dans toute fa
feigneurie , quelques habitans en font néanmoins
exempts naturellement ; c'efl quand ils font troj3
éloignés du four banal; car, comme le portent
quelques coutumes (i) , la banalité du four n'a
lieu que quand les Jujets y peuveit aller convena-
blement, & fans perte de leurs pâtes. La raifon qu'en
donnent nos auteurs (2) , efl qu'il feroit inique
de contraindre les fujets d'y aller, quand ils font
fort éloignés , à caufe que la pâte étant une ma-
tière facile à corrompre en peu de temps , cela
leur cauferoit u-w grand préjudice. Indépendam-
ment même de l'éloignement , il y a quelquefois
entre le four & le domicile des habitans , des
ruifleaux difficiles à pafler , fur-tout en hiver;
dans ce cas , il faut leur faire bâtir un fécond
four banal dans leur voifinage , ou leur per-
mettre d'en avoir de particuliers (3), en payant
au feigneur quelque modique redevance.
Une pareille exemption s'accorderojt plus dif-
ficilement dans le cas de l'élofgnement'du moulin
ou du Preffoir ; cependant i^uelqucs auteurs (4)
font davis que l'éloign^m-ent pourroit être fi
grand, qu'il feroit jufte, en ce cas , de la leur ac-
' order ; ce qui paroit fondé fur la difpofitinn de
quelques eontuines (5) , qui portent, que le fci-
(i) Cju^ura-.î.i Main-, psrjf, 24-. d'Anjou, ja ar 2j.
(-) Brodetu fui Jacou-.u.iiC du Mains; Albert, iettie 13,
(5) />Ibett, Wii.
U) Balna^je ijr Normandie , parap. ito,
(;) Coutume VV.ijru. pa>-ag. itf, \-, ; du M'ine, parag.
i< ; Touiaine , p^rig. î7; Lo:idunoi«, cha;;. i , parag. ^ ,
chip. 4, parag. 2 j Saimcnge , parsg. 7; Brera^ne , parag.
5Si , jSj,
520
PRESSOIRS.
giieiir ne peut contraindre Tes fujets à venir mou-
dre à fon moulin , s'il ncd dans une certaine
diftance de leurs demeures , comme d'une lieue
ou environ. Et à l'cgnrd des PrelToirs , il y a des
coutumes (i) qui veulent qu'ils ne foicnt dirtans
des vii^nes que d'une demi lieue au plus; cela pa-
role aifez équitable. Je croirois cependant que dans
les coutumes qui n'en parlent point, cela doit de-
meurera l'arbitrage des ju^es.
Mais les fujets peuvent ils acquérir parla pref-
cription l'exemption de la banalité ? Les au-
teurs (2) qui en ont écrit dans l'elprit des cou-
tumes où la banalité appartient de droit à tout
feigneur juAicier, tiennent que s'il n'a ni mou-
lin , ni four, ni PrefToir, les fujets peuvent l'in-
terpeller d'en conflriiire, & que, faute par lui
de le faire , ils peuvent en conftruire eux-mêmes
de domertiques , & par ce moyen , foutenus de la
prefcription , s'affranchir de la banalité.
Et quand même les moulin, four & PrelToirs
du fcigueur feroient en état , plufieurs coutu-
mes (3) font fi favorables au fujet, qu'elles por-
tent , que fi pendant trente ans ils fe font c\H-
penfés de la banalité, ils ont acquis la liberté,
quand bien même il n'y auroit eu aucune con-
tradiélion de leur part. La coutume de Niver-
nois (4) , au contraire, veut que cette prefcrip-
tion ne pulife commencer quafci contrjdifl'un.
Au parlement de Tculoufe (5), on tient que la ba-
naiué étant préfumée avoir été établie in trjdi
tione fiindorurn , ce droit erl imprefcriptible ; m.iis
la queftion eA de favoir comment on en doit ufer
dans les coutumes qui n'ont point de difpofitions
fur ce point.
Celle de Paris eft de ce nombre , & je crois
que ceux (6) qui l'ont interprétje font affci d'ac-
cord , que la contradiction n'eft pas néceflaire
pour donner commencement à cette prefcription ,
ians diftinguer même fj la banalité appartient au
feigneur de la terre ; ils ne fondent cependant
guère leur fentiment que fur le feul arrêt du 22
aoiit 1698 , rapporté par Brodeau (7) , qui n'efl pas
tout-à-fait dans le cas ; car il y avoir cette circonf-
tance , que celui qui fe prétendoit affranchi de
la banalié du Preiïbir par la prefcription , avoit
eu de tout te.nysSi. d'' ancienneté , un Preiïbir dans
fa mnifon , du vu & fçu du feigneur , fans aucun
trouble ni empêchement de fa part. Or cela va-
lolt bien une contradi61ion de la part de ce par-
(i) Counime 'lu Maine, paiag. 28.
(1; Chopin fur Anjou , liv. i , chap. I7 , n. 44,
(j) r.out une d'Anjou , parag. 11; du Maine , parag. 3 i ;
ie Bou.bonnois, paiag. 545.
(41 CcrUiiie 'e Nive:nois , chap. 18 , parag. i.
(5) \ edel , oblcrvations fur Catellan liv. } , chap, 4+.
(.') Sacquet", des d.oits de juftice , chap. 29 , n. io\ Fer
riete fu. Paris , pavag. 7 i , n, 6 ; Guyot , des fiefs , tome i ,
pair.44- , 44f.
{7) Brodeau fur Paâs, parag. 71 , n. 10 &: j (.
PRESSOIRS,
t'culîef, comme l'avouent quelques-uns de ces
auteurs (i).
Il ne leur refie donc plus, pour foutenir leur
avis, que la dnpofition de l'^irticle 186 de la cou-
tume de Paris , qui porte , que La liberté fe peut réac-
quéfit contre le titre >ie jerviitidt pur trente ans , en-
tre â^é) & non privilégies, Mais la banalité eft-e'le
une fervifUfle } Les régies des fervitudes y font-
elles applicables.'
Au/îi ceux (a) qui favorifent le plus cette pref-
cription, vtu!ent-ils que pour qu'elle ait lieu fans
contradiction de la part du fujet , il faut que le
(cigneur n'ait pu vraifemblablement ignorer que
le fujet n'alloit point à fes fours , moulins Si
PrelToirs : ils veulent de plus que la pofîeffion de
la l.berté ait été publique 6c paifible pendant trente
ans , fuiv.nnt l avis de ('ujas ; ils exigent donc eux-
mêmes quelques faits qui puifient pafler pour une
contra(:l:<51ion , au moins implicite.
Beaucoup d'auteurs penfenr que le feigneur peut
acquérir la banalité du Prefibir par ime poffcffion
trenttnaire , précédée d'une prohibition d'aller
preiï'urer ailleurs.
Cette prohibition doit être faite fur les réquifi-
tions du procureur fifcal , d'après lefqucUes le
juge ordonne à tous les habitans & juniciabks de
la leigneurie , d'aller prefTurer leurs raifins dans
les PrelToirs banaux de la feigneurie , avec dé-
fenfes qui leur font Si demeurent faites de por-
ter leurs raifins à d'autres Prefioirs que ceux de la-
dite feigneurie , à peine de confiîcation & d'a-
mende, fuivant la coutume; ce qu'il ordonne être
exécuté par provifîon , nonobflant appel ou oppo-
fition , & Ians y préjudicier.
On fait faire ces publications Si les affiches par
im fergent , un jour de foire ou de marché du lieu ,
dont on dreffe au bas de l'ordonnance un afle figné
du greffier (■;).
( 1 ,1 ouyot , loc. citat^ V^i^ 4^4
(1) Guyot , ibid,
(i) V^icictt aflt :
L'an .. le... avant ou après midi, à la requête de M' Jean
Hardi , procureur rîfca! de la juih'ce de... demeurant audit
lieu ; je... f<rgfat rci^u & immatJiculc en la jui'iice de... de-
meurant audit lieu , fcuifigné, certihe m'être tranfporré en la.
place pulliqiic de la halle du même iieu , oti âant &: au-
dev.int de Ijdire ha!le , affilié de Jacques... tamhour ordinaire
de ladite ville; &: icelui Jacques... ayant battu fa caille un
temps fuffifant, le peuple ell furvenu , auquel j'ai lu& pu-
blié à haute &: intelligible voix l'ordonnance ci-dcfTus, après
quoi l'en ai affiche copie écrite fur une fouille de papier tiin-
br; , au inurde ladire halle &: anenanc la porte &: entrée d'i-
celle; d'où je me fuis tranfporté à la pl.ice du marché , où
étant , ledit Jacques... a de même battu fa caifle , & le peuple
étant furvenu , j'ai pareillement lu Se publié à haute voix
bien intelligiblement ladite ordonnance, Se affiché icelle au
coin du mur, Se afin que pcrfonne n'en ignore , ayant déclaré
en l'un &: en l'autre endroit que j'aJJois en dreflér n-on pro-
cès-verbal peur ftrrvir aud t rrocur. ur lîfcal &: i tous qu'il
appartiendra , ainfi que de raiion ; le tout fait en préftnce ôc
affiflé dudit Jacques... & de Pierre Delorme , aaJli fer|;ent
de certe juilice ,y demeurant, témoins qui ont ligné mon
préfert procès-veibal avec moi , lequel fera contrôle fuivant
Toidonnance.
La
PRESSOIRS.
La fignlficatîon du tout faite au procureur-fyn-
dic de la communauté, rendroit encore les droits
du ieigneur moins conteltables.
La banalité de Prefroir emporte , au profit du fei-
gneur , le droit de faire détruire les Preiibirs que
des baniers pourroicnt avoir fait conflruire dans
leurs maifons.
Cette règle efl écrite par-tout; on la trouve fm-
gulièrement dans le traité des droits feigneuriaux
de Defpeifles , titre 4 , feâl. 3 , avec les autorités
qui 1 etabliiTent , & les exceptions qui la modifient.
Voici les termes de cet auteur :
j> Puifque les fujets font obligés à moudre ou
ï> à cuire, ou à prefforer es moulins, fours ou
»> FrefToirs baniers , pour empêcher qu'il ne s'y
ï» commette aucune fraude, le feigneur a droit
»» d'empêcher de baflir autre moulin ou four, ou de
•> taire autre Preflbir fans fa pcrmiflîon : autrement
>» il peut faire démolir le moulin». Clar. ^.feuduniy
qua:j}, 30; Bacquet au traiié dis droits di juf}ic£f
chap. £9 , n°. 5 ; & Cnrond. enfes pandiUe? , livre
2 , chapitre 16 , comme il a été jugé au parlement
de Paris, le 29 janvier 167) ; Brod. fur Louet ,
lettre (M) , chap. 17 ; il en eft de même du four.
Baquet d. n°. 5 , & la Roche au traité des d'oits fti-
gnetiriaux j ch.ipifre des fi'urs baniers^ \6 , art. 3 ,
comme il a été jugé au parlement de Toiiloufe en
l'an 1628 , c. en faveur du fieur Vignes, avocat de
î> Montpellier , contre certains habitans de Gi
»> geau , qui avoient bâù un four au préjudice des
« fours banaux que ledit fienr Vignes y avoir. Le
» femblable fut jugé par ordonnance des tréforiers
»> de France de la généralité de MoiupeJli-r , en
J> l'an 1635 •> ^" faveur de la dame de Mairai-
» gués; & moi , ayant été choifi pour commifîaire
» par ladite dame, en exécution de ladite ordou-
» nance, je fis démolir un four qui avoir été bâti
* dans Frontignan , au préjudice des fours banaix
« que ladite dame y avoir. Voite même ceux à qui
>> le feigneur , qui a droit de four banal , a doniiC
« permilîion d'en bâtir un autre, ne peuvent pas
» faire cuire le pain de leurs voifins dans le fou''
î> non banal , fur peine de confifcation dudit pain
» au profit du feigneur.
La Roche, audit chap. 16, art. 3 : « Ce quia
>» été dit du moulin ou four banal , a auiïl lieu pour
» le regard des Preflblrs banaux, car fans la per-
« mifflon du feigneur banal , autre ne pourra faire
j> un Preffoir , autrement le feigneur le pourra
)> faire démolir ". Carondas en fes réponfes, liv.5,
chap. 23 : « Seulement fi le feigneur banal a fouf-
» fert qu'on ait bâti un four ou moulin , o\\ fait un
j> Preffoir dans fon fief, il n'a pas droit de le faire
» abattre quelque temps après , comme il a été
» jugé au parlement de Paris, au mois de juin
» 1467, fur le fujet d'un PrelToir ; Carond, audit
n chapitre 23 , parce que le feigneur , par tcU;
« fouffrance & permilîion , a dérogé à fon droit
» pour ce regard ».
Ceft une grande queftion de favoir comment
T^t XUL
PRESSOIRS. pr
la vendange doit être apportée fur le Preflbir ba-
Hil. Tous les auteurs diiént la vewû'j/z^i?. « C:pen-
» dant j'ai vu , dit Guyot , tome i , p. 438 , l'ufagi
>» de plufieurs feigneuries, contraire , c'eit à-dire ,
j « qu'on tire de la mère goutte de la cuve , qu'on y
» appelle la fleur de cuve, & on porte après îi
» vendange , ainfi foulée & égouttée, fur le Pref-
w foir, qu'on appelle en quelques endroits marc ;
» en forte que le droit ne fe lève que fur le vin
» qui fort du Prefibir , ou , fi c'eft en argent , à rai-
» fon de tant par chaque muid qui (on du Preffoir.
»» On en ufe ainfi à Vaux , près Meub.n ; à Senne -
» ville, prés Mante ,& autres endroits de ces vi-
j> gnobles circonvoifins , où il y a Preffoirs banaux
» ou non banaux. Je crois cependant que, dans
» h règle , ils doivent apporter toute leur ven-
» dange.
» Quant à la banalité du Preffoir, ajoute la
)> Combe dans fon recueil de jurifprudence , verho
>i banalité, toute la vendange provenant des vi-
» gnes fujeues à la banalité , doit être portée au
» Preffoir banal , & le droit en eft dCi , même de la
1» mère goutte. Chopin fur Anjou , liv. 2 , part. 2 ,
» chap. I , tit. 3 , /2°. 5 . »
L'article 90 de la coutume de Paris , dit : Pref-
foir édifié en une maifon efl réputé immeuble , parce
que l'édification & conftru61ion montrent que l'in-
tention a et? de le laiffer pour perpétuelle demeure ,
& pour Tufage ordinaire & perpétuel du fonds ; de
telle forte, que fi le Preffoir fe peut mouvoir &
rranfporter d'un lieu à un autre tout entier & (ans
fradlion , il eu confidéré en ce cas comme un meu-
ble ; &c c'efl par cette raifon , qu'il a été jugé par
arrêt rendu aux grands jours de Troies ,1e 14 o6io-
bre 1583, remarqué par Automne fur la loi 03 ,
au dig. de vrbor.fgnificat. ({u'un Preffoir à vis , osi
.T roue , dreffé dans une maifon vendue par décret,
funs qu'on eût fait mention du Preffoir , étoit meu-
ble , & comme telle n'appartenoit pas à l'ajudi-
catairc.
Les coutumes d'Etampes , art. 1 29, de Verman-
dois , art. 102, de Reims , art. 20 , & autres , di-
fent en géaétal que les Preffoirs font réputés im-
meubles. L'article 3"; 3 de la coutume d'Orléans, a
confuJéié les diverfes parties dont le Preffoir eft
compofé , & porte, que les jumelles, arbres,
buées, mets , vis & écrous d'un Preffoir, & ce qui
y tient (k e(\. arrêté par clîcvilles, clous & cram-
pons , font héritages , & le refte efl meuble. Mais
les autres coutumes , comme celles de Mehin , art.
279 , de Normandie, art. 492 , de Touraine , art.
223 , jugent de la qualité du Preffoir, s'il efl meu-"
ble ou immeuble, félon la manière dont il efl
pl.;cé; & quand c'cfl un Prcfloir édifié dans une ma -
loii , dont il ne peut être ôré fans ledépéver 6; le
défaffembler, il efl réputé immeuble. Voyez la
coutume de Berry, tit. 4, art. 6 ; Brodeau lur
l'rrt. 90 de celle de Paris ; & Bouvet fur celle de
Bourgogne, tir. 4, art. 2.
Celt, dit la Thaumaffière , la deftinatlon 8ê la
Vvv
5ii PRESSOIRS.
«qualité du Preflbir qu'il faut confidérer, pour ju-
ger s'il ç{\ meuble ou immeuble ; s'il e(ï attaché en
rerre, & s'il ne fe peut défunir , dér^iTemblcr &
tranfporter fans fraéîure ni détcrioration , il efl im- .
meuble , Si. comme tel appartient à l'acheteur de la ;
imairon & du fonds fur lequel il eft édiHé, quoique
ia vente n'en fafTe pas de mention exprefle. La
Thaumajfière dans fes décifions fur la coutume de BiT-
ry ^ liv. I , chap. 50.
L'article 226 de la coutume de Touraine y met
lîne exception à l'égard ûe% fermiers & ufufrui-
tiers , & porte , qu un ufufruitier , fermier , loua-
ger , ou autre femblable , qui auroient fait faire
quelques cuves , PrclToits , ou autres chofes fem-
blable^ pour fa commodité , encore qu'elles fiif-
fcnt attachées à clous ou à chevilles , il les peut
lever , finon que le propriétaire l'en veuille récom-
penfer. La ThaumalTiére dit que cette difpofition
de la coutume de Touraine doit être fuivie dans
l;s coutumes qui n'en parlent pas ; & la raifoti
en eft évidente, attendu que ce qu'un fermier,
ulutruititr & autre feinblahle , fait mettre & édi-
fier dans les biens qu';l tient à erme par ufu-
fruit & pour un temps feulement, n'e/1 que pour
la commodité particulière, & non pas pour un
«'fage perpétuel , perpttui usât ; deftination qui le
lait confidérer comme immeuble. Ceft de 1^ que ,
par arrêt du 7 mars 16$ i , fur les conclufions de
M. l'avocat général Bignon ,&. rapporté par Soëf-
ve , tome 1 , cent, i , chap. 64 , il a été jugé pour la
coutume d'Anjou, qui n'en parle pas, qu'un curé
ayant fait conflruire &c bâtir , pour fa commodité
particulière , un PrefToir dans la maifon presbyté-
rale,il en avoit pu difpofer, par (on teftament,
comme d'un meuble & chofe à lui appartenant,
contre les paroifîîens qui le prétendoient comme
immeuble, parce que , comme fa qualité d'ufufrui-
tier lui auroit permis de l'enlever de fon vivant,
U avoir pu aufli en difpofer en mourant , & par fon
leftament.
Suivant la coutume de Paris , l'aîné, outre fon
Î>rincipal manoir , doit avoir la cour où il eft bâti^,
es folfés & tout ce qu'ils contiennent, l'enclos ou
jardin joignant, jufquà concurrence d'un arpent;
plus, la baiîe-cour, qui doit faire partie du préci-
put de l'aîné, encore qu'il y ait un foffé ou un che-
min entre deux ; que fi dans la cour ou baffe-cour
il y a im moulin , un four ou un Prejfoir , elle dit ,
à l'article 14, qu'à l'égard du moulin le corps en
appartient à l'aîaé, mais que les revenus font fujets
à partage comme le rcfie du fief; & que fi c'e(t un
four ou un Preffoir le corps & les revenus en ap-
partiennent à l'aîné, à moins qu'il n'y ait une ba-
nalité qui y foit attachée , auquel cas le corps du
PrefToir ou du four appartient à l'aîné ; mais les
revenus font fujets à être partagés entre tous les
enfans. En un mot, la coutume décide que tout
moulin , four ou Preffoir qui fe trouve dans la baffj-
cour du principal manoir , appartient régulièrement
à i'aîné, parce que fuperficies ce Jk folo, maïs que
PRESTATION.
quand la fuperficie change trop notablement la
qualité du four, la règle devoir recevoir quelque
exception. Sur ce fondement elle a décidé que le
moulin étant toujours pour le profit, & étant rare-
ment p«ur le feul ufage de la mailon, les profits
en dévoient être partagés entre les enfans comme
le refie du fief, &. cela, foit que le moulin fût ba-
nal ou non ; mais que, comme on pouvoit faire un
four ou un PrefToir pour l'ufage de la maifon feule-
ment , les profits du four ou PrefToir fitués dans la
cour ou bafTe-cour du château , appartenoient à
l'aîné , à moins que le four ou Preffoir ne fût banal ,
auquel cas, comme il efl pour le commerce &
pour le lucre , ik non pour le feul ufage du logis,
les revenus en dévoient être partagés entre tous
les enfans. Dans cet ?rticlo 14 de la coutume de
Pans, qui eft de nouvelle réformation , on n'a pas
fuivi ent èremcnt l'opinion de Dumoulin ; car il
a ufé de cette diftinétion , n^ême à l'égaid du mou-
lin , 5i avoir 'iit qu'il falloir examiner s'il éioit def-
tiné pour le commerce, fi ce n'étoit qu'il fe trouvât
fitué /uper folo ip/ïm princip'di manfionls , tune enim
necifjarib in^ludcreiur appui auone dvmus ^ tantjuàn
e'jus pan , 6" ctdirtt jol». Ou que le fief même ne
confifiât que dans !e mouKn, comme il dit qu'il en
a un, lejui;! relève d'un fief qui lui appartenoit
autrefois , & qu'il a cédé a fon puîné , en commen-
çant à fe donner tout entier à l'étude , ijubd litteris-^
i'udiis cju c imme'lu , minori f'arri dtdi , & dans le-
quel il rentra , lorfqu'il fit juger la révocation de
cette donation. {Article de M. H***, avocat, au
parlement^.
PRESTATION". On donne ce non à certaines
redevances annuelles qui fe payent en grains,
en volailles Se autres denrées, mên;e en voitu-
PRESTATION DE SERMENT. C'elï l'afle par
lequel on promet par ferment , devant un juge, de
bien remplir les fonflions d'une charge , d'un em-
ploi , ou d'une commiffion. ;
Ainfi la Preftation de ferment efi un afle judl-
claVre qui n'efl point affujetti au contrôle des aftcs ;
c'efl ce qui a été décidé au confeil le i^ décem-
bre 1731-
Les officiers de judicature, de. police & de fi-
nances, prêtent ferment quand on procède à leur
réception.
Les experts doivent pareillement prêter ferment
avant de remplir leur commiffion. Le règlement
un confeil du 21 mars 1676, d-fend aux juges &
commiffaires des cours & juridiélions royales &
fwhalrernes , même des juftices eccléfiaftiques &
des ftigneurs , de recevoir le ferment des experts
avant que les exploits d'affignation leur aient été
repréfentés dûment contrôlés.
Les appointemens ou fentences qui ordonnent
une vifite ou rapport d'experts; ceux qui donnent
afle de la nomination des experts, leurs Preftations
de ferment & les jugemens qui entérinent les rap-
ports , doivent être (celles avant qu'on puiffe s'ca
PRET.
fervir , lorft^H'îls font émanés d'une jundl£t'ion (
royale ; ceA ce qui réfulte d'une décifion du cou-
feil du 3 i décembre 1722.
Les employés des lermes du roi ne peuvent
point exercer leurs emplois avant d'avoir prêté
i'erment.
PRESTIMONIE, On appelle alnfi des efpèces
de pr.;bendes qu'on donne à des eccléfiaî^iques ,
foas la condition de dire quelqoes raelTes ou
prières.
On diûingue pUifieurs fortes de Preflimonies.
Dans leur vt-ritable ojjet,cc fout des fouda-
tions faites pour entretenir des prêtres , pour aider
& fervir les paroifies.
Néanmoins on appelle auffi Prefiimonie , cer-
taines fondations de meffcsou autres prières qu'on
fait acquitter par tel ecclcfiaftique qu'on juge à
propos , moyennant la rétribution qui y eli atta-
chée : on appelle même encore Pre[limonic , des
fondations faites pour l'entretien des prêtres qui
ne font chargés que de deux ou de trois meliés
par an.
Il y a d.;s PreAitnonics ou portions preftimonia-
les , qui font données en titre perpétuel de béné-
fice , & celles-ci (om en effet de véritables béné-
fices , differens néanmoins des chapelles, en ce
qu'Us n'ont aucun lieu qui leur foit propre, 6c que
ces Prefiimonies s'acquirtent dans une églife qui
n'appartient pas au bénéfice de celui ^ui e't chaigé
de les acquitter.
Il y a encore d'autres Preftimonics ou portions
preftimonialcs , qui ne font données que pour un
temps , & qui f»nt détachées des revenus d un hé-
néhce , mais qui doivent y retourner : ces forre^
de Prefiimonies ne font pas des bénéfices.
Les co-adjiuorcries ne font pas non plus des bé-
néfices , mais de fimples Prefiimonies.
PRÊT. Aâion par laquelle on prête de l'argent
ou autre chofe.
On difiingue plufieurs fortes de Prêts, dont les
principales lont le Prêt de confomption , qu'o-n
appelle en droit mutuum , & le Prêt à ufage, qu'on
appelle en droit commodatum.
Du Fret de confomption. Le Prêt de confomption
eft un contrat par lequel nn des contraclans , qu'on
appelle \t prêciur , transfère la propriété d'une iom-
me d'argent , ou d'une certaine quantité d'une
chofe qui fe conlommc par l'ufage, à l'autre cos-
traflant , qu'on appelle V emprunteur , lequel s'obli-
ge de rendre au prêteur une pareille fonime ou
quantité.
Il eft de l'eiTence du contrat de Prêt de confomp-
tion , que le prêteur falTe à l'emprunteur la tradi-
tion de la chofe prêtée. Cependant cette règle re-
çoit une exception , dans le cas où la chofe qu'on
veut prêter eft déjà entre les mains de celui qui veut
l'emprunter. Par exemple : vous avez dépofé mille
écus chez Pierre , & vous vous déterminez enfuitc
à lui prêter cette fomme; il eft clair que vous ne
pouvez pas faire une tradition réelle de ces mille
PRET.
1^}
écns ; mais votre convention avec lu! renferme
une efpèce de tradition feinte, que les doéLurs ap-
pellent traditio bnvis manûs , par laquelle on lup-
pofe que Pierre vous a rendu vos mille écus, 4k
qu'eni.uite vous les lui avez remis à titre de Prêt ;
6i cette tradition feinte fuffit pour la tranflation de
propriété.
O'eft cette tranflation de propriété qui fait le cr-
raftère diftinflif du Prêt de confomption , & qui ".c
diflingue du Prêt à ufage.
Il faut par conféquent , pour la validité du prêt
de confomption , que le prêteur foit propriétaire
de la chofe qu'il prête , & qu'il ait le droit de la-
liéii'.r. A'.rifi le Prêt que feroit un mineur ou un in-
terdit ne feroit pas valable.
11 eûaufii dei'efiénce du contrat de Prêt de con-
fomption , qu'en recevant la chofe prêtée , l'cni-
pruntear s'oblige à en rendre autant.
S'il s'obiigeoit à rendre davantage , comme fi ,
ayant rec^u vingt ferisri de blé, il s'obii^eoità en
rt;ndre dans un an vingt- un fetiers ; ou (i ayant
reçu raille écus, il s'obligeoit à rendre trois mille
cent cinquante livres , le contrat ne vaudroit que
jufqu'à concurrence de la quantité ou de la fommc
que l'emprunteur auroit reçue. La convention fe-
roit nulle , comme ufuraire , pour le furplus qui
pourroitétre repéré par l'emprunteur, s'il i'avoit'
Si Teraprunteur ne s'obligeoit à rendre qu'une
fomtwe ou qua:ni:é moindre que celle qui lui au-
roit été livrée , il n'y auroit contrat de Prêt que
jufqu'à concurrence de ce que l'emprunteur fe fe-
roit obligé de rendre ; le furplus feroit confidéré
corTiine une donation.
Comme le confentement des parties eA nécef-
f.iire fur tout ce qui forme la fub/lance d'un con-
trat , il faut en conclure que fi Pierre vous a remis
une fomnne dont il comptoit vous rendre fimple-
mcnt dépofitaire , & que vous avez cru recevoir à
titre de Prêt , il n'y a point de contrat de Prêt : d'où
il fuit que la fomme demeure aux rifques de Pierre ,
à qui elle continue d'appartenir.
Le contrat de Prêt de confomption eft de la elafle
des contrais du droit des gens: il fe régit par les
fevilcs règles du droit naturel , & n'eft , quant à fa
fubflance, alTujetti à aucune formalité par le droit
civil. Il peut avoir lieu avec des étrangers comme
avec des regnicoles.
Ce contrat eft auffi de !a claiTe des contrats de
bienfaifance , attendu que le prêteur n'en retire au-
cun avantage que celui d'obliger l'emprunteur.
Les chofcs fufceptibles du contrat de Prêt de
confomption, lont celles qui fe confomment par
l'ufage qu'on en fait.
On peut divifer ces chofes en deux efpèces :
l'une comprend les chofes qui fervent à la nourri-
ture ou à l'entretien de l'homme ou des animaux ;
tels font les blés , les vins . les étoffes , &c.
La féconde efpèce renferme les chofes dont la
confomption n'eft que civile» & aon nsturelle. Tel
V Y v ii
5 24 PRET.
eft l'argent comptant. L'iifage qu'on en fait confiAe
à le dépenfer ; & quoique les efpèces ne foient
point détruites par-là , il ne laiffe pas d'y avoir une
confomption pour celui qui a fait la dépenfe , puif-
qu'il ne lui rerte plus rien.
L'obligation que contrarie l'eiTiprunteur par le
contrat de Prêt de confomption , donne au prêteur
une a61ion perfonncUe qu'il peut exercer contre
l'emprunteur & contre fes héritiers ou fuccefTeurs
à titre univerfel , pour fe faire rendre la même
fomme ou la même quantité qu'il a prêtée.
L'argent prêté doit-il être rendu fur le pied qu'il
vaut au temps à\\ payement, ou fur le pied qu'il
valoit au temps du contrat ? On tient pour maxime
pArmi nous , qu'il doit être rendu fur le pied qu'il
vaut au temps du payement. Cette jurifprudencc
ei^ fondée fur ce que dans la monnoie on ne confi-
dère que la valeur que le fouverain y a attachée. Il
rèfulte de là cette conféquence , que ce ne font pas
les pièces de monnoie, mais feulement la valeur
qu'elles fignifîent , qui font la matière du contrat
de Prêt : ainfi c'eft cette valeur , plutôt que ces
pièces de monnoie, que l'emprunteur emprunte &
s'oblige de rendre ;d où il fuit , qu'en la rendant ,
il remplit fon engagement , quoique le fouverain
ait apporté du changement dans les fignes qui la
r^préfentent , & qu'il faille , par exemple , pour
faire cette valeur , un nombre plus confidêrable de
pièces (le monnoie que celui qui a été délivré par
le prêteur.
H fe pr Jfente une autre queftion : Peut-on, au
lieu de prêter une certaine fomme, telle, par exem-
ple , que 2400 livres, prêter cent louis d"or , avec
ilipulation que l'emprunteur rendra un pareil nom-
bre d'efpèces d'or , de même poids & aloi , quand
même le fouverain viendroitpar la fuite à en aug-
menter ou diminuer la valeur; & que , dans le cas
cù les efpèces qui feroient à rendre fe trouveroient
de moindre poids Se aloi , l'emprunteur y fup-
pléeroit ou feroit récompenfé, fi elles êtoicnt d'un
poids plus fort ou d'un meilleur aloi que celles qui
auroient fait la matière du Prêt ^
Il faut répondre qu'une telle ftipulation ne pro-
duiroit aucun effet. La raifon en eft , que le fouve-
rain didribuant fa monnoie aux particuliers pour
leurfervirde figne delà valeur des chofcs , elle
n'appartient aux particuliers que fous ce rapport :
on ne peut donc prêter la monnoie en elle-même ,
comme matière d'or ou d'argent, mais feulement
comme figne de la fomme que le fouverain a jugé
à propos de lui faire fignifier; d'où il fuit qu'on ne
peut obliger l'emprunteur à rendre autre chofe que
cette fomme : ainfi toute convention contraire doit
être rejetée comme une contravention au droit pu-
blic Si à la deftination que le fouverain a faite de
la monnoie.
Ceft confêquemment à cette règle que quand le
fouverain ordonne une nouvelle monnoie, & que
les anciennes efpèces n'auront plus de cours , les
p:irLiculiers font tenus de porter aux hôtels des
PRET.
monnoies , ou chez les changeurs publics , les ef-
pèces décriées dont ils peuvoi t être poflêlTeurs ,
pour les convertir en nouvelles.
Outre l'aélion qu'a le prêteur pour fe faire ren-
dre la fomme prêtée , il peut auffi demander les
intérêts de cette fomme ,à compter du jour qu'il a
mis l'emprunteur en demeure de la lui rendre.
Voyez l'article Intérêt.
Quand le Prêt confifte dans une certaine quan-
tité de chofes fongibles , le prêteur peut obliger
l'emprunteur à rendre une pareille quantité de cho-
ies de la même efpècc. Il faut d'ailleurs que ces
chofes foient de la même qualité que celles qui ont
été prêtées. Par exemple , fi Pierre vous a prêté
cinquante bouteilles de vin de Champagne moiif-
fcux, vous ne rempliriez pas votre obligation en
offrant de lui rendre cinquante bouteilles de vin de
Champagne non mouffeux.
Lorfque l'emprunteur ne peut pas rendre les
choies prêtées en pareille qualité & quantité qu'il
les a reçues , il doit être condamné à les payer fé-
lon l'eltimation.
Mais quelle règle doit-on fuivre pour cette efti-
mation .''
Lorfque le temps & le lieu où le payement doit
fe faire font fpécifiés par le contrat , l'eflirriatlon fe
fait relativement à ce que valoient les chofes prê-
tées dans ce temps & dans ce lieu.
Si le temps & le lieu n'ont pas été fpécifiés , les
chofes doivent, fuivant le droit romain, être efti-
mées , eu égard au temps de la demande , & au lieu
où elle a été formée.
Obfervez que cette décifion ne doit être fuivie
que quand l'emprunteur n'a pas été mis en demeure
de rendre , Se au'immèdiaiement anrêsla demande
formée , les parties font convenues , pour leur com-
modité réciproque, que l'emprunteur paycrolt 1 ef-
tiination à la place ai la chofe : mais fi ce dernier
avoir été mis en demeure de remplir fon obliga-
tion, & que la valeur de la cliofe prêtée fût aug-
mentée depuis la demande, il faudroit le condam-
ner à payer cette chofe fur le pied qu'elle vaudroit
au moment de la conc'amnarion. La raifon en eft ,
que la peine de la demeure confifte en ce que le
débiteur eft tenu d'indemnifer le créancier, non-
feulement de la perte que cette demeure lui a fait
fouffrir , mais encore du profit dont elle l'a privé.
La chofe prêtée doit être rendue au prêteur, &
elle lui eft cenfée rendue , lorfqu'on la rend à une
pjrfonne à qui il a donné pouvoir de la recevoir
pour lui.
La chofe eft pareillement cenfée rendue au prê-
teur , lorfqu'on la rend à quelqu'un qui a qualité
pour la recevoir. Ainfi , une chofe eft cenfée ren-
due à la femme ou au mineur qui l'ont prêtée ,
lorfqu'on la rend au mari de cette femme , ou au
tuteur de ce mineur.
Il arrive quelquefois que la chofe prêtée ne doit
pas être rendue à la perfonne qui a fait le Prêt ;
ceci a lieu lorfque , depuis le Prêt , le prêteur a
PRET.
perdu la vie civile par la profeflîon religieufe ou
par une condamnation à une peine capitale. Dans
le premier cas , la cliofe ne peut plus être rendue
valablement qu'aux héritiers ou autres fuccefTeuis
iiniverfels des religieux: dans le i'econd cas, la
chofe doit être rendue au feigneur au prorit duquel
la confifcation des biens du prêteur a été pro-
noncée.
On ne peut pas non plus rendre valablement la
choie à la perfonne qui l'a prêtée , lorfque depuis
le Prêt elle a changé d état. Par exemple , fi une
hile qui vous a prêté de l'argent s'eft mariée depuis
le Prêt, c'eft à Ion mari que vous devez rendre cet
argent: fi vous le rendiez à elle-même, vous ne
feriez pas déchargé de votre engagement , à moins
qu'elle n'eût été autorilee à recevoir, ou que vous
n'eufliez eu un jufte fujet d'ignorer qu'elle avoit
changé d'état.
Ce que nous venons de dire doit aufli s'appli-
quer au prêteur qui depuis le Prêt a été interdit
pour caufe de folie ou de prodigalité j ce n'eft plus
à lui , c'eftàfon curateur que doit être rendus la
chofe prêtée.
Il y a néanmoins cette différence entre le fou &
le prodigue, que celui-ci n'efi privé de l'adminii-
tration de fon bien que par la fentence d'interdic-
tion, au lieu que la folie de celui là le rend par
elle-même incapable d'adminiftrer fon bien , U que
la fentence d'interdiâion fert feulement à conlta-
ter fa folie. Il fuit de là , que le payement fait au
prodigue avant la fentence d'interdidion efi vala-
ble, iSi que celui qui , avant une pareille fentence ,
fcroit fait au prêteur devenu fou , ne déchargeroit
pas l'empiunteur qui auroit eu ou pouvoir avoir
eu connoiffance de la folie du prêteur.
Obfervcz cependant que fi , en rendant la chofe
prêtée au fou qui n'eft pas encore interdit , l'em-
prunteur ne s'eft point apperçudela folie du pré-
teur , parce qu'elle n'avoir pas les caraâères qui
font rema.'Tîuer facilement cet état , il feroit dé-
chargé de i'on obligation.
Lorfqu'on a prêté une fomme d'argent fans que
les parties fe fuflent expliquées fur le lieu où elle
feroit rendue , le débiteur doit la payer au lieu de
fou domicile. La raifon en eft, qu'une convention
a l'égard d'une cho<e fur laquelle les parties ont
gardé le filence , doit s'interpréter de la manière
qui cil la moins onéreufe au débiteur.
Cependant fi le prêteur étoit domicilié dans le
fr.érn.p lieu que l'emprunteur , il conviendroit que
eelui-ci payât dans la maifon du prêteur. C'cft ,
félon l'obfeivation de Dumoulin , une déférence
que le d biteur doit au créancier.
Si vous prêtez vos deniers à quel-juVin dont le
domif'Ie cft éioigné du vôtre , vous p'aivez vala-
blement Iliputet qu'ils vous feront rendus dans le
lieu oîj voiib réfidez , parce que s'il en coûte quel-
que chofe à l'emprunteur polir faire fa rcmife , il
n'y a point d'ufure de votre part : en effet , l'ulure
eft un profit que le prêteur retire du Prêtj or, il
PRET. 515
eft clair qu'en vous rendant vos deniers au Heu où
vous les avez prêtés & où ils feroient encore fi
vous ne les culîiez point prêtés ^ vous ne retirez
aucun proHt du Prêt.
Mais il en feroit différemment fi , en prêtant vos
deniers à Pans , vous chargiez femprunteur ucn
fiire la remife à fes frais dans une ville éloignée
où vous auriez vous-même été obligé de faire cette
reniife,fi vous n'euffiez point fait de Prêt. Il efl
évident que dans ce cas il y auroit ufure , puifque
vous retireriez un profit du Prêt; c'cfi pourouoi
l'emprunteur Icroit tonde à vous faire, à Paris
des offres de vous rendre la fomme prêtée; & , fi
vous refufiez de la recevoir , il pourroit faire dé-
clarer fes offres valables , nonobffantla convention
de payer ailleurs , qui feroit déclarée nulle.
Si le Prêt eft d'une certaine quantité de chofes
fongibles , comme de cent bouteilles de vin , de
vingt chapons , &c. Ces chofes doivent fe ren<!re
dans le lieu oii s'eft fait le Prêt , plutôt qu'au do-
micile du débiteur. La raifon en eft , que la valeur
de ces chofes n'étant pas la même dans les diffêrcns
lieux , il pourroit arriver que l'emprunteur ren-
droit plus qu'on ne lui auroit prêté , s'il étoit oblioé
c'e les rendre ailleurs que dans le lieu où elles liù
auioient été livrées ; ce qui feroit contraire à la
nature du Prêt.
Suppofez , par exemple, qu'un Parifien étant à
Dijon, ait emprunté d'un bourgeois de cette vil's
une queue de vin de Bourgogne ; c'eft à Di}o;i
que l'emprunteur doit rendre le vin , & non à Pa-
ris , qui eft le lieu de fon domicile , parce qu'une
queue de vin de Bourgogne vaut beaucoup plus à
Paris qu'à Dijon.
Si au contraire un bourgeois de Dijon avoit em-
prunté d'un Parifien une queue de via de Bour£;o-
gne à Paris , ce feroit au domicile du prêteur oiie
le vin devroit être rendu , autrement il recevroit
beaucoup moins qu'il n'auroit prêté.
Du Prêt à ufige. Le Prêt à ijfage eft un contrat
par lequel un des contraflans donne gratuitement
à l'autre une chofe pour s'en fervir à un certain
ufage, & celui qui la reçoit s'oblige de la rendre
après qu'il s'en fera (ervi (1).
Il eft de l'effence de ce contrat , que la chofe qui
(1) Fcmule de ce contra'.
l'ar devant les noiaiies, &c.
Fur préfent Pierre Lourfin , demeiirnnt à... lequel recon-
noîr qu'Etienne Luiîon, à ce préfent, deuieuraat , &c. lui a
prêîL ceiourJ'hui Ion cheval ( dire de quel y cil (y de quel fa-
çon il eft ) pour aller à Roui.n , lequel il promet K'i rendre
& reiluucr d'hui en un mois , fain , ertier cel qu'il l'a f/ca
Jvidit Luffon ; &: à faute de ce , promet lui paysr l'eltimatica
d'icelui , dont i's font convenus à la fomme de... laquelle
fomne ledit I,ourl'"n promet payer audit temps, au cas qu'il
foit arrivé perce dudit cheval, par quelque u.auii>ie que ce
foit, ou que IcJft cheval foie diminué de pri.x par quelque vice
ou défaut qui feroit furvenu pecdan: qu'il aura été es main
du 'it Lourlîn ; car autrement, & fans cette convention, le
prêi dudit cheval n'autoit pas été fait. Et pour rcxûHiion des
pré lentes , *:c.
ji6 PRET.
en fait la matière foit remife gratuitement à l'em-
priinteiii ; autrement ; fi !e prêteur retiroit quelque
cliofe du Prêt, ce feroit uns efpèce de contrat de
louage.
Toutes les chofes qui font dans le commerce 5c
qui ne fe confomment pas par l'ufage qu'on en
fait , peuvent erre lobjet de ce contrat.
Le droit que le Prêta ufage donne à l'emprun-
teur de fe fervir de la chofe prêtée , fe borne à l'u
fage pour lequel la choie a été prêtée , fans qu'il
puiffe l'employer à d'autres ufages , à moins qu'il
n'y ait un jufte fujet de croire que le prêteur y con-
fentiroit, s'il le favoir.
Les obligations que l'emprunteur contrafte par le
Prêt à ufage , font celle de rendre la cho(e q\ii lui
a été prêtée , & celle de conferver cette chofe.
L'emprunteur uc(ï obligé de rendre la chofe
qu'après le temps ftipulê par le contrat ;& fi on
n'a Hxé aucun temps , qu'après celui qu U lui a fallu
pour fe fervir de la chofe fclon l'ufage pour lequel
elle lui a été prêtée.
Cependant fi le prêteur fe trouvoit dans un be-
foin preffant & imprévu de la chofe prêtée, il fe-
roit fondé à demander qu'elle lui fût rendue , mê-
me avant l'expiration du temps pour lequel elic
auroit été prêtée. La raifon en eft , que perfonnc
n'efl préfumé vouloir faire plaifir à un autre .à fon
piéjudice , & que le cas d'un befoin preflant & im-
prévu efl ccnfé tacitement excepté de la permil-
fion accordée à l'emprunteur de fe fervir de la
chofe durant le temps convenu.
Obfervez toutefois que fi vous aviez un befoin
prefTant 8c imprévu de la chofe que vous m'auriez
prêtée , & que je ne pufle vous la rendre fans
cu'il m'en réfultàt beaucoup de préjudice, je de-
vrois être admis à vous fournir, à mes frais, une
chofe femblable , jufqu'à ce que je pufle vous ren-
dre la vôtre fans inconvénient.
Suppoftz , par exemple , que vous ayez »Dut
à coup befoin des tonneaux que vous m'avez
prêtés, & dans lefquels j'ai mis du vin, je dois
être reçu à vous fournir d'autres tonneaux à mes
dépens , en attendant que je puiffe vous rendre
les vôtres.
On peut aufli répéter la chofe avant l'expira-
tion du temps pour lequel elle a été prêtée, lorf-
que l'objet pour lequel le Prêt a eu lieu , fe
trouve rempli. Suppofez , par exemple, que j'em-
prunte votre carrofTe pour un mois , afin de m'en
fervir à un voyage que je crois devoir durer cet
efpace de temps , Se qu'au bout de quinze 'joins
je fois revenu , vov.s ferez fondé à demander
que je vous rende votre carroiïe , parce qu'en
ayant fait l'ufage pour lequel je l'avois emprun-
té , je n'ai plus aucune raifon valable pour le
retenir.
On peut encore répéter la chofe prêtée avant
l'expirôtion du temp'^ fixé pour la rendre, lorfque
h perfnnne à laquelle on l'avoit prêtée pour un
fifage qui lui é;oit pcrfonnel , eft décédée. Suppo-
PRET.
fez, par exemple, que j'aie prêté un télefcope à
un acidémicien , pour faire des obfervations af-
trononiiques pendant trois mois , & que Cet aca-
démicien foit mort au bout d un mo's , je pourrai ,
immédiatement après le décès , répéter mon té-
lefcope aux héritiers du défunt , parce qu'ils n'ont
aucune raifon valable poui le retenir, & que l'u-
fage pour lequel je l'avois prêté étoit perfonnel au
défunt.
Mais il en feroit difTiremmenr, û l'ufage pour
lequel la chofe a été prêtée n'étoit pas pcrfonnel
à l'emprunteur. Dans ce cas , fes héritiers pour-
roient , conime lui, s'en fervir, fans que le prê-
teur pût la répéter avant le temps fixé par la
convention.
Pour favoir à qui la chofe prêtée doit être ren-
due , il tant , dans le Prêt à ufage . fuivre les mê-
mes règles que dans le Prêt ds confomption. f^oycr
c: que nous avons dit a cet égard dans cette dernicre
cjpèce de Prêt.
Lorfque les parties ne fe font pas expliquées
lur le lieu oi.i la chofe prêtée à ulage doit être
rendue , l'emprunteur doit la remettre dans la
niaifon du prêteur, à moins que, par la defli-
nation de celui-ci , elle ne foit ordinairement
placée ailleurs , comme dans la métairie du prê-
teur , d'où elle a été tirée pour la prêter ; au-
quel cas l'emprunteur doit la remettre dans cetre
métairie.
Si , poftérieurement au Prêt ," le prêteur avoit
transféré fon domicile au loin , l'emprunteur ne
pourroit être obligé à rendre la chofe ailleurs ,
qu'au lieu où elle étoit lors du Prêt.
La chofe prêtée doit être rendue dans l'état où
elle fe trouve ; fi elle étoit détériorée , l'emprun-
teur ne feroit tenp de la détérioration , qu'autant
qu'elle proviendreit de fon fait ou des perfonnes
dont il eft refponfable.
Si la chofe étoit périe par quelque accident de
force majeure , l'emprunteur feroit déchargé de
l'obligation de la rendre; mais il faut qu'il prouve
la réalité de l'accident.
Lorfque l'emprunteur a fait des dépenfes pour
conferver la chofe prêtée , il a le droit de la retenir
jufqu'à ce que le préteur l'ait renibourfé ; mais il en
feroit différemment ft l'emprunteur avoit quelque
autre créance contre le préteur , elle ne l'autori-
feroit pas à retenir la chofe prêtée. La raifon en
eft, qu'on ne peut oppofer de compenfation con-
tre l'obligation de rendre un corps certain , tel
quç(ï la chofe prêtée.
-L'emprunteur ne peut pas refufer de rendre la
chofe prêtée , fous prétexte que le prêteur n'en eft
pas propriétaire ; mais fi elle vient à être arrêtée
entre les mains de l'emprunteur par quelqu'un qui
y prétend un droit de propriété , ou qui fe dit
créancier du prêteur , l'emprunteur doit dénoncer
la faifie-arrêt au prêteur » & ne peut rendre la
chofe à celui-ci avant qu'il ai; obtenu main-levéç
de celte faifie-arrêt.
\
PRET.
L'emprunteur ne peut , non plus que fes héri-
tiers , eppofer aucune prefcription pour être dif-
pculcs de rendre la chofe prêtés , lorfqu'eile eft
entre leurs mains. La raitbn eiî eft , que la pof-
felfion d'une chofe el\ toujours cenfée continuer
nu même titre qu'elle a commencé. C'eft le cas
d'appliquer la maxime, nemo porejî ipfe Jibi mu-
ta <: caufam pojjejjionis fux. Ainfi une poffeffion à
titre d'emprunt , réclame perpétuellement pour la
reftitution qui doit être faite de la chofe prîtée.
ObfervL-z toutefois , que fi cette chofe n'étoit
plus entre les mains de l'emprunteur ni de fes
héritiers , l'aflion du prêteur pourroit , comme
toute aaffe action , fe prefcrire par le laps de
trente ans.
L'emprunteur eft non-feulement obligé de pren-
dre , pour la confervation de la chofe prêtée , le
loin qu'un père de famille prend à l'égard de ce
qui lui appartient, il faut encore qu'il en prenne
tout le foin pofiihle , c'eil-à-dire , celui que pren-
nent de leu.s affaires les perfonnes les plus atten-
tives : d'où il fu't , qu'il doit être tenu de la faute la
plus légère. Cette décifion cù. fondée fur ce que
le contrat de Prêt à uiage fe fait pour le feul inté-
rêt de l'emprunteur.
llfuitde-là, quefi, contre ce qui a lieu ordi-
nairement , l'ufage pour lequel la chofe efl prêtée
concernoit tout-a la-fois l'intérêt de l'emprunteur
& celui du prêteur , l'emprunteur ne feroit pas
tenu de la faute la p'us légère , mais feulement de
la faute légère, comme dans les autres contrats qui
interviennent pour l'utilité réciproque des parties
contraflantes.
Le prêteur a contre l'emprunteur & fes héri-
tiers, une aéiien qu'on appelle en droit aElio com-
modati d'iTciU^ dont l'objet principal ell la reflitu-
xion de la chofe prêtée.
Lorfque l'emprunteur , condamné à rendre la
chofe prêtée, l'a pardevcrs lui, Ôf refufe de la
rendre , il doit y être contraint par le juge , qui per-
met , en ce c?.s , au prêteur de la faifir & de l'enle-
ver parle minilière d'un fergent.
Si l'emprunteur ne peut pas rendre la chofe ,
parce qu'elle e/l perdue ou périe par fa faute , il
doit être condamné à en payer le prix , eu
égard à ce qu'elle valoit au temps da la con-
damnation.
Par le moyen d'un tel payement, l'emprunteur
demeure fubrogé aux avions du prêteur pour re-
vend quer la chofe contre ceux qui peuvent l'a-
voir entre leurs mains.
Si la chofe prêtée fe trouve détériorée par la
faute de l'emprunteur , il doit être condamné
aux dommages & intérêts rêfultans de la dété-
rioration.
L'emprunteur doit pareillement être condamné
aux dommrge». & intérêts qui peuvent réfultcr de
fcn retard à rendre la chofe , lorfqu'il a été mis
en demeure après l'expiration du temps pour le-
quel elle ayoii été prêtée.
PRÉTÉRITION.
5^7
^ Voyt:^ îis lois civiles ; le traité dts contrats de
hicnjdïjance . & celai des obligations ; les auvres de
Dcfpi'ijjh d» celles de Dumoulin ; &c. Voyez aufJî
les articles Intérêt , Gage , Usure , Obliga.-
TION . &c.
PRÊT. C'eft le nom d'un droit qui fe payo'tt
autrefois par les titulaires des offices qu'on a de-
puis affujcttis au droit de centième denkr. Voyet^
Annuel , Office , &.c.
Prêt fe dit aulîi de ce qui eft payé aux foldats
pour leur folde ordinaire.
L'article 27 de l'ordonnance du premier juillet
1-27 , veut que le foldat qui dérobe dans les cham-
bres des cafernes , le linge , les habits , ou le Prêt
de ceux de fa chambrée , foit condamné à mort
ou aux galères perpétuelles, fuivant les circonr-
tances du cas.
PRÉTÉRITION. On appelle ainfi l'omifTion
dans un teftamcnt , de ceux que le teftateur devoir
inflituer héritiers; c'efl un vice qui donne lieu d'at-
taquer le teftament par la querelle d'inofficiofité.
La Prétérition eft une efpêce d'injure du fils en-
vers Çon père , ou du père envers ion fils , que la
loi venge en déclarant nul un afte dans lequel le
père ou le fils fembleat aroir oublié la tendre/Te
& l'amour qu'ils dévoient avoir l'un pour l'autre,
La jurifprudence romaine n'a pas toujours été-
d'accord fur ce point. Perfonne n'ignore quelle
étoit dans l'origine l'étendue de la puiffance des
pères chez les romains ; ils exerçeient une efpèce
dcmpire fouverain dans leur famille , & pou-
voient difpofer à leur gré de leurs biens par tefta-
ment. Comme ils abufoicnt fouvent de leur pou-
voir, on chercha à reftreindre cette liberté indé-
finie, 5c peu à peu on la reflerra dans de jufte*
bornes.
La loi des douze tables donnoit aux pères la li-
berté de difpofer de tous leurs bieas par tefta-
mens ; mais , d'un autre côté , elle appeloit les
enfans pour fuccéder à leurs pères. Quand le
père avoir omis de parler de Tes enfans dans fon
teftament, les jurifconfultes décidoient queladif-
pofition du père ne pouvoit avoir d'effet, parce
qu'alors les enfans prenaient la fucceffion en vertu
de la loi.
On commença donc à exiger des pères qu'ils inf-
tituaflént leurs en ans héritiers, ou qu'ils les dés-
hériiafTent expreflément ; enfuite on dit: les en-
fans étant héririers par la loi , ils ne peuvent pas
être privés du bénéfice de la loi , fans caufe ; 6i il
ne fut plus permis aux pères 'ie déshérirer leurs en-
fa;TS que pour les c:;ufes exprimées par la loi. Les
empereurs , & fur-tout Ji'flinicn , confirmèrent
cette interprétation des jurifconfultes , & fixèrent
enfin la jurifprudence.
Dans le principe , la nullité réfultante de la Pré-
térition , n'étcu relative qu'aux enfans qui étoient
fournis à I3 puifiâncf patcrnel'e, eux feuls ctoienr
héritiers liéceîlaires de leurs pères; les enfans éman-
cipés étoient cenfés hors de la famille i ils ne fuc-
5iS
PRÉTÉRITION.
cédoient pas avec leurs trères , &. par confé-
quent ils ne pouvoient attaquer le teftament de leurs
pères.
La loi des douze tables n'appeloit pas non plus
les enfans à la fucceflion de leur mère , & ils ne
pouvoient par cette raifon attaquer fon tertanicnt
cil ils fe trouvoient prétérits. Après avoir éprouve
différentes révolutions , la fuceflion des enfans fut
réglée par la novelle 115 de Juftinien , qui re-
trancha toute diftinâion entre les enfans fournis à
la puiHance paternelle & les émancipés ; il ordonna
que tous les defcendans fucccderoient à leurs af-
ccndans r.uîles ou femelles , en quelque degré qu ils
fulTcnt , par préférence aux afcendans du défunt &
à fes autres parens collatéraux.
Tcus les enfans fe trouvant donc appelés à fuc-
céder à leurs parens, il ne fut plus permis de les
priver d'une fucceflion qu'ils tenoient de la loi ,
{bit direfvement , par une exhérédation injufte &
ians caufe ; foit indirectement , parce que leurs pa-
rens ne les avoient pas inftitués héritiers. Il leur fut
permis d'attaquer le teftnment dans lequel ils
avoient été prétérits , & de le faire déclarer nul
par la querelle d'inofficiofité.
il fe Ht une révolution femblable touchant la
fucceflion des parens .î leurs enfans. Le père qui
avoit fts enfans fous fa puiflance , ne leur fuccè-
doit pas ; mais il avoit, à caufe de la puiflance pa-
ternelle , tous leurs biens. Il ne fuccédoit pas à
ceux qui avoient été mis hors de la famille par l'é-
mancipation. Les mères ne fuccédoient pas non
plus à leurs enfans ; mais par la fuite tout cela fut
changé. A défaut de defcendans , les pères , mères
& aïeuls furent appelés à recueillir la fucceflion de
leurs enfans ou petits-enfans, fuivant qu'ils fe trou-
voient plus proches en degré.
11 y a cependant quelques diftinilions à faire en -
tre les afcendans. Pour l'intelligence de cette ma-
tière , il faut remarquer que , par l'ancien droit ro-
main , les fils d'' famille, c'eft-à-due les enfans non
émancipés qui étoient encore fous la puifl"ance de
leur père , ne pouvoient avoir aucun bien en pro-
pre ; & tout ce qui pouvoit leur échoir par fuc-
ceflion , ou par quelque libéralité que ce fût , &
même ce qu'ils avoient acquis par leur induflrie ,
appartenoit au père, excepté feulement ce que le
fils de famille pouvoit acquérir, foit dans les ar-
mes, foit au barreau, dans l'exercice de quelque
magiftrature, ou dans l'état eccléfiaflique ; car ce
qu'il acquéroit par l'une de ces voies lui étoit en-
tièrement propre , fans que le père y eût aucun
droit. On appeloit l'efpèce de bien acquis dans les
armes , pécule cajlrenfe , & celui qui étoit acquis au
barreau , ou dans quelque dignité de l'cglife ou de
l'état, quafi-caflrerife.
Pour les enfans émancipes , tout ce qu'ils pou-
voient acquérir leur étoit propre. Dans la fuite ,
les empereurs lalfsèrent aux fils de famille la pro-
priété de leurs biens maternels , & de ce qui leur
étoit acquis par leur mariage ou par quelque libéra-
PRÉTÉRITION.
lité, Si l'ufufruit de ces biens demeuroit aux pères.
Enfin , Jufnnien ordonna que tous les biens qui
pourroent être acq^iis aux enfans même non éman-
cipés , leur apparticndroient en propre , de quel-
que manière que ces biens leur fuffent acquis. Le
père n'eut plus que la piopriété ùv. pécule profec-
tice , c'cfl à-dire du bien qu'il avoit coniie à fon
fils pour le faire valoir. L'aïeul paternel , qui avoit
retenu fes enfans & fes petits-enfans fous fa puif-
fance , avoit les mêmes droits que le père.
L'ordre des fucceflions ainfi n'-glc , à mefure que
les mœurs ëi les ufages avoient changé chez les
Romains , les jurifconlultes & les empereurs s'ap-
pliquèrent particulièrement à maintenir, dans les
fucceflions en ligne dircfîe , l'ordre établi par la
nature même , qui Aibflitue les enfans pour rem-
placer leurs pères, & perpétuer par-là l'on ouvrage.
La loi civile devoir donc tranfmettre aux enfans les
biens de leurs pères , & perpétuer par cette fuc-
ceflion l'ordre de la fociété fuivant l'ordre de la na-
ture. Elle devoir aufli favorifer le retour de ten-
drefle que des enfans doivent à ceux dont ils ont
reçu le jour. On impofa donc aux pères & aux mères
l'obligation d'inflituer leurs enfans , même poflhu-
mes, leurs héritiers; & aux enfans, à défaut de
poflérité, celle d'inflituer leurs parens. Ceux qui
manquent à ce devoir font cenfés n'avoir pas eu
l'ufage de leur raifon, & leur teftameMt eft attaque
par la querelle d'inofHciofjté , comme contraire à la
I tendreffe paternelle ou à la piété filiale.
(Les collatéraux n'eurent pas le même avantage.
On permit feulement aux frères & fœurs germains
& confanguins d'attaquer le teflament de leurs frè-
res ou fœurs dans lequel ils fe trouveroient prété-
rits , lorfque le teflateur leur auroit préféré une
perfonne infâme. Mais ce n'efl qu'un cas particu-
lier dans lequel le Icgiilateur a eu intention plutôt
de maintenir les bonnes mœurs, que de favorifer
les frères.
La Prétérition fut d'abord un moyen pour faire
déclarer nul tout le teflamcnt. Juftinien ordonna
par la novelle 115 , qu'il n'y auroit que l'inftitu-
tion d'héritier qui feroit nulle , & que les legs par-
ticuliers auroient leur effet. Cette difpofition a été
confirmée par l'ordonnance de 17J 5. L'effet de la
querelle d'inofHcionté eft doncd'efiaccr l'inflitution
d héritier, & que ceux qui dévoient être inflitués
recueillent la fucceflion ab inteflat.
Pour pouvoir intenter la querelle d'inofiîciofité ,
il faut être habile à fuccédcr ; car en vain entre-
prendroit-on d'attaquer un tefîament , fi on n'étoit
habile a fuccéder ab inteflat.
Un des privilèges des teflamens militaires , étoit
de ne pouvoir être annullés par la querelle d'inof-
ficiofité. Les enfans ou les defcendans qui fe trou-
voient prétérits dans ces fortes de teftamens » n'a-
voient que le droit de demander leur légitime. L'or-
donnance de 1735 n'a point dérogé aux difpofitions
du droit romain à cet égard. Mais ce privilège ne
peut durer qu'autant que le tcftament militaire efl
valable 9
PRÉTÉRÎTION.
valable ; & il ccfl*e d'être valable fix mois après que
le tellateiir a eu la faculté de difpoler fuivant la
forme ordinaire.
Le hls de famille pouvoit difpofcr de {on pécule
caltrenfe au proht d'un étranger , fans que fon père
pût attaquer fon teftament pour caufc de Prétéri-
tion , fuivant différentes lois du code , lefquelles
paroilTent avoir été abrogées par la novelle 115 »
qui veut en général que les enfans inftituent leurs
parens dans les biens dont ils ont la faculté de dif-
pofcr (i).
La mère ne peut attaquer la fubftitufion pupil-
laire faite par fon mari , oli elle eft prétérite. Pour
entendre cette dcclfion , il faut fe rappeler que le
père qui avoit fous fa puiflance un enfant impu-
bère, pouvoit, en faifant fon teftament , en faire
un féparé pour fon fils , dans le cas où il décéde-
Toit avant l'âge de puberté. Ce fécond teftament
porte le nom Aq fubjlitution pupillaire. La mère ne
peut pas l'attaquer , parce qu'il n'eft pas , dit Cu-
jas, l'ouvrage du fils , mais celui du mari, qui n'eft
pas obligé d'inftituer fa femme.
La Prétcrition eiî regardée comme une injure
perfonnelle , & il n'y a que la perfonne qui dcvoit
être inftituée héritière qui ait le droit de s'en plain-
dre. C eft pourquoi le père qui a fon fils fous fa
puiflance ne peut , fans le confentement de fon
fils , intenter la querelle d'inofficiofité contre le
teilament de la mère , quoii|ue la Prétérition du
fils lui fade préjudice , puifqu'elle le prive de la
jrîui(Tance des biens que fon fils auroitpu recueillir.
Il faut excepter le cas où le fils étant mineur, le
père pourroit l'intenter en qualité de tuteur naturel.
L'héritier de la perfonne préiérite ne peut pas
fe plaindre de la Prétérition du défunt , excepté en
deux cas: 1°. quand la perfonne prétérite meurt
pendant le temps accordé à l'héritier infiitué pour
délibérer, l'aélion paffe à fes enfans , quoiqu'elle
ne l'ait pas intentée de fon vivant : 2^. quand la per-
fonne prétérite décède fans enfans , mais après
avoir intenté fon aâion ou manifefié fa volonté de
l'intenter , elle tranfmet (on droit à fes héritiers.
La demande pour faire déclarer l'infiitution nulle
doit être formée dans les cinq ans. Après ce temps ,
on n'y eA plus recevable , parce qu'on eft cenfé
avoir remis l'injure. On n'eft pas recevable norî
plus après qu'on a approuvé le tefiament, foit en
acceptant un legs , foit de quelque autre manière
que ce foit.
Articles de V ordonnance du mois d'août 173Ç , con-
cernant la Prétérition.
«c Article 50. Dans les pays où l'inflitution d'hérl-
» tier efi néceffaire pour la validité du tefiament ,
w ceux qui ont droit de légitime feront infiitués
PRÉTEUR.
519
(i) Saiicimus ita.iu; non licere libens patentes fuos pré-
térite ,auc ciuolibet modo à rébus propriis in duihus habmt
teflandi licentiam eis omninà alienare. iVav. JIj , chap. 4.
l^oyei aujfi la ncvelle fij , (hap. 19.
» héritiers , au moins en ce que \z teftateur leur
»» donnera; & l'inliitution fera faite en les ripp( -
» lant par leurs noms , ou en les défignant de ttl'e
»> manière que chacun d'eux y foit compris ; ce
3> qui aura lieu même à l'égard des enfans qui le
» feroient pas nés au temps du tefiament, &. qui
» feroient nés ou conçus au temps de la mort du
5) tedateur.
» 51. Quelque modique que foit l'effet ou la
» fomme pour lefquels ceux qui ont droit de lègi-
» time auront été infiitués héritiers, le vice de la
» Prétérition ne pourra être oppoîé contre le teflc-
)» ment , encore que le teftateur eiit difpofé de i^s
rt biens en faveur d'un étranger.
» 52. Ceux à qui il aura été laiffè moins que
11 leur légitime à titre d'inftituiion , pourront for-
)j mer leur demande en fupplément de légitime ;
» ce qui aura lieu à l'avenir dans les pays mêire
» dans lefquels ladite demande n'a pas été admife
j> jufqu'à préfent , ou a été prohibée en certains cas.
3j 5 3. Ln cas de Prétérition d'aucuns de ceux qui
)) ont droit de légitime, le tefiament fera déclaîé
■>■) nul quant à l'infiitution d'héritier, fans même
:> qu'elle puiffe valoir comme fidéi-commis ; & fi
)) elle a été chargée de fubfîitution , ladite fubfti-
» tution demeurera pareillement nulle ; le tôt t •
» encore que le teflament contint la claufê codi-
» cillaire , laquelle ne pourra produire aucun effet
11 à cet égard , fans préjudice néanmoins de l'exé-
)» cution du teflament , en ce qui concerne le fur-
j> plus des difpofirions du teftateur.
n Ç4. La difpofition de l'article précédent fera
»» exécutée , même à l'égard des teflamens faits en-
» tre enfans , ou en temps de pefte ; & en ce qui
» concerne les teflamens militaires, n'entendons
i> rien innover à ce qui eft porté par les lois ro-
5) maines à cet égard.
» 5 5. N'entendons déroger , par les articles 50 ,
» 53 & 54 , aux difpofuions des coutumes , flatuts
j) ou autres lois particulières obfervées dans quel-
» ques-uns des pays régis par le droit écrit , qui
» permettent expreffément de laiffer la léç^itime à
» autre titre que celui d'inflitution ; Si la demande
» en fupplément de légitime pourra être formés
)> audit cas , ainfi qu'il eft porté par l'article 52 ».
Voye:(^ les titres du code & du digcfle , de inofHciofo
teflamento ; lu novelle 11 5 fi* 1 23 ; Cuj.is fur cesdif-
férens titres ; Corvïnus fur le code; les PandeHes de
Pothier ; Defpeiffes , Furgole , Domat , le commen-
taire de V ordonnance de 1735 ; Ricard, &c, ( Article
de M. La Forest , avocat au parlement.
PRÉTEUR. On donnoit ce nom, chez les
Pvomnins , à un magiflrat qui rendoit la jurtice
dans Rome, ou qui alloit gouverner certaines
provinces.
On créa d'abord un feul Préteur; mais , l'an 5 lo ,'
l'abondance des affaires en fit nommer un fécond
pour rendre la juftice entre les citoyens & les étran-
gers ; ce qui fit qu'on l'appela Préteur étranger,
pere^rinus Prator. Celui qui ne jugeoit que des pro-
Xxx
530 PRÊTEUR.
ces entre cîroyens , étoit appelle Préteur de la ville,
Prcctor urbanus ; & h charge étoit plus honorable
que celle de l'autre ; elle lui étoit auffi rupérieure :
en appeloit la juftice qu'il rendoit , la juftice d'hon-
neur, y^/i honorarium.
L'an 526 de Rome, lorfque la Sicile & la Sar-
daigne eurent été réduites en provinces romaines,
on créa deux Préteurs pour les gouverner au nom
de la république; & l'an 556 , lorfqu'on eutfub-
jugué les deux Efpagnes , citérieure & ultérieure ,
on créa deux autres Préteurs pour régir ces deux
provinces; mais en 561 il fut réglcparla loi Bebia ,
qui cependant ne fut pas long-temps obfervée ,
qu'on ne créeroit tous les deux ans que quatre Pré-
teurs , dont deux demeureroient dans la ville ;fa-
voir, Xiirbaniis & le pere^r'inus , & que les autres fe
rendroient auflî-tôt dans les provinces qui leur fe-
roicnt tombées en partage-
Vers l'an 605 de Rome , ou peu de tenps après ,
c'eft-à-dire en 607 , lorfque l'Afrique , f Achaïe , la
Macédoine, furent devenues provinces romaines,
il fut réglé que tous les Préteurs rendroient la iuf-
tice à Rome, foit en public, foit en particulier,
dans l'année de leur magiftrature, & qu'à la fin de
cette année ils p^rtiroieiit pour les provinces qui
leur feroient échues. Les marques de la d'gnité du
Préteur étoiertt : 1°. fix li61eurs avec des faifceaux
hors de la ville; quelques-uns ne lui en donnent que
deux , c'eA à-dire , qu'au moins il en avoit toujours
deux qui Taccompagnoient par-tout ; 2". il por-
toit la robe prétexte , qu'il prenoit, comme les con-
fu!s, dans le Capitole, le jour qu'il étoit inftallc ,
après avoir fait les vœux ordinaires dans le temple ;
3". il avoit la chaife curule ; 4°. il avoir un trihimal ,
qui étoit un lieu élevé en forme de demi cercle ,
fur lequel étoit placée la chaife curule ; car les ma-
giflrats & les juges inférieurs n'Ctoient alTis que
(ur des bancs; 5°. il avoit la lance 8c Tépée , qui
niarquoient fa juridiflion.
Les fouillions du Préteur étoient : i". de donner
des jeux , fur-tout les jeux du cirque , tels que ceux
qu'on appeloit les grands jeux floraux Se autres ;
ce qui fe faifoit avec beaucoup de pompe & de
fomptuorité. Il avoit pour cette railon une efpèce
d'infp^'flion fur les comédiens, & autres gens de
cette forte , au moins du temps des empereurs. Du-
rantla vacance delà cenfure, il avoit droit d'ordon-
ner la réparation deséd.fices publics ; mais il falloit
y joindre un flécret du fénat; 2". Dans l'abfencedes
confuls, il faifoit leurs fonélions ; il aflembloit le
fénat ; il falloir cependjut que ce fût pour quelque
affaire noHvelle : il demandoit les avis des féna-
teurs , tencit les comices, & haranguoit le peuple ;
de forte que quand les confuls étoient abfens, il
étoit véiitablcircnt le premier magiftrat de Rome.
Il poii/on empichf'i- tous les magiftrats , excepté
les cotvuls ., de t'.nir les comices & de haranguer.
Ce)'-r;dint il pnrolt qvie quelques-unes de ces
préi'Hi-ielves ne concernoient que le Préteur de la
ville;" mail ce quioccupoit principalement ce ma-
PRÊTEUR.
giftrat, étoit l'adminiftration de la jufticô. Sa juri-
di£lion étoit fi étendue , qu'il ne lui étoit pas permis
de s'abfenter de Rome pour plus de dix jours. Au
commencement de fa magiftrature, ilpublioitun édit
concernant la formule ou la méthode fuivant la-
quelle il rendroit, durant l'année , la juftice, tou-
chant les affaires de fon reflbrt. Les Préteurs avoient
introduit cet ufage, pour avoir lieu d'interpréter à
leur gré Si. de corriger le droit civil dans les chofes
qui concernoient les particuliers. Le Préteur ne
manquoit jamais, tous les ans , de renouveler cet
édit lorfqu'il entroit en charge ; & c'eft ce que Cicé-
ron appelle la loi annuelle , lex annua : auffi les ac-
tions prétoriennes, c'eft-à-dire , les procédures
faites fous un Préteur , ne fubfiftoient ordinaire-
mcnt que durant l'année de fon exercice ; mais les
Préteurs étant fouvent guidés dans leurs jugcmens
par l'ambition & la faveur, & jugeant peu confor-
mément à leurs propres édits , C. Cornélius , tribun
du peuple , l'an 686 , porta une loi , appellée la loi
Cornelia , par laquelle on obligea les Préteurs de
fuivre exa61ement leurs édits dans leurs jugemens.
Sous l'empereur Adrien , & par fon ordre , Sal-
vius Julianus , bifaieul de l'empereur Julien, 8c
grand Jurifconfulte, recueillit tous les édits des
Préteurs en un volume , 8c les mit en ordre ; ce qui
a été appelé depuis , ediB.um perpetuum , & jus honc'
rari'im.
Le Préteur avoit coutume d'exprimer toute lé-
tendue de fa juridiâion par ces trois mots : do , di-
co , 6" abdir.o. Le premier fignifioit qu'il avoit le
pouvoir de donner ries juges , de donner la poffei-
fion des bisns, d'accorder la revendication , &C.
Le fécond, qu'il avoit droit de prononcer fouve-
rauiement fur toutes les affaires des particuliers. Le
tioifième, de faire exécuter tous fts jugemens.
11 donnoit audience aux part.es , foit fur fon tri-
bunal , foit debout , de pLino. Il jugeoit tantôt r""
dccretum , & tantôt per lib'.ilum , dans les affaires peu
importantes. Au reAc , il ne donnoit audience que
dans les jours appelés fa(ii ( àfindo ), parce qu'il
n'y avoit que ces jours-là que le Préteur pouvoir
prononcer les trois mors qu'on a marqués ci-c!effus.
Voilà l'ufage qu'on fuivit tant que la république
fut libre. Mais fous les derniers empereurs , les
Préteurs fe virent dépouillés de toutes leurs ancien-
nes fonélions , 8c réduits s l'intendance des fpcéla-
cles ; ce qui fait que Boëce , parla"r des Préieurs
de fon temps , appelle la p»dture un vain nom , 8c
une charge inutile. En effet , les préfets du pré-
toire , qui éto'ent des cfaciers tie l'empereur,
2"oienî ufurpé toutes les fon;^ions des Préteurs
de la ville.
D.ms certaines villes , fur-tour en Allemagne &
en Aîface, il y a encore des magiftrats qu'on ap-
pelle Préteurs.
Le Préteur royal de Strasbourg eft préfidenr du
grand {én?A , avec le conful en exercice , Se le Pré-
teur en quartier. Le conful propose les affaires; le
Préteur garde le grand fceau , Se tous les awles» font
PRETRE.
fntuulés de fon nom & de celui du fénat.
PRETRE. Les Prêtres font le premier ordre des
miniftres de Téglife , après l'épifcopat. J. C. a infti-
tvié deux ordres de payeurs ; les évêques pour avoir
le gouvernement général d'une églife , &les Prêtres
pour être appliqués aux fondions dedctail qu'exige
la conduite des âmes en particulier.
Dans le premier fiécie de l'cgliCe , il y avoit peu
de Prêtres. Les éj^iiles , dans leur origine, n'étant
compofoes que d'un petit nombre de fidèles, nâ-
voient iouvent befoin que de l'évêque pour prê-
cher 8i admini/îrer les facremens, & de quelques
diacres pour exercer le miniftère temporel. Celles
qui fe formèrent dans les capitales de l'empire ,
durent avoir des Prêtres dès le commencement ,
parce qu'elles furent d'abord aflVz nonibreufes; Se
il cû certain qu'elles en curent bientôt un grand
nombre ; nous apprenons par la lettre du Pape
Corneille à Fabius , évéque d'Antioche , qu'il y
r.voit de Ton temps quarante Prêtres slans l'églile
. Romaine.
La dignité de Prêtres étoit alors très importante
dans l'eglitc. S. Ignace leur donne la qualité de
fuccelTeurs des apôtres. " Suivez , dit-il aux Smir-
»> niens, l'évêque , comme J. C, a fuivi fou père ,
»> & les Prêtres comme (a apôires. £pifcopiimfc-
» ijuimini ut Chrijhu yatrem , presbyteror ut apojh-
'A los. Epift. ad Smirnenfes ». Dans le quatrième
fiècle , temps où les Prêtres ctoient dêj.î très-multi-
pliés , nous voyons encore S. Jean Chryfoflôme ,
dans fon homélie fur la féconde épître àTimothie ,
ne pis mettre une grande diiîércnce entre l'évêque
6i les Prêtres. Il n'y a pas entr'eux , dit-il, une
grande diUérence , car le foin des âmes & l'enfei-
gniment font aufli confiés aux Prêtres : Non mnl-
twn dijhnt , narn prcsbyteris cura perinij^a ejl & ma-
gijlirium.
Les Prêtres deffervirent long-temps l'églife en
commun avec l'évêque; ils le fuppléoient dans fon
abfence, l'aflîfloient dans fes fondions, l'aidoient
de leurs conieils , & n'étoient point encore chargés
d'une portion particulière de fon troupeau. Ce ne
fut que lorfque les églifes devinrent trop nom-
breufes pour être deflervies par l'éTcque feul &
dans un .même lieu, que les évêques crurent devoir
partager leur peuple en pordoiis déterminées , &
confier chacune d'elles à des Prêtres qui fuiTent
chargés de la gouverner & de lui adminiftrer les
facremens. Les Prêtres devinrent alors ce que nous
appelons curés , c'ert-i-dire, qu'ils furent attachés
à une portion dépeuple particulière , au lieu qu'au-
paravant ils étoient aux ordres de l'évêque pour
toutes les fondions du miniftère, & pour tous les
lieux où il pouvoir avoir befoin de leurs fecours.
Ce fut dans ces villes ininienfes , qui étoient les
capitales de l'empire , que la néceftué de partager
le peuple en plufieurs affemblées fe fit plutôt
fentir ; auilî la divifion des parnitrcs commenc^a-
t-elle dans ces églifes plutôt qu'ailleurs. On la
voit éiabiie déjà dans l'églife d'Alexandrie, fur la
PRETRE. 5U
fin du troifième fiècle, fous le patriarche Alex.T;-
dre. Les égliles de la Maréotique , à chacune dcf-
quelles préfidoit un Prctre, étoient alors autant de
paroiflfes. Arius & Colluthus préfidoienr aufii dans
le même temps à des affemblées particulières de
peuple dans la ville même d'Alexandrie ; il eîl: pro-
bable , au contraire, que les paroifies ne furent pas
établies auifi-tôt dans ce grand nombre de villes
peu confidérables d'Afrique & d'Italie , que l'hif-
toire nous repréfente comme ayant été le fiège
d'un évéque.
Les bénéfices fe formèrent après vers le huitième
fiècle dans Téglife d'occident; car on n'a jamais
connu , dans celle d'orient , ce que nous entendons
proprement par le mot de bénéfice, Los premiers
offices eccléfi-iftiques qui prirent la forme de béné-
fices , furent les cures de la campagne. Les évêques
abandonnèrent d'abord aux Prêtres qui delfer-
voient les églifes de la campagne , les fonds de
l'églife fitués iur leur territoire ; ils étoient beau-
coup plus à portée de faire valoir ces fonds, qui
étoient , pour ainfi dire , fous leur main ,que l'éco-
nome du clergé, qui réfidoit dans la ville épifco-
pale. Les menfcs des chapitres & celles des évê-
ques fc formèrent enfuite. Les paroilfes des villes
& de la campagne s'étoient fort multipliées ; il ne
relloit plus dans la principale églile du diocèfe que
les chefs de tout le clergé , quelques Prêtres que
l'évêque n'avoit point encore jugé à propos d'em-
ployer au miniiiêrc , 8c la p.irtie du clergé infé-
rieur qui n'étoit attaché à aucune églife. Comme
leur état , qui n'étoit point d'être occupés aux fonc-
tions du miniftére , leur permettoit de vivre en
communauté , les évêques crurent que rien n'étoit
plus propre à leur faire pratiquer les vertus ecclé-
fiidiques , que la vie régulière. Ils l'introdulfirent
donc dans leurs chapitres ; & , pour encourager
une fi fainte inftitution , ils affignèrent à ces com-
mun.ttités des fonds oc des dixmes qui pufiént four-
nir à leur fubfifiance , c'eft-à-dire , qu'ils partagè-
rent entr'eux & leurs chapitres, ce qui refioit à
l'églife de fonds adminiflrés en commun. Voii.i
l'origine des menfes des chapitres & des évêques.
Les chapitres qui avoient embrafle la vie régulière
avec la plus grande ardeur, ne furent pas long-
temps fans l'abandonner; les chanoines fe partagè-
rent alors les revenus de leur églife , qu'ils avoient
poffédés jufque-là en commun. Ainfi fe formèrent
les prébendes ; & par ce moyen toutes les places
eccléfiaftiques devinrenrdes titres de bénéfices à la
fin du neuvième fiècle.
Ce fut fur tout rétabli (Tement des titres de béné-
fices qui multiplia les ordinations vagues. Dans les
trois premiers fiècles de l'églife , on n'ordonnoit
aucun Prctre qu'il n'en fût befoin. Aufii n'en trouve-
t-on pas alors qui n'aient des fondions à remplir &
dont la fubfiftance ne foit alTurée fur les offrandes
des fidèles. Il efi vrai que , dès le quatrième fiècle »
on a déjà quelques exemples de Prêtres qui ne font
attachés à aucune églife ; cependant ces exemples
X X X ![
^31 PRETRE.
font fi rares, qu'il n'en pouvoir réfiilter d'încon-
vjnient. Mais lorfque tous les offices & toutes les
places eccléfiaftiques fe furent formes en titres de
bénéfices , les titulaires , qui fe trouvoient affurés
de percevoir leur revenu même en négligeant
de remplir leurs devoirs , eurent bientôt befoin de
vicaires dans tous les genres , pour les remplacer.
Les chanoines des cathédrales & des collégiales
prirent des eccléfiaftiques gagés pour célébrer l'of-
ri je à leur place ; les curés eurent befoin de vicaires
qui deffc:rvirent leurs cures en tout temps, ou feule-
ment toutes les fois qu'ils ne jugeoient pas à propos
«le le faire eux-mêmes. Il fallut fi fouvent rempla-
cer les titulaires , qu'on fut obligé d'ordonner des
Prêtres qui ne fultent attachés à aucune fonélion
particulière , mais qui fuflent toujours prêts à rem-
plir les fondions des autres. Les évéques , dans les
douzième & treizième fjècles , favorisèrent eux-
mêmes cette multiplication de Prêtres fans titres &
fans places , pour tenir un plus grand nombre de
pcrfonnes foumifes à leur juridiâion. Ceft ainfi
que s'eft introduite dans l'églife une claffe nom-
breufe de Prêtres qui ne font attachés à aucune
fonélion, & qui , par cela même, ont toujours été
Se feront toujours une efpèce de mal pour l'églife ,
parce qu'en général la trop grande multiplicité des
Prêtres doit plutôt la furcharger que lui être utile ,
& contribuer fur-tout à l'aviliffement du caraiRèrc
facerdotsl.
Ces Prêtres font les feuls dont nous puiftlons
dire quelque chofe ici ; ce qui concerne les cur^'s ,
les ch.molnes , & les autres qui ont quelque place
ou quelque fondion particulière, ayant été traité
en fon lieu.
En général, un Prêtre ne peut quitter fon dio-
cèfe, bc paffer dans un autre, dans lequel il n'a
point de titre, fans un cxeac de fon évêque. Vexeat
eft une permilTion que donne un évêque à un Prê-
tre pour fortir de fan diocèfe.
Un Prêtre qui n'a point de titre , ne p':;ut prêcher
fans la pomiiTion de l'évêque ; & l'évêque peut
toujours lui refufer cette permiffion, fans qu'il y
ai: de voie ouverte pour le forcer à la donner.
Il en cÙ. de même de la confeffion ; il f;iut à un
Prêtre qui n'a point de titre , une approbation fpé-
ciale, pour qu'il puiiTe entendre les confeflîons ;
& l'évêque eft toujours maître de retirer cefie ap-
probation , quand même il l'auroit donnée , & cela
fans être tenu d'alléguer aucune raifon du refus
qu'il fait de la continuer plus long-temps. ( /irr^-
cle de M. C.ibbé Laubhy , avocat au par!em':nt ).
PRÉVAPvlCATiON.On entend principalement
par le mot Prévarication , l'infraélion des oiîiciers
de juftice à leurs devoirs.
11 eft des Piévaricntlons de plufieurs fortes &
qui ont différentes caufes : l'intîrêt , l'ignorance
& la partialité nen (ont malheureufement que trop
n.iître.
Une des Prévaiications les plus odieufes & les
plus batlis pour un ji'g- , cq(\ de mettre à coiitrj-
PRÉVARIC ATION.
butlon la follicitude du plaideur , de tirer de lui ,
par des moyens direds ou indireils , de l'argent
ou des préfens.
Les mains d'un juge doivent être pures comme
fes intentions ; & qu'a-t-il befoin d'être riche.*
La fimplicité , la modeftie font les plus beaux
ornemens de l'équité; moins il eft opulent , plus
il eft noble à lui d'être incorruptible: ne fût-ce
que pour ne pas paroître avoir jamais cédé aux
lollicitations de la fortune, il devroit mettre fon
orgueil dans les dehors de la médiocrité, & même
d'une indigence décente.
Le riche , le pauvre doivent donc trouver chez
lui le même accès ; & s'il lui étoit permis de prêter
à l'un plus d'attention qu'à l'autre, ce feroit en fa-
veur de celui qui femble avoir plus befoin de réuf-
fir dans fes demandes : mais la véritable juftice
confifle à fermer les yeux dev.int les ipparences,
& à n'écouter, à ne voir que le fonds de laqueftion
portée à fon tribunal.
Si, comme s'accordent à le dire tons les crimi-
naliftes , un juge eft coupable lorfqifil abfout un
accufé pût intérêt, combien ne l'eft-il pas lorfque
parle même motif il donne à l'un ce qui appar-
tient à l'autre!
Mais fa Prévarication eft bien plus révoltante, &
ne peut pas être allez punie , lorsqu'il fe laî/îe
fubjiiguer par les préfens ou Tefpoir derécompen-
ùs , pour tourmenter un innocent, ou pour ;ig-
graver envers un coupable les peines prononcées
par la loi.
On peut réfumer en peu de lignes ce qui carac-
térife le juge prévaricateur ; il mérite d'être en-
vifagé comme tel , lorfque par efprir de haine,
ou de partialité , il décerne contre un accufe un
décret plus fort que celui qu'il auroit dû lancer,
lorfqu'il informe ou donne lieu à une accufation
contre une perlbnne qu'il fait être innocente.
Lorfqu'il engage un témoin à déguifer ou à char-
ger les faits dont il doit dépofer ;
Lorfqu'il cède à des motifs d'intérêt perfonncl
pour donner à une partie un commifiaire , un
rapporteur , ou un arbitre , tel qu'elle le défire ;
Lorfque dans le rapport d'un procès il altère un
des moyens principaux des parties , ou détourne
une de leurs pièces ; enfin il prévarique lorfqu'il
reAife déjuger un procès qui eft en état, ou s'il
fait inférer dans le jugement une difpofition con-
traire à celles qui ont été arrêtées à la pluralité
des (ufFrages.
Suivant l'authentique au code de pœnis jndicis
q:,i mali juJicavic , le iuge qui s'cft laiffé corrom-
pre par argent dans une catife civile , doit être
condamné à la peine du triple, & privé de (on
office; fi c'eft dans une caufe criminelle , il doit
être condamné au bannilTement , à la confifcation
de tous fes biens, & aux dommages & intérêts en-
vers la partie léfée.
Une affaire que les mémoires du fieur de Beau-
marcliais à rtndue û célèbre , en 177a , a appris
' PRÉVARICATION.
aux juges combien ils doivent furveiller ceux qui
les approchent , & prendre garde que leur femme
ne reçoive des préfens de la part des plaideurs,
pour qu'elle s'intérefTe à leur caufe d'une manièle
particulière.
L'ordonnance du i'> oâobre 1446 défend aux
préfidens , confeillers de prendre par eux , leurs
gens ou familiers , aucun don des parties fous
quelque prétexte que ce foit.
La même defenfe fe trouve confignée dans l'ar-
ticle 118 de l'ordonnance du mois d'avril 1455,
dans celle de Blois, à l'article 114: enfin l'article 94
de Tordonnance de 1629 défend aux juges de fe
faire faire tranfport ou ceffion par vente, donation
ou autrement , des biens au fujet defquels il y a
procès devant eux , à peine de nullité & d'amende.
Suivant la difpofition de l'authentique novo jure ,
il n'étoit pas néceflaire pour qu'un juge fût dans
le cas d'être regardé comme corrompu par aigent, '
que cet argent lui eût été compté , il fufiîfoit qu'il
lui eût été promis, & qu'il eût confenti à le rece-
voir.
Il faut le dire à l'honneur des mœurs de nos
jours, i;i des juges a(îluels , il en eft peu même
cl;ins les tribunaux inférieurs auxquels un plaideur
oferoit faire des offres d'argent , ou qui fe refpec-
teroicnt affez peu pour les accepter, mais il en
eft malheureufement beaucoup fur lefquels d'an-
ciens fervices , des liaifons de parenté , ou d'at-
tachement , les dehors iinpofans des dignités ; les
foUicitations des fupérieurs ou des f.:mi!iers, ont
une funefte influence; & comment alors convain-
cre un juge qu'il a penché avec connoiiTance de
caufe vers TinjuAice ? Efl-il polfible au plaideur ,
vichme de cette partialité, de mettre l'ame d'i pré-
varicateur à découvert , & de prouver que le mal-
heur qu'il a eu de fuccomber eu. l'efîst de la fé-
duftion ?
Combien de plaideurs ont eu le clagrin de
voir triompher leur adverfaire injufiement ; ou
n'en ont pas obtenu les dédommagcmens qu'ils
avoient droit d'en attendre , parce qu'ils n'avoient
ni liaifon ni accès chez leurs juges , & que leurs
parties oppofées avoient fur eux cet avantaee !
La prife à partie oilre , il eft vrai , à l'innocence,
qui a éprouvé des vexanons dé la part d'un juge
haineux ou prévenu, un moyen de ne pas laifier
fi Prévarication impunie; niaisou;reque la plupart
des coupables fubalternes échappent à la prife à
partie, en fâchant avec art s'envelopper dans les
formes ; il en eu d'autres , & ce font les plus, dan-
gereux, qui, par la prééminence de leur rang, ou
des cours auxquels ils font attachés , fembient y
' être inacceffibles.
N0U5 avons néanmoins ( mais dans des temps
reculés) beaucoup d'exemples de magiftrats que
leuis dignités n'ont pas mis à l'abri de la peine
due à leur Prévarication.
On connoît le jugement rendu contre le chnn
' ci,\ier Pbyit f qui fur, p.ir arrêt du parlement de
PRÉVARICATION 535
Paris, condamné à être privé de fa charge de chan-
celier , déclaré incapable de pofleder aucun ofhce,
condamné à looooo livres d'amende envers le
roi, & exilé pour cinq ans. Les principaux mofifs
fur lefquels portoit ce jugement, étoienr, dit l'au-
teur du traité de la juflice criminelle ,au mot mùl-
vtrfation , « d'avoir empêché qu'on ne lût , avant
)» de rendre l'arrêt contre VamiraL Chabot, les con-
» clufionsdu procureur du roi, par la raifon qu'elles
» étoient trop douces, d'avoir intimidé les juges,
î» d'avoir reproché à l'un de prendre beaucoup
» de peine pour fauver un acçûfé , d'avoir charlgé
» des difpofitions arrêtées à la pluralité des fuffra-
» ges , d'avoir ajouté dans l'arrêt les liiots iinfidi-
f> lue & de déloyauté ».
Certainement fi ce chef de la juftice s'étoit ren-
du coupable de toutes ces Prévarications , il n'a-
voit pas été jugé avec trop de févérité; mais on a
peine à concevoir comment , s'il ne les avoit pas
commifes, il a pu être ainfi avili & dégradé, &
comment , dans le cas contraire il a pu depuis
obtenir des lettres d'abolition & être déclaré in-
nocent.
En 1582 , Jean Poifle, confeiller au parlement,
éprouva la févérité de la cour dont il étoit mem-
bre , pour s'être fouillé d'une bafTe cupidité: il
fut convaincu de s'être approprié , par une frau-
duleufe adjudicatiori " les meubles d'un nommé
SùjUne , qui avoit été condamné à mort furfon rap-
port. Le parlement après l'avoir privé de fon of-
fice, le déclara incapable de poffédcr aucune charge
de judicature, le bannit pour cinq ans de la pré-
vôté de Paris, le condamna à 500 écus d'amende
applicable à la rèfe&on du palais , 5c à 600 liv.
envers les pauvres.
Comme on ne peut pas arrêter par trop d'ef-
froi un crime' qui a de fi terribles conféquences ,
nous allons encore citer quelques jugemens qui
honorent autant les cours qui les ont rendus ,
qu'elles flétriiTent les coupables.
Par arrêt du parlement de Paris du 20 juin 1 5 28,
un confeiller de cette cour fut condamné pour mal-
verfation par lui commife dans les fon(flions de
fon office, à faire amende honorable, à la priva-
tion de fon état, fut déclaré incapable dexercer
aucune charge, & revêtu d'une robe de plébéien i
ce qui fut exécuté dans la cour du palais,
M. de Thou rapporre un arrêt du parlement de
Dijon qui condamna, en M 52, Raymond Pelif-
fon , préfident au parlemem de Chambery , pour
faufTetéSc malveifation commifes dans l'exercice
de fa charge, à faire amende honorable à genoux, lit
torche en main Mais une Prévarication d'un genre
bien criminel,c'efl celle qu'ofa commettre un prévôt
de Paris, en faifant fufpendre à une potence vii
innocent à la place d'un criminel qui avoit été con-
damné à ce fupplice. Le parlement condamna ce
juge prévaricateur a être attaché au même gibet.
Le parlement de Touloufe fe montra aulVi d'une
févérité trés-louablc envers un de fes mcnnbres qui
534 • PRÉV ARICATION.
abufant d'une commifTion particulière qui lui avoit
été donnée, fît emprifonner injuftement un homme,
vraifemblablement pour fatisfaire un reiremimcnt
perfonnel.
Plus le juge qui a prévariqué mérite d'être pu-
ni , plus aum celui qui Taccufe de Prévarication
doit il être réfervé fur une lemblable accufation.
Elle né peut pzs être admife légèrement. La dignité
de magiftrat femble d'elle-même la repouflfer. Mais
d'un autre côté , fi le refpei^ dû à la magiftrature
ne permec pas qu'on couvre un de fes m>;mbres
au reproche de Prévarication fans en avoir la preu-
, ve, u;ie fois que le plaideur la préfente , il f.tut
qu'il foit facilement entendu , & que les officiers fu-
balternes foient même encouragés à lui prêter leur
min Acre, loin de pouvoir le lui refufcr fous des
confidérations de crainte ou d'intérêt perfonnel.
M ilheur à h magiftrature , s'il n'eft pas permis de
porter la lumière dans fon fein , pour lui découvrir
les taches q\ii la déshonorent l
Nous n'avons encore parlé que des Prévarica-
tions qui ont po\ir caufe l'intérct fordide , ou la par-
tialité, il eneft qui proviennent d'une profonde in-
différence des m tgiftrnts pour leurs devoirs ou de
l'averfion pour ie travail : quoique ces raifons ne
foient pas à beaucoup près aufli honteufes que les
autres, leurs efTets n'en font fouvcnt pas moins pré-
judiciables, Ainfi, psr exemple , un juge indolent
qui pour s'éviter les peines d'une inftruc^ion , né-
glige d'informer contre l'auteur d'un délit qui s'cft
commis dans l'étendue de fa juridiiflion , prcvari-
que; car il eft par état conftitué le vengeur des
crimes qui troublent l'ordre de la fociété; fon inac-
tion peut CB encourager d'autres quiétoient rete-
nus par la crainte du châtiment. Cette négligence
dangereufç expofe celui qui s'en rend coupable à
être deftitué s'il eft prouvé qu'il a eu connoiflance
du délit qu'il a négligé de pourfuivre.
Les Prévarications qui n'ont pour caufe que l'i-
gnorance , ne font pas pour cela excufables. Un juge
doit connoitre les obligations que lui impofent les
fon£lions dont il eft revêtu , & ce que les ordon-
nances lui prefcrivent. L'article 142 de l'ordon-
nance du mois d'août 1539, porte : « que les juges
>> qui feront trouvés avoir fait des fautes notables
>> en l'expédition des procès criminels , feront
« condamnés en de fortes amendes envers le roi
t> pour la première fois: pour la féconde, fufpen-
L'article 14? delà même ordonnance ajoute qu ils
feront condamnés aux dommages & intérêts en-
vers les parties, félon la qualité des matières.
C'eft en conféquence de cette loi que par arrêt
du parlement , en date du 9 feptenibre 1720 , les
officiers du bailliage de Saunnir furent condamnés
ài300Q livres dédommages & intérêts envers la
veuve du fieur de Beaupré , qui expira fur la roue
Duoiqu'innocent, U fentçnce qui renfermoit cette
PREVARICATION.
affteufe condamnation, étoit la fuite d'une mé-
prifc grofTière : on peut voir les détails de cette af-
fligeante affaire dans le tome 4 de la première édi-
tion des caufes célèbres.
Farinacius prétend avec raifon , qu'un juge qui
par une ignorance inexcufable condamneroit un
innocent à mort contre la difpofition des ordon-
nances, pourroit être puni d'une peine capitale.
Si les Prévarications des magiilrats doivent être
févérement punies lorsqu'elles ont des motifs hon-
teux & des effets préjudiciables, celles des fubal-
tcrnes officiers de juftice ne méritent pas moins
d'être réprimées. Combien elles font fréquentes ,
combien une infatiabie cupidité ne fait-elle pas
commertre d'iniquités obfcures aux procureuis, aiix
huiiîicrs ! Les uns enflent leurs frais , abufent ûa
pouvcftrs des parties , trahiffent leur confiance , for-
ment des demandes dont l'injuflice leur eftcon-»
nue, dévorent les biens des mineurs, diffwnulcnt
des offres qui leur ont été laites , s'appliquent dts
fonds qu'ils ont reçus , ou ne dikontiauent leurs
inutiles écritures qu'après les avoir épuifcs.
Les autres fe rendent criminels d'une Préva-
rication très-puniffable , & dont il eft fouvent
difficile de les convaincre ; c'efl en ne portant
pas les affigaations que leur mipiflère les af-
fujettit à remettre en perfonne; par-là ils expo-
sent la partie affignée à des frais , à des condam-
nations , à des prifes de corps qu'elle auroit pré-
venus fi elle eût euconnoiffance dès l'origine de
la demande formée contre elle. Combien de fois
ces officiers n'excèdent-ils pas les bornes de leur
pouvoir dans les exécutions qui leur font confiées !
chargés de faire des fii/îes , ils détournent une
partie des effets qui font cenfés être fous la main
de îajuftice, 8f qui ne font que fous celle de la
rapine. Ils jettent l'épouvante dans le fein d'une
pauvre famille effrayée de leur apparition , &
tirent de fon effroi , non pas de quoi fatisfaire le
créancier , mais feulement de quoi appaifer leur
foif ardente , & ne difparoiffent que pour revenir
plus terribles. Enfin ils affeélent de ie rendre re-
doutables pour mettre la gêne à une plus forte
contribution.
Voilà les miniflres odieux de la ju/lice qui la
déshonorent, & feroient fouvent defirer qu'il n'y
en eût plus fur la terre , parce qu'elle produit fans
le vouloir , plus de ravages parmi les hommes
qu'elle ne répand de biens.
Ces diverfes Prévarications font punies de l'in-
terdiâion lorfqu'elles font dénoncées ; mais il en
eft beaucoup qui reftent impunies par la faute des
parties qui n'ofent s'en plaindre. Les magiftrats
ne peuvent trop inviter le public à les leur dé-
noncer , afin de les réprimer , & d'effrayer par des
exemples répétés ceux qui feroient tentés d'en com-
mettre de femblables.
Nous aurions donné beaucoup trop d'étendue à
cet article , fi nous euffions préfenté les Prévari-
cations de tout getire comraifes parles officiers de
PRÉVENTION.
juflice , tels que les greffiers , les commilTaires , les
notaires. Mais on peut voir aux mots qui font fous
leurs dénominations particulières , les obligations
qui leur font impofées , & conféquemment les Pré-
varications dont ils fe rendent coupables en s'en
écartant : ainfj , par exemple , l'exafîitude & la
fidélité dans la rédaction des jugemens étant le
principal devoir du greffier, la moindre altération
de fa part eft une Prévarication.
Comme rien n'eft plus effenticl pour un dépofi-
taire public que de refpetSler les fonds qui lui font
confiés; & pour un officier chargé de donner la
foi en juftice aux volontés dâs parties , que de les
préfentcr telles qu'elles ont été arrêtées entr'elles ,
toutes les fois que le notaire fe permet de toucher à
la fomme dépofée entre fes mains , ou de changer ,
d'altérer la volonté de ceux qui ont contrarié en
fa préfence , il prévarique. Il commet encore une
Prévarication puniffable lorfqu'il prête fon minif-
lère à la fraude , à Tufure. Le commifiaire prévari-
que , s'il abufe du pouvoir qui lui eu confié provi-
foirement de faire emprifonner les perturbateurs
ou l:s femmes de mauvaife vie. Il prévarique , s'il
néglige dans le cours des inventaires, loriqu'iKip-
pofe les fcellés , de conferver foigneufcment les
intérêts des abfens. Enfin il prévarique fi les en-
quêtes dont il eft chargé ne font pas faites avec
vérité , exaâitude & impartialité; c efl: aux magif-
trats qu'il appartient de punir ces diverfes Prévari-
caiior.s fuivant leur gravité & le tort qui a pu en
iclultcr toutes les fois qu'ils les découvrent.
Nous ne parlerons pas ici des Prévarications qui
portent fur le faux , ou qui ont les caraéîéres de la
concuffion 8f du péculat , parce qu'il en a étéquef-
tion dans les nrii les préfentés îbus ces noms-là.
Nous aurions dcfiré en avoir moins à dire fur un
fujet qui a empoifonné un remède que la fageffe
humaine avoit imaginé pour conferver les proprié-
tés , maintenir l'ordre dans la fociété , & afliircr
rcxiJftcnce de fes membres. ( Ctt article ejl de M.
DE LA Cnoix ^ avocdt ).
PRÉVENTION. Ceft le droit cîu'un juge a de
connoître d'une affaire , parce qu'il en a été fsifi
le premier , & qu'il a prév;;nu un autre juge à qui
la connoiiTance de cette même affaire .Tppartenoit
naturellement, ou dont il pouvoit également pren-
dre connoiiTance par Prévention.
La Prévention eft ordinairement un droit qui
eft réfervé ?,u juge fupériîur, pour obliger celui
qui lai efl inférieur, de remplir fon mlniftère ;
cependant elle eft aufti accord.'c rtfpeélivement
à certains juges égaux en pouvoir 6c indépen-
dans les uns des aunes , pour les exciter mu-
tuellement à faire leur devoir , dar^s la crainte
d'être ilépoiùll-s de ra/fairs par \\n autre juge plus
vigilant. ''
On difiingue deux fortes de Préventions ; fa-
\o\t ,\z Prévention varf.ttf ^ quia lieu fans ch.irge
de renvoi, & la Prévention irnrarfjiie, qui a lieu
à la charge du renvoi , c'eft- à-dire, qui iaifte.lc
PRÉVENTION.
555
«roit de décliner la juridiélion , & de demander qu6
la caufe foit renvoyée devant un autre juge.
La Prévention peut avoir lieu par l'ofticc du ju-
ge , ou <ur la requête d'une partie privée.
La Prévention d'office eft toujours parfaite, &
elle a lieu de la part du juge fupérieur fur l'in-
férieur, en matière de police, en matière de voi-
rie , & en général en toute matière qui concerne
le bien public , & qui intéreffe le niiniftère des
gens du roi.
La Prévention parfaite peut avoir lieu, à la re-
quête des parties privées, en faveur dts baillis
ik des prévôts royaux , fur les juges des feigneurs ,
en matière de complainte. C'eft une dilpofition
de redit de Cremicu , U. c'eft ce qu'ont jugé di-
vers arrêts, & particulièrement un du 21 juin
1614 , rendu pour les officiers du préfîdial de
Riom, contre ceux du duché de Montpenfier.
Cette Prévention produit fon effet , nonobllant
toute revendication de la part des t'eigneurs hauts*
jufiicicrs.
Au refte , cette Prévention parfaite , qui avoit au-
trefois lieu en faveur des baillis (ur les prévôts
royaux de leur reilort, n'y a plus lieu depuis la
déclaration du mois de juin 1559, «"entlue en inter-
prétation de T'idit de Cré.i-sieu.
Quand il s agit de la confervation des privi-
lèges des univerùrcs , les baillis ont la Préven-
tion parfaite lur les p:évôrs , dans les endroits
où la connoifiance de ces privilèges leur eft
attribuée.
Les baillis & les autres juges d'rppel ont pa-
reillement la Prévention parfaite furies juges in-
férieurs de leur reftort , pour raifon des caufes des
hôpitaux. C'eft ce qui réfulte d'une déclaration du
20 acjût 1732 , fervant de léglement entre le par-
lement , les requêtes du palais , & les préfidiaux de
Bretagne.
Les baillis ontauffi la Prévention parfaite fur les
prévôts aux fi -ges des affifes. C'eft une difpofition
de redit de Crémieu , & d'un arrêt du 5 juin
1650 , rendu entre les officiers de la prévôté &
cv-ux du bailliage de Montdidier, rapporté au jour-
nal des audiences.
En matière réelle , le juge de l'endroit où la
chofe eft fituée, a la Prévention parfaite fiirle juge
du domicile du défendeur.
La Prévention eft pareillement parfaite en fa-
veur des juges ordinaires ou des jugts-confuls, lotf-
qu'un bourgeois a fait affigncr devant les uns ou
devant les autres un marchand ou artifan , pour
rai(bn de fon commerce. C'eft ce qui réfulte de
l'article 10 du titre 12 de l'ordonnance du mois de
mars 1673.
La Prévention imparfaite du juge fupérieur fur
l'inférieur , dans les cauf-s intentées a la requête
des parties privées . a toujours lieu en faveur des
ba l'is & des prévôts royaux fur les jugts des
IiL'gneurs, à la change du renvoi lorfque le fei-
gacur le demande. Muis \\ le feigneur ne le de-
53<^
PRÉVENTION.
mande pas , le juge royal fupérieur a le droit de
connoïtre de la caufe par Prévention , quand mê-
me la partie aflignée dcmanderoit le renvoi de-
vant le premieti juge de fon domicile. C'eft ce qui
réfulte de l'arrêt du parlement du 15 novembre
1554, portant vérification de la déclaration du 7
juin de la même année , donnée en interprétation
de l'édit de Crémieu.
Dans quelques coutumes , la Prévention du juge
fupérieur fur l'inférieur a lieu, tant au civil qu"au
criminel , comme en Anjou , où la coutume , ar-
ticle 62 , dit , que le roi , comme duc d'Anjou , a
rejjort & fufcraineté fur les fujets dudit pays , tant
en cas d'appel qu autrement; que les comtes ^ vicomtes,
barons , châtelains , & autres fdigneurs de fiefs , l'ont
aujfi chacun à leur égard; qu'en outre ledit duc d'An-
jou^ & le (dits comtes , vicomtes , barons, feigneurs ,
châtelains & autres , de degré en degré , ont , par Pré-
vention , la connoiffance de tous cas criminels & ci-
vils , ert toutes allions civiles , réelles & perfonnelles ,
fur leurs vajfaux & les fujets de leurs vajfaux , juj-
quà ce que Uns contejlaùon [oit faite , pour laquelle
les parties /oient appointées en faits contraires &
requêtes.
Il y a encore quelques autres coutumes qui ont
des tlifpofitions à-pcu-près femblables.
Le chàtelet de Paris jouit du droit de Préven-
tion fur les juflices fcigncuriales de la ville, des
fauxbourgs & de la banlieue de Paris , tant en
matière civile que criminelle , quoique la cou-
tume foit muette fur cela ; & il a été maintenu
dans ce droit par un grand nombre d'arrêts an-
ciens & modernes.
L'un du 7 mars 172^ , rendu entre le procu-
reur du roi, les commifTaires au chàtelet & les
religieux de fainte Geneviève, a ordonné l'exé-
cution des lettres-patentes obtenues en 1713 , par
i'abbé & les religieux de fainte Geneviève pour leur
juftice , mais fans préjudice du droit de Préven-
tion appartenant aux officiers du chàtelet dans la
ville & les fauxbourgs de Paris.
Un autre du 15 janvier 1739 ^ maintenu pro-
vifoirement les officiers du chàtelet dans le droit
d'appofer les fcellés par Prévention d^ins l'en-
clos du bailliage de l'abbaye de faint-Germain-
des-Prés.
Un troifième arrêt rendu , comme les précé-
dens, au parlement de Paris le 9 décembre 1744,
a jugé , contre les religieufes de Montmartre ,
<jue le commifTaire Regnard avoit le droit de
lever les fcellés qu'il avoit appofcs par droit de
Prévention à la nouvelle France , paroifTe de
Montmartre.
Le confeil a aufTi rendu plufieurs arrêts con-
formes à cette jurifprudence , & entr'autres un
du 3 mai 1739 , par lequel il a ordonné pro-
vifoirement que les fcellés appofés après le décès
du prince de Guife dans l'enclos du Temple à
Paris , par le commifTaire Blanchard , lefquels
avoicnt été contre - fcçllés par les officiers du
PRÉVENTION.
Tetnple , feroient levés par le même commifTaire."
Obfervez que quoique le droit de Piéventioa
ait lieu en faveur des commiffaires fur les juges
des feigneurs dans la ville & les fauxbourgs de
Paris , foit que leurs juftices refTorti/Tent ou ne
rclTortifTent pas nftment au parlement , il n'y a
pour cela aucune concurrence entre ces commif-
faires &. ces juges : c'efî pourquoi fi ceux-ci ont
commencé l'appofition de fceilé, ceux-là n'y ont
aucun àroit. Un arrêt rendu en 1747, entre les
, commiffaires & les officiers de la juftice de Mont-
martre l'a ainfi jugé.
La Prévention a aufTi lieu entre le juge ordi-
naire & l'ofKcial;&. tant que l'eccléfiaffique afîi-
gné ne demande pas fon renvoi de^^ant l'offlcial,
ou que celui-ci ne revendique pas l'aflaire , it
doit être jugé , comme les autres fujets du roi ,
par les juges ordinaires.
Quant aux pariemens , comme ils ne font pas
juges de première inflance, ils n'ont pas droit
de Prévention fur les juges inférieurs de leur
rcHort , foit royaux ou autres , fur-tout dans
les caufes pouri'uivies à la requête des parties
privées.
Lorfque des juges qui peuvent connoïtre d'une
mcme affaire concurremment & par Prévention
parfaite , préviennent en même temps & à la. même
heure, celui qui a la juridiflion la plus difîinguéc
doit être préféré.
Au refle , c'efl en matière criminelle que la Pré-
vention a particulièrement lieu : elle a éié éta-
blie pour exciter l'émulation & la vigilance des
juges , 8c pour empêcher que les crimes ne de-
mc-urafTent impunis.
L'exercice de ce droit efl ancien : on voit dans
les établifTemens de faint Louis , que la Préven-
tion avoit lieu en certains endroits dans les ma-
tières criminelles ; c'étoit celui qui avoit arrêté
le criminel qui lui faifoit fon procès. Dans les lieux
où il n'y avoit pas de Prévention , par l'ancien
ufage de la France , l'aveu emportoit l'homme ,
& l'homme étoit jufticiable de corps & de chdtel où
il couchoit & levoit ; ce qui fut aboli par l'or-
donnance de Moulins, article 3^, qui décida que
les délits feroient punis où ils auroicnt été com-
mis. La Prévention avoit lieu partout , lorfque
celui qui avoit arrêté le criminel l'avoit pris fur
le fait.
L'article 116 de l'ordonnance d'Orléans porte,
que comme plufieurs habitans des villes , fer-
miers & laboureurs, fe plaignent fouvent des
torts & griefs des gens & ferviteurs des princes »
feigneurs , 3c autres qui font à la fuite du roi ,
lefquels exigent d'eux des fommes de deniers pour
les exempter de logement , Sc ne veulent payer
qu'à difcrétion , il enjoint aux prévôts de l'hôtel
du roi , & aux juges ordinaires des lieux , de pro-
céder fommairement , par Prévention & concur-
rence , à la punition de ces exaélions 6c fautes, à
peine de s'en prendre à euxt
PRÉVENTION.
Il y a une différence eflentielle entre la Préven-
tion Si la concurrence ; ccUe-ci eu. le droit que
divers juges ont de connoître du même fait; de
manière que les parties peuv^ent s'adreiTer à l'un ou
à loutre indifféremment ; au lieu que la Prévention
eft le droit qu'a un juge d'attirer à foi la connoif-
fance d'une affaire , parce qu'il a prévenu Se qu'il
en a été faifi le premier.
11 y a plufieurs cas où la Prévention parfaite a
lieu en matière criminelle : c'efl ainfi que quand
le juge du lieu du délit a prévenu dans le cas d'un
crime ordinaire, les auires juges qui font compé-
tens pour connoître de ce crime, tels que ceux
du domicile de l'accufé on de la capture , ne font
pas fondés à demander que l'affaire leur foit ren-
voyée.
L'ordonnance de Moulins , art. 46 , veut que
les préfidiaux connoiffent , par concurrence 6c
Prévention , des cas attribués aux prévôts des ma-
réchaux , vice- baillis Se vice-féncchaux , pour iiîf-
truire les procès & les juger en dernier reffort ; Qi
pareillement contre les vagabonds &c gens f^ns
aveu ; comme aulîl que les prévôts des maré-
cliaux , vice-baillis , vicefénéchaux , puiifent faire
le femblable , 6ic.
Ce droit de concurrence & de prévention at-
tribué aux préfidiaux pour les cas de la compé-
tence dés prévôts des maréchaux, vice-baillis &
vice-fénéchaux, leur a été confirmé par l'art. 201
de l'ordonnance de Blois , par l'art. 15 du tlt. pre-
mier de lordonnance criminelle du mois d'août
1670, par la déclaration du 29 mai 1702 , & par
celle du 5 février 1731.
L'art. 9 de cette dernière loi excepte les cas
qui concernent les déferteurs Se les perfonnes
qui les fubornent & favorifent. La connoiffance
de ces délits acte réfervée aux prévôts des ma-
réchaux; mais ils en font peu d'ufage , attendu
qu'on a coutume de renvoyer les déferteurs à
leurs régimens , pour y être jugés par un confeil
de guerre.
L'article 7 du titre premier de l'ordonnance cri-
minelle , dit que les juges royaux n'auront aucune
Prévention entre eux ,& néanmoins qu'au cas que,
trois jours après le crime commis , les juges royaux
ordinaires n'aient pas informé & décrété , les juges
fupérieurs pourront en connoître. iVIais voyez à
cet égard l'article Prévôt.
L'article 8 ordonne que la même chofe fera ob-
fervée entre les juges des feigneurs.
Les baillis & féncchaux ne peuvent , fuivant
l'article 9 , prévenir les juges fubalternes, s'ils ont
informé Se décrété dans les vingt-quatre heures
après le crime commis , fans déroger néanmoins
aux coutuiii>:s contraires , nia l'ufage du chàtelet
de Paris.
Les prévôts, les châtelains , ainfi que les autres
jiT^s , Se même ceux des hauts-jufliciers, acquiè-
rent, par leur diligence, la Prévention aux baillis
& ienéchaux fur les prévôts des niaréchaux , pour
To^Re XI JI,
PRÉVENTION. 537
les cas prévôtaux , par la nature du délit , lorique
ces juges ont informé avant les prévôts des matt-
chaux , ou le même jour : c'efl ce qui réfulte des ar-
ticles 17 & 22 de la déclaraton du ç février 173 1.
Suivant une déclaration du 26 février 1724 ,
lorfque les prévôts des maréchaux avoient décrété
les accufés avant que les décrets des fièges préfi-
diaux leur euffent été délivrés avec fommation de
les mettre à exécution, ils avoient la Prévention fur
les préfidiaux; mais cette difpofition a été changée
par l'article 9 de la déclaration du 5 février 173 1 :
cette dernière loi veut que, dans le cas de concur-
rence de procédures , les préfidiaux , Se même les
baillis ou fénéchaux , aient la préférence fur les
prévôts des maréchaux , fi ceux-là ont informé Se
décrété avant ceux-ci, ou le même jour.
Pour que les préfidiaux aient la Prévention fur
les prévôts des maréchaux , il n'cft pas néceffaire
que le décret foit exécuté par la capture de l'accufé.
En cela , la déclaration du 5 février 173 i a dérog'i
à la déclaration du 28 mars 1720, qui vouloit que
lorfque les captures des accufés avoient été faites
par la maréchauffée , elle inftruisît Se jugeât les
procès , quand même les préfidiaux auroient dé'
crété ks accufés avant elle , ou le même jour.
Si le coupable ou accufé d'un cas royal ou pré-
vôiala été pris en flagrant délit , ou en vertu d'un
décret décerné par le juge des lieux , avant que le
prévôt des maréchaux au décerné un pareil décret,
le lieutenant criminel de la fénéchauffée ou du bail-
liage fupérieur eft cenfé , comme on l'a vu ci-deffus,
avoir prévenu le prévôt des maréchaux par la dili-
gence du juge inférieur. Telles font les difpofitions
de l'article 22 de la déclaration du 5 février 173 i-
L'article 10 de la même loi veut que les pré-
vôts , châtelains , Se autres juges royaux ordinaires ,
même ceux des feigneurs hauts-jufticiers, connoif-
fent, à la charge de lappel aux cours de parle-
m.ent , des crunes qui, par leur nature, ne font
pas du nombre des cas royaux ou prévôtaux , Se
qui ont été commis dans l'étendue de leurs juAi-
ces par des vagabonds Se gens fans aveu , ou par
perfonnes repnfcs de juflice , Se cela concurrem-
ment Se par Prévention avec les prévôts des maré-
chaux. Se préférablement à eux, s'ils ont informé
Se décrété avant eux , ou le même jour.
Suivant l'article 8 de la déclaration du 18 juillet
1724, les prévôts des maréchaux ont la Prévention
fur les lieutenans généraux de police , pour inftruire
Se juger les procès des mendians vagabonds , lorf-
qu'ils ont décrété avant les mêmes lieutçnans gé-
néraux de police.
Différentes lois ont attribué au prévôt général Sc
aux généraux provinciaux des monnoies, la con-
noiffance du crime de fabrication de fauffe mon-
noie , par Prévention fur les prévôts des maré-
chaux , les préfidiaux , Se les baillis ou fénéchaux
royaux.
Les baillis & les autres ji:ges royaux ont la Pré-
Yyy
3î8
PRÉVENTION.
vcntion parfaite fur les officiaux , pour connoître
des injures & autres délits communs , commis par
les cccléfiaAiqiies : c'eft ce qui réûilte de divers ar-
rêts. Un, encre autres , du 18 novembre 1664,
rendu au parlement de Normandie, a refufé à un
pritre Ton renvoi à l'officialité , l'ur une aâion pour
fimj)l<;s injures , intentée contre lui devant le juge
royal.
L'ajournement fait la Prévention en matière ci-
vile ; en marière criminelle , c'eft le décret ; &
lorfqu'il y a deux décrets de même date , c'eft ce-
lui qui a été mis le premier à exécution qui donne
la Prévention.
Prévention fe dit , en matière bénéficiale , du
droit dont le pape jouit depuis plufieurs fiècles , de
conférer lej bénéfices vacans , lorfque les provi-
fions qu'il en accorde précèdent la collation de
l'ordinaire . ou la préfentation du patron eccléfiaf-
tique au collateur.
Ce droit eft fondé fur ce que la plupart des ca-
noniftes ont établi pour principe , que toute juri-
ditStion eccléfiaftique cft émanée du pape , Ôc qu'é-
tant l'ordinaire des ordinaires, lorfqu'il leur a ac-
cordé quelque portion de cette juridiftion , foit con
rontieufe ou volontaire , il eft préfumé s'en être ré-
fervc pour le moins autant qu'il leur en a accorde ;
d'où les canoniftes ont r.uili tiré cette conféquence ,
que quant à la juridiiTtioii volontaire , le pape a
droit, non-feulement de conférer par concurrence
avec les coUateurs ordinaires, mais même de les
prévenir.
L'auteur de la difcipline eccléfiaf<ique prétend
que le droit de Prévention étoit inconnu avant le
treizième ficcle. En effet , les Papes Innocent I1Î& '
Grégoire IX, dont l'un occupoii le faint fiège au
commencement , tk l'autre un peu avant le milieu
du treizième fiécle , parlent fouvent des mandats Se
des réferves ; le premier dans fes lettres & fes ré-
ponfes aux confultaiions ; & le fécond dans fort
recueil des décrétales ; mais ils n« font , ni l'un ni
l'autre , aucune mention de la Prévention ; il eft
donc vraifemblable qu'elle n'a commencé à être
ufitée que vers la fin de ce fiècle.
Au rsfte , on peut confidérer la Prévention com-
me une fuite des mandats &c des réferves. Les
mandats, dit M. Piales dans fon traité de la Pré-
vention , n'étoient , dans l'oiigine , que des prières
ou de fimplcs recommandations que les papes
adreffbient aux collateurs ordinaires , en faveur de
ceux qu'ils défuoientêtre pourvus de bénéfices.
Le refpeéi que les évêcues Sk les autres colla-
teurs avoient pour le chef de l'églife, les portoit
à déférer à fes prières. Us n'appercevoient pas les
conféquences de cette déférence , & ne faifoient
pas attention que ces recommandations fe multi-
plieroient , en faifant naître la penfée aux eccléfiaf-
liques ambitieux d'aller en cour de Rome, pour
en obtenir du pape par leurs importunités ; que les
prières des papes fe convertiroient infenfiblement
en ordres ; que la cour de Rome exigeroit dans la |
PRÉVENTION.
fuite comme un droit , ce qu'elle avoit d'abord de»
mandé comme une grâce , & qu'elle uferoit d'au-
torité contre ceux qui voudroient fe maintenir dans
leur première liberté de conférer les bénéfices de
leur collation à qui ils jugeroient à propos.
Il ne fallut pas un fiécle entier pour opérer ce
changement dans la difcipline , relativement à la
difpofition des bénéfices.
Les mandats donnèrent lieu aux réferves fpécia-
Ics. Celles-ci , aux réferves générales des bénéfices ;
les unes & les autres produifirent la Prévention.
Les papes fe perfuadérent que s'ils avoient droit
d'ordonner à un collateur de conférer le premier
bénéfice qui viendroit à vaquer au l'ujct qu'ils lui
nommoient , ils pouvoient bien fe réfer\cr la col-
lation de ce bénéfice. Et comme il n'y avoit pas
plus de motif de fe réferver la coilacioti de tel
bénéfice que de tel autre, ils penOoicnt i'îc s'ils
avoient droit de fe réferver la collation d'ur , ils
pouvoient aufti fe réferver la collation de deux ,
de trois, de quatre, &c. Cette méthode con.iiù-
foit loin , Se tendoit à établir que la pleine colla-
tion Si difpofition de tous les bénéfices ecciéfiaiti-
ques appartenoit au pape. Les papes, accouvumôs ^
par l'iifage d'un fiècle , à difpofer , par des frta;!-
dats da proviiit-ndo , des bénéfices qu'ils jugeoient à
i)ropos , conclurent que par leur qualité de chefs
de î'é^'Kfe, il falloit qu'ils euflèntdroit ae difpofer
de tous les bénéfices , parce qu'il n'étoit p^^s à pré-
ûmier que leurs prédéceffeurs enfilent anticipé fur
les droits des ordinaires , ni fe fuflent arrogé , dans
la pratique , un pouvoir qui ne leur auroit pas réel-
lement appartenir.
Clément IV , qui monta fur le fainr fiège ert
1 26 j , eft le premier qui ait tiré cette conféquence
dune manière nette & précife : fur le fondement
de ce faux principe , que la pleine difpofit'on de
tous les bénéfices eccléfiaftiques appartient à l eglife
romaine , il fe réferva la pleine collation des béné-
fices vacans in curiâ ; èc c'eft le premier exemple
d'une réferve générale.
Ce principe une fois établi, on devoit en con-
clure qu'il étoit au pouvoir du pape de conférer
toutes fortes de bénéfices, & fur tous ks genres de
vacance , &. par conféquent de prévenir les colla-
teurs ordinaires. On ignore quel eft le pape qui ,
dans la pratique, a le premier tiré cette conclufion ;
mais il paroît qu'on ne tarda pas à la tirer, puifque
Boniface VIII , qui occupoit le fa'nt-fiége trente
ans après Clément TV, décide , dans une de fes dé-
crétales , que fi le pape ou le légat ont conféré un
bénéfice à un fujet , & que le collateur ordinaire
ait conféré le même jour ce bénéfice à un autre
fujet, en forte qu'on ne puifle découvrir Iciiuel a
été pourvu le premier , il faudra pré£^rcr celui qui
aura pris pofieffion le premier ; que fi aucun n'a
pris pofleflîon , le pourvu par le pape ou par le
légat doit être préféré , propter confcrentls amplio^
rem prero^aiivam.
Cette dtciiion prouve , continue M. piales , que ,
PRÉVENTION.
dti temps die Boniface VIII , les papes s'étoient déjà
mis en polleffion d'exercer la Prévention fur les
coilateurs ordinaires.
Cent trente ans après , c'e/l à-dire dans le temps
du concile de Bafle, le droit de Prévention étoit
fi bien établi , que les pères qui compofoient cette
affemblée n'osèrent y donner atteinte , quoique
d'ailleurs très-oppofés , comme tout le monde fait,
aux nouvelles entreprifes de la cour de Rome.
Mais dans l'affemblée de Bourges , dit Dumoulin,
qui fe tint l'an 1438, il fut réfolu que le concile
feroit inflamment fupplié d'abroger abfolument le
droit de Prévention que les papes & leurs légats
s'étoient attribué ; en forte que les coilateurs ordi-
naires pufTent conterer librement & fans aucune
crainte d'être prévenus ni par le pape ni par fes
légats, les bénéfices de leur collation, pendant les fix
mois que le concile de Latran leur avoir accordés.
Cette réfolution , ajoute ce jurifconfulte , toute
juftc qu'elle étoit , ne Ait point pourfuivie ni exé-
cutée , parce que le concile de Bafle fut rompu &
diflîpé par les armées que le pape avoit mifes fur
pied , avant qu'on eût pu demander l'entérinement
de ce décret de l'affemblée de Bourges.
La Prévention n'étoit pas moins odieufe aux Al-
lemands qu'aux François, puifqu'en conféquence
de la réfolution prife dans le concile de Frifingue ,
ils chargèrent leurs ambaffadeurs d'en foUiciter
4'abolition auprès des pères du concile de Bafle.
Le parlement de Paris , voulant fuppléfir en quel-
que manière à ce qu'on n'avoit pu obtenir du con-
cile , à caufe de fa difperfion , fit, l'an 1446 , un
règlement , dont l'article premier porte , que les
coilateurs ordinaires feront confervés dans l'exer-
cice de leurs droits & de leur juridiéiion ; mais ,
nonobflant ce règlement, il paroît que la Préven-
tion continua d'être en ufage.
Enfin le concordat entre Léon X & François
premier , a afluré au pape le droit de prévenir les
coilateurs du royaume. C'eft dans le titre de man-
datis apojlolicis, qu'on trouve le droit établi au
profit du pape. Ce qui regarde la Prévention paroît
fi peu lié avec ce qui précède & ce qui fuit , qu'à
caufe de ce défaut de liaifon quelques auteurs ont
penfé qu'il n'y avoit été inféré que par furprife
faite à ceux qui préfidérent pour le roi à la rédac-
tion du concordat : mais cette conjecture paroît
d'autant moins fondée , que fi c'eft un piège qu'on
a voulu leur tendre , il eft trop grofîier , pour pré-
fumer qu'ils ne s'en feroient pas apperçu.
Les états du royaume , aflemblés a Orléans l'an
1560 , profitant de la mauvaife intelligence qui rè-
gnoit entre la cour de France & la cour de Rome,
perfuadérent à Charles IX que le concordat n'ctoit
qu'un traité particulier, qui étoit expiré avec les
auteurs ; que par conféquent il avoit toute liberté
de rétablir l'églife gallicane dans fes anciens droits ,
& d'abroger le droit de Prévention qui avoit été
accordé au pape. C'eft ce qui fut exécuté dans l'ar'
I^xIÉVENTION. 559
ticle 2i de l'ordonnance dreficc dans cette affeir.-
blée.
Mais , peu après , la cour de Rome s'éiant recon-
ciliée avec le roi , ce prince révoqua , par une dé-
claration datée de Chartres, du 10 janvier 1561,
tout ce qui avoit été flatué à Orléans au préjudice
du concordat , 8c rétablit les chofes dans l'état où
elles étoient auparavant.
Le clergé de France , n'ayant plus d'efpérance
d'obtenir l'abrogation des Préventions de cour de
Rome , fupplia le roi Henri IV , en 1 596, de vou-
loir bien en reftreindre l'ufage. Ce prince , ayant
égard à la prière des prélats fur cet objet & fur plu-
fieurs autres , fit dreifer les lettres-patentes du
mois de mai 1596 , dont l'article 1 1 porte :
»» Les premières dignités des églifes, tant cathé-
» drales que collégiales, pénltenceries, prébendss,
» théologales & préceptoriales , efquelles particu-
» lièrement la qualité Se capacité de la perfonna
» eft requife , ne feront dorénavant fujettes ni af-
» fedées aux gradués nommés , ni autres grâces
» expeûatives , & ne pourront les coilateurs être
» prévenus en cour de Rome, mais procéderont
» aux éleé^ions Se provifions defdites dignités Si
» prébendes dans les fix mois qui leur font ordojv
n nés par les conftitutions canoniques ".
Ces lettres-patentes n'ayant point étécnregiftrées
dans les cours fouveraines, elles font demeurées
fans exécution ; & la loi de la Prévention a conti-
nué d'être en ufage , fans autres limitations que
celles que la jurifprudence des arrêts y a appofées.
Le droit de Prévention étant confidéré en France
comme une chofe odieufe , on a long-temps pré-
tendu que le pape ne pouvoit pas communiquer à
fes légats le pouvoir de prévenir les coilateurs or-
dinaires : on voit que quand il fut queftion de vé-
rifier les facultés du cardinal de Ferrare , envo3é
en France comme légat en 1571 , le parlement de
Paris refufa d'abord de les vérifier avec la claufe
qui contenoit le pouvoir dont il s'agit :
■>■> La Prévention , portoient les remontrances
5» de cette cour , encore qu'elle foit accordée à
» notre faint père le pape, toutefois elle n'efl ac-
» cordée à fes légats, & eft baillée au pape par
» droit (^^ Cngulier & fpécial , qu'il ne la peut tranf-
j> porter ni bailler à un autre , ni en icelle confti-
I) tuer vicaires ni légats. Encore l'églii'e gallicane
)» n'a accordé fimplement les Préventions à notre
i> faint-père le pape, ains a ù\l^\\Q infljbunt ora-
M tores régit pour les empêcher , & faire que le
M concile de Latran Se la pragmatique du roi faint
ji Louis eût lieu , laquelle porte nommément , oue
» le pape ne pourra pourvoir aux bénéfices de ce
» royaume , ni lever aucuns deniers , pour la pro-
» vifion defdits bénéfices ; ains qu'il fera pourvu
j) par les ordinaires , &c.
I» Et fi on vouloir dire que par les concordats
)) cette difliculté fut vidée, par lefquels le pape
)> contrariant avec le roi Si la couronne de France,
n il s'eft réfervé la Prévention r.ux bénéfices j a
Yyyij
5^0 PRÉVENTION.
j) ce y a double réponfe. La première efi: que les
T> concordats faits entre le pape & le roi, ont été
« girdés & obfervés, l'a gardent & obfe'rvent en-
T> ire les contraftans & concord;ins , 6f qu'il n'eft
« pas permis par iceux à notre iVuit père le pape
» de transférer a fes légats , vicaires & autres per-
" fonnes , le droit & prérogative à lui accordé Si
» concédé par le roi , qui n'a jamais entendu don-
'» ner ni transférer le droit de fa préfentation aux
j> feigneurs qu'il envoie tous les jours fes lieiue-
î> nants aux pays , terres & feigneuries de fon
î> obéilfance; la féconde, que le parlement ne
» fait point de fondement fur lefdits concordats ,
3î d'autant qu'ils ont été publiés contre plufieurs
>i remontrances de la cour , & du très-exprès com-
j> mandement du roi, ainfi qu'il fe peut voir par
» les regiftres de ce faits ».
Le roi trouva ces remontrances pertinentes ,
comme il le dit dans la lettre de cachet qu'il ft
adreifcr au parlement : mais des confidérations par-
ticulières empêchèrent que fa majefté n'y eût égard,
& elle ordonna par la même lettre de cachet, que
les facultés du légat feroient vérifiées avec la claufe
qui avoit été l'objet des remontrances qu'on vient
de rapporter.
Dans la fuite, les légats ont ufé du droit de Pré-
vention , quand ce pouvoir a été fpécialement ex-
primé dans les bulles de légation ; Si le vice-légat
d'Avignon eA aujourdhui en pofleflîon de prévenir
les collateurs ordinaires & les patrons eccléfiafli-
ques , pour les bénéfices qui font dans l'étendue
de fa légation.
Comme on tient pour principe parmi nous, que
les lé;',ats ou vice-légats ne peuvent exercer au-
cun a6ie de juridi6lion dans le royaume , avant
que leur pouvoir ait été confirmé par des lettres-
patentes vérifiées dans les cours de parlement , il
faut en conclure qu'un afle de cette nature, anté-
rieur à la vérification dont il s'agit, feroit un a<5fe
nul, & qui ne ppurroit produire aucun effet. Il
fuit de-là , que fi un légat ou vice- légat ufoit de fon
droit de prévenir les collateurs ordinaires avant
que fes Tacnhés fufient vérinées , on préféreroit la
provifion de l'ordinaire , quoique poflérieure en
date , à celle du légat ou vice-légat.
C'eft en conformifé de cette règle que, par arrêt
du 11 août 1594, le parlement de Paris déclara
mille«,î& de nul effet les provifions de bénéfices
données par les cardinaux ('ajetan & de Plaifance,
avant d'avoir montré leurs facultés & prêté le fer-
ment nccoutumé.
Suivant l'article 30 des libertés de l'églife galli-
cane , le pape ne peut déroger ni préjudicier, par
provifions bénéficiâtes ou aurrem^^nt, aux fondations
laïques & aux droits des patrons laïcs du royau-
me ; il ne peut par conféquent conférer par Pré-
vention un bénéfice qui cû en parrnnnge laïc , dans
les quatre mois, on, û c'efi un bénéfice ûtué en
Normandie , dans les fix mois qui font accordés au
patron laïc : s'il confère, la provifion eft nulle;
PRÉVENTION.
en forte q;ie quand il arriveroit que !e patron laïc
ne fe plaindroit pas de cette collation , & qu'il né-
gHgeroit de préfenter dans le temps utile , cette
provifion n'en deviendroit pas meilleure; & le col-
latcur ordinaire pourroit , après les quatre mois ex-
pirés , conférer librement le même bénéfice.
On a même jugé au parlement de Paris, le 12
mai 1742 , que le pape ne pouvoit ufer du droit de
Prévention pour les bénéfices quiétoient en patro-
nage mixte. Il s'agiffoit dans cette affaire d'une pré-
bende de l'églife collégiale de Chaumont en Baffi-
gny. Cette prébende eft à la préfentation du cha-
pitre, du maire , des échevins , & des habitansde
Chaumont. L'arrêt eft rapporté dans le fécond vo-
lume du receuil de Barder.
Les bénéfices confiftoriaux, ceux qui vaquent
en régale , & en général tous ceux dont le roi eft
patron , nominateur, ou coUateur, font auffi exempts
du droit de Prévention.
Cette exemption a pareillement lieu en faveur
des provinces où l'alternative des mois eft ufitée
entre le pape & les collateurs. Le grand confeil
l'a ainfi jugé par arrêt du 8 oftobre 1626 , pour
la cure de Grandchamps, diocèfe de Vannes en
Bretagne.
Les dignités des églifes cathédrales ou collé-
giales , qui font éleélives-confirmatives , ne peu-
vent être conférées par les légats en vertu du droit
de Prévention. Il n'en eft pas de même des dignités
éleftives-coUatives , fuivant l'opinion la plus com-
mune de nos auteurs ; mais pour empêcher la Pré-
vention par rapport à ces dernières , il fuftit qu'on
ait fait quelqu'ade qui tende à ré!e(5îion; comme
de fonner la cloche pour affembler le chapitre ,
afin de procéder à léle^lion , de nommer des coih-
promiffaires, &c.
Les bénéfices dont les cardinaux font collateurs
ne font pas fujets à la Prévention du pape , foit
qu'ils conféi'ent feuls , foit qu'ils confèrent conjoin-
tement avec les chapitres. C'eft en conformité île
cette règle, que, par arrêt du 15 mars 1694, 1^
grand confeil a maintenu Gafpard Magnon dans la
poffoffion d'un canonicat dont il avoit été pourvu
par le cardinal le Camus, évêque de Grenoble , &
le chapitre de fon églife , contre Alexandre Beau-
det de Beauregard , que le vice légat d'Avignon
avoit pourvu du même bénéfice.
Ce privilège des cardinaux eft particulièrement
fondé fur une bulle de Paul IV.
On tient même que les cardinaux ne doivent
pas être prévenus à l'cgnrd dts bènéfi.cs dont ils
donnent l'inftltution fur la pré.Q;ntation des patrons
eccléfiaftiques : c'eft ce qui réfulte d'un arrêt rendu
au grand confeil le i<i feptembre 1684, & d'un
autre rendu au parlement de Paris le 29 déccrKbre
1707. _
On juge au grand confeil , que les induits ac-
cordés par les papes a dos collateurs qui ne font pas
cardinaux , pour conférer des bénéfices réguliers
en commende , n'empêchent pas la Prévenfion ,
PRÉVENTION.
quoiqu'il y ait, comme dans l'induit du roi Cafi-
mir , abbé de Saint-Germain - des-Prés ,/c^/i/^ per
te ... . conferre vale.is , parce que cette ciaufe ne
marque rien autre chofe , fmon que l'induit eft per-
lonnel. 11 n'en eA pas de même quand l'induit con-
tient la ciaufe de pouvoir conférer //éfrè 6* licite ^
parce que la cour de Rome ne fe fert point d'au-
tre formule que celle-là pour marquer l'exemption
du droit de Prévention.
La première queftion a été ainfi jugée , le 7 juin
1673 , fur l'induit de Cafimir, & la féconde , le 9
février 1703 , fur l'induit de l'abbé Servien. L'arrêt
rendu fur l'induit du roi Cafimir , eft rapporté dans
le premier volume du journal du palais.
On jugeoit autrefois que la Prévention du pape
& de fon légat, pouvoir avoir lieu au préjudice
des indultaires du parlement de Paris ; mais la ju-
rifprudence a changé fur ce point. Un arrêt du 26
feptembre 171 1 a décidé, en faveur dufieurGi-
raud , que les induliaires ne pouvoient plus être
prévenus par le vice-légat d'Avignon ; & un autre
arrêt du 6 août 1720 , a jugé en faveur du fieur
de Ribaucourt, que le pape même ne pouvoit pas
conférer par Prévention au préjudice de L-ur in-
duit. Ces deux arrêts font rapportés par Duperray
dans fes quefiions fur le concordat.
C'eft une maxime confiante parmi nous , que la
Prévention ne peut avoir lieu lorfque les chofcs
ne font plus entières. La faveur des ordinaires iSi.
la liainc contre h Prévention , ont é.é les motifs
qui ont fait établir cette jurifprudence.
Mais fi les auteurs ont tous de concert approuvé
la maxime dont il s'agit, ils n'ont pas uniformé-
ment déterminé quels font lis actes requis pour
qu'on puiffe dire que les chofes ne font plus entiè-
res : il faut n cet égard diflinguer les coUaûons li-
bres des collations forcées.
Dans les collations libres, le moindre afle de
la part du collarciir , tenant à la collation , quoique
d'ailleurs non effentiil, fuffit pour empêcher la
Prévention. Le londement le plus légitime qu'on
puilfc attribuer à la Préveniion , fi toutefois elle en
p:ut avoir , c'efi d'<-riipécher la négligence des col-
lateurs. Or , on ne peut accufer de négligence , ou
du moins on ne peut punir comme négligent, le
collateur qui , avant d'être dénoncé , travaiiloit déjà
à remplir le béréfîce vacant.
Les collations libres, auffi bien que les colLitions
forcées, ppuvent être faites , ou par un feui, ou
par plufieurs à qui le droit de collation appartient
en commun & en quel.jue man.ére folidairement.
Lorfque la collation appartient à plufieiirs en com-
mun , & qu'on y procède par la voie de l'élec-
tion , la maxime que nous avançons , que le moin-
dre a&e préparatoire de la part du collateur iuiTu
pour empêcher la Prévention , a une application
bien pUîS ftnfîiile que dans le c^.s où la collation
n'appa-tient qu'à un feul.
Lorfque le droit de conférer n'appartient qu'à
un feul , les formalités font beaucoup moindres ;
PRÉVENTION. H^
il n'y a prefqiie point d'afles préparatoires. S'il y
en a,ileft difficile de les diflinguer, & encore plus
d'en faire la preuve : tout fe confoinme , de la part
du collateur, par un feul afle. Cet afle eft la con-
fefllon nîéme du titre ; tous ceux qui précèdent ,
comme la délibération , le choix du fujet, &c. font
de? afles inférieurs, 6c qui fe patTent dans l'efprit
& dans la volonté du collateur , dont, par confé-
quentjOn ne peut adminiftrer des preuves. Ces
fortes d'aéles ne peuvent donc ê:re mis au nombre
de ceux qui empjchent la Prévention. Si on les y
admettoit , la Prévention n'auroit jamais lieu, par
ce qu'il ne fe troiiveroit point de collateur, qui, fe
voyant prévenu par le pape, ne pût alléguer qu'a-
vant que le pape eût accordé des provifions au pré-
vcntionnnire , ilavoit délibéré fur le choix d'un
fujet , & avoit même léfolu de conférer le béné-
fice à un tel.
Difons plus ; quand un collateur auroît mani-
fefté à l'extérieur ces a(^es de fa volonté, en dé-
clarant qu'il avoit deffein de pourvoir tel fujet du
bénétlcc vacant; quand il auroit donné commiffion
à cUs perfonnes de confiance & dignes de foi de
lui cîiercher un fujet , ou de déterminer celui fur
lequel il auroit jeté les yeux, d'accepter le béné-
fice; quand il auroit fait une collation verbale; tous
ces ades & autres femblables, feroient infuffifans
pour empêcher la Prévention , parce que les lois ne
permettent pas d'admettre la preuve par témoins
en pareil cas.
\]n collateur qui confère jure llbero , n'a donc
d'autre moyen d'empêcher la Prévention du pape ,
que de conférer réellement & par écrit. 11 n'en
êll: pas de même des colla'eurs qui confèrent en
commun par la voie de l'élcflion ; cette éle£lioii
eft fujette à bien des formalités. Le titre du bc-
r]élî:e qu'on donne à l'élu , eft précédé d'un
grand nombre d'a£>ts qui y font relatifs , qui y
tendent & y préparent. Chacun de ces a61es , pris
fcp.irément , efi réputé faire partie de l'ade de
collation ; la preuve en efl aifée à faire par les re-
giflres qui en font toujours mention : car les cha-
pitres , les communautés , ouïes autres corps ec-
cléfiafiiques qui ont droit d'éleélion collative,ne
s'aflemblent jamais, ou ne font aucune démarche
tendant à une éleélion , fans qu'il en foit drefle
un a6ie par écrit, qui eft porté i'ur les regiflres de
la comp.ignie.
On fent affez, fans qu'il folt nêcenaire de l'ex-
pliquer , la différence qu'il y a entre ces afles &
ceux qui précèdent la provifion que donne un colla-
teur. On conçoit aufll que les coilations qui fe font
par voie d'éleâion , ne peuvent fe oonfommer avec
la même facilité & en auiTi peu de temps qu'un
rifle de collation qui émane d'un feul. Ce n'cft
donc pas fans fondement qu'on a attaché aux
ailes qui préparent à l'éleclion , l'effet d'empêcher
la prévention de cour de Rome , & qu'on leur
attribue le même effet qu'à l'afle même de col-
lation , lorfqu'ellc n'appartient qu'à un feul.
541 PRÉVENTION.
Goard à prétendu dans (on traité des bénéfi-
ces, que Dumoulin avoit enfeigné dans le nom-
bre 72 de la régie de infirmis , que la collation faite
à un abfent n'empêcheroit pas la Prévention ; ce-
pendant, dans ce même endroit , ce jurirconfulte
dit pofitivement qu'une provifion de l'ordinaire ,
qui eft en Tufpens , qui peut devenir caduque, foit
par la répudiation qu'en fera le pourvu , ou par
d'autres raifons, empêche la Prévention. Il le prou-
ve par la difpofition exprefie du chapitre fi tibi
abfent'i de fnb. in 6^. dans lequel il eft décidé,
Îjue û un évêque a conféré un bénéfice à une per-
onne abfente, cet évêque, ni quelque autre col-
lateur que ce foit , ne pourront difpofer de ce
même bénéfice en faveur d'un autre; & que, s'il
en difpofoit, la provifion, même celle du pape,
leroii nulle, quoique le colJareur abfent n'acquière
jus in bénéficia (\MQ par l'acceptation. On peut même
dire en quelque manière, que ce bénéfice eft tou-
jours réputé vacant , & ne commence à faire im-
prelfion fur la tête de celui qui en a été pourvu,
que du jour qu'il l'a accepté. La queftion s'eft pré-
fentée au grand confeil en 1723, &ya été dé-
cidée par arrêt du 17 mars de la même année,
dans les principes du chapitre fi tibi abfenti, pour
le prieure-cure de Turquant , dépendant de l'or-
dre de S. Auguftin , diocèfe d'Angers. Ce béné-
fice ayant vaqué par la mort du fieur Gautliier,
M. l'évêque d'Angers le conféra le 11 juillet 1716,
au frère Grudé, chanoine régulier de la congré-
gation de France , abfent : le 29 du même mois , le
lieur Valet s'en fit pourvoir en coiu" de rome , avec
la claufe pro cupiente profiteri: Si. fous le prétexte que
le pourvu de l'ordinaire n'avoit pas encore accep-
té fa provifion le 19 juillet , jour de la date de la
{ignature de cour de Rome, le fieur Valet préten-
dit que la Prévention devoit avoit lieu , parce que
félon lui, la provifion de l'ordinaire n'empêche
la Prévention que quand elle a été acceptée. Ce
préventionnaire fut débouté par l'arrêt ci-deflus,
qui maintint le frère Grîfdé dans la pofleflTion du
bénéfice contentieux-
La provifion donnée par le collateur ordinaire
avant celle du pape , empêche l'effei de la Préven-
tion , quoique le patron eccléfiaflique n'ait préfenté
que depuis la provifion de l'ordjnaire, pourvu que
ce patron ait préfenté dans le temps qui lui eft ac-
cordé ; mais la préfentation du patron n'a aucun
effet, à moins qu'elle n'ait été notifiée au colla-
teur ordinaire ; car le pape ne peut prévenir , qu'au-
tant que les chofes font encore entières ; & dès que
la préfentation du patron a frappé les oreilles de
l'ordinaire , la diligence du patron empêche la
Prévention.
Lorfque l'ordinaire a conféré le même jour qHC
ie pape ou le légat , le pourvu par l'ordinaire eft
f)référé, quand même l'heure feroit marquée dans
a collation du pape , & qu'elle ne le feroit pas
dans celle de l'ordinaire ; parce que celui-ci étant
Cur les lieux , on préfunie qu'il a prévenu , & que
PRÉVÔT.
le pape n'a pas la concurrence , mais feulement
la Prévention.
Une autre reftricHon notable qu'on a mife
à ce droit de prévention , fe tire de la régie de
verijîm'di nocitiâ obicûs , par laquelle toutes provi-
fions de cour de Rome font de nul effet , fi ,
entre le décès & la date de la collation du pape
il ny a pas afl^ez de temps pour que le décès puilfe
être parvenu à fa conno'iff^ncc.
Voyei^ B acquêt des droits de juftice ; Carondas dant
fes pandeEles ; C ordonnance criminelle du mois d^aaiU
1670 , 6* les commentateurs ; le traité de la jufiice ci-
vile & celui de la jufiice criminelle ; les ordonnances
d'Orléans , de Moulins 6» de Blois ; le journal des au-
diences &' du palais ; le recueil de jurifprudence ca-
nonique ; les lois éccléfiafiiques de France ; Brodeau
fur Louet ; les œuvres de Dumoulin ; le traite de la
Mfévention par Al. Piales \ le diSlionnaire des arrêts ;
les mémoires du clergé &c. Voyez aufii les arricles
Baillage , Presidial , Prevot, Cas, Com-
pétence , Collation , Régale , Patron ,
Gradué, &c.
PREVOT. C'eftle titre qui eH attribué en beau-
coup d'endroits aux premiers juges , foit royaux ,
foit feigneuriaux.
En quelques endroits les premiers juges font
appelés châtelains ; en Normandie , on les appelle
vicomtes; en Languedoc & en Provence, on les
appelle viguiers , vicani , comme tenant la place
du comte; 8c en effet, les Prévôts, vicomtes ou
viguiers furent établis à la place des comtes , lorf-
que ceux-ci fe furent rendus propriétaires & fel-
gneurs de leur gouvernement.
Les Prévôts font inférieurs aux baillis & féné-
chaux ; ceux-ci ont l'infpeftion fur eux ; ils avoient
même autrefois le pouvoir de les deftituer ; mais
Philippe - Augufte en 11 00, leur défendit de le
faire , à moins que ce ne fiit pour meurtre, rapt ,
homicide ou trahifon.
Philippe le Bel ordonna , en 1302 , que les bail-
lis ne foutiendroient point les Prévôts à eux fubor-
donnés , qui commettroient des injuftices , vexa-
tions , ufures ou autres excès ; qu'au contraire ils
les corrigeroient de bonne foi , félon qu'il paroî-
troit jufie.
Les Prévôts dévoient , fuivant cette même or-
donnance, prêter ferment de ne rien donner â
leurs fupérieurs , à leurs femmes, leurs enfans ,
leurs domeftiqucs, leurs parens, leurs amis , &
qu'ils ne feroient pasà leur fetvice.
11 n'étoit pas au pouvoir du Prévôt de taxer le«
amendes.
Il ne pouvoir pas non plus pourfuivre le paye-
ment de fon dû dans fa ju/lice.
Une prévôté étoit la recette des droits du roi
dans une certaine étendue de pays ; il ne devoit y
avoir qu'un Prévôt , ou deux au plus dans chaque
prévôté ; cela s'obfervoit encore en 1351.
Ces prévôtés furent d'abord vendues , c'efl-à-dire
affermées à l'enchère par les bailUs Ù. fénêchaux ,
PREVOT.
an-xcfaels il étoît défendu de les vendre à leurs pa-
fcns ni à des nobles.
Les baillis fjîfoient ferment qu'ils n'afierme-
roïent les prévôtés du roi qu'à des perfonnes
Ciipablcs.
Suint Louis ne voulut plus que la prévôté de
Prris fût donnée à ferme coaime par le paffé ;
mai; il la donna en garde, en 1251, à Etienne
Boileau.
Les autres prévôtés continuèrent néanmoins
encore , pendant quelque temps , d'être affer-
mées.
En effet , Louis Hutin accorda , en 13 1'; » aux
habitans d'Amiens, que dans retendue du bail-
liage de cette ville les prévôtés ne poiirroient
être affermées pour plus de trois ans , & que
ceux qui les auroient une fois affermées ne pour-
roient plus les tenir par la fuite.
Philippe de Valois commença à réformer cet
abus; il ordonna , en 1331, que la prévôté de
Laon ne feroit plus donnée à ferme, mais qu'elle
feroit donnée à garde avecg.Tgts compètens.
Par une ordonnance du 15 février 1345 , il an-
nonça qu'il defiroit fort pouvoir fupprimer tous
les Prévôts ; & que dans la fuite les prévôtés fuf-
fent données en garde à des perfonnes fuffifantes.
Et en effet, par des lettres du 20 janvier 1326 ,
il fit une défenfe générale de plus donner les pré-
Vôrés à ferme , attendu les grands griefs & dom-
mages que les fujets du roi en fouffroient ; il or-
donna que dorénavant elles feroient données en
garde à perfonnes convenables , qui feroient élues
en la forme prefcrite par cette ordonnance , pour
les de/Tervir , & que les clergies des prévôtés ,
c'eA-à-dire les greffes , feroient annexées & adjoin-
tes aux prévôtés en payement des gages des pré-
vôrs.
Cependant ce règlement û fage n'eut pas long-
temps Ion exécuuon , parce que, félon que le di-
foit Piiilippe de Valois , la inHice en ètoit bien
moins rendue, que les domaines dépériffoient ,
que d'ailleurs les Prévôts & gardes ne pouvoient
par eux mêmes faire aucune grâce ni rémiffion d'a-
mendts , même dans les cas les plus favorables;
mais qu'il falloir fe pourvoir pardevers le roi , ce
qui ne pouvoii fe faire fans de grands frais ; c'eff
pourquoi, par une ordonnance du 22 juin 1349,
ce prii;ce ordonna que les prévôtés , les fceaux &
les greffes des bailliages & prévôtés feroient don-
nés à ferme à l'enchère ; m^is cependant que les
prévôtés ne feroient pas adjugées au plus offrant ,
à moins que celui-ci ne fût reconnu capable & de
bonne renommée par le jugement des perfonnes
fages des lieux où léroient ces fermes.
Il rée;la encore depuiï , en 1 3 5 1 , que les prévô-
tés w. feroient données à ferme qu'à des gens habi-
les , ^ans reproche & non clercs ; que les perfon-
nes notées ne pourroient les avoir , quand même
elles en donneroient plus que les autres ; que les
Prévôts fermiers ne pourroient pas taxer les amen-
PRÉVÔT. 14J
des. Cette fonâlon fut réfervée aux baillis ou aux
échevins, félon l'ufage des lieux.
Charles V , n'étant encore que régent du royau-
me , défendit de plus donner les prévôtésà ferme î
il en donna pour raifon , dans une Ordonnance da
1356 , que les fermiers exigeoient des droits exor-
bitans.
Mais l'année fuivante il ordonna le contraire , &
déclara naturellement que c'étoit parce qu'elles
rapportoient plus lorfqu'elles étoient données à
ferme , Qc parce que, quand elles étoient données
en garde , la dépenfe excédoit fouvent la recette.
En conféquence , on faifoit donner caution aux
prévôts fermiers, lefquels étoient comptables du
prix de leur ferrae , & on faifoit , de trois ans en
trois ans, des enquêtes fur la conduite de ces Pré-
NÔtS.
Il leur étoit défendu de faire commerce perfon-
nellement ou par des perfonnes interpofées , SC^
d'être affociés avec des commerçans.
Les gens d'églife , les nobles , les avocats , les
fergens d'armes & autres officiers royaux, ne pou-
voient être récusa prendre à ferme les prévôtés ,
de peur qu'ils n'empêchaffent d'autres perfonnes
d'y mettre leurs enchères , Se que par leur puif-
fance ils n'opprimaffent les habitans de ces prévôtés.
Cependant on faifoit toujours des pfaintcs Con-
tre les Prévôts fermiers ; pour les faire cefler , il
fut ordonné , par des lettres du 7 janvier 1407 ,
qu'il feroit fait d.ms la chambre des comptes , avec
quelques confeillers du grand confeil & du parle-
ment, & quelques-uns des tréforiers, une élcétion
de Prévôts en garde , qu'on choifjroit entre ceux
qui demeuroient dans les lieux mêmes ou dans le
voifmage, & qu'ils feroient pourvus dégages.
Depuis ce temps, les Prévôts royaux ont été
créés en titre d'office, de même que les autres offi-
ces de judicature.
Les Prévôts connoiffent en première Inftance de
toute caufe Si matière civile , perfonnelle & pof-
feffoire, & de toute convention entre les roturiers
8i non nobles domiciliés dans l'étendue de leurs
juflices , & en général de toutes les autres matières
ordinaires , dont la connoiffance n'eff point attri-
buée aux baillis & fénéchaux ou à quelques autres
ju^es. Cela eft ainfi réglé par l'édit de Cremieu &
par la déclaration du mois de juin 1559.
Lorfque parmi les parties litigantes il s'en trouve
une décorée du titre de noble, la caufe doit être
portée pardevant le bailliage ou la fénéchauffée,
C'eft auffi une difpofition de l'edit de Creirieu.
Deux arrêts du parlement de Paris , l'un du 27
feptembre 1624, & l'autre du 20 avril 1660 , ont
jugé qi:e les Prévôts dévoient connoître des ma-
tières dent on a parlé , entre roturiers , même
quand il s'agiroit de fiefs ou héritages nobles , à
moins qu'd ne fijr queftion de la propriété , de la
qualité ou quotire des droits ds ces fortes d'hérita-
ges , d" poffeffoire , de la foi Si hommage , de*
544
PRÉVÔT.
aveux &i dénombremens , de la réception par main
Souveraine , &dii retrait féodal.
Les nominations des tuteurs & des curateurs , de
la confection des inventaires des roturiers , font
auflî de la compétence des Prévôts. C'eft ce qui ré-
Culte de l'article 6 de l'édit de Cremicu.
C'eft pardevani les mêmes oiiîciers que doivent
être rendus les comptes des mineurs non nobles ,
quand même il s'agiroit d héritages nobles, Se que
le rendant compte ferolt noble. Le parlement de
Paris raainfi jugé par deux air^lts , l'un du ii dé-
cembre 1627 , &. l'autre du 20 avril i66o.
D^;ux autres arrêts, l'un rendu au parlement de
Paris le 9 août 1684, oc l'autre au confeil le 13
août /69b', ont ordonné que les Prévôts appa-
feroient les /celles , même ceux qui feroient re-
quis par les nobles ouautres privilégiés, fur les biens
des roturiers décédés, ou des eccléfiaftiques non
jîoblcs, fauf à renvoyer au bailliage les deman-
des <{ui pourroient être formées par les nobles ou
privilégiés.
Par un autre arrêt du 17 janvier 1708, rap-
porté au journal des audiences , le parlement de
Paris a jugé_ cfue les ecclefiaftiques ne dévoient
pas jouir du priviljge des nobles , pour demander
ou plaider en première inftance devant les baillis
6c fénéchaux . & que, dans le cas où ils étoient
obligés de plaider devant les juges ordinaires , on
pouvoir les pourfuivre devant les Prévôts royaux ,
tlont ils étoient juiliciables.
La'même règle doit être obfervce relativement
aux officiers royaux des préfidiaux , des éleélions
& autres, s'ils font roturiers, pourvu qu'il ne foit
pas queftion des droits concernant leurs offices
C eft ce que le parlement de Paris a jugé par
rrois arrêts des 5 juin 1659 ' 3^ juillet 1679 » ^
9 août 1654, rendus pour Mondidier , Moulins
5i Angers.
L'édit de Crémieu , la déclaration rendue en
interprétation de cet édit au mois de juin 1559,
& divers arrêts ont attribué aux Prévôts la con-
noiûance des caufes des églifes, chapelles, com-
munautés , abbayes , prieurés , chapitres , fabri-
ques , commanderies , hôpitaux & maladrerics ,
fituésdans l'étendue de leurs prévôtés, quand même
ces églifes, chapelles , &c, leroient de fondation
royale, à moins qu'elles n'euiïent des lettres de
garde gardienne dfiement vérifiées.
Obfervez néanmoins que û les conte/lations
avoient pour objet la propriété , qualité ou quo-
tité, les droits Se les domaines de ces églifes, com-
munautés , ikc. la connoiirance en appartiendioit
tux baillis ou féiiéchaux , à l'exclufion des Pré-
vôts Se des hai:i:,-)ufticiers, par la raifon que ie
roi eft proteélenr & confervateur de tousles bieiis
eccléfiaftiques du royaume. C'eft ce qu'ont jugé
divers arrêts rendus au parlement de Paris le 23
mai i6i6 , u décembre 162,7, 6c 5 janvier 1659.
Plufieurs autres arrêts , Si particulièrement un
vl)4 27 juin 1741 jrcndu pour Angers, ont jugé que .
PREVOT.
les Prévôts dévoient connoître des caufes où les
maires Se échevins des villes de leur réûdence
étoient parties.
Ils connoiflent pareillement des conteftations
relatives aux réparations des inurs , porteras , tours
8c fortifications , quais , chemins & fentiers des
villes 6c prévôtés royalos , dans les lieux où la
connoiftance n'en a point été attribuée aux baillis
ou à d'autres juges particuliers (i), C'eft ce qui
réfulte de l'article ^ de la déclaration donnée en
interprétation de l'édit de Crémieu au mois de
juin 1559.
Mais quand la conteftation a pour objet la pro-
priété ou le fond des biens , droits Gc domaines
des villes , la connoifiance en appartient aux bail-
lis ou fénéchaux. Le parlement de Paris l'a a'n.fi,
jugé par arrêt du premier décembre 1627. ,
Les Prévôts doivent connoître , fuivant l'article
8 de l'édit d; Crémieu , de toute aclion résL'j
ik hypothécaire concernant les héritages roturiers
fitués dans l'étendue de leurs prévôtés , quand
même les parties feroient nobks.
L'article 7 dn même édit a attribué aux Pré-
vôts la connoi/Tance des matières de psrtage de
fucceffion univcrfelle entre roturiers, quand même
la fucceftîon feroit compofée de fiefs ou héritages
nobles.
Les décrets des immeubles faifis doivent être
pourfuivis devant les Prévôts, lorfqu'il s"agit d'iié-
ritages roturiers , 6c que les parties faJfies ne font
pas nobles : mais fi les immeubles faifts étoient
des fîefs ou héritages nobles , ou que la partie
faifie fût une perfonne noble ; il faudroit que la
pourfuite du décret fe fit au bailliage. Divers ar-
rêts l'ont ainfi jugé.
Les Prévôts royaux connoiflent , privativement
aux juges feigneuriaux , des cas royaux fimples Se
ordinaires, tels que les caufes concernant les of-
fices royaux Se les droits qui en dépendent , lorf-
que les titulaires de ces offices font leurs jufti-
ciables : mais ils n'ont pas le droit d'appofer le
fccllé fur les regiftres des receveurs des confi-
t nations , des commiffaires aux faiftes réelles ,
c des notaires décédés ; ils peuvent feulement
l'appofer fur les autres effets delaiffés par ces of-
ficiers non nobles, lors qu'ils en font requis par
les parties intéreftées ou par la partie publique.
Il faut, à l'égard des titres, papiers, deniers de
recette , Sl autre chofe concernant les offices des
défunts, que les Prévôts les faffent mettre à part,
afin qu'il y foit pourvu par le bailli ou fon lieute-
nant. C'eft ce qui réfulte d'un arrêt rendu pour
Angers au parlement de Paris le 9 août 1684.
L'exécution des lettres de chancellerie adreffées
(l) Obfervez qu'aujoiud'hui les réparations des chemins
ne l'ont prclque plus de la compétence des juges ordinaires,
& que la connoifTancc en appatticac aux tréloriers de Itaucc
ou aux intendans des provinces.
amplement
PREVOT.
fimplement au juge royal , fans fpécifier fi c'efl
le bailli ou le Prévôt, eil un cas royal fimple,
dont la connoiiîance appartient indiflinâement à
l'un ou à l'autre, luivant ledit de Crémieu : mais
s'il s'agit de lettres de refcifion entre les jufticia-
bles du Prévôt , c'eft à lui même à en connoître,
coni'ormément à l'article 2 d'une déclaration de
juin 1559, interprétative de l'édit dont on vient
de parler.
Les Prévois connoiflent, àl'exclufion des juges
feigneuriaux , de tout ce qui concerne les privi-
lèges royaux.
Ils connoiffent auflî , en première inflancc , des
caufes concernant les fermes du domaine du roi
& les autres particuliers , lorfque les droits ne
font jpas conteflés , ou que le miniflère public
n'y eft pas partie principale ou iiuérefrée : dans
ces cas-ci , la connoidance des caufes dont il s'a-
git appartient aux tréforiers de France , excepté
dans quelques endroits où elle a été confervée
aux juges ordinaires , comme ils en jouiiToient au
temps de 1 edit de Crémieu.
Les prévôts connoiffent , concuriemment avec
les baiilis ou iénéchaux royaux, des caufes rela-
«ves aux économats. Voyez l'article Économat.
Les Prévôts connoiflent pareillement en pre-
mière infiance, par prévention avec les baillis ou
fénéchaux , des caufes des jufliciables des fei-
gneurs , dont l'appel reflortit médiatement ou im-
médiatement devant eux , jufqu'à ce qu'elles foient
revendiquées par les feigneurs ou par leurs procu-
reurs fifcaux. Et même la prévention a lieu nonobf-
tant la revendication du feigneur , lorfqu'il s'.igit
de complainte en matière poileffoire. C'eft ce qui
réfulte de la déclaration du mois de juin 1559, in-
terprétative de l'édit de Crcmieu , Se de deux ar-
rêts rendus pour les Prévôts d'Iflbudun & de
Cliaumont en Bafîîgny , les 11 juillet 1577 & 14
mai 1601.
Suivant la même déclaration , les Prévôts ont,
privativement aux baillis ou fénéchaux , la con-
noiffance en première inftance des caufes relatives
aux accords & conventions intervenus entre les
jufliciables roturiers de leurs prévôtés , quand
même les contrats porteroient foumifllon ù la juri-
diction des baillis.
Si par un contrat paffé entre les jufliciables d'une
feigncurie , fous le fcel royal, il y a fouraiflion à
la juridiction du Prévôt , cet officier connoît de
ce contrat à l'exclufion des juges feigneuriaux;
mais il n'auroit pas cette connoiflance fi la foumif-
fion n'étoit pas liipulée.
Le Prévôt connoît , privativement aux juges des
feigneurs , des oppofitions aux mariages entre
leurs jufticiables. C'eft ce qui réfulte d'un arrêt
du 16 juillet 1708 , rapporté au journal des
audiences.
Les étlits de février 15^6 & mars 1697, ont
auln attribué ^ux Prévôts, en qualité de juges
royaux , privativement aux juges des feie;neurs ,
' Tome Xin,
PREVOT. 54)
ta connoirtance des mariages clandeflins , ou faits
contre la difpofuion des ordonnances.
Les Prévôts connoiflent pareillement , à l'ex-
clufion des juges des feigneurs , & concurrem-
ment avec les baillis ou fénéchaux , des contef-
tations relatives aux°ordonnances rendues par les
évêques & les archidiacres , dans le cours de leurs
vifites , touchant les réduélions de bancs , fépul-
tures, réparations d'églife , comptes de fabri-
que , &c.
Us connoiflent aufll , concurremment avec les
baillis ou fénéchaux, & privativement aux juges
des feigneurs , des pourfuites & contraintes qui
peuvent avoir lieu en vertu des fentences du juge
d'églife.
Les Prévôts connoiffent encore , concurrem-
ment avec les baillis ou fénéchaux , de l'exécu-
tion des fentences confiilaires , conformément à
l'édit du mois de novembre 1^63.
C'efl devant les Prévôts que doivent être homo-
loguées les fentences arbitrales intervenues entre
leurs jufliciables non nobles.
Ces ofllciers ont droit d'aflîfes fur leurs jufli-
ciables , comme les feigneurs hauts-jufticiers fur les
leurs ; mais ils ne peuvent point appeler à leurs
aflifes les juges dont les appellations refl!briiflent
pardevant eux.
C'efl aux Prévôts qu'appartient l'exécution des
jugemens rendus aux aflifes des baillis ou féné-
chaux fur des caufes portées originairement aux
prévôtés , & qui depuis ont été jugées aux aflîfes.
C'efl ce qui réfulte de l'article 29 de l'édit de Cré-
mieu , & de plufleurs arrêts rendus au parlement
de Paris , les 5 juin 1659, 20 avril 1660, Se 9
août 16S4.
La même règle doit être obfervée relativement
à l'inflruétion & à la déciflon des caufes qui n'ont
point été jugées aux aflifes. Ces caufes doivent
demeurer à la prévôté , comme l'ont jugé divers
arrêts , & entr'autres un du 7 mai 1663 ' rapporté
au journal des audiences.
S'il arrive que dans une caufe de la compé-
tence du Prévôt les parties fe pourvoient au
bailliage en première inflance , le bailli doit la
renvoyer à la prévôté ; & s'il refufe ce renvoi ,
le procureur du roi de la prévôté doit fe rendre
appelant de ce refus , comme de juge incom-
pétent. C'efl ce qui réfulte de différentes lois &
arrêts.
Nous avons dit à l'article Prévention , que
fuivant l'article 7 du titre premier de l'ordonnance
de 1670 , il n'y avoit aucune prévention entre
les juges royaux ; mais cependant que fi trois jours
après le crime commis , le juge royal ordinaire
n'avoit pas informé & décrété , le juge fupérieur
pourroit en connoître.
Peut-on conclure de cette difpofition de la loi ,
que dans le cas d'un délit privé, tel qu'un vol ou
une fpoliation de fucceflion dont le Prévôt royal
n'a pas pris connoifl^anç^ d ans les trois jours, le
Z zz
u^
PRÉVÔT.
jiise rupérieuf Toit fondé à en connoître, fans être
t;nu de déférer à la revendication faite poftérieu-
fL^^ment par le piemler jugt; ?
Ccite queilion a éré viveinent agitée au par-
lement de Bourgogne dans refpèce fulvante:
La fucce/ïïon de François Arniedey , laboureur
à Vanvey , & de Marguerite Fouffy fa femme ,
décédés fans enfans au mois de février 1780, ayant
été dévolue à des héritiers collatéraux, ceux-ci
prétendirent que cette fuccefuon avoit été fpo-
liJe , & le nommé Burttey habitant du même
lieu de Vanvey, qu'on lui avoit volé 135 louis
ci'or. En conféquence ces héritiers préfentérent le
premier juillet de la même année , une requête
portant plainte de la fpoliation au lieutenant gé-
néral du bailliage de Châtillon , qui rendit une
ordonnance par laquelle il leur permit d'informer
Si d'afligner des témoins au fept du mois. Buretey
préfenta de fon côté , au même magiflrat , une
requête portant plainte du vol de 135 louis d'or ,
ik il obtint pareillement une ordonnance qui lui
permit d'informer & d'afligner des témoins.
Dans cet état des chofes , le fieur Logerot ,
prévôt royal de Vanvey & Villiers-Ie-Duc , re-
vendiqua, en fa qualité de juge ordinaire, la con-
DoiiTance des plaintes dont il s'agit ; mais lelieure-
nant général ne déféra point .t la revendication. Ce
r^fus détermina le fieur Logerot à fe pourvoir au
p.ir!emcnt qui lui permit par arrêt de faire afli-
gner le lieutenant-géncral.
Pour établir fon droit , le fieur Logerot a ob-
fervé que la prévention dont parie la loi que nous
avons citée, ne devoir avoir lieu que dans ïc cas
de négligence de la part du juge ordinaire, à
pourfuivre les crimes commis dans l'étendue de
la juridiction quand il en avoit eu connoiffance ,
& qu'il falloit d'ailleurs qu'il fCtt queftion de cri-
mes graves, publics & notoires.
En effet , Bruneau dans fes maximes fur les ma-
tières criminelles , dit que la règle générale efl
que tout juge peut informer , mais que le juge du
Peu du délit eft feul compétent , & qu'il n'y a
plus de prévention entre les juges , fuivant la
nouvelle ordonnance , à moins que les juges in-
férieurs n'aient négligé d'informer.
Bornier fur l'article 7 du titre premier de l'or-
donnance criminelle dit auffi que le légiHateur n'a
établi la prévention dont parle cet article , qu'j
calife de la négligence & co.-.n'n cnce des juges ordi-
naires & pour les exciter à s^acqiiitter de leur de-
voir en la recherche & punition des crimes ; & il
ajoute : ce qui doit pourtant être entendu is ATRO-
CISSIMIS , dans le/quels les juges peuvent in form:r fans
accufateur , dénonclaieur ou partie civile , &< non IN
PPÎVATIS , dans lefcjuels il y a une partie intéreffée.
IVr Jean Mtflé obferve dans fon traité fur la
"manière de pourfuivre les crimes, que la négli-
^snce qui donne la prévention au juge royal hi-
périeur fur le juge rojcgl inférieur, femble n'a-
yoir Heu que pour les''' cas où il s'agit de crimes
PRÉVÔT.
graves & importans ou dignes d'être pourfuivis
à la requête du miniflére public , & non pour des
cas où le feul intérêt des parties peut donner Heu
d'agir.
Jouffe dit que la prévention dont il eft parlé
dans les articles 7 & 9 de l'ordonnarice de 1670,
n'a lieu que pour les crimes pourfuivis d'olllce
ou à la req^uête de la partie publique, & il ajoute
que cette privation de la connoijfance du délit ejl la
punition de la négligence des juges inférieurs, mais
quà f égard des crimes qui je pourfuivent feulement
par une partie civile . i.: prévention du juge fupéricur
n'a pas lieu, & le juge mjerieur ejl toujours en eut
de requérir le renvoi.
RoufTeau de la Combe qui tient h même opi-
nion , obferve que la prc-'eniioa dor.' parie l'ar-
ticle 7 de l'ordonnance , re doit avo r lieu que
quand il s'agit de crima graves qui rr 'riient pdne
.iffaflive , & qui font de na ".re à îtr-c. pourfuivis d'of-
fice à la requête du inini{ts..- : ':■'';. : il ajoute, que
/el ejl l'efpriî de t ordonnance , i> que cela efl finie
en grande raifon , parce qua;iir.:-iicni on ne -^at im-
puter aucun: négligence au P , .■ . ■ . ',
Il réfuke de ces autorites que le ncutena it-gé-
néral du bailliage de Châtillon n'aur.^ii pu être
fondé à connoître par prévention deâ plri" t ûont
il s'agiflbir, qu'autant qu 11 auroit été prouv. ^tie
le Prevô: de Vanvey avoit en connoiffance du
vol da.îs les trois jours, ou c[ue ce vol lui avoit
été dénoncé par la partie civile, ou enîîn que la
partie publique avoit dontiê un réquifitoire pour
en informer , fans que ce juge y eût déféré.
Mais comme rien de rour cela n'étoit prouvé ,
8c que par conféquent il n'y avoit aucune négli-
gence à imputer au Prévôt de Vanvey , les moyens
employés par cet officier ont paru décififs, & ont
eu le fuccès qu'il avoit droit d'en attendre. Voici
le difpofitif de l'arrêt rendu en fa faveur le 13
janvier 1783 :
« La cour a maintenu & garde la partie de le
5) Sage i^le fieur Logerot^ en fa qualité de Prévôt
» royal de Vanvey , au droit & en la ponefficn
» de connoître de tous crimes & délits commis
» dans l'étendue de la prévôté qui ne font point
Ti attribués privativement aux baillis , fénéchaux &
)) juges préfidiaux , par les ordonnances , fauf la
» prévention ou dévolution à la partie de Moricot
n ( le lieutenant-général du bailliage de Châtillon ) ea
■)i cas de négligence de ladite partie de le Sage pour
)» la pourffiite defdits crimes & délits, & au droit
» négatif, qu'il n'a été permis ni loifible à ladite
■n partie de Moricot de connoître après la reven-
1) dication de ladite partie de le Sage , des faits
» de prétendue fpoliation & vol dont il s'agit ;
)» & pour l'avoir fait, a condamné & condamne
» ladite partie de Moricot à reftituer à celle de
» le Sage les vacations qu'elle a perçues dans les
» informations dent il s'agit : condamne en ou-
» tre ladite partie de Moricot à tous les dépens
M de rinftance »,
PRÉVÔT.
La même juilfprudence avoit déjà été établie
par arrêt de règlement rendu au parlement de
Paris le 5 juin 1659 , encre le Prévôt de Mont-
didier & le bailliage de la même ville. Cet ar-
rêt eft rapporté au tome a du journal des au-
diences.
Additio s à l'article Prévôt.
Le reffort du parlement de Flandres nous offre
quelques particularités remarquables fur certains
orticiers municipaux , défignés par le titre de Pré-
vôts. Pour ne pas nous étendre trop fur cet objet,
nous ne parlerons que des Prévôts de Lille , de
Cambrai , de Valenciennes & de Douai.
Préiôt de Lille. Les conteftations qui fe font éle-
vées depuis peu entre le corps municipal de Lille &
fon Prévôt, ont donné lieu de difcuter & de fixer
les droits de l'un & de l'autre. 'Voici ce qui a été ré-
glé par des lettres-patentes, fur arrêt du 24 juillet
1778, enrcgillrées au parlement de Flandres le 4
août fuivant.
Article I. « Toutes les fois que le corps munici-
»> pal ûégera à l'Iiôtel-de-ville , foit dans la falle
»> dite des plaids, foit au conclave, pour la pro-
'» nonciation des fentenccs en matières civiles &
» criminelles , ou pour vaquer aux œuvres de loi ,
» ou à la réception des bourgeois, ou autres a«fles
" de cette nature, ou pour porter des réglemens
« dans les affaires de police , le Prévôt y occupera
» la première place ; favoir , dans la fille des
" plaids, celle du milieu entre les quatre échevins,
»' & au conclave , celle que le maïeur y eîît occupée
» dans (on abfence.
» 2. Le Prévôt fera tenu de remplir lui-même
'> fes fondions à l'hôtel - de- ville , fans y em-
» ployer fon lieutenant , fi ce n'eft en cas d'ab-
" fence, de maladie, ou autres empêchemens lé-
»' gitimes.
» 3. Le lieutenant du Prévôt pourra le fuppléer
'» dans toutes fes fon£lions , dans les cas prévus par
» l'article précédent, Se fiégera dans la place du
>» Prévôt , tant au conclave qu'à la falle des plaids ;
»' à l'effet de quoi , ledit lieutenant , pour attacher
" à fon état la confidération qui lui eftdue, fera
" tenu , ainfi que fes fucceffeurs , de fe pourvoir
»» pardevant nous pour obtenir un brevet, lequel
»> ne fera expédié , qu'en juftifiant par eux , du
»' choix fait par le Prévôt , & agréé par les maiéur
»» & échevins ; & pourra ledit Prévôt choifir fon
" lieutenant dans toutes les claffes des citoyens
y> honnêtes, gradués ou non gradués, fans ètie
» obligé de le prendre parmi les fergens de la
« prévôté.
» 4. Dans toutes les cérémonies publiques, où
» le magiftrat affifle en corps, le Prévôt occupera
» la preinière place entre le rewart & le maïeur,
»♦ foit dans la marche, foit à l'églife , & dans tel
» autre lieu où le corps municipal fera tenu de
* fe rendre ; fans toutefois que fon lieutenant
« puiffe le fuppléer dans cçs occafions de foiera-
PRÈV-OT.
y4>-
»» nite , où la féance n'eft que de pure cérc-
>r monie.
» 5. Ordonnons qu'à chaque renouvellement des
)» Prévôts, les maïeur & échevins feront tenus de
» leur prcfenter le vin d'honneur par députés, im-
» médiatement apris leur réception ; ik l'abonne-
» ment convenu pour en tenir lieu , fera & dc-
» meura fup primé.
» 6. Tout ce qui concerne l'exécution des ('^n-
» tences appartiendra au Prévôt; en conféquence
I» ce fera lui qui donnera le fignal à l'exécuteur ,
»> avec la verge de juftice, pour l'exécution des
" criminels: faifons très -expreffes défenfes aux
» maïeur , échevins & autres ofhciers municipaux >
)> de s'ingérer dorénavant de remplir cette fonc-
» tion , gui ne peut concerner que le Prévôt ou
» fon lieurenant , comme chef de la juridiction &
» notre repréfentant.
>♦ 7. Toutes les amendes qui feront prononcées
»> pour telle caufe que ce puiffe être , tant en ma-
» tiére civile que criminelle & de police , ne pour-
» ront l'être qu'au profit du Prévôt, comme étant
» à nos droits , conformément aux lettres d'enga-
» gement du 11 avril 1648 : les maïeur & éche-
» vins feront toutefois autorifés , dans les cas où
» l'indulgence leur paroîtra néccffaire , à modérer
» lefdites amendes ; en obfervant par eux d'expri-
>» mer dans leurs jugemens les motifs de cette
» modération.
» 8. Les maïeur & échevins ne pourront ren-
i> dre aucun jugement fur devoir d'office , ou au-
ii trement , fans avoir été femoncés ou coiijurés
» par le Prévôt ou fon lieuten:int, ou fans que
» l'un ou l'autre ait donné fes conclufions.
» 9. Le Prévôt, ou fon lieutenant, feront feuls les
» fondions de partie publique , tant au civil qu'au
» criminel; permettons néanmoins aux maïeur. &
» échevins de porter des réglemens de police , ou
M concernant les arts & métiers , fur le requifi-
» toire, tant du procureur-fyndic , que dudit Pré-
n vôt , ou de fon lieutenant; & pourront lefdits
» maïeur & échevins , dans tous les cas , deman-
» der au procureur-fyndic fon avis pour leur inf-
» truftion.
» 10. Les maïeur & échevins ne pourront fup-
" primer ou fimplement modifier les anciens fta-
» tuts & réglemens de police, & ceux concernant
)j les arts & métiers, oi en porter de nouveaux,
» qu'en préfence du Prévôt ou de fon lieutenant ,
n conformément au règlement du 3 mars 1572 ».
Les autres difpofitions de ces lettres- patentes
font rapportées aux articles .Magistrat & Halle
ECHEVINALE.
Prévôt de Cambrai. La nature de l'office du Pré-
vôt de Cambrai, a fait long-temps le (ujet d'un
problême affez difficile ^ réfoudre. Et fil juge, ou
partie publique, ou femonceur .' Un arrêt du cor-
feil-privéde Bruxelles , du 9 décembre 1670 , fem-
bloit devoir fixer pour toujours les idées fur cette
queftioij; voici ce qu'il portoit, article 17 ; « Le
Z z z ij
548 PRÉVÔT,
» Prévôt aura la furveiUance fur l'adminlAration
» de la jiiftice , fur l'ordre de la police , & fur le
» domaine & le receveur des deniers publics de
V la ville ; tiendra le premier rang & fervice de-
Ti vaut les échevins & penflonnaires , en toutes
» alTemblées & comparutions publiques & particu-
« lières ; fera la diftribution des procès , donnera
» des commiffions de juflice où befoin fera, convo-
« quera les échevins, & en aura la femonce &
)> aufli fon fuffrage en toutes fortes de matières qui
» fe traiteront au collège ».
Ce règlement donnoit , comme on voit , au Pré-
vôt de Cambrai deux qualités incompatibles, celle
de femonceur & celle de juge; on ne doit donc
pas être étonné qu'il foit demeuré fans exécution :
c'eft du moins ce qu'a foutenu le Prévôt dans un
procès jugé depuis peu au parlement de Flandres,
entre lui & le procureur du roi , fyndlc de Cam-
brai. Celui-ci prétendoit l'exclure de toutes les
fon£lions du miniftère public , qu'il paroiflbit avoir
partagées^ jufqu'alors avec lui , fans néanmoins
qu'il y eût eu , fur cet objet , d'autres règles que
des ufages arbitraires & fort variés. 11 eft certain
que le Prévôt auroir fuccombé, fi l'arrêt de 1670
av»it été en vigueur , car il n'auroit pu réunir les
foniflions de juge à celles de partie publique. Mais
ce règlement , qui dans le fait a été aboli en plu-
fieurs points par des ufages contraires , ne pouvoir ,
tlans le droit, recevoir (on entière exécution par rap-
port au Prévôt , puifqu'il lui attribuoit deux qualités
dont le concours efl impoffible. C'eft par ces con-
iidjrations, que l'arrêt rendu fur le procès dont il
s'a9;it , a maintenu le Prévôt dans le droit & pof-
fion de requérir & conclure au fiège échevinal dans
toutes les matières criminelles & de police , Si a
ordonné que toutes les fondions du miniftère pu-
blic , dans les matières civiles , feroient exercées
par le procureur du roi-fyndic. Cet arrêt eft du
5 août 1779.
Prévôt de VuUnciennis, Il y a à Valenciennes
deux officiers qui portent le titre de Prévôts ; l'un
s'appelle le Prévôt de la ville ,& l'autre le Prévôt-
le-Comte.
Le premier ert , à bien des égards , le chef du
corps mimicipal ; mais il n'y fait pas d'autres fonc-
tions que celle déjuge, & il diffère en cela des Pré-
vôts de Lille & de Cambrai.
Le fécond eft le chef du fiège royal , connu fous
le nom de la Prévôté- le-Comte ; & il a , en cette
qualité , féance dans le corps municipal , pour fe-
nioncer (k requérir en matière criminelle & de
police. On peut , à cet égard , l'affimiler aux grands
baillis des villes d'Artois.
Prévôt de Doudi. La Prévôté de Douai ert un
office inféodé depuis plufieurs fiècles , 6c dont les
fon(5^ions confiftent à pratiquer dans toute l'étendue
de l'échevinage , les clains oufaifies qui fe font en
vertu de commiffions ou de fentences du fiège
municipal.
Le Prévôt de Douai avoit auflî la garde de 1 an-
PRÉVOT.
cîenne fortere/Te ;><ir U confeil des échevins, C'eft ce
que nous remarquons dans l'article 14 d'un aile de
1270, intitulé, telles font les droitures le Frouvojl
de Douai,
On peut donc appliquer à la Prévôté de Douai
ce que dit Loifeau dans ion traité des offices, liv. 2 ,
chap. 2 i : <c En Poitou & en quelques autres pro-
» vinces , il y a des fergens héréditaires -, appelés
» châteUins , qui tiennent pareillement leur office
5> en fief, Se qui étoient autrefois les gardes & con-
» cierges des châteaux , d'où vient que dans aucans
» lieux ils font auffi fergens des forêts , & en d'au-
« très ils font receveurs des amendes & autres
» menus droits de la juAice du fcigneur w.
Le Prévôt de Douai n'exerce pas fes fonélions-
lui-même ; mais par un commis que la coutume
défigne en plufieurs endroits par le mot j"ftice.
Voici ce que portent à ce fujet deux dénombre-
mens de 1571 & 1683 : //«m , devons , ou notre-
» dite juflice , garder tous les prifonniers de claiiî
» & de repeux & que nul ne les peut empri-
» fonner , fi ce n'eftpar nous ou par noire ju/lice....
" Cette jufîice eft un homme de bonne & honnête
î> qualité que devons préfenter aux échevins de
» la ville de Douai , pour l'accepter Se admettre h
» l'exercice de notredite juftice de la Prévôté , Si.
» fe nomme un tel homme entre lefdits échevins,
» vulgairement par ladite ville , la jujiice de la
» prévôté >;.
Le Prévôt de Douai a voulu s'ériger en feigneur
de cette ville, & faire paffer les échevins pour fes
officiers. Cette prétention étoit fondée en partie
fur la qualité de jujlice, qu'on a toujours donnée à
fon commis ; mais par arrêt rendu au parlement de
Flandres le 29 mai 1759 , au rapport de M. Jac-
querye , il lui a été fait défenfes de prendre la qua-
lité di feis;n£ur-Prévôt de Douai , faufà lui de pren-
dre celle de Prévôt héréditaire dudit Douai.
Le même arrêt a débouté les échevins de cette
ville de leur oppofition à ce que le Prévôt conti-
nuât de percevoir deux deniers à la livre du prix
de toutes les ventes judiciaires , fans diflinguer (î
elles fe faifoient par décret forcé ou autrement ;
mais en même temps il a défendu au Prévôt de qua-
lifier ces droits de droits feigneuriaux.
Voyez les art. Echevins , Conjure , Grand-
B^ILLI, Feuillie , Mayeur , &. l'addition à l'ar-
ticle Justice. ( Cette addition e{l de M. Merlis ,
avocat au parlement de Flandres').
PREVOT DE L'HOTEL DU ROI,
ou Grand-Prévôt de pRi^NCE. C'eft un officier
d'épée qui exerce une juridiflion importante rela-
tivement à la sûreté , à la fubfiftance & au bon or-
dre de la cour.
Dutillet , & après lui quelques autres auteurs >
ont annoncé que le roi des Ribauds exerçoit au-
trefois la charge de grand-Prévôt ,& qii'il fut inti-
tulé Prévôt de l'hôtel fous le règne de Charles VI>
PRÉVÔT DE L'HOTEL:
Mlraulmont, au contraire, fait defcendre le
Prévôt de l'hôtel , des comtes du Palais.
Mais les uns & les autres fe font trompés ; ce
qu'on peut dire de plus certain à ce fujet, e(ï que
l'autorité du Prévôt de l'hôtel dérive de celle du
grand-fénéchal, qui exiftoit en même-temps que le
comte du palais, mais dont l'autorité n'étoit pas
ii étendue que celle du comte du palais ; du i'éné-
chal elle palfa au bailli du palais , de celui-ci au
grand-maître , du grand maître anx-maîtres d'hôtel ,
& de ceux-ci au Prévôt de l'hôtel.
Ces officiers avoient fous leurs ordres le roi des
Ribauds.
Sous le terme de bauds ou ribauds, on enten-
doit, dans l'origine, des hommes /orr-v 6" déter-
minés^^ propres à faire un coup de main ; ce terme
de r'ibduds fe prit dans la fuite en mauvaife part ,
à caufe de la licence & des débauches auxquelles
s'adonnoient ces ribauds.
Le roi des Ribauds étoit le chef des fergens û-c
l'hôtel du roi ; il avoir lui-même fon Prévôt ou
prépofé, qui exécutoit fes ordres; fes fonctions
confuloient à chaiTer de la cour les vagabonds ,
filoux , femtnes débauchées , ceux qui tenoient des
brelans, & autres gens de mauvaife vie, que l'on
comprenoit tous fous le nom de Ribandf ; il avoit
foin que perfonne ne reftât dans la maifon du roi
pendant le dîner & le fouper , que ceux qui avoient
bouche à la cour, & d'en faire forrir , tous les
ioirs , ceux qui n'avoient pas droit d'y coucher ;
enfin , il prétoit main forte à l'exécution des juge-
mens qui étoient rendus par le bailli du palais , ou
autre qui avoit alors la jurididion à la fuite de
la cour.
Quelques-uns croient que le roi des Ribauds fut
fupprimé en 142; , &. que le Prévôt de Chàtel lui
fuccéda : d'autres difent qu'il ne fut établi qu'en
M7Î.
Mais Boutillier , qui florifToit en 1459 » P'^'ls
du roi des Ribauds, comme étant encore cxifiant;
& , d'un autre côté , les hiftoriens nous apprennent
que le Prévôt ds l'hôtel étok déjà établi dès 1455 ,
puifque les grandes chroniques de l'abbaye de
Saint-Denis rapportent qu'en cette année Jean de
la Gardette , l'rcvôt de F hôtel , arrêta fur le pont
de Lyon , le roi y étant, Otho Caftellan , argen-
tier de (a majefté , & que le Prévôt de l'hôtel affifta
en 14^8, au procès du duc d'Alençon : ain/i cet
ofïïcier & le roi des Ribauds exifîant en même-
temps , l'un ne peut avoir fuccédé à l'autre.
Le roi des Ribauds , qui étoit ordinairement l'un
des archers du Prévôt de Thôtel , fe trouva par la
fuite confondu parmi les archers de ce Prévôt ; les
fergens fubfiftèrent encore quelque temps fous le
Prévôt de l'hôtel ; mais ils furent auffi fupprimés ,
lorfque Louis XI créa des gardes fous le Prévôt de
l'hôtel.
Il réfufte au/n de ce qui vient d'être dit , qwQ le
Prérôt de l'hôtel n'a pas non plus fuccédé aux Pré-
vôts des maréchaux , qui exerçoient leur office à
PRÉVÔT DE L'HOTEL. 549
la fuite de la cour , puifque du temps de Trifta'i
l'Hermite , lequel vivoit encore en 1472, & qui
elt le dernier qui ait exercé cet office , il y avoit
déjà un Prévôt de Ihôtel ; il exifloit même, com-
me on l'a vu , avant 1455-
Le Prévôt de l'hôtel prêtoit autrefois feraient
entre les mains du chancelier de France. Richelieu
fut le premier qui le prêta entre les mains du roi ,
ainfi que cela s'eft toujours pratiqué depuis ce
temps.
L'office c!- grand-Prévôt de France , qui eft uni
à celui de Prévôt de l'hôtel, eft auffi fort ancien.
Les provifions de mefhre François Dupleffis , fei-
gneur de Richelieu , vingt- unième Prévôt de l'hôtai,
nous apprennent que la charge de grand-Prévôt de
l'hôtel fut poffédée avant lui par le feur Char-
dion , qui exerçoit dès M 24. Il fut peut-être le
premier des grands-Prévôts , à moins que cette
charge n'eût été créée pour Triftan & pour Mon-
terad. On croit que ce dernier pofîéda la cliargc
de grand Prévôt depuis qu'il fe fut démis de celle
de Prévôt de l'hôtel.
Comme la charge de grand -Prévôt paroilToit
éteinte , à caofe qu'il n'y avoit pas été pourvu de-
puis la mort de Montcrad , le roi, parles provi-
fions de M. de Richelieu , la rétablit en fa fiveur,
'pour la tenir conjointement avec celle de Prévôt
de l'hôtel.
Par un arrêt du confeil du 3 juin 1589 , le roi
déclara n'avoir jamais entendu , & qu'il n'entendoit
pas qu'à l'avenir la qualité de grand-Prévôt fût
attribuée à d'autre qu'au Prévôt de fon hôtel &
grand-Prévôt de France ; ce qui a encore été con-
firmé par deux autres arrêts.
Le tribunal de la Prévôté de l'hôtel effcompofc
du Prévôt & de plufieurs autres officiers ; favoir ,
de deux lieutenans généraux, civils, criminels &
de police, qui fervent alternativement, l'un à Par/s,
l'autre à la cour; un procureur du roi, un fubfiitut,
un greffier receveur des confignations , d&wx corn-
mis greffiers , un tréforier payeur des gages , douze
procureurs , quatorze huiffiers , trois notaires , dont
deux ont été créés en 1543 , à l'infiar de ceux de
Paris , pour la fuite de la cour & des confeils du
roi ; le troifième a été établi par commiffion du
confeil.
Outre ces officiers de robe longue , le Prévôt
de l'hôtel a fous lui une compagnie, qui, après
avoir été fupprimée par édit du mois de mars 1778,
enregifirè à la chambre des comptes le 21 du mê-
me mois , a été créée de nouveau par cet édit fur
un nouveau plan. Elle eft aujourd'hui compofce
d'un lieutenant général d'épée , d'un major, un ai-
de-major, quatre lieutenans, fix fous lieutenans ,
fix brigadiers, fix fous-brigadiers, foixante gardes ,
fix gardes furnuméraires appointés , & un trom-
pette. Il y a en outre un commifi'aire aux revues
de la compagnie , un maréchal des logis , un fecré-
taire , uo aumônier & un chirurgien.
Tou i officiers doivent être pourvus par
5 50 PRÉVÔT DE L'HOTEL.
roi, fur la préfentation du grand Prévôt, à l'excep»
tion du coramiflaire , dont fa niajefté s'eft réfervé
le choix. Les bas-officieis , gardes , appointes &
trompettes doivent pareillement obtenir leurs pro-
vifions fur la préfentation du grand-Prévôt.
Tous les offices de la compagnie du Prévôt de
l'hôtel , font dans le cafuel éc cet oiHcier , à l'ex-
ception de l'office de commiifaire aux revues.
Suivant l'ordonnance du 9 mars 1778 , le grand-
Prévôt de rhû:cl doit avoir rang de colonel d'in-
fanterie , du jour de fa nomination à c^^ns charge,
6 la commiffion doit lui en être expédiée, à con-
dition toutefois de iiifllflcr de huit années de fervice
au moins en qualité d'officier, dont cinq comme
capitaine.
Le lieutenant général d'épée doit avoir rang de
lieutenant-colonel , pourvu qu'il ait fervi douze ans
en qualité d'officier dans les troupes , dent cinq
comme capitaine.
Le nwijor & les lieutenans doivent avoir rang de
capitaines , après avoir juftifié de douze ans de ier-
vice comme officiers dans les troupes , dont cinq
en qualité de lieutenans.
L'aide major & les fous-lieutenans doivent avoir
rang de lieutenans , fi, au jonr oîi ils font pourvus
de leurs charges , ils ont douze années de iervice ,
dont cinq en qualité d'officiers.
Les brigadiers doivent avoir rang de fergent ma-
jor des régimens d'infanterie, Se les fous-briga-
diers doivent être confidérés comme les autres i'er-
fens de ces régimens , pourvu qu'ils aient préa'a-
lement fervi dans les troupes comme bas-offi-
ciers ; favoir , les brigadiers pendant fix ans , & Jcs
fous-brigadiers pendant quatre ans. L'ancien des
brigadiers , qui a dix ans de fervice en cette qualité ,
doit avoir rang de fous-lieutenant.
Les places He gardes de la Piévôté de l'hôtel ne
peuvent être données qu'à des foldats , cavaliers ou
dragons de la taille de cinq pieds quatre pouces au
moins , qui fâchent lire Si écrire , & qui aient fervi
pendant huit ans dans les troupes.
Les officiers de la compagnie de la prévôté de
l'hôtel doivent jouir des retraites à l'hôtel royal des
invalides , attribuées à leur grades ; & les bas orii-
ciers & gardes doivent être admis au même hôtel ;
favoir, les brigadiers & fous - brigadiers dans la
claffe intermédiaire, & les gardes comme bas-offi-
ciers après vingt-cinq ans de fervice , dont dix dans
leurs charges.
Par une autre ordonnaiace du 15 du même mois
de mars 1778 , le roi a réglé le feivice qui doit être
fait par la compagnie du Prévôt de l'hôtel, & la
police qui doit y étrç obfervée (i).
( j) Voici les pr'wcipalts difpo'itions de cnti ordonnance con-
eernant ces objets :
Article 1 ». Veut &: entend fa maiefté que h plus ex.iâe
fubordinatîon & obéiflance aient lieu de l'inférieur au fupé-
rieut , fuivant l'ordre des grades des officiers & basoftiçiers :
l'intention de fa majellé étant que quiconque refuferoit l'o-
béilTàncc àfon fufwriiwr, en fait de Iervice ou de êikiflint ,
PRÉVÔT DE L'HOTEL.
Le grand nombre des conflits de juridi£iion qui
s'étoient formés , & fe multiplioientdc jour en jour
foit puni ; favoir , les officiers , des attcis , en vertu de l'or-
dre du grand Prévôt ou du lieutenant général d'épée qui le
rep'.cfenti-ra , auxquels il en feia rendu compte ; & les bas-
officiers & gardes , de prifon , par celui du major.
li. Les olîkiers , bas-officiers & gardes ne pourront s'ab-
fenter pour plus de huit jours du lieu où fa niajelté ftia la.
réddence , ians un congé par écrit du grand Privot , qui
pourra en accorder chaque année quatre par brigade, s-pris
fa revue feu er.-ent , non compas ceux dont le liïutenaut ou.
l'un des Jcu^c fous-lieutenans pcunoient avoir beioin pour
leuij alraiies ; fs. inajelbc ne permettant point que deux offi-
ciers de la mciiic brigade puillent s'abfcnier en même-'
temps; & tous lefdits congés ne pourront être pour plus de
trois moi-'. Ceux qui les obtiendront , tant les officiels que
les bis-olFicierj i: gardes , ne jouiront , psndant le tcm, s de
leur abfence, que de la n);itié de leurs appointemcns ôc
lolde ; voulant fa majellé que Taure moitié fuit réunie à la
malTe de riiabillement , & même Ja lota'ité , (î leflits offi-
ciers , bas officiers &.' gardes excédoient d un jour fculeuieut
le terme de leurs cong s ou prolongation d'iceux, f.n? julli-
her par certihciis au liemiqiies , iks mal.idies eu aiitus em-
pcchemens légiiimes qui ne leur aaroient pas permis de re-
joindre Il compagnie au reiT)ps fixe.
1 5. A 1 égard des permillions de s'abfenter pour moins de
liuit jours , rue les officiers , bas-officiers & gardes, déiîrc-
ront obtenir dans le cou's de l'année , elles leur feront ac-
cordées s'il y a lieu , favoir, aux in.ijor, lieutenans & fous-
lieutenans , par le lieutenant génl-ra d'épée, qui en renJra
compte au grand Prévôt; Se aux br;;;a.liers , tous brigadiers
(.V gardes , par le major, qui en rendra compte audit litute-
I a.it général d'épée.
14 Xi y aura chaque jour de fervice au logement de fa ma-
jellé, foit à Ve; failles , foit à Co[n,jiegne , Fontaine'nieau
ou autre lieu où elle réfidera , ainlî qu'a l'armcc , un lieute-
nant , un fous lieutenant , un brigaiier ou fous brigadier al-
ternativeinent Se douze gardes , Icfquels feront pris dans les
trois brigades, à tour de rcle , quant aux officiers &: has-
officiers; 6: quant aux ga des, à taifon de quat e par bri-
gade : lefdits officiers , bas officiels & gardes ir.onteront en
o;d e au ch.iteau , à huit heures du mrtin tn été , & à nei^f
heures en hiver, &: feront relevés le foir à neuf heurts en
été , & à huit heures en hiver ; à l'exception de deux gardes
qui co.îcheront au corps-de-garde. Le major dreflera les états
des officiels & gardes qui devront être tirés de chaque bri-
gade pour ce fervice , ix: les fera afficher dans les corps de-
garde defdiies brigades ; enfuite de quoi il remettra l'état du
détachement total au grand Piévôr, ou , en fon abfence , au
lieutenant gênerai d'épée.
If. Les lieutenans &; fous licurc.nans de fervice au loge-
ment de fa majellé , ne pour ont s'abfenter du château que
pour aller prendre alternativement leurs repas; & l'un des
deux fera toujou s au corps-de garde de même que l'un des
detix brigadiers , un fous brigadier & fix gardes : en forte qu'il
ne puifle y avoir en cbfervation dans lesgileries, cours ou
jardins du château , qu'un lieutenant ou fous-lieutenant, un
brigadier, ii.t fous brigadier 5c trois gardes. Tout le détache- ■
ment fe raflemMera néanmoins pour prendre fcn poîle ordi-
naire , aux pafTages de fa majetlc & de la reine , (ortant du
château ou y rer.t ant. Les biigaJieis &: fous-brigadiers ne
s'abfcnteront qu'alternativement , con.meles officiers , pour
aller prendre leurs repas ; & les gardes ne pourront fortir au
mcr.ie effet , que trois à la- fois ; voulant exprefllment fa
majené , que le corps de garde (oit fans ceffe garni , comme
il ell dit cidelTus , d'un officier , deux bas officiers &: fix
gardes ; à quoi le major fera tenu de veiller exadement ,
pour en rendre compte au grand Prévôt, ou , en fon ab-
fence , au lieutenant général d'épée.
j6. Le fervice de pojite & fûrcté dapi 1» ville OÙ réfidera
PRÉVÔT DE L'HOTEL.
entre la prévôté de l'hùtel & les autres tribunaux,
déterminèrent le feu roi à rendre en fon conleil ,
' fa majcilé , fera fait par le l'urplus des ofticiers , bas officiirrs
& garnies des trois b;igajes , ou «lu deciditment vjui mar-
chera iors des voyages de fa majeilé : il y aura toujours à
chariue co ps-de-j,arde de Vetfiillcs deux hiigadicvs , deux
fojs br'gidieis &: neuf gardes , qui, après l'établillement du
corps de garde du quaicier de Glany , feront réduits pour
chacun à un brigidier ou un fout biigadier &: fix gardes ,
leftjuels i\e f;rcr\t ie!ev:s que toutes les vingt-quatie heures ,
& ne pourront s'abfenter duuit corps-de-garde, tant de jour
que de nuit , que pour les patrouilles, captures &: conduites
des gens dans le cis d'être arrêtés. Ce fetvice fera commande
pat le lieutenant ou le fous-lieutenant dcligni à fon tour par
l'état que dreflera le major, des hommes qui devront erre à
ciiacun des trois corps de garde ; Se ledit lieutenant ou f.us-
lieu tenant fera tcn'a à,e patoître à celui auquel il fera de fer-
vice , au moins toutes les deux heures , depuis huit heures du
matin jufqu'à onze heures du foir en été ,& depuis neuf heu
res du matin jufqu'à dix heures du foir en hiver , pour favoir
lî chacun elt à fon poire , à l'effet de quoi il fera à chaque
fois \l^ appel des hoaimes. Il fe fera en outre rendre compte
de ce qui pourra êtra arrivé ilans I intervalle d'une vili'.e à
l'autre , donnera les ordres convenables , 6c dira toujours où
on pourra le trouver au befoin , tant le jour que la nuit.
I.'aide-n^ajor roulera avec hs fous-lieutenans , tant pour ce
ferviee que pour celui du ch.îteau.
17. Chaque corps de garde de !a ville fournira , tant de
jour q ;e i!e ruit , pour le maintien du bon ordre, une pa-
tiouiiic d: quatre hommes commandés pat le brigadier ou I;
fous-biig-.dier de fervice ; cette patrouille fera des rondes
frcquen;es dans les ditF.rentes rues , avenues &: places de fon
quirticr; indépendamment dei'quelies rondes les bas 0;ncicrs
commandant au corps-de c,ar le feront fortir intermcdiaire-
ment les deux gardes excédant le nombre employé à celles
ci-dellus frelcrtes , pour obferver ce qui fe pafle.a, avertit
au cor; s de-garde j & concourir d'autant plus eixicacement à
ce qiie !c bon ordre &: la tracq- illité publique ne foitnt
point troubles. Le major fe concerteia avec l'oiîîcier com-
mandant i.t girdc d invalides , pour que les patrcuilles de
leurs ^orps-de garde refpeclifs fortent à des heures ditfïrer.tes
Si ne parcourent pas les mètres lieux. Leidites patrcuiiies
fe péteront au furplus main-fo:te 3c affiltance au befoin,
pour i)ue force demeure à celle qui aura requis le fecouts lie
i'aurre.
îS, lly aura dans chaque corps-de garde un régi (Ire fur
lequel le bas officier de garde fera renu d'inférer les heures
de fortie de chaque patrouille , celles des rentrées, & ce qui
fç fera palL dans les ronJes qu'elles auront faites ainli qu'au
corps de-garde ; il remet: a tous les matins un extrait ce ce
rrgiiue au major, qui le portera aiiiri-tôt au fecrétaire d'état
ayar.c le dépattiment de la maifon de fa tnajellé , ahn qu'elle
puilL' être par lui informée de ce qui pouira mériter fon at-
tention ; ledit major informera en même-temps le grand Pré-
vo' :• :; le lieutenant général d'épée,de ce qià fe léra paire;&
e'n .-.3^ d'evcneaiens extraordinaires, il ira iui en faire pattfur-
le-.'Uaii.p, &: en rendre compte au fecrétaire d'état.
'o. le major fera tenu de faire, au moins une fois dans
IVfii -ce de vingt quatre heures, l'inTpedion de tous les corps-
de f;ar.le , tant du château que de la ville , à l'effet de vériner
fi ie nombre des hommes y eft compJer , s'ils (ont en érat de
fervii- &: fcnt leur devoir exaîlement ; il fera relever fur-Ie-
champ cei.'x qui pourfoient fe trouver en faute &: les enverra
en p i(on ; fera remplacer les abfep.s , qui feront punis de la
même manière, &• rendra conipte de ce qui fc fera paffé ,
a'n/1 que de ce qu'il aura ordonné, au grand Prévôt ou au
lietiienant général d'ép.'e.
•iû, Pu'Tj Itdir tiiajor commander , toures les fois qu'il le
jugera néccflaiie pour le bien du fervice , les officiers Se gar-
des i]ui auront été d^ garde au château pendant le jour , pour
PREVOT DE L'HOTEL. 155
Ile premier avril 1762, un arrêt de règlement pour
fixer avec clarté & précifion la compétence de ces
I diiiérens fiègcs ; cet arrêt contient les dirpofuions
fuivancss :
" Ap.TiCLE I. Le Prévôt de Ihôtel de fa majeHé
» connoîtra, à rexcliifion de tous autres juges , de
» tous crimes & délits commis dans les palais , ch:*-
» tcaux & maifons royales dans lel'quels fa ma-
» jefté fera fon habitation aâutlle , ik dans les bà-
taire la nuit des rondes extraordinaires ou captures ordon-
nées.
1 1. Toute petfonne arrêtée pour querelle ou tapage , foit
de jour ou de nuit, fera conduite au corps-de-garJe de la pa-
t ouille qui en aura fait la capture ; celles qui tiendront par
des charges ou emploie à la maifon de fa m.ijefté,de la reine,
des princes & priiiccffes de la famille royale , ou des princes
& princelTes du f-ng , feront gardées au corps de-garde juf-
qu'à ce qu'elles foient réclamées parleurs fupérieurs , qui fe-
ront avertis de leur détention pat un garde. Les citoyens de
la ville fetilement feroat remis au covp:-de garJc des invali-
des du quartier, avec une note lignée de l'oiïicierou has-
olficier de la s;arde de la prévoté de l'hoiel, contenant les
noms de ces particuliers Scies caufes de leur capture. Lespa-
tiouillcs de la garde invalide remettront pareillenient aux
corps-de garde de la prévôté de l'hôtel, les perfonnes appar-
tenantes à la maifon du roi, de la reine, de la famille royale
tk des princes & piinceffes du fang & de la fuire de la cour.
Les bas oPîîciers conimandant auxdits corps degaide , feront
tenus de fe charger tcfpeétivement defdits particuliers , Se
d'en donner leuis reçus ; ceux des corps dc-garde de la pré -
vjté de l'hôtel , feront remis au major , pour en erre par lui
reiidu compte au fecrétaire d'état ayant le département de la
mai;on du loi , alnli qu'au grand Prévôt, ou, en fon abfence ,
au lieutenant général d'épée ; enjoint exprelTément fa majc.ic
audit major de veiller avec h plus grande exadiitude à l'ob-
fervation de la régie prefcite par le ptéient article.
21 Ne pourront les cas officiers & gardes conduire en p i-
fon les perfonnes qu'ils auvent arrêtées pour fait de police ,
qu'en vertu des oidrcs du major ou de l'officier qui com-
iiunJcraau corps de garde ; leiquels major ou olliciers ré-
pondront perfonnelkn ent defdits ordtes ; & dans le cas oij il
yaita lieu à un réfaé , il ne pourra être fait que par-devant
le iiectenant général de robe longue du fîège de la prévôté <i»
l'hôtel.
15. Le fervice à la falle des fpeélacles fera commandé par
le major , tua lieutenant , l'alde-major &: un fous-lieutenant,
qui auront fous leurs ordres deux brigaJiers ou fous briga-
diers Sv- douze gatdes. Le lieutenant fera choifî par le grand
Prévôt fur les deux de fervice dans la ville ; &: les fous-lieute-
rans , bas-olïiciers & gardes , parmi ceux qui feront de repo»
de ce même fervice ou de celui du château. Le major drellera
chaque jour un état du détachement qui devra être employé
le lendemain a la falle, & il le fera afficher dans les corpj-
de-gardede ladite falle &c autres de la ville , afin que chacun
des officiers , bas officiers 5c gardes , puiffe être inllrui: de fa
dertination.
24, Sa majeftc veut & entend que les officiers , bas-offi-
ciers &: gardes de fervice au fpecfacle , s'emploient , avec
autant de fermeté que de prudence & d'honnêteté , au main-
tien du bon ordre &: de la tranquillité auJit fpedacle; qu'ils
concourent avec vigueur à l'exécution des ordonnances qu'elle
a rendues à ce fujer.
iç. Défend exprefTément fa majefté à tous officiers, bas-
officiers & gardes n'étant pas de fervice au fpectacle, de s'y
ptéfenter fans payer , à peine contre \es officiers d'être punis
des arrêts ; & les bas-officiers & gardes , de prifon : enjoir.t
aux majors & officiers commandant la garde , d'y lÊuii Ja
main.
5 51 PRÉVÔT DE UHOTEL.
» timens , cours , baflc cours , & jardins en dépeii-
;> dans , même dans les logemens loués par (es or-
j) dres pour fupplément defdits palais & châ-
j> teaux ».
}> 2. La difpofit'ion de l'article précédent fera
}> obfervée à l'égard de tous les lieux qui (eroient
» habités par fa majefté , en voyage ou autrement.
•13. Ledit Prévôt conn©îtra pareillement, à
« l'exclufion de tous autres juges, des crimes &
« délits commis dans les palais des Tuileries ; du
ï) Louvre & du Luxembourg, bâtimens , cours &
«jardins en dépendons, même dans les loge-
î> mens deftinés aux articles dans les galeries du
w Louvre , aux Gobelins & à la favonnerie ; & ce
V encore que fa majefté ne foit p?.s aâueliement
* en fa ville de Paris.
>) 4. Dans tous les autres châteaux & maifons
» royales où fa majefté ne fera pas fa demeure
» a£luelle , la juiidiâion criminelle fera exercée
j» par les juges ordinaires, ainfi que dans tous les
» autres lieux de leur territoire ; même à l'égard des
3) gouverneurs, capitaines, fuifies, portiers , garde-
rt chafles , ou de ceux à qui fa majefté auroit accordé
» des logemens dans lefdits châteaux & maifons.
» 5, Lorfque fa majefté commandera fes armées
» en perfonne , ledit Prévôt aura la connoiflance
ï> de tous crimes & délits commis dans le quar-
» tier du roi,
1) 6. Ledit Prévôt fera faire exaéîemenJ des rort-
ii des ou patrouilles dans les dix lieues à la ronde
») du lieu qui fera actuellement habité par fa nia-
»i jefté ; fera arrêter les vagabonds , gens fans aveu ,
j» ou autres, qui troubleroient la sûreté & la tran-
}) quillité de la cour ; & pourra leur faire & par-
7> faire la procès jufqu'à jugement définitif in-
« clufivement, lorsqu'il aura prévenu les juges
3> ordinaires.
» 7. Ledit Prévôt connoîtra , à l'exclufion de
») tous juges , des crimes & délits commis dans
» ladite étendue de dix lieues, tant en la perfonne
M de cei\x qui font aéluellement de fervice auprè>
» de fa majeflé , de la reine , de la famille royale ,
i> que par lefdites perfonnes actuellement de fer-
>» vice , fans que , fous aucun prétexte , il puifTe
i> y prendre connoiflance defdits crimes & délits à
« l'égard d'aucuns autres que de ceux portés au
v prefent article & au précédent.
j) 8. N'entend fa maje/lé, comprendre dans !a-
n dite étendue de dix liçues , la ville de Paris &
» fes fauxboiirgs ; dans lefquels ville & fauxbourgs ,
» ledit Prévôt ne pourra exercer aucune juridic-
j» tion criminelle, fi ce n'eft feulement dans les
»> lieux portés par l'anicle 3 du préfent arrêt;. &i
1} à l'égard des crime:. & délits commis dans la-
» dite ville Si fauxbourgs d'icelle , pendant que fa
3> majefté y fera, il n'en pourra connoitre que lorf
» qu'il s'agira de crimes & délits commis entre
>i perfonnes attachées à fon fervice, ou à celui
>? de la reine è-i de }a famille royale j & en cas
V qu'ils aient été commis encre lefdites perfonnes ,
PREVOT DE L'HOTEL.
« & de« bourgeois de ladite ville, ou autres, 1^
» connoiiTance ne lui en appartiendra qu'au ca*
» qu'il eût prévenu les juges ordinaires.
» 9. Ne feront compris dans le nombre des
» commenfaux , officiers, ou autres perfonnes
» attachées à la fuite de fa majefté , ou à celle
>» de la reine & de la famille royale que ceux qui
» font infcrits dans les états enregiflrés en la cour
)> des aides de Paris.
5) 10. La juriditSlion dudit Prévôt n'aura lieu
» fur lefdites perfonnes que pendant le fervice
» qu'elles doivent à fa majefté, ou à la reine
" & la famille royale , fans qu'après le temps
» dudit fervice expiré, ilpuifle continuer de l'exer-
» cer , s'il n'y a eu auparavant un procès-verbal
» de capture , ou une information commencée par
»> lui ou fon lieutenant.
» 1 1. Dans les cas où ledit Prévôt ne feroit com-
)» pètent qu'à raifon du lieu où fi majcfté auroit
» fait fon habitation, fi elle vient à en changer,
" il ne pourra exercer fa juridiCiion , qu'autant
» qu'il y aura eu auparavant un procès-verbal de
J» capture , ou une information faite par lui ou par
» fon lieutenant.
)) 1 2. Déclare au furplus fa majefté , qu'elle n'en-
" tend préjiidicier par le préfent règlement , aux
'> privilèges accordés à certaines perfonnes à raifon
'> de leur dignité ou de leur état; qui feront gar-
» dés & obfervés, ainfj qu'ils l'ont été , ou dû l'être
» ci-devant,
») 13. Ledit Prévôt ne connoîtra du ciime de
)» rapt , de violence ou de féduflion , à l'exclufion
i> de tous autres juges , que dans le cas feulement
» où il aura été commis dans l'intérieur des pa-
5> lais, maifons royales & châteaux dans lefquels
» fa majefté fera (on habitation aftuelle , ou dans
5> leurs dépendances, & les juges ordinaires en
» connoîtront en tous autres cas ; & à l'égard de
» toutes perfonnes fans exception.
» 14. Dans toutes les caufes & procès civils,
)j dont la connoiffance appartient audit Prévôt ,
» il connoîtra pareillement du faux qui y fera inci-
» dent, fans que, fous prétexte du lieu ou de
M la perfonne , il puiiTe connoiire du faux incident
" aux caufes Se procès pendans devant tous autres
» juges.
)» 1 5. Ne pourra , ledit Prévôt connoître , en aucun
» cas , du crime de duel , circonftances Sddépendan-
5> ces; encore qu'il eût été commis dans des lieux ,
1) ou par des perfonnes foumifcs à fa juridiflion ,
" fauf à lui , d'informer dudit crime, même d'ar^
)> réter les prévenus en flagrant délit ; auquel
» cas , il fera tenu de renvoyer les charges , infor-
" mntions & procédures , & ceux qu'il auroit
» arrêtés , dans les cours de parlement & confeils
» fupérieurs, pour y être ledit procès continué à
» la pourfuite Si diligence des procureurs géné-
)) raux de fa majefté , en la forme portée par les
» ordonnances.
M 16. Les lettres d'abolition^ de pardon & de
rémiflioq
PRÉVÔT DE L'HOTEL'
» rémlflîon qui auroient été accordées pour crimes
«& délits inftruiti par ledit Prévôt, lui feront
») adreffces , & fera par lui {)rocédé à leur entérine-
M ment en la forme prefcrite par les ordonnances.
'> 17. Dans toutes les matières attribuées audit
» Prévôt , les juges ordinaires pourront informer
»' & décréter, à la charge de renvoyer le procès &
» les acculés audit Prévôt ; & pourra pareillement
" ledit Prévôt , informer & décréter pour crimes
» commis dans tous les lieux où il peut exercer Ta
« j'jridi(^ion, encore que la connoifTance du crime
5» ou délit ne lui appartînt pas , à la cliargc , pa-
» reillement de renvovcr le procès Si l'accufé "dux
" juges ordinaires qui en doivent connoitre.
5> 18. Ledit Prévôt ou fou lieutenant, pourra
«rendre feul les ordonnances, pour permcttro
» d'informer & pour décréter; 8t à 10:^*1 d du ré-
" glement à l'extraordinaire & autres jugeniens
» préparatoires , interlocutoires ou définitifs , il ne
>» les pourra rendre qu'avec (Ix maîtres des requê-
5> tes de l'hôtel au moins, ou fix des confeillers du
" grand-confeil , ou des cours de parlement; &
" torique fa maje/lé fera en voyage , ou hors du
" lieu ordinaire de fou habitation ; s'il ne fe
« trouve pas à fa fuite fuffifamment de maîtres des
" requêtes , ou dcfdits confeillers pour remplir
'> ledit nombre, il y appellera fix des ofliciers des
»' bailliages ou fénéchauflees , même des autres
" juflices royales qui fe trouveront les plus pro-
î' ches des lieux où fa majefté fera; Si les jus^e-
» mens ainfi rendus feront exécutés en dernier rel-
»> fort , & fans appel.
" 19. Dans tous les cas , où il fera néceffaire
» de mettre le fcellé dans l'intérieur des palais de
M fa majefté, & autres lieux énoncés dans les arti-
" ticles I , 2 , 3 & 4 du préfent arrêt ; il ne pourra
» être appofé & levé que par ledit Prévôt ou autre
» ofHcier de la prévôté de Thôtel,
» 20. L'appofuion & la levée des fcellés ap-
» partiendront pareillement audit Prévôt, lorfque
Mies perfonnes attachées à la fuite de fa majené,
>» ou à celle de la reineSc de la famille royale, décé-
« deront , pendant le tems de leur fervice, dans des
»» logemens par eux occupés pour ledit temps feu-
M lement ; mais s'ils décèdent , même pendant le
V temps de leurdit fervice , dans des maifons à eux
f> appartenantes , ou qu'ils auroient louées pour un
» temps plus long que celui dudit fervice ; lefdites
j> apportions Si levées des fcellés appartiendront
V aux juges ordinaires.
» 21. Les inventaires feront fairs par tels no-
jj taires que les parties voudront choifir; & dans
s» les cas où il fera nécefl'aire de les faire clore en
» junice , la clôture fera faite devant les juges or-
» dinaires.
« 22. S'il eft nécefTaire de procéder auxdits in-
j> ventaires en juflice , ils feront faits par ledit Pré-
» vôt ou psr le jljc ordinaire , félon que l'un eu
«l'autre en fera compétent, aux termes des arti-
» clés 19 & 20 ci-deflus.
PRÉVÔT DE L'HOTEL. 5 î 3
» 43. La vente des meubles fera faite de r.iu"
» torité de celui dudit Prévôt, ou dudit juge qii*
» fe trouvera compétent, aux termes defdits ani-
»> clés, & ce par tel hu i (île r- p ri feur- vendeur qui
»> fera choifi par les parties, ou commis à cet
» effet , s'il efl néceffaire d'en nommer un en
» juflice.
>» 24. Dans tous les cas où ledit Prévôt fera com-
» pètent pour lefdits fcellés, inventaires 8c ventes
>» fuivant ce qui a été réglé ci-deffus , il ne pourra
» prétendre aucun droit de fuite.
» 25. Ledit Prévôt connoîtra du bris des fcellés
» par lui appofés , fans que, fous ce prétexte, il
>» puiffe connoîtredesa(ftions en recelé & diverriffe-
» ment , lefquellcs feront portées devant lesjuga^
1) ordinaires.
jî 26. Les tutelcs & curatelles, & les éman-
» cipations qui feront à faire après le décès des
« perfonnes iùfditcs , feront fyites devant les jisges
» ordinaires, fans que ledit Prévôt puiiTe s'y im-
» mifcer , fous prétexte defdits fcellés , inventaires
» & ventes , ou fous quelqu'autre que ce foit.
V 27. Les demandes &. allions qui concernc-
» ront le fervice que doivent les perfonnes atta-
1) chées à la fuite de fa majeflé , à celle delà reine &
') de la famille royale , l'exercice de leurs fondions ,
» leurs logemens, nourritures ou habillcmens , ou
M de leurs domefliques , pendant le temps de leur
« fervice, ainfi que les adts, conventions ou billets
» qu'elles auroient faits pour raifon defdits ob-
» jets , même les lettres de change caufées pour
niceux, & antres demandes de pareille nature
» & qualité, qui auront trait audit fervice, feront
» portées pardevant ledit Prévôt , à l'exclufion de
» tous autres Juges.
5j 28. Les faifies mobilières ou réelles qui feront
» faites en exécution des fentences rendues par le-
I) dit Prévôt dans le cas dont la connoiflance lui efl
» attribuée par le préfent arrêt; & les inflances
V de préférence, de contribution ou d'ordre, qui
» feront intentées en coiiféquence , pourront erre
Il portées pardevant ledit Prévôt , fans qu'il puifTc
» en connoître en aucun autre cas.
» 29. Ledit Prévôt ne pourra connoître, en au-
» cun cas, des demandes en partage ou licitation
» de biens , des conteftations concernant les tef-
» tamens & les fubftitutions , des oppontions aux
» mariages , des demandes en féparation de corps
» ou de biens ; de celles en retrait lignager , des
» décrets volontaires, ni d'aucune aéiion pcrfon-
» nelle ou mixte , autre que celles portées par les
1» deux articles précédens.
» 30 Ne pourra pareillement ledit Prévôt con-
H noître en aucun cas & fous quelque prétexte
» que ce foit, des faifies féodales, des demandes
M en retrait féodal ou cenfuel , des aélions en rc-
» connoiflance ou payement de cens & rentes des
n demandes en réunions ou en bornages, ni de
» toutes autres matières réelles.
» 3 1. Dans toutes les affaires dont la connoiflance
A aa a
5 54 PRÉVÔT DE L'HOTEL.
5> appartient audit Prévôt, les aiTignations pourront
5' être données; & tous exploits pour l'exécution
3> de Tes ordonnances & jugemens , être faits dans
j» tour le royaume par les officiers de ladite Prévôté
3; ayant pouvoir d'exploiter, fans qu'ils aient be-
»r foin de pareacis ; & en cas que lefdites aiïigna-
» tions foient données , ou lefdits exploits faits par
>» d'autres huilTiers ou fergens , ils feront tenus de
j) prendre un parcatis en la manière accoutumée-
» 32. Le Prérôt ou fon lieutenant fe tranfpor-
»> tera , avant l'arrivée de fa majefté, dans tous les
»> lieux oïl elle devra loger, à l'effet d'y régler, de
y) concert avec les juges de police du lieu, létaux
»j du pain, vin , viande , foin, paille, avoine ,
« bois , chandelle & autres chofes néceffaires à la
» fubfiHance & approvifionnement de fa fuite ,
« fauf , en cas qu'il furvienne quelques difficultés à
ï> cet égard , à y être pourvu par les ordres de fa
j> majelté , fur le compte qui lui en fera rendu.
3j 3;^. En cas qu'il foit néceffaire , pour ladite fub-
9> fîftance , de tirer des marchandifes ou denrées
» des lieux circonvoifins , ledit Prévôt pourra pa-
» reillcment s'y tranfporter , & donner les ordres
» nécefTaires à cet effet, lefquels feront exécutés
>» par provifion , fauf, en cas de plaintes , à y être
î> pourvu par fa majefté ainfi qu'il appartiendra.
»> 34. Ledit Prévôt pourra en outre , de concert
» avec le juge de police du lieu , fixer le taux des
3> denrées & marchandifes pour la provifion de la
» cour & fuite de fa majeflé ,fur les ports les plus
»> proches du lieu où elle fera , fauf, en cas de diffi-
j) culte, à y être pourvu par fa majeflé ainfi qu'il
»» appartiendra.
1» 35. Ledit Prévôt pourra faire des vifites dans
»> tous lefdits lieux , pour y maintenir la police &
M l'exécution de fes ordonnances, en ce qui con-
« cerne ledit approvifionnement feulement ;& il
» connoitra, exclufivement à tous autres juges ,
» des contraventions & contsffations qui pour-
ï> roienf naître à ce fujet , foit au civil , foit au
» criminel.
M 36. Ledit Prévôt connottra pareillement , à
» l'exclufion de tous autres juges , de toutes con-
r> ventions & marchés , foit verbaux , foit par
» écrit,, qui feroient faits & caufés pour l'appro-
>j vifionneme.nr de ladite cour & fuite de fa ma-
y> jefié, même des lettres de change ou billets
» alufi caufés.
w 37. La police dans les chapelles des palais
» & maifons royales mentionnés dans les arti-
» clés 1 , 3 & 4 dsi préfent arrêt , appartiendra
» audit Prévôt , à l'exclufion de tous autres juges :
yt ce qui aura lieu pareillement à l'égard de tou-
» tes les églifes , lorfque fa majefté y affifiera au
yt fervice divin ; & , dans tous les autres cas , la
» police defdites églifes demeurera aux ju^es des
j» lieux.
» 38. La police fur tous vivandiers , marchands
•» ou artifans privilégiés , qui feront à la fuite de
» îadiiè cour , appatùendia audit Prévôt , à l'exclii-
PRÈVOT DE L'HOTEL.
» fion de tous juges ; & à l'égard de tous autres
» vivandiers , marchands & artifans , elle appar-
» partiendra aux juges ordinaires du lieu , fans pré-
« judice néanmoins audit Prévôt , ou fon lieute-
•>■> nant , de faire des vifites de police chez eux , &
>» notamment chez les cabaretiers , pour la sûreté
» & le bon ordre de ladite cour.
y> 39. Ledit Prévôt pourra faire publier, tentes
>» les fois que befoin fera , les ordonnances pour
» la police de ladite ville , même en rendre de
3» nouvelles , s'il eft néceffaire , 6c la connoif-
" fance de tout ce qui concernera leur exécu-
» tion , lui appartiendra exclufivement à tous au-
» très juges.
'> 40. Les ordonnances & réglemens concer-
» nant la propreté des rues des lieux que fa nia-
» jefié habitera , &: pour les boues 8c lanternes ,
» feront faits par le juge ordinaire des lieux , &
» il connoitra de toutes les contraventions &
" conteflations ce concernant , fauf , en cas de
" négligence de fa part , à y être pourvu de l'au-
" tonte de fa majefié ainfi qu'il appartiendra.
M 41. Les ordonnances de police, rendues par
» ledit Prévôt, feront exécutées, nonobftant op-
" pofitions Ou appellations quelconques , & fans
» préjudice d'icelles , fauf l'appel au grand confeiî
" de fa majeflé.
» 42. Veut néanmoins fa majeflé que fi elles
» ont été rendues pendant le cours de fes voya-
» ges , ou ailleurs que dans le lieu de fon ha-
» bitation ordinaire , & qu'il fe trouve à fa fuite
^> trois des maîtres des requêtes de f«n hôtel ,,
)> l'appel en foit porté pardevant eux, poiir'y être
' » flatué en dernier refibrt , fommairement & fan»
)> frai^ , en la forme prefcrite par le règlement du
)> confeil pour l'inftruflion des incidens.
» 43. Ledit Prév^ aura la police des fpe£taclei
» qui auront été établis par permiffion de fa ma-
» jeflé , dans les lieux où elle fera fon féjour.
»> 44. N'entend fa majefté comprendre la ville
» de Paris dans tout ce qui a été réglé par les
)> articles précédens , concernant l'exercice de la
)) police par ledit Prévôt r veut fa majeflé , qiie ,
)» foit en fon abfence , foit en fa préfence , il ne
» puiffe l'exercer que dans l'intérieur dés palais
>» 8c autres lieux mentionnés dans l'article 3 du
3> préfent arrêt.
j> 45. Tout ce qui eft porté par le préfent ar-
5> rêt fur la juridiction dudit Prévôt , aura lieu dans
•>■) les C9S où la reint , ou l'un des princes ou des
» princeffes de la famille royale , ne fe trouvant
» pas avec fa majefié , elle aura chargé ledit Pré-
» vôt ou fon lieutenant de faire le fervice auprès
)7 de leur perfonne.
» 46. Ledit Prévôt connoitra en première inf-
» tance , & à la charge de l'appel audit grand
5) confeil , des conteflations qui pourront concer-
» ner la validité ou invalidité àp.% privilèges de
» ceux des marchands 8c artifans attachés à la cour
; » & fuite de fa mai«ilé, q_ui exerceront auiîileur
PRÉVÔT DES MARCHANDS.
*> profeffion & art en la ville de Paris ou fes faux-
»» bourgs , fans qu'ils puiffent être traduits ailleurs
»> pour rai<b:i de leurs privilèges.
» 47- S^itont au furplus lefdits marckands & ar-
»» tifans tenus de fe conformer aux réglemens faits
w pour l'exercice Se police des arts & métiers de
" ladite ville ; & en cas de contravention , les maî-
»» très & gardes , & les jurés des communautés
" pourront faire la vifue chez lefdits marchands
>» & artifans , à la charge de prendre l'ordonnance
" du lieutenant-général de police , 8c àe (q faire
»» aiî'dler d'un commiffaire : & les conteflations
« qui naîtront à ce fujet feront portées pardevant
» ledit lieutenant général de police ,& par appel
" au parlement de ladite ville.
j> 4S. Les commenfaux de fa majefté , & les
»> perfonnes attachées à fon fervice & à celui de
» la reine & de la famille royale , pourront être
» aflîgnés pardevant ledit Prévôt , dans tous les
» cas dont la connoifFance lui eft attribuée par
>» le préfent arrêt , fans préjudice auxdites per-
» fonnes de faire ufage de leur droit de commim-
« mus dans les cas portés par les ordonnances ,
w fans néanmoins que lefdits committimus puifTent
» avoir lieu lorfqu'it Tera queHion de la police ou
>» des privilèges accordés aux marchands ik arti-
» fans étant à la fuire de la cour.
» 49. Ordonne fa majefl!; que le préfent arrêt
ï> fera exécuté en tout fon contenu , même à l'i-
» gard des conflits & autres conteftations qui fe-
» roient encore indécis ; & ce nonobflant toutes
»> chofes à ce contraires ».
Le Prévôt de 1 hôtel du roi a la nomination d'un
certain nombre de marchands & artifans privilé-
giés de la cour , maifon & fuite de fa majeflé.
Voyez ce que nous avons dit à cet égard à l'ar-
ticle Marchand.
PREVOT DES MARCHANDS. C'eft un ma-
giftrat qui préfide au bureau de la ville , pour
exercer avec les échevins la juridi^llion qui leur
eft confiée.
L'office de Prévôt des marchands eft munici-
pal ; on ne eonnoit que deux Prévôts des mar-
chands en France , celui de Paris & celui de Lyon ;
ailleurs le chef du bureau de la ville eft commu-
nément nommé maire.
En 1 170 , une compagnie des plus riches bour-
geois de Paris établit dans cette ville unQ confrérie
des marchands de l'eau.
Ils achetèrent des abbefle & religieufes de Haute
Bruyère une place hors de la ville, & fondèrent
leur confrérie dans l'églife de ce mcn^'-ftère. Cet
établilTement fut confirmé par des lettres-patentes
de la même année.
Quelques-uns prétendent néanmoins que l'éta-
blitTement de la Prévôté des marchands , à Paris ,
remotite jufqu'au temps des Romains ; que les
marchands de Paris, fréquentant la rivière, par
laquelle fe faifoit alors prefque tout le commerce ,
formoient dès-lors entre eux un collège ou com-
PRÉVOT DES MARCHANDS. 555
munauté , fous le titre de tiautai Farifiaci, fuivane
un monument qui ïut trouvé en 1710, en fouil-
lant fous le chœur de l'églife de Notre Dame. Il
eft à croire que ces nautcc avoient im chef qui te-
noit la place qu'occupe aujourd'hui le Prévôt des
marchands.
Quoi qu'il en foit de cette origine , il eft cer-
tain que l'inftitution du Prévôt des marchands eft
fort ancienne.
Il paroît que dans les commencemens ceux de
la confrérie des marchands qui furent choifis pour
officiers , étoient tous nommés Prévôts des mar-
chands, c'eft-à-dire, prépofès , prapojîii mercato-
rum aquœ. ; c'eft ainfi qu'ils font nommés dans un
arrêt de l'an 1268, rapporté dans les olim.
Dans un autre arrêt du parlement de la pente-
côte , en 1273 , ils font nommés' /c^î/^/ni , & leur
chef màgifler Jcûbinorum.
Il y en avoit donc dès lors un qui étoit diftin-
gué des autres par wn titre particulier , & qui éft
aujourd'hui reprèfenté par le Prévôt des marchands.
En effet, dans l'ancien recueil manufcrit des or- '
donnances de police de Paris , qui fut fait du temps
de Saint-Louis , les échevins & leur chef font dé-
fignés fous ces difFcrens litres , // Prévôt de la confré-
rie des marchands & li éch.vins ; // Prévôt & Il jurés
de la inarchandife ; li Prévôt & Il jurés de la con fe-
rle des marchands. Ailleurs il efi nommé le Prévôt
de la ma'chandlfe de l'eau , parce qu'en effet la ju-
ridivflion à la tête de laquelle il eft placé , n'a prin-
cipalement pour objet que le commerce qui fe
fait par eau.
Il devoir être préfent à l'éleé^ion qui fe fai'oit
par le Prévôt de Paris , ou par les auditeurs du
châtelet , de quatre prud'hommes pour faire la
police fur le pain , & il partageoit avec les prud-
hommes la moitié des amendes.
C'étoit lui & les échevins qui élifoient les
vendeurs de vin de Paris ; ils avoient le droit du
cri du vin , & levoient une impofuion fur les ca-
baretiers de cette ville. Le Prévôt avoit la moitié
d.s amendes auxquelles ils étoient condamnés ;
c'étoit lui qui recevoir la caution des courtiers
de vin.
Il avoit , conjointement avec le Prévôt de Paris ,
infpeflion fur le fel.
On l'appeloit aufli à l'èle^lion des jurés de la ma-
rée & du polft"on d'eau douce.
Il étoit pareillement appelé, comme le Prévôt
de Paris, pour connoître avec les maîtres des mé-
tiers , de la bonté des marchandifes amenées à Paris
par les marchands forains.
On l'appela aufti au parlement, en 1350, pour
faire une ordonnance de police concernant la
pefte.
Il recevoir avec plufieurs autres ofliciers , le
ferment des jurés du métier des bouchers &
chandeliers.
On trouve que dans plufieurs occafions le Pré-
vôt des oiarchands fut appelé à des aifemblées
A aaaij
5î6 PRÉVÔT DES MARCHANDS.
confidérables. Par exemple, en ijyo, il fut ap-
pelé à une a/Temblée pour faire un règlement fur
lo pain ; & en 1379, à une autre afîemblée où
i! s'agilToit de mettre un impôt fur l,i marée.
Il affifta le ai mai 137^ , à l'enregiftrement de
redit de la majorité des rois.
Mais , le 27 janvier 1382 , à roccafion d'une fé-
dition arrivée à Paris , Charles VI fupprima le
Prévôt des marchands Si l'échevinage de la ville
de Paris , & réunit le tout à la Prévôté de la même
viiîe ; enferre qu'il n'y eut plus alors de Prévôt
des marchands nid'échevins ; ce qui demeura dans
cet état jufqu'au premier mars 1 388 , que le roi ré-
rnblit le Prévôt des marchands & les échevins :
mais il paroît que la juùdii^ion ne leur fut rendue
que par une ordonnance de Charles VI du 20 jan-
vier 1411.
Le Prévôt des marchands préfide à cette ju-
ridiftion.
Il eft nommé par le roi , & fa commiflion eft
pour deux ans ; mais il eft continué trois fois > ce
qui fait en tout huit années de prévôté.
Cette place eft ordinairement remplie par un
magiftrat du premier ordre.
Le Prévôt des marchands a le titre de cheva-
lier ; il porte dans les cérémonies la robe de fatin
cramoifi.
Il y a aufTi à Lyon un Prévôt des marchands ,
au fujet de l'exercice duquel le roi a donné , le
14 feptembre 1780, des lettres-patentes que le
parlement a enregiftrées le 29 novembre de la
même année , & qui font ainfi conçues :
« Louis, &c. Salut. L'article 2 des lettres-pa-
î) tentes données le 31 août 1764 , par le feu
» roi , notre très-honoré feigneur & aïeul , pour
17 régler l'adminiftration de notre ville de Lyon ,
w porte , que le Prévôt des marchands fera par
» nous nommé , fur la ptéfentation qui nous fera
» faite de trois fujets nés dans la ville de Lyon ,
» & iowifTant des privilèges de la noblefîe , élus
}> par la voie du fcrutin 8c par billets , dans une
« affemblée de notables. Il eft ordonné par l'ar-
n ticle 3 des mêmes lettres-patentes , que ledit
» Prévôt des marchands exercera fes fondions pen-
» dant deux années , à l'expiration defquelles il
» fera procédé à l'éleflion de trois fujets qui doi-
» vent nous être préfentés , & dans le nombre
ij defquels pourra être compris celui qui fe trou-
« vera dans le cas d'être remplacé, à l'effet d'être
n prorogé , s'il y a lieu , fans néanmoins qu'il
» puiffe l'être plus de deux fois ; nous avons confi-
n déré que , pendant deux années , il n'ert pas
» portîble au Prévôt des marchands de s'inftruire
M de toutes les branches d'une adminiftration auHî
n confidérable , d'en fuivre les différentes affaires ,
). de réformer les abus qui peuvent s'y gliffer ,
»» & d'y opérer le bien. Nous avons obfervé d'ail-
»> leurs que les élevions , fe renouvelant fans ceffe ,
9» entretiennent ks cabales des afpirans , & fo-
•:entent la plus grande partie des troubles dont
r-RÉvoT Des xMAréchaux.
» !e corps de ville eil fouvent agité : pour rcmé-
>» dier à ces deux inconvéniens , autant que les
>» circonftances peuvent le permettre, nous croyons
» devoir portera fix ans le temps de l'exercice du
V Prévôt des marchands ; & par ce moyen nous
" tiendrons un milieu entre les changemens trop
» fréquens & la perpétuité , qui feroit également
j> préjudiciable. A ces caufes & autres confidéra-
» tions à ce nous mouvant , de l'avis de notre con-
» feil , 5c de notre certaine fcience , pleine puif-*
» fance & autorité royale, nous avons ordonné ,
» & par ces préfentes fignées de notre main , nous
V ordonnons qu'à l'avenir le Prévôt des marchands
» de notre ville de Lyon exercera pendant fix an-
» nées entières & confécutives , à l'expiration def-
» quelles il fera procédé , en conformité de ce
" qui eft prefcrit par les lettres - patentes du 31
» août 1764, à l'éledion de trois fujets qui doi-
» vent nous être préfentés , fans que celui qui
» fera dans le cas d'être remplacé puiffe , en au-
» cune manière , y être compris. Voulons , en
» conféquence , que le fieur Fay de Sathonay,
» Prévôt des marchands aâuel , continue d'exer-
» ccr jufqu'à ce qu'il ait rempli lefdites fix années ;
» à l'effet de quoi, & pour ce regard feulement^
M dérogeons auxdiies lettres-patentes du 31 aoûr
» 1764. Si donnons en mandement, &c. ».
PREVOT DES MARÉCHAUX. Ceft un of-
ficier prépofé pour veiller à la fureté des grands
chemins , prendre connoiffance de certains crimes.
& délits, & les juger fans appel.
On peut rapporter aux Romains la première inf-
titution de ces fortes d'officiers. Les romains ayant
des milices deftinées à battre la campagne pour
arrêter les malfaiteurs & les livrer aux juges , les
chefs de ces milices étoient appelés /«j/r^/zcu/jtorf^.
En France , les comtes étoient pareillement char-
gés de veiller à la fureté des provinces.
Les baillis & les fénéchaux qui leur fuccédèrent
furent chargés du même foin. Le Prévôt de Pa-
ris , qui tient le premier rang entre les baillis ,
avoit pour ce fervice deux cents vingt fergens à
cheval, qui venoient tous les jours à l'ordre, &
une compagnie de cent maîtres, qui battoient
continuellement la campagne, & à la tête de la-
quelle il fe trouvoit lui-même dans les occafions
importantes. Les baillis & fénéchaux faifoient la
même chofe chacun dans leur province.
Il n'y avoit, jufqu'au temps de François pre-
mier , que deux maréchaux de France ; ce prince
les augmenta jufqu'à quatre : ils commandotent
les armées avec le connétable , comme fes lieu-
tenans, & en chef lorfqu'il étoit abfent. La juri-
diéiion militaire attachée a ce commandement étoit
exercée fous leur autorité par un Prévôt qui de-
voit être gentilhomme & avoir commandé ; il étoit
à la fuite t'es armées ; & en temps de paix il n'a-
voit point de fonction.
Charles VI fixa ce Prévôt des maréchaux à la
fuite de la cour , d'autant que fous fon règne la
PRÉVÔT GÉNÉRAL.
cour ne futprefqiie point féparée de l'armée. Cet
arrangement fubfifta fous les règnes fuivans,c'eft
même de cet officier qu'on a tait le Prévôt de
l'huiel du roi 5 ou grand Prévôt de France, dont
on a parlé précédemment.
Cet officier, ne pouvant veiller fur toutes les
troupes qui éteient tant en garnifon qu'à l'armée,
envoyoit de côté & d'autre fes lieutenans pour
informer des excès commis par les gens de guerre.
Louis XI permit, en 1494, au Prévôt des ma-
réciiaux de commettre dans chaque province un
gentilhomme pour le repréfenter, avec pouvoir
d'alTembler , félon les occafions , les autres nobles
& gens du pays , pour s'oppofer aux gens de
guerre , aventuriers & vagabons débandés des
armées, courant les champs , volant & oppri-
mant le peuple ; les prendre & faifir au corps ,
& les rendre aux baillis & fénéchaux pour en
faire juftice.
Dans la fuite, ces commiffions furent érigées
en oflice pour diverfes provinces ; tellement que,
vers la fin du règne de Louis XI , il ne refta pref-
qne aucune province qui n'eiàt un Prévôt des ma-
réchaux. On en compte aujourd'hui trente trois,
Foye^ ce que nous avons die à l'article MARÉ-
CHAUSSÉE.
PRÉVÔT GÉNÉRAL ou Grand Phévôt
DES MONNOIES. C'eft un officier qui eft à la této
d'une compagnie d'ordonnance, établie pour fa-
ciliter l'exécution des édits & réglemens donnés
fur le fait des monnoies , prêter main-forte aux
députés de la cour des monnoies , Se exécuter les
arrêts de cette cour & les ordonnances de fes
commifîaires.
PRÉVÔT GfNÉRAL. 5^7
» du 2 janvier 1772, qui feront exécutés lelon
» leur iurme & teneur en ce qui n'eft point con-
') traire à ces préfentes.
» 2. Les offices, compofant ladite compagnie,
» ne leront plus à la difpofition de notre grand
j» Prévôt comme parlepaile, mais feront fuje.t-s
» aux difpofitions de notre édit de février 1771 ,
" qui fera à leur égard exécuté ftlon fa forme &
» teneur , comme pour tous les autres offices , &
» fiiivant icelui fujet à l'évaluation , centième de^
» nier ik cafualité à notre profit, dérogeant à cet
1' égard à toutes difpofitions contraires , Qc no-
tamment à celles portées en nofdites lettres-pa-
tentes des premier novembre 1765 , 25 juillet
1766, 18 avril 1767 , édit de mai 1770 ,& dé-
claration du 2 janvier 1772, qui demeureront
nuls tic de nul effi.'t , les caHant & aiinullant
en ce qu'il y a de contraire à notre édit de fé-
vrier 1771 ,8c à l'article précédent.
V 3. Voulant pourvoir à l'indemnité due au
» grand Prévôt de nos monnoies pour le droit de
3J dilpofer qu'il a eu jufqu'à préfent fur les offi-
»> ces compofant fa compagnie , & dont il devient
>j prive, nous avons ordonne Si. ordonnons que
» les officiers & les archers d'icelle feront tenus à
ï) chaque mutation , à quelque titre que ce foir,
» même à l'égard de ceux levés en nos parties ca-
n fuelles , de prendre l'attache & préfentation du-
V dit grand Prévôt pour en être pourvus , de lui
» payer , indépendamment Se en fus des droits
» payables en nos revenus cafuels , fon droit d'at-
» tache & de préfentation : favoir, pour le lieute-
» nant à gages dix-huit cents livres ; pour les llx
» lieutenans, dont un guidon, tous fans gages.
Cette compagnie étoit dans l'origine compofée I » chacun feize cents livres, pour les trois exempts
d'un petit nombre d'officiers; mais ci!e " -^ — •-■ " -----=" -i-— "" — ^^ ^...,.. 1:,,..,, — ^.,-i^„/-„_-
a depuis
été augmentée en différens temps.
Le Prévôt général a eu la difpofition des offi-
ces de cette compagnie jufqu'au 8 avril 1773 ;
mais à cette époque , le feu roi en a ordonné au-
trement par une déclaration qui forme le dernier
état de cette compagnie, & qui contient les fix ar-
ticles fuivans :
« Article I. La compagnie du grand Prévôt
j> des monnoies de France , compofée de fix lieu-
3) tenans, dont un à gages & cinq fans gages , un
fi lieutenant guidon fans gages, dix exempts, dont
J> trois à gages, trois cents trente archers, dont
î> quarante-un à gages & deux cents quatre-vingt-
» neuf fans gages , po'.-.rvus en titre d'offices, &
j> de foixaiuedix archers par commiffion , conti-
« nuera d'être traitée fuivant les loix de notre
)> gendarmerie & maréchauffiée de France, & en
« conféquence jouira des privilèges, droits, pou-
3> voirs , fondions & exemptions à eux attribués
» par nos édits , déclarations , lettres-patentes &
t arrêts de notre confeil, & notamment par nos
« arrêts du corfeil& lettres- patentes des premier
5> novembre 1765 , 25 juillet i-jSS't 18 avril 1767,
» 9 avril 1768, édit de mai 1770, & déclaration
» à gages, chacun onze cents livres, pour les fept
j> exempts fans gages, chacun neuf cents livres,
» pour les quatre greffiers de département fans ga-
» ges, chacun neuf cents livres , par chacun des
« quarante-un archers à gages , ci-iacun fix cents
n livres ; & par chacun des autres archers fans ga-
» ges, cinq cents livres, faute de payement def-
» quelles fommes & de l'attache oc préfentation
î> dudit grand Prévôt, il ne pourra être expédié
» aucunes provifions à peine de nullité.
"4. N'entendons préjudicierparle précédent ar-
1) ticle au droit accordé à notre grand Prévôt des
?» monnoies parnotre déclaration du mois de mai
» 1770 & lettres-patentes y relatées , de com-
" mettre à l'exercice de toutes les charges , tant
» d'officiers que d'archers de fa compagnie , qui
3 fe trouveront vacantes par mort, abandonne-
» ment, forfaitures, infirmités, grand âge , dé-
» fertion , défaut de fervices , tant & (1 long-temps
î) que durera ladite vacance , dans lequel droit nous
n l'avons maintenu & confirmé : quant aux
n foixante & dix places d'archers fans gages , aux-
jj quelles nous l'avions autorifé de commettre par
n notredite déclaration , ordonnons qu'elles fe-
» ront ôc demeureront commuées en tttre d'oâi-
55 s PRÉVÔT GÉNÉRAL.
jy ces , & qu'elles ne pourront être exercées h
j> l'avenir qu'en vertu de provifions de nous, 6c
j> en payant là finance qui fera réglée en nos re-
« venus cafuels , fans que notredit Prévôt des mon-
3> noies puifTe y commettre à l'avenir, (i ccn-^iï
» dans les cas où il y eft autorifé pour les autres ot
« ficiers de fa compagnie , ni percevoir d'autres
»> droits que ceux qui lui font attribués pour iceux,
ï» Voulons & entendons qu'au moyen defdites pro-
« vifions , ceux qui les auront obtenues ]ouïiTcnt
î) des mêmes droits, prérogatives , fondions , fa-
» cultes d'exploiter dans toute l'étendue de no-
»> tre royaume , privilèges, prorogatives & exemp-
« tions que les autres archers de ladite compagnie,
»» fans aucune diAtn(5}ion ni différence , dérogeant
» à cet effet à tous édits, déclarations & arrêts
» à ce contraires.
» ç.Voulons & entendons que lefditslleutenans,
>i exempts , greffiers & archers cidefTus mention-
» nés , continuent.comnie par le pafTéjConformé-
« ment à nos lettres-patentes en forme d'édité , du
« mois de juin 1646, & oé^obre 1647, deréfideren
>» tel lieu de notre royaimie qu'ils aviferont bon
it être , jufqu'à ce que nous ayons pourvu à une
>> folde fuffifante pour leur alfigner des dépar-
») temens, nonobftant toutes lois à ce contraires.
» 6. Ordonnons au furplus que nos édits, dicla-
j> rations lettres- patentes, réglemens & arrêts de
>» notre confei! feront exécutés félon leur forme
j) & teneur, en ce qui n'eft pas contraire à ces pré-
s> fentes, que nous voulons être gardées & ob-
»> fervées en tout leur contenu , nonobftant op-
») pofitions, dont fi aucunes interviennent , nous
« nous réfervons & à noire confeil la connoif-
» fance, & icelle interdifons à toutes nos cours &
» jnges ».
Comme la loi qu'on vient de rapporter n'avoit
point été adreffée dans le temps à la cour des
monnoies de Paris , le roi la lui a adrelTée par des
lettres-patentes du 12 février 1776, en exécution
defquslles elle a été enregiftrée par cette cour le 6
mars de la même année (i).
(i) L'arrîc i'tnref\flremenr. efl ainfi conçu :
Reoillrécs au greftc de la cour , ouï & ce requérant le pro-
cureur çènéral du loi , fans que i'énonciacion d'aucune dé-
claraticD, arrêts & lettres-patentes qui n'auroicnc été regil-
trées en la cour , puifTe fup()lcer au défaut de leur enrcgilhe-
ment ; comme aiiffi fans que les qualifications & énoncia-
tions faites en l'article premier puifTeiit attribuer audit Pré-
vôt aiities & plus gands droits que ceux rifulrjns de fon
édit de création , Se fans que les difpolitions des articles a &z
■1 puilTent nuiie aux droits des tiers , relativement à la pro-
priété d'aucun des offices y mentionnés, & aux conteftations
penrlantes en la coût à ce fujet , pour être au furplus lefdi;es
Jciiies patentes exécutées félon lesr forme &-' teneur, &: jouir
par ledit Prévôt , fes officiers &: archers , de l'effet & contenu
en icelles ; à la charge d'exécuter les arrêts de la cour des 5
mai & 5 juillet 1775 , concernant la diîlributinn des orficiers
te archers de ladite compagnie , dans les refiortsdes diffc-
rens (ièges des monnoies. Se leur fervice auprès defdites ju-
ridiûions ; que les comniirfîons qui feront déliv ées par ledit
Piçvôt, en exécution de l'article 4 , contiendront ies noms
PREVOT GÉNÉRAL.
Le Prévôt général des monnoies peut connoîrre
par prévention & concurrence avec les généraux
provinciaux, juges-gardes ,& autres offtciersdeî
monnoies. Prévôt des maréchaux & autres juges
royaux, même dans la ville de Paris, des crimes
de fabrication &-expofi!ion de fauffe nionnoie ,
rognure & altération d'efpéces , billonage & au-
tres crimes de juridiâion concurrente , pour rai-
fon defquels il peut informer , décréter ik. faire tou-
tes les inllrudions & procédures néceflaires jufqu'à
jugement définitif exclufjvement , fans pouvoir
cependant oi donner l'élargillement des prifonniers
arrêtés en vertu de fes décrets ; & à la charge d'ap-
porter toutes les procédures & inftruélions à la
cour des monnoies , à l'effet d'y être réglées à
l'extraordieaire, s'il y a lieu , & être jugées défini-
tivement lorfque le procès a été inflruit dans l'é-
tendue de la ville , prévôté , vicomte & monnoie
de Paris, ou aux préfidiaux les plus prochains ,
lorfque les procès ont été inffruits hors de cette
étendue.
Il connoît par concurrence avec les mêmes gé-
néraux provinciaux , juges gardes & autres offi-
ciers des monnoies , & privativement à tous au-
tres Prévôts & juges , des délits , abus & malver-
fations qui , dans l'étendue du reffort de la cour
des monnoies de Paris , peuvent être commis par
les jufticiables de cette cour , chez lefquels ils peu-
vent faire vifites & perquifitions pour ce qui con-
cerne la fonte , l'alliage des matières d'or & d'ar-
gent , les marques qui doivent être fur leurs ou-
vrages, & autres contraventions aux réglemens,
à l'exception cependant de ceux qui demeurent
dans la ville de Paiis , chez lefquels ils ne peu-
vent fe tranfporter fans y être autorifés par la
cour ; & il peut juger les abus , délits & malver-
fations jufqu'à fentence définitive inclufivement ,
fauf l'appel.
11 ne peut néanmoins connoître, dans l'intérieur
des hôtels des monnoies , des abus, délits & mal-
verfations qui peuvent être commis par les offi-
ciers & ouvriers employés à la fabrication des ef-
pèces , ni des vols des matières qui peuvent avoir
été faits dans les hôtels.
& furnoms des titulaires à la place defquels il commettra , 5c
le genre de vacance , fans pouvoir par lui exiger aucune
fomme pour laifon deldites coramiiiions qu'il délivre, a :
comme aulTi que les achers commis ne pourront exploiter
ni faire aucun iùe judiciaire, finon en cas t^e flagrant dé-
lit, es matières de la compétence & juridiûion de la cour,
à l'effet de quoi i's prêteront ferment di-vant lui ; Se enfin,
que les conteltatii nsqui pourront furvenirà raiion de l'exé-
cution deldites lettres, ne pourront être portées ailleurs
qu'en la cour. Ordonne qu'elles (eront imprimées & affichées
par-tout otj befoin fera , & copies collatronnées d'icelles ,
envoyées .i la diliijence du procureur général du roi, dans la
fuges des nionnoe; , pour y être pareillement regiltrées ic
exécmtes. félon leur forme & teneur. Enjoint aux fubftituts
du procureur général du rci efdits fièges, d'y tenir la maia
&■ d'en certifier la cour au mois, fuivant l'arrêt de ce jonr.
Fait en la rour des monnçicJ le 6 mars 177^. CoHationn:.
PRÉrVOT DE PARIS.
Il peut oonnoitre des cas prévôtaux , autres que
ceux qui concernent les monnoies , fuivant l edit
de (a création , concurremment avec les autres
Prévôts des maréchaux : on doit cependant obfer-
ver que par arrêt du confeil du 6 fjvrler 1685 ,
contradiifloire entre lui & le Prévôt de l'iile de
France, il ne paiit en connoître dans la ville de
Paris , ni dans l'étendue de l'ifle de France.
Le Prévôt général des monnoies a auffi le droit
de correélion & dilcipline fur les officiers 8t ar-
chers de fa compagnie , fauf l'appel à la cour des
monnoies , à laquelle il appartient de connoître de
toutes les conteftations qui peuvent naître entre lui
6i fes officiers & archers, pour raifon des fonctions
de leurs offices.
11 a entrée & féance à la cour des monnoies
après le dernier confeiller , le jour de fa réception ,
ainfi qu'au rapport des procédures inAruites par
lui ou par fes lieutenans , & toutes les fois qu'il y
eft mandé, & qu'il a quelque chofe à repréfenter
pour le fervice du roi ou les fonilions de fa charge ,
mais fans avoir voix délibérative.
Le Prévôt général des monnoies a encore le
droit de connoître des duels , fuivant la difpofuion
de l'édit de 1669.
Il n'eft point obligé de faire juger fa compétence
comme les autres Prévôts des maréchaux , mais
feulement lorfqu'elle lui eft conteftée , &c c'eft à la
cour des monnoies qu'il appartient de la juger.
L'article 4 de l'édit du mois de mai 1770 , enre-
giftré à la cour des monnoies le 15 mai 1771 , a
déterminé les privilèges dont doivent jouir les bri-
gadiers, fous-brigadiers & archers de la prévôté
générale des monnoies. Voici ce qu'il porte :
« Les privilèges dont jouiront à l'avenir les bri "
y> gadiers , fous-brigadiers & archers de notre pré'
j> voté générale des monnoies , foit en charge >
« foit par brevet ou commiffion , feront & demeu"
>) reront reftreints à l'avenir à l'exemption de col'
j» leéîe , fyndicat & milice , corvées , tréforeries »
« adminiftration , confrérie , marguiUage, tutele j
j> curatelle , patrouille , guet & garde , & autres
j> charges perfonnclles ; & à l'égard de l'exemp-
» tien de logemens & uftenfiles de gens de guerre ,
» ils ne pourront en jouir qu'autant qu'il n'y aura
ï) pas de foule , ou qu'ils n'auront pas fait d'ades
» dérogeans , tels que commerce à boutique ou-
v verte : en conféqiicnce , avons fupprimé , comme
j) abufifs & à charge à nos finances , tous autres
» privilèges & exemptions quelconques , dont ils
w ont joui jufqu'à préfent , 8c qui ont été accordés
ï> par nos précédens édits , à tous cavaliers de ma-
3) réchauffée ou gendarmerie , dont ladite compa-
» gnie fait corps ».
L'article 8 du même édlt , & l'article 9 de la dé.
claration du 2 juillet 1772 , ont attribué au Prévôt
général des monnoies la nobleile :iu pre.mier degré.
PRÉVÔT DE PARIS. Cefi un magiftrat d'é-
pèe, qui cft le chef du châtelet, ou de la prévôté
PREVOT DE PARIS.
559
& vicomte de Paris , juftice royale ordinaire delà
capitale du royaume.
L'ètablilTement de cet office remonte jufqu'à
Hugues Capet ; la ville de Paris , ck tour le terri-
toire qui en dépend , étoient alors gouvernés par
des comtes, qui réuniiToient en leur perfonne le
gouvernement politique & miluaire , l'adminiflra-
tion de la jufticc & celle des finances. Ils rendoient
la juilice en perfonne dans Paris , & avoient fous
eux un vicomte qui n'étoit pas juge de toute la
ville , mais feulement d'une petite portion qui for-
nioit le fief de la vicomte, & d'un certam terri-
toire au dehors. Hugues Capet, qui étoit d'abord
comte de Paris , étant parvenu à la couronne en
987 , y réunit le comté de Paris qu'il tenoit en
fief ;&. l'office de vicomte ayant été fupprimé vers
l'an 1032 , le Prévôt de Paris fut inftitué pour faire
toutes les fonélionsdu comte & du vicomte ; c'efl
pourquoi le titre de vicomte efl toujours demeuré
joint avec celui de Prévôté de Paris.
Le Prévôt de Paris fut doncinftitué, non pas
feulement pour rendre la jufiice , il étoit auflî
chargé, comme les comtes , du gouvernement po-
litique 6c des finances dans l'étendue de la ville »
prévôté & vicomte de Paris.
On ne doit pas le confondre avec les autres Pré-
vôts royaux, qui font fubordonnés aux baillis Se
fénéchaux. Il n'a jamais été fubordonné à aucun
bailli ou fénéchal , ni même au bailli de Paris ,
tandis qu'il y en a eu un. Il précède même tous les
baillis & fénéchaux.
Les principales prérogatives dont jouit préfente-
ment le Prévôt de Paris , font :
1°. Qu'il efl le chef du châtelet; il y repréfente
la perfonne du roi pour le fait de la juîlice: en cette
qualité , il eft le premifer juge ordinaire , civil & po-
litique de la ville de Paris. Il peut venir fiéger ,
quand il le juge à propos , tant au parc civil qu'à la
chambre du confeil , & y a voix délibérative , droit
que n'ont plus les baillis & fénéchaux d'èpée : il
n'a pas la prononciation à l'audience ; mais, lorf-
qu'il y efl préfent, la prononciation fe fait en ces
termes : M. le Prévôt de Paris dît , nous ordonnons ,
é-c. Il figne les délibérations de la compagnie à la
chambre du confeil.
i". lia une féance marquée au lit de juflice ,
au-deffous du grand chambellan. Dutillet , des
grands, dit que quand le roi ell au confeil au par-
lement, le Prévôt de Paris fe place aux pieds du
roi , au-deffous du chambellan , tenant fou bâton
en main , couché fur le plus bas degré du trône ;
mais que quand le roi vient à l'audience , le Pré-
vôt de Paris , tenant un bâton blanc à la main , eft
au fiège du premier huiffier , à l'entrée du parquet ,
comme en ayant la garde & défenfe ; que c'efl lui
qui tient le parquet fermé; les capitaines des gar-
des n'ont que la garde des portes de la falle d'au-
dience.
On trouve grand nombre d'anciennes ordon-
nances qui font adreffées au Prévôt de Paris , au-
5^0
PRÉVÔT DE PARIS.
quel le roi enjoignoit de les faire publier ; ce qu'il
faifoit en conformité de ces lettres.
Suivant une ordonnance du mois de février
1327, on voit que c'étoit lui qui mettoit les con-
feillers au châtelet; qu'il mandoit, quand il vou-
loit , au cliâtelet, les confeillers de ce fiége , qu'il
pouvoit priver de leur office les officiers de fon
fiège qui manquoient à leur devoir , puis en écrire
au roi pour favoir fa volonté. Il paroit même qu'il
fut nommé pour la réforniation des abus du châîe-
let. On mettoit les procès du châtelet dans un coffre
dont il avoit la clef, & c'étoit lui qui en faifoir la
diflribution ; c'étoit lui qui inftituoit les notairts &
qui nommoit les fergens à cheval.
Il étoit chargé , en 1348 , de faire obferver dans
fon reiïbrt les ordonnances fur le fait des mon-
noies : il avoit le tiers des confifcations ; & fi le roi
faifoit rcmifc d'une partie de îa confifcation , le
Prévôt de Paris n'en avoit pas moins fon tiers.
Il avoit infpe(Sion fur tous les métiers ÔC rnar»
chandifes ; c'eft pourquoi il étoit appelé avec les
maîtres de métiers, pour connoître de la bonrc ùes
marchandifes amenées à Paris par les n^arciiands
forains.
Il modéroit la taxe que le Prévôt des marchands
& les échevins de la ville de Paris levoient fur
les cabaretiers de cette ville , lorfquc cette taxe
étoit trop forte.
Les bouchers lui dévoient une obole tous les
dimanches qu'ils coupoient de la viande.
Les anciens ftatuts des métiers portoient , qu'il
pourroit y faire des changemens lorfqu'il le juge-
-Toit à propos. On voit même qu'il en dreflbit de
nouveaux , en appelant à cet effet avec lui le pro-
cureur du roi & le confeil du châtelet , & , même
idu temps du roi Jean, cette infpeâion s'étendoit
fur le fel.
Il avoit auiïl alors infpeflion fur tout ce qui con-
cemoit la marée; c'étoit lui qui élifoit les juges de
la marée & du poifTon d'eau douce ; il recevoit le
ferment des prud'hommes du métier de la marée :
les vendeurs de marée donnoient caution devant
lui.
C "étoit lui qui faifoit exécuter les jugemens du
/concierge & bailli du palais en marière criminelle.
Lorfqu'il s'agifToit d'un criminel laie , les officiers
de fa luHice le livroient , hors de la porte du palais ,
au Prévôt de Paris , pour en faire l'exécution ; ils
retenoient feulement les meubles des condamnés.
Le roi Charles VI , par des lettres du 17 janvier
1382, fupprima la Prévôté des marchands de Pa-
ris , l'échevinage & le areffe de cette ville , & or-
donna que leur juridiaion feroit exercée par le
Prévôt de Paris , auquel il donna la maifon de
ville , fituée dans la place de grève , afin que le
Prévôt de Paris eût une maifon où il pût fe retirer ,
6c dans laquelle ceux qui feroient dans le cas d'a-
voir recours à lui , comme à leur juge, puflent le
^rou-ver ; & il ordonna ^ue cette maifoq fçroit
PREVOT DE PARIS.
nommée dans la fuite la maifon de la Prévôté de
Paris.
L'auteur du grand coutumier , qui écrivoit fous
le régne de Charles VI , dit que le Prévôt de Paris
eft le chef du châtelet , & inftitué par le rci , &
qu'il repréfente fa perfonne quant au fait de juflice.
Jean le Coq , célèbre avocat du roi , plaidant en
1392 une caufe pour le roi , contre l'évêque de
Paris , au fujet d'un priicnnier qui avoit été re-
connu dnns une églife par le Prévôt de Paris , dit
que ce Prévôt étoit le premier après le roi dans
la ville de Paris & après MM. du parlement, qui
repréi'.rtent le roi, .qu'il lui appartenoit de cor-
ferver & défendre les droits royaux , & que ce
que le Prévôt de Paris avoit fait, c'étoit en coni'ci-
vanc les droits du roi & ceux de fon office, qui
lui avoient été adjugés par arrêt.
Dans ce même iiècie , en 1450 , le roi Jedn
commit le Prévôt de Pdtis pour rendre hominnge
à l'évêque de Paris des châtellenies de Tournsn bc
Torcy en Bric , comme avoit déjà fait Louis le
Gros en 11 26 : il eft toujours qualifié prerpoj'uus
nojïer , le Prévôt du roi.
Il a la garde du parquet , & le droit d'affiilcr aiix
états généraux , comine premier juge ordinaire t-c
politique de la capitale du royaume.
3°. Il a un dais toujours fubfiflant au châtelet,
prérogative dont aucun autre magiflrat ne jouit ,
Se qui vient de ce qu'autrefois nos rois, & notam-
ment S. Louis , venoient fouvent au châtekt pour
y rendre la juftice en perfonne.
4". Le Prévôt de Paris eft le chef de la noble/Te
de toute la prévôté & vicomte, & la commande à
l'arriére-ban , fans être fujet aux gouverneurs ,
comme le font les baillis & fénéchaux.
5", Il y a douze gardes , appelés fergens de la
douzaine , qui doivent l'accompagner , foit à l'au-
ditoire ou ailleurs , par la ville & dans toutes les
cérémonies. Ce droit lui fut accordé dès 1309, par
Philippe le Bel. L'habillement de ces gardes eft un
hoqueton ou efpèce de cotte d'armes ; ils font ar-
més de hallebardes. Le Prévôt de Paris a été main-
tenu en poffeffion de fes gardes & de leur habille-
ment, par un arrêt folemnel du 27 juin 1566,
comme premier jugs ordmaire de la ville de Paris.
6°. Son habillement, qui eft diftingué , eft l'ha-
bit court , le manteau & le collet , l'épée au côté ,
un bouquet de plumes fur fon chapeau ; il porte
un bâton de commandement couvert de toile d'ar-
gent ou de velours blanc.
7°. Il vient dans cet habillement , à la tête de la
colonne du parc civil , à la grand'chambre du
parlement à l'ouverture du rôle de Paris , & après
l'appel de la caufe, il fe couvre de fon chapeau;
ce qui n'eft permis qu'aux princes , ducs & pairs ,
& à ceux qiù font envoyés de la part du roi.
8'. Suivant une ordonnance de Charles VI ;
donnée en 141 3, pour être Prévôt de Paris, il
faui être né en cette ville , tandis qu'au contraire
cette
PRÉVOT-MOlNE.
<ztte même ordonnance défend de prendi'g pour
baillis & fénéchaux, ceux qui font natifs du lieu.
9°. Les ordonnances diftinguent encore le Pré-
vôt de Paris des baillis 3c fénéchaux , en le défi-
gnant toujours nommément & avant les baillis &
iénéchaux , lorfqu'on a voulu le comprendre dans
la difpofition ou l'en excepter.
10°. Il connoît du privilège qu'ont les bourgeois
de Paris de faire arrêter leurs débiteurs forains ; il
eA le confervateur des privilèges de l'univerfité ; il
a connoilfance du fceau du cliâtelet , attributif de
juridiftlon , & c'eft de lui que plufieurs commu-
nautés tiennent leurs lettres de garde gardienne.
1 1°. Il eft inftallè dans fcs fondions par un pré-
fident à mortier & quatre conieillers de grand'-
chambre , deux laïcs & deux clercs , tant au parc
civil qu'au préfidial, à la chambre du confeil &
au criminel. Il doit faire préfent d'un cheval au
préfident qui la inllallé.
12°. Il a plufi€urs lieutenans , qui font le lieute-
nant ctvil , le lieutenant criminel , le lieutenant
général de police , deux lieutenans particuliers &
un lieutenant criminel de robe courte; il y avoit
aufîi autrefois le chevalier du guet qui devoit être
reçu par le Prévôt , & qui eft aujourd'hui remplacé
par un commandant.
13". L'oiiice de Prévôt de Paris ne vaque jamais;
lorfque le fiège eft vacant , c'eft le procureur gé-
néral du roi qui le remplit, c'eft lui qu'on intitule
dans toutes les fentences & commifiions & dans
tous les contrats , comme garde de la prévôté de
Paris , ce fiège vacant.
PRÉVOT-MOINE. Quoique le terme prapo/I-
rKJ, pris dans un lens littéral , défigne tous ceux
qui fout au-deflus des autres , cependant la règle
de Tordre de S. Benoît l'avoit confacré à la défi-
gnation du fupérieur qui tenoit le premier rang
après l'abbè, & qui avoit fous lui le gouvernement
Ijpirituel Ôc temporel du monaflère.
Lorfque les abbés établirent des celles ou obé-
diences , qu'on a depuis appelées prévôtés foraines
ou champêtres, & y envoyèrent des religieux
pour y réfider & y célébrer le fervice divin , celui
d'entre eux qui étoit nommé fupérieur , s'appeloit
auiïi Prévôt , comme ayant dans fa celle le même
gouvernement fous l'abbé , qu'avoitle Prévôt dans
le monaftère.
Ces dénominations ont changé dans la fuite. Le
fupérieur , qui d'abord étoit connu dans le mo-
naftère fous le nom de Prévôt , s'eft appelé prieur
clauftral. La plupart des Prévôts des celles ont
auflî pris le titre de prieurs forains ; mais ce chan-
gement , que le père Mabillon date du onzième
fiècle, n'a pas empêché que le mot prœpofitus ne
demeurât en ufage pour figniner le prieur d'un
prieuré champètr;. Il y a même encore plufieurs
abbayes où le terme Prévôt -forain eft employé
avec le même fens que celui de Prieur-forain dans
les autres. Telles font Saint-Vaaft en Artois, &
^^amt-Amand dans le Toiirnaifis François.
Tom: Xlll. ^
PRÉVOT-MOINE. 561
îl y a aufîi dans certaines abbayes , telles qu'^
Saint-Vaaft & Anchin , des offices clauftraux nom-
més Prévôtés. Ceux qui les pofsèdent , dit dom
Calmet , font appelés Prévôts-moines , prapofui
monachi. Les Prévôts de cette troifième efpèce
n'ont de fonctions que pour le temporel du mo-
naftère ; ils font regardés comme les vicaires des
abbés pour la confervation de tous les droits de
juftice , de feigneuries , de fiefs , de cenfives , pour
la direâion des procès , &c.
Voyez l'article Prieur & les deux auteurs qu'on
vient de citer. ( Article de M. Merlin , avocat an
parlement de Flandres ).
PRÉVOTÉ DE NANTES. On appelle droits_ de
la. Prévôté de Nantes , certains droits de traites
qu'on perçoit dans l'étendue de la dire^Slion de
Nantes , depuis cette ville jufqu'à la mer. Ils s'é-
tendent à différentes marchandifes & font de dif-
férentes efpèces , tels que les droits d'ancienne
coutume , le droit appelé fenai^e ; les diffcrens
droits de brieux, quillages, regiftres &. congés (ur
les navires , vaifllaux , barques 8c autres bàtimens :
tous ces droits font réglés par un tarif ou pancarte
du 25 juin 1565 , des arrêts du confeil des 7 août
1703 , 18 mars 1704, 22 janvier 1709, & autres
réglemens intervenus poftérieurement.
On appelle encore droits de prévôté dans les ports
& havres de Bretagne, ou fimplemcnt droits des ports
& havres de Bretagne , certains droits établis fur les
drogueries & épiceries , & fur les marchandifes
des colonies françoifes de l'Amérique : on perçoit
ces droits dans les ports & havres de Bretagne , en
vertu de lettres-patentes du mois d'avril 1717 ,
d'un arrêt du confeil du 16 décembre 172 1 & d'au-
tres réglemefis poflérieurs.
Ces droits font pareillement réglés par une pan»
carte du même jour 25 juin 1565 ; ils compren-
nent les droits d'ancienne coutume , d'impofition
de rivage , de cellérage , de flûte, & les droits &
devoirs de brieux 8c de quillage fur les navires ,
barques, v^ifTeaux & autres bàtimens.
Un arrêt du confeil du 6 mars 172 ç , a ordonné
que les droits des ports & havres énoncés dans la
pancarte du 25 juin 1565 , feroient perçus fur i0u-
tes les marchandifes ik denrées dénommées dans
ce tarif ou pancarte, fcit à l'eHtrée ou à la fortie :
ces pancartes font dépofées à la chambre des comp-
tes de Nantes, qui en fait délivrer des extraits aux
fermiers.
PREUVE. C'eft une conféquence légitime qui
réfulte d'un fait évident , dont la certitude fait con-
clure qu'un autre fait, dont on ignoroit la vérité,
eft véritable ou ne l'eft pas.
C'eft des bornes étroites qui circonfcrivent l'in-
telligence humaine, queft venu le befoin des
Preuves dans Tadminiftration de la juftice. L'homme
ne peut rien connoître avec certitude que dans lui-
même , & les faits fe paftent toujours au-dehors ;
ce font des êtres éloignés , qu'il faut voir ou on
n'eft pas, & faifir avec un inftrument qui ne peut
^ Bbbb
56i PREUVE.
les toucher. Auflî la fcience des faits , quoiquç la ■
plus importante de toutes , eft-êlle cependant la
jnoins avancée. Tous les jours , dans les circonf-
lances les plu5 communes de la vie , nous avons
occar:on de nous convaincre de nos erreurs ; ce qui
s'élt paffé fous nos yeux , les faits qui font fous
notre main nous échappent, &, pour comble de
malheur , la malice de nos femblables vient encore
fouvent nous dérober le fil qui auroit pu nous con-
duire au vrai.
Il faut l'avouer cependant , la fpéculation décou-
vre dans cet objet des obftacles que la pratique
furmonte avec une facilité que n'imagineroit jamais
un philofophe concentré dans fes idées ; & on peut
dire que s'il paroît difficile de former un bon juge-
ment fur une queftion de fait , il eft affcz rare d'en
citer un mauvais. Mais quelle route doit tenir
im magiftrat pour pavenir à la vérité } Quelles
lègles faut-il qu'il fuive dans la recherche qu'il en
fait ? Voilà ce que nous avons à traiter dans cet
article.
Toute conteftation qui s'élève en juflice fur un
fait, bonne lieu à trois queflions ; i°. fur qui doit
tomber la preuve de fait ? 2". Par quelles voies cette
preuve doit-elle fe faire ? 3". A quel degré de certi-
tude faut-il qu'elle foit portée ? C'eft à ces trois
points de vue que nous rapporterons tous les dé-
tails que demande le développement de cette ma-
tière importante.
Section première.
Des perfonnes qui doivent être chargées de la Preuve
des faits contejlés entr'elles & leurs parties ad-
verfes.
Premier principe. C'eft à celui qui avance un
fait à le prouver , parce que les faits ne fe préfu-
jnent point , & que par conféquent la dénégation
de la partie adverfe , doit fuffire feule pour les faire
regarder comme non allégués. C'eft la difpofition
exprcffe de la loi 23 , C. de tejîibus.
La dénégation n'a donc pas befoin de Preuve ;
on peut même dire qu'elle n'en eft pas fufceptible,
chm per rerhm naturam faBum negantis probatio nulla
fît. C'eft ce que décide la loi citée.
Il ne faut cependant pas prendre ceci trop litté-
ralement. Les interprètes diftinguent trois fortes de
néguives, l'une de fait, la féconde de droit, la
troifième de qualité. Il eft vrai que régulièrement
]a négative de fait ne peut fe prouver : les lois &
les auteurs ont même mis en principe, qu'on doit
ajouer plus de foi à un témoin qui affirme, qu'à
ami e témoins qui nient. Mais quand la négative
ren^ejne quelque chofe de pofuif, on peut , on
doit même quelquefois en faire la preuve. Par
exempL', fi en demande le payement dune obli-
gation qui paroîr avoir été paifée tel jour & en tel
endroit , & que je nie l'avoir (ignée , parce que ce
jour-là même j'étois fort éloigné de celui où on
IP R E U V E.
fotttlenî que l'aâe a été pafle , rien n'empêche que
je ne puifle faire la preuve de ma négative , parce
que je la réduis à deux circonftances de temps &
de lieu , qui font des faits pofuifs ; il faut même
néceflairement que je faffe cette preuve , fi je veux
détruire le tire qu'en m'oppofe. Ecoutons l'empe-
reur Juftinien en fes inftitutes , §. 12 , «j'f inutïlibus
flipulationibus : « Nous avons ordonné qu'on ajoute
)> entièrement foi aux a6les qui déclarent que ceux
M qui les ont pafles étoient préfens , à moins que
» celui qui objeile l'abfence ne juflifie par des
» preuves manifeftes , ou par des témoins irrépro-
» chables, que lui ou fa partie étoit dans un autre
» lieu pendant le jour entier que l'aôe a été pafle »,
Par la même raifon , fi un enfant, dans les provin-
ces de droit écrit, foutient n'être pas fournis à la
puiftance paternelle , il faut qu'il le prouve , parce
que cette dénégation contient un fait pofitif,qui
eft l'émancipation. La loi 8 , D. de probationibus ^ le
décide ainfi formellement.
La négative de droit , ou la propofition par la-
quelle on nie qu'un a(3e eft légitime, peut & doit
auffi fe prouver par celui qui l'avance. Nous en
trouvons un exemple dans la loi 5 , §. 1 , D. de
probationibus : Si quelqu'un , dit-elle , nie qu'une
émancipation foit bien faite , c'eft à lui à le prou-
ver ; idem refpondit , fi quis neget emancipationem
reStèfadam , probationem ipfum pnzjlare debere.
La négative de qualité , ou la propofition par la-
quelle on nie qu'une perfonne ou une chofe eft de
telle qualité, eft toujours fufceptible de Preuve,
parce qu'elle équivaut à une affirmative. Ainfi on
peut prouver qu'une perfonne ne jouit pas de la
raifon naturelle , parce que c'eft la même chofe
que fi on afiîrmoit qu'elle a l'efprit dérangé. On
peut prouver qu'un bien n'eft ni fief ni cenfive ,
parce que cela revient à dire qu'il eft poiTédé en
franc- aleu.
La queflion de favoir fur qui doit tomber la
Preuve de ces dernières efpèces de négatives , dé-,
pend des autres principes que nous allons établir.
Ceux qui voudront approfondir cette matière ,
pourront confulter François Herculanus & Martin
de Fano , dans leurs differtations intitulées de ne-
gativâ probandâ : elles font inférées dans le traSia-
tus trakatuum , tome 4 , page 12 & fuivantes.
Deuxième principe. Le demandeur doit prouver
le fait qui fert de bafe à fa prétention ; & comme
k défendeur eft toujours affimilé au demandeur,
lorfqu'il avance quelque chofe dans fes exceptions ,
c'eft à lui à prouver le fait fur lequel il appuyé fa
défenfe. Mais celui-ci n'cft attenu à cette Preuve,
que lorfque celui-là a vérifié le fondement de fa
demande.
Ces aflertîons font confignées dans les textes les
plus précis. « En vain craignez-vous qu'on n'exige
» une Preuve de la part d'un défendeur». Fruflrà
veremini ne ah eo qui lite pulfatur , probaùo exigatur,
Ainfi s'expriment les empereurs Dioclét!en& Ma-
ximilien dans laloi 8 , C. </e probationibus.
PREirVE;
» Lorfque le demandeur convient de ne ponvoît'
« prouver ce qu'il avance , k défendeur n'eft obligé
J> à aucune preuve ». j4âor quoi affeverat p^cbare
fe non pojje profittndo , Teum necejjitate monjlrandi
contrarium non aflringit, C'eft la décifion des mêmes
légiflateurs , loi 23 du titre cité.
« Comme le créancier qui répète une femme
« d'argent par lui prêtée , doit vérifier le prêt ; de
» même auffi le débiteur qui foutient l'avoir rem-
» bourfée , doit en juflifier légalement ». Ut crédi-
ter qui pccuniam petit numeratam implere cogitur ,
ita rursiiin debïtor qui [olutam affirmât ejus reipro-
bationern praftare débet. Ce font les termes des em-
pereurs Sévère & Antonin , loi première du même
titre.
Ce principe n'cft , comme on voit, qu'une con-
féquence de celui qui charge de la Preuve la per-
fonne qui affirme, ôc en difpenfe celle qui fe tient
à une fimple négative.
Il eft cependant fujet à quelques exceptions.
1°. Chez les Romains , lorfqu'un pupille, devenu
majeur , cxerçoit contre les juges qui avoient
nommé fon tuteur , Taélion fubfidiaire que lui ac-
cordoient les lois dans le cas d'infolvabilité de ce-
lui-ci, c'étoit aux juges à prouver qu'ils avoient
apporté dans leur nomination toute l'exaflicude &
la vigilance requifes. C'eft ce que nous apprend la
loi I , §. 13 , D. </e magijlracibus conveniendis.
1°. Les mineurs , les foldats , les femmes , &
les autres personnes privilégiées , avoient auffi l'a-
vantage, lorfqu'ils agiffoient en répétition de chofes
indûment payées , condiElïone indebiti , de pouvoir
rejeter fur leur adverfaire la Preuve que les chofes
par eux payées étoient réellement dues. Ainfi le
décide la loi 25 , D. de condiâione indebiti.
3°. Une autre exception plus générale & plus
conforme à nos mœurs , eft qu'une préfomption
de droit difpenfe celui en faveur de qui elle milite ,
de la Preuve du fait qu'il avance , foit en deman-
dant, foit en défendant. Ainfi , parce que tout hom-
me eft préfumé innocent, ce n'eft pas à un enfant
déshérité à prouver que la caufe de (ot\ exhéré-
dation eft injufte ; c'eft au contraire à l'héritier inf-
titué à faire voir que cette caufe eft vraie, jufte &
fondée fur les lois. C'eft ce que porte exprefle-
ment la novelle 115, chapitre 3. Voyez l'article
Présomption.
Troijième principe. Celui qui pofsède légitime-
ment une chofe, n'eft point tenu de prouver qu'elle
lui appartient ; la Preuve du contraire retombe fur
celui qui prétend le dépofféder. Ecoutons l'empe-
reur Antonin dans le refcrit qui forme la loi 2,
C de probationibus : « Vous pouvez pourfuivre par
» les voies ordinaires le recouvrement des biens
« que vous dites vous appartenir , poffeffiones quas
« ad te pertinere dicis , more judiciorum perfequere ;
« car ce n'eft pointa celui qui les pofsède à prou-
M ver fa propriété , non enim poffeîfori incumbit ne-
« cejfitas probdndi tas ad fe pertinere ; & faute par
« vous de |[air§ votre preuve , il doit en demeurer
PREUVF. sU
» propriétaire : cùrn te in probatione ce(fante , domi-
i> nium apud eum remuneat ». Voyez l'article LÉGI-
TIMITÉ , tom. dixième.
De là , ce confeil que nous donne le jurifcon-
fulte Gaïus dans la loi 24 , D. de rei vindicatione^
» Lorfqu'on fe propofe de réclamer un bien , il
» faut commencer par examiner fi on ne pourroit
» pas en acquérir la pofleflion par quelque interdit
» ou ailion pofleflbire. Car il eft bien plus avan-
» tageux de pofféder & de charger la partie ad-
j> verfe du rôle onéreux de demandeur , que d'in-
» tenter une revendication contre une perfonne
» qui pofsède w.
Tels font les principes qui fervent dans chaque
affaire à réfoudre la qucftion de favoir fur quelle
partie doit tomber la Preuve. Il eft quelquefois
dangereux de les appliquer féparément ; le plur sûr
eft d'en confidérer toujours l'enfemble , avant de
prononcer fur la queftion dont nous venons de
parler, Ifolés , ils peuvent être faux dans certains
cas ; réunis , ils s'expliquent, fe modifient toujours
les uns les autres , & afturent la marche du juge
dès le premier pas qu'il fait dans la recherche de
la vérité.
Section Seconde.
Différentes manières de prouver un fait,
La vérité ou l'exiftence des faits n'eft connue in-
failliblement que de ceux qui en font les auteurs;
la connoiflance qu'en peuvent acquérir d'autres
perfonnes , eft toujours fujette à l'erreur , parce
qu'elle n'eft fondée que fur les relations des fens ,
qui peuvent à chaque inftant nous tromper. C'eft
donc à la Preuve par confffion qu'eft dû le premier
rang dans l'ordre des moyens propres à découvrir
la vérité à la juftice.
Mais comme les faits font fouvent niés ou alté-
rés par ceux à qui ils pourroient nuire, on s'eft
trouvé dans la néceflité de chercher au dehors , des
Preuves qui , fans être démonftratives & métaphy-
fiquement certaines , peuvent néanmoins fixer les
opinions jufqu'à ce qu'elles foient détruites par des
Preuves contraires. De-là font venues les Preuves
par titres , par témoins , par experts , par vues des
lieux, par ferment.
§. I. De la. Preuve par confefjîon,
La confeflîon de celui à qui on impute un fait 7
peut fe faire de plufieurs manières : 1°. elle fe fait
ou en jugement ou hors de jugement ; 2°. elle eft
ou libre ou forcée : la confeifion libre fe définit
aftez d'elle-même : la confeftion forcée eft celle
qui fe fait à la queftion & dans les tourmens ; 3°.
elle eft ou fimple ou qualifiée : la confeflîon fim-
ple eft celle qui fe fait purement & fimplement ; la
confeflîon qualifiée eft celle qui n'eft pas pure 8c
fimple , mais qui eft jointe à une excufe qui juftifie
laOion.
On a expofé au mot Confession tous les prin-
Bbbbij
5^4 PREUVE.
• LÏpes relatifs à chaque point de cette divif:on ; nous
nous bornerons ici à en dil'cuter ou développer
quelques-uns.
La confeirion judiciaire , Hb'e & fjmple d'un
accufé , fuffit-elle pour le faire condamner, lorfque
le corps de délit eft coudant ? Il paroît par les lois 2,
C. quorum ûppellationcs non recipiantur , 10, c. ds
epifcopïs& clericis, & 16 , c. ^^^^ panis , que l'aflîr-
mative ne fouffroit aucune difficulté dans le droit
romain ; elle eft aufii adoptée par les cspitulaires
de Charlemagne, livre < , chap. 156; & elle a
pour partifans Bartole , Paul de Caflres , Damhou-
dere. Gui-pape, Boyer, Caiondas , Panon , Ma-
fuer, le préfident Favre , Airault , Farinacius ,
. Julius Clarus , & Joufle.
Cette do61rine eft reçue dans plufieurs tribunaux
étrangers ; Jutius Clarus dit même qu'on la fuit
dans l'univers entier, hanc praiicam roius mundus
fervat. Joufle , plus modéré , fe borne à foutenir
qu'elle doit être fuivie en France , & il croit le
prouver par l'article 172 de la coutume de Bre-
tagne , & par l'article 2 du titre 8 de l'ordonnance
de 1670.
Voici les termes du premier de ces textes :
ï) Confefîion faite en jugement, fait entière Preuve ,
j> excepté en cas de crime; auquel cas ne doit
» nuire la confeffion à celui qui confeffe , s'il n'eft
« accufé par \m autre, & qu'autrement il appa-
» roifl!e du délit «. Il faut donc , pour pouvoir con-
damner un accufé fur. fon aveu , qu'autrement il ap-
pjroiffe du délit : mais ces mots fignifient-ils feule-
ment que le corps de délit doit être confiant, ou
que l'accufé doit avoir contre lui quelques autres
Preuves ou indices ? C'eft ce que la coutume n'ex-
plique pas. Joufl"e admet la première intcrprération ;
mais la féconde étant au moins aufli naturelle, le
parti le plus fage eft de les réunir l'une à l'autre ,
& conféquemment de ne fonder une condamnation
fur l'aveu d'un accufé , que lorfque la certitude du
délit fe trouve jointe à des Preuves ou des indices
que l'accufé en eft l'auteur.
L'article de l'ordonnance de 1670 fur lequel
s'appuie Joufle , efl conçu en ces termes : « Si l'ac-
f) cufé a reconnu avoir écrit ou figné les pièces ,
j» elles feront foi contre lui, & n'en fera faite au-
5> cune vérification w. S'il ne faut pas vérifier la
fignature d'un accufé lorfqu'il la reconnoît quoi-
qu'elle puifle opérer fa condamnation , pourquoi
,feroit-il nécefl^aire de recourir à d'autres Preuves
d'un fait qu'il avoue .^ Ainfi raifonne Joufle. Mais
cet auteur ne fait pas attention qu'il y a entre ces
deux cas une différence extrême ; dans le premier,
l'exi/îence de la pièce écrite ou fignée par l'accufé,
. forme une préfomption contre lui , avant même
qu'il l'ait reconnue (i). Voilà pourquoi fon aveu,
joint à cette préfomption, difpènfe le juge de la
faire vérifier. Dans le fécond , au contraire , on
( I ) Voyez Boiccju , tiaiic de la Preuve pat tcmpins , part,
a, chap. I.
PREUVE,
fiîppofe qu'il n'y a contre l'accufé que fa cotifef-
fion ; ce qui eft bien difTcrent.
L'ordonnance de 1670 ne juftifie donc pas l'opi-
nion de JoufCe; on peut même dire qu'elle la prof-
crit formellement. Voici en effet ce qu'elle porte,
tit. 2 5 , art. 5 : « Les procès criminels pourront,
» être inflruits & jugés , encore qu'il n'y ait point
V d'information ; fi d'ailleurs il y a Preuve fufîi-
» faute pat- les interrogatoires, & par pièces au-
■» thentiques ou reconnues par l'accufé , & par les
» autres préfomptions & circonflances du procès n.
Remarquez combien de conditions le légi/latcur
exige pour autorifer le juge à condamner un ac-
cufé fans information. 1° LaconfefTion de l'accufé
dans fes interrogatoires; 2°. des pièces authentiques
ou fuffifamment reconnues; 3". des préfomptions
& des indices. « Il eft difficile , dit Serpillon , que
» toutes les conditions requifes par cet article de
" l'ordonnance fe trouvent réunies , pour pouvoir
» juger fans information un procès de quelque
» importance ; il faut cependant qu'elles fe ren-
j> contrent jointes , pour pouvoir être difpenfé
» d'informer des faits qui peuvent avoir quelque
» relation au chef d'accufation ».
Joufl!e oppofe d'anciens arrêts qui ont , dit-il ,
condamné des accufés fur leur feule confeflion.
Mais ces arrêts n'ont prononcé que des peines lé-
gères , en comparaifon de celles que méritoient
les crimes dont il étoit queflion ; & on ne les a
rendus qu'après avoir épuifé toutes les autres
voies propres à vérifier les faits. Par-là on a jugé
que la confefîion formoit bien un indice violent ,
mais non une Preuve complette.
On a dit à l'article Confession , qu'un aveu
extrajudiciaire ne forme qu'un commencement de
Preuve. Cette afl!ertion n'eft pas vraie dans tous
les cas , fur-tout en matière civile.
Dumoulin diAingue û la confefîion a été faite
à celui qui a intérêt de la faire valoir , ou à des
tiers.
Au premier cas, elle fait une Preuve complette,
lorfqu'elle eft précife & motivée.
Au fécond cas , la Preuve n'eft régulièrement
qu'imparfaite; elle feroit cependant complette en
certains cas. Tel eft , dit Pothier d'après Guttiércz ,
« le cas auquel le débiteur, en faifant un aveu à
M des tiers , déclare qu'il le fait pour la décharge
I) de fa confcience. Par exemple , fi un malade
» fait venir deux pcrfonnes auxquelles , dans la
V crainte où il eft d'être furpris par la mert, il dé-
n clare qu'il me doit une fomrae de 100 liv. que
» je lui ai prêtée fans billet; une telle confefîion ,
» quoique faite à des tiers, me paroît faire une
» Preuve complette de la dette.
)> Lorfque mon débiteur ( c'eft encore Pothier
» qui parle), dans un inventaire pour difToudre
j) une fociété , com^^rend dans le pafïif la dette
» dont il eft tenu envers moi , cette confefTion,
» quoique faite hors de ma préfçnce , me paroît
PREUVE.
j> aiuTi devoir faire une Preuve complette de la
j> .dette V.
Au refte , pour que la coiifefrion extrajudiciaire
forme , foit une Preuve entière , foit un commen-
cement de Preuve , il faut qu'elle foit juftlfiée par
écrit ou par témoins ; & h le fait qui en eft l'objet ,
n'ctoit pas fufceptible de la Preuve teftimoniale ,
ce qui dépend des régies qu'on établira ci après ,
ik. qu'en même temps on lût deflituc de toute cl-
péce de Preuves écrites , la confefTion ne pro-
duiroit aucun effet.
§. II. De la Preuve littérale.
Les aftcs font la fource Se le fondement de la
Preuve littérale; on en difiingue de plufjeurs fortes :
ils font authentiques ou privés, originaux ou co-
pies , primordiaux ou récognitifs.
Des aâes autheniiqiies. On appelle ainfi tous les
ailes reçus par des officiers publics avec les folem-
uités requifes. Voyez le mot Acte.
Un aàe authentique fait par lui-même pleine
foi de ce qu'il contient On peut cependant l'at-
taquer de faux ; mais tant qu'il n'eft pas jugé tel ,
il doit faire foi & être exécuté par provifion. C'eft ■
ce que décide la loi a , C ad legern Corneliam ,
de faljîs.
Lorfqu'un adîe.eft produit hors du territoire de
l'oflicier public qui l'a reçu, il ccfle en quelque
forte d'être authentique , ou du moins on ne
le regarde plus communément comme tel , s'il
ne fe trouve légalifé. Voyez l'article Légali-
sation.
Quand nous dlfons qu'un afle authentique
fait pleine foi, cela ne is'entend que contre les
parties qui l'ont fïgné , leurs héritiers & repré-
fentans.
' Il ne fait même pleine foi, à l'égard de ces,
perfonnes , que de fon difpofurf , c'eft-à-dire , del
""t'objet qu'elles ont eu en vue eft le paflaiitf, & desj
'énonciations qui ont trait à la difpofition. Par exem-î
pie, un particulier donne en ces termes la recon-
noiflance d'une rente : a Reconnoît qu'une telle
3> maifon par lui poiîédée eft chargée envers N. ,
'*> ici préfent , de vingt fous de -rente annuelle,.
j) dont les arrérages ont été payés jufqu'à ce jour ,
» & en conféquence s'oblige de la lin continuer ».;
Il y a dans cette claufe une difpofition & uner
énonciation : la difpofition confifte dans la rccon-'
noiffance de la rente & l'obligation de la conti-
nuer. A cet égard , point de doute que l'aéle ne
falTe pleine foi. L'énonciation eft renfermée dans :
ces mots., dont les atréras;es ont été payés jiifrjuà ce''
jour. Ces paroles femblent , au premier abord ,
infuffifantes pour décharger le débiteur des arré-
rages , piiifque le créancier ne déclare poitit les
avoir reçus. Cependant, comme elles ont trait au
difpofitif de l'aâe , elles doivent faire pleine foi
du payement.
Il n'en eft pas de même des énonciations qui
font étraiigèrcs à l'objet de l'aâej elles ne font, |
PREUVE. 555
fuivant Dumculm , qu'uiic dtini-Preuve. u Par
)> exemple, dit Pothier,f] dans le contrat de la vente
» d'un héritage que Pierre m'a faite, il eft énoncé
" que cet héritage lui vient de la fucceftion de
)» Jacques; un, tiers qui', conimetiéruier eh par-
» tie do Jacques , aura donng contre inoi la dc-
j) mande en revendication de fa portion dans cet hé«
5> 'ritagé , rie pourra pas, .pour fonder fa demande ,
3> proiiVer, par cette feule énonciation qui fe trou-
» ve en mon contrat , que cet héritage éîoit ef-
« fefliveiiTent de l'a fucceluon de Jacques, quoi-
» que je lois partie dans l'aiSle Oii fe trouve cette
1) énonciation , parce qu'elle eft abfolument étran-
» gère à la difpofition de l'aéle , & que je n'avois
» pour lors aucun inîéi»èt de m'oppofer à cette
') énonciation ».
A l'égard des perfonnes qui n'ont pas été par-
ties dansunafle authentique, la feule chofe dont
il fait pleine foi contre elles , c'eft qu'il a été pàlfé.
Si. que l'opératiou qui en eft l'objet a été faite.
Ainfi un contrat de vente prouve, même contre
un tiers, que la chofe qui y eft pouée a été ven-
due d^ns je temps marqué par cet ae4e : « C'eft
» pourquoi, dit Pothier , fi un feigneur de cen-
» fivc a eu un traité avec un receveur, qui s'eft
)' obligé de le faire payer de tous les profits fei-
» gneuriaux qui naitroient pendant un certaia
)> temps dans ia cenfive; l'aOe contenant le contrat
}> de vente d'un héritr'.ge fitué dans la cenfive, fait
M foi contre ce- rece^/elir, quoiqu'il n'ait pas été
» partie à l'aéle , qu'il y a eu une vente de cet
» héritage , probat rem ipfam ; & en conféquence
» le feigneur peut -demander raifon à ce rece-
3> veut du profit auquel cette vente a donné
j> ouverture, & dont le' receveur a dû fe faire
■>■) payer 'y?. '
Mais un afte authentique ne fait pas foi contre
un tiers de ce quijy eft énoncé ; ainfi, quoiqu'il foit
exprimé dans le contrat d'acqhifitioii de votre héri-
'tage, qu'il a un 'droit de fervitude fur le' mien ,
vous ne pouvez vous prévaloir contre moi de cette
énonciation, parce que je r/étois point partie à
l'aéle qui la contient. -
■Il y a Cependant lijie exception à cetté'règle.
Les fimples énonciations font foi contre des tiers
'îorfqu'diles font iinclèrinës &; foutepues' par une
longue 'pofleflïon'. Voyez Cravetta ;'"de antlp^haie
tcmporis , part, i , ch^p.'^ > ni 20. '' ''' ' f'^' ' '
L'inventaire authentiq-ie d'une 'fucceft^on qui
porte qti'il s'eft trouvé dans -les titres du défunt une
obligation en brevet d'une certaine fomme > fi^née
par uii tel , pouf ca\jfe de prêt , en tel rerrips &
devant teî notaire, fàtt-il foi de la -dette contre
le débiteur qui n'étoit pas préfent à l'inventaire ,
& difpenfe-t-il l'héritier de rapporter ' le brevet
d'obligation ? La raifon de douter eft que les aâes
authentiques prouvent , comme nous l'avons dit ,
rem ipfam contre les tiers *■& que par conféquent
on ne peut douter , d'après renonciation de l'in-
ventaire, que TobligaHon dont il s'agit ne Oe foit
^66 PREUVE.
trouvée dans les papiers du défunt. La raîfon de
décider eft que l'exiftence de l'obligation au temps
de l'inventaire , n'eft pas une Preuve que la dette
foit due ; « parce que , dit Pothier , le défaut dé
îi repréfentation du brevet d'obligation fait pré-
« fumer , ou qu'il y a quelque vice ou défaut
« dans ce brevet qu'on ne repréfente pas , qui
ï> empêche qu'il puifle faire foi de la dette, ou que
» depuis l'inventaire il a été rendu au débiteur ,
>» lors du payement qu'il a fait du contenu en
»> l'obligation ».
» Néanmoins ( continue le même auteur ) s'il
« étoit confiant que depuis l'inventaire il ert ar-
■)} rivé un incendie de la maifon où étoient les
» titres , qui les a confumés , la mention du brevet
i> d'obligation portée par l'inventaire pourroit faire
» foi de la dette , comme paroit le fuppofer la loi
» 57 , D. de adminijlratione tutorum ; ce qui pour-
» roit avoir lieu dans le cas auquel le débiteur
« n'allégueroit pas l'avoir payée , ou peut-être
»> dans le cas auquel le terme du payement porté
»> dans l'énoncé de l'obligation , n'étant pas erjcore
» échu , la préfomption feroit que la dette n'a pas
« été acquittée. Tout cela dépend beaucoup des
w circonftances , & eft laiffé à la prudence du
« juge )».
Des écritures privées. On peut diftinguer fept ef-
pèces d'écritures privées ; favoir , celles qui ont été
tirées d'archives publiques , les billets fous feiiig-
privé , les papiers terriers , les journaux des mar-
chands , les papiers domeftiques , les jnotes ou écri-
tures non fignées , les tailles , & les lettres mi/Tives.
Des écriinres privées, tirées d^ archives publiques.
Voyez ce qu'en dit M. Henrion de Panfey , au
mot Copie, tome cinquième. Sa do^lrine eft con-
forme à la novelle 49 de l'einpereur Juftinien.
Des billets fous feing-privé. On a vu aux articles
Billet & Acte tout ce qui concerne la forme de
ces fortes d'écritures ; il nous refte à parler de la
foi qu'elles méritent.
Lorfqu'un billet fous feing-privé eft reconnu
par celui qui l'a figné ou par fes héritiers , il
fait la même foi à leur égard qu'un afte authen-
tique.
Il arrive quelquefois que dans une promeffe
de cette nature , la fomme écrite hors du corps
du billet par forme de bon , eft moindre que celle
qui eft exprimée dans le corps même. A laquelle
des deux doit-on alors préfumer que le débiteur
s'eft obligé ?
Si le corps de l'écriture eft d'une main étran-
gère , point de doute que le bon ne doive l'em-
porter.
Mais fi la promefle eft écrite en entier de la main
du Jdbiteur , que faudra-t-il décider ? Dans la thèfe
gcnérale , il faut encore s'en tenir au bon , parce
que la libération eft favorable, & que, fuivant
la neuvième règle de droit cwW , femper in obfcuris
fwoi minimum eft fequimur. Si cependant la caufe
dç la dette exprimée dans le corps de la cédule ,
PREUVE.
falfolt connoure que la-fbmme qui y eft portée îùi
celle qui feroit véritablement due, il ne faudroit
avoir aucun égard au bcr.. Par èxérfiple , je fais une
promeiTe] en cette forme : « Je reconnois devoir à
" M la fomme de 300 livres pour quinze
» aunes de drap de Pagnon qu'il m'a vendues ÔC
» livrées ». Au bas de cette promeffe , j'ajoute :
Bon pour 200 livres. Si mon vendeur peut prou-
ver que la fomme de 200 livres n'équivaut point
au prix que coutoient communénaent quinze aunes
de drap de Pagnon lors de mon billet , & qu'au
contraire celle de 300 livres revient jufte à ce prix,
il n'cft point douteux qu'on ne doive me condam-
ner à cette dernière fomme.
Il faut fuivre les mêmes règles de décifion dans
le cas inverfe , c'eft-à-dire , lorfque la fomme por-
tée dans le corps du billet eft moindre que celle
qui eft exprimée dans le bon.
Titiusfe reconnoît débiteur & dépofitaire d'une
certaine fomme , fuivant le bordereau des efpèces
joint à fon billet. La fomme que compcfent ces
efpeces réunies, fe trouve différente de celle qui
eft exprimée-par l'aile. A laquelle des deux Titius
eft-il obligé ? C'eft à celle du bordereau , parce
qu'il y a erreur de calcul dans le billet.
Le principe qui attribue aux aâcs fous feing-
privé une pleine foi contre celui qui les a lignés
& reconnus , admet une exception dans le cas
où ces aâes fe trouvent en fa poffeffion. Par
exemple, on trouve fous le fcellé de mes effets
un billet par lequel je reconnois vous devoir une
fomme de mille livres que vous m'avez prêtée ;
ce billet peut-il faire une Preuve de la dette ?
Non , parce qu'étant en ma poffeflion , on doit
préfumer , ou que je l'avois écrit dans l'efpérance
que vous me prêteriez mille livres, & qu'il m'eft
demeuré , parce que le prêt n'a point été exécuté;
ou que vous m'avez effeâivement prêté cette fom-
me, mais que je vous l'ai rendue , & que j'ai re-
tiré ma reconnoiffance.
Les afles de libération , quoique plus favorables ,
font fournis à la même règle. Ainfi une quittance
trouvée fous le fcellé d'un créancier, ne fait pas
foi du payement, attendu que la'poffelîîon qu'il en
a , fait croire qu'il l'avoit écrite d'avance , & qu'elle
lui eft demeurée , parce que fon débiteur n'a point
été le payer.
Les écritures privées font, contre les tiers, la
même foi que les aftes authentiques , à l'exception
cependant' du temps où elles ont été faites ; car
c'eft une maxime conftante que les écritures pri-
vées ne prouvent aucunement leur date contre
des tiers. M, PoUet va nous en donner un exem-
ple : « Les états de Hainaut ayant fait faifir plu-
» fieurs conftitutions de rentes fur Louis -Ferdi-
II nand Mainfen , fieur de Montigny , qui avoit
« été leur receveur-général , Gaulthier s'étoit op-
» pofé à la faifie , prétendant que les rentes lui
» appartenoient en vertu d'une ceffion que Main*
» fen lui en avoit faite par aéle foui feing-priré
PREUVE.
» avant la faifie. Les officiers du bailliage du
w Quefnoi avoient débouté Gaulthier de ion op-
» pofition , & la fentence a été confirmée >» ,
par arrêt du 1 6 mars 1703 , rendu au rapport de
M. de la Place , fur le fondement qu'un aÂe fous
feing-privé ne fait point foi de fa date contre un
tiers.
Lorfqu'un billet fous feing-privé n'eft pas re-
connu par celui qu'on en prétend auteur, ou fes
héritiers , il ne fait toi qu'après une vérification
d'écriture.
Cette vérification fe fait de deux manières , par
témoins & par experts : la novelle 73 exige le
concours de ces deux Preuves , pour qu'on puifTe ,
en matière civile , fonder un jugement fur un
a61e non reconnu , à moins que cet ai^e ne foit pafTé
entre des habitans de la campagne , ou qu'il n'ait
un objet très-modique.
En matière criminelle , la vérification par ex-
perts fait encore moins de foi qu'en matière ci-
vile. L'article premier du titre 9 de l'ordonnance
de 1670 , veut pareillement qu'elle concoure avec
la Preuve par témoins , & l'article 14 du titre pre-
mier de l'ordonnance de 1737, démontre claire-
ment qu'elle ne forme jamais une Preuve valable.
Il y avoit même dans le projet de ces deux lois
un article qui portoit , que « fur la feule dépofition
1) des experts, & fans autres preuves, admiiii-
î> cules ou préfomptions , il ne pourroit inierve-
î» nir aucune condamnation de peine afHiâive ou
»> infamante ». Si cet article a été retranché, ce
n'eft p^s qu'on ne le trouvât trés-juile , puifque
M. Talon obferve dans le procès-verbal , « que
« l'on fait aflez qu'on ne doit pas ajouter une
■)> croyance entière à la dépofition des experts
V écrivains ; que leur fcience efl conjecturale &
n trompeufe , &. qu'en con(équence il feroit dan-
» gereux de prononcer une condamnation fur leur
» fmiple témoignage «. Mais on a confidéié qu'd
feroit dangereux de laifler fubfifter cet article
dans l'ordonnance , parce que les fauffaires en
deviendroient plus hardis, s'ils favoient qu'on ne
peut les condamner fans témoins préfens à leurs
crimes.
Des papiers terriers & cenfiers. Les regiflres qu'un
feigneur tient lui-même des cens & redevances
qui lui font payés à certains intervalles , ne peu-
vent faire foi de la prcftatioa de ces objets, ni
conféquerament fonder la demande qu'en feroit
le feigneur. Tel eft l'avis -Je Dumoulin , êi i) a
été fuivi par d'A'-a^entré, ou du noins cet auteur,
qui affcililoit de ne jamais penfi.' comme fon ér.ule,
fe consente de dire que ces fortes à?, pièces peu-
vent fournir des conje^ures , lorfqu elles font an-
ciennes. Bafnage, fur l'arcicle 185 de la coutume
de Normandie , rapporte deux arrcts du parle-
ment de Rouen des 14 février 8i îo aoijt 1618 ,
qui ont décidé qu'elles ne fu'Tifent pas pour faire
condamner un prétendu tenancier au payement
des rentes feigneuriales qu's;iles énoncsnt. Mais û
PREUVE.
567
elles réunlflbient à l'ancienneté le mérite d'être
uniformes & en bon ordre , elles pourroient ,
fiiivant Dumoulin lui même , former une demi-
Preuve : Magnjm pncfumptionem fucerent etiam pro
dcminis , quamvis aliàs non ejfent auihenùci ; imo
etiam facerent fub judicis tamtn arbiirio ^ femi-pU'
narn probationein.
Ces principes font communs aux feigneurs ec-
cléfiafiiques &: féculiers. Le premier des arrêts que
nous venons de citer, a même été rendu contre
un abbé. On prétendoit néanmoins l'excepter de la
régie générale, parce que l'édit de Melun autorife
les eccléfiaftiques à demander titre nouvel & paye-
ment de tous droits de fiefs , cens , lods & ventes ,
jaifines & amendes , ^uets , corvées , rentes , 6" tous
aunes droits & devoirs , en faifant apparoir par leurs
anciens baux , redditions de comptes^ lièves ou recettes
anciennes ci-devant faites ^ & fignées par Us rentiers ,
receveurs ou fermiers de leurfdits droits , terres , lieux
& feigneuries (i). Mais, dit Bafnage , on répondoit :
1°. qu'aux termes de cet édit , les eccléfiaftiques ne
peuvent tirer avantage de leurs cueillerets , que
îorfque ces papiers font appuyés par d'anciens
baux & redditions de compte ; 2°. que ce même édit
exige que les recettes anciennes (oient fignées par les
rentiers ou redevables : 3°. « que cette ordonnance,
)» quoiqu'accordée particulièrement aux eccléfiafli-
)) ques , eft néanmoins de droit ; & aufli par la vé-
M rification aux parlemens de Paris & de Norman-
» die , il fut arrêté que ce bénéfice feroit commun
» à tous feigneurs en cas de perte de titres ».
Quoique les cueillerets ne faffent pas réguliè-
rement Preuve pour le feigneur contre d'autres ,
il ne laiffent pas de faire Preuve pour d'autres con-
tre lui. C'eft encore Dumoulin qui établit cette
maxime. Hujufmodi enim libri& ineis contenta plenè
probant contra eos qui fcripferunt velfcribi fectrunt
& ajjervant , non autem in eorum commodum nec in
prczjudicium tertii.
Mnis , ajoute Dumoulin, Iorfque le cenfitaîre
s'eft Ici vi contre le feigneur des cueillerets de ce-
lui-ci, le feigneur peut, à fon tour, les employer
contre lui, & alors ils font pleine foi en fa faveur,
non pas , à la vérité, fur tous les points , mais fur
les objets connexes à ceux pour lefquels lecen-
fuaire s'en efl fervi.
Des livra des marchands. Les auteurs font affez
partagés fur le degré de Preuve qu'on doit don-
ner aux livres des marchands. On trouve dans
M. Dulauri un arrêt du grand confeil de Malines
da 14 mai 1335 , qui fur la demande formée par
un marchand contre un huiflier pour trois livres
di:. fous de fournitures , a prononcé en cette forme:
(i) Chatles-QuîataoïJonné quelque chcfe de femblable
pour les Pr.yi-Sas. Cardus V , 10 , oElahris /Î52, fanxit ut
tcciefijfckis jus dicc.rur quoad ccnfus eorum 6" redhus , non
prûlatis eùamj'eu :](p?.rditîs lirnrls conftUutionis , fuper eorum
lihris , rctulis cinfuilibus , regifiris , compmihus . b" fln'ilibus
monum:mls. "ypccus ) juris poflri^ç/i andyfls j llb, 1 , nir^
de prvbat'wnibus.
5
6S
•PREUVE.
« Le tout vu, la cour déclare le fuppliant non rc-
« cevable ni fondé à prouver fa prétendue dette
» par fon livre & ferment ; niais bien lui con-
», vient delà prouver autrement ôc dûment,
>> comme il appartient ».
M. Cnvelier , en fail^nt mention du même ar-
rêt, dit que depuis il a fouvent vu juger le con-
traire , & que cela dépend des circonftances.
Il paroît en effet que cette jurifprudence n'a
pas duré long-temps , même dans les Pays-Bas ;
car une déclaration du confeil d'état privé de
Bruxelles, rendue le 21 mars 1624,' porte, que
l'article 19 de l'édit perpétuel n'exclut point te !a
V foi, que de droit, ftatutou coutume, méritent
» les livres mercantils «1.
Mais comment doit-on entendre cette déclara-
tion ? Parmi les auteurs Flamands , Voet , Gre-
neweghen , Vanleuwen, prétendent que le livre
fermenté d'un marchand ne fait point foi des four-
nitures mêmes , lorfqu'elles font abfolument
niées (i), mais feulement iorfqu'il n'y a de contefln-
tion que fur leur prix & leur quantité. Parmi les au-
teurs François Guénois , Danty , Ferrières , De-
nifard 8c pluficurs autres décident que les livres
de marchands né font Preuve que conti-e d'autres
marchands , & qu'un particulier afiîgné fur la foi
^ d'un pareil titre en payement de marchandifes qu'on
fuppoferoit lui avoir livrées, doit être renvoyé
de l'alTignation , en affirmant qu'il ne doit rien.
Leur grande raifon çft de dire que perfonnc
ne peut fe frtire de titre à foi-même , ne/na pro-
prià manu Jibi debïtorem adfcribic. Cette recèle cil
vraie dans la tbèfe générale ; mais la loi & l'ufage ,
la raifon & le bien public , ayant établi ta nécef-
fité de vendre & d'acheter à crédit, il faut aufiî ,
dans cette nécefTué, établir ufte exception aux
principes ordinaires, Se cette exception ne peut fe
faire qu'en donnant au livre & au ferment d'un
marchand déiailleur, l'effet d'un titre. En effet,
c'eft une abfurdité de prétendre qu'un marchand
ne puifle faire de crédit fans le confîater par la
foufcription de l'acheteur ou par une reconnoif-
fance notariale. Un juge, un avocat, un homme
de lettres, fera donc obligé de quitter fon cabinet
pour aller acheter quelques aunes d'étoffes, ou
quelques provifions de ménage ; & là , après avoir
attendu que le marchand ait expédié les pratiques
arrivéfîs avant lui , attendre encore qu'il ait écrit
fur fon livre les articles livrés , pour y mettre fa
fîgnature ? Quel eft l'honnête citoyen qui voulût
fe foumettre à une régularité fl gênante ? D ua
autre côté , que dira cet artifan , ce laboureur ,
qui ne fait pas figner ? Déjà affez à plaindre par
la néceffité où il fe trouve de prendre quelques
denrées à crédit, faut-il augmenter fa honte & fa
rjTisère en faifant venir des témoins , pour les lui
fournir en leur préfence.ou en l'eavoyant chez
— I. I m» « I mil !■ III.. ..
. (ijM. Winantzrai.'poric un ictèt du fonfcil de Biabanc,
du mois de décembce l;<> , qui l'a ainàjugé.
•• PREUVE.
le notaire «lu volfinage , qui prendra vingt fous
pour une obligation de trois livres .'* N'eff-il pas
évident qu'une telle méfiance ne peut qu'obliger
un homme réduira acheter à crédit, de fe priver
des chofes les plus néceffaires'à la vie ou à fa pro-
teffion ? Il faut donc, pour éviter des inconvéniens
il tâcheux , engager les marchands à fe contenter
de leurs regiftrés pour la sûteté de leurs livraifons ;
iSc c'eft ce qu'on ne peut faire, qu'en donnant a
ces regiftres l'effet defuppjéer à des reconnoiffances
écrites.
En vain dira-t-on qu'un détailleur infidèle peut
porter fur l'on livre des articles fuppofés. Car pre-
mièrement les entraves que l'opinion des auteurs
cités apporteroieat au commerce , feroient plus
ruineiifes pour le peuple & plus fufceptibles d'in-
convéniensf, :que ne leferoit à un feul paiti-
, culier une condamnation injufte , prononcée fur
la foi d'un registre.
En fécond lieu , s'il arrivoit qu'un marchand
fût d'affez mauvaife foi pour abufer de la con -
fiance qu'on a eue en lui , le particulier qu'il troni-
peroit ne le feroit qu'une fois; & s'il agiffoit ainfi
envers plufieurs , la juftice ne manqueroit pas
de le fufpe^er & d'exiger de lui des Preuves
d'un autre genre ;îk biemoi il verroit fa boutique,
déferre.
Il paroît donc qu'on peut dire , avec Dumou-
lin 8c plufieurs autres auteurs refpeâables , qu'un
livre en bonne forme , foutenu par la réputation
& par le ferment du marchand qui l'a écrit, doit
mériter une entière confiance en juftice. Cet avis ,
au refte, eft confirmé par l'ufage Se la jurifpru-
dence de la plupart des tribunaux; mais il ne peut
avoir lieu qu'autant que le marchand forme fa.
demande avant \é laps du temps prefcrit par les
ordonnances & certaines coutumes , pour la pref-
cription des chofes livrées en détail; car, après ce
temps, la livraifon eft préfumée acquittée, & le
ferment de l'affigné fait débouter }e marchand.
Si le regiftre d'un marchand forme pour lui une
certaine preuve , il n'eft pas douteux qu'il ne
doive former une Preiive complette contre lui.
Il ne faut pas même pour cela que les chofes
qu'on veut prouver foient écrites de fa main ;
car le regiftre étant en fa poffefîion & fervant à
fon ufage journalier , on doit préfumer que tout
ce qu'il contient y a été porté de fon confente-
ment.
Dumoulin apporte trois limirations à cette ré-
gie. La première eft que le regiftre d'un mar-
chand ne peut faire foi contre lui des dettes paf-
fives qui y font mentionnées, à moins que les
caufes de ces dettes n'y foient exprimées : « Car ,
» dit Potuier, comme il ne peut y avoir de dette
j> fans une caufe qui la produife, & que la feule
» écriture ne fait pas la dette, la demande de la
j> dette ne peut être fondée, tant qu'il n'apparoîc
» point de caufes. Mais , ajoute cet auteur, il fuf-
» iit qu'il en apparoiffe une au moins par pré-
fomptionç
i
i
PREUVE.
» romprions & conjeâmes. Ceft pourquoi Ci un
» marchand a écrit fur Ton livre qu'il devoit la
» fomme de tant à un tel marchand , quoiqu'il
» n'ait point exprimé la caufe, fon livre fera foi
» contre lui en faveur de ce marchand , fi ce niar-
» chand eu. celui qui a coutume de lui k>urnir les
» marchandifes néceffaires à fon commerce ; car,
»' en ce cas , la préforsprion eft que la caufe de
» la dette eft la fourniture de ces marchandiles ».
Ceft d'après Dumoulin que Pothier parle ainh.
La féconde limitation eft que le rcgiftre feu!
doit faire foi contre le marchand, à. non les pa-
piers volans qui s'y trouvent mêlés.
La troifième eft que le particulier qui s'opp©fe
à l'emploi que le marchand veut faire contre lui
de fon rcgiftre , ne peut l'employer lui - même
contre le marchand , parce qu'on ne peut pas
prendre droit d'une pièce qu'on rejette.
Des papiers domcfliques des particuliers. Il eft
conftant que nos papiers domeftiques , ne peuvent
faire foi en notre faveur contre des perfonnes qui
ne les ont pas fignés. Exempta perniciofum eft vt
ei jcripturct credatur quâ unufquifque fibi adnotatione
propriâ debitorem conflituit ; voilà la règle , elle eft
établie par la loi 7, C. de probationibus, & l'excep-
tion qu'elle fouffre par rapport aux marchands ,
ne peut s'étendre aux particuliers.
Mais nos papiers domeftiques font-ils foi contre
nous ? On diftingue fi ce qu'ils contiennent tend
à libérer quelqu'un envers nous , ou au contraire
à nous obliger nous-mêmes envers quelqu'im.
Dans le premier cas , ces papiers font pleine
foi eontre nous , foie que nous les ayons fignés ou
non. Par exemple , dit Pothier , » lorfque j'ai
« écrit fur mon journal les payemens que mon
» débiteur m'a faits, il n'eft pas douteux que ce
V que jai écrit , foit que je l'aie figné ou non ,
» fait une pleine foi oontre moi au profit de mon
I» débiteur , car la libération eft favorable.
Dans le fécond cas, Boiceau eft d'avis qu'une
telle écriture fait pleine foi, lorfqu'elle eft fignée;
mais que, fans fignature , elle ne forme qu'une
demi-Preuve qui doit être fortifiée de quelque in-
dice. Les raifons que donne Pothier de cette dif-
tinâion, font très-judicieufes : » Lorfque la note
» que j'ai faite de Ternprunt fur mon journal n'eft
ï> pas fignée , cette note ne paroît faite que pour
« me rendre compte à moi-même, & non pour
1» fervir au créancier de Preuve du prêt qu'il m'a
» fait; ce créancier n'ayant point de billet , la
n préfomption eft qu'il me l'a rendu lorfque je l'ai
» payé, & que, me trouvant afl"uré par la reftitu-
»» lion qui m'a été faite de mon billet, j'ai négU-
V gé de barrer cette note & de faire mention du
« payement que j'avois fait. M;is lorfque j'ai fi <
5> gné cette note, ma fignature indique que j'ai
» fait cette note dans l'intention qu'elle fervît au
M créancier de Preuve de fa créance ; elle doit
» donc lui en fervir.
Il y a un cas où la notCi quoique non /Ignée,
Tom XHl,
PREUVr. 569
ne laifie pas de faire pleine foi contre moi ou nits
héritiers ; c'eft lorfque j'ai déclare ou fait con-
noître que je la faifois pour qu'elle fervît de Preuve
de ma dette, au cas que je mouruffe fans l'avoir
payée.
La note, même fignée, qui fe trouve barrée , ne
fait plus de Preuve en faveur du créancier; la ra-
diation prouve au contraire qu'il ne lui eft plus riea
dû, lorfquil n'a pardevers lui aucun titre. -
Des écritures non Jï?;nées des particuliers. Nous
venons de parler des journaux &. tablettes des
particuliers ; les autres écritures privées dont il
s'agit ici , font les notes fur feuilles volantes , &
celles qui font à la fuite, à la marge ou au dos
d'un at^e figné.
1". Les écritures fur feuilles volantes tendent ou
à libérer, ou à obliger, ou à tout autre objet.
Lorfqu'elles tendent à libérer & qu'elles fe trou-
vent pardevers le débiteur fans être fignées du
créancier, on pourroit croire, d'après ce que nous
venons de dire des reçus écrits fur papiers-jour-
naux, qu'elles doivent faire pleine foi du paye-
ment. Pothier en décide néanmoins tout autrement.
« La raifon de cttte différence eft, dit-il, qu'il
»» n'eft pas d'ufage de figner les reçus qu'on écrit
» fur un journal; au lieu qu'il eft d'ufage que le
» créancier figne les quittances qu'il donne à fon
» débiteur. Ceft pourquoi lorfque la quittance
" n'eft pas fignée , on peut croire qu'elle a été
» donnée au débiteur avant le payement ,;7i//a ,
» comme un fimple modèle, pour que le dibi-
» teur examinât s'il approuveroit la forme en la-
» quelle elle étoit conçue, & que le créancier a
»> remis à la figner lorfqu'il feroit payé -n.
11 y a cependant une exception à cette maxime."
<« Si la quittance , dit encore Pothier, eft datée,
5> de manière qu'il n'y manque que la fignature,
37 fi c'eft une quittance toute fimple, & doRt il
>) n'y ait pas eu bef^in de faire un modèle ; en-
» fin , s'il ne paroît aucune raifon pour laquelle
» cette quittance ait pu parvenir au débiteur avant
■>■> le payement; en ce cas, je penfe qu'on doit
» préfumer que ce n'eft que par oubli que laquit-
» tance n'a pas été fignée , Sf qu'elle doit faire
» foi du payement, fur-tout fi on y ajoute le fer-
» ment fupplétolre du débiteur •>•>.
Lorfque les écritures non fignées fur feuilles vo-
lantes tendent à obliger envers quelqu'un la per-
fonne qui les a écrites, elles ne font contre elle
aucune Preuve que l'obligation ait été effe£live-
ment contrariée , quoicju'ellcs fe trouvent entre les
mains de celui qu'elles défignent comme créan-
cier; on les regarde comme de fimples projets
qui font demeurés fans exécution.
2°, A l'égard des écritures non fignées qui font
ou à la fuite , ou à la marge, ou au bas d'un af e
figné , il faut diftinguer, comme par rapport à celh s
dont nous venons de parler , c'eft-à-dire, fi leur
objet eft de libérer ou de produire une nouvelle
obligation.
Cccc
j-o PREUVE.
Sur la première hypothèfe , il faut Tous-diftin-
guer fi l'afte a toujours été dans la poffeffion du
créancier , ou s'il fe trouve entre les mains du
dùb'teur.
Au premier cas , ce qui eft écrit , foit à la fuite,
foit au dos ou à la marge de l'afle , fait pleine
foi du payement, quand nijmece feioit la muin
du débiteur ou d'un tiers qui l'auroit tracé, parce
qu'on doit préfumer que le créancier n'auroit
pas laiffé écrire de reçus fur un billet qui étoit
en fa poffcfTion , fi les payemens ne lui avoiem
pas et; faits effeftivement.
Cette décifion airroit même lieu dans le cas où
les notes dont il s'igit feroient barrées , parce que
n'ayant été prcfomptivement écrites qu'après un
payement réel , il ne -doit pas être au pouvoir du
créancier nanti de l'a61e , de détruire , en les bar-
bant , la Preuve du payement qu'elles renferment.
Au fécond cas , il faut encore fous diftinguer:
ou les notes clont nous parlons font écrites de la
maiii du créanckr^ ou elles le {ont de la mairi d'un
tiers. D:n;s la première' e'^pèce , elles font pleine
foi; elles ont nicme plus de force que des quit-
tances données fans fignature fur des feuilles vo-
lantes: fi cependant elles étoient barrées, elles
ceiitroienr de iaire Preuve; car le débiteur en au-
roit et^ipéché la radiation fi le payement efit été
effectif; 6i Ton doit croire que le créancier ne les
avoit écrites que fur les propofitions de payement
qui n'ont pas éié efiéétuées. Dans 1?. féconde efpèce
elles ne prouvent rien , parce qu'il eA permis de
croire que le débiteur les a fait écrire pnr t:;l!e per-
fonne qu'il a voulu, dans l'inteniion de fe pro-
curer une décharge de fa dette.
Les écritures non fignées qui tendent à obliger
Se qui ont trait à l'obligation contenue dans l'aéle
au bas , au dos ou en mnrge duquel elles fe trou-
vent , font foi contre le débiteur qui les a écrites.
li Par exemple, ditPothier, fi au bas d'une pro-
3» meffe fignée de Pierre, par laquelle il reconnoît
que Jacques lui a prêté mille livres , il étoit écrit
J' delà main de Pierre: Plus , je r^connois que men-
ti dît ficiir Jacquci m^a encore prêté deux cents livres;
■>■> cette écriture , quoique non fignée , feroit foi
» contre Pierre, attendu que parces termes àcplus,
» encore, elle a une relation avec l'écrit figné de
» liii. Pareillement fi au bas d'un traité de vente
'» d'une métairie , figné de deux parties , il y
» A.\'0\t\\n pofl-fcriptum écrit delà main du ven-
» deur, quoique non figné , portant que les bef-
5> tiaux qui y font , font compris dans la vente , ce
M, pofl-fcrirtum feroit foi contre le vendeur ».
Si la note étoit d'une autre main , il faudrait dif-
tinguer fi l'aide dans lequel elle fe trouve, ert entre
ks mains du créancier ou du débiteur : au premier
Civi, elle ne feroit aucune foi ; au fécond , elle
prouveroit par elle-même fon énoncé, parce que
Ib débiteur ne l'auroit pas laiffe écrire , fi elle n'eiit
pjs.été conforme aux conventions arrêtées entre
Ùu;&.Ia.créancier.-
PREUVE.
, Lorfque les notes dont il efl ici queftion n'ont"
point de rapport avec l'aâe , elles ne différent
peint de celles qui font fur des feuilles volantes.
Voyez ce que nous avons dit ci-devant de ces der-
nières.
Des tailles. Les principes relatifs ?,u degré de
Preuve que formen; les chiffres cotés fur certains
morceaux de bois d- nt fe fervent quelques mar-
chands détailleurs, font reiracés à 1 article Tail-
la ; ainfi voyez ce mor.
D:s leur, s mijjives. L'n arrêt de la cour des aides
àu^j mars 1645 ' rapporté au journal des audien-
ces, a jugé q^f on ne piy'.ivoit employer contre ua
accuféune lettre qu'il avolt écrite confidemment à
un tiers , 6c dont ceiui-ci avoit abufé.
Un autre arrêt rendu au parlement de T()ui<u;fa
le 12 février 1672, oi rapporté su journal du pa-
lais , a décidé qu'il n'ert; pas permis n un juge falfi
de la connoif'inco u'une aifaire criminelle , de
faire faire recherche dans l'énide d'nn procureur,
des let'rcs qui pourroi'ent fervir de Preuve conxrs
fon client. Ces arrêts cmfîrment ce qu on a dit fur
les lettres niiiiives aux articles Injures &. Let-
tres. Voyez ces mots.
Des copies. On a donné à l'article Copie un pré-
cis des règles concernant la foi que méiirent des
aires authentiques & privés. Ce qu'on y a dit par
rapport aux copies faites hors de la préfence de tou-
tes les parties intérefiées ,a été confirmé par arrêt du
parlement de Flandres du 8 mai 1765 , rendu en-
ne le fieur Théry d'Inghelande , bailli de la fei-
gneurie du Bois , & les nommés Dezittre , anciens
fermiers de la même terre. Il s'agiffoit de favoir fi
le fieur Théry avoit été autorifé par les Dezittre à
faire la vente de tous leurs meubles. Il repréfen-
toit en copie collationnée une procuration qu'il
]);étendoit lui avoir été donnée par eux à cet effet ;
mais comme cette copie ne paroifloit pas avoir été
faite en leur prefénce , on l'a regardée comme ir-,-
fuinfante & fau/le ; &, par l'arrêt cité, le fieur
Tliéry a été condamné à tous les dommages inté-
rêts des Dezittre.
Cetrrrêt a cependatit été réformé par un autre
rendu en révifion le i^j novembre 1766, au rap-
port de M. Remy ; mais ce'ui-ci n'a fait que confir-
mer de nouveau le [>'-incipe qui avoit fervi debafe
à celui-là. En effet , Théry avoit offert . au temps
de l'arrêt de 1765 , de vérifier que l'original de fa
procuration exiAoit , on devoit donc" dès-iors l'ad-
mettre à faire cette Preuve, St c'efi poutquoi l'ar-
rêt de révifion a déclaré qu'erreur étoit interve-
nue , & a ordonné à Théry de prouver la vérité de
la procuration on'il repréfentoit en copie collation-
née , fauf aux Dezittre la Preuve contraire.
La copie d'une donation qui eit tranfcrite dans
le rcgiftre des infinuations , ne fai* pas foi . a moins
que le donateur ne l'ait fignée fu; le rcgftre. Au-
trement ime perfonne de mauvaife foi pourroit
fuppofer une t-uiffe donation qu'elle feroir tranf-
cnre fur le regjilre des. infinuations , & éluder,,
PREUVE,
•«n faponn-.ant l'oric;inal , la Prciiva qu'on pourront
faire de la f?.u(Tetc.
Mais au moins ce regilire , quoique non fie^né du
donateur, ne fait - il pas un commencement de
Preuve par écrit , d'après lequel on doive ordonner
la Preij"C teftimoniale de la donation? L'affirma-
tive ed (butenue par Boiceau. Danty y trouve
beaucoup de difficultés; mais Pothier l'admet lorf
que deux chofes concourent , c'eft-à-dire , i°. lorf-
qu'il ei\ conftant que les minutes de tous les aflcs
paffés par le notaire pendant l'année dans laquelle
on prérend que la donation a été faite , ne fe ttou-
vent point: 2°. lorfque le donataire offre de faire
la Preuve de la donation par des témoins qui ont
été pr-ifens à la paffation de l'adle , ou du moins
qui ont entendu le donateur en convenir. La rai-
fon de la première condition eu que fi , de toutes
les minutes d'une année, il n'y avoit que celle de
la'prétendue donai.lon qui ne fe trouvât pas , on
pourroiî foupçonner une certaine affeflation dans
la fuppreffion de cet afte : la féconde a pour motif
l'infufnfance de la Preuve qu'on voudroit tirer de
la dépofition de témoins qui attefleroient avoir vu
l'afle de donation entre les mains du donataire ;
car ces témoins peuvent, quoiqu'ayant vu 1 aCle ,
ne pas favoir s'il efl véritable , ni s'il ert revêtu de
fes formes.
Des ûHis reco;^nlt:fi. Nous n'avons parié jufqu'à
préfent que des titres primordiaux , c'efl à dirj ,
des premiers aâes qui ont été paffés entre les par-
ties, & qui renferment , foit l'obligation contrac-
tée entre elles , foit la libération accordée à l'ii/'e
par l'autre. Il nous refte à parler des titres reco
gnitifs.
Dumoulin en dillingue de deux fortes ; ceux qui
font dans la forme qu'il appelle ex certa fcient'uî ( de
fcience certaine) , & ceux qu'il nomme informa
comiiuni ( en forme commune ).
Les reconnoiffances ex cendfcientid, font celles
qui relatent la teneur du titre primordial , & ceû
pourquoi Dumoulin les appelle encore in forma
fpeciali & difpofuivâ. Ces reconnoiifances , lorf-
qu'clles font données par des perfonnes qui ont
la difpofltion de leurs droits , fuppléent au titre
primordial , au cas qu'il foit perdu , Se en prouvent
i'exiftence.
Les reconnoiiTances informa communi, font cel-
les qui ne font qu'énoncer le fond des difpofitions
du titre primordial. Elles n'ont pas le même effet
que les premières ; elles interrompent bien la pref-
cription , mais elles ne confirment le titre primor-
dial qu'autant qu'il efl vrai ; elles n'en prouvent
point l'exiftence , Zc ne dlfpenfent point le créan-
cier de le rapporter.
Si cependant elles étoient en grand nombre, &
qu'il y en eût une ancienne & foutenue de la pof-
ieffion , elles pourroient équipoUer au titre pri-
mordial , $L difpenfer le créancier de le rapporter,
fur-tout s'il éioit très-ancien.
Les reconnoiiTances de l'une & de l'autre efpèce
PREUVE.
57 ï
ont cela de commun , qu'elles ne font pas difpofîri-
ves , mais feulement relatives au titie primordial
6i. confirmatives de ce qu'il contient. I^on mterpo*
nuntur , dit Dumoulin , animo facicndcz nova obiie,A-
tionis y fei folùm animo recognofccndi , undè fwiplex
tit-ulus novus non ejî difpofuivus.
Ainfi , une reconnoiflance ne peut jamais ni
aggraver , ni augmenter, ni changer l'obligaticn
contradlée par le titre primordial ; c'eft tou)Ours
par celui-ci qu'il faut apprécier celle-là ; 8: fi eilc
en diffère en quelques points , on peut prouver
l'erreur en le rapport.int , & r;imcner ks cliofes à
leur état primitif, a Cette décifion a lieu , dir Po-
M thier , quand même l'erreur fe trouvî'rûit dans
» une longue fuite de reconnoiffances ; il en fa"u-
» dra toujours revenir au titre primordial , Icrf-
» qu'il fera rapporté ».
Il y a des fiècles que cette maxirne forme la
règle des tribunaux : on voit , en p.trcourant les
arrétifles , qu'elle a fervi de bafe à une multitude
d'arrêts ; il feroit trep long de les rapporter tous ,
on fe bornera à un feul rendu au parlement de Pa-
ris le 26 février 1761 , au rapport de M. Cochin.
Il s'agiffoit de la juflice fur la paroiffe de Cefibn,
M. rarchevêque d'Aix & le f ■iur de Montulé la ré-
clamoient refpedlivem.ent ; le prerricr , con-.me
abbe de Saint-Pere de Meirn ; le deuxième, en
vertu de la feigncuie de Saint-Pere & de Paine-
M fe , dont il prétendoit que la ParoiiTe de Ceflbn
iaii'bit pnr'ie. M rnrchevê'4ue d'Aix invoquoit une
poiTeffion inî.nèrr.oriule qu'il juftifioit parle procès-
verbal de la réformation delà coutume de Melun ,
par rhilloire de cette ville , par la déclaration du
temporel de l'abbaye , p.ir des baux à cens , par
des déclarations paifées au terrier de l'abbaye, par
des ailes de jufl ce fur tout le territoire ; enfin ,
par des énonciat'ons dans une multitude d'autres
acics. Le fieur de Montuié oppofoir à M l'archevê-
que un dénombremen,' de fon abbaye de l'an 1384 ;
c'étoit le plus ancien des titres produits; on le re-
garda comme titre primordial.
Après avoir énoncé le domaine de l'abbaye à
Ceffon , ce dénoinbremenf ajoute , le tout dans la
juftice de rahbaye. Si ces dernières exprelTions , di-
foit le fieur de Montulé , prouvent que l'abbaye a
la jurtice fur fon doinaine , il en réfulte également
que , bornée par les limites de ce domaine , elle ne
s'étend pas fiir l'univerfalitéde la paroifie. Qu'im-
porte aujourd'hui l'extenfion que cette jufiice peut
avoir reçue .'' qu'importent les afies poffeffbires ,
les reconnoiiTances } le titre primordial paroît , il
faut s'y référer, & relTerrer les droits de l'abbaye
dans les bornes pcféss par ce titre. Ces moyens
prévalurent, & l'arrêt déclara le fieur de Montulé
feigneur haut - jufiicier de la paroifTe de CclTon,
Voyez l'article UsAGE.
On parle, â à l'article Quittance , delà foi dua
aux difTévens adeâ qu'on pulTe pour la Preuve des
paysmens. ^ •• \
C c c c ij ^
.57i
PREUVE.
§. III, De la Preuve tejîimonlale.
En quelles matières y at-il lieu à la Preuve tefti-
moniale , & quelles font , dans les cas où elle eft
admife , les qualités qu'elle doit avoir pour rem-
plir fon objet ? Telles font les deux queftions que
nous avons à réfoudre dans ce paragraphe.
Première question. Quelles font les chcfes quon
peut ou quon ne psui pas prouver par témoins ?
La Preuve teftimoniale feroit la plus fimple Se
la plus parfaite de toutes les Preuves , fi les hom-
mes étoient incapables de fe tromper & de trahir
la vérité. Les a61es , qtielque authentiques qu'ils
foient , ne forment qu'un témoignage muet ; ils
re peuvent donner aucun éclairciflement fur des
circondances qu'il feroit important d'approfondir ;
les témoins peuvent au contraire éclaircir une foule
de chofes.
On croit afTez communément que les lois romai-
nes admettent la Preuve leftimoniale dans tous les
cas ; c'efl une ericnr démentie par plufjeurs textes
trcs-précis. On peut voir à ce fujet Rommelius dans
fa differtation latine fur l'article 19 de l'édir perpé-
tue! de 16 il. pages 53 & fiiivantes, édition de 1630.
Nos légiflateurs ont été plus loin ; l'expérience
qu'ils ont faite de la facilité avec laquelle les té-
moins tombent dans l'erreur ou l'impoflure , lésa
engagés à mettre des bornes encore plus étroites à
cette Preuve : l'ordonnance de Moulins de l'an
1566, article '54; celle de 1667 , titre 20 , article
2 , 8i l'édit perpémel de 161 1 , article 19 , l'ont in-
terdite pour tous les a6}es dont l'oujet excède la
valeur de 100 livres en France , & de 300 florins
dans les Pays bas (i).
Comme le Hainaut fait partie des Pays-Bas , il
paroît au premier coup-d'œil , que la Preuve par
témoins ne peut y être admife dans tout ce qui
excède 300 florins ; néanmoins Anfclmo afl'ure
qu'elle y eft reçue indillinftement ; il en rapporte
même un arrêt du confeil fonverain de Mons.
u M. Pollet dit qu'il eft encore incertain , dans la
» jurifprudence du parlement de Flandres , fi la
« difpofition de l'article 19 de l'édit perpétuel doit
» être fuivie dans la coutume ùu Hainaut. On
>» cite un ancien arrêt par lequel il a été ordonné
Il qu'il feroit informé de l'ufage ; par un autre ar-
■^ rét rendu entre le fieur Spy Se le fieur d'Hau-
» court, fon fils , le... aoîit 1699 , il a été jugé
» qu'elle n'a pas force de loi dans le Hainaut , &
» que les Preuves n'y foufTrent point d'autres bor-
» nés que celles que la coutume prefcrit. Mais M.
» le préfidem Desjaunaux en rapporte un autre du
~^f 16 o6lobre de la même année , par lequel il a en- .
■ » core été ordonné qu'il feroit informé de l'ufage ».
La difficulté dans cette queftion , vient de ce '
que les chartres générales de Hainaut , homolo-
(iVCequenoJs difons ici &: dans la fuite de ce: ;)uicle ^
ïd'ativemeiu aux Pays-Bas, ne doit point s'cntendrede l'Ar-
x>M. „ parce ^uc J'ordonnancç d« i6€j a li«« d-ans cçuc ^ro-
■macti .,>■•■
PREUVE.
guées en i6i9,& par conféquent poftérieures à
ledit perpétuel , admettent expreifément la Preuve
par témoins en plufieurs cas , comme dans les
contrats de mariage , chapitre 30 , article ao ; dans
les devoirs de loi , faits pour réalifer un douaire
préfix , chapitre 34 , article 14; dans les reliefs,
chapitre 103, article 12; dans les rccondutlions
tacites, chapitre 117, article i ; dans les promef-
ies de garantie & d'indemnité, chapitre 115, arti-
cle 3 ; toutes ces difpofitions femblent taire voir
que l'intention des archiducs Albert & Ifabelle ,
en homologuant les chartres générales , a été
d'excepter le Hainaut de l'article 19 de l'édit per-
pétuel.
D'un autre côté , il eft certain que cette loi y a
été cnregirtrée & publiée : les décrets d'iiomologa-
tion des coutumes locales de Leifines & de Chtmay
en font foi ; on trouve même dans les chartres
générales quelques pafl'ages qui y ont rapport , &
q'.ii y renvoyent. Tel eft entre autres l'article 6 du
chapitre 123 , concernant les formalités du béné-
fice d'inventaire. L'article i du chapitre 126 eft en-
core plus précis ; il ordonne l'exécution des dona-
tions alimentaires faites à des bâtards , /n yennant
que , pour celles excédantes 300 flvins , il en apparût
par écrit authentique , enfuite de L'édit perpétuel.
Dans ce conflit de raifons , nous penfons avec
Dumées , que la Preuve par témoins doit être re-
jetée en Hainaut, comine par-iout ailleurs, dans
tous les cas fur lefquels les chartres générales
n'ont point dérogé à l'édit perpétuel. " Une loi
» particulière , dit cet auteur , doit être renfermée
■>t dans le cas pour lequel elle a été faite , & par
» conféquent elle ne détruit point une loi imiver-
» felle ». ( Ceft en eft'et ce que portent t; orcfTé-
ment les lois 26 , 27 & 28 , D. de legibus ). « L'édit
» perpétuel eft une loi univerfelle dans les P,'ys-
» Bas catholiques , émanée de l'autorité des fou-
» verains ; on ne voit point que la coutume géivé-
» raie du Hainaut ait dérogé en termes exprés &
» généraux à l'article 19 de cet êdit , puilqu'au
» contraire elle en confirme la difpofiticii dans
» l'article 1 du chapitre 126. Il eft bien viai qu'elle
» reçoit & ordonne la Preuve par témoins ei. cer-
» tains cas ; mais de là même il s'enfuit qu'elle
» n'a pas voulu généralement déroger à Triticle
» 19 de l'édit perpétuel, d'autant plus que dans les
» cas où elle admet cette Preuve , elle fixe un ter-
» tain temps pendant lequel cette Preuve devra
» être faite ».
On ne peur rien de plus conforme aux princi-
pes que ces raifons , & , quoi qu'en difent Aufelmo
& M. Pollet , il ne faut pas croire que les arrêts du
confeil de Mons &. du parlement de Flandres les
aient aftoiblies. Nous voyons d'ailleu-s, dans un.
recueil manufcrit qui nous a été coranuniqué par
M. Papin , confeiller au confeil de Mons , que cette
cour a été partagée , le 26 mai 1683 , fur la quef-
tion que nous traitons ici , & cela feul fufEroit pour
prouver que l'arrêt ciié par Anfelmo , fans date ni
PREUVE.
cîrconflances ', ne doit pas former une iurîfprii-
dence. Mais il y a plus ; l'auteur du recueil dont
nous venons de parler , nous apprend , à l'occafion
d'un arrêt du 13 août 1689 , que le conieil de Mons
a autrefois confulré le roi d'Efpagne fur le parti
qu'on devoi' tenir en Hainaut par rapport à l'ad-
jiiflibilité de la Preuve teftimoniale dans les ma-
tières qui excèdent 300 florins , & que ce monar-
que lui a répondu par une lettre du 30 juin 1642,
euregifirée aux folios 7 & 8 du regiilre aux avis
Si. lettres miffives , qu'on devoit fe conformer dans
cette province à l'article 19 de l'édit perpétuel,
pour tous les cas auxquels les Chartres générales n'y
avoient pas dérogé.
Les coutumes de Normandie & du chef-lieu de
Valenciennes nous préfentent une queftion allez
analogue à celle que nous venons d agiter. Voici
ce que porte Ja première de ces lois , article 537 :
n Nul n'e!] tenu attendre Preuve de fon héritage
» par témoins , ains doivent tous con.rats hérédi-
»> taires & hypothécaires être paffés devant uotai-
ï> res & tabellions , ou pour le moins fous feing-
>' privé des contraflans ». L'article 73 de la fé-
conde renferme h même difpofition. " Quiconque
»♦ fe veut aider de conventions, traités, marchés
» & obligation touchant les biens-immeubles , ne
« fera admis d'en faire Preuve que par chirographe
» ou autre titre pertinent ".
11 réfulte de ces termes , que les coutumes de
Norinandie & de Valenciennes ajoutent, Tune à
l'ordonnance de Moulins , & l'autre à l'édit perpé-
tuel , en ce qu'elles défendent la Preuve par té-
moins de tous les a6les concernant des immeubles ,
fans diftinguer fi la valeur de ces immeubles ex-
cède 100 livres ou 300 florins , ou fi elle y eu infé-
rieure ; défenfe qu'on doit fans doute attribuer à
l'attention particulière qu'ont toutes les lois pour
la confervation de ces fortes de biens.
Majs que doit-on conclure du filence que gar-
dent ces deux coutumes fur les conventions qui
n'ont pas des immeubles pour objet ? Dira-t-on
qu'à cet égard elles font ceniées autorifer indéfini-
ment la Preuve teflimoniale ? La maxime ïnclufio
unius ejl xclnfio alierius, fembleroit devoir le faire
penfer ainfi. Mais les principes d'après lefquels
nous venons de décider que l'art. 19 de l'édit per-
pétuel doit avoir lieu en Hainaut pour tous les cas
non exceptés par les chartres générales, nous for-
cent également de dire que le filence de ces cou-
tumes , quant aux chofes mobilières , eft une
marque certaine qu'elles fe réfèrent fur ce point à
l'ordonnance de Moulins & à l'édit perpétuel, &
par conféquent qu'elles interdifent la Preuve tefti-
moniale dans ces fortes de md.ières, lorfque l'objet 1
litigieux excède 100 liv. ou ^00 florins. C'eft auiîi '
ce qu'a jugé, pour la coutume de Valenciennes ,
un arrêt du narlement de Flandres du 2' février
1694 , rapporté par M. Uesjaunaux. Il s'agiiroit de
favoir fi on pouvoit prouver par témoins le dépit
d'un pot de grais rempli (Tardent monnayé : les cche-
PREUVE. 575
vins de Valenciennes avoient juge pour l'affirma-
tive ; mais leur fcntence a été infirmée.
On peut demander fi dans les endroits du chef-
lieu de Valenciennes , qui font partie du Hainaut ,
la Preuve teiîimoniale doit être admife dans les cas
où elle cft autorifce par les Chartres générales , au-
delïïis de 300 florins.
Nous avons établi à l'article Hainaut, que les
chartres générales doivent , fuivantleur infHtution
primitive , régler tous les droits perfonnels , & par
con(é(juent tout ce qui concerne la forme , le lien
& les effets des contrats paifés dans toute la pro-
vince de Hainaut : les coutumes des différens chefs-
lieux qui la partagent, n'ont été faites, comme
nous l'avons dit au même article , que pour régir
les main-fermes 6c les meubles. Mais comme les
Chartres générales fe font quelquefois écartées de
leur but originaire , en difpoiant des mains-fermes ,
de même aufli les coutumes des chefs lieux ont
quelquefois été au-delà du leur , en réglant les
droits perfonnels : c'eft ce que fait celle de Valen-
ciennes, en prefcrivant , articles 139 , 140 & 141,
la forme dont elle veut que foient revêtus les con-
trats paffés dans les juflices feigneuriales du chef-
lieu. Dans ces fortes de cas, il eft hors de doute
que les difpofitions des coutumes de chefs-lieux
doivent l'emporter , dans leur territoire particulier,
lur celles des chartres générales ; c'efl une confé-
quence néceffaire de la règle , in toto jure ^eneri per
Jpcciem dercgaïur : mais cela n'empêche pas que ces
dernières lois ne doivent encore être confultées
pour la décifion des difficultés fur lefquelles les
coutumes de chefs -lieux ont gardé le filence,
quoiqu'elles aient des difpofitions fur les matières
qui donnent lieu à ces difficultés.
Ces principes s'appliquent d'eux -même-s à la
queftion propofée , fcc il en réfulte évidemment que
dans le chef-lieu de Valenciennes on doit admet-
tre la Preuve teAimoniale dans les mêmes cas que
l'admettent les chartres générales Nous difons dans
le chef-lieu, car les chartres générales n'ont aucun
empire dans la ville & banlieue de Valenciennes ,
pour tout ce qui concerne les droits perfonnels.
La différence qui règne entre les lois des diffé-
rens pays fur l'admiffiMlité de la Preuve tefîimo-
niale , peut donner lieu à plufieurs queftions mixtes.
Par exemple , un habitant de la Flandre fait à Paris
une vente verbale d'un bien fitué hors du royau-
me , ik dans un pays où la Preuve par témoins efl
admife indéfiniment, La valeur de ce bien efî por-
tée dans le contrat au-deffus de loo liv. , taux de
l'ordonnance de Moulins . & au-deffous de 300
flonns , taux de l'édit perpétuel. Dans ces circonf-
tances , le vendeur ne rempliffant pas fon obliga-
tion , on le pourfuit devant le juge de fon domi-
cile ; on effre , conformément à l'édit perpétuel ,
de prouver, par témoins , qu'on a acheté de lui tel
bien , qu'on lui en a payé tel prix , & on conclut ,
en conséquence , à ce qu'il foit tenu de livrer l'iié-t
574
PREUVE.
j-.rugo cui de payer les cloirimages-iiU'^réts qui rérul-
«cnt de 1 inexéciitioH ùu contrar.
Dam cciie e'.'pécs , trois lois différentes fenihlent
fe dil'puter le droit de dcterniiaer le juge : celle de
la fituation , qui admet indiftinâement la Preuve i
celle du lieu où on piaide , qui la tolère d.ins le cas
particulier de la caufe ; celle de la palTation du
contrat, nui la rejette abfohiment. Mais laquelle
des trois doit l'emporter fur les deux autres Ck taire
pencher la balance de la juftice?
11 eft certain que tout ce qui concerne la Preuve
judiciaire appartient à l'inrtruftion 6c à la manière de
procéder. Or , il eu de principe que les formalités
de cette nature dépendent de la loi du lieu où on
plaide. D'ailleurs , c'eft aux juges qu'eft adrei-^ée
la déteni'e de recevoir la Preuve par témoins dans
les cas marqués par l'article 54 de l'ordonnance de
Moulins, & par l'article 19 de l'édit pcpétuel :
cette défenCe ne peut donc lier un juge, qu'autant
qu'il eft l'oumis à l'une ou à l'autre de ces lois , &
par conféquent la circonftance du lieu où le contrat
a été palTé , femble ne devoir aucunement iniluer
iur l'admilTion ou le rejet de la Preuve teftimo-
niale.
Voilà tout ce qu'on peut dire en faveur de la de-
mande du Parifien; mais il eu. ailé de voir qu'elle
ert mal fondée. On dilHngue deux fortes de for-
malités judiciaires ; les unes appartiennent feule-
ment à linftruélion , & ne frappent que fur la pro-
cédure , & il n'eft pas douteux qu'à cet égard on
re doive s'arrêter qu'à la loi du lieu où on plaide.
Mais il en eft d'autres qui ont pour objet le iond
même de la caufe , Se dont l'inexécution n'annulle
pas feulement la procédure, mais encore anéantit
fbfolumcnt l'aélion. Or, il cù de principe que la
oi du lieu où on plaide eft indifférente pour tout
ce qui regarde la décifion du fond , Sï qu'il ne faut
confidcrer à cet égard que la loi à laquelle l'aâion
étoit foumife dès le principe , & avant d'être portée
en juftice.
Cette diftinélion eft établie par Mafcarc}us , de
ffenerali flatutorum interpretatlone , concluj. y , & la
jarifprudence des arrêts y eft conforme ; en voici
quelques exemples.
En Hainaut, les infiances fe périment par une
ceffation de procédures pendant quatre ans ; mais
cette péremption n'emporte pas fin de caufe, &
n'empêche pas de recommencer l'aélion. Au par-
lement de Flandres une inftance ne fc périme ja-
mais, & on peut toujours la pourfuivre tant qtie
raiTiicn n'efl pas prcfcritc. De cette différence efl
née la queflion de favoir fi la péremption peut
avoir lieu dans une iuflance qui s'inftruit au par-
lernent de Flandres entre deux habitans du Hai-
naut, fur l'appel d'une fentence rendue par un
juge de la même province; & il a été décidé pour
la négative par arrêt du 27 mai 1693 , les chambres
affemblées , fur le fondement que la difpofition des
Chartres génétales ne touche point au fond de la
caufe. ( Arrêts de M. PoUct , part, 3 , n". 83 ).
P R E TJ Y E,
Mais il y a en Hninnut une autre efpèce de pé-
remption , qui n a lieu qu'en matière benîficiale ,
qui s'acquiert par le laps de trois ans, & qui paroit
dériver de la règle de trUnnali pcU'eJfore. Comme
elle emporte fin de caufe , on a jugé , par arrêt du
1 3 novembre 1706 , qu'elle devoit avoir lieu dans
une inftance inftruite au parlement, ( Arrêts de M.
Pollet , partie i , n". 30).
Cet arrêt juge nettement que la loi du lieu où
on plaide eft indiiTérente par rapport aux formalités
judiciaires , Quœ tangunt ai meritum cauftz. En voici
trois autres qui décident clairement la même chofe.
En Hainaut, les défauts & forclufions emportent
gain & fin de caufe en faveur de la partie à laquelle
ils font acquis. C'eft ce que portent les Chartres
générales , chap, 78 , article 27, lie chapitre 79 ,
article 10. Au parlement de Flandres , le fenl effet
qui en réfulte , fuivant un arrêt de règlement de
167 1 , eu une admiffion à Preuve ^jr intendit. On
a demandé fi, dans une inffance pendante au par-
lement entre des habitans du Hainaut, il falloit
fuivre les Chartres générales ou le règlement de
1671 ; & par arrêts des 22 mars 1695 ^ ^ juillet
1697, on a jugé pour les Chartres générales. La
même chofe a été jugée par l'arrêt déjà cité du 27
mai 1693, rendu dans l'affemblée des chambres.
( Arrêts de M. Desjaunaux , tom. 1, n''. 59 & 170;
ik. de M, de Flines , n". 36 ).
On peut donc regarder comme confiant & indu-
bitable , le principe que les formalités judiciaires &
décifoires tout-à-la-fois, ne dépendent aucune-
ment de la loi du lieu où on plaide.
Or , la Preuve par témoins , confidérée dans le
point de vue fous lequel l'ordonnance de Moulins
& ledit perpétilel nous la préfentent , appartient ,
il eff vrai, à l'inftru^lion & à la manière de pro-
céder; mais, en même-temps, elle influe fur le
jugement ; elle frappe fur l'aflion même , 6c ,
pour me fervir des termes confacrés par les inter-
prêtes , elle eft tout enfemble ordinatoire & dé-
cifoire , 6c par conféquent, dans la queflion •de
favoir fi elle doit être admrfe ou rejetée , ee n'eft
point à la loi du lieu où on plaide qu'il faut
s'arrêter.
Cela pofé , il ne refte plus qu'à examiner fi c'eft
à la loi de la fituation des biens, ou à celle de la
paffation du contrat qu'il fjut avoir recours dans
î'efpéce propofée ; & cc-tie queftion fe réfout delle-
mème. On convient unanimement que tout ce qui
concerne la forme prohante des contrais ne doit
dépendre que de la loi du lieu où ils font paires.
Ainfi, dans notre efpèce , l'objet de la vente ver-
bale faite à Paris, excédant le taux de l'ordon-
nance de Moulins , on ne peut en admettre la Preu-
ve par témoins , quoique la conteffation foit enga-
gée dans un lieu où cette Preuve efl reçue jufqu'à
300 florins , & que le bien foit fitué dans un pays
où ::llc n'eft rejetée par aucun règlement pofitif.
Par la même rcnfon, un Parifien qui fe trouvant
à Lille , auroit emprunté une fomme de 300 flo-
PREUVE.
fins , fans en donner reconnoiffance , pourroit être
pourfuivi à Paris pour la reftitution de ce prêt , &
il ne pourroit empêcher qu'on n'en f ii la preuve
par témoins. Brodeau fur M. Louer, lettre C. §. 42 ,
rapporte deux arrêts qui l'ont ainfi jugé ; il étoit
queftion , dans chacune des deux efpèces , de deux
/.nglois , dont l'un demandoit à prouver par té-
moins le prêt qu'il difoit avoir fait en Angleterre
d'une fomme excédant 100 livres, & dont l'autre
foutenoit que la Preuve étoit inadmiffible , d'après
l'ordonnance de Moulins. Mais cette Preuve fut
admife par un arrlt de 1596, confïrmatif d'une
fentcnce de la fénèchauflêe de Lyon , & par un
autre, confïrmatif d'une fentence du châtelet; &
conioquemment il fut jugé, dit Brodeau, que 1 or-
donnance de Moulins ne peut s'appliquer aux con -
trats pâlies hors du royaume , parce qu'elle tend
ad litis decijionem.
En feroit-il de même dans cette efpèce ? Deux
hahitans de Lille fe rencontrent à Paris ; l'un prête
cent écus à l'autre , & n'en prend point de recon-
noiflTance. A leur retour, le prêteur fe pourvoit
devant les échevins de Lille , demande la rellitu-
tion de fon prêt , & offre d'en faire Preuve par
témoins. On lui oppofe que les ordonnances de
Moulins S< de 1667 , qui font loi dans le lieu ou le
contrat a été pa/Té, rendent cette Preuve inadmlifi-
bie pour toutes chofes excédant 100 liv. Il répond
que ledit perpétuel l'admet jufqu'a 300 flori-is,
& qu'étant domicilié dans un pays où il fait loi , on
ne doit pas , pour avoir contraâê dans un endroit
où il n'eft pas reçu , le priver de l'effet de cet «dit ,
lorfque , de retour dans ion domicile , il plaide
contre un de Tes compatriotes.
La quertion que préiente cette efpèce ne laifle
pas de partager afiez les auteurs. Hertius (i) dit
que te-: u8iu formam dn , & que infpïciendus eft
locus aHûs , non dunici'ii, non rei jitx ; mais en më-
meme-temps il obferve que cette régie foufire une
exception , (i ..Elus inter duos Cilebrecur, verbi gratiâ ,
paflum , & uterijue paci/cen t Jit externus & unïus ci-
vitaris civi; ; dtibitaudum enim non efl aâlum à ta-
l'bui fe undùm tcp.es patria fj61uin in patriâ valere.
Paul Voet (2) décide la même choie , & on peut
encore compter parmi !es patcifans de ce fyflêirc,
Jean 'Voet (3) , Rodemburg (4) , & Denis Gode-
^'^y.i.'Ù- ^'"' foutiennent ^u'un telkment revêtu
des formnltés du domicile du teitateur , & non de
celles du litu où i! a été paffé, eft valable pour les
biens fournis à la loi domiciliaire.
Pour établir cette opinion , on dit qu'un a^e de
vroit , à la rig-ienr , être revêtu de toutes les f:.r
maîicés prafcrues par chacune des lois dans le rer-
ritoire defqueîles il doit être exécuté ; ce n'eft ,
PREUVE.
n^
(1) Dccorifione legiim pofit, n. .0..
(1) Ue ari'ti.' , fedt. o cap 9^11. z.
(lit Ad dig. lir. , 11-. 4;, j)arr. i , n. Ij..
(4) 1 -e jiir.. ;or.)',i; uiir, ci', 1, c.ip, 3,.
( J,). Ad [, 10 ,, dig. de jurifdidlione*.
ajoute-t-o«, que par une raifon de coHvenance
& de bien public qu'on a adopté la loi du lieu
où l'aéîe fe paiTe , pour celle qui doit en régler
la forme; mais cela ne doit pis empêcher un juge
d'ordonner l'exécution d'un afte pour la confec-
tion duquel on a obfervé les formalités prefcrites-
daîis fon territoire, quoiqu'on y ait néglige celles-
du lieu où il a été paiïé.
Cette raifon cil fpécicufe, mais elle efl fondée
fur une fuppofnion afefoli:ment fauffe. Ce n'eft
point par raifon de convenance qu'on a donné ,
par rapport à la forme probante des aiRes, la pré-
férence à la loi du lieu où ils font pa/Tés , fur toutes
les autres; les vrais principes ont feuls motivé ce
choix. En effet, les aâes reçoivent l'être dans le
lieu où ils font paffés; c'eft la loi de ce lieu qui
leur donne la vie ; c'eft elle par conféquent qui
doit les affeéter , les modifier , en régler la forme-
C'efl la réflexion de Paul de Callresdans fon confeil
13 : StJttitum, dit- il , aj^icir a^us cd.bralos in to,.0'
(latuentium , quia dicuntur ibi oriri 6* nafci. D'ail-
leurs , chaque pa) s a les lois pour les formes pro-
bantes des afles , & ces lois font toutes fondées lur
des motifs différcns. Ici la preuve teftimoniale eft
admife indiftimSlcment , parce que le légiflateur ae
préfumé beaucoup de la fuicérité de les fujets ; Lày.
elle eft reftreinte dans de certaines bornes , parce
que l'expérience a prouvé que les habitans s'écar--
toient fouvent de la vérité : dans un autre pays ^
elle cft prefque réduite à rien , parce qu'on s'eft
apperçu que la bonne foi y étoit encore plus rare,
Amfi tout dépend , en cette n)atière , de l'opinion
que chaque légiflateur a eue de Tes fujets , & par
conféquent les lois relatives à la forme probante
des actes, font fondées fur des raifons purement
locales & particulières à chaque territoire. Il n'y a
donc que la loi du lieu où un aéle a été palTé , qui
puifie en attefler la vérité ; celles du domicile des
parties ou de la fituation des biens n'ont pas ce pou--
voir, parce que les raifons qui ont déterminé leurs
difpofirions (ont toutes différentes de celles qui
ont d\6ïé les formalités prefcrites dans le lieu du
contrat.
D'ailleurs , une loi ne commande- r-elle, pas f«u-
verainement à tout ce qui fe fait fous fon reffort?
Si donc on veut y palîer un a6îe ce ne peut être
qu'.n obfervant les forme, intrinsèques & pro-
bantes qu'elle a établies : fi on néglige les pre-^
mières l'aâc refte dans le néant, & ne peut confé-
quemment erre exécuté dans un autre enilroit. Si
on omet les fécondes , cela n'empêche pas , à
la vérité , le contrat de fe former ; mais il ne naît ,.
pour amfî dire , que pour refier fans Preuve , telle
eft la coiîdirion Jine cfud non de fon exigence.
Comme elle y eft attachée dès 'e prir.cipe , 6c
qu'elle en fait en quelque forte partie , on ne peut"
abfolum.nt Icn féparer ; Se il ae fi'ffiroir pas de'
fortlr de ce territoire pour être autorifé à recon-
noîue l'une & rej.tter l'autre , parce que tout ce;
^6 PREUVE.
qui efi un & indivifible ns peut jnmais fouiTrir
de fcilTio!:.
Nous pouvons donc foutenir avec confiance ,
qu'un a61e déclaré nul ou improbant par la loi du
lieu où il a reçu l'être , porre fa nullité ou {on
improbanct , qu'on me palFe ce terme , dans tous
les pays, & mime dans ceux où il feroit valable
& feroit foi s'il y avoir été paffé.
D'après cela , il eft évident que la Preuve tefti-
moniale ne devroic pas être admife dans l'efpèce
propofée ci-deflus. En effet , quoique les deux
contraélans foient domiciliés & plaident dans une
ville affujettie à l'édit perpétuel , il ùiffit que le
contrat ait été fait dans un endroit fournis aux or-
donnances de Moulins & rie 1667, pour qu'il ne
puiffe recevoir fa Preuve que d'une manière pref-
crite par ces lois (i).
Après avoir examiné quels font les endroits
& les caufes où doivent avoir lieu les ordon-
nances de Moulins & de 1667 , & l'édit perpé-
tuel de 161 1, il faut difcuter le fond même de
ces lois , en pénétrer le vrai fens , en fixer l'é-
tendue , & remarquer les exceptions qu'elles
fouffi ent.
Commençons par en pefer les termes ; voici
ceux de l'ordonnance de Moulins : «t Pour ob-
s) vier à la multiplication des faits qu'on a vu ci-
« devant être mis en jugement , fujets à Preuve
j> de témoins & reproches d'iceux , dont advien-
» nent plufieurs inconvéniens & involutions de
»» procès, avons ordonné 8c ordonnons que doré-
« navant de toutes chofes excédant la fomme ou
w valeur de cent livres pour une fois payer, fe-
j) ront pailés contrats pardevant notaires & té-
»» moins , par lefquels contrats feulement fera faite
»> & reçue toute Preuve defdites matières , fans
» recevoir aucune Preuve par témoins eutre le
M contenu auxdits contrats , ni fur ce qui feroit al-
j> légué avoir été,dit-pn, convenu avant icelui ,
» lors & depuis ; en quoi n'entendons exclure les
« conventions particulières Se autres qui feroient
(l) Je trouve dans le RoiiiJié fur la coutume An Maine ,
titre 9 - article } , une ci'pice a!T<rz feml.i'a A : à la nôtre , &
qu'il réCout de mîme. Voici comme il s'explique :
Fuit nuper fa6lum fiatutum in duca-u AUccnenfi , per quod
frohihttiir Tjlellionihus ne de catero coificijnt in!îr;imenra avt
contraBus uhi non fa exprejfè ac fyecilicè decbratus locui &•
pircchij uhi faffuî efi ; quoi fi contri f.iclum fuerit , comme-
ruJ trit nul.us 6* nullius valons. Modo farenfes ncnnuUi , putd
e^ Britmni.i vtl Ândegavid , exifienris in eodem ducatu fa-
ciunt aliquoipaêlum vd contraSium ccramTabelUonibus AUn-
eanicis , çui TAhdltjnes omitti/nt formi^m à flatvto datam.
Ou f rieur an valeic talis con:rdBas tx eo etiam quoi in ecrum
patrid tais forma n-in efi r/a;j , 6* viditur breviter diccndum
quoi non v.ileat , fc" efl tjlis contrailus invalidus , non folùm
in AUnconlo , uli viget Jtatutum taie , verùm trirm aliki.
Cette efpcce rentre naturellement dans celle que nous
avons propofée , & il réfulre c'ahement de la doctrine de
Rouillé , qu'il ne faui pzs revêtir un acle des formes prefcrites
ar la loi du dojnicile des contrJvUns, nais de celles »]u'ét3-
Jit I5 loi du lieu o>à il fe pafle.
t
PREUVE.
» faites par les parties fous leurs feings , fceaux &
» fignaturcs privées ».
Le titre 20 de l'ordonnance de 1667 porte , ar-
» ticle 2 ; Seront paiïês aéles pardevant notaires ,
» ou fous fignature privée, dt toutes chofes excé-
» dant la lomme ou valeur de cent livres, même
V pour dépôt volontaire , & ne fera reçue aucune
» Preuve par témoins contre & outre le contenu
» aux ades , ni fur ce qui feroit allégué avoir été
» dit avant , lors ou depuis les aétes, encore qu'il
» s'agit d'une fomme ou valeur moindre de cent
» livres , fans toutefois rien innover pour ce re-
» gard en ce qui s'obferve en la juflice des juges
» ik Con fuis des marchands».
Art. 3. » N'entendons exclure la Preuve par té-
» moins pour dépôt néceffaire , en cas d'incendie,
» ruine , tumulte, ou naufrage , ni en cas d'acci-
» dens imprévus ou on ne pourroit avoir fait des
» aâes, & auin lorfqu'il y aura un commence-
» ment de Preuve par écrit ».
Art. 4. » N'entendons pareillement exclure la
» Preuve par témoins pour dépôt fait , en logeant
» dans une hôtellerie , entre les mains de l'hôte
« ou de l'hôtellé , qui pourra être ordonnée par
» le juge, fuivant la qualité des perfonnes & les
» circonftances du fait ».
Art. 5. » Si dans une inftance la partie fait plu-
» fieurs demandes dont II n'y ait point de Preuve
» ou commencement de Preuve par écrit, elles
» ne pourront être vérifiées par témoins, encore
» que ce foit diverfes fommes qui viennent de
» différentes caufes & en differens temps , i\ ce
» n'étoit que les droits procédaffent par fuccef-
» fion , donation ou autrement , de perfonnes
» différentes ».
L'article 19 de l'édit perpétuel de 161 1 e/l
conçu en ces termes : » Comme plufieurs procès
M fe meuvent entre nos fujets , à caufe de la mul-
» tiplication des faits qu'on pofe être venus es
» conventions & contrats en vertu defquels on
» agit, comme fi plus y avoit été dit éc pour-
» parlé que ne contiennent les inftrumens lur ce
» faits , foit fous leur fignature ou pardevant no-
» taires ou témoins, comme de même au fait des
» difpofitions teftamentaires, contrats de mariage,
I» & toutes efpèces de conventions ou difpofitioas
» caufant une grande incertitude ù. par toi diver-
» Çné , voire contrariété de Preuves & infoliition
» de procédures , au très-grand intérêt des parties :
» mais, pour obvier à ce, avons ordonné & or-
» donnons par cette, que de toutes chofes dont
» nos fujets voudront traiter ou difpofer, excé-
» dant la valeur de 300 livres ariois (i) une fois,
M foit par ordonnance de dernière volonté, do-
» nations , contrats de mariage , venditions ou
» autres contrats quelconques , fût de chofe réelle
» ou pécuniaire , de la valeur que deffus , ils aient
» à le faire par écrit , foit fous leurs fignatures
I
(1) Voyez forces mets l'article Livre , tome 10,
«U
PREUVE.
n OU pardevant notaires & témoins , ou autres
j» perfonnes publiques, félon la qualité & impor-
» tance deldirs contrats & dirpofitions , qui en
j> dépicheront les inftrumens en forme, lefquels
î» feuls ferviront de toute Preuve èsdites rna-
» tières , fans que les juges puiffent recevoir
>» aucune Preuve par témoins outre le contenu
» diceux ».
Tels font les textes que nous avons à com-
menter. Piufieurs ont cru que l'objet & l'efprit du
dernier étoient feulement de défendre la Preuve
par témoins dans les ca» où il y auroit des ailes
rédigés par écrit; c'eft ce qu'ils iiiferoient de ces
termes , fan', que les juges piiijfènt recevoir aucune
Preuve par tc;noi,rs outre le contenu en iceux ; èc en
confcquence ils fjuronoient qu'on devoit être
admis à prouver par témoins tous les contrats ^k
aâes dont il n'y avoi: aucun écrit. Roinmelius ,
Jurilconfulti' de Bruges, a même fait un traite ex-
près pour le prouver.
Ce fyftême eft évidemment mal fondé; l'édit
perpétuel le cond;imne bien clairem-.nt, en or-
donnant que de t'eûtes chofes dont les fujets des
archiducs vou'dront imiter ou difpofer, excédent la
valeur de 500 livres artois ils aient à le fuir;
par écrit- L'article premier du chapitre 1 26 des
chartes générales du Hainaut, n'eft pas moins dé-
cifit , tnoyennznt que pour Us donations excédcntcs
300 forins, il en apparût par écrit authentiijue en-
fuite de redit perpétuel.
Aufîi le paradoxe de Rommelins & de fos {<ic-
tateurs a-t-il été profcrit par trois déclarations du
confeil privé de Bruxelles des iz avril 1614, 5
novembre & 11 décembre 1631, rendues fur les
remontrances des états de Lille, des échevins de
Tournai, 8c du confeil provincial de Namur (1)
M. Stockmans rapporte un arrêt du confeil fou-
verain de Brabant du 11 janvier 1650, qui a jugé
la même chofe ; & la jurisprudence belgique eft
fi conftante fur ce point, que depuis long-temps
on ne s'eft plus avifé de le mettre en queftion.
En France , on avoit voulu donner à l'ordon-
nance de Moulins, la même interprétation que
Rommelius donnoit en Flandres à l'édit perpé-
tuel. M.. Maina.rd_+ livre 6, chapitre 84, nous
apprend même ejue le parlement de Touloufe
ne l'entendoit pas autretttent de fon temps :
mais cette opinion eft également tombée dans
l'oubli.
On peut donc établir pour principe général ,
que ce} ni qui a pu fe procurer une Preuve par
écrit, ne doit pas être admis à la Preuve tedi-
moniale pour les chofes qui excèdent cent livres
en France, & trois cents florins dans les Pays-
Bas.
On dk pour les chofes, & non pour les conven-
tions ; car quoique l'ordonnance de Moulins &
redit perpétuel, femblent faire entendre que les
(i Ai)(e!mo , ad ediUum vîrp.ecunm , -aitide 10, n. i c.
To-tu XIII
PREUVE. 577
conventions font feules aU'ujetties à la défen t.*
d'admettre la Preuve teftimoniale au-delà des fem-
mes fixées par ces lois, on y a également com-
pris toutes les chofes qui, fans appartenir à la
clafTe des contrats , font néanmoins de la nature
de celles dont on peut fe procurer une Pr; uve
par écrit au moment oîi elles fe pa/fenr. Ainfi ,
quoique le payement d'une dette ne foit pas una
convention, on ne laifte pas d'en rejeter la Preuve
par témoins, lorfque la fomme excède le taux lé-
gal, parce que le débiteur qui paye peut tirer quit-
tance. Tel eft l'ufage conftant des Pays Bas , &
cela ne fouffre plus de difficulté en Fr.mce depuis
l'ordonnance de 1667, dans laquelle on a évité
de fe fervir du mot contrat.
Cette loi a pareilL-inent hiit ce/ler en France
la queftion de favoir fi le dépôt volontaire peut
être prouvé par témoins, lorfque fon objft ex-
cède cent livres ; & qaoic]u'clle ne foit pas enre-
e;iflrée au parlement de Flandres, on s'y eft tou-
jours conformé à l'égard des dépôts au-deffus de
trois cents florins : nous avons cité plus haut un
arrêt de cette cour du 25 février iC^4 , qui l'a
ainfi jugé. Telle étoit d'ailleurs la ju; ifprudence
du parlement de Paris avant l'ordonnance de 1667 ,
comme le prouvent deux arrêts de 1 5 75 & 28 juin
1599, rapportés par Chenu &. Louet. Voyez l'ar-
ticle DÉPÔT.
Ce' qi;e nous difons du dépôt reçoit une appli-
cation entière aux titres ou pièces que Ton confie
aux huifiiers ou procureurs pour faire des pour-
fuites: "Car, dit .îoulTo, la Preuve par témoins
" ne-doit point être alors admife . faute d'en avoir
" pris un récépiffe. Ainl'i jugé par arrêt d.i 30 dé-
» cc.T.bre 1602 , rapporté par Peleus >'.
Le p'êt à u(ageeft-il fujet à l'ordonnance de
Moul'us & à redit perpétuel ^ La néâ,ative a été
adoprce par deux arrêts des 1 1 avril 1 574 , &
mars 1624 , rapportés par Guénois & \''revin ,
fur la i/rem;è.e des lois dont il s'agit, & tel eft
le fentimcnt de Dantv dans fes observations fur
Boiceau. Les raifons fur iefquelles fe fonde cet
auteur, font, 1°. que le prêt à ufage eft un contrat
de bonne foi qu'on n'a pas coutume de rédiger
par écrit : 1°. que ce contrat ne fe forme que par
une tradition qui eft un fait, Sf que les faits peu-
vent toujours être prouves par témoins , comme
on le verra ci-aprè*. " Mais, dit Pothier , l'or-
n donnance de 1667 ayant déclaré que le dépôt
» volontaire étoit compris dans la loi pénérale
» qui exige uns Preuve par écrit, on doit con-
3) dure , à plus forte laifon , la même chofe du
n prêt à ufage, puifqu'on fe fie autant à celui à
« qui on fait un dépôt, qu'à celui à qui en prête ;
i> & celui qui fait un dépôt a encore plus lieu de
3> craindre d'oflenfer fon ami, en lui demandant
» unereconnoiffance, que celui qui prête w. On peitt
tirer la même conféquence, pour les Pays-Bas . de
l'arrêt de 16^94, qui a déclaré la Preuve teflimo-
alale inadraiiTible en matière de dépôt.
Pddd
5 7S
PREUVE.
Les railûivs de bonne foi & de confiance qui
avoient fait douter û la Preuve teftimoniaie devoit
être rejetée dans le dépôt volontaire & le prêt
à ufage , ont pareillement donné lieu ù la qucftion
de favoir i\ cette Preuve peut avoir lieu en ma-
tière de mandat ; on a même préfcnté une re-
quête au confell privé de Bruxelles , pour faire
déclarer l'affirmative ; mais, par apoflille du x6
feptembre 1626 , il a été répondu , » que l'ar-
3) ticle 19 de l'édit perpétuel doit avoir lieu en
» tous contrats & conventions , même entre le
s> mandant & le mandataire w.
On a vu à l'article Fiançailles , que les pro-
mefles de mariage ne peuvent être prouvées par
témoins. Anfelmo a foutenu le contraire par rap-
port aux Pays Bas ; mais le confcil de Brabant
a condamné fon opinion par anit du 8 oflo-
l)re 1710, inféré dans le recueil du comte de
Winantz.
On a demandé fi les marchés faits aux foi-
res font compris dans la difpofition de l'ordon-
nance. La raifon de LJouter étoit que ces marches
fe iont prefque toujours verbalement ; cependant
on a décidé qu'ils y ctoient compris , parce qu'il
y a des notaires dans tous les lieux oij fe tien-
nent les foires , Si. que par conféquent il eu aifé
aux parties qui font un marché à crédit fans fa-
voir écrire , d'appeler un notaire pour le ré-
diger.
Il en feroit néanmoins tout autrement fi les mar-
chés dont nous parlons fe fnilbient de marchand
à marchand ; car la plupart des affaires que les
marchands tout entr'eux , même hors des foires ,
peuvent être prouvées par témoins , lorfque les
circonilances n'exigent pas qu'on rejette cette
cfpèce de Preuve. C'efl , comme on l'a vu, ce
tjue décide expreffément l'ordonnance de 1667 >
&. quoique cette loi ne foit pas enrcgiflrce au par-
lement de Flandres , on ne laiffe pas, dit-on , de
l'y fuivre en ce point : M*^ D. , avocat à cette
cour, m'a afluré qu'il en avoit été rendu plufieurs
arrêts , lui plaidant. Voyez l'article Consul , fec-
tion 3. On peut cependant oppo(ér à ces arrêts
tieux déclarations du confeil privé de Bruxelles ,
des iS novembre 1627 Si 9 novembre 1635 ' P^''
tant qu'il n'y a lieu d'accordïr aux raagiftrats de
Malines & de Gand la demande qu'ils faifoient
dune déclaration qui eût excepté de l'article 19
de redit perpétuel , les contrats faits par les mar-
tiaands dans les bourfes de ces deux villes ; on
le fondoit néanmoins fur l'exemple du magiflrat
d'Anvers , qui avoit obtenu une déclaration de
cetre efpèce le 30 janvier 1617 • niais le confcil
privé de Bruxelles n'a point cru devoir étendre
plus loin cette dérogation , parce qu'elle avoit été
motivée par des raifons purement locales. Voyez
Anfelmo , fur l'article 19 de l'édit perpétuel,
Locfqu'on veut faire en juflice la Preuve d'une
dtofe au-deâus du taux de l'ordonnance , on peut ,
PREUVE.
fulvant Boiceau & Danty , la faire admettre , en
reftreignant fa demande à ce taux : mais dès qu'une
fois la demande eft formée , on ne peut plus fe
reflreindre pour être admis à la Preuve ; ccii ce
qu'a jugé un arrêt du zi feptembre 1583 , rap-
porté par Mornac fur la loi 29, D. de Uç^ibus. La
in^me chofe a été décidée par un autre arrêt du
17 décembre 1638, dans l'efpèce duquel un tad-
leur , qui avoit demandé une fomme de deux cents
livres pour fournitures d habits , fut exclus de la
Preuve tertimoniale qu'il oftroit d'en faire, quoi-
qu'il fe fût reflreint , dans le cours de l'inftance ,
à une fonimc de cent livres. Cet arrêt eft rapporté
par Bardct.
Voici une efpèce qui s'eft préfentée au confeil
de Braba; t. Un paiticulier fe pourvoit en juftice
contre le propriétaire d'une maifon , & demande
à faire Preuve par témoins , que celui-ci lui a loué
verbalement fa maifon pour trois ans , à raifon de
cent florins chaque année. Le propriétaire répond ,
qu'à la vérité les trois années de loyers réunies
n'excéderoicnt par le taux de l'édit perpétuel, fi
fa maifon ne valoit pas plus que le demandeur ne
prétend l'avoir louée ; mais il prouve évidcmme«r
qu'elle vaut davantage , & par-là , réduit toute la
caufe à la queflion de favoir fi, pour admctire ou
rejeter la Preuve teftimoniale , U faut confidérer
reiiimatioB que le demandeur fait de la chofe liti-
gieufe , ou h l'on ne doit avoir égard qu'à la va-
leur réelle de ce que le demandeur feroit obligé do
fournir, au cas que la Preuve fe fit. Ce dernier
parti ne pouvoit manquer de prévaloir, autrement
il dépendroit d'une parcie, qui voudroit avoir pour
trois cents florins un bien (jui en vaut cinq cents ,
d'offrir de prouver par témoins qu'elle l'a acheté
trois cents florins ; ce qui feroit abfurde & fouve-
rainement injuflc. Au/Ti le confeil de Brabant a-t il
jugé, dans l'elpèce que nous venons de propoler »
que la Preuve teflimoniaie n'étoit pas recevable.
L'arrêt a été rendu au mois d'août 17 13 , tii.re
Nicolas de Warlincourt , & Anne-Thérèfe Bei fcn.
(Winantz, décifion 133.)
Je vous demande quatre-vingt dix livres en
France , ou deux cents quarante florins dans les
Pays-Bas , comme le rcflant du prix d'une chofe
que je prétends vous avoir vendue fix cents li-
vres ; vous niez avoir rien acheté de moi : puis-
je être admis à prouver cette vente par témoins.''
Boiceau fcutienc l'affirmative -, mais il ne fe fonde
que fur des lois romaines, qui n'ont ici aucune
application ; & c'efl avec raifon que Danty re-
jette fon ojMnion. " Il eA certain, dit-il, que la
» raifon pour laquelle on ne doit pas être reçu à
)) cette Preuve ell parce que celui auquel il e/î dû
j) plus de cent livres , a dû prendre la précaution
» uQn paiTer un z6ïc par écrit , fuivant l'ordon-
)) nance : fi cette Preuve étoit permife , il s'enfui-
)j vroit que , contre la difpofition exprefie de l'or-
» donnance , on pourroit prouver par témoia
» une conveniioa verbale ci:cédante cent liv.. »»
PREUVE.
Pothlor décide, fur le même fondement , que
rhéritier, pour un quart, d'une psrl'onns qu'on
dit avoir préré deux cents livres à une autre ; m
doit pas être admis à prouver le prêt par témoins,
quoiqu'il ne demande que cinquante livres pour
fa part.
Mais, a|oute cet auteur, fi , dans tes deux cas
dont nous venons dj parler, » le de.nandeur of-
« froit la preuve telVnnoniale , non de la venie
» faite pour le prix de deux cents livres, non
M du prêt de deux cents livres fait par le défunt ,
>' mais de la proir.eiTe que lui auroit faite le dé-
» fendeur de lui payer les foixante livres qui
» revoient dues an prix de cette vente, ou les
» cinquante livres qui lui étoient dues peur fon
» quart, je penfe qu'il devrolt être reçu à la Preuve;
>» car cette promefTe eft une nouvelle convention ,
» confirmatJve de la première , & l'objet de cette
»» nouvelle convention n'excédant pas cent livres,
» rien n'empêche que la Preuve teAimoniale en
» puiflTe être admife ".
Lorfque par un même exploit on fait la de-
mande de plufieurs créances dont l'enfemble ex-
cède le taux de l'ordonnance , quoiqu'aucun.^ ,
confidérée à part, ne monte à cette femme, la
Preuve par témoins eft-elle recevable ? La loi
1 1 , D. de jurifliRiene , femble devoir nous faire
décider pour l'affirmaiivc. Elle déclare qu'un juge
peut prendre connoiflance d'une affaire dont l'en-
femble eft au-deffus de fa juridiflion , lorfque
chacun des chefs dont elle eft eompofée ne l'ex-
cède pas. Ce qui paroît confirmer cette opinion ,
c'eft que l'ordonnance n'a prefcrit de drelfcr des
aéles que des chofes au deiïus décent livres, ou
trois cents florins, & qu'ainfi on ne peut impu-
ter au demandeur de ne s'en être pas procuré un ,
& néanmoins l'ordonnance de 1667 déclare que
la Preuve par témoins n'eft pas recevable , encore
que ce /oit diver(ei fommes qui viennent de diffa entes
caufes 6" en diff:rens temps ,fi ce neioit que les doits
procèdajfent pAr fnccejVon , donation ou autrement , de
per formes différentes. Avant cette loi, on diflinguoit
comme on doit encore le faire dans les Pays-Bas,
f» Us diverfes créances procédoient ou non d'une
même caufe : au premier cas , on rejetoit la
Preuve teflimoniale (i); mais on l'admettoit au
fécond. La loi 1 1 , D. de jurifdiElione ne déwuit pas
cette diftin61ion ; c'eft au contraire le feul moyen
de la concilier avec la loi 10, Yy.de appellatiombus^
qui foumet à l'appel toute fentence portant fur
divers chefs dont aucun en particulier ne monte
à la fomme fur laquelle le juge peut prononcer
en dernier refTort, & qui tous enfemble l'excè-
dent.
Le principe développé ]w(<3^ua préfent, que la
Preuve teftimoniale n'eft pas admiflîble dans les
chofes dont on a pu fe procurer une Preuve par
(I) C'cft au/fi es qu'a fait Je confeil de Biabanc, p.ir arrêt
(du tnoii d'aoû; 1715. 'Winantz , décilion 1 ji.
PREUVE. 579
écrit , lorfqu'elles excédent cent livres ou trois
cents florins , ce principe en amène natorellemenf
un r.utre non moins inréreflanr; c'eil: que la Preu-
ve teftimoniale n'eu pas admife contre ni outre urc
Preuve écrue. On fe rappelle que cela eft for-
mellement ét.ibli par les ox àonvinnccs de Mou-
lins & de 1667, & par l'édit perpétuel.
Ce principe avoit été ébauché par les empe-
reurs de Contlantinople : Contra jcriptum tefiimo-
niuni non jcriptum teflïmoniiim non fertiir ; ce {ont
les termes d'une constitution ç^recque, dont les
interprètes ont formé la loi \ ,Q. de tejiihus. M?is
cette difpofition étoit modifiée de tant de ma-
nières , qu'elle fe réduifoit prcfque à rien , & d'ail-
leurs elle n'interdifoit pas la Preuve par témoin.i
de ce qui étoit plutôt outre que contre les aiHts.
Il a donc fallu que les lêgiilaicurs modernes la re-
nouveilaffeni 5i rétendin'eiit , & cei\ ce qu'ils orir
fait , en déclarant par les ordonnances citées , qu'il
ne feroit reçu aucune Preuve par témoins contre 6-
outre le contenu aux ailes , ni fur ce qui ferait allégué
avoir été dit avant , lors ou depuis les a fies.
C'efl fur ce fondement qu'ont été rendus deux
arrêts du parlement de Rouen, dont voici l'ef-
pècc. Voihn avoit figné un billet de trois mille
livres au profit de la fille du nommé Andrieu; fur
la demande de payement qu'on lui en fit, il prit
des lettres de refcifion contre fa figuati r: & de-
manda .à prouver que ce billet avoit été écrit en
fon abfence & à fon infçu par le gendre d'Andrieu
& qu'on le lui avoit prélenté à figner feuleinent
comme térrsoin du prêt qu'Andrieu fiifoit à fa
fille. Par arrêt rendu au rapport de M. d'Hatan-
vir.e le premier aoiu 17^2, Voifin fut débouté
de lentérlnement de fes lettres , déclaré non re-
cevable dans la Preuve des faits qu'il articu'oit: &
condamné à payer les trois mille livres.
Par a6îe du 2.9 feptembre 1756 , le fieur de Lau-
vens, d'un efprit trés-foible , avoit fait à la de-
moifélle le Grand donation entre vifs du tiers de
fes biens. Le 5 novembre fuivant, il lui vendit,
par contiat pafie par devant le même notaire ,
la p-^opriété des deux autres tiers de fes biens.
L'ai51e portoit 16000 livres de prix comptées au
moment même de la fignatiire. Le 8 février 17^7 ,
la demoifelle le Grand pafla , encore devant le
le même notaire, un contrat de mariage avec le
fieur Burgant, par lequel elle fe confiitua pour
apport la terre de Lauvens , avec renonciation
expre.Te qu'elle la tenoit du Sr de Lauvens à titre
de don pour un tiers , & d'achat pour les deux au-
tres tiers. Le fieur de Lauvens! parut à ce contrat
de mariage, & le fgna. Enfin !e premier fcvrier
1758, le fieur de Lauvens déclara , toujours devant
mê.me notaire, céder au Sr Burgant la totalité de
fes meubles, eAimés i^oliv. & 1 ufufruit des ùcvx
tiers de la terre de Lauvens, c'eft à-dire tout ce
qui luirefioit, à l.i charge par U fieur Burgant ce le
loger , nourrir. chaiifTcr, éclairer, & de payer fçs
, méùicaaiens. Quelque temps après , le fieur de Lau-
Ddddij
58o PREUVE.
vens prit des letfres de reflitution contre les deux
contrats de donation & de vente des 29 feptembre
& ç novembre 1756 : il difoit & offroit de prou-
ver que quand il avcit fait le premier , il n'avoit
cvn f)gner qu'une procuration ; que quand il avoit
figné le fécond, il ne Tavoit fait que parce î]ue
le fieur le Grand lui avoit dit : )> Puifque vous
j) n'avez pas le moyen de faire un préfent de
» noces à ma fille , il faut au moins faire fem-
i> blanr de lui en iaire un; nous irons chez un
yi notaire, j'y porterai de l'argent; on fera un
■» afle que vous fignerez, & cela vous fera bien
>j de l'honneur )>; que le fieur le Grand s'éroit
redaifi des 16000 livres qui avoient été comptées
chez le notaire, & que le fieur de Lauvens étoit
parti à pied de chez le fieur le Grand fans em-
porter cette fomme. Il ajoutoit qu'étant fourd , il
n'avoit entendu aucun des deux contrats ; il al-
léguoit plufieurs faits , d'où il réfu'roit qu'il n'en
avoit jamais connu les claufes. Lt; fiour le Grand
de Francieres., frère & héritier de la dame Bur-
gant , répondoit que la Preuve des faits articulés
par le fieur de Lauvens contre la teneur exprelfc
de deux contrats paiïés devant notaires, étoit in-
admiffible, & qu'on ne pouvoit attaquer ces
afles que par la voie de l'infcription de faux. Par
fentence du bailliage de Coucher du 13 avril
1768 , le fieur de Lauvens fut dcclaré non rece-
vable dans fes demandes. Sur l'appel au parle-
ment de Normandie , le procès fut partagé à la
première chambre des enquêtes au mois d'août
1770, & le partage porté à la féconde; la fen-
tence fut confirmée tout d'une voix , par arrêt
rendu au mois de mars 1771 , au rapport de M.
ï'abbé de RHallem,
D'après la maxime confirmée par ces arrêts,
qu'on ne peut prouver par témoins aucun fait,
foit contre, foit outre le contenu d'un aâe , il efl
clair qu'on ne feroit pas admis à vérifier de
cette manière ce que contiendroit une apo/îile
ou renvoi non figné ai paraphé des parties , quoi-
qu'écrit de la main du notaire qui auroit reçu
l'aifle. La raifon en efl: , que de telles apoftilles
eu renvois ne font pas partie de l'afîe , & qu'ainfi
ee feroit vouloir prouver quelque chofe outre fon
contenu, que de demander à en faire Preuve (i).
11 réfulte de la même maxime , qu'une partie
ne feroit pas recevable à faire entendre les té-
moins qui ont alfirté à l'aéîe, ni même les notaires
qui l'ont reçu, pour expliquer ce qui y eft con-
tenu, & dépofer des chofes dont on efl convenu
lors de fa confeclion. La province de Hainaut a
cependant là-deffus une jurifprudence toute dif-
Cérente. Voyez l'art. Recot.d de loi.
Peut-on prouver par témoins qu'un acîe qui
<t) Si cependant !e renvoi étoir écrie de la niain de la pjr-
âe contre 'aq^ielleil militeroit ,. il feroir fou Voyez ce qu?
«eus a-rcns diici-deyant , §■,. i j,iii ccriîures non figniis des
PREUVE.
n'eft point daté a été pafle en tel temps & en
tel lieu ? Par exemple, Urfqu'un débiteur demande
à être reçu au bénéfice de cefîion , le créancier
peut-il , pour l'en faire débouter , être admis à
prouver par témoins que c'eft en temps de foire
qu'a été fait le marché fur lequel efl; fondée fa
créance , & dont il y a un aé^c par écrit qui ne
porte point de date du lieu où il a été pzffé.
Danty décide que cette preuve doit être admife.
" Quand l'ordonnance , dit-il,', défend la Preuve
" de ce qui ne fe trouve pas rédigé par écrit dans
» l'aéîe , elle n'a entendu parler que des conven-
') tions qui en font partie , parce qu'ayant été
» libre aux contraélans de les y comprendre ,
" s'ils ne l'ont pas fait , elle préfume qu'ils les
') ont omifes à deflcin , & elle ne veut pas qu'on
n les puiiTe fuppléer malgré eux par une Preuve
» tcftimoniale faite après coup : mais à l'égard
'> de la date de l'ade , ce n'efl point une con-
î> v£ntion,elIe ne dépend pas même en quelque
5) forte du fait des parties , puifque, foit qu'elle
» foit exprimée ou non, il efl toujours vrai de
" dire qu'il y en a une , laquelle efl certaine
» quand l'aâe a été une fois pafiTé , & que par
" conféquent ne s'agiflant que de la vérifier , ce
» qui efl un fimple fait, la Preuve par témoins
^y en doit être reçue ; ce qui doit aufiii avoir lien
') dans tous les autres contrats dont la date a été
1) omife , le contrat, tel qu'il eft , tenant lieu en
)> quelque forte en ce cas du commencement de
■» Preuve par écrit ».
La défenfe de recevoir la Preuve teilimoniale
contre & outre la teneur d'un afle, a lieu in-
diftinflement , c'e(l-à-dire , foit que la chofe foit
au-de/Tus ou au-deifous de cent livres : on a vu
ci- devant que l'ordonnance de 1667 en contient
une difpofition formelle.
Cette défenfe doit-elle emi)ècher qu'on n€ prou-
ve partémoins le payement d'une fomme nu-def-
fous de cent libres, Se à compte ou à l'acquit
d'uneobligntion qui excède ou égale cette fomme ?'
L'affirmative ne fouftriroit aucun doute dans le cis
où l'on aniculeroit plufieurs payemens de cette
cfpece,qui, réunis, formeroient un total au def-
fus de cent livres : c'eft ce qu'a jugé un arrêt du
parlement d'Aix du ao décembre 1640, rapporté
par Bonitace. On cite a la vérité , des arrêts contrai-
res du parlement ^e Paris ; mais ils font des 3 mars
1573,16 décembre 1577 SC1580, & conféquem-
mentils ont été rendus dans un temps cù,peu fami-
liarifé avec l'ordonnance de Moulins qu'on re-
gardoit comme une loi exorbitante , on doutoit
encore fi le payement en général étoit compris
dans fa difpofition.
Lorfqu'on n'articule qu'un payement au deïïbus
de cent livres, il fcmble que la Preuve en peut
être faite par témoins. C'pft ce qu'ont jugé deux
arrêts, l'un du parlement d'^ix, rapporté par Bo-
niface immédiatement après celui du ao décembre
1640 q^ue nous venons de citcri & l'autre de la cour
PREUVE.
des aides de Paris , rapporté au journal du palais
fous la date du 30 août 1682. Tel eft aufFi le
ientiment de Pothier : » La difporuion de l'or-
n doRHance qui défend la Preuve par témoins
V contre & outre le contenu aux a6>es ne re-
)' çoit ici niicunc application ; car le débiteur , en
» demandant à prouver ce payement , ne demau-
» de pas à prouver rien qui ioit contre l'afte qui
n renferme foii obligation; il n'attaque point cet
» aéte, il convient de tout ce qui y eft contenu :
» ce n'eft donc point une Preuve contre l'ade
» qu'il demande à faire, de laquelle on puiffe dire
» que l'ordonnance l'a exclus.
jj Cependant, ajoute Pothier , je vois que dans
» l'iifage , foit par une mauvaife interprétation
jj qu'on a donnée à l'ordonnance , foit pour qiiel-
» que autre raifon , on refufe la preuve teflimo-
j> niale des payemens d'une dette dont il y a un
3> a61e par écrit ". Cet ufage eft fans doute fon-
dé fur !a loi 18 , C. de tejîibus , & la novelle ço ,
quiveu'ent que le payement d'une dette dont il
y a une obligation par écrit , ne puifte être prouvé
que p:ir écrit on par la d.pofjtion uniforme de cinq
témoins irrcprochables , & qui aient été appel-'s
exprès par le débiteur pour être préfens à la nu-
mération des deniers.
Du refte , voici un arrêt récent qui confirme cet
ufage.
Le 29 mars 1778 , promefte de Bernard Morin
en faveur de Jofeph Arnaud, de 200 livres paya-
bles aux fêtes de Noël de la même année.
Le premier mai 1779, fentence qui condamne
Morin au payement.
Quelques moi^ après, payement par Morin de
96 livres à compte fans pr-:ndrc de quittance.
En cet état, décès de Bernard Morin & de Jo-
feph Arnaud.
Jofeph Arnaud fds, héritier de fon père, reprend
bienrijfcj^près les poufuites en payement contre
le fieurMorin , héritier du débiteur.
In limine litis , le fieur Morin propofe l'imputa-
tion des ^6 livres payées par Bernard Morin ; of-
fre le furplus & les frais: (ubfidiaircment , il de-
mande à prouver le payement.
Arnaud fils refufe l'imputation, s'oppofe à la
preuve , & offre fon ferment de ne pas connoître
le payement.
Le 25 mars 1782, fentence qui aJjugc à Ar-
naud fils fes conclufions.
Appel au parlement de Grenoble , de la part
du fieur Morin.
La caufe portée à l'audience de !a grand'cham-
bre , on foutenoit , pour le (ieur fvlorin , aue la
Preuve par témoins àu-deflbus de 100 livres à
compte d'une plus forte fomme portée par un
sQe écrit , étoit recevable.
On fe fondolt fur la difpofition des loix 15 in
txtrctndis j diU code de JïJe injîrurne/itomm ,Bi x3 ,
PREUVE. 581
tefilum facUitatem . de teflibus ; fur la jurifprudence
du parlement d'Aix atteftée par Boniface; enfin fuf
l'arrêt du 30 août 1682 cité plus haut.
Pour la défenfe d'Arnaud fils , on argumentoit de
In décifion de la loi première , au code de teftibus ,
conçue en ces termes : contra leflhnonium jcrlptum
tejl'.inijnium non fcripcurn non fercur , & de la maxime
du jurifconfuhe Paul,proKr quïf^ue contraRus ejt,ita.
& jolvi dibcf^ enfin on citoitprincipalem.entra'rticle
54 de l'ordonnance de Moulins^ & l'article 2 ùvi
titre 20 de celle de i-66j , qui défend la preuve
par témoins, outre & contre le contenu aux a6les,
A cela on cbjedoit que la maxime du jurif-
confulte Paul n'étoir point prohibitive de la Preuve
par témoins, pour la libération au-defious de ico
livres ; & on s'autorifoit de l'opinion de Boiceau.
On difoit que la maxime contra Jcriptum , è(. l'or-
donnance de Moulins, ainfi que celle de 1667,
par les mots outre & contre le contenu aux aEles ^
n'avoient point entendu défendre la Preuve tef-
timoniale d'un payement, parce que ce payement
étoit un fait poftérieur à Taflc d'obligation , qui,
loin de détruire le fait de cet aéle , le prêt d'ar-
gent, le confirmoit au contraire.
On invoquoit le fentiment de plufieurs jurifcon-
fultes & arréiiftes, de le Grand, fur la coutume
de Troyes, article 164, de Danty , de Bafîet , quî
tous avoient ainfi interprété les mots de la maxime
contra fcripi uni, & ceux de l'ordonnance; & ea
conféquence avoient jugé que la preuve par té-
moins étoit recevable pour la libération contre v.n
acîe écrit, lorfque le payement n'excédoit pas le
taux de l'ordonnance.
Par arrêt rendu à la grand'chambre le 10 dé-
cembre 1782, la fentence du premier jugea été
confirmée. M. Duport plaidoit pour Arnaud fils,ik:
M. Bernard pour le fieur Morin.
Cet arrêt a donc jugé que les mots de l'ordon-
nance outre 6" contre le contenu aux ailes , exciuoit
même la preuve par témoins des payemens pofté-
tieurs , quoiqu'au deftbus de cent livres; ik. que
pour fe libérer d'un dette conftatée par un ade
é:rit , il f<illoit une quittance.
L'ordonnance de 1667 décide que la défenfe de
recevoir la Preuve par témoins, foit d'une chofe
dont il n'a point été dreflc d'acte , foit contre ou
outre le contenu d'un aéle, n'a pas lieu lorfqu'il
exifte un commencement de Preuve par écrit.
Anfelmo prérend qu'il eh doit être tout autrement
dans les Pays-Bas, fous prétexte que l'édit per-
oetuel rejette indéfiniment la Preuve teftimoniale
dans les matières qui excèdent trois cents florins-;
mais l'ordonnance de Moulins qui eft conçue dans
les mêmes termes que l'édit perpétuel , n'a jamais
été regardée , avant celle de 1667 , comme un obf-
tacle à l'admifiîon de cette Preuve dans les cas ou
il y avoit un coirmercetnent de preuve par écrit ;
S: il eft certain que l'édit rerpétuel eft interprété
de même au parlement de Flandres. Voyez les ar-
^U pp. EUVE.
têts de M. de Follet , partie 3 , n. 3 5 (i).
On n'entrera point dans le détail des difTérens
genres de commencement de preuve par écrit.
On peut voir ce que nous en avons dit dans le
§. I de cette feâion, 6c l'article Commencement
DE Preuve.
Celui qui ne peut pas être admis à prouver di-
reftement une choie par témoins , ne peut pas non
plus prouver par cette voie que fa partie advorfe
en eft convenue verbalement en présence de pUi-
fieurs perfonnts, C'eft ce qu'a jugé un arrêt du
parlement de Paris du 26 juillet 1647 ■> rapporté
parSoèfve;& c'eft ce que décide une d-:c!aration
du confeil privé de Bruxelles du 18 novembre
1627 , inférée dans le commentaire d'Anfelmo fur
l'édit perpétuel.
Rommelius autre commentateur de cette loi ,
prétend , fur le fondement de la loi 18 , C. de tcf
tihus , que la dépofition de cinq témoins doit équi-
valoir à une preuve écrite, Se conféqucmment n'eft
pascomprife dans la défenfe d'admettre la preuve
teftimoniale à l'égard des matières au-defiiis de trois
cents florins. Mais cette doflrine a été condamnée
formellement par une déclaration du confeil pii-
vé de Bruxelles, rendue le 12 mai 1634 , furies
remontrances des états de la province de Lille.
L'ordonnance de Moulins , celle de 1667 , Si
l'édit perpétuel, n'ont défendu la Preuve tefli mo-
niale que relativement aux chofcs dont il a été
moralement poiTTÙle à ceux qui voudroient la
faire , de fe procurer une preuve littérale (2). De
là réfultent plufieurs exceptions à cette défenfe.
(l) Danty répond par une eneiir de fait à l'erreur de droit
d'Anfelmo. « 11 faut, dit-iJ , oblsrver que du moins en Hai-
3> neuf, cù Vordonnancc et H6-' efl ohiffée depuis 1689 , la
» Pn uve par ré;iioins doit être ad;iiife fjuand il y a un com-
» mencement de Preuve par ccrii ' . Voyez l'article Douai ,
tome hxième.
(1) C'ejî ce que prouve fort bien M. V avocat général Jjly de
Thury , dans Jon plaidoyer du i août 1706, rapporte au jour-
nal des i^udiences.
Cl Quand la loi , dit-il , a voulu qu'il fût pafT; des aâcs de
M toutes choies excid^nt la valeur de cent livres , elle n'a pu
» certainement comprendre da-is fa difrolîtion oue les cho-
» fes dent on peut paffcr des actes , c'ell: .1 dire , des choies
M i]ui tombent en convention, qui peuvent faire Ja matière
M d'un contrai. La loi , toujours fage dans fes difpolitioDs ,
3. n'a pas voulu réduire les hommes à pratiquer une chofc
» impoflible; c'efl pour cela qi.-e les choies qui ne pcuv'ent
M fe ré'iijjf r par éciit , qui ne font fufceptibles de conven
» tien , n'ont jamais été compiifes dan, ceae difpoficion ;
M tels l'ont tous les faits qui arrivent entre une eu plufieurs
M pcrfonnes , au préjudice d'un tiers qui n'a pu ètie partie ;
M tels font en particulier tous les délits, qui, bien loin de
M pouvoir faire la matittc d'un aûe , fe commett.-nt toujours
=0 avec la précaution ou fecret , fous le voiie duquel oncher-
« che à éviter la punition que Jes crimes peuvent mériter.
M Que il dans ce tas il n'eft pas polîible d'avoir des actes
» peut le prouver, & que la première difpofition de l'ordon-
w kl. ce ne puifleavoir lieu , on ne peut douter <]ue la fs-
» conde difpofiiion n'y ait aucune application ; elle nedé-
» fend la Preuve par témoins que parce qu'elle enjoint de
» p.-.iVer des ades ; elle ne peut donc la défendre dans Jes
M cas où il n'ert pas poflîble d'avoir cette fureté ».
PREUVE.
1". Les conventions faites dans des circonftanccs
qui ne permettent pas d'en drefferun aéie, peuvent
être prouvées par témoins. C'eft ce que décident
les articles 3 & 4 du titre 20 de l'ordonnance de
1667 , par rapport aux dépôts nécefTaires qui fe
font en cas d'incendie , de ruine , de tumulte , de
naufrage, ou par les voyageurs entre les mains de*
hôtes & hôt^ffes des hôtelleries où ils lr;genr.
2". L'obligation qui naît d'un quafi-contrat eft
pareillcmenr ;u.fceptible de la Preuve par témoins ,
parce qu'elle fe contrat^e fans le fait de la perfonne
à qui elle e/l acquife, & que par conféquent il n'a
pas été au pouvoir de celle-ci de s'en procurer une
Preuve par écrit. Ainfi , dit Pothier , « f] quelqu'un ,
» pendant mon ab'énce,a fait valoir mes terres, a
» fait la m.oiffon . les vendanges , a vendu les bleds
'> oc les vins qui en font provenus, il doit meren-
» dre compte de cette adminiftration ; s'il difcon-
» vient de cette adminiflration , la Preuve teftimo-
» niale ne m'en peut être refufée ; car je n'ai pas
« fu m'en procurer une autre Preuve ".
Mais la perfonne qui a géré de cette manière les
affaires d'un abfent , peut-elle prouver par témoins
les avances & débourfés qu'elle a faits pour lui ? Il
eft certain qu'en général on ne doit pas le lui per-
mertrc , parce qu'il lui a été facile de tirer des
quittances de t^us ceux h qui elle a fait des p^y^-
mcns relatifs à fon adminiilration. Si cependant les
avances avoient tourné à l'amélioration des affaires
de l'ahfent, en forte qu'il parût évidemment qu'elles
ont été faites, on pourroit en conftater le mon-
tant par la Preuve teflimoniale : cela dépend des
circonHances & de la prudence du juge.
3". On ne peut refufer la Preuve par témoins
des délits & quafi délits , foit que la réparation en
foit demandée par la voie criminelle ou par la
voie civile. C'eft fur ce fondement que l'ordon-
nance de 1667 , titre j8 , article 3 , porte, que « Il
w le défendeur en complainte dénie la paOiij^ofi
3) du demandeur, ou de ravoir troublée, on qu'il
» articule poffcfllon contraire , le juge appointera
» les parties à informer ".
Noms difons qu'il ne faut pas diftinguer en ce
cas , fi la partie offenfée par le délit en ponrfuit la
réparation par demanda ou par plainte. C'eft en
effet ce qu'établit nettement M. l'avocat général
Joly de Fleury dans le plaidoyer que nous venons
de citer en note : « Ce n'eft point la voie civile ou
» la voie criminelle que la partie a chcifie , qui
3) décide pour y appliquer l'ordonnance , ou pour
» s'en écarter; on peut pourfuivre légitimement
» par la voie civile , des délits dont la Preuve par
» témoins peut être adm.iffible. On ne peut inrro-
» duire centre les règles . par la voie criminelle ,
» une Preuve indirefle d'im fait qui ne peut être
n prouvé par témoins; c'eft la nature du fait dont
» on demande la Preuve par témoins , qui doit
» entièrement décider ».
Il eft cependant certains délits dont les tribu-
naux ont quelquefois rejeté la Preuve teftimoniaie.
PREUVE.
Voyez rartlcle Simonie , & les arrêts des 19 mal
1722 & 17 mai 1736, rapportés au mot Adul-
tère. Ces exceptions piirticulières ont pour motif
la crainte de troubles Si. d'inconvéniens, qu'on re-
préfente comme plus dangereux que les délits
mêmes.
Lei dMits qui font accefToircj à des conventions
& en dépendent totalement , ne peuvent être prou-
vés par témoins , quand même ils feroient d'ail-
leurs fufceptibles par eux-mêmes de cette efpèce
de Preuve. Par exemple , il eft confiant qu'on peut
prouver par témoins l'ingratitude d'un donataire
envers le donateur ; c'eft ce qu'établilTint Per-
rière fur la coutume de Paris , Furgole dans fon
traité des teftamens , & c'efl ce qu'a jugé un arrêt
du parlement d'Aix du 17 juin 1661 , rapporté par
Boniface. Si cependant l'ingratitude réiultoit de
1 inexécution de claufes non écrites dans l'aé^e de
donation , la Preuve tertimoniale n'en feroit pas
^idaiillible , parce qu'elle entraîneroit celle de clau-
f ?s non écrites , contre la défenfe expreîTe de l'or-
donnance. Tel ell l'avis de Ricard , & Furgole le
jufline par des raifons fans réplique : " N'étant
j> queftion , dit-il , que de la Preuve de la conven-
» tion , on ne peut pas dire qu'il s'agiffe de la
« Preuve d'un crime, qui ne peut venir que pof-
» térieurement à la convention 8c par la contra-
}> vention ; a nfi il ne faut pas confondre ces deux
» chofes : la convention ciï un fait purement civil
» & ne tient rien du criminel ; c'eft (eulement elle
5) qui donne lieu au crime par la contravention ; il
ï> faut donc borner la Preuve au feul fait de la
H contravention, quand le fait de la convention
» eft prouvé par écrit ; mais on ne peut pas être
M reçu à la Preuve de la convention , qui eft le
M principal , fous prétexte qu'on feroit recevable
» à la Preuve de la contravention , qui en efl l'ac-
» ceffoire ; car c'efl bien une règle que le princi-
V pal attire l'accefToire , mais non pas que l'accef-
» foire attire le principal ».
4°. Un arrêt du 21 juillet 1639 ^ J"S^' en confir-
mant une fentence du juge de Moiumorency , que
des cohéritiers peuvent prouver par témoins , que
les efpèces d'or & d'argent trouvées dans une mai-
fon échue au lot de leur cohéritier , y ont été ca-
chées parle défunt. Les motifs de cet arrêt font re-
tracés dans le plaidoyer de M l'avocat général
Bignon , furies conclufions duquel il a été rendu :
«( La Preuve par témoins , difoit ce mcigiflrat , ne
j) \'a point , en ce cas , contre l'ordonnance de
» Moulins, qui n'a lieu que pour les conventions
» & pour obvier aux faulfetés qui fe commettent
» par la trop grande facilité & corruption des té-
» moins ; à quoi l'ordonnance a voulu remédier ;
j) en telle forte que celui quia pu prendre fon af-
» fiïMince par écrit , & qui ne l'a pas fait , doit
» imputer cette foute à fa négligence & à fa trop
« grande facilité de s'être confié à celui qui l'a
J) trompé , &. qui ne tient pas fa parole. Mais tou-
« tes les fois qu'il fe préfente des faits à la Preuve
PREUVE. sh
» defquels on n'a pu penfer ni y pourvoir & s'en
» affurer par écrit , alors rien ne pouvant être
r> imputé à la partie , la Preuve par témoins de
» tels faits ne doit point être rejetée co.-îmie con-
" traire f; l'urdonnance. Par exemple , en la caufe ,
" il étoit impulTible que le-; intimés s'afiuraffent &
'■ fc muniifent d'aucune Preuve par écrit de tous les
» faits qu'ils articulent , puifqu'ils n'ont jamais fu
») ni vu que leur mère ou quelque autre eût caché
V de l'or ou de l'argent dans la maifon qui leur
)i appartenoit >k
5"". La cour des aides de Paris a jugé par arrêt dti
7 mai 1691 , rapporté au journal des audiences,
« qu'y ayant un procês-verbal de commis , por-
j> tant qu'ils avoient trouvé du tabac en fraude
» dans l'écurie d un cabaretier, & le voulant faire
» condamner à l'amende , comme coupable ou
»> complice , celui-ci eft recevable à prouver par
'» témoins que ce tabac a été caché chez lui à fon
17 iniçu par une perlojine qui y avoit logé ».
6^. Un arrêt cle 1710, rendu à la grand'cham-
bre, 3c inféré dans le même recueil, a jugé qu'on
" poiivoit prouver par témoins qu'un don mutuel
» avoit été fait pendant la maladie dont un des
>f donateurs êtoii décédé ».
7". On trouve encore dans le journal des au-
diences un arrêt du 12 mars 1707, qui permet à
un fils de maître de prouver par témoins , avant
d'être admis à la maîtrife , ^uil a été cheifon père ,
fuifjp.t profejjîon de marchandife jufquà L'âge de dix-
J'epi ans.
8". Dans tous les cas dont nous venons de par-
ler , la Preuve tefîimoniale a été admife, parce que
la qualité des faits n'avoir pas permis de s'en pro-
curer une Preuve écrite : il y en a d'autres où on
juge encore de même , quoique les faits foienc fuf-
ceptibles d'une rédaction par écrit ; ce font tous
ceux où il s'agit de faits qui fe font palfés entre
des tiers. La raifon en efl, qu'alors on n'eft point
en faute de n'avoir pas tiré une Preuve écrite da
ces faits , puifqu'on n'y cfl point intervenu , Se
qu'on n'a pas dû y intervenir.
a C'eil pourquoi , dit Pothier, un fcigneur peut
» être reçu à prouver par témoins contre un con-
» trat de vente, que i héritage a été vendu pour
» un prix plus confidérable que n'efl celui qui a
» été exprimé, dans la vue de diminuer les profits
» qui lui font dus ». Brodeau fur M. Louet , lettre
T , §. 7 , rapporte deux arrêts des ao mars 1607 &
4 juin 1609, qui ont jugé, d'après ce principe ,
qu'un feigneur peut prouver par témoins qu'un
contrat q.ialifié d'éclii^nge n'ell en eflêt qu'une
vente fimulée. "Voyez l'a.'-îlcle Droits seigneu-
riaux.
Par la même raifon, « un lignager, dit encore
» Pothier , fera admis à prouver par témoins que
)> l'héritage a été vendu pour im prix moins confi-
» dérable que celui qui a été exprimé , & grofu en
)) t'raude du droit de retrait ». On peut citer, 3
l'appui de cette décifion , un arrêt du 2 oclobre
5^4 PREUVE.
1582, par lequel il a été jugé, fuivant M. Louer,
« que l'ordonnance de Moulins n'avoit lieu en t'ait
») de fraude alléguée contre un bail à rente perpé-
j> tuelle d'un héritage auquel on vouloit venir par
ï) droit de retrait lignager ; le fait étant que hors
« du contrat il y avoit eu promeflTe ik faculté ac-
'» cordée de racheter la rente, argent baillé par
î> l'acquéreur , èfquels cas il y avoit retrait par la
» coutume d'Orléans »
Il réfulre du même principe , qu'on doit admet-
tre la Preuve teilimoniale des iidcicommis tacites.
Ceftaufli ce qu'ont jugé plufieurs arrêts. M. d O-
live en rapporte deux du parlement de Touloufe
des 4 mai 1628 & 23 juillet 1631. Furgole nous
en a confcrvé un autre rendu par la même cour le
8 août 1738. Boniface en rapporte un Icmblable
intervenu au parlement d'Aix le 11 février 1665.
On en trouve un dans Peleus, queAion i"^} , qui a
jugé la même chofe ; 8c le parlement de Paris ,
dont il efl émane , en a encore fuivi la décilion par
un autre du 9 février 1661 , rapporté dans le re-
cueil de Soefve. Il y en a , à la vérité , deux qui
paroifTent avoir jugé le contraire ; on les trouve
dans Bardet 8c Soefve , fous les dates des premier
février 1635 8c 5 mai 1672 ; mais, dit Fuigole,
<i ils doivent avoir eu pour fondement des cir-
5) confiances particulières ».
Dans toutes ces efpèces , il s'agit, comme on
voit , de fraude pratiquée au préjudice d'un tiers ,
6c laPreuve teflimoniale en eftadmiié par les ar-
rêts: M. d'Agueffeau , dans fon trente-neuvième
plaidoyer, donne trois raifons de cette jurifpru-
dence. « 1°. S'il étoit défendu d'admettre cette
>? Preuve, la loi fe défarmeroit elle-même, & fe
>? mettrait dans rimpuilfance de conneîrre le
3) crime qu'elle veut réprimer. Le danger de la
5> fraude, qui feroit ainfi toujours impunie , eft
^> encore plus grand qne celui de la féduélion des
» témoins , que la juftice ne manqueroit pas de pu-
5» nir. 2". La fraude eft un genre de crime , & le
3> crime fe prouve par témoins. 3". La fraude cher-
3» elle toujours à fe cacher , Si il feroit fouvent
3) impoffible de la connoître fans prendre cette
3» voie M.
Doit-on décider de même lorfque la fraude eft
alléguée par une des parties qui ont figné l'aéle dans
kquel on prétend qu'elle eft intervenue ': Les au-
teurs ne paroiiTent pas allez diftinguer ce cas d'avec
le précé.ient : il eft certain néanmoins qu'il y a
tfntre l'un & l'auire une différence trés-fenfjble.
Qu'un tiers puifié prouver par témoins la fimula-
tion d'un contrat auquel il n'a aucune part , rien de
plus naturel ni de plus fimple. Pourquoi lui impu-
teroit-on de ne s'éire pas procuré une Preuve écrire
d'un fait paiTé hors de fa préfence & qu'il a dû igno-
rer ? Mais fi vous admettez les parties contraflantes
à la Preuve tellimoniale des faits de dol & de frau-
de qu'elles articuleront pour rendre leurs figna-
tures fans effet , quel fera l'aâe fur lequel on pourra
compter avec afiurance .'' Quel fera le contrat allez
PREUVE.
folemnel pour réiiiter aux atteintes qu'on lui por-
tera avec des témoins mendiés ou furpris } Je vous
paye vne fomme confiJérable que je vous devois ,
ix. je crois être en sûreté avec votre quittance ;
point du tout, un mois après vous venez demander
à prouver par té.moins que vous m'avez donné
conlidemment , ou (juc je vous ai furpris, fans
vous compter un fou, la quittance dont je fuis
muni ; & fi le juge a la foibleffe d'admettre votre
Preuve, voil.i m-i décharge anéantie ! Un marchand
figne une obligation écrite d'une main étrangère :
fon créancier s'en contente , dans la certitude que
la déclaraiion de 1733 en aflure la validité ; & ce
marchand viendra en fuite , à la taveur d'un com-
plot ménagé avec quelques témoins , prouver qu'il
n'a donné à fon créancier qu'un blanc feing,dont
celui-ci a abulé ! Oions le dire, un pareil lyftémc
ne peut être acceullli , fans ouvrir la porte à des
diflaiiiations journalières , fans enhardir ia mauvaife
foi j en un mot, fans précipiter ia fociécé entière
dans- le défordre & la confufion. AulTi remarquons-
nous qu'en général les cours fouveralnes 1 ont conf-
tamment rejeté r^ les deux arrêts du parlement de
Normandie dont nous avons rendu compte ci-de-
vant , en t'ont des preuves éclatantes ; & iM. l'abbé
deRuallem, qui étoit rapporteur du i'econd , en
citoit, dans fon rapport, un autre du 27 aviil
1726, par lequel le lieur d'Aniigny avoit été dé-
bouté de l'entérinement des lettres qu'il avoit pri-
fes contre un contrat de conftitution de cent livres
de rentes , & déclaré non-recevable dans la Preuve
des faits de dol & de fraude par lui articulés contre
cet aéte. La même chofe a été j ugée contre l'héritier
d'un vendeur, par arrêt du parlement de Paris
du ■^ feptembre 1664, inféré dans le recueil de
Soefve.
Il faut convenir cependant qu'on doit être plus
facile à admetrre la Preuve par témoins dans les
matières qui font naturellement expofées aux frau-
des , & dans lefquelles il el\ ordinaire de chercher'
à éluder la loi , telles que l'ufure Ôc le jeu. Tout
dépend en cela de la qualité des parties , de leur
condition , & de la nature des faits articulés. 'Voyez
l'arrêt du 30 juillet 1693 , rapporté au journal des
audiences , & l'article UsURE.
Sur la queftion , fi on peut admettre la Preuve
teftimoniaîe des faits de captarion allégués conne
un tei^amcnt , & démence , articulés contre un
afte quelconque, voyez les articles Suggestion
& iNTERnlCTION.
La raifon qui oblige à recevoir la Preuve par té-
moins des faits dont la partie qui les allègue n'a pas
pu fe procurer un ade , oblige aufTi d'admettte à
cette Preuve celui qui, pv.r un cas for u't 8c im-
prévu , a perdu le titre qui lui feivoit de Preuve
littérale. « Par exerrple , dit Poîhier , fi dans l'in-
!) cendie ou dans le pillage de ma maifon , jai
)j perdu mes papiers, parmi lefquels étoient des
V billets de mes dcbireurs à qui j'avois préiéde
V l'argent, ou des quittances des ibairaes que j'a-
V vois
PREUVE.
» vois payées à mes créanciers; à quelque fomme
« que puill'ent monter ces billets Se ces quittances ,
que c elt par un cas fortuit 6i. inipi ,
J' ma faute , que j'ai perdu les billets & les quit-
« tances qui formoient ma Preuve littérale ». Cette
do(51rine eft conforme à celle de Rommelius fur l'ar-
ticle 19 de i'édit perpétuel , page 1 19; de Mathieu ,
de judiciis , difput. 9 , «°, 67 ; de Struvius fur le di-
gerte, exerça. 28 , n. 34 ; de Boiccau , chap. 1 5 ; de
Néron fur l'article ,4 de l'ordonnance de Moulins ;
de Joufie fur celle de 1667 , titre 20 , article 4 ;
en un mot, de tous les auteurs qui ont écrit fur cette
matière : ils fe fondent fur l'injuftice qu'il y auroit
à donner au hafard la vertu de priver d'un droit
légitimement acquis, la perfonne qui s'eft confor-
mée à l'ordonnance, & à qui par conféquent ou ne
peut rien imputer. On peut appliquer ici la loi 18 ,
C. de teftihus ; elle défend d'abord d'admettre la
Preuve par témoins du payement d'une dette fon-
dée en titre, & enfuite elle ajoute : Sin veto faElj.
ejUidcm per fcriptur^mf:curitasfit,fo!tuito aiiiem cafu
\'d incendie , vtl naufrjgii , vel aiterius infortnnii
perempu , tune liceai hii ejui hoc perpeffi jnnt , cjti-
fdm pcrempiionis probaniibus , eiiain debhi foliitioneri
pcr tcjles prohare^ damnumque ex amijjione inflrumcnii
probare. C'efl: furie même fondement que l'ordon-
nance de 1667, après avoir établi les regilhes des
paroilTes comme les feuls titres probans en matière
d âge , de mariage & de décès , porte que : « û les
>' regiflres font perdus, la Preuve en fera reçue,
J> tant par titres que par témoins ».
La loi romaine que nous venons de citer, ne
permet la ?reuve rertimoniale dans le cas dont il
s'agit, que lorfqu'on prouve le fait qui a caufè !a
perte du titre : caufam peremptionis probantibus. C'eft
auffi ce qu'enfeigne Pothier : <i Pour que le juge ,
» dit-il, puiffe admettre cette Preuve, il faut que le
"cas fortuit qui a donné lieu à la perte des titres ,
» qui formoient la Preuve littérale, foit confiant,
v Par exemple, dans l'efpèce ci-deltus propofée ,
" il faut qu'il foit avoué entre les parties , que
" ma maifon a été incendiée ou pillée , ow que je
i' fois en état de le prouver, pour que je puiffe
" être admis à la Preuve tefiimoniale des prê:s
»» d'argent ou des payemens dont je prétends avoir
» perdu les billets ou les quittances dans l'incendie
V ou le pillage de ma maifon ».
De-là, il réfulte qu'on ne doit point admettre à
la Preuve telVimoniaîe celui qui allégnela perte de
{es titres, fans conftater le fait de'force majeure
qui l'a occafionnée. C'ert ce qu'a jugé un arrêt du
:>5 juin 1663 .rapporté au journal des audiences.
On demaridoit à prouver par témoins , qu'une qiiit-
wnce de dot avoit été vue , lue & tenue par des
perfonnes dignes de foi, fans articuler rien de plus :
la cour a rejeté la Preuve ( i ). Il y a à la vérité ,
(j) Voyez Konifjce, lome i , partiel ; livre 8 , chap. S,
Tom XJII. ^
PREU VE. 5S5
dans le même recueil , un arrêt du 10 février i(^( o
qui reçoit la Preuve tefiimoniale du feul fait qu'i.n
tcftament olographe avoit été vu & lu après le dé-
cès de la teftatrice ; mais c'cft parce que , dans cette
efpèce , il cxiftoit des commcnzemens de Preuve
par écrit de Texiflence & de la teneur ài\ teflamcnt.
Le mari, qui' en étoit exécuteur, en avoit fait don-
ner copie par extrait ; il avoit en outre foufTert ufiC
fentence de délivrance , Si. paP/c contrat à l'œuvre
d'une paroiffc à laquelle la tellatrice Icguoit 100 li-
vres de rente pour une fondation. Encore ces cir-
confiances ne parurent-elles pas fuffiiantes à M.'
l'avocat général Talon, pour rendre la Preuve ad-
miflible.
La coutume de Normandie prend , en cette ma-
tière , plus de précautions que les auteurs £: les
arrêts n'en exigent coir>m;inément ; voici ce qu'elle
porte, article 528 : » Néanmoins u contrat en a
» été pafié , ou le feing reconnu devant tabellions,
» ou que les regiftres ne s'en puiffent recouvrer,
» celui qui l'a perdu doit être reçu à faire Preuve
" par témoins , que ledit contrat, avec la recoii-
» noiffancc , ont été vus , tenus Si. lus , &. le con-
» tenu en iceux , & qu'il y ait eu pofT^ffion fui'
>» vant le contrat ». La coutume demande, comme
on le voit , le concours de plufieurs conditions ,
pour admettre la Preuve tefiimoniale ; & les arrêts
du parlement de Rouen nous font voir que fa dif-
pofition eft obfervéc à la rigueur. Un particulier
prétendoit avoir poiTédé une rente ; mais il difoit
& ofTroit de prouver que le contrat en avoit été
perdu dans un temps oîi toute fa maifon étoit atta.-
quée de la perte. Par fentence du premier ji:ge »
il lui fut permis de faire Preuve que le contrat
avoit été vu , tenu Si. lu ; mais fur l'appel il inrer-
vinf arrêt qui mit l'appellation au néant , & néan-
moins ordonna qne l'intimé feroit tenu de prouver
que le contrat avoit été vu , tenu & lu en forme
authentique, reconnu devant tabellion ou autre
perfonne publique , & qu'il avoit poffêdé. Une au-
tre perfonne demandoit , & avoit été iidmife , par
fentence , à faire Preuve qu'un contrat de mariage
fous feing-privé avoit été vu , tenu & lu ; mais ,
par arrêt du 15 janvier 1672 , elie fut déclarée non-
recevable dans fa demande, parce que , dit Bafna-
ge , w la Preuve n'eft point admife pour les con-
» trats fous feing-privé, s'ils n'ont point été recon-
» nus devant tabellions ,& qu'il n'y ait eu pofTef-
» fion en vertu d'iceux».
La loi •îS , C. de tcjlïbus , rapportée ci-devànt ,
n'admet la Preuve teftimoniale en cas de perte de
titres, qiic quand cette perte a été caufèe par uh
cas fortuit, tel qu'un incendie , un naufrage, oi*
tout autre malheur , vel aiterius injortunii ; Si. Boni-
face à l'endroit cité plus haut en note , rappore des
arrêts qui ont adopté cette reOric^ian, Il femble ,
d'après cela , qu'on ne doit pas autorifer la Preuve
par témoins dans le cas de fouftra^lion de pièces r
néanmoins Danty fouticnt « qu'on ne peut fe dé-
» fendre d'adeiettre cette preuve, parce qu'an
!• e e e
58(5 PREUVE.
« préfuma que cette fourtraflion ne s'eA pu faire
M que par violence ou par dol , qui font exceptés
« de l'ordonnance , parce que le dol & la violence
" approchent de la nature des crimes. Les lois ro-
y> maines i , D. livre 37 , titre 1 1 & 3 5 , ^<? dolo , y
5> font précifes '>. Mais l'opinion de cet auteur n'eil
pas fuivie indiftinif^einent. Le plaidoyer de M. l'a-
vocat général Joly rie Fleury , du 2 aoiàt 1706 ,
contient là dedus des principes qui font la règle
de tous les tribunaux. «» Jamais on n'a cru devoir
» einpêcher , noiiobilant la difpofition de l'ordon-
» nance , d'in!brmer de la (ouftra^ion d'une obli-
5) gation ; mais on peut empêcher la Preuve de
V la vérité de l'obligano i. Toute la difficulté qui
>» peut rerter dans ce priicipe , e(l dnns le cas que
» le fait de la vérité de la pièce & celui de la fouf-
» traftion fe peuvent lier ik unir enfcnible, & que
» l'un s'établit nece Rarement par l'nutre. Alors il
T> faut examiner quel eft le véritable motif & le
» principalobjet de la Preuve : lorfque c'eft le délit
»» qui forme 1 objet principal de la demande, c'eil
H de la Preuve de ce délit que réfulte la vérité de
5) l'obligation ; c'ert un acceflbire qui doit fuivre
■w naturellement l'objet principal , & qui peut être
» établi fur la Preuve par témoins du délit. Mais
»> fi la demande pour la Preuve de la fouftra6lion
5> d'un titre , n'eft qu'un prétexte pour prouver en
« effet l'exiftence de ce titre; fi on voit que la
■» partie ne cherche pas à prouver un vol , mais
■>» cherche à fe faire un titre de créance , il eik de
» la pénétration des juges de condamner la voie
'.■> indire6te qu'on prend pour parvenir à une
» Preuve réprouvée par les ordonnances ».
Ainfi s'expliquoit M. Joly de Fleury dans une
caufe oîi il s'agiiToit defavoirfi on pouvoir prou-
ver par témoins un recelé de contrats à fonds
ptrdus : ce magiflrat fit voir , par différentes pièces
tl; la procédure , qu'on ne cherchoir pas à prouver
qu'il y avoir eu des contrats recelés , mais des
contrats faits ; & en confénuence , il conclut à un
hors de cour, qui fut efT^clivement prononcé par
arrêt du 2 aoîit 1706 , rapporté au journal des au-
xiiences.
C'eft dans des circonflances fembiables qu'ont
été rendus, les 11 j.-;in 16198c 17 janvier 1651 ,
deux arrêts qui ont rejeté ia Preuve des faits de
fouftraftion d une reconnoilTince de dépôt & d'un
teftament. On les trouve dans Bardet & dans
Soefve.
Dans tous les cas où nous venons de voir que !a
Preuve teftimoniale efl interdite , fi la partie qui a
intérêt de l'empêcher ne s'y oppofe pas , le juge
peut-il rejeter cette Preuve d'office? Anfelmo fou-
tient l'affirmative, & fonde fon opmion , qui nous
paroît trés-jufle , fur ces fermes de l'édit perpé-
tuel,/-î/î.f ^we les juges puiffent recevoir aucune Preuve
par témoins , outre le conrenu en iceux.
Mais au moins , quand le juge a admis la Preuve ,
la partie qui a confenti tacitement en faifant fon
enquête contraire, eft - elle rccevaWe à appeler
PREUVE.
delà fentencc d'admiffion à vérifier .' Thevenenu
& Carondas rapportent des arrêts du parlement de
Paris des.... décembre 1573 & 28 juin 1599, qui
ont décidé pour l'affirmative. C'eft auffi ce que
paroît avoir jugé un arrêt du parlement de Flan-
dres du î aoijt 1776, rendu au rapport de M. d'I-
nieile. Les héritiers du fieur de Bérard deman-
doient la nullité du teftament qu'il avoit fait au
profit de la dame Rogier, & , pour l'obtenir , ils
alléguoient que cette femme avoit vécu avec le tef-
tateur dans un commerce criminel. Les parties
ayant été appointées à faire Preuve, les héritiers
firent entendre leurs témoins; le fieiir & la dame
Rogier eu firent autant de leur côté ; mais enfuire
ils appelèrent de la fentence , fur le fondement que
c'étoit violer tous les principes de l'honnêteté publi-
que , que d'autorifer la Preuve teflimoniale dans de
pareilles matières; & quoiqu'on leur opposât com-
me une fin de non-recevoir facquiefcement tacite
qu'ils avoient donné à la fentence par leur enquête
contraire , ils ne laifsérent pas de faire admettre
leur appel ; voici le difpofitif de l'arrêt : « La cour,
» (ans s'arrêter à ladite fentence , rejette du procès
» l'enquête defdits Picquery & Balicq en ce qui
»» concerne le prétendu commerce illicite & adul-
»> térin , ordonne en conféquence q<ie ladite re-
» quête, enfemble les m.émoires & écritures ref«
>» pe6livemcnt produits par les parties , en tant
» que touche lefdits faits & autres injurieux, reile-
» ront fupprimés au greffe de la cour ; & faifant
s> droit , &c. ".
L'opinion confacrée par ces arrêts eft encore
appuyée fur une déclaration du confeil privé de
Bruxelles du 11 décembre 1631, rapportée par
Anfelmo ; elle eft conçue en ces termes « attendu
» que ledit article difpofe que les juges ne pour-
» ront recevoir aucune Preuve par témoins , fur
" les difpofitio.ns excédantes la valeur de trois cents
Ti florins , nous entendons que l'exception de ladite
» ordonnance ne peut être exclue , parce que ,
n de fait, le juge auroit reçu la Preuve par té-
» moins, à laquelle partant ne doit être pris aucun
n égard »>.
JoufTe obferve , avec ralfon , qu'il en feroit au-
trement fi la partie qui a intérêt d'empêcher la
Preuve avoit confenti exprefTément à ce qu'elle fe
fît par témoins ; & il eft étonnant que Vrevin &
Afifelmo aient foutenu qu'en ce cas même le juge
ne doit avoir aucun égard aux enquêtes.
Question deuxième. Quelles fent les qualités
nécejfaires à la Preuve teflimoniale , pour qu'elle
remplijfe fon objet.
On peut confidérer la Preuve teftimoniale on
par rapport à fon extérieur & à fon écorce, ou par
rapport à fon intérieur & à fa fubftance.
L'extérieur de la Preuve eft tout ce qui regarde
le nombre , la condition & la probité des témoins.
L'intérieur de la Preuve confifte dans les faits Ôc
PREUVE.
les circonftaaces]que renferment les dépofitlons
des témoins.
C'eft une règle générale , qu'il faut deux témoins
intègres Se dignes de foi , pour prover un fait : les
lois de Moii'e l'ont établie (i) ; celles des Ro-
mains l'ont confirmée (2) , 6i. tous les tribunaux
rie l'univers l'ont adoptée. £n vain prétendroit-on
luppléer à l'unité d r.n témoin , par l'éclat de la
naiirance ou de fa dignité ; nous ne voulons pas
qu'on l'écoute , dit l'empereur Juftinien , fiit-il
inéme fénateur. Suncimus ut unius omnimodo lejlis
refpon/Io non auJijtur , etiam/î preclara curiez honore
fuissent. Ce font les termes de la loi 9 , §. i , C. d'.
ujlibus. Serpillon dit que , « conformément à ce
» principe , le parlenient de Dijon rendit un ar-
»» rèt le 50 juin 1681 , par lequel, fans déférer ù
>> la dépofition de M. de Laloyer, confeiller de la
>) cour , qui étoit témoin unique , il fut ordonné
» qu'un autre témoin , qu'on difoit avoir été pré-
■ » fent , feroit entendu ».
Il peut arriver qu'un feul fait folt compofé de
plufieurs circonftances : dans ce cas, fulFu il , pour
tonner une Preuve , qu'il y ait un témoin lin-
gulier fur chaqu^- circondance ? Sans nous enga
ger fur cette queiVion dans des détails aulfi longs
qu'inutiles, arrêtons nous à la diflinilion qui ei\
établie par le fudrage unanime de tous les doc-
teurs.
Ou il s'agit d'un fait certain, unique , déterminé,
& alors un témoin fingulier ne prouve rien , parce
que ce fait étant effenticl, il faut néceffairement
que les dépofitions de deux témoins concourent ,
pour en établir la vérité.
Ou il e(ï queflion d'un fait général , d'nne ha-
bitude , d'une multiplicité d'aélions dont on ne
veut tirer qu'une feule conféquence ; & alors il fe-
roit fouvcnt impofiible de demander deux témoins
{"ur chaque fait, & injutle de rejeter les dépofitions
uniques de faits finguliers. Prenons pour exemple
la démence ; c'eft une habitude qui éclate en tout
lieu & en tout temps ; 6c cependant les mêmes
perfonnes ne peuvent pas toujours être préfentes
à ia multitude d'aflions qui la décèlent: l'un en ob-
ferve une , l'autre en remarque une autre ; ils vont
au même but par des routes différentes : divifés fur
les moyens , ils fe réunilTent dans la fin ; ils difent
lous que celui dont l'état eft contefté, leur a paru
infenle. Voilà le fait général , ils en conviennent
unanimement , Se ne différent que dans les circonf-
lances particulières. Il n'eft pas néceffaire que les
mèn>es faits déterminent tous les juges ; & quoique
les uns foient entraînés par un fait tout différent
lie celui qui touche les autres, on ne laifle pas de
dire qu'i's font tous de même avis, lorfqu'ils opi-
nent tous pour reconnoître la démence ; de même
aulTi les témoins doivent paffer pour unanimes &
(i) Exod. cliap. 15 , V. 50 ; Deuteron. cbap. 17 , v. 6 5 £c
chap. 19 , V. I.
(*} L. 1 1 , D. i« {(Jiibui j J. 5 . §■ I , C. c}d, fif.
PREUVE. 5^7
conformes , quand de plufieurs faits particuliers ,
ils tirent tous la même conféquence fur le fait
général.
Telle ed l'opinion de tous les doâeurs , elle ni
fouftVe aucune difficulté en matière civile; mais
l'ufage l'a un peu reftrcinte dans les matières cri-
minelles. Quand il s'agit, par exemple , d'un fait
général d'uftire , quoiqu'on ait égard aux témoins
qui dépofcnt de faits finguliers , on exige qu'il y en
ait un certain nombre pour former une Preuve de
leurs dépofitions réunies. Voyez les articles Usure
& Frison.
Les anciens gloffateurs mettent en quefiion fi
» l'avantage du nombre des témoins peut être , pour
celui qui la de (on côté , une prérogative confi-
dérable 6^ décifive. Mais cette quefiion , qui auroit
pu être traitée dans un de ces tribunaux où l'ap-
plication de la partie confifioit à cirer un grand
nombre d'autorités, ôi. celle des ju^es fe redui-
foit à les compter, ne doit pas feulement être pro-
pofée devant les magiffrais éclairés & judicieux ;
ils ne comptent pas les opinions des douleurs ni les
ùiffrages des témoins , ils les pèfent : Non enim
( dit la loi 21 , §. 3 , D. de tejlibus ) ad multitudi^.
hem refpici oponet , fed ad finccram reflimoniorwi
fiJem 6* tejlimonia quibus po:ius lux veritans ad-
Nous ne parlerons pas ici de l'influence que
doivent avoir la condition & la probité des té-
moins fur le mérite de leurs dépofitions ; cette
matière eft traitée aux articles REPROCHES 6c
Témoins.
Voyons ce qui concerne l'intérieur de la Preuve
tei'limoniale. i". La première qualité qu'elle doit
avoir , eft de porter fur l objet même dont il s'a-
git au procès dans lequel elle aéré ordonnée, ou
fur quelques circonftances qui y ont un rapport
dired ; toute dépofition qui n'a pas ce caractère ,
doit être reietée,& ne mérite aucun égard- Telle
eft la règle que nous prefcrivent Farinacius , &
une foule d'autres auteurs ; elle n'eft cependant
fuivie à la rigueur qu'en matière civile: dans les
matières criminelles, on fait une diftinétion ; ou
les plaintes lont rendues par le miniitère i)ublic
feul, ou elles font rendues par des particuliers.
Dans le premiers cas , « le juge , dit Serpillon »
» peut , dans l'information , entendre les tè.moins
)» fur toutes fortes de faits, parce que les parties
» publiques doivent pourfuivre la vengeance de
» tous les criines. Rejeter des dépofitions fur faits
» étrangers , ce feroit priver la partie publique
n d'une dénonciation qui afiure fes pourfuites ,
» & fans laquelle elle craindroit de les faire ; au
» lieu qu'à la vue de ces dépofitions , elle peut
» faire informer de tous les faits qui lui font indi-
V qués, conjointement avec ceux que contient
» fa plainte ». Dans le fécond cas , il fembleroit ,
d'après l'article 3 du titre 14 de l'ordonnance de
1670 , que les dépofitions fur faits étrangers de-
vroient être confidérées, même par rapport aux
Eee eii
5^8 PREUVE.
<«arties civiles : en cfTet , cet article permet aux ;
parties civiles de donner des mémoires aux juges
pour interroger les accufès, tant fur les fj-rs d'in-
t'ormations , cju autres : mais cette difpofition ne
con cerne que les interrogatoires , & il a été jut^é ,
par plufieuis arrêts, qu'elle ne peut être étendue
aux informations. 11 y en a deux du parlement de
Pans des n mai 1731 & 17 mai 1734, qui ont
déclaré nulles les informations, parce que les lé-
moins y avoient dcpofé de faits étrangers à In
plainte. ï! faut cependant remarquer que lors même
qu'il y a une partie civile , on doit toujours fuivre ,
à regard du miniflèic public, le principe fur le-
tniel nous venons de voir qu'on fe règle quand il' '
elt leul partie. C'eiï ce que prouve un autre arrct
de la même cour, du 8 juillet 1758', qui enjoint
;iu lieutenant criminel d'Orléans d obferver les or-
donnances; & en conféquence, lorfqu'un témoin
djpofera ou indiquera d'autres faits qi-te ceux que
porte la plainte , de rendre une ordonnance pour
eu informer, fur la plainte qui en fera donnée par
la partie publique , &: non autrement. « Ainfi (con-
» dut de-là Serpillon ) le juge peut entendre les
« témoins fur i-:ne plainte de la partie civile , de
j> quelques faits étrangers concernant des crimes
M ou. délits du même accufé ; mais il ne doit pas
w le décréter fur ces faits étrangers ; s'ils lui pa-
» roiffent intérciTans pour le bien public , il doit
» en ordonner la communication au procureur
» du roi, pour qu'il donne , à cet égard , fa
w plaif.te ».
2°. Une dépofirion doit être vraifemblable &
naturelle : fi elle contient des chofes abfurdes ,
impoffibles,. contraires aux lois de la nature, le
juge doit la rejeter. <i Nénnmoins , dit Joufle , il
■^ y a des occalions où ces lortcs de dépofitions
T> tont adniiies, comme quand il s'agit de prou-
75 ver des miracles, & autres chofes arrivées en
t> vertu dun pouvoir fplriiuel )?.
3°. Pour qu un témoin faife foi , il faut qu'il dé-
pofe d'une manière certaine, déterminée & fans
équivoque ; ainfi , point de je crois , il me femhle,Jî
je ne me trorr.pc , s'il mien fouvieni ; ces expreffions
&i d'autres femblablcs , aiîbibliïïent tellement la
dépontion , qu'il n'en peut pas même réfulter une
préfoinption , n moins qu'il ne s'agifle de faits dont
il eft difficile d'avoir la preuve , ou arrivés depuis
trës-long-tcmps.
4". Un témoin doit rendre raifon de la m^nicr-i
dont il a appris ce qu'il déclare ; fans cela il ne
mérite point de foi. Voyez l'article Déposition.
On prétend néanmoins qu'une dépofition qui tend
à la décharge d'un acculé, doit être admife , quoi-
qu'elle ne (oit pas motivée : c'eft l'avis de Farina-
cius & de Juli.-is Clarus.
La feule raifon de fciencc qui puifTe mériter les
égards de la juflice dans la bouche d'un témoin,
e^t , ou qu'il a vu , lorfqu'il s'agit d'un fait qui
tombe tous les yeux ; ou qu'il a entendu , iorfque
k f^t eft de naii»e à torçiber fous l'ouie , comme [
PREUVE.
une injure , tin blafphême , un difcours quelcon-
que : une dépofition à laquelle on donne la vue
pour raifon de fcience, ne peut faire foi que dans
le concours de deux circonftances ; l'une , que l'en-
droit où le fait s'eft paffé ait été afî'ez éclairé pour
que le térnoin ait pu voir la chofe dont il s'agit;
lautre , que la diflance de l'objet ait une propor-
tion convenable avec les organes de la vue. Cette
féconde condition eft ég;alement requife dans les
dépofuions fondées fur l'ouïe ; & une obfervation
commune aux deux efpèces de raifbns de icience,
c'eft que plus le fait, dont un témoin dépofe com-
me l'ayant vu ou entendu, eft ancien , moins la
dépofition doit être confidérée , lur-tout fi le fait
clf compliqué & de nature à s'effacer aifîment de
la mémoire.
On voit par ce que nous venons de dire , qu'il-
ne réfulte aucune Preuve de la dépofition d'un té-
moin qui parle d'un fait d'après d'autres perfonnes
de qui il l'a entendu dire. Loifel , dans fes règles
de droit coutumier , dit à ce fujet : Ouï-dire va
pur ville , en un muid de ouï-dire il ny a point de.
plein ; un fiul œil a plus de crédit , qu.e deux oreilles
n ont d'audivi.
11 y a cependant quelques cas où ces fortes de
dépofitions doivent être admifes , Se faire foi lorf-
qu'elles font jointes à certains indices. Tels font
les crimes dont il efl difficile d'avoir la Preuve-
d'ailleurs , foit parce qu'ils font cachés, ou parce
qu'ils fe font paffés depuis long-temps. Telles font
auffi , aux termes de la loi a8 , D. de probationibns.
Se de la loi 1 , §. 8 , D. de a,]uâ pluviâ , les caufes-
où il s'agit de prouver l'ancienneté d'un monu-
ment, d'une borne, &c.
Lorfque Youï-dire tombe fur la partie mêrre
contre laquelle le témoin dépofe , il en réùiite
une confejfion extmjudiciaire. Voyez ci-dëfius,.
§• ï-
Au reO-.Q , les dépofitions fondées fur des oui-
dire , ne doivent être confidérées , dans les cas
dont on vient de parler, que lorfqu'elles l'ont ac-
compagnées de quatre conaitions. i '. 11 t.mt que
le témoin qui dépofe de cette manière , ait appris
le fait de perfonnes qui y étoient préfentes , 2°. il
doit nommer ces perfonnes ; 3°. il faut que ces per-
fonnes foient au nombre de deux, & dignes de
foi; 4°. il faut aufTi qu'elles ne puiffent être en-
tendues elles-mêmes.
On verra à l'article Témoins , quel cas on doit
faire de la dépofition d'un témoin qui a varié ou
s'eft rétra61é après l'avoir donnée , & quels fonc
les devoirs d'un juge par rapport à l'eftimation
des Preuves refpeflives , lorfque les témoins f&
contredifcnt de part & d'autre*
§. IV. Des Preuves par experts , par vue de lieu , 6"
par ferment..
Le< principes concernant ces trois efpèces de
Preuves , font retracés aux articles Experts „,
PREUVE.
Visite , Rapport , Descente , Vue de lieu ,
& Serment.
Section troisième.
Des diprcns degrés de certitude auxquels il f^ut que
Ls Preuves foiint portées pour fcrvir de hafe aux
jugemens.
La Pr^iuve , confidérée par rapport aux differens
degrés de certitude dont elle ei\ fufceptible, tû
commtinémeru divtfée en Preuve complette , en
demi-Preuve , ik en Preuve légère. La Preuve
complette eft celle qui établit une entière con-
viâion dans refprit du juge. Telle cfï ctUe qui
rtluUe de la dépoiuion de deux témoins, d'aétes
paiTés devant notaires, d'écritures privées recon-
nues en juHice , Sec. : la demi-Preuve eft celle
qui forme à la vérité une préemption confidé-
rable, mais dont il ne réfulte pas une parfaite
conviflion : 1« Preuve légère eft celle qui n'a d'autre
fondement que des conjeélures Si des indices im-
parfaits.
D y a fur cet objet deux difierences très-remar-
quables entre les matières civiles &. les matières
criminelles. La première ei\ que telle Preuve efl
réputée complette dans les unes , &c n'efl que demi-
Preuve dans les autres; & que ce qui ei.\ regardé
dans celles ci comme une Preuve légère , a fou-
vent tout le poids d'une demi Preuve dans celles-
h. Ainfi la confeffion judiciaire, qui emporte pleine
convidlion en matière civile , ne fuflit pas , en ma-
tière criminelle, pour condamner un accufé aux
peines prefcrites contre le délit qui lui eft imputé.
Ainfi le ferment qui en matière civile forme une
preuve entière, lorfqu'ileft déféré à une partie , ne
forme , en matière criminelle , aucune forte de pré-
fomption. Ainfi la dépofïtion de deux témoins irré-
prochables , qu'on regarde en matière civile , com-
me le juOe fondement d'une Preuve conip!ctte , ne
mérite d'égard dans les queflions capitales , qu'au-
tant qu'elle eft fuivie du récolement & de la con
frontation.
La féconde différence eft , qu'en matière civile ,
les demi Preuves & les Preuves légères produi-
fent plus d'effet & font plus d'impreflion qu'en
matière criminelle. Voyez les articles Indices &
Présomption.
Ce n'eft pas que les indices rîus ou moins gra-
ves ne f uiifent jamais fervir de bafe à un juge
meiu en matière criminelle ; il cft au contraire
bien des cas où l'on prononce contre un accufé
d'après ces fortes de Preuves. Cela dépend de
l'objet du jugement. La raifon pour laquelle on
cft moins févère , en matière civile , fur le choix
& la nature des Preuves, fait aulfi qu'en ma-
tière criminelle on admet d'autant plus facilement
les préfomptions &. les indices , que l'objet du
jugement approche moins d'une peine définitive
capitale. Ne s'agit-il, par exemple , que d'une or-
donnance portant permiffion d'informer contre
une perfonn€ itommèment ? il ne faut alors que
PREUVE. 589
de foibles indices , des témoins uniques ,' quoi-
que fufpeéls , un procès-verbal d'huiffier , &c.
Efl: il queflion de décréter ? un commencemcnc
de Preuve fuflit; mais il doit être proportionné
à la rigueur du décret Si. k U qualité de Taccufé,
Il en e(l de même pour adjuger une provifion 6c
palier au règlement à l'extraordinaire. Mais une
condamnation définitive & capitale ne peut être
prononcée que d'après une Preuve complette &.
indubitable.
Nous difons une condamnation définitive & capï •
taie, car un jugement qui ne condamne point à
moit ne doit pas être fondé fur des Preuves aulîî
fortes ; plus la pdne eft légère , plus les juges font
autorifés à s'écarter de la règle qui défend de con-
damner un accufé fans une Preuve pleine Se en-
tière. Mais cette théorie fouffre, dans la pratique ,
de grandes difficultés ; & il faut , dans le juge q^i
en fait ufage , beaucoup de prudence pour n'ent
pas abufer. Voici ce que porte une lettre de M.
le chancelier d'Agiiefleau du 4 janvier 1739, an
prévôt de la maréchaulfée de Franche - Comté,
a /ai été fort furpris de i'ufage dans lequel vous
» m'avez marqué que font les oiîiciers du préfi-
» dial de Befançon, de déclarer les accufés ar-
» teints & convaincus de crimes dont la Preu\e
» n'eft pas complette, & de les condamner en
)> même-temps à quelques peines : cet ufage eft
» un abus qu'on ne peut tolérer , & que j'aurai
>» foin de réprimer. Ou la Preuve d'un crime e(t
V complette , ou elle ne l'eft pas : dans le premier
» cas, il n'eft pas douteux qu'on doit prononcer
» la peine portée par les ordonnances; mais dans
n le dernier cas ileft aufli certain qu'on ne doir
« prononcer aucune peine, & qu'on ne peut or-
» donner que la quefîion (i) ou nn plus ample-
n ment informé , fuivanr la nature des crimes &
n le genre des Preuves }f.
Au refle il efl certain que dans un procès cri-
minel il ne faut pas tant de preuves pour condam-
ner l'accufé à des dommages-intéiéts envers la
partie civile , que pouï lui taire fubir une peine
afRiclIve ou infamante. M. -Favre (i) rapporte
même un arrêt du fénat de Chambéry rendu en
1591 , qui , en renvoyant un accufé avec un plus
amplement informé, le condamna aux dépens dir
procès inAruit à fa charge, quoiqu'il n'y eût contre
lui qu'un feul témoin.
11 peut cependant arriver, & ceci eft remarqua-
ble, qu'une Preuve Tuffifante pour faire condam-
ner un accuié à la peine due à fon crime , ne foie
pas aflez forte pour faire adjuger à la partie civile
les dommages- intérêts qu'elle prétend en confé-
qucnce. C'eft , dit Jouffe , ce qui u arrive dans le
1) cas où l'offenfé qui efl partie civile au procès,
" a été entendu comme témoin , & où la Preuve
ï) Li quelHon dont'il e'.'t parlé dans cetre lettre , ell J*
lui^ilionfïépaïas.oi're , çiili e(l nujourd'hui abrogée, ccmtK*
011 le ,v. erra à l'article QUESTION.
(1) Co'd, lib. 5 , tit> i , defîn. Jr
»590
PREUVE.
»> qui a donné lieu à la condamnation à une peine
" publique, a été fondée en partie fur cette dé-
» pofition ; car alors , quoique la Preuve ait été
î» trouvée fuffifante pour faire droit fur l'accufation
» de la partie publique, néanmoins cette Preuve
5> ne fuffit pas pour pouvoir prononcer fur les
» dommages & intérêts demandés par la partie
'» civile , parce qu'à cet égard la partie civile à
'> dépofé dans fa propre caufe ».
Voye^ Aljfcardus , de probationibus ; Felinu^
fur IjÇ titre de probationibus , eux dccntjUs ; Boi-
ceau 6» Danty , de la. preuve far témoins ; le Vayer ,
de la preuve par comparaifon d'écriture ; Anfelmo 6»
Rommelius fur F article ig de redit peipciuel ; Vnvin
fur l'' article <^4 de rordonnance de Moulins; JouJJe
en fan traité de la juflice criminelle ; Farinacius , Ju-
lius Clarus ; le code criminel de Serpillon ; Pothier
des obligations ; Dumoulin fur la coutume de Pa-
ris î §. 8 , gloje I ; les journaux du palais 6' des au-
diences ^ les titres de probationibuf;, dans le digcfle
6» le code; Bafnas,e fur la coutume de Nonnandie ;
les arrêts de M. Ù'inanti , &c. Voyez aufli les ar-
ticles Présomption , Indices , Question , Té-
moins , LÉGITIMITÉ , Enquête , Déposition ,
Information, &c.
Article de M. Merlin , avocat au parlement
de Flandres V
PRIERE. C'eft l'afle de religion par lequel on
s'adrefTe à dieu.
L'article 46 de l'édit du mois d'avril 169^ , con-
tient fur les Prières publiques les difpofitions lui-
van tes :
» Lorfque nous aurons ordonné de rendre gra-
5> ces à dieu; ou de faire des Prières pour quelque
») occafion , fans en marquer le jour & l'heure,
3> les archevêques & évéques les donneront, fi ce
« n'cft que nos lieutenans généraux & gouverneurs
3> pour nous dans nos provinces, ou nos lieute-
>> nans en leur abfence , fe trouvent dans les
« villes où la cérémonie devra être faite; ou qu'il
« y ait aucunes de nos cours de parlement , cham-
j» bres de nos comptes & cours des aides ^ui y
« feront établies , auquel cas ils en conviendront
» enfemble , s'accommodant réciproquement à la
» commodité des uns & des autres, & particu-
j> liérement à ce que lefdits prélats efiimeront le
3) plus convenable pour le fervice divin '».
La déclaration du 30 juillet 1710 a ajouté que
toutes les églifes & communautés eccléfza/liques ,
féculiéres & régulières, exemptes ou non exemp-
tes , feroient tenues de fe conformer à ce qui auroit
été réglé là-deffus par l'évêque (i).
Lorfqu'il furvient quelque difficulté concernant
(i) C'eft conformément à cette déclaration que.patartêt
du î juin 1745 , le confeil a ordonné que les maudernens qui
feroient donnés pour des Prières publiq\ies par Jcs évéques ou
leurs vicaires généraux, feroient exécutés dans les églifes de
l'ordre de Mahe , ainfi que dan» toutes les églifes de leurs
dioccfes , exemptes & non exemptes , même dans celles ^ui fe
ptétcndem fondées «n juridiftion quafi-cpifcopalç.
PRIEUR.
les heures auxquelles doit être célébré l'office di-
vin ; c'eft à l'évéque diocéfain à la régler. C'eft
auflî à lui à régler les jours & les heures auxquels
le faint - facrement doit être expofé , tant dans
les parciires que chez les religieux, & fes ordon-
nances far ces objets doivent être exécutées non-
obftant l'appel. C'eft ce qui réfulte de l'article 8
de la déclaration du roi du 15 janvier i^r^j i.
En France, on a toujours recommandé dans
les Prières publiques , & principalement au prône,
les prélats , les magiftrats, & les bienfaiteurs. C'eft
ce qu'obferve Loileau dans fon traité des feigncu-
ries.
On y recommande pareillement les feigneurs
hauts-jufticiers, parce qu'ils ont la puift'ance pu-
blique, & qu'ils repréfentent le fouverain dans
leurs juftices.
Le feigneur & fa femme doivent être recomman-
dés chacun diftindement , & leurs enfans en nom
coUeflif. C'eft ce qu'a décide le parlement de
Paris par arrêt du 26 juin 1696.
Quand la feigneurie appartient à plufieurs,on
ne doit recommander au prône que le principal
feigneur, comme feul feigneur ; ft la feigneurie
eft poifédée par indivis , les poft"cfTeurs ne doivent
être recommandés qu'en qualité de feigneurs en
partie.
Il y a néanmoins des arrêts qui ont ordonné
que l'aîné feroit nommé le premier , & les autres
enfuite. Bardet en rappotre un du premier avril
i63i,& Danty un autre du 2 mars 1667.
On ne doit pas au furplus appeler feigneur en
partie, celui qui n'a qu un fief (lans la paroifTe ;
il faut le qualifier de feigneur d'un tel fief fitué
dans tel village , à moins que le fief n'ait jamais
eu d'autre nom que celui du village même.
PRIEUR , PRIEURÉ. Le premier de ces mots
défignc littéralement une perfonne qui en a plu-
fieurs au-delTous d'elle ^prior quafi primus inter alios;
& on appelle Prieuré , la dignité , l'emploi ou le
bénéfice attaché à la qualité de Prieur.
On divife les prieurés en fèculiers & en régu-
lier*.
Première parti £.
Des Prieurés fèculiers.
L'auteur des définitions du droit canonique dît
qu'on entend par prieurés fèculiers , « ceux qui
» font polTédés par des perfonnes qui ne font
» point engagées dans la profeflion monachale ,
» c'eft-à-dire , qui ne font point obligées à porter
j) un habit de moine ,ni à fuivre aucune des quatre
■)■> règles que l'églife foufîVe , Se que les chrétiens
M reconnoiiTent ».
Cette définition eft critiquée , & avec raifon , par
Pérard Cartel. •< Elle n'eft pas affez claire , dit-il,
j> & elle renferme i\nt équivoque manifefte , d'au-
» tant que tous les prieurés réguliers qui font pof-
H fédés en cojnmende, font poffédés par des pcr-
PRIEUR.
« Tonnes qui ne font point engagées dans la pro-
» feffion monachale , & cependant on ne dira pas
n que ce foient des prieurés Téculiers ; de fb:te
" que ce qu'on nomme prieures féculiers , font
» ceux qui font polTédés en titre, &. non point en
» commcnde , par des perlbnnes leculières».
Les prieurés féculiers ne diffèrent des autres bé-
néfices que par le nom. Il y en a de fimples , il y
en a de doubles , il y en a même qui forment des
dignités. On remarque en France pUifieurs collé-
giales , dont le premier dignitaire porte le titre de
Prieur. Telles font , dit le premier des auteurs que
nous venons de citer , « celle de Loches , celle de
» Chdtillon-fur-Indre dans laTouraine Jefquelles,
» dans les ailes qui fe paffent avec elles , font qua-
»j liftées de Prieurs , charioines 6» chapitre ». Telle
ert encore l'églife collégiale de faint Germain de la
Ckâtre , qui ;i donné lieu à un procès jugé au parle-
ment de Paris le 19 décembre 1777.
Les lois ou conllitutions , foit canoniques , foit
civiles, qui parlent de prieurés -conventuels , ne
s'entendent jamais des prieuiés f«culiers. C'eil ce
qii'enfeignent l'abbé de Palerme fur le chapitre chm
contingjt , aux décrétales de foro comoitenti , &
Dominique Je (anflo Geminiano dans fon confeil
131. L'auteur des définitions du droit canonique
établit la même chofe d'après eux : u La conflitu-
j> tion du pape , dit il , qui parle ou fait mention
« d'un prieuré conventuel , n'eft jamais étcnàue
» aux prieurés des eglifes , non plus qu'aux prévô-
» tés ou doyennés , & dignités féculières , lefquels
»» néanmoins ont & exercent la jurididion fur les
») chanoines de leur églife par la puiflance qui
M leur ei\ attribuée ».
Par-là fe refont la queflion de favotr fi les
prieurés féculiers font compris dans la claufe du
concordat qui affujcttit à la nomination du roi tous
les prieurés éleâifs. «t Ceux qui tenoient pour
» l'afHrmative ( c'eft toujours d'après le même au-
" teur que nous parlons ) , foutenoient que toutes
'» les dignités & prélatures font fujettesà la nomi-
» nation du roi , c'eft-à-dire , celles qui fe confé-
" roient à la pluralité des voix du chapitre aflem-
" blé pour cet eftet,... M. le procureur général du
» grand confeil, où cette quefiion fut agitée, le
» foutenoit ainfi , &. interjeta appel comme d'abus
» de réleélion qui avoitété faite du Prieur féculier
« de Pont-Mone, fitué au diocèfe de Bazas , dans
n la province de Guienne ; il établi/Toit fa princi-
" pale défenfe fur le droit de nomination du
>i roi : mais comme les éleif^ions font tout-à-fait
11 favorables , à caufe qu'elles font plus conformes
» à la pureté des anciens canons 8c à h difcipline
M eccléfiaftique.... Meffieurs du grand conleil dé-
« datèrent M. le procureur général non-receva-
»» ble dans fon appel comme d'abus, par arrêt du
Il 10 feptembre de l'année 1626 ».
PRIEUR.
Seconde Partie.
591
Des Prieurés réguliers.
Les Prieurés réguliers font ou des bénéfices , ou
des offices qui ne peuvent être pofTédés en titre
que par des perfonnes engagées dans la profefîiou
religieufe.
On peut les divifer en conventuels, en clauf-
traux , en forains de en cures. M. l'abbé Remy a
fuffifamment parlé de ces derniers au mot Cure.
§. L Des prieuréi conventuels.
On entend par Prieur conventuel , celui qui
gouverne des religieux dans un couvent , & qui
n'y reconnoît point de fupérieur, foit en titre,
foit en commende.
11 ne faut pas conclure de cette définition , qua
toute maifon régulière dans laquelle exiftent plu-
fieurs religieux fous la direiSion d'un Prieur, forme
un prieuré conventuel. Cette dénominatien nes'ap-
plique proprement dans l'ufage qu'aux eouvens ou
il y a un noviciat établi & un {cA commun , ft^H-
lium commune ; & c'eft , dit Brillon , par le défaut
de ces deux circonfîances , « que le prieuré de
)> faint Denis de la Châtre à Paris n'a pas été jugé
>• conventuel, mais feulement focial » , efpéce de
prieuré forain dont on parlera ci-après.
Le défaut de noviciat établi dans un prieuré .
n'empécheroit cependant pas qu'on ne le regardât
comme conventuel dans les congrégations où il
y a des maifons communes pour le noviciat de
tous les monafières qui les compofent.
Le mot Prieur cenventuel étoit autrefois fyno-
nyme avec celui à' abbé. Haeftenus , lH'. 3 ^trah. 6 ,
difquif. 1 , fait voir que dans plufieurs règles , &
principalement dans celle de faint-Benoît , ils font
fouvent employés l'un pour l'autre.
Aujourd'hui on ne les confond plus , mais ils ne
laifTent pas d'exprimer encore la même idée , celle
d'un fupérieur qui n'a perfonne au-defTus de lui
dans le monaflère même.
Différentes caufes ont contribué à faire donner
à ce fupérieur le nom de Prieur dans certains en-
droits , tandis qu'il s'appeloit abbé dans d'autres.
Ici , c'eft parce qu'une congrégation compofée de
plufieurs monaftères , ne reconnoît qu'un feul
abbé , celui du chef-lieu de l'ordre ; là , c'efl parce
que les fondateurs n'ont pas voulu que le titre
d'abbé, qui déjà étoit l'annonce du faf^le & du luxe,
décorât les fupérieurs des maifons qu'ils élevoient
à la piété & à l'humilité.
Les Prieurs conventuels font-ils bénéfices ou
fimples offices ? Ils font bénéfices lorfqu'ils fe
confèrent à vie, & fimples offices , lorfque la col-
lation efi limitée à un certain temps , comme à
trois ans.
Il ne faut cependant pas croire que dans ce der-
nier cas on puifTe révoquer librement & fans caule
1 un Prieur conventuel qui n'a pas encore atteint le
551 PRIEUR.
terme de fon adminiftration. Le contraire eft net-
tement décidé par la décrétale rnonachi , de ftjtu
monachorum ; voici comme elle eft conçue : Pr'wcs
tiutem cum in ecclefiis conventualikus p:r eleElioneni
capitulorum fuorum canonicè fuerint infJituti, nifi pro
tnariifeflâ &• ration abill causa non mutentur: vidciicct
fi fuerint dilapidatorcs ,fi incontinaiter vixerint , aut
taie aliquid igerint pro quo aniovendi meritb videantur.
Mais , comme robfervent très-bien Fagnan &
■Van-Efpen , il ne faut pas des raifons aufli graves
pour deftitucr un Prieur conventuel , que pour
ilépofféder un bénéficier ; & c'eft ce que porte
expreiTément la décrétale qualuer 0 quando , de .ic-
cufationibtis hune tamen ordinem circà reculâtes per-
fonas non credimus ufquequaquè fervandum : quic cu<n
CMifa requirit ,faciliiis & liberiui à Juis pojfunt admi-
nijlrationibus ûmoveri.
Par arrêt du 22 juin 1701 , rappovié au jour-
aial des audiences, il a été ji;gé «qu'un Prieur ,
3> dans l'ordre de faint Donunique, élu & con-
y> fîrnjé , ne peut refiifor de fubir un examen ,
il quand on a lieu de douter de fa capacité» ; &
l'événement ayant juftifié ces doutes, il a étédefti-
îué par fentence des commiiTaires du général,
L'élcéVion eft de toutes les manières de pourvoir
aux Prieurés conventuels , lors même qu'ils font
Lénéfices, celle qui eft la plus conforme au droit
commun. Il y en a cependant qui , par titre ou pof-
léffion , font à la collation des abbés cliefs d'ordres ,
ou autres fupérieurs immédiats des congrégations
auxquelles ils font affiliés.
De là , cette diftin61ion qu'on fait aifluellement
en France , entre les Prieurs qui, au temps du con-
cordat, étoient éleélifs-confirmatifs, & ceux qui à la
même époque étoient fmiplcment collatifs.
Par ce traité , les premiers font tombés à la no-
mination du roi; les féconds, au contraire, font
<iemeurés dans leur ancien état.
On trouve à ce fujet une obfervation impor-
tante dans Fuet. « Les Prieurés de l'ordre de Gram-
3) mont, dit-il, qui font conventuels , & au nom-
ï> bre de trente-neuf dans le royaume, diftribués
M en neuf provinces , font aufll compris dans la
7> nomination royale, parce qu'au temps du con-
« cordât ils étoient tous conventuels & éleâifs
3» par les religieux de chaque monaftère , & con-
3> firmatifs par l'abbé; & comme pnr le concordat
>» la nomination royale a fuccédé à rélccllon , ils y
« font demeurés fujets , à la réfervc dos quatre
» premiers qui viennent à vaquer après l'éledion
?> & confirmation de l'abbé, qui eft général d'or-
» dre & réfuient en France. Ce privilège d'excep-
3j tien a été donné à cet abbé par un induit de
sj Clément VI, confiru-ié depuis parla bulle de
« Clément VII , du 9 juin 1531 ». Et nous voyons
dans Chopin , de fiera poliiid, livre i , titre 2 ,
n°. 15 , qu'il a autrefois reçu la faniVion de plu-
fieurs jugemens , id quodplufculis fententiis decretum
£j} pratoriani concilii , fecundiim Francifcum Neuvil-
Lrum ar.tjflitem , Grûndimont,inum trïamjs ab hinc
P R î E U R.
annos ; nec enîm diverfam in partem judices Jîexîi ,
quàd jhmmus pontifex illis principali nomïnationi
Juam adjunxijjet autoritatem , regiumque jus codicil-
lare Prioraium munere approbaffet.
Quelques auteurs étendent fort loin les droits
du roi furies Prieurs conventuels. Pour fe former
une jufte idée de leur fyftcme , il faut d'abord pe-
fer les termes du concordat; voici ce qu'il ponc :
Monaficriis verb & Prijr.uibus conventualibus & verc
elcfiiv'is , videluet in quorum eUcîionibus forma cjpi-
tuli quàpropter fei vari , & confirmationes cleâionum
hujufmodi folemniter pcti confuevsrunt....
On prétend , d'après ces term.es , que le roi
doit avoir la nomination de tous les Prieurés con-
ventuels, qui dans l'origine étoient des abbayes ,,
quoiqu'aujourd'hui on les regarde comme pure-
ment collatifs. C eft ce que fourient principalem.ent
i'auieur d'un traité qui a paru fur cette matière dans
le ficcle dernier. Pour juftifier cette opinion , il
établit , i". que le mot monaflerium ne peut pas être
entendu d'un prieuré, mais feulement d'une ab-
baye ; 2''. que toutes les abbayes , avant le con-
cordat, étoient réellement éledives ; 3°. que par
conféquent les termes verè cleclivis videlicet , ne
s'appliquent qu'aux prieurés conventuels; & de ces
trois piopofitions , il conclut, que pour f?voir fi
im prieuré conventuel eft à la nomination du roi ,
il faut , non p.îs examiner s'il étoit éleflif-conrir-
matif au temps du concordat , mais s'il a autrefois
exifléavec le titre d'abbaye; car , dit-il , le concor-
dat portant généralement que le roi nommera aux
monaftères ou abbayes, fans diftinguer , comme
il le fait par rapport aux prieurés conventuels , s'ils
font vraiment éledifs , ou s'ils ne le font pas, on
doit alTujettir à la nomination royale tous les
prieurés qui étoient originairement de véritables
abbayes, parce que l'état n'a pu en être changé'
au préjudice du fouverain.
Mais comment a pu s'opérer ce changement ?
C'eft ce que l'auteur explique fort bien. Les abbayes
de Cluni , de la Chaife-Dieu , de Saint- Denis &
quelques autres , étant devenues puifTantes & re-
commandablcs par l'obftrvance exa^e de la dif-
cipline monaftique , plufieurs moin.'lres abbayes
s'y agrégèrent & s'y fDumirent ; les unes d'elles-
mêmes , les autres par l'autorité des rois ou des
papes : quelques-unes , à la vérité , fe maintinrent
dans leiu- gouvernement primitif; mais In plupart
perdirent infenfiblement leur ancien r:gime,& on
s'accoutuma pcu-à-peu à les regarder comme des
membres de ces' grandes abbayes & des prieurés
de leur dépendance.
La bibliothèque de Ciuni nous fournit en effet
plufienrs exemples de cette rcduétion d'abbayes en
prieurés. On y voit , paye 5 14, un pri-vilége donné
en 1088 par le pape Urbain il , à Hugues ^abbé de
Cluni , dans lequel on qualifie A' abbayes, des béné-
fices qui ne font plus qive des prieurés : hoc infw
per adjicier.tes ut mùnafl^rium [21, Hx Maria de charl-
t tatc , monafenum janHi Maiùiii 4< campis apui
Pai'fos ,
PRIEUR.
Farifios , monaflenum fanEli DisnJfii apud Nungen-
tum , &c. La page 1429 du même recueil nous offre
une chanre de l.ouis le jeune de 1 166, qui prouve
que l'abbaye d'Ambierle avoit été réduite en
prieuré de l;i manière qu'on vient de l'expliquer :
Doinnm Amhntx ditïonï noflriX fubjitlan ^ quœ quon-
dam dbbjuiixfuit , dono illuflrium virorum B:rnardi
& Tlieodekrllfratris fui rcdiiécam ejfe cognovimus ut
majoris relic;ionis forma infigniretur. Les pages 274
& 314 contiennent la preuve de pareils changc-
inens pour Charlieu &. Saint Marcel-les-Châlons ;
& cette preuve eft fortifiée , irégard d; ce dernier
endroit , par ce pa/Tnge d'un ancien auteur : SanHi
Aîu'celli abbatia olim , nunc prioratus ordinis-.Clu-
niafenfs , in territorio ScqUiinorum.
Saint Julien , dans (on traité de l'origine des
Bourguignons , fait aulli mention de philicurs ab-
bayes , qui s'étant foumifes à celle de Cluni , ont
été réduites en prieurés ; telles font , dit-il , Gigni ,
Noirmouflier , Nantua , faint Marcel, Cunam , le
Godet , Lodun , 8ic.
Sauxillanger , qui n'eft aujourd'hui qu'un prieuré
conventuel , étoit , dans fon origine , une abbaye
qui fut fondée en 928 , par Alfred II , comte d'Au-
vergne ; mais en 1062 , Hugues If , qui en fut le
onzième abbé,& qui l'étoit en même-temps de
Cluni , la changea en prieuré (i).
On voit aufli , dans le pouillé des bénéfices de
faint-Michel de la Clufe en Piémont , que plufieurs
prieurés qui en dépendent ont eu autrefois le titre
d'abbayes.
Il eft donc certain , conclut l'auteur cité , que
dans le nombre des prieurés que les abbés de
Clupi, de Marmftufiier & autres grandes abbayes ,
prétendent être à leur nomination, il s'en trouse
beaucoup qui ont été des abbayes ; par conféquent
on doit, aux termes du concordat, les regarder
comme fujets à la nomination du roi.
Ce fyftéme ne pouvoit manquer d'être accueilli
par l'auteur du traité des droits du roi fur les béné-
fices " Il eft très vrai , dit-il , que le concordat porte
» en général, que- le roi nommera aux tnonaftéres,
» & qu'on ne fait dans ce traité aucune difliH6ti:)n
" ni réfervc des monsftères fournis ou non fournis ,
» unis ou non unis , agrégés ou non agrégés. Ainfi
» il s'en{uit de cette difpofition générale , que tout
»♦ ce qui eft monaftère , c'eft-à-dire abbaye , k
3> trouve compris dans le concordat : de même que
" fi , par un traité autre les deux couronnes de
» France & d'Efpagne, le roi d Efpagne cédoit
5> au roi les villes d'une province , tout ce qui fe-
« roit ville dans cette province f«roit compris dans
M ce traité, & préfumé avoir été abandonné au roi,
>» & qu'on allégueroit inutilement que telle viUe
M eft membre 5c une dépendance de telle prin-
» cipauté ou feigneurie ; le traité étant général
(1) Nouveau commentaire lur la coutume d'Auvergne,
ÎQïpriroc en 174^ à Clermond-jferrind, tome i , page 14.
Tome XllL
PRIEUR.
59?
/
» & fans référve, cette exception ne feroir pa^
» écoutée ».
Mais cette comparaifon ne fe tourne t elle pas
contre l'auteur ? L'n traiié qui céderoit des villes ,
ne feroit certainement pas im titre en vertu du-
quel on put prétendre les villages qui ont été villes
autrefois; pourquoi donc le concordat, c'eft-à-
dire, un traité qui accorde au roi la nomination
à toutes les abbayes de fon royaume , lui donne-
rolt-il le droit de nommer aux prieurés qui , ayant
été abbaye; dans leur origine, n'étoientplus , au
temps de cet aiiie , que de fimples migmbres d'au-
tres monaftères , & fujets à la collation des abbés
de ceux-ci : N'eft-il pas évident qu'en donnant au
roi la nomination aux abbayes, on n'a eu en vue
que les bénéfices qui avoient alors cette qualité ?
Cette cbjcftion paraît infurmontable. Voici ce-
pendant ce que répond notre auteur. L'intention
de nos rois îc des feigneurs particuliers, en fon-
dant des monaftères , n'a point été d'établir de fim-
ples habitations pour des religieux; il paroît au
contraire , parles titres mêmes des fondations, que
leur defiein a été d'ériger de vérirables abbayes.
Il y a même des fondateurs qui ont prévu que les
abbés chefs d'ordre pourroient tenter de réduire en
prieurés les abbayes qu'ils fondoient , & qui ont
pris de» précautions contre cet abus. En 1 106 , Ro-
bert , comte de Flandres , agrège l'abbaye deSaint-
Bertin à la congrégation de Cluni , & dit à ce fujet,
en parlant à l'abbé de Cluni : Sjncli Bcrtini rnonajh-'
r'utm vobis refr/fq^ue fucccjforibus cinnlnb lib.rè ordi^
nanditm perpétua jure concedinius , eâ tdmen condi"
tione prctfixd itt abbjtia numquam in prioratum redï-
gatur (i). En 82I , le comte Vaibert donne à l'abbé
Geilo wn terrein nommé Rodunicn, à la cliarge
d'y conftruire , non une fimple habitation dépen-
dante d'un chef-lieu , mais un monaftère , eâ vide-
Ucec ratione , uc nulli alio loco fubjcHus habeatur ,
fcd ibi monajliriifni deo S" pr^AiHis fanais conjîituaf.
D'après cela, ne peut on pas dire que la con-
verfion de certaines abbayes en prieurés eft con-
traire à l'intention des fondaeurs ? Et puifqu'elle
n'a été nullement autorifée par les deux puilTances ,
fpiriiuelle & temporelle , qui ont le plus grand in-
térêt à la confervation de ces titres , ne doit on pas
confidérer ces raaifons religieufes comme étant en-
cure dans leur état primitif, & couféqucmmcnt
comme de véritables abbayes r
Dira-t-on que le laps de temps & le défaut de
réclamation doivent faire préfumer une approbation
de la part des perfonnes qui repréfentent les fon-
caicuvs 6i les deux puifiances. Non , répond notre
auteur. " Pour couvrir un pareil changement, il
)) fcroit néceffaire que les puifiances euffent agi de
)} concert par des afles formels & pour des caufes
)) légitimes. Les titres qui exiftcnt font autant de
)i réclamations perpétuelles contre lefquelles la
» prefcription ne peut avoir lieu, d'autant plus qu'il
(i)Biblioclièque de Cluni , page 5 j8.
Ffff
594 PRIEUR.
r> s'agit (les droits du roi & d'entretenir les fonda-
» lions de fes auteurs , qu'il eft du bien de l'é'^life
}) & de riionneur de l'état de confcrver. Auifi il
}) eft donc vrai que dni;s le temps que le concor-
M dat a été pa<Té , quoique ces monaftères ne fuf-
î) fent connus que fous le nom de prieurés , ils
« étoient véritablement des abbayes , & que les
i> entrepriles qu'on a faites pour renverfcr leur état,
ï> n'ont pu opérer ce changement )j.
L'auteur ajoute que le roi nomme conftamment
aux abbayes de Tiers , de Saint-Martial de Limo-
ges , & à plufieurs autres , quoiqu'elles aient été
loumifes a l'ordre de Cluni ; que par conféquent
toutes les autres abbayes qui ont été fondées
comme telles , doivent être à la nomination du
roi , fous quelque nom qu'on les connoifle au-
jourd'hui,
11 convient cependant qu'entre les monaftères
ai^régcs , foit à l'abbaye de Cluni, foit nux chefs-
d'ordre , il peut y en avoir que les fondateurs ont
voulu y foumettre , avec pouvoir aux abbés de ces
grandes abbayes d'y envoyer, au c:i. de v;icance ,
de leurs religieux pour en être les abbés & les gou-
verner as ec cette fubordmation ; mais il foutient
que cette exception ne peut avoir lieu qu'à l'égard
lies abbayes dont les titres de fondation en dilpo-
i'ent expreHément ainfi.
» Il ne reAe donc plus , dit enfin notre auteur,
M qu'à connoitre le nombre de ces monaflères
» ainfi réduits en prieurés. Le moyen le plus fun-
>j pie Si le plus sûr pour parvenir a cette connoif-
>i (ance , eu d'obliger les collaicurs de ces pré-
» tendus prieurés à repréfcnrer les titres de fonda-
n tion de ces béncHces , ou du moins des aftes
M équivalens £f qui foient en bonne forme; faute
« de quoi le roi pourra y notnmerw.
Nous ne nous permettrons aucune réflexion fur
ce fyflème : il uidit qu'on fâche qu'il n'efl pas en-
core accrédité : c'eft aux arrêts qui le jugeront,
lorfqu'il fera propofé en juftice , à déterminer l'opi-
nion que.nous devons nous en former.
Les prieurés conventuels des Pays-Bas font fou-
rnis , dans les mêmes cas que ceux de France , à la
nomination royale : mii*' la fo!me de cette nomina-
tion y eft différente ; nous en avons rendu compte
fous le mot ÉLECTION.
On a demandé fi cette forme devoir être fuivie
peur les prieurés conventuels qui font en congréga-
tion. Les chanoines réguliers d'Hanfwyck , prieuré
de la congrégrtion de Val-des- Ecoliers, ont foutenu
h négative,& combatu par ce prétexte la nomination
faite par l'empereur de la perfonne de frère Marc
Canthals. La caufe fut d'abord portée au confeil-
privé de Bruxelles , & enfuite renvoyée au grand-
confeil de Malines. L'abbé de Sainte-Geneviève y
intervint pour les chanoines réguliers , & le minif-
tère public pour les droits de la couronne, On
prétendoit d*un côté , que l'éle^lion appartenoit
aux religieux, Se la con firmationà l'abbé général ;
PRIEUR.
on démontroit de l'autre , que l'empereur étoit au-
torifé , par les indulrs de Rome & par une poflef-
fion immémoriale, à faire élite qui bon lui fem-
bloit , & à confirmer l'éledlion ; que les leuls
prieurés triennaux étoient exceptés de cette règle,
qi:e celui d'Hanlwyck etoit perpétuel , & qu'amfi
rien ne pouvoir l'affranchir d'une loi générale &
commune à toutes les provinces Belgiques.
En conféquence, il eft intervenu arrêt, conçu
en ces termes ; <i La cour, faifant droit fur les con-
" clufions du fuppliant ( frère Marc Canthals ) ,
» d:clare qu'il a été dûment pourvu du prieuré
») d'Hanfwick; & difpofant fur celles des confeil-
" 1ers fifcaux, déclare que fa majeflé eft en droit
» de nommer 8c députer à chaque vacance dudit
5) prieuré , des commiffaires , dont un foit de l'or-
» dre du Val-des-Ecoliers, Se de la conférer furie
» pied des derniers collateurs cordamne les
') Refcribens ( les chanoines réguliers d'Hanfwick
» & l'abbé de Saint-Geneviève) , aux dépens du
» différend , au taux de la cour. Pronoacé a Mali-
>' nés le 21 février 1724».
Cet arrêt & les requêtes des cor.feiL'ers-fifcaux ,
qui en contiennent les motifs , font rapportés dans
le recueil du comte de Coloma , imprimé à Mali-
nes en 178 I.
Peut-on pourvoir à un prieuré conventuel par
la voie de co-adjr.torie.'' Cette quefiion a été agitée
dans un grand procès entre M. de Saint Albin ,
archevêque de Cambrai, & M. l'abbé d'Auvergne.
Le 13 feptembre 1717, l'abbé de Lionne , Prieur
commendataire de Saint-Martin-des-Champs, p;iffa
procuration pour demander au pape un co-ad)u-
teur , fur le motif que ion « grand âge ne lui
» permettant plus de remplir toutes les fondions
" auxquelles l'engageoit fa qualité de Prieur ,
» il defiroit procurer à fon prieuré un fuccelïeur ,
» qui pût contribuer dans la fuite à en confervcr
« les droits, & faire revenir, par fon crédit, ceux
" qui avoient été aliénés, ou procurer le paye-
» ment des femmes dues audit Prieuré d.puîs-
>» tant d'années par le roi , loic pour l'alitiia-
» tion de la juffice dont jouiffoii le prieur; , on
" pour d'autres caufes ». Le aa du même mois ,
M. de Saint-Albin obtint en cour de Rome des
bu'les de co adjutorerie, contenant dérogation à
toutes difpofitions canoniques qui y feroient con-
traires. Le 8 oclobre fuivant , le roi donna des let-
tres-patentes pour l'exécution de ces bulles , déro-
geant à cet effet à tous édits &. déclarations qui
pourroicPt y mettre obftacle , pour ce regard feule-
ment & fans tirer à conféquence. Le 13 , les bulles
furent fulminées par l'official de Paris , & le 1 8 elles
furent enregiftrées au grand-confeil avec les lettres-
patentes. Ce n'étoit cependant pas au grand-con-
feil que les lettres patentes étoient adreffées, mais
au parlement. En conféquence , M. de Saint-Albin
en demanda l'enregiftrement à cette cour. Par un
premier arrêt du 21 janvier 1718, le parlement
ordonna qu'avant faire droit , les bulles , les lettres-
PRIEUR.
patentes 8c la requête en enregiftrement feroîent
communiquées tant au coUateur qu'au titulaire du
prieuré. Le 23 du même mois , M. l'archevêque de
Vienne, abbé deCluni, collateur de M. de Lionne,
Prieur commendataire, déclarèrent confentir à l'en-
regiftrement. Le premier donna même une requête
pour réitérer fa déclaration ; & afin qu'on ne révo-
quât pas en doute la liberté de (on confentenient ,
il vint prendre feance ;uj parlement le 7 février ,
Se il fut rendu en fa préfence un arrêt par lequel
»> la cour, ayant égard à fa requête, lui donne
J> a6le de fon confentcmcnt porté par icelle , &
" en conféquence ordonne que lefdites lettres-]îa-
»» tentes &. bulles feront enregiflrées , pour jouir
" par l'impétrant de l'eflet & contenu en icelles ,
» être exécutées félon leur forme & teneur, fi':s
» tirer à confé~]uence 6» J^ns préjudice des droits du
■>■) roi , des iifiges du royaume , iS» des libertés de
'» l'églift gallicane v. L'abbé de Lionne étant décédé
le 5 janvier 1721 , M. l'archevêque de Vienne con-
féra le prieuré à M. l'abbé d'Auvergne fon frère ,
comme s'il eût été vacant par mort. Le 14 janvier
1724, M. l'abbé d'Auvergne, après avoir tenu
ies provifions C-crètes pendant trois ans , fit affi-
gner M. l'archevêque de Cambrai au grand confcii ,
pour voir dire qu'il ieroit maintenu dans le bé;ié
rice. Il y avoit alors près de fix ans que M de
Saint-Albin étoit pofTeiTeur paifible. Le 29 , le roi ,
informé de cette contcflation imporrante , voulut
en être le juge , Si l'évoqua à fon confeil. M.
l'abbé d'Auvergne a prouvé dans fes mémoires ,
f]ueles co-adjutoreries ne font reçues en France que
pour les prélatures , & qu'elles ne peuvent être au-
torifées pour un prieuré conventuel poiTéJe en
commende. M. de Saint-Albin ed aiTez convenu
de ces principes ; mais il a foutenu que la prohibi-
tion d'étendre les co-adjutoreries aux autres béné-
fices, n'étant que de droit pofuif, pouvoit erre
levée par le concours des deux puiiTances , fur-:uut
avec le confentement du collateur ordinaire ; & que
dans le fait celui ci ayant expreffément renoncé à
fon droit , ce n'étoit pas à fon pourvu à le c.jntre-
à.i-<i. Par arrêt du 20 Oéfobre 1725 , le confeil a
déclaré x\î, labbe d'Auvergne nourecevable dans
fa d:'mande.
Nous avons rapporté tous ces détails , pour faire
voir que cet arrêt n'eft pas , comme le croient bien
des pe-fonnes, un préjugé pour la légitimité des
co-adjutoeries de prieurés conventuels.
Quoique les Prieurs conventuels ne foient pas
au rang des prélats (i) , on ne laifTe pas de les ré-
putcr dignitaires, & ils font, en cette qualité , ha-
biles à exercer une commiflion apoftolique. C'efl
C-* que porte la clémentine 2 , di refcriptis.
Sur les autres points relatifs aux prieurés con-
(1 ) Guymicr fur la. pragmatique , ticre de elscliom , ch.ipi-
tre Jîcuf , paragraphe quanti, avance cependant que Fr/or
convmtudis dicitur prœlatus ; mais il ne fonde cette aflercion
que fur le cha^jifce itcrevit , in 6 \ , ^ui n'en dit pas un mot.
PRIEUR.
m
ventuels , voyez les articles CoNVENTUEi &
Commende.
§. IL Des prieurés claujîraux.
On appelle Prieur clauflral celui qui gouverne les
religieux , foit fous un abbé régulier , foit dans les
abbayes ou prieurés qui font en commende.
Uii prieuré claufîral n'eftaiïez généralement coii'
fidéré que comme un fimple oiiîce S'il y a des
maifons où il exifîe en titre de bénéfice, au moins
il ne doune nulle part , à celui qui en cfl pourvu , la
qualité de dignitaire. Ccû la difTérence que met la
clémentine 2 , de refcriptis , entre un Prieur conven-
tuel 6i un Prieur clauf^ral.
De droit commun , lorfque les abbayes font en
règle , les Priei:rs clauflraux font ù la nomination
des abbés, & il dépend de ceux-ci de les révoquer
quand il leur plaît. Aufii les fondions de ces
Prieurs ceffent-elles de plein droit à la mort des
abbés qui les ont commis.
Il y a cependant quelques abbayes où on en
ufe autrement : telles font Sainte - Geneviève de
Haris, Anchin en Artois , Saint Aubert de Cam-
brai : les Prieurs de ces maifons font élus par les
religieux , & on ne peut les deflitucr que pour des
caufes légitimes.
L'iifage particulier de ces trois abbayes , lorf-
qu'cUes font en titre, efl , dans certaines provinces ,
un droit commun pour celfes qui font en commen-
de. Ainfi , dans les Pays-Bas, les religieux qui ont
des abbés cominendataires, choifi/Tent toujours eux'
mêmes leurs Prieurs; mais, comme on l'a vu à
l'article Gr/.nd Prieur , ils ne le font qu';i l'in-
tervention de leurs abbés , qui , en ce cas , font en
droit de voter aux éleétions , foit en perfonne , foit
par procureur.
Nous avoiis cependant fou; les yeux l'expédi-
tion d'un arrêt du confeil d'état du 14 novembre
1694, rendu entre les religieux de Saint Gérard ,
diocèfe de Namur, 8i leur abbé commendataire,
qui « ordonne que de trois en trois ans il fera
" procédé à la nomination du Prieur par les reli-
» gieux capitulairement afTemblés , lequel fera te-
» nu, avant d'en faire les forjéîions, de demander
)> la confirmation à l'évêquc , qui ne pourra la lui
» re^'ufer fans caufe lêgiiirne ;>.
En généial, le droit à la nomination du Prieur
clauftral n'a rien de fixe par rapport aux abbayes
pofîèdées en commende : dans les unes, il appar-
tient aux religieux , dans les autres, à l'abbé. Oa
ne doit confulter en cela que la polTeffion 8c les
flatuts des difTérens ordres.
Lorfque l'abbaye eft en lêgle, le Prieur clauflral
efl fubordonné à l'abbé dans toutes les fonéî'ons
de fon ofKce ; & on peut alors lui appliquer ce
que dit faint Benoît du Cellerier ,fine juffiune ab'
bâtis nihil faciat omnia nienfuratè facial ^ A"
cundùm jtijjîonem abbatis omnia tjuœ ei injunxen^
abbas, ipje luiheat fub cura fiiâ^ â quibus eum prolii-
buerit non prccfumat,
Ffffij
596 PRIEUR.
On a établi au mot Commende , que dans les
abbayes qui font poflédées à ce titre , ce n'eft point
aux abbés , mais aux Prieurs clauftraux qu'appar-
tient le gouvernement rpirituel. Ce principe a été
confirmé par l'arrêt du 14 novembre 1694, que
nous venons de citer. Voici ce qu'il porte à ce
fujet : « Pourra ledit Prieur exercer toute juridic-
j) tion Ipirituelle immédiate, donnera l'habita ceux
» que le chapitre aura admis au noviciat, & rece-
j> vra les novices qui aurorit été pareillement admis
j> par le chapitre à faire profefTion ».
Quelques canoniftes , & entr'autres Van-Efpen ,
exceptent de cette jurirprudcnce les abbayes qui
font pofîeoées en commende par des cardinaux ;
ma s cette reftriflion n'eft pas admifc en France :
diftérens auteais citent , comme un monument de
fa profcription , l'arrêt du grand confeil du 30
mars 1694, que nous avons rapporté ;i l'article
Grand Prieur. C'eft une méprife. Il c{\ vrai que
cet arrêt déboute te cardinal d'Eftrées de fa préten-
tion au droit excUifif de nommer le grand Prieur
de l'abbaye d'Anchin , qu'il tenoit en commende :
mais on ne peut en tirer aucune conféqucnce pour
les autres abbaye* ni même pour les antres parties
du gouvernement fpirituel de celle d Anchm ,
parce que les religieux de cette maifon ayant ,
comme on'l'a dit ci deffus , le droit délire leur
grand Prieur lors même qu'ils ont un abbé régulier,
fe cardinal d'Eftrées ne pouvoir avoir aucun pré-
texte pour s'en faire adjuger la nomination.
Mais un arrêt qui prouve diredement que les
abbés cardinaux n'ont pas en France le droit que
leur attribuent les canonifies à l'adminiAration in-
térieure des abbayes dont ils font commendaraires ,
cil celui du 19 feptembre 1697, qui a été pareille-
ment rendu au grand confeil entre le cardinal
d'Eflrées Si. les religieux d'Anchin. Cet arrêt, qu'on
ne trouve pas dans nos livres, mais que j'ai entre
les mains , déclare qu'il y a abus dans Its provi-
fions données par le cardinal , tant pour les offices
clnuflraux de trélorier & maître des bois de l'ab-
baye , que pour la place de préfident ou princi-
pal du collège d'Anchin de Douai ; ce faifant ,
maintient & garde le grand Prieur dans le droit
& poflciîîon de commettre , révoquer , inilituer
& deflituer , en la manière accoutumée , à la pré-
fidence de Douai , & à tous les offices clauftraux
dépendans de l'abbaye.
L'ordre de Cluni nous offre , par rapport aux
Prieurs clauftraux ,. un ufage fingulier dont il faut
ici rendre compte. "Cet ufage, dit M. Piales,
3» fon lé fur les principes de l'équité n.ntnrelle ,
» établi par des décrets des clmpiire': généraux , &
« confirmé par des lettres - patentes dûment en-
j> reeiftrées, confifte à donner au Prieur clauftral
}> de chaque monaftère une double menfe ou une
» portion double. 11 a été introduit à l'imitation
n de ce qui s'étoit pratiqué dans les partages des
» raenfes capitulaires des églifes cathédrales &
n collcgiales, où ftuus voyons que le ciief de la
PRIEUR.
» compagnie jouit communément de deux pré^'
» bendes , quelle qae foit fa qualité , foit celle de
» doyen ou de prévôt. Le chef d'un corps, d'une
" compagnie, d'une communauté féctiliére ou ré-
» gulière, eft toujours expofé à une plus grande
w dépenfe que les fimples membres qui ne font
» point en dignité. Il eft obligé de d-onner à man-
» ger de temps en temps à la compagnie & a dif-
» férentes perfonnes qui y ont rapport. Il ne peut
» fe difpenfer, pour le bien du corps, d entrete-
» nir certaines relations , qui donnent toujours
" lieu à certaines dépenfes. S'il vient quelqu'é-
» tranger qui ait quelque affaire avec la compa-
» gnie , c'eil communément au chef qu'il s'adreffe.
" Combien d'autres devoirs relatifs à la fociété ci-
» vile qu'un chef eft tenu de remplir, & qui le
» mettent dans la néceffité d'avoir plus de do-
" meftiques & un logement plus vafte que ce-
» lui des fimples particuliers! Un chef eft préfumé
» être le premier par fon mérite , auffi bien que
» par fa place. Il lui faut doue une plus grande
" quantité de livres & autres meubles , qu'aux
» fnnples membres de la compagnie. Par ces dif-
" férentes raifons , le revenu qui fuffit à un cha-
» noine ne fulHt pas à un doyen. Ces motifs mi-
'> litent en faveur des Prieurs clauftraux , pour
» leur faire attribuer une double menfe dans tous
» les monadères où chaque religieux a fa portion
>» en menfe féparée. S'ils ne militent pas avec la
» même force en faveur des Prieurs clauftraux
» des monaftères où il n'y a qu'une menle com-
" mime , du moins militent-ils en faveur de la
» communauté. Auffi toutes les fois que les ab-
» bés & Prieurs titulaires &c commendataires des
)j abbayes & prieurés de l'ordre de Cluni , tant
» de l'ancienne que de l'étroite obfervance , ont
)» entrepris de contefter aux Prieurs clauftraux leur
» double menfe , ils ont été condamnés à la leur
)» payer à raifon de trois cents 1 vres par an , &
)) cela , foit que la communauté des religieux
» jouiffe d'un tiers des biens du monaflêre en
)» vertu d'un partage judiciaire , foit que les reli-
» gieux ne jouiffent que d'une fimple penfion ou
» ponion monachale »>.
M. Piales rapporte enfuite deux arrêts qui jufti-
fient ce qu'il avance. Le premier a été rendu au
grand confeil, le 16 mai 1735 , fur les conclu-
fions de M. l'avocat-général Bignon , en faveur
du Prieur clauftral de Lhoris en Santerre , contre
le fieur Ozenne , Prieur commendataire de ce
prieuré. Le fécond eft du 6 février 1744 ; il a
été rendu fur les concUifions de M. l'avocat gé-
néral le Bret, entre le Prieur titulaire 6c le Prieur
clauftral de faint Martin de Layrac.
§. III. Des prieurés forains.
Les prieurés forains font ceux qui dépendent
d'une abbaye ou prieuré conventuel , & en font
en quelque forte partie. On les connoît auftî en»
certains endroits fous le nom de prévôtés».
PRIEUR.
On en diftingue de deux fortes : les uns font
appelée fimples , les autres fociaux.
Les prieurés forains fimples font ceux dans lef-
quels il n'exifte point de conventualité ; & l'on
entend par prieuré focial , celui dans lequel p!u-
fieurs religieux du monaftère d'oii il dépend , vi-
vent enfemble fous la conduite d'un Prieur,
Cette diflJnftion vient du relâchemtnt de la dif-
cipline monaîîique. Les lois de l'églife & de ie-
tat ont toujours exigé que la conventualité iût
établie & maintenue dans les prieurés forains. Le
chapitre 44 du capitulaire d'Aix-la-Chapelle, tiré
du règlement fait dans l'afTemblée des abbés , te-
nue en cette ville en 817, par ordre de Louis le
Débonnaire, qui l'approuva enfuite , porte, qu'il
eft permis abbjtibus habere celUs in quibus aut mo-
nachi fini aut canonici; Si. veut que l'abbé provi-
deat ne minus de monachis ibi hjbiljre perwitlat
quàm fex. Dans la fuite , on a fixé à trois le nom-
bre des religieux qui doivent habiter chaque
prieuré forain. Le concile de Montpellier , de
1214, & la clémentine in agro, en contiennent
des difpofitioiis expreffes , & veulent que fi les
revenus d'un prieuré ne fufEfent pas pour rem-
plir cet objet , on unifTe plufieurs petits prieurés ,
à la charge de faire dtffervir par des eccléfiafti-
ques féculiers , ceux où il n'y auroit plus de re-
ligieux rcfidens. Mais ces réglemens & plufieurs
autres femblables , rapportés à l'article Conven-
tualité , n'ont produit , comme on l'a vu au mê-
me endroit , que des fruits iràs-imparf;iits.
On a cependant tenté de les faire revivre , &
même de les étendre par l'article 10 de l'édit du
mois de février 1773 » concernant les réguliers.
Cet article fait àé{in(e aux. Prieurs forains de ré-
fjder ddns leurs prieurés , à moins qu'il n'y exifte
une conventuslité régulière ; & leur ordonne de
fe retirer & vivre dans les monaftères auxquels
ils font attachés.
Cette difpofirion eft générale, elle embrafTe par
conféqucnt tous les prieurés où il fe trouveroit
moins de quinze religieux, fans compter le fii-
périeur , pour les monaflères non réunis en congré-
gation; & moins de iniit religieux , fans compter
le (upérieur , pour ceux qui font fous chapitres
généraux , puifque l'article 7 de l'édit du mois
de mars 1768 a déterminé par ce nombre le
caraélére de leur conventualité.
Mais il y a tout lieu de croire que les circonftan
ces dans lefquelles la première de ces lois a été
portée & eiiregiftrée , en affoihliront toujours l'au-
torité , & la feront infenfiblement tomber dans
l'oubli. Déjà même le roi l'a expreffément révo-
quée , pour le reffort du parlement de Flandres ,
•par une déclaration du 17 décembre 1774, qui
veut , article 11 , « que les prévôtés , prieui.'s ou
3) dépendances defdits mona/lères , dans lefqutls
>i il n'exifîeroit plus de conventualité régulière ,
« continuent d'être habités , ainfi qu'ils l'ont été j
:j ci-devant, parles religieux que les fupérieurs J
PRIEUR. 597
» defdits monaflères jugeront à propos d'y en-
» voyer ».
Les abbayes d'Artois ont pareillement obtenu
au confeil un arrêt du 18 avril 1778 , qui furfit, à
leur égard , à l'exécution de l'édit du mois de fé-
vrier 1773 , & ordonne fpécialemcm qu'il ne fera
rien innové en ce qui touche les prieurés & pré-
vôtés de leur dépendance.'
Il a été i\n temps où certaines religieufes avoient
auflî des prieurés forains , dans lefquels elles fai-
loient leur réfidence. Sœur Geneviève Mailliart
s'étant fait poursoir en cour de Rome du prieuré
de Mirabeau , fur la réfignation de fœur Anne Pi*
nart, fœur Catherine Govaut en obtint des provi-
fionsà titre de devolut, fondé fur l'indignité de la
réfignataire. La caufe portée à l'audience de la
grand'chaiiibre , fur l'appel d'une fentence des re-
quêtes du palais , M. l'avocat général Bignon ob-
ferva qu'il y avoir , de la part de fœur Maillarr,
de l'ordure <y de la honte; que cela arrivoit, parce
que le prieuré étoit champêtre , & qu'il étoit im-
portant que la cour y poi^rvût par fa prudence ,
afin de tarir la fource de tels fcandales. Par arrêt
du 4 juin 1637, rapporté dans le recueil de Bar-
der, u la cour mit l'appellation au néant, évoquant
» le principal & y fniiant droit , maimint & gardi
" fœur Catherine Govaut en la pofleflion & jouif-
» fance du prieuré contentieux , à la charge de
V n'y point réfider , mais de fe retirer dans un cou-
" vent & maifon régulière ; & à la charge pareil-
» lement de ne pouvoir le réfigner , & qu'après
Ti fon décès , il feroit pourvu par l'archevêque de
■>■> Sens à l'union diidit prieuré à l'abbaye du Val-"
» de Grâce , d'où il dépend 5».
Une des plus importantes queftions qu'il y ait!
fur la matière des prieurés forains , foit fimples ,
foit fociaux , efidefavoir quelle eft leur véritable
nature , c'eft-a- dire , s'ils exiftent en t^tre de béné-
fices, ou s'ils ne forment que de fimples obédiences
ou adminiftrarions.
Pour repandie fur cette queftion tout le jour
dont elle eft fufceptible , il faut remonter à réta.
bliiTemeni des prieurés forains , & leS' confidérer
dans les difiérens états par lefquels ik ont pafTél
On peut réduire ces états à tiois époques principa-
les , qui font l'origine des prieurés , le troifième
concile de Latran de 1 179 , & le concile de Vienne-
tenu en 13 1 I.
Plufieurs caufes ont concouru à donner naiftance
aux prieurés forains. La première , & la plus com-
mune , a été une raifon d'économie & de faee ad-
miniftration. Lorfque les monaftères eurent été
enrichis , foit par la libéralité des fidèles, foit par
les travaux des pieux (olitaires qui venoienr s'y
retirer, on' fut obligé d'en partager le gouverne-
ment temporel , & d'en charger différens reli-
gieux. Le iupérieur du monaftère , ne pouvant être'
par tout , envoyoit quelques-uns de fes inférieurs-
dans les différentes fermes qui en compofoient le
patrimoine, pour en faire valoir les biens, en raq*-
5^8 PRIEUR.
porter les fruits à la menfe commune , veiller fur
les colons , & contenir les ferfs dans le devoir.
"Ces adminiflrations, connues dans les auteurs ec-
cléfiaftiques fous le nom de cclUs , granges , fermes
ou oraroires , étoient des places fubordonnées &
toujours dépendantes ; le hipérieur pouvoir Its
révoquer quand il le jugeoit à propos. Comme il
etoit défendu d'envoyer un religieux hors du mo-
naftère pour vivre feul tk i'ansrégle , l'abbé donnoit
des compagnons à ces adminiflrateurs , & ceux-ci
tirèrent de là le nom de priores , premiers , ou de
prtzpcfiti , prépofés.
Une autre caufe donna lieu à la formation des
prieurés forains. Souvent les monaflères étoient
n'rs d'état de contenir le grand nombre tic reli-
gieux qui veuoient y chercher un afyle contre la
corruption du fiècle ; dans ce cas , on envoyoii
une colonie dans un des domaines de l'abbaye, &
ces religieux croient fubordonnés à un chef ou
Prieur , qui pouvoir , comme eux , être dcditué c«:
rappelé au monaftère par le fupérieur (i).
Enfin il arrivoit aufli dans ce temps ou la faVv.ur
des moines leur attiroit cette confidération qui
fuit prelque toujours la vertu , que des feigneurs
dèfiroient d'en avoir quelques-uns dans leur voifi
nage , pour protiter de leurs inrtruélions & dejciirs
bons exemples. S'ils n'étoient pas affez riches pour
tonder un monaftére capable de fe foutenir par
lui-même , ils piioient un abbé voifm d'envoyer
dans leur terre un certain nombre de religieux, ils
leur bâtifloient une retraite & un oratoire, &. ces
établiflemens devenoient des membres dépendans
des abbayes d'où ces» religieux avoient été tirés (i).
Mais de quelque manière qu'il arrivât qu'un pe-
tit monaflére s'établit ainfi par une colonie tirée
d'un monaflére plus confidérable , les biens de l'un
ou ne ceflbient pas d'être ou devenoient ceux de
l'autre ; l'abbé de celui-ci n'en laiflbit au Prieur ou
prévôt de celui-là , que ce qui étoit néceflaire pour
fon entretien & la fubfiilance des religieux char*
gés d'y célébrer le fervice divin. Cette dépen-
dance étoit de droit à l'égard des prieurés formés
du patrimoine des abbayes , c'eft-à-dire , par l'une
des deux premières caufes que nous venons de
(l) CJn trouve clans Ja chronique àe CTinluay. écrire j,>r
};audry , évcquc de N'oyon , liv, a , chao i , jage -4 \ , un
txeaipie d'un tialilifleaicnt de cette cptve. Il j;a L- rie ja pré-
vôté de Berclau , dipendanre dt l'abhave Je î\\\v. Na.i:;
trAtiJS. £/î <ii.rf;n vicui ex reb-is fancli V.^aji , luuniuc Ber-
clau:., It.uc erF^o Heduiaus cbbas, confiderat.i r.i uyportuui
t-te , Ttioiiillei-iumfundare difpofulc , fiou'dem ei epifcujalis
eiiftorita^ afpirare:. Quipp? duplJci u;ufar:s cùmperciitir p;o-
vifo , qi.o.i in'.b, n'Je./c.-r partcm ex Tnon,.c,:is OLi a i cwn^b um
fantli Vedajii frequendores conjluxerant , deleg^rei , (y boni
tccUfiiE circumjactntia tutiùs pojjldertmur. On recon.ioîc ici
deux des caufes qui ont contribué à rétablifTenient des
Prieurés, t ". La décharge de l'abbaye de faint Vaail , de n. fa
communauté étoit devenue trop nombreufe ; 1°. la fureté &
Ja bonne adminilltation des biens de cette abbaye.
(i) Voyez-en un exemple dam Aubère de Mire , diphmata
Btlgica, cap. $4.
P RI EUR.
rappeler ; mais elle avoir aufli lieu à l'égard de
ceux qui s'étoient établis de la troifième manière.
C'eft la remarque du père Mabillûn dans fes anna-
les de l'ordre de faint Benoît, tome 1 , livre cj ,
page 260 , n. 41 , & tome 2 , livre 24 , page 2.07 ,
où il rapporte l'exemple de la celle de faint Goar,
qui fut donnée par Charlemagne au monaflèie de
Prum : Hanc celiam monajleùo Prumicc regio diplo-
mate tradidit in perpelutim deinceps cum rébus fuis in
ufus^fiairum ibidem fervientium cejfuram.
Tel k\t. allez généralement l'état des prieurés fo-
rains jufqu'au troifiéme concile de Latran de 1 179.
A cette époque, il s'introdi.ifit dans ces petits mo-'
nallères un aôus qui infenfiblement opéra un chan-
gement total dans leur manière d'exiftcr. Le troi-
fiéme concile de Latran avoir établi pour inaxime ,
qu'aucun religieux ne pouvoir avoir un pécule ,
mais il en avoit excepté les officiers du monaflére
à qui l'abbé auroit permis d'en tenir un , non pour
le polléder en propre , mais pour l'employer aux
dépenfes communes qu'ils étoient obligés de faire
dans l'exercice de leurs fonélions. Les officiers
clauiliaux ayant étendu fort loin cette exception,
les Prieurs forains , qui ne fe croy oient pas d'une
condition moins avantageufe , s'emprefsérent de
fiiivre leur exemple: en coniéquence, ils prirent ,
comme a foif.nt, les adminiftratioiis auxquelles ils
étoont prepolcs ; ils fe chargèrent de la dépenfe ,
& l'cbb; fe contenta d'exiger d'eux des penfions
modiques. Bientôt ces adminiflrations fe donnèrent
à l'enchère ; fabb: força les penfions , &. les aug-
menta a un poiiit , qu'il ne reftoit plus aux Prieurs
forains un revenu fiifnfant peur entretenir le nom-
bre ae religieux qui dévoient les accompagner.
Le pape Grégoire IX chercha à remédier à cet
abus par fa bulle de l'an 1232 , adreffée à l'ordre
de Cluni : Quoniam , ce font fes termes , abùas ClU'
nicil^ijls, uec non abbjtes & Priores e]ufaern ordinis ,
prîiiratus fibi fubjctlos exaBionibus <y extorjîonibus
conjueveiunt cidib ag^ravare , qubd in eifJ<.m prlo'ati-
bus antiquus Ct" conjuiius monuch^rum ni>meru.< eft ni'
niiiim dimiuutus , nos dt cat.ro fieii fub attefurione
liivuii judicii prohibrmus.
Cette bulle ne condamnoit que l'excès des pen-
fions. Le concile de Sauini;r , de l'an 1253 , alla
plus loin : il défendit d'en inipofer de nouvelles , Sc
même d'cxij^r celles qui n'avoient été impofées
que depuis un cettain temps ; ce qui fut exprefie-
ment confirmé par la bulle de Hicolai. iV, de l'an
1190.
Ces réglemtns ne touchoicnt nuUement à la
nature des prieurés forains. Ils ne tendoient qu'à
tn pitvenir la ruine ; .-.uffi remarquons-nous que
diius le temps même vi\ ils ont paiu, c'cft-à dire,
dans le treizième fécie, on icgaidoit encore les
p'ieiîrés forains comme de fimplts adminiflrations.
Plfficuis r^l'gicux avoieni tei.té d'obtenir en cour
de Rome des refcrits , pour être maintenus pen-
dant toute leur Nie d.ms les obédiences qui leur
étoient confiées. Le pape Innocent 111 s'tlève avec
PRIEUR.
force contre cet abus dans les décrébles ad nof-
tram 6* porrecla, de confirmatione iitiîi vet inutUi.
Si ces lettres, dit le pontife, portent que limpé-
trant eft un religieux, elles font faufles ; parce
que nous n'en avons point accordé de fembla-
bles. Si au contraire l'impétrant avoir la qualité de
rci.^ieux, elles font nulles & fubreptices (i). Ce
n'étoic donc pas encore l'ufage de donner ces ad-
miniftrations à perpétuité ; & fi l'on en voyoit quel-
ques exemples , ils étoient l'eiVet de la fraude &
de la furprife.
Les abus même de ce fièclc juftifient cette vé-
rité. Les abbés, pour gratifier des clers féculiers,
imaginèrent de leur donner des places monachales
dans les prieurés , où ils vivoient avec les reli-
gieux : d'un autre côté , des Prieurs forains ob-
tenoient des refcrits de Rome , pour réfider feuls
dans leurs prieurés. Le pape Honoré III réforma
ces deux abus ; le premier , par la décrétale ea
qucz , de jlutu monachorum , Si le fécond par les dé-
crétales ex parte & ad aud'untiam , de capeUis mo-
nachorum. Àinfi , plus les religieux du treizième
fiècle faifoient d'efforts pour fecouer le joug de la
difcipline monalVique , plus les papes s'appliquoient
à la maintenir dans toute fa vigueur , fans per-
mettre ni aux abbés d'abufer de leurs pouvoirs
pour emplpyer à leurs ufages les revenus des
prieurés forains , ni aux Prieurs de fe faire des ti-
tres pour polTéder à vie & fans charge de rendre
compte, des revenus dont le foin leur ctoit confié
à tiire d'obédience 6t de pure adminiftration.
Il faut convenir cependant que les papes eux-
mêmes ont , dans ce fiècle , fait taire aux prieurés
un grand pas vers la qualité de bénéfices. Déjà
Nicolas IV , par fa bulle de t 290 , adreffée à l'ordre
de Cluni , les avoit exp"efTé;nent fournis à la dévo-
lurion. Déjà Innocent III avoit déclaré , dans le
chapitre JÙw ad rnon.zfierium , de jÎJtu monachorum ,
qu'un Prieur forain ne peut être deftltué & rappelé
à Ion monafière, fans une caufe légitime , nec alicin
cummittdiur aliijLa chedïtrtîij perpétua pojjidenda ,
tûnqutim in fud fibi vitd Lcetw ^ fed CUM OPOR-
TU I RIT amoveri , fine concradiRione quallbet revoce-
/«r. Déjà les commendcsde ces prieurés, en faveur
des clercs féculiers , étoient devenues affxz com-
munes ; & coiTime les commendataires n'étoient
pas fiije's à la loi de la révocation, eft-il étonnant
qu'on f"e foit accoutumé peu-à-peu à attribuer au
litre la perpétuité quine venoit que de la pcrfonne ?
Tel éioit l'état des prieurés , lorfque s'cft tenu
le concile général de Vienne , en 1 3 1 1. Les décrets
qu'il fit fur ces établiffemens ont paru fi intéreffans ,
(i) Cùir. i.^itur.1 cancellaiià noftrà hujiifmodi litts-ras ema-
nillc non creJjiiius , mandamus quatenus illos qui talïs lit-
teras exhibuciint , in quibus ptioratus vel aJminilhationes
tanquàm teligiclîs confcrantur, eofdem punias tanquam fal-
fitatis aiaores. Si verô in eis non Ht mentio reiigionis ipfo-
ruii) , ilLs canquam tacità veritate fubreptas Jeiiundes non
vaJere.
PRIEUR. 599
qu'on les a inférés dans le corps du droit canoni-
que , où ils forment les clémentines ne in agro , de
Jlaiu monuch rum , ^ quia, rcgulares , de fupplendâ
negligentid prczlatorum.
Par les décrets contenus dans la première de
ces lois , le concile de Vienne, eu défendant aux
religieux de réfider feuls dans les prieurés , ordonne
aux abbcs de faire réunir , par l'autorité de l'églife ,
ceux de ces bénéfices dont les revenus ne fulîifent
pas pour !a fubfifiance de deux religieux au moins.
Il règle l'âge & les qualités néceflaires pour être
nomme à ces prieurés & adminifirations r.gulières:
il veut que les pourvus foient profès & âgés de
vingt-cinq ans pour les prieurés conventuels , &
de Vingt ans au moins pour les autres : il exige
qu'ils ioient prêtres , ou tenus de fe faire promou-
voir au (acerdocc dans l'année de leurs provifions ,
ou au plus tard à l'âge de vingt cinq ans : il les
oblige à une réfidence exai5te , & leur défend même
de reiider dans le principal monaflère , fi ce n'efl
pour un temps & pour de juftes caiifes.
La clémentine t/ui.j reguiares , ajoute, en renou-
velant quelques lois particulières du treizième fiè-
cle, î°. que les abbés difpoferont des prieurés dans
les fix mois de la vacance , & qu'après ce délai ,
les évéques fuppléeront à leur négligence , en con-
Ji^rant par droit de dévolution : 2' . que ces mêmes
abbés ne pourront s'approprier les revenus des
prieurés , ni même leur impofer de nouvelles pen-
lions ou augmenter les anciennes: 3". qu'on fui-
vra , à l'égard de ces prieurés , la décrétale du pape
Boniface VllI , par laquelle il eft défendu aux pré-
lats & autres de s'emparer des fruits des bénéfices
vacans: 4". qu un religieux ne pourra réunir fur fa
tête plufieurs prieurés à-lafois , quand même ils
femient fans charge d'ames.: 5°. que toutes ces
ciiipofirions ne concernent pas les prieurés unis à
1.1 menfe du principal monafière , prizmi(fa vero Jt
pnorutibus , tcclefiis adininijlrationibui & beneficiis
intellig mus quiZ non funt de memâ prœlitorain ipfo-
rum , mais feulement ceux qui font gouvernés par
des Prieurs , adminiftrateurs ou régiffeurs particu-
liers, y'fii'y/^^iVii/^i Pnores , adminijîrutores feu rec-
torei conjueve-unt habere , quoique ces Prieurs ou
adminiî^rateurs puifient être rappelés au monafière
pour des caufes légitimes, licet Priores ,feu admi-
nij} ratures Libéré pojjint ad claujirum , ciim oponuerit y
rcvocari.
Cette quatrième difpofitlon peut fervir à éclair-
cir bien des doutes & à difiïper bien des équivo-
ques qifon élève ordinairement fur cette matière.
D'abord elle excepte des décrets du concile les
prieurés unis à la menfe abbatiale ; & de peur
qu'on ne regarde comme tels tous ceux dont les
poffeiTeurs font tenus de rendre compte à l'abbé ,
elle décide formellement que cette exception eft
limitéa?aux prieurés qui n'ont point de Prieurs ,
d'adminifirateurs ou de régi/Teurs particuliers. En
fecor.d lieu, elle déclare, conformément au chapi-
tre c/^/W «Jti mo/iajïetiurn y rapporté cl- devant, que
6o(
PRIEUR;
les titulaires de ces prieurés, qu'elle a qualifiés un
peu plus haut de binénces, peuvent être deflitués
& conrraints de retourner au monaflère principal ,
cùrn oportnciit , lorque de juftes raifons l'exigent.
Il eft donc prouvé par-là que l'amovibilité du
Prieur n'empéclie pas que le prieuré n'exifte en
fitre de bénéiice. C'ert aurtï ce qu'enfeienent Gar-
cias , de bénéficies , partie i , chapitre i , feélion i ;
Lotherius , de re beneficiariâ , livre i , queftion 33 ,
n. 1 1 ; le gloflateur de la pragmatique , titre d^
collaiionibus , §. irerrt cjuoJ ad diùlas ; Rebuffe au
même endroit; M. de Selve , de beneficiis , partie
3 , queftion ai ; & on a donné au mot BÉNÉFICE ,
tome 2, la raifon fondamentale de cette dodrine.
Faut-il donc dire que le concile de Vienne a
érigé tous les prieurés forains en vrais titres de bé-
rétice ? Il eft difficile de ne le pas penfer ainfi ,
quand on prend l'enfemble de tous les décrets de
cette a/îemblée ; quand on voit qu'elle a affiijetti
tous les prieurés qui ne font point de mensâ,h la
loi dfc la dévolution ; quand on voit qu'elle a auto-
rifé les évêques à les conférer en titre après les fix
mois de la vacance , quand on voit qu'elle a dé-
fendu aux abbés de s'en approprier les revenus ,
même pendant la vacance; quand on voit qu'elle
leur a appliqué le décret du troifième coocile de
Latran , qui défend aux coUatcurs d'impofer des
cens fur les bénéfices dont ils difpofent ; & qu'enfin
elle déclarerons ces prieurés incompatibles les uns
avec les autres , même lorfque la charge des âmes
n'y eft point annexée. Il faut en convenir, quoique
chacune de ces dirpofuions féparées ne foit pas
fuffifante pour établir que le concile a, par un
règlement univerfcl , imprimé le caraélère de béné-
fice à tous les prieurés & admini/îrations réguliè-
res , néanmoins , réunies & confidérées fous un
point de vue qui les embraffe toutes à-la- fois, elles
femblent annoncer que telle a été l'intention des
pères du concile.
Aufli voyons-nous Dumoulin , ce flambleau de
notre jurifprudence canonique & civile , appli-
quer la règle des vingt jours aux prieurés même
rcvocahlss ad n tum. Voici comme il s'explique:
Ecidinfi fini pnoraînillhiie revocabïlei ad nutum... h(ZC
etiam f.iciunt nnnieruin in mandatis papce , lU olim
tetnpore pragmaticz , iinfe concordats , fjcicbant lur-
num in nomïnatis & gmduatis. Il n'excepte de fa dé-
cifiou que les prieurés de mensa, conformément au
concile de Vienne j/ffii de unitis menja: qiiçz inter
bénéficia nullomoio computantur, ( Sur la règle de
infirmi"^ , n. 320).
Comment d'^aiUeurs contefter que les prieurés-
adminiftrations aient été de vrais bénéfices depuis
le concile de Vienne , quand on voit que le con-
cile de Ba(!e,la pragrr:a:!.jue S: le concordat les ont
affujettis a l'expeéiative des gradués (i) ?
(1) Qiioii 11 quis... cniuraptacii£tum orJinemde beneficiiï,
4iÊ^a^ibus, perfonacibus oUitiis & ADM^NiSXRATIONIBUS
PRIEUR.
Et c'ert ce qui a été juge par plufieurs arrêts*
Nous en trouvons un du parlement d'Aix du 30
juin 1744; il a été rendu entre M. dEfclapon ëc.
les religieux de Lerins , au fujet des prieurés de
Valauris èc de la Napoule : on les foutenoit fimples
obé'diences ; l'arrêt les a jugés bénéfices. Il eft rap-
porté dans les confultations de d'Héricourt , tome
»» page 79-
Le parlement de Paris a décidé la même chofe
en 1766 au fujet du prieuré de Bar: la conteftation
étoit ciitre les religieux de Saint-Mihiel , &c le fieur
le Fevre , pourvu en cour de Rome. Un autre arrêt
de la même cour du 26 janvier 1768, a pareille-
ment jugé en faveur de l'abbé de Saintignon , ré-
galifte , contre les religieux de Marmouriers en
Alface , que le prieuré de Saint-Quirin étoit un
vrai bénéfice , & comme tel , lufcoptible de l'im-
prefiîon d'un brevet de régale.
Cependant on ne peut i'e cacher que le concile
de Vienne n'érige point exprcftement les prieurés
forains en bénéfices ; il en parle , à la vérité ,
comme s'ils l'étoient àpeu-près tous; mais ce n'eft
point lui qui les rend tels , il les laiflédans l'état
où il les a trouvés ; & quoiqu'il les aft'ujétifle à
certaines lois qui jufqu'alors ne s'étoient guère
obfervécs que pour les bénéfices , on ne peut pas
dire pour cela qu'il les dénature. Appliquer à un
établiffement une loi faite peur les bénéfices ,' c'eft
ailimiler cet établifleraent aux bénéfices dans un
poirft ; mais ce n'eft pas rér:ger en bénéfice. Une
chofe peut refl"embler à uue autre, être foumife
aux mêmes lois à certains égards , fans être identi-
quement la même.
Le concile de Vienne n'a eu d'autre objet que
de réformer différens abus qui s'étoient introduits
relativement aux prieurés , foit bénéfices , foit fim-
ples adminifîrations. Un premier abus étoit de les
laifter vacans ; un fécond , qui étoit la confé-
quence du premier, c'eft que les abbés s'empa-
roient des revenus & en faifoient leur profit ;
enfin un troifième abus étoit d'en donner plufieurs
au même religieux.
Le concile remédie à ce triple abus ,& il dit:
Il n'eft pas queftion d'examiner fi un prieuré eft
bénéfice , ou fi ce n'eft qu'une fimple adminiftra-
tion. Dans l'un & dans l'autre cas, il faut remplir
l'intention du fondateur , qui a voulu qu'il s'y fît
un fervice particulier , & qui a fixé la deftination
des biens au foulagement des habitans des lieux.
Dans l'un & dans l'autre cas , l'adminiftration d'un
prieuré , la defTerte de l'oratoire qui y eft conftruit ,
eft incompatible avec une autre adminiftration du
même genre , parce qu'on ne peut être en plufieurs
(jiiovifmoilo dirpofuetic , eo ipfo (îtitritum & inane. Texte
de lafragmatiqut , au. titre de collacionibus.
Ordinarii tertiam partem omnium dignicatum , perfona-
tum , ADMINISTRATIONUM , ccetetorumque benefidoruin....
graduatis.... conferre ceaeantur. Ttxce du concordat , au.
mé/ns titre.
lieux
- " PRIEUR;
lieux à-la-foîs. Ainfi , dans Tun & dans l'autre cas J {
le prieuré doit être rempli, foit d'un titulaire , foit
d'un adminiftrateur; il doit être donné en titre ou
en commifîion , committi vel conféra.
Si le concile eût voulu ériger tous les prieurés
en titre de bénéfices, il l'auroit dit exprelTément.
Au lieu de leur appliquer l'une après l'autre trois
des lois relatives aux bénéfices , il auroit dit : Les
prieurés, ceux même qui n'étoient jufqu'ici que
de fuuples adminiflrations , feront déformais des
bénéfices ; nous les érigeons coinme tels, & com-
me tels ils feront fournis à toutes les lois des béné-
fices. Il auroit dit : les Prieurs ne. feront plus des
adminiflrateurs révocables, ils feront tous titulai-
res & bénéficiers. Il auroit dît : on ne confiera plus
les prieurés à temps , on ne les donnera plus par
commiiïion , mais on les conférera. Or, loin de
trouver ces idées dans le concile , on y voit tout
le contraire : il ordonne de commettre zwx prieurés ,
ou de les conférer; la différence de ces exprefîions
indique affez la différence des objets auxquels cUe'i
s'appliquent. Le concile reconnoît donc que p;irmi
les prieurés il y en a qui ne font point bénéfices.
En un mot , le concile paroît bien fuppofcr que
la plupart des prieurés forains exiftent en ii:re de
bénéfices ; mais cette fuppofition n'efl poùu une ,
difpofition pour tous ; il en réfuhe , à la vérité ,
que le droit commun efl pour h qualité de béné-
fice, & que dans le doute on doit préfumer qu'un
prieuré efl tel: mais ce droit commua peut ère
écarté, cette préfomption peut être détruite par la
preuve d'une poffeffion contraire.
Les exemples viennent en foule confirmer ce
que nous avançons. Suivant un certificat donné \-i
ao février 1693 par le Prieur '^^ l'abbaye de faint
Vlélor de Paris , « toutes les adminifirations des
)) prieurés forains qui en dépendent , ne font que
)) des commifilons , toutes révocables ad rutumn.
Ceft en effet ce qu'ont jugé fix arrêts du parlement.
Les fénieursdela chambre de faint Vi'fior avant
révoqué frère Jean Defcouis, qu'ils avoient co:u
mis à l'adminiOration de Villers le-Bcl , il fe pour
vut en cour de Rome pour empêcher fa révocation.
Sur l'appel comme d'abus interjeté par les fenleurs ,
arrêt intervint en 1470 , qui déclara y avoir abus ,
&: maintint dans fo!: adminirtration le religieux qui
avoit été commis à la place de Defcouis.
Jean Bardin ayant obtenu en cour de Rome , le
19 avril 1518, des provifions en titre du prieuré
de Puiffeaux , avec la claufe de ne pouvoir être
révoqué: mais fur l'appsil comme d'abus de l'ab-
baye de faint Vidor, arrêt qui dit qu'il y a abus.
( Malingre , antiquités de Paris , livre 4 ).
Rehuffe , de-pacificis , n. 335 , cite un pareil ar-
rêt du premier mars 1546, qui, fur l'appel comme
d'abus interjeté par les abbé & relij^ieux de faint
Viclor , déclare abufives des provifions expédiées
en cour de Rome pour leurs prieurés forains , qu'ils
foutenoient n'être que des adminiflrations révoca-
bles.
PRIEUR. 601
M. de Longucil, confeilleran parlement, ayant
fait placer fon induit fur l'abbaye de faint Vifior ,
les Prieur & religieux fe pourvurent le 14 mai
1578, par requête au roi , pour faire révoquer la
nomination , comme ri étant leurs prieurés forains que
/impies in.infions & adminifîralions comptables & révo-
cables à volonté. Le roi ayant renvoyé la reqiiète
a fon confeil privé , M. de Longucil fe défifta par
aétedu 24 juillet de la même année, & jamais ces
prieurés n'ont éré fujersà l'induit de la cour.
Antoine Vaultier, chanoine régulier de fainte
Barbe en Auge, requit , comme gradué nommé
fur l'abbaye de faint Viélor, le prieuré du Bois-
Saint-Père. Les religieux , fans avoir égard à fa ré*
quifition, nommèrent le frère Lhuillier pour nou-
vel adininiftrateur. La conteftation s'engagea entre
los deux prétendans , & fut portée aux requêrcs
du palais, où, par fentence rendue fur produc-
tions refpeéiives le T2 mars 1636 , Lhuillier iur
maij-itenu dans la poffeffion &; jouiffance de ce
prieuré & aJminiJlration d'icelui ; &. cette fentence.
a été confirmée par arrêt.
^ La qr.eftion fe préfenta encore en 1684. Jean-
Guillot , chanoine régulier , avoit furpris en cour
de Rome des provifions du prieuré forain de Saint*
Paul-des-Aulnois, dont Alexandre Vaillant , cha-
noine régulier de faint Viéïor, avoit l'adminifh-a-
tion. Sur l'appel comme d'abus de la communauté ,
arrêt intervint à la cour le 13 juillet 1684 , fur le»,
conclufions de M. Talon , avocat général, qui dit
qu'il avoit été nîal, nullement &abufivement impé-
n é G: concédé , & maintint les Prieur & fénieurs de
la chambre dans le droit de commettre à ce prieuré.
Jean Guillot, déchu par cet arrêt de l'effet de fes
provifions, tourna fes vues fur le prieuré du Bois-
SHint-Pére, «Se le requit connue gradué. Les ahbe
«Se religieux prirent le fait & caufe d'Etienne Fa-
viére , qui y avoit cré commis ; & l'univerfité de
Paris intervint, pour foutenir que les prieurés dé-
pendans de cette abbaye étoient fujeis à l'exrîec-
tative des gradués. La caufe portée aux requêtes
du palais , fentence confirmée par arrêt du 23 août
1687 , qui, fans s'arrêter à l'iafeïrvention de l'iini-
vedité , ayant égard à celle de M. de Coiilin , évê-
quidOiléans, abbé de faint Vitfxor, & aux de-
mandes des prieur & chajroines de la même ab-
i\aye , u les maintient & garde dans la poffcffion eu
» laquelle ils font de commettre & prépofer l'un
)) de leurs religieux , chanoine régulier de ladite
M ahbiye , dans l'adminidration des prieurés dont
» cil qucAion , & de le révoquer ad nutum , & lui
n hiirc rendre compte toutes fois &. quantes il'
11 plaira à la chambre compofée des fénieurs delà
i> maifou de faitu Viéicr, conformémeut à leurs
5) anciens ftatuts & à l'ufage de ladite maifon de
)> faint Viftor ». Et , en conféquence , il a été or-
donné qu'Etienue Faviere , par eux commis & pré-
pofê à l'adminiftration du prieuré du Bois-Saint-
Pere, continueroit d'en jouir en la manière accoii-
tuniée.
601 PRIEUR.
Il a été rendu deux arrêts femblables pour deux
prieurés dépendans de l'abbaye de Prémontré. Le
premier eft rapporté en ces termes au fupplcment
du jouniEl des audiences : u Le 6 juillet 1647,
S) plaidants M*^ Pucellc & M^ Diibois , intervint ar-
V rôt , confoiinément aux conclufîons de M. l'avo-
» cat général Talon , par lequel la cour jugea que
» le prieuré du collège de Prémontré , fis à Paris
» pioche le couvent des cordcliers. Si. dans lequel
») les relii;ieux de l'ordre de Prémontré qui vien-
5> ncnt à Paris pour étudier , font demeurans , n'é-
3) toit point un bét^éfice en titre, miis un fimple
»> office air.ovible & révocable à la volonté du gé-
j> néral de l'ordre , qui feul a droit d'y pourvoir ".
Le fécond ai-rêr efl plus récent. Bonneuil avoir
été donné .1 l'abb.-.yo de Prémontié par Alard de
Ham, comme un îlmple domaine qui devoir ap-
partenir a perpétuité aux abbé & religieux. Il s'y
étoit établi depuis une communai;té de religieux
de l'ordre de Prémontré. Cette communauté s"é-
tant éteinte , on avoit confervé l'c^;!i!é , qui étoit
delîérvie par un religieux, fous le titre de maure
ou Prieur de Bonneuil. 11 paroît même que quel-
' ques religieux s'en étoient fait pourvoir en cour de
Rome , & qu'il avoit été réliené. Le fieur Labat
imoétra ce prétendu bénéfice, il fit valoir co.ntre
Pabbaye de Prémontré toutes les difpofitions du
concile de Vienne , delà pragmatique & du con-
cordat , que nous avons rapportées ci-deffus, & il y
ajouta une objeéliou bien lorte , celle qui réfultoit
des différentes provifions qui avoient été données
en cour de Rome du prieuré de Eonneuil. Cepen-
dant , par arrêt renda au mois d'avril 1779 , au
raoport de M. le Febvre d'Amécourt , le parlement
a déclaré fcs piovifions abufives, & l'a débouté de
toutes fes demandes , avec dépens.
C'eft lur tout dans les Pays-Bas que les abbayes
ont maintenu leurs prieurés forains, dans la qualité
primitive de fimples adminifirations. D'Héricourt
en parle ainfi dans fes confultations . tome i , page
"èo : « Il y a néanmoins des reftes de l'ancienne dif-
» cipline , fur-tout dans la province de Flandres ,
» où il y a un grand nombre de Prieurés qu'on
5> :i-ppe\\e privâtes , âom les prévôts font compta-
w blés & amovibles )N
Denifart dit la même chofe au mot Priei.'\\
K L'ancien ufage fubfule encore pour les priemés
V dépendans des abbayes d'Artois &.de Flandi es .,
» Ces Prieurs nefont pas titulaires , mais fimpks
<» adminiftrateurs comptables Ôi révocables ».
Pour décider fi cette affertion eft exaéle ou non ,
il faut connoiire toutes les autorités qui l'appuyent
& la combattent refpeélivement.
La première preuve qu'on emploie pour la juAi-
fier , eft le témoignage des abbayes mêmes des
Pays-Bas. On a vu au mot Grand prieur , que
M. Talon , avocat général , regardoit ce témoi-
gnage comme décifif fur ces fortes de conteftations.
Les abbés & grands Prieurs de faim Vaaft d'Ar-
ias , de faint Pierre de I.abbes , d'Anchin , de faint
PRIEUR.
Manîn de Tournai, & du MontSaînt-Eloy , on*
attefté par leurs certificats des 26 oélobre , 17,18
& 20 novembre 1713 (i) , que les prévôtés ou
prieurés dépendans de ces abbayes , & qui en font
membres , ne font pas de véritables bénéfices ,
mais des adminiftrations pures & fniples , & des
OiHces révocables aJ nutuin ; que les religieux qui
iunt pourvus de ces prévôtés ou prieurés , pour
les régir fous l'autorité de leurs fupérieurs , font
comptables & obligés de rendre chaque année un
compte exaé^ & fidèle de leur adminiftration & des
revenus temporels qui ont pafle parleurs mains ;
que les revenus fe coufomment fur les lieux pour
y faire Toffice divin , y entretenir les édifices , re-
cevoir les étrangers , affifter les pauvres , Se acquit-
ter les autres charges , fans qu'U en revienne au-
cune cho(é à la mafle de ces abbayes , & fans
qu'elles en retireiu aucun émolument ; qu'elles y
font au contraire fouvent de leurs propres deniers ,
des dépenfes affez confidérables , lorfqu'il s'agit
LÏ-y faire des réparations fie autres bâtimens; Sc
qi:e lorfque les misères de la guerre St autres fem-
blables accidens meitent les prévôts & religieux de
tes prévôtés hors d'état de fubfuler dans leurs mai-
Ions, les abbayes en retirent les religieux pour
leî foulager , les nourriflént & fourni/îent à leurs .
dépenfes ; qu'enfin , ces prévôts ou Prieurs ne
peuvent faire aucun contrat, ni entreprendre au-
cun procc^ , ni même planter & abattre aucun
bois , qu'avec la permilfion des fupérieurs des
a -bayes dont ils dèpendenr.
Les g and-Prieur & religieux de Saint-Vaaft ont
encore attcrté la même chofe par un certificat du
2~ oétobre 1744.
Le 22 du même mois , treize anciens avocats au
parlement de Flandres ont dunné une confulta-
rion qui certifie pareillement cet ufage ; &. le len-
demain , MM. les gens du roi de la même cour ont
f gné un aéte de notot'été , portant » qu'il eft fans
)) exemple & contre les ufages , libertés & privi-
» léges des P.iys Bas, que les prévôtés dépen--
1) dantes des abbayes fnuées en ces provinces,
)) foient impétrées en cour de Rome à titre de dé-
ij volur , prévention, cominende , réferve , réfi-
:> gnation , ou de toute autre manière que ce
V puiiTe être ".
On invoque , à l'appui de ces atteftations , plu-
fieurs jugemens qui les confirment. Voici d'abord
ceux qui ont été rendus en faveur de l'abbaye
de Saint-Vaafl. Jean Delelaque , religieux de ce
monallère, avoit été commis par fon abbé à l'ad-
miniflration de la prévôté de Hafpres en Hainant :
un cardinal ayant obtenu cette prévôté en com-
mendc, l'abbé en porta fes plaintes au concile de
Bafle , & repréfenta qu'elle n'exiftoit pas en titre
(i) Ces ceitii'cats Se tcus les titres , arrêts &.' aunes pièces
donc il ell patlé dans toute cttte dillertation fut la nature des
prieurés forait^s, nous ont pall'éfous les yeux en origitiaux
ou eu copies exaftes.
PRIEUR.
de bénéfice , mais de fimple ofHce révocnble ad
nutum , & fournis à la plus exade comptabùits-. Par
jugement du 2 décembre 1447, les commiilaircs
du concile déclarèrent, que ni le cardinal pourvu
en commende , ni aucun autre , n'avoient eu droit
de troubler dans fa poiT^ffion le religieux commis
par l'abbé.
Une fentcnce du bailliage d'Amiens du 4 mai
1519 porte , en hrimologi. ne un accord paP.é le 19
avril précédent entre labbé 6i Tes religieux de
Saiiit-Varifi: , « que quand il fera beloin de réédi-
r> fier de neuf aucuns principaux membres des
J> prévôtés dépendantes dudit mona^ère, & que la
» riiiuo ne fera oroccdée (lar la coulpe te négli-
>' gence du privùt , faute f!'enrreténement , tels
» ouvrages fe feront aiix '"iépens d'icelle abhr.ye ;
»' & que l'abbe ne cÎTïrger;) lefdites prévôrcs d'au-
» très nouvelles ciiarges que celles qui font de
3» toute ancienneté ». Si ces prévôtés étoient des
bénéfices formés , feroit-JC à l'abbaye à en faire
les réparations ?
Il avoir é é accordé à Jean Delahaye un p.ii'i
à' ibbi, en qualité .rohlat, fur la prévoie de Hifores
Les abbé 5i religieux de Saint-VaaA s'v onno'^è
C Vil
rent, fur le fondement qu'on ne pcAit aiTujetiira
CCS pd'.ns d\ibt>é^ les biens des abbayes admiiuflrées
par des relis^ieux comptables , fous La qualiré de
prévôt ou Prieurs, par li raifon que ce? biens ne
font <juun grot avec Us nufci de l'abbaye , 6i qu'on
n'a jamais vu qu'un oblat ait été reçu dnns ces pré-
vôtés ou prieurés. <c I.a Prévôté de Hafprcs , ajou-
» toient-i!s, n'efl pas un bénéfice de fondati );i
M royale , ni à la nomination du roi; mais c'efl un
1) oîîîce & une adminiftration comptable , n'étant
j> que membre de l'abbnye de Sr.ini-'Vaafl , & ne
5-> pouvant admettre aucun religieux ; d'ailieurs ,
» l'abbaye elle-même ayant depuis peu étécîiar-
•>■> gée de femblable pain d'abbé en faveur de Phi
•>i lippe de Dromet , elle ne peut & ne doit en (es
j) membres être ultérieurement ciiarg'e , conune
r il a été jugé au confeilprivé de BruxeMes au
V mois de novembre 1608 , en faveur de la p-é-
» voté de Saint-Michel-lés Arra=i , nui a été dé-
» chargée d'un pareil pain d'abbé ». Sur ces raifons,
arrêt du grand-confeil de Malines du 15 oclobre
1637, qui déboute Delahaie de fa demande. Le
motif de cet arrêt , dit M. Dulaury , page 86 , « a
■>■) été la dépendance où la prévôté de Hafpres
M étoit de l'abbaye de Saint-Vaaft , une fois char-
n gée d'un oblat par le roi d'Efpagne ». Si la pré
voté de Hafpres eiit été un titre de bénéfice diftinit
& feparé de celui de l'abbaye , la circonftance que
l'abbé de Saint Vaaft étoit chargé d'un oblat , eût-
elle été une raifon pour en décharger un autre bé-
néfice qui lui eût été étranger }
Ces décifions ont été confirmées par les lettres-
patentes du mois de mai 166^ , portant union des
abbayes de Saint-'Vaaft & deSaint-Bertin à la con-
grégation de Cluni. L'article 10 du décret dont
cette loi ordonne l.exécution , déclare que «' les
PRIEUR. <5o3
»» prévôtés & prieurés dépendans des deux abbayes
)» continueront d'être régis & adminifliés par des
» religieux de l'abbaye dont ils dépendent , lef-
» quels feront commis & révocables félon l'ufage y.
Nous avons rapporté au mot Exempts de Flan-
DPvES , l'arrêt du parlement de Paris qui a ordonné
l'enregiftrement de ces lettres-patentes.
L'abbaye de Saint-iMartin de Tournai a obtenu,
le 7 mai 1746, un arrêt qui paroît affimiler (tn
prieurés à ceux de l'abbaye de Saint "Vajft. Le
fieur Beflremieux s'étoit fait pourvoir en commen-
de des Prieurés de Saint-Simon & Saint-.Tude de
Chantcrude , diocéfe de Laon , Se de Saint-Amand-
lez-Machemond , diocéfe de Noyon , tous deux dé-
pendans de cette abbaye. Il tenta d'abord , fous
différens prétextes , d'attirer la contefiation au con-
feil ; mais , par arrêt contradiftoire du 8 novembre
17^3 , il tut ordonné que les parties continueroient
de procéder au parlement de Paris; & après une
plaidoirie folemnelje, fuivie d'un appointement ,
l'.ifTaire fut jugée en faveur des abbés & religieux.
Il'- étoient appelans comme d'abus des pro\'ifions
du fieur Bcflremieux. Ils fontcnoient que les prieu-
rés dépendans des abbayes des Pays Bas ne (ont
point des bcnéfices , ils le prouvoient par les con-
lultation, aéle de ncnoriété & certificats des 22 , 24
& 27 novemb'-e 1744 , rapportés ci-defilis ; & c'e/ï
d'après ces pièces que l'arrêt cité , u en tant que
)» touche les appellations comme d'abus interjetées
" par les abbé régulier , Prieur & religieux de l'ab-
» baye de Saint-Martin de Tournai , des provifions
)' obtenues par ledit Beftremieux des prétendus
» prieurés de Saint-Simon & Saint-Jude de Chante-
'> vtide , & de Saint Amand lez-Mnchcmond , com-
» n:e bencfices réguliers en tit c , avec ditpenfe de
" les pofiédcr en commende , dit qu'il y a abus ; en
n conféquence , déboute ledit BeÛremicux de tou-
» tes fes demandes , fait main levirc desfaifies par
» lui faites, fur les fruits & revenus de chaci:ne
» defdites /<rr/?2ei de Chanterude S: de Saint-Amand-
» lez-Machemond, dépendantes delà même ab-
» baye ; le condamne à 300 liv. de dommages-in-
i> téréts & aux dépens ».
Il n'eft pas un feul des termes de cet srrèt qui re
foit précieux. Surquoi la cour fait-elle tomber l'a-
bus .'' Sur ce que le fieur Beflremieux s'étoit fait
pouvoir des deux prieurés comme béncficss rèzuliers en
titre , & parce qu'il avoir abufé du terme de prieu-
rés, pour en induire que c'étoient des bénéfices :
l'arrêt ne les nomme que prétendus priairés ; il fait
main-levée des faifies , mais ces faifies font dite?
des fruits & revenus de chacune des fermes de Chan-
terude & de Saint- Amand y dépendantes delà même
abbaye. La cour a donc qualifié de fermes , ce que
le fieur Beflremieux prétendoit être des bénéfices:
& les prieurés en effet s'appelloient ancienuement
ccUcz , firmes , grangiic.
L'impartialité dont nous nous fommes fait vn
devoir, ne nous permet cependant pas de laifiTor
ignorer la réponfe que font à cet arrct les nartifar.s
^^ S g S ij
Co4 PRIEUR.
de l'opinion contraire à celle qu'il nous paroît avoir
adoptée. Voici comme s'exprime à ce fujet M. La-
gct-Bsideiin , dans un mémoire fait pour l'abbè da
Langeac , fur une caufe dont nous rendrons
compte ci-après. <c Les religieux de Tournai ont
I) dcmontré que les prieures de Chanterude ôc de
V de Saint-Amand ctoicrrt de pures ebédiences ,
i> des prieurés demer.jJ. Us l'ont prouvé par la te-
« neur des commiffions qui en ont toujours été
ti données ; ils ont jurtitié que ces comnilHions ,
3) depuis plus de trois fiecles, étoient de fimples
« procuration:; que chaque Prieur étoit établi pro-
)> cureur général & mefj'jger fpécial de l'abbayc, iu
« nom de laquelle il étoit autorifé à régir & adminif-
« trci , avec claufe de révocabilité ji nuruw ; qu'il
>j y étoit dit expreffément que ces prieurés lont
« d« la mtnft & table. Ils ont prouvé que les Prieurs
« ne prenaient point pojjejjion ; que tousles ans ils
« rendoient compte 6c payaient le reliquat à l'nb-
j> baye: ils en ont conclu , que ces deux prieurés
M éïoient précifement dans le" cas de l'exception
}) établie par la clémentine qui /■<r^a/j'-« , par rap-
« porc aux adminiflrations qui appartiennent <i /./
3) menfe. Voilà ce qui a procuré gain de caule aux
vt religieux de Tournai ; & pour le mieux marquer,
j) la cour n'a qualifié dans Ion arrêt les deux prieu-
3> rés que de fermes ».
De toutes les abbayes des Pays-Bas, c'eft celle
d'Anchin qui a éprouvé le plus de conteftations fur
l'état & la nature de fes prieurés forains, & qui
par conféquent novis fournit à cet égard le plus de
préjugés.
Le plus ancien arrêt qu'on trouve fur cette ma-
t\è-e dans fes archives, eftdu 19 janvier 1441, pof-
téricurpar conféquent de plus d'un fiècle au concile
de Vienne. Bertrand des Foffeux s'étoit fait pour-
voir du prieuré de Saint-Sulpice , près Doullens ,
comme fi c'eût été un bénéfice ; Jacques de Herdi-
gneul avoit été commis par l'abbé d'Anchin à l'ad
mi liflration de ce même prieuré , comme m.embre
déjOendani de fon abbaye. La complainte s'engagea
enre les deux pourvus, & fut portée devant le
prévôt de Paris. Les religieux d'Anchin fe joigni-
rent à Jacques de Herdigneul , 6c foutinrent qu'il
é:oii libre à fabbé , ou de coniier en même-temps
l'adminiftration fpirituelle & temporelle à un feul
religieux, qui ci\ Prieur & prévôt tout enfemble,
fitque prier & pixpojitus , OU de commettre féparé-
ment cetre adminiilration à dcxix religieux, dont
l'un ne doit être chargé que du fpiritu^el en qualité
de prieur , & l'autre ne doit régir que le temporel
en qualité de prévôt ; & comme rien n'eft plus op-
pofé à l'effeiice d'un bénéfice formé, que cette fec-
tion du titre , ils en concluoient que le prieuré de
Saint-Sulpice n'étoit conftamment qu'une fimple
adminiflration.
Par la fentence du prévôt de Paris , les parties
furent appointées en faits contraires , & la récréan-
ce fut adjugée à dom Jacques de Herdigneul & à
l'abbaye d'Anchin. Sur l'appel interjeté par Dea
PRIEUR.
FofleUT, arrêt qui infirme la fentence, St néanmoins
prononce , par nouveau jugement , les mêmeb cho-
fes que le prévôt de Paris. Des Foffeux abandonna
le fond.
Le prieuré de d'Aimeries , près de Maubeuge ,
étant devenu vacant par la mort de Jacques de Lan-
das , fut impétré en cour de Rome par Jean Larcel
ou Anfelmy , rcligicux-profcs de l'abbayc de Haut-
mont. De fon côté , l'abbé d'Anchin y commit Jac-
ques Penel , l'un de fes religieux , par aéîe du pre-
mier oflobrc 1439. Les parties s'adrefsèrent au
pape , qui délégua des juges fur les lieux. Dom An-
ielmy, prétendant que le prieuré étoit un béné-
fice, deraandoit que fon titre fût déclaré canonique.
L'abbaye d'Anchin & dom Penel foutenoient au
contraire que ce prieuré n'avoit jamais eu le titre de
bénéfice ; que l'abbè feul avoit le droit d'y com-
mettre qui il jugeoit à propos , avec la claufe de
révocabilité pure & fimple ; qu'ainfi les provifions
de dom Anfelmy dévoient être annullées.
Les juges délégués, par leur jugement du 15
avril 1 445 , maintinrent dom Penel dans le prieuré,
comme ayant été ligitimement commis par l'abbé
d'Anchin , &* déclarèrent que dom Anfelmy n'a-
voit pas eu ^Iroit de le troubler dans fon adminif-
tration.
Dans le vu de l'arrêt du 30 mars 1694 , rapporté
à l'articie Grand-Prifur , fe trouve un extrait
coinpulfé de l'hirtoire manufcrite de la même ab-
baye , compofée par dom de Bar , où on voit que
le queflion s'eft encore préfentée au fujet du
prieuré de Saint-Sulpice , pour lequel avoit été
rendu l'arrêc de 1442. Comme l'abbaye d'Anchin
8c ce prieuré étoient fous dewx dominations diffé-
rentes, les longues guerres que François premier
eut à foutenir contre Charles-Quint , fervirent de
prétexte au fieur Bouchavanne , gouverneur de
Doullens, pour s'emparer de la prévôté de Saint-
Sulpice, après la mort du Prieur, dont il préten-
dait faire valoir une réfignation , afferens fibi légi-
tima jure rifgnatam. Mais après la paix de Crepy du
18 Septembre 1544, Jean Affet , élu abbé d'An-
chin en 1546, fe pourvut au parlement de Paris,
contre le réfignataire , & il obtint un arrêt par le-
quel il rentra dans fes droits , fur le fondement ,
dit l'hiflorien , que ce prieuré n'étoit point un bé-
néfice : eo prit/enim nomine ^ qiiod non ej]et benefi-
cium y fed ofjiciuin Jîmplcx monaflicum , à quo remo-
vcri pcffet quiUbet rcligiofus ad nutum abhatis , nequt
de eo difponendi aliquam , aut ad alium transfenndi
hjberec auRoritatem.
Peu de temps après . la queflion fe renouvela
pour le prieuré de Saint-George, présdHefdin.
On avoit fait entendre à François premier que ce
prieuré étoit conventuel 6c éleélif , ôc que par con-
féquent la nomination lut en apparteroit , fuivant
le concordat : en conféquence , après la mort de
dom Brognet , qui y avoit été nommé par l'abbé
d'Anchin , ce prince ordonna au bailli d'Hef Jin
d'en faifir les revenus , &. d'y établir des commif-
PRIEUR.
faîres. Après bien des démarches inutiles , dom
d'OflereJ , muni de la commifîîon de l'abbé d'An-
chin , fc pourvut au confeil-privé de Henri II , ofl ,
après une inftrii6lion contradii^oire avec le procu-
reur gc'néral, & du conCentenient de ce'ui-ci, il
obtint i!r; arrêt du ii juin 1547, qui lui fit main-
levée du prieuré <le Saint-Georges , fruits 6* profits
(Ticelui, « ap'.ès que par le titre & provifions de
» dom d'Ofïerel , & par autres provifions des pré-
•) cédens Prieurs duclir prieuré , eft apparu audit
» procureur général ledir prieuré riétrt bémfiLe t'i-
>i tulc ni élcétif , mais une adminiftration révoca-
j) ble ad nutum de 1 abbé >♦.
La guerre qui s'éleva entre Louis XIII & le roi
d'Efpagne, donna lieu à une nouvelle conteftation
Four le même prieuré, La mort de dom Créancier
ayant laiffé vacant, dom de Foreft , religieux de
Saint-Martin dePontoif:, s'y fit nommer par le
roi , attendu , portoit le brevet , (jue l'ahbé d' Anehin
tfi dans les pays de nos ennemis. Cette circonftance
forçî l'abbé d'Anchin de fe relâcher un peu 'de
fon droit. 11 tranfigea^ic 25 avril i6j8, avec dom
de Forsft , «}ui fe défifta , rnoyennant une penfion.
Après la paix des Pyténés , en 1639, dom de Fo-
reft fe pourvut au confeil pour faire annuller fa
tranfaflion , & fe faire rétablir dans le prieuré. De
fon côté, l'abbé d'Anchin confentit à la réfiliation
du contrat, qu'il n'avoit foufcrit que par force ma-
jeure ; mais il demanda en même-temps d'étrê main-
tenu dans l'ancien droit qu'il avoit de commettre ,
pour l'adminiftration de ce prieuré, des religieux-
profès de fon monaflère. Par jugement du confeil-
privé du 15 mars 1661 , rendu fur produ61io;:s
refpeâives, l'abbé d'Achin a été maintenu & gardé
■}> au droit & poifeiTion d'envoyer au prieuré de
j> Saint-Georges des religieux de ladite abbay ■
}) pour TadminiAration & delTervice d'icelui ". Et
néanmoins il a été ordonné^ fans tirer ù confcquence ,
que la tranfaâion de 165S feroit exécutée , 6c que
dom de Fcrefl jouiroit toute fa vie de la penfion
ftipulce en fa faveur par cet aifïe.
Ces cinq jugemens militent, comme on T©it ,
avec la plus grande force coinre l'opinion do ceux
qui regardent les prieurés dépendans de l'abbaye
d'Anchin comme des bénéfices. Cepet:dant on a
prétendu que poftérieuremïnr, uu arrêt du grand
conftil du 19 feptembre 1667 , les avoit tous iu:^és
tels. Pour l'apprécier, il faut rappeller les circouf-
tances dans lefquclles il a été rendu.
Il s'agiffoit delà difpofition des offices, foitclauf-
traux , foit forains , que le cardinal d"Eftrées , abbé
coîîimendataire , vouloir s'attribuer à lui feiTl. Ce
prélat mettoit en principe, qu'un abbé comman-
dataire doit jouir de toutes les prérogatives des
abbés réguliers, Si exercer la juridiction intérieure
fur les religieux, fur- tout lorfqu'il eft cardinal.
De-là , il concluoit que linflitution & la deflitu-
lion de tous les Prieurs lui appartenoit ; en con(é-
quence, il avoit nomma tant aux prieurés forains
PRIEUR. 605
qu'aux offices clauftraux. Le grand-Prleuf y avcit
nommé de fon coté; & c'eft fur ce droit de no-
mination refpedivement prétendu , que rouloit la
conteflation.
M. le Cardinal d'Eftrées établiffbit fa défenfe fur
cinq propofitions , dont les quatre premières n'a-
voien: ttait qu's la juridiâion qu'il préterdoit ap-
partenir aux ab'oés corr:mendataires , & fur-tout aux
cardinaux. La cinquième étoit la feule qui eût rap-
port à la quelVion aâi;elle. Il y foutenoit qu'à lui
ieul apprtenoit ia i:oi:iination des prieures &des
oftices clauftraux; mais il paroit qu'à l'égard de»
prieurés , il n'cntendoit que les prieurés-cures. On
voit en effet que par fa requête du 12 janvier
1691 , il dcmandoit d'èire maintenu & gardé dan*
le droit & psffeirion , non pas de conférer les
prieurés , mais (ïiniluucr & dtfîuuer tous les Prieurs-
curé* de l'abbaye d'Anchin.
Les grand Prieur & religieux foHtinrent au con-
traire que le droit de nommer aux prieurés &
ofiices clauAraux, appartenoit au grand-Prieur, par
deux raifons : la première, que ces prieurés n'étoient
poirit des titres de bénéfices, mais des offices ma-
nuels, dépures adminiftrations révocables & comp-
tables ; U féconde, parce qu'un abbé commenda-
taire , même cardinal , ne peut exercer aucune ju-
ridi(5îion fur l'intérieur du cloître , & que l'infti-
tution & la deftitution des Prieurs-forains Se des
officiers clauftraux étant des a61es de juridiâion ,
elles lui étoient interdires.
La cente/lation fe réduifoit donc au feul point de
favoir il qui appartenoit l'inftitution Se la deftitutioa
des Prieurs 8c des oiliciers claufiraux. Tout ce qui
fut dit fur la nature des prieurés-forains ne fut pro-
pofé que comme moyen, & non pas comme la
queftion à juger.
C'eft dans cet état qu'intervint l'arrêt du içfep-
tembre 1697 , par lequel , 1°. il fut dit a n'y avoir
» abus dans les provifions données par le cardinal
» d'Eftrées des prieurés-forains dépendans de l'ab-
» baye; ce faifant , ce prélat fut maintenu dans le
)» droit & poireftoii de pourvoir aux prieurés de
M Saint-Georges, dAymcries, d'Evin , de Saint-
M Sulpice , Si de la tréforerie d'Equerchin , en fa-
» veur des religieux profès de ladite abbaye feu
» lement , fans préjudice toutefois au grand-Prieur
i> de pouvoir deftituer les religieux pourvus def-
î> dits prieurés-forains, pour caufe légitime». 2°.
Dom Carpcntier fut maintenu 6c gardé dans la
poffeirion & jouiiTance du prieuré d'Evin , dont il
avoit été pourvu par le cardinal; Dom de Rente ,
nommé par le grand-Prieur , & les religieux d'An-
chin , furent .condamnés folidairement à lui refti-
tuer les fruits dudit prieuré par eux perçus , fur lef-
quels il feroit pris par chacun an la fomme de trois
cents livres pour la defTerte & rétribution du fer-
vice divin , fait audit prieuré par ledit de Rente.
3°. Il fut dit qu'il y avoit abus dans les provifions
données par le cardinal d'Eftrées des offices clauf-
traux & de la préfidence de Douai. 4'. 11 fut fait
(5-6 PRIEUR.
«iéfcnfes auxdits religieux de troubler ledit cardi-
nal d'Eftrées dans les inventaires des côtes-mortes
des religieux de ladite abbaye; « auxquels inven-
>» taires lefdits religieux pourront alTirter 6c être
w préfens , fi bon leur femble , ainfi qu'au compte
î> que ledit cardinal fera tenu de rendre defdires
9» côtes-mortes, pour le reliquat en être par lui
»> employé, conformément aux arrêts du grand-
ît confeil , aux réparations & au profit des biné-
»> fices 6" offices dont lefdits religieux fc trouveront
»i pourvus au jour de leur décès ».
Ces différentes difpofitions font la matière de
plufieurs argumens dont on fe fert pour établir
que le grand-confeil a confidéré comme bénéiices
tous les prieurés-forains dépendans de l'abbaye
d'Anchin. Mais ils ne font pas fans réponfe ; voici
à peu-prés de quelle manière on les préfente.
Pourquoi le grand - confeil a-t-il m,Tintenu le
grand Prieur dans le droit de commettre & de rjvo-
tjuer les officiers clauftraux .'' Parce qu'il a jugé qi;e
c'étoient de pures adminiftrations , de fimples oifi-
ccs , dont la difpofition ctoit un afle de la police
intérieure, de la juridiâion clauftrale, qui ne peut
iippartenir à un abbé commendataire. Pourquoi su
contraire a-t-il déclaré n'y avoir abus dans les p;ù-
vifions en titre que le même cardinal avoit donn.ies
des prieurés - forains ? Pourquoi l'a-t-il maintenu
rlans le droit & poîTefTion d'y pourvoir, fi ce n'eft
«arce qu'il a jugé que c'étoient de véritables béné-
iices, dont la collation , qui efl i/z /^z^.?// , ajipar-
tient toujours à l'abbé commendataire ^
Mais, dit-on, il ne falloit pas aller j'.jfque-là pour
attribuer au cardinal la nomination des prieurés-
forains ; il fufiîroit que ce fuiTent des offices qui
s'exercent au dehors, &c dont l'adminiilration n'm-
térefie point la difcipline intérieure.
La préfidence du collège de Douai étoit certai-
tainement un office qui s'exerçoit , &c même de-
mandoit réfidence hors du cloître , & cependant
le droit d'y nommer fut adjugé au grand-Prieur.
11 a donc fallu confidérer les prieurés-forains com-
me de vrais bénéfices , pour maintenir l'abbé com-
mendataire dans le droit d'y pourvoir.
On objciî)^ encore nue l'arrêt du grand-confeil
Ttferve au ^rand-Prieur le pouvoir de d'D'rucr p^our
caufe Icç'trne les religieux que le cr^rdmal aura
nommés" aux prieurés-forains ; & chi concU'.t dc-là ,
que ce ne font pas des bénéfices, parce qu^'en fait
de bénéfices, ejus cjî Jcjiituae cujus cfl injutu^re ,
ou qu'au moins la clefiitution ne peut jamais ap-
partenir à r.n inférieur de celui qui a le droit
d'mfiituer.
Mais il n'y a rien dans cette réferve qui foit ex-
traordinaire ni incompatible avec la qualité de bé-
néfice. Le grand-confeil a jugé que la collation des
bénéfices étoit un fruit appartenant à l'abbé com-
mendataire ; c'eft ce qui a fait maintenir le cardinal
d'Eflrées dans le droit & pofleflion de conférer les
prieurés-forains, vrais bénéfices, quoique révoca-
bles pour caufes légitimes. Mais le jugement des
PRIEUR.
caufes de révocation ed un aéle de police inté-
rieure , de juridiélion claullrale , qu'un abbé com-
mendataire ne peut exercer ; il a donc été réfervé
au grand-Prieur par le même principe qui l'a fait
maintenir dans le droit & poffeffion de conmiettre
ik révoquer les officiers claufiraux.
Ce qui écarte d'ailleurs toute difficulté, c'eA que
les prieurés-forains font exprefTément défignésdans
l'arrêt dont il s'agit, fous la qualification de i>éné-
fice ; ccÇt , comme <m fe le rappelle, d=9ns la clatife
concernant l'application des côtes mortes, « aux
>} réparations ôc profits des liiéfices & uffius dont
» leidits religieux fe trouvcronr pourvus au jour
» de leur décès )?. L'abbaye d'Anchin n'a d'aui:res
bénéfices réguliers dans fa dépendance , que fes
prieures-forains : ce font donc les prieurés-forains
qui font là défignés par la qualification de bénéfi:j ,
comme les offices clauftraux le font par celle
é'ijfices.
Ainfi raifonnent ceux qui regardent les prieurés
dépendans de l'abbaye d'Anchin, comme jugés
bénéfices par l'arrêt dont il s'agit.
Parmi les réponfes que doni.ent à ces induâions
les paitifans du fenti.ment contraire , il en efl quel-
ques-unes qui nous paroinént viélorieufes & pc-
reinptoircs.
i". L'arrêt déclare qu'il n'y a abus dans la nnri!-
nation des pricurès-forains faite par le cardinal u'hf-
trées ; mais il ne prononce rien fur leur nature ; il
décide feulement que la faculté d'en difpoferefl un
droit honorifique réfervé à l'abbé commendataire ;
& on ne peut en étendre les termes au-delà de leur
fens naturel,
2°. Le grand-confeil , lors du partage fait en
i688, entre le cardinal d Eflrée; & les religieux
d'Anchin , avoit jugé bien nettement que le prieuré
de Samt-Sulpice n'étoit point un bénéfice , puifqu'il
en avoit fait entrer tous les biens dans la maffe ;
cependant, par l'arrêt de 1697, d lefoumet nommé-
ment aux mêmes dil'pofitions que les autres prieu-
rés. Donc ces difpofitions s'appliquent à des établif-
fementî qui ne font point bénéfices; donc l'arrêt
de 1697 ne conclut rien.
3". On peur fiiire le même raifonnement 3 l'égard
du priei.'ré d'Evîn. il dép.ndoit originairement de
l'abbaye de Saint Nicolas-aux-Bois , diocèfe de
Laon. Il fut uni dans la fuite à l'sbbave d'Anchin.
Cette union , attaquée en 1668 , avoit été déclarée
abufive, fur le fondement qu'elle n'avoit pas été
revêtue de lettres- patentes : mais ce défaut fut de-
puis réparé , & le parlement de Paris enregiflra ,
par arrêt du 26 août 1676 , les lettres-patentes
confirmatives de l'union. Cependant le cardinal
d'Yorck , abbé aéluel d'Anchin , donna , en 1758 ,
une collation de ce prieuré au fieur Foucault. Ce-
lui ci , comprenant qu'on n'avoit pas pu lui con-
férer un prieuré éteint & uni à l'abbaye d'A nchin ,
prit le parti d'obtenir, en cour de Rome, de non-
vellcs provifions , fur le fondement defquellcs il
attaqua l'union comme abufive. Oubliant donc le
P R l £ U R.
titre que M. le cardinal d'Yorck lui avoit accor-
dé , il ne s'attacha qu'à faire valoir les vices pré-
tendus de l'union. Mais fes efforts furent inutiles;
&, p:ir arrêt du premier avril 1762, l'union fut
coi/ti .mée , & les previfions de l'abbé de Foucault
déclarées abufives. -- Qu'on rapproche maintenant
cet arrêt du jugement de 1697. Celui ci maintient
M. le cardinal d'Eilrées dans le droit de pourvoir
nommément au prieuré d'Evrn , dont te titre , dès
1676 , avoit été éteint 6c uni à l'abbaye d'Anchin.
Donc l'arrêt de 1697 ne décide point que les prieu-
rés , dont il accorde la provifion au cardinal d"Ef-
trécs , foient de vrais bénéfices, puifque celui
d'Evin, qu'il comprend dans la même difpofition
que les autres , n'exiHoit plus comme bénéfice dans
le temps de cet arrêt.
4°. La claufe de ce même arrêt, qui ordonne
l'cipplication des côtes-mortes des religieux aux ri-
p.ïrations & profit des BÉNÉFICES 6' o^ces dont
hfdïts religieux je trouveront pourvus au jour de leur
décès , ne détruit nullement tout ce qu'on vient de
dire. 11 eft vrai que l'abbaye d'Anchin n'a point de
bénéfice réguliers dans fa dépendance ; mais fes
religieux peuvent en obtenir d'autres abbayes; la
ïr\:i\\mQ^ regttUi'-ia rtgularibus les y rend habiles : il
ne faut donc pas quu les prieurés-forains ioientbé-
néfi;es , pour que la claufe dont il s'agu puiife re-
cevoir Ion exécut on.
Tout cela prouve bien clairement que l'arrêt de
1607 n'a point changé la nature des prieurés en
qu./lion. f.lais peut-on dire la même chofe de cet
irrét p'u", précis & plus célèbre , qiû eft intervenu ,
en 1775 , entre k-s religieux d'Anciiin & l'abbé de
Langeac ? Expliquons-en l'efpèce.
Le prieuré d'Aymeries ayant vaqué en 175 1,
M. le prince de Modéne , alors abbé d'Anch n , y
nomma en commende M. Billard, évéquc d'Olim-
pe, qui mourut la même année : M. le prince de
Modéne le fuivit de près, & iuz remplacé par M.
le cardinal d'Yv)r(.k , qui , en 1752 , conféra !e mê-
me prieuré au fieur Paris. La conteftation qui s'en-
gigea fut èvoi\uëe au confeil du roi. Elleyéroit
encore pendante en 17^9, lorfque l'abbé Paris
rèfigna fon droit à l'abbé de Langeac. Celui-ci ob-
tint en même- temps un brevet de régale , en vertu
duquel il fit afiigner fes contendans à la grand'-
cham're du parlement de Paris : Aymeries étant
fitué dans le diocèfe de Cambrai , ou la régale n'a
pas lieu , ce fécond titre fut bientôt écarté. Après
un aflez long conflit de juridiflion entre difTérens
tribunaux, le roi a donné, le 2 juin 1770, des
lettres-patentes qui ont attribué la connoiflance de
la caufe au parlement de Paris.
Les états d'Artois , de Lille & de Cambrai , &
le cardinal d'Yorck, font intervenus, les uns pour
foutenir que les bénéfices des Pays - Bas font
exempts de la commende, 8c le cardinal d Yorck
pou- défendre fon droit de difpofer en commende
des orieurés dépendans de fon abbaye.
De leur côté , les grand-Prieur & religieux ont
PRIEUR. 607
foutenu que le prieuré d'Aymeries n'exiftoitpas eu
titre de bénéfice. Ils ont produit une foule de pièces
pour le prouver , mais inutilement. Par arrêt du 1 1
juillet 1775 ' rendu à la grand'chainbre , au rap-
port de M. l'abbé dEfpagnac, après un appoinie-
ment prononcé fur une plaidoirie folemnelle le 7
acCit 1770 , l'abbé de Langeac a été maintenu dans
le prieuré d'Aymeries. L'abbaye d Anchin & les
écais uni tenté de ie faire cafier au confeil ; mais
leur reiuère a été rejeiée par jugement du 24 oc-
tobre 1776.
L'abbé de Langeac avoit eu pouragent dans cette
affaire le fieur de Guilhem de Saint-Marc , qui ,
s'imiginan: que l'arrêt jugcoit la queftion pour tous
les prieurés de l'abbaye d'Anchin , obiint pour (on
fili , vicaire gcr.érai du diocèfe de Périgeiix , le 1 1
oélo'ore 1778 , v.n brevet de collation en régale du
pricjré de Saint Georges. Dés le mois d'août pré-
cédent , le fieur de Taftes , vicaire général du dio-
cèfe de Condom , l'avoir impétré en cour de Rome.
Tous à.ti\x fe pourvurent, chacun de leur côté ,
contr^ô.om 0:liin, Prieur a('^îuel de Saint- Georges,
dont M. le cardinal d'Ynck, le grand-Prieur & les
religieux d'Anchin s'emprefsérent de prendre le
fait & caufe.
Après une plaidoirie de fix audiences , M. l'avo-
cat général Séguier conclut à un interlocutoire &.
au féqueftre des fruits & revenus du prieuré, en
obfervant qu'il y avoit huit religieux à Saint-Geor-
ges , & qu'il falloit pourvoir à leur lubfifiance. Par
arrêt du 6 fcprembre 1779, la cour appointa les
parties au confeil , donna afte au fieur de Saint-
Marc de ce qu'il ne prétendoit, quant à préfent ,
que la jouiiTance provifionnelle de la moitié des
revenus du prieuré; en conf"equence ordonna que
le grand-Prieur, les religieux & dom Ochin joui-
roient du furplus , en donnant par le fieur de Saint-
Mirc bonne &. fuffifante caution.
Le fieur de Saint-Marc crut pouvoir, en vertu
de cet arrêt , exnulfer les fermiers & pafter de nou-
veaux baux; mais fa prétention fut hautement prof-
crite par arrêt du 12 janvier 1780.
Ces deux arrêts formoientle préjugé le plus favo-'
rable pour l'abbtiye d Anchin; car le fieur de Saint*
Marc fe pr^fentoit comme régalifte, 8c cependant
on ne lui laiffoit que la moitié de la jouiffance pro-
vifionnelle , fous la charge d'une caution que ja-
mais régalifle n'avoit été dans le cas de donner.
Enfin, le 31 juillet 1781, après que le procès
eût été examiné pendant cent vacations, & vu
quatre fois de commiffaires , il eft intervenu , au
rapport de M. l'abbé Pommiers, un arrêt dont voici
le difp >*'''.ii :
•)■) La crur faifant droit fur le tout, en tant que
)) touche l'appel comme d'abus interjeté par Henri
)) Benoît-Marie-Ciément , cardinal , duc d'Yorck ,
11 abbé commendataire de l'abbaye de Saint-Sau-
» veur d'Anchin, & les g and-Prieur & religieu.v
j) de -ladite abbaye , des previfions obtenues en
6o% PRIEUR.
>> coin- de Rome par Antoine-Gafpard de Taftes ,
V & de l'aâe de ptife de pofleffion par lui faite de
M 1h celle de saint-Georges , membre d^pen-
« DANT DE LADITE ABBAYE, dit qu'il y a abiis ;
5' en conféquence déboute ledit de 'Faites de tou
»> tes Tes demnndes; faifant pareillement droit iV.r
» l'appel comme d'abus interjeté par ledit de Taltcs
>» & par Guillaume de Guillhcm de Saint-Marc,
" des lettres de norainaric-n données à Ambroilc
■>•> Ocbin , prêtre, religieux prctèi de hdite abb:iye,
» par le vicaire général du'Jii cardinal d'Yorch , &
. » de !a prifc de poiTefTion par lui faite de lauite
« Celle, les déclare non- recevabies dms ledit
j> appel , & les condamne à l'amende , fiiivar.t l'or-
j> doniiance ; ce faifant , Tan* s'arrêter aux requêtes
•» & demandes dudit Guilhem de Saint-Marc , dont
>i il eft débouté , maintient & garde ledit cardinal
3> d'Yorck,enla qualité d'Abbé d'Anchin , dans
3) le droit , polTeffion & jouifiancc du droit de no-
« mination à ladite Celle ; maintient Se garde pa-
»> reillement Icfdits GRAND Prieur & religieux
3J de ladite ABBAYE DANS LE DROITE, POSSES-
3> SION ET JOUISSANCE DES FRUITS ET REVENUS
•» DE LADITE CELLE ; fait defcnfcs audit de Tartes
» & audit Guilb.cm de Saint-Marc de les y trou-
3» hier ; condamne ledit Guilhem de Saint-Marc
»> à reilituer auxdits grand Prieur & religieux
» d'Anchin les fruits & revenus par lui perçus dj
»> ladite CELLE ; condamne ledit de Tartes & ledit'
■}■> Guilhem de SaintMarc, chacun à leur égard ,
3> à tous les dépens des caufes d'appel, interven-
»» tion & demandes envers Icfdits abbé, grand
3) Prieur & religieux , & ledit Ochin , & même
ï» à ceux' réieivés. Les dépens d'entre leAlits de
3) Tartes & GuiUiem de Saint-Marc compenfés ,
»» & far le fuîplusc'es demandes , fins & conclu-
■» fions , a mis 8c met les parties hors de cour. Si
}) mandons , &.c, ».
On voit que cet arrêt juge en termes exprès,
que le prieuré de faint-Georges n'ert point un bé-
néfice , mais une fimple celle. Ce n'étoit cependant
peint là l'unique quertion du procès : les religieux
d'Anchin loutenoient que quand même ce prieuré
eût été bénéfice, les fieurs de Tartes & de Saint-
Marc eulTent encore été mal fondés , S: ils en don-
noient plurteurs raifons également décifives ; mais
la cour n'y a fait au-cune attention , elle s'ert arrê-
tée au point principal & ertentiel de favoir fi le
prieuré ctoit bénéfice ou non ; elle a trouvé fi la-
mineufes & fi péremptoires les preuves qu'on ap-
portoit de la négative , qu'elle l'a adoptée tout
d'une voix',%L pour ne !airt"er là-defTiis aucune équi-
voque , & donnet à fon arrêt un caraéîére d'évi-
dence auquel il ne fût pas pofiible de fe mépren-
dre , elle a lubrtitué par tort le mot celle aux \tr-
jnes prieuré ou prévôté, dont les religieux eux-niè-
îîies fe fervoient dans leurs conclufions.
On demandera fans doute quel a pu être le mo-
tif d'une diilérence aufli frappante entre deux ar-
ftii rendus fur la nature' de deux prieurés dépen-
PRIEUR.
dans de la même abbaye. Nous ne pouvons mieux
le faire connoître qu'en comparant ici les titres de
fondation de l'un & l'autre établilTement.
La chapelle faint Georges , près du château
dHefdin, étoit abandonnée depuis loi^g-temps ,
6i.on n'y célébroit plus les f'aints myrtères , loi-f-
qu'en 1094 Lnguerrand , comte dHefdin , qui la
tenoiten iiefde l'églife de Térouane, la donna à
l'églife d'Anclîin , pour la portéder à perpétuité
ecinmf we Jlmplc celle ou obédience , à la charge d'y
entretenir autant de religieux que les revenus de
Saint -Georges le permettroient. Ecclef.am fanili
Georgii Jîtam juxia hoc cjj'lru'n fJefdiru... Ecclefi<z
fari:2i S^lvatoris de ^quicineto'tn ceÙnm jure perpétua
iibae pojjidendam attribuo , eo tenote , ut de Aquici-
nenfis CiZnobn f/airiôu; , ibi tôt monachi hùbeantur y
quodfacul'.as nrum fanclo Gcorpo datarum aJmiferit.
Le fondateur n'accorde que l'ufage des biens aux
religieux d'Anchin qui demeureront à faint-Geor-
ges , (orum ufibus donc ; la propriété en eft donnée
uniquement à l'abbaye, &. ce n'ert qu'à ces con-
ditions que le» chanoines de faint Martin , qui
avoient quelque droit fur faint Georges, confen-
tent à la donation d'Fnguerrand : In tantàrn, ut
pradiâarn ecclefum eccUjïa de Aquicïneto tribuam ,
tjuamobrem prcediBi canonici quidquld in ecclefiâfanEli
Georgii hab.bant , ecclejîa: jancli Salvatorïs de yiqui-
ciacto contulerunt. Le fondateur n'a donc pas en-
tendu ériger un bénéfice , mais donner une fimple
celle à l'abbaye d'Anchin.
L'autorité de l'évêque concourut aux défirs du
comte d'Hefdin, Gérard , évéque de Térouane ,
confirma la même année la donation faite à l'ab-
baye d'Anchin , il s'adre^e à l'abbé : ^imerico ,
Aquicinenfi abbati: Et voici de quelle manière il
s'exprime : Ecclefmm fanSli Gcorgii martyris... cum
omnibus qu(t tarn ab Ligelramnj , quàtn ab aliis etdem
tcclcfice. collatA ju7it , tibi , Aimerice , Aquicinenfis
cccnobii abbas , tuifqu* /accejf ribits , in celUrn emni
tctnoore Ubere po£ldef:dam. conccdimus.
Il a donc voulu que faint Georges ne fût
qu'une celle , i.T cf//jffj ; que cette celle appartint
aux abbés d'Anchin, r;/-/, Aquicinenfis ccznobii ap'
l\is , mifqiie fucj^ffonbui i qu'ils la port*cdaÛ'ent li-
brement, libaépvjjlden ,:m.
Le prélat ne veut pas que ^ fous prétexte même
d'y ériger une abbaye, on puiffe jamais enlever
aux abbés d'Anchin l'églife de faint Georges ,
nul'us , fub ccciijîonc conjlruendcz ubbjtict , JanFù
Gcorrii ecclcftain , libi , ô Aimerice , Aquicinenfis
canubii abbas , if/ iuii jucccjforibus aufcrre pr&Jujnut.
Outre que les termes de ces aéfes ne laifTent au-
cun doute fur la nature de la prévôté , de la «//e
de faint Georges , ils prouvent encore que cette
chapelle n'avoit jamais été un titre de bénérice. En
eflftt, Enguerrand n'auroit pu en difpofer en maî-
tre ; Gérard auroit été obligé de l'éteindre , ce
l'unir à l'abbiiye , d'écouter le titulaire « d'avoir fon
çonrentemcnt, &c. Le fond de i'a(!rte Scies expref-
fions
PRIEUR.
fions qui font employées concourent donc â
exclure toute idée de bénéfice à faint Georges.
A l'égard du prieuré d'Aymeries , tout étoit bien
diiTérent. Le titre de fondation n'en étoit point rap-
porré, mais on produifoit une cliar:re qui prou-
voit que ce prieuré étoit déjà habité par des reli-
gieux avant d'avoir été donné à Tabbave d'An-
chin. On ne pouvoir donc pas dire qu'il eùr été
dans le principe une celle dépendante de cette
abbaye , puifqu'il avoit (on exiftence propre 8c
une conventualité , avant que l'abbaye d'Anchin y
eiJt aucun droit.
L& rirre qu'on produifoit étoit une confirmation
donnée par Gérard , é>'éque de Cambrai & d'Ar-
ras , des dons faits au prieuré d'Aymeries. Le pré-
lat y annonce qu'il a donné à l'abbaye d'Anchin
& a fon abbé Aymeric , l'églife d'Aymeries , pour
la gouverner, tcclejîam de Ayr, enesfubjeHatn &(]uafi
filum Aqu'icïnenfii ecclefiZ , & ejufdimabbdti Ayme-
rico rtfeniim conjlituijft. li rappelle les dons qu'Her-
mcngardede Mons avoit faits à ce prieuré. //f /-ot^/z-
gardisverbdeMons... eamdem ecclejîam ad ufus fratrum
ibidem deo fervientium de alo. Us juis honefïè dotavit.
Après le détail des biens donnés par Hermengarde ,
le prélat ajoute : Hizc omnia annuentibus filiis &> Jilia
ab omni advocatione conccjjic libéra Jub altare dci
genitricis , undè frjires viverent deo fervituri. L'aéle
eft terminé par les claufes fuivantes : Tali veto ra-
tione ecclejîam de Aytnencs cum fuis appenditiis feu
beneficiis , cura & arbitrio prtzfan abbatis & ipjîus
fucccjforii conjlitui , ut fi ipfa aliquandt per fe fuiim
poffet habere paOorem , unum femper de fratribus Àoiù-
cinenjïs ecclefîtz fihi ad hoc eligeret , & Jîc deinceps
omni tempore eiJem Aquic'uienfî eccUfîce ipfa annisfia-
gulis nnain argenli warcam delito cen/u perfulvcret,
Ainfi , le prieuré d'Aymeries , dans fon premier
état, avoit été fondé par Hermengarde fous l'in-
vocation de la fainte Vierge. Elle y avoit établi
des religieux qu'elle avoit dorés & fournis à l'au-
forité de l'évêque de Cambrai. Il y nvoit donc une
communauté exiflante avant qu'il fût queftion d'y
attribuer aucun droit à l'abbaye d'Anchin.
Saint Georges , au contraire, n'étoit qu'une fjm-
ple chapelle de àcvorion , où même depuis long-
temps on ne célébroit plus la mefle , & qui ne fer-
voit anx chanoines de faint Martin , dans la paroiHe
dcfquels elle étoit fituée , qu'à dépofer les faintes
huiles pour les malades. Enguerrand , fondateur du
prieure , le donne diredement à l'abbaye d'An-
chin , pour le pofTcder à perpétuité comme une fim-
pie celle ; c'eft à cette abbaye qu'il denne auflî les
biens qu'il affe>îïe à faint Georges; c'eft elle qu'il
charge d'y envoyer de fes religieux pour former ce
nouvel établiflcment.
Par la chartre d'Aymeries , Hermengarde engage
Pévêque Gérard à foumettre les religieux qui exif-
toient à Aymeries , au gouvernement fpirituel de
l'abbaye d'Anchin.
Enguerrand, au contraire, donne, dès le prin-
cipe, direâement à l'abbaye , non-fçujeraent U
Tome XIII,
PRIEUR.
60 )
fnpériorité &. la juridiflion , mais la propriété num-
des biens de faint Georges.
Hermengarde n'avoir point entendu doter l'ab-
baye dAnchin , mais uniquement l'églife d'Aymé*
rieSj eamdem ecclefiam honeflè dotavir. Enguerrand,
au contraire , donne à l'abbaye d'AncJiin l'églife
même de faint Georges.
Par la chartre d'Aymeries , la donation s'adre/Te
au prieuré même d'Aymeries & non pas à l'abbaye
d'Anchin. Elle eft faite fur l'autel de la vierge , fu^
altare dei genitricis , fous Tinvocation de laqiielle
efl le prieuré d'Aymeries. La chartre de faint Geor»
ges s'adre/Te di.-Tiilemeiit à l'abbé d'Anchin ; c'eftà
l'abbaye que la donation eft faite , pour par elle en
jouir à perpétuité.
Hermengarde prévoit le cas où le prieuré d'Ay-
meries pourra être érigé en abbaye. Les titres de
faint Georges défendent, au contraire , de jamais
enlever à l'abbaye d'Anchin les biens de faint-
Georges , fous prétexte mémo de l'ériger en abbaye.
Il y avoit déjà des religieux à Aymeries lors de
la donation d'Hermengarde ; ils étoient fuffifam-
ment dotés ; ils forraoient un établiffement. Tout
ce que defire la donatrice , c'efl que cette com-
munauté foit foumife à l'abbaye , qu'elle en foit
comme la fille , fubje^î.im & quajî filiam ; & que fi
jamais elle efl érigée en abbaye, l'abbé foit pris'
parmi les religieux d'Anchin. Au contraire, il n'exif-
toit rit n à faim Georges , lors de la donation de
1094, qu'une chapelle en ruine , fîne cura & cultis.
Ce n'eft qu'en 11 12 que l'abbaye d'Anchin y en-
voya, pour la première fois , des religieux, fans-
qu'ils aient cerfé d'être membres de l'abbaye &
de lui appartenir; enfin c'eft l'abbaye qui a acquis
de fes deniers la plupart des fonds qui fervent au-^
jourd'hui à leur fubfiflance.
Ce n'efl pas dans le titre d'Hermengarde , mais
dans des titres poflérieurs & fimplement con-
firmatifs.aui n'ont pu déroger au titre primitif,
qu' Aymeries a été qualifié de fimple celle , qui doit
être , à perpétuité , pofTédée librement par l'abbaye
d'Anchin.
Si Aymeries n'eût été qu'une celle dans fon prin-
cipe , & que la pofleffion eût été conforme , la
caufe de l'abbé de Langeac n'auroit pas été propo-
fable , mais il n'avoir pas été fondé comme tel ,
des titres confirmatifs n'avoient pu en altérer la
nature. Ceft tout le contraire pour faint Georges.
Tant de différences dans les titres primitifs de
ces deux établifTemens , ne permettoiexit pas fans
doute de les regarder comme étant de même na-
ture. Les principes qui , en 177Ç , avoient fait
juger bénéfice le prieuré d'Aymeries , dévoient ,
en 1781 , faire prononcer que celui de faint Geor-
ges n'étoit qu'une fimple obédience.
L'abbaye de faint Amand a dans fa dépendance
trois prévôtés confulérables , qui ont occafionné
plufieurs conreflations , relativement à leur nature.
Ce font Barifrs dans le diocèfe de Soiffons , Couç'»
Hhhh
(5io PRIEUR.
trai dans la Flandre impériale , &. Siraut dans le
Hainaut Autrichien.
En 1684 , le roi d'Efpagne conlîfqua les biens de
la prévôté de Siraut , comme appartenant aux reli-
gieux de faint Amand , lujets du roi avec qui il
étoit en guerre. Dom Romain Baccart, qui poffé-
doit alors cette prévôté , préfenta au confeil des
finances de Bruxelles ime requête par laquelle il
demanda main-levée des faifies faites à titre de
confircation , & foutint que les biens dont il s'a-
gifToit ne pouvoient y être fujets , par la raifon que
le religieux qui jouiffoit de cette prévôté, & y
réfidoit avec plufieurs de fes confrères , en avoit
l'ufufruit, « c'eft-à-dire, le droit d'en jouir par
^J fon titre pour leurs entretien & alimens ?>. Par ar-
rêt du 4 mai 1684 , rendu fur l'avis du confeiller
fifcal de Hainaut , & contradifloircment avec le
receveur des domaines , le confeil des finances ac-
c )rda la main - levée , à la charge par le prévôt de
payer une rétribution annuelle de 600 livres, tant
que la guerre dureroit. Les motifs de cette dcci-
iion furent , fuivant une lettre du 1 1 du mime
mois , écrite au prcvôt par le confeiller filcal, que
la prévôté de Siraut ctoit un titre indépendant de
1,1 mcnfe abbatiale &. conventuelle de faint Amand;
mais que , comme parmi les biens réclamés par le
Prévôt, il s'en trouvoit une certaine quantité qui
paroiflbit dépendre immédiatement de l'abbaye ,
le roi d'Efpagne avoit bien voulu , pour éviter
toute difcuflion fur ce point , fe contenter de la
rétribution de 600 livres portée dans l'arrêt.
En 1714 , le cardinal de la Trémoille , abbé
commendataire de faint Amand, prétendit que les
biens des trois prévôtés dévoient être rapportés
dans la maiïe des biens de l'abbaye, pour entrer
en partage. Cette conteftation fut foumife à l'arbi-
trage de M, de Bernieres, intendant de Flandres,
& de MM. Doremieux , Nouet & Chevalier , cé-
lèbres avocats au parlement de Paris , autorifés ,
par arrêt du confeil, à donner leur avis à fa ma-
jefté fur cette affaire. Le 20 juillet 1714,168 arbi-
tres rendirent une ordonnance qui enjoignoit aux
religieux de s'expliquer nettement fur la nature de
leurs prévôtés. En conféquence, le 26 du même
mois , le prévôt de Siraut déclara que « lefdites
3) prévôtés font des lieux fondés pour y faire l'of-
n fice divin par des religieux de l'abbaye de faint
3» Amand , laquelle feule a droit d'y envoyer &
» d'y prépofer un defdits religieux , auquel appar-
:» tient l'adminiftration de tous les biens de la pré-
T>' voté à laquelle il eft prépofé , ainfi que l'expli
w que VanEfpen dans fon droit eccléfiaftique ,
3j partie i , titre t, i , chapitre 2 , fuivant le canon
»> 30 du concile de Montpellier tenu en 1214 ».
Le 30 du même mois , les grand Prieur & religieux
(de laini Amand déclarèrent pareillement que « les
n 'prévôtés dépendantes de leur abbaye font ce que
?» la clémentine quia repuLvds appelle prieurés,
»'qtti, félon cette clémentine , ne peuvent être
» conférés q^u'aux religieux de leur abbaye , ôc ne
PRIEUR.
»> peuvent être appliqués ni réunis à la menfe ab"
» batiale , non pas même par les abbés réguliers
» ni , à plus forte raifon , par les abbés commen
» dataires ; fur laquelle clémentine lefdits grand
» Prieur & religieux ont déclaré qu'ils fe fon-
» dolent au fens & en la manière qu'elle eft oJ)-
» fervée & fuivie dans les Pays-Bas, comme à
i> faint Vaaft d'Arras & autres abbayes tombées
» en cornmende ». Le 7 novembre fuivant, les
arbitres ont donné un avis unanime , portant que
les prévôtés deBarifis, Courtrai ik Siraut, conti-
nueroient d'être adminiftrées en la manière accou-
tumée par les prévôts , qui feroient nommés , vaca-
tion arrivant, par l'i'bbé commendataire, à la charge
par lui de nommer des religieux de rabba}'e de
laint Amnnd feulement , fans préjudice au grand
Prieur de deflituer les religieux pourvus dcidite*
prévôtés , pour caufe légitime.
11 avoit été rendu, le c) août précédent , un arrêt
au confeil privé de Bruxelles , qui contenoit la
même dii'pof.tion , fur la qucftion de favoir fi les
biens des prévôtés dévoient être rapportés à la
maffe de l'abbaye , pour entrer en partage. Le pré-
vôt de Courtrai l'avoir demandé & obtenu fur re-
quête , dans la crainte que les grand Prieur Se re-
ligieux ne fuccombaffent à Paris. En voici les ter-
mes : « Déclare que le prévôt de Courtrai n'eft
" obligé de rapporter & conférer a. l'abbaye de
') faint Amand, ni au cardinal de la Trémoille ,
» qui en eft pourvu à titre de cornmende , aucuns
» revenus des biens, appendances & dépendan-
» ces, qiu , fous la domination de l'empereur ,
» lui appartiennent en fa qualité de Prévôt de
)> Courtai, ni pour le paffé , ni pour l'avenir, Se
» ordonne à tous ceux qu'il appartiendra de fe
» régler & conformer félon ce décret ».
Le cardinal de Gévres ayant fuccédé au cardi-
nal de la Trémoille, renouvela, par rapport à la
prévôté de Siraut , les prétentions qui avoient été
jugées au défavantage de celui-ci. Aufîî tôt le reli-
gieux qui en étoit pourvu s'adreffa au confeil
privé de Bruxelles , & y obtint fur requête un arrêt
du 20 avril 1732 , conçu dans les mêmes termes
que celui qui avoit été rendu le 9 août 1714, pour le
prévôt de Courtrai. Le cardinal de Gévres, défef-
pérant de réuflir dans les tribunaux des Pays Bas
Autrichiens , fe pourvut dire61ement contre les
grand Prieur & religieux de faint Amand, &. fit
rendre au confeil un arrêt qui renvoya l'afîaire de-
vant MM. Duhamel , Périnelle & Normant , avo-
cats au parlement de Paris. Les grand Prieur Se re-
ligieux difoient pour leur défenfe , 1°. que de
droit commun les celles ou prieurés, de quelque
manière qu'elles aient été établies, ont été recon-
nues indirectement pour de vrais titres eccléfiafli-
ques réguliers ; 2°. qu'il eft défendu aux abbés ^
fur tout depuis les conciles du quatorzième fiècle ,.
de rien retirer des revenus des prieurés , fi ce n'eft
les cens ou penfions qu'ils étoient dans une an-
cienne poffeflîon d'exiger des Prieurs , fans goii"
PRIEUR.
voir les augmenter ; 3°. que l'abbaye de faint
Amand neioiiifTant pas perlbnnellement de la pré-
vôté de Giraut , ce n'étoit point contre elle , mais
contre le prévôt que l'abbé devoir diriger fes pour-
fuites. Sur ces raifons , cû intervenu, le 7 août
1737 , un jugement en dernier reflort, conçu en
ces termes : «t Nous, commilTaires fufdits , en v^tu
>» du pouvoir à nous donné par Ta majefté , ayant
» aucunement égard aux requêtes deidits grand
» Prieur & religieux de (aint Amand , les ren-
}» voyons des demandes contre eux formées par
» ledit fieur cardinal de Gêvres , en partr.ge des
»> biens dont eu. queftion , & à fin de reftitution
» des fruits defdits biens ; fauf audit fieur cardinal
M de Gêvres à diriger fon a<51ion , ainfi qu'il avi-
" fera , contre le prévôt de Siraut, & les défenfes
»» dudit prévôt réfervées au contraire».
Que conclure de ces différens préjugés ? Rien
de précis. Il y auroit autant d'incoaléquence de
prétendre indiiVir.diiement que les prieurés dèpen-
dans des abbayes de^ Pays Bas ne font pas bénéfi-
ces , que de foutcnir qu'ils le font tous fans excep-
tion. La leule règle qu'il y ait à ce fujet , eft de
confulter les titres & la poffeflîon. Quelques ab-
bayes les ont pour elles , quelques autres les ont
contre. De là naît une difierence qui eft marquée
bien clairement dans les articles i & 1 du traité du
14 oélobre 1775 ' «"apporté au mot BÉrcÉFiCE.
Après avoir difcuté la nature des prieurés fo-
rains , il faut examinera qui en appartient la no-
mination. De droit commun , c'eft à l'abbé du mo-
naftère dont ils dépendent ; & , comme le prou-
vent l'arrêt du 19 feptembre 1697 iSc le jugement
arbitral du 7 novembre 1714 , rapportés ci-devant ,
on ne diftingue pas à cet égard un abbé commenda-
taire d'avec un abbé régulier.
Il y a cependant quelques exceptions à cette rè-
gle. On verra ci-après que les prieurés dépendans
de faint Germain-des-Prés font à la col!a'ion du
Prieur de cette abbaye. Le certificat du Prieur de
faint Vi«fîor , du 30 février 1693 ,que nous avons
déjà cité, porte, que les prieurés dépendans de
cette abbaye « font conférés par les pères du con-
" feil, ou autrement dits par les pères de la cham-
« bre , qui font ait nombre de fept , dont le père
M Prieur eft le chef , lefquels , à la pluralité des
» voix , choifilTent tel fujet de la compagnie qu'ils
" veulent, pour remplir les offices & les prieurés
il vacans , & qui révoquent auffi , quand ils trou-
« \em à propos , ceux qu'ils ont commis pour
V remplir leldits offices ou adminiftrations ".
D'Héricourt , dans fes oeuvres pofthumes , tome
4 , page 54 , obferve « qu'en Franche Comté tous
» les prieurés fimplesfont à la pleine & libre col-
M lation du pape, comme les prieurés conventuels
V font à la nomination du roi ; cela eft établi par
w d'anciens induits renouvelés en différens temps.
» 11 eft vrai que les collateurs François , qui ont
n des bénéfices de leur dépendance fuués en Fran-
PRIEUR. 6m
j» che-Comté , prétendent que le chef- lieu n'y
» étant pas fitué , ils doivent jouir de leur droit
» de collation , nonobftant ces induits : mais cette
» prétention a été plufieurs fois condamnée par le
» parlement de Befançon ». On trouve la même
obfervation dans les œuvres de Cochin , tome 6 ,
page 486.
On a autrefois prétendu que le roi devoit nom-
mer aux prieurés fociaux, en vertu du concordat :
mais ce fyftème étoit trop contraire à l'efprit &
même à la lettre de ce traité , pour être accueilli
dans les tribunaux, &il a étéprofcrit par un arrêt
du confeil de l'année 1572 , rendu au fujet du
])rieuré de Fleury , dépendant de l'abbaye de faint-
Vi61or. On a déjà cité un femblable arrêt du 1 1
juin 1547 pour le prieuré de faint Georges, dé-
pendant de l'abbaye d'Anchin.
Il en eft de même dans les Pays-Bas , foit Fran-
çois , foit Autrichiens , par rapport au concordat
dont nous avons parlé à l'article Election. On lit
dans une requête des gens du roi du grand con-
flit de Malines, en date du premier juin 1723,
« que fa majeilé ne confère point les prieurés ,
» lorfqu'ils font fimples ou d'obédience ».
Nous avons remarqué ci-deftus les cas où les
prieurés forains font fujets à k dévolution : On
verra au mot RÉGALE , quels font ceux où ils peur
vent recevoir 1 impreiTion de ce droit éminent.
• On a vu plus haut que le concile de Vienne, ou,"
fi on veut, la clémentine quia regulares , ordonne
aux êvêques qui difpofent des prieurés-forains à
titre de dévolution, de les conférer à des profès-
des monaftèrcs d'où ces prieurés dépendent, rf//"-
gio/îs tnonjjlerium quorum pralaii hujufmodi neglï-
genus fuerint , conferendo.
Cette difpofition n eft que l'expreffion de l'an-
cien droit commun , fuivant lequel tout religieux
étoit regardé comme incapable de pofféder un
prieuré qui ne dépendeit pas de fon abbaye, parce
que ç'auroit été le fouftraire à l'abbaye dans la-
quelle il avoit fait vœu de ftabilité , & au fupé-
rieur à qui il avoit promis obéiftance pour toute
la vie.
Cet ancien droit n'a changé en France qu'en
conféquence des congrégations qui s'y font for-
mées. Tous les monaftères d'une même congréga-
tion étant fournis au même fupérieur général , on
les a regardés comme ne formant qu'un feul corps.
Les profès d'une abbaye n'ont plus paru étrangers
aux autres abbayes de la même congrégation , &
infenfiblement on les a reconnus pour habiles à
pofi'éder les bénéfices qui en dépendoient. Enfuite
cette capacité s'eft étendue à tous le* religieux du
même ordre & militans fous la même règle, quoi-
que de différentes congrégations, &c'eftainfi que
s'eft formée la maxime regularia. rfgidarièus ejufi.-ni
ordinis , devenue loi du royaume depuis qu'elle a
été confignée dans le concordat.
I Cependant la cour de Rome , toujours attachée
' Hhhhij
m
6ii PRIEUR.
aux anciens ufages, ne s'eft pas prêtée à cette in-
novation , & toutes les fois qu'un religieux qui fe
déclare profès d'un monaftèrc, demande un prieuré
dépendant d'une autre abbaye, quoique de la même
congrégation, les officiers de la daterie ne man-
quent jamais d'inférer dans la provifion une claufe
de tranflation de morujl.-rio ad mjnajhrluni, &. d'af-
fujettir le pourvu à fe faire recevoir in fratrem dans
l'abbaye d'où dépend le prieuré régulier qu'il im-
pètrc , afin de ne pas contrarier l'ancienne maxime,
qu'il faut être religieux de l'abbaye matrice, pour
pofféder les prieurés-forains qui en dépendent.
Cette maxime forme encore le droit commun
des Pays-Bas : les prieurés forains de ces provinces
ne peuvent , conformément aux difpofitions du
concile général de Vienne , être donnés qu'aux re-
ligieux profès des abbayes dont ils dépendent ref-
pt:6iivement ; & , comme on l'a déjà remarqué , cet
iifage a été fpecialement confirmé à l'égard des ab-
bayes d'Anchin , de Saint -Amand & de Saint-
Vaaft , par l'arrêt du grand-confeil du i9feptem-
hre 1697 , par le jugement arbitral du 7 novembre
1714, & par les lettres-patentes du mois de mai
1775.
Peut-on conclure de-là , que les prieurés dépen-
dans des abbayes des Pays - Bas, ne peuvent être
tenus en commende par des eccléfiaftiques fécu-
liers? Les grand-Prieur & religieux d'Anchin fou-
tenoient l'affirmative dans l'inftance contre l'abbé
de Langeac. Mais , comme nous l'avons déjà dit ,
ils ont fuccombé , & on a jugé que l'abbé de Lan-
geac étoit habile à pofTéder en commende leur
prieuré d'Aymeries. Voici le raifonnement que leur
oppofoit fon défcnfeur: u L'aftedation ancienne des
V prieurés réguliers aux profès de l'abbaye matrice ,
ï> ne peut pas plus faire obftacle à la commende, que
M l'afieftation plus récente des prieurés ou autres
j) bénéfices réguliers aux religieux du même ordre.
» Quoique le concordat porte , regularia regularibus
« tjufJem ordinis , les bénéfices réguliers n'en font
>» pas moins conférés tous les jours en commende
» à des féculiers : donc , quoique le concile de
M 'V^ienne porte , religiojù moruflériorum quorum pm-
•n lati huju/modi négligentes fueiint , conjerendo , les
« féculiers n'en font pas moins aptes à être pour-
j> vus en commende des prieurés réguliers i».
Les grand-Prienr & religieux d'Anchin préten-
doient écarter ce raifonnement par la chartre de
1088 , qui , fuivant eux , affeftoit particulièrement
aux membres de leur abbaye le prieuré dont il
étoit queflion. Ils infiftoient fur trois claufes de
cette chartre : la première , par laquelle Gérard II ,
évêquc de Cambrai, déclare avoir foumis l'églife
©u prieuré d'Aymeries à l'abbaye d'Anchin. Mais
cette chufe , répondait l'abbé de Langeac , ne fait
que denier aux abbés d'Anchin le gouverneinent
fpirituel du prieuré d'Aymeries . fans affeâer fpe-
cialement le titre aux religieux d'Anchin.
La féconde , par laquelle il étoit dit que la fon-
datrice avoit doté l'églife d'Aymeries , ad ujusfra-
PRIEUR.
trum ibidem dto fervientium. Mais cette claufe, dî-
foit le défenfeur de Tabbé de Langeac, ne fait
qu'exprimer l'affeiflation des biens à la fubfiftance
& aux befoins des religieux réfidens dans le pri'îuré ;
elle ne dit point que ce prieuré ne pourra être con-
féré qu'à un religieux d'Anchin.
A la vérité , cette affeâation fe trouvoit écrite
dans la troifiéme chufe , mais elle n'y étoit qu'hy-
pothétlquement : il y étoit dit, que fi un jour l'églife
d'Aymeries fe iio.ivoit en état d'être érigée en ab-
baye, les religieux d'Aymeries ne pourroient élire
pour abbé qu'un des religieux d'Anchin : mais ce
cas n'efi point arrivé, difoit l'abbé de Langeac;
le prieuré n'a pas été érigé en abbaye ; ainfi il n'y
a pas eu lieu à l'affeflarion fpéciale du titre de cette
abbaye aux feuls religieux d'Anchin.
L'abbaye de Saint-Germain-des-Prés vient de
faire valoir , avec plus de fuccès , l'affeélation de fes
prieurés à fes religieux profès. La contefta:ion étoit
entre l'abbé Mallaffis, pouryu en cour de Rome du
prieuré de Septeuil , avec la claufe detitulo in corn-
mendant, d'une part ; & les prieurs & religieux de
Saint-Germain-des-Près prenant le fait & caufe de
dom Bourdon , nommé au même prieuré par foa
fupérieur régulier , d'autre part.
Voici comme on établilToit la défenfe de ceux-
ci. Toute la queftion fe réduit à favoir fi le prieuré
de Septeuil eft affeélé à la menfe conventuelle de
l'abbaye deSaint-Germain-des-Prés , tellement que
le Prieur de cette abbaye ait feul droit de le con-
férer ; que le pape ne puifîe ufer , à fon égard , de
fon droit de prévention , & que les feuls religieux
profès foient capables de le pofféder.
Or , ces trois points font prouvés par le texte
précis du concordat de 1553 , paffé entre le cardi-
nal de Tournon , abbé de Saint - Germain , les
Prieur & religieux de l'abbaye , & le chapitre gé-
néral de la congrégation de Chczal ■ Benoit. Qatz
omnia & fingula o^icÎj & bénéficia ad pnzdiSium cen-
ventum& mcnfam converttualem fpeBabunt & pertine-
bunt cum omnibus reditibus ^fuBibus 6* emolumentis
ab ip/is depsndentibus , & omnes-fruBus eorum menfa
conventuaii ^ffeSîi erunt & uniti , ex nunc prout ex
t'Mic uniuntur & incorporant ur. Commenter ces ter-
mes feroit en diminuer l énergie. Le droit de colla-
tion du Prieur à l'exclufion de tous autres n'efl pas
moins certain. Omnimoda dijpofitio &collatio eorum
beneficiorum , vacatione occur-e/ite, ad pradiâlum vi-
cariurn pleno jure pertimbit. L • pape renonce for-
mellement à pouvoir }amais conférer , ita ut aetjue
per Tomanurn pontificem , neque per abbatem , neque
per ulium quucumque autoritate prafulgeal , rrater'
quàm per prafaium viearium collatio fieri pojjit , o*
colLniones p.r alium faSlx nul lœ erunt & irritez. Le
Prieur de Saint- Germain ne peut conférer les bé-
néfices qu'aux religieux de cette abbaye , ita tamen
qubd prxfatus vica'ius atiis perfonis quàm regularibus
&• religit'/is prczdiHi wonafteri: fanai Gcrmani in tb^
fervantiâ regulari viventibus providere non patent.
Ce concordat a été fuiyi de trois autres des an-
PRIEUR.
nées 1^50, iÇ'56& 1588, qui le confirment. Les
papes l'ont ratifié par plufieurs bulles ; trois de nos
rois l'ont revêtu de leurs lettres-patentes , qui ont
été enregiftrées fans modification , Si rexccution
en a été expreffemeni ordonnée par un arrêt de
1643 » rendu en faveur de dom Ferry, nommé par
le Prieur de l'abbaye de Saint Germain au prieuré
de Bailly , contre l'abbé Grangier, impétrant en
cour de Rome de provifions per obiium du même
bénéfice , antérieures d'un mois à U nomination de
ion adverfaire.
L'abbé Mallaflis objefloit, 1". que le concordat
de 1643 contenoit fi peu une afFeâation générale
& exclufive, que le cardinal de Tournon s'obligeoit,
par cet aHc, d'indemnifer les religieux, au cas
qu'ils vinfTent à perdre leurs bénéfices par l'effet
d'une rédgnation des titulaires.
Riponfe. Avant l'introduélion de la réforme de
Cliézal iJcnoît dans l'abbaye de Saint - Germain-
des-Près , les religieux jouitToient perfonnellement
de leurs bénéfices. L'affeftation portée par le con-
cordat de 1543 1 "e pouvoir par elle-même leur
ôter le droit de les re/igner; ce concordat ne fai-
foit point loi; il ne pouvoit le devenir que par
l'agrément & le concours des deux puiflances. Les
titulaires confervoient leur libre dHpofition , juf-
qu'à ce qu'on eiit obtenu des lettres- patentes , &
qu'elles fuflent enregiftrées. Il falloit donc prendre
des précautions contre les nJfignations qui auroient
pu fe faire dans cet intervalle.
La féconde objeftion de l'abbé Mallafîîs étoit de
dire , qu les titres des bénéfices exiftoient ; que le
concordat de 1543 n avoit pu priver les indultaires ,
les brévetaires, les régaiiftes & les gradués , de
leurs expe61ativcs ; que l'ordinaire lui-même con-
fervoit tous fes droits.
Réponfe. L'ordinaire n'a rien perdu , puifque les
bénéfices étoient à la collation de l'abbé. On n'ap-
pelle jamais les indultaires , les brévetaires ni les
gradués , lorfqu'il s'agit d'une union. Les régaliftes
ceffent d'avoir des droits , lorfque le roi renonce
aux Tiens par des lettres patentes , & que le parle-
ment les enregiflre.
La troifième objeéîion de l'abbé Malaffis étoit
tirée du défaut d'enregiflrement des bulles du pape ,
qui ont adopté le concordat de i 543.
Réponfe. Ces bulles ont été fuivies de lettres-
patentes , qui ordonnent l'exécution du concordat
qu'elles avoient reçu; ce font elles qui lui donnent
force de loi. 11 eft bien vrai que des bulles ne peu-
yent s'exécuter en France fans le confentensent du
roi ; mais quand les lettres-patentes & les bulles
ordonnent la même chofe , l'enregidrement des
premières fuffit. Le concours des deux puiflances
étoit néceflaire ;auffi le pape a-t-il éonné des bulles
qui engagent fes (ucceffeurs , & le roi , des lertres-
patentes qui ont formé une loi parfaite d'après l'en-
regiftrement.
La quatrième objeftion de l'abbé Mallafîîs étoit
la plus foiWe de toutes. Le préambule des lettres- 1
PRIEUR. 61}
patentes , difoît-tl , annonce que leur objet cfl feu-
lement d'autorifer la réforme de Cbézal-Benoît ,
introduite dans l'abbaye de Saint- Germain-des-
Près ; mais il n'y efl pas dit un mot de l'union des
bénéfices.
Réponfe. La réforme de Chézal- Benoît ordonna
expreifement l'afTeélation de tous les bénéfices à
la menfe conventuelle (1). Cette réforme efl établie
par le concours des deux nuisances de la maniéré
la plus folemnelle ; ainfi quand on admettroit que
les lettres-patentes n'auroient eu pour objet que
l'introduâion de lajèforme de Chézal-Benoîtdans
l'abbaye de Saint-Germain, elles n'en eufTent pas
moins approuvé l'union des bénéfices à la menfe
conventuelle , puifqn elle étoit ordonnée par la rè-
gle même qu'on recevoir.
Ces moyens ont été devoloppés par M. l'avocat
général Séguier ;& par arrêt du vendredi 20 mars
1778, conforme à fes conclufions , l'abbé Malaf-
fis a été déclaré non-rccevable dans fes demandes ,
appels comme d'abus & oppofitions , & dont
Bourdon maintenu dan-s le prieuré de Septeuil.
L'arrêt du grand confeil du 30 mars 1694, déjà
cité plus haut, a encore jugé que l'office de Prieur
clauflral de l'abbaye d'Anchin étoit incompatible
avec le prieuré de Saint- George dépendant du mê-
me monaflère. Dom d'Oye étoit pourvu à la fois
de l'un & de l'autre ; les religieux d'Anchin le fi-
rent affigner au grand conieil, pour voir dire qu'il
feroit teiiu d'opter encre ces deux titres. Ils ap-
puyèrent leur demande fur le décret du Concile
de Vienne, qui afrujettit les Prieurs forains à la
réfidence la plus exaéle, & leur ôte même la li-
berté de demeurer dans le principal monaflère, fi
ce neft pour un temps & pour de jufles caufes.
Dom d'Oyc ne fe défendit, qu'en prétendant que
Saint-George étoit un prieuré de memâ ; les reli-
gieux foutinrent au contraire qu'il étoit détaché de
la menfe conventuelle. Si l'arrêt dont il s'agit leur
donna gain de caufe : faute par dom d'Oye d'avoir
fait l'option du grand - prieuré d'Anchin, ou du
prieuré de Saint-Georges , il déclara le grand-prieui é
vacant.
Foyei Vun-Ffpen, Fuet , Rmpau de Lacornhe ;
le: définitions canoniques ; le diflionnaire de Durand
de Maillane; Denifart, L'encyclopédie, & Us divers ar-
ticles auxquels nous renvoyons dans le cours de ce-
lui-ci. ( article de M. Merlis , avocat au parlement
de J' l mdres ).
PRIMAT. Ce nom , qui emporte un titre de
dignité, ne s'eft introduit dans l'églife, ainfi que
ceux d'archevêque , de patri-.<rc!ie Se de pape ,
que quelques fiécles après rétablifTement du chrif-
tianifme. Les évéques des plus grands fiiges s'é-
toient contentés jufqu'alors de la feule dénomina-
(i)Ordinamus quodomnes reditus , -3:11 conventûs rjiiàm
otHciorum , nec non prio .itiiJin ad no, tram comniuniiaceii»
perveniaiu , &: bénéficia ex tune uniia Cfnfeantur eommu-
ritacinoftri mçna.Uiii, Arùck 53 des fintuts Je Ckézjlr>
Bcntîc, "
6r4
P R î M A T.
tion d'évàqiies , qui leur étoit commune avec ceux
des fièges les moins confidérables : on ne vit ,
qu'avec une forte de peine , les prélats des pre-
mières villes affeéïer ou recevoir des titres plus re-
levés ; mais l'ufage prévalut, & on appela arche-
vêque ou métropolitain , l'évéque de la principale
ville de cha(^ue diflri^t. On donna le nom de Pri-
mat ou d'exarque à ceux dont les fièges fe trou-
voient placés dans les villes qui tenoient le rang de
capitales par rapport à plufieurs dtftriâs. Les évé-
qiies de villes qui étoient elles-mêmes regardées
comme capitales à l'égard de plufieurs grandes pro-
vinces ou royaumes , furent appelés patriarches.
Leur autorité Si. leur juiidiclion s'étendoient liir les
Primats eux-mêmes , & abforbèrent dans la fuite
l'autorité même de ces derniers. Ce fut particulière-
ment dans l'églife grecque ou d'orient que ces dif-
férentes dénominations furent d'abord admifes.
L'églife latine n'eut, pendant long temps, d'autres
manières de défigner les évêques des principaux
fièges , que la fimple qualité d'archevêque : fi les
noms de patriarche Si. de Primat y furent enliiite
reçus , ce fut dans un fens bien moins étendu &.
avec des prérogatives bien inférieures à celles
dont jouilTbient les prélats revêtus des mêmes ti-
tres dans l'églife orientale. Deux cliofes fur-tout
contribuèrent à rendre plus diflicile l'introduAion
de ces titres , & des pouvoirs & droits qui s'y trou-
voient attachés. La grande autorité dont l'evêque
de Rome a toujours joui dans l'églife latine, s'op-
pofoit à l'accroiflement de l'autorité des fièges in-
férieurs ; & lorfque les évéques de Rome voulu-
rent dans la fuite employer cette même autorité
pour étendre celle de quelques uns des principaux
métropolitains, la réfiflance qu'ils éprouvèrent de
}a part des métropolitains voifins , Si. même de
quelques-uns de leurs fuffragans , rendit prefque
toujours ces tentatives inutiles. Auflî , quoiqu'on
rencontre quelquefois le titre de Primat accordé
à des évêques ou archevêques de l'églife latine ,
ce titre n'annonce point en leur faveur les mêmes
avantages qu'il indiquoli relativement aux évêques
orientaux. Ce n'étoit guère , pendant les onze pre-
miers fiècles ( fur-tout dans les Gaules), qu'un
fimple titre d'honneur, accordé quelquefois à l'an-
cienneté de l'ordination , d'autres fois au mérite
perfonnel, mais fans aucune prééminence m fupé-
riorité de droit. Malgré tout le crédit que le pape
faint Léon s'étoit fi juftemeut acquis par fes venus
& fa doiSirine, il ne put réuffir à faire agréer à l'é-
glife des Gaules le deflein qu'il avoit d'y établir
difTérens Primais auxquels des métropolitains (ui-
fent fubordonnés. L'attachement de l'églife galli-
cane à fes anciens ufages écarta cette nouveauté.
Prefque tous les auteurs conviennent quejufqu'après
le milieu du onzième fiêclc , on ne reconnut dans
les Gaules l'autorité d'aucun Ftimat, & que tous
les métropolitains étoient immédiatement foumis
au faint fiège. Si quelques uns avoiect eu quelque
■prééminence fur les autres , ce navoit éié ou'cn
PRIMAT.
vertu de vicariats dont les papes avoient voulu les
honorer , & qui étoient uniquement attachés à
leurs perfonnes. Depuis long-temps ces vicariats
ont ceffé d'être en ulage , & ne feroient plus au-
jourd'hui reçus.
Le plus ancien Primat en vertu d'un titre perpé-
tuel qu'on reconnoifle en France , efi l'archevê-
que de Lyon. Cette dignité lui fut conférée en
1079 P^*" Grégoire VII , qui occupoit alors le
faint fiêge , & qui par une bulle accorda à l'églife
de Lyon le droit de primarie fur les quatre pro-
vinces Lyonnoifes, qui font celles de Lyon , de
Pvouen y de Sens & de Tours. L'antiquité de l'é-
glife de Lyon , qu'on peut regarder comme la pre-
mière des églifes de France qui ait eu im iiège
épifcopal , fcmbloit mériter'cettediilinflion ; il pa-
roît même que Grégoire VII <rut moins accorder
un droit nouveau à cette églife , que la remettre
en poiTcflion d'anciens droits que le défaut d'ufage
avoit en quelque forte fait oublier. Ces motifs n'en
eurent pas plus de force fur deux des métropoli-
tains que le pape alfujettifloit à la primatie de
Lyon. L'archevêque de Tours fut le feul qui la re-
connut volontairement & s'y afTujetit de plein gré.
Robert , archevêque de Sens , y oppofa la plus
vive réfiftance, & fut pYivé par le pape de l'ufage
dnpallium dans fa province , en punition de cette
défobéifTance prétendue. Quel crime pouvoit-on
iaire à ce prélat , de vouloir conferver la liberté
de fon églife & les prérogatives de fon fiége ?
Daimbert , qui le remplit après lui , ne montra pas
la même vigueur. Si fe fournit à la primatie de
Lyon. Ses fuccefleurs regardèrent cette démarche
comme une foiblelfe de fa part , qui n'avoir pu
préjudicier à leurs droits , Si ne s'en opposèrent
pas moins fortement à l'autorité que les archevê-
ques de Lyon vouloient prendre dans Iwir pro-
vince. Ils eurent même l'avantage d'être en cela
foutenus par nos rois , qui ne voyoient qu'avec
peine qu'on entreprit d'affujetir l'archevêque de
la province dans laquelle il réfidoit d'ordinaire , à
une puifiance étrangère. L'archevêque de Lyon
jouiffoit eu effet alors de la fouveraineté fur cette
ville. Les difputes renouvelées fouvent entre ce
petit fouverain Si fesfujets, engagèrent ces der-
niers à recourir à la proteâion de nos rois Si à défi-
rer de fe foumettre à leur autorité. Un des articles
du traité fut que les droits de primatie feroient
confervés à l'archevêché de Lyon fur la province
de Sens. Le dédommagement n'étoit pas fort avan-
tageux pour les archevêques. Depuis cette épo-
que , ceux de Sens furent obligés de reconnoitre la
primatie, Lorfqu'en 1622 l'évéché de Paris futdif-
trait de la métropole de Sens , & érigé en arche-
vêché, ce ne fut qu'à condition eue la nouvelle
métropole releveroit immédiatement de la prima-
tie de Lyon , à laquelle elle demcureroit foumife.
C'cft ce qui eft ftipulé dans les bulles Si lettres-
j patentes données à ce lujer.
j Quant à la métropole de Rouen , elle n'avoir
PRIMAT.
jamais fupporté que fort impatiemment les préten-
tions de celle de Lyon. Depuis l'éreftion delà der-
nière en primatie , plufieurs querelles s'étoient
élevées entre les prélats des deux fièges. Elles fe
renouvelèrent avec plus de chaleur vers la fin du
fiècle dernier. M. de Saint- Georges rempUnbit
alors le fiège de Lyon, celui de Rouen étoit oc-
cupé par M. Coibert. L'affaire fut portée au con-
feil d'état; elle fut inftriiitc avec tout le foin pom-
ble; iês plus célèbres jurifconfultes écrivirent ou
turent con fuites fur cette queflion. De part & d'au-
tre , parurent les mémoires 1 plus approfondis.
Enfin, par arrêt du 2 mai 1702 , le roi , fans s'ar-
rêter aux requêtes & demandes de l'archevêque de
Lyon , tendantes à être maintenu dans le droit de
prmiatie fur la province de Rouen , comme fur
celles de Lyon , Tours , Sens & Paris , ayant éaard
à celles de l'archevêque de Rouen , & à l'interven-
tion des évéques de la province de Normandie ,
maintient l'ai chevcque de Rouen Se fes fucceHcurs
dans le droit & pofleffion oii étoit, de temps im-
mémorial , l'églife de Rouen de ne reconnoitre
d'autre fupéricur immédiat que le faim fiège ; -tait
défenfes à l'archevêque de Lyon ,fes grands vicai-
res Si ofFlcianx , &à tous autres, de ly troubler à
l'avenir. Se en conféquence , déclare qu'il y avoît
abus dans les provifions & vi/u donnés par l'arche-
vêque de Lyon & fes grands vicaires , de bénéfi-
ces fuués dans le diocèfe de Rouen , fur les refus
de l'archevêque de Rouen ou de fes grands vicai-
res ; déclare abufives les appellations de l'official
de Rouen , relevées à l'officialité primatiale de
Lyon : permiffion de citer , citations , procédures
& jugemens rendus en conféquence; ordonne que
les appellations des ordonnances & jugemens de
l'archevêque de Rouen , fes grands vicaires ou
ofHciaux , feront relevées immédiatement à Rome ;
fait défenfes à toutes perfonnes de les relever à
rofficialité primatiale de Lyon , à peine de nulhté ,
& en ce qui concerne les appellations comme
d'abus interjetées , tant par l'archevêque de Rouen ,
des deux bulles de Grégoire "VU de l'année loy^ ,
que par l'archevêque de Lyon , de la fentence ren-
due par le cardinal de Sainte-Croix , du 1 2 novem-
bre 1455 , & des bulles de Calixte III des 23 mai
Ï453 & II juillet 1458; le roi les déclare refpeâi-
vement non-recevables dans lefdires appellations
comme d'abus , fans amende : ordonne que 1 arrêt
fera lu , publié & enregiftré par-tout où befoin fera ,
& que toutes lettres-patentes néceffaires feront fur
ce expédiées.
En conféquence de cet arrêt , le roi a donné
fes lettres-pattentes le 4 août 1702 , adreffées aux
parlemens de Paris & de Rouen , 6i à tous autres
officiers jufticiers qu'il appartiendra ; Se leur mande
de les faire lire, publier & enregirtrer, & du con-
tenu en icelles faire jouir l'archevêque de Rouen
& fes fucceiîeurs , pleinement , paifiblement & per-
pétuellement , ceffant & faifant ceffer tous troubles
îk empéchemcns à ce contraires, 6c fans fouifrir
PRIMAT. 61 î
qu'il y foît contrevenu en quelque forte & mn-
nière que ce foit , direâement ou indire>flemenr ;
& ce nonobflant clameur de haro, charte nor-
mande , & telles à ce contraires , auxquelles , pour
ce regard feulement , t^ fans tirer à conféquence ,
le roi déroge & a dérogé.
Ces lettres-patentes ont été enregirtrées au par-
lement de Paris le 13 décembre 1702, & au par-
lement de Rouen le 20 du même mois.
L'alîteur dA recueil de jurifprudence canonique ,
après avoir rapporté le difpofuif de cet arrêt, ob-
ferve que dans cette célèbre conteftation il a ère
jugé qu'un évéque peut être Primat , fans avoir
fous lui de métropolitairi. On ne voit cependant
pas que l'arrêt cité donne cette qualité à l'arche-
vêque de Rouen ; elle ne feroit d'ailleurs qifun
finiple titre d'honneur , & une qualité purement
florile, qui ne procureroit ni prééminence ni pré-
rogatives.
L'archevêque de Bourges jouit auiïl du droit de
primatie. Ce droit attaché depuis long temps à
fonfiège, lui fut confirmé par les papes Eugène
III & Grégoire IX. Sa primatie paroît s'être autr -
fois étendu-j lur la province de Bordeaux : d'an-
ciens monumens atteftent que les archevêques c'e
Bourges y ont fait des vifites , & que les archevê-
ques de Bordeaux ont reconnu cette primatie :
mais depuis long-temps ces derniers ont fecoué
ce joug; ils prennent même la qualité de Primat
d'Aquitaine. Ce privilège leur fut accordé en 1306
par le pape Clément V , François de nation , &
qui avoit , avant la promotion au fouverain pon-
tificat, rempli le fiége de Bordeaux. Il exempta en
même temps cette province de la juridi6lion de
l'archevêque de Bourges ; ce qui confirme que la
primatie de ce dernier s'étendou anciennement,
comme nous venons de le dire , fur la province
eccléfiaftique de Bordeaux; & ce qui prouve le
droit , ou, pour mieux dire, le pouvoir que s'é-
toient arrogé les fouverains pontifes de foumettre
ou de fouftraire les métropoles à la juridi61ion les
unes des autres.
L'attention qu'ont eue les archevêques de Bor-
deaux dans l'exemption que leur avoit accordée
le faint fiège , a donné plus de force à cette exemp-
tion qu'elle n'en tenoit du refcrit pontifical.
La primatie de l'archevêque de Bourges, qui
par-là fe trouvoit réduite à un titre fans fondions ,
a repris la dignité & l'éclat qui paroifTent devoir
l'accompagner, lors de l'éreâion faite en 1675 '^^
l'évêché d'Albi en archevêché. Les archevêques de
Bourges, dont les évêques d'Alhi étoient fufFra-
gans , ne tonficntirent à cette éredlton que fous la
réfervc & à la condition que le nouvel archevê-
ché , aiiifi que lesévêchés de Rodez, de Cadres ,
de Cahors , de Vabres & de Meudes , qu'on déta-
choit aulïï de la province de Bourges , pour en
former la nouvelle province d'Albi , refteroient
fournis à la juridii^ion primatiale de l'archevêché
de Bourges,
6j(^
PRIMAT.
La qualité c!c Primat eH encore prife par plii-
ficurs archevêques du royaume de France ; m:iis ,
comme nous l'avons obrervé , elle n'eft qu'un fim-
pk titre pour eu^. Ainfi Tarchevéque de Bordeaux,
comme on vieqt de le dire , fe qualifie Primat d'A-
quitaine ; l'archevêque de Sens , quoique fournis à
la primAtie de Lyon, s'intitule Primat de Germa-
nie; l'archevêque de Vienne fe donne le titre de
Primat des Primats ; cependant il n'a de juridi61ion
fur aucun Primat ni même fur aucun mctrcpù'i-
tain : l'archevêque d'Arles lui contefte la qualité
de Primat de la Gaule Narbonnoife , qui eft en
même - temps revendiquée par l'archevêque de
Narbonne.
Ces différentes prétentions ont pu tirer leur ori-
gine des vicariats que les papes , fuivant la remar-
que que nous en avons faite ci-deÛus, s'étoicnt mis
en ulage de donnera difierens évoques dans les
cinquième & fixième fiècles Le pape Zozime fut le
premier qui revêtît Patrocle , évêque d'Arles, du
titre de fon vicaire dans les Gaules.
Les droits 6c pouvoirs des Primats ne répondent
pas , parmi nous , à la magnificence du titre. Les
Prélats qui en jouiiïent , même avec/onciions , ne
peuvent pi faire de vifites dans les mérropoles des
archevêques qui relèvent d'eux , ni indiqtier les
alTemblées des conciles provinciaux, ni faire por-
ter devant eux la croix , ni fe fervir du pallium ,
ni officier pontificaiement dans les mêmes métro-
poles. Fevret , livre 3 de fon traité de l'abus , cha-
pitre 3 , rapporte fort au long les permillîons Sx.
ronfcntemens que M. de Marquemont , archevê-
que de Lyon, demanda & obtint pour célébrer
pontificalemept dans l'églife paroifliale de §aint-
Eurtache à Paris,
Tome l'autorité & /nridi^ion des Primats fe ré-
dui'^ént , d'une part , à juper par eux-mêmes des
appels interjetés devant eux des ordonnances des
Métropolitains qui leur font fournis, en matière
volontaire , & à pourvoir fur les refus de vifa , ou
même à les fuppléer en cas de déni de juftice ; & ,
d'un autre côté . à faire prononcer dans leurs offi-
cialités prjmatiales . fur les appels des fentences
rendues par les officiaux métropolitains. Ils ont
encore le droit de conférer par dévoUnion les bé-
néfices auxquels les métropolitains aiJroient né-
gligé dç pourvoir dans le temps qui leur eftpref-
crit par les canons.
foye ■ Fevrcr , traité de l'abus ; Ihotnijjln , difc'i-
pline ecrléjîjjliijue ; mémoires du clergé ; recueil de
jurifprudence c.monicjue ; lois eccléfiafliques. Voyez
auffi les mois Archevêque , Dioc se , Evèque ,
Patriarche, &c.
( Article de M. l'abbé Remy , avocat au parle-
ment ).
PRIMATIE. Ce mot, dérivé du précédent , dé-
fi «rne 1.1 dignité &. la qualité on vertu desquelles les
prélats de certains fiès;es métropolitains ont une
préémirencc de juridiétion fur d'aqtres métropoli-
tains. Voyez i'article çideflîis.
PRINCE.
( Artich de M. iijbbi Rehy , avocat au parle*
m-:nt ).
PRIME D'ASSURANCE. C'eil la fomme qu'un
négociant qui veut faire affurer fa marchandife ,
pnye à l'aflu-eur pour le prix de l'affurance. Voyez
Police & Contrat d'Assurance.
PRIMITIF. On appelle titre primitifs le premier
titre conftitudf dç quelque droit.
On appelle curé primitif, celui qui cft originaire-
ment curé , & quia un vicaire perpétuel ou ina*
movible , qu'on appelle curé. Voyez Curé.
PRÎMOGÉNITURE. C'eft le droit d'aîne^e.
Voyez AÎNÉ.
PRINCE, du mot latin Prïnceps , lequel eft lui-
même formé de la combinaifon de deux mots ,
primr/s, cjpui , premier , chef , quieftàla tête des
autres , qui commande. Ce titre appartient donc
effentielkment à tout fouveiain.
C'efl dans les articles Roi , Souverain, qu'on
parlera des rspons des Princes foijverains avec les
peuples qui leur font fourni?,
Ici nous ne parlons des Princes , qu'abfîra^lion
faite de tout droit de fouveraineté, & dans les rap-
ports qu'ils ont avec les nations dont ils font mem-
bres , & qui ne font pas foumifes à leur empire.
Rome a eu des princes , autres que les roi^ & les
empereurs. L'cglife a eu aufil des Princes fubor-
donnés au fouverain pontife ; elle en a encore. La
France ne connoît qu'un fouverain ; mais elle a.
pîufieurs Princes. Elle en a eu dès les premiers
temps de la monarchie. 11 faut voir quelles font les
différentes acceptions de ce mot , dans l'hifloire
romaine, dans la hiérarchie de l'églife, & dans
notre con/litut/on.
A Roir.e, on appelolt Prince ^u fénat , celui que
les cenfeurs nommoicnt le premier en faifant la
revue du fénat. Ce titre ne donnoit ni autorité , ni
pouvoir ; c'étoit feulement une prérogative d'or-
dre. Augufte s'appropria ce titre ; fes fucceffeurs
l'imitèrent , & cette dignité refla toujours depuis
attachée à l'empire.
Rofin parle , dans fes antiquités romaines , d'ivn
Prince de l'ordre les cltev.j'.iers : quelques autres fa-
vr.ns ont cru auffi que cette dignité avoit exiffé
dans la république romaine , qu'elle fe conf'Toit
de la même inaniére que celle de Prince Ju fénat ,
& qu'elle donnoit , dans l'ordre des chevaliers,
à-peu-près la même prééminence que le titre de
Prince du fénat donnoit fur tout le reffe des ci-
toyens. M. deCeaufort a réfuté cette erreur dans
fes diflertations fur l'hiftoire romaine.
Augufte, en ufurpant la puifiance fouveraine »
avoit pris pour lui le titre qui donnoit le premier
rang dans 1 état. Quand il voulut rendre cette puif-
fance héréditaire , il crut devoir fixer le fécond
rang fur la tête des héritiers préfomptifs de l'em-
pire. Il créa pour cela le titre de Pri'ice de la jeu-
, nejl< , dont il fit décorer , prefque au fortir de
l'eafance ,
PRINCE.
l'enfance , Caïus & Luciiis Agrippa , fes enfans
adoprifs. Les fiicce/Teurs d'Augufte fuivirent (on
exemple ;& les titres de Cefar,de Prince de la
jtuntjj' , furent à-peu-près , dans l'empire romain ,
ce qu'eft aujourd'hui , dans l'empire d'Allemagne ,
le titre de roi des rom?.ins.
Rome avoit d'autres Princes ; mais ils étoient
loin de ce degré d'honneur &: de puifTance que
donnoient les tiirô6 et Prïncc du final & de ?nnce
<U la jeuncjj'e.
Ovide & Polybe parlent des Princes foUats ,
Principes milites; & nous trouvons dans le code
deJuftinienun titre de cohortatibus Principibus. ïl
tant bien fe garder de confondre ces deux forres
de Princes.
Les Princes foldats formoient la féconde claffe
de la milice romaine. On diflinguoit quatre claffes
de foldats dans les armées romaines: i°. les tri.i-
riens , qui étoient les plus anciens & les plus expé-
rimentés -, on réfervoit ceux-là , dans les batailles ,
pour foutenir le dernier effort ; & c'efl: par cette
raifon qu'on les mettoit au troifiéme rang : 2°. les
Princes , qui étoient la principale force de l'armée;
ils formoient le fécond rang , & combattoient l'é-
pèe à la main : 3\ \çs, p;>]it:ers , moins forts que les
Princes, étoient au premier rang : 4°. les pitaniens
ouvéiiies étoient des troupes légères.
Ceux que Juflinien appelle cohortaLs Prlncire': ,
n'étoient aune chofe que les premiers des officiers
fubalternes qui étoiei.t attachés au fervice des tri-
bunaux; greffiers , fcribes, huiffiers ^ appariteurs,
& a-utres de cette efpèce. Ainfi le greffier en chef
& le premier huiffier d'un tribunal font vénrabie-
ment cohortales Principes ; & Budé a raifon d'ap
peler le premier huilîier du parlement, Principerr.
epparitorem.
L'églife a donné à faint Pierre & à faint Paul le
titre de Princes des apôtres : ce n'eft pour le der-
nier qu'une expreffion emphatique ; le titre de
Prince des apôtres ne convenoit proprement qu à
faint Pierre.
On a donné aux cardinaux le titre de Princes de
l'églife ; & ce n'eft point un vain titre ; ce font eux
qui élifent le pape, & ils font fes confeillers & fes
aiïeiTeurs.
On appeloit auffi Prince ou p/imicier , dans les
éghies cathédrales , celui qui ctoitàlatéte du clergé
inférieur. Les droits , le titre & les fondions du
fTimicier ont été fupprimés ou réunis à d'autres di-
gtiitésdans la plupart des églifes ; on les a confer-
vés dans quelques-unes. La dignité de primicier
cxifte encore dans la cathédrale de Met 7..
Voilà tout ce qKil eft néce/Taire de favoir fur
les Princes de Rome & ceux de l'églife.
^ Ce n'eft pas par les anciens montinicns de notre
hiftoire que nous pourrons déterminer les droits
& la dignité des Princes tels que nous les connoif-
fons aujourd'hui. Tout a changé; & les mêmes
noms ne conviennent plus aux mêmes chofes ni
.aux mêmes perfonnes.
Jomt Xlll.
PRINCE. 617
Tacite donne le nom de Prince , chez les Ger-
rnains, auxmagiftrats qui étoient chargés de rendre
la juftice : eliguntur in iifdem conciliis & Principes ,
(jui juraper pagos vicofque reddunt. Il donne le même
nom à ceux qui commandoient les armées : Prlr.ci-
fcs pro viBor'tA pugnani. Il le donne encore aux
jeunes gens des familles les plus diftinguées , & à
ceux dont les pères fe font illuftrcs par de hauts
faits : infinis nobUitas , aut rnitpna patriim nicrits
Principis dignationem etiam adolefccntulis a{f:gnant.
Dans les premiers temps de la monarchie Fran-
çoife , on donnoit le nom de Princes auxévêques ,
aux ducs & aux comtes. Incipit lex ^Ltmannorun-. ,
cjutz tcmporibus Clotarii régis, unà cum Principibus
fuis, id funt 33 , epifcopis, &• 34 ducibus , & y%
comitibus , vel c&tcro populo conjUtiitum ejl. Alors
le titre de Prince ne fignifioit rien de plus que ce-
lui de proceres optimales. Les Princes étoient fou»
Cloraire , ce qu'ils étoient chez les Germains , des
magiftrats. La loi des Bavarois donne auffi aux ju-
ges le nom de Princes , cogente Principe , qui in illâ
rei:,io'te ;udex ejl.
Les maires du palais prenoient encore le titre de
Princes , & y artachoient plus d'importance. La
puiffance fouveraine étoit dans leurs mains, Se je
ne crois pas qu'ils l'eiiffent ufurpée (i).
Jufque-là , ce que Tacite a dit fur les mœurs des
Germains, eft le tableau des ufages & de la confti-
tution de la monarchie françoifc fous les rois
Mérovingiens. Nous retrouvons en France les
Princes juges & les Princes généraux d'armée :
mais y trouvera t-on aufti lesPrinces de naiflance .''
C'eft un problême hiftorique , qu'il fera peut être
difficile de réfoudre , mais fur lequel je donnerai
bientôt mes conjectures.
Le titre de Prince n'eft aujourd'înii , en France ,
ni l'attribut d'aucun office , ni le f gne d'aucune
autorité.-
Nous connoiftbns cinq fortes de Princes ; les
Princes du fang, les Princes léi^itimés, les Princes
qui ont des fouverainetés fous la protcâion de la
France , les Princes iffus de maifons fouveraines ,
quoiqu'ils ne pofsèdent pas cux-momcs de fouve-
ralneré, & les propriétaires des terres érigées en
principautés. Je vais faire l'hiftoire de ces diffé-
rentes claffes de Princes, & déterminer les droits
qui leur appartiennent.
Princes du fang.
On appelle Pr/:i<rej du fing , ceux qui font iftus
de la maifon royale parles mâles.
Leur donna t-on ce titre dès les premiers temps
de 'a monarchie? avoientils dès-lors un droit de
prééminence fur les autres nobles ? Voilà le pro-
biêine hiftorique que j'a,i annoncé.
(i) lly auroit Wen ries chofes .î dire , Ôc p^uc-éire beau-
coup d'erreurt à rcfutei l'ur la na-.ure de l'office de maire du
ii.Uai';, far ion origine , & fur les pouvoirs qui y étoient a.t-
acli's;inais Line note ne fu^nroit pis , il faudroic une ditîet-
ution , &: ce n'eft pas ici fa place.
liii
€i8 PRINCE.
S'il faut en croire une femme qui a vu de prés
la cour de Charles VI, le titre de /•'//ncf n'appar-
tenoit qu'aux rois , aux empereurs , aux ducs &
aux fcigneurs des terres érigées en principautés.
«■ En diverfes feigneuries , dit Chnfline de Pifau
>» dans foti livre intitulé la cité des dames ^ font de-
>» meurantcs pluficurs puifiantes dames , fi comme
î> baronneiïes & grand-terriennes , qui pourtant
»> ne font appelles ^/i/jcf^f, lequel nom de pri/i-
ï» ceJJ'e n'affie't cire dit que des em.périères , des
» roynes & des ducliciïes , fi ce n'eft aux femmes
ï) de ceux qui, à caufe de leurs terres, font ap-
» pelés Princes par le droit nom du lieu v.
M. de Boulainvilliers va bien plus loin. « Les
« nobles, dit-il , croient , de fait & de droit, les
tj fculs grands de l'état...., On ne connoiffoit point
w entre eux les diftin61ions des titres qui font au-
»» jourd'hui en ufage.... Les Françsis ne conno'ijj'ount
w poïni de Pnnce parmi eux \ h parenté des rois ne
3) donnait aucun rang , non pas mtm: à ceux qui en
■n defceridoient en ligne majcuLine. Cela eft évident
« par l'exemple des maifons de Dreux, de Cour-
« te.'^ai, Si des branchies cadettes de Bourbon ;
w quoique le duché de Bretagne tût encore dans
»» la première , que l'empire de Conilantinople
» eût été dans la féconde, 6c quoique les aînés de
î> Bourbon eulfent obtenu une dillinétion confi-
>♦ dérable après le mariage de Charles V avec
» Jeanne de Bourbon ".
Quoiqu'il ne faille pas adopter fans examen
toutes les opinions de M. de Boulainvilliers , fon
témoignage fur les faits cft cependant du plus
grand poids r nous n'avons point d'hiflorien qui
en ait recueilli de plus importans que lui, qui ait
puité dans des fources plus pures , qui ait mis dans
îes recherches plus d'exaâitudc & de loyauté ^ mais
il eft poffible qu'il n'ait pas tout vu.
Loifeau avoit dit avant M. de Boulainvilliers :
•« Il n'y a pas long-temps que les mâles iflus de
î) nos rois, fe qualifient Princes en vertu de leur
») extraélion ; car c'eft la vérité qu'ils prirent pre-
T> miérement ce titre à caufe des duchés & comtés
7> qu'ils poiTédoient ».
11 obferve très-bien que fous les deux premières
races , les enf^ans des rois étoient tous rois après la
mort de leur père ; que fi ceux-là avoient eu des
enfans,par la même raifon , ils auroient encore
trè rois ; qu'il y auroit eu autant de rois , ou ,
pour mieux dire, autant de parts de roy:\\.\me en
titre de royaumes , qu'ils auroient été de mâles 1
defcendans de nos rois: de forte que ficela eût
continué dans la troifième race, ceux de la lignée
des rois, que nous appelons maintenant P/z/îce.f ifw
/ans; , auroient tous été rois.
"Tout cela ei\ vrai ; ma'is cela ne nous éclaire pas
fur le titre ni fur le rang Cju'on donnoit aux en-
fans des roi-s , fous les deux premières races, avant
qu'ils euflent fuccédé à la couronne ; ni fur le titre
&
i !e rang; qu'on donna aux p'.nnés dans les com-
icucancr.s de la ttoïhé.ns race, lorfij^ue l'uf.ige
PRINCE.
eut établi le flroit d'aîneffe pour la fucceflîon aU
trône.
C'eft fous le règne de Louis VIII , que Loifeau
place la première époque de la préminence des
puînés de France fur les ducs & les comtes : & il y
y a apparence , dit-il , que ce fut alors qu'ils prirent
la qualité de Princes du fung ; cependant il avoue
qu'on n'en trouve guère en ce temps-là qui fe
qualifiaiTent Princes.
Voilà les opinions des jurifconfultes & des hifto-
riens modernes. Voici les faits, les antiquités, les
monumcns de l'hiftoire.
Tacite vient de nous dire que les Germains
avoient des Princes de naifl'ance. Infi^nis noLilicas ,
aut magna patrum mérita Principis dignationem ado-
IcfcentuLis ajfignant.
La loi des Bavarois donne auflï le titre de Prin-
ce , i-L la prééminence fur tous les Bavarois , à
ceux qui éioieni de la famille ducale.
Elle donne'le nom des premières familles Bava-
roifes : De genealogid qui vocaniur Ho^idra , O^^j ,
Sagana , Hahilingua , Anniena, Mais elle ne les
place qu'après ceux qui font de la race du duc ; &
ceux-ci , elle les appelle Algdofingues : ijlifunt quafi
primi pojî Algilcfingos , qui junt de génère ducali.
Elle règle la compofition pour le duc, pour les
Algilofingues , & pour les premières familles qui
viennent après eux.
Celle du duc étoit un tiers plus forte que celle
des Algilofingues : Pro eo quia dux ejl addatur ci
major honor quàm cœieris parentibus ejuf ; ficut ter-
tia pars addatur juper hoc , quo parentes ejus compo-
nuntur.
Celles des Algilofingues étoit quadruple de celle
de l'homme libre. Algilofingi verà ufque ad ducem
in cj-uadrupluin componaniur : & la loi en donne la
raifon, quia fummi Principes (une intervos.
Celle des premières familles Bavaroifes n'étoit
que double de celle de l'homme libre, lllis duplnm
konorem conccdimus , & fie duplam compofiiionem
accipiant.
Ce titre de Princes , cette prééminence que la loi
des Bavarois donne à ceux qui font de la famille
régnante, n'auroient-ils eu lieu que pour le duché
de Bavière .'' La loi des Bavarois ne feroit-elle autre
chofe que la colleélion de quelques points de cou-
tumes qui diftinguoient les Bavarois des autres na-
tioj3S foumifes à l'empire françois } M. le comte
du Buat l'a cru; il prétend même que c'eft la na-
tion Bavaroife , & non le roi de France , qui a ré-
digé cette loi; il dit qu'il exifle quelques manuf-
crits dans lefquels ce font les Bavarois qui parlent >
&. non le roi de France (i).
Mais avant d'adopter l'opinion de M. le comte
du Buat fur ce point, je voudrois connoître les
manufcrits qu'il indique , vérifier leur antiquité &
(i.iHilloire ancienne despeupjes de l'Europe, livre ij. ,
chap. ic-
PRTNCF..
leur authenticité. Le texte de LinJenbrok Se celui
tle Baiuze lont ahÇolument contraires à celui que
M. le comte du Buat a lu dans les manufcrits dont
il parle. On y voit que c'eû. le roi de France qui ré-
dige la loi ; c'eft lui qui parle à la nation Bavaroife :
j4!^ilofingi Summi Principes [uni inter vos :
Jîc reges nntecsffores , nûflri concejferunt, La préface
de la loi des Bavarois dit auffx que cette loi eft l'ou-
vrage des rois de France.
Ces rois , légiilateurs des Bavarois , ne déclarent
les Algilofingues , Pri;Kes & fupérieurs en rang à
tous les autres Bavarois , que parce qu'ils font de
la famille ducale ; parce que leur naiffance leur
donne un droit éventuel au duché, parce que le
duc ne peut être pris que dans la race des Algilo-
fingues. Alplofingi qui funt de génère ducali ....
fummi Principes funt inter vos .... dux femper de gé-
nère A'gilofinq^orttm fuit €• dcbet ejje.
Pourquoi la race des rois de France auroit-elle
eu moins de prérf)gatives que celle des Algilofin-
gues chez les Bavarois ? C étoit auiîl dans la race
des rois de France qu'on prenoit leurs fucceffeurs
Tous les parens du roi par la ligne mafculinc
avoient aufll un droit éventuel à la couronne ; tons
les enfans des rois y devenoient rois après la morr
de leurs pères, & partageoient entr'euxle royaume.
J'ai bien de la peine à croire que les parens , qiic
les enfans du fouver<iin, qui pouvoient, qui dé-
voient l'être un jour eux-mêmes, fuffcnt confon-
dus avec le refte des Francs , tandis que les parens
d'un duc, d'un fujet , d'un officier du roi, for-
moient , parmi les Bavarois , une claiTe fupérieure
aux premières tribus de la nation. D'un autre côié ,
je ne comprends pas comment les B.ivarois au-
roient été la feule peuplade de la Germanie qui
aurolt confervé l'ancien ufage d'honorer du titre
de Princes les enfans & les parens de leurs rois &
de leurs généraux.
Il faut l'avouer cependant , le fdenca des hillo-
riéns de la première & de la fecon'îe race fem-
ble démentir mes conjeftures ; ils ne donnent point
le titre de Princes aux parens ni aux enfans des
rois.
Mais j'y vois auffi qu'il ne reftoit plus aucun pa-
rent collatéral ; Clovis les avoir tous exterminés.
J'y vois que les enfans des rois devenoient tous
r®is après la morr de leurs pères.
Que la plupart d entr'eux éioient dans l'enfance
lorfqu'ils font montés fur le trône , & que l'hifloire
ne parle d'eux qu'au moment où ils font devenus
roif.
Qu'il n'eft pas étonnant qu'on ne leur ait pas
donné le tiire de Princes pendant leur enfance ;
parce que les Germains ne les reconnoiflbient pour
Princes, qu'en les déclarant hommes , en état de
porter les armes.
J'y vois enfin que les enfans des rois étoient dif-
tingués du refte des Francs par leur longue cheve-
lure; que l'on rafoit ceux qu'on vouloir dégrader.
Et je crois pouvoir en conclure, que les enfans
PRINCE. 619
des rois avoient en France , fous les Mérovingiens,
les mêmes honneurs , ks mêmes prérogatives , les
mêmes prééminences qu'ils avoient dans la Ger-
manie, les mêmes que la loi des Bavarois accor-
doit aux Algilofingues; que par conféquent M. de
Boulainvilliers s'efl trompé , lorfqu'il a dit que les
François ne connoiffoient point de Princes parmi eux ;
que la parenté des rois ne donnait aucun rang ^ non
pas même â ceux qui en defcendoient en ligne unaf"
culine.
La prééminence des enfans des rois Carlovin-
giens n'eft point équivoque. L'ufage de partager
le royaume e.itr'eux fubfiftoit encore. On les nom-
moit rois , du vivant de leurs pères , dès leur plus
tendre enfance , quelquefois même dès leur naif-
fance. C'eft ainfi que Charlemagna & Carloman
furent facrés rois avec Pépin leur père , l'un à r.nge
de douze ans, & l'autre à l'âge de trois ans. C'eft ainfi
que Charlemagne fit facrer Pépin , fon fils , rot
d'Italie , à l'âge de cinq ans; qu'il nomma Louis-
le-Débonnairc, fon autre fils, roi d'Acquitaine,
au moment même de fa naiflance, & qu'il le fit
facrer à l'âge de trois ans ; ceux qu'on vouloir ex-
clure du trône , on les rafoit , on les reléguoit
dans des monafléres.
Il ne faut pas- compter dans la famille royale
des Carlovingiens , les parens collatéraux de Char-
les Martel, ni ceux de Pépin. Ceux-là n'étoient
pas ifTus du fang des rois, & n'avoient certaine-
ment pas le droit de fucccder à la couronne. On ne
dut donc pas les reconnoître pour Princes du fane
royal.
Si donc on eîit toujours obfervé l'ordre de fuc-
cefiîon établi par Pépin & par Charlemagne , on ne
pourroit trouver aucun de leurs dcfcendans qui
n'eût été roi. Mais ne difTimulons rien.
Bernard, petit-hls de Charlemagne, étoit roi
d'Italie. Louis-le-Débonnaire le fait condamner à
nior-c , le détrône, & lui fait crever les yeux. Ber-
nard meurt trois jours après des fuites de cette
opération. LouLs-le-Débonnaire difpofe du royaume
dltalie en faveur de Lothaire , fon fils aîné. Les
remords le déchirent; il croit expier fon crime en
faifant une pénitence publique, & le réparer en
donnant le comté de Vermandoisà Pépin , fils du
malheureux Bernard.
De ce Pépin , font i(Tues trois branches , dont la
dernière ne s'eft éteinte que vers la fin du qua-
torzième fiècle ; celles des anciens comtes de Ver-
mandois , des anciens feigneurs de Saint Simon ,
& des anciens feigneurs de Ham ; & je ne vois pas
qu'aucun d'eux ait eu le titre ni le rang de Prince
du fang, foit fous les Carlovingiens , loit fous les
Capétiens. Au facre de Philippe premier , Her-
bert IV, comte de Vermandois, fut précédé parles
ambafladeurs des comtes de Flandres 5c d'Anjou ,
qui n'étoient pas du fang royal , & par le comte
de Vaden , qui n'en étoit pa^ non plus.
Mais l'efpèce de dégradation des defcendans de
Bernard ne prouve rien contre l'ufage général des
1 i i i il
6io
PRINCE.
cieux premières races, qui mettoit les defcendans
des rois au-dcfTiis du refte de la nation.
Les rois Carlovingiens n'avoient grirde de re-
connoître les defcendans de Bernard comme Prin-
ces du fang royal. S'ils les euflent reconnus, il au-
roit fallu leur reftituer le royaume d'Italie.
Hugues Capet & fes fuccelleurs eurent bien
plus de raifons encore de ne pas reconnoître les
derniers refies de la famille qu'il avoient détrônée.
Mais à cette époc-jue , le puinés de la famille re-
louante ne furent pa.s mieux traités que les defcen-
dans de la famille dctrônée. On facrifia les droits
du fang au droit des fiefs.
Hugues Capet fut roi, parce qu'il étoit le plus
piiiffant des vafTaux de la couronne. Les autres
grands vafTaux, qui l'avoient fait roi, tinrent le fé-
cond rang dans l'état ; la prééminence devint un
droit réel attaché à la glébc. La couronne fut regar-
dée comme un grand nef : elie fut héréditaire , par-
ce que les fiefs éroient héréditaires ; elle devin; in-
divifihle, parce que les fiefs étoi mi indi%'ifihles ;
le droit de prlmr.géi.lturc r;'établit dans la fucccf-
fion \ la couronne, [)arce qu'il s'étuit ét.ibli dans la
liicceiïion des fiefs.
Alors les enfans puînés des rois de France &
leurs defcendans n'eurent d'autre rang dans l'état
que celui que leur donnoit le fief dont ils étoient
invertis : ils ne prirent le titre de Princes qu'autant
qu'ils étoient invertis d'une fcigneurie à laquelle
ce titre étoit attaché.
C'ert à cette époque que M. de Boulainvilhers &
l,oifeau ont raifon de dire que la parenté des rois
ne donnoit aucun rang , non pas même à ceux qui
«n defcendcient en ligne mafculine . . . . Si. qu'ils
fie commencèrent à prendre le titre de Princes ,
cu'à caufe des duchés & comtés qu'ils pofledoient.
Mais je crois qu'ils fe trompent , lorfqu'ds ju-
gent «es ufîges des deux premières r, ces , par ceux
des premiers fiècles de la race des Capétiens.
Et Loifeau fe trompe encore , lorfqu'il dit que
les puînés de France prirent le delTus fur les ducs
ôi les coaues fous le régne de Louis VIII , & qu'd
y a apparence que ce fut alors qu'ils prirent leur
qualité de Princes du fang.
Beaumanoir ne donne à Robert, fils de Louis
IX , que le titre de tiès-h.iut & rrès-mblc homme , fils
jadis du faint roi Louis , roi de France , comte
de Clermont ; & Robert ne prend lui-même
que le titre de fils de roi de France , comxe de
Clermont.
Au parlement tenu par Charles V le 21 mai
ï 37Î » pour l'enregirtrement de l'ordonnance de la
majorité des rois, nous voyons bien que le dau-
phin, & le duc d'Anjou , frère du roi , tiennent les
premières places ; mais Pierre de Valois , comte
d'Alençon , & Jean de Bourbon , comte de la Mar-
" ch.e,,. defcendant , l'un de Philippe-k-Hardi , l'au-
tre dé Saint- Louis , y font précédés par une foule
d'évêques, d'abbés , de chanoines , & pa.r les doc-
«lîts de l'un^iverfité;.
PRINCE.
Dans la lettre écrite par les barons du royaume
au collège des cardinaux, au mois d'avril 1301 ,
l'ordre des fignatures prouve encore que Jean ,
comte de Dreux, defcendant de Louis-le-Gros ,
étoit précédé par le duc de Lorraine, par les com-
tes de Hainautjde Hollande , de Luxembourg 8c
de Saint-Pol , qui n'étoient ni pairs, ni du fang
de France.
Au parlement tenu le 2 oflobre 1380, le fils
aîné de Charles-le-Mauvais , roi de Navarre, qui
étoit auiTi du fang des rois de France, fut précédé
par les comtes de 'Tancarville , d'Harcourt, de San-
certe & tîe Vienne, qui n'étoient ni pairs » ni du
fang de France.
Et dans une complainte adreflce en 125c au pape
Grégoire IX par les Barcns de France nous
voyons encore Robert de Courterai, petit-fils de
Louis-Ie-Gios, précédé pat les co ntes de a iVlar-
clie , de Montfort , de Vendôme , rie Pontheu , de
Chartres, de Sanccrre , de Joignv , de Sa it Pol ,
de Roucy , de Guynes & de Màcon, qui étoient
ni pairs , ni du fang de France.
Voilà ce que noi:s apprennent es monu:nens de
Thifloire , les rcgirtres du parlen -nt, & 1- s procès*
Verbaux des artémblées des ét^.s , jufqu'au règne
de Charles VI ; c'ert alors qu'écrivoit Chrifiiiie de
Pifan; c'ert alors qu'elle nous atterte que le titre
de Prince n'appartenoit qu'aux empereurs , aux
rois, aux ducs & aux feigneurs des terres érigées
en principautés. Les comtes de Nevers , d'Evreux,
de la Marche , de Vendôme &. d'Alençon , n'a-
voient donc pas le titre de Prince , quoiqu ils fu'.lent
du fang royal.
C'ert dans le quinzième fiècle , fous les régi ei
de Charles VII & de Louis XI , (|u'on sert occupé
férieufement des honneurs , du rang & des préro-
gatives qui étoient dus à la famille royale. C'ert à
cette époque qu'on voit les parens de nos roi' pren-
dre le titre de Princes du fang , & que leur préé-
minence à la cour , fur les pairs & fur tous les or-
dres de rétat , paroit aiTez généralement reconnue
dans le fait , quoiqu'elle ne foit établie par aucune
loi.
M. de la Curne de Sainte-Palaye a publié ui>
mémoire df madame la vicomrefl'e de Furnes , fur
l'étiquette & les honneurs de la cour oendant le
quinz'ième fiè;-lt. Nous y voyons que dès-lors il y
avoir un cérémonial bien établi j qu'on donnoit le
titre de Princes da fang a ceux qui defcendoient
[)ar mâles de la raaifon de France; qu'on leur ac-
cordoit la 'véfé.ince fur les pairs & fur tous les no-
bks ; qu'il y avoit des honneurs & des difiinâions
qui n'étoient que pour eux , & que les rangs entre
eux étoient réglés par la proximité du lignage ;
c'ert-à-dire , -jue celui qui étoit le plus prochain
de la couronne avoit la préféance fur tous les
autres.
Mais il a fsUu bien du temps encore avant que
cette étiquette de la cour devînt une loi générale
, du royauiac. Nos roi;, pouyoient bien prefcrlre un
PRINCE.
cérémonial dans l'enceinte de leur palais : 11 n'cfl
pas d'homme qui nait le même droit dans l'inté-
rieur de fa maifon. Ce cérémonial devoit même
paroître fort peu important aux feigneurs , dans un
temps où ils aimoient mieux dominer dans leurs
châteaux, que de venir ramper à la cour du mo-
narque. Mais l'ordre dans les cèréinonies 8i les af-
femblées nationaks , tenoit à la confiirution de
l'état. Auffi les Princes du fang eurent-ils plus de
peine à faire reconno;tre leur droit de priféance
fur les pairs , foit dans la cérémonie du facre des
rois , foit dans les afTemblées des états & dans celles
du parlement. On convenoit que la principauté
éroit plus éminente que la pairie: <c toutefois, di-
>» foit-on , es facres 6c coiironnemens des rois , Se
)} au parlement, les miniftères font fpécialement
» commis aux pairs. Se leur ordre alîîgné. Par-
3J quoi , efdirs lieux , on n'a refpeé^ au fang , mais
V à la pairie & ordre d'icelle ».
On ne vouloit pas même qu'ils euffent, pour
leurs caufes, les mêmes prérogatives que les pairs.
Charles Vil propofa la queflion au p3rlem.ent de
Paris en 1458 ; & le parlement ré[)ondit : <i La
M cour n'y a pu délibérer pour le préfent , pour
'> ce qu'il y a procès appointé en droit en ladite
»> cour en pareil cas , & feroit la délibération de
i> cet article en effet la dîcifion dudit procès ».
Ces débats furent terminés, & les Princes du
fang de France eurent enfin un rang certain en
1576. La maifon de Valois alloit s'éteindre ; il ne
re'loit du fang de nos rois que des branches colla-
térales tiès élo'gnées. La maifon de Guyfe pou-
voit beaucoup , 6c elle ofoit tout ce qu'elle pour-
voit. Les états de Blois crurent devoi' rendre aux
derniers rejetons de nos rois toi't le luflre qui leur
appartenoit ; 8i ce fut le vœu de la nation , qui dé-
termina Henri ITI à fixer irrévocablement le rang
des Princes du fang , par l'ordonnance qu'il fit au
mois de décembre 1576. Voici le texte de cette
loi :
» Pour mettre fin aux procès & diffi';rends ci de-
» vant advenus entre aucuns Princes de notre
M fang, pairs de France, ik autres Princes auffi
>» pairs de France, fur la préféance à caufe de
» leurfdite^ piiiies; voulant obvier à ce que telles
» controverîVs & difhcultés n'advicnnent ci après ;
» Nous...... difons , ftatuons & ordonnons , vou-
» Ions & nc-us pl.iît , que dorénavant lefdifs Prin-
j) ces de ncrre fang , pairs de France , proc>ld£ront
» & t'^nd.tjnt rang, félon leur degré de confan-
V gu nité , devan; les autres Princes Si feigneurs ^
5j pairs de France , de quelque qualité qu'ils puif-
)! fent ctre , xt.iii. es facres & couronnemens des
» rois , qu'es féances des cours de parlement, &
» autres quelconques folemnités , afTemblées & te-
« réiî.onies publiques ; fans que cela leur pniife
» plus à l'avenir être mis en difpute ne contrcver-
» f.' , fous couleur des titr.:> & priorité d'ére(^lion
3) des pairies des autres Princes & ftigneurs , n'au-
PRINCE. gxi
» trement , pour quelque caufe & occafion que ce
» foit ».
Cependant cette loi étoit encore incomplette ;
elle ne donnoit la préféance qu'aux Princes pairs,
& ne déterminoif pas le rang des Princes du fang
qui n'étoient pas pairs.
L'auteur de l'article Pair , dans le di6lionnaire
encyclopédique , a dit que Henri III avoit donné le
titre de pair né à tous les Princes du fang : c'efl
une erreur qui lui e(ï échappée. Henri III n'a réglé
la préféance qu'en faveur des Princes du fang qui
étoient pairs; nulle part il n'a déclaré les Princes
du Cang pairs nés. Et Loifeau, qui écrivoit fous le
règne de Henri IV, nous apprend que de fon temps
quelques - uns penfoient encore « qu'au facre &
» couronnement du roi , & en la féance du parle-
» ment , qui font les fonctions particulières des
» pairs , les pairs non Princes dévoient précéder le»
» Princes du fang non pairs ».
C'efl Louis XIV qui a décidé cette grande quef^
tion , par l'article premier de l'édit de 171 1. « Les
» Princes du fang royal , dit cette loi, feront ho-
" norés & difiinçïués en tous lieux fuivant la di-
n gnité de leur rang & l'élévation de leur naiffance.
» Us repréfenteront les anciens pairs de France
» aux lacres des rois, & auront droit d'entrée,
» féance & voix délibératives en nos cours de par-
» iement , à l'âge de quinze ans , tant aux audiences
» qu'au confeil , fans aucune formalité , encore
» qu'ils ne pofsédent aucune pairie».
Les Princes du fang royal ont donc enfin repris
le rang qui appartenoit à leur naifTance: foit qu'ils
poiTédent , foit qu'ils ne pofTèdent pas de pairie ,
ils ont aujourd'hui um prééminence bien établie
fur tous les pairs & fur tous les grands du royaume ,
en tous lieux , dans toutes les cérémonies , 8c dans
toutes les aiiemblées.
Quant aux connoifTances de détail fur l'étiquette
de la cour , fur les honneurs Si. les diflinélions que
l'ufage a établis en faveur des Princes du fang, ou
peut confulter le cérémonial françois deThéodote
Godefr/iy , $c le cérémonial diplomatique des cours
fcuveraines de l'I-urope.
Outre la prééminence de rang, les Princes du
fang jouiffent de toutes les prorogatives qui font
attribuées aux pairs. Ils fiègent & opinent avec les
pairs aux jugeniens des pairs Les caufes qui con-
cernent ks apanages font traitées au parlement
de Paris , comme celles des pairies, quand m.ême
les terres qu'ils ont reçues en apanage n'auroienr
pas été érigées en pairies. Ils font exempts des péa-
ges ; &. on prétend que cette exemption leur efl:
commune, non-feulement avec les pairs de France,
mais encore avec les officiers du parlement & de
la chambre des comptes.
Ils ont auffi des prérogatives qui leur font pro-
pres ; ils ne prêtent aucun ferment au parlement;
ils y oat droit de féance dès l'âge de quinze ans ;>
ils repréfcntent les anciens paires au.v facres dt*
tSii - PI^INCE.
rois •; 8c ce n'eft qii'sii défaut des Princes du fan:* ,
qu'on y appelle les ducs & pairs , pour repréfenrer
les anciens pairs de France. ( Edit du mois de in<ii
171 1).
Tout ce qui concerne la tutelle des Princes du
fang fe fait au parlement. Les pairs & même K s
grands (eigneurs non pairs jouiflbient autrefois d--
la même prérogative; mais le roi déclara le 28
juin 1685, par une lettre de cachet dont lepa*-!--
ment fit regiitre, que fon intention étoit qu'à l'ave-
nir le parlement ne fît les tutelles & curatelles, &.
ne connût en première inftance que de ce qui re-
garde l'état des perfonnes des Princes & princefTes
du fang royal , & les fcellés & inventaires de leurs
biens après leurs décès.
Ils font exempts des droits de greffe , fignature ,
contrôle & fceau des expéditions qui fe délivrent
pour eux dans toutes les cours du royaume.
Dutillet dit que les Princes du fang étoient
exempts de duels; & Favin cite des règlemens de
Louis-le- Jeune & de Philippe-Augufte , qui défen-
doicnt aux enfans des rois d'expofer leurs perfon-
Jics dans les joutes cSc dans les tournois.
Les règlemens cités par Favin ont exifté en effet ;
mais riiifloire nous apprend qu'ils ont été malob
fervés. Plufieurs de nos Princes , & même plufieurs
de nos fouverains , ont combattu dans les joutes &
les tournois. Henri II y a perdu la vie.
Quant à Dutillet, fon affertion n'eff pas exacte.
») Le fils du roi, dit Beaumanoir , ne doit pas fe
« combattre à fon homme pour plaid de meubles ,
» pour catteux , ni pour héritage. Mais s'il accufoit
« fon homme de meurtre ou de trahifon , en te'
» cas il conviendroit qu'il fe combatit à fon hom-
î> me ; car ces cas font û vilains , que nul ménage-
î> ment n'eft dij à celui qui accufe »>.
Tout n'eft pas a'vaiuage & prérogative pour les
enfans Si les defcendans de nos rois. Outre les
lois du royaume , auxquelles ils font foumis comme
tous les François , il y en a de particulières pour
eux, qui les privent des droits les plus précieux à
l'homme , la propriété &. la liberté.
La loi des apanages ne leur laifle aucune pro
priéié dont ils puiffent difpofer.
Er ils ne peuvent pas contradler de mariage vala-
ble fans le confenrement du roL
Ce n'eft pas fans contradi<flion que cette der-
nière maxime s'eft établie. La matière fut vivement
agitée fous le minifcère de Richelieu , au fujet du
mariage de Gafion , frère de Louis XIII , avec la
princelfe Marguerite de Lorraine. L'afcendant du
cardinal fubjugua prefque tous les fuffrages ; le
parlement & le clergé de France déclarèrent que
Ici Princes du fang n'étoient pas capables de con-
trafler un mariage fans le confentement du roi ;
& cette nouvelle maxime devint en quelque forte
une loi fondamentale de l'état.
Tout ce que j'ai dit des Princes du fang , par
rapport à la prééminence du rang , aux exemptions
JBc prérogatives qui leur appartiennent, & aux lois.
PRINCE.
auxquelles ils font fournis , doit s'appliquer aufÎJ
aux princelfes.
Duii'iltt dit qu'elles confetvent leur rang , quoi-
qu'elles aient époufé des maris d'un moindre rang.
Loifeau dit la même chofe ; & tout le monde paroit
aujourd'hui d'accord fur ce point.
Cependant Madame la vicomteffe de Fumes
no•;^ apprend qu'il en étoit autrement dans le
quinzième fiècle. Jeanne de Bourbon époufa Jean
de Châlons, Prince d'Orange , en 1463. Dès-lors
elle n'eut plus les honneurs Se les diftinâions des
princeffes du fang , dont elle jouiffoit avant fon
mariage.
Aujourd'hui même, fi les princeffes confervenc
les prérogatives de leur naiffance , quoiqu'elles
aient époufé des maris d'un rang inférieur au leur ,
ce n'efi qu'en vertu <le brevets que le roi leur ac-
corde ; la maxime de Dutillet & de Loifeau n'eft
donc pas vraie.
Par arrêt rendu au parlement de Paris au mois
de février 17155 , ^"'' ^^* coiiclufions de M. l'avo-
cat général d'Ormeffon , il a été jugé que le titre
d'Altesse n'appartenoit en France qu'aux Princes
du fang.
Princes légitimes.
Les enfans naturels des rois de France fuccédè-
rcnt au trône fous les deux premières races.
Sous la première , Thierry , fils naturel de Clo-
vis , eut la meilleure part du royaume ; 6c on pré-
tend que Clovis étoit lui-même bâtard, Si. bâtard
adultérin.
Sous la féconde , Bernard , fils naturel de Pépin ,
monta furie trône d Italie après la mort de fou
père. Je ne parle pas de Louis & de Carloman ,
quoique plufieurs hifloriens aient dit qu'ils étoient
Hls naturels de Louis le Bègue ; leur mère avoir été
répudiée ; mais ils étoient nés d'un nr.;riage légi-
time.
Une formule de Marculfe nous apprend qu'un
père pouvoit alors laiffer fon entière fucceffion à
Ion fils naturel ; & M. Bignon obferve avec rai-
fon , à propos de cette formule , que les diveries
nations , dont le mélange avoit formé la monar-
chie françoile , difliaguoient à peine les enfans na-
turels des enfans légitimes. La Loi des Lombards
étoit la feule qui affignât aux enfans naturels une
portion moindre que celle des enfans légitimes ;
mais elle les fuppofoit aulfi habiles à fuccéder à
leurs pères.
Bacquet & quelques hifforiens ont attribué à
HuguesCapet la loi qui exclut 'les bâtards de la
fucctffion. « il ordonna , difent-ils , que delà en
» avant aucun bâtard ne feroit avoué en lamaifon
» de France , Se ne pourroit porter le furnom
»> d'icelle , ni pareillement l'armoirie , tant fût-elle
M brifée ».
Mais cette loi n'exifle nulle part ; & Texerriple
de Guillaume le bâtard , inftitué héritier par Ro-
bert II , duc de Normandie , fon père naiiutel ,
PRINCE.
prouve , que dans le onzième fiècle , les bâtards
étoient réputés capables de fuccéder.
Ccft dans les établiffcmens de faint Louis qu'on
Trouve la première loi connue qui les ait exclus de
la fuccefTion. u Le bâtard , y eft il dit , ne peut ri'^n
>» demander, ni par lignage ni par autre raiion ,
>» pour Ta mauvaife condition '".
Cependant les idées de la nation fur les bâtards
étoien: changées avant les établifi'^mens de Saint-
Louis , &i dès le règne de Philippe-Au^ude. Ce
Prince eut deux enfani naturels, Philippe 6i Marie.
Il voulut purger le vite de leur nailfancc ; il les fit
légitimer par le pape.
C'eft donc fous le règne de Philippe-Augufle,
ou peu de temps avant lui , que l'on commença à
regarder les entans naturels comme incapables de
luccéder.
On venoit de trouver un manufcrit des pandec-
tes de Juflinien dans la ville d'Amairi ; on avoir
traduit (on code en langue françoife ; on avoit
commencé à obferver & à enfeigner publiquement
les lois romaines en France. Voilà l'époque & l'o-
rigine du vice de bâtardife en France. C'eli le ciroit
romain (.[ui en donna la première idée à nos pères ;
e'eiî de la que faint Louis a tranfporté dans les éta-
blifiemcus la loi qui déclare les bâtards incapables
de rien demander, fo'.t par lignage, foit par autre
raifon. Il l'annonce lui-même i « le droit s'y ac-
» corde felon.'le code v , dit il.
Au furplus , quelle que foit l'origine de cette
jnaxime , il n'en eiî pas de plus certaine dans notre
droit ; elle eft religieufement obfervée depuis plus
dêfix cents ans. Charles de Valois, fils naturel de
Cliarlcs ÎX , rendit hommage à cette loi. Il éioit le
feul qui reflât de cette race infortunée après la
mort de Henri IIJ II fut un des premiers leigneurs
François qui reconnurent Henri IV fon luccelfeur.
Depuis Phiiippe-Augufte, plufi^-urs de nos rois
ont eu des enfans naturels. Charles VII a légitimé
\ine fille naturelle de Charles VI; mais aucun ,
jnfques à Henri IV,n'avoit légitimé des fils naturels.
11 eft bien évident que la légitimation des filles
naturelles des rois de France ne peut pas les rendre
habiles à fliccéder , puifque leurs filles, méaie lé-
gitimes , ne fuccèdent pas.
Mais quel peut être l'effet de la légitimarion des
fils naturels ? les rend-elle habiles à fuccéder c
Henri IV a reconnu par les lettres-parentes de
1595 , de 1599, de 1605 & de 1608, que fes fils
naturels étoient exclus , par le défaut de leur naif-
fance » de toute prétention à la fucceflîon à fa
couronne , à celle de Navarre , & de tous les auires
biens patrimoniaux.
Il a déclaré qu'il ne les légitimoit que pour les
rendre capables de tous les dons & bientaits qui
leur feroienr faits, 6c poivr tenir les offices & di-
, gnitès en France.
Louis XIV a cru pendant long temps que (on
pouvoir ne s'éten<ioit pas plus loin. En légitimant
les enfans Haturcis ea 1673 5c 1601 ,, il dechra
PRINCE. ^if
ne les l^îtîmer que pour jouir de tous & fembla-
bles droits , facultés & privilèges dont les enfans
naturels & légitimés des rois fes prédécefleurs , ont
accoutumé de jouir 6c ufer. Combien la tendrefle
paternelle lui a fait depuis franchir ces limites l
Il commence, en 1694, par ordonner que les
enfans légitimés &: leurs defcendans en légitime
mariage tiendront le premier rang immédiatement
après les Princes du fang royal, en tous -lieux,
a6tes , cérémonies & affemblées publiques & par-
ticulières, même au parlement & ailleurs ; qu'ils
précéderont tous les Princes qui ont des fouve-
rainetés hors du royaume, 6c tous autres feigneurs
de quelle qualité & dignité qu'ils puiil'ent être;&
que dans toutes les cérémonies qui fe feront en
la préfcnce ëc par-tout ailleurs , ils jouiront des
mêmes honneurs, rangs Sf diftinâions dont de tout
temps ont accoutumé de jouir les Princes du fang,.
6c immédiatement après lefdits Princes du fang.
En 171 1 , il leur accorde de nouvelles préroga-
tives ; il ordonne que fes enfans légitimés & leurs
enfans & defcendans mâles qui polïéderont des
pairies, repréfenteront les anciens pairs au facre
des rois , après ou au défaut des Princes du fang.
Qu'ils auront droit d'entrée & voix délibéra-
tive au parlement, tant aux audiences qu'au con-
feil , à Tage de vingt ans, en prêtant le ferment
ordinaire des pairs , avec féance immédiatement
après les princes du, fang, & qu'ils précéderont
tous les ducs & pairs ; quand même leurs duchés.
6c, pairies ieroienc moins anciennes que celles des
ducs 6c pairs.
Il leur permet , en cas qu'ils aient plufieurs-
pairies & plufieurs enfans mâles, de donner une
pairie à chacun de leurs entans maies, fi bon leur
. (emble, pour en jouir par eux aux mêmes hon-
neurs , rang , préfèance & dignités que ci-delTus^
du vivant même de leur père.
Enfin un édit de 17 14 & une déclaration de
1715 donnent aux fils légitimés & à leurs defcen-
dans le titre de Prince du fang, les déclare capa-
bles de fuccéder au défaut du dernier des Princes
du fang, & leur accorderons les privilèges, droits
6c honneurs, fans diitindion , dont jouillem les
Princes du fang.
Les Princes du fang & les pairs réclamèrent
avec force contre cette fubverfion des loix du
royaume & de celles de la prairie.
D'un coté, les Princes du fang repréfentèrent
que par les loix fondamentales du royaume , de
l'aveu de tous les fiècler , 6i par la reconnoif-
iance perpétuelle de toute la nation, la feule naif-
fance légitime peutdcnner la capacité de fuccéder
à la couronne, avec le titre 6c les honneurs de
Prince du fang (i).
De l'autre , les pairs repréfentoient que la lé-
gitimation ne pouvant pas donner aux enfans na»
( I y pi Ojxilitiuû trop g^n-rale. < .c n cit oue fous ia sroi*
ll;.me race ^ue cette 1qi toudàiuenials s'eit Hiiplie.
624 PRINCE.
turels des rois le titre ni les droits de Princes du
languies en fans légitimés ne pouvoient avoir de
rang que celui des dignités dont ils étwent rêvé- ■
tus; que par les loix de la pairie, tous les pries
font égaux entre eux, qu'ils n'ont jamais reconnu
d'autre préféance que celle qui eft acquife de drot
par la date de leurs réceptions ; que chacun Jicd
premier , félon ^ue premier a été fait pair; que le
droit dç rcpréfcnter les anciens pairs aux facres
des roisT eft une prérogative qui n'eft due qu'aux
Princes du fang & aux pairs de France , fuivaRt
leur ancienneté ; qu'enfin la faculté attribuée aux
Princes légitimés , par les nouveaux édits , de
prêter ferment au parlement à l'âge de vingt ans ,
efl une dirtinéiion fans fondement , à laquelle les
enfans naturels de Henri IV & leurs defcndans n'a-
voient jamais prétendu (i).
Ces réclamations produifirent tout l'effet qu'on
pouvoit en attendre.
Un édit du mois de juillet 1717 révoqua celui
de 1714 & la déclaration de 1715, en ce qu'ils
déclaroient MM. les duc du Maine & comte de
Toulcr.fe,& leurs dcfcendans mâles , Princes du
fane; &. habiles à fuccéder à la couronne.
Un autre édit du mois d'août 1718 révoqua la
déclaration de 1694 ÔiTcdiide 171 1, en ce qu'ils
attribuoient aux Princes légitimés & à leurs dcf-
cendans mâles le droit de repréfenter les anciens
pairs au facre des rois , à l'exclufioii des autres pairs
de France ; en ce qu'ils les admettoient à prêter le
fermenta l'âge de vingt ans, & en ce qu'ils leur
permettoient dedonnerunc pairie à chacun de leurs
enfans mâles, pour en jouir aux mêmes honneurs,
du vivant même de leurs pères.
En conféquence , il ordoniîe que MM. les duc
du Maine & comte de Touloufe n'auront rang &
féance au parlement , près du roi , dans les céré-
monies publiques & particulières & par-tout ail-
leurs , que du jour de l'éreâion de leurs pairies,
& qu'ils ne jouiront d'autres honneurs & droits
q-ue de ceux attachés à leurs pairies, & comme en
jouifient les autres ducs & pairs de France.
Cependant une déclaration du 26 août 1718,
ordonna que M. le comte de Touloufe continue-
roit de jouir, fa vie durant , de tous les honneurs,
rangs , féances & prérogatives dont il jouifîbit au-
paravant, fans tirer à conféquence , Si. fans que ,
fous quelque prétexte que ce foit, pareille pré-
rogative puiffe être accordée ni à fes defcendans
ni à aucun autre , quel qu'il puifTe être.
La même grâce fut accordée à M. le duc du
Maine. « Par une déclaration de 1723, dit M. le
« préfident Hénault, le roi rend à M. le duc dn
» Maine, & après la demifTion des pairies du duc
»♦ du Maine, à ies enfans, leur vie durant feulement,
N les honneurs dont ils jouiffoient au parlement
1» a-prés les princes du fang , & avant les pairs , &
(I) Le* liinac peuvent prêter lefcrveuc qu'.» vingrcinij
PRINCE.
» ce en vertu de leurs pairies , quand même elles
» leroient moins anciennes que celles d'aucuns
» defdits ducs 8c pairs; N'entendant toutefois , que
» lorjquils viendront prendre féance , ils puiffent
n traverfer le parquet , ce que nous réfervons aux
» J'uls Princes de notre fang , ni être précédés de
■>■> plus d'un huijfier . ni que leurs fujf rages foient
11 pris autrement qu'en les appelant du ncm de leur
» pairie, en leur étant le bonnet, ainfi quil a été
»j ci-devant pratiqué à leur égard. La même année,
» tous les honneurs de la cour furent rendus à
" M. le duc du Maine & à M. le comte de Tou-
» loufe. En 1727 , le roi fit expéfJier de pareils
» brevets en faveur de MM. les Prince de Dom-
i> bes , comte d'Eu & duc de Penthiévre; & en
1» 1745 , ces honneurs paffèrent au fils de M. le
>» Duc de Penihièvre.
Ces grâces perfonnelles ne font que des déro-
gations momentanées à la loi générale; elles la
fuppofent & la confirment. Or, fuivant cette loi
générale , le titre de Prince légitimé ne donne par
lui-même aucune prérogative , aucune préémi-
nence.
Les Princes légitimés ne font point habiles à
fuccéder à !a couronne.
Ils n'ont ni le titre ni les prérogatives des Prin-
ces du fang.
Ils n'ont les droits & les prérogatives des pairs,
qu'autant qu'ils font revêtus d'une pairie.
Ils font reçus pairs au même âç^e & avec les
mêmes formalités que les autres pairs.
Ils n'ont de rang entre les pairs, que du jour
de l'éreélion de leurs pairies.
Princes étrangers.
Nous appelons Princes étrangers; 1". ceux
qui ont des fouverainetés fous la proteélion de
la France , & qui réfident en France ; 2". ceux
qui font iffus des maifons fouveraines , quoiqu'ils
ne poflèdent pas eux - mêmes de fouveraineté, &
qui ont atiifi fixé leur réfidence en France.
Dsns la première claffe , je mets le duc de
Bouillon; dans la féconde, les Princes de la mai-
fon de Lorraine , ceux de la maifon de Rohan ;
& les Princes de Carlgnaa.
Il s'eft élevé une grande querelle , il y 3 quel-
ques années, au fujet du titre Si des honneurs
des Princes étrangers. D'un côté, le père Griffer Si
M. l'abbe George! foutenoient les droits des Prin-
ces étrangers , ii principalement de la maifon de
Rohan. De l'autre , un anonyme prétendoit que
les Princes iiTus des maifons fouveraines n'avoient
& ne dévoient avoir aucune diftinélion, aucune
prérogative en France ; qu'on ne leur recon-
noiffoit pas même le titre de Princes , & que la
maifon de Rohan n'écoit point iffue d'une maifoa
fouveralne.
Avant de dire ce que je penfe fur la queftion
de droit qui concerne les Princes étrangers en
général
PRINCE.
général (car on fent bien que je ne me propofe >
pas ici de faire la généalogie de la maifon de Ro- 1
han) , »")e rapporterai un paflage de Loifeau , qui
pourra d'avance fixer nos idées. Les ufages & les
opinions reçues fous le règne de Henry IV", doi-
vent êtred'un grand poids dans une matière qui
ne connoît guère d'autre règle que l'ufage.
Cet auteur parle d'abord des Princes du fang
& des enfans naturels des rois : il appelle les pre-
miers Princes légitimes , & les féconds Princes
naturels. Voici ce qu'il dit enfuite des Princes
étrangers , qu'il appelle Princes naturalifés.
« La bonté & adrejfe de nos rois a laifle inftal-
»> 1er en l'ordre des Princes les defcendus des
» fouverainetés étrangères ; ce qui s'eft pratiqué
» bien à propos ; car il en revient beaucoup d'hon-
» neur, d'aflurance & d'accroiflement àce royaume.
n Honneur , en ce qu'on voit à la cour de France
») comme un recueil & amas des maifons fou-
w veraines de la chrétienté : affurance , en tant
» que ces Princes étrangers nous font comme
»> otages volontaires & perpétuels des alliances
" que nous avons avec les chefs de leurs maifons :
» accroiffement aufli , parce qu'ils apportent en
» France leurs moyens , leur créance & leurs amis;
» & de vérité , il faut avouer qu'ils on fait de fi-
n gnalés fervices au royaume,
» Aufll en font-ils fort bien récompenfés ; car
» en la grandeur & l'opulence de la France , ils
» n'y demeurent guère , qu'ils ne foient appoin-
» tés des principales feigneuries , & qu'ils n'y trou-
» vent des mariages avantageux : de forte qu'on
'> ne peut nier qu'ils n'y foient avancés beaucoup
« plus qu'ils ne pouroient l'être en leur pays.
M Voilà donc deux fortes de princes reconnus
n en France , outre ceux du fang ; à favoir , les
» Princes François & les Princes étrangers, ou
» bien les Princes naturels & les Princes natura-
» lifés , qui à la vérité ne font , les uns ni les autres,
»> (î vraiment & fi proprement Princes que cqux du
» fang, parce que la principale marque du Prince
»> eft d'être capable de fuccéder à la fouveraineté
» du lieu où ils veulent être reconnus pour Prin-
>» ces; car les feigneuries font bornées: & comme
« le fouverain d un autre état n'eft pas fouverain
» en France, aulîl fes parens n'y font pas Prin-
« ces parfaitement & de leur propre qualité , mais
» feulement en tant qu'il plaît au roi de les y re-
» connoître pour tels.
» C'eft pourquoi le parlement qui eft particulic-
» rement jaloux de la confervation des droits
j> de la couronne , & par conféquent des Princes
n d'icelle , ne leur a point encore pajjé cette aua'ifé ,
n au moins indéfiniment & fans aijeEïion de leur pays ,
» pour ce aufTi que la parfaite propriété des mots
n doit être rcligieuferaent gardée en icehii , notam-
» ment es matières de cette imporrance. Mais
M j'eftime qu ailleurs on ne peut mmquer de 'es q'j i-
» iifur Princes abfolument puifque le roi duquel la
.» fimple parole fait la loiea tellti manières, la ho-
JmtXUL
PRINCE.
625
» note jourmllement Je ce titre , en communs propos,
» & è$ aéles férieux, même les maintient en jouif-
» fance des prérogatives attribuées aux feuls Princes.
» Et c'eft peut-être l'occafion pour laquelle les
» Princes capables de la couronne, pour fe diflin-
» guer d'avec eux ( comme a la vérité ils font
» d'un degré beaucoup plus éminent ) , fe quali-
)> fient, non pas Princes fimplement ; mais par
■» une adjedion de dignité particulière, ils fe nom-
» ment Princes du fang.
» Or , tout ainfi que les Princes naturels & auiïi
» les naturalifés ont obtenu le titre de Princes ,
i> qui leur eft à préfent commun avec ceux du
» fang, auflî ont- ils trouvé moyen d'avoir après
» eux plufieurs de leurs autres prééminences :
»» comme , en premier lieu , de marcher au rang
et des Princes , Si partant précéder tous les f^randsfei-
>> gneurs , & pareillement tous les grands officiers ;
11 fauf que Us grands officiers ne leur cèdent & ne
»» leur défèrent nullement aux afles de leur txercice ,
)» comme ils font par honneur aux Princes du
'> fang . Même les autres Princes marchent entre
1) eux , noit félon le mérite de leurs feigneuries
» fubalternes, m^xs félon leur degré de Priaces;Cur
n quoi je ne m'amuferai pas à décider lefquels , des
» naturels ou naturalifés , doivent précéder , ni à
» traiter les autres grandes queftions qui échéent
» au rang des uns Se des autres, parce qu'il n'ap-
') partient qu'au roi de les déterminer.
n Item. Comme les Princes du fang , qui font
»> vrais parens du roi , font par lui appelés ou fes
» oncles, s'ils font de beaucoup plus âgés , ou
» fes cou[îns , s'ils font d'âge à peu près égal , ou
>» fes neveux , s'ils font de plus bas âge ; auHî les
» autres Princes font appelés tout de même par fa ma-
n jeflé.
n Pareillement comme les Princes du fang font
" confeillers nés du confeil d'état , aufîi les autres
» Princes ont gagné cet avantage d'y avoir entrée ,
i> féance & voix , fans avoir befoin de brevet du roi
M à cette fin, comme ont les autres confeillers
» d'icelui.
» Mais ils ri ont point Centrée au parlement ,'
» comme ont les Princes du fang , sih ne font pairs
M de France. El encore en ce cas, ils y gardent
»♦ le rang de leur pairie , d* non celui de Igur prin-*
M cipauté , ainfi que les Princes du fang, donc
» la raifon eft , que les Princes du fang y aflif-
M tent comme Princes, & ceux-ci comme pairs
M feulement.
» Finalement , ils fe prétendent exempts de duel j
M & de vérité , comme on tient qu'un gentil-
» homme n'eft pas tenu , eo point d'honneur , de
i> fe battre contre un roturier, aufii tient-on qu'un
» Prince n'eft pas obligé d'entrer en duel contre
» un gentilhomme ^ fût-il chevalier , même duc , à
» caille de 1 inégalité de condition ; & qu'en ma-
w fiCr? de Huel il faut ayoii fon pareil. Miisj'ef-
» time qu'il 'l'y a point de difficulté que , ceftarjt
» Isj ordonoi-oces prohibitiveidjs duels, des Prin-
Kkkk
6i6 PRINCE.
» ces, autres que du fang, ne fe puifTent battre en
» duel les uns contre les autres , bien que cela ne
j) foit point approuvé entre les Princes du fang ,
j> parce qu'il ncA pas à beaacoup près, de telle
s> importance à la France, que leur fang foit épar-
V gnè, que celui de France ».
Voilà les ufages de la cour de France , fous le
règne de Henri IV, concernant les Princes étran-
gers ; nous n'en trouvons le tableau complet dans
aucun autre livre ; mais en ramaflant quelques traits
épars dans différens ouvrages , on verra que les
Princes étrangers, depuis qu'il y en a d'établis en
France , y ont joui des honneurs & des diftindions
que Loifeau leur attribue.
Il ne faut pas prendre pour règle les honneurs
extraordinaires que nos rois ont faits à quelques
Princes & fouverains qui ne faifoient que paffer
en France. Ainfj quand nous verrons un roi de
Bohême , un roi de Sicile Se un roi d'Ecoffe pré-
céder le dauphin dans les lits de juftice & dans les
aflemblées du parlement; quand nous verrons un
frère du roi d'EcolTe précéder tous les pairs dans
une autre aifemblée du parlement, il ne faudra
regarder ces faveurs pafTagères que comme des
■aites de courtoifie qui ne tirent point à confé-
quence, & fur lefqucls on ne peiu établir aucun
droit.
C'eft ainfi que François premier, en donnant
la préféance au frère du roi d'Ecofle fur tous les
pairs , déclara que c'étoit pour cette fois tant feu-
îement , fans préjudice des droits & prééminen-
ces des pi-irs de France, & ordonna que les pairs
de France féeroient dorénavent en fes cours 6» con-
feils , les puiniers & plus prochains du roi, félon
l'ordre <j' dignité de leurs pairies.
C'eft ainfi que Dutillet obferve, au fujet de la
préféance accordée aux rois de Bohême , d'Eco/fe
& de Sicile, que » fi un roi d'un autre royaume
» fe trouvoit aux affemblèes du parlement comme
. ï» pair de France , il auroit le rang de fa pairie,
» & non d'autre , & qu'il feroit précédé, non
» feulement de monfeigneur le dauphin, mais en-
» core par les pairs érigés avant lui , ne fuflent-
» ils que comtes ».
Nous ne pouvons donc juger des droits des
Princes étrangers établis en France , que par ce
qui s'eft pratiqué à leur égard depuis qu'ils y font
établis.
Cette époque n'eft pas bien reculée, Jean de
Qêvcs eft le premier Prince étranger qui fe foit
établi en France : il époufa Marie de Bourgogne
fous le règne de Charles VII, & ce n'efl qu'en
i486, fous le règne de Charles VIII , que nous
voyons les princes de cette maifon naturalifés dans
le royaume.
Madime la vieDtntefTe de Furnes nous dit en
très- peu de mots quels kw'xQnx les honneurs &
îes diflinâions dont les Princes de la m^\{or\ de
Clèves jouifloient en France. Deux princefTes de
la a»ifan de Bourgogne , & par conféquent du |
PRINCE.
fang de France, avoient époufé, l'une un Prince
de C'èves , & l'autre Charles de Bourbon, qui étoit
du fang de France. >» Ou faifoit plus d'honneur à
" madame de Clèves qu'a madame de Bourbon ;
» madame de Clèves alloit devant ; & l'on difoit
» que c'étoit parce que madame de Clèves étoit
» l'ainée ; car autrement on fait bien que madame
» de Bourbon feroit allée devant, à caufe de M.
» de Bourbon , qui étoit plus grand que M. de
« Clèves, parce qu'il étoit de la maifon de France».
Charles de Bourgogne , comte de Nevers, allait
tout pleinement devant M. de Clèves. M. d'Étampes ,
frère puîné de M. de Nevers, vouloir auffi aller
devant ; mais M. de Clêvçs ne le vouloit point
fouffrir. Le duc & la ducheffe de Bourgogne
prenoient les épices & l'offrande de M. de Beau-
jeu, deuxième fils de M. de Bourbon ,& des en-
fans de Clèves 8c de M. D'Etampes ; mais point
de M. de Nevers, ni aufli de M. de Clèves , de-
puis qu'il fut duc.
Les Princes de la maifon de Clèves étoient donc
en France à peu près au niveau des Princes du
fang de France ; ils ne cédoient le pas qu'à ceux
qui étoient chefs de maifon ; ils prétendoient avoir
le pas fur les puînés , ôialloient au moins de pair
avec eux.
Sous les règnes fuivans , nous avons eu fuccef-
fivement d'autres Princes de différentes niaifons
fouveraines. Nous en avons eu de la maifon de
Lorraine , de la maifon de Savoie , de celle de Gon-
zngue , & les Rohan de l'ancienne maifon de Bre-
tagne. Les fouverains de Bouillon fe font auffi éta-
blis en France , & ont mis leur fouveraincté fous
la proteflion du roi.
Tous ces Princes établis en France ont toujours
été reconnus pour princes, & y ont joui, à ce
titre, d'honneurs & de diftini^ions particulières.
Ceux qui voudront connoître en détail ces
honneurs & ces diftinâions , pourront recourir aux
fources que j'ai indiquées en parlant des Princes
du fang.
Mais ces diftinâions font nulles au parlement
& auxfacresdes rois; ils n'ont droit d'y affiflet
qu'autant qu'ils font pairs de France , & n'y ont
d'autre rang que du jour de l'éreétion de leurs
pairies. Tout ce que dit Loifeau fur ce point , s'ob-
ferve encore aujourd'hui ; & on peut appliquer aux
Princes étrangers , les principes établis par l'édit du
mois d'août 1718, concernant les PrinctîS légi-
timés.
M.leP. Hénault cite un fait qui femble contre-
dire ce que j'avance. 11 dit tpae le roi Henri III ,
en érigeant le comté de Joyeufe 8t la baronnie de
dEpernon en duchés-pairies , donna Pance à ces
nouveaux ducs immédiatement après les Princes du
fans; 6» les Princes étrangers , & avant tous les ducs ,
quoique plus ancien';. Cela fuppoferoit que les
Princes étrans,ers pairs ont \a fcance au parlement
immédiatement après les Princes du fang, ^ avant
tous les ducs, quoique plus anciens. Mais M. le
PRINCE.
préfident Hénault s'ell trompé. Vôîcl les termes
des lettres cl eredtion des duchés-pairies de Joyeufe
& d'Epernon.
« Voulons qu'il ait féance, voix & opinion aprh
») Us Princes immédiatement , avant tous autres ducs
»> & pairs ».
On n'y parle pas des Princes étrangers ; & lorf-
qu'on ne parle que des Princes , il ne faut l'entendre
que des Princes du fang; parce que, comme dit
luOlCeau y le parlement n'a point encore pa[fe aux Prin-
ces étrangers la qualité de Princes indéfiniment , ils
ne font pas fi vraiment & fi proprement Princes que
ceux du fang.
Ainfi , tout ce qu'on peut conclure des lettres
d'éreâion des duchés-pairies de Joyeufe & d'Eper-
non ; c'eft que les Princes du fang avoient la pré-
féance fur les ducs & pairs. Elles ne prouvent rien
pour les Princes étrangers.
Je ne dirai plus qu'un mot fur la diatribe de
l'anonyme contre la maifon de Rolian ;& j'ai pour
garans de ce que je vais dire , Chopin dans fon
traité du domaine , Maichin dans fon hiftoire de
Saintongc , & les états de Bretagne.
Les états de la province de Bretagne ont affirmé
<îue la vicomte de Rohan étoit un partage du comté
tie Porrohet ; & que le comté de Porrohet étoit un
partage du comté de Rennes & du duché de Bre-
tnj^ne.
Chopin & Maichin nous apprennent qu'un vi-
comte de Rohan époufa , dans le feptième fiècle ,
fous le régne de Dagobert , Aliéner , fille de Hoêl I
III , roi de Bretagne, laquelle lui apporta en dot la
vicomte de Léon.
Que de ce vicomte de Rohan & de cette Aliéner
de Bretagne, defcendoit en ligne direâe Alain III,
duquel tout le monde convient que defcendent
-toutes les branches qui exiftent aujourd'hui du
nom de Rohan.
Que cet Alain époufa , dans le douzième fiècle ,
Confiance de Bretagne , fœur de Conan le Petit ,
duc de Bretagne.
Que fous Je règne de faint Louis , Jean , duc de
Bretagne , acheta la vicomte de Léon des vicomtes
de Rohan.
Que cette vicomte rentra quelque temps après
dans la maifon de Rohan , par le mariage de Jean
de Rohan avec une princefle de Bretagne.
Que la vicomte de Porrohet , qui avoir paiTé de-
puis long-temps dans des maifons étrangères, ren-
tra dans la maifon de Rohan , par le mariage
d'Alain VIII avec Béatrix de CliiTon.
Si ces faits font vrais ( & je dois quelque con-
fiance aux garans que je cite ) , il en réfulte , que
i'exiftence de la maifon de Rohan remonte au
icptième fiècle ; qu'à cette époque , c'eft-à-dire
«nviron quatre - vingts ans après le partage du
royaume de Bretagne entre les fils de Hoël pre-
mier, les Rohan ont eu une portion du comté de
Porrohet , lequel étoit lui-même une portion du
royaume de Bretagne ; que p^r conféqusnt il eil ;
PRINCE. 627
évident qu'ils defcendent d'un des fils de Hoël
premier.
Et lorfque je vois , dans cette longue fuite de
fiècles , la maifon de Rohan s'allier perpétuelle-
ment avec toutes les maifons fouveraines de l'Eu-
rope ; lorfque , depuis l'établifTement des Rohan
en France , je \^ vois toujours reconnus pour
Princes étrangers , toujours en pofîeflîon des hon-
neurs que nos rois ont voulu accorder aux Princes
étrangers; j'admire qu il fe foit trouvé un homme
afTez courageux pour leur en contefler le titre 6c
les droits.
Princes UrtHion.
Les Princes dont je vais parler , ne le font pas
par droit de naiiT;>nce. Ils n'en prennent le titre *
que parce qu'ils font feigneurs de terres érigées en
principautés.
Il ne faut pas non plus les confondre avec ces
grands valTaux qui s'intituloient Princes dans les
temps de l'anarchie féodale. Ceux - ci pouvoient
bien prendre le titre de Princes, puifqu'ils avoient
les droits de fouverainete. Quelques-uns d'entre
eux avoient même des feigneurics qui n'étoient
(cumifes à aucune dépendance féodale. Telle étoit
entre autres la vicomte de Béarn. Cette princi-
pauté pafTa dans la maifon de Foix vers la fin du
treizième fiècle. Telle étoit encore la principauté
de Dombes.
Nous n'avons plus en France de principauté de
cette nature (1). « Bien y a , dit Dutillet, des
» principautés qui font dignités féodales , infé-
'> rieures à celles des comtes»: & Loifeau ajoute
qu'elles font au-defTus delà baronnie & de la vi-
comte.
Cette efpèce de feigneurie , dit ce dernier au-
teur , efl extraordinaire & extravagante. « Elle
» vient, fuivant lui , de ce que les anciens ducs 8c
» comtes s'étant faits Princes par l'ufurpation des
» droits de fouverainete , à leur exemple , les au-
»» très grands feigneurs, qui n'avoicnt titre ni de
M ducs, ni de comtes, ayant pareillement ufiirpé
» les droits de fouverainete dans leurs feigneuries ,
1» fe font par conféquent titrés & qualifiés du nom
» général de Princes , n'ayant point de titres par-
» ticuliers de dignité; & afin d'être diflingués des
11 fimples feigneurs , qui navoient pas comme eux
» l'exercice de la fouverainete.
» Ce qui ayant eu cours lorfque les grands fei-
» gneurs de France avoient les droits de fouve- .
Il raineté , a continué après qu'ils en ont été dé-
>» pouillés ; par le moyen de ce qu'à l'exemple des
» anciennes principautés réunies depuis à la cou-
» ronne , les rois en ont érigé d'autres pour gratifier
5> leun favoris , qui ont affeâé ce titre excelicnt de
» Princes,
(1) Jciie prétends tien décider fur !a principauté de Bida-
che. Je fais que la nkaaToiï de Gramoni y exerce les dioiis Je
rouvewiaeté.
Kkkkii
6iS PRINCE.
« Bien qu'il y ait différence notable entre les fei-
« gneurs des principautés , & ceux qu'à préfent
» nous appelons Princes , qui font , ou les Princes
j> du fang , ou ceux qui font iflus de Princes fou-
j> verains étrangers ; toutefois cette équivoque
îj d'entre les Princes & les fcigneurs de princi-
» pautés , ou , pour mieux dire, d'entre les Princes
» de race & les princes à caufe de leur terre érigée
« en principauté , eu caufe que plusieurs princes
« qui craignent qu'on révoque en doute leur qua-
j> lité, & plufieurs grands feigneurs qui défirent
>» être tenus pour Princes, font curieux de faire
3) ériger une de leurs terres en principauté ; dont
» par après ils baillent volontiers le titre à leur fils
)> aîné».
Si ce n'eft pas là l'hiftoire exaéte des terres éri-
gées en principautés, c'eft du moins un tableau
bien fidèle des misères & des vanités humaines. Ces
principautés donnent le droit de s'intituler Princes;
mais elles ne donnent ni prérogative , ni autorité,
ni prééminence. Cependant combien ne font-elles
pas recherchées ? Et ce qu'il y a de plus étonnant,
c'eft que la plupart de ceux qui les obtiennent font
d'une naiflànce & ont des dignités qui femblent les
mettre fort au-deffus de ces vaines décorations. Ils
ne penfent pas que ce titre de Prince , attaché à
Il glèbe , peut fe multiplier à volonté ; que , par les
mutations qui arrivent néceffairement dans les fei-
gneuries , il peut fe communiquer à des hommes
nouveaux , 5t qu'il doit par conféquent dégrader
enfin la nobtefle elle-même.
Je ne connois peut-être pas la moitié des terres
qui ont été érigées en principauté ; mais en voici
déjà un afiez grand nombre, pour qu'il foit temps
«îe prévenir les inconvéniens qui peuvent réfulter
de leur multiplication.
Barbançon , Carency , Chabanois , Chalais ,
Cliacclaillon , Chimai , Condé , Conty , Epinoi ,
(j3vre , Gueméné , Joinville , Lambefc , Ligne ,
Liftcnois , Luc , Marfillac , Mnrtigues , Mortagne ,
Poix, Porcian , Robec, Roche-fur-Yon , Sou
feife , Soyon , Talmont en Poitou , & Talmont
en Saintonge.
Plufieurs de ces principautés appartiennent à des
Princes du fang ou à des Princes étrangers. Tant
qu'elles refieront dans ces maifons , l'éreâion en
pri cipauté n-i peut entraîn;r aucun inconvénient.
Les Princes du fsng & les Princes étrangers ne
peuvent qu'hjn.rer la feigneurie dont ils pren- !
nent le titre.
Quelqties autres appartiennent aux Taleyrand,
avix Saufremont , aux ta Rochefoucaud , nux Noail-
Ics, Si. autres de ce rang. Le titre de Prince n'a-
joute rii.n à l'iliuftration do ces grandes maifons ;
perfonne ne doit le leur envier , & on ne doit pas
cirtùùire qu'elles en abufenr.
Mais aucune 'ai n'interdit l'acquiCition de ces
principautés aux rouiriers & aux nouveaux nobles.
Peu; ê re^ quelqu'un ifcux e/l-il déjà propriét;)ire
«îe. ^uelij_u'une de ceiles dont j'ai donné la lifte.
PRINCE.
ou de celles que je ne connois pas; peut-être
ferai-je un jour obligé de qualifier de Prince le
fils de l'homme que j'ai vu dans la roturi ; cette
confufion des rangs, cette profanation ka.v.'Tlenfe
du titre le plus augufte que la nation connoiiie
après celui de roi, n'ont-elles rien de peri . eux
pour les moeurs publiques 6c pour le bieii Je
l'état ?
Ce que les François font aujourd'hui , ce qu'ils
éioient du temps de Loifeau , ils l'ont été de tous
les temps. Toujours avides d'honneurs & de dif-
tinélions, jamais le titre qui leur appartenoit n'a
fatisfait leur ambition , lorfqu'il y avoir un titre
fupérieur à ufurper ; ainfi, dans le dixième, le
onzième & le douzième fiècles , nous voyons les
feigneurs de Déols , de Vierzon , d'Iflbudt'n , de
Saint-Chenier & de Graçai , prendre le titre de
Princes , & de Princes par la grâce de dieu.
Ce titre de Prince n'a pas même fuffi aux anciens
feigneurs d'Yvetot. Tout le monde connoît l'hif-
toire fabuleufe de ce prétendu royaume , érigé,
dit-on , par Clotaire en 534 ou ^36. Yvetot n'a ja-
mais été un royaume ; mais il faut convenir que
c'eft la plus ancienne principauté qui ait exifté en
France , celle qui a tu les plus belles franchifcs :
elles ont été à peu-près anéanties par un arrêt du
confeil du 28 avril 17^0.
Je ne parle pas de la principauté d'Orang-;,
p.irce qu'elle n'exifte plus. C'étoit auffi une prm-
cipauté d'éreftion; elle relevoit du comté de Pro-
vence. Elle n'eut, pour ainfi dire, qu'un moment
d'indépendance, par la vente que René, roi de
Sicile , fit à Louis de Chàlons de l'hommage du
reftort & de la fouveraineté de cette feigneurie.
Guillaume , fils de Louis, fut, peu de temps après ,
contraint de rendre hommage à Louis X!. Mais
malgré la vaflalité &l le droit de reftbrt , les Princes
d'Orangesintituloient toujours Princes parla grâce
de dieu.
Comme nos prélats font tous feigneurs tempo-
rels , il y en a dont les feigneuries ont auffi le titre
de principautés. Mais ce font encore des princi--
pautés d'éreflion, qui ne donnent ni autorité ni
prééminence dans le royaume , ni dans le clergé
de France.
Je ne veux critiquer l'origine d'aucune de celles
qui exirtent; mais je crois pouvoir, fans bleOcr
perfonne, parler librement de celles qui n'exiftent
plus , & dire comment elles s'étoient form.!cs.
L'empereur Frédéric premier donna , en 11^7»
une fameufe bulle , fource éternelle de troubles
& de guerres inteftines dans la ville de Lyon. Il
créa l'archevêque de Lyon exarque de Bourgogne,
titre équivoque , qui convenoit dans ce ttnips là a
une dignité fimplement eccléfiaftique, &. à une di-
gnité civile , politiqire & militaire.
Mais Ce qui n'tft pas équivoque , c'eft l'autorité
qu'il attache à ce titre. Ut fie jtmptr facri pjLztii
; OjQri Bur^unJia gloriofiffiinui exatchon , & fumuius
trim^cps confiUï nojlri ; 6f in oninibus fadenJis , a§fn~
PRINCE.
êifque nofirU pracipuus. L'archevêque de Lyon
étoit donc , fous le titre d'exarque, le vice roi de
l'empereur dans la Bourgogne.
L'empereur lui donne de plus toute la ville de
Lyon , & tous les droits régaliens de fors , de
marchés , de duels , de monnoies , de nolis , de
tonlieu , de péage , foit dans la ville de Lyon , foit
au dehors, dans toute l'étendue de l'archevêché,
dans toutes les abbayes, monaftéres, églifes , &
toutes leurs dépendances , châteaux , bourgs , villa-
ges , places publiques , forêts , Moulins , eaux &.
cours d'eaux , champs , prés , pacages, terres cultes
& incultes, ferfs , tributaires, 8c généralement fur
toutes les autres chofes qui appartiennent à l'Em-
pire dans le diocèfe de Lyon.
Il confirme cette conceflîon par une autre bulle
de II 8a, & qualifie l'archevêque de Lyon de
Prince : cariffimum Principtm nojlrum Joannem pra-
didx fcdis archiepifcopum & primatem,
Frédéric donnoit ce qui ne lui appartenoit pas. Il
n'avoir rien dans le duché de Bourgogne ; c'étoit
le premier fief de la couronne de France; & du
temps de Frédéric , il étoit podédé par les defcen-
dans du roi Robert. Le comté de Bourgogne n'ap-
paitenoit pas à Frédéric , mais àBéatrixfonépoufe.
Frédéric pouvoit il aliéner les droits de ce comté ?
crut-il même les avoir valablement aliénés ? Boa-
trix infiitua pour fon héritier Othon fon troifième
fils ; & Frédéric exécuta le teflament ; il remit le
comté de Bourgogne à Othon. Enfin Lyon a'étoit
pas fous la domination de Frédéric. On connoit la
fameufe & longue querelle des comtes de Forez
avec les archevêques de Lyon , concernant le
comté de Lyon , & le traité qui la termina : ce
traité fut p allé en 1173, pendant que Frédéric ré-
gnoit encore; & ce ne fut point fous l'autorité de
Frédéric que ce traité fut pafle ; ce fui le roi Phi-
lippe-Augu(le qui le ratifia. On reconnoiiToit donc
dès-lors la fupériorité des rois de France fur le
comté de Lyon.
C'eft en vertu de ce traité de 1173 , pafle fous
l'autorité du roi de France, que les chanoines de
Saint- Jean de Lyon ont été comtes : & cependant
les archevêques ont prétendu, pendant quelque
temps, être Princes, Se, pour ainfi dire, fouve-
rains , en vertu de la bulle de Frédéric , dont ils
avoient reconnu la nullité par le traité de 1 173.
Des querelles inteftines , excitées par l'archevê-
que & par les chapitres de Saint- Jean & de Saint-
Juft , déchirent, pendant long-temps , la ville de
Lyon. Philippe le Bel donne , au mois de feptem-
bre 1307, des Lettres-patentes pour rétablir la
paix, & -pour fixer les droits & les prétentions de
î'arci'.evêque & du chapitre de Saint- Jean.
Il n'y parle pas nommément de la bulle de Fré-
déric, il confirme feulement les concefTions qui
ont été faites à l'archevêque & au chapitre, foit
par lui, foit par fes prédécefleurs , foit par toute
autre perfonne. Mais il ajoute cette claufe impor-
tante, iiï c€ qui n« fera pas contrairt aux droits , à
PRINCIPAL; 619
l'honneur , & à rintérét de notre couronne.
L'archevêque &. les habitans de Lyon , le clergé
féculier & régulier du diocèfe , tous les feigneurs
& gentilshommes de la province s'oppofent à l'exé-
cution de ces lettres-patentes. Elles font révoquées
& annuilé.es en 1 3 1 2 ; & l'archevêque cède au roi
toute la juridiction temporelle qu'il avoir fur Lyon
& fur fon diftrid. En 1320, la juftice eft rendue
à l'archevêque , fous la fouverainté & le reflbrt du
roi. Dès-lors ont dû difparoître toutes les préten-
tions de l'archevêque à la principauté & à la fou-
veraineté.
Voici le jugement que porte de cette bulle de
Frédéric un ancien hiftoricn de la ville de Ly on ( i ).
» On pourroit imputer à MM. de l'églife de Lyoa
» d'avoir ici commis une grande faute, Se, fi je
» l'ofe dire, félonie envers les rois de France,
» leurs fouverains légitimes AuOî crois-je qu'ils
» ne fe voudroient pas fervir de cette bulle , &
» que s'ils la gardent dans leurs archives , ce n'efl
)» que par mémoire de l'antiquité , & non pour leur
w fervir de titre ".
Ils ont pourtant voulu s'en fervir de nos jours.
A la vérité , ils ne prctendoient pas faire revivre le
titre de Prince , mais ils prétendoient être main-
tenus dans les droits régaliens que la bulle de Fré-
déric leur attribuoit. Un arrêt du confeil du 16 oc-
tobre 1736 a fupprimé tous ces droits.
Les titres de Princes , dont prefque tous les pré-
lats des anciens royaumes d'Arles & de Bourgogne
ont été décorés, ont eu à-peu-près la même ori«
gine. Les empereurs d'Allemagne , qui avoient des
prétentions fur ces deux royaumes , mais qui n'y
avoient nulle puiiTance , mettoient le clergé dans
leur parti par les titres magnifiques qu'ils donnoient
aux évêques.
11 n'en falloir pas tant aux évêques de ces temps-
là , pour prendre le titre de Princes. Un comte de
Grenoble cède à l'évêque des dixmes du Graifivau-
dan ; & l'évêque fe croit autorifé , par cette cef-
fion , à prendre le titre de Prince de Grenoble,
( Article de M. de POL VEREt.^ avocat au par-
lement ).
PRINCIPAL. On appelle ainfi celui qui cft
chargé du gouvernement d'un collège.
Les principaux des univerfités, dont les profef-
feurs ont le droit de ftptennium , jouilTent de ce
droit , comme les profeâéurs , lorfqu'ils ont exercé
leur office pendant fept ans. L'univerfité de Paris
procédant, en 1598, à la réforme de fes ftaturs ,
fous l'autorité des commiflaires nommés par le roi,
arrêta que ceux de ces maîtres-ès-arts , qui auroient
enfeigné publiquement dans un collège célèbre
pendant fept années confccutives , feroi'='nt pré-
férés , dans les nominations, à tous les autres gra-
dués ; mais elle n'avoit fait aucune mention des
Principaux. Par l'article 17 des additions faites à ces
flatuts , qui furent enregiflrées le 15 feptembre de
(Ij R^tbis,
^50 PRINCIPAL.
la même année , elle étendit cette prérogative à
tous les Principaux des collèges qui les ont gouver-
nés durant un femblable efpace de temps. Gymna-
Jiarchce qui per jeptem annos in celtbri gymna/îo cvn
Laude rexerint , codent privilégia comprehendantur in
beneficiorum nominationibus , quo praceptores qui per
totidem annos docuerint.
Les ftatuts de i'598 & les additions aux ftatuts
avoient été feulement homologués au parlement
de Paris , & cette homologation au parlement ne
leur donnoit de force que dans les provinces
qui font de fon reflbrt. Le roi jugea à propos d'en
faire une loi pour tout fcn royaume, en les confir-
mant par fa déclaration du 27 juin 1648, qui fut
non-feulement vérifiée au parlement , mais encore
au grand-confeil. Dans toutes les déclarations qui
ont été rendues depuis au fujet des gradués , & où
il eft fait mention du privilège des feptenaires, les
Principaux font toujours nommés avec les profef-
feurs. Celle du 2 odîobre 1743 , qui attribue la pré-
férence fur les bénéfices à charge d'ames , aux
ûo&.Qurs en théologie , & la préférence fur ceux
qui ne font point à charge d'amcs , aux gradues
dans les autres facultés , fuppofe que les Principaux
& les profeffeurs jouiflent du même privilège. « A
y> l'égard des bénéfices qui ne font point à charge
« d'ames, les profeffeurs ou principaux de collè-
« ges célèbres & de plein exercice , comm« aufiî
a> les profeffeurs en droit civil & canonique , qui
>» auront exercé ces fon6tions pendant fept années
i> confécutives fans interruption & fans fraude ,
>> auront la préférence fur tous autres gradués ,
» quoique plus anciens qu'eux , mêmes fur ceux
» qui font depuis fept ans doâeurs ou profeffeurs
>» en théologie «.
L'anicle 79 des ftatuts de l'univerfité de Reims ,
qui furent homologués au parlement par arrêt du
j6 mai 1662, accordoit auffi aux Principaux qui
auroient gouverné avec réputation pendant fept
ans le collège de cette ville , le droit àc feptennium ,
comme aux profeffeurs. Ce droit a été confirmé
depuis par une déclaration expreffe du 24 mars
«734, pour les profeffeurs en théologie , Princi-
paux &; profeffeurs es arts de cette univerfité.
Les principautés ne font point des places ecclé-
fiaftiques, & les prévarications que commet un
Principal dans fes fondions , ne (ont point <fe la
compétence du juge d'églife. C'eft ce quia été jugé
par arrêt du parlement de Paris du 21 août 1708.
Un prêtre , Principal de collège , étoit accufé de
fcire choix de mauvais fujets pour remplir les pla-
ces de profeffeurs , de recevoir de l'argent à cet
effet, & d'autres femblables prévarications dans
fon état de Principal. Il avoit demandé fon renvoi
pardevant le juge d'églife ; il fut débouté de fa de-
mande par cet arrêt. L'accufé fe pourvut au con-
feil en caffation ; il prétendit que l'arrêt avoit été
rendu contre les difpofitions précifes de l'ordon-
nance de 1539 , article 4 ; de l'édit d'Amboife ,
anicle a i de l'ordonnance de Rouffillon , article ,
PRINCIPAL.
22 ; de celle de Moulins , article 29 ; de celle ds
Blois , article 58 , de l'édk de Melun , article 22 ;
de l'édit du mois de février 1678 , qui veulent tous
que les juges d'églife connoiffent des procès cri-
minels des eccléfiaftiques,& qu'ils foient renvoyés
é&\nm eux, pour être l'infiruâion faite conjointe-
ment pour les cas privilégiés , tant parles juges
d'egliie que par les juges royaux. Cependant, par
arrêt du confeil d'état rendu au rapport de M.
Qiauvelin de Beauféjour , Is 27 mai 1709,1! a
été mis néant (ur fa requête.
Les fondions des Principaux & procureurs de
collèges font incompatibles avec tout bénéfice fitué
hors de Paris & qui demande réfidence. L'univer-
fité de Paris avoit déjà étabU cette incompatibilité
par fon règlement du 20 feptembre 1577. «c Es
» charges de fupérieurs , fénieurs , maîtrifes , prin-
» cipautés & fous-maîrrifes , ne pourront être élug
» ni inftitués gens pourvus de bénéfices qui auront
« charge d'ames & requièrent réfidence, &: que fi ,
» après qu'ils auront été pourvus defdites charges ,
» ils viennent à être pourvus defdits bénéfices ,
» elles demeureront vacantes & impctrables ".
Règlement de l'univerfité , année 1577. Le règle-
tneut de l'univerfité à cet égard fut confirme par
l'article -j-j de l'ordonnance de Blois, qui porte,
'» qu'aux charges de fupéî leurs, fénieurs & maîrri-
)> (es , de quelque collège que ce foit , ne pourront
'» être élus ni infittués gens pourvus de bénéfices
» qui auront charge d'ames & requerro;;t réfi-
« dence ; & fi , après qu'ils auront été élus & ponr-
>» vus defdites charges, ils étoient pourvus de bé-
» néfices de la qualité ci-deffus, déclare lefdites
>i charges vacantes & impéfrabics , fans quih les
» puirfent réfigner , fi ce n'efi qu'ils foient pour-
» vus de bénéfices étant dedans les villes où font
» lefdites univerfitès, ou hors d'icelles, en telle
I) diflance qu'on y puiffe aller en un jour ».
Depuis ce temps, les arrêts ont jugé conformé-
ment à la difpofition de l'ordonnance de Blois. Par
un arrêt du 14 aTril 1639 , que rapporte Barc'et ,
le parlement débouta les nommés Duboft & Claude
Jan , le premier curé dans le diocèfe de Sécz, &
le fécond, chanoine de la cathédrale de la même
ville , de leurs prétentions fur la principaliré du
collège de Séez , fondé rue de la Harpe à Paris ,
& ordonna que l'évêquey nommeroit quelqu'un
qui y feroit une réfidence aâuelle.
Un fieur Bonnedame , chanoine de Noyon , fut
nommé Principal & procureur du collège d'Inville
à Paris , proche S. Cômc : il étoit réputé préfent
à fon canonicat, comme député de fon diocèfe à
la chambre des décimes. Cependant la cour, par
arrêt du 15 décembre 1716, lui enjoignit de faire
fon option dans trois mois , faute de quoi la prin-
cipaliré feroit déclarée vacante. Par cet arrêt , la
cour fit un règlement portant défenfesà tous Prin-
cipaux , procureurs, régens de collèges de l'uni-
verfitc , de pofféder aucun bénéfice requérant ré-
fidence.
PRISE.
L'article 77 de l'ordonnance de Blois met une
exception à la règle générale qu'il établit ; il permet
aux Principaux de pofféder des bénéfices qui re-
quièrent réfidence , lorfqu'ils font fitués dans les
villes mêmes où font les univerfités. C'eft pour-
quoi il n'eft pas défendu aux Principaux de poffé-
der des canonicats dans le lieu de leur réfidence.
Sur ce fondement , il a été jugé que la principalité
du collège de Treguyer , ou des trois évéchés , ou
de Cambrai , n éioit pas incompatible avec une
chapelle de faint Honoré de Paris , qui requiert
ré/îdence. La fondation de cette chapelle oblige le
chapelain à réfider & à aflifter à tous les offices pour
lefquels il y a des diftributions. L'arrêt , qui eu du
28 mai 1732 , permit au fieur Hubert , pourvu de
cette chapelle , de conferver la principalité.
Mais le parlement n'a point étesdu la faveur de
cette exception jufqu'aux cures , quoiqu'elles fuf-
fent fituées dans le lieu même où eft établie l'u.Ti-
verfité. Il a eûimé que les cures demandant tous
les foins du pafteur , étoient incompatibles avec
les principautés de collèges. On trouve un arrêt
du 17 décembre 1703 , rapporté au journal des
audiences, qui ordonne qu'un eccléfiaftique , prin-
cipal du coUige de Montdidier , opteroit entre fa
place de Principal & une cure de la ville qu'il pof-
iedoit.
Et par un arrêt plus récent rendu en forme de
règlement le 6 feptembre 1784 , la cour a ordonné
qu'aucun de ceux qui exerceroient les places de
Principal , profefleur & régent , même dans les
pédagogies , ne pourroient réunir à de pareilles
Xoiis^ions le titre de curé ou de vicaire. Cet arrêta
été envoyé aux bailliages & fénéchauffees du reflbrt,
ain/i qu'aux bureaux d'adminiftration des collèges ,
pour être infcrit fur leurs regiftres , &C notifié par
ces bureaux aux profeffeurs & régens.
Il y a des évêques qui ont le droit de nommer
aux principautés & aux bourfes des collèges. Cho-
pin , de poiitiâ eclefiaf, tit. 5 , n. 5 , dit qu'on pré-
tendit , de fon temps , que ce droit , pendant
la vacance du fiège, appartenoit au roi en vertu
de la régale. La queftion s'éleva pour la principa-
lité du collège de Reims , fondé dans l'univcrfité
de Paris. Le roi y pourvut en régale pendant la
vacance du fiège , & le chapitre de l'églife de
Reims y nomma de fon côté. M. de Thou , qui
porta la parole dans l'affaire , donna fes conclu-
fions en faveur du nommé par le chapitre de la mé-
tropole. 11 n'intervint point d'arrêt , parce que les
parties s'accommodèrent; & le nommé par le cha-
pitre demeura en poffeffion. Mais il eft évident que
le droit de la régale ne s'étendant qu'aux feuls bé-
néfices , & les principalités ne pouvant être regar-
dées comme des bénéfices , le régaliffe n'étoit nul-
lement fondé en droit
( Articlt de M. Cabbi Lavsry ^ avocat au par-
lement ),
PRISE. On appeloit ainfi autrefois ce qu'on pre-
noit d'autorité chez les particuliers , pour l'ufage &
PRISE. 4^1
le fervîce du roi , de la reine , des princes ÔC de
leurs principaux officiers.
On enteiidûit aiiffi par le terme de Prïfe , le
droit d'ufer de cette liberté.
On faifoit des Prifes de vivres , de chevaux Sc
de charrettes, non-feulement pour le roi, la reine
& leurs enfans, mais enccre pour le connétable ,
les maréchaux 6c autres ofliciers du roi ; pour les
maîtres des garnifoijs , les baillis , les receveurs p
les commiffaires.
Mais le peuple ayant accordé une aide au roi,
CCS Prifes furent interdites, excepté pour Je roi ,
la reine Scieurs e.fans, ou p<âur la néceffité de
la guerre.
Quelques perfonnes étoient exemptes du droit
de Prife , comme les officiers de la monnoie & fes
changeurs , les albalêtriers de la ville de Paris ,
les Juifs.
Les provifions dcffinées pour Paris , les chevaux
& les équipages des marchands de poiffon Se de
marée, étoient auffi exempKs de Prifes.
Le droit de Prife n'avoir pas lieu non plus dan»
la Bourgogne , ni dans quelques autres endroits ,
au moyen des exemptions qui leur avoient été ac-
cordées.
On défendit fur-tout de faire aucune Piife dans
la ville Ôc vicomte de Paris , à moins de payer fur-
ie-champ ce qu'on prendroir , attendu que dans
ce lieu on trouve toujours des provifions à acheter.
Le roi Jean ordonna , en 1355, qu'on ne pour-
roit plus faire de Prife de blé , de vin , de vivres ,
de charrettes , de chevaux , ni d'autres chofes ,
pour le roi , ni pour quelque perfonne que ce fur ;
mais que , quand le roi, la reine, ou le duc de
Normandie (cV/oir /< <fiî///?Af/2 ), feroient en route
dans le royaume , les maîtres d'hôtel pourroient ,
hors des villes , faire prendre par la juftice des
lieux , des bancs , tables , trctaux , des lits de plu-
mes , coiiflîns , de la paille, s'il s'en trouvoit de
battue, & du foin , pour le fervice & la provifiori
des hôtels du roi, de la reine & du duc de Nor-
mandie , pendant un jour ; qu'on pourroit auffi
prendre les voitures néceffaires , à condition qu'oa
ne les retiendroit qu'un jour , & qu'on payeroit le
lendemain au plus tard le jufte prix de c« qui au-
roit été pris.
Par la même ordonnance, il autorifa ceux fur
qui on voudroit faire des Prifes, à les empêchée
par voie de fait , & à employer la force pour re-
prendre ce qu'on leur auroit enlevé; & , s'ils n'é-
toient pas affez forts , ils pouvoient appeler à leur»
fecours leurs voifins & les habitans des villes pro-
chaines , lefquels pouvoient s'affembler par cri ou
autrement, mais fans fon de cloches; & néanmoins
depuis cela même fut autorifé.
11 étoit permis de conduire les preneurs en pri-
fon, & de les pourfuivre en juftice civilement;
& , en ce cas , ils étoient condamnés à rendre le
quadruple ds ce qu'ils avoient voulu prendre ', oa
^6ji PRISE.
pouvolt même les pourfuivre criminellement »
comme voleurs publics.
Ces preneurs ne pouvoient être mis hors de
prifon , en alléguant qu'ils avoient agi par ordre
de quelque feigneur, ni en faifant ceflion de bien.
On ne les lailîbit fortir de prifon qu'après qu'ils
avoienr reftitué ce qu'ils avoient pris , & qu'ils
avoient payé l'amende à laquelle ils étoient con-
damnés.
On faifoit le procès aux preneurs devant les ju-
ges ordinaires des plaignans , & le procureur du
roi faifoit ferment de pourfuivre d'office les pre-
neurs qui viendroient à fa connoiflance.
Il fut encore ordonné par le roi Jean, dans la
même année , que tandis que l'aide accordée par
les trois ctats_, d'Auvergne auroit cours , il ne
feroit point fait de Prilc dans ce pays , ni pour
l'hôtel du roi , ni pour celui de la reine , ni pour le
connétable ou autres officiers. Ainfi l'aide étoit ac-
cordée pourfe rédimer du droit de Prife.
Les gens des hôtels du roi , de la reine , de
leurs enfans & des autres perfonncs qui avoient
droit de Prife, connoiflbient des contcilations qui
arrivoient à ce fujet.
Préfentement , le roi & les princes de fa mai-
fon font les feuls qui puiffent ufer du droit de
Prife , encore n'en ufent ils pas ordinairement , fi
ce n'eft en cas de néceflîté , & pour obliger d«
fournir des chevaux & chariots néceflaires pour
leur fervice.
Prise , fe dit en termes de jurifprudence mari-
time, d'un navire pris fur les ennemis.
Suivant l'article premier du titre 9 da livre 3 de
l'ordonnance de la marine , du mois d'août i68i ,
perfonne ne peut armer de vaiffeau en guerre ,
ians une comniiiTion de l'amiral de France.
L'article 2. veut que celui qui a obtenu une com-
miflion pour équiper un vaiiTeau en guerre , la
fafle cnregiftrer au greffe de l'amirauté du lieu où
il doit faire fon armement , & qu'il donne caution
de la fommc de quinze mille livres , pardevant le
lieutenant de l'amirauté » en préfcncc du procu-
reur du roi.
Ce cautionnement eft une fureté que le légifla-
teur a voulu donner au public , au fujet des abus
& malverfations que peuvent commettre les arma-
teurs ou leurs gens.
Il femble , par les difpofitlons de la loi qu'on
▼ient de rapporter, qu'un armateur n'eft refponfa-
ble des délits des gens de fon vaifleau , que juf-
qu'a concurrence de quinze mille livres ;ajais des
réglemens pofiérieurs , & particulièrement ceux
des 23 ju'.ller 1704 & 21 oélobre 1744, ont dé-
cidé qu'un armateur eft tenu indéfiniment de tous
l.s dommages & intérêts réfultans des délits des
gens de foji vai/Teau , & des Prifes irrégulières
qu'ils peuvent faire.
Il eft dc;f=ndu , par l'article 3 , à tout François ,
fous peine d être traité comme pirate , de prendre
çommiflion d'aucune puiflancç étrangère , pour
PRISE.
armer des vaifteaux en guerre , & courir les mers
fous la banière de cette puiflance , à moins que ce
ne foit par la permiflion du roi.
L'article 4 déclare de bonne Prife tous les vaif-
feaux appartenans aux ennemis de l'état ou com-
mandés par des pirates , forbans ou autres gens
courant la mer fans commiftlon d'aucun prince ni
état fouverain.
Tout vaifleau combattant fous un autre pavillon
que celui de l'état dont il a commiffion, ou quia
commiifion de deux différentes puiffances , eft
aufli déclaré de bonne Prife ; & s'il eft armé en
guerre , le capitaine Si. les officiers doivent être
punis comme pirates. Telles font les difpofitions
de l'article 5.
C'eft pour la pleine exécution de cette loi ,
qu'une ordonnance du 17 mars 1696 a défendu
aux capitaines commandant les vaiffeaux du roi ,
& aux armateurs, de tirer le coup de fcmonce ou
d'affurance fous un autre pavillon que celui de
France (1).
Mais comme l'équipage d'un navire eft obligé
d'obéir au commandant , le roi a rendu, le i8jum
1704, une autre ordonnance qui difpenfe les
équipages des peines prononcées par l'ordonnance
du 17 mars 1696 (2).
(l) Vtici cette ordonnance :
Sa Biajedé étant informée 4ue plufieur] capitaines dt Ces
vailTeaux arméj en courfe, fe font un ufage de tirei le coup
de fenionce ou d'afliirancc fous pavillon étranger , quoique
ce procédé foie contraire i la foi publique, à l'honneur du
pavillon François & aux ordonnances , pariiculiérement à
celle de icSi ; à quoi fa majefté defirant pourvoir, enforte
'^ue les vaifleaux des princes neutres ou de leu's fujets ne
puifTcnc être induits en erreur par cette manteiivre , ni les
corfaires françois j'en faire un moyen pour les engager au
combiT , en vue de les faite déclarer de bonne Prife ; fa mi-
jefté a ordonné &: ordonne que tous capitaines ccmnaandanc
fe« vaiffeaux , ou ceux armés en courfe par fes fujets , feronc
tenus d'arborer pavillon François avant le coup d'alTurance
ou de fcmonce ; leur fait fa majefté très-expreffes inhibition»
& défcnfes de tirer fous pavillon étranger, à peine d'cire pri-
vés , eux & leurs armareurs , de tout I» provenu de la Piife ,
qui fera confifquée au profit de fa majefté, fi le vaifleau cil
jugé ennemi ; & en cas que le vaifTeau prii foit jugé neutre ,
les capitaines & armateurs fetont condamnés aux d.'pens ,
doHimaget & încététs des propriétaires. Mande fie ordonne f*
majefté à M. le comte de Touloufe , amital de France , ic
aux officiers de l'amirauté de tenir la main à l'éxecution de la
préfenie ordonnance, qui fera lue, publiée & regiftiée par-
tout où befoin fera , à ce qu'aucun n'en ignore, Fait à Vet«
failles le 17 mars jf^e.
Signi, LOUIS. Et plus bat, PhelypeaUX.
(i) Cettt ordonnance ,du i S juin I704, efl d'mfi conçue :
Sa majefté s'étan: fait repréfenter l'ordonnance du 17 mari
1696, par laquelle elle a enjoint aux capitaines des vaif-
feaux armés en courfe par fes fujets , d'arborer le pavillon
ftan^ois avant de tirer le coup d'affurance ou de femoiiCe , i
peine , contre le» contrevenans , leurs armateurs & équipa-
ges , d'crre pfivéj de la Ptile , qui feroit conMquée i fon pro-
fit; elle auroit eriiiv.é jufte de difpenfer les équipages de la
peine ; attendu qu'ils n'ont aucune part à la faute , 5c qu'ili
font oblig;s d'obéir à leur capitaine. Et voulant y pourvoir ,
fa iiiajeUc, en inteiptttant /adiré ordonnance du 17 marj
16 f 6 ] a ordonaé ai ordonne, vcutJC çnicnd i^ue les équipa-
L'articls
PRISE.
L'artkle 6 déclare encore de bonne Prifo î^g
vairteaux avec leur chargement , dans lefquels il
ne fe trouve ni charte partie, ni connoiflement ,
ri faé^iire. La même loi défend aux capitaines,
oiîiciers & équipages des vaiffaux preneurs , de
Ibuftraire ces pièces , fous peine de punition cor-
porelle.
Il n'y a que les pièces indiquées pat cet arti-
cle qui pulflent juflifier que les marchandites ré-
clamées par des François ou par les fujets des
puiiTances neutres, leur appartiennent. C'eft con-
formément à cette règle, que par arrêt du ai
janvier 1693 , rendu au profit du capitaine Ca-
barrus , contre un marchand François qui técla-
nioit des niarchandifes qu'il difoit avoir été char-
gées pour fon compte fur le navire le Rédempteur
du A/o/z(/e , le confeil a jugé qu'un livre de fous
tord ne pouvoit par tenir lieu du double du con-
noiflement dont le marchand étoit porteur, lorf-
que ce double ne fe trouvoit pointa bord.
Il y a plus ; comme les pièces en forme trou-
vées à bord pourroient avoir été concertées en
ftaude, le confeil a ordonné, par arrêt du 2.6 oc-
tobre 1692 , que les dépofitions contraires des
gens de l'équipage prévaiidroient à ces pièces (i).
ges des vaifTeauic cotfaires qui auront fait quelques Prifes ,
«•j>rè« avoir tiré le coup d'aflurance ou de (emoncc fous un
pavillon ennemi , ou quelque autre que ce Toit que celui de
îrance , ne feront point privés de la part qu'ils auront à la
Piife, fuivant leur convention avec les armateurs, & feront
traités de même que fi elle étoit adjugée auxJits armateurs :
voulant qu'au furplus la lire ordannance foit exécutée félon
fa forme & teneur. Mande fa majefté à M. le comte de Tou-
loufe , amiral de Ftrnce , de tenir la main i l'exécution de la
ptéfente ordonnance , & aux officiers de l'amirauté , de la
faire publier & afficher par-tout où belbin fera , à ce que per-
fonne n'en ignore. Fait à Verfaillcs le i 8 juin 1704.
S\gné, LOUIS, £tp/ujt(jj , Phelypeaux.
(i) Voici ctt arrêt :
Le roi étant informé que , par arrêt du ao feptembre 1691 ,
îl auroit été fait main-levée du vaiffeau la Notre Dame du
Pilier , & dtfs marchaudifes de fon chargement, fondé fur ce
qu'il s'y eft trouvé un paflc-port du roi de Portugal , âc un
connoiffement qui porte, que les marchancilfcs dont il y eft
fa't mention ont été chargées à Lisbonne pour le compte &
rifque d'un marchand Portugais, quoique par l'interrogaroire
des officiers principaux duflit vailTjau , il partit que ieidites
marchandifes é;oient pour le compte des marchands Often-
dùis ou Hollandois ; ce qui donnoit lieu d'adjuger aux arma-
teurs la cargiifon Se le vaifleau , fuivant les articles j Se 2.4.
de Fordonnance de is^o, au titre des Prifes. Et comme cette
main levée eft également contraire aux intentions de fa ma-
jcftc & au bien de fon fervice ; que même il ne feroit pas
jufte que des connoillemens & autres atJes , fouvent con-
cettés pour favorifer le commerce des ennemis , iirévaiudent
aux dépofitions des officiers & marelots des vaifïeaux pris ,
qui feuls peuvent cclaircir la vérité &c découvrir la fraude : vu
iedit arrêt du 20 feptembre Jfiyi, lefd/ts arrirles 7 &: 24 de
l'ordonnance de i^Si , fa majefté étant en fon confeil , fans
s'arrêter audit arrêt du 14 feptembre iéjî. , en ce qu'il a
donné niain-lcvéedudit vaiffeau 5: de partie des marchandi-
fes de fon chargement , a déclaré le tout de bonne Pfîfe ;
Ordonne qu'il ff ra vendu , & le prix en provenant délivré au
f^cur delà B.ndeliêre & conforts , à la véferve du dixième du
C«ur comte de Touloufe, amiia] de f raxice *, qui fera payé
Tonc XIJI,
PRISE. 635
P'oyes^ au furplus le règlement du 26 juillet 1778
concernant la navigation des bâtimens neutres , que
nous avons rapporté à l'article NaviGATION-
Tous les navires qui fe trouvent chargés d'effets
appartenant aux ennemis de l'état , & les marchan-
diies des fujets du roi ou des puiffances alliées
ou neutres qui fe trouvent dans un vaifTeau en-
nemi , doivent pareillement être déclarés de bonne
Prife. C'eft ce que porte l'article 7.
Lorfqu'un navire françois eft repris fur les en-
nemis après avoir demeuré pendant vingt-quatre
heures entre leurs mains , la prife en doit être
déclarée bonns en faveur du preneur (i) ; mais
au receveur de Ces droitjj & «[u'à !a délivrance les dépofitai-
res feront contraints , &.''moytnnant ce , bien &; valablemenc
déchargés. Veut fa niajellé que les articles 7 &." 24 de l'ordon-
nance de i68l , au titre des Piifcs , foient exécutés fans au-
cune modération ni reftridion , Se que pleine &: entière for
foit ajoutée aux dépofitions des capitaines , matelots &: offi-
ciers des vaifleaux pris , s'il n'y a contre eux aucun reproche
valable propofé par les réclamateurs , ou quelque preuve de
fubornaiion Se de fédudion. Défend fa niajefté aux capitai-
nes des vaifleaux preneurs , & aux armateurs , leurs conforts »
& tous autres , d'ufcr d'aucunes menaces, voies de fait, ni
violences contre les officiers & matelots des vaifTsaux pris,
fous peine de punition corporelle : enjoint aux officiers des
amirautés d'en informer fur la plainte qui leur en fera faite
par les réclamateurs , fous peine d'interdiQion. Et fera le
préfent artèt lu , publié & enregiftré aux fièges des amirau-
tés , à la diligence du procureur de fa majefté en iceilcs, à
eux enjoint t^d'en certifier dans le mois le fecrétaire d'état
ayant le département de la mâtine. Fait au confeil d'état du
roi , tenu à Verfaillcs le 16 oûobre 1^9:.
Signé, Phei YPEAUX.
(i) Ohferve{ (jueji les reprifes font faites par les vaiffcavx ^
frégates (y autres bâtimens du roi, ilfivt Je conformer à l'or'
donntnce du 15 juin 1779, que nous allons rapporter.
Le roi s'étant fait repréfenter fon ordonnance du iS mars
de l'année dernière, concernant les Prifes faites en mer par fes
vaiffeaux , frégates & autres bârimens de j;uerre , par laquelle
la majefté a bien voulu faire aux états majors & équipages de^
vailTeaux preneurs , l'abandon de la totalité des b.itimens de
guerre Se cotfaires enlevés fur fes ennemis , & des deux tiers
du produit des navires marchands ; fa luajeflé auroit reconnu
qu'elle n'a rien ftatué par cette ordonnance fur les reprifcs
qui feroient faites par lefdits vaiffeaux & frégares ; & elle a
jugé néceflairc de faire connoîtrc fes intentions à ce fujet , en
fe réfetvant d'accorder aux équipages de Ces vaifleaux & fré-
gates telle gtatification qu'il appartiendra , fur le prix defdir;s
reprifes Si de leur cargaifon , lefquelles continueront d'ap-
partenir & d'être adjugées à fa majefié , comme par le paflt.
Elle a ordonné & ordonne que les réglemens concernant 'a
recoufTe , continueront d'être obfcrvés fuivant leur forme &c
teneur; en conféquence, lorfque les navires de fes fgjeis au-
ront été repris par les cotfaires armés en couife contre les
ennemis de l'état, après avoir été vingt-quatre heures erj
leurs mains , ils leur appartiendront en totalité; mais dan;
le cas cù la reprifc aura ct« faite avant les ving -quatre heu-
res , le droit de tecoufle ne fera que du tiers de la valeur dtf
navire recous Se de fa c.;rgaifoD. En ce qui concerne les re-
prifes faites par les vaifleaux , frégates ou autres bâtimens de
faniajefté, le tiers fera adjugé à fon piofit pour droit dç
recouffe , fi elle eft faite dans les vjng.tquatre heures ; 5c
après ledit délai , la reprife fera adjugée en totalité à fa ma-
jefté , coinmc par le paffé , fans que les états majors defdirt
vaiffeaux ic frégates puiffcnt y rien prétendre ; fe rcfervant Cà
majefte d'accorder aux équipages une gratification prcpot-
Ùonnée à la valeur du bâtiment repris & de fa carg,iifon ,
LUI
^34 PRISE.
fi la reprire seft faite avant les vingt-quatre Iieu-
res , le navire repris doit être reftirué ?.u proprié-
taire avec tout ce qui étoit dedans, à la rélerve
eu tiers qu'on doit donner au navire qui a fait la
recoiifTe.
M. Vallin a relevé à ce fiijet une bévue bien
grOiT'ére de l'auteur du commentaire de l'ordon-
nance de la marine imprimée à Paris en 1757. Cet
écrivain cntendoit fi peu la matière qu'il traitoit ,
fj'ïi'il s'eft avifé de dire que fila reprife d'un vaif-
ieau f'-ançois avoit lieu avant les vingt-quatre
lieures, le vàiflTeau & tout ce qui étoit dedans de-
vait étie rejlitué A l'ennemi ^ui l'avait pris , &c.
Ils'elt préfenté en matière de reprife , une
queflion fingulière , dont l'efpèce eft ainfi rappor-
tée p:ir M. Vallin.
n Un navire anglois a été pris par un armateur
5> fr3nçois,qui l'a gardétrois jours; ces deux vaif-
» féaux font pris enfuite parim vaiffeaii nnglois qui
î' après 16 heures , eft repris par un fécond
>? armateur françois.
n Conteftati(;n entre les de\ix armateurs fran-
"» çois, non pour le vaificau finnçois prisôi recoi;s,
>) à régird duquel nul doute que îe fécond arma-
»' teur ne foit borné au tiers pour fon droit de re-
>• coiifle ; mais pour ja première Prifa angloife ,
»» le premier armateur prétendant qu'elle lui ap-
ï> partient , & que le fécond n'en peut avoir tout
» de mime que :e tiers pour la recouffe.
» Le fécond armateur foutient au contraire , que
n la première Prife angloife lui appartient en en-
^■> tier comme la féconde, & que le premier n'y
y* a aucun droit.
" Raifons pour le premier armateur. Dès qu'il
f! a g»rdé la prife plus de vingt-quatre heures,
» elle lui a été pleinement acquife^-en telle forte
» qu'après ce délai le vailTeau anglois a dû être
M confifJéré comme vaifleau françuis. D'où il fuit
j» que dans la recouiTe il n'y a aucune différence
» à faire entre ce navire & le fra'nçoi? , l'anglois
w qui les avoit pris tous deux ne l'ayant pas gardé
V vingt-quatKe heures.
» Inutilement oppoferoit-on que l'arm.ateur qui
d'aprcs ks connoiflernens û' factures ; co.Time auiïï de don
jicr iux états majors des vaiffeaux tjiii auront t.iit les reprifes ,
& qui auroienc eu occafion de fe dillinguer par des aclicns
de valeur, telles grâces ou récompenfes que fi majelté avi'era
bon être , fuivant les circonftances.
Veui & ordonne fa majefté que h pcfente ordonnance
ait lieu poux toutes les reprifes qui auroient pu être faites de-
juis le commencernevt des hortilit'.'.
Mande &: ordonne fa majefté à monf. le d jc de Penchièvre ,
amiral de France, aux vice-amiraux , lieutenans géné-aux ,
chefs d'efcadre, capitaines &; autres oSciets de fes vaifleaux ,
tommandant fes vailTeaux, frt'gates & autres bâtimens ; auv
cojiimanclans des poris , auxintendans delà marine , commif-
fojres gtntraux des pcits & arlcnaux , ordonnateurs , aux offi-
ciers des (ièges d'amirautés, ôcàtous autres qu'il apparcien-
cira:, de tenir la main , chacun en droit foi , à l'exécution de
k, préfenté ordonnance..
t'ait i VerfaiJles le l£Juin rjyj, Sis'^ , LOUIS, Et £lus
S«.v DE SARTIJ^E..
PRISE.
» fait une prife n'en ert véritablement propriétaire
» qu'autant qu'il la conferve , & qu'après qu'elle
» été jiig^e valable. Ce n'efl pas la ce qui forme
» fon droit à la Prife, c'efl: feulement ce qui le
» confirme. Le droit eft acquis dés l'inflant de
}} la Prife.
» Raifons en faveur du fécond armateur. Il
» n'efl pas douteux que celui qui pofiede une chofe
)> en vertu d'un titre qui lui a donné droit de s'en
i> emp.irer , n'en ait acquis dès lors la propriété :
n ainfi l'armateur ayant été autorifé à faire la
•> Prife , & par la déclaration de guerre , & par
» fa commiffion , il a acquis véritablement la
» propriété du navireimais cette propriété n'e.O pas
» incommutable.
» Comme il a pu acquérir dans un quart-d'heure^
n il a pu également perdre ;& c'eft ce qui efl arri-
V vé par la reprife faite fur lui , en quelque tem^-ts
» qu'elle ait été faite.
» L'effet de la reprife eft tel , que ce qui étoit
»> auparavant en fon pouvoir , 8c qu'il poffédoit
» légitimement, a ceffé dans l'inflant de lui ap-
>» partenir, comme fi il n'y^voit jamais eu aa-
>i cun droit. Ainfi le fécond armateur qui reprend
» le premier avec la Prife qu'il avoit faite, devient
» réellement propriétaire du vailTeau ennemi que
)» l'ennemi avoit recouvré, & dans lequel le pré-
)> mier armateur françois n'avoit plus aucun droit.
» Ce n'eft pas le cas au refte d'examiner fi l'en-
» nemi a gardé fa Prife plus ou moins de vingt-
» quatre heures ; ladiftinilion n'eft bonne que par
« rapport au vaifTeau françois , non que dans la
» règle générale le délai de vingt-quatre heures
)i décide de la validité ou de rinéricacité de la
» Prife en foi; car il n'eft pas douteux que dans
» l'inflant de la Prife il ne fe fafie un^vraichan-
» gement de propriété ; mais c'eft qu'en faveur
» des François il a paru jufle de tempérer la règle-
» par une modification &. un arrangement de con-
» venance en bornant le droit de recoulTe au fiers,
» la reprife étant faite avant les vingt -quatre
» heures.
» Que cet arrangement foit obfervé avec exaiii-
» rude , à la bonne heure ; mais il ne peut in-
» fluer fur la reprife du vaifleau ennemi que l'ar-
» moteur françois avoit pris d'abord; parce que,,
n dans la règle, il avoit perdu tout droit furcette
» Prife , dans l'inflant même que l'ennemi la lut
)> avoit arrachée, en le prenant lui-même. Dans
.) ces circonftances, il doit s'eftimer heureux que
)? le fécond armateur foit venu fiire à fon toir
n une reprife qui lui fait recouvrer fon navire
V qu'il avoit perdu, fans autre charge que de
t> payer le tiers de fa valeur pour le droit de re-
)r couiTe.
j) 11 étoit naturel que ces raifons du fécond ar-
» mateur prévaluffent; & en effet, la queftion tut
n décidée'en fo faveur , le 2 janvier 1695 , au coa-
». feil des Prlfes.
Le. coafeii a rendu depuis cette époaue div«rs
PRISE.
arrêts des 17 o£iobrc 1705 , 5 juin 1706 , 5c 14
juin 1710, qui ont décidé de même.
Cependant la queftion s'étant renouvelée du-
rant la guerre de 17^0, elle fut jugée en première
"inltance en faveur du premier armateur: mais ce
jugement fut réformé par arrêt d« confei! du 5
novembre 1748 qui adjugea la Prife en entier au
fécond armateur (i).
(J^ Comm Cet une: jcit aujjurd'uui de règlement , noui
allons le rapporter.
Vu par le toi , étant en fon confcil , la requête préfentée
par ks capitaine & armateurs Ju corfaire le Prince de
Conti , tendanre à «e qu'il pîaife à fa majeflé les recevoir
appelans de l'ordonnance du 7 février 1748 , qui a dklarc
le navire Anglois le Mogué Laniardei , de bonne Prife ,
en a adjugé les deux tiers à l'armateur du corfairï la Reine,
& l'autre tiers à l'aimateur du Prince de Cocri , pour droit
de recoufle ; faifant droit fur ledit appel , fans avoir égaid
à ladite ordonnance , déclarer ledit navire de bonne l'riie ,
au profit de l'armateur du corfaire le Prince de Conrifeul;
en conféquence , ocdonnjr que le prix povenu de .'a vente
d'icelui , enfemble de fes agtèts , apparaux & marchaniifes
de fon chargement, lui fera tclHtue. La refjuéte de Jacques
Perce du Coudray, négociant à Saint-Malo, armateur du
corfaire /j Reine , tendante à ce qu'il plai:c à fa majellc-
dccJjrer l'annaceur du Prince de Conti non recevable &
fublîdiiirement mal fondé dans fon appel , dont il leta dé
bonté. Ce faisant , ordonner qne ladite ordonnance fera exé-
cutée fuivant fa forme Se teneur, avec domiuges , intéicts
& d.'pens. La procédure faite par les o:liciers de lamiiauté
de Saint-Malo , commencée le 1 3 novembre 1747 ; l'ordon-
nance dont eft appel , duciit jour 7 février 17+8 , &: tout ce
qui a été rerais par les parties tefpedivement : vu aufli l t
arrêts du confeil des 17 octobre lyof , ç juin 1706, & 14
juin I 10 , qui ont jugé que les vailleaux ennemis pris par
des l'iançois , repris fur eux. Se enluite rep is par d autres
François , appartiennent en entier aux derniers preneurs ; fie
<]ue l'article S du titre des Ptifes de l'ordonnance de I6ii ,
qui rend le vailTeau françois recous dans les ving^t-quatre
heures au propriétaire, n'a point d'application aux navires
appartenans aux ennemis de l'étar. Ouï le rapport du fieur
comte de Maurepas , fecrétaite d'ctat , ayant le département
de la marine; le roi , étant en fon conleil , ayanr égard à Ja
requête des capitaine & armateurs du corlaiic le Prince de
Cjnti, faifant droit fur l'appel par eux intetjetl- de l'ordon-
raTce dudit jour 7 fcvriet 17+8, & (ans s'y arrêter, en ce
fju'ell» adjuge ledit navire le Mogué L^ndardei, iz les mar-
cha ndifes de fon chargement , audit armateur du corfaire la
Reine , en payant à celui du corfaire le Prince de Conti le
tiers du ptoduit peur la recoufle , ni à la requête dudit Perée
dn Coudiay.a ordonné & ordonne i]ue le tout appartiendra
a ixdits capitaine & a-mateuts duJit cotfaire le Prince de
Crmn feuJj, & que le ;>-Jx provenant Je la venre duJit bât>-
jment 6c de ion chargement, leur leta remis, à la téferve
du dixième appartenant à l'amiral , qui leta délivré au rece-
veur de fes droits ; à ce faire les fequeltres Se dépofitaires
contraints; q«Di faifant, déchargés. Enjoint fa majellé aux
oficieri de l'amirauté de Saint Malo de tenir la m in à l'éxe-
cution du préfent arrêt. 'Veut 6c entend fa majellé que les
Prifcs des navire» ennemis, faires par fes vatlFeaux ou par
ceux de fci fujets , armés en courfe , recouffes par les en-
nemis, & cnfuite teptifes fur eux, appartiennent en entier
au dernier prenant; & en cjnféquenre , ordonne fa majellé
que le préfent arrêt fera regiftré zvx g cfFes des amirautés du
royaume, imprimé , lu , publié & a.Hchc par- tour ou befoin
fera. Man-lc &: ordonne f 1 majellé à M. le duc de Penthicvre ,
amiral de France, de tenir la miin à fon exécution. Fait au
confeil d'état du ici , fa m-ijelté y étant, tenu â Fpnuine-
kleauce j novembre I748. Signé ^ RQYUiÉ»
P R 15 E.
^3
I S'il arrivoît qne 1 équipage d'un navire pris !e.
délivrât lui-même de l'ennemi, ce ne feroit pis
une reprife en vertu de laquelle il auroit droit
d'exiger ce navire après les vingt-quatre heures,
ou le tier- avant les vingt-quatre heures ; mais
il feroit dû à cet équipage une récompenfe pro-
porrionnée à l'importance de l'objet. L'amirraua
de Marfciile l'a ainfi jugé par fentence du 8 jan-
vier 1748, Au furplus , une telle récompenfe doit
être fupportée comme une avarie grolTe 6c com-
mune.
Lorfqu'un navire, fans être repris, eft abandon-
né par les ennemis , ou que , par tempête ou autre
cas fortuit , il fe trouve dan'-, la pofrefTion des fu-
jets du roi avant d'avoir été conduit dans aucun
port ennemi, il doit être rendu au propriétaire ,
s'il le réclame dans l'an & jour , quoiqu'il ait été
plus de vingt-quatre heures entre les mains des
ennemis. Telles font les difpofitions de l'article 9.
L'article 10 veut que les navires &. effets des
fujets du roi ou des puiffances alliées, repris fur
les pirates & réclamés dans l'an & jour de la dé-
claration qui en a été faite h l'amirauté , foienc
rendus au propriétaire , en payant par lui le tiers
de la valeur du vailfeaU &: dis màrchandifes pour
frais de recouH'e.
Les armes, noudres . boulets & autres munitions
de guerre , m^me les chevaux & e juipages tranf-
portes pour le fervice des ennemis de I état , doi-
vent, fuivant l'article 11 , être confifqués , en
quelcpie vaiiTeau qu'ils foient trouvés & à quel-
que perfonne qu'ils apptrtiennent , foit des fujets
du roi , ou des puifTances alliées.
Tel a été de tous temps le droit des gens, re-
lativement à la guerre.
Tout vailTeau qui refufe d'amener fes voiles
après la femonce qui lui ea a été faite psr un
vaiileau , foit du roi , foit des particuliers , armé
en guerre , p^ut y être contraint à coups de canon
ou autrement ; & en cas de réfîflance & de com-
bat, il doit être déclaré de bonne Prife. Ce font
les difpofitions de l'article ii; elles font fondées
fur ce qu'il importe de vérifier fi , dans les vaif-
feaux amis ou neutres, il ny a point de màrchan-
difes prohibées ou d autres effets appartentins à
l'ennemi.
L'article 13 défend à toiit capitaine de vaifTeau
armé en guerre , d'arrêter les navires françoii ou
des fujets des puliTances alliées qui ont amené
leurs voiles & repréfenté leur charte partie ou
police de chargement. Se d'y prendre ou fouffrir
qu'il y foit pris aucune chofe, fous peine de la vie.
Le légilîate«r a jugé qu'on ne pouvoir établir
un^c peine trop févère pour réprimer le penchant
naturel des corfaires pour le pillage.
Les vaiffeaux pris par les capitaines qui oi3t
commiflîon étrangère, ne peuvent demeurer plus
de vingt-quatre heures dans les ports ou havres
de France , à moin5 qu'ils n'y foient retenus par la
tempête > ou nue la Prife p'ait été faite fur les en-
jLlllij
6]6 PRISE.
nemis de l'état. Ces difpofuions de l'article 14 ont
eu pour objet de donner un afile aux vaiffcaux
des puilîances avec lefquels on n'eft point en
guerre , lans violer la loi de la neutralité.
Lorfque dans les Prifes amenées en FraHce par
les vaifleaux de guerre armés fous commiflion
étrangère, il fc trouve des marchandifes appar-
lenaiTtes aux fujets du roi, on a ceux des puiflances
alliées, celles des fujets du roi doivent leur être ren-
dues, & les autres ne peuvent étremifes en ma-
gafia ni achetées par aucune perfonne, fous quel-
, que prétexte que ce puiffe être. C'cft ce que porte
l'article i ^.
Cette loi ne peut s'appliquer qu'au cas où le
vailTcau étranger, qui eft obligé de fe réfugier en
France , a fait fa prife fur d'autres que fur les
ennemis de l'état ; car s'il étoit queftion d'une Prife
la.Ls fur l'ennemi commun , non feulement il n'y
auroit point de reiîitution à faire aux François,
comme on l'a vu précédemment , mais encore tous
les effets de la Prife pourroient être librement mis
en nuigafm , & vendus comme tout autre effet de
pareille nature.
Les formalités à obferyer au moment de la Prife,
tour ce qui doit être fait su iujet des papiers trou-
vés a bord , & des rançons des bâtiniens pris , les
procédures qui doivent avoir lieu après l'arrivée
«es Prifes dans les ports , &c. ont été déterminés
par la déclaration du 24 juin 1778 , enrégiftrée
>u parlement le 24 juillet fuivant : voici les difpo-
fuions qu'elle contient fur ces objets.
î> Article 39. Auffi-tôt qu'il y aura quelque
» Prife faite , l'écrivain prendra l'ordre du capi-
n taine, pour aller à bord fe faifir des clefs , fceller
?) les écoutillcs, chambres , coftres , armoires,
Y) ballots, tonneaux & autres choies fermantes à
w clef ou emballées , fans en excepter le coffre du
T) capitaine , après toutefois que les papiers, ainfi
3> que les hardes ou effets à fon ufage, en auront
V été retirés : ledit coffre refiera à bord de la Prife,
3? fera partie de fon produit.
w 40. L'officier qui fera envoyé à bord du vaif-
» feaupris.ou l'écrivain, fe faifiront de tous les
}) papiers qui feront remis dans un fac ca-
» cheté à celui qui fera choifi pour conduire la
» Prife ; lequel ne pourra les remettre qu'entre
» les mains des officiers de l'amirauté du port
M où elle abordera.
L'article 41 avoit autorifé les capitaines des cor-
faires particuliers à rançonner en mer les bâtimens
marchands félon les circonflances ; mais les ran-
çons s'étoient tellement multipliées, qu'indépen-
damment de ce qu'il en réfultoit une perte réelle
pour les équipages & les invalides de la marine ,
attendu qu'une rançon efl toujours fort inférieure
à la valeur d'une prife , le vrai but de la courfe
qui eft d'affoiblir les forces de l'ennemi par l'en-
lèvement de fes équipages , 8c la privation de fes
bitimens, fe trouvoit totalement éludé. Pour ob-
vier à cette forte d'iiîconvéni^nt , le roi rendit en )
PRISE.
fon confeti, le ii oâobrc 1780» un arrêt, par le-
quel il fut défendu à tous les capitaines de cor-
faires de rançonner à l'avenir en mer aucun bâti-
ment marchand , à peine d'être privés de leurs
parts dans les rançons, & interdits de leurs fonc-
tions pendant trois mois. Cependant fa majeflé ex-
cepta de cette défenfe les prifes qui feroient faites
dans les mers d'Irlande, dans le canal de Briflol,
dans celui de Saint-George, & dans le nord-ouefi
de rEeoffe. Les capitaines des corfaires furent aii-
tonfés à continuer de rançonner dans ces msrs, à
la charge de juflifier, par un procès-verbal fgné
de l'état - major , du corfaire preneur, & d'une
partie de l'équipage, de la nécefîité abfolue où ils
fe feroient trouvés de rançonner ; mais ayant été
reconnu que les armateurs & les capitaines éhi-
doient fans ceffe fous divers prétextes les difpofi-
tions de cet arrêt, d'où réfultoit une diminution
confidérable dans les avantages qu'on doit attendre
de la coi:«rfe , & une perte réelle de bénéfices j
tant pour les intéreffés aux armemens, que pour
les gens de mer qui y font employés & les inva-
lides de la marine , fa majeflé a jugé qifune dé-
fenfe abfolue de rançonner dans quelque cas que
ce fût pouvoir feule faire ceffer des abus auffi pré-
judiciables ; 8c pour cet effet , elle a rendu l'or-
donnance du 30 août 1782(1).
(1) Cettt ordonnaace contient les difpoficioas fuivantes.
Art. PREiMlEii. Les ataiateurs, capitaines ou comman-
dans des bâtiniens àts fujets de (i niajelté , armés en courfe ,
ne pourront à l'avcnit , dans aucun cas, ni fous quelque
prétexte que ce puifleêtre, rançonner à la mer aucuns bàci-
timens , ni aucunes inaichandifcs étant à bord defdits bâti-
mens.
i. iSIe pourront de même 'efdits armateurs, capitaines ou
commandans , prendre aucun otage , ni recevoir des bâti-
mens ennemis aucun éciit, aûe ou autre engagement , qui
puiire ctre fufpefté de pro.'cnir de conventions dégaiféespour
cauCe de rançons.
j. Veut fa inajefté qu'au retour de chaque courfe, lefdits
armateurs, capitaines ou commandans ^ fuient tenus d'afiir-
mer, pardevant le lieutenanr général de l'amirauié du porc
où ils débarqueronc, en prtfence de deux oSciers de l'étar-
raajor du bâdmenc , & à leur défaut , de deux officiers-ma-
riniers . ou de trois hommes de l'équipage, qu'ils n'ont
fait , durant leor courfe, aucune rançon de bâtimens ou de
marchandifes ; qu'ifs n'on: pris aucun otage, ni reçu aucuns
aftes , billets de garanties ou autres en^ageraens directs ou
indirects, ayant pourcaufe, le rachat, ou la rançon, qui
auroient été faits de quelques bâtimens ou maichandifcs en-
nemis : laquelle affirmation fera lignée du commandant du
bâtiment & des témoins ci-defTus , vifée dudit lieutenant
gcnéial de l'amirauté , & adrefléc au fecrétaire d'état , ayant
le département de la marine.
4. Dans le cas où , malgré les défenfes portées par les ar-
ticles I & z ci deflus , il fcroit trouvé â bord d'aucuns def-
dits bâtimens àts fujets du roi, armés en courfe , quelques
aaes , billets ou obligations quelconques , de l'efpèce de
ceux énoncés en l'article ci-defl"us , fa majefté enjoint aux
officiers des amirautés , de retenir lefdits aftes , obligations ,
ou billets, pour en être fait l'emploi qui fera ci -après or-
donné,
5. Les armateurs, capitaines, ou commandans des bâti-
mens des fujets de in majellé, qui, de quelqae manière que
ce fait, fttoieni fufp«6tés de cçinravemùgns ^uekoHiiuesaux
PRISE.
« 42. Auffl-tôt (ju'une Prife fera arrivée dans
» l'un des ports de notre royaiiiiie , le capitaine
» qui aura tait la Pril'e, ou l'officitr qui aura é:é
» chargé de l'amener, fera tenu d'en taire dcvan:
>» les olliciers de l'amrrauté un rapport détaillé ,
» lequel fera enfuite véritié par l'audition de deux
j» hommes au moins de ton équipage , à Texcep-
» tion des cas de relâche , pour iel';i.icls à futiira
» d'une fimple déclaration ; leljits oliiciers de
» l'amirauté fe tranfpoiteront fur le-champ à bord
» de ladite Prife, pour en dreffer proccs-verbal ,
j» fc^^ller les écoutilles Si. les chambres , faire in-
» ventaire de ce qui ne pourra être fLcllé , & éta-
» blir des gardiens : ils procéderont enluite à l'in-
» terrogatoire du capitaine, des otHciers , & autres
» gens de l'équipage du vaiffeau pris ; feront
» tranflater les pièces du bord par l'interprète juié,
« s'il y en a dans le lieu, &c adrefTeront, tant les
» expéditions defdites procédures que les pièces
» originales & les tranllats , s'ils ont pu être faiis,
5j au técrétaire général de la marine , pour être
» procédé au jugement de la Prife.
difpolîtions defdics articles i &: 1 , feront juges parle confeil
des Priles, auquel fa majefté en attribue Ja connoiffance ,
&: en cas Je convi^Hon, condaninés , pour la première fois,
en cinq cents livres à'a.ncndeau profit iie l'amiral de tiance ,
&: interdits pour trois mois de leurs fonctions j !c en cas de
récidive, ils feront déclarés incapables de jamais commander
ajciin bâtiment : de laquelle amende de cinq cents livres les
armateurs feiont folidairement rcfponfables avec Jefdits capi-
t.nnes , ou commandans , fans qu'ils puiffent , en aucune ma
Tiicie j l'imputer en tout, ou en partie , dans Je compte des
fuis de l'armement, ni en employer le montant dans les li-
«jukiatious particulières ou générales.
G, Ordonuc fa majeJlé 411e le montant des rançons, b;ll<;rs
ou engagemens qui feroienc faits en contravention aux dil-
pofîtions ci ileffus, appatiiendia aux invalides deJa ma:ine ;
ù l'cfFet de quoi les oificiers des amirautés feront tenus de
femetcre , fans délai, au titfotier particulier defdits Invali-
àes de leur rellorc, lefdits billets ou eiigagenier.s , pour en
être ie payement pourfuivi contre qui il appartiendra p.ir ledit
«rcforier : & quant aux otages, veut fa uiaiefté que s'il en
cioit pris, ils foient remis à leur arrivée à l'intendant, ou
au coinmiflaire-erdoRnateur de la marine , du département
ëms lequel fe trouveront les bâtimens preneurs , lo:s de leur
reniée dans les ports, pour être eafuiie iîaïué par fa nujeilé
fur la deliination defdics otages, ainfi (ju'elle avifera.
7. Veut fa majellé que la pttfente ordonnance foit exécutée
félon fa forme & teneur, à commencer du premier d;cem-
bre prochain ; dérogeant expreflcment à toutes ordonnatices ,
dtclatatiocs, édits , arrêts &: réglemens qui y ferL-iîut con
traites.
Mande & ordonne fa majefté à monf, le duc de Penthiè-
Vie, amiral de France, aux vice-amiraux, commandans des
ports , iieutcnans généraux , chefs d'eicadres , fie tous offi-
ciers de fcs va; iTeaa.x &: bâtimens, aux intendansde la ma-
rine, au commilTiire dtpatii peut l'obfervation des orJon
nances dans les amirautés, aux cô-mmiirairts géna'aux ou
ordinaires dfs ports & acTenaux, ôc ordonnances, aux gou-
verneurs généraux ou commandans particuliers , intendans
& ordonna:eurs des colonies, aux orticiers des (îéges d'ami
rauté , &: tous autres qu'il appartiendra ^ de tenir la main ,
chacun en droit foi, à l'exécution de la prcfente otdon
nance ; laquelle fera enregistrée aux greffes défaites ami-
rautés, lue, publiée & alfichce par-tom où befyin fera , afin
<]ue pçrfgnnç n'en ignore, tait, &:c.
PRISE. 637
>» 43. Le greffier de l'amirauté fera tenu d'en-
" voyer lefdires pièces par la porte au fecrétaire
n ^én-Jral de la marine, dans huitaine au plus tard
') après l'arrivée des Frifes. Le direOeur du bureau
)i chargera le parcuet fur la feuille d'avis , bl en
i> donnera au grefiier im reçu par duplicata , dont
» l'un fera joint aux pièces, pour être vifé dans
7> le jugement. Si l'ei.voi defdites pièces n'eft pas
» t'ait dans le délai prefcrit , les juges & le greffier
» de ranîiiaiité feront condamnés, pour chaque
)) jour de retard , en une fomme égale aux vaca-
5? lions qui leur auroient été attribuées pour toutes
7) les opérations t'aites jufqu'à cette époque, même
V à l'interdiéiion , s'il y échcr.
" 44. Il fera procédé fans délai à la levée des
)' fcellés & au déchargement des marchandifes qui
" feront inventoriées & mifes en magafin ; lequel
» fera fermé de trois clefs différentes, dont l'une
3) demeurera entre les mains du greffier de l'ami-
') rauté, une féconde entre celles du receveur des
» fermes , & la troifième fera remiié à l'armateur.
» 45. Il fera procédé auffi fans délai à la dé-
» charge & à la vente provifoire des effets fujets
?) à dépériiîemcnt , foit a la requête de l'armateur
» ou de celui qui le repréfentera , foit , en leur
» abfence, à la requête de nos procureurs es fièges
» des amirautés. Pourront même Icfdits officiers
» defdites amirautés , lorfque les Prifcs feront
» conflamment ennemies , d'après les pièces da
j» bord &: les interrogatoires des prifonniers pris ,
» permettre la vente des Prifes & de toutes les
)> marchandifes dont ils feront chargés, fans atten-
" dre le jugement de bonne Pril'e; laquelle vente
» fe fera dans le délai fixé par le juge de l'ami-
» rauté , à l'effi^t de quoi Icfdites veines feront
» affichées dans les différentes places de com-
» merce, ainli qu'il fera dit ci-aprés.
" 46. Permettons néanmoins aux officiers des
» amirautés , lorfqu'il fe préfentera des réclania-
" tcurs, d'ordonner que les effets réclamés pour-
» ront leur être délivrés fuivant l'eftimation qui
» en fera faite à dire d'experts , pourvu que Icf-
» dites réclamations foient fondées en titres , &
)) à la charge par celui qui les aura faites , de don-
» ner bonne & fuffifante caution, faute de quoi
» il fera paffé outre.
» 47. Les armateurs feront tenus d'envoyer lies
» états ou inventaires détaillés des effets qui com-
j) poferont les Prifes , avec indication du jour de
» leur vente, qui aura été fixé par le juge, dar.s
V les différentes phces de commerce, & particu-
» liérement à Paris , où iis feront affichés à la
]■> bourfe ; & il en fera délivré, fur les ordres du
» lieutenant général de police, un certificat, du-
n quel il fera fait mention dans le procès-verbal
3) de la vente de la Prife.
» 48. Il fera procédé par le confeil des Prifes
» au jugement d'icelles ; nous réfervant au furplus
V de faire connoîire nos intentions fur la forme
63S PRISE.
j> de procéder audit confeil , de nianlèfe que l,i
» juftice la plus prompte foit rendue aux armi-
« teurs , & a ceux qui auront des réclamations à
n former.
r> 49. Huit jours après que les jugemens auront
ï) été rendus, le greffier dudit confeil fera tenu
J» d'en envoyer l'expédition aux officiers de l'ami-
I» rautéj lefquels , dans le délai de trois jours, les
» feront enregiflrcr au grefte de leur fiège,pour
« être enfuite procédé a la vente de la Prife , fi
» fait n'a été.
»» 50. Les marchandifes feront expofées en vente
'> & crises [/ar parties entières, ou par lots, air.fi
" qu'il fera convenu pc.ir le plus grand avantage
n des intéreifés, entre l'arnnteur 6c. les adjudica-
»> taircs prefons; oi en cas de conteAation, les of-
»» ficiers de l'amirauté régleront la forme de la
'» vente. Le prix en fera payé comptant, ou en
>» lettres -de -change acceptées à deux 'mois d'é-
j) chéance au plus tard, t>c la livrail^^n des eflcts
V vendus & adjugés fera commencée le lendemain
» de la vente , & continuée fans interruption.
" 51. Pour accéUrer toutes les opérations rela-
» tives aux Prifcs, les officiers de l'ainirauté feront
« tenus, dans le cas 011 ils ne feroient pas en nom-
j) bre fuffifant pour la quantité de Prifes, 6c afin
»' au'il n y air aucun retardement , de commettre ,
» fans délai , des gradués , même des praticiens
» du ficge , & , s il eft néceffaire , des commis
» greffiers pour l'expédition des écritures , lefqucls
î> prêteront ferment en la forme accoutumée ; &:
« il fera travaillé à toute heute , particulièrement
>» pour profiter des marées, &. pour les recenfe-
j> mens dans les magafins.
» 52. Le juge , a chaque féance , taxera fes
M droits , ceux de notre procureur 6i ceux du gref-
» fier, fuivant le tarif de 1770, qui fera fiiivi dans
»> toutes les amirautés , en défignant le nombre
» d'heures qui auront été employées. Voulons que
>» lefdits droits foient réduits à moitié pour les
V vacations au déchaigement , à l'inventaire & à
» la livraifon des marciiandifes.
» 53. Le greffier fera tenu, fous peine de priva-
» tion de fes vacations, <le délivrer , lans frais, à
» l'armateur, ou à fon commiffionnaire, un état
ï» de ce qu'il aura reçu §<. de ce qii'd aura payj
» pour les vacations du juge, ds notre procureur
» & des huifiîers ; ledit état fera viié & rapporté
3* dans la liquidation particulière.
» 54. Quinze jours après que la livraifon des
3» effets vendus aura été achevée, l'armateur, ou
n fon commiffionnaire , dépofera au greffe de l'a-
w mirante le compte du produit de la Prife , avec
« les pièces juftifîcailves, fous peine de privation
» de fon droit de commiffion ; fi la produftion
» n'eft pas complette , nous autoriions les juges
9 de l'amirauté à accorder à l'armateur quinze jours
y> pour rapporter les pièces manquantes ; laquelle
» permiffion fera accordée à l'armateur ftir une
|t fiinple requête , fans frais.
PRISE.
» 55. 11 fera procédé à la liquidation pnrticn-
)» lière , dans le mois du jour du dépôt du compte
}> porté par l'article précédent, fans que l'arrêté
V de ladite liquidation puiiîe être fufpeiidu , fous
» prétexte d'articles qui ne feroient pas encore en
» état d'être liquidés ; lefquels feront tirés pour
» mémoire , fauf à les comprendre enfuite dans la
» liquidation générale.
)» -6. Lorfque la coiirfe aura produit des fommes
» fuffifantes pour réarmer, la fociété fera conti-
" nuée de droit, s'il n'y a pas de convention con-
» traire , & il fera loifible à l'armateur de s'occu-
» per fur - le - champ d'un réarmement pour le
" compte des mêmes intérelf's, qui ne pourront,
» dans ce cas , être rembourfés du principal de
» leur mife , ni en demander le rembotirfement
" que de gré à gré : voulons que les armateurs
» foient difpenfés de faire la vente du corps du
»» vaifTeau corfaire , pour la fixation des dépen'"cs
» relatives à la liquidation des fix deniers pour
» livre des invalides ; mais fi l'armateur juge à
" propos de requérir ladire vente, il fera tenu de
» fe conformer aux formes prefcrites par nos or-
» donnances pour la vente des vailleaux , & d'en
n faire afficher le profprtius imprimé , à la bourfe
" de Paris, & autres villes où il y aura des ac-
» tionnaires ; & dans le cas où il refieroit adjti-
)> dicataire du vaiffi^au corfaire , .i l'effet de réar-
» mer en courfe , les aéîionnaires feront libres d"y
» conferver leur intérêt , en le déclarant néan-
» moins dans un mois du jour de l'adjudication.
>' 57. Les armateurs feront tenus de dépofer au
'» greffe de l'amirauté du lieu de l'armement une
M expédition de chaque liquidation particulière ,
M aulii-tôt qu'elle leitr fera parvenue , ou au plus
" tard dans un mois de fa date ; leur enjoignons
y> pareillement de dépofer au même greffe, dans
M le mois après la courfe finie , ou que la perte du
j» corfaire fera connue ou préfumée , les comptes
j> de dépenfe des relâches & du défarmement ,
» pour être procédé à la liquidation générale du
j> produit de la courfe par les officiers de l'ami-
» rauté,dans un mois après la remife de toutes
>i les pièces , fous peine de privation de toutes
3) leurs vacatioiis à ladite liquidation , fauf à laiffer
» pour mémoire les articles qui ponrroient don-
» ner lieu à un trop long retard , lefquels feront
}> enfuite réglés par un fupplément fomaiaire à
» la liquidation générale (1).
(i) le roi ayant étc informé que les armateurs lies corf^ires
ncgiigeoient Je le confomier aux dilpoiîtions de cetarticie,
d'oii il réfultcit un préjudice fenlîble aux écjuipages , aux in-
valiJesde Ja marine & aux actionnaires, par le retard de la
liqiii iation générale , fa majelté a rendu en ton confeil , le 4
mars 17S1 , un arrêt (]ui ordonne que les armateurs feront
tenus de fe conformer à l'article dont il s'ajçit ; t. Ci: en con-
» ftquence , de dépofer au gtcflFe de l'atiiirauié du lieu de
n l'annemcnt dcfJits coîliires , une expédition de chaque
n liquidaiion particyliére des Trifes qui aaront et; condjite»
» dans (i'autrej ports que celui de l'armemcnc , auifi • tôt
PRISE.
» <)S. Les fix deniers pour l'entretien des inva-
» lides de la marine, »e feront levés que fur le
» [irodait net de la portion des Priùs appartenante
»' nux armateurs, toutes les dcpenies de l'arme-
" n7ent, relâches Sidéfarmement déduites; & quant
>» à la portion des gens de l'équipage , il leur icra
» foit déduâion des fix deniers pour livre payés h
» rarmemenr , ■fur les avances qui_doivent être
» précomptées fur les pans.
» 59. Il fera adrefle aux officiers de ramirauté ,
I) par le fecrctaire d'état ayant le département de la
1» msrine , des modèles de liquidations générales &
» particulières, auxquels ils ieront tenus de fe con-
» tornier; fauf les changemens que des cas panicu-
» liers rendront nécefiaires : quant aux liquida-
w tions générales, elles feront imprimées. Si il
»» en fera envoyé des exemplaires à l'amiral de
>» France , ?.u feciétaire d'état nyant le départe-
» ment de la marine, aux greffes de? juges &i con-
n fuis cits villes dans lefquels i\ y aura des aâion-
>» naires, qui pouiront en prendre communication
» gratis tk fans frais; il en fera envoyé aufii aux
» intéreflés fci ailionnaires d'une fomme de trois
» mille livres , & au-deflus.
» 60. En cas de pillage, divertifTement d'effets,
>» déj'rédaùoiîs, ti au.res Hinlv<.rfa::ons , il en fera
j» informé par les olîiciers de l'amirauté, à la re-
» quête de nos procureurs, ô: procédé en la forme
« portée par l'ordonnance, pour être lefdites pro-
» cédures envoyées av>mt le règlement à l'extraor-
« dinaire, au fecrétairo général de la marine, èk
w être par 1 amiral, avec les co;nmiffaies du con-
w feil des Prifes , prononcé telles amendes ou
» peines civiles qu'il appartiendra, auquel cas lef-
» dires proc -dures demein-erom comme non ave-
« nues ; Se où il écherroit de pro;ioncer des peines
» afïïiélivcs , lefdites procédures f-roiit renvoyées
» dans lefdites amirautés, pour y erre le procès
»> contiiiué jufqu'au jugement déiinitjf inclufue-
» ment, fauf l'appel en nos cours
jy 61. Nos procureurs aux fièges des amirautés
« adrefferont , dans les cinq premiers jours de
» chaque mois, au fecrétairc d'état ayant le dépar-
« tem.ent de la marine, un état dans lequel toute-s
» les Prifes arrivées dans les ports dépendans de
» la )urifdi61ion , cor.tinueror.t d'être employées
« jufqu'a ce qu'elles aient été liquidées, avec des
» notes & obfêrvations fur l'état des procédures
» & des motifs qui occafionneront des retards ,
y> s'il y en a ; enjoignons à nos procureurs auxdiis
37 fjèges de faire toutes les réqiiifitions qui feront
so qu'elle leur Cm parvenue , ^' au plus tard dans un mois
» de leur date ; de dc-pofcr pareillement au mêii^f: greffe,
» dans le mois après la courfe finie , ou gue ia perte du ccr-
« fiice fera connue ou préfumée, les comptes de dépenfes
» des relâches &: du dél'ar/nement , ahn ([u'il puifFe être p-o
M cédé fans délai à la liquidation générale du prcnuit de la
» courfe ; le tout à peine coritrc lefdiLs atniateuis d'ctre pri-
» vés des droits de comnii-iTîon qui leur font atitioués p.u
». l'arciclc zo dt ladite dédaiaticn eu i4}uir. 1778 »,.
PRISE. 639
M de leur mlniffère pour l'exécution cîes difpofi-
5) tîons contenues en notre préfente déclaration.
» 62, 'Voulons au furplus que les difpofitioiîs
" du titre des Prifes de l'ordonnsnce de 1681
" fo;ent exécutées félon leur forme & teneur, en
" tout ce qui ne fera pas contraire aux préfentes.
» Si donnons en mandement , &c, ».
Par une ordonnance du 27 feptcmbre 1778, le
roi a ordonné que les articles 39, 40 j, 4a, 43 ,
4 1 5 4) ? 46 , 47 |& ^2 de la déclaration du 24 juin
précédent, 6i. defquels on vient de rapporter les
dilpofjtions, iéroient exécutés pour les Prifes faites
p;ir les commsndans des varffcaux de fa majeflé ,
& autres officiers de la marine. La même ordon-
nance a réglé que les opérations qui , fuivant la
déclaration du 14 juin précédent, doivent fe faire
à ia requête des armateurs , aiiroient lieu , relative-
ment aux Prifes dont ii s'agit , à la requête des
procureurs du roi des amirautés , pourfuite & dili-
gence du contrôleur de la marine refilant dans le
port, ou, en fon abfence , du comnûriaire de Ix
marme , fans toutefois qu'aucune Pnl'e put être
vendue qu'après qu'il en auroit é;é rendu compte
au fecrétaire d'état ayant le département de la ma-
rine. Les officiers qui ne fe conforment pas à cette
ordonnance doivent êire privés de la part qui leur
(eroit revenue dans le produit de la Prife (i).
( I ) Pour l'exccuricn de l'ordonnance dont il i'tgic , le
tci a fait adrtjjtr aux officiers de fis voijjeaux l'injlruclion
fuii'ante :
1". Au(Iî-tôt qu'il aura été fait une Prife, le commandant
du vaiffcau preneur enverra, conformément à la.ticle 39
de la déclaration du 24 juin dernier , l'ofliiier £liar':é dvt
détail j pour le faihr des clefs, faire fceiler ;es écouriJles ,•
chambres , coffres , armoires , tonneaux, &: aiuies choks
fermant à clef ou emballées , &c drefTer iii tout un état
lommaire qui fera figné dudit «.ïcier & du capitaine du bâ-
timent pris; & en cas de refus de fa part, il en fera faic
menuon.
1". Ledit officier envoyé à bord d'un vaifïèau pris , fe
faifira , ainll qu'iJ e^l prefctit pat l'article 40 de ]3 décla-
ration, de tous les papiers, &: les fera rcmetrre, dans un
fac cjcheté , à celui qtii fera clioifi pour conJf.ire la Prife j
lequel les reme-tra aux ofikiers de l'amirauté g» pott où elle
aboidera.
}". Dès que la P.ife fera arrivée dans le port , celui qui
au'.a (té charge de l'y conduiie, fera , dans les vingt quatre
heures, devant Jes officiers de l'aniiraiicé , (a déclaration
détaillée en la forme jointe à la préfente inflruélion, pour
ètte vérifiée par ! aiHition de deux hommes de l'écuipap^e ,
&: il reiiiett a auxdits offitiers l'état fommaire qui aura "été'
drefTé à bord, avec le fac cacheté, des papiers, dont il ti-
lera un reçu. Lefdits officiers fe tranfpo teront cnfuite , ,i
h requête du pîccu;eur du roi o'e Taniiiauté , pourfuite 6c
diligence du ccn;tô!eur de la marine , à bord de Ja Prife ^
pTur en drefier pocés-vetbal , fceller les écourilles & le».
cl.ambreSj faire invenrairc de ce qui ne pourra é;rc fce^léy
t, établit âe: gardiens. Après quoi , ils procédeiem a Pin-
tcrrogatoire du capitaine , des officiers & autres gens de
rc->;'jipagc.c'u vaifléaii pris , q.ui feront reptéfeiués à cet cirer,,
a 1.1 première réq ifuion : ils feront t cnflater les pièces dui
f.ord p.ir î'interprétc-ji ré , s'il y en a dar.s le lieu , tS: adref'c'
îont l'expédidon dcidircs p.occdarcs rvec les pièces oiigi--
nales U les traiUlaiî au fccfctiire général do Ja marin«^
640 PRISE.
Far une autre ordonnance du 4 août 1781 , le
roi a attribué aux intcndans & ordonnateurs de la
dans le dl-bi de huit jours, porté par l'article 4j de la dccla
ration du 14 juin dernier.
4". Le procureur du roi de l'amirauté, pourfuite &: dili-
gence du contrôleur de la marine, tera procéder à la levée
des fcellés , au déchargement des raarchandiles , & à leur
inventaire ; & elles feront mifes dans ua magafin fermé de
trois clefs différentes, dont l'une demeurera entre les mains
du contrôleur de la marine, l'autre en celles du receveur
des fermes , & la troilicme entre celles du greffier de l'ami-
lauté.
^". Il pourra être également. Se à la requête du procureur
du roi de l'amirauté, pourfuite &: diligence du contrôleur de
de la marine, procédé a la vente provifoire des eftVcs fujets
à dépériflemenc. Pourront même les officiers des amirautés
procéder à la vente des Prifcs &: de toutes les marchandifes
dont elles feront chargées, fans attendre qu'elles aient été
jugées de bonne Prife , pourvu toutefois que , d'après les
pièces du bord &: les interrogatoires des prifonnieis , elles
foient conflamment ennemies.
6°. Le contrôleur de la marine ne pourra affilier auxdits
interrogatoires , ni aux déclarations qui feront faites aux
greffes des amirautés , conformément à l'article i de la pré-
ftnte inftruélion.
7". Trois jours après que l'expédition du jugement de
bonne Prifc aura été envoyée à l'amirauté, il fera , à la re-
quête du' procureur du roi , pourfuite &C diligence du contrô-
leur de la marine , procédé en fa prcfence , par ledit fiège , à
la vente de la Prife, fi fait n'a été ,& le prix en provenant
fera dirtribuc conformément à l'ordonnance de fa majellé du
i8 mar» dernier.
8''. Le contrôleur de la marine pourra aflîfter au décharge-
ment, à l'inventaire & i la vente des marchandifes des Pri-
fes faites par les vaiffeaux de fa majefté , fans qu'il puiffe y
«xercer aucune fondion de juge , ni y percevoir aucuns
droits ; & à l'égard des officiers de l'amirauté, ils porteront
leurs vacations fur le pied fixé par l'article 42 de la déclara-
tion du 24 juin dernier.
9". Sa majedé veut au furplus que les ordonnances &: ré-
flemens fur le fait des Prifes , notamment l'ordonnance du
IR mars & la déclaration dti 14 juin derniers , foient exécutés
conformément à la préfente inftrudion.
' Fait à Vei failles le 17 feprciubre 1778.
Signé, LOUIS. £rp/ui tdi, DE Sartine.
Modèle de déclaration à faire par les officiers de la marine
royale, devant les officiers des amirautés, lotfqu'ils amè-
neront des Piifes.
L'ail mil fep: c(nt
le du mois d
e,î comparu pardevant nous
M'
lequel , aprts ferment , a décUrt que le
étant par les
à la diflance de lieves de
îi découvrit le (Mettre ici la relation de la Prife , le
nom du vaiffcaii , ctlui du capitaine pris )
il Vauroii fait amener^ fa" ayant reconnu que c'était un hàti-
ment Anglais, il s'en tfl emparé, b" il aurait fait paffer
l'cgui-^'agf fur fon hardi ledit équip.-rge compofé de
{3^ l'aurait fait remplacer par des François ; &■ , s'ét. nt enfuite
faiji des effets , il en aurait dreffé un état fommaire ; fc" à
l'tfdrd dt t^us les papitrs , il les curait fait renfermer dans un
fcc , fur lequel il auroh fait cppojer le fctUé , ainfi que fur
les éccutllles , chanibres , coffres, .armoires , ballots , tonneaux: ,
(y autres chofes frmant à clef, i^vx armes de fa m.jjeftc , (y
suroît enfuite conduit l en
cette rade f où H efl arrivé le
à beuret U nous aurait
PRISE.
marine , !e droit de faire les ventes , & autres ope-
rations relatives aux Prifes faites par les vaifleaux
de fa majefté (1).
à l'infant ledit jitur remis le fcc
contenant lefdits papiers, enfmble l'état fommairt de ladue
Pnfe, drejjé à bord d'icelle , O* déclaré que ledit équip.:ge
était nu nombre de
prifonniers qu'il a remis à (^
qui lont aéluellement détenus d
d'où ils nous feront repréfentés , pour que nous puijjîons pro-
céder d leur ihtcrrogatoirt: , b" aux awres formjlités prefciitei
par la déchration du roi du 24 juin dernier, fe* le règle-
ment du 19 juillet fuiiant. Et ayant interpellé moniit
feur d'élire fon domicile
a conformément audit règlement , il
a déclaré que dt laquelle déclaration
il a requis aSle , que nous lui avons accordé , pour fervir 6*
valoir ce que de raijon , b a figné avec noi s.
Fuir à lefdits jour ban que
de}} us.
( I ) Voici cette ordonnance :
Sa uiajelié s'étant fait repréfentcr les ordonnances &: rcglc-
nicns concernant les procédures des Prifes , elle a recoiimi
que celles faites pat fes vaiffeaux n'étoient pas fufceptibles
des mêmes formalités que les Prifes faites par les coifaires ;
les intérêts des aflionnaires & ceux des armateurs exigeant
une inffruclion juridique, au lieu que les Prifes faites par
les vaiiïeaux de fa majellé n'intéreflcnt qu'elle» les officiers
de la marine royale , 5: les éqiiipat!;i:$ , pour la part qu elle
leur a abandonnée par l'ordonnance du 18 mars 1 778. El^e a
jugé en conféquence qu'il feroit plus avantageux que les
cptrations qui fuivent le jugement du confeil des Prifes . fc
f iTent à l'avenir pat les intcndans de la marine , & , en leur
abfence , par les commiffaires généraux ou autres ordonna-
teurs, en préfcnce des officiers & équipages-preneurs, & à
la requête des co-ntroleurs de la marine. Les équipages re-
cueilleront de ces nouvelles difpofiiions , l'avantage de l'éco-
nomie dans les opérations, & de la célérité dans la léparii-
lion des Prifes; en conféquence, fa majefté a ordoiiné ic
ordonne ce qui fuit :
Article i. Les procédures pour les prifes faites par les
vailUaux de fa majefté, continueront, comme ci-devant,
d'être inftruites par les amirautés , jdfqu'au jugement du coa-
feil des Prifes inclufivement.
1. Huit jours après que le jugement du confeil desPiifes
aura été rendu, le greffier dudit confeil fera tenu d'en en-
voyer deux expéditions , l'une aux officiers de l'amirauté ,
lefquels, dans les vingt-quatre heures, la feront enregifttef
au greffe de leur fiège, S>c l'aatrc fera adreflée à l'intendant
du port oii la Prife aura été conduite , pour être enluite pro-
cédé pat lui à la vente , ainfi qu'il fera dit ci -aptes.
}. Les officiers dts amirautés remettront aux intendans ou
ordonnateurs de la marine , dans les vingt-quatre heures de
l'enregiftrement , porté par l'article précédent , les vaiil aux
avec leur cargaifon , enfemble l'expédition des procédures
fur lefquellcs le ji/gcment du confeil des Piifes !era inter-
venu , après toutefois que lefdits officiers des amirautés au-
ront reconnu 5c levé les fcellés par eux appofés ; & dans !»
cas oii il auroit été procédé par lefdits officiers de l'amira. '
à l'inventiiie de la Prife , le garde-magafin en donnera foa
reçu enfuire de la minute dudit inventaire ; mais s'il n'avoit
pas été fait d'inventaire , il y fera procédé par l'intendant ,
ou, en ion .ibfence , par le commilTaire général ou autre
ordonnateur.
4. Il fera ])rocédé au déchargement de la Piffe , à la vente
Sl' livraifon d'icelle par l'intendant de la marine, &' , tf. foti
alifence , par le comuiiflaire général ou autre otdonnateqr ,
à la reijUiîtc du contiôicur ic en préfencç du major de la
L'aniclc
PRISE.
L'article 17 du titre des Prifes de l'ordonnance
rairine, ain!l que des osîiciers ic des équipages-preneurs,
ou de leur fondé de pouvoirs.
5. La vente des Prifes fe fera d.tns la même forme que
celle des marchandifes & munitious provenantes des ma-
gafins de fa majeflé , & dans l'arfenal de la marine.
S. N'entend néaumoinj fa majeft: rien innover aux difpo-
lîtion's de l'article 45 de la déclaration du 14 juin 177S ,
qui donne pouvoir aux officiers des amiraurés , lorfque les
Prifes font conflamment ennemies , d'après les pièces de bord
Ôc les interrogatoires des prifonniers, de permettre, fur la
rcqu'îte du contrôleur de la marine , la vente defdices Prifes
& de leur cargaifon , fans attendre le jugement du confeil
des Prifes ; laquelle vente fera faite par l'intendant ou ordon-
nateur, dans la forme prefcrite par l'article 4.
7. Il fera procédé à la liquidation des frais qui auront lieu
jufqu'à l'enrcgillremeBt du jugement du confeil des Priles
inclulîvement , ainli que de ceux de reconnoiflance , levée
des fcellés & remifedu navire &c de la cargaifon, par le fieur
Chardon, commilTaire départi pour la vilite des ports & la
liquidation des Prifes faites par les vaid'eaux de fa majefté ,
conformément i l'article 17 de l'inllrudion du 9 janvier
1780 , &: au modèle qui y cft annexé ; laquelle inlhuiftion
continuera d'être exécutée félon fa foraie & teneur , dans
toutes les difpofitions auxquelles il n'eft pas dérogé par la
préfentc ordonnance.
8. Se réferve au furplus fa majeflé d'accorder aux officiers
des amirautés une indemnité pour les falaires attribués aux
fondions qu'ils rempliffbient ci»devant, pour les Prifes faites
par fes vailTeaux ; laquelle indemnité fera fixée fur le pie 1
d'un demi pour cent du montant du produit net de la Prife ,
déduction faite des frais de jullice Si. d'adminilhation , fuivani
la liquidation portée par l'article précédent.
9. Toutes les contcllations qui poutroient furvenir relati-
vement auxdites Prifes, d'après la remife ordonnée par l'ar-
ticle t de la préfentc ordonnance, fe porteront devant l'in
tendant ou ordonnateur du département, qui les jugera avec
les formalités ordinaires , (auf l'appel au confeil royal des
finances pour les Prifes.
la. A l'égard des Prifes qui feront conduites dans les co-
lonies ou autres polTeflions fcançoifes, les officiers des ami-
rautés, ou autres tribunaux compétens , rempliront feuls les
foimalités prefcrites par l'article premier; mais ils ne procé-
deront au déchargement, vente Se livraifon des Ptifes , à la
requête du contrôleur de la marine , ou de celui qui en rem
plira les fonctions, qu'en piéfence des gouverneurs généraux
ou commandans particuliers des colonies , & des intendant
ou ordonnateurs , &; aufli qu'en prefence des o^îciets pre
neurs , ou de leurs chargés de pouvoirs ; ils fe conformeront ,
au furplus , à l'ariide 7 de la préfente ordonnance, &: aux
difpolicions du règlement du 17 juillet 1778.
II. Enjoint fa majerté aux commandans de Ces vaifteaux
& autres officiers de fa marine, de fe conformer exadement
à tout ce qui e(t profcrit par les diifcrentes ordonnances ,
arrêts & réglemens fur le fair des Prifes , en tout ce qui ne
(era pas contraire à la préfente ordonnance.
Mande & ordonne fa maje.lé à Monf. le duc de Penthiè-
vre , amiral de France, aux vice amiraux, lieutenans génc
raux, chefs d'efcadres , capitaines &: autres officiers de fei
vai fléaux , frégates & autres bâtimens , aux commandans des
ports , aux intendans de la marine , au commilfaire départi
pour l'obfcrvarion des ordonnances Jans les amirautés , com-
ïniflaires généraux des ports &: arfcnaux, ordonnarcurs ; aux
gouverneurs généraux ou commandans rarticaliers , aux in-
tendans & ordonnateurs des colonies, aux officiers des lièges
d'amirautés , & à tous autres qu'il appartiendra , de tenir la
jDiin, chacun en droit foi, à l'exécution de la prélentc or-
(ionnance.
Fait à Verfailles le 4 août I7S1. Signé, LOVÏS.Ecplus
las , DF. Castries.
Tome XIIU
PRISE. ù.,i
du mois d'août 1681, enjoint aux capitaines qui
ont fait quelque Prife, de l'amener ou envoyer
avec les prifonniers au port où ils ont armé , à
peine de perte de leur droit & d'amende arbi-
traire, à moins qu'ils ne foient forcés , par la tem-
pête ou par les ennemis, de relâcher en quelque
autre port, auquel cas ils doivent en donner in-
ceflamment avis aux intércffés à l'armement.
Il eft défendu par l'article 8 , fous peine de la
vie , à tout chef, foldat & matelot, de faire couler
à fond les vailléaux pris , & de defcendre les pri-
fonniers dans des îles ou fur des côtes éloignées^
pour celer la Prife.
Et fi les preneurs , ne poHvant fe charger du
vaiffeau pris ni de l'équipage, enlèvent feulement
Jes marchandifcs , ou relâchent le tout par compo-
fition , ils doivent , fuivant l'art. 19 , fe faifir des
paipiers ,& amener au moins les deux principaux
officiers du vaiffeau pris, à peine d'être privés de
ce qui peut leur appartenir dans la Prife , même
de punition corporelle , s'il échet.
L'article 20 défend de faire aucune ouverture
des coffres , ballots , facs , pipes , barriques , ton-
neaux & armoires, de tranfporter ni vendre au-
cune marchandife de la Prife, & à toute perfonne
d'en acheter ou receler avant que la juftice l'ait
ordonné , ou que la Prife ait été jugée , à peina
de reflitution du quadruple, & de punition corpo-
relle.
Lorfqu'un vaiffeau eft amené fans prifonniers ,
charte-partie, ni connoiffemens , les officiers, fol-
dats , & équipage de celui qui l'a pris , doivent ,
en exécution de l'article 25 , être examinés fépa-
rément fur les circonftances de la Prife , & pour-
quoi le navire a été amené fans prifonniers : on
doit d'ailleurs faire vifiter par experts le vaiffeau
& les marchandifes, pour reconnoître, s'il efl pof-
fible, fur qui la Prife a été faite.
Anciennement, le cas dont il s'agit fe préfentoit
affez fouvent , à caufe des violences, & même des
barbaries auxquelles les corfaires avolent coutume
de s'abandonner; mais il eft devenu plus rare à
mefure qu'on a fait la guerre fans renoncer aux
loix que prefcrivent l'humanité & la compaffion
naturelle.
Si , par la dépofition de l'équipage & la vifite
du vaiffeau & des marchandifes , on ne peut pas
découvrir fur qui la Prife a été faite , l'article 26
veut que le tout foit inventorié , apprécié & mis
fous bonne & fùre garde , pour être reflitué à qui
il appartient , s'il eft réclamé dans l'an & jour ,
finon partagé également comme épave de mer, en-
tre le roi , l'amiral 8i les armateurs. Voy. ÉPAVES.
Pour exciter l'émulation des armateurs , le roi
a, par fa déclaration du 24 juin 1778, dont nous
avons déjà parlé, renouvelé & même augmenté
les encourageinens qui leur avoient été accordés
autrefois ; la même loi a réglé les conditions des
fociétés pour la courfe , la proportion dans laquelle
les pertes doivent être fjpportées par les intéref.
M m m m
641 PRISE.
iés , le droit de commiffion pour les armateurs ,
dcs conditions de l'engagement des équipages, la
police des équi[>ages , les parts de l'équipage dans
jes Prifes, &c. (i).
(i) La déclaration citée concunc jur ces divers objtts l(t
iilf jfuwns fu'waniis :
A Kl 1CJ.E j. Lts armateurs en courfe jouiront, i compter
Au jour de l'enregilhemcnt &: publication des préfentes , de
J'c.xempiion des droits de traites pour les vivres , munitions ,
ar ilUrie & u.lenlîlcsde toute eCptce fervant à la conllruc-
tion , avitâillemem & armement de leurs navires.
1. Il fera par nous incelTamnnent ftatué fur les efpcces &
«lualiits des marchandifcs provenantes des PtiCes tjui pour-
lont être confonmiées dans le royaume , ainll que lut les
£roiis auxquels elles feront affujetcies.
}. Déclarons c]iie noire intention eft de donner des mar-
c^ues paciiculières & honorables de notre faiisfaition à ceux
àes armateurs <]uj fe diilingueront par des encreprifes plus
«orifidérabies.
4. Pour encourager l'armemenr des grands bâtimens cor-
faires , qui font tout à-la (ois plus propres à la ccutfe &: d'une
jiieille uie dtfente , il fera fourni de nos arfenaux les canons
ici calibres de douze &: de huit livres «le balles , qui feront
n.ccflaires pour les batteries de corfaires de quatre-vingt-
quinze pieds de qmlle coupée , & au-delTus , fans nous rc-
ferver aucune portion dans le produit des Prifes ; à la charge
toutefois que les canons qui le trouveront en nature après la
cjurfe , feront remis dans les ports du dilfarmeinent aux com-
luiflaires de nos ports & ailenaux : voulons en confcqueuce
que les armateurs foient tenus d'informer le fectétaire d'ciat
ay .nt le dépattement de la marine, des armeraens &: conf-
truft:ons qu'ils voudront entreprendre ; & que lefdits com-
millaires des ports &: arfenaux Je marine foient tenus de Faire
coiiliater en leur préfence la mcfure de la quille , loifqu'elle
(era pofée , &: de vifer le ceriiticat qui en feia délivré par le
c^nltru6\eur du port • & le tout fêta envoyé audit fectciaire
d état ayant le département de la marine, pour, furie vu
d'iceliii , être expédié nos ordres , à l'effet Jt faire fournit &
ti-anfjorier les canons.
î. Si les canons ne peuvent être fourni' à temps , nous
autorilons les armateurs à en acheter , & nous donnerons
des ordres pour leur faire payer, dans un n.cîs après l'expé-
diiion du rôle d'équipage, la fomme de huit ceins livres
pour tenir Jieii de chaque canon de douze, & de tix cents
livres pour chaque canon de huit : au moyen de quoi , la
valeur defdits canons que nous aurons fournis en argent ou
en nature, ne pourra être employée dans la dépenl'e de l'ar-
rnement , fauf à l'aimateur qui n'aura pas eu de canons pris
«11 perdus , de nous remettre les canons qu'il auta achetés ,
ou es femmes que nous lui aurons fait payer, à fon choix.
6. Les falaires & parts des matelots défcrteurs de» corfai es,
aprartiendront & feront acquis moitié aux armateurs, moitié
aux équipages.
7. t ctl'que les ccrfaires particuliers auront été requis par
Jes ccinuiandans de nos efcadres , vaifleaux oa frégates, de
fouir avec eux des ports , ou de les joindre à la mer, lefdiis
rorfaires participeront aux Prifes & aux grati.'ic.'îfions pen-
dani le temps qu'ils feront attaches auxditcs efcadres, vaif-
feaux & frégates ; & leur part fera fixée fuivant le nombre de
leurs canons montes fur affûts , proportionnuuent au nomhre
lies canons de nos vailfeaux &: autres bâiimens avec lefquels
ils auront fait lefdiies Prift.» , fons avoir égatci aux calibres
des canons , ni à la force des équipages deldits corfaires. Les
^raiifications portées par l'article fuivant , auront lieu pour
utiles de» Prile» qui feront faites par les corfaires, & appar-
tiendront exciulivement aux équipages d'icfux ; mais dans
tous les cas où les corfaires particuliers, n'ayant point été
reqtifs de fe joindre à nos vaifTcaux, fetoitnt âes Prifes à leur
*c:e , ces Piifcs apnurieudrr Dt en iciiVné a uxdiii corfaires ,
PRISE.
Le roi a pareillement voulu exciter, par des
récompenfes , l'émulation des gens de mer & fol-
qui , de leur coté , ne feront admis à aucuns partages dans
lc< Ptifes que njs vaifTeaux poutroient faire à leur vue.
8. Il fera payé , des deniers de la marine , les gratiticatiant
fui vantes, pour les Ptifes qui feront faites pat tous les corfai-
res particuliers j
S A vo I R :
Ctnt litres pour chaque canon de calibre de 4 &: au-delîus
julqu'à II livres.
Cent cinquante livres pour chaque canon de lî livres &
au dellus.
Kt rr^nrê /)j(rfs pour chaque prifonnier fait fur lei navires
charges en marchamiifes.
Cent cinquante livres pour chaque canon du calibre de 4
•i II.
Deux cents vingt-cinq livres f OU]: celui de ii &au-deflus.
Et quarante livres pour chaque prifonnier fait fur des cor-
faires particulier».
Deux cents Hi'respoui chaque canon de 4 à il.
Trois cents livrei pour celui de 11 & au deffus.
Et cinnuante lin es pour chaque prifonnier qui aura été
tait fut des vailleaiix &c frégates de guerre.*
Lorfqu'il y aura eu combat, le calcul fera fait fur le nom-
bre d'hommes effcaifs qui fe feront ttouvés au commence-
ment de l'adion.
Voulons en outre que toutes lefdites gratificaiion» foient
augmentées d'un quart en fus, pour le:. vaiiVeaux, frégates de
guerre & corfaires particuliers qui auront été enlevés à i'abor-
^'.ige ; ce qui aura également lieu pour les navires ennemi*
.innés en guerre & niarchandifes , & dont le nombre des ca-
nons excédera celui des corfaires preneurs.
9. Le nombre Pc le calibre des canons feront conftatés par
le procès-vetbal d'inventaire de la Prife , & celui des prifon-
niers , par les certificats de nos officiers dans les ports auxquels
ils auront été remis , ainli que fur les aurres pièces jugce»
néceflaires pour conffatet le nombre d'hommes efteiftits qui
fe feront trouvés au cou, i.encement du combat.
10. Les gratification» poitees par l'article S appartiendront
en entier aux capiraines , officiers &: équipages des coiiaires
qui auront fait la Prife , dans la jTopottion des parts qui leur
feront attribuées dans le tiers dcfdites Prifes ; l'armateur fera
tenu d'en faire la recette & la distribution , fans frais de
cemmiffion , & fans qu'il puifTe en imputer aucune partie fur
le rembourfemeiit des avances.
1 1. Nous nous réfervons d'accorder aux capitaines & offi-
ciers defdits corfaires qui fe feront dillingués , des récom-
penfes particulières ^ même des emplois dans notre Icrvice
de la mâtine , fuivant la force des vaifleaux de guerre &
corfaires ennemis dont ils fe feront empâtés , & félon la na-
ture des combats qu'ils auront foutenu» : nous réfervant néan-
moins de confuher le ccnfeiJ de marine dit département ,
lorfque lefdits capitaines 3c officiers des corfaires particulier*
paroîsront rufceptibles d'obtenir pour técompenfe Us giiUes
a'enfeigne & de lieutenant de vailTeau,
1 1. Lorfque les témoignages qui nous feronr ren.1us de la
bonne conduite Jes officiels S: volontaires qui auront iervi
fur des corfaires , nous paroîiront fuffifans , nous difpenle-
rons ceux qui feront dans le cas d'être reçus capitaines de na-
vire marchand, de l'obligation de fervir une ou deux cam-
pagnes fur nos vaifTeaux.
"i 5. Les orhciers c\' matelots des équipages des corfaires qui
fe trouveront hors d'état de continuer leurs fervices par le»
blelfures qu'ils auront re(;ue5 dans les combats , feront com-
pris dans les états die dcmi-iolde que nous accordons aux gen^
de mer: &: nous accorderons pareillement des penlîon» aux
veuves de ceux qui auront été tués, ou qui feront morts de
leur» blefTures.
14, Les focictés pour la cott..'"e , s'il n'y a pas de convea-
PRISE.
«Jats , compofant les équipages de fcs val^aiix ,
frégates , & autres bâtimens. Les anciennes ordon-
tion contraire , feront réputées en commendite , foit que les
ir.itreflcs fe foient alTocics par des quotités fixes , ou j^ar ac-
tions.
_ I j. L'armateur pourra , par l'afte de fociété ou par les ac
nons , fixer le capiral de l'cnrreprife à une fomme détermi-
née , pour régler la répartition des profits ou la conttibuton
aux pertes; &c fi , d'après les comptes qui feront fournis, la
ccnîlruition & niife hors ne montent pas à la fomme détet
îninée , le iurplus fera employé aux dépenfes des relâches ,
©u , en cas de Prife du corfaire , fera rendu aux aclionnaires
au marc la livre : fi au contraire les dépenfes delà conftruc-
tjon 5c mife hors excèdent la fomme fixée , l'avmateur prde
veta fes avances fur le produit des premières Prifes ; &: , en
cas d'infu.lifancc , il en fera également rembourfé au marc la
livre par l'adionnaire ; ce qui aura Jieu pareillemenr pour
les dépenfes des relâches^ lorf^ue le produit des Prifes ne fera
pis futïifant.
16. Lts armateurs feront tenus, dans les adions qu'ils dé-
Jifreron: aux intér-flcs , de faire une mention fommaire des
dimenfions du bitiment qu'il» fe propoferont d'armer en
eourfe , du nombre 3c de la force de fon équipage &: de fes
canons , ainfi que du montant préfumé de ia coniirudion &
mife hors.
17. Le compte de la conltrudion & mife hors , qui fjr
mera toujours le capital de l'entreprife, hors le cas pievu par
l'article If , fera clos , arrêté 8c dcpofé , avec les pictcs juai-
ficatives , au greffe de l'amirau é , dans ie quinzi: ni; jour
après celui auquel le corfaire aura fait voile pour commencer
Ja eourfe, fauf à n'cnip'o/er que par cva'uation les .uticles
de dépenle qui , à cette épcque , ne pourront pas être liqui
dés; lefquels feront enfuite alloués dans le compte de coaf-
truûion & mife hors pour leur vraie valeur , & lur les pièces
juftificatives qui feront rapportées.
18. Permettons néanmoins aux ornciers de l'a.nirauté d'ac-
corder à l'armateur , fur fa demande , un fécond délai de huit
jours , pour dépofer le compte mentionné en l'article précé-
dent ; mais, pafïè ce terme , Ci l'armateur n'y a pas fatisfait ,
i! fera privé de tous droits de commiflîon, par le feul fait dt
n'avoir pas dépofé i* fon compte.
15. Lorfque la conftrudion d'un corfaire &: fa mîfe hors
te pourront être achevées , foit par la conclufion de la paix ,
<5u par quelque autre événement, Ja perte fera fupportée par
les intérenes, fuivant leur quotité. Se par les aûionnaires ,
au marc la livre du capital qui aura éré hxé pour J'entreprife :
èc s'il n'y a pas eu de fixation , le capital fera évalué par ar-
bitres à la fomme que l'entreprife auroit dii coûter l\ elle
avoir été achevée.
10. Le droit de commimon ordinaire fera de deux pour
cent, fur le n o itant des dépenfes de la conftrudim , arme-
ment, relâches &: Jéfarmement. Il fera en outre alloué aux
armateurs une femblable commi/Tion de deux pour cent fur
les Prifes rentrées dans le port de 1 atrBemjnt , .lont ils auront
eu TadminiAraticn particulière , &' un pour cent feulement
pour la rentrée des fonds fur les Prifes qui auront été con-
«iuues dans d'autres ports . & qui auront été adminiltrées pu
leurs commiflionnaires , avec , fur le tout , un demi pour
Cent pour la négociation des lettres de change.
21. Les engagemens pour la eourfe ordinaire , s'il n'y a pa,^
de convention contraire, y compris le temps des relâche» ,
feront de quatre mois , à compter du jour que le valifeau
nettra à la voile & doublera les caps ou pointes, qui , fui
vant les ufaçes locaux, déterminent un départ abfolu: excep
tous toutefois les relâches néceflaires pour amener des Prifes ,
prendre des vivres, faire de l'eau, cfpalmer, ou d'aurres cas
jrefTans , à la charge de remettre en mer auflitôt que le vent
1« permettra. Faifons très-exprefles défenfes aux équipages de
^ui«et le vaifleau pendant la durée defdi;s en^agemens , à
PRÎSF. 64}
nances «voient rcAreint la part qui revenoit aiix
vaifîeaux-preneuis dans le produit des Prife* , à
peine «l'être punis comme défetteurt.
11. Le tiers du produit dci Prifes qui auront été faites , ap-
pa'tiendra à l'équipage du bâtiment qui les aura faites ; mis
■ c montant des avances qui auront été payée» fera déduit fur
les parts de ceux qui le» auront reçue».
tj . Les équipages des bâtimens armés en guerre 6c mar-
char.difes, n'auront que le cinquième des Prifes, Se i! ne
leur fera fait aucune déduûion pour les avances comptées i
J arincment , ou pour les mois payés pendact le cours du
voyage.
14. Lorfque nous voudrons bien accorder à des armateur*
nos vaifleaux ou frégates pour être armés en eourfe , les équi-
pages ne pourront ctre engagés que de gré à gré , & on fui-
vraies conditions ordinaires de la eourfe , s'il n'y a pas de
conventions contraires ; ce qui aura égalenaent lieu pour les
deux arricles préeédens.
if. Aucun armateur ne pourra donner aux matelots de
plus fortes avances que celles qui feront ci-après fpécificer ,
ni plus de trente fous de denier à dieu , fous quelque pr -
texte que ce fcir, i peine de trois mille livre» d'amende fie
de r.iji'ia'icn de l'exccdcnt dans les comptes. Voulons que la
totalité defJites avances foit payée avant le départ du corfaire ,
dan^ la proportion fuivaiiie :
Aux preii.iec & fécond maître»
d'équipage Ce»t cinquante Ihn^
Aux pilotes , contre maîtres, char-
pentiers , maîtres de Prifes & capi-
taines d'armes Cent,
Atjx féconds canon nier» , charper»
[itrs , boircmans^ maîtres de chalou-
pes , ca'fats, voilier», armuriers, ouar- »
tieis rratres & fécond chirurgien . . Quatre vingt.
Aux lergens , matelots ayant la pli s
haure paye fur nos vaifleaux . . . Soixantt-fix,
A ceux qui ont une paye tnoindie . Soixante,
A ceux qui n'ont point encore
fervi , ou qui n'ont fait qu'une cam-
pagne , Se aux foidats Qvarame-cinq.
Aux moufles forts qui ont navigué.- K'n^f-/'pr.
Aux autres moufle Dix-kutt.
Les officiers majors & les volontaires n'auiont aucune»
avances.
Et à l'égard des bâtimens armés en guerre & en marcha n-
difes , les avances ne feronr réglées que de gre a gré.
16. L'équipage fera tenu de fe rendre à bord vingt quatre
heures après l'avertiflement , qui aura été donné au fon da
tambour, ou par le coup de canon de départ, à peine d'être
puni comme déferteur ; ce qui aura li«w également peur les
matelots qui prendroient un faux nom , «u fuppofcroient un
faux domicile.
27. La police qui eft obfetvée fur nos vaifleaux pour les
équipages qui y font embarqués, aura également heu pour
les officiers mariniers, matelots, & autre» gens de mer em-
barqués fut les corfaires : enjoignons aux capitaines de faire
garder sûrement à leur bord ceux qui feroient coupables de
quelques crimes & délits, jufqu'à ce qu'ils foient conduics ,
à nos frais , au plus prochain port ou arfenal de marii;e , fui-
vant les ordres que nouj ferons expédirr à cer effet.
i8. L'équipage fera obligé de travailler pour le fervicc du
bâtiment, toutes les fois qu'il fera commandé; & il fêta
retenu trente fous par jour à ceux qui y manqueront ; Ic-
quelle retenue fera faite d'après le rapport de l'érrivain vife
par le capitaine, &: fera diflribuce à ceux qui auront tra-
vaillé.
19. Le coffre dti capitaine pris , ni les pacotnies eu mar-
chandifes qui pourroient lui appartenir, dans quelqu'enircic
du bâtiment qu'elle» foient chargées , ne pourront, dans au-
M m m m ij
644 PRISE.
des gratifications pour les bâtimens de guerre, Sl
au tiers feulement du produit de la vente pour les
cim cas , êcre attribuées au capitaine du corfaire qui aura fait
la Prife. Permettons toutefois à l'armateur de ilipuler en fa-
veur duJit capitaine, & pour lui tenir lieu Je dédommage-
Hicnt, une femme proportionnée à la valeur de la Prife , &
feulement iorfqu'elle arrivera à bon port.
jo. Défendons pareillement aux officiers dci amirautés de
permettre que les capitaines- condudears des Prifes s'appro-
prient , fous prétexte de droit ou d'ufage, aucunes marchan-
difcs , effets ou meubles des bâiimens pris , à peine d'en de-
mearer , lefdits juges , refpcnfables en leurs propres &: privés
noms : permetttons cependant aux armateurs dérégler, dans
Jes inftruotions qu'ils donneront aux capitaines des corfaires ,
& de concert avec eux , des fommes modiques Se proportion-
nées à la valeur des Prifes arrivées à bon port; Se feront lef-
dites fommes payées aux capitaines-conduifteurs des Prifes ,
pour leur renir lieu de tous autres droits qui ont pu être to-
lérés par jufqu'à pré(ent.
ji. 11 ne fera rien déduit à l'équipage en cas que le vaif-
feaii défarme par l'ordre des armateurs avant la rin de la
courfe ; mais fi , pendant l'armement ou avant les deux tiers
de la courfe expirés , le vaifTeau fe ttouve hors d'état de
fervir , les armateurs pourront, dans le terme d'un mais,
en fubftituer un autre, fur lequel l'équipage fera teau de
j'embarquer , aux mêmes conditions ^ pour continuer la
courfe.
ji. il ne fera promis, avant l'embarquement, aucnnes
p»rts dans les prifes aux officiers majors , officiers mariniers ,
volontaires, folJars, matelots ou autres ; mais elles feront
réglées immédiatement après le retour des vaiCTeaux , à pro-
portion du mérite Çc du travail de chacun , dans un confeil
lenu à cet effet; lequel fera compofé du capitaine &: des
premiers officiers majors , fuivant l'ordre du rôle d'équ.'page ,
au nombre de fept , le capitaine compris, s'il fe trouve
afTez de lieutenins pour compléter le nombre ; lelquels prê-
teront ferment devant les juges de l'amitautc , dans huit jours
au plus tard après la courfe finie j de procéder fidèlement, &
en leur ame 6c confcience, au règlement &: à la répartition
des parts.
Le roi ayant depuis confiiéré que ces rc'glemens de parts
dépendant de la volonté d'un peut nomire de perfonnes qui
étaient en même-temps juges 6* parties , il convenoic d'em-
ficher que Us intérêts des équipages ne furent compromis par
une fixation arbitraire des parts de Prifes que leur valeur leur
'avroit méritées : en confcquenee , fa majefté a rendu en fon con-
feil, le l<; décembre 17^1. , un arrct par lequel elle a ordonné
qui l'avenir les rég'emens des parts de Prifes , revenantes aux
tjjiciers majors, ojgiciers mariniers , volontaires ,foldats mate-
Jars, &• autres gens dis équipages des corfaires, fe feraient
dans les chambres du confeil des amirautés , immédiatement
après le rietour des corfaires qui auraient fait les Prifes , con-
formément à l'article j i qu'on vient de rapporter , par le capi-
taine &" les premiers officiers majors, au nombre de fept , en
vréfence du lieutenant général de l'amirauté , du procureur du
roi au même fùge , &■ du commijfaire des clajj'es. L'arrêt dont
il s'agit charge ces officiers , de veiller à ce que les règlcmens
fe fajfent avec impartialité , conformément au mérite b" au tra-
vail de chacun, &• dans la proportion prefcrite par l'article
fuivant , fans que la quotité des parts attribuées à chaque grade
fvijfe être diminuée , (if d ce qu'il ne foit admis aucune priva-
tion ou diminution de parts que fur des motifs légitimes , qui
euront été dijcutés tu leur prejence. Le règlement départs doit
ftre figné du lieutenant général & du commijaire des claffes ,
conjointement avec les capitaines 6* les officiers majors , &• dé-
pofé au grefe de l'amirauté. Il doit d'ailleurs en être remis
une expédition au bureau des clajfcs.
î^. Il ne pourra être accordé:
An capitaine , plus de ... . Dou7e parts.
PRISE.
navires marchands ; mais , par une ordonnance du
28 mars 1778 , fa majefté s'eft déterminée à faire
Au capitaine en fécond , plus de .. Dix parts.
Aux deux premiers lieutentns , plus
de ■ . . . . Huit parts.
Au premier maître , â l'écrivain &
aux autres lieutenans , plus de . . Six parts.
Aux enfcignes, au maître chirur-
gien & aux detix maîtres , plus de Quatre farts^
Aux maîtres de Prifes , pilotes ,
contre - maître , capitaines d'at-
rnes , maîtres canonniets , char-
pentiers , calfats , boflemans ,
maîtres de chaloupes, voiliers,
armuriers , quartiers - maîttes ôc
fécond chirurgien , plus de . . Deux parts.
La volontaires auront . ... Une part ou deux au
plus.
Les matelots Une part ou part (y
demie.
Les foldats Une dtmi-part à une
part.
Les novices D'un- dimi-pirt à treis
quarts de part.
Les mou (Tes Un quart de part ou une
demi.part, fuivant leurs fcrvices refpefiijs
fc* leurs forces.
j4. Le nombre des parts attribuées à chaque grade par
l'article précédent , ne pourra être diminué qu'à ta plurahtc
de deux voix ; mais une feule fufflra pour déterminet le plus
ou le moins attribué aux volontaires , matelots , foldats ,
novices & moufles ; & , en cas de partage d'avis à l'égard de
ces derniers, la voix du capitaine fera prcpondéraitre. L écri-
rai» n'aura de voix que pour remplacer chacun des officiers
majors, qui fera tenu de fe retirer lotfqu'il s'agira de fixer
les parts.
jf. Le capitaine Se les officiers majors feront tenus d'affi'
gner une fomme , fur le produit des Prifes , aux officiers &
autres gens de l'équipage qui auront été bleffés Se elhopiés
dans les combats , &c aux veuves &c héritiers de ceux qui au-
ronr été tués , ou qui feiont morts de leurs bleffures ; 8c fe-
ront lefdites fommes payées , à ceux auxquels elles feront ac-
cordées, en outre & par-deffus leurs parts dans le tiers accordé
à l'éoiiipage , pourvu que lefdites gratifications n'excèdent
pas le double de la valeur defdites parts.
^6. Le capiaine Scies officiers majors , ainfi que récrjvain,
feront tenus de fignet le règlement des parts, arrêté à la plu-
ralité des voix , 8c de fe préfenter , dans trois jours , au greife
de l'amirauté , où il leur en fera fair lecture en préfencè
Jes officiers du fiège. Apres avoir déclaré qu'ils n'y veuleti^t
rien changer, ils affirmeront qu'ils y ont ptocédé en leur
ame èc confcience , &: il fera dreflé prccès-veil-'al du tout ,
ainfi que du dépôt dudit règlement,
57. Nos procureurs, aux hcges des amirautés, tiendront la
main à l'exécution des articles précédens : lear enjoignons de
vérifier C\ les officiers qui fe préfenteront avec le capitaine
pour prêter fertiient, font les mêmes que ceux défignés par
l'article f;2, te fi le règlement a été rédigé dans la foime
prefcrite. Voulons que les capitaines qui n'auroient pas con-
voqué les officiers majors pour prêter ferment dans le délai
fixé par l'article ci-dçllus , foient, à la requête .pourfuite &
diligence de ncfdits procureurs, condamnés en cent livres
d'amende pour chaque jour de retardement, & que le ca-
pitaine ôc les officiers qui auront procédé audir règlement ,
Se qui ne l'auront pas dépofé au greffe dans les trois jours
fuivans , foient condamnés chacun en vingt livres d'amende
par chaque jour Je retardement ; lefdites fommes applicrJ.'.t s
â la maffe des parts atttibuèes aux matelots 5c autres , aux-
quels il n'aura été réglé qu'une part Se au-dciïbuî.
PRISE.
Tabandon en entier des bâtimens de guerre & cor-
faires enlevés fur les ennemis , en faveur des com-
mandans , états-mnjors , & équipages des vaifTeaux
qui s'en emparent, & à réferver feulement un tiers
de la valeur des navires marchands &. de leur car-
gaifon, pour être appliqué à la calffe des invalides
de la marine.
En abandonnant ainfi aux vaiïïeaux preneurs la
valeur entière des bâtimens de guerre , & les deux
tiers du produit des navires marchands , le roi ,
affuré du zèle défmtéreffé des officiers de fa ma-
rine , a voulu que l'augmentation qui réfulteroit
de ces nouvelles difpofitions , portât principale-
ment fur la partie du produit des Prifes qui ap-
particndroit aux officiers mariniers , matelots & fol-
dats employés fur les vaifieaux , &: autres bâtimens
de fa majeilé (i).
38. Le règlement de: parts , arrêté en la forme ci-deffus ,
fera dcHnitivemeiu exécuté : défendons aux juges d'admettre
aucunes aftion: , plaintes ni réclamations de la part des olfi-
ciers ou gens de î'écjuipage , à cet égard.
{ I ) L'ordonnance d'jnc il s'agit contient les difpofitiom
fuivantes :
Article t. Tous les vaifleauXj frégates &: autres bâti-
tuens de guêtre , &c tous corfaires enneinis qui feront pris
par Jes vaifieaux , frégates Se autres bâtimens de fa majeilé,
enfemble les canons , armes munitions de guerre , agrès ,
apparaux , vivies &: dépendances des bâtimens pris , ainfi tjue
les pierreries , matières d'or & d'argent , uiatcliandifes , &
autres eflFets faifant partie des cargaifons, qui pourront fe
trouver fur lefdits vaifTeaux , frégates, bâtimens ,de guerre ou
corfaires , appartiendront en totalité aux oiiiciers & équipages
des bâtimens preneurs , fa majefté leur en faifant entière-
ment l'abandon.
1. Tous navires marchands ennemis, ainfi que ceux dont
Jes coiiiniijfïons feroient en guerre S: marchandifes, pris par
les vaifTeaux , frégates &: autres bâtimens de fa majedé , ap-
partiendront ; favoir, la valeur des deux tiers, aux officiers
& aux équipages des bâtimens preneurs ; & la valeur du tiers
reliant, 1 la ciifle des invalides de la marine, à laquelle
fa inajeflé a fait abandon dudit tiers , aux charges portées
par la préfente oidonnance.-
j. LoifijLie fa majeRé jugerai propos de retenir les vaif-
feaux & frégates de guerre, y compris celles de vingr ca-
nons enlevés, fur fcs ennemis, qui feront jugés pouvoir être
employés utilement pour fon fervice,'Ie prix en fera payé
aux officiers & équipages des yaiffeaux preneurs , des deniers
de la caille des invalides, dans deux mois au plus tard, fur
le pied ;
Savoir:
De cinq mille livres pour chaque canon monté fur affût ,
des vailTeaux de 50 canons & au-delTus. .
De quatre mille livres pour ceux des.vai(res.ux de 8o ,
74 , 70 & 6S canons;
De treis mille cinq cents livres pour ceux des vaifTeaux
de ^4 , 6^0 Se jo canons ;
Et de frais mille livres pour ceux des frégates.
Dans les piix ci defl'us fixés , feront compris l'artillerie , les
munitions de guerre ôC de bouche, les agrès & apparaux , &
toutes les dépendances des vaifTeaux & frégates de guerre
pris fur les ennemis; à l'exception des matières d'or & d'ar-
gent , pierreries & aurres rnarchandifes faifanr partie des car-
gaifons qui pourront fe trouver à bord defJits bâtimens , lef-
quelies appartiendront en entier aux officiers &: équipages
des vaiffeaux preneurs, indépendamment du prix payé P'"^ 'c
roi pour la valeur des bâiimens.
PRISE. <545
Le 19 juillet 1778 , le roi a fait , pour l'établint'
ment du confeil des Prifes , & la forme d'y pro*
4. Sa majefté pourra paveillcment' faiie retenir pour fon
fervice tous autres bâtimens de guerre, corfaires & navires
rr.archands ennemis, pris par fes vaiffeaux , ainfi que les ca-
nons , armes, agrès , apparaux , vivres & autres munitions
ou marchandiles , çn tout ou en partie , qui fe ttoureront à
bord defdits bâtimens , & qui pourront être employés pour le
fervice de fes atfenaux. Le prix en fera payé , dans le terme
de deux mois , des fonds de la marine , fur l'eftimation qui
en fera faite par les commiffaires nommés par le confeil de
mariné i étiBIi-pârTordorinatice cTu ly feptembre 1776, fi la
Prife ell amenée dans un des trois pottt de Breft , Toulon
& Rochefort ; & par les officiers des ports , conftruûeurs £c
experts, fi elle a été conduite dans un autre port du royaume
ou des colonies^
5. Tout ce qui ne fera pas retenu puur le fervice de fa
majefté , fera vendu en la manière accoutumée , même fans
attendre le jugement de confifcacion pour les Prifes qui ne
patoîtront pas fufceptibles de contc.'lation ; & tous trais de
procédures, gardes , magafmages & autres , ainfi que les fix;
deniers pour livre attribués à la caiffe des invalides de la
marine, feront prélevés fur le produit des évaluations , efli-
macions & ventes.
É. A l'égard de? vaiffeaux, frégates &: autres bâtimens de
Euerre , ainfi que des corfaires particuliers ennemis , qui
feront cûulés bas, brûlés ou autrement détruits par les vaif-
feaux, frégates & autres bâtimens de fa niajellé ; ce qui
aura pu être fauve des équipages , fera amené dans les porte
du royaume ou ceux des colonies appartenantes à fa majefté;
fc , fur la preuve authentique qui en fera rapportée, il
fera payé des deniers de la caiffe des invalides, aux offi-
ciers & équipages des vaifTeaux Se bâtimens qui les auront
détruits. :
Savoir:
Huir cents livres peur chaque canon monté fur affût , des
vaiffeaux de ligne ennemis ;
Six cents livres pour chaque canon des frégates & autres
bâtimens de guerre ;
Et quatre cents livres pour cliaque canon des corfaires
particuliers.
7. Le produit des prifes &: des gratifications revenant , foit
à des armées navales ,' efcadres ou divilions , foit à un vaif-
leau ou autres bâtimens de fa majefté ayant une deftination
particulière , fera partagé ;
Savoir: '
Un tiers entre les officiers génétaux, les commandanj de»
vaiffeaux, frégate; &: autres bâtiinens , &- les officiers & au-
tres perfonnes con-ipofa'nt les états-majors ;
Et les deux tiers reft'ant, entre lei équipages.
8. Le tiers attribué aux officiers généraux , commandons Sc
états-majors , ne fera , dans tous Jes cas , qu'une feule maffe ,
dans laquelle tous les officier's d'une armée navale , efcadre
ou divilion, ou ceux d'un vaiffeau ou autre bâtiment ayanç
une deftination particulière, auront les parrs réglées ci après
pour leur grade, fans avoir égard à la force des bâtimens.
Savoir:
Le vice-amiral Trente pjrts.
-. Commandant en chef. Vingt.
Le lieutenant géu. ■? S'il ne commande pas
(. en. chef .... Quinze.
ç Commandant en chef. Quinze.
Le chef d'efcadre. < S'il ne commande pas
t en chef . • . . Dix;
Le capî-aine de pavillon d'un officier gé-
néral . • . - • " • ^'"?*
646 PRISE.
céder, un règlement qui contient les difpofnions
fuivames :
« Article i. Les Prifes feront jugées par des
s» ordonnances qui feront rendues par M. l'aini
« rai , & par des commiflaires choifis & nommés
j» par fa nnijefté , pour tenir confeil près de lui.
o M. l'amiral & lefdits commiffaires connoîtroat
M en outre les partages des Prifes , & de tout ce
M qui leur eft incident , même des liquidations gé-
>» nérales ou particulières , & des comptes des dé«
Commandant un vaif-
^ feau .
le capitaine Ael Commandant une frc-
vaifleau • • -J gâte
^Employé en fécond ou
Le lieutenant de
vaifleau . . .
Le capitaine de
btûlot, l'enfeigne
de vaiffeau & le
lieutenant de fré-
gate . . . •
autrement .
Commandant une fté-
gace ou autre bâti-
ment . . . Deux.
•Ne commandant pas. Une.
Cominandaiit un bâti-
ment . , , Une.
Cinq.
Trois 6* demie.
Deux.
Ne commandant pas. Une demi- fart
j ç Commandant un bâti-
i ment . . .Une demipir
'Ne commandant pas
L'aumônier . , . ,
Le chifurgien major
Le capitaine
Flûte.
Le garde du pavillon ou de la marine ,
Le garçon major ,
Le porte drapeau , f marine.
Le garçon major , Ldes troupes de
y,
^
Un çMJrt de part.
Un quarr de parr.
Un quart de part.
A chacun un hui
tième de part.
A chacun
Quacre parcs.
Les officiers ^ui auront été avancés pendant une campa-
gne , n'auront, jufqu'à la fin de la campagne , que les parts
attribuées ci-defTus à leur premier garde.
9. Les deux tiers appartenins aux équipages, feront répar-
tis comme il fuit :
Savoir:
Au fourrier du corps royal d'infan-
terie de la marine , faifant fonc-
tion de capitaine d'armes . .
Aux premiers maîtres d'équipages .
Aux premiers pilotes . .
Aux piemiers maîtres canonîers .
Au premier fectétaire de l'officier
chargé du détail général , fur le
vaiffeau monté par un officier gé-
néral commandant en chef. . .
Aux fergens du corps royal d'infan-
terie de la marine . .
Aux premiers maîtres charpentiers.
Aux premiers maîtres calfat» .
Aux premiers maîtres voiliers .
Aux féconds maîtres d'équipages .
Aux féconds pilotes
Atix féconds maîtres canoniers •
Aux pi.'ores-côiiers
Aux féconds chirurgiens
Aux fecréraires des officiers charges,
du déiarl . •
Aux féconds maîtres charpentiers
Aux féconds maîtres calfats . .
Auf féconds maîtres voiliers .
Aux centre-maîtres • •
Au\ bofleiuam • » •
A chacun
Trois parts.
A chacun
Deux parts b' demi'!.
PRISE.
» poutaires, comme aufli des échouemens des vaif-
» kaux ennemis , circonftances & dépendances ,
Aux caporaux du corps toyal i'infan-
teiie de la marine . .
Aux quatiiers maîtres ,
Aux patrons de chaloupe .
Aux patrons de canot
Aux aide-pilotes . . . .( A chat un
Aux aidecanoniers . . .V, Deu.v parts.
Aux aide charpentiers
Aux aide caifars . .
Aux aide-voiliers . .
Aux aide-chirurgiens
Aux apothicaires .
Aux maîtres armutiers •
Aux appointés du corps royal d'in-
fanterie de la marine .
Aux timoniers . . .
Aux gabiers
Aux commis du munîtionnalre , maî- V A chacun
très, valets , tonneliers, bouchers, / Untpart (j demie,
boulangers &: coqs , . .
Et à tous autres officiers non mari-
niers jojilldnt de \i. ration & de-
iv:ie ....
A chaque volontaire-navigateur des-v
deux clatTes . . . . f
A chaque matelot . . ,\ Une part,
A chaque foldat , tambour & mufi- l
cien .... ,J
A chaque novice . . .1 Trois quarts de part.,
A chaque domertique . . • K f ne demi part.
A chaque mouire . • . •
10. Les officiers des troupes de terre embarqués fur des
vaifleaux ou autre» bâtimens de fa majelié , ou fur des bâti-
mens de tranfport frétés pour le compte du roi , & aimés en
guerre, auront part aux Prifes félon leurs grades correfpon-
dans avec ceux de la marine ; & les bas-officiers & fo.'dats
des mêmes troupes fero^nt traités comme ceux du corps royal
d'infanterie de la marine.
11. Les équipages des bâtimens marchands emp'oyés à la
fuite des efcadre' , frétés pour le compte de fa majcfté , armés
en guerre , &: dont les capitaines feront pouivus , pour le
voyage , d'un brevet d'un grade quelconque dans la matioç ,
auront pareillement part aux Prifes ;
Savoir:
Dans le tiers appartenant aux officiers.
Le capitaine . . . • Une demi'pârt.
Et dans les deux tiers attributs aux équipages.
Le fécond capitaine . Qvazre parts.
Chaque lieutenant Trois parti.
Qhaquc officier marinier ..... Deux part!.
Chaque matelot . . .... .Une part.
Chaque novice Trois quarts départ
Chaque moufle Une demi-parr.
11. Lorfqu'une armée navale ou efcadre fcia à l'ancre danî
un port , s'il en eft détaché , pour établir des croilîères , me
efcadre ou divilîon , & que ce détachement fade des Prifes ,
le tiers dans la patt du produit abandonné par le roi à les
officiers & équipages, & dans les gratifications , fera dévolu
de droit aux vaifTeaux détachés, fans partage svec le rele
de l'armée ou efcadre ; & les deux autres tiers feront remis
à la mafTc gêné aie du produit des Prifes , pour être partages ,
tant entre les vailTeaux qui avoient été détachés , qu entre
ceux qui ctcient reliés à l'ancre ; mais le produit des bâti-
mens qui feront pris par quelques décachcmens de l'armée na-
PRISE.
» le tout fans qu'il (bit befoin de procureur pour
« fa majefté en ladite commiflion.
vale ou efcadrc , en pleine mer, foit i>ac une fuite de chafTe
O'J .luci'ement , appariiendra en commun à i'arra:e nivale ou
efcaJre , confornicment aux articles 1,1 3c 7 ; Ijns aucune
«iilttaction en faveur des vaiireaux qui auront fait lefditcs
Ptiles.
Ij. Lorfque les corfaires ou armateurs particuliers auront
Été tequis par les commandans des efcadret , viifleaux ou fré-
tâtes de fa majellé , de fortic avec tux des porcs ou de les
joindre à la mer; dans ce cas feulement , leldiis corfaires
participeront au produit des Prifes fie aux ^ratihcations , pen-
dant le temps qu'ils ieront attachés à l'efcadre ; & leur part
fera lîxte luivant le nombre de leurs canons montés fur aftùts ,
fans avoir égard à leurs calibres ni à la force des équipages ,
fie prapOitionnément au nombre des canons des yailTeaux &
autres bâtimens de fa majellé, avec lesquels ils auront fait
efFciïivement lefdites Prifes : de forte que û , par exemple ,
Je coifaire étoit de vingt canons , & que la divifion des vail-
fe-iUÂ du loi fût conipofée d'un vailleau de foixante quatorze
cinons, d'un de foixante quatre & d'une frégate de trente ,
il feroit fait cent quairc-vingt-huits parts , dcfquelles , cent
foixantehuit appattiendtoient à la divifion , & les vingt au-
tres reliantes feroient abandonnées au corlaire.
Dans le cas où lefdits vaiffeaux ou autics bâtimens de fa
majeiié auroient été détachés d'une armée nivale ou efcadre
inouillce dans un port ; la part qui reviendra auxdiis corfaires
fera réglée comme ti les vaiffeaux détachés formoient à eux
feuls une efcadce particulieie, fans avoir égard aux vaifTcaux
qui, étant tcltés à l'ancre 1 n'auroient pas contribué à la
Prife; &: la part qui reviendra aux vaiffeaux de fa majefte
fera partagée entre eux , conformément à l'article 1 1.
14. Dans tous les cas où lefdits corfaires particuliers,
n'ayant point été requis de fe joindre aux vaiffeaux de la
najefté , feront des l'rifes à la vue defdits vaiffeaux ; ces
Prifes appartiendront en totalité auxdits corfaires , qui , de
leur côté , ne fcjont admis à aucun partage dans les l^rîfes
que les vaiffeaux de fa majelté pourrcient faire à leur vue.
T^. Sa maielté voulant pourvoir au Ibrt des blciî^» & à
celui des veuves 6c enfans des gens de mer tués dans les com-
bats, ordonne qu'au reiour de cha^iuc campagne , il Icra ar
rété par les confeils de marine établis dans les ports, un état
des gratifications qu'il conviendra d'accorder à ceux qui au-
ront été blcff.sdans les combats, félon le genre de leurs
bleffures , ainfi qu'aux veuves & enfans de ceux qui auront
été tués ou qui feront morrs de leurs blelFures , indépendam
ment des demi fol ^es ou penfio.is qui feront accordées , tint
aux bleffcs qui , par la fuite de leurs bleffures , feront edro
pies & hors d'écai de fervir , qu'aux veuves dont la fuuation
exigera ce fecours.
16. Le tréforier des invalides de la marine fera recette par-
ticulière du tiers du produit des navires marchands pris (ur
les ennemis , dont fa majellé a lait l'abandon à la caifle def-
dits invalides ; ôc dépenfe particulière des fommes que ladite
eaiffe fera tenue de payer , tant pour les évaluations &:grati
flcations portées par les articles 3 , 6 & 1 5 , que pour les gr. -
tiiîcations extraordinaires que fa majefté fe réferve d'accor-
der pour les artions qui feront de nature à mériter des récom-
penfes particulières.
17. Enjoint fa majefté aux commandans de fes vaiffeaux,
£c autres officiers de fa marine , de fe conformer cxadement
à tout ce qui eft ptefcrit par les différentes ordonnances fur le
fait des Prifes ,&: notamment par celle du 5 janvier ij6o ,
qui leur ordonne, ainli qu'à ceux qui ieront détachés pour
amariner des Prifes, d'en faire dans les vingt-qua're heures ,
aux greôes des amirautés des ports où ils les conduiront
une déclaration en forme & circonftanciée , fous peine , con-
tre ceux defdits officiers qui ne déclareront pi^ les vaiffeaux
ou autres bâtini;ns en piéfcnce de^^iuels les Fàfes auront été
PRISE. É47
» i. Les commiflâires s'afl'embiefont dans la
» maifon de M. l'amiral, même en (on abfence,
'> & lefdites aflemblées fe tiendront les mercredi
»> de chaque femair.e après midi , &. même plus fou-
») vent , s'il eft nécefiaire, aux jours & heures qui
»» feront indiqués par M. l'amiral, & le fecrétaire
» général de la marine y aura féance & voix dé-
» libérative.
i> 3. M. l'amiral préfidera audit confeil , & , s'il
n y intervient partage , fa voix prévaudra ; mais
it s'il eft abfent , l'affaire fera reinife au confeil
»> fuivant ; & s'il eft en voyage ou dans le cas
w de maladie, il fera rendu une ordonnance de par-
» tage ; ledit partage fera vidé au confeil royal des
" finances en la même forme que les appels des
» ordonnances dudit confeil des Prifes.
». 4 La diftribution de toutes les affaires , même
» des fimples requêtes , fera faite par M. l'amiral ,
» à ceux d'entre tous les commiftaires qu'il jugera
» à propos ; 6c en fon abfence, par le plus ancien
» des commiftiàires qui préfidera audit confeil.
V 5. En cas qu'il y ait lieu de prononcer des
» tiOmmages & intérêts, ou d'ordonner des efti-
» mations , M. l'amiral & les commiftàires pour-
» ront les régler & les arbitrer à une fommefîxe,
» fuivant l'exigence des cas ; & s'ils jugent nécef-
» faire d'ordonner que les eftimations ou liquida-
j> tions foient faites par experts , ils commettront
3» les officiers de l'amirauté pov^.r recevoir les rap-
» ports defdits experts , & donner leur avis , pour ,
5) fur le tout, être, par M. l'amiral & les com-
» mifl^aires , ordonné ce qu'il appartiendra.
V 6. Les requêtes préfentées au confeil des Prifes
» feront adreifées à M. l'amiral feul , 6^ les ordon-
•» nances dudit confeil feront intitulées en for»
)) nom ; le rapporteur écrira de fa main ce qui
» aura été jugé ou ordonné, & les minutes des
» ordonnances feront (ignées par M. l'amiral fur
H la première colonne, ti fur la féconde, an moins
» par cinq des commiffaires qui auront alfifté au
» jugement ; enforte qu'il n'y ait fur la première
I» colonne que la fignature de M. l'amiral , & fur
» la féconde celle du rapporteur, & au-deflTous
» de fa fignature , celle des autres Commiftaires ;
» en l'ablence de M. l'amiral , les ordonnances
» feront intitulées en fon nom , & fignées en la
» manière ordinaire.
j> 7. Lorfque le capitaine du vaiffeau-preneur ,
faites , d'être privés de la parc qu'il leur en reviendra. %
Mande & ordonne fa majefté à M. le duc de Penthîèvre
amiral de France, aux vice-amiraux , lieutenans généraux
chefs d'efcadre , capitaines &: autres officiers de fes vaif-
feaux , commandant fes vaiffeaux , frégates i3c autres bâti-
mens ; aux commandans des ports , aux intendans de la raa-
tine , commiffaires généraux des ports & arfenaux , ordon-
nateurs , aux ofticiers des fiègts d'amiraurés , & à tous autres
qu'il appartiendra, de tenir la main , chacun en droit foi à
l'exécution de la préfente ordonnance.
Fait à Verfailles, le a8 mats 1778,
5' i^ne, LOUIS. Et^lut bas , de. SARXiNE.
043 PRISE.
n on l'afficler chargé de la conduite deS WiCus ,
'» feront leur rapport devant les officiers de l'arni-
" ratité , ils feront tenus de leur remettre le fac
» cacheté contenant les pièces trouvées à bord du
» bâtiment pris, conformément à l'article 40 de la
« déclaration du 24 juin dernier ; & après que les
« cachets auront été reconnus fains & en bon état,
» ils numéroteront & parapheront lefdites pièces
» par première & dernière, en préfence du lieu-
» teiiant de lamirauté, qui les paraphera pareiUe-
1» ment, ainfi que le capitaine ou le principal of-
» ficier du bâtiment pris ; Sc.celles qui feront écrites
u en langue étrangère, & dojit la traduflion pourra
" être utile , feront défignées par numéros dans le
« procès-verbal de la remife qui en fera faite par
» le juge à l'interprète.
» 8. Lefdits capitaines du vaifTeau-preneur , ou
« ; lofiicier chargé de la conduite de la Prife , feront
vin-terptllés par le juge de l'amirauté qui recevra
•» leur déclaration , d'élire domicile dans le lieu
?> du fiége de l'amirauté oîj la Prife fera conduite ,
» ainfi qu'à la fuite du confeil ; & , en cas de re-
M fus , le juge leur déclarera que l'enregi/lremenr
»> fait au greffe de l'amirauté , tant de l'ordonnance
» du confeil des Prifes qui prononcera fur icelles ,
" que de tel autre né\e qu'il conviendra de fjgni-
» fier ou communiquer , vaudra fignification ;
*» mêmes interpellations i^ déclarations feront fai-
» tes par ledit juge au capitaine, ou à fon défaut
» au principal ofiicier du bâtiment pris , lorfqu'il
» procédera à leur interrogatoire.
"9. Les inftruéVions concernant les échouemens
» des bâtimens ennemis , les Pri/"es & partages
1' d'icelles, circonilances &. dépendances , feront
" faites par les officiers des amirautés dans le ref-
" fort defquelles les échouemens feront arrivés ,
" & les Prifes feront amenées fuivant les formalités
" prefcrites par les ordonnances , arrêts & régle-
" mens, notamment par la déclaration du 24 juin
" dernier , foit que les Prifes aient été faites par
^» des armateurs particuliers , foit qu'elles aient
>» été faites par les vaiflcaux de fa majeflé , en quel
" que nombre qu'ils aient été, fans qu'en aucun
'> cas les ofnciers de l'amirauté puilfent les juger.
j» 10. Lorfque les marchandifes compofant le
» chargement des Prifes, feront fujettes à dcpé-
" ri(Temcnt , ou lorfque lefdites Prifes feront conf-
'» tamment ennemies , fuivant les pièces du bord
■' Se les interrogatoires des prifonniers, les offi-
» ciers des amirautés pourront , avant qu'elles
-■» foient jugées de bonne Prife , ordonner la vente
" d'icelles , pour prévenir la diminution de leur
» prix.
» 1 1. Les greffiers des fièges des amirautés en-
n verront au fecrétaire général de la marine ,
V ainfi qu'il eft prefcrit par l'article 43 de la déclara-
»j tion du 24 juin dernier , les procédures d'inf-
» truffions & toutes les pièces trouvées à bord des
» Prifes ; & le fecrétaire général de la marine
M tiendra exactement regiure de touteç lefdites
PRISE.
I H.procédiires &dujour qu'il les aura reçues, &
» il fera procédé dans la huitaine au plus' tard, à
5> la dillnbntion portée par l'articli; 4 , & les piè-
» ces feront remifes au rapporteur dans le jour
» fîiiranr.
»' 12. Huit jours après la remife defdites procé-
» dures au commiifaire-rapporteur , dont il fera
» fait mention en marge de la première pièce , la
» Prife fera jugée, fi elle n e/t pas réclamée par
» aucun avocat.
» 1 3. Les avocats qui occuperont pour les récla-
» mateurs , ne pourront prendre communication
» des procédures, s'ils n'ont préalablement pré-
» fente au fieur commiiïaire-rapporteur une pro-
» curation en forme , ou celle qui l'aura été aux
>» officiers de l'amir-iuté, laquelle procuration lef-
'> dits avocats fjgneront & remettront entre les
» mains dudit fieur commiffaire-rapporteur qui la
» paraphera, flnon toute audience Ôc communica-
» tion leur fera déniée.
» 14. Huitaine après que le réclamateur aura
» donné fa requête , l'armateur fournira fa rê-
» ponfe , & le ré>.îamateur fa réplique , dans un
» pareil délai , après lequel aucune requête ni
» pièce ne pourront être reçues par le commhfai-e-
»> rapporteur, que de l'avis des fieurs commiffai-
» res , dont mention fera faite par le rapporteur ,
» en marge defdites requêtes Se pièces ; & il fera
» procédé au jugement de la Prife fans aucun re-
» tardement.
» 15. Les requêtes feront datées parles avocats,
» & reçues par une ordonnance du commifiaire
» rapporteur, fans que les avocats puiffent pren-
» dre plus d'une fois par fes mains, & fans dé-
" placer , communication defdites procédures &
>' pièces ; ils feront tenus de faire mention au bas
" des requêtes ,& furledoffier des procédures,
') de ladite communication, & du jour ou elle
'> leur aura été faite.
» 16. A l'égard des Prifes qui feront conduites
»> dans les colonies françoifes & dans Içs autres
» établiflemens dépendansde la France , oti il y a
>» des fiégcs d'amirauté, les inAru<51ions & procé-
!» dures feront faites par les officiers de l'amirauté,
» delà même manière que dans les amirautés du
" royau.me;ils enverront, fans aucun retardement,
» la gron"e de chaque procédure & les pièces y
» jointes , au fécrctaire général de la marine, pour
" y être fait droit par M. l'amiral Si. îefdirs fieurs
» commiflaires ; fans qu'en aucun cas les juges
» defdites ami.fautés puiiTent les juger ; mais ils
» donneront leurs avis fur la validité ou l'invali-
» dite de h Prife, circonflances & dépendances ,
» dont ils joindront une expédition à la grofTe
» de la procédure; & attendu que les pièces ori-
» ginales pourraient être perdues par naufrages
j> ou Prifes des bâtimens fur lefquels les officiers
» de l'amirauté les auroient envoyées, ils fercnt
»> obligés de garJer des copies collationnées def-
» dites pièces originales , S: de les joindre aux
» miaiues
PRIS E.
I» mînines de la procédure, pour y avoir recours
>» en cas de befoin : pourront néanmoins les g.ni-
» verneurs généraux à inrendans ou ordonnateurs
» dcidites colonies, ordonner, fur le vu de la
n procédure , l'exécution provifoire , de lavis des
» oiHciers des amirautés ; à rexception toutefois
n des Prifes faites fous pavillons neutres; pour
V lefquelles ladite exécution provifoire ne pourra
*> être ordonnée que fur la demanda de l'une des
>> parties , & à la charge de donner bonne 6c fuf-
n fifante caution, qui fera reçue par les officiers
»> des amirautés : & en outre , à condition que la
» partie qui aura demandé l'exécuiion demeurera
» refponfable des dommages & iiltérê:s.
» ij. Celui qui fera commis pour greffier du
j» confeil des Prifes , drefîera les ordonnances , fi-
» gnera les expéditions en parchemin , & fera tcu-
» tes les fondrions concernant le greft'e , fans néan-
» moins avoir entrée & féance audit confeil , con-
» formément à l'arrêt du 13 août 1707. lUéra tenu
» d'envoyer les jugemens dudit confeil aux ofRciers
>» des amirautés, huit jours après la date d'icet!x,&
>♦ s'il furvenoit des incidcns , de quelque nature
>» que ce foit , fur l'exécution defdirs jugemens,
« les officiers ;de l'amirauté en drefferent procès-
» verbal, qu'ils enverront, avec leurs avis, au
»> fécretaire général de la marine , pour y être fait
n droit fur le champ par M. l'amiral & lefdits fieurs
« commifTaires.
» 18. Les appellations des ordonnances ren-
M ducs par M. l'amiral & lefdits fieurs commiflai-
>» res, feront portées au confeil royal des finan-
» ces, auquel M. l'amiral affilera, & prendra le
« rang que fa naiffance & fa charge lui donnent.
» 19. Lefdites appellations feront jugées audit
»? confeil royd , fur les conclufions du procureur
» de fa majedé audit confeil pour les Prifes, foit
» qu'il interjette appel des jugemens du confeil
}> des Prifes , dans lefquels fa majefté fera inié-
« refl"ée , foit qu'il défende aux appels interjetés par
» les parties , & également fur fes conclufions
« pour les affaires qui ne concerneront que des
>» particuliers, à l'effet de quoi il pourra prendre
« communication de tous les jugemens qui auront
« été rendus par M. l'amiral & lefdits fieurs com-
» miffaires.
» 20. 11 ne pourra être appelé defdites ordon-
» nances, après fix mois du jour de leur fignifi-
j> cation aux domiciles élus , en exécution de'l'ar-
3> ticle 8 ci-de/Tus; ou à défaut d'éleaion de domi-
M cile, après fix mois du jour de leur enregiftre-
» ment aux greffes des amirautés.
>»2i. Les avocats qui auront occupé au confeil des
V Prifes feront tenus d'occuper également fur l'ap-
» pel du jugement qui aura été rendu ; & fera
j> tenu l'appelant de fournir fes moyens & d'ache-
» ver fa procédure dans fix femaines pour tout
î> délai , après lefquelles il ne fera plus reçu de
>» requêtes , ni fait autre aéle de procédure , 8c
» Tinilance fera jugée fur ce qui fe trouvera pro-
T&ne XIIl.
P R îiE.
649
» dult alors , s'il n'en a été autrement ordonné par
3> fa majefté.
» 22.. Il ne pourra être interjeté appel des H-
» quidarions générales & particulières, que dans
» l'année de la date defdites liquidations, & par
» uac requête préfentée au con(éil royal des fi-
j) nances, qui contiendra fommaireinent les moyens
11 d'appel, & fera remife au procureur de fa ma-
)) jeflé pour les Prifes, pour , fur fes conclufions,
» être fait droit fnr ladite requête, ainfi qu'il ap-
» partiendra; mais , dans tous les cas, l'appel (era
>i périmé, s'il n'efl jugé dans les deux ans de la
n dnte de l'arrêt , par lequel ledit conleil royal des
»> fin?nces aura ordonné le renvoi au confeil des
» Prifes, fans que l'inflance piiiffe être perpétuée
» par aucun moyen.
« 23. Le fécretaire d'état ayant le département
» de la marine, rapportera feul audit confeil royal
n les affaires qui y feront portées par appel , ainfi
» que les oppofitions ou les incidens qui pourront
)) s'y préfenter ; & feront par lui expédiés en com-
'» mrtridement les arrêts qui y feront rendus au
» fujet defdites Prifes.
M 24. Veut au furplus fa majeflé que les ordon-
» nances arrêts & réglemens fur le fait des Prifes,
>i foient exécutés pour tout ce qui n'eft pas con-
» traire au prcfent règlement , lequel fera lu, pu-
)) blié & enregiffré dans tous les fiéges des ami-
i> rautes (1) »,
( I ) l.e roi voulant faire jouir fes fujets qui arment en
coiiiie, àci avantages exprim.s par les rigleincn»; p^cc';^em-
meni faits , foit pour alfuier aux oâtimsni aniii s en fourfe ,
des exemptions de droits fur les vivres, proviiions & objets
fervant à Ja conltruâion , équipement &: arineuient de ces
bâtmiens , foit pour accorder aux niarchandi'es provenant
ces Prifes, Jes faveurs dont elles font fufcefiibles , a rendu
en fon confeil d état, le 17 août 1778 , un arrêt de téglement
ijui contient les difpofuions fuivantes ;
Article 1. Les navires uniquement armés pour la courfc
jouiront, conformément à l'atcicle premier de la déclaration
du 14 juin dernier, de l'exemption des dioits de traites
fur les vivres, vins, eaux devic &: autres boiflons fervant à
leur avitaiiicment, ainli que furies bois, goudron , cordages,
ancres, voiles, armes, munitions de guerre^ uftenfiles &:
toutes maichandifes gétiéraieinent fervant à J,i conilrudion ,
iquipeinent, & armement defdits naviti-s ; bc cett.: exemp-
tion n'aura pas lieu pour les marchan ifts auires que celJes
ci-deflus mentionnées qui pourroient être embarquées,
2. Ciiaque armateur pout la coutfe feri tenu de rcpréfenter
au bureau des fennes , du port de l'armemenr, la commiil:oii
en guerre qui lui aura été accord<;e par M. l'amiral , & d"y
renicrrre un dupliava du rôle de fon équipage, certir'é par
le coimr^iflairc de la marine ou autre oflicicr charge du bu; eau
des dafics.
«. 11 ne pourra être embarqué, en exemption de droits,
fur chaque navire armé en cotirfe, conformcment à fatticlc
II de Ja déclaration du 24 juin dernier , une | lu'; forte pro-
vifion de vins & eaux-de-vie que pour quatre mois. S: dans la,
proportion fuivante; pour chaque hoinme d'iquipage , ou
trois quarts de pinte de vin , nieiuie de Paris , par jour, ou
l'cquipollent en eau de vie , à raifon du quart de ce qui clt
accordé en viu peur les ofiîciers mainicrt , ou une ration «Sj
demie devin , aulii par jour , ou l'équipo'lent en eau de vie ,
aulTi à raifon du quart; chaque volontaire (ea. réputé hoia«
N n n n
éjo PRISE.
L'article 34thredes Prifes de l'ordonnance de
la marine du mois d'août 1681 , défend aux of-
me d'équipage , & deux moufles ne feront comptés que pour
un feu!.
4. Au retour dj navire dans le port d'où il fera parti, il
fera fait , par le fermier ou fes prépofés , un reccnfement de
to'js les vins &r eaux de-vie qui s'y trouveront encore en na-
ture , dont il fera drefC: procès-verbal ; & ce «jui aura été con-
formé au-dcla de la quantité ci-deffus réglée , proportienné-
n:isnt au temps de la courfc , fera fujet aux droits, fans que
pour taifon du déchet ou coulage , & fOHS queiqu'autre pté-
tc-ae que ce foit, il puifFe être fait aucune dinjinution, de
quoi il fera pris fouiniflion Se caution au bureau des fermes
avant le départ.
^. Les vins & eaux-de vie qui auront été embarqués en
exemption des droits pour h coutfe , & qui n'y auront pas
éé confominés , ne pourront demeurer à bord plus de trois
}ours après le retour dans le port du départ , lequel temps
}-allL-ils feront déchargés: néanmoins il fera libre à l'arma-
teur qui voudra remertre en mer le même bâtiment, de les
lai (Ter à bord après l'expiration de ce délai , à la charge par
Iiti de faire fa dtclaration de la quantité qui lui en tellera,
tant le iour de l'arrivée de fon navire , que lorfqu'il le remet -
ttj en mer; laquelle déclaration le fermier pourra faire véri.
fier par fes comuiis , pour être ladite quantité imputée fur
celle dont l'armateur pourroit avoir befoin pour un nouveau
yovage.
S. Le» navires qui reviendront dan» un autre port que
celui où ils autont aimé eu courfe , ne poutront y décharger
aucuns vins ni eaux-de- vie, qu'en payant, par l'armareur ou
capitaine, tous les droits dus au lieu du départ ,& ceux dus
au port où ils auront abordé ; fi ce n'eft dans les cas forcés
d'une vilîte ou d'un radoub , dans Icfquelî cas l'armateur ou
capitaine fera tenu de faire la déclaration au bureau des fer-
mes, fc d'entrcpofer fe* boilléns fous la clef du fermier, fi
le commis l'exige.
7, En cas de fraude reconnue , faite fous l'apparence de
la coutfe , foit par un co iimerce de vins fie eaux-devie , foit
par un verfemeni fur les cotes du royaume ou aucrersent ,
i'annateut ou le capitaine fera condamné à une amende de
ijois mille livres, qui ne pourra être remife ni modtrce,&:
au payement île laquelle les navire , agrès Se apparaux feront
atfedlé* par piivilège , fans préjudice à la contrainte par corps
contre le capitaine.
8. Le» twarchandifes de Prifes, de quelque qualité qu'elles
foient , pourront entrer & être déchargées dans tous les ports
du royaume où aborderont les vaifTeauJC irmés en courfe , no-
nobfttnt les arrêts °>: leglemens qui ont prohibé ou hxé par
certains ports ou bureaux , l'entrée des dilfétcnces efpèces de
sna'chjndiles.
o. A l'arrivée de chaque Prife dam le port où elle fera con-
duite, l'adiudicataire gtn.ral de» fermes de fa majefté , ou
fon prépofe , aura la faculté d'envoyet des commis Se
garde» fur le naviie, pour le furveiller en la jnanière ac-
coutumée. ^
10. Le direâeur Je» fermes , s'il j en a un , ou , a fon dé-
faut, le receveur defdites fermes, & en leur abfeiKe ou en
cas d^' empêchement quelconque, celui des prépofés des termes
qu'ils auront commis à cet effet , fera appelé pour affiftet au
«ro ce»- verbal de l'état de la Prife , Se à l'appoiition des fcellcs
de Tamirauré fur les écoutilles ; comme auiïî à la levée deC-
diisfcelté», aux inveneires , ventes & adjudications des Pri-
fe» , & i la figrtaruredel procès-verbaux qui en fetonr drefiè» ,
fc dont il lui fêta délivré des copies aux frais du fermier.
Fait fa tnajefté{:rès exprefTes inhibitions &i défenfes aux offi-
ciers dés amirauté», de procéder, fous quelque pt<?cexte que
ce fort, à la levée des fcellés , auxdits inventaires , ventes &
aJittdTcations des Prife» , iSc à la lignature defdits procès-ver-
bauy , «lu'en pi:cf«nce defdn* conuuis des feimes ou eux du-
PRISE.
fîclers de l'amirauté de fe rendre adjudicatairoç
direâement ou indireSement des vaifTeaux, mar-
mcn: appelcs , à peine d'en demeurer refponfables en leur
propre & privé nom , Se de tous dommages &c inréréis.
II. Il ne fera déchargé aucunes marchandifes des Prifej
ni des yaifleaux armés en courfe, qu'en préfence des commit
des fermes. Le» marchandifes feront mifes en magafm aux
dépens des armateurs, &: ce magalîn fera fermé à trois clefs ,
dont l'une demeurera entre les mains du greffier de l'ami-
rauté , une féconde en celles defdits commis Je» ferme», &
la troifième fera remife à l'arnuteur.
1 1. N'entend fa majellé alîujettir aux fotmalités portée»
pat les articles 5 , 10 & 1 1 du préfent règlement, les port»
de Marfeille Se de Dunkerque, qui feront maintenus dans
leuts franchifes, en obfervant ce qui eft prefcrit à leur égard
par l'article 19 du ptéicnt règlement.
I). Les navires ftanqois , repris fur les ennemi», & con-
duits direclement dans les ports du royaume, fans avoir tou-
ché à aucun port étranger, ne feront pas fujets aux difpofi-
tions du préfent rcglemcnt ; Je les marchandifes compofanc
les cargaifons , feront traitées, dans les bureaux des ferme»,
comme celles de tous navires qui , dans fes temps ordinaire»,
n'ont pu , par cas de force majeure, fuivre leur deftinarion ,
de font forcés de rentrer dans un des ports du royaume.
14. Les marchandifes dénoauméc» au préfent article conti-
nueront à être prohibées. Se l'adjudication n'en pourra être
faite qu'à la charge du renvoi à l'étranger, & fans pouvoir
être expédiées pour les colonies franijoiles : favoir , étoffe»
de foie des Indes , de la Chine ou du Levant , écorces d'ar-
bres, mouchoirs , de foie Se de coron , mouflelines & toile»
de coton blanch;;s , toiles peintes ou teintes , glaces de mi-
roirs , fel éttangets & tout fel de falpètrc Se de verrerie, ta-
bacs de toutes forres ; les draps Se couvetrures de routes fortes,
de laine, fil, foie, poil ou coton; les brocards , velours,
damas, taffetas Se autres étoffes Se rubans d'or, d'argent.
Se de foie , les bas & ouvrages de bonneterie de toute»
fortes , le» chapeaux de touies fortes^ & le» tajfias os
guildives.
Le roi ayant été informé qu'on abufoit de la facilité accordée
par cet article , pour charger fous voile ou en peys étranger
des marchandijes d'ori'^ine unglaife , qum importait enfuits
fous la qualification de marchandife dt Prife , che{ les natiosr
alliées de la France, fa majeflé artniu enfin anfeil , le ^mai
17S1, un arrêt par lequel elle a ordonné que toutes les marchan-
difes dont on vient déparier ,(y dont V adjudication ne fertit faîte
qu'à la charge du renvoi d Vétran^tr, ne pourroier.: forrlr des
ports du royaume , qu'autant qu elles feraient ae{ompagné(S
de l'extrait du procès-verbal de vente fait par l'amirauté, ou
par l'intendant ou l'ordonnateur dt la marine , dûment certifié
par le greffier ou par le contrôleur de la marine , tr vifé par
les receveur 6* coittrMeur du bureau des fermes. Le même ar-
rêt a défendu o::x commis ou prépofés dt l'adjudicataire d^s
fermes, d peine de deflitutim, & de plus p-ande peine, le
cas échéant, de laijftr exporter aucune partie des marchan-
dises dont il s'agit , avant que ce: formalités tujfent été
remplies.
I V, Les adiudicataites des marchandife» prohibée» pat
l'article ci-defTu» , autont un an de délai , à comptct du j«at
de l'adjudication , pour les faire paffer direftcment â l'étran-
get, &, pendant ledit temps , elles demeurei ont reiifermées
dans le m.igafin, comme il eft dit à l'article Ii ,&, aprè*
le terme d'un an , il y fera pourvu pat fa majellé , ainfi qu'il
appartiendra.
16. Le renvoi do fel i Pcrranger, Se du tabac à l'étranger,
fe fera ditet>ement par mer; pourra néanmoins l'adjudica-
taire général des fermes, comme ayant le privilège exclul'ff
du tabac , diipofcr à fon profit du tabac des Prifes , qui Lui
aura été adjugé,
»;. Les autres marchandife» prohibée» pourroat être enr
PRISE.
cnandiles & autres cffvits'provcnans des Prifes , a
pein- de confifcation , de 1500 livres d'ainentle,
& d'intcrdidion de Isurs charges.
▼oyées pir terre i l'étranger, par forme de tran(ît , à traveï s
le royaume , fans payer aucuns droits , & fous la condition
de pallec & fottir par les ports ic bureaux ci-aprci dé(îgn.s ,
& à l'exclulion de tous autres ; favoir , pour ce qui fortira du
royaume par mec, par Dunketque, Calais, Saint-Valery ,
Dieppe, le Havre, Honrtcur, Saint-Milo, le Port-Louis ,
Nantes ic Paimheuf, la Kochclle , Bordeaux, Bayonne ,
Cette , Agde Se Marfeille ; Se à l'égard de ce qui fortira par
terre pour l'Efpagnc , par lei bureaux de Rayonne, Pas de-
Behobic, Afcain &: Ainhoa; pour la Savoye , par les bu-
reaux du Pont-de Beauvoiiin & Ghaparillan ; pour Genève
& la Suifle , par les bureaux de Seiflel & Longetay, ou par
les bureaux d'Auxonne ; & d'Auxonnc , par celui de Pont.ir-
lier , fuivant la deftination; pour les Pays-Bas &: pays de
Liège , par les bureaux de la balfe ville de Dunkerque , Lille ,
Valencienne , Maubeuge , ôc Givet;dans lefquels bureaux
les commis délîgneront, en vifant les aequits à caution de
tranlit qui leur feront préfentes , le dernier bureau de la fron-
tière par où les marchandifes devront fortir , fuivant la route ,
& par le côté de Luxembourg, pat Torcy , &: de -là par
Sedan.
iS. Les marchandifes prohibées ne pourront fortir de';
porcs où elles auront été amenées pour être envoyées à l'étran-
ger , qu'en préfence du commis du fermier , pardevant lîquel
elles devront être reconnues ic conduites au vaifTeau , li elles
luttent par mer, ou chargées fur les voitures , fans que celles
qui fortirout par mer p-iîfTent être eiitrepofécs dans aucun
pou intermédiaire. A l'égard des fels Se des tabacs , dont le
renvoi à l'étranger j comme il e'.l dit article 16, ne pourra
ccrc fait que par mer, ils feront pareillement reconnus &:
conduits au vaifTeau.
19. Toutes les marchandifes de Ptîfes, autre» que celles
«i-deirus ptohibées, auront la faculté de pouvoir être en-
voyées, fans payer aucuns droits, direfteiuent du po.t de
J'aJjudication à l'étranger ; elles jouiront aulfi du béné:ice
du tranfit au travers du royaume, en pafTant &: fortant par
les bureaux délîgnéf en l'article 17, à l'exclufîon de tous au-
tres ; &: en attendant qu'elles foient dellinées & expédiées ,
elles fctont enfermées dans les magafîns , ainlî qu'il eft dit à
l'article ii. Lefdites marchandifes pourront également être
expédiées pour les colonies fran(^oifes , foit directement du
port de l'adjudication , foit en les envoyant dans un port in-
termédiaire ; Se ce tranfport pourra fe faire , ou par mer ou
par terre , en remplilTant les formalités ordinaires ; mais ,
dans ce dernier cas , elles feront , à leur arrivée dans le port
interniétliaire, renfermées jufqu'à l'expédition , dans les raa-
galîns fous la clef du fermier.
20. Lefdites marchandifes permifcs ne pourront demeurer
dépofécs au magadn , fans delUnatîon & expédition , ^jIus
de fix mois , à compter du jour de l'adjudication , ap-és le-
quel terme les droit en feront acquis &: payés au fermier par
lc.\ adjudicataires ; veut néanmoins fa majellé que celles def-
dites marchandifes permifcs qui feroient déclarées pour les
colonies françoifcs avant l'expiration des fix mois d'cnttepot ,
jouifîent encore de fix autres mois, fans être fujettes à au-
cuns droits ; mais fi , après avoir été déclarées pour lefdites
colonies , Ja deftination en étoit changée , ou pour l'étranger,
ou pour le royaume , dans le cours des iix derniers mois , les
propriétaires defdites marchandifes feront tenus de payer ;
favoir, pour celles qui pafTeront à l'étranger , les droirs d'en-
trée 8c moitié de ceux de fortie ; &: pour celles qui feront
detlinces à la confommation du royaume , les droits d'entrée
avec moitié en fus.
ai. En cas de non-rapport, dans le délai ci defTas , 'des
acquits i caution dûment déchargés, les foumirtîcnnaires
payeront , s'ils s'agit de marchandifes prohibées , par fgrmç
Le
PRISE. 6.5 1
10 août 17S0, le roi a écrit la lettre iin-
vante à M. l'amiral , relativement au jugement des
de connfcation defditei marchandifes, le double uel'adju4î-i
cation , S: en outre l'amende poitée par les réglemens ; &: i
l'égard des marchandifes permifes , le quadruple tLes droits-
fixes par les articles diapré».
12.. L'acier non ouvic^ , les chairs falées de toute efpèce ,
Il cite jaune non ouvrée, les cuirs veiis on en poil non
faks, ic caîlot en peau ou en poil, ie cuivre non ouvré,
l'étain non ouvré, le plomb non ouvré &: le fuif, déclarés
pour la coiilommation du royaume , payeront pour tous droit:
d'enttée des traites , dans tous les bureaux des ports où l'ad-
judication en aura été faite , deux & demi pour cent du prix
de leur adjudication.
ij. Le charbon de terre , les bouteilles Se Hacons de verre ,
les bufles , cafés de tous lieux &: pays , cire jaune ou blanche
ouvrée , les cuirs apprêtés ou tannts , cuirs dores , cuivre ou-
vré , drogueries de toi' Les fortes , étain ouvré , fer ouvré , fer-
blanc ou tôle ouvrés, linge de table ouvré ou non ouvre ,
merretie, morue verte ou sèche, & toutes fortes de poiflons
fecs ou falcs, papiers de toutes fortes, quincaillerie de toutes
forte? , rubans de fil, toiles, futaincs & coutils, tapis Se
capifTeries vertes , de toutes fottes, audî déclarés pour la con-
fommation du royaume, payeront pour tous droits d'entrée
des traites , dans tous les bureaux des ports où l'adjudica-
tion en aura été faite , dix pour cent du prix de l'adjudica-
tion : S: quant aux cafés & fucres de toutes efpèces , qui fe-
ront également déclarés pour la confommation du royaume ,
ils acquitteront ; favoir , le café moka , le droit de trente fix
livres du quintal ; le café , autre que celui de Moka , le droit
de quatorze livres, suffi du quintal ; & les fucres, ceux du
tarif de i 66j , à l'exception néanmoins dts fucres bruts , qui
ne payeront que trois livres quinze fous du cent pcfant.
24. Toutes les marchandifes permifes , autres que celle*
dénommées aux articles il &: 13 du préfent règlement , Se qui
feront déclarées pour la confommation du royaume , paye-
ront pour tous droits d'entrées des traites, des ports où l'ad-
jadicaiion en aura été faite , autres que Marfeille , Bayonne
& Dunkerque , cinq pour cent du prix de leur adjudicacioTi j
à l'exception néanmoins des foies de toutes fortes , (;ui ac-
quitteront les droits d'entrées de quatorze fous par livres pe-
fanr, impofées par l'édit de janvier I721; & feront lefdites
foies de Prifes difpenftes d'être envoyées à Lyon.
if. Dans le cas où les droits des marchandifes des Prifes ,
réglés par le préfent arrêt à deux Se demi ou à cinq pour cent
du prix de l'adjudication , pourraient fe trouver plus fons
que les droirs d'entrées ordinaires qui feroient dus pour aller
à la deftination déclarée, fuivant les tarifs & réglemens , le»
droits defdites marchandifes feionc réduits à ceux portés par
lefdits tarifs & réglemens, ce qui ne poutra avoir lieu pour
les marchandifes dénommées en l'article 23 ilu préfent règle-
ment , Icfquelles demeureront afRijetties aux dioits portés par
ledit article, pour quelque deiiination que ce leit dans le
rcvnume.
ifi. Les droirs des marchandifes des Prifes devant être ac»
quitcés fuivant le prix de leur adjudication , veut faniajelié
que la vente Se adjudication en foient faites pat les juges de
l'amirauté , par partie , d'une même forte Se qualité de mar-
ciiandifcs ; Se que les négocians 4: autres qui devront en
acquitter les droits, foient tenus de rapporter su bureau des
fermes , avec leur déclaration , un certificat de l'amirauté , du
prix de l'adjudication de la marchandife déclarée, avec le
numéro , la date Se le nom de l'adjucataire porté par l'inven-
taire ; ce qui fera vérifié fur le double dudit inventaire , qui
doit être remis au commis du fermier, fuivant l'article 10 du
piéfent règlement ; & faute par lefdits négocians Se autres de
rapporter certificat dans la forme ci-defTus prcf'crite, les droits
feront acquittés à la valeur , fur le pied du plus haut prix ciii
fe trouvera |»or(é a^udic invenuirje Air les marchandifes Je
, nùiBC efptcp.
N n H n i j
^51 PRISE.
Pnfes faites par les corfaires qoe les Eta(s - Unis
d'Amérique arment dans les ports de France.
17. Les acquits ai payeme^it des dioits de deux ic demi,
te ciaq ou de dix pour cent, luivant l'el^jèce de niarciiandi-
fes , tiendront lieu, tan: des droits d'enace &: droits locaux
des traites, dus dans ia province où i adjudication en aura
été faite , que de tous aittrei droits de traites qui pourroienc
fe trouver dus au partage par terre d'une province à l'autre ,
itième de-s vingt pour cecu dus fur ies miichanjifcs du Le
vant , pourvu néanmoins que le tranfport s'en faffe dans les
«rois TOCis'de la date de l'ac juit de payement pris au bureau
du lieu de l'adjudicaiion. N'entend fa iiiaje. té que la prffente
diipoiition puilTe avoir lieu à l'égard des niarchaïuiiles dont
Its droits de deux & demi &: de cinq peur (;ent ne l'adjudi-
cation ^ auront été réduits , en confûtniicé de i'aaicle ly , à
ceux portés par les tarifs & rcgUniens , lefquelles continue
ront a payer les difli.rens droits dus fut leur loute. N'entend
pareillement fa majellé exempter les marchaudifcs des a jtres
droits indi-pendans des traites ou cinq grofTes fermes, au.t-
«juelles elles fe trouveroieiu fujetcej , lefquels droits feront
payés ind'pendammen» defdiu droits de traites, poitLS par le
préfent réglemerit.
28. Les droits des marchandifes ne feront psy^s que lorf-
^u'elles feront en cvées du lieu de Ta Ijudication , peur être
iranfporiées dans un autre lieu du royaume , ou pour être
confommé. s dans le lieu de l'adjudication ; 6: en cas que les
adjudicataires veuillent les tirer du dépôt 5c les avoir en leur
iiifpoiition avant d'en avoir fait la deiUnaiion, ils leronr
lenus d'en payer les droits.
29, Les m*rchandif«s des Prifes conduites dans le port de
Dunkerque , qui feront dellinces pour l'intérieur ou pour
palier en tranfit au travers du royaume à l'étranger, feront
lepréfentées au bureau de Li balle-vi'ie de Dunkerque, ou
U déclaration en fera faite à l'ocdinaite, & elles feront ac
«ompagiaées d'un cetiificat de l'amirauté , qui fera foi qu'elles
proviennent de telle prt!e, lequel fera daui Ja forme p.-cfciite
par l'article xi . X fêta véritîé dans ledit bureau , fur le dcM-
ble de l'inventnire qui y fera remis à cet effet ; &c fur lefdits
ceiriEcats vérifiés , elles feront vilitces , pour être enfuite ac-
<),-uiirée5 ou expédi es en tra.fu. Se plombées avec ac^iuit à
caution , & loumifiion de remplir les conditions piefcrites'
par ie préfent règlement. Il en fera.ufe de même au bureau
de Septcme , ou autres premiers bureaux d'entrée près de
Mj:fei!Ie, pour les marchandifes des Pàfes conJu:tes dans
ce port, & qui delà feront e.nvoyées dans l'inctrieiir du
ïoyaume ou à l'étranger par rr.J'i^î j rcieivant neanmoinî fa,
n-jajeflé à l'a-ljudicataire genéial des. ierines , & à fes coinujis^
établis à mavfeiile, la fatuité de prendre connoifl'ance des!
niaichandifes rièfdites Priies qui y feront amenées , & de
ï?'oppofer à rintrodutf'cn de celies qui y font défendues par
les réglemens. Entend fa majelié que les tabacs de Prifes , qui
«nrreronr dan'. la Llandre fr3i!<,oife par le bureau de I3. bafle-
-d'ie d-e Dun'tierque, acquittent audit bureau le doit de
trente feus par livre de tabac , irapoL par la dtclaiation i!u ^
mai i^49'
jo. Les marchandifes des Prifes amenées au port de Bayon-
ne-, payeront, après' l'adjudication, ks druits ordinaires de
la- coutume, dans .'e cas ci? les adju licat.n'ies y fercient fujets ,
& elle ne feront atfuieî'.ies aux droits de deux îc demi, de
cito: & de dix pcu'i cent, qu'à la fortie du coutumar pour la
dcl'tinatîon. du toyauiiie ; Ôc en ju:tifiant, comme il eil dit
ei-deiTus,. au prix de l^ur adjudication. Elles jouiront au
farp.'us du bcnéfice di; trunfiJ- , «ant peur les marchandifes pto
hibées q'V devient être renvoyées- à I étranger, que pour les
Maitchar.dife'5 permifes que le: négocians &: aunes voudront
6ire pa'ffei! à i'étiranger; 1'? roue en oLferva-ac les formalités
piTifcriu'j en' pavei'l cas par le pcifent régrcmenc •, éc à l'égard
W«» ma»cîi3''i.di!Vr' raermife.f i f-^" la eondiricn qu'elle.s n"ju-
t«<.t ^is «té en ;*difp0liiioa ci-vldus n- ^oci„u5Çu i-uirci non-
PRIS E.
« Mon covfm , je fuis informé qu'il s'eft élevé
» des difficultés relativement aux jugemens des
» Priies faites par les corfaires que les États-Unis
» de l'Amérique arment dans les ports de France
» & que les commi/Taires du confeil des Prifes ont
" penfé ne devoir pas juger. Pour faire cefler toute
» incertitude à cet égard , je vous écris cette lettre,
M pour vous dire que inon intention eft que les
j> Prifes qui auront été faites par des corfaires que
» les États-Unis de l'Amérique auroient armés en
» France, & qui auroient été conduites dans quel-
)> ques-uns de mes ports , foient jugées par le con-
>» ieil des Prifes dans la même forme que celles
» (les corfaires armés par mes fujets ; & qu'en con-
n iéquence les officiers des amirautés obferventà
» leur égard les formalités profcrites par ma dé-
u datation du 24 juin 1778. Je défne que, pour
» l'entière exécution de ma volonté à cet égard ,
» vous la falTiez favoir dans tous mes ports, de
jj manière que les capitaines de ces corfaires en
)> fo.ent inflruiîs , 8t s'y conforment, ainfi que les
n oliiciers des amirautés. Et la préfente n'étant à
» autre fin , je prie dieu, mon coufin , qu'il vous
n ait en fa fainre & digne garde. Ecrit à Verfail-
j> les, le dix août mil fept cent quatre-vingt.
Signé LOUIS. Et plus has DE Sj^RTINE.
Le roi ayant été informé qu'il fe faifoit journel-
lement dans les ports , des marchés nfuraires rela-
tivement aux parts des Prifes fnites par les vaif-
feaux de fa majefté ; que des agioteurs , profitant
de l'empreffement que les gens de mer avoienr
de recevoir de l'argent comptant achetoient à l'a-
vance leurs parts de Prifes , à des prix fort au def-
fous de ce qu'elles valoicnt ; fa majefté a rendu
en fon confeil, le 12 juin 1781, unarrctpar le-
prjvilégiés; en forte que l'exemption des droits d'entrée Se
de forcie ne porre que fur celles defdites ma thandifes per-
mifes qui palferoni directement en mnfit k l't'trariger, fans
avoir été en la difpotîtion des adjudicataire:. Veut fa majeflé
que les tabacs provenaus des Priies , & deltin, s p'mr la con-
fommation de ladite ville de Bayonne, acquiuent le droit de
trenre fou,s par livre de tabac , impoié par la déclaration du 4.
mai 1749,
3 1'. Le préfent règlement, dansrour fon contenu , Tera exé-;
cuté pour les marchandifes provenant des échouemens des
navires ennemis rendant la préfente guerre.
} 1. Le contenu aux articles cideflus aura pareillement lieu
pour les Prifes faites par les vaifleaux de :'a- njajetié , &: les
droits ordonnés par le préfent règlement fei ont perçus fur les
marchandifes de tùures les Pri''es faites avant fa publication ,
comrr.e fur celles qui pourront fe faire à l'avenir..
3j. La connoifiance des fraudes &: contraventisns au pré'
fent règlement , demeurera aux maîtres des ports & juges quî
ont coutume d'en connoîire , fauf l'appel , aiuli que oc droit.
Mande &: ordonne fa majellé à M. le duc de Penrhicvre, anii'
jal de France ; aux iieurs intendans & conjnillaire: difanis»
dans ks provinces, aux officiers des amirautés, maîtres de*
poits , juges des ;rai;es , & tous autres qu'il appartiicndra , de
tenir ia main à rc.xécutioa du préfent règlement.
Lait ail confeil d'état du roi ^ là inajellé y étant;, tenu à
Verfaillw Je 2J ss/û{ 1778.
5ig"f , e-E SaRïXNE,
PRISE.
quel eUe a expreffément détendu aux officiers- ma-
riniers & matelots des équipages de Tes vailTeaiix
de vendre à l'avance leurs parts de Prifes, Se à
toutes perfonnes de les acheter ou de fnire aucun
marché qui y fût relatif , pour quelque caufe , ni
fous queltjue prétexte que ce pût être, à puine
contre le;» conirevenans d'être punis févèrement :
elle a en même temps déclaré nuls tous les mar-
chés ou autres aifles de ventes & celTions de ces
parts de Prifes , faits avant la publication de fon
arrêt , fauf à ceux qui pourroient avoir quelques
répétitions à former contre les ofiiciers-mariniers
ou matelots , à fe pourvoir pardevant l'intendant
de la marine ou ordonnateur du département ,
pour y être par lui ftatué conformément aux or-
donnances.
Le roi ayant anfTi été informé que l'exécution
des difpofiàons de l'arrêt du confeil du 6 août 1763 ,
relatives au payement des parts de Priies,aux équi-
pages , & au dépôt qu'il avoit été ordonné de faire
entre les inains des tréforiers des invalides, étoit
fouvent éludé de la part des armateurs & des ca-
pitaines ; fa majefté pour remédiera ces inconvé-
niensa rendu en fon corfeil, le 25 décembre 1782,
lîn arrêt qui contient les difpolitions fuivantes.
" Art. 1. Les armateurs & dépofitaires des ar-
>» memens en courfe, & de ceux en guerre & niar-
» chandifes , dont les covfaires auront fait des Pri-
» fes, feront tenus dans la huitaine, du jour oii
» la liquidation générale aura été arrêtée par les
»» officiers des amirautés, de procéder au pays-
« ment des parts des Prifes revenant aux équipa-
}) ges , à peine de mille livres d'amende contre
j> les contrevenans ; & feront lefdits armateurs
>» contraints de faire ladite répartition aux équi-
1) pages , à la requête dcfdits procureurs du roi
y) des amirautés , pourfuite ik diligence des com-
« miffaircs des claffes.
>' 2. Le payement des parts de Prifes aux équi-
» pages, ne pourra fe faire qu'au bureau des claf-
j> les , & fur l'état conforme au modèle joint au
» préfent arrêt ; lequel fera émargé par ceux def-
3> dits équipages qui fauront figner ; & à l'égard de
j' ceux qui ne fauront pas fjgner , le payement des
" p^rts qui leur reviendront, fera certifié par les
M commifTaires des claffes, conformément à l'ar-
n ticle 6 de l'arrêt du confeil du 6 août 1763*
" 3. Lefdits armateurs ou dépofitaires , feront
•Si pareillement tenus, conformément à l'article i
» du règlement du 2 juin 1747 , de remettre entre
» les rnains des tréforiers àes invalides de la ma-
V rine, dans les ports où les armemens auront
ïT été faits , les montans des parts & portions d'in-
n tcréts dans les prifes appartenantes aux morts
« ou abfens , &: faifant partie des équipages des
n corfaires-preneurs, trois jours après la réparti-
n tioii qui aura été faite au bureau desclafies,&
Il conformémenî à l'état qui en fera remis psrle-
n dit commifîaire des clafies ; de laquelle remif» ,
» il fera donîi* décharge valable: auxdits armateurs, .
PRISE. <^53|
!) parlefdifs fréforicrs des invalides, avec; pro-
» nielTe de leur juftifier, dans le délai de deux mois,
w des remifes qui auront été faites deldites parts,
» aux officiers-mariniers & matelots abfens , & ré-
» fidans dans les quartiers des clafTes des autres
» départemens, fans toutes fois que les coramifrai-
j) res des claflcs pui'fTent faire aucune recette , ni fe
» charger perfonnellement du montant des parts
n de Prifes dues aux gens des équipages des cor-
» faires abfens , pour les leur faire pafler dans
» leurs quartier»; & feront lefdits armateurs con-
11 traints auxdits dépôts , à la requête defdits procu-
» reurs du roi, pourfuite & diligence defdits corn».
» miflaires des claiTes.
» 4, Défend fa majefté auxdits oiîiciers des ami-*
» rautés de prétendre à l'avenir à la retenue des
T> fix deniers pour livre fur le montant des parts
» dépofées, lorfqu'elles feront réclamées, lefquels
•)■) étoient attribués auxdits officiers des amirautés
» par l'art. 3 du règlement de 1747 , auquel fa ma-
5) iefté a exp: effément dérogé i^ déroge.
» 5. Enjoint fa majefté auidirs armateurs Ou dé-»
M pofitaires , de juflifier , pardevant les oflîciers des
■>■> amirautés, des remifes qu'ils auront faites aiix-
1) dits tréforiers des invalides, dans la quinzaine ,
■>■> à coiTipter du jour d'icelles , à peine de trois cens
» livres d'amende, auquel efilt lifdits armateurs
» remettront aux grerfes defdites amirautés, un
n état détaillé des fommes qu'ils auront dépofées ,
» certifié véritable par ledit tréforier des invalides j
)j duquel état il fera fourni, par ledit greffier, une
» expédition au receveur de l'amiral da France, une
'3 autre envoyée au Secrétaire d'état ayant le dé-
)) partement de la marine , & une troifième au pro-
j) cureur général des Prifes.
j) 6. "Veut fa majefté que les parts des prifes ap-
j> partenantes aux officiers-mariniers & matelots
» qui ne demeuroient pas dans le port où la ré-
w partition aura été faite , foient envoyées aux
» quartiers des claftes de leur réfidence, dans la
» même forme que celle prefcrite par le règlement
» du I juin dernier, pour les remifes des parts de'
>» Prifes des gens de mer employés fur les vaiiTcaux
» de fa majefté.
>T 7. Enjoint fa n)ajefté aux officiers des amirau-
ir tés , nottamment à fes procureurs auxdits fièges ,
î> à peine d'interdiéîion , de pourfuivre , fans délai,
» les armateurs qui ne fe conformeroient p'as aux
11 articles i & 3 ci-delTus, à l'effet de condamner
» ceux qui contrevlcndroient aux peines y portées,
» de les cofuraindre, même par corps, à faire les
» payeinens defdites parts de Prifes aux équipages
» ainfi que lefdits dépots entre les mains des tré-
j) foriers des invalides ; & feront les jugemens def-
H dits officiers des amirautés , exécutés nonobftant^
1» 5c fans préjudice des appels qui pôuroient ea
» être ii>«eijetès , que fa majefté a évoqués & évo-
V que à foi & a fon confeil , & dont elle renvoie
» \a conriOift'ance pardevant l'amiral de France y
)> & les coinmifaires établis prés de lui par fa m»-
654 PRISE.
)» jeflé, pour tenir le confeil des Prifes ; leur at-
j> trihuant à cet effet fa majeRé, toute cour, juri-
» diiRion 8c connoiflance ; & icellcs interdirant à
>» toutes Ces cours & autres juges. Mande & or
« donne fa majefté à monf. le duc dePentievre ,
» Amiral de France ; aux intendans de la marine ,
n au commiffaire départi pour l'obfervation des or-
» donnances dans les amirautés, aux commiffaircs
»> généraux des ports & arfénaux , ordonnateurs ,
» aux officiers des amirautés & à tous autres qu'il
« appartiendra , de tenir la main , chacun en droit
« foi , à l'exécution du préfent arrêt, qui fera en-
« regiftréau greffe defdites amirautés; imprimé, lu,
if publié &c affiché par-tout ou befoin fera. Fait &c.
Par un autre arrêt du 15 janvier 1783 (i), il
a été fait défenfe aux capitaines ou commandans
des bâtimens armé* en courfe , de revendre en mer,
à des ennemis de l'état, les Prifes qu'ils ont faites
fur eux.
PRISE A PARTIE. Ceft le recours qu'exerce
une partie contre fon juge dans les cas prévus par
la loi, à l'effet de le rendre refponfable du mal
jugé , & de tous dépens , dommages & intérêts.
Chez les Romains, un juge ne pouvoit être pris
à partie , que quand il avoir donné lieu à un grief
irréparable par la voie de l'appel.
(1) f'oici cet nrrir :
Le roi étant informé que quclquci capitaines de navires
ont vend'i en mer , à des ennemis de l'état , des Prifei qu'ils
avoient faites fur eux , au lieu de les conduire dans les j'cits
du royaume; &: fa majcflcconliJcrant que fi de pareilles ven-
tes étoient tolérées , les capitaines de navires pourroient ,
moyennant une convention particulière, ou une ibiiinie don-
née de la main à la main , revendre à vil prix les Prifes qu'ih
auroient faites : Et fa raajellé voulant arrêter un abus aulC
contraire aux lois de la courfe , que préjudiciable aux inté-
rêts des équipages &: des invalides de la tnarine , qui fe trou-
vent par ces, fortes de ventes , fruflréi du produit des Prifes. A
quoi voulant pourvoir : Ouï le rapport , & tout conlîdéré ; le
roi étant en fon confeil , a fait trés-exptefles inhibitions Se
défenfes à tous capitaines ou commandans des bâtimens ar-
més en courfe, de revendre en mer , à des ennemis de l'état ,
aucune des Prifes qu'ils auroient faites fur eux , pour quelque
caufe ni (eus quelque prétexte que ce puifTeétre, à peine
contre lefdits capitaines ou commandans d»$ corfaiies , d'ctre
interdits la première foispouriroisansdc leurs fondions, &:en
cas de récidive , d'ctre déclarés incapables de jamais comman-
der aucun bâtiment. Veut & ordonne en outre fa majefté,
fjue le montant des ventes des Prifes que lefdits capitaines ou
commandans auroient faites en contravention au préfent ar-
rêt , foit confifqué au profit de l'amiral de France.
Mande Se ordonne fa majefté à Monf. le duc de Penthièvre ,
amiral de l'rance , aux vice-amiraux, lieutenans généraux ,
chefs d'efcadre , capitaines & autres officiers de (es vaifTeaux ,
commandant fes vailTeaux, frégates Se autres bâtimens, aux
commandans des ports, aux intendans de la marine , au
commilTaire départi pour l'obfervation its ordonnances dans
Jesamiiautés , aux commifr.iires généraux ou ordinaires des
pon» & arfénaux, &: ordornateurs , aux gouverneurs géné-
raux ou commandans particuliers , intendans & ordonnateurs
des colonies , aux officiers des (îèges d'amirauté , &: rous .au-
tres qu'il appartienira , à.c tenir la main , chacun en droit
i'oi , à l'exécution du préfent atrét , lequel fera enrcs;:ftré aux
greffes del'ditcs amirautés, lu , publié &: affiché par tout eu
kefoin fera , afin que pcrfonnc fl'çn ijncre, Fait , «ce.
PRISE A PAP.TIE.
On fait qu'anciennement le combat judiciaire
étoit pratiqué en France comme un moyen de dé-
couvrir la vérité, & que les feigneurs à. leurs ju-
ges pouvoieut être provoqués à ce combat pour
mauvais jugement.
Comme la nature de la décifion par le combat ,
étoit de terminer l'affaire pour toujours , & n'étoit
pas compatible avec un nouveau jugement & de
nouvelles pourfuites , l'appel à un tribunal fupé-
rieur , pour faire réformer le jugement d'un autre
tribunal , étoit inconnu parmi nous.
M. de Montefquieu obfcrve à ce fujet , qu'une
nation guerrière , uniquement gouvernée par le
point d'honneur, ne connoiffoit pas cette forme
de procéder ; & que , fuivant toujours le même
efprit , elle prenoit contre les jiiges les voies qu'elle
auroit pu employer contre les parties.
La provocation au combat judiciaire contre les
feigneurs , ou contre les pairs , ou juges de la fei-
gncurie , fe nommoit appel de faux jugement.
Beaumanoir, qui donne un détail de cette ma-
nière de procéder, rapporte que l'appelant étoit
obligé de le battre contre tous les juges qui avoient
été d'un mê.me avis. Quand on vouloit prévenir
cet inconvénient , on demandoit au feigneur que
les opinions fe donnaffent tout haut : file premier
pair étoit contraire , & qu'on vît que le fécond al-
loit opiner de même , on difoit au premier qu'il
étoit un méchant , un calomniateur , & , pour le
prouver , il falloir fe battre avec lui & le vaincre.
L'appel de refus de juger s'appcloit appel de dé-
faut de droit.
Ce refus venoit de la part du feigneur ou de«
pairs : de la part du feigneur , lorfqu'il n'avoit pas
affez d'hommes à fa cour pour juger , ou qu'il
n'affembloit pas fes juges : de la part des pairs , lorf-
que l'affaire étant portée devant eux , ils négli-
geoient de la juger , quoique les délais fuffent
expirés.
Au combat judiciaire , auquel étoient affujetis le
feigneur ou les pairs pour foutcnirleur jugement ,
fuccéda une autre manière de procéder: tous les
juges pouvoient être appelés devant leurs fupé-
rieurs pour foutcnir le jugement qu'ils avoient
rendu.
Mais cet ufage a été abrogé par un ufage con»
traire , fur-tout depuis l'ordonnance de Rouffillon ,
qui porte que les hauts - jufticiers , reffortiffans
nuement au parlement, feront condamnés , fuivant
l'ancienne ordonnance, à 60 livres parifis , pour
le mal-jugé de leurs juges.
Il eft feulement refté de cet ancien ufage , que
le prévôt de Paris & d'autres officiers du châtelet
font obligés d'affifier à l'audience de la grand'-
chambre à l'ouverture du rôle de Paris.
Du refte , il s'eft érabli que l'appel d'un juge-
ment devoir être dirigé contre la partie à laquelle il
étoit favorable, & que c'étoit àcelle-ci à le foute»
nir ; d'où eft venue la maxime , quç U fait du jug(
ejl celui d< la partie.
PRISE A PARTIE.
Mais, en même-temps qu'on a penfé qu'un juge
ne devoit pasêtre détourné de i'es fondions pour
aller à chaque inAant foutenir fes décifions , on a
décidé que s'il venoit à fe comporter d'une ma-
nière indigne de fon caraélère, il devoit être obligé
de réparer le tort réfultantde fa prévarication.
C'eft conformément à ces vues , qu'entre autres
ordonnances , celle de Blois a permis de prendre
les juges à partie , lorfqu'ils auroient jugé par dol ,
fraude ou concufTion , ou que les cours trouve-
roient qu'ils fuffent en fjute munifejle , pour la
quelle ils duflent être condamnés en leurs noms.
L'article premier du titre 25 del'ordcnnance du
mois d'avril 1667, enjoint à tous les juges , tant
des cours que des autres juridiélions royales ou
feigneuriales , de procéder inceflamment au juge-
ment des caufes , inHances & procès qui font en
état d'être jugés, à peine de répondre en leurs
noms des dommages & intérêts des parties. Ceft
en conformité de cette loi , qu'un arrêt du 8 février
1687 , rapporté par Boniface,a déclaré légitime la
Prife à partie d'un juge & d'un procureur du roi ,
pirce qtiils avoicnt négligé de juger un procès cri-
minel.
Obfervez néanmoins qu'un juge ne pouvant ren-
dre fon jugement que quand le procès eft iuliruit ,
& en état d'être décidé , ce n'eil que depuis cet
înftant qu'il ç£i en (a.mQ, Se qu'il doit perfoonelle-
mer.t dédommager les parties de la perte que fa
mauvaife foi ou fa négligence ont pu leur occa-
fionner.
Ceft d'après cette, règle, qu'un arrêt du 8 août
1709 , rapporté au journal des audiences , a décidé
que la Priic à partie ne pouvoit avoir lieu quand le
procès n'êtoit pas en étar.
Il y a plufieurs autres cas où la Prife à partie
peut avoir lieu contre un juge ; favolr, i". lorfque
le juge a prononcé un jugement contraire à la dif-
pofition des ordonnances. Cependant , pour que la
contravention du juge aux ordonnances foit un
moyen de Prife à partie , elle doit être aiïeiflée &
inexcufable. Ctù dans ce fens (^ju'il faut entendre
l'article 8 du titre premier de l'ordonnance de
1667.
Ainfi , les nullités que les juges commettent dans
rinftru61ion & le jugement d'un procès civil , ne
font point un cas de Prife à partie : le juge ou le
commi(Taire en doit être quitte en payant les frais
de la nouvelle procédure; ce qui s'ordonne le
plus fouvent fur la fimple réquifition de la partie.
Mais un juge feroit bien pris à partie, fi , hors
le cas de flagrant délit , fans plainte ni dénoncia-
tion , il informoit contre quelqu'un d'un fait qui
ne feroit pas certain, à faifoit arrêter le prérendu
coupable, fur-tout fi c'étoit un domicilié , & qu'il
fe trouvât innocent.
il en feroit de même d'un juge qui décrétcroit
quelqu'un , foit de prife de corps , loit d'ajourne-
ment perfonnel , fans une preuve fullifante , ou
. our raifon d'un crime qui ne mériteroit aucune
PRISE A PARTIE. 655
peine affliéiive , ni infamante ; fur-tout fi la per-
(onne décrétée étoit un officier qui par-là fe trou-
vât interdit de fes fomî^ions. Il feroit jufle qu'il ob-
tînt, par la voie delà Prife à partie, la réparation
du tort qu'il auroit fouffert.
a°. Le juge peut être pris à partie lorfqu'il a
excédé fon pouvoir, en connoiflant d'une affaire
qui n'étoit évidemment pas de fa compétence. Ceft
ce qui réfultc de l'article premier du titre 6 de
l'ordonnance de 1667.
3*. Il en eft de même , fuivant l'article 1 de ce
titre , du cas oij le juge évoque une inftance pen-
dante au tribunal inférieur , fous prétexte d'appel
ou connexité , & qu'il ne la juge pas définitive-
ment à l'audience.
4". Le juge peut pareillement être pris à partie ,,
lorfqu'une demande originaire n'étant formée que
pour traduire le garant hors de fa juridiâion , il
retient néanmoins lacaufe , au lieu de la renvoyer
pardevant ceux qui en doivent connoitre.
^^. La Prife à partie peut auffi avoir lieu contre
le juge qui , ayant été rècufé, prononce fur une
contedation , fans avoir fait décider fi la récufatiori
cft bien ou mal fondée.
6^ Le juge peut encore être prisa partie, lorf-
qu'il ordonne quelque chofe fans en avoir été re-
quis par l'une ou l'autre des partie».
7°. Il en eft de même quand il attente à l'auto-
rité de la cour, en paflTant outre au préjudice des
défenfes qui lui font faites.
Enfin il y a lieu à la Prife à la partie , lorfque le
juge laïc empêche le juge eccléfiaftique d'exercer
fa )uridi6lion , mais non pas lorfqu'il prend fimpk-
ment connoiiïance d'une affaire qui eft de la com-
pétence du juge d'églife ; celui-ci , en ce cas , peut
feulement revendiquer la caufe,
L'édit de 1695 porte , que les archevêques , évé-
ques ou leurs grands vicaires , ne peuvent être
pris à partie pour les ordonnances qu'ils auront
rendues dans les matières qui dépendent de la
juridiélion volontaire ; & à l'égard des ordonnan-
ces &. jugemens que lefdits prélats ou leurs ofti-
ciaux auront rendues , &. que leurs promoteurs
auront requis dans la juridiâion contentieufe , l'é-
dit décide qu'ils ne pourront pareillement être pris
à partie , ni intimés en leur propre & privé nom ,
fi ce n'eft en cas de calomnie apparente , & lorf-
qu'il n'y aura aucune partie capable de répondre
des dépens , dommages & intérêts, qui ait requ s
ou qui (outienne leurs ordonnances & jugemens ;
Se ils ne font tenus de défendre à l'intimation ,
qu'après que les cours l'ont ordonné en connoil-
fance de caufe.
Ce n'eft pas a/Tez pour pouvoir prendre à par-
tie un joge qui néglige de juger un procès, de
prouver que la contertation étoit inftruite & eu
état d'être jugée depuis long temps. Comme il fe-
roit poOible qu'il ignorât lui-même ce fait, l'or-
donnance a r^glé que pour conrtater juridique-
ment que c'étoii en connoilTance de caufe qu'il
6^G PRISE A PARTIE.
avoir refuleCon minulère, il talioit le conilltuer
en demeure par deux différentes fommation^.
Ces fommations doivent être faites par le mi-
nidére d'un huiirier (i). Il faut d'ailleurs qu'elies
foient fignifiées au domicile du juge. Cependan: ,
comme il s'agit d'un fait de charge, la lignification
peut aufTi fe faire au greffe de la juridiâion :
mais pour qu'on foitsùrque la connoifl'ance a dû
en parvenir jufqu'au juge, il faut que cette fignih-
cation ait lieu aux heures où le greffe eft ouvert ,
& en parlant au greffier ou à l'un des commis du
greffe.
L'intervalle qui doit fe trouver entre les deux
fomiîiations , eft de huitaine à l'égard des juges
qui reffortifîent nuement aux cours , & de trois
jours à l'égard des autres fièges.
Lorfque ces fommations n'ont point produit
d'effet, la partie peut appeler comme de déni de
juftice (2) , & faire intimer le rapporteur en fon
nom , s il y en a un , finon celiù qui doit prcfider.
Lorfqu'un juge a été déclaré bien intimé fur la
Prife à partie , il doit être condamné en fon nom
aux dommages & intérêts envers les parties. C'cll
une diipofition de l'article 3 du titre 25 de l'or-
doniuince de 1667.
Le juge qui a été intimé ne peut être juge c!ii
différend , à peine de nullité & de tous dépans , dom-
mages & intérêts des parties , fi 'ce ii'eft qu'il ait
été follement intimé , ou que les deux parties
confentent qu'il demeure juge; il doit être pro-
cédé an jugement par d'autres ji;ges & praticiens
du fiège, non fufpeéîs, fuivant l'ordre du tableau ,
(1) Formule d'une fommat'un déjuger.
L'an.... à la rcqucce de.... àcc. Je .. huiflîer,. . fouffigné ,
certife avoir Conuné , prié , & tequis M . . de juger inccf
lamnienc l'inftjnce d'entre ledit fieur..,. JS:.... laquelle ell en
état d'être jugcc ; linon &: à faute de ce faiie , proieltc ledit
fieur.,,. d'en appelée comme de déni de juftice, ôc de rendre
monait i]eur....re(pon(able de Ces dépens , dommages & inté-
rêts, & de Je faire intimer à cette (in en fon propre & prive
nom; & j'ai à mondit (îeur.... parlant ccm;ne dellus , laiUl-
copie , u p-c-lent, à ce qu'il n'en ignore.
Il faut rentrer catijorumation dans les àéla'n de Vordon-
xauce.
(2) Fo<-mvle de let-rt^ de rdief d'avfd de déni de jufîhe.
Louis , var la giàce de Dieu , roi de France 5c de Navarre.
Au premier notre huirlier ou fergent fur ce requis ; de la par
lie de Borreamé... r.ous a été expcfé que ( rendre ici un compre
fommaire de Coffa\-e fj dti Jommanom faites au juge )\ et
qui oblge l'expofar.t d'avoir recours à nos letires fur ce né-
ceflaires ; pour cecil-il que nous te mandons allîgner & inti-
mer à ceicain Se compétent jour en notre cour de parlement
à Paris , ledit ( Li le ncin du juge 6* de h juridichcn ) pour
procéder fur lappel interjeté par l'exf^fant, & qu'il interjette
d'ahonJant par les préentts du déni de jullice à lui fait par
Ie3i(... ic pour fe voir condamner aux dommages fc intérêts
iç l'cxpoijntà donner par déclaration , & en outre pour voir
dire que ladite inllance fera renvoyée parJevant le plus pro-
chain juge royal des lieux , nponJre & pro««.der con.me de
raifon ; &: fe.a d.cîaié que M'... procurcui en notredite cour ,
occupera peur l'expoi'anr ; de ce faire te donnons pouvoir.
Cai tel c'I noire plj'iir. Donné en note ch.incel!e-ie t'u ^a-
Uis k... l'an de svâtc... ôc de noue lègnc le... par le coaUil. |
PRISE A PARTIE.
Ti mieux n'aime l'ar.rrc partie attendre que l'imi-
mation foit jugée. Cefî ce qui réfulte de l'article î
qui reuiiic ae 1 article 5
du même titre.
On ne peut prendre les juges à partie qu'après
en avoir obtenu la permiffion des cours fupèrieures
auxquelles ils reffortiffent. Cela eft ainfi ordonné
par un arrêt de règlement rendu au parlement de
Faris le 4 juin 1699 (i).
Le parlement de Grenoble a rendu un arrêt fem-
blable le 20 mai 1706.
Par un autre arrêt du 15 novembre 1729 , le
parlement de Bretagne a fait défenfe aux parties
intimées qui ne feroient pointappelantes, d'intimer
& prendre à partie les juges pour les avijager aux
inftances d'appel indécifes , faufà e-lles, après la
cafiation définicive d>.s procédures & jugemens par
arrêt, à demander pcrnuirion de les prendre à par-
tie , laquelle permiillon ne pourrok être accordée
qu'en connoifiance de caufe , & par d.ilibération de
la chambre où l'dijpel ?uroit érè jupé.
Le parlement deTouloufe a pareillement rendu
un arrêt le 31 août 1735 , par lequel il a défendu
aux procureurs d'indrcT dans les lettres de relief
d'appel qu'ils obtiendroient en chancellerie , la
ctaufe d'intimation & Prife à partie contre les ju-
ges, à peine de nullité, & leur a en même temps
crdonnédefe pourvoir à la cour pour obtenir ar-
rêt portant pcrmilfion d'intimer les juses & de
!e« prendre à partie en leur*, propres '& privés
noms.
La cour des aides de Paris a aufii rendu un arrit
de règlement le 27 novembre 1778 , par lequel elle
( i) Ce rcgitment efi ainfi conçu :
Ce joiir les grand'chambre Se tournelle afTïmh'ées , les gens
du toi font entrés , & maître Henri François Daguefleau ,
avocat dudit feigneur roi, portant la parole, oncdit àla cour :
Que comme Je zèle dont elle elt animie pourtour ce qui
1 egatde l'honneur des juges , ne fe renferme pas dans les bor-
nes de la compagnie , & qu'il fe répand fur toui ceux qui
ont une portion de ce caradète éminent, dont clic pofsède
la plénitude , ils croient devoir lui ptopofer aujourd'hi:»
d'auiorifer par un règlement gcnéial , &: de cor.firaier pour
toujours un ancien ufage digne de la fagcffe âcs preiuieri
magidrats, Se de la protedion qu i's doivent donner aux jugei
fubalternei , dont l'honneur ell remis entre leurs mains , Sec.
Les gens du roi retirés , la matière mife en dclibi. ration :
Ladite cour , faif-int droit lui les concluâons du procureur
général du roi, fait difonles à toutes perl'ornes , de quelqtJC
crat &: qualités qu'el'ts foient , de prendre à partie aucuns
juges, ni de 1rs faire intimer en leur propre & privé nom
fut l'appel des jugemens pat eux renous, fans en avoir au-
paravant obtenu lapermiflion par arrêt de la cour , à peine
de nullité des procéduies, & de telle aij)ende qu'il appar-
tiendra. Enjk>int à tous ceux qui croiront devoir prtndre d^»
JLf es à partie , de fe ccnteniet d'expliquer fimpltruent , ic
avec h modération convenable , les faits 5; les moyens qu'ils
cf.iiweront nécelTaires à la décilîon de leur caufe , fans fe fer-
vir de termes injurieux & contraires à l'honneur &: à h di-
t,n:té des jupes , à peine de punition exemplaire. Ordonne
q'.ic le préfcnt arrtt fera envoyé aux bailliages 5: fénéchauffées
i''u rcflort, pour y être lu &: publié. Enjoint aux fubftiiuu
du procureur général du toi d'y tenir la main , & d'en certi-
hcr la cour dans un mois. Fait en parlement le 4 juin 16$^.
Si^nc, DoNJOis.
PRISE A PARTIE;
t faît Jèfenfe à toutes fortes de perfonnes d'intlmef
les fubftituts du procureur général en leurs propres
8c privés noms , à peine de nullité des procédures,
& de telle amende qu'il appartiendroif , à moins
qu'elle n'en eût accordé la permiffion , 6c qu'ils ne
futTent dans le cas de la Prife à partie. Il a été
ordonne par le même arrêt , que les intimations fur
appel de fentences rendues par les officiers du ref-
loii de la cour , furies conclufions & réquifitoires
des fubfiituts du procureur général , ne pourroient
être faites qu'au procureur général , comme pre-
nant le fait & caufe de fes fubjfJituts.
Les officiers des cours fouveraines peuvent être
pris à partie comme les autres juges. Il n'y a au-
cuneloiqui les en difpenfe, ik ils font fournis,
comme les autres , à la peine des dommages & in-
térêts, lorfqu'ils jugent contre la difpofition des
ordonnances. C'eft ce qui réfultc évidemment des
articles i 8c 8 du titre i de l'ordonnance du mois
d'avril 1697.
C'eft auin ce que prouvent plufieuis arrêts ; l'un
du 2t novembre 1556, a condamné à l'amende-
honorable & aux dommages & intérêts des parties
le fieur Taboue , procureur général au parlement
de Grenoble, pour avoir intenté uns acciifation
calomnieufe.
La cour des monnoies de Paris ayant condamné
i4n accufé à fubirla queftion ordinaire & extraor-
dinaire, fans autres preuves que des indices ar-
bitraires, au lieu que , fuivant les ordonnances , il
faut une preuve confidérable ; l'accufé fuccomba ;
les douleurs lui firent convenir qu'il étoit l'auteur
du crime , & il fut enfuite condamné à la mort par
arrêt du 3 mars 1691 : mais fon innocence ayant
depuis été reconnue^ fa veuve fe pourvut & ob-
tint des lettres de rcvifion du procès , adreflees à
la chambre de la tournelle du parlement de Paris ,
qui, par arrêt du 18 février 1704, remit les par-
ties en tel Se femblable état qu'elles étoient avant
celui du 5 mars 1691 , & permit de prendre à par-
tie les juges de la cour des monnoies qui avoient
procédé au jugement du malheureux accufé-
Mais comme l'arrêt de la tournelle contenoit en
même temps des difpofitions contraires aux privi-
lèges qiiç la cour des monnoies prétend avoir , la
connoiftance de cette affaire fut évoquée; & par
arrêt du 1 5 o6lobre 1708 , rendu au rapport de M.
Maboul, maître des requêtes , los juges qui avoient
rendu l'arrêt de 1691 furent déclarés avoir été
bien pris à psrtie* & condamnés à 6000 livres
de dommages & intérêts envers la veuve de l'in-
nocent.
Un autre arrêt rendu au confeil le 20 mars 1733,
a permis à Jean Laugier, aVocat au parlement de
Provence, demeurant à Barcelonette, de prenc^re
à partie les juges de la tournelle de cette cour ,
qui, par arrêt du 26 novembre 1716 l'avoient
condamné aux galères.
Obfervez qu'il n'y a que le roi quipuiffe per-
mettre de prendre à partie les cours fouTÇfaincs.
PRISE DE CORPS. 6,-7
Voyei^ l'ordonnance du mois d'avril l66j , & les
commentateurs ; le journal des audiences ; le traité
de la jujîice civile ; les arrêts de Papon ; la biblio-
thèque du droit français; redit du mois d'avril 1695 ;
l'ordonnance du mois d'août 1703 ; le traité de la jiif-
tice criminelle ^ &c. Voyez aufti les articles JuGE,
PrOCUREUPv DU ROI , MALVERSATION, &C.
PRISE DE CORPS. C'eft l'aflion par laquelle
on faifit un homme au corps pour quelque affaire
criminelle , en vertu d'un décret ou ordonnance
du juge.
On appelle Prifc de corps , le décret ou jugement
qui ordonae la Prife de corps (i).
Pour décréter un accufé de Prife de corps , il faut
non feulement que le crime dont il eft queftion
mérite une peine affliftive ou infamante , mais
encore qu'il y ait contre l'accufé une preuve ou du
moins une fêmi-preuve réfultante d'une informa-
tion préalable.
L'article 8 du titre iode l'ordonnance du mois
d'aoiàt 1670 , admet néanmoins diverfes exceptions
à cette régie: il permet de décréter de Prife de
corps , 1°. pour crime de duel , fur la fimple noto-
riété ou bruit public ; 2°. contre les vagabonds
& gens fans aveu, fur la feule plainte de la partie
publique; 3". lorfqu'il s'agit de vol ou délit domef-
tique , fur la plainte des maîtres. L'ufage a encore
admis une quatrième exception; c'eft en faveur
d'une fille féduite par un garçon fans domicile cer-
tain : elle peut alors le faire arrêter , en vertu d'une
ordonnance du juge rendue fur requête, fans au-
cune information précédente.
Le décret de Prife de corps peut aufli avoir lieu
contre un acculé prit en flagrant délit, ou à la
clameur publique ; mais dans ce cas le juge doit
ordonner , fuivant l'article 9 du titre cité, que cet
accufé conduit en prifon fera écroué , & que l'é-
crou lui fera fignifié parlant à fa perfonne.
Le décret de Prife de corps emporte de droit
interdiflion contre les officiers; & comme il a pour
objet de s'affurer de la perfonne d'un criminel ,
rien ne doit en arrêter l'exécution , pas même une
récufation ni un appel comme de juge incompé-
tent , ou comme d'abus. Il ne faut d'aiîleurs ni pcr-
miffion ni pareatis pour exécuter un tel décret : au
( 1 ) Formule cVnn décret de Prife de corps.
Vu ]'jnforiiiJrion faite par..,, à la requcre de... demandeur
S: accufaceur , le procureur du roi ( eu fifcal ( joint ( &< s'il
n'y a point de partie cit/ilt ) , à la requête dj procureur du
loi ou (ifcal accufateur, contre... accufé, de... ( dit: de Viti'
fjrmation ) , conclufions u'u procureur du roi ou fifcal , nous
ordonnons que ledit... fera pris & appréhenda au corps 5c
conduit es prifons de céans ( ou de cttre cour ) , pour y être
ouï & interrogé fur les faits réfultans deldites charges &: in-
forinations , <3<.' autres fur lefquelles le procureur du roi ou.
jî/ral voudra le faire entendre; linon & après perquifition
nonobftantoppofitions & appellations quelconques, & faut
préjudice 4'icellcs. Fait ce , &c.
O 000
658
PRISE DE CORPS.
^furplus, comme il importe que le prifonnier
"fâche à qui s'adreffer dans l'endroit même où il
eft emprilbiiné , pour faire les fignifications que
ia défenfe peut exiger, celui à la requête duquel
îe décret s'exécute , eft tenu , par l'arucle 1 3 du ti-
tre cité, d'élire domicile dans cet endroit: mais
cette éleilKon de domicile n'attribue aucune forte
de jurididion au juge du domicile élu. Ce juge ne
peut ménie , fous prétexte que la police des pri-
ions lui appartient , décider de la tranflation du
prifonier , ou ordonner qu'à défaut par la partie
civile de le frire transférer dans un certain temps ,
le prifonnier fera élargi. Ce fcroit donner à ce
juge la faculté de favonfer un criminel & de le
mettre hors des prifons impunément. Il dent donc
«Jemcurer pour certain , qu'il n'y a que le juge qui
a décerné le décret,qui puirte connoître de fon exé-
cution , dans quelque lieu qu'elle fe falfe.
L'é-dit de 1695 tontient la même difpofition par
Tap^-ort aux décrets émanés des officiaux : ils peu-
vent s'exécuter, non feulement hors du reflbrt de l'of-
hcialité, mais encore fans/^rt/fjin'i des juges royaux
6i des feigneurs 11 faut cependant obferver qu'il
r'y a que les huilTîers royaux qui puiflent meitre
à exécution les décrets des officiaux ; ceux des of-
ficialités ou des juftices feigneuriales n'ont pas ce
pouvoir.
Les lieutenans généraux des provinces & villes ,
les baillis 8c fénéchaux , les maires & échevins , les
maréchaux, vice-baillis, vice fénéchaux .leurs lieu-
tenans &. archets, font tenus de prêter main-forre
à l'exécution des décrets & autres ordonnances de
jufiic;.. C'eft ce qui réfulte de l'article 15.
L'article 16 veut que les accufés qui font arrê-
tés foient promptement conduits dans les prifons
publiques , foit royales ou feigneuriales , fans pou-
voir être détenus dans les m.ùfons particulières , fi
ce n'eft {)endant leur conduite, & en cas de péril
d'enlèvement , dont il doit être fait mention dans
le procès-verbal de capture & de conduite.
On étoit autrefois dans l'ufage , en certains cas
& relativement à certaines peribnnes dont on vou-
loit ménager la réputation , d'adoucir la rigueur du
décret de Prife de corps , en ordonnant que l'ac-
cufé feroit amené fans fcandale. Cet ufage fe pra-
tiquoit fur-tout dans les officialités : mais comme
on ne peut guère arrêter quelqu'un & le conflitiier
prifonnier fans quelque fcandale plus ou moins
grand , l'article 17 a profcrit cette forte de procé-
dure.
Quoique dans la règle générale on ne doive
point décerner de décret de Prife de corps contre
des perfonnes inconnues, il arrive néanmoins quel-
quefois que les accufés ne font pas dénommés
par les témoins dans les informations, & qu'ils y
io^n feulement défignés parleur raille, leurs habits,
&c- Le juge doit en pareil cas déciéter de Prife
de corps lous ces défignations : mais comme elles
font par elles-mêmes très-équivoques, l'article 18
a encore periOiS aux parties d'iudiyuer les accu-
PRISE DE CORPS.
fés aux officiers chargés de l'exécution des décrets.
Les procureurs du roi des juflices royales doi-
vent, fuivant l'article 20 , envoyer aux procureurs
généraux, chacun dans leur relTort, aux mois de
janvier & juillet de chaque année, un état figné
par les lieutenans crimii.-jls & par eux , des écrous
& recommandations faits pendant les fix mois pré-
cédens dans les pv.fons de leurs fièges , & qui n'ont
point été fuivis de jugement définitif, contenant
la date des décrets , écrous & recommandations;
le nom, furnom , qualité 8c demeure des accufés,
& fommaircment le titre d'accufariox» 8i l'état de la
procédure. Les procureurs fifcaux des juftices fei-
gneuriales font obligés de faire la même cliofe à
1 égard des procureurs du roi des fièges royaux où
ces juflices refloriillent.
Aucun prifonnier pour crime ne peut être élargi
que par ordonnance du juge, & après avoir vu
les informations , l'interrogatoire , les conclufions
du miniilère publique , 8i. les réponfes de la partie
civile, s'il y en a , ou les fommations qui lui ont
été faites de fournir fts réponfts.
Les accufés ne peuvent pas non plus être élargis
après le jugement , s'il porte condrimnation k peine
artliflive , ou que le miniflére public en appelle,
quand les parties civiles y confentiroient , éi. que
les amendes , aumônes 8i réparations auroient
été confignées. C'eft ce qui réfulte des articlcs^ 22 »
23 Si 24.
Voye^fordonnanct criminelle du mois d'août 1670
& Us commentateurs. Voye:^ aujfi les articla INFOR-
MATION , Accusation , Ajournement per-
sonnel. Capture, Contrainte par corps,
G.VRDES DU commerce, MAIN FORTE, Scc.
PRISE DE POSSESSION. Ceft l'afte en
vertu duquel on fe met en pofTelTioa de quelque,
chofe.
Il y a la Prife de poflTenion en matière pro-
fane, & la Pnfe de poffeffion en matière ecclé-.
fiaftique.
DeJa Pri/c de poffejjlon en matière profant.
S'il s'agit d'uH meuble , on s'en met en pofTcflloa
en le prenant dans les mains.
Quant aux immeubles , onn'en prend poflcflâon
que par des tiéiions de droit, quieicpriment l'inten-
tion qu'on a de s'en mettre en poffcflîon, comme
en ouvrant Sii fermant les portef , coupant quel-
ques branches d'.irbres , 8<cc.
On prend poffeffion de fon autorité privée, oa
en vertu de quelque jugement.
Quand on prend poffeffion en vertu d'un juge-
ment, il efl d'ufage de faire dreffer un procès-ver-
bal de Prife de pofieffion par un huiflier ou par
un notaire, en préfence de témoins, tant pour conf-
tater le jour 8i l heure ou l'on a pris poffeffion ,
que pour conftater l'état des lieux &les dégrada-
tions qui peuvent s'y trouver.
La prife de poffeiiion d'un invneuble ne peut
PRISE DE POSSESSION.
avoir lieu qu'après que le titre a été infinué , s'il
eft Aijet à cette formalité.
SilaPrife depoffeffion d'un immeuble Te fait
en vertu d'un contrat d'acquifition volontaire qui
ait été contrôlé, il n'eft du pour le droit de con-
trôle de cette Prife de Pofleflion, que le quart du
droit réglé pour le contrat , par les articles 3 & 4
du tarif du mois de feptembre 1722.
Mais s'il s'agit d'immeubles échus à tirre fuccef-
fjf , ou adjugés par quelque aftc judiciaire , non
fujct au contrôle, le droit de contrôle de ia Prife
rie poiTeffion doit être perçu fur le pied de la va-
leur des immeubles, &fuivaat les articles 2& 5
qu'on vient de citer.
Une Prife de poffeffion d'immeubles faite p:ir
haiiîîer eft fujerte au contrôle des aflcs, bc le droit
en eft dû fur le pied réglé par l'article 4 du tarif,
faute d'évaluation des biens. C'ell ce qui a été jugé
dans l'efpèce fuivante.
La dame de Mafliot , femme féparée du fieur
de Pomlers , obtint un arrêt du parlement, q^ii
condamnoit les neveux & les nièces de fon man a
lui rendre une maifon de !a fucceflion de fon
aïeule , & qui lui permettoit de s'en mettre en
pofleilion ; il fut fait , en confcquence , un procès-
verbal par un huiffier , qui rapportoit avoir pris
cette dame par la main , & l'avoir conduite , en prc-
f.ince de fes témoins, dans la maifon & lieux en
dépendans , où elle avoir pris polTeifion réelle , ac-
tuelle, corporelle, &c. Le commis, outre le droit
de contrôle aux exploits, perçut 200 livres pour
droit de contrôle aux a6^es , faute d'évaluation. La
dame de Pomiers fe pourvut à l'intendance ; elle
cxpofa que l'arrêt ne lui donnoit aucune nouve'le
propriété, Sc qu'il s'agiiToit moins d'une Prife de
poiTelTion que d'un fimple procès verbal de 1 ét;.t
des lieux M. l'intendant réduifit le droit de con-
trôle aux aéles , à 10 fous: mais cette ordonnance
fut réformée par une décifion du confeil du 9 avril
1729 , qui jugea la perception régulière ; il in-
tervint enfuite un arrêt du 24 mai 1729, fur la
requête du fermier , par lequel , fans s'arrêter à
l'ordonnance du fieur intendant de Bordeaux, il
fut ordonné que l'afle de Prife de polTelTion en
queftion fcroit contrôlé, & le droir de contrôle
pnyé fur le pied de la féconde feflion de l'article 70
dtt tarif du 29 feptembre 1722. La dame de Po-
miers fe pourvut en oppofition , & elle en fut dé-
boutée par décifion du 3 avril 1730: elle innf^a,
& elle expofa qu'il s'agiflToit d'un aâe du minif-
tère d'un luii(Tier,& nullement de celui du no-
taire ; que l'objet de cet a61e étoit de fe faire con-
noitre aux locataires , & de conftater les lieux ,
n'ayant pas befoin d'une Prife de pofTelîion , puif-
qu'elle avoit toujours été propriétaire , &c. Par
autre arrêt du confeil du 4 juillet 1736 , cette dame
fut déboutée de fon oppofition ; il fut ordonné
qire celui du 14 mai 1729 feroit exécuté félon fa
^orme & icneur , & la même dame de Pomiers fut
PRISE DE POSSESSION. 659
en outre candamnée au coiit des deux arrêts K-
quidé à 75 livres pour chacun.
Il efl certain que , pour caraélérifer une Prife de
pofTefilon , il n'eft pas nccefTaire qu'il s'agi/Te d'une
propriété de fait , pour être dans le cas de re-
prendre la poffeflion ; mais lorfque les biens font
défignés , ils font fufceptibles d'évaluation pour
liquider les droits.
Par arrêt du 20 février 1740 , le confeil a jugé,
en faveur du fieur le Chapelier de Varenne, que
pour une Prife de polTelfion de biens fitués dans
la généralité d'Orléans, qu'il avoit acquis par con-
trat pa/Té devant des notaires de Paris, le droit de
contrôle n'étoit dij que fur le pied de la première
ftélion de l'article 70 du tarif, attendu que le con-
trat pafféà Paris, en papier de formule, eft cenlé
contrôlé, f^oye^ CONTRÔLE.
Par un autre arrêt du 8 mai 1644, le confeil a jugé
que les droits de contrôle & de centième denier
avoient été bien perçus fur la valeur des biens donc
le fyndic de l'hôpital de Caftelnaudari avoit pris
pofi'efiîon, en vertu de l'union faite à cet hôpi-
tal des biens de celui de Villary. L'intendant de
Languedoc avoit jugé par deux ordonnances des
26 mai & 18 feptembre 1742, qu'il n'étoit dû que:-
le droit de contrôle fixé à cinq livres, comme
pour une Prife de pofleflion de bénéfice ; mais fes
ordonnances ont été réformées fur le fondement
qu'une Prife de pofleflion d'immeubles eft un aifle
d'adminiftration temporelle , pour réunir les biens
à titrede propriété, & qu'elle nepouvoit être con-
fidérée comme un aâe eccléfiaflique , ayant pour
objet le titre du bénéfice.
Par un autre arrêt du 14 décembre 1758, le con-
feil a confirmé une ordonnance de l'intendant de
Languedoc , qui avoit condam né le greffier en chef
de la fénéchauflee de Beziers à une amende de 2C0
livres pour n'avoir pas fait cont: ôler dans la quin-
zaine , un procès-verbal de Prife de poflTeflion qu'il
avoit fait en vertu d'une adjudication par décrer.
Ce greffier difoit pour moyen d'appel, qu'il s'agif-
foit d'un aâe judiciaire & de l'exécution du décret
qui l'avoit commis expreffément pour procéder à la
Prife de pofl'effion de l'adjudication des biens j mais
les Prifes de polTcfllon, quoique faites en vertu d'ar-
rêts ou autres jugcmens, font nommément afl"u-
jetties au contrôle par la féconde fc6tion de l'ar-
ticle 70 du tarif, parce que ce font des aàles pure-
ment volontaires , oîi la préfence du ju^ n'eft nul-
lement néceflfaire.
Les Prifes de pofleflion de biens adjugés an roi
à titre de confifcation , d'aubaine ou autrement
ne font affujetties à aucun droit , tant parce qu'elles
font faites par des officiers qui connoilfent des d(;-
maines , qu'à caufe que le fouverain ne doit pas
payer des droits qu'il impofe fur fes fujets. C'eft
ce qui réfuhe d'une décifion du confeil du 19 nui
1726. Il en eft de mêaie des Prifes de po/Teilioii
(ie biens réunis au domaine.
Oooo i
66o
FRISE DE POSSESSION.
De la Prife de pojfejjïon en mature ecclcfiaflique,
La complainte , en matière bénéficiale , étant
une aetion par laquelle un eccléfiaftiquc demande
a être maintenu dans la poiTeinon d'un bénéfice,
lUaut en tirer la conféquence qu'il ne peut inten-
ter cette aflion fans avoir préalablement pris pof-
leffion du bénéfice dans la forme ordinaire.
11 y a la Prife de poffe/lîo/i réelle ik la Prife de
poffefl'ion civile.
Pour qu'un eccléfiaftique pulffe prendre pofTef-
fion réelle é\m bénéfice, il faut qu'il ait un titre
canonique, c'eft-à-dire des provifions qui juAifient
que ce bénéfice lui a été conféré.
Quand ce font des provifions de cour de Rome
«que le bénéfice eft à charge d'ames , il faut,
pour que le pourvu puifie en prendre polTeffion
réelle, qu'il ait, outre fes provifions , le vifa de
l'ordinaire dans le diocéfe duquel eft fitué le bé-
néfice. Si le bénéfice n'eft pas à charge d'ames,
le pourvu n'a befoin du vifa de l'ordinaire qu'au-
tant que fes provifions font in formd dh^num ; il
n'en a pas befoin quand elles font in forma gratiofâ.
C'eft ce qui réfulte des articles 2 & 3 de l'édit du
mois d'avril 1695 (1).
Les provifions informa dignum font celles que
le pape adreife à l'ordinaire en lui donnant com-
miition de conférer le bénéfice à l'impétrant. Elles
font ainfi appelées , parce qu'elles commencent
par ces mots , di^nurn a'bitramur.
Les provifions informa e;ratiofâ font celles par
lefquellcs le pape confère Ini-niôme diredlememt
le bénéfice à l'impétrant, furie certificat de vie
& de mœurs que ce dernier a obtenu de l'ordi-
naire.
En Artois , en Flandres , & en Provence, il faut
des lettres d'attache pour prendre poflefiTion en ver-
tu de provifions de cour de Rome.
Dans les cas où le vifa eft néceflaire pour pren-
(i) Ces articles font ainft conçus :
II. Ceux qui auront t'té pourvus en cour de Rome de bé-
néfices, en la forme appelée dignum, feront tenus de fepré-
fenter en perfonne aux archevêques ou tvéques dans les dio-
cèfes defquels lefdiis bénéfices font fitu^'s, &: en leur abfence
à Jiurs vicaires géni'raux , pour être examinés en la manière
qu'ils elHmcront à p:opos , Se en obtenir les Jettres de vi/a ,
dans lef juelles il fera fait mention dulir examen , avant
^ue lefdics pourvus puiflent entrer en polTelfion & jouiffance
^efdirs bcnéhces; &' ne poutronc les fecrétaires dcfdits pré-
lats prétendre que la fomnae de crcis livres pour lefdites Jet-
»rt,i de vifa,
III. Ceux qui auront obtenu en cour de Rome des provi-
fions en forme gracieufe d'aucune cure, vicariu perpétuel ,
ou autre i énef ce ayant charge dames, ne pourront entrer
en poflefiiou &: jouiffance defdits bénéfices, qu'après qu'il
aura éré informé de leur vie , mœurs , religion , &: avoir fubi
l'examen devaiît l'archevêque ou évéque diocéfain , ou fon
vicaire général en fon abfence, ou après en avoir obtenu le
rifii : défendons à ros fiijets de fe pourvoir ailleurs pour ce
/ojec, èc à nos juges , en jugeant le pofTeiroire defdits béné-
fices, d'avoir éi;a:d aux titres & capacités defJits pourvus ,
<îuj ae kioicfit p4j conforme» à «çtre préfente çrdçiviancç,
PRISE DE POSSESSION.
dre pofleftion, le pourvu eft obligé de fe préferi*
ter en perfonne à l'ordinaire ou à fes vicaires gé-
néraux, qui , après l'examen de fa vie , de fes
mœurs, de fa religion, de fa fcicnce, lui accordent
le vifa. En cas de refus , l'évéque doit exprimer
les caufes de refus daus l'aéle qu'il donne au
pourvu.
L'eccléfiaftique qui a les titres néceflTalres pour
prendre poffeifion réelle d'un bénéfice , peut la
prendre en perfonne , ou par quelqu'un qui foit
fondé de fa procuration fpéciale.
Obfervcz néanmoins que quand il s'agit d'un
bénéfice qui peut vaquer en régale, il faut prendre
poffefilon en perfunne , parce qu'une Prife de pof-
fefllon faite par procureur , n'einpêcheroit pas le
bénéfice de vaquer en régale.
Quand le bénéfice n'eft pas un bénéfice qni rende
le pourvu membre d'un chapitre, il eft obligé,
pour en prendre pofTefiîon , de fe rendre en per-
fonne ou par fon procureur fpécial, avec un notaire
apoftolique & deux témoins , dinsl'églife; & il y
prend pofftffwn avec les cérémonies ufitécs dans
le diocéfe, de quoi le notaire apoftolique drefla
un aéle & lui en délivre une expédition (i).
En cas de refus d'ouvrir les portes de l'églife , le
notaire apoftolique en dreile un aéte , & le pour-
vu prend poflcifion en faifant fa prière à la porte,
& en touchant la ferrure; & même s'il y avoir du
danger à s'approcher de l'églife , il prendroit pof-
feft'ion à la vue du clocher : fi le pourvu eft preffé
de prendre pofieftion pour intervenirdans quelque
procès, car autrement il ne feroit pas reçu partie
(i) Formule d( Prife de pojjfejfion.
L'an mil feptcent... le... jour de... en la préfence de moi...
notaire à... 6c des témoins ci après nommés , A... prêtre du
diocéfe de... pourvu en cour de Rome de la cure ou églife pa-
roiliiale de P.. . diocéfe de.. . fur la rélignation qu'en a faico
en fa faveur N... pr3tre, dernier polleffeur d'iceLe , fuivanc
la ilgnature apoftolique de provifion qui lui en a été accoidce
par notre faint pète le pape le... djement fignfe &: vérifice ,'
fur laquelle nionfcigneur l'evèque de... a fait expédier & dé-
livrer audit A... fes Jectres de vifa en date du... contenues au
mandement d'introniiation de M. l'abbé... grand archidiacre
de... le tout duement fcellé &c en bonne forme , en vertu tant
de ladite lignature deprcvifion , que defdites lettres de vifa ,
£c mandement d'introDifation,a été mis par M... prêtre-vicaire
de l'églife paroi/Iiale de... y demeuiant , & adtuellement audit
lieu de..> pour ce préfent , en la poffedion corporelle, réelle
& aéluelle de la cure ou ég'ife patoilTîale de. . & de fes
droits, appartenances*: dépendances, parla libre entrée ea
ladite églife, revêtu de l'étole , p'ifc d'eau bénite , prières à
Dieu faites devant le maître autel , toucher du pupitre, des
fonts baptifraaux, de la chaire à prêcher, & des cloches,'
fé.ince à la place .iffectée au curé de ladite églife , exhibition
&c Jeilure deidites /ignatures de provifions , lettres de vifa Sc
m.indement d'intronifation à l'inftant rendues audit ficiic
A... & par les autres cérémonies & formalités en tel cas re-
quifes & accoutumées ; à laquelle ptife Je polTeffion lue 5^
publiée à haute voix , par moi dit notaire, ptéfens lefdits té-
moins , perfonne ne s'eft oppofé , dont ade requis &: ofitoyé
en ladite églife lefdits jours &: an , en préfence de... témoias
à ce requis &: appelés , &c de plufieurs auttes perfonnes <jui ie
fcn; trouvées en laii^e églife , & qui ont figné.
PRISE DE POSSESSION.
'ntervenante, le juge l'autorife à prendre poffeflîon
dans une chapelle prochaine.
Lorfque le bénéfice rend le titulaire membre
d'une églile cathédrale, collégiale ou conventuelle,
dans laquelle il y a un greffier ou fecrétaire char-
gé d'expédier les a6tcs de Prife de pofreflion,le
pourvu, pour prendre poflenion,fe préfente en
perfonae, ou par Ton procureur, au chapitre, qui
le met en pofl'eflion , & le greffier du chapitre en
drefle un afle dont il délivre une expédition au
pourvu. Ces greffiers ont été expreflémeat main-
tenus dans ce droit par l'article 3 de l'édit de créa-
tion des notaires apoftoliques. La même Ici a ré-
glé que fi le chapitre refufoit de mettre le pourvu
en pofTcffion , & le greffier du chapitre d'en donner
aâe, ce pourvu fe préfenteroit avec un notaire
apoftolique, qui en drsfleroit procés-verbal en pré-
{cnce de deux témoins.
La Prife de pofleffion réelle met le titulaire en
pofleffion tant des fondions fpirituelles que du tem-
porel, qui dépend du bénéfice.
On permet, en certains cas, à l'ecclcfiaftique qui
n'a pu prendre pofleffion réelle du bénéfice auquel
il a un droit acquis , d'en prendre une cfpece de
pofleffion qu'on appelle Prife de poffeffîon civile ,
pour la confervation de fon droit. Cette permif-
fion s'accorde au bas d'une requête, & la Prife de
poffisffion fe fait par le miniflère d'un notaire apof-
lolique , qui en dr^ffe un aéle.
Ainfi lorfqu'un eccléfiaftique François a retenu
en cour de Rome une date pour obtenir un béné-
fice vacant , 8c qu'en conféquence du droit qu'il a
acquis de cette manière, le pape refufe ou diffère
de lui faire expédier des provificns , il peut , fur le
certificat de la rétention de la date que lui don-
ne le banquier , préfenter requête au juge royal ,
qui lui permet de prendre pofTeffion civile du
bénéfice.
Pareillement, quand l'ordinaire a refiifé des pro-
vificns à un eccléfial ique qui a droits un béné-
fice , tel qu'eft un gradué ; ou qu'il a refufe vn vi/a
à un pourvu en cour de Rome , qui eft appelant
du refus, le juge royal permet à l'écléfiaftique de
prendre pofTeffion civile.
On ne peut pas prendre pofleffion des bénéfices
dont l'éledion doit être confirmée par le pape,
fans avoir des bulles de cour de Rome : une fim-
ple fignature ne fuffit pas pour des prélatures.
Faute par le pourvu de prendre polTeffion , le
bénéfice demeure vacant , & un autre peut s'en
faire pourvoir & en prendre poffefllon ; Sc l'ayant
pofl'édé par an & jour , il pourroit intenter com-
plainte, s'il étoit troublé par celui qui auroit gar-
dé les provifions fans prendre pofleffion ; ou s'il
avoiî une pcffieffion paifible de trois ans, il feroit
confirmé par !a pofleffion triennale.
Quand plufieurs contendans ont pris pcflleffion
d'un bénéfice depuis qu'il étoit contentieux entre
eux , aucun d'eux n'eft pofl"elTeur.
Les dévolutaires doiv<nt prendre pcfTeiTion
PRISE DE POSSESSIOxN. 66i
dans l'an ; les pourvus par mort ou par réfignation
ou autrement , ont trois années.
Il faut néanmoins obferver, à l'égard des ré-
fignataircs, qu'ils n'ont ce délai de trois années
que quand le réfignant cfl: encore vivant ; car s'il
nicHrt dans les fix mois de la date des provifions
du réfignataire, fans avoir été par hù depolTédé ,
le bénéfice vaque par mort. S'il furvient quelque
oppofition à la Prife de poffcffion, celui qui met en
pofleffion le pourvu doit palier outre en obfer-
vant toutes les formalités , ik. faire mention de
l'oppofition ; enfuite celui qui prétend avoir été
troublé intente complainte devant le juge royal.
Il faut à peine de nullité, faire infinuer dans
le mois la Prife de poffieflion , les procura'ions ,
v//j , atteflation de l'ordinaire, pour obtenir des
bénéfices en forme gracieufe ; les fentences & arr
rets qui permettent de prendre pofleffion ci\'ile;
il faut aufli , fous la même peine & dans le mêma
temps, faire infinuer toutes les bulles & provifions
de cour de Rom.e Se de la légation d'Avignon. Cela
eft ainfi ordonné par l'édit de décembre 169 1.
La même loi a défendu aux ordinaires d'adrefler
leurs provifions aux prêtres pour mettre en pofli'ef-
fion des bénéfices , 8c leur a enjoint d'en faire l'a-
drefl^e aux notaires royaux &. apoftoliques, pour
les exécuter.
L'arrêt du confeil du ;8 oflobre 1698 , & l'arti-
cle 7 de la déclaration du 14 juillet 1699 , ont
ordonné que tous les aftes qui pourroient fervir à
obtenir ou pofl^eder des bénéfices feroient pafTés
pardevant les notaires royaux & apofloliques , ou
pardevant ceux qui en feroient les fonélions , 6c
contrôlés , à peine de nullité.
Dans les diocèfes où les offices de notaires apof-
toliques n'ont pas été levés , il eft d'ufage que les
Prifes de poflfeflion de bénéfices foient reçues par
des chanoines ou autres eccléfiafliques fans minif^
tère de notaires , attendu la réunion de ces offices
faite en faveur du clergé de ces diocèfes par arrêt
du 3 août 1694. Mais, dans ce cas, les Prifes de
pofleffion n'en font pas moins affujetties au con-
trôle dans la quinzaine.
yoye^ redit du mois d'avril 1695 ; ks lois ec:U-
fi:fliques de France; le recueil de jiirifprudence canO'
niijuc , & les diveis èdits & réglemens cités dans cet ar-
ticle. "Voyez auffi les articles Insinuation , Cen-
tième denier , Contrôle , Possession, Col-
lation , Visa , &c.
PRISÉE. Voyez Estimation.
PRISON. C'efl un lieu de sûreté dans lequel oh
retient l'accufé qui a mérité qu'on décernât contre
lui un décret de prife de corps , 8c le'débiteur con-
tre lequel il a été rendu un jugem.ent qui le con-
damne par corps à payer une fommc quelconque,
à quoi il n'a pas fatisfait.
La Prifon n'étant pas inftituée par la loi comme
un féjour de peine, elle ne dcvroit donner à
celui qui y eft retenu d'autre contradiélion que
celk d'être privé de fa liberté. Carccr ad continenJ»s
(>6i PRISON.
homines , non ad puniendos habcri débet. Lez. aut
damniun ff. folent, ff. de pccnis. Cependant il n'ell
que trop reconnu qu'elle Vexpoi'e au danger iVy
voir fa fanté détruite par l'air qu'il y refpire , Si à
contraâer des maladies contagieufcs , fi le prifjn-
nier n'eft pas en état de fe procurer uns ret-.iite
particulière : de forte que l'objet de la loi eft vérita-
blement trompé ; car en voulant feulement arrêter
les pas d'un accufé & l'empêcher d'échapper à la pu-
Hitioci s'il eft réellement coupable, elle court le rif-
que de donner la mort à un innocent , ou de hâter
celle d'un criminel avant qu'il foit convaincu de
fon crime.
A cette confi'Jératlon puiffante, diûée par l'hu-
manité & la jurtice , il s'en joignoit d'autres qui au-
roient dû accélérer la réforme que nous avons tant
demandée, &: que nous avons enfin obtenue : c'é-
toientles difpofnions précifes de l'ordonnance de
1670 & celles des arrêts de règlement du 18 juin
& du 17 o6iobre 1717 , par lefquels le parlement
s'étoit propofé d'apporter quelques foulagemens au
fort des prifonniers , d'étouffer de grands abus , de
mettre un frein à la cupidité des geôliers, enfin ,
de faire régner l'ordre au niHieu même des per
turbateurs de l'ordre.
Et en effet , l'article 17 du titre 13 de l'ordon-
dance de 1670 , porte, « que les Prifons foient
y* sûres 6i difpofées J^ manière tjne Ij fanté du pri-
« fonnier n en puijfe être incommodée ».
Comment , difions-nous dans un ouvrage qui a
pour objet de répandre quelques lumières fur la
îégiflation criminelle , & dont le premier cahier a
paru en 1778 fous le titre de Réflexions philofophi-
ques fur lurii^ine de la civiUjalion & fur le moyen de
remédier à quelques-uns des abut quelle entraîne ;
« comment , après une volonté fi fage , fi impé-
ï> rieufe , & fi clairement énoncée il y a plus d un
« fjècle , les cachots exijlent-ils encore P Auro'it-on
» penfé que la fanté du captif qui y eft , pour
» ainfi dire, englouti, n'en pouvait pas être incom-
u modée ? Il auroitfufR pourfortir de cette cruelle
» erreur , d'arrêter les yeux fur les hommes qui Ls
» ont habités , & qu'on rend à la lumière «.
Si nous voulons fuivre le véritable efprit de
l'ordonnance, « commençons donc par transférer
(c nos Prifons dans un lieu bien aéré; qu'une cour
j) vafte y entretienne la falubrité & donne à ceux
» qui ne peuvent que la parcourir, le moyen ùy
» prendre un exercice falutaire; que les chambres
» y foient affez exhauflées , pour que l'immidicé
» n'y pénétre pas ; que des chambres plus commo-
î) des & féparéss de la foule , foient dclHnées à re-
>i cevoir des accufés d'une condition plus relevée ;
» ceux-là ont encore plus befoin de la folitude ,
» pour méditer leur défenfe & repouifer rinjuf-
» tice. Au lieu de condamner , comme on le fait ,
M les prifonniers vulgaires à une oifiveté funefte ,
V il feroit bien important de leur faciliter tous les
j> moyens de travailler utilement pour eux ; ils ne
« fortiroient pas de» Prifons plus parelîeux , plus [
PRISON.
» vicieux qu'ils n'y font entrés. Ces robuftes Gu«
»> yriers , qui perdent l'ufage de leurs bras , & pal-
" icnt le jour à s'enivrer , fcieroient du marbre ,
» broyeroient des couleurs , 6c échapperoient ,
w par le moHvement, aux idées qui les tourmen-
» tein. Il eft de toute juflice , ajoiitionsnous , qu;
» les accufés & les débiteurs ne foient point ren-
» fermés dans les mêmes Prifons ; qu'on en fé-
n pare cette foule tumultucufe & bruyante de gens
»> fans aveu , auxquels la police enlève pour quel-
» que temps une liberté funefte.
w Si on croyoit devoir biffer fubfifter les prifons
» qui font adhérentes à nos tribtmaux , toutes af-
» freufes qu'elles foient , qu'on n'y amène que des
» accufés dont l'affaire eft fur le point de s'inf-
» truire, afin que le pri fonnier n'y coure d'autres
» rifques que celui de fuccomber fous la force des
» preuves qu'on lui oppofera , & que , s'il eft in-
» nocent , il n'ait pas d'abord été févérement puni
» avant d'avoir été abfous.
" Il feroit à fouhaiter qu'on bannît le cruçl
'> ufage de foumettre les prifonniers à l'avidité
" d'un geôlier , qui fait de faPrifon fon domaine,
» & vend ce que le fouverain doit donner gra-
» luitement à ceux contre iefquels il exerce !a par-
» tic douloureufe de fon pouvoir. Ce ne doit jamais
» être l'argent qui établiffedes différences dans la
'» manière de traiter les prifonniers ; c'eft leurpro-
» feffion , leur exiftence fociale , qui , en mar-
" quant le degré de leur fenfibilité , indiquent les
n égards qu'on leur doit >'.
Ces réflexions fimples ont fait une forte im*
preffion fur un homme d'état qui a été précieux à
la nation. Il nous a invités à lui fournir fur le même
fujet un mémoire plus étendu, & qui n'a point été
intruflueux, puifque , peu de temps après, il a
été fait, au nom du roi, l'acquifition d'un hôtel
vafte dont on a formé une nouvelle prifon deftinéc
à recevoir les prifonniers pour dettes.
Sa majefté , en adoptarit un ptojet fi utile , a fait
éclater des fentimens fi noblement 8c fi fagement
exprimés dans fa déclaration du 30 août 1780 , en-
regiftrée au parlement le 5 feprembre fuivant , que
nous croyons devoir éternifer , autant qu'il dépend
de nous , ce monument de fa bonté èc de fa juf-
tice , en le tranfcrivant ici.
« Pleins du dcfir de foulager les mnlheureux &
» de prêter une main fecourable à ceux qui ne doi-
» vent leur infortune qu'à leurs égaremens , nous
» étions touchés depuis long-temps de l'état des
» Prifons dans la plupart des villes de notre
1) royaume , ik nous avons , malgré la guerre ,
n contribué de nos propres deniers à diverfes rc-
o conftruélionsqui nous ont été préfentées comme
n indfpenfablcs , regiettant feulement que les
» circonfances nous aient cnapcchés de deftiner
w à un objet fi digne de nos foins to'is les fonds
» qui pourroient le porter à fa perfeâioa : mais
» nous ne le perdrons pas de vue , lorfque la paix
n nous fournira de nouveaux moyens ; cependant,
PRISON.
»> informés plus paTticuliérement du trifte étp.t «îes
" Vr\{ons ds notre ca;'uaU , nom n'jvons pas cru
'> qu'il nous fût permis de différer d'y porter re-
V méde. Nous femmes inflruits qu'a l'éjjoque re-
» culée de leur éiabliiTement , on y avoit adapté
" d€s bâtimens deflinés , lors de leur conftruclion ,
" à d'autres ufages ; enforte que nulle commodité
»> & nulle précautien pour la fali)briié n'avoient
» pu y être ménagées ; que cependant tous ces
» inconvéniens étoient devenus plus fenfiblcs , à
» meiure que les bâtimens avoient viel'i , & que
» la population de Paris s'étoit accrue ; qu'ainfi des
» pri!onniers de tout âge , de tout fexe , ou pour
" dettes ou pour crimes, &: pour des égaremens
» paiïagers , reflerrés dans un trop petit efpace ,
" & fowvent confondus , préfentoient le fpe6îacle
'> le plus affligeant , & digHe, fous tous les rap-
" ports , de notre férieule attention : qu'il réful-
» toit en effet d'un pareil mélange , o« une injufte
'» augmentation de peines pour ceux qui ne de-
»' voient leur captivité qu'à des revers de fortune ,
»» ou de nouveaux mc^yens de dépravation pour '
" ceux que de premières erreurs avoient conduits
» dans ces lieux de correâion.
» Déterminés par ces motifs , déjà nous avons
>» donné tous nos foins à la conciergerie , nous y
'» avons tait préparer de nouvelles infirmeries ,
» aérées & fpacieufes où tous les prifonniers ma-
« lades font feuls dans chaque lit , & nous y avons
» ordonné toutes les difpofitions d'ordre &. d hu-
J» manité qui nous ont été propofées. Il nous ref-
» toit à trouver un lieu convenable pour fuppléer
" aux autres Prifons ; mais Fefpace néceïïaire à un
» pareil établiffement , l'obligation de te formera
>» portée des auditoires & des juridiâions , & d'au-
» très circonflances encore, pi6fent©ient desobfta-
'> des à l'exécution de nos projets.
I» Enfin , après beaucoup d'examen & diverfes
» recherches, nous avons fait choix de l'hôtel de
» la Force: fa pofition , fon étendue, fes difiribu-
» tiens , & la modicité des fonds demandés pour
î» le mettre en état de remplir n^os vues , tout nous
« a déterminé à en faire l'acquifition. Nous y fe-
» rons préparer des habitstions & des infirmeries
» particulières, ainfi que de» préaux féparés pour
ï> les hommes, pour les femmes, pour les diffé-
5» rens genres de prifonniers ; & lato'alité du ter-
î» rein étant dix fois pUis confuiérable que celui
M du Fort-révêque & du petit châtelet réunis, on
3* a pu ménager à ces diverfes diftributions un ef-
») pace fuffifant.
5) Cependant , avant d'adopter le plan que nous
« annexons à la préfente déclaration , nous avons
j> reclierché , fur tous les moyens de sûreté & de
» falubriré, les Suffrages les plus éclairés.
» On nous a fait efpérerque tous les travaux né-
V cefTaires feroient achevées dans peu de temps ,
» & nous auron<; foin qu'on s'occupe a l'avance de
« la rédaâion d'un règlement fur la police inté-
» heure de ccae Prifoa, afin de prévenir avec
PRISON.
66^
» foin roîfiveté , la débauche , l'abus des pouvoir*
') fubalternes.
" Cet établifTement , une fois formé , notre in-
» tention eft de faire abattre le petit châcclet, afin
" de rendre plus faciles les abords d'un quartier
" de la ville extrêmement fréquenté, & de procu-
» rer à l'hôpital de l'hôtel - ditu un plus grand
» volume d'air , avantage défiré depuis long-
j) temps. En même-temps nous ferons vendre le
» Fort l'évéque ,& le capital qui en proviendra,
V joint à l'épargne que nous ferons fur les frais de
» tranfport des prifonniers , balanceront à-peu-
j) près la nouvelle dépenfe que nous ferons obligés
»» de^faire ; enforte que nous aurons la fatisfaf^ion
» de concilier l'exécution d'un projet infiiiimenr f?-
» iutaire, avec nos vues générales d'économie.'
y> Enfin , au moyen de diverfes difpofitions que
" nous venons de déterminer , le grand châtelet
« ne fera plus deftiné qu'aux prifonniers pourfui-
)> vis en matière criminelle ; & leur nombre n'é-
»> tant pas difproportionné avec l'efpace qui de-
V vra les renfermer , nous comptons pouvoir ,
j> avec quelques réparations & de nouvelles difiri-
H butions , faire arranger 1 intérieur de cette Prifon
" d'une manière convenable , & fur-tout détruire
)) alors tous les cachots pratiques fous terre , ne
» voulant plus rifquer que des hommes , accufés
» ou foupçonnés injuflemcnt , & reconnus enfuite
» innocens par les tribunaux , aient efluyé d'a-
i> vance une punition rigoureufe par leur feule
» détention dans des lieux ténébreux & mal-fains ;
» & notre pitié jouira même d'avoir pu adoucir
» pour les criminels ces fouflrances inconnues &
)> ces peines obfcures , qui, du moment qu'elles
» ne contribuent point au maintieri de l'ordre par
)) la publicité 8c par l'exemple , deviennent inutiles
'> à notre juftice , & n'intéreflent plus que notre
j» bonté. A ces caufes, & autres à ce nous mour
n vaut , de l'avis de notre confcil , Si de notre cer-
» taine fcience , pleine pinflfance & autorité royale,
» nous avons dit , déclaré & ordonné & par ces
» préfentes , fignées de notre main , difons , dé-
V clarons 8f ordonnons , voulons & nous plaît ce
« qui fuir :
Article i. L'hôtel de la Force Se fes dépendan-
>» ces demeureront deftinés , comme nous les def-
5» tinons par ces préfentes , à fervir de Prifons
»» pour renfermer fpécialement les prifonniers ar-
i> rêtés pour dettes civiles. La diftribution du local
» fera faite de manière qu'il y foit formé des lo-
» gemens & des infirmeries particulières , ainfi
}> que des préaux féparés pour les hommes & pour
>j les femmes , fuivant Se conformément au plan
>» annexé fous le contre fcel des préfentes.
V 2. Lorfque les lieux feront difpofés , il fera par
» des commiffaires de notre parlement q«i feront
î> nommés à cet efTet , fur la requête de notre pro-
I) cureur 2;énéral, Se en préfenced'un de fes fubf-
n tituts , dreffé procès - verbal de l'état defdits
» lieux , & procédé de fuite en la forme qui fera
664
PRISON.
'> jug>îe la plus convenable à la tranflation dans
» ladite Prilon , des perfonnes de l'un & de l'autre
" fexe qui fe trouveront détenues pour les caufes
« ci-deffus exprimées , dans les Prifons de lacon-
" cicrgerie de notre palais à Paris , & dans celles
J> dites des grand & petit châtelet & du Fort-i'é-
« vêque.
" 3. Voulons qu'à compter du jour auquel la-
»> dite tranflation aura été effedîuée , lefdites Pri-
>' fons de la conciergerie &. du grand châtelet ne
" Soient plus deftinées qu'aux feuls prifonniers dé-
" tenus pour ei1er à droit en perfonne , à l'effet de
»» l'infiruclion & du jugement de leur procès; & à
" 1 cgard des prif.jnniers du même genre qui pour-
" roient être reîK-s détenus dans les Prifons du
}y petit châtelet & du Fo>t-révèque , après la tranf-
j» htion ci-dedus ordonnée & eftef^uée , ils feront
y> diflribués , ainfi qu'il fera avifé par les commif-
j». faires de notredite cour , dans les Prifons de la
« conciergerie Se du grand châtelet , fnns que les
5) bâtimens du petit châtelet & du Fort l'évèque
w puiffent , à l'avenir , être deflinés à détenir au-
5» cuns prifonniers , nous réfervantde nous expli-
5) quer fur la deftination des terreins & matériaux
« étant fur iceux , ainfi qu'il appartiendra.
>j 4. Il lera par nous pourvu à la liquidation &
M rembourfenient des oflîces de greffiers defdites
}) Prifons fupprimécs , & aux indemnités des
'» geôliers-guichetiers , tant de la nouvelle Prifon ,
j> que de celles fubfiflantes de la conciergerie
j) &: du grand châtelet. Si donnons en mande-
» ment , &c. ».
^ Les prifonniers pour dettes civiles ont été (ranf-
fèrés dans la nouvelle Prifon dont il s'agit en
1781 , & le parlement a fait au mois de février
1782 , un régleiTJent concernant la police & la dif-
ciplinequidoity être obfervée (i).
( I ) Voici ce r(glcm(nt
Vu par la cour ]a requC-te préfcntce par Je procureur gcncni)
<3u roi, contenant que , par la d^^ctaration du jo août i 7^0 ,
regiftrée en la cour le f feptcmbre audit an, portant ttablif-
fenient de nouvelles Ptifons , il eft ordonné que l'hàtel de la
Torce & fes dfpen?!anccs demeureront deftincs à fervirde Vri-
fon pour renfermer Ipccialement les prilbnnicrs airrits pour
dettes civiles ; & comme il paroît convenable Je renouveller
pour cette Ptifon les difpoiîticns des orJonanances , &: de
l'attèt du I 8 juii) 1777 , pour ce qui concerne les prifonniers
détenus pour Jettes civiles : A ces caufes, rcqueroit le procureur
général du roi , à ce qu'il plût à la cour ordonner que les art,
de rcgleoicHS joints à la préfente requête ,au nombre de vingt-
neu!^ articles , feront exécutés pour la Prifon de l'Hôte! de Ja
Force ; ordonner au furpluj que les articles du titre XIH de
l'ordonnance du mois d'901'it 1670^ touchant les Prifons ,
greffiers des geples , geôlier» 8c guichetiers, !a déclaration du
mois d'août 1780 , rcgiflréc en la cour le 19 du même mois ,
concernant les alimens des priforuiers , ic l'arrêt du IS juin
17 17, le tou en ce qui concerne les prifonniers pour dettes ci-
viles , fcroa* exécutes ; ordonner que l'arrcc qtji interviendra.
Se les articles de règlement y annexé* , feront imprimés , lus
da»s les cliapelles de l'Hôtel de la Force , tous les pretniers
dimanches de chaque mois , en préfence de tous les prifon-
niers, & affichés aux- portes des chapelles , à celles delà Pri-
i^f diai IcGieA'e, fut le prc»u, & dans Jcs ]içux les plus
PRISON.
Il eft bien à défirer que cette heureufe réforme J
ne fe bornant pas aux Prifons de la capitale , s'é-
apparen:de la Prifon, Se les atnches renouvelLi-s to^js les ans
a la Saint Martin, & à pâques , même plus fouvent s il eft
nécefTaire , à la diligence du fubl'iitut du procureur générai du
roi , qui aura été par lui commis pour Ja viiite de ladite l'iiion.
Faire défenfes aux Prifonniers & à rouies autres perfonnes
d'enlever ou déchirer lefditts aitiches , fous telles peines qu'il
a^partiendta , &r aux greffiers , concierge & guichetiers de le
fouffrir , aurti fous telles peines qu'il appartiendra. Ladite re-
quête lignée du procureur général du roi.
5uir la teneur défaits articles de règlement.
Art. PREMIER, On dira tous les jours la me (Te dans les
cliapellas de la Prifon , depuis la Saint-Remi jufqu'i pâques
à neuf heures, & Ja prière du foirà quatre heures ; ik. depuis
piques jufqu'.i la Saint-Remi , la meire à huit heures , Ô,- la
prière du foir à cinq heures ; les prifonniers , tant hommes
que femmes indiftinclcment , &: de quelque condition qu'ils
loient, feront tenus d'y afliller tous les lours , â peine , con-
tre ceux qui n'iront point à la meil'e , d être privés , pendanc
trois jours , de parler aux perfonnes qui les viendront vifiter
pour Ja première contravention ; & du cachot pour la lecon-
de , pen Jant trois jcuts au moins , & plus , en cas de léciaive.
Enjoint au concierge de les y faire aihller, & d'empêcher
«ju'ils vaguent ou fe promènent pendant le fervice divin, fait
défenfes audit concierge de laifler entrer qui que ccfoit,nî
bojflbns quelconques, pendant ce temps , à peine de dix li-
vres d'amende, à laquelle il fera condamné parles commif-
faires de la Prifon , & ce fur un fimple piocés-vetbal , conte-
nant la déclaration de deux témoins aux moins.
IL Les dimanches & fêtes , durant la mefle , le fermon Sc
les vêpres, le concierge fera fermer routes les chambre»; lui
fait pareillement défenfes de laiffer délivrer ou fournir aucuns
vivres ou boiflbns aux prifonniers avant la mefTe , & durant
tout le fervice divin defdits jours, fous pareille peine,
m. Les chambres & les dortoirs feront ouverts à fepe
heures du matin, depuis la toufiaint jufqu'i pâques, & à.
fix heutes , depuis pâques jufqu'à la tou0aint; &: les prifon-
-niers feront renfennét à lîx heures du foir, depuis Ja touf-
faint jufqu'à piques ; & à feptlieures , depuis pâques jufqu'à
ia toufraint,à l'exception néanmoins des prifonniers payans
le loyer de l.'urs cha'nbres , Icfquelt ne feront renfetraés
qu'à fe^t heures du foit, depuis la touiFaint jufqu'à pâques,
éc à huit heures, depuis piques jufqu'à Ja touflaint ; ce que
le concierge fera ohferver , fous pareille peine/ après la
mefle , les lits des dortoirs feront faits , & les lieux nettoyét
par les prifonniers , etifuite lefdits dortoirs feront refermé»
jufqu'au foir , un peu avant l'heure de li re raite , à l'excep-,
tiou des chambres dont les prifonniers payeront le loyer.
IV, Lorfqu'un piifonnier arrivera dans la Prifon entre les
deuiPremiers guichets, il ne pourra être gardé pendant pi us de
deux heutes; fait défenfes aux concierges ou aux guiche-
tiers, de les y garder plus long remps , fjus prétexte de droits
d'entrée, gîtes & geolages eu autrement , à peine de dix li-
vres d'amende.
V. Le concierge aura foin de mettre ctifembJe les Prifon-
niers de même efpcce , 5c d'obfetver que chacun de ceux qui
font en commun , fuivant fon ancienneté , ait la place la
plus commode; défenfes audit concierge de laiffer dans les
dortoirs aucun malade , ni de recevoir de l'argent des prifon-
niers pour les mettre dans un lieu plutôt que dan» un autre ,
le tout a peine de rcftitution du quadruple & de deftirutio^
s'il y échet ; &: après qu'un priibnnier aura été mis dans une
des chambres ou dortoirs , il fera renu de la balayer Sc tenir
propre, jufiu'à ce qui! y futvicnnc un autre prifonnier.
VL Les femmes & filles ptifonnières feront nitfes dans des
lieux féparés & éloignés de ceux des hommes prifonniers ; les
n;xi il ht iUifÇt auiojic la Jibetcc du préau aux Iteures qui na
tendç
PRISON.
tende encore à celles des villes de province. Il en
a été conflrijire une à Vslence, il y a quelques an-
feront pas employées .1.1 Jervice divin ; l'eront vilit^es par Je»
guichetiers les pcrfonnes fufpedts qui viendront voir les pri-
l'oniiiett , à l'etretde i'atruiérqu'tlles n'ipponenc ni înftru-
menj, ni armes nuilîbles j la fùretc. j
VII. Fait dctenfes au coucitrge Se aux guichetiers, à
peine de c'elntution, de laifler entrer au dedans de ia prifon
4e$ hommei aucunes femmes ou hlJes , autres que les niéres ;
fi'mmes , filles ou fccurs des ptifonniets ; 6: à 1 tgarj des au-
tres femmes & Flics, elles ne pourront parler aux prifon-
niers cju'au Parloir, & en pré fen ce' d'un guichetier; défen-
fcs pireilleruenc faites aux hommes pour l entrée au-dedans
de la ptiion des femmes.
VUI, Fait d.fenfcs aux anciens prifonniers d'exiger ou de
prendre aucune chofe des nouveaux venus , en argent , vi-
vres eu auireinent , fous prétexte di bien venue, cliandelles ,
balai , Se généralcinent fous cjue^ue prétexte que ce puifle
cctc , quand niêine il leur feroic volontairement offert , ni
de cacher leurs hardcs , ou de les maltraiter , .à peine d'être
enfetniés dans un cachot pendant quirzî jours , & d'être mis
enfuite Jans une autie chambre ou cabinet moins commode
^ue celui où ils étoient ,& même à peine d'être pourfuivis
exttaordinairement s'il y écher.
IX. Enjoint aux^Uts anciens Si autres prifonnîeri de dénon-
cer ceux de leur chambre ou dortoir qui auront iuré le faint
nom de Dieu , oa fait des exactions ou violences , à peine
d'être punis comme complices, & aux concierge Se guiche-
tiers de s'en enquérir foigneufement , &: en donner avis à
l'inrtait au procureur général du roi ou à fon fubifitut , à
peine de deftitution.
X. Les guichetiers conduiront les perfonnes qui viendront
faire des charités dans les lieux de îa prifon où elles délire-
rotules diiltibuer, cr qu'elles pourront faire elles mêmes fur
Je préau , ou dan; la cour , en préfence defdits guichetiers.
XI. Les prifonnies ne payeront à l'avenir aucun droit
d'entrée ni de fortie de la Prifon.
XII. Ceux qui voudront coucher dans les chambres parti
ciilicces à un feul lit , à deux , i trois & à quatre , avec che-
minée ou fans cheminée , & dans des cabinets, en payeront
le loyer à un prix fxe par jour , 'uivant la commodité de'di
tes chambies &: cabinets, au-deflus de la poire defquels ledit
prix fera énoncé. Le geôlier recevra les fommes provenant
Je ces loyers , & il les dépo'cra entre les mains du greffier ,
qui lui en donnera fon reçu.
XIII. Les prifonniers feront libres de faire venir leur
nc~ur iture du dehors , fauf lu geôlier à régler les heures des
rcp-s, &: la tjuantité des boitrons , conforniéaicnt à Ja difci-
pline de la Prifon.
XIV. Les piiR^nniet! qui feront nourris du dehors , feront
pareillement libres de fe faire fervir pat des don)efliques au-
tres que les guichetiers fous l'in'.peâion du concie'ge , qui
fera tenu de prendre à cet égard les mefures néceiïaires pour
la fureté , & conformes à la difcjplinc de la Prifon. Ceux
qui cccuperont des ch.imbres à feu, fe feront apporter du
bois qu'ils acheté ont du dihors, après en avoir prévenu le
concierge, & il fera défendu dans lefdites chambre» & au-
tres d'avoir de 11 lumière aptes dix heures du foir , à peine
centre les prifonniers d'êne privé» pendant huit jours de
chandelles ou autres lumières à la première contravention ,
&: d'être remis dans les dortoirs à la féconde ; le concierge
aura la/aculié de faire , foit par lui , foit par fcs guirhetiers ,
i contes heures, foit la nuit, fo'tlejour, 'a vilite de tourct
les chambres & lieux dépendais de ia Prifon.
• XV. Fait défen'es audit concierge de faiie aucune con-
vention avec les prifonniers pour dis fournitures quelccn-
^ues , de retenir 4 ceux qui auront obtenu leur élargifTe-
tnent , plus que ce qui fera légitimement dû pour le loyer
des chambres , i proportion des jours qu'ili lei auront occu-
Tant XUh
PRISON.. 665
nées , qui fait honneur aux magirtrats St au corps
niui9icipal de Q^nz ville , par l'attention qu'on a
pécs , & de prejidfre de plus grandes fommes que celles fxéet
pour le prix defdites chambres , dont le mois fera néanmcitis
p..yé d'avance , & ce fous quelque prétexte que ce foit , & i
peine de concuilioD.
XVI. Enjoint audit corciéig'e d'avoir un regifre particu-
lier relié , cotté &: paraphé par le» confeilleis commiffairei de
la Prifon , dans lequel il écrira de fa irain , fans y laiffer au-
cun blanc , les jours d'ertréfSÔi forties des prifonniers, SC
tout ce qu'il recevra chaque jour de chacun , pour gîtes &:
geolages , dont il donnera fa quittance ; le tout i peine d»
dix livres d'amende par chacune contravention.
XVII. Permet audit concierge iz faite paffer dans les dor-
toirs fomtnuns les Prifenniers des chambres huit jours après
qu'ils fetont en demeure de payer leur gîte.
XVIII. Dcfcnfes faites aux guichetiers , à peine de reftî-
rurion du double , & d'être privés pour toujours de leur em-
ploi , même de punition coiporelle s'il y échet , d'exiger,
deipandet ou accepter aucune chofe , en quelque manière Se
fbuj quelque prétexre que ce f©ir , tant des prifonniers lorf-
qu'ils entrent en.la Prifon, que de ceux qui les amènent,
écroucnt , recommandent ou déchargent , les viennent vili-
' ter, leur four des auirones , ou Its délivrent par charité.
XIX. Faitdcfenfes au concietge & aux guichetiers delà
Piifon , d'injuiier, battre ou maltraiter les prifonniers, do
leur laifTtr prendre du vin ou de l'eaude vie par excès , i
freine d'en réj or dre en leur propre &.' privé r om , & de leur
lailler dé ivrcr aucune marchandife ou denrée qu'elle ncfcit
des poids, mcfure & qualité requifes par les ordonnances de
police.
XX. Le grefFer Je la Prifon fe tiendra dans fon greffe, en-
tre la 5aint-Remi ic pâques , dépuis fept heures du matin
jufqu'à midi , & depuis deux heures de relevée jufqu'i cinq ;
& entre pâques & la Saint-Remi , depuis iTx heures du ma-
tin jufqu'à midi , & depuis deux heures jufqu'i fix hcurcï
du foir.
Xa.1. Ledit greffier fera tenu d'avoir un regifîre relié ,'
coté & paraphé par pren)iète & dernière , dans tous Ça
feuillets, par les confcillers commiffaires de la Prifon ; tous
I.-s feuillets dudit regitfre feront féparés en deux colonnes ,
l'une pour le s écrous & lecommandations , &: l'autre pour le»
éla gifTemens ic décharges , Se il ne pourra lailTer aucun blanc
dans ledit reg'ftre.
XXII. Les ectous, recommandations 8e décharges feront
menrion dt s arrêts , jugemens 5e a£les en vertu defquels ilj
feront faits , 5e de leurs dates , de la juridiftion dont ils fe-
ront émanés , ou des no'aires qui les auront reçus; comme
aufli du nom , furnom Se qualité du prifonnier , de ceux de
la partie qui fera faire les écrous Se recommandations , & du
domicile qui fera par elle élu , à peine de nullité; & ne
'pourra être fa't qu'un écrou y encore qu'il y ait plulîeurs cau-
fes de l'eniprifon'nement,
XXIII. Les huifliers donneront eiix-n êmes ea main pro-
p e, à ceux qu'ils conftitueron: prifonniers, ou qu'ils re-
commanderont , des copies lifiMes 8: en bonne forme , de
leurs écroi:» & rccomm ndations ; à l'effet de quoi Icfdit»
ptifonnicri feront amenés entre les deux guichei» , en pré-
fence du greffier, qui (e'a tenu démettre fon certificat fut
fon regillre i la fin de chacun defdits écrou» & recommanda-
tions , à peine d'interdiction contre les huilTiers ', pour I»
première fois, & de privation de leurs charges pour la fé-
conde ; Se contre ledit greffier de 10 liv. d'amende pour cha-
cune contravention, & de tous dépens , dommage» Se inté-
rêis , même de plus grande peine s'il y échet.
XXIV. Fait défenfes aux greffier & concierge de faire
pafTer aucun piifonnier dans les chambres ôe dortoirs de la
Prifon , qu'ils n'.iyent été preiMiérement écroués en la ma-
niére por;éc par Içs deux articles précédens , 8e que la date
PPPP
666
PRISON.
eue de procurer aux prifonniers tous les foulage-
mens qui peuvent adoucir leur état.
tics ccrous , le nom , qualité & dcmcute Je l'oificier qui
les aura faits , n'ayent été écrits fur le rcgiilte de la geole , &:
copie du tout latUce au prifonnier.
XXV. Le regillre du greffier &: celui du concierge conte-
nant ce qu'il a reçu des prifonniers pour gîtes Se geolages ,
feront pat eux repréfentcs lors de chacune viiite Se féance qui
fei'a faite daiis les-Ciifons.
XXVI. Fait défenfes i tous huiiliers de riin exiger de ceux
«ju'ils conduiront à la Prilbn , fous prétexte d'avoir fourni un
cariofle à cet effet, à peine de rellitution du quadruple de ce
«]u'ils auont re^u i 3c de vingt livres d'amende , Se de plus
grande peine s'il échcr ; faufàeux de s'en faire payer par la
partie, à la requît; de laquelle l'empriionnement aura été
fait.
XXVII. Fait pareilleinent défenfes , fous les mêmes peines,
au.tdits huilliers , même aux exempts du lieutenant criminel
de robe courte & autres officiels de juftice , & aux guiche-
tiers , fous la même peine , de rien exiger des piiionniers ,
»]u';ls pourroient être dans le cas de transférer dans une autre
r.iibu, pour 1 inllructiondu procès ou autre caufe , fauf dfe
faire p.iyer par les parties, à la requête defquelJcs ils les
transféreront.
XXVIII. Lorfqu'un prifonnier fera obligé de faire des
fignihcations ou d'obtenir des jugemens eu arrêts contre Us
crcanciers , pour être payé de fes alimens , le greffier ne rece-
vra les crcanciers à configner les alimens pour l'avenir,
qu'en conlîgnant en même temps ceux qui n'ont point été
payés , & en rembourfant le prifonnier des frais dcfdites
ligiiiHcations Ôe jugemens qui feront liquidés , fans procédii-
rci , par les confcillers de la cour commis pour la vi/ite t^es
Fiifons , à peine contre ledit gierfier de payer de fes 'deniers
ce qui pourra être dû au prifonnier , tant pour fes alimens
que pour les frais qu'il aura faits , pour en être payé.
XXIX. Les vifites 8e féances feront faites pat les confeil-
Icrs commis par la cour , avec le fubllitut du procureur géné-
ral du roi parlai nommé , a/ant les Fêtes de Noël , Pâques
& Pentecôte &: de Saint-Simon Se Saint-Jude, Se en outre
avant la Notre Dame d'août, fans préjudice des vifues par-
ticulières qui feront faites dans ladite Piifon par le procu-
reur général Ju roi ; ou celui de fes fubftituts qu'il commet-
tra. 6'i^ne, Joly de Fleury.
Oui ie rapport de M' Adiien- Louis Ltfebvre, confeiller ;
Tout confidéré.
La cour ordonne que les articles de règlement , joints à la
requête du procureur général du roi , au nombre de vingt-
neuf articles, feront exécutés pour la Prifon de l'hôtel de la
Force ; ordonne, au furplus , que les articles du titre XIII
de l'ordonnance du mois d'aisût 1770, touchant les Pri-
fons , greffiers des geôles , geôliers &: guichetiers ; la décla-
lation du mois d'août 1780, regiflrée en la cour le 19 du
même mois , concernant les alimens des prifonniers , 8e l'ar-
rêt du 18 juin 17 17 , le tout en ce qui concerne les Prifon-
niers pour dettes civiles , feront exécutés; ordonne que le
prcfent arrêt , ôe les arcicles de règlement y annexes , feront
împiimés, lus dans les chapelles de l'hôtel de la Force , tous
les prenaiers dimanches de chaque mois, en préfencede tous
les prifonniers , & affichés aux portes des chapelles , à celles
delà Prifon , dans le greffe, fur le pré? u Se dans les lieux
Jes plus apparens de la Ptifon , & les affiches renouvelées
tous les an» à la .9aint-MartiH 8e à Pâques, même plus fou-
vent s'il cil néceflaire, à la diligence du fublHtut du procu-
reur général du roi qui aura été par lui commis à la vifite
de ladite Ptifon. F^it défenCes aux prifonniers , 8e à toutes
autres perfonnes , d'enlever ou déchirer lefdites affiches , fous
lelles peines qn'il appartiendra, ôe aux greffier, concierge Se
giiichetiers , dcle foufïrir , aulli fous telles peines qu'il ap-
janicndra. Fait en p.iiiement le dix-neufféviier mil fept cent
«juatte vingt d'eu^t, Go'lationnt LVïTON. ir'i^ne'DUF.HANC.
PRISON.
Ceft Air tout fur IcsPrifons des feigneurs Jiaiirs-
, jiifticiers que le miniftére public doit arrêter fes
regards. 11 exifte un arrêt de règlement du premier
, feptembre 1717, qui porte, « que les feigneurs
» haut-jufticiers feront tenus d'avoir des Prifons
> » au re^-dc-chjujfce , en bon état ^ finon qu'elles fe-
» ront conftruites & rétablies à la dilig-'nce des
» procureurs du roi des fièges oii les appellations
» de ces juflices reffortiffent médiatement ou im-
» médiatement , ou connoiflent des cas royaux
» dans l'étendue de ces juflices. Pourquoi il fera
» délivré exécutoire auxdits procureurs du roi , de
» l'autorité des juges , contre les receveurs des
, " terres & feigncuries d'où dépendent ces hauts-
» jurticiers (i) )>.
Ce n'eft pas aflcz d'avoir fait élever un édifice
bien fur & bien falubre pourgarder les prifonniers ,
il faut les recevoir d'une manière légale & con-
tôrme à l'article 13 de l'ordonnance de 1670; les
conduire aux interrogatoires , les ramener avec
précaution , les nourrir , les fervir , & les élargir
lorfque la juilice l'a ordonné.
C'eft pour remplir ces diverfes obligations en-
vers les prifonniers , qu'on a établi dans chaque
Prifon un greffier, ou du moins un geôlier qui en
iait les fonvitions , & des guichetiers.
' L'article 25 de l'ordonnance de 1670 , porte ,
; <t que les prilonniers pour crime ne pourront pré-
» tendre d'être nourris par la partie civile , & qu'il
1) leur fera fourni , par le geôlier , du pain , Je l'eau
n 6» de la paille bien conditionnés ».
Si la charité publique ne venoit pas au fecoiirs de
ces malheureux , il feroir trop afîligcant de penfer
que la loi réduit des accufés , qui peut-être font
innocens ( & auxquels elle enlève !a faculté de
travailler ) , à un régime pire que celui de nos
animaux donieftiques.
L'article que nous venons de citer s'obferve
exaclement dans le reiTort du parlement de Pans.
Mais il a été rendu , le 4 août 1731 , un arrêt de
règlement au parlement de Rouen , qui ordonne
» que la provifîon alimentaire des accufés , à !a re-
» quête des parties civiles, fera de 3 fous 4 den.
» par jour, fi mieux n'aime le prifonnier prendre
>j deux livres de pain en effence >■'.
L'article 11 de l'arrêt du 18 juin 1717, pour les
Prifons de la ville de Paris, n'accorde aux prifon-
niers quune livre & demie de pain de bonne cjualiié de
bled. Malgré l'inatflion à laquelle ils fe trouvent
(Il L'article 59 du titre 2j de l'ordonnance de I670 ,
porte, « que les taux à ferme des Pri ons feigneuriiles doi-
» vent erre faits en préfence des juges roya-jx , chacun dan»
» leur reffort, 5e qu'ils en taxèrent la redevance annuelle ,
i> qui ne pourra être excédée far 'es feigneurs, ni affermée
n à d'autres , à peine de déchéance du droit de haute*
» juftice ".
Par une déclaration du roi s'a il juin 17:}, les baux de»
Prifons royales des villes du royaume ont été « dillraits de
>r> la ferme des domaines du roi , fans pouvoir à l'avenir y
« être compris, fous qiielq.ue prétexte que ce foit '>,
PRISON.
condamnés , il en cû beaucoup qui dépcriroient
s'ils ii'avoient pas d'autre nourriture. Voilà l'incon-
vénient des réglemens généraux & uniformes , a
l'égard des individus entre lelquels la nature a mis
de grandes différences.
Le même article ajoute « qu'on leur fournira de
I) lii paille fraîche tous les 15 jours, à l'égard (/^j-
i> cachots noirs , & tous les mois , à l'égard des
» ctchots clairs ».
Nous rendons trop de juftice à l'humanité des
autears de ce règlement , pour ne pas être per-
fuadfcs que ce ne fut qu'avec répugnance qu'ils fe
ft-rvirent de ces mots affreux , cachots noirs & ca-
chots clairs, & qu'ils formoient alors des vœux
pour que ces gouffres affreux fuffent à jamais com-
blés.
En 1665 , le parlement donna un jufîe exemple
de (évérité envers les geôliers , fouvent affez avides
pour s'engraiffer de la fubfiflance des miférables
confiés à leur garde : le 19 mars de cette année ,
il rendit un arrêt qui condamna un geôlier à être
pendu , pour avoir laiffé mourir un prifonnier fans
fecours , &. vraifemblablement d'inanition.
Quoiqu'en général , dans le reffort du parle-
ment, le prifonnier détenu pour crime ne puiiîe
prétendre à être nouni par la partie civile , il y a
•cependant des cas particuliers où il eff tonde à lui
demander des alimens. En voici un exemple ,
qu'on trouve dans le recueil de jurifprudence. Le
fieur Lo^ier , accufé du crime d'adultère, & pour-
{uivi à la requête du nommé Ca^é , fut condamne ,
par arrêt du 2 juin 1766 , au banniffement pour
trois ans , & la femme de Cage à la peine de 1 au-
thentique. L'un & l'autre furent en outre condam
nés folidairement à 1500 liv. de réparations civi
les , au profit de Cage : celui-ci configna d'abord
les alimens pourLozier, qui refta en Pnfon aufujet
des 1 500 liv. de dommages & intérêts ; mais , lui
ayant enfuite paru onéreux de nourrir celui qui
avoir déshonoré fa couche, il dUcontinua de four-
nir des alimens. Lozier demanda à être mis hors
de Prifon , faute d'alimens ; Cage s'y opnofa , en
foutenant que Lozier ne devoit pas être confîdéré
comme prifonnier pour dettes civiles , mais pour
crime ; que par conféquent la confignaiion des ali-
inens ne devoit regarder que le procureur général ,
qui veille à ce que les jugemens rendus contre les
criminels foient mis à exécution. Sur cette contef-
tatios , il fut rendu un arrêt qui jugea que fi , fous
trois jours, à compter de l'arrêt, Cage ne coufi-
gnoit pas les alimens , Lozier feroit mis liors de
prifon.
L'Annnotateur de Dénifart, qui rapporte cet arrêt,
prétend que les opinions furent très - débattues.
Nous avons peine à le croire ; car alors Lozier ne
pouvoit plus être confidéré que comme fimple dé-
biteur de Cage d'une fomme de 1500 liv. Or, la
partie publique n'étoit pas intéreffée à ce que cette
fomme (ùt payée ou ne le fût pas à la partie civile.
C'éioit donc à celle-ci feule à ufcr de fes droits ,
PRISON, 66j
pour forcer fon débiteur à s'acquitter envers eile.
C'eft par cette même raifon que la nourriture
des prifonniers pour dettes n'eft pas fournie à ce*
derniers par le roi.
L'huiffier qui écroue un débiteur doit au inéme
moment configner des alimens pour un mois , entre
les mafins du greffier ou du geôlier , â peine de nul'
lité de temprijonnenient. A l'égard de la fixation de
ces alimens , elle varie fuivant les lieux oii font
fituées les Prifons : & en effet, il eff juffe que le
créancier paye en raifon de l'augmentation ou de
la diminution du prix des vivres , & qu'il n'y ait
pas à cet égard un règlement invariable ; il ne faut
pas que , dans des temps de calamités où le pain
devient très-cher , le prifonnier pour dette foit ex-
pofé n mourir de faim dans fa captivité.
On ne payoit à Paris, avant le premier mars
178^, qu'une piftole par mois pour chaque débi-
teur emprifonné : mais cette taxe ayant paru infuf-
filante pour la nourriture d'un prifonnier pendant le
cours d'un mois , le parlement a rendu à ce fujet,
fur la requête du procureur général du roi, le pre-
mier février de cette année , un arrêt de règlement
dont voici le difpofitif :
» La cour ordonne qu'à compter du premier mars
» 1785 , les créanciers écrouans & recommandans
1) feront tenus de configner entre les mains des
)) greffiers ou geôliers des Prifons de la ville de
» Paris , & par avance , la fomme de douze livres
n dix fous par mois pour la nourriture des prifon-
» niers qu'ils feront arrêter ou recommander, à
» moins que les prifonniers ne déclarent fur le
)) regifire tenu par le greffier ou geôlier, qu'ils
» n'entendent recevoir de leurs créanciers aucn.j
» denier pour leurs alimens ; ordonne que le pic-
» fent arrêt fera imprimé & affiché par-tout où
)j befoin fera , notamment dans les prifons de la
» ville de Paris , &, qu'il fera notifié par les gref-
» fiers ou geôliers des Prifons au domicile des
» créanciers écrouans ou recommandans , s'ils de-
n meurent dans Paris , finon au domicile élu par
V les écrous & recommandations , aux frais & dé-
î> pens des prifonniers , quinzaine avant le premier
» mars 1785 , lefqucls frais les greffiers ou geôliers
)» retiendront fur les premiers deniers qui leur fe-
V ront confignés à raifon de vingt-cinq fons oar
)> chaque exploit de notification. Fait en parle-
)) ment , &c. ».
Il étoit néceffaire d'aflurer, d'une manière indé-
pendante des évènemens , cette nourriture que le
roi accorde aux accufés retenus captifs. C'eft dans
cette vue que l'article 26 de l'ordonnance de 1670
porte ce qui fuit : « Celui qui fera commis par no-
» tre procureur ou ceux de nos feigneurs , pour
» fournir le pain des prifonniers, fera rembourfé
» fur le fonds des amendes , s'il eft fuffifant , finon
» fur le revenu de nos domaines; & oîi notre do-
j> maine fe trpuvcroit engagé , les cngagiffes y fe-
>» ront contraints , & ailleurs les feigneurs hauts-
3> judiciers , même les receveurs & fermiers de nos
P p p p ij
66B PRISON.
i> domaines , & ceux des engagiftes hauts-jurticiers >"
n refpeéïivement , nonobftant oppofition ou appel-
» lation , prétendu manque de fonds ^ & payement
» fait par avance, & toutes faifies ; fauf à être
j> pourvu de fonds au receveur fur lânnée fui-
« vante , ou faire déduflion aux fermiers fur Tannée
V fuivante ».
Ceft dans des cas femblnbles qu'il faut faire ex-
ception à la règle générale , & foumettre les appa-
rences de la jultice à l'empire de la nécenité. Nam
alimeni'is moia ficri non cebet , dit la loi , cod. de
aliment is pupillo praftandis.
Le prifonnier fe trouve encore dans une circonf-
tancc plus critique que le pupille: retranché de la
fociété , il ne peut pas même oftVir la vue de fa mi-
sère à la conimifération publique , & faire verfer
fur elle les dons de la charité : lorfque celui au nom
iluquel il a été arrêté ne lui fournit pas de quoi
fubfirter , il faut qu'il meure de fitim , (\ on ne lui
rend pas Tufage de fes bras.
C'eft par cette raifon que , d'un côté , on a ap-
plani tous les obflacles pour alimenter des accufés
ditenus à la requête du miniflère public ; & que ,
de l'autre , on ouvre au prifonnier pour dettes les
portes de fa Prifon , au même inftant où fon créan-
cier a négligé de configncr fes aliniens. Voici ce
que l'article 24 de l'ordonnance de 1670, tii. 13 ,
dit à ce fujet : « Sur deux fommatlons faites à dif-
» férens jours aux créanciers qui feront en demeure
» de fournir la nourriture au prifonnier, & trois
»> jours 3prè\ la dernière, le juge pourra ordonner
» ion élargiffemtnt , partie préfente ou diunent
V appelée ".
La nécefiué de faire deux fommations, & d'at-
tendre encore trois jours après, avant de deman-
der & d'efpérer obtenir fon élargitTement , a paru
fans doute trop dure. L'article 5 de la déclara-
tion du 10 janvier 1680, porte, »» qu'après l'ex-
» piration des premiers quinze jours du mois,
»» pour lequel la fonime néoeHaire aux alin-rcns du
» prifonnier n'aura point été payée ; les confeil-
» 1ers des cours, commis pour la vifite des prifons,
•n ou les juges des lieux , ordonneront rélargifTe-
» ment du prifonnier, fur fa fimple réjuifuion ,
w fans autre procédure , en rapportant le ccr-
» tificat du greffier ou geôlier , que la fommc pour
w la continuation des alimens n'a point éic payée.
Mais pour que les juges puifTenr, fur cette fimple
ex[>ofition &lefeul vu du certificat du greffier,
ordonner l'élargiflement, il faut que les caufes de
J'emprifonnement & des recommandations n'ex-
cèdent pas la fomme de deux mille livres; car fl
la fomme eft plus forte , le prifonnier doit fe pour-
"'oir par requête, quî eft rapportée, & fur laquelle
les cours prononcent fon élargifTement ; il doit être
fait mention du certificat du greffier ou geôlier
dans le jugement. Il faut auparavant, dans le fé-
cond cas , que la requête ait été fignifiée au créan-
cier, au domicile par lui élu dans l'afle d'écrou
ou de rccoins>a;idatlon.
PRISON.
L article 6 de la même déclaration porte , que le
>' prifonnier qui aura été une fois élargi 'faute
» d'alimens, ne pourra une féconde fois être cm-
w prifonné ou recommandé à la requête des mê-
» mes créanciers, qu'en payant par eux les ali-
I) mens par avance pour (w mois ».
Lartide 2^ de l'arrêt de règlement du 17 fep*
tembre 1717, porte, » que lorfqu'un prifonnier
» fera obligé de faire des fgmfications ou d'obtenir
» des jugemens ou arrêts contre fes créanciers,
» pour être payé de fes alimens, les greffiers des
j» géoles ou geôliers ne recevront les créanciers
» à configner les alimens pour l'avenir, qu'en con-
» fignant en même temps ceux qui n'ai.iront point
» été payés, & en remhourfant le prifonnier des
») frais defditesfignifications & jugemens, qui fe-
» ront liquidés, fans autre precédv.re , parlé lieu-
» tenant général ou autre premier officier du
» fiége orduiaire des lieux oii les Prifons feront
n fituées,à peine contre lefclits greffiers & geôliers
» de payer de leurs deniers ce qui pourra être dû
" au prifonnier , tant pour fes alimens , que pour
« les frais qu'il aura faits ». Cette juftc dirpofi-
tion a été confirmée par l'article 3 5 de l'arrêt de rè-
glement du 18 juin 1717, rendu pour les Prifons
de Paris (i).
(t) f.esahmens à fournir aux prifoiinicTs dé.enus en vertu
d une ordonnance du ciibunal du point d'honneur, ont donné
Jicu recement i lexamen èc pludeurs queftions en pra'cacc
de NiAî. les nurkhaux de France.
La première a été de favo'r fi Je créancier qui avoir fait
eniptiionner fon débiteur, dcvoitlui fournir des alimens, Se
s il cioit fondé à en exiger le rembourfement avant que Je
piifonniet pût jouir de fa libci-ié.
On 3 obfervé d'une paît , que les demandes qu'on for-
mou journelleiaent devant le iiibunal du point d'honneur ,
etoient fouvent très- n^odiques , & que fi on oMigeoit le
crcancrer de fournir àes alimens à fon débiteur prifonnier , il
pourroii arriver que des débiteurs infolvables &: de niauvaife
foi, poarroient occafionner à Iturs crcancieis un préjudice
plus confidérable «j^e s'ils cuflent fait le facrificc de ieurc
créances. On a ajoute que le refus ou même l'impuifTance de
fatisfaire à un engagement autlî facté , qu'une dette d'hon-
neur, etoit une forte de délit dont il nefcroit pas jufte que le
cièancier fût Ja viaime.
D'autre part, on a cotirtdéré qu'il f auroît de J'înhumanité
a retenir en prifon un débiteur, fi le créancier ctoii JJfpcnfé
de pourvoir à fa fublîftance, ou du moins fi on n'accordoit
pas au geôlier un recours contre ce créancier pour les ali-
mens qu'il auroit fournis : qu'on devoir fuppofer que le débi-
teur qui feroir dans la pofllbiliré de fe libérer, ne feroit pas
volontairement le facrihce de fa liberté pour nuire à fon créan-
cier. En coiiféquenccon apenféqu'un règlement génétal fur
cette matière feroit fujet à plufieurs inconvéniens , &c qu'il
feroir plus expédient de prononcer fur chaque efpèce qui fe
prcfemeroit , rclatiretnent a.ux facultés refpetlivcs du débi-
teur & du créancier.
En fécond lieu , on a examiné fi le geôlier ouïes traiteurs
qui fournifloient des alimens à un prifonnier détenu en
vertu d'une ordonnance du tribunal du point d'honncut , dé-
voient être autorifts à le retenir en prifon jufqii'à ce qu'il eiit
payé le montant de ce qu'ils lui auroient fourni.
La délibération prife fur cet objets par AfM. les maréchaux
de France le 7 janvier 178* , contient Je? dif^ofuionj fui'
vantes ; ,
PRISON.
Plus le féjour des Prifons eft affreux , pins les
iuges doivent avoir attention de ne pas y envoyer
égérement Taccufé ou le débiteur ; plus aufli ils
doivent apporter de foin pour que celui qu'ils ren-
ferment ne foit point moleflé par les geôliers , gui-
chetiers , & par les autres prifonniers. Et pour qu'il
puiffe recevoir librement toutes les conlolations ,
tous les adouci/Temens û néceffaires à fon état,
Tarticle ii de l'ordonnance de 1670 veut que le
juge ait égarJ à l.i qualité des p^rfonnes , parce que le
féjour de la Prifon , qui eft prcfque indifférent aux
gens du commun, eft un iupplice pour les hon-
n hes domiciliés , & les flétrit , pour ainfi dire , dans
l'opinion publique : elle expofe un marclmnd à
perdre ion crédit , à manquer, & à entraîner dans
fa ruine plufieurs autres dont les intérêts font liés
au fuccès de fes affaires ; elle fait perdre à un com-
mis fon emploi ; enfin elle nuit à fou honneur &
à fa fortune. Aulîi l'article 19 de l'ordonnance que
nous venons de citer, dklare exprcffément » qu'il
>♦ ne fera décerné décret de prife de corps comrç
» les domiciliés , fi ce n'eft pour crime qui doit être
» puni de peine ûfliHive ou infamante ■>^.
MaUieureufeihent le juge peut fe tromper ,
& non feulemeijt décréicr de prife de coips un-
accufé mnocum ou prévenu d'un délit léger ,
mais même le condamner à une peine affti'âive
ou infamante. Ce iéroit bien pire encore fi , pour
juftifier la févèrité de fon décret, il condamnoit
PRISON.
669
* Article I. îes débueursconditut-s prifonniers de l'au-
»» torité du tribunal qai voudront oWiger leuï créancier de
M leur fournil- des alimens , feront tenus de pi\fenter requête
jj à cet eftet:lerdites requêtes feront conjn'.uniijuîes aiicréan-
»> cierpour y répondre dans un brefdéiai qui feij fixé, eu
». égard à h diftance àei ]ieux où fera le créancier, pour
9> enfuite fur fa réponfe cire ordonné par le tiibunal ce qu'il
>> appartiendra.
» II. Le débiteur pourra au moment de fon emprifonne-
a» ment former ladite demande. L'exempt ou autre chargé de
» le conftituer ptifonnier recevra !a dtclaiation , &: evpli-
5> (]uera les motifs furlefijuels la demande eft fondé,-- il la
« communiquera de lu'te au créancier, fans qu'il foi: be-
» loin audit cas de préft-nter une nouvelle requête,
« III. Les alimens func &c demeureront fixés à la fomme
» de quinze livres par mois pour tous frais généralement
» quelconques, m»is ils ne pourront dans aucun cas cite
» adjugés que du jour de la demande qui en aura été
» formée.
" IV. En attendant qu'il a't été ftatué fur ladite demande ,
» le geôlier fera tenu de fournir lefdits alimeris furie pied
sj de quinze li.res par mois ci-deflus fixé, & il pourra rete-
» nir le débiteur dans les prifoni jufqu'à ce qu'il aitétéren:-
« bourfé de ladite fomme , faufà lui à prendre fes sûretés
» pour les autres avances qu'il lui fera , même pour raifon
« de la chambre particulière qu'il lui aura fournie.
» V. Dans le cas où le geôlier craindroir de n'être ras
»> rembcu'fé de ladite fomme de quinze livres par mois , il
3> ptéfentera au tribunal un mémoire d'o(>fervation , lequel
M fera communiqué au créancier & au débiteur , pour fur
M leur réponfe, être ilatué ce qu'il appartiendra.
«'VI. Les rraiteurs &: autres fournifTeurî ne pourrent p,is
» s'oppofer à l'élargilument des ptifonniers, pour raifon àa
5> fournitures qu'ils leur auront faites , fauf à eux à fe potir-
» voirpourle payement d'iccllcspardeyaiu les juges qui en
w doivent cca.iOÎLre »•
à une peine afliéiive ou infamante, celui contre
lequel il auroit prononcé une fimple condamnation
d'amende ou de dédommagement , s'il n'eût pas
eu d'abord l'imprudence de le décréter de prife de
corps: cela n'eft peut-être que trop fouvent ar-
rivé : car une première injuAice nous conduit
prefque toujours à une plus forte.
Le juge, avant de faire conduire un accufé en
Prifon, di.it donc avoir une grande attention à la
gravité du crime dont on le charge , aux degrés
de probabilité qui s'élèvent contre h:i, au tort
qui peut en réfult^r en raifon de (on crédit, de
fon état , de fon âge , de fa famille ; il doit auffi lui
épargner, autant qu il lui cft poflible , l'humilia-
tion d'être mené publiquement & à pied en Pri-
fon , lorfque l'accufé peut s'y faire tranfporter en
voiture & fe dérober à la curiofitéinfultante d-' la
populace : ce n'eft pas tout ; il eft obligé de le pro-
téger lorfqu'il efl en Prifon , d'ordonner qu'on ait
des égards à fon âge, à fes infirmités , à fon carac-
tère. Un viellard , une femme, un prêtre, un hom-
me de loi , un militaire décoré, méritent des mé-
nagemens parriculiers, à moins qu'ils n'aient viû-
blement commis des crimes qui les rangent dans
la cl^ifTe des plt;s vils fcélérats. Le juge doit aulTi ,
8c à bien plus forte raifon , mettre la plus grande
célérité dans l'inftrudlion des procès criminels , afin
de ne pas laiffer languir longtemps dans les hor-
reurs de la captivité , l'accufé qui fera peut-être
abfous, ouauquel.il ne fera infligé qu'une peine
légère, lorfque la vérité aura été éclaircie par l'in-
formation.
L'article i du titre 7 de l'ordonnance de 1673,
porte , 11 que ceux qui auront figné des lettres ou
» billets de change pourront être contraints par
11 corps, enfemble ceux qui auront mis leur aval,
» qui auront promis à'en fournir avoc remife de
» place en place , qui auront f^xit des promefTes
M pour lettres de change à eux fournies, ou qui
» le devront être ; entre tous négocians ou mar-
» chands qui auront figné des billets pour valeur
» reçue comptant ou en marchandifes ; foit qu'ils
» doivent être acquittés à un particulier, à (on
» ordre , ou au porteur ».
11 refaite de cet article , que non feulement tout
marchand commerçant qui fait des billets ou let-
tres de change , mais même tout autre particulier ♦
s'expofe , (1 la lettre qu'il a eu l'imprudence de ti-
rer ou d'endoffer n'eft pas acquittée , à être mis
en Prifon; mais il ne s'enfuit pas, comme le re-
marque très-bien le commentateur , que le juge
doive toujours autorifer le créancier à faire con-
duire fon débiteur en Prifon , parce qu'il n'a pas
payé (on billet ou fa lettre de change. Le mot
nourronf, indique que le juge efl le maître de ne
pas ordonner la contrainte par corps , lorfque le
débiteur a étéfurpris,lorfqu'il n'y a pas demauvaife
foi dans fes retards, ou qu'il exifte une impolîî-
bilité TTvérée de payer ce .qu'l doit.
Un règlement trcs-fdge , ceft celui quidoci'i'.te
670 PRISON.
que toutes les lettres qu'on a fait foufcrire à
des enfans de famille étrangers au commerce , ne
feront réputées que fimples billets, & n'emporte-
ront pas la contrainte par corpj.
Lorfque nous avons fait fentir l'injuftice & la
dureté qu'il y avoit à confondre le débiteur avec
le criminel, nous avions fur-tout en vue ceux aux-
quels on n'a pas d'autre reproche à faire que de
s'être rendus trop légèrement cautions d'un ami mal-
heureux, que de n'avoir pas mis affez d'ordre dans
kurs affaires, d'avoir trop compté fur des recou-
vremens qui leur ont manqué : mais nous n'avons
pas entendu parler des banqueroutiers frauduleux
en faveur defquels il ne doit pas y avoir d'excep-
tion ; ceux-ci n'ont pas feulement mérité de per-
dre la liberté, ils ont mérité de perdre l'honneur,
&,une fois qu'ils font pourfuivis au criminel , il
eft jufte qu'ils foient renfermés dans la même pri-
fon que les autres ciiminels.
Lorfqu'un accufé arrive en Prifon, l'ordonnance
veut qu'il foir mis au fecret, & qu'il lui foit in-
terdit toute communication avec quelque perfonne
que ce foit , avant d'avoir fubi fon interrogatoire.
Lorfque le juge a complété cet interrogatoire,
il lailîfc ordinairement la liberté décrire dans ce
qu'on nomme le pré.iu , qui eft une cour com-
mune à tous les prifonniers , de recevoir fes amis ,
fes confcils , de communiquer avec le compagnon
de fa captivité.
Il a paru important à la découverte de la vérité,
que l'accufé ne pût , avant de fubir interrogatoire,
voir perfonne , afin que fes complices ou les inté-
refTés à fa confervation ne lui didaflent pas des ré»
ponfes qui le fauva/Tent de la punition due au crime.
C'eft par cette raifon qu'on ne lui permet pas
même d'écrife des lettres , & que l'ordonnance
fait défenfe aux geôliers de lui fournir de l'encre
&: du papier : s'il obtient la permiffion d'écrire, ces
lettres doivent paffer fous les yeux du juge avant
d'être portées à leur adreiïc.
Si néanmoins l'accufé, après l'interrogatoire,
paroiflbit au juge coupable d'un crime capital ,
il n'obtiendroit pas la liberté de communiquer au
dehors & d'aller fur le préau. Ce font les accufés
de cette efpèce qu'on avoit cru devoir condam-
ner à habiter les cachots ; le même féjour eft en-
core réfervé pour les accufés dont le premier ju-
gement renferme peine de mort , ou même peine
affli6\ive , quoiqu'il en ait été interjeté appel, foit
par eux , foit par le procureur du roi.
Ces malheureux , ainfi ifolés , ne font pourtant
pas privés de l'approche des perfonnes chari-
tables , connues pour venir habituellement viû-
ter les prifonniers, les exhorter & les aflîfter par
ime attention fingulière. On a foin de ne pas lai/Ter
ces miférables abfolument feuls : mais puifqu'on
croit devoir brifer leurs fombres réflexions , écar-
ter leurs idées de défefpoir par la préfcnce d'un
être femblable à eux, qui leur parle, qui agiflc
ibuslfurs yeux i il feroit à défircr qu'on ne mît
PRISON.
pas à leurs côtés "ùVi homme tout à fait oppofé à
eux par fon état & par le genre de fon crime.
Nous fommes bien éloignés de vouloir rien di-
minuer de l'horreur des fautes qu'avoit conimifjs
la Barre , cet imprudent jeune homme , accufé d'a-
voir infulté un chrifl: , d'avoir troublé des cétémo-
nies reUgieufes par des chanfons fcandaleufes ;
transféré de la Prifon d'Abbeville dans les cacJiots
de la conciergerie , il les a habités jufqu'au jour où
il a été renvoyé pour fubir fon jugement. Certai-
nement fi l'on eût placé près de ce gentilhomme
un aflalîîn qui l'eût entretenu de fes cruautés , de
fes brigandages, en s'étonnaiit de l'en voir frémir,
c'eût été un tourment de plus pour lui , que d'a-
voir fans ceiTe devant les yeux une bête féroce
fous les traits d'un homme , & d'être condamné
à l'entendre.
On a l'attention de féparer les prifonniers qui
font accufés de complicité, & de leur interdire
toute communication ; on ufe de cette précaution
même envers les maris & les femmes , qu'on
tient exaélement féparés , lorfqu'on a à craindre
qu'ils ne s'entendent & ne concertent leurs ré-
ponfes.
Il efi des fcélérats que le regret d'être enfermés
rend furieux , & qui , dans leurs tranfports , dans
leur aliénation , veulent ou fe détruire , ou s'élan-
cer fur leurs gardiens. On eft forcé de les enchaî-
ner pour les contenir, pour les empêcher de por-
ter fur eux ou fur les captifs des mains hsmicides ;
mais on ne doit leur mettre ces terribles entraves
que dans la plus grande nécefilté , & encore doit-
on éviter autant qu'il eft pofiible , de faire fouffrir
celui qui les endure.
Le geôlier, tant que les cachots fubfiHent, n'a
le droit d'y mettre aucun prifonnier, ni de lui
attacher des fers, avant d'en avoir reçu un ordre
par écrit du juge. L'art. 19 du titre 13 de l'or-
donnance en fa?t la plus exprefl!^e défenfe, fous
ncine de punition exemplaire,
Lorfqu'il eft abfolument néceftaire de mettre
un prifonnier aux fers ; s'il n'y en a pas, c'eft au
procureur du roi ou fifcal à en faire faire aux dé-
pens du domaine.
Il eft d'ufage , par exemple , d'unir par des fers
les pieds des prifonniers qu'on transfère de la
province dans les Prifons de Paris ; ces malheu-
reux, dont l'extrémité des jambes eft meurtrie,
fouffrent beaucoup au moment où on dérive leurs
fers arec un marteau dont les coups redoublés
les expofent à de nouveaux froiftcmens.
Il feroit poftîble de leur éviter ce furcroît de
douleur , en fixant leurs fers de manière à pou-
voir les fépurer fans le fecours du marte^^u. Une
des principales obligations impofées aux greffiers
S: guichetiers , c'eft de ne faire pafter aucun pri-
fonnier, foit dans les chambres , foit au fecret,
fans qu'il leur ait été donné communication des
arrêts, jugemens & aâes en vertu defquels les
éçrous ^ twcommandations ont lieu. Ils doivent
PRISON.
Inférer fur leurs regirtres , « reliés , cotés , para-
n phés par première 6l dernière page , lefdits écrous
y> & recommandations, le nom de la jiirid'rélion
»» dont ils font émanés, ou des notaires qui les ont
" reçus; le nom , furnom & qualité du prifonnier,
J» Si ceux de la partie qui aura fait faire les écrous
» & recommandations , avec le domicile qui aura
>' été par elle élu ».
Il eh enjoint , par l'article 24 de l'arrêt de règle-
ment de 1717,3 tous les huiiïiers , de donner eux-
mêmes , en mains propres , à ceux qu'ils " confli-
» tuent prifonniers ou qu'ils recommandent , des
» copies lifibles , en bonne forme , de leurs écrous
»> & recommandations, à l'effet de quoi , ajoute le
»» même article , lefdits prifonniers feront amenés
j> entre les deux guichets, en préfence defdits gref-
» fiers ou geôliers , qui feront tenus d'en mettre
» leur certificat fur leur regiîlre , à la fin de chacun
" dtfdits écrous & recomm.-rndations , à peine d'in-
yi' ccrdi^icn contre les huiffiers , pour la première
« fois , & de privation de leu'S charges pour la
■>■> féconde ; & contre les greffiers & geôliers , de
j' vingt llv. d'amende pour chacune des contraven-
Y> tions , & de tous dépens dommages & intérêts ,
» même de plus grande peine s'il y échet ».
C>es précautions font bien fages ; elles ont pour
objet d'éviter k'S méprifes &. les prévarications ;
elles empêchent qu'un citoyen , viétime du rcffen-
timent d'un huiiTier ou de celui qui Tauroit cor-
rompu , ne fe trouve arrêté & conduit en Prifon
fans un ordre légal. Les greffiers & concierges de-
viennent par ce moyen juges en quelque façon de
l'huiffier ou de l'officier qui leur amènent un pri-
fonnier; ils voient fur quel fondement ce pr'ifbn-
nrer'leur eu. livré, & en vertu de quoi il eft privé
de fa liberté ; ils font certifier la vérité des pièces
que leur produit l'huiffier , qui s'expofe à des
peines très-graves fi fon énoncé eft faux.
La copie de lécrou, & celle de la fentence ou de
l'arrêt fur lequel il porte, délivrées au prifonnier,
font trés-eflentielles , parce qu'elles le mettent à
même d'attaquer le jugement rendu contre lui ,
s'il efl injufte , d'aâionner celui gui l'a furpris ; d'en
obtenir des dommages & intérêts, & de faire niê-
me condamner l'Iiuiilîer, s'il y a des irrégularités
dans fa procédure. Tout ce qui peut amirer la
tranquillité publique, arrêter i'oppreffion , intimi-
der les prévaricateurs, ne peut être trop rigoureu-
fement maintenu.
Des lettres-patentes du 6 février 17^3 , regif-
trées le 20 mars fuivaut, portent, « que la police
M générale des Prifons appartiendra aux lieutenans
» généraux des fénéchauiTes & bailliages royaux ,
31 & autres premiers juges des autres jufiices ordi-
V naires du reflbrt des cours , chacun en ce qui
5) concerne les perfonnes dépendantes de leur ju-
■>■) ridiclion , fous quelque dénomination qu'ils nient
■)■) été créés , & ce privativement aux lieutenans
» criminels ou de police defdits fiéges , même aux
» officiers des chambrés des comptes ou cours à^
PRISON. 671
r> aides , des éleélions, grenier à Tel & autres ju-
» ridiâions ».
Par les mêmes lettres patentes, « la réception
» des geôliers , des greffiers des Prifons ; les para-
» phes des regiftres que lefdits geôliers & gfef-
» fiers font obligés de tenir, conformément aux
» articles 6 8c 9 de l'ordonnance de 1670, titre
» 13 ; les taxes des alimens, appartiennent au lien-
» tenant général , juge-mage ou autre premier
n officier, privativement au lieutenant criminel,
» lequel néanmoins a , ainfi que le lieutenant de
» police & les autres juges, le droit de faire la
» vifite particulière des prifonniers dont lescaufes
M ou procès font pardevant lui ».
L'arrêt de la cour du 25 juin 16^9, rendu po«r
Chaumont en Baflîgny, porte, « que quoique la
» police des Prifons appartienne au lieutenant-
>' général, néanmoins s'il fe commet quelque crime
» ou délit dans les Prifons par les geôliers ou gui-
» chetiers , la connoiflance en appartiendra au
» lieutenant criminel».
C'eil aux juges qui ont la police des Prifons à
faire la réception des geôliers , des greffiers des
Prifons; ce font eux qui deivent parapher, fans
frais , leurs regiftres , fuivant la déclaration du 6
février 1753 , & l'article 3 de l'arrêt du 1 1 feptem-
bre 1717- La police des Prifons appartient au lieu-
tenant criminel, & enfuite au premier officier du
fiège , lorfque le lieutenant général eft abfent.
Il y a des abus que rien ne peut détruire; il
exifle des défenfes trés-exprcfles d'exiger de ceux
qui arrivent en Prifon ce qu'on nomme une bien-
venue. L'article 14 du titre 15 le défend fous peine
de punition exemplaire.
L'article 8 de l'arrêt dérèglement de 1717 s'ex-
prime ainfi : « Fait défenfes aux Prévôt & autres
n anciens prifonniers, d'exiger ou de prendre au-
» cune chofe des nouveaux venus , en argent, vi-
» vres ou autrement , fous prétexte de bien-venue ,
» chandelle, balais, & généralement , fous quel-
» que prétexte que ce puiiTe être , quand même il
» leur feroit volontairement offert, ni de cacher
» leurs bardes ou de les maltraiter , à peine d'être
» enfermés dans un cachot noir pendant quinze
M jours , & d'être mis enfuite dans une autre cham-
» bre ou cabinet que celui où ils étoient prévôts,
» ou même de punition corporelle , s'il y échet ; à
» l'effet de quoi leur procès leur fera fait & parfait
» extraordinairement ». Qui croiroit que malgré
ces défen'es fi fortes, fi réitérées , l'abus de faire
paver ^^ hîe^-venue à un miférable qui arrive en
Prifon , fubfiAe encore , & qu'il court le rifque
d'être très-mal traité s'il fe refufe à cet impôt mis
fur le malheur.'
Le vice qui règne dans la conftru(flion des Pri-
fons , le défaut de gages fuffifans accordés par le
roi aux concierges ou geôliers, a forcé le parle-
ment d'autorifer, par fcs arrêts de règlement de
171 7 , les geôliers à percevoir des droits d'une coa-
67i PRÎSON.
léqvience trés-onéieiire pour le prifonnîcr qui eft
pauvre.
Par l'article s , il recommande « aux geôliers de
M mettre enCemble les prifonniers d'houncte condi-
w cian , & d'obferver que chacun , fuivant ion anciea-
I» neté , ait la chambre ou la place la plus conimo-
j> de. Il leur fait défenfes de recevoir de l'argein
» des prifopiers pour les mettre dans une chambre
»> plutôt que dans ^une autre, le tout à peine d^
j> reflitution du quadruple , de deftitution s il y
M échet ».
Il n'y a rien de fi équitable , de Ci conforme à
rhuaianiié que cet article ; mais fon eft'et devient
nul, fi le prifbnnier efl fans reflbiircc, & fi Tes
facuksls pécuniaires font épuifces , puifque l'article
12 du même règlement autorife le geôlier « à
» exiger de ceux qui veulent coucher feuls dans
» un \\t , cini] /eus par jour , trois fous de ceux qui
17 coucheront deux , crois livres quii.i^e fous s'ils veu-
ji lent être à la peafwn du geôlier 6* avoir une chambre
» particulière f mime quatre livres fi la chambre ejï à
M cheminée»; & que l'article i8 permet auxdits
geôliers de faire p^Jpr à la paille les prifoniers de
la penfion & des chambres, huit jours après qu ils fi-
rent en demeure de payer leur gire 6* nourri:ure. Alors ,
quelles que foient leur condition, leur qualité, leur
ancienneté , ils fe trouveront donc confondus avec
la plus mtprifable canaille ?
Jjariicle 30 du titre 13 dit expreflement , « que
» les geôliers, greffiers des geo'.es, guichetiers,
M cnbaretiers ou autres, ne pourront empêcher Celar-
" ë.lf^'^^'- ^^^ prifonniers fOur frais , nourriture,
31 f;i!e , s^tolage , ou aucune autre dépende )?.
Cctte'défenfeell fondée fur un principe d'équité:
comme le défaut do payement dts frais de nourri-
ture , de gîte , ôic. n'emporteroit pas la contrainte
par corps , le créancier ne peut pas , fous le pré-
texte qu'il ert concierge à\'.ne Prifon , èire plus fé-
vére pue la loi , Sc fe faire une julUce plus prcf-
fanti que celle qui lui fero't accordée; mais il peur,
après rélargiffcment du prifcnnicr , exercer fon
aflion contre lui , ou faire ufage de (on privilège
fur les effets qu'il lai/Te dans la Frifon.
Les prionnicrs qui ne font poir.t enfermés au
fecret , peuver.t fe faire apporter de dehors les vi-
vres . & tout ce qui peut leur être néceiTaire , mê-
me un meilleur 1 t que celui de la prifon.
On n'a pas cm devoir accord.-r cette liberté k
ceux qui habitent les cachots, parce que, devant
s'attendre à un ju^emerit au moins flétriflant , il (e-
roit à crainJre que leurs parens , pour s'éviter le
deshonneur qui s'étend fur la famille du coupable ,
lui fifTent porter d-s me-.s empoifonnés , ou que les
coupables eux-mêmes ne s'en procuraient. La
crainte qu'on a aufTi qu'ils ne mettent le feu dans
leur Prifon ou qu'us ne s'étouffent à ùeireln , les
cxpofe impitoy3bIemenr, dans rhiver,au plus grand
frcid.
Le règlement de 1717 , défend aux g-joliers-gm-
ckctiers'de br.tis les pnfcnni^rs. Us leur anlvsî
PRISON.
néanniions , lorfqu'ils en trouvent de mutins , de
féditieux , de les frapper de leurs bitons , ou d'en-
voyer leurs chiens iur eux; mais comme ils font
ceniés n'employer ces moyens répréhenfibles que
lorfqu'ils font eux-mèmet en danger & pour arrê-
ter les prifonniers, on ferme les yeux fur cette
contravention.
Au farplus, fi les prifonniers éprouvent de la
part de leur gardien de mauvais traiiemens ; s'ils
n'en reçoivent pas les foins que les réglemcns Sc
l'ordonnance prefcrivent , tels que de vi/iter , au
moins tous Les jours une fois , ceux qui font au ca-
chot ; s'il refufe de donner , aux procureurs du roi
ou à ceux des fcigneurs , avis des maJaditS qui peu-
vent exiger qu'ils foient translérés dans l'infirme-
rie; enfin , s'il les gène plus que les réglemens ne
le permettent , ils ont la faculté de porter leur
plainte & de demander juftice aux commiiTaires
des Prifons , ou au lieutenant général , qui doivent
faire de fréquentes vifites dans les Prifons , pour
y maintenir le bon ordre ,& empêcher les vexa-
tions & les oppreflions.
On n'a pas cru devoir tenir rigoureufement la
main à l'article 7 du règlement de 1717, qui fait
défenfes « aux geôliers & guichetiers , à peine de
)» dellituiion , de laitier entrer dans les Prifons
» aucune femme ou fille, autre que les mères,
» femmes , filles ou fœurs des prifonniers ; lef-
}> quelles même , d'après l'article que nous citons ,
» ne pourroient leur ptrler dans leur chambre,
)> même dans la chambre de la penfion , mais feu-
)» lement dans le préau, ou dans la cour en pré-
)» fence du guichetier , à l'exception des femmes
» des prifonniers ".
Tous les jours les prifonniers reçoivent dans
leurs chambres les femmes qui vont les vifiter, 8c
on ne s'informe pas à quel degré elles leur font
parentes , & même fi elles le font.
Mais l'article 6 dji règlement qui veut que les
filles & femmes prifonniêres foient mifes dans des
chambres féparées & éloignées de celles des hom-
mes , Si qu'elles ne pui/Tent aller fur le préau qu'à
une certaine heure oîi les hommes font renfermés ,
s'exécute littéralement ; s'il en étoit autrement , la
Prifon deviendroit un lieu de débauche épouvan-
table. On permet quelquefois au mari & à la fem-
me qui font renfermés dans la n;ême Prifon , pour
un crime qui n'ert pas capital , ou pour dette, d'ha-
biter la même chambre. Il feroit peut-être à defirer
qu'on ne tolérât pas , autant qu'on le fait , l'excès
avec lequel les prifonniers prennent le vin qu'on
leur vend ; mais l'avidité des cabaretiers trouveroit
toujours le moyen de pafitr par defTus les bornes
qu'on leur a prefcrites : lorfque la palTion & l'inté-
rér font d'accord pour tromper la loi , il eA bien
difficile qu'elle ne foit pas éludée.
Ce n'en pas afTcz de veiller à ce qi:e le prifon»
nier ne fouftre aucun dom.moge dans fa Prilon , il
faut auiTi veillçr à ce qu'il n'en h((i aucun; c'efl
par
PRISON.
jpar cette mifon que , fur la requête de M. le procu-
reur général , le 23 décembre 1732. , il a éré enjoint
aux prifonniers de Paris « de le comporter fage-
» ment ; qu'il leur a été fait défenfes de couper Si.
»> de déchirer les couvertures , matelas, traverfins
» & paillaffes , pour les appliquer à leurs vête-
J> mens ou befoins particuliers ; même de call'er
» les piliers & planches de leurs lits, les tables &
« autres meubles des Prifons , & de les brûler , à
r> peine d'être mis , pour un mois au cachot pour
n la première contravention, & , en cas de réci-
r> dive , d'être au ca.rca.n fur le préau des Prifons pen-
V dant deux heures, & enfuite remis au cachot ,
>» pour y refter enfermés pendant tout le temps
» qu'ils refteront yrifonnier'.
Quelqu'affteufe que puifîe être la (Ituation d'un
pril'onnier , quelque puiflant que foit le motif qu'il
a d'en fortir, il ne lui efl pas permis de briferfa
captivité , & d'employer la force pour recouvrer fa
liberté. Il a été rendu & publié un arrêt du parle-
ïiient , le 4 mars 1608 , dont le prononcé eft d'une
sévérité capable de contenir ceux qui auroient le
projet de sévader. Nous allons le rapporter : u Sur
»> la plainte faite par le procureur général du roi ,
» que les prifonniers détenus en la conciergerie
» attentoient jour & nuit , par effradlion des portes
« Si des murailles ci autres voies illicites, pour
»» s'évader des Prifons, & fe trouvoient garnis à
» cet efiet de plufiours inflrnmens & ferremens
»> propres à ce ; & outre qu'ils outragoient les uns
» & les autres , ils poulToient leur infolence juf-
» qii à battre ceux qui alloient vifiter aucuns d'eux ,
»> avec tel excès , qu'il s'en trouve en danger de
« leurs perfonnes , à quoi il a requis être pourvu,
j» La matière mife en délibération , la cour a fait ck
>j fait inîiibitions Si défenfes à tous prifonniers
j» d'attenter fortir des Prifons par efcalade, effrac-
II tion ou autre voie illicite , en quelque forte que
>» ce foit, & à toutes perfonnes de leur bailler ou
II porter aucuns ferremens & inftrumens propres
i> à f'.ire effraction, Uur aider & afTifler à évader
i> defdites Prifons , fur peine d'icre aiieints & con
j> vain -US de crime capital. Enjoint aux geôliers de
>» faire exaâe vifite par chacun iour, des lits , pail-
j> laflés & coffres des prifonniers , & aux prifon-
H nicrs de fouffrir leldites vifites fans y faire réfif-
3> tance , ni entreprendre fur le concierge, fes gens
j> & guichetiers ; & en cas qu aucuns prifonniers
« foient furpris faifant eff^raBion aux murailles ou
)» portas , feront pendus , fans autre forme ni figure
Ti de p'oces ., à U':e potence cjui , pour cet effet , fera
5) plantée au milieu du préau de la conciergerie. Fait
?> défenfe nuxdits prifonniers de fe battre ni s'ou-
» trager les tms les autres , ni ceux qui viendront
X) en ladite conciergerie, ni même extorquer /«zf/j-
» venue d:s prifo niers nouvellement amenés efdites
« Prifons , fous peine du fouet , & de plus grande ,
5» s'il y échet ».
Le crime de bris de Prifon efl fi grave , que lorf-
qu'un accufi qui a voulu s'évader eft repris, Le juge
lQ:nt XIIL
PRISON. 6r,
doit informer fur ce crime, indépendatriment de
la première information relative a l'emprifonne-
ment de l'accufé. Par arrêt du parlement de Paris ,
du 14 aoiit 1736 , la procédure du juge de la ville
d'Eu fut déclarée nulle , pour n'avoir pas inftruit
le crime de bris de F ri/on par information , comme
les autres crimes, & s'être contenté d'interroger
l'accufé fur ce délit , fans avoir fait une inflruflion
entière. Voyez le traité des matières criminelles >
par la Combe, 3" partie , chap. 10.
Il faudroit pourtant diftinguerla manière dont le
prifonnier fe feroit évadé, & s'il étoit retenu pour
dette ou pour crime. Un prifonnier qui verroit la
porte de fa prifon ouverte , & profiteroit de la né-
gligence du geôlier pour recouvrer fa lil>erté , fe-
roit trop excufable d'avoir fuivi le premier mouve-
ment de la nature , pour devoir être puni ; mais fi ,
retenu pour crime, il corrompoit le geôlier, 8c
parvenoit à le déterminer à fe fauver avec lui »
dans le cas où ils viendroient à être repris , tous
deux courrolent rifque d'être punis de mort.
Nous ne devons pas diffimuler qu'on fe relâche
beaucoup de la rigueur de cette junfprudence cri-
minelle , & que , comme de tous les délits , le plus
excufable eft celui qui a pour objet de fouflraire
fa perfonne au fupplice ou à l'infamie, il arrive
très- rarement que le parlement fafle le procès à
ceux qui s'en font rendus coupables. Il fe pafle
peu d'années fans que quelque prifonnier ne s'é-
chappe de la conciergerie. On vérifie les moyens
qu'ils ont , dit-on , employés poar s'enfuir ; on
oppofe de nouveaux obfiacles à ceux qui pourroient
en ufer, & on finit pat oublier le fugitif.
Lorfque le débiteur retenu pour dette s'évade
par l'inattention du guichetier, le geôlier , qui ré-
pond de ceux qu'il employé , efl expofé à être
pourfuivi par les créanciers, qui peuvent demander
& obtenir la contrainte par corps contre le gardien
infidèle ou négligent, qui étoit dépofitaire de leur
Si , au oontraire , le prifonnier trouve le moyen
de s'enfuir j foit à l'aide d'échelles de corde, foit
en faifant une ouverture dans le mur, enfin, de
manière qu'on ne puiffe convaincre le geôlier de
dol ou de négligence , il eft à l'abri de toutes pour-
fuites , foit de la part de la jufiice , foit de la pare
des créanciers. S'il en étoit autrement , il ne feroit
pas poflible de trouver des hommes allez impru-
dens pour fe charger de la garde des prifonniers.
Le prifonnier, tant qu'il efi dans fa Prifon , c'e/l-
à-dire au milieu de la gêne & de l'horreur de la
captivité, ne peut contraéler aucun engagement
qui lui foit onéreux, parce que le premier caraâère
d'uîi afle, la condition la plus elfentielle à fa vali-
dité , c'efi la liberté , & qu'on peut croire que celui
qui a contraâé telle ou telle obligation ne l'aurolt
pas foufcrite s'il eût été libre , & qu'il y a acquief-
cé , foit dans la crainte de prolonger , par foB
refus , fa captivité , foii dans l'efpérajïce d'y met-,
tre fin.
Qqqg
674
PRISON.
Mais comme H eft néanmoins de l'iiuérit du
prifonnier qu'il puifle fe concilier avec fes créan-
ciers , faire des arrangemens avec eux , ou con-
tra(fler avec d'autres préteurs , pour fe procurer les
moyens de faire ceHer fon cmprifonnement , on a
fixé dans les Prifons un lieu où il lui eft pofiible
de foufcrire un engagement valable; c'eft celui qui
fépare les deux guichets. Le prifonnier cft-là con-
iidéré comme libre ; néanmoins le mérite de
l'aile foufcrit dans ce prétendu lieu de liberté ,
dépend beaucoup du fond & des conditions qui y
font inférées. On examine donc s'il efi préjudicia-
ble au prifonnier ; s'il eft tel qu'il ne l'eût pas paflc
étant libre, on le déclare nul : mais fi au contraire
le prifonnier n'a fait entre les deux gtnchets que ce
qu'il auroit pu ou dû faire hors des Prifons , on dé-
clare l'afle valable.
Le parlement de Paris, par arrêt rendu à la
tournelle le i juin 17 14, a admis deux particuliers
au bénéfice de reflitution contre une tranfadion
pafTéc entre deux guichets fur une accufation de
banqueroute frauduleufe, parce qu'il y avoit tout
lieu de préûmier que les prifonniers n'avoient ac-
quiefcé aux conditions énoncées dans la tranfac-
tion , que par le defir de recouvrer la liberté , fi
chère à l'homme, & pour laquelle les facrificcs ne
lui coûtent rien.
Auffi tôt que le jugement qui met fin nu procès
d'un accufé , a été rendu , on doit le lui lire , parce
que , s'il eft reconnu innocent , il y auroit une
injuftice criante à le retenir un inftant de plus que
la loi ne le veut ; s'il eft condamné à une peine pé-
cuniaire par forme de dédommagement , il ne faut
pas , dans le cas où il pourroit s'aquitter fur le
ch-imp , que la négligence du greffier ajoute à fa
peine pécuniaire celle de la prolongation de fa
captivité. C'eft conformément à ces fages confidé-
rations que l'article 29 du titre 12 de l'ordonnance
de 1670 s'exprime ainfi : u Tous greffiers, même
w de nos cours , & ceux des feigneurs, feront tenus
» de prononcer aux accufés les arrêts , féntences 6c
î> jugemensd'abfolution ou délargiifement/e même
3) jour qu'ils auront été rendus , & s'il n'y a point
» d'appel par nos procureurs ou ceux des feigneurs
» dans les vingt-quatre heures y mettre les accufés
}j hors des Prifons , & l'écrire fur le regiftre de la
5> geôle , comme aufti ceux qui n'auront été con-
3) damnés qu'en des peines §c réparations pécu-
» niaires , en confignant, es mains du greffier, les
3> fommss adjugées pour amendes , aumône & in-
j> téréts civils , fans que , faute de payement d'épi-
» ces , ou d'avoir levé les arrêts , féntences & ju-
î> gemens , les prononciations ou élargiffemens
»> puifTent être différés, à peine , contre le greffier ^
» d'interdiflion , de trois cents livres d'amende ,
î) dépens , dommages & intérêts des parties n.
Les prifonniers accufés de crime, dont le procès
cft jugé , ne peuvent être mis hors de Prifon , lorf-
qu'il y a eu des çQnçluùofii contr'eiu qui tendoient
PRISON.
à une peine corporelle ou in_^amante , 6» ^u'il y a ap»
pel à minimâ.
Il eft défendu aux geôliers de mettre en liberté
un prifonnier décrété , même fur le confcntemeiit
de la partie civile & du procureur général , ou du
procureur du roi , fi le juge ne l'a ordonné.
Lorfqu'un prifonnier doit être transféré de la
Prifon de la juridiction où il a été jugé , dans une
autre où reflbrtit l'appel , il doit être mené avec
une efcorte fuffifante , & tou]ouYS entre deux fo-
leils , pour éviter les furprifes & les complots
noflurnes.
Un arrêt imprimé , rendu en forme de réglemeiît
le 20 mars 1690, & dont la publication a été or-
donnée dans les bailliages & fênéchauffées du ref-
fort du parlement de Paris , enioint « au conduc-
» teur de la meffagerie de Niort à Paris, lorfqu'il
» fera chargé de la conduite des prifonniers , de
" les mener avec une efcorte ftiffiiante , & de
" marcher entre deux foleils , à peine d'en rê-
» pondre ».
Ce même arrêt a encore ordonné « que les mef-
» fagcrs & autres conduéleurs de prifonniers , qui
" mèneront des prifonniers- à la conciergerie du
>» palais, prendront leur décharge at! greffe de la
» geôle de ladite conciergerie, pour !a remettre
" dans le mois , es mains des greffiers des fiéges &
)) juridiêtions des Prifons, defquelles lefdits pri-
» ionniers auront été transférés , & que ceux qui
" tranfèrercnt des prifonniers des Pi ifons de ladite
•>■> conciergerie en celles d'autres fiéges , s'en char-
« geront fur le regiftre de la geôle de ladite con-
» ciergerie, & feront tenus de rapporter dans le
ti mois , au greffe de ladite geôle, un certificat des
T> geôliers àcs Pnfons dcfdits fiéges , vifé par le
» juge de la Prifon , & le fubftitut du procureur
» général ou le procureur fîfcal , failant mention
n du jour que les piifonniers auront été amenés en
» leur Prifon , pour être ledit certificat remis es
w mains dudit procureur général du roi, à peine
n de cinq cents livres d'amende ». Toutes les dif-
pofitions de cet arrêt ont été confirmées par un
autre du 17 août 1747, qui eft rapporté dans le
recueil chronologique de JoufTe.
On trouve aufu dans le recueil des réglemens de
juflice , tome 2 , un autre arrêt de règlement du 26
août 1704 , qui ordonne « que lorfque les prifon-
)) niers feront transférés des Prifons des fiéges &
» juridiéfions du refïbrt de la cour en celles de la
jj conciergerie du palais, les fubftiturs du procu-
» reur général & les procureurs fifcaux feront te-
1-) nus d'envoyer audit procureur gr n.'ral , copie de
)) l'aflc par lequel les conduêleurs des prifonniers
» s'en feront chargés , contenant les noms , qua-
II lités & demeures des prifonniers & des conàiic-
» teurs , le jour de leur départ , & ce dans le jour
» dudit départ, & p:tr une autre voie <jue ClU des
» conduâeurs , à peine , par lefdits fubflituts &
» procureurs fifcaux , d'en répondre en leur poprc
}) & privé nom ».
PRISON.
Le but de ces arrêts cft d'alTurer la marche cies
pri'.'onniers , & d'empêcher que leurs guides ne
piiilTent , à leur gré, la retarder & les retenir plus
qu'il n'efl iiéceflaire dans les endroits par leiquels
ils doivent pafler.
Par un arrêt rendu le 9 août 1734 , fur la réqui-
fuion desfeiniiers des coches & mejfjgiries du royjume,
la cour » a maintenu lefdits t'erniiers &. leurs pré-
" pofés dans le droit de fe charger , à l'exclufion
» de tous autres, de tous les prifonniers qui fe
3) trouveroient dans l'étendue du département de
y> leurs meflageries , & dont la tranflation devroit
3' être faite dans la conciergerie & ailleurs , ainfi
» que les procès civils Se criminels dont le tranl-
3> port feroit ordonné j?.
Le même arrêt fait défenfes « à tous greffiers ,
» tant de la conciergerie qu'autres, de délivrer au-
» cun prifonnier ou procès ou donner aucune dé-
« charge, aucun exécutoire, qu'auxdits fermiers
î» ou prépofcs , fous les peines portées par les édits
>» & arrêts ».
Lorfqu'un prifonnier eft une fois arrêté, il faut
qu'il refle à demeure dans fa Prifon ; l'ordonnance
défend , fous peine de galères , aux geôliers de laif-
lér vaguer les prifonniers, c'eft-à-dire, errer de-
hors , quand même /// les accompagneraient : il eft
pourtant quelquefois arrivé de permettre à des pri-
fonniers malades un élarginement momentanée, &
fous une bonne garde; mais cela arrive très-rare-
inent : il y a un arrêt rendu le 10 janvier 1730 , fur
le réquifitoire de meff-eurs les gens du roi , qui or-
donne « qu'aucun prifonnier , détenu même pour
» dettes civiles , ne pourra être mis hors des Prifons
9> à la garde d'un huiffier ou autre, fous qu^juc
w prétexte que ce foii , (i ce n'eft dans le cas de quel-
» que procédure ou afle où la préfence du pri-
y> fonnier feroit néceffaire , & qui ne pourroit
9) fe faire dans la Prifon , pour raifon de quoi
y» pourra être ordonné que le prifonnier fera con-
3> duit fur le lieu , fous bonne & sûre garde , à la
V) chargée de le réintégrer dans les Prifons chaque
3» jour , fans qu'il puifTe féjourner hors des Prifons ,
» s'il y en a dans le lieu , fmon dîtenu fous bonne
a» & sûre garde ».
Le parlement fe relâcha de la févérité de cet arrêt
l'année fuivante. Un particulier décrété & empri-
fonné, fur les effets duquel le fcellé étoit appofé ,
prétendit que le gardien diffipoit ces mêmes effets ,
& demanda à la cour qu'il lui fût permis de fe
tranfporter , fous la garde d'un huiffier , non feule-
ment dans la maifon , mais par-tout où befoin fe-
roit, pour faifir & revendiquer fes effets.
La caufe ayant été mife au rôle , & perfonne ne
paroiffant pour la partie civile , M. l'avocat général ,
après avoir obfervé que le règlement du 10 janvier
1730 , fembloit s'oppoTer à la demande du prifon-
nier , finit par dire , que puifque perfonne ne com-
battoit cette deman'ie , qui paroiffoit fondée , il ne
croyoit pas devoir s'y oppofer , pourvu que le
PRISON.
67T
prifonnier fût tous les foirs réintégré dans les Prr
ions.
La cour, par arrêt rendu le 10 février 1731 ,
donna défaut fur la demande du prifonnier , l'ar-
rêt étoit conçu en ces termes : « Lui a permis
» de fortir des Prifons à la garde d'un huiffier
» de la cour , pour être transféré dans les lieux
» où font fes effets, pour les revendiquer, à la
n charge qu'il fera réintégré tous les foirs dans les
M Prifons du lieu où il fe trouvera ; à le recevoir
>; tous geôliers contraints; leur enjoint de le laiffer
» fortir le matin , accompagné de l'huiffier à la
» garde duquel il fera commis ».
Enfin , ce qui prouve que l'humanité & les cas
particuliers doivent l'emporter fur la rigueur des
réglemens , c'efl qu'en 1762, on préfenia à l'au-
dience la que/lion de favoirfi un prifonnier pour
dettes , attaqué de maladies auxquelles le fejour
des Prifons pouvoit être fatal, étoit recevable à
demander fa liberté , pour fe faire traiter chea
lui , en donnant caution de fe réintégrer après fa
guéri fon.
M. Séguier , qui portoit la parole dans cette
caufe , exposa que la maladie étant certaine 6c
prouvée par l'atteffation des médecins, la liberté
ne pouvoit être refufée au malade, & que puifque
les feptuagénaires iont déchargés de la contrainte
par corps , par la raifon que les infirmités de leur
âge ne leur permettent pas de fupporter la Prifçn ,
l'humanité demandoit la même indulgence pour
les prifonniers malades , auxquels la Prifon pou-
voit donner la mort. Il alloit jufqu'à dire, que
puifque le prifonnier dont il s'agiffoit avoit offert
de donner caution , il croit naturel de l'y affujeitir;
myis, que quand il n'auroit pas fait de femblables
offres , fa liberté ne pourroit lui être refufée dans
l'état de maladie où il fe trouvoit , parce que la
confervation d'un citoyen , & de la poftérité qui
pouvoit en fortir , demandoit qu'on employât tous
les moyens en fa faveur, & étoit préférable à des
intérêts particuliers. D'après ces touchantes confi-
dérations , l'arrêt rendu le 12 juin 1762, accorda
la liberté au prifonnier , en donnant la caution qu'il
avoit offerte.
Le créancier eft auffi le maître d'accorder à foti
débiteur la faculté de fortir , pour un certain temps,
de fa Prifon , à la condition d'y rentrer de lui-
même ,dans le cas où , le délai expiré , il ne l'auroit
pas payé. Cela eft récemment arrivé. Un des troi$
officiers condamnés à payer , par forme de répara-
tion & de dommages , quatre-vingt mille francs au
fieur Damade , &. à garder Prifon jufqu'au paye-
ment de cette fomme , s'étant trouvé très malade ,
ik foupirant après l'air libre de la canipagne , fit
demander au fieur Damade la liberté de fortir un
mois de la conciergerie , fous la caution de fon dé-
f jiifeur &. d'un magiftrat ; le fieur Damade y ayant
confenti , le prifonnier furtit & revint au bout du
mois rendre fa perfonne à {or\ créancier, & délier
fes cautions de leur engagement.
Q q q q jj
€-](>
PRISON.
Les paroles de M. l'avocat général Scguier , qtie
nous venons de rapporter relativement à la de-
mande du malade qui obtint de fe faire transférer
chez lui pour fa guérifon , nous difpenfent de par-
ler de cette louable difpofition de la loi , qui ouvre
au prifonnier feptuagénaire les portes de fa prifon ,
& met fa perfonne à couvert des atteintes qu'on
■youdroit porter à fa liberté. On n'a pas voulu que
la vieillefle infirme & débile eût encore pour fur-
croît de maux l'affliflion d'être dans les fers , 8c que
le peu de jours qui lui revoient à exiiler s'écoulaf-
fent dans la captivité : mais cette difpofition favo-
rable ne s'applique qu'au prifonnier pour dettes ;
car fi un centenaire pouvoit commettre un homi-
cide , la jufticc enchaîneroit fon bras meurtrier, &
couperoit de fon glaive la trame de fes vieux jours ,
qu'il auroit fouillés par le crime.
Les prifonniers pour dettes, qui , par leur mi-
sère , font dans l'impoiïibilité de s'acquitter , peu-
vent , malgré l'état déplorable de leurs affaires , fe
livrer à l'etpérance de fortir de Prifon. Il y a , à
Paris fur-tout , des perfonnes charitables, qui pen-
fent, avec raifon , qu'une des meilleures œuvres
dont ils puiffent s'occuper , c'eft de rendre la liberté
aux prifonniers , qui font des hommes perdus pour
l'état , & pour leur famille, tant que leur infortune
les condamne à l'inaé^ion. Ces gens fecourables ,
■foit de leur propre argent, foit du produit de leur
quête, forment ce qu'on appelle un fonds de cha-
rité, qui fert à la délivrance des prifonniers i &
pour que ce fonds s'épuife moins vite & tourne au
profit d'un plus grand nombre de malheureux , le
parlement de Paris tient , aux grandes fêtes de
l'année , fes féances dans les différentes Prifons de
cette ville. Le prifonnier que la charité veut bien
fscourir, n'a befoin alors que de faire l'offre du
tiers de la fomme pour laquelle il efl retenu , avec
une caution pour le furpliiS , & il obtient fa liberté.
Mais comme il pourroit arriver qu'un débiteur de
mauvaife foi offrît de fes propres deniers le tiers
de fa dette pour fortir de Prifon , on exige , pour
prévenir cet abus , que le prifonnier prélénte un
certificat du geôlier , qui attefle que c'cff véritable-
ment des deniers de charité que provient l'oflre
qu'il fait.
Lorfque x'eft la bonté du monarque ou celle de
la reine qui vient au fecours de fes fujets captifs ,
au lieu du tiers, le quart fiiffit pour les délivrer , &
en n exige pas de caution po':r le jurplus. Cette diffé-
rence eff établie pour donner plus d'effet & un plus
libre cours à la bienfaifance royale.
Le débiteur qui fort en offrant un tiers, n'eft pas,
comme on le voit, quitte envers fon créancier ,
puifqu'il eft tenu de lui donner une bonne caution
pour le furplus. Nous ne fommes pas affurés que
dans les Prifons des autres parlemens il exi/fe, en
faveur des prifonniers pour dettes , les mêmes fe-
cours ; mais ils ne peuvent être trop multipliés,
lorfqu'ils ne s'étendent que fur de pauvies débi-
teurs qui languiroient éterncUeoient en Prifon ,
PRISON.
fans cet effet falutaire de la bienfalfance humaine;
Il étoit d'ufage chez les Romains , à certaines
fêtes folemnelles, de rendre la liberté aux prifon-
niers. Nous avons quelque temps imité ce grand
exemple d'indulgence ; mais il encourageoit la mau-
vaife foi des débiteurs, & donnoit aux criminels le
dangereux efpoir de l'impunité. Cen'eff plus qu'aux
facres des rois que cette faveur s'étend fur les cri-
minels : mais à tous les heureux évènemens publics,
la famille royale & les corps municipaux manifef-
tent leur joie par la délivrance d'un certain nombre
de prifonniers pour dettes.
Ceux fur lefquels tombent principalement , &
avec raifon , les regards de la charité , font les pères
de famille , qiri, en ne payant pas à l'étrangère quia
allaité leurs enfans le prix de fa nourriture , fe font
«xpofés à la contrainte par corps ; ce qui doit déter-
miner à aller au fecours de ces malheureux de pré-
férence aux autres, c'eft que le créancier doit ê:re
vu auffi favorablement que le débiteur. Ces pri-
fonniers ne font pas à la charge du créancier, parce
qu'il ne feroit pas jufte qu'une pauvre nourrice,
qui s'épuife pour nourrir l'enfant , fe ruinât encore
pour alimenter le père : eile ne fe mêle pas même
de le faire arrêter, l'emprifonnement fe fait par
l'entremife de femmes , qu'on nomme recomman-
Jercjffl-s , & dont les devoirs font de veiller à la con-
fervation des nourrilTons , & à ce que les nourrices
foie nt payées de leurs foins.
On a établi dans les villes des receveurs qui
touchent les revenus des fondations établies pour
le foulagement des pauvres prifoniaiers, ainfi que
les legs & aumônes qui leur font faits. Ce font or-
dinairement des perfonnes charitables qui fe char-
gent de faire ces recouvremens , & qui le font gra*
tuitement ; néanmoins ces généreux dèpofitaires
doivent avoir prêté ferment devant le juge qui a
la police des Prifons. L'art'icle lo du règlement de
la cour du i8 juin 1717 , porte, que les aumônes
particulières feront diftribuées aux prifonniers en
préfence des perfonnes qui les auront faites.
Lorfque le mari & la femme font emprifonnés,
& que l'un des deux offre de reficr en Prifon juf-
qu'à ce que les créanciers foient fatlsfaits , on donne
indiflinàement la liberté au mari ou à la femme de
fertir , à moins que tous deux ne foient arrêtés par
- des créanciers différens , par la railbn que tous deux
feroient un commerce particulier ; mais autrement
on ne retiendroit pas celui qui , par fon travail ,
peut parvenir à retirer l'autre de captivité.
Il nous refte à parler d'une troifiéme efpèce de
prifonniers qui ne font renfermés , ni en vertu de
décrets , ni pour dettes , & qui devroient , comme
nous l'avons dit plus haut , être retenus dans une
Prifon particulière. Ce font les tapageurs , les joueurs
fufpeéîs, Se tous ceux que la poHce fait arrêter de
nuit , ou envoyé de jour en Prifon.
Dans une ville iinmenfe comme la capitale , rem-
plie de gens de toute efpèce, de toute nation , dont
les uns n'exiitent que par la rufe & la fraude , qui
PRISON.
(e livrent à toutes fortes d'excès , d'injuflices ,
d'emporteraens , de tyrannies ; qui abufent de leurs
facultés, de leurs armes, il eft nécellaire qu'il y
ait une force dominante , un pouvoir rapide , qui
les contienne & les punifle. On a répandu à cet
effet, dans les différent quartiers de la ville, des
juges fubalternes , mais qui font revêtus d'une au-
torité fufRfante pour en impofer au peuple , & pour
réprimer les perturbateurs ; ce font les commifîaires.
La garde de Paris , qui parcourt la ville la nuit &
le jour , leur amène tous ceux qui ont troublé l'or-
dre public , ou commis quelques injuftices.
Un arrêt de règlement du 17 août 1750 , pro-
nonce , « que les ordonnances & arrêts de régle-
») ment de la cour pour la police de la ville &
3> fauxbourgs de Paris, feront exécutés félon leur
» forme & teneur; ce faifant, que les officiers
» & archers , tant du guet que de robe courte &
» autres chargés de capture pour contravention à
" la police pendant le jour, feront tenus, lorf-
» qu'ils arrêteront des contnvenans , de les conduire
»> fur- le -champ dans la mai/on du commiffaire.,
}» dans le quartier duquel lefdites captures auront
3} été faites, & de remettre entre fes mains les
s> pièces fervant à convii^ion , dont ils feront faifis ,
ï> à l'effet par lui d'interroger lefdits contrevenans ,
« d'entendre les témoins , fi aucun y a , & de faire
y> toutes les procédures néceffaires pour allurer
M la preuve de la contraverrtion , pour enfuite or-
M donner par le commiffaire , s'il y echet & s'il le
ï» juge à propos , l'étargiffement de celui ou de ceux
n qui auront été arrêtés , ou faire conduire lefdits
« contrevenans dans les Prifons , ou en donner
» avis fur-le-c!iamp au lieutenant général de po-
» lice, ou au lieutenant criminel du châtelet , (ui-
» vant l'exigence des cas , pour être par eux or-
» donné ce qu'il appartiendra , dont & de tout fera
» dreffê procès-verbal , enfembleles pièces fervant
» à conviâion , qui lui auront été remifes , dépo-
» fées au greffe dans les vingt-quatre heures )».
Cet arrêt a donné une juiîe iiuerprétation à
la difpofiticn d'«n awtre précèdent, en date du 7
feptembre 172$ , qui ordonnoit que ^ujnd les ojji-
tiers ou archers du guet arrêteraient aux cjui commet-
tent du deforjre la nuit , ils les conduiraient dans les
Prifons du grand châtelet , fans les pouvoir conduire
en aucune tnaijen particulière , fi ce nefl che^ les
commiffaires au châtelet. Il feroit d'une conféquence
dangereufe de livrer la liberté d'un citoyen domi-
cilié , au caprice ou à l'humeur d'un archer du guet :
il eft très - effentiel que le £:,uet ne puiffe , cîe fa
feule autorité , conduire en Prifon aucun parricu-
lier, fous prétexte de défordre, & fans aupara-
vant l'avoir mené chez un commiffaire , qui entend
l'accufateur & l'accufé.
Dans le cas même où celui-ci feroit mécontent
de l'ordonnance du commiffaire, & la trouveroit
injufle , il e(\ le maître de demander un rét'j ré ,
foit devant le lieutenant de police , s'il eft arrêté
pour fait de police, foit devant le lieutenant cri-
PRISON.
677
îninel, fi c'eft j-our un délit qui concerne ce ma-
gillrat.
Quoique nous ayons dit que la Prifon ne doit
pas être confidérée comme une peine , il eft pour-
tant vrai qu'elle s'inflige par forme de correction à
ceux qui font arrêtés d'ordre du roi , ou de la po-
lice , & qui , après avoir fubi une captivité plus ou
moins longue, en proportion de leur délit , font
rendus à la liberté.
Il y a des cas , très-rares à la vérité , où un accu--
fé eft condamné à la Prifon perpétuelle ; mais ce
n'eft qu'en commutation d'une peine plus forte ,
telle que celle des galères , ou de la peine de morr,
& elle eft prononcée par lettres du prince. Les tri-
bunaux ordinaires , qui n'ont pas le droit de l'in-
fliger , insèrent quelquefois dans leurs arrêts ,
que le roi fera fuppliê d'ordonner que l'accufé fe-
ra renfermé à perpétuité dans un château fort.
cela eft arrivé à l'égard du fieur de \z Maugcrie ^
qui depuis a été élargi & admis à fe pourvoir au
confeil,, où fon affaire a été vue fous un jour bien
différent, puifqu'il a obtenu le fuccés le plus com-
plet contre fon adverfaire, La Prifon perpétuelle
ordonnée en pareille circonftance , emporte lu
mort civile & la confifcation des biens.
Elle ne produit pas cet effet lorfqu'eJle efl
prononcée contre un gentilhomme ou contre
un militaire par le tribunal des inaréchaux de
France.
Nous pourrions fans doute donner à cet article
beaucoup plus d'étendue, fi nous voulions nous
arrêter fur tout ce qui concerne les prifonniers,
les greffiers, & fur-tout les geôliers , auxquels on
ne peut trop recommander de ne pas aggraver ,
par une brutalité trop ordinaire , les contradiiîïions
du prifonnier. Si l'accufé eft coupable d'un grand
crime , fon jugement le punira affez; s'il ne l'eft
pas, c'eft une raifcn de plus pour diminuer au-
tant qu'il eft poffible, les funeftes inconvéniens
des erreurs de la juftice.
Que les geôliers ne fc contentent donc pas de
vifiter une fois le jour le malheureux qui eft au fe-
cret, ainfi que l'ordonnance le leur prefcrir.
Il faut qu'ils obfervent attentivement s'il n'eft
pas livré à une douleur meurtrière ; s'il n'eft pas
incommodé parla préfence des animaux qui vien-
nent lui difputer fa pâture; fi fa fanté n'eft pas al-
térée par le mriuvais air: ils doivent apporter re-
mède, autant qu'ils le peuvent, à tous fes maux,
en donner avis nu juge , aux médecins , pour
qu'il foit transféré à l'infirmerie avant que la
maladie n'empire.
Le geôlier doit veiller fur les guichetiers çn'il
emploie à fon fcrvicc ,leur dontier des gnges fiifti-
fans pour qu'ils ne foient pas dans la nécefllié de
vivre aux dépens des prifonniers ; qu'il fe garde
d'abufer de l'empire qu'il peut avoir fur une femme
captive, pour fntisfaire fa pafEon ; car il s'cxpofe-
roit , par fon audace , à la peine de mort. Il doit
favoir lire H écrire ; afin de pouvoir lire les juge-
éyS
PRISON.
mens , tranfcrire les écrous , donne-" des décharges ,
ik porter au procureur du • oi , ou au procureur gé-
néral , dans les vingt-quatre heures au plus tard ,
des notes des prifonniers qui lui font amenés pour
crime , avec copie des écrous & recommandations.
Dans les Pnfons feigneuriales , le geôlier fait
les fonctions de greffier , parce qu'il ne peut y
avoir de greffier que dans les Prifons royales.
Un des devoirs que l'humanité prefcrit aux
geôliers , c'eft de donner une entrée facile aux
perfonnes charitables qui viennent apporter des
îecours aux pauvres prifonniers ; & d'empêcher que
ces fecours ne tournent à leur détriment , en les
laiflant s'enivrer de vin & d'eau-de-vie.
Enfin, il ne doit ufer de févérité envers les pri-
fonniers , qu'à propos , & épuifer le s avis , les me-
naces , avant d'employer la violence contre eux ;
ne pas oublier qu'à moins qu'un danger preffant ne
l'ait requis, il n'eft pas excufable de contrevenir à
l'ordonnance , qui lui fait les plus exprefles dé-
tenks de Satire lis prifonniers , de les mettre au ca-
chot ou aux fers , de Ju feule autorité , 6" fans aupara-
r^ant en avoir reçu Perdre par écrit du juge , auquel il
«loit faire part des troubles & des délits qui exigent
cet a61e de févérité.
Il eft très-rcpréhenfible lorfqu'il n'a pas d'égard
à la qualité du prifonnier , Se lorfque l'intérêt le
porte à traiter fan$ pitié , & aux horreurs de la
paille t un accufc d'une condition hQnnéte qui fe
trouve dans une impoffibilité abfolue de s'acquit-
ter envers lui.
11 mérite d'être févérement puni , s'il exige des
droits d'emprifonnemcnt , de tranflation , qui ne
lui font pas dus , ou des avances de gàc , de nourri-
ture , de geolage ; s'il a la baffcfle de s'appliquer
les aumônes , s'il ne met pas la plus grande atten-
tion dans la tenue de fes livres , en évitant toute
abréviation ; enfin , s'il compromet, par fa négli-
gence , l'honneur ou la liberté d'un citoyen.
Comme on ne peut pas attendre , de la part de
ceux qui fe dévouent à l'état de geôlier , une exac-
titude fcrupuleufe à remplir les devoirs que la loi
leur impofe , les juges ne peuvent apporter trop
d'attention à les furveiller. Combien il feroità fou-
haiter que l'article 35 <Iu titre 13 de l'ordonnance
de 1670 , & l'arrêt de règlement de la cour du
mois de feptembre 1717 , qui veut que les procu-
reurs du roi & ceux des feigneurs hautsjufticiers
vifitent les Prifons une fois chaque femaine , pour y
recevoir les plaintes des prifonniers , fuflent ©bfer-
vés ! Le même arrêt de règlement exige des pro-
cureurs du roi , quils entendent les prifonniers fans
suc les greffiers, geôliers, ou guichetiers foient prc-
fens , pour favoir files arrêts & rcglemens de la cour ,
concernant les Prifons , font fidèlement exécutés. Com-
me il feroit peut-être dangereux pour un juge d'al-
ler feul au milieu des prifonniers , les interroger
tous enfemble fur les traitemens qu'ils éprouvent
de la part de leurs gardiens, & fur la qualité des
aiimçns qu'on leur fournit , il eft de la prudence
PRISON,
du juge , pour ne pas compromettre fa perfonne
& la digiK.é de fa place , de faire venir dans une
chambre particulière plufieurs prifonniers les uns
après les autres, de comparer leur rapport, & de
s'affiîrer du fondement de leurs plaintes. Il doit
enfuite, accompagné des guichetiers, & même,
s'il le veut, d'une cfcorte plus forte, vifiter toutes
les chambres , les infirmeries, obferver les prifon-
niers , leur montrer de l'intérêt , prendre des infor-
mations fur les eau fes de leur détention, & pro-
téger le malheur & l'indigence.
Nous finirons cet article par une réflexion peut-
être décourageante. Il y a peu d'objet de la légifla-
tion criminelle , fur lequel il ait été fait de plus
fagcs réglemens » & rendu des ordonnances plus
louables, plus humaines que fur les Prifons j &
cependant il n'y a pas de lieux plus affi-ciix , où
l'humanité foit plus dégradée , plus expofée à la
contagion du mauvais air & des maladies.
Des Prifons d^état.
Les Prifons d'état font celles où un fujet ed
renfermé par ordre du roi , figné d'un fecrétaire
d'éraf. La feule puiiTance qui y retient le captif ,
peut lui en ouvrir les portes. Comme des rarfons
politiques font cenfées déterminer, abréger, ou
prolonger ces détentions , le fouverain ne rend
compte à perfonne des motifs qui les lui ont fait
ordonner.
Il s'en faut de beaucoup cependant qu'on doive
regarder tous les prifonniers d'état comme des
hommes fufpefls , contre lefquels des intérêts po-
litiques ©nt fait décerner des ordres qui a/Turent
de leur perfonne.
Le plus grand nombre y eft détenu pour des
fciutes particulières , foit à la requête des parens ,
foit par égard pour leur nom , & afin de les pré-
ferver de la honte d'une Prifon de ville , & des
fuites d'un décret.
Voici les réflexions qae ce fujet nous a fail
naître.
Dans un état où le* fautes feroient perfonnelles,
où la honte attachée à la punition des crimes,
n'obfcurciroit que la tête du coupable ; ou l'ac-
cufé , faifi par la main de la juflice , fe trouveroit
tout-à-coup ifolé , & ne tenir qu'aux lois qu'il pour-
roit feules invoquer ; les Prifons perpétuelles ne
devroient retenir que des furieux, que des infen-
fés,& être abfolument fupprimées à l'égard des
criminels. En effet , pourquoi l'état fe chargeroit il
de nourrir & de faire furveiller un fujet qui auroit
porté atteinte à l'ordre focial , & qui , condamné à
demeurer oifif le refte de fes jours , ne pourroit »
en aucune manière , le dédommager des foins qu'on
prendroit de lui , & de la perte des hommes conr
facrés à le garder & à le fervir .''
S'il efl véritablement criminel , pourquoi ne pas
tirer un exemple utile du châtiment qui lui feroit
inffigé , en le puniflant d'une manièrç légale , o»^
PRISON.
^ans fes biens \ ou corporeilement ? Pourquoi ,
lorfqu'il peut réparer le dommage privé ou le dom-
mage public , par fa force , par (on induflrie , &
par fon courage , l'enchaîner dans l'inaâion ?
Urj homme captif dans un donjon , dans une ci-
taJclU, ne répare rien ; il ne fait au contraire que
continuer le dommage , puifqu'il devient tous les
jours à charge à la fociété. Il perd tellement fes
facultés phyfiques & morales , que ce qui peut lui
arriver de pire , s'il efî fans fortune, eft , qu'après
un certain nombre d'années on lui ouvre les portes
de fa Prifon ; fans force , fans induftrie , il fe
trouve au milieu de la fociécé , comme les oifeaux
domefliques , qui n'ont pas plutôt recouvré leur
liberté , que , méconnus des oifeaux de leur efpèce ,
ils périlfent de niifère , en regrettant leur cage &
la main qui les nourriiToit.
Malheureufement il cxifte parmi nous ua pré-
jugé barbare , plus fort que la raifon , qui, con-
tondant lesiinnocens & les coupabl-S , répand la
lionte & 1 opprobre fur tous ceux qui tiennent par
les liens du fang à un criminel que la loi a frappé
de fon glaive ; qui force de braves guerriers de
quitter 1_'S étendards de la vifloire , d'aller s'enfe-
velir dans la folitiide, & d'y refter inutiles pour
leur patrie ; qui condamne à une funelle incapacité ,
à un fatal repos , des magiftrats intègres , éclairés ,
que la jullice voudroiten vain retenir dans fes tri-
bunaux, pour y combattre la mauvaife foi. Tant
que ce préjugé inCcnfé fubfiftera , les Prifons d'état
qui ne déroberont au châiiment public que des cri-
minels dont la defiruélion ou 1 infamie entraine-
roit la perte de plufieurs fujets utiles , doivent
être confolidécs par une fage politique; &, loin
de nous alarmer , loin qu'elles doivent jeter l'ef-
froi dans nos âmes , elles doivent au coHtraire raf-
furer les familles , dont elles proiègent & confer-
vent riionncur.
Si nous voulons que les Prifons d'état, prés def-
quelles nous ne paflbns pas fans frémir , foient ab-
batues , hâtons-nous d'étouffer l'opinion abfurde
qui en rend l'exiftence néceffaire; ne no s éloi-
gnons phis du citoyen, par la feule raifon que
fon fils , que fon frère , ont expiré fous la main
du bourreau. Plaignons-le ; mais ne le méprifons
pas: s'il eft brave , honnête, qu'il lui foit permis
de fervir fa patrie , foit dans les camps, foit dans
les cités ; qu'on ne lui refufe pas rhonneur de
prouver que le crime & la venu peuvent croître
dans une même famille & y produire leurs fruits
il diffrcns.
Alors , il n'y aura plus de raifons pour épar
gner le crim.ncl & l'cnfevelir dans une éternelle
captivité; il marchera fans obfîacle à l'échafaud ,
fi irt l )i le con^'amne à y offrir au peuple aflemblé
le fpe<Sacle affreux de fa dcftru<5îion.
Oui. malg é l'ennui & l'effroyable privation at-
tachés à la ca nivité perpétuelle , on ne peut pa- fe
diflimuler que ce ne loient l'humanité & l'efprit
de deuceur , de moUéraùoo , qui Tayent enfantée ; \
PRISON.
679
elle eft un des effets de la civilifatîon. Comment
des fauvages , des barbares retiendroient-ils éter-
nellement prifonniers leurs ennemis , ou ceux
d'entre eux qui auroient violé les lois que la na-
ture leur a diftées ? Leur ôter la vie, ou les ban-
nir de la fociété , voilà la vengeance qu'il leur eft
feulement poflîble d'en tirer ; ce n'eft donc que
pour éviter de répandre le fang , ou pour ne pas
réduire au défefpoir un exilé, qu'on a imaginé ,
parmi les hommes civilifés , de renfermer ik de
nourrir dans une Prifon , des hommes dont on
avoit à fe plaindre ou qu'on redoutoit , pour les y
laifTer attendre languilTamment le terme de leur vie.
Des fentimens de bonté , des diilinâions parti-
culières , ont infenfiblement multiplié parmi nous
ces éternelles détenions ; ainfi , en blâmant les abus
qui en réfultent , on ne peut qu'en louer le motif.
Si on excepte quelques gcnrilhommes ou mili-
taires, que des jugem.ens émanés du tribunal des
maréchaux de France, retiennent dans les Prifon*
d'état; la plupart de ces châteaux ne font habités
qu£^ par des fujets condamnés miniftériellement.
Diftérens délits provoquent ces condamnations ,
ou plutôt ces ordres fupérieurs ; les uns i'ont , com-
me nous venons de le dire , prononcés fur le vœu
d'une famille qui a lieu de craindre que l'incon-
duite d'un feul de fes membres n'amène la honte
& l'opprobre fur tous ; d'autres font rendus du
propre mouvement du roi. Sous des régnes moins
équitables que celui fous lequel nous vivons, &à
la juflice duquel nous devons la plus douce des
fécuritès , plufieurs de ces ordres ont été fignés
d'après des délations fecrètes ou de fimplesfoup-
çons faciles à diiriper , û on eût attaché plus d'im-
portance à la liberté de celui fur qui ils s'éten-
doient.
Avant donc de fe récrier contre ces détenrions
en général , il en faudroit approfondir les motifs
particuliers. Par exemple , lorfqu'un fujetableffé,
par des écrits féditieux ou même par des paroles
m^enaçantes, la m?jefté royale, pour arrêter, d'un
côté, les effets de fa licence audacieufe , ne pas
laifferfon crime impuni, & de l'autre, pour fau-
ver cet homme téméraire des peines très- graves
prononcées contre lui par nos lois ; le gouverne-
ment croit devoir l'enlever à la fociété, & l'en-
fermer plus ou moins févérement dans une des
fortereffes confacrées à la détention des criminels
d'état. Certainement , fi le captif eft véritablement
auteur de l'écrit qu'on lui attribue, fi la publica-
tion de cet écrit pouvoit offenfer la dignité du roi
affoiblir le refpeâ des fujets pour leur fouverain *
lui faire ptrdre , aux yeux des nations étrangères '
une partie de l'éclat dont il brille , ou du pouvoir
qui leur en impofe ; cet écrivain feroit très-crimi-
nel ; la main qui l'enchaîneroit ne feroit point une
matn de vengeance , mais une main tout-à-Ia-fois
équiinblc & bienfaifante , puifqu'elle fouftrait la
perfonne du coupable aux peines infamantes &
corporelles que la loi prononce contre lui. Ainf;
€2o
PRISON.
quant au fond , ce captif, ni nul autrs pour lui , ne
peut murmurer contre l'autorité qui le prive de fa
liberté, à moins qu'il ne préférât d'être puni fiii-
vant la rigueur de la loi. Alais , dira-t-on , û par
hafard il avoît été injuftement dénoncé, s'il n'étoit
pas coupable , comment auroit-il pu fe défendre ?
Si nés lois s'oppofent à ce qu'un accufé perde la
Vie, lorfqu'il n'exifte pas contre lui une preuve irré-
firtible de fon crime , n'eft-ce pas éluder ces lois
fages Si humaines , que de ravir à un accufé , fur
de fimples préfomptions , le feul bien qui puiiTe
donner quelque prix à la vie ? Pour que Li main
qui le fauve de la mort , en le fixant dans la cap-
tivité , foit réellement bienfaifante , il faut donc
qu'elle ne l'y retienne qu'après que l'accufé aura
eu les mêmes moyens de fe juftifier, que s'il eût
été livré au cours de la jafiice ordinaire. J'avoue
que je n'ai point de réponfe raifonnablc à faire à
cette objeélion , & c'eft fans doute parce qu'elle
avoit été prefï'entie par un homme vertueux , qui
a porté, dans une place éminente , les principes de
la magiftrature, que nous avons vu , fous fon mi-
riilèrc , les Prifons d'état forcées de rendre tant de
captifs qu'elles retenoient depuis nombre d'années
dans leur fein , & un tribunal s'élever pour appré-
cier les dénonciations qui tendoient à priver un
citoyen des privilèges communs à tons les aiures.
Comme notre objet n'efl point de prendre ici la
défenfe de ceux que le gouverneiuent a cru devoir
réparer de la fociété , Se qu'il ne nous appartient
pas de fonder les raifons particulières des ordres
fecrets , devenus infiniment plus rares , à mcfare
que nous avons eu des rois moins impérieux &des
miniflres plus juAes ; nous ne nous arrêterons qu'à
faire fentir combien ces longues détentions font
aftVeufes ; combien elles font nuifibles à ceux qui
y languilTent , & combien , par cette raifon , il eft
jufte de faire précéder ces condamnations rigou-
feufeSjd'un examen ar.ilî attentif que celui qui
doit éclairer les jugemens que la juftice ordinaire
prononce. Eh l qui peut refufer fa pitié à un être
que la nature avoit rendu libre , auquel elle a
donné le befoin de fe tranfporter d'un lieu dains
vn autre , de promener fes regards fur des objets
divers; à qui elle a accordé uii doux penchant à
fe rapprocher de fes femblables , à leur communi-
quer fes penfces, £i qui feroit condamnéà ne plus
parcourir qu'un efpace rétréci ; pour lequel le fol
immenfe qu'il habitoit fe trouve tout-à-coup réduit
à quelques pieds ', dont le cœur ne peut plus pro-
duire que de fteriles fentimens ; qui n'a plus que
)es mêmes objets à voir , les mêmes voix à enten-
dre , les mêmes aélions à répéter ; enfin , dont tous
les jours font enveloppés de la plus ennuyeufe
uniformité! Son imagination ne lui rappelle que ■
des jouiflances perdues pour jamais , ne lui ramène
que des regrets accumulés & des privations éter-
nelles ; s'il veut marcher , un mur épais l'arrête
dés fes premiers pas ; heureux encore fi fa tête
n'eft pas courbée fous la voûte qui lui dérobe l'af- ,
PRISON.
I pe^ du ciel î Combien de fois ne lui arrive t-il pas
de fe jeter avec rage , avec défefpoir fur fon gra-
bat , de s'y rouler furieux, de s'irriter de plus en
plus de fon impuilTance, & d"y demeurer épuifé
ds fes vains emportemcns. Si on pouvoit calculer
ou réunir fur un même point tous les infians de
fouffrances phyfiques Si morales qui agitent ce
captif ifolé , abandonné à lui-même , on verroit que
la vie qu'on lui lailTe ert fouvent convertie en dou-
loureufe fenfibilité , cruellement prolongée, &
peut-être pire que le fupphce dont on a cru lui
faire grâce. Mais c'eft fur-tout en raifon du fenti-
ment intérieur qu'il peut avoir de fon innocence ,
ou de l'exctfllve rigueur du châti.ment qu'il endure,
que le regret de fes privations le déchire ; car , s'il
eft vraiment crimintjl, s'il ne peut pas fc difiimu-
1er qu'il ait mérité l'infamie ou la mort, l'horreur
du jugement auquel il a échappé peut alors tranf-
f ormer à fes yeux fa captivité en une forte de jouif-
fance. Chaque inftant où il refpire lui femble un
don; peut-être, pour le pénétrer davantage de ca
fentimeni , feroit-il avantageux pour lui qu'il eût
toujours fous les regards la preuve de fon crime
ik la difpofition terrible de la loi , afin qu'il pût
faire une comparaifon de fon exiflence afluellc
avec l'horreur du néant ou d'un opprobre public ,
qui auroit déshonoré tous les nens.
Lilolement total , la privation de toutes les
jouiffances naturelles, l'ennui, la gêne & l'éter*
nelle contradiétion dans laquelle les prifonniers
d'état paiTent leur vie» rendent leur fort fi mal-
heureux , qu'il y auroit de la cruauié à ajouter
quelque chofe de plus à cette punition qu'on a cru
devoir fubflituer à la peine légale qu'ils ont en-
courue. Le calme dans lequel ils paroifient languir,
ne fait que donner aux remords plus de prife fur
leur efprit. S'ils n'éprouvent pas d'autres tourmens
que celui de la captivité , ils ne détefient que les
actions qui les y ont plongés ; mais fi on aggrave
Jeur fupplice par de continuelles vexations , par
des injufiices tyranniques ; alors ils ne haïffent
plus que les autres homraies; &, loin de fe repro-
cher le mal qu'ils ont fait à la fociété, ils regret-
tent au contraire de n'en avoir pas fait davantage à
leurs bourreaux dans le temps ou ils en avoient
le pouvoir. Il règne en général beaucoup plus de
modération & d équité dans les Prifons d'état qui
font fous l'empire d'un gouverneur militaire , que
dans celles qui font fous l'infpeélion des religieux.
Peut-être ces derniers ont-ils befoin, pour fe faire
refpeéter des prifonniers , d'ufer envers eux de
plus de févérité ; peut-être auflî , féparés par état
des autres hommes, ne regardent - ils plus ceux
qu'on met fous leur garde ^ comme leurs fembla-
bles, & fe vengent-ils fur eux du mépris qu'ils
leur ont montré dans le monde.
Il n'y a pas long-temps qu'une femme de qualité
qui étoit venue me demander des confeils , me fit
frémir , en me peignant la déplorable fituation dans
laquelle elle avoit trouvé fpn mari. Ce malheureux,
prefque
I^RISON.
pfefque fexagénalre , détenu depuis plufieurs an-
nées , d'après le vœu de fa famille, dans une Prifon
d'état Atuée fur les limites de la France, & dont l'ad-
miniftration eft confiée à des moines , parut devant
elle f) pâle , fi défait, fi changé , qu'elle l'envifagea
long-temps fans le reconnoître. Le premier mou-
vement quil fit en la voyant , fut d ouvrir un vieux
manteau déchiré qui le couvroit à peine, pour lui
prouver qu'on ne lui donnoit point de linge. Sur-
prife, indignée de le trouver fous les apparences
d'une misère aufli nfFreufe , elle lui demande pour-
quoi fa famille, payant une penflion affez forte
pour fubvenir à tous fes befoins , il eft dénué des
chofes les plus néceffaires ?
Avant de répondre à cette queftion , il promène
des regards itiquiets autour de lui , & femblc
craindre que fa réponfe ne foit entendue. Nous
fommes, lui dit-il d'une voix bafle , fous une ty-
rannie qui n'a point d'exemple; dépouillés , con-
damnés à vivre d'alimens grofl'iers, & que la faim
feule peut nous faire dîvorer , nous n'ofons pouf-
fer le moindre murmure. Si , lorfque l'intendant
de la province fait fa vifite, & nous interroge fur
les fujets de plainte que nous pouvons avoir con-
tre nos gardiens, un d'entre nous prend fur lui
de dénoncer quelqu'injufticc , quelques vexations;
à peine le protedleur que le roi nous donne eft-il
éloigné, que le prifonnier, devenu fans appui,
cft puni de fa témérité, non-feulement par unj
captivité plus reflerrée , mais encore par des trai
temens fi cruels, qu'il court fouvent le rifque d'en
perdre la vie. Et moi même , ajouta-t-il, je l'ai
éprouvé , au point d'avoir été plus de quinze jours
privé de l'ufage de mes membres.
Des abus auffi puniiTnbles , fi oppofés à l'efprit
du gouvernement , fi contaires à fon intention ,
ne peuvent être trop hautement dénoncés aux mi-
niftres , & fur-tout aux intendans des provinces ,
chargés fpécialement de les prévenir : le repos
forcé eft fi funefie à l'homme , qu'il y auroit de la
cruauté à refufer aux prifonniers condamnés à
foufFrir une longue détention , les moyens de fe
procurer un exercice falutaire.
Qu'il leur foit permis fur-tout de diffiper leur
mélancolie , autant qu'il eft poflible , par le travail
auquel leur inclination les conduit. Si vous vou-
lez qu'ils meurent , ne foyez pas plus cruels que
les bourreaux , tranchez rapidement le fil de leurs
jours. Si au contraire votre humanité croit devoir
refpeâer leur vie, ne l'abrégez donc pas en les
fatiguant par d'inutiles & injuftes contradic-
tions , qui amènent à leur fuite des maladies dou-
loureufes.
Si on pouvoir douter que la longue & étroite
captivité ne fût pas elle feule un fupplice prefquc
infupportable , il fuffiroit , pour s'en convaincre ,
de fe rappeler tous les efforts qu'ont employés ,
tous les dangers auxquels fe font expofés des pri-
fonniers d'état pour recouvrer la liberté , le con-
tinuel objet de leurs defirs ÔC de leurs regrets.
Tomt XnU
PRISON. é8i
Les uns , par une confiance incroyable , font
parvenus , fans outils , fans autres inftrumens que
leurs mains , à brifer , à détacher les barreaux de
fer , u féparer des pierres énormes , à foulcver des
portes monftrueufes , à creufer de longs fouter-
rains.
D'autres fe font courageufemcnt précipités du
haut d'une tour dans la mer qui baigne le pied de
leur Prifon , au rifque d'être brifés fur la roche,
ou engloutis dans les eaux. Pkifieurs ont eu l'im-
prudence de confier tout le poids de leurs corps à
de fragiles lanières , qui ne pouvoient , tout au plus,
( en ne fe brifant pas ) les conduire qu'à une cer-
taine diftaiice , de quarante ou de cinquante pieds
de la terre, tant la mort leur paroiftoit peu ef-
frayante» en comparaifon de la continuité de leur
tourment.
Il y a à Venlfe une Prifon qui eft un chef- d'œu-
vre de barbarie ; celui qui en a donné la conftruc-
tion , mérite d'être placé à côté de ces monftrcs de
cruauté , dont Tantiquité nous a tranfmis les noms
avec horreur. Au haut d'une tour trés-élevée , font
plufieurs efpèces de cages de trois pieds en carré ,
recouvertes de lames de plomb, & expofées à
toute l'ardeur du foleil , qui darde , dans toute fil
force , fes rayons fur leur voûte ; le malheureux,
dont le corps eft ramaffé dans cet elpace rétréci , y
fouffre des douleurs plus affreufes que celles qui
faifoient pouffer des mugifiemens aux vi6limes ren-
fermées dan? le taureau de Phalaris , puifqu'elies
font plus durables.
Quoiqu'on ne condamne à ce fupplice horrible
que les grands criminels , il faut avouer qu'il n'eft
pas poffible d'imaginer qu'ils aient commis des cri-
mes aflez énormes, pour entrer en balance avec un
tourment auffi prolongé.
Les Prifons d'état en France, étant deftinées à
retenir feulement les fujets que le fouverain y fait
conduire en fon nom, de fon autorité expreffe ,
tous ceux qui y font renfermés ne doivent y éprou-
ver d'autres peines que celles de la captivité, parce
que la main royale peut bien contenir un fujet re-
belle o\\ perturbateur , mais il feroit contraire à
fa dignité qu'elle le blefsât elle-même, & lui fit
fentir antre chofe que fon pouvoir & fa force.
N'arrêtons pas nos regards fur cette Prifon qui
reçoit dans fon fein & l'extrême misère &. la dé-
bauche honteufe (i). Nous rendons trop de juftice
à l'équité du niagiftiat qui préfide à la police de la
capitale, pour ne pas être perfuadé qu'il préfervera
toujours un citoyen qui attacheroit quelque prix à
l'eftime publique , du malheur d'être plongé dans
ce gouffre de corruption & d'ignominie ; une cap-
tivité auffi flétrilTante feroit , pour l'homme hon-
nête , la mort de l'ame. Obligé de renoncer à tout
efpoir d'eftime , de confidération , exclus de tou-
tes les charges , de tous les emplois , il ne verroit
plus autour de lui que honte, qu'avilifTement : dé-
(ij Bkètrc.
Rr rr
€8i PRISON.
dHii-né des gens dont l'eftime lui feroit précieufe ,
tnjprilant les autres, la fociété deviendroit pour
pour lui une folitude , & la vie un fupplice.
Malgré la gêne inféparable du fujet que noirs
traitons, efTayons de réfumeries idées qu'il nous
a tait naître. Les Priions d'état doivent , fous un
Prinse dur , allarmer les fujets , parce qu'elles pré-
sentent l'image d'un pouvoir trop impérieux & fu-
pjrieur aux lois. Sous un prince doux , bienfaifant ,
tel enfin que nous avons lieu d'efpérer que fera tou-
yours le nôtre , elles font un adoiiciiTement à la ri-
gueur de la loi , confervent l'honneur des familles
innocentes , étouffent des crimes honteux , four-
nilTent aux pères un moyen faluraire de prévenir
des défordres d'une confèqnence très-funefle , &
qu'ils ne pourroient arrêter, fi la puiirance royale
ne venoit au fecours de la leur.
Plus , fous ce point de vue , les Prifons d'état
font utiles , plus it eft néceiïaire de les environner
delà lumière de la juftice, d'extirper les abus qui
multiplient & prolongent les détentions nuifibles
à l'exiftence des prifonniers , & onéreufes au gou-
-yernement. Tel enfant diffipateur, tel citoyen per-
turbateur, te^ fujet téméraire , ont mérité détre
fcparjs de la fociété , pour être livrés à la réflexion
de la folitude , qui , au bout de fix mois d'emprifon-
nement , peuvent, fans danger pour l'état, & utile-
înert poitr eux,recouvrer leur liberté. Il feroit donc
à fouhaiter qu'il exiflàt un commiiraire général
des Prifons d'état , qui remplît, à l'égard de ceux
qui y font renfermés , les mêmes fondions que
celles dont font chargés les gens du roi envers les
autres citoyens, c'ert-à-dire , qui fût leur appui,
leur organe auprès de l'autorité fouveraine ; qui
fût le dépofitaire de leurs plaintes , de leurs deman-
•dcs, même de leur juftification ; qui balançât les
caufes de leur détention avec les motifs de leur
•élargiffement , fît valoir les uns & les autres, &
•ne craignît pas de fe rendre quelquefois importun ,
pour fauver des citoyens du malheur d'être totale-
ment oubliés de l'autorité , qui a cru devoir s'en
atlurer.
Prifons des officialités^
Ces Prifons , qui dépendent des tribunaux des
secclcfiaftiques , ne doivent recevoir que ceux qui
font dans le cas d'être jugés par l'official ou par le
jbailli de l'cvêché.
Il a été rendu au bailliage d'Orléans , le n juillet
^653 , une fentence qui fait défenfes au nommé
Bataille, concierge de l'oïKcialite d'Orléans, de
recevoir d'autres prifonniers que ceux de l'official
ou du bailli de l'évéché.
Un arrêt du confeil avoit, depuis, fait exception
■en faveur des colledeurs des tailles, mais ils ont
■axé enfuite compris dans la règle générale.
Prifons militaires^
■Lorfquc nons avons dit que la Prifon n'étoit pas
;i3ne ptine , mais feulement un lieu de sûreté dans
. PRISON.
lequel la loi fixe celui qu'elle foupçonne d'être
l'auteur d'un délit, nous n'avons entendu parler
ni des Prifons d'état , ni des Prifons militaires.
Les hommes enrôlés au fervice de l'état font
fournis à desordonnances, à des châtimensdiftini^s
de ceux des autres citoyens. Une des peines parti-
culières à la clafle militaire , c'efl la Prifon ; elle eft
également infligée au foldat & à l'officier par foa
fupérieur , & il n'y a que celui qui a pu l'y coti-
damner qui puiffe la limiter.
Un juge civil n'a pas le droit de faire élargir ua
foldat emprifonné par l'ordre d'un officier militai-
re ; mais fi le foldat commettoit un délit dans la
Prifon, qui eût donné lieu à une plainte , le lieute-
nant criminel feroit autorifé à l'y retenir pour faire
l'inftruélion de fon procès, Si à le juger fuivant la
rigueur des ordonn;.nces.
Nous nous garderons bien de donner notre opi-
nion dans une matière qui efl fi étrangère à notre
profeffion ; mais qu'il nous foit permis de rappeler
ce qui a été dit par des officiers fupérieurs , & ex-
primé dans une ordonnance militaire qui n'a pas
eu fon exécution , parce qu'elle étoit trop oppotée
au fentiment de la nation françoife. La Prilon eft
en général très-funelle au foldat; elle le plonge
flans une inailion nuifible , elle l'ènerve, elle l'a-
brutit, elle rejette le poids de fon fervice fur les
bons fujets. Il efl donc à defirer qu'on fubflitueà
la Prifon -militaire une sutre peine , qui , loin d'at-
taquer les qualités principales du foldat , leur donne
au contraire un nouveau développement ; c'efl aux
feuls gens du métier qu'il appartient de l'indiquer^
( Cet article ejl de M. DE LA C-ROJX, avocat au
parlement ).
PRISONNIER. Celui qui cû arrêté pour être
mis en Prifon , ou qui y eft détenu. Voyez les
articles Prison , Contrainte par corps , &
Gard's du commercî.
Malgré les mefures employées pour la garde
des Prifonniers de la maifon de Bicêtre , il s'en
évadoit fouvent, qui, abufant de leur liberté ,fe
Jivroient à des excès & à des crimes , au préjudice
du bon ordre & de la tranquillité publique : pour
prévenh- à l'avenir ces défordres, faire reconnoître
ces Prifonniers & en faciliter la capture en cas
d'évafion, le roi a rendu, le 17 avril 1778, une
ordonnance qui contient les difpofitions fuivantes:
" Article I. Tous les Prifonniers renfermés à
» Bicêtre, foit dans les cabanons, foit dans les
i> falles communes , feront habillés à neuf. La
» Hîoitié de chaq.ue vêtement fera noir , & l'autre
)> cris d'hôpital : les habillemens feront compofés
» d'un bonnet de hure, une foubreveAe , un gilet,
ji un pantalon fans poches , ries chauflons de bure
,> dans leurs fabots , & lefdits vêtemens feront
» doublés de même couleur.
)j 2. Lefdits prifonniers auront les cheveux coii-
j) pés dès leur entrée à Bicêtre; &, pendant la
„ xluiée de leur détention, leurs cheveux feront
)i coupés tous les deux mois.
PRISONNIER.
n. 3. Sa majefté enjoint à l'économe Si. autres
« officiers de l'hôpital de Bicétre, de veiller à ce
» qu'il ne foit fourni à aucun defdits Prifonniers
» d'autres vêtemens que ceux prefcrits par la pré-
« fente ordonnance; & fait défenfes à tous cm-
« ployés , gardes , ferviteurs , domeftiques, & gé-
« néralement tous autres , de leur en procurer , à
» peine de punition exemplaire.
M 4. Défend fa majefté à toutes perfonnes , de
>j quelqu'état & condition qu'elles foient , notam-
î> ment à tous cabaretiers, logeurs & aubergiftes ,
T* tant des villes que des campagnes , de donner
5> retraite à tous ceux qui fe préfenteront vèms
» de l'habillement de l'hôpital de Bicétre : leur en-
j> joint d'en donner avis ; favoir , dans les villes ,
») aux officiers de police, Ce dans les campagnes ,
»> aux officiers & cavaliers de maréchauirée , le
I) tout à peine , contre les contrevenans , de telle
»> amende qu'il appactiendra ».
On appelle Pnfonnier de guerre , celui qui a été
pris en guerre , & qui ne peut recouvrer Li liberté
que du confentemcnt de fon ennemi.
C'étoit un ufage afTez univerfellement établi au-
trefois, que tous ceux qui étoient pris dans une
guerre folemuellc , foit qu'ils fe fufîent rendus eux-
mêmes , ou qu'ils euiTent été enlevés de vive force ,
devenoient elclaves dès l'inftant qu'ils étoient con-
duits dans quelque lieu de la dépendance du vain-
queur,ou dont il étoit le maître. Cet ufage s'étendoit
même à tous ceux qui fe trouvoient pris malheu-
reuftment fur les terres de l'ennemi , dans le temps
que la gutrre s'étuit allumée. De plus , non-feule-
ment ceux qui étoient faits Prifonniers de guerre ,
mais encore leurs defcendans qui naifloient d<)ns
cet efclavage , étoient réduits à la même condition.
Il y a quelque apparence que la raifon pour la-
quelle les nations avoient établi cette pratique de
faire des efclaves dans la guerre , étoit principale-
ment de porter les troupes à s'abftenir du carnage ,
par le profit qu'on retiroit delà pofl'e/Tion des ef-
claves ; aufll les hiftoriens remarquent que les
guerres civiles étoient beaucoup plus cruelles que
les autres, en ce que le plus fouvent on tuoit les
Prifonniers , parce qu'on n'en pouvoit pas faire
des efclaves.
Les chrétiens entre eux ont aboli l'ufage de
rendre efclaves les Prifonniers de guerre ; on fe
contente de les garder jufqu'à la paix , ou jufqu'à
ce qu'on ait paye leur rançon , dont l'eftimation
dépend du vainqueur, à moins qu'il n'y ait quelque
cartel qui la fixe.
L'article 507 de l'ordonnance du roi du 17 fé-
vrier i7';3 , porte, que fa majefté payera la ran-
çon des officiers & foldats qui feront faits Prifon-
niers dans les aâions de guerre ; mais qu'à l'égard
de ceux qui auront été pris dans toute autre cir-
conftance , les officiers payeront leur rançon , &
celle des foldats fera payée par leur capitaine.
L'article 508 veut que dans les vingt-quatre heu-
res de la prifed'un foldaioude la rentrée du dé-
PRISONNIER. e%i
tachement dans lequel il a été pris , le capitaine
en remette une note au major du régiment, & que
celui-ci en faffe part auffi-tôt au major général.
Enfin il eft ordonné , par l'article 509, au m-a-
jor général de tenir un état , par régiment & par
compagnie , des officiers & des foldats qui ont été
faits Prifonniers de guerre , & d'y marquer les
occafions où ils ont été pris , afin d'y avoir re-
cours lorfqu'il s'agit de conflater par qui leur ran-
çon doit être payée.
Une ordonnance du roi du 4 novembre 176a,
a réglé ce qui devoir être obfervé relativement aux;
Prifonniers de guerre faits à la mer. Elle porte ce
qui fuit :
«Article i. Tout capitaine commandant un
» navire armé avec conimiffion en guerre , qui
» aura fait des Prifonniers à la mer , fera tenu
» de les garder à fon bord jufqu'au lieu de fa pre-
» mière relâche dans un port du royaume , ibus
» peine de payer , pour chaque Prifonnler qu'il
» aura relâché , cent livres d'amende , qui fera
'I retenue fur fa part aux prifes , ou fur fes gages»
n 2. Lorfque le nombre des Prifonniers de
» guerre excédera celui du tiers de l'équipage ,
» permet cependant fa majefté au capitaine pre-
V neur d'embarquer le furplus de ce tiers , & dans
» le cas où il manqueroit de vivres , un plus grand
" nombre fur les navires des puiflances neutres
)> qu'il rencontrera à la mer , en prenant au pied
» d'une lifte des Prifonniers ainfi débarqués , une
Il foumiflîon fignée du capitaine du bâtiment pris
5» & des autres principaux Prifonniers, portant
» qu'ils s'engagent à faire échanger & renvoyer-
» un pareil nombre de Prifonniers françois de
» même grade ; laquelle lifte originale fera remife
r> à la première relâche dans les ports du royaume ,
« à l'intendant ou au commiftaire de la marine ,
» & dans les pons étrangers , au conful de la na-
11 tion françoife, pour être envoyée au fecrétairc
)> d'état ayant le département de la marine.
« 3. Permet auffi fa majefté auxdits capitaines
» qui relâcheront dans les ports des puiflances neu-
» très , d'y débarquer les prifonniers de guerre
» qu'ils auront faits, pourvu qu'ils en aient juftifiî
» la néceffité aux confuls ou autres chargés des
i> affaires de France , dont ils feront obligés de
» rapporter une permiffion par écrit ; lefquels re-
») mettront lefdits Prifonniers aux confuls de la
H nation ennemie , & en retireront un reçu , avec
» obligation de faire tenir compte de l'échange
» defdits Prifonniers , par un pareil nombre de
» Prifonniers françois de même grade.
» 4. Dans l'un & l'autre cas , les capitaines pre-
» neurs feront obligés , fans pouvoir s'en difpen-
» fer, fous quelque prétexte que ce puiftTe être,
» de gardera leur bord le capitaine avec un de;
» principaux officiers de l'équipage du bâtimen:
n pris , pour les ramener dans les ports de France .
n où ils feront détenus aux frais du roi pour fervir
Rrrrij
684
PRISONNIER.
» d'otages , jufqu'à ce que l'échange promis ait
>» été efî'eâué ;».
Par convention fignée à Verfailles le 12 mars
1780 , & à Londres le 28 du même mo.s , il a été
arrêté entre la France & la Grande-Bretagne, un
cartel p'H;r l'écliange général de tous les Prifon-
ricrs pris en mer & amenés en Europe (i). On a
[i) Ce cartel ayant éié diSlé par Ij fjgejfe 0" l'huniinitc,
nous croyot.s devuir le tranfcrire. ici comme un modèie dfmvn
■pour adoucir les maux jue la guerre entraîne après elle.
L'intention de nos Ibuverains refpetlifs étant de rendre
mutuels les avantages i'un échange général de tous les Pri-
fonnieisptis en nier, entte la France & la Grande-Bretagne ,
depuis le commencement des hoRillités ; nous , fouilignés,
nout fommes fait un devoir de conduire cette ntgociarion
avec toute la candeur & Tinicgrité qu'on doit attendre dans
une matière qui intérefle auffi cffcntiellement l'hunianitc , la
juftice & la viaie poIiti'^iUe ; on a développé tous les eftbns
poiTîb'es, en formant ce caitel , pour y ttablii la plus parfaite
égalité ic la réciprocité la plus compiette , ainli que pour
éviter ou concilier de bonne foi les diflicultés que le défaut
d'une corrcfpondance exaâe entte les rangs établis dans le
fervice militaire des deux nations , ou touc autre motif pour
roit occalionner,
Autorifcs par nos cours refpe£lîves , de la parr de fa ma-
jefté très chrétienne , Louis Grégoire le Hoc, ecuyer, avo-
cat en parlement , & l'un des chels des bureaux de la marine
de fadite majcfté : & de la part de fa niajcllé btitannique , les
fonimiflaires chargés du foin des matelots malades ci blelF^s
&: de l'échange des Prifonniers de guerre , à prendre les me-
furcs convenables pour mettre en exécution la remife réci-
proque des Prifonniers , nous fommes convenus des articles
tuivans :
Article I. Tous les Prifonniers qui ont été pris en
nier depuis le commencement des préfentes hoftilités , &
«TU! fe trouvent dans les domaines de lune ou de l'autre
puilFance en Europe , ainfi que tous les Prifonniers qui fe-
ronr pris dans la fuite, &: conduits dans les ports defdites !
puilTanccs en Europe, feront éciiangés homme pour homme ,
félon leurs rangs ou qualités , ou pour un certain nombre de
fimples mateltis, comme un équivalent , ou pour cerraines
(ommes en forme de rançons, ain(î qu'il eftci-aprcs fpécitié.
1. Tous les officiers des vaifleaux du roi feront échangés
félon la table qui fuit.
FRANÇOIS.
Vice-amiral.
Lieutenant général.
Cbefd'efcadre.
Capicaines de vaifleaux
«ommandans des divifions
ot! qui o.it le rang de briga
dier dei armées.
Capitaines de vaifleaux du
rarg de colonel.
A N G L 0 I S.
l Aniiia; commandant en chef.
T Amiral portant un pavillon
J>au grand mât de hune, ^
3 Vice-amiral.
1 Rear admirai.
\
Commodores.
/
Pc_fi capitaines depuis trois
ans , dont le rang répend à
_^ celui de colonels.
Lieutenans de vaifleaux
commandans des frégates de-V Tous ainrespir/î-capitaines
puis 50 jufqu'à 2o canons Aqui ont le rang de lieutenant-
Jiqui onc rang de lieutenant-^ colonel.
colonel.
^ Majters and commander: ,
/capitaines net - pojî du rang
r de majors , parmi lefquefs
^fonr compris les capitaines de
Xbrûlots , qui font majîers and
Jcommundtn.
Lieutenans de
rang de magots.
vaiffeau dut
PRISONNIER.
réglé en même-temps ce qui doit être obfervé re-
lativement aux paflagers , aux femmes , aux en-
FRANCOIS. A N G L 0 l S.
Tous autres lieutenans de 7
vaifTeaux fans didinûion. S Lieuicnans fans diftinaion.
Capitaines de brûlots Ju
rarn; de capitaines d'infante-
vie, enfeignes de vaifleaux du/ Lieutenans, lorfque les
rang de lieutenans d'infante-t lieutenans de vaifl"eau fran-
ne , lieutenans de frégates^çois feront échangés , &.' au
ou capitaines de flûte en picd,| défaut de lieutenans angloîs,
ou pour la campagne , &: inXàes miishipmcn.
rang de lieutenant d'infante- J
rie. «/
Gardes de pavillon ou de;
la marine. j
Officirs mariniers.
Maîtres , „
Boflemans , (
Canoniers, C
Charpentiers. "^
Officiers subalterkes.
Seconds maîtres d'équipages ,\
Maîtres voiliers , /
Armuriers, '
Capitaines d'arme* ,
Maîtres d'école
Volontaires.
Miàshipmen,
Contre ceux de la m^me
déncmination , ou d'un tan
égal.
g
S
Contre ceux de la même
dcnominaiion , ou en même-
c^rré.
Tous les autres officiers fubalternes , matelots &: autres de
diflacntes dénominations , feront échangés , fans dilHnftion,
homme pour homme ; & au défaut de ceux de cette claffe de
la marine royale , de part ou d'autre , ceux de la même claflc
de la marine marchande , ou des corfaires , feront regardé»
comme un équivalent en échange.
3. Le nombre de (impies matelots à donner comme un
équivalent pour les officiers, contre lefquels il n'yauioit
point d'officiers de même rang à délivrer en échange de pare
eu d'autre , fera fixé à
Français. Vice amir.il . . . . .■)
v4/i^/ow. Amiral commandant en chef .. .J
F. Lieutenant général . . . .T
A. Amiral portant un pavillon au grand mât de >
hune , Se vice-amiral . • .j
F. Chefd'efcadre . . • • •»
A, Rear admirai . • • • «l
F. Capitaines de vailTeaux commar.dansdes di-
vifions, ou qui ont le rang de brigadier^
des armées . ...
^.Commodores . ...
F. Capitaines de vaifleaux du rang de colonels. 'j
A. Pofi - capitaines depuis trois ans, qui onc^
rang de colonels . . ...
F. Lieu'-enans de vailTeaux comman-lans des^
frégates depuis 50 jufqu'à îo canons, £i.
qui ont rang île lieutenans-colonels .
A. Tous les aunes l'ojl-capitainei , qui ontrang\
de- lieutenans-colonels
F. Lieutenans de vaifleaux commandans des"
frégates de 10 canons & au-defibus, &j
qui ont rang de majors
A. Majiers and commJinders ou capitaines not-
pofi du rang de majors , parmi lefquelsl
font compris les capitaines de brûlots .,
qui font mafurs arti commandtrs . . •
Hommes
60.
4°.
30.
10.
10,
PRISONNIER.
fans , aux domeftiques , &c. pris fur les divers bâ-
timens de mer.
F. Tous lieurenans de vaiffeaox fans diflinc-
hommcs.
lion
i
i.
A- Tous lieutenant fans diflin£lion
f. Capitaines de brûlots Ju rang de capitaines
d'infanterie , enfeignes de vaifTeaux, Jieu-
lenans de frégates , ou capitaines de tlûtt
en pied ou peut la campagne
-rf. Lieutenans , quand tous les lieutenans de,
vaifTeaux fran^ois feront échangés , & an^
dsfaut de lieutenans anglois,desmidsAip-
Tfitn • • • • •
F. Garde de pavillon ou de la maiine • • >
j4. Midshipintn , . • •> }•
F. Officiels de pilotage ou matiniets . .j
A.JVarranr ojj/icers . . • • -i '■•
F. Officiers fubahernes . • •■>
A. Petty officcrs • • • «5 *•
4. Les fommes à payer en forme de rançons, pour les offi-
ciers quelconques , contre iefquels il n'y auroit point, de
part ou d'autre , d"officiers cortefpondans ou de matelots à
donner en échange, ainfi qu'il elt llipulé dans les articles
précédens , feront fixées à
:}
Liv. jlerling.
i
A.
F.
François. Vice-amiral
Anglois. Amital commandant en chef '
F. Lieutenant général • • "■ jA
A. Amiral portant pavillon au grand mat de>
hune , & vice-araiial • • -^
F. Chefd'efcadre . • • 'l
A, Rear- admirai . • * j j-
F. Capitaines de raiOeaux commandans des di-
vifions , & qui ont rang de brigadiers
des armées . • . • '
A- Commodores ... •
F. Capitaines de vaiffeaux du rang de coloneli
A. Pdji cafit.nnes depuis trois ans, du tani
de colonels
F, Lieutenans de vaifTeaux commandans des
frégates depuis ^o jufqu'à 10 canons , &
qui ont rang de lieutenans co'onels . .
Tous les autres ^ofi-capitaints , ayant le
rangde lieutenans-colonels
Lieutenans de vailTeaux commandans des
frégates de 2^ canons & au-dtffous, &:
du rang de majors . « •
A. Majîers and commaniers ou capitaines not-
pojl , du rang de mijois , parmi Iefquels
font compris' les capitaines de brûlots ,
t^ui Cont majlers and commanders . . .
F. Les autres lieutenans de vaiffeaux fans dif-
tinctioa . • • . • •
A. Lieutenans de vaideaux fans diftinflion . .
F. Capitaines de brûlots , du rang de capitaines
d'infanterie , enftignes de vailTeaux ,
lieutenans de ficgates, ou capitaines de
flûreen piedoupour la campagne .
A- Lieutenans, lorfque tous les lieutenans de
vailTeaux François feront échangés , & au
défaut de lieutenans anglois, des midship-
meii • 5 • •
F. Gardes Je pavillon ou de la marine
A. Miiikipmen
F. Officiers de pilotage oB mariniers
A. Warran: ojiccn
60
40.
3 0»
zo.
iÇ-
10.
PRIVILÈGE. 6S5
PRIVILÈGE. Ce mot fc dit de toutes fortes
de droits , de prérogatives , d'avantages attachés
Liv.flcrling-*
F. Officiers fubahernes . . •}
A. Fncy officers . . . . . • i
F, Matelots fie autres confidérés comme llirrlcs
matelots . . . . . '
A. Matelots &: autres conlldérés comsi» lim; l^-i '
matelots ..»..•
1.
ç. Tous les officiers de vaificaux de roi , frégates, floops
& autres bâtimens , aulueliement Prifonniers fur leur parole ,
feront immédiatement échangés felor» les conventions du
préfenc cartel. Tous les officiers de vaifTeaux de roi , frégates ,
iloops &.' autres bâciniens , jufqu'aux grades de lieutenans fie
d'enfeignes incluhven-.ent ( mais aucun d'une qualité inté-
rieure ), auront à l'avenir la permiilion de donner leur pa-
role d'honneur de ne peint fervir jufqu'à ce qu'ils aient été
échangés, &: de retoutncr dans leurs pays par la voie la plus
convenable , tous lefdits officiers au fervice du roi , devant
être les premiers échangés ; tous les officiers d'un rang infé-
rieur à ceux de lieutenant & d'enfeigne , qui auront été déli-
viés pat préférence , feront portés dans le compte général des
échanges, Se regardes comme libres de rentrer au fervice.
6, 11 a été agréé entre les deux cours, que tous les chirur-
giens Se garçons chirurgiens des vailTeaux &: bâtimens du roi ,
fie même tous les chirurgiens fie garçons chirurgiens des vaif-
feaux marchands, corfaires Se autres bâtimens , feroient mis
en liberté , fans être regardés comme Prifonniers ; les chirur-
giens des trcupes de la mâtine royale, des troupes de terre ,
fcrvant comme ttoupesde la marine , ou des forces de rerre
ne fervant point à bord des vaifleaux , pris en mer fur des
vailTeaux de roi ou autres bâtimens, feront à l'avenir , ainlî
que leurs garçons chirurgiens , compris dans la même con-
vention , & mis immédiatement en libetté. Il elt pareille-
menr agréé que la même convention fera obfervée à l'égard
des fectétaires de tous les amiraux , commis de tous les capi-
taines, &.• chapelains ou miniflres defdits vailTeaux 5e bâti-
mens, & comme il n'y a point dans la marine françoife , de
qualités qui correfpondent exadenient à celle des Purftrs da
la marine angloife , les premiers commis des munitionnaires
feront regardés comme équivalens en échange,
7. Tous les officiers fie autres Prifonniers prîj fur des i»a-
vires marchands , corfaires ou autres bâtimens n'étant poin»
vailTeaux de roi , feront échangés comme il fuit :
Savoir.:
FRANÇOIS.
Capitaines.
Seconds capitaines.
Lieutenans.
Maîtres.
Aides-maîtres.
Pilores.
Enfeignes.
I
ANGLOIS.
Capiraines,
Lieutenans ou mares.
Capitaines ou lieutenan»
des tioupes de la marine.
Maîtres de prifes.
Pilotes &: mlishipmcn.
Deux lieutenans oa TTîfltti feront alloués pour chaque cen-
taine d'hommes.
Tous les autres , de toute dénomination , app.irtenans
auxdits navires marchands , corfaires ou autres bamnens ,
n'étant point vailTeaux de ro?^ feront échangés fans dilHnc-
tion, homme pour homme.
8. Le nombre de (impies matelots adonner en échange ,
comme un équivalent pour lefdits officiers fie autres pris Icr
lefdits navires marchands , corfaires Se autres bâtimens , n'f-
taut point vailTeaux de roi, contre lel'qucls l'une ou l'autre
nation n'auroit point de Prifonniers d'une qualité correipon-
dante â échanger, fera fixé à
hcmmut
Français. Capitiin^s . . . . .T
A:igloii. Capitaines . . . . . .-^ 4.
6S6
PRIVILÈGE.
aux charges , aux emplois , aux conditions , aux
états , &c.
hoini'us.
F. Seconds capitaines ou lieùienans
^. Lieutenans ou wcrej
F. Maiaes. ....
^. Capitaines & lieutenant des troupes de ma-\
line . . . • • . "^ i.
F. Seconds maîtres ....
^. jMaîties de priles , . • .
F, Pilotes & enleignes
j4. Pilotes & midihipmen
9. Les femmes à payer en forme de rançons pour les uns
ou les nutres des olhciers defdits naviies marchands , corfai-
res ou autres bâtiniens n'étant point vailTe^ux de roi, pour
lefquels il n'y autoit point , de part ou d'autre , d'officiers de
même grade , ou de (impies matelots à donner en échange,
ainli qu'il a été Hipulé par les articles immédiatemens préeé-
dens , feront fixées à
Liv. fitrling,
François. Capitaines ; . . '\ ^'
Jirtglo'n. Capitaines . . . • '
F. Seconds capitaines & lieutenans
A. Lici.tenans & mates
F. Maures .... . .
A. Capitaines &: lieutenans des troupes de ma-
rine . » . .
F. Seconds maîtres . • •
>i. Maîtres de piiCes . . .
F. Pilotes & enfeignes
^. Pilotes & 7nid5liijimfn . ..
F. & A. Matelots &: autres confidérés comme
fimples matelots » . . .1.
10. L'échange des capitaines 5: autres defdits navires mar-
chands , cotfaires &: autres bâtiniens , fera conforamé félon
l'anciennerc de la date de leur prife , autant que les circonf-
tances le permettront.
1 1. Tous les palTagers n'étant point au fervice de terre ou
de mer, n'importe fur quel bâtiment ils auront été pris, ne
feront point regardés comme Prilonniers ^ mais ils feront mis
en liberté de retourner chez, eux, fans être portés dans le
compte Aes échanges, aufli-tôt qu'ils auront prouvé par des
certih'cats autheniiques qu'ils font réellement djns le cas de
l'exception. Toutes les femmes, enfans , domeltiques , au-
dcflbus de douze ans , ne feront ri regardés comme Prifon-
niers , ni portés fur le compte des échanges ; mais néan-
moins il leur fera paffc , lorfqu'ils en auront befoin , une
fubhftanccen argent, de la valeur de fix denicis flerling par
jour à chacun , ou en vivres pour lefdits domelliques en pri-
fon ,ju'qu'à ce qu'ils foient mis en état de partir : lefdiies
femmes auront la liberté de prendre un parent ou un ami
pour les accon.pagner dans leur pays ; &: n ce parent ou ami
appartient au fervice de terre ou de nier , il fera porté fur
le compte des échanges.
11. Les valets de chambre & laquais des officiers des vaif-
feaux de tueffC' depuis le plus haut grade jufqu'.i celui de
lieutenant & d'enfeigne , inclufivement , des officiers ie^
troupes de la mâtine royale, &_des officiers des forces de
lerre , pris en mer , jufqu'aiix capitaines inclulîvement 5 des
capitaines de vaifRaux marchands & des corfaires , dont
réquipa^e ne fca pas au defious de cinquante bommes, fe-
ront mis en liberté avec leurs maîtres ; mais ils feront portés
fur le compte des é hanges, & comptés comme fimples ma-
illots. I es valets de chambre & laquais des patfagers des deux
lexes feront ni's en liberté avec leurs maîtres & niaîtrelTcs ,
fans être pertes fur le compte des échanges.
13. Toutes peifonnes , n'importe de quelle dénomination
de pa:t ou d'autte, qui auront fait naufrage, fut quelque
PRIVILÈGE.
On diflingne les Privilèges en Privilèges écrFry
& non écrits , réels & perfonnels , odieux Se faç-o-
vaifTeau ou bâtiment que ce puifTe être , à moins que ce nt
foit en voulant prendre terre, ou en proiégant quelque dé-
prédation fur les évites ou dans les îles de l'un ou l'autre des.
deux royaumes , feront imuiédiatement mifes en iiberté ; &r
on leur fourniia les moyens de retourner dans leur pays ref-
peclifs , ainfi que des vétemcns , fi elles en ont bcfom, aiiTr-
tôt que la lîtuation defdices perfonnes fera connue , & qu'on
aura pu prendre les mefures convenables pour cet effet.
14. Tous les Prifonniers qui ont été ou feront échanges
avant que le ptéfeut cartel ait lieu , foit par préfcrence , ou.
par des échanges particuliers, feront portés fur le compte
général des échanges ; & il fera réciproquemenr fourni, de-
parr fie d'autre, des li lies exactes de leurs noms, avec les
pièces jiiUificatives de leur échange.
15. loi fera ajoutée au compte des échanges de tous les
Prifonniers délivrés aux confuls refpedifs des deux nations,
conlormément à l'accord aûuellement fubfiftant entre h&
deux couronnes; les rangs ic rançons feront réglés confor-
mément à ce qui a été convenu à cet égard dans le prefent
cartel; & les pièces jullilîcatives otiginales , ou copies au-
. thentiques d'ice;les, feront muiuellement envoyées.
16. A l'égard des officiers de marine , officiers des troupes
déterre, fervant comme troupes de marine, officiers des
forces de terre , pris en mer, ne fervant point fur les vaif-
Icaux, ainfi que les fimples foldats defdites troupes de ma^
line & forces de terre; afin d'éviter l'embarras qui téfukeroic
de la difcullion minutieufe des differens grades comparv^s les
uns aux autres, & des variati-ons qui peuvent fe trouver ea-
tre les ctablifTemenJ refpeûifs des deux nations; & akn
que les échanges defdits efficiers &: des foldats des troupes
&.' torées de terre puiflent être réglés avec la plus grande fa.-
ciliié , ils feront échangés de la même manière qui a été
arrêtée à l'égard des officiers &: matelots des deux marines,
honmrre pour homme , félon leurs rangs & qualités dans le
fervice auquel ils appartiennent aftuellemefit , ou pour ua
certain nombre de fimples foldats , comme un équivalent ,
ou pour certaines fommes en forme de rançons , ainii qu'il
e(t ci-après fpécifîé.
17. Tous les officiers brevetés, défîgnés dans l'article pré-
cédent 1 depuis les grades fupérieurs , fans aucune diflinétion
de premier , fécond lieutenant , &c. jufqu'aux enfeignes in-
clulivement, feront échangés , homme pourhormne, contr»
des officiers de mêmes grades , Se dénommés de même par
leurs brevets; tous les officiers non brevetés , jufqu'aux ca-
poraux inclufivement, homme pour homme , félon Isurs
grades ou dénominations ; &: tous les autres officiers non bre-
vetés & fimples foldats, n'importe de quelle dénomination,
feront échanges fans diftindion , homme pour homme : &
au défaut d'hommes de cette dernière clafTe defdits corps de
part ou d'autre , les fimples matelots , ou ceux confidércs
comme tels, des vaifleaux de roi i vaiffeaux marchands ,
corfaires ou autres bâtiiHens , feront regardés & échangés
comme égaux.
18. Le nombre d'hommes à donner comme un équivaleot
pour les fufdits officiers brevetés âc non brevetés, pour lef-
quels il n'y auroit point , de part ou d'auue , d'officiers cot-
refpondans à échanger , fera fixé à
Hommes,
Franf ai*. Maréchal de France , . .n
/4r;o-/o7.f. Capitaine général ou^e/d/ndrshaZ . .5 ^''
A, Général . . , . , . 40.
F. Lieutenant général . . , .j
A. Lieutenant général . . • • «J ?**•
F. Maréchal de camp . . . • •■>
^, Majoï général , , , . .^ i«.
hommes
15.
Xi.
10.
8.
6U
4.
J.
•
t.
PRIVILHGE.
«•ables , gracieux & rémunératoires , purs & con-
ventionnels, momentanés & perpétuels, affirma-
F. Brigadier des armées .
j4. Brigadier général . .
■^•^ Colonels
F.
^. l Lieutenans-jCoJoneis
yi^ > Majors * . -.
^' l . .
yi i Capitaines -,
F. J. . ...
^ S Licutenans fans diŒinûîon
F. 1
^_ S Enfeignes fans dillinfiion
• A î Officiers non brevetés, jiifqu'aux caporaux^
' J inclullvement -. . . -. .
1^. Le» fonimes à payer en forme de rançons pouf les offî-
-ciers & aiittes , contre lelquels il n'y auroit point, de part ou
id'autre , d'officiers ou de limples foldats à échanger , coiuiiie
âl a été iHpulé dans Les articles pricédens , feront hxLes à.
Lip. flerîing.
Franpfi. Maréchal de France . . .? 6q.
Jingiois. Capitaine général oa fidimarskal .i
j1. Général . . . , , 40.
J". Lieutenant général , . . .j
>4, Lieuteuant général • . . ,j 5e.
F. Maréchal de camp . . . .. }
^, Major général . , . , . S 10
F, Brigadier des années . . . . »
^. Brigadier général . . . .. ^ iç.
F. l Colonels
F. VLieutenaascoionels .
j9. *
F. X Majors
^. i
■F. l Capitaines - . .
^- .
F. i. Lieutenans fans diflimftion
PRIVILÈGE.
<S.^7
.\ 10.
•}
^;
JF. i Enfeignss fans dillinûion . . .? 3.
,/'. l, OSciers brevetés juftju'aux ciporaux in-T 1.
y/. •* cluhvement . . . . ,î
.F. ^ Simples foldats . - ^ . {. i.
A./ i
20. Tous lefdits oSciers de rnarine , officiers des troupes
■ de terre , fervant comme troupes de marine , &: des forces de
îevre , pris en mer, ne fervant pas furJes vaiiTeaux, qui fonc
adueileinenc Piifouniers fur leur parole , & tous les (înipJes
i"olJats defdits corps , feront imjnédiatement échanges félon
ces conventions , & autant que les circonstances le pcr-
.niettront, de préférence à tous les officiers ou matelots des
.vaideaux marchands , corfaires ou autres bâtiiiieus n'étant
rpoint vaifleaux de lOi ; &• tous lefdits ofHciers de marine ,
-officiers des troupes de terre , fervant comme troupes de ma-
îine, & des forces de terre , pris en mer , ne fervant point
.à bord des vailleaux , jufqu'aijx enfeigncs inc'u.'ivement ,
auront à l'avenir la permilfion de (îgner leur parole d'hon-
meur de ne point fervir qu'ils n'aient été échangés , & de
retourner chez eux jufqu'à ce que leur échange puilTe.êtrc
'fomommé; & aucun des oiliciers inférieurs aiix enfeignes
iiî'juta.à J'avjeair la pecnùiTion J.c dcançi: fa pacolje de ne
tifs & négatifs, motu proptio aut fupcr inflanti'im -^
ceux qui l'ont exprimés dans le droit Se ceux qui
point fetvir qu'il n'ait été échangé ; & tous lefJits oîîiciers
inférieurs aux enfeignes, qui auront été élargis pat préfé-
rence, feront portés fur le compte général des échanges , Se
regardés comme libres de rentrer au fervLce.
21. Il -fera etprelL-ment défendu , &: on ne fouffrira en
aucune manière, que qui que ce foit emploie les intrigues,
la fédudion ou la force , pouT engager ou contraindre au-
cun des Prifonniers , de part ou d'autre , â changer de reli-
gion, ou à violer la hdéliié qu'il doit à fon roi âc à foa
pays , en entrant au fervice de la puiflance dans ïti domai-
nes de laquelle il peut être Prifonniet.
12. Tous les Prifonniers pris en Amérique ou toure autre
partie du monde , &: conduits dans les domaines de l'une on
de l'autre puifTirnce en Europe , jouiront des avantages du
ptéfent accord ; & il fera laiffé à la bonne foi des deux na-
tions d'arranger , conformément au règlement qu'il con-
tient, les échanges qui peuvent avoir été confoiumés en
vertu de quelque cartel déjà arrêté entre le gouverneur de
Minorque , & toutes perfonnes à ce dûment aurotifées pac
la Ftance,, à l'égard des Prilonniets conduits dans cette île
fc dans les ports fran^ois de la Méditerranée ; &: pour lever
toutes difficultés relativement auxJics Ptifonnicrs , donc
l'échange doit être confommé dans lefJits ports de la Médi-
terranée , il fera donné les ordres convenables , aulli-tot qu'il
fêta poUible , aptes la ratiiication du préfent cartel , afin
qu'ils foient réciproquement mis en liberté &: échangés de
temps à autres , fans égard pour leur nombre ou leurs qua'i-
tés ; &: les agens &: commidiires refpeclifs des deux nations
feront paffer les certihcats néceffaires , pour que la balance
du compte général des échanges puilfe être dûment tégléc
entre nous.
Tranfpon des Frifonniersu
aj. Il a été convenu que, pour etFeiluer le.préfent échange
des Prifonniers refpedifs, il fera employé des bâtimens des
deux nations ; c'elt-à-dire des bitimens anglois pour le tranf-
port des Prifonniers françois , & des bâtimens françois pout
le tianfport des Piifonniets anglois ; mais afin de rendre les
frais de tranfport le moins onéreux qu'il fera polfible pour
chaque nation, il ell convenu que les bâ:iineiis de chacunCj,
employés comme bâtimens p.irlementaires pour tranfporter
les fujets de l'autte , remportefcnt de même en retour , à
chaque voyage , autant que les circonliances le permettront^
les luicts de leur propre nation.
1 1. Comme le nombre des Ptifonnicrs des nations rerpec-
tives, actuellement en France Se en Angleterre , efl: afi'ez
con'ldérable pour que les deux nations occupent des bâti-
mens à ce fervice en même-temps , elles y en employèrent
toutes les deux , jufqu'â ce que , de part ou d'autre , le
nombre des Prifonniers foit afTez diminué port ne pas méri-
ter i'envoi d'un bâtiment parlcmemaire particulier ; l'une ou
l'autre nation devra â l'avenir employer refpeûivemenc lef-
dits bâtimens , â mefure qu'elle aura un nombre fuffifant des
fujets de l'autre pour compléter un chargement ; ôc chaque
bâtiment parleiiientaire tranfportera , lorfque les circonftan-
ces le permettront , autant de Prifonniers qu'il pouria con-
venablement en contenir.
1 j. 11 feta-donné avis , un mois d'avance , â compter Je la
date des lettres refpedives à Verfailles & à Londres , de J'in-
teniioa oti l'on fera d'envoyer quelque bâtiment parlemen-
taire , du nombre des Prifonniers qu'on Ce propofera de
•faite paflcr , ainii que du port pour lequel le bâtiment devra
faire voile , afin que chaque nation puilfe faire , de fon côté,,
:tous les efforts convenabJes pour rafTembler un nombreéqui-
<valent des fujets de l'huître , & les lenvoyer en retour,, tant
guc k« ciiwailances jiomrç)inIe3>ermeU£e, Scafin ^ue .k
683
PRIVILÈGE.
n'y font point exprimés, ceux qui regardent le for
intérieur , &. ceux qui regardent le tor extérieur ,
vaifieau parlementaire: ne foit retenu ijue le moins de temps
qu'il fera poilible après Ion arrivl-e.
26. Chaque nation Hxera les ports les plus convenables
pour renibai\]uement Se le débarquement des Prifonniers ,
en évitant avec une attention particulicre l'inconvénient des
longues marcliesde ces Prifonniers, des lieux de leur déten-
tion aux ports d'embarquement; &: on fera tefpeftivement
des ctrbrts pour r.illembler un nombre fuffîfant de Prifon-
niers , & les faire paflTer en retour fur chaque bâ:iment par-
lementaire; mais , en certain cas , on renoncera à ce parti ,
pour épargner aux Prifonniers de trop longues marches des
environs d'un port à un autre plus éloigné : dans tous les cas ,
Ja diiFérence que le défaut de Prifonniers à renvoyer de part
eu d'autre en retour, pourra quelquefois occalionner dans
les frais de tranfport, en faveur ou au détriment de l'une ou
de l'autre nation, fera regardée comme un inconvénient iné-
vitable du l'ervicc.
17. La dclignation des ports ot'i les vaifleaux de cartel au-
ront ordre de débarquer refpectivement leurs Prifonniers ,
fera laifice à la décilion de la puillancc dans les états de la-
quelle ils devront être débarqués; & s'il devenoit nécefTairc
de faire quelque addition ou changement aux ports particu
Jiérement énonces dans le préfent cartel, ces additions ou
changerr.ens feront obfetvés comme s'ils étoient inférés dans
les préfentes.
18. les Prifonniers angîois renvoyés des ports do France
fur des bàtimens françois , feront envoyés feulement dans
les ports de Douvres , Pool & Falmouth , ou icls autres qui
■^ourroient être dl'fignés par la fuite.
Z5. Les Ptifonniers fran(;ois renvoyés des Ports d'Angle-
terre ou d'Irlande fur des vaillbaux anglois , feront envoyés
feulement dans les ports de Morlaix , de Saint-Malo , du
Havre & de Calais, ou tels autres qui pourroient être déli-
gnes par la fuite.
}0. Le prix par tète pour le tranfport defdits Prifonniers,
fera fixé félon la table fuivante ; Se fi quelque changement
devenoit néceflairc de par: ou d'autre , relativement auxdits
ports de débarquement , le changement du prix, s'il eft né-
ceiraiie, fefera à l'amiable , &r la convention fera obfervée
comme fi elle étoit inférée dans les préfentes.
De Douvres à Calais "^ 6 fous flerî.
De Calais à Douvres . . * • •.
De tous autres ports d'Angleterre dans la Man-
che , dans les ports françois dans la Manche ,
marqués pour le débarquement des Prifon-I
niersfrançois; 8.' vktvcrfd, de tous autres V^^ ^_ ^ ^ n
ports de France dans la Manche , à l'un des -/^ ■>'
ports quelconques d'Angleterre dans la Man-1
che , marqués pour le débarquement à^i Pri-
fonniers anglois
Des ports quelconques de la Grarde-Brctagne.
ou d'îiknde, aux ports de France hors de la
Manche, marqués peur le débarquement des
Prifonniers françois ; Ik vice verjh , dei ports )> i guiHce.
de France hors de la Manche , aux ports An-
glois marqués peur le débarquement des Pri-
fonniers Anglois ....♦'
M. Les vaifleaux parlementaires de chaque nation feront
munis , s'il eft ncceffiirc, de pafTeports dans la forme ufiiée
chez, chaque nation , &: lefdits vailTeaux porteront pavillon
de trcve • il ne pourra erre chargé à bord aucune marchan-
dise, ni autres chofes que les provifions nécelTaires pour la
fubd'ftance de l'équipage & des Prifonniers ; & nul bâti-
ment parlementaire anglois ne fera envoyé avec desPrilon-
\icrs françùis , de Dcuyres à Calais ; de même que nul bàii-
PRIVILÈGE.
le bien commun ou le bien particuHer.
Le Privilège écrit eft celui qu'on juftifie par un
a-fîc authentique qu'on produit ; celui qui n'eft
pas écrit , a été accordé de vive voix , ou a été
prefcrit par la coutume. Régulièrement le Privilège
ment parlementaire françois avec des Prifonniers anglois , de
Calais à Douvres , avec moins de quarante Prifonniers , à
moins qu'on n'y ait confenti d'avance.
j 1. Les Prifonniers feront bien traités de part & d'autre â
bord des vailfeaux de tranfport pendant leur traverfée , &c il
leur fera fourni chaque jour :
FR A!^Ç0IS.
Pain . . I Uv. j.
Bœuf . . ^.
Bière . . 2 quart.
ANGLOIS.
Pain ... I Uv,
Bœuf ... I
Bière . . . î quart.
ou
Vin ... I
Sur les vailTeaux Fraa»
çois.
Excepté entre Douvres &: Calais, cii l'on paiTera à cha-
que Ptifonniet des deux nations , au lieu de viande,.
Beure
4 onces.
ou
Fromage . , . 6.
La rable de la ration fera affichée aux niits des bàtimens
parlementaires.
3 j. Il iera donné aux maîtres des bàtimens parlementaires ,
des lilles des Fril'onniers embarqués , fignées par les comraif-
Uires Je la marine en France , & par les agens pour les
Prifonniers en Angleterre , refpedivement ; lefqueiies liftes
feront remifes aux agens &: commilTaires refpectifs , dans les
ports pour lefquels les vaifTeaux devront faire voile , ou aux
ageni , coiumiflaires ou confuls , ou , au défaut defdits
agens, commiflaires ou confuls , aux principaux magifirats ,
dans les ports ciî ils pourroient arriver , dans le cas où
quelques-uns dcfdirs bàtimens feroient poulies , par le mau-
vais temps , dans tous autres ports que ceux pour lefquels ils
feront delHnés ; & lefdites liltes feront regardées comme des
titres fuftifans pour chaque nation , pour obtenir de l'autie un
nombre de prifonniers égal à celui qui y fera contenu.
54. Il fêta arrêté tous les trois mois des comptes d'échan-
ges , conformément aux réglemens ci-deflus , & la balance fera
payée en argent à celle des deux nations à laquelle elle fe
trouvera due ; lorfqu'elle fe trouvera en faveur de la France ,
elle fera payée à Paris par une petfonne employée par le toi
de la Grande-Bretagne ;& quand elle fe trouvera en faveur
de l'Angleterre , elle fera acquittée à Londres par une per-
fonne employée par fa majellé très chrétienne , au taux le
p!us exaû du change courant. La balance des frais de tranf-
port fera arrêtée & payée de la même manière & au même
taux.
5 ^. S'il s'clevoît quelques difficultés relativement à la pré-
fente convention , elles feront conciliées à l'amiable; &: ce
qui aura été déterminé à cet égard , fera conlîdéré &c obferr»
comme s'il étoit inlérc dans les préfentes.
}6. Et pour accélérer l'exécution du préfent cartel, lui
donner toute fa force , & le faire ohferver d'une manière in-
violable , nous l'avons figné & y avons appofé nos fceaux.
le déclarant de la même force &: validité que s'il eût été
(îgné par nos fouverains refpeftifs ; les doiib'es devant être
échangés entre nous djns le terme de trois femaines, ou plutôt
s'il eft pcflîble , à compter du jour où il auia été fipné.
Faità Verfailles le li mars I780. S;o-nf, LI Hoc.
Et â Londres, le 18 des mêmes mois &: .in. Et Signé. JN.
Bell, Valler Farquuakson , Vin. Corbeit > Ro-
bert LulmAn.
non
PRIVILÈGE.
sion écrit ne peut fervir qu'au for intérieur de la
confcicnce, fi on ne prouve au moins par écrit la
coutume fur laquelle il eil fondé.
Le Privilège réel eft celui qui eft accordé à quel-
que lieu , dignité, olHce , monaftère, églife, or-
dre , ou à quelques perlonnes en confidération de
ces chofes ; le perfonnel au contraire eft accordé
à une perfonne en confidération d'elle - même ;
enforte que comme le Privilège réel ne finit
qu'avec la chofe à laquelle il eft attaché , le Pri-
vilège perfonnel finit avec la perfonne à qui il a
éîé accordé. On peut renoncera celui-ci , & non à
l'autre.
Un Privilège eft odieux quand un tiers en foiifTre,
comme de ne point payer h dîme; il eft favorable,
quand le tiers n'en fouffre point, comme le Privi-
lège d'entendre la méfié pendant un temps d'inter-
dit. Régulièrement les Privilèges font cenfés défa-
vorables , Si , comme tels , on doit toujours les in-
terprêter rigoureufemcnt.
On appelle Privilège gratuit ou gracieux , Privi-
hgium gratiofum > celui qui eft accordé gratuitement ,
non hjbitâ raùone merïtoTum. Le rémunèratoire eft
celui qui eft accordé ratïom mtritorumjïve ipfius Pri-
viUgiati , fivi aliorum. Les religieux prétendent que
tous leurs Privilèges font rémunératoires; ils di-
fent même que leur étant accordés par le pape , qui
a toute puiftance , ils ne font tort à perfonne : Cum
papa nullius Itsthiam Udii, D'oîi ils concluent qu'on
doit les interpréter favorablement. Mais cette con-
féquence eft contraire à la jurifprudence établie &:
rappelée au mot Exemptio.v.
Le privilège eft conventionnel ou même con-
ditionnel , quand il eft intervenu quelque paéte
dans fa conceflTion ; & il eft pur Ôc fimple , quand
Il a été accordé abfolument fans paâe ni condi-
tion.
Le Privilège eft perpétuel , quand il eft accordé
fans limitation de temps , ou qu'il eft attaché à une
chofe qui de fa nature eft perpétuelle , comme à un
moKaftërc : il eft temporel ik momentané, quand
il eft perfonnel , ou qu'il eft accordé fous quelque
condition dont l'accompliftement doit le rendre
inutile.
Le privilège afnrmatif eft celui qui donne la fa-
culté de faire quelque chofe ; il eft négatif, quand
il accorde la permiffion de ne point taire quelque
chofe ; il eft accordé fur l'inftance , quand le pri-
vilégié l'a demandé, & moiu ^repris, quand il n'a
fait aucune deinande.
Le Privilège qu'exprime le droit , eft celui qui eft
renfermé dans quelque canon du droit ancien 8c
nouveau ; ceux que renferment des bulles & au-
tres écrits particuliers, font des Privilèges qu'on
appelle extra jus inferta.
Le Privilège qui regarde le bien commun eft tel,
qu'une communauté de perfonnes en reçoit un
avantage prochain , comme le Privilège du canon,
fi qu'is fuaJente. Le Privilège qui n'a que l'intérêt du
privilégié pour objet , ne peut regarder le public
Tome XIIL
PRIVILÈGE. 68i?
qu'en ce qu'il lui importe que les Privilèges foient
accordés aux perlonnes qui les méritent ou qin en
ont befoin.
Quant aux Privilèges qui regardent le for inté-
rieur , ils ne peuvent fervir au for extérieur.
C'eft à celui qui allègue un Privilège à le prou-
ver.
Les Privilèges ne s'étendent point par interpréta-
tion d'une perfonne à une autre, ni d'une chofe
à une autre, ni d'un cas à un autre.
Les eccléfiaftiques & les communautés féculières
& régulières du royaume, ne peuvent jouir d'au-
cun Privilège ou exemption , qu'autant qu'ils leur
ont été accordés expreflément par nos rois. Airfi il
feroit inurile de recourir aux Privilèges &. exemp-
tions accordées aux eccléfiaftiques , foit par les pa-
p^s, ou par les empereurs romams , autres que ceux
qui , en même-temps , ont été rois de France. Cette
maxime eft fondée fur ce principe du droit naturel,
qui eft que les fouverains , en fe faifant chrétiens ,
n'ont perdu fur leurs fujets aucun des droits atta-
chés à leur fouveraineté.
Les Privilèges qui appartiennent à chaque office >
à chaque corps, à chaque particulier, font détaillés
aux articles qui concernent les uns & les autres.
Privilège fignifie auffi la préférence qu'on
accorde à un créancier fur les autres, non pas eu
égard à l'ordre des hypothèques , mais à la nature
des créances , & félon qu'elles font plus ou moins
favorables, & qu'un créancier fe trouve avoir un
droit fpécial fur un certain eflFet.
Les lois & la jurifprudence ont établi divers Pri-
vilèges , tant fur les eflfets mobiHers que fur les im-
meubles.
Les créances privilégiées fur les effets mobi-
liers, font, 1°. les frais de juftice faits pour par-
venir à la vente & à la diftribution des efi'ers , at-
tendu que c'eft par le moyen de ces frais que ces
créances peuvent être acquittées.
a". Les frais funéraires. Voyez Frais Funé-
raires.
3". Les loyers des malfons & les fermages des
biens de campagne. Voyez l'article Bail.
4°. L'article 175 de la coutume de Paris , accorda
un Privilège aux aubergiftes fur le prix des chofes
que les voyageurs oat amenées dans îeurs au-
berges.
5". Les frais de voiture & de meflageries font pa-
reillement une créance privilégiée fur les chofes
voiturées. On autorife même les voituricrs à garder
les effets qu'ils ont conduits, jufqu'à ce que la voi-
ture en foit payée.
6\ Les médecins , les chirurgiens & les apothi-
caires ont un Privilège fur le prix des effets mobi-
liers d'une fucceffion , pour le prix de leur vifites ,
panfemens & médicamens concernant la dernière
maladie du défunt.
7°. Les gages des domeftiques font auftî une
S s ss
6t)o
PR IVILÉGE.
créance privilégiée fur les meubles du maître , pour
la dernière année qu'ils l'ont fervi.
8". La jurifprudence des arrêts a attribué aux
bouchers & aux boulangers un Privilège fur les
meubles de leur débiteur pour ce qu'ils lui ont
fourni durant la dernière année. Voyez Boucher
&. Boulanger.
9°. Lorfque des créanciers faififTent des meu-
bles , le vendeur peut s'oppofer à la vente , &
doit être préféré lur la chofe aux autres créan-
ciers.
Le parlement de Paris a même jugé , par arrêt
tlu 21 mai 1767, qu'un tapiffier qui avoit reçu
d'avance mille éeus , pour le tiers du prix des meu-
bles qu'il s'étoit obligé de fournir à une a(5lrice ,
devoit être préféré pour le refte de fa créance ,
fur le produit de la vente des meubles qu'il avoit
fournis.
Lorfqu'il s'ag't de diftribuer le prix d'un im-
meuble vendu , la préférence entre les créanciers
privilégiés ne fe règle point fur la date de l'obliga-
tion , mais fur le plus ou le moins de faveur de la
créance. Ceux qu'on préfère à tous les autres privi-
légiés font, 1°. les feigneurs pour les droits fei-
gneiiriaux ; a", le pourfuivant pour les frais des
criées & de Tordre ; 3°. les frais fu'néraires du dé-
funt & ceux de fa dernière maladie, lorfque le
bien cft décrété fur l'héritier ou fur le curateur à
la fucceiîîon vacante, & que les créanciers n'ont
pas pu être payés fur les effets mobiliers. La nécef-
fité de CCS dépcnfes a introduit ce Privilège en fa-
veur de ceux qui les ont faites.
Mais doit- on coUoquer ces trois fortes de créan-
ces privilégiées dans l'ordre où nous venons de
les ranger? Il y a làdeffus quelque difficulté rela-
tivement aux droits feigneuriaux échus avant la
vente du bien. La coutume d'Auvergne , qui eft
fuivie par quelques autres, dit , en parlant de la
diftribution du prix des biens décrétés , que les
frais des criées (çront pris 8c payés avant tous au-
tres , & après les arrérages des cens des héritages
criés , fi aucuns en font dus & demandés. D'autres
coutumes veulent feulement que les frais du décret ^
foient payés avant toutes les autres dettes. D'un
autre côté , la coutume de Paris porte , que le fei-
gneur fera payé des droits qui lui font dus , avant
tout autre créancier ; la coutume de Bretagne ,
article 179, & plufieurs autres coutumes s'expli-
quent de la même manière. Il n'y a point de doute
que chacune de ces coutumes ne doive être fuivie
dans fon reflbrt , n'y ayant point d'ordonnance qui
y déroge. Dans les coutumes muettes à cet égard ,
il faut fuivre la difpofition de celle de Paris ; car
les créanciers, que le pourfuivant repréfente, ne
t'ievroient , dans la^ rigueur , avoir qu'une hypothé-
cue , tant pour êtf£ payés du principal de leur
créance , que pour Tes frair, au lieu que le feigneur
conferve toujours le domaine direâ du fief, ou de
la cenfive; & pour marque de reconnoiflance de
«e domaine dirs^ , il eft préfumé s'être réfervc des
PRIVILÈGE.
droits ordinaires ou cafuels par l'aâe d'inféodation l
ou du contrat de cenfive , fans lequel le créancier
n'auroit eu aucun droit fur le fonds. Ainfi le Privilè-
ge du feigneur eft plus favorable que celui du pour-
fuivant. C'efl pour cela que la faifie féodale l'em-
porte fur la faifie réelle , & que fi un feigneur faifit
féodalement un fief mis à bail judiciaire, il fait les
fruits fiens , jufqu'à ce qu'on lui ait fait la foi &
hommage. L'ufage de coUoquer le feigneur pour
les droits féodaux échus avant les frais extraordi-
naires du décret, eft fort ancien au parlement de
Paris. M. le Maître en rapporte un arrêt de 1467.
4". Apres Iv's créanciers privilégiés dont on vient
de parler , on doit coUoquer dans l'ordre ceux qui
ont vendu le fonds , ou qui ont contribué , par
leurs deniers ou par des travaux, à le conferver à
la partie faifie , ou à l'améliorer. Il eft jufte que le
vendeur qui n'a point été payé foit préféré à tous
les autres créanciers : la raifon en eft, qu'il n'eft
cenfé avoir vendu que fous la condition tacite que
l'acquéreur ne deviendroit propriétaire abfolu que
quand il auroit payé le prix entier de fon acquifi-
tion. Le fonds eft un gage que le vendeur fe rèlerve
jufqu'à ce que le prix foit acquitté ;il ne fait par-
là aucun tort aux créanciers de l'acquéreur , puif-
qu'ils n'auroient point eu de droit fur ce fonds ,
s'il ne l'avoit point vendu à leur débiteur. C'eft ce
qui fe trouve bien expliqué dans plufieurs lois du
digefte. Il en feroit de même d'un entrepreneur qui
auroit fait quelqu'ouvrage fans lequel le fonds au-
roit été emporté par la mer ou par une rivière ; car
cet entrepreneur a confsrvé ce fonds pour l'intérêt
commun du propriétaire &. de fes créanciers : Sa-
lutem fecit totius fignoris caufam , comme dit la loi
6 , au digefte qui potiores in pign. On ne peur
donc fe difpenfer de déclarer ce fonds affc61é par
Privilège à la sûreté de fa créance. Mais les entre-
preneurs ou les ouvriers qui ont trav?iUè à réparer
une maifon , ou à faire de nouveaux bâtimens fur
le fonds , n'ont de PrlvUège que fur leurs ouvra-
ges , puifque fans ces ouvrages le fonds feroit tou-
jours refté aux créanciers antérieurs, qui auroient
pu le faire rendre tel qu'ils l'auroient trouvé. Il faut
donc examiner jufqu'à quel point les réparations ou
les augmentations rendent le fonds plus confidéi«a-
ble , & donner aux entrepreneurs & aux ouvriers
un Privilège fur le prix de cette augmentation, eu
égard à la valeur de la totalité du prix du fonds. Par
exemple , fi on reconnoît par le rapport d'experts ,
qu'une maifon auroit été vendue moitié moins i^âns^
les augmentations ou les groffes réparations qui y
ont été faites , il faut donner un Privilège aux en-
trepreneurs &. aux ouvriers , fur la moitié du prix
total de l'adjudication ; & fi ce qui leur eft dû ex-
cède cette moitié , ils ne doivent , pour le furplus ,
venir en ordre que comme créanciers hypothé-
caires , s'ils ont un a61e qui emporte hypothèque ;
ou comme chirographaires , fi leur titre eft lous
feing-privé. Cette jurifprudence , fondée fur des
principes d'équité , eil (wivie , depuis long-temps ,
PRIVILÈGE.
au parlement de Paris. Gouget en rapporte d'an-
ciens arrêts dans fon traité des criées. Il y en a un
qui a jugé la même queftion de cette manière le
15 janvier 1653 ; ^ Bafnage, dans fon traité des
hypothèques , cite des arrêts du parlement de
Normandie, dans lefquels on a oblerré la même
règle.
Au furplus , pour qu'un ouvrier puifle exercer
avec fuccès fon Privilège fur le prix du bâtiment
auquel il a travaillé , il faut , dans le relfort du par-
lement de Paris , qu'il fe foit conformé aux difpofi-
tions de l'arrêt de règlement que cette cour a rendu
le 18 août 1766, & que nous avons rapporté à
l'article Baïiment.
5". Celui qui a prêté les deniers pour acquérir
les fonds, ou pour faire faire Iss réparations &
les améliorations , a , dans le droit romain , le mê-
me Privilège fur le fonds qu'auroient eu le ven-
deur, les entrepreneurs ou les ouvriers; mais il
falloir, pour que le fonds devint ainfi le gage fpé-
cial de celui qui avoit prêté les deniers , qu'fi l'eût
ftipulè exprefTcment. Parmi nous, pour être fubro-
gé au vendeur , il faut , fuivant le règlement du
parlement de Paris du 6 juillet 1690 , qu'avant le
payement du prix du fonds, & dans le temps du
payement, il ait été flipulé par un ade p.iflè pardc-
vant notaire , qu£ les deniers feroient employés à
payer le vendeur, & que dans l'afte c[ui tient lieu
de quittance , paiïéaum pardcvant notaire , il foit
dit que le payement a été t'ait des deniers qui ont
été prêtés à cet effet, fans qu'il foit befoin que la
fubrogation foit confentie par le vendeur ou par
les autres créanciers , ni ordonnée en juiHce. Si ce
prêt a été fait pour des améliorations ou des répa-
rations , il faut que YzSis d'emprunt faiTe mention
de l'emploi des deniers, & qu'il foit marqué dans
les quittances des entrepreneurs & des ouvriers ,
de qui les deniers proviennent.
6". Lorfqu'un co-héritierert créancier pour foute
de partage, il doit être regardé comme vendeur
d'une partie de fa part dans la fucceliîon , & avoir
Privilège , jufqu'à concurrence de cette foute , fur
tous les biens que fon co-héritier a eus en par-
tage. Le parlement de Paris l'a ainfi jugé par ar-
rêt du 27 mars 1689 , rapporté au journal des au-
diences.
7°. Les oppofans à fin de diftraire ou à fin de
charge , dont l'oppoCtlon , formée trop tard , a été
convertie en oppofition à fin de conferver , doi-
vent, relativement à la portion du fonds dont ils
avoieni la propriété , être colloques au même rang
que le vendeur , & concurremment avec lui , puii-
qu'en effet c'eft une partie de leur fonds qui fe
trouve vendue.
8°. Le fermier qui , par le bail judiciaire , a été
empêché de recueillir les frHiits des terres qu il avoit
enfemencées , doit être rembourfé par préférence
de fes frais de culture , attendu que , s'il ne les eût
pas faits , leç créanciers n'auroient pas profité de la
jré,çolte.
PRIVILÈGE.
691
9°. Suivant la loi ajftjuit , au code qui poùores , la
femme devoit être préférée , pour la reftitution de
fa dot, à tous les créanciers du mari, quoiqu'an-
tcrieurs à fon contrat de mariage : mais cette loi ne
s'exécute en France que dans le reHort du parle-
ment de Touloufe , avec les modifications dont on
a parlé à l'article DoT.
to". Chez les Romains, le fifc avoit une hypo-
thèque fur tous les biens des fermiers & des comp-
tables , par le titre de leur engagement; Sc fur
les biens qu'ils acquéroient poftérieurcment à leur
engagement , le fifc étoit préféré à tous les autres
créanciers , quoique leurs créances fufTent anté-
rieures à la fienne. Parmi nous, l'èdir du mois
d'août 1669 a attribué de femblables Privilèges au
roi fur les biens des officiers comptables, des fer-
miers 8c des autres perfonnes qui ont le maniement
de fcs deniers. Il ell dit , par l'article 4 de cette loi ,
que fur les immeubles des comptables , acquis
avant le maniement des deniers , fa majefté a hy-
pothèque du jour des provifions de l'office comp-
table, des baux de fes fermes ou des traités 8c
commiflîons : fi les immeubles ont été acquis de-
puis le maniement des deniers royaux , le Privi-
lège du roi eft précéJè par celui du vendeur & de
la perfonne dont il confte que les deniers ont été
employés à faire l'acquifition. Au refte, le roi doit
être préféré au vendeur même , fur le prix de l'of-
fice comptable & des droits qui y font annexés ,
lorfque la créance de fa majcfté procède de l'exer-
cice de l'office.
II". Suivant l'article 4 du titre commun pour
toutes les fermes , de l'édit du mois de juillet 1681,
les fermiers des droits du roi ont , contre les fous-
fermiers , les mêmes allions , Privilèges & hypo»-
thèques qu'il a fur les biens des fermiers, pourvu
qu'ils exercent leur aétion dans les cinq ans, à
compter du jour de l'expiration des baux des'fer-
mes. Le roi,expliquant fon intention d'une manière
encore plus précife par fa déclaration du 11 o6lobre
1707, a ordonné que les fermiers des gabelles , ai-
des , cinq grofies fermes, domaines & autres reve-
nus, auroient, fur les offices des receveurs généraux
& particuliers , & des autres officiers qui ont le ma-
niement des deniers de fes fermes , pour tout ce
qui fe trouveroit dû de l'exercice de ces offices , la
même préférence fur tout créancier , même fur
Iss vendeurs Se ceux qui auroient prêté les de-
niers pour acquérir les offices , qu'il a fur les offi.
ces comptables en fes chambres des comptes ; il
a même difpenfé les fermiers de former oppoûtioti
aux fceaux des provifions de ces offices , & il a
voulu qu'il fût fait mention dans ces provifions ,
que l'olfice demeureroit affeflé & hypothéqué ,
par Privilège & préféreace à tous créanciers , aux
dettes , tant des exercices des nouveaux pourvus
que de leurs prèdéceficurs.
Le Privilège qu'ont les créanciers de l'officier ,
peur fait de fon office , d'être préférés à tous les
autres créanciers , même auîf vendeurs , n'çft
S S s s ij
692.
PRIVILÈGE.
point particulier aux offices des fermes. Cette règle
a lieu pour tous les offices dont les pourvus ont
la geftion & le maniement des deniers publics ,
comme nous l'avons établi à l'article Fait de
CHARGE.
12°. Quand il s'agit de diflribuer à des créan-
ciers privilégiés le prix des vaiiTeaux vendus par
décret , on doit difiinguer les vaiiTeaux qui n'ont
point fait de voyage avant le décret , de ceux qui
en ont fait un ou plufieurs. Pour les premiers , l'or-
donnance delà marine du mois d'août 1681 veut
que le vendeur , les charpentiers , calfateurs &
autres ouvriers employés à la conftrudion , & les
créanciers pour les bois , cordages & autres chofes
fournies pour le bâtiment , foient payés par préfé-
rence à tous créanciers , & par concurrence entre
eux. Pour ce qui eu. des vaiiTeaux q.ii ont fait un
ou plufieurs voyages , on colloque d'abord les ma-
telots pour les loyers du dernier voyage , après
eux les oppofans qui ont prêté leurs deniers pour
les néceflités du navire , enfuite ceux qui ont prêté
pour radoud , vi(5^uailles & équipement avant le
départ , enfin les marchands-chargeurs.
La môme ordonnance veut que les créanciers
étant en même degré de Privilège , viennent par
concurrence ; de forte que fi plufieurs perfonnes
avoient prêté pour le radoub, les vidluailles, l'équi-
pement du vaiffeau , celui qui auroit prêté le pre-
mier les deniers , n'auroit aucune préférence fur
les créanciers poftérieurs , & que fi le fonds ve-
noit à manquer fur ce degré de Privilège, chacun
d'eux fupporteroit une partie de la perte à propor-
tion de la créance.
Mais en feroit-il de même du prix des fonds de
terre que de celui des vaifleaux ; & fi deux parti-
culiers avoient prêté des deniers pour acquérir
une maifon , celui qui auroit prêté le premier fe-
roit-il payé de toute fa créance avant que celui
qui a prêté après lui pût rien toucher ? L'opinion
qui paroît la plus commune fur cette matière eft
de dire , qu'entre deux privilégiés , dont le titre
du Privilège eft également favorable , le premier
ea date doit être le premier payé , fans aucune
concurrence ; la raifon qu'en rend Bafnage , qui a
embrafle cette opinion , eu, 1°. que comme un
privilégié ne peut fe fervir de fon Privilège contre
un autre privilégié, il faut en revenir au droit
commun , qui , dans la concurrence de créanciers ,
donne la préféience à celui qui eft le premier en
date; 2°. que ces deuj: privilégiés ne font point-
égaux en tonte chofe , puifque l'un d'eux a en fa
faveur la prérogative de la date. Il joint à ces rai-
fons des arrêts du parlement de Rouen , qui don-
nent , en ce cas, la préférence à celui des deux
privilégiés qui a prêté le premier {on argent. Bar-
det rapporte un arrêt du parlement de Pans du 12
juillet 1629, par lequel on a auffi jugé, qu'entre
deux créanciers qui avoient prêté leurs deniers
pour acquérir une maifon , celui qui avoir prêté le
premier devoir être pareillement le premier collo- j
PRIVILÈGE.
que dans l'ordre de cette maifon , vendue fur l'ac-
quéreur.
D'un autre côté , 11 eft certain que la loi Privi*
legia , ff. de nb. autor. jud. décide que quand il s'a-
git de Privilège on n'a point d'égard au temps de
la créance , mais à la faveur qu'elle peut mériter ;
de forte que fi les privilégiés ont des titres égaux ,
ils doivent être payés par concurrence. Privilégia
non ex tempore eflimaniur yfed ex causa , etfi ejufdem
tituli fuerint , concurrunt , Ucet dïverjitates temporîs
in lus fuerint. La loi 7, ff. quipotiores in pignore, dé-
cide que quand un bien a été acheté des deniers
de deux mineurs , ils viennent par concurrence fur
le bien , à proportion de ce qu'ils ont fourni pour
l'acquifition :fi duorum pupilUrum nummis Tes fuerit
coaiparata , ambo in pignus concurrent pro hls por-
tionibus qucz in pretium rei fuerint expenfcz.
Il eft vrai que ceux qui foutiennent la première
opinion , difent que la loi Privile^i. ne regarde
que ceux qui , n'ayant point ftipulé d hypothèque ,
avoient un Privilège purement perfonnel ; & que,
dans le cas de la iéconde loi , on a admis la con-
currence entre deux mineurs , par la raifon qu'ils
n'avoient pas non plus ftipulé d'hypothèque. Mais
la règle que pofe Ulpien dans la \o\ Privilégia, e9i
générale; & il y a d'autant moins d'apparence que
ce jurifconfulte ait voulu la reftreindre aux Privi-
lèges perfonnels , que fans la ftlpulation d'hypo-
thèque , il o'y auroit point eu de prétexte de faire
valoir la priorité de la date , qui n'a de force qu'en-
tre les créanciers hypothécaires. Il falloit , dans
l'efpéce de la féconde loi , qu'on eût ftipulé une
hypothèque fur le bien pour les mineurs , puifque
Li loi dit , inpignus concurrent , & que la loi 17 , au
code de pignorib. porte , que celui qui a prêté de
l'argent pour acquérir un fonds, ne peut regarder ce
fonds comme un gage delà créance , à moins qu'il
n'y ait été fpécialement ou généralement obligé.
On doit d autant moins écouter ceux qui cher-
chent des interprétations pour éluder la torce de
ces lois , qu'elles font conformes aux princfpres de
l'équité & aux règles qu'on fuit en France -i^ur les
Privilèges des créanciers. En effet , c'eft une maxime
conftante parmi nous , que , môme entre créanciers
hypothécaires , on n'a point d'égard à là daté des
titres de créance , dès qu'il s'agit de Privilège ;
d'où il fuit , que la priorité de la date n'étant point
confidérée en cette matière, ne doit donner au-
cune prérogative à l'un des privilégiés fur l'autre.
L'unique motif de la dècifion eft ici la faveur de
la créance; ainfi, la faveur de l'un & de l'autre-
créancier étant égale , li n'y a point d'autre parti à
prendre que celui de les payer dans le même ordre
& par concurrence , comme le décide Domat
dans fon trahédes lois civiles.
D'ailleurs , le premier- créancier , des deniers
duquel l'acquéreur a payé une partie du fonds , ne
fe trouve fubrogé au vendeur que jufqu'à concur-^-
rence de ce qu'il a fourni pour payer le vendeur ,
auquel on ne peut contefter un Privilège tU moins
PRIVILÈGE.
égal à celui du premier prêteur, pour ce qui lui
refte dij du prix du fonds ; & ceux qui fournilTcnt
les deniers pour achever de payer ce qui eft dii
au vendeur , font fubrogés à les droits jufqu'à
concurrence de ce qu'ils lui ont payé du prix du
fonds : ils doivent donc avoir fur le fonds un Pri-
vilège égal à celui de la perfonne qui a fourni la
première des deniers pour payer une partie de
l'acquifition.
Celui qui a le premier prêté les deniers à l'acqué-
reuf , feroit encore plus mal fondé à prétendre la
préférence , fitout le prix de l'acquifition avoir été
payé en même-temps au vendeur; car, comme ce
Privilège n'eft acquis que par la déclaration faite
dans la quittance , que les deniers proviennent des
perfonncs qui y font nommées , le Privilège ei\
acquis en même-temps à tous ceux qui ont reni-
bourfé l'acquéreur, quoique l'un ait prêté l'argent
avant l'autre.
Privilège, en termes de librairie , fe dit de
l'afle par leq\iel le roi accorde à quelqu'un le droit
cxclufu'de faire imprimer & publier un livre.
Différentes lois , telles que l'ordonnance de
Moulins , la déclaration du i6 avril 1571 . les let-
tres-patentes du 12 oéiobre 1586, deux déclara-
tions de r6z6 & 1617, les ordonnances du mois
de janvier 1619 & du 29 novembre 1643 » 'èdit
du mois d'août 1686 , les lettres-patentes du 2
o6lobre 1701 , la déclaration du 12 mai 1717, &
enfin le règlement du 28 février 1723 , ont fait
défenfe à toutes fortes de perfonnes d'imprimer ,
vendre ou débiter aucun livre fans Privilège
fcellé du grand fceau, fous peine d'amende, de
confifcation , &c.
Il faut d'ailleurs , fuivant l'article 103 du règle-
ment du 28 février 1723 , que le Privilège foit
inféré au commencement ou à la fin du livre ,
aiufi que l'approbation fur laquelle il a été obtenu.
Les Privilèges doivent , dans les trois mois qu'ils
ont été obtenus , être enregiftrés fur le regifire de
la communauté des imprimeurs Se libraires de Pa-
ris , fidèlement, tout au long, fans interlignes ni
ratures , à peine de riulUté ; & aucun livre ne peut ,
fous la même peine, être affiché ni expofé en vente
qu'après cet enregifirement. Les mêmes règles doi-
vent être obfervées à l'égard des ceffwns de Pri-
vilège. C'eft ce qui réfulte de divers arrêts de rè-
glement, & particulièrement de l'article 106 de
celui du 28 février 1723.
Ayant été préfenté divers mémoires au roi fur
la durée des Privilèges & fur la propriété des ou-
vrages , fa majefté a reconnu que le Privilège en
lib'rairie étoit une grâce foridèe en juftice , & qui
avoir pour obj^t , fj elle étoit accordée à l'auteur ,
de rècompenfer î'on travail ; & fi elle étoit obtenue
par un libraire , de lui afiurer le rembourfement
de fes avances & l'indemnité de fes frais ; que
C8tte diôérence dans les motifs qui dèterminoient
les Privilèges , en devoir produire une dans la du-
re* de ces fortes de grâces :que l'auteur avoit fans
PRIVILÈGE.
693
doute un droit plus afiuré à une gfâcô plus éten-
due , tandis que le libraire ne pouvoit fe plaindre
fi la faveur qu'il obtenoit étoit proportionnée au
montant de les avances & à l'importance de fou
entreprife: que la perfe^lion de l'ouvrage exigcoit
cependant qu'on en lai.ffàt jouir le libraire durant
la vie de l'auteur aver lequel il avoit traite; mais
qu'accorder un plus long terme , ce feroit con-
vertir une jouiffance de grâce en une propriété de
droit , Se perpétuer une faveur contne la teneur
même du titre qui en fixe la durée; ce feroit con-
facrer le monopole , en rendant un librafre le feul
arbitre à toujours du prix d'un livre ; ce feroit enfin
laiffer fubfifter la fource des abus & des contre-
façons , en refufant aux imprimeurs de province
un moyen légitime d'employer leurs preffes. Sa
majeflé a peulé qu'un règlement qui reflreiudroit
le droit exclufif des libraires au temps qui feroit
porté dans le Privilège, feroit leur avantage , parce
qu'une jouiflance limitée , mais certaine , etoit pré-
férable à une jouiflance indéfinie , mais illufoire ;
qu'il feroit l'avantage du public, qui devoit en
elpérer que les livres tomberoient à une valeur
proportionnée aux facultés de ceux qui voudroient
le les procurer ; qu'il feroit favorable aux gens
de lettres qui pourroient, après un i^emps donné ,
faire des notes & commentaires fur un auteur,
fans que perfonne pût leur contefter le droit de
faire imprimer le texte; qu'enfin ce règlement fe-
roit d'autant plus utile, qu'il ne pourroit qu'augmen-
ter l'aé^i vice du commerce, & exciter entre tous
les imprimeurs une émulation favorable au pro-
grès & à la perfeélion de leur art. En conféquence ,
le roia rendu en fon confeil le 30 août 1777, un
arrêt qui contient les difpofitions fuivantes :
« Article i. Aucuns libraires & imprimeurs ne
» pourront imprimer ri faire imprimer aucuns li-
» vres nouveaux , fans en avoir prèalableinént
jj obtenu le Privilège ou lettres Icellèes du grand
» fceau :
') 2. Défend fa majefié à tous libraires, impri-
» meurs ou autres qui auront obtenu des lettres
)> de Privilège pour imprimer un livre nouveau ,
5) de folliciter aucune continuation de ce Privi-
}} lège,à moins qu'il n'y ait dr.-;; le livre augmen-
7> tation au moins d'un quart, fans que , pour ce
» fujer, on puifiè refufer aux autres la permifiîon
5) d imprimer les anciennes éditions non augmen-
» tées.
j) 3. Les Privilèges qui feront accordés à l'ave-
j> nir , pour imprimer des livres nouveaux, ne
1) pourront être d'une moindre durée que de dix
» années.
« 4. Ceux qui auront obtenu des Pri/iléges en
» jouiront non-feulement pendant tout le temps
jt qui y fera porté , mais encore pendant la vie
j) des auteurs, en cas que ceux-ci furvivent à
Il l'expiration des Privilèges.
» 5. Tout auteur qui obtiendra en fon nom le
jj PrivUégs de Ion ouvrage , aura droit de U ven-
Gc)4
PRIVILÈGE.
»> dre chez lui , fans qu'il piiifle , fous aucun pré-
>» texte, vendre ou négocier d'autres livres , &
y* jouira de fon Privilège , pour lui & fes hoirs à
« perpétuité , pourvu qu'il ne les rétrocède à au-
« cun libraire ; auquel cas la durée du Privilège
« fera , par le fait feul de la celfion , réduite à
» celle de la vie de l'auteur.
~ » 6. Tous libraires & imprimeurs pourront ob-
J> tenir , après l'expiration du Privilège d'un ou-
»» vrag« & la mort de fon auteur, une permiiïion
» d'en faire une édition, fans que la même per-
»» miflîon accordée à un ©u phifieurs, puifie em-
« pêcher aucun autre d'en obtenir une femblable.
» 7. Les permilfions portées en l'article précé-
»> dent feront expédiées fur la fimple fignature de
») la perfonne à laquelle M, le chancelier ou garde
» des fceaiix aura confié la direélion générale de
>» la librairie ; & pour favorifer les fpéciilations de
» commerce , il fera donné à ceux qui foUieite-
w ront une permiffion de cette efpèce , connoif-
« fance de toutes les permifiions du même genre
« qui auront été données à d'autres pour ce même
" ouvrage , & du nombre d'exemplaires qu'il leur
1» aura été permis d'en tirer,
» 8. Sa majerté ne voulant pas permettre que
w l'obtention de ces permifTions foit iilulbire , &
» qu'on en obtienne fans l'intention de les réali-
>> fer, ordonne qu'elles ne feront accordées qu'à
ï> ceux qui auront acquitté le droit porté au tarif
» qui fera arrêté par M. le garde des fceaux.
» 9. Les fommes auxquelles monteront ces droits
» feront payées entre les mains des fyndic &. ad-
ï> joints de la chambre fyndicale de Paris , ou de
" celui qu'ils commettront à ladite recette , fans
» qu'ils puiifent fe deffaifir de ces deniers que fur
« les ordres de M. le chancelier ou garde des
M fceaux, pour les émolumens des infpeé^eurs &
» autres perfonnes prépofées à la manutention de
J> la librairie.
V 10. Lefdites permifTions feront enreginrées ,
•»> dans le délai de deux mois , fur les regiftres de
s> la chambre fyndicale dans l'arrondilTement de
5» laquelle feront domiciliés ceux qui les auront
J' obtenues , à peine de nullité.
M II. Sa majeflé defirant traiter favorablement
3» ceux qui ont obtenu , antérieurement au préfent
n arrêt , des Privilèges ou continuations diceux,
» veut qu'ils foient tenus de remettre ; favoir,les
« libraires & imprimeurs de Paris dans deux mois ,
« les libraires & imprimeurs de province dans trois
« mois pour tout délai , les titres fur lefqucls ils
j» établiffent leur propriété , entr^ les mains du
« fieur le Camus de Neville , maître des requêtes ,
« que fa majefté a commis & commet à cet effet ,
j» pour , fur le compte qu'il en rendra , leur être
»> accordé par M. le chancelier ou gardyg des
ï> fceaux , sil y échet , un Privilège dernier 6c
» définitif
la. Ledit délai de deux mois pour les libraires
w i& imprimeurs de Paris , & de irois mois peur
PRIVILÈGE.
w les libraires & imprimeurs des provinces, étanf
>» expiré , ceux qui n'auront pas repréfenté leurs
n titres ne pourront plus cfpérer aucune coniinua-
)» tion de Privilège.
»» 13. Les Privilèges d'ufages des diocèfes & au-
» très de cette efpéce , ne feront point compris
M dans le préfenr. Ordonne fa majefté que le pro-
» fent arrêt fera enregiftré dans toutes les cham-
» bres fyndicales , imprimé , publié & affiché
I) par-tout ou befoin fera. Fait, &.c. >♦.
Par un autre arrêt rendu au confeil le même
jour, le roi a réglé ce qui devoit être obfervé re-
lativement aux livres contrefaits qui exiftoient
alors , & a augmenté les peines qu encourroient
ceux qui , à l'avenir , contreteroient les ouvrages
revêtus de privilèges. Mais ce règlement eût été
infuffifant pour arrêter le cours des contrefaçons,
& pour empêcher qu'elles ne demeuraffent impu-
nies , fi , par un autre arrêt rendu au confeil le
30 juillet 1778, le roi n'eût donné la facilité d'ac-
quérir des preuves contre les contrefadeurs, en
autorifant les parties léfées à procéder contre eux
par voie de plainte & d'information. Voyez l'arti-
cle Contrefaçon.
Privilège des nobles, ou de la noblesse.
Quelques coutumes appellent de ce nom le droit
qu'elles accordent au Survivant de deux époux
nobles , de prendre dans la fucceffion du prédécédé
la totalité des meubles , à la charge de payer les
dettes mobilières. De ce nombre , font quelques
coutumes de Picardie , entr'autres celle de Péron-
ne , qui s'exprime ainû , article 116 : « Entre no-
)i blés vivant noblement , il eft loifible an furvi-
» vaut de deux conjoints par mariage , de prendre
» par Privilège de noblejfe , tous les meubles qui
V) communs étoient entr'eux au jour du trépas dii
» prédécédé; & le furvivant, ayant fait telle ap-
» préhenfion en fa juftice, ou pardevant fon juge
M ordinaire , efl tenu de payer toutes les dettes
» mobilières de la communauté ».
La dénomination de Privilège des nobles n'ap-
partient au droit qui défère les meubles aux furvi-
vant des époux , que dans les coutumes qui ne l'ac-
cordent qu'aux conjoints nobles , & en confidéra-
tion de leur nobleffe : mais comme cet avantage
ef^ aufîî déféré par quelques coutumes aux époux
roturiers & aux époux nebles , quoique vivant ro-
turièrement, il eft plus juTte, comme il efî plus
d'ufage, de l'appeler préciput légal ; c'eft un nom
qui convient plus généralement à cette efpèce de
droit , & que par cette raifon lui donnent prefque
tous les auteurs J c'eft auffi fous ce mot qu'il en a
été traité dans ce livre. Ainfi voyez Préciput
LÉGAL. {Article de M. S jtN SON DU PERRON ,
avocat au parlement y
PRIX. C'eft la valeur & l'eftimation d'uwe
chofe.
Pour former un contrat de vente , il faut qu'il y
ait un Prix convenu entre les parties.
Ce Prix doit être férieux, c'cft-à-dire, qu'oa
PRIX.
a du convenir qu'il feroit exigible. D'où il fuit ;
que fi quelqu'un vous avoit vendu un héritage pour
mille ccus , & que par le contrat il vous eût fait
remife de cette fomme , un tel aâc ne feroit pas
une vente, mais une donation.
Il faut auflî que le Prix , pour être férieux , ne
foit pas fans une certaine proportion avec la valeur
de la chofe vendue. Par exemple , (i on vendoit une
inaifon pour vi'^'gt fous, il n'y auroit point de vé-
ritable vente ; ce feroit une donation qu'on auroit
mal-à-propos qualifiée de vente, & Tafte feroit
Aijet à toutes les formalités prefcrites pour les do-
nations , d'où il fuit qu'il ne produiroit aucun effet
entre des gens qui ne pourroieni pas faire une
donation 1 un à l'autre.
Ne croyez pas cependant qu'il foit nécelTaire
que , pour être férieux , le Prix foit égal à la jufte
valeur de la chofe ; il fufRt qu'il ne foit point illu-
foire , ou qu'il ait une certaine proportion avec
cette valeur. Ainf], lorfque, pour gratifier l'ache-
teur , le vendeur n'a exige qu'un Prix au-deffous de
la valeur de la chofe , l'aîle n'en doit pas moins
être confidéré comme un contrat de vente. Il doit
en être de même dans le cas où le vendeur , preffé
par le befoin d'argent, a été obligé de vendre fa
chofe pour le Prix qu'on lui en offroit , & qui étoit
fort inférieur à la valeur. Mais quand la Itlion ell
énorme , le vendeur peut obtenir des lettres de
refcifion. Voyez Lésion.
Obfervez encore fur cette matière, que pour
qu'un contrat de vente, fait à un Prix fort inférieur
a la valeur de la chofe , foit valable , il faut que
l'acheteur foit capable d'accepter du vendeur une
donation ; finon l'infériorité du prix fait préfumer
que les parties ont traité pour une donation, qu'elles
ont déguifée fous le nom de vente.
Une autre qualité du Prix d'une vente, efl qu'il
foit certain & déterminé , ou du moins qu'il doive
devenir tel , fans que la fixation en foit laiffée à
l'arbitrage de l'une des parties. Par exemple , fije
vous vends une malfon pour le Prix qu'elle fera
eftimée par experts, la vente eft valable, parce
<jue , quoique le Prix ne foit pas certain au mo-
ment de la vente , il doit le devenir par l'eOimation
des experts.
Il en feroit de même, f\ je vous vendois cent
muids de blé pour le Prix auquel le blé fe vendra
fur le marché à la faint Martin.
Enfin le Prix d'une vente doit être un fomme
d'argent; car s'il confifloit en autre chofe, le con-
i.at feroit plutôt un contrat d'échange qu'un con-
trat de vente.
C'eft le Prix ftipulé par les contrats , & non la
valeur des biens vendus , qui règle les différens
droits qui en font dus.
Lorfque le Prix de l'aliénation eu flipulé paya-
ble en rente viagère , les cours confidèrent fouvent
l'âge de la perfonne fur la tête de laquelle la rente
doit être payée , pour en évaluer le capital , & pour
ûxçr en conféquence les droits feigoeuriaux ; c'eft
PRIX. ^95
ainfi qu'en a ufé le parlement de Paris dans l'arrêt
rendu contre le fieur Langlois le 8 février 17^4:
mais les droits de contrôle & de centième denier
fe fixent toujours fur le capital au denier dix des
rentes viagères. Cette règle a été établie pour pré-
venir les difîicultés.
Il peut néanmoins encore s'en rencontrer , foit
lorfque la valeur du bien aliéné excède le capital
au denier dix de la rente viagère , foit lorfque le
Prix eft payable en rentes viagères fur plufieurs
têtes.
Dans le premier cas , les droits fe règlent fur la
valeur des chofes aliénées. Le confeil l'a ainfi jugé
par décifion du 27 mai 1741, contre les adminiflra-
teurs de l'hôpital général de Touloufe.
Dans le fécond cas , c'eft à-dire , lorfque pour
le Prix d'une aliénation faite par deux particuliers ,
il leur eft conflitué une rente viagère payable fur
la tête de l'un & de l'autre , &. jufqu'au décès du
furvivant , les feniimens font partagés fur la règle
qu'on doit fuivre pour évaluer le capital de cette
rente , & trouver par-là le Prix de la vente.
Suppofez, par exemple, que deux frères ven-
dent un bien qui leur appartient en commun ,
moyennant mille livres de rente viagère payable
jufqu'au décès du dernier mourant : les uns préten-
dent que les droits font dus fur le pied de quinze
mille livres , qui eft le capital , au denier quinze ,
de la rente; ils fe fondent fur ce que les tribu-
naux ordinaires évaluent les capitaux des rentes
viagères, eu égard aux circonftances; fur ce que la
la rente créée fin deux têtes eu d'un objet & d'une
valeur plus conf'dérable que celle qui n'efl créée
que fur une tète, & que la valeur en eft même
fixée par l'arrêt du confeil du 13 mai 1748 , q4.ii
permettoit à la compagnie des Indes d'emprunter ,
a rente viagère fur deux têtes , à raifon de fept Sc
demi pour pour cent.
D'autres oppofent que ce quia été permis pour
faciliter des emprunts , ne peut fervir de règle pour
fixer des droits qui , en cas de vente , ne font pas
dus fur la valeur des biens , mais fur le Prix ; que
la rente viagère , qui forme ce Prix , ne peut , fui-
vant les réglemens , être évaluée qu'à raifon du
denier dix ; que celle qui eft créée fur deux têtes ,
même fur celles de cent perfonnes adluellement
exiftantes, n'eft qu'une rente viagère , qui s'étein-
dra à la mort du dernier de ceux qui doivent en
jouir ; & que fi on admettoit le fyftême de la pro-
greffion , il s'enfuivrolt que la rente viagère créée
fur la tète de quatre à cinq perfonnes , dtvroltêire
évaluée au-delà du capital d'une rente qui feroit
perpétuelle; ce qui fuffit pour faire rejeter cette
progrelTion.
Cette dernière opinion eft la plus jufte. Au refte,
il faut obferver que la rente viagère , qui eft le Prix
de la vente d'un bien commun , devant appartenir
en entier à celui des co vendeurs qui furvivra &
qui n'ètoit propriétaire du bien qu'en partie , il y a ,
par ce moyen , un avantage ftipulé en fa faveur,
>9<J
PRIX.
dont le droit d'infinuation , fuivain le tarif , efl du
dès iinftant du contrat , fans attendre l'cvènernsnt ,
& dans la proportion de l'avantage dont il peut
profiter.
Quand par un même contrat on vend des meu-
bles & des immeubles, les droits réels font dus
fur le tout , s'il n'y a pas un Prix diftinâ pour cha-
que partie , & f: on n'a pas annexé un état des meu-
bles a la minute du contrat.
Lorfqu'on vend fimplement la nue propriété
d'un bien avec léferve de l'ufufriiit, foit en fa-
veur du vendeur ou de quelqu'autre perfonne j les
diffcrens droits font dus à l'inftant niérrie fur le Prix
ftipulé & fur les autres charges impofées à l'ac-
quéreur , qui font de nature à y être jointes : mais
doit on regarder la rèferve de l'r.fufruit comme
faifant partie du prix ou des charges impofées ?
Pour refoudre cette queftion relativement aux
droits feigneuriaux, ceux qui foutiennent que l'ufu-
iruit retenu doit être joint au Prix de la propriété,
difent qu'une terre vendue dix mille livres avec
rèferve d'ufufruit , vaut le double y que l'acquéreur,
en payant aftucUement cette fomme de dix mille
livres, fans avoir la jouiiTance de la terre , perd
l'intérêt de fon argent, qui fait partie du Prix;
qu'on doit confidérer que c'eft l'acquéreur même
qui cède au vendeur la jouiiTance de la terre , com-
me une partie du Prix qui augmente le fort princi-
pal ; que c'eft la même chofe que fi le tout avoit
été vendu mo5'ennant dix mille livres en argent,
tk fous la condition de payer une rente viagère de
raille livres au vendeur , en argent ou en une cer-
taine quantité des produâions de la terre ; enfin ,
que, fi OH réduifoit les droits feigneuriaux furie
Prix flipulé , ce feroit autorifer un moyen de frau-
der les droits des feigneurs, en ne pa/fant que des
contrats de vente de la nue propriété , & en ufant
de la facilité qu'il y a de faire pa/Ter l'ufufruit à
l'acquéreur de la propriété , foit par des a6ies pu-
blics dans les coutumes qui n'accordent point de
droits feigneuriaux pour la cefTion d'ufufruit en
faveur du propriétaire, foit par des aâes fecrets
ou fimulés dans les autres coutumes.
On oppofe à tout ce raifonnemenr , qu'il pèche
dans le principe , parce que les droits feigneuriaux
ne fe règlent pas fur la valeur des biens vendus ,
mais uniquement fur le Prix ftipulé dans les con-
trats , en y joignant les charges réductibles en de-
niers, impofées à l'acquéreur ; que l'ufufruit d'un
immeuble eft immeuble , & que c'eft une partie de
l'héritage même ; la rèferve qui en eft faite l'ex-
cepte expreffémeni de la vente; or, s'il n'eft pas
vendu , l'acquéreur n'en doit pas les droits ; il les
doit feulement fur le Prix de ce qu'il acquiert , Se
il n'acquiert que la nue propriété. La rèferve de
l'ufufruit ne lui impofe aucune charge ; elle ne fait
«^ue retarder fa jouilTance : il n'a rien à payer à ce
fiijet ; il n'en doit donc aucun droit. La raifon de
la perte de l'intérêt n'eft pas de la plus légère con-
fidération , non - feulement parce que l'argent de
PRIX.
lui-métne ne produit rien , mais encore parce quô
(i le vendeur profite de l'intérêt du Prix qui lui eft
payé, le feigneur profite également de Tintérét des
lods , qui lui font payés du même Prix avant la
mutation dans la poifellion utile. Comme l'ufufruit
n'eft point vendu , & qu'au contraire il eft exprefTé-
iTient refervé, il n'eft pas poffible de fe prêter à la
fuppofition qu'il ait été acquis, & enfuite cédé au-
vendeur en payement d'une partie du Prix ; on ne
peut pas non plus comparer la rèferve qui en eft
faite , à une charge de payer une rente viagère au
vendeur, parce , qu'encore tinc fois, l'ufufruit rè-
ferve n'eft point vendu ; il eft excepté dé la vente ,
fans impofer à cet égard aucune charge à l'acqué-
reur, qui n'en prof.'te pas aéluellement; au lieu que
dans i'efpèce de la rente viagère en argent ou en
nature , l'ufufruit eft transféré conjeintement avec
la propriété à l'acquéreur , qui peut , dés ce mo-
ment , jouir de la terre comme il lui plaît , en
payant le Prix principal, & en acquittant annuelle-
ment la rente qui lui eft impofée comme une chiarge
faiiant partie du Prix. Cette charge peut être appré-
ciée , & tous les auteurs conviennent qu'elle fait
partie du prix fur lequel les droits feigneuriaux
font dus, en la diftinguant abfolument de la fouf-
france de l'ufufruit , rèferve par la vente de la pro-
priété. Enfin, les raifons tirées de la poffibiliré de;
frauder les droits des feigneurs , ne font d'aucune
confid^ration : les feigneurs ont la voie du retrait,
ils peuvent même faire affirmer les parties lorfqu'il
y a foupçon de fraude ; mais ils ne peuvent étendre
leurs droits fous prétexte de prévenir la fraude,
parce que ce feroit faire tomber la peine de cette
fraude, tant fur ceux qui font déterminés à la pra-
tiquer, que fur les contraiffans de bonne foi : ainfi
il en réfulteroit une injuftice évidente à l'égard de
ceux-ci , dont le fort ne doit pas être aggrave , pour
favorifer les feigneurs , qui ont plufieurs moyens
pour punir la fraude.
Les différens auteurs qui ont agité la queftion
dont il s'agit , fe réuniiTent pour rejeter la préten-
tion des feigneurs comme extenfive : on peut voir
Dumoulin, Dargentré , DuplefTis , Livonnière ,
Guyot & Poullain.
Il a été rendu fur cette queftion un arrêt au par-
lement de Bretagne le i 3 août 1750 , dans I'efpèce
fuivante : M. Bifien, vicomte de Lézard , avoit ac-
quis , au mois de feptembre 1748, de la dame de
Coëtandoeh , des terres & feigneuries mouvantes
du duché de Pentliièvre , moyennant quarante-un
mille livres, & avec claufe que cette dame conti-
nueroit d'en jouir pendant la vie. Le fieur le De-
mo>!r de Kernilien , fermier du duché de Penthiè-
vre , ayant prétendu que les lods dévoient être
payés fur le pied du doublement du Prix ftipulé ,
fut débouté de cette prétention , & condamné aux
dépens par fentence du ftège de Guingamp. Sur
l'appel au parlement , la caufe a été appointée à
éciire & produire; & l'arrêt ciré a mis l'appel au
néant , ordonné que la fentence fortiroit fou plein
&
PRIX.
8c èntlei' effet , 8c condamné l'appelant à l'amende
& aux dépens de la caufe d'appel.
La même queftion portée au parlement de
Rouen, y a été jugée différemment le 14 juin 1751.
Le fit'ur du Bofc. lieutenant général du bailliage
de Thorigny , avoit vendu , le 30 mars 1742 , au
iîeur Ar.vrny, avocat une terre mouvante en
partie de la iVi^neurie de RoufTeville, moyennant
Duit mille cinq cents livres , dont une partie fut
payée comptant , 8c le furplus conftitué en rente
rembourfibl;; toutes fois & quantes , fous la condi-
tion que l'acfiuéreur n'entreroit en )oui(îance qu'a-
près le décès du vendeur , qui fe réfervoit l'ufufruit
de la terre. L'acquéieur ayant été trouver le fieur
le Prévôt de RoudevlUe , fcigneur, celui-ci pré-
tendit le treizième ( lods ôc ventes ) fur le double
de la fomme de fept mille fix cenîs liv. , à laquelle
étoit fixé le Prix de ce qui reievoit de lui , & l'ac-
quéreur foutint qu il ne le devoir que fur ce Prix
ieulement ; ils convinrent , verbalement , de pren-
dre l'avis de trois avocats du parlement : deux de
ces avocats furent favorables à la prétention du
feigneur ; mais le troifièmc s'y oppofa fortement,
en forte que l'acquéreur ne crut pas devoir acquief-
cer : le fieur de Roufl'eville !e fit affigner devant
fon fénéchal , qui , par fentence du 30 avril 1743 ,
condamna le fieur Auvray à payer fix cents trente
trois livres fix fous huit deniers pour le treizième
de la vente de la propriété , & pareille fomme
pour le treizième de l'ufufruit. Le lieur Auvray in-
terjeta appel au bailliage de Thorigny , où la fen-
tence du fénéchal fut confirmée après partage , le
S/ juillet 174^. Sur l'appel au parlement, il eft in-
tervenu , après une ample inftrudlion , arrêt le 14
juillet 175 1 , par lequel la cour, toutes les cham-
bres aflemblées , a mis l'appellation & ce dont
étoit appel au néant : émendant , fans s'arrêter aux
offres d'Auvray de la fomme de ùx cents trente-
trois livres fix fous huit deniers pour le trei-
zième du contrat du 30 mars 1741 , la condamné
à payer au feigneur de Roufl'eville le treizième en-
tier du contrat, y compris l'ufufruit retenu par
icelui , défalcation faite des charges étant fur la
terre , autres que l'ufufruit , enfemi;le de la portion
d'héritage qui ne relève point dudit feigneur ,
pour la liquidation duquel treizième a renvoyé les
parties au bailliage de Thorigny..,. Et il a été or-
donné que cet arrêt ferviroit de règlement, &,
en confCquence , que le treizième des contrats de
ventes faites avec rétention d'ufufruit , feroit payé ,
tant du Prix porté auxdits contrats , que de l'ufu-
fruit retenu par iceux , Sic.
Les motifs de ci-<> deux arrêts oppofés l'un à l'au-
tre , fe trouvent dans les lois féodales des deux
provinces. En Bretagne, les lods font dus fur le
Prix comme ailleurs : l'ufufruit d'un immeuble eft
immeuble , & la vente de cet ufwfruit eft fujette
aux lods ik ventes , fuivant l'article Ç7 de la cou-
tume , qui n'excepte pas la vente faite au proprié-
taire : ainfi, par la vente de la propriété avec ré-
TomtXlIL
PRIX. 697
1 *ention d'ufufruit , le vendeur fe réferve un im-
meuble qui n'cft pas vendu; tl n'eft donc pas jufie
d'en faire payer les lods par l'acquéreur de la pro-
priété, qui les devra pour cet ufufruit , s'il le con-
lolide à Prix d'argent pendant la vie de celui auquel
il e!l réfervé.
Les lods ou le treizième ne font également dus
en Normandie que fur le Prix, fuivanc 1 article
173 de la coutume ; l'ufufruit d'un immeuble y eft
pareillement confidére comme immeuble , article
508 ; mais l'article 502 décide que l'ufufruit n'eft
fifjet au retrait que lorfqu'il eu vendj à autre qu'au
propriétaire ; & comme la règle du retrait f\it ,
dans cette province , celle des cas où le treizième
eft dû , il s'enfuit que ce droit n'eft pas dij pour la
vente de l'ufufruit en faveur de celui qui efl pro-
priétaire; enforte qu'un particulier peut acquérir
aujourd'hui la nue propriété, & demain l'ufufruit,
fans être tenu de payer le treizième pour le der-
nier contrat. C'eft vraifemblablement pour remé-
dier à cette fraude que le parlement de Rouen a
jugé que le droit feroit payé pour la vente de la
propriété , tant du Prix ftipulé que de l'ufufruit
réfervé.
Ainfi , en adoptant ces deux arrêts , il s'enfuivra
que dans les pays oii l'ufufruit vendu au proprié-
taire eft fiijet à lods & ventes , ces droits ne fe-
ront dus pour la vente de la nue propriété que fur
le pied du Prix ftipulé pa' le contrat ; &i. que , dans
les pays où il n'eft point dû de lods pour la vente
de l'ufufruit faite en faveur de celui qui eft pro-
priétaire , les droits de la vente de la nue propriété
feront dus , tant du Prix ftipuîé que d« l'uiufruit
réfervé.
A l'égard des droits de contrôle & de centième
denier d'une vente de la nue propriété d'un bien,
fous la réferve de l'ufufruit , le confeil juge que ces
droits ne doivent être perçus que fur le Prix ftipulé.
Prix fe dit aufil de ce qui eft propofé pour être
donné à celui qui réuffira 1; mieux dans quelque
exrcice , dans quelqu'ouvrage.
Par UKe ordonnance du 28 décembre 1777,
le roi a inftitué un Prix public en faveur des
nouveaux établiflemens de commerce 6c d'in-
duftrie (i).
(i) Voici cttti ordonnance :
Le roi , dans le compte qui lui a été tendu de fes finances ,
a approuve les difpodùons qui lui ont été préfenttes pour af-
furer des fecouis pécuniaiics aux nouveaux établi (feinens
de commerce & de manufacture cjui méritent cet encoiiMr;e-
mens. Et fa majellé délirant entretenir encore l'cniulaLioii
paries motifs de gloiie & d'honneur, a jugé à propos de
fonder un Piix annuel en faveur de toute'; les pCifonnes ,
qui , en frayant de nouvelles routes à rindufttie nati jnale ,
eu en la pcrfetlionnant eflentiellement , auront fervi l'étac
6c mérité une mar^jue publique de l'approbation de fa ma-
jefté. Le Piix honorable <]ue Ion amour pour les travaux uti-
les l'engage à inltituer , conlîrtera dan» une mcdaille d'or
du poids de douze onces , ayant d'un coté la titt du roi , Se
de l'autte, une exergue & une légende analogues au fujer.
CeC(e médaille fera décernée dans les premiers mois d«
Tttt
698 PROCÉDURE.
PROCÉDURE. Ceft rinftruâion judiciaire d'un
procès , loit en maiière civile , Toit en matière cri-
minelle.
Il fuit de cette définition , que fous le terme de
procédure , on comprend tous les aéles , tels que
les exploits de demande, les cédilles de préfenta-
tion , les exceptions , les défenfes , les fommations
Ck autres qui ont lieu , tant pour introduire une
demande , que pour parvenir à la faire juger.
La matière des procès , &c les moyens qui éta-
blifTent le droit des parties , font ce qu'on appelle
le fond , au lieu que la Procédure s'appelle la
forme.
Les formes judiciaires qui furent établies chez
les Romains par la loi des douze tables, furent
empruntées des Grecs.
Ces formes étoient finguliércs : par exemple,
la première qu'on obfervoit avant de commencer
les Procédures civiles , étoit que les parties com
paroiflbient devant le préteur : là, dans la pofture
de deux perfonnes qui fe battent, elles croifoient
deux baguettes qu'elles tenoient entre les mains ;
c'étoit là le fignal des Procédures qui dévoient
fuivre. Cela a fait penfer à Hotman , que les pre-
miers Romains vidoient leurs procès à la pointe
de rèpée.
Indépendamment de ce qui étoit porté par la
loi des douze tables, pour la manière d'intenter
les Procédures civiles ou criminelles, on introduifit
beaucoup d'autres formules , appelées legis allo-
ues , qui étoient la m.ême chofe que ce que la Pro-
cédure &. le flyle font parmi nous. On étoit obligé
d'obferver les termes de ces formules avec tant de
PROCÉDURE.
rîçuenr, que Tomiffion d'un fenl de ces termes
eltcntiels , faifoit perdre la caufe à celui qui l'avoit
omis.
chaque annce , à commencer en mars 177? , pour l'année
17-8, i: ainli de fuite ,au jugemencd'une aiïemblée cxtraor-
diaiii^ 1 compofte du niinift'e des financei , de trois confeil-
leis d'ctac , de* intendans du commerce , & à JaqueJle fe-
ronc appelés les dé; utc's &: Jes infpedeiirs généraux du com-
tneice. Sa majeRc veut que les intendans du commerce ren-
dent compte à cette aflemblée de tous les nouveaux étabiiiîe-
mens dont on aura eu connoiflance dant le cours de l'année ,
& qu'ils ne négligent rien pour l'acquérir . foit par leurs
correfpondance avec tous les infpedîeurj du royaume, foit
par les avis qui leur feront donnés par les commidaires du roi
départis iUns les provinces ; enfin, lespeifonnes même qui
croiront avoir des droits à ce concours , pourront adrelFer
' leurs titres au fecrctairc général du commerce. Sa majeflc
^eui que le piix ne puifTe jamais être adjugé aux auteurs de
(impies mémoires , mais feulement aux perfonnes dont les
idées utiles auront été niifes en exécution. Le roi permet que
la perfonne qui aura obtenu ce Prix lui foit préfentée par le
mjniftre de fes finances; fe réfervant encore fa majeilé d'a-
jouter à cet honneur de nouvelles grâces, félon le mérite &
l'importance de la découverte qui aura été couronnée; elle
approuve même que l'affemblce nommée pour juge puifle
di,'maHder la periiiiirion de (décerner un fécond Prix , s'il ar-
rjvoit que deux citoyens euffent des droits à-peu-près égaux
à cette marque de Ji'tindion. Enfin , l'inrention du roi efl
ut:c cej méc'ailles deviennent, dans les familles, une preuve
fuhlîft.inte d'un fervice renlu à J'état, & ua titre à la protcc-
lion piiticulîère de fa majeflé.
ïaità Vctliailles te 2 8 décembre 1777.
%7!f LOUIS. Et plus has fAutior,
Ces anciennes formules furent la plupart abro-
gées par Tkeodofe le jeune; cependant plufieurs
auteurs fe (ont emp-eûfés d'en ralfembler les frag-
mens ; le recueil le plus complet eft celui que le
préfident Brifion en a donné , fous le titre Jefo'rnu-
lis & foitninibui popuh Ro/vani verhts. Ces formules
regardent non-feulement les aéles & la Procédure ,
mais auflî la religion 8i l'art militaire.
A mefure que les anciennes formules tombèrent
en déluitude , on en introduifit de nouvelles plus
fmtples & plus claires ; il y avoir des appariteurs
qui faifoient les a6les que font aujourd'hui les fer-
gens & huiiïiers ; des procureurs ad litts , qu'on
appeloit cu^niiorcs juris , & des avocats. Ainfi on
ne peut douter qu'il n'y ait toujours eu chez les
Romains des formules judiciaires pour procéder
en juflice.
La procédure ufitée chez les Romains dut proba-
blement être pratiquée dans les Gaules , lorfqu'ils
en eurent fait la conquête , vu que tous les officiers
publics étoient Romains, & que les Gaulois s'ac-
coutumèrent d'eux-mêmes à fuivre les mœurs des
vainqueurs.
Lorfque les Francs eurent à leur tour conquis les
Gaules fur les Romains, il fc fit un mébnge de la
pratique Romaine avec celle des Francs. C'eft
ainfi, qu'au lieu des preuves juridiques , on intro-
duifit en France l'épreuve du duel ; coutume bar-
bare qui venoit du Nord.
Dans ces premier-; temps de la monarchîe,la jufli-
ce fe rendoit militairement; il y avoit pourtant quel-
ques formes pour l'iurtruaion , mais elles étoient
fort fimples , & en même-temps fort groflières. Il
y avoit des avocats & des fergens ; mais on ne le
fervoit point du miniftère des procureurs 4if /iiei ;
il étoit même défendu de plaider par procureur ;
les parties étoient obligées de comparoître en per-
fonne.
Ce ne fut que du temps de faim Louis que 1 on
commença à permettre aux parties de plaider par
procureur en certains cas, en obtenant pour cet
efTet des lettres du prince. ^ 1 r •
Ces permifiîons devinrent peu à peu plus fré-
quentes , jufqu'à ce qu'enfin il tlit permis à chacun
de plaider par procureur, & qu'on établit des pro-
cureurs en titre.
Depuis cet établi/Teraent , les Procédures fe lont
beaucoup multipliées , parce qu« l'infiruaion des
procès s'el^ faite plus régulièrement.
On a compris que le bon droU feroit fouvent
facrifié , s'il n'y avoit point de règles certaines pour
le faire connoître.
Ces règles fe trouvent dans la forme ou la Fro-
céc'ure. En effet, fans la Procédure, le juge ne
pourvoit pas être inftruit , & l'aéïion de rendre la
juAice ne feroit plus que l'ex-rcice d'un pouvoir
arbitraire §i une précipitation de jugement.
PROCÉDUF E.
Pour prouver ces vérités, il fuffit d'examiner ce
qui doit fe pratiquer quand il s'agit de rendre jultice
à des parties litigantes.
On fait que celle qui forme une prétention con-
tre l'autre , doit d'abord expofer fa demande au
juge , & enfuite la juftifier par des preuves légiti-
mes , pour faire condamner la partie advevfe.
Mais s'il importe que le juge ne condamne pas
fans preuves , il convient suffi que la partie qu'on
attaque fnit en'endue d ins la défeni'e qu'elle peut
avoir à piopoler contre la demande.
Ainfi , il eft nécefTatre que le défendeur foit cité
à la requête du demandeur ; & afin que cette cita-
tion foit prouvée , & qu'elle ne puilTe pas être al-
térée , elle doit fe faire par écrit.
Il faut d'ailleurs que le défendeur ait un certain
temps pour fe confulter &c faire la recherche des
pièces qui peuvent être nécelVaires à fa défenfe :
d'où il fuit que ce temps doit être déterminé dans
Jla citation.
Comme les preuves qui peuvent juftifier une de-
mande ne font pas toujours fondées fur des écrits ,
& même que les écrits fur lefquels elles font fon-
dées font fouvent en d'autres mains que celles du
demandeur, on a introduit les interlocutoires , teh
que la preuve par témoins, les rapports d'experts ,
les compulfoires , &c.
L équité exigeant que le défendeur puifle em-
ployer pour fe défendre tous les moyens convena-
bles , il a le droit , félon les circonftances , de dé-
cliner la juridiélion du juge devant lequel il t(\ affi-
gné , de demander un délai pour délibérer , de re-
procher les témoins, &c.
Il y a des affaires qui , par la nature de l'objet ,
veulent être traitées plus fomniairement que les au-
tres ; c'eft pourquoi on a établi deux fortes de Pro-
cédures ; l'une ordinaire , & l'autre particulière ,
qu'on appelle fommain. Celle-ci eft l'objet du titre
17 de l'ordonnance du mois d'avril 1667.
La crainte que les premiers juges n'abiifadcnt de
leur autorité ,ou ne fuflent point aifez échiirés pour
juger convenablement en dernier refibrt , les af-
faires importantes , a fait introduire la voie de l'ap-
pel : mais comme il y a des cas , tels qu'en ma-
tière de promeffes reconnues , où il importe que ce
moyen foit reftreint, le légiHateur a voulu que
dans ces cas l'appel n'empêchât pas que le premier
jugement ne s'exécutât par provifion.
Les jugemens dont l'effet ne peut pas être fuf-
pendu par un appel , ne devant pas être illufoires ,
on a établi que la perfonne contre laquelle ils au-
roient été rendus , pourroit être contrainte à les
exécuter , foit par la perte de fa liberté, foit par la
privation de fes biens. Telle ci\ l'origine des faifies,
des emprifonnemens & des autres contraintes.
Il eu évident , par ce qu'on vient de dire , que la
Procédure fait un point capital dans l'adminiftra-
tion de la juftice, d'où il fuit que l'étude n'en doit
point être négligée.
Nous ne donnerons point ici les règles qui font
PnOCHSSlONS. 699
propres à chaque f^rte de ptocédure , elles fe trou-
vent expliquées fous les noms des différens aéîes ,
tels qu ajournement , enquête , exploit , requête , cp~
poinrt-mcnt , &c.
PROCES. Inftance devant un juge fur un diffé-
rend , entre deux ou p!i:fieurs parties.
On appelle Procès civil , celui qi'.'on inflriilt par
la voie civile. Et procès crimiml , celui qui a pour
objet la réparation d'un délit.
On commence un procès civil par une affigna-
tion , & un Procès crini'ncl par une plainte.
Suivant l'article premier du titre 20 de l'ordon-
nance du mois d'août 1670, les juges peuvent Gr-«
donner qu'un Procès commence par la voie civile ,
fera pourfiiivi extraordinaireincnt , s'ils conuoif-
fent qu'il peut y avoir lieu à quelque peine cor-
porelle.
Au refte , le juge d'inftruftion ne peut pas feul
prononcer cette converfion du civi! au criminel ;
le confeil l'a ainfi jugé par arrêt du 30 mars 1719 ,
fervant de règlement pour les officiers du préfidial
de B rives.
L'article a du même titre porte , qu'en in(}ruifjnt
les Procès ordinaires , les juges pourront, s'il y échet ,
décerner décret de prifi-de-cjrps on d'ajuurnemcnt per-
fonne! , ftiivant la qualité de la preuve , & ordonner
rinJlrL^iort à l'extraordinaire.
L'article 3 veut que s'il paroît, avant la confron-
tation des témoins, que l'aftaire ne doive pas être
pourfuivie criminellement, les juges reçoivent les
parties en Procès ordinaire , au civil ; auquel cas
ils doivent ordonner que les informations feront
converties en enquête , 5c qu'il fera permis à l'ac-
cufè d'en faire de fa part, félon la forme prefcrite
pour les enquêtes.
On ne reçoit pas les parties en Procès ordinaire,
lorlque le miniftère public eft accufateur , Sc qu'il
n'y a point de partie civile.
Après la confrontation des témoins, on ne peut
plus recevoir l'accufé en Procès ordinaire , & on
doit prononcer définitivement fur fon abfolution
ou fa condamnation. C'eft ce qui réfulte de l'ar-
ticle 4.
Il cû dit par l'article 5 , que quoique les parties
aient été reçues en procès ordinaire , la voie ex-
traordinaire fera reprife , fi la matière y eft dif-
pofée.
On appel Procès de commijjaires au parlement ^
certains Procès dont nous avons parlé à l'article
Commissaire.
PROCESSIONS. C'eft une efpèce de prières
publiques ufitées dans l'églife.
On voit déjà les Procelîions en ufage dans les
Gaules au commencement du fixiéme fiède. La
ville de "Vienne, dans la province nommée aujour-
d'hui Dauphiné , avoir reffenti depuis un an de
fréquens tremhlemens de terre; les incendies qui
en avoient été la fuite, avoient détruit ce que les
tremblcmens de terre avoient épargné ; les maladlûs
qui avoient fuccédé à tant de malheurs, avoie;n fait
T 1 1 t ij
700 PROCESSIONS.
de cette ville une folitude ; faint Mamert , fon évê-
que , crut devoir tout mettre en œuvre pour fléchir
la colère du ciel. Il ordonna , pour les jours qui
prccîdent rnfcenfion , des Procefîions , des jeûnes
& des prières. Ce* Proceffions ont été depuis con-
tinuées tous les ans dans l'églifc de France & en-
fuite dans toute leglife d'occident ; tk ce font cel-
le» qu'on nomme lés rop,ations.
La pefle cnufée à Rome par l'inondation du
Tibre, l'an «504 , donna lieu à iaint Grégoire d'or-
donner ces Proceflïons qui font appelées'dans l'hif-
toire liiania m.'jor Gregoriana. Elle'*; fe firent avec
la plus grande célébrité : tout le peuple de Rome
y aiï)fta, & ce faiiit pape divifa lu multitude im-
me^'fe qui le ccinpoibit en fept clafles ; la pre-
inière , du cierge ; la féconde , des abbés & des
moines ; la troifième , des a'obeffes & de leurs
commuiiaut's ; la quatrième, des enfans ; la cin-
quième ,dcs veuves ; la fixiéine , des laïcs ; & la
ieptiéine, des femmes mariées.
Les ProcelTions furent bientôt la cérémonie
qu'on employa dajis l'églifc pour toutes les occa-
sions extraordinaires. On en fit dans les calamués
. publiques, & toutes les fois qu'd fut queftion de
rendre grâces à Dieu de quelque bienfait fignalé ;
ufage qui fubfifte encore aujourd'hui.
Enfin , elles font devenues û communes , qu'elles
font , en quelque façon , partie de l'office ordi-
naire de l'églife. Les cathédrales , les grandes ab-
bayes , les paroifies , ne célèbrent point la meiïe
les dimanches ordinaires , & ne la difent pas les
autres jours avec quelque folennité , qu'elle ne foit
précédée d'une Procefîlon.
11 faut donc diftinguer deux efpèces de Procef-
fions ; celles qui font partie de l'office ordinaire
du diocèfe; telles font celles des dimanches & des
fêtes folennelles : &les Procefiions extraordinaires,
qui font ordonnées dans les temps de calamités ,
©u pour rendre à dieu des affions de grâces publi-
ques.
Entre les Proceflïons ordinaires, les feules qui
préfentent quelque queftion à examiner , font les
ProceflTions des paroi.Tes. L'ufage ayant attribué
des diftincVions & des honneurs aux perfonnes
qualifiées qui demeurent fur une parojlTe , on de-
mande quel rang elles doivent tenir entre elles aux
Proceflïons qui s y font.
Le patron a droit de marcher le premier à la '
Procefiïon. Cet uf:',ge eu très-ancien , puifque l'or-
dre ron.ain dit , qu'il a été ordonné par les anciens
canons ., que le fondateur de l'églife Se fes héiï-
ti«rs iroieiit les premiers à la Procefîîon , le jour
qu'oti célèbre l'anniverfaire de la dédicace de l'é
glife. A j'i-'Hii puir'bus flanirum ejî in d'u iiedlcat'to-
iiis anniverfjrio foUir.ni funAdtous & eorum hccredes
in Pr'jcejjionlbus primoi efjl- dcbire. Aujourd'hui ce
r'efi point feulement le jour de l'anniverfaire de
la dédicace de l'églife que le pif-.'n a le privilège
de marcher le premier ?. 1p. Proceflion ; il peut
Jouir de ce droit toutes les fois qu'on en fait une.
PROCESSIONS.
Après le patron , la préféance eft due au feî-
gneur haut-juAicier qui a permis qu'on bâtît l'é-
glile fur fon territoire. Viennent enfuite le fei-
gneur moyen-jufiicier , & le bas-jufticier fur le fief
duquel Téglife efi bâtie. Ils ont la préféance fur
tous les autres feigneurs & gentilshommes de la
paroiflïs , quoique ces feigneurs & gentilshommes
y pofsèdent des fiefs , & que leurs fiefs foient de
plus grande valeur que ceux qu'y pofsèdent les
feigneurs haut , moyen & bas-jufticiers fur la juf-
tice defquels efi fituée l'églife.
Le feigneur du fief fur lequel l'églife eft bâtie,
marche avant le magifirat; mais le magiflrat mar-
che avant les fimples gentilshommes. Un officier
de juflice royale dans uiie cour Aipérieure , ou
même dans une cour inférieure , eft élevé ,' par la
dignité dont il eft revêtu, au-defius du rang des
fimples particuliers , au lieu que le fimple gentil-
homme n'eft rien autre chofe qu'un homme privé.
Par arrêt du 19 décembre 1778 ,1e parlement de
Paris a maintenu les officiers du bailliage d'Yen-
ville dans le droit de précéder les marguilliers du
lieu à la Procelfion & dans toutes les autres céré-
monies de l'églife , & a condamné les marguilliers-
aux dépens
Entre gentilshommes qui demeurent fur une
même paroifle , ceux qui y pofsèdent un fief mar-
chent avant ceux qui n'en pofsèdent point. S'il eft
qucftion de gentilhommes qui n'ont ni jufiice ni
fief dans la paroifl^e,ta préféance eft due à celui
qui , avecla nobleflfe , eft revêtu de quelque office
de la maifon du roi , ou qui eft parvenu a quelque
grade dans les armées ; & lorfqu'aucun d'eux n'a
de charge ou de d gnité , celui qui poft'îde dans
la'paroiflTe des rotures en propriété, précède ce-
lui qui n'y pofsède aucun fonds.
Les fimples gentilshommes ont le pas fur les offi-
ciers de juftice des feigneurs , fi ceux-ci ne font
pas gradués ; lorfqu'ils le font , ils ont tous les
honneurs dont jouiroit le feigneur qu'Us repréfen-
tent , à l'exclufion des gentilshommes qui demeu-
rent dans la paroifle.
A l'égard des Proceflïons extraordinaires , on
peut demander à qui il appartient de les ordonner ,
quel rang doivent tenir entre eux les differens
corps qui y affiftent , & quelle place ils doivent
occuper dans l'églife lorfqu ils s'y raffemblent pour
y affifter .'
Les cas où il eft quefti^n d'onlonner des prières
publiques , font les temps de calamités , & lorfqu'il
s'agit de rendre grâces à Dieu de quelque bienfait
que la ville, le diocèfe, ou le royaume en ont
reçu, ou quand il y a un jubilé & qu'il faut en dé-
terminer les ftations. Ceft toujours aux évéques
feuls à prefcrire l'ordre des Proceffions qui fe
font alors ; ils en indiquent le j^ur & l'heure ,
lorfque ce fint eux qui les ordonucnt de leur pro-
pre mouvement , 8i qu'il n'y a dans leur ville
épifcopale ni parlement, ni chambie des comptes,
ni cour des aides , ou qu'il ne s'y trouve point le
PROCESSIONS.
goiiv.erneur ni le lieutenant général delà province.
Mais quand c'eft le rei qui a ordonné de ren-
dre à D:eu de folemnelles a(51:ions de grâces par-
tout fon royaume , il indique quelquefois l'heure
& le jour de ces prières dans la lettre qu'il écrit
aux évéques pour les inftruire de fa volonté. S'il
ne l'a point indiquée , c'eft aux évéques à le faire ,
à moins qu'ils n'aient dans leur ville un parle-
ment , une chambre des comptes , ou une cour
des aides, ou bien que le gouverneur , ou le lieu-
tenant général de la province ne s'y trouvent i car ,
dans ce dernier cas , l'évèque doit convenir avec
le gouverneur, le lieutenant général , & avec les
cours fupérieures , du jour & de l'heure à laquelle
fe feront les prières.
C'eft la diipofuion formelle de l'art. 46 de l'édlt
du mois d'avril 1695 : « Lorfque nous aurons or-
>» donné de rendre grâces à Dieu , ou de faire des
» prières pour quelque occafion , fans en marquer
» le jour &rheHre, les archevêques Se évéques
« la donneront, fi ce n'eft que nos lieutenans gé-
« néraux & gouverneurs pour nous dans nos pro-
» vinces , ou nos lieutenans en leur abfence , fe
« trouvent dans les villes où la cérémonie devra
» être faite , ou qu'il y ait aucunes de nos cours
ï> de parlement , chambres de nos comptes , ou
» cours des aides qui y foient établies, auquel cas
w ils en conviendront enfemble , s'accommodant
v réciproquement à la commodité les uns des
» autres, & particulièrement à ce que lefdits pré-
w lats eftimeront la plus convenable au fervice
I» divin », Edit du mois d'avril 1695 , article 46.
Quand ce font les évéques qui indiquent les
prières publiques de leur propre mouvement, &
qu'il y a dans leurs villes un parlement , une chaiTi-
bre des comptes , ou une cour des aides , ou que
le gouverneur & le lieutenant général de la pro-
vince y réfident, ils ont foin de même de conve-
nir avec eux de Iheure & du jour auquel elles fe
feront.
Les mandemens que les évéques ou leurs vicai-
res généraux font fur ces matières , qui font de
police eccléfiaftique purement extérieure , doivent
être obfervés , tant pour le jour que pour l'heure
& la manière de faire ces prières dans toutes les
églifcs de leurs diocéfes , même par les chapitres
fécuhers & réguliers qui fe prétendent exempts de
la juridiélion de l'ordinaire. La déclaration du 30
juillet 1710 y eft formelle : « Voulons & nous
>> plaît , porte cette loi , que les mandemens des
» arclievéques & évéques & de leurs vicaires gé-
j) néraux , qui feront purement de police exté-
» ricure eccléfiaftique , comme pour les fonne-
V ries générales , dations du jubilé , Procefflôns
j; & prières pour les nécelîités publiques , ac-
« tions de grâce , Se autres femblables fujets ,
» tant pour les jour & heure que pour la ma-
>> nière de les faire , foient exécutés par toutes
3) les cglifes & communautés eccléfiaftiques , fé-
w cuiiéres ik régulières , exemptes & non exemp-
PROCESSIONS.
701
>» tes, fans préjudice à l'exemption de 'celles qui
» fe prétendent exemptes en autres chofes ».
Le concile de Rouen de l'an 1581 , avoit déjà dé-
cidé, que dès que Tévéque a indiqué des prières pu-
bliques , tous les corps eccléfiaftiques, féculiers &
réguliers , font obligés de s'y rendre , à moins
qu ils ne faflent, comme les chartreux, profeiTion
d'une clôture très-étroite. Exempti omnes cUrici ,
tàm rtgulares , quàm fcculares , ad publicas Procef-
fiones vocaii acccdere compelluntur ,'his tarnen exceptis
qui in Jîriélori claufurd perpétua vivant.
Le droit d'ordonner des prières publiques & des
Proceflions efl tellement propre aux évéques , que
les réguliers qui jouifTent de l'exemption la plus
étendue , &. même de la juridiélion épifcopalc fur
\\n territoire déterminé , ne peuvent le faire , à
moins qu'ils n'aient lapolTeffion à cet égard. Le
grand-prieur de France a la juridiélion épifcopale
dans l'enceinte à.u Temple à Paris. Il entreprit de
faire chanter , le 15 mai 1745 , dans fon églife du
Temple , un te deum pour la viéloire remportée par
Louis XV à Fontenoi , & publia à cet effet un man-
dement imprimé. L'archevêque de Paris déclara
nul ce mandement , & défendit , fous peine de
fufpenfe, au prieur-curé du Tempie de l'exécuter.
Le grand prieur de France ayant entrepris de fcu-
tenir fon mandement , le roi , par arrêt de foa
confeil du 15 juin 1745 , lui fit difenfes, parpro-
vifion & en atreiidant un plus ample éclairciffe-
ment , d'en donner de femblables à l'avenir , 6c
ordonna, en conformité de la déclaration du 30
juillet 1710, tant à lui qu'à tous autres exempts
prétendant même avoir juridiélion épifcopale ,
d'exécuter les mandemens qui feroientdonnés dans
cette matière parles évéques.
Les maire Si^échevins de la ville de Provins ,
diocèfe de Sens , avoicnt ordonné de chanter le
te deum , de leur autorité privée , fans attendre
l'ordre de l'archevêque de Sens ; ils avoient con-
traint les cccléfialîiques de la ville d'y affifter; & ,
ne fe contentant pas de cette entreprife fur l'au-'
torité eccléfiaflique , ils avoient faicdéfenfes d'exé-
cuter fon mandement lorfqu'ill'avoit envoyé. L'ar-
chevêque de Sens fe pourvut au confeil du roi ;
&, le 14 décembre 1638, il obtint un arrêt qui
fit dèfenfes " aux bailli, maire & échevins de la
» ville de Provins de s'ingérer en aucune façon ,
» ni ordonner es choies qui appartiennent à l'é-
» glife,Scde troubler ledit fieur archevêque aux
» fonélions de fa charge, à peine de trois mille
» livres d'amende , dépens , dommages & inté-
j> rets ».
Les corps qui afliftent aux Procédions extraordi-
naires , font les parlemens , les chambres des
comptes , les cours des aides , dans les villes où
ces cours font établies ; les préfidiaux , dans les
villes oLi il y a des préfidiaux , & les ci'Rciers mijui-
cioaux des villes. Ces différens corps tiennent en-
tre eux le rang qui leur eft affigné dans les autres
701 PROCESSIONS.
circonftances , & que la fupériorité des fon'Sllons
ou Tufage ont déterminé.
Lorfque les cours fouveraines fe rendent au
chœur de l'églile cathédrale pour une ProcefTion
extraordinaire , elles fe placent dans les hautes
chaires du chœur ; mais elles font obligées d'en
laiflTer un certain nombre de chaque côté pour
les chanoines & les dignités, m Défendons , dit
»» l'article 47 de Tédit de 1691 , à toutes perfon-
»» nés , de quelque qualité & condition qu'elles
» puiflTent être , d'occuper , pendant le fervice di-
« vin , les places deftinées aux eccléfiaftiques. Vou-
»» Ions que lorfque les officiers de nos cours , allant
" en corps dans les égllfcs cathédrales ou autres,
" fe placeront dans les chaires deftinées pour les
» dignités & chanoines , ils en laiffent un certain
« nombre vides de chaque côté pour les d gnités
« & chanoines qui ont accoutumé de les remplir ».
Edit de 1695 , article 47.
Cette difpofition de 1695 étoit obfervée depuis
long-temps à Paris; le parlement occupoit les hau-
tes chaires du côté droit alu chœur, après en avoir
laiiïé la moitié vers l'autel pour les dignités & cha-
noines de réglife. La chambre des comptes & la
cour des aides fe plac;oient dans celles du côté
gauche, après avoir laiiïé un pareil nombre de
chaires vacantes du côté de l'autel , qui étoient
occuuées par les chanoines & par les dignités.
La même chofc avoit été aufli décidée avant
l'édit de 1695 , toutes les fois qu'il étoit furvenu
quelques conteAatlons entre les chapitres Se les
cours fouveraines au fujet de leur féancc dans les
hautes chaires de l'églife.
Le parlement de Rouen 8c la chambre des
comptes de cette ville eurent, au commencement
du iiècle pafTé , une difficulté avec le chapitr» de
l'églife métropolitaine , au fujet des chaires que
ces cours occuperoient au chœur lorfqu'elles fe-
roient obligées de s'y rendre pour les cérémonies
publiques. L'arrêt qui intervint au confcil privé
•fur cette affaire le 19 mai 1618 , décida qu'il feroit
réfervé quatre chaires vers le grand aiuel , du côté
où feroit le parlement , pour les dignités & les
chanoines , Si. huit chaires pareillement pour eux
vers l'autel , du côté où fe placeroit la chambre des
comptes.
Un autre arrêt du confeil privé du 30 oflobre
1637 , avoir réfervé fix chaires de chaque côté du
chœur dans l'églife de Rennes , outre la place de
l'évoque, pour les dignités & les chanoines , lorf-
que le parlement y'affifteroit en corps, & avoit
faitdéfenfes au parlement de troubler l'évéque de
Rennes dans fa iutidtdii')n.
Une conteAation de même nature étant furve-
nue entre le parlement de Metz & le chapitre de
l'églife cathédrale de cette ville , le roi , par arrêt
de fon confeil privé du 29 décembre 1690 , or-
donna que les chanoines abandonneroient aux offi-
ciers du parlement quatorze chaires du côté où j
avoit coutume de fe placer le premier préfident , |
PROCESSIONS.
& treize chaires de l'autre côté , & que le refte des
chaires du chœur feroit occupé par les doyen , cha-
noines & chapitre de l'églife cathédrale.
Il ne nous refte plus qu'à pirler de ceux à qui
eftdû l'honneur de la Proceffion , c'eft-à-dire de
ceux qu'on eA obligé d'aller recevoir en Proceffion
lorfqu'ils arrivent dans l'églife.
Ce droit n'appartient aujourd'hui qu'aux évê-
ques & aux princes. Le refpeâ dû à la majefté
royale , la proteéiion que les princes accordent
auxéglifes, les biens qu'ils leur ont donnés & qui
peuvent les en faire regarder comme fondateurs ,
ont rendu cette cérémonie très-ancienne à leur
égard ; elle fut pratiquée pour les empereurs pref-
que aufii-tôt après leur converfion au chriftianifme.
Nous voyons auffi cet ufage très-anciennement
obfervé pour les évêques. Lorfque faint Athanafe
revint d'Alexandrie après fon exil, le clergé 8c le
peuple allèrent au-devant de lui en chantant des
hymnes & des cantiques. Saint Chryfoftôme fortit
auffi avec tout fon clergé au-devant de faint Epi-
phane , évéque de Salarnine , lorfqu'il vint à
Conftantinople. Sozomene , livre 81 chapitre 14.
Mais ce qui n'étoit dans le commencement
qu'un effet de l'empreffement & du zèle d'une
eglife à l'égard d'un évéque dont elle refpe61oit la
fainteté& le mérite, efl devenu une obligation :
l'honneur de la Proceffion a été confidéré depuis
comme un des droits épifcopaux. L'évéque doit
être reçu en Proceffion dans toutes les églifes de
fon diocèfe, & même dans celles des réguliers.
L'article 21 du règlement des réguliers ordonne
qu'ils le recevront proceffionnellement en habits
d'églife.
■Un texte du pape Gelafe , mal entendu , a fait
accorder autrefois aux patrons l'honneur de la
Proceffion , 8c ils en jouiffent encore aujourd'hui
dans les autres royaumes catholiques. Le pape
Gelafe , en parlant du fondateur , dit qu'il n'a
point d'autre droit dans l'églife qu'il a fondée ,
qu'une place à la Proceffion , qui eff due à tous les
chrétiens. Scuurus fine dubio prczter Proceffion'is adi'
tum , ijui otnni chrifiiano dcbetur , nïhil ibidem fe pra-
priijaris hahiturum. Canon 26, CJuf. 16, qutzjl. 7.
Il eft évident qu'il ne s'agit point ici d'un hon-
neur particulier , puifqu'il n'eft queffion que d'une
chofe qui lui eft commune avec tous les autres fidè-
les , & que par conféquent le mot Procejfionis adi-
tus ne peut Signifier ce que nous entendons au-
jourd'hui par l'honneur de la Proceffion.
Cependant dans le douzième fîècie , les cano-
niftes ont commencé à conclure de cette expref-
fion , que l'honneur de la Proceffion étoit dû au
fondateur de l'églife. Et le pape Alexandre III a
confacré cette erreur, en reconnoiffant , dans une
décrétale inférée dans le droit, que les anciens ca>
noHS accordent au patron cette prérogative. Pro
fundacione quoque cccltfice honor FroceJJionis fundatorl
ferv^itur ficut in facris eji canonibui injlïiutum.
Extra de jure putronaiûs.
PROCESSIONS.
Aujourd'hui , en France , on n'accorde point
cet honneur anx parrons particuhers, quels qu'ils
foient.
Les corps & communautés d'arts & métiers ne
doivent point être aflujettis à fe rendre en corps
à ces ProcefTions publiques. C'eft ce qu'a jugé un
arrêr du parlement de Paris , du 4 juin 1783 , rendu
dans l'efpèce fuivante :
Le lieutenant général de police de la ville d'Or-
léans, & le fubftitut de M. le procureur général
audit fiége , dans la vue d'augmenter l'éclat Si la
pompe de la Proceflion de la tète-dieu , leur avoir
fait imaginer de requérir & d'ordonner, par un rè-
glement de Police du 9 juin 1781 , « que toutes
» les communautés d'arts & métiers , établies dans
>♦ la ville d'Orléans , feroient tenues d'afiiiler avec
i> des flambeaux à la Proiîeflion générale du faint
« facrement , r\ir l'invitation qui feroit faite par
»» les Tyndics 6c adjoints , qui feroient tenus d'in-
>> viter , chaque année , la fixième partie des mai
« très & aggrégés de leur communauté , & leur
» fournir des flambleaux ; la lifte des invités re-
»> mife , par les fyndics & adjoints, au lieutenant
» de police & au procureur du roi , la veille de ia
»» Procefnon ; lefdits invités tenus de fe rendre , le
>» jour de la fête , en habit décent , fous les galeries
« du grand cimetière , pour répondre à l'appel qui
>»■ feroit fait fur les liftes données ; recevoir les
î» flambleaux fournis par les communautés, & dont
5» la dépenfe, prife fur les fonds, feroit allouée tous
»♦ les ans dans les comptes en frais de fyndicat , le
» tout fous peine d'amende de 50 livres contre
»» les fyndics & adjoints qui n'auroient pas fait les
y) invitations ni remis les liftes au lieutenant de
»> Police, & de loliv. d'amende contre ceux qui
>» ne fe trouveroicnt pas à l'appel , ne fuivroient
« pas leur rang , ou défemparercient de la Pro-
»> ceffion pendant fa marche Se avant la rentrée
n dans l'églife.
» Permet néanmoins aux maures & aggrégés qui
J) ne pourroient pas , pour des raifons valables ,
M répondre à l'invitation, de fe faire repréfenter
» par d'autres maîtres ou aggrégés qui fc préfen-
)> teroient à l'appel pour eux , à peine par ceux
» qui les auront chargés , d'en répondre en leurs
i} noms; établit un commifTaire de police pour
ï> l'arrant^ement des communautés, fous toutes ré-
y} ferves de droit en cas de réclamation de préféan-
») ces ; lediiît^^mifTaire chargé de fuivre & ac-
j> compagner les Proceffons , furveiller les procef-
» fionnaires , noter les contrevenans & faire en -
» fuite (on rapport au lieutenant de police ».
La publication de cette ordonnance de Police ,
qui étoit une nouveauté , déplut à la plupart des
communautés. Cependant quelques-unes s'y fou-
rnirent; mais les marchands merciers & drapiers ,
qui (ont des négocians diftingués dans la ville d'Or
léans , ne crurent pas que cette ordonnance ptjt les
conce-ner, & que le lieutenant de police eût eu
dciTein de les confondre avec de Amples artifans.
PROCÈS-VERBAL. ^05
En conféquence , ils ne s'y conformèrent point; ce
qui fit que le 29 juin ils furent aftignés au fiége de
police, pour être condamnés à l'amende portée
au nouveau règlement.
Cette aflîgnation détermina la communauté de»
merciers & drapiers à interjeter appel à la cour de
l'ordonnance de police , 6c à intimer fur l'appel
M. le procureur général.
M. Fournel a fait , pour leur défenfe , un mé-
moire , où il établit qu'aucune loi n'affujettit nom-
mément à aififter à la Proceftion ; que cette dévo-
tion doit refter libre; que l'ordonnance dont il
s'agit eft contraire à l'ufage obfervé à Orléans , à
la déclaration du mois d'avril 1771 , qui , pour de
juftes caufes , fupprime toutes les confrairies , &
qu'elle renouvelleroit tous les inconvéniens qui
ont déterminé leur fuppreftlon.
M. l'avocat général Séguier a adopté les moyens
propofés par M. Fournel , 8(. a conclu à être reçu
lui-même appelant de cette ordonnance.
L'arrêt cité , conforme à ces conclufions , faifant
droit fur l'appel, enfemble fur celui de M. le pro-
cureur général , a déclaré ladite ordonnance nulle
& de nul eft^it , a fait défeafes au procureur du roi
& au lieutenant de police d'Orléans de faire des
réglemens, fi ce n'eft pour ordonner l'exécution des
lois du royaume & arrêts de la cour.
( Article de M. l'abbé LaUBHY , avocat au par--
lemcnt ).
PROCES -VERBAL Ce nom s'applique aux
defcentes de juges , vifites & rapports d'experts ,
apportions & levées de fcellés, faifies-exécutions ,
faifies-réelles , captures , rebellions , contraven-
tions, ^ généralement à tous les a£les dreftes &
arrêtés par gens ayant ferment en juftice , & qui
contiennent & éiablift"ent un fait par le rapport des
dires , conteftations , comparutions ou abfence des
parties & de toutes les circonftances qui peuvent
fervir à le conftater.
Il feroit trop long de traiter ici de chacun de ces
aftes en particulier. Nous ne parlerons que de ce
qui eft relatif aux Procès-verbaux des amployés des
fermes. 11 eft queftion des autres aux articles qui
les concernent: ainfi , voyez les mots Descente
DE JUGES , Rapport d'experts , Scellés ,
Blessés, &c.
Les commis du fermier , comme ayant prêté
ferment en juftice, ont la faculté de dreffer Procès-
verbal des fraudes & autres incidens qui peuvent
furvenir dans le cours de leurs fonélions. Ils ont
aufti le droit de faifir l'objet de la fraude , & pn cela
ils participent aux fondions des huiftîers : leurs
Procès - verba'.ix font proprement une dépofition
fuivie d'une faifie.
Ces aftes doivent être conformes à la vérité ,
conrenir le détail clair & précis de toutes les cir-
conftances eft^enrielles , & la mention graduelle de
tout ce qui s'eft pafle dans l'ordre des temps , fans
intervertir la i»arche des différentes fcèngs, 6c
704
PROCÈS-VERBAL.
placer devant, ce qui nécefrairement n'eft arrivé
qu'après.
Les commis ne peuvent donc être trop fcrupu-
leux dans leurs rapports ; ils ne doivent luppofer,
diiïimuler ni déguifer les faits ; 8c comme il eût éré
dangereux de lailTer à leur mémoire le foin de les
conlèrver & d'en remettre la defcription à un
temps poftérieur n celui auquel ils fe Cont paffés ,
l'ordonnance des fermes du mois de juin i6'oo , &
les réglemens intervenus depuis, ont voulu que
les Procès- verbaux fuOent rédigés fur le champ, &
à rinftant même de la fraude, à moins qu'il n'y ei^it
rébellion ou autre empêchement dont , dans ce cas ,
il doit être fait mention.
On luit cependant un autre iifage dans le redort
de la cour des aides de Normandie. Les droits de
détail étant confulérables dans cette province , la
perception en avoit fouvent été troublée. Lorfque
les commis découvroient des fraudes & des con-
traventions , il leur étoit difficile, quelquefois mê-
me dangereux , de dreifer leurs Procès- verbaux
fur le lieu & à l'inftant de la découverte de la frau
de. Pour obvier à ces inconvéniens , il eft inter-
venu le premier feptembre 1750 , une déclaration j balifent
regiftrée à la cour des aides de Rouen le premier 4". Des
oâobre fuivanr, qui , par les articles i & 3 , a auto-
rifé les commis à rédiger leurs Proces-verbaux où
ils jugegeroient à propos , en laifTant aux préve-
nus, pour leur sûreté , ur, billet, qu'on appelle billet
fommaire , dans lequel ils exprimeroient fuccinéte-
ment l'objet & la qualité de la fraude.
Les commis, en Normandie , n'en ont pas moins
la liberté de dreffer leurs Procès- verbaux fur-le-
champ ; mais alors , quand ils font empêchés par
rébellion ou autrement , ils ne (ont pas obliges de
laiiîer un billet fommaire , pourvu que , dans ce
dernier cas , ils aient l'attention de faire mention ,
comme ci- deffus, desobftacles qu'ils peuvent avoir
rencontrés.
Comme le témoignage de deux commis fuffit
pour opérer la condamnation d'un fraudecr , &
qu'aux termes de l'article 19 du titre commun pour
toutes les fermes de lordonnance du mois de juil-
let 1681 , leurs Procès- verbaux doivent être crus
jufqu'à infcription de faux , on a a^Tujetti ces Pro-
cès-verbaux à différentes formalités , dont l'obfer-
vation eft abfolument de rigueur. Les unes tien-
nent à l'effence même de ces fortes d'aSes, & les
autres , quoiqu'acceffoires , n'en influent par moins
fur leur validité.
Voici en quoi confiftent les premières :
Pour qu'un Procès - verbal foit valable , il faut
d'abord qu'il foit drefle fur papier marqué du
timbre de la généralité de laquelle dépend le chef-
lieu de la direifîion d'où relèvenrles commis infîru-
raentaires.
Cette formalité èft prefcnte par arrêt & lettres-
f>atsntes des i 5 & 26 mars 1720 , regiftrés à la
cour des aides de Rouen le 17 juin fuivant , & par
un autre arrêt & lettres-patentes d^s 2} &. 30 juin
PROCÈS VERBAL.
de la même année , regiflrés à la cour des aides
de Paris le premier août.
11 faut ei.fuire qu'il y foit fait mention, 1'. de
l'année, du jour bc du mois, & fj c'eft avant ou
après midi que les commis in{lrumentent.
Les dates doivent être en toutes lettres ,& non
en chiffres.
Il n'eft pas nécefiaire de fpécifier l'heure ; c'eft
ce qui a été jugé par arrêt de la cour des aides de
Paris du 6 feptembre 1718.
2". Du nom du fermier à la requête duquel il
eft rendu , & du lieu où il fait éle61ion de do-
micile.
A l'égard de fon domicile de fait , il n'eft pas
d'une obligation abfolue d'en faire menrion : la
cour des aides de Pans l'a ainfi jugé par arrêts des
26 août &7 feptembre 1740 , 13 juin, 6 feptembre
1741 , 17 mars & 9 avril 1756.
La déclaration du 27 mars 1708 , a également
difpenfé les commis de nommer les cautions du
fermier.
3*. Du nom & de la demeure du dircflcur à
la pourfuite & diligence duquel les commis ver-
4'. ues noms, furnoms , qualités & fonctions
des commis , de leur réfidence aéiuelle , s'ils en
ont une, ou , s'ils n'en ont pas de certaine , du bu-
reau principal de la diredion dans l'étendue de
laquelle ils inftrumentent.
5". De la juridiflion où les commis ont été reçus
Si ont prêté ferment.
Il eft à obferver à cet égard , que lorfque les
commis ont une fois prêté ferment, foit dans une
cour iupérieure , foit dans une jur!di<flion fubal-
tcrnejqui connon des droits au roi , ils ne fonr plus
obligés de fe faire recevoir ni de prêter un nou-
veau ferment dans les autres juriaifhons fous le
re/Tort defquelles ils exercent.
L'ordonnance de 1680 ne dif[>«nfoit d'un nou-
veau ferment que les commis qui avoient été reçus
à la cour des aides , & elle les affujettlffoit à faire
enregiftrer à l'éledlion de leur domicile le ferment
qu'ils avoient prêté en cette cour : mais étant fu-
jets à de fréquens changemcns , l'obfervation de
cette formalité devenoit aufli embaraifante que
difpendieufe ; ils en ont en conféquence été dif-
penfés par des arrêts du confeil & lettres-patentes
des 26 octobre & ç décembre 1719 , regiftrés à
la cour des aides de Paris le 14 diiiig^me mois de
décembre. Aux termes de ces régletî^is, les com-
mis , ceux mêmes qui ont été reçus dans une juri-
diflion fubalterne , foHt feulement tenus de faire
menrion de cette juridiftion dans leurs Procès-ver-
baux, pour y avoir recours en cas de befoin.
6°. Les commis doivent enfuite fpéciHer , autant
qu'ils le peuvent, les noms , furnoms , qualités &
demeures de ceux contre qui ils procèdent; ex-
pofer le genre de fraude, la manière dont elle a
été découverte , les circonflances qui l'ont accom-
pagnée , Ô£ les preuves qui la conftatçnt , tirées ,
foit
!
PRÔCÈS-VERBAL.
foît de ces circonftances mêmes , foit des réponfes j
6c aveux des parties.
7". S'il s'agit des boifTons vendues ou trouvées
en fraude des droits, les commis doivent en fair/C
la déguftation , en établir la couleur , la qualité &
la quantité ; il faut , après cela, qu'ils contre-inar-
quent les tonneaux avec la rouanne, & qu'ils hf-
fent mention de cette contre-marque. S'il eft quef-
tion d'autres marchandifes , ils font également
obliges d'en conftater la nature , la qualité Se la
quantité.
8\ Lorfque la fraude eu préfentée dans tout
fon jour , les commis doivent déclarer , par leur
Procès-verbal , la faific des objets dont ils ont fait
la defcriptîon , & les faifir efle61ivement , en fe
fervant de ces termes , comme de fan nous les avons
/aijis.
q°. Quand la faifie eu. faite dans une maifon , &
que la partie faifie e(l préfente ; fi elle n'eft pas
lolvable , il faut la fommer de donner bonne &
fuffifante caution; & fur fon refus, lui déclarer que
les marchandifes faifies feront tranfportées & dé-
pofées au bureau : dans le cas contraire , c'efl à-
dire , fi elle eft en état de répondre des objets faifis ,
il convient de les lui laiffer à fa charge & garde ,
aux peines de droit , après toutefois en avoir fait
l'évaluation de gré à gré.
Quand , au contraire , les chofes font faifies à la
campagne, on peut ne faire qu'une defcription en
gros , fauf lorfqu'elles ont été conduites au plus
prochain bureau, à en faire une defcription plus
détaillée. Voyez au furplus ce que prcfcrit à cet
égard le titre 1 1 de l'ordonnance des fermes du
mois de février 1687.
10". Après la faifie, les commis doivent procé-
der à la rédaélion de leur Procès-verbal dans le lieu
même du délit , &. en préfence de la partie faille
(s'ils n'en font empêchés par rébellion ou quel
que caufe légitime, à mains que ce ne foit dans
le refTort de la cour des aides de Rouen , par la
raifon dont on a rendu compte plus haut ) , lui en
faire lecture , la fommer de figner , tant ce Procès-
verbal aue fes dites, réponfcs , déclarations , re-
connoinances , charges 8c garde ; faire une men-
tion exaâs de toutes ces circonftances, ainfi que
de fes acceptations ou refus de ligner; enfin, figner
ce Procès- verbal & lui en remettre une copie,
linon lui déclarer que cette copie lui ^era apportée
dans le délai prefcrit par les r^glemens ; ce qui,
dans l'un & l'autre cas , doit être fpscifié dans
l'afle.
Lorfque la partie faifie s'oppofe à ce que le
Procès - verbal foit rédigé dans fa maifon , foit en
maltraitant les commis, foit de quelqu'autre ma-
nière , ils doivent lui déclarer Procès-verbal , tant
de fa fraude que de fes rébellion , injures, mena-
ces , voies de fait , fuivant les circonfiances ; qu il,
vont fe retirer, foit au bureau , s'il y en a wn fur
le lieu , foit dans telle maifon qu ils indiqueront;
& là , fommer de les y fuivre pour allifter à la ré-
Tome XUr,
PROCÈS-VERBAL. 705
dation de leur Procès- verbal , en entendre ieâure ,
le ijgner , Se en recevoir copie.
Si la partie faifie fe rend à cette fommation , ils
rédigeront leur Procès-verbal , dans lequel ils fe-
ront mention de fa comparution. Dans le cas con-
traire, ils établiront (on refus , Ci qu'ils ont verba-
lifé en fon abfence.
L'ordonnance de 1680 (titre ç , des exercices
des commis , article 7 ) veut que le< Procès-verùjux
concernant les fraudes & autres incidens furvenus dans
le cours de/dits exercices , [oient (Ignés de deux corn'
mis. Ainfi un Procès verbal rendu par un feul com-
mis, feroit radicalement nul , &. ne donneroic au-
cune aiilion au fermier.
Un commis cependant , qui , fe doutant de quel-
que fraude , n'auroit pas à fa proximité un de fes
confrères avec lequel il lui fût pofiible de la conf-
tater, pourroit fe faire aflâft^r d'un huiirier ou autre
officier ayant fermenta juflice, & conjointement
avec lui , en rédiger Procès-verbal, en faifant, par
l'huifTier ou autre officier, mention de fa réfidence
aduelle, de fes fonélions ordinaires , & de la juri-
diélion à laquelle il auroit prêté ferment , pour y
avoir recours , le cas échéant. C'eft ce qui a «té or-
donné par les arrêts du confeil Si lettres-patentes
des a6 o61obre 6i 5 décembre 1719, ci - defliis
cités.
Après avoir ainfi tracé la marche que les commis
des fermes doivent tenir pour opérer d'une ma-
nière régulière &(. conforme au vœu des réglemens ,
il refte à rendre compte des formalités qu'ils doi-
vent obferver après la clôture de leurs Procès-ver-
baux ; formalités qui ne font pas moins de rigueur
que les premières , & dont l'omiffion opéreroit
également la nullité de leurs adles.
Lorfqu'ils n'ont pas laifTé à la partie faifie copie
du procès verbal , au moment même de fa rédac-
tion , ils font obligés de la lui délivrer le même
jour. Telles font les difpofitions de l'ordonnance
de 1680.
Cette énoncîation, dans le même jour, ayant
donné lieu à plufieurs difficultés , elles ont été le-
vées par la déclaration de 1717, qui a ordonné
que la copie des Procès-verbaux , faits avant midi ,
fcroit délivrée le même jour ; d<. qu'elle le feroit le
lendemain dans la matinée jufqu'à midi , à l'égard
de ceux qui auroient été faits après midi : Si c'eft
pour mettre à portée de reconnoître fi la règle
prefcrite à cet égard a été fuivie, que les commis
font tenus de faire mention dans leurs Procès-ver-
baux , s'ils font dreffés avant ou après midi.
La délivrance de la copie du Procès-verbal , dans
l'hypothèfe qu'on vient de pofer , doit être conf-
tatée par un acle particulier, figné des commis &
de la partie faifie , ou elle dûment fommée de le
faire ; fi elle refufe , il eft nécefiaire d'en faire men-
tion ; Si en cas d'empêchement de fa part à la ré-
daélion de cet aéle , ou de rébellion , les commis
doivent f'uivre ce qui a été obfervé relativement
aux Procès-verbaux,
V V V V
7o<î PROCÈS-VERBAL.
J] y a cepûdilant des circonftances où les commis
ne font pas tenus de délivrer copie de leurs Procès-
verbaux ; par exemple , lorfqu'on leur a tait rébel-
lion, & que les injures & voies de faits font a(Tez
graves pour mériter d'être pourfuivies à l'extraor-
uinaire ; dans ce cas , la déclaration du premier
fcptembre 1750 les difpenfe de remplir cette for-
malité.
L'ordonnance de 1680, la déclaration du 30
jnnvier 1717 , celle du 4 oflobre 1725 , veulent
tii'.e les Procès-verbaux foient affirmés en matière
criminelle comme en matière civile.
Cette affirmation doit fe faire dans la quinzaine ,
au plus tard, à l'égard des éledions compoféesde
cent paroilTes & 'au-delfus ; 8c dans la huitaine
pour les autres èleiSions. (Ordonnance de 1680,
lure 5 des exercices des commis , article 7 ).
Il n'en eft pas de même en matière des trai-
tes : l'ordonnance de 1687, titre 11 , article 8,
veut que les Procès-verbaux foient affirmés dans
le jour.
Aux termes de ces deux ordonnances , l'affirma-
tion doit être faite pardevant un juge des droits du
roi. Mais la déclaration du 30 janvier 1717, article
3 , permet de la faire devant les juges des lieux , ou
autres plus prochains juges , fait royaux ou feigriew
Tiaux , fans néanmoins aucune attribution de juridic-
tion , qui demeurera confervée aux juges auxquels elle
appartient.
Il faut néceffiiirement que l'officier qui reçoit
cette affirmation , ait réellement caraftère de juge
dans une juridiftion royale ou feigneuriale , encore
ne peut-il la recevoir que dans l'étendue de fa juri-
didion ; raifon pour laquelle le lieu oii il la reçoit
doit être énoncé dans l'a^e qui la conftate.
11 eft encore à obferver, qu'en permetttant les
affirmations pardevant tous juges y\z déclaration de
1717 n'autorife pas à la faire devant ceux qui les
fuppléent ,tels que les procureurs du roi , les pro-
cureurs d'office , les avocats , procureurs ou prati-
ciens , qui, dans d'autres occafions , rempliffent
les fondions de juges.
Les fubdélégués ne peuvent recevoir que les
affirmations des Procès-verbaux , qui font dans le
cas d'être fuivis devant MM. les iiitendans , à moins
toutefois qu'ils ne réuniffisnt à la qualité de fubdé-
légué , celle de juge d'une juridiflion , auquel cas,
il doit en être fait mention dans l'aâe.
Il n'eft pas néceflaire qu'une affirmation foit
écrite de la main même du juge ; il eft même afTez
d'ufage que les commis en dreffent Wike. tout prêt,
afin que l'officier qui la reçoit n'ait plus qu'à figner.
Plufieurs juridif^ions de la province de Normandie
avoient annuité des Procès-verbaux , fur le fonde-
ment que )'a(Î΀ d'affirmation étoit écrit de la main
des commis; mais les lettres- patentes du 24 fé-
vrier 1733 , ont ordonné que les affirmations fe-
roient valables, de quelque main qu'ellefuffisnt
écrites.
11 n'cft pas befoin de fignifier ces affirmations ;
PROCÈS-VERBAL.
I c'eft ce qui a été ordonné par pn v.ïti de b eôUf
des aides du 3 juin 1 68 1 .
Par arrêt du confeil du aioflobre 1718 , & let-
tres-patentes expédiés fur icelui , il eft ordonne
que les Procès-verbaux faits par les commis du fermier,
en préfcnce & affjïés d'un officier de l'éleâion , ou
autre juge à qui il appartient de les faire , feront va-
lables ,fans qu'il foit befoin que lefdits Froccs-verbaux
foient enfuite affirmés par les commis.
Il eft bon d'obferver à cet égard , que fi le juge
qui auroit affifté les commis ne fignoit pas leur
Procès-verbal , ils ne pourroient (e difpenfer de
l'affirmer ; l'sffiriTiation ne peut être fuppléée que
par l'atteftation du juge , portant que les faits fe
font paftes en fa préfence , & font conformes à la
vérité.
Si un Procès-verbal étoit rendu par trois commis
ou par un plus grand nombre , il ne feroit pas d'une
néceffité abfolue qu'il fût affirmé par tous ; pourvu
qu'il le foit par deux , il eft valable. ( Ordonnance
de 1680 , &c arrêt du confeil du 6 janvier 1722 ).
Diffèrens ré?,lemens avoient ordonné que les
commis feroient tenus de remettre, dans l'inftant
de l'affirmation, un double figné d'eux, de leurs
Procès-verbaux , au greffe de l'élcftion , mais cette
formalité , fur-tout depuis la déclaration de 1717 ,
n'eft plus d'étroite obligation de la part des com-
mis ; 6i le défaut de s'y conformer n'emporte pas
la nullité des Procès-verbaux. On peut voir à cet
égard les arrêts de la cour des aides de Paris , des
10 & 3 I janvier 1721, i8 juin 1740 , 9 août 1741,
10 janvier , 6 & 13 mars 1742, & 22 avril 1749.
Lorfque les commis ont affirmé leurs Procès-
verbaux , les contrevenans doivent être affignés
dans les délais prefcrits par l'ordonnance de 1680
( article 7 du titre 5 des exercices des commis) ,
c'eft-s-dire , dans la huitaine , du jour de l'affirma
tion. Quand , par exemple, le Procès verbal a été
affirmé le premier du mois , l'affignation doit être
donnée le 8 ; & le 22 , fi l'affirmation eft du 15
L'ordonnance de Rouen diffère de celle de Pa-
ris , en ce qu'elle porte , pour les affignations , le
même délai que pour les affirmations, c'eft-à-dire,
de huitaine ou quinzaine, fuivant la conftftance des
éleélions.
Les délais pour comparoître fur cette affignation ,
font à trois jours pour les domiciliés dans le lieu
où le fiège eft établi ; à huit jours pour ceux qui
demeurent dans le reffort ; & pour ceux dont le
domicile eft hors du relfort , également à huit
jours , outre un jour pour dix lieues de diftance.
Cette règle ne s'applique point à la partie des
traites. L'ordonnance de 1687, ci - deffus citée ,
porte , article 7 , du titre 1 1 , quil fera donné affi-
gnations aux marchands ou vvituriers , par le Procès-
ve'bal de faifti à comparoir dans le jour ^ fi la f'^^fi^
efl faite au lieu où il y ait un juge des droits du roi ;
& que fi la fiifie ejî faite à la campagne , f affignation
fera donnée au jour fuivant; enfin ^ quen cas que U
PRO CUPIENTE PROFIT ERI.
juge foit éloigné de plus de dix lieues , le délai fera.
augmenté d'un jour pour dix lieues.
Les aflîgnations doivent être, comme les Procès-
verbaux , (ur papier du timbre delà généralité,
dans le reffort de laquelle eft le chef-lieu de la di-
reétion d'où dépendent les commis.
Il faut auffi qu'elles foient contrôlées dans les
3 jours de la date , quand les Procès-verbaux font
faits dans une ville ou autre lieu où il y a bureau
de contrôle ; & dans la huitaine, lorfqu'ils font
faits â la campagne , ou dans les lieux éloignés des
bureaux.
La déclaration du roi du 29 mai 1685 , & un
arrêt du confeil du a6 mars 1720 , ont autoriié les
commis à donner afTignation fans (c fervir du mi-
niftére des huilîiers , pourvu que ce fût à la fuite &
par le même contexte de leurs Procès-verbaux ;
mais alors ces Procès-verbaux doivent être con-
trôlés ; ce cas excepté , ils n'y font pas fujets. On
a jugé que l'afle d'affirmation ayant le même ef-
fet que le contrôle , devoit y fuppléer. ( Arrêt du
confeil du 30 o61obre 1708 ,& arrêt de la cour des
aides de Rouen du 17 novembre 1709 ).
Telles font les formalités que les commis des
fermes doivent obferver pour la rédaiSiion & la
fuite de leurs Procès-verbaux.
Il y en a encore d'autres , dans le détail dsf-
quelles il eft inutile d'entrer , parce qu'elles ne font
que d'ordre & de ftyle, & qu'elles n'influent pas
aufll eflemiellement fur la validité des Procès- ver-
baux. On s'eft propofé de ne rapporter ici que
celles qui , comme on l'a déjà du , font de ri-
gueur , & dont l'omifllon peut opérer une nullité.
Voyez l'article Commis. ( Article de M, Bu-
CNIAT RE , avocat (y diredeur des aides ).
PROCLAMATION. Voyez Publication.
PROCONSUL. On a ainfi appelé celui qui ,
chez les Romains , gouvernoit une province avec
l'autorité de conful.
Les Proconfuls , les préteurs & les propréteurs
avoient des lieutenans fous eux dans leurs gouver-
nemens , quelquefois jufqu'à trois , félon l'éten-
due de chaque gouvernement ; car , en décernant
les provinces , le fénat marquoit l'étendue de cha-
cune, régloit le nombre des troupes , affignoit des
fonds pour leur paye & leur fubfiftance , nommoit
les lieutenans que le gouverneur devoit avoir , &
pourvoyoit à la dépenfe fur la route , ainfi qu'à
leur équipage, qui confiftoit en un certain nombre
d'habits , de meubles , de chevaux , mulets & ten-
tes qu'on leur faifoit délivrer lorfqu'ils partoient
pour leur gouvernement , Se qu'on appcloit viati-
cum , afin qu'ils ne fuffent point à charge aux pro-
vinces.
PRO CUPIENTE PROFITERI. C'cft une claufe
en vertu de laquelle un cccléfiaftique féculier peut
être nommé à un bénéfice régulier , fous U condi-
tion exprefle de faire profcflion dans l'ordre ou la
maifon dont dépend le bénéfice.
tes abbayes ctoient anciennement les feuls bé-
PRO CUPIENTE PROFITERI. 707
néfices réguliers ; l'ordre demandoit qu'on ne les
confiât qu a des moines exercés dans la vie reli-
gieufe , 6c capables , par leur âge & par leur expé-
rience , d'être les pères des autres. Tous les canons
qui concernoient le choix des abbés , contenoient
à cet égard des difpofitions exprefTes. Il devoit
donc être interdit par toutes les règles eccléfiafti-
ques de donner des bénéfices réguliers à des clercs
féculiers , fous la condition de faire profeffion.
Auffi le concile de Rome, tenu fous Nicolas II en
1059 , veut que perfonne ne prenne l'habit reli-
gieux, ayant l'efpérance ou la promefle d'être élu
abbé. Prohibemus ne ullus habitum monachi fuf.ipiat ^
fpem aut promijfioncm habens ut albas fiât. Boniface
VIII , chapitres cùrn ad nojlram , & vfficii de ehfcione ,
défend expreflement d'élever aucun religieux à une
prélature régulière , qu'il ne foit profés dans un or-
dre réguliçr. Xullus religio/us ad pralaturam fucc vel
altenus rtngionis de ccctero eligatur, mfi antcâ fuirit
ordiriem regularern expreff^è profejjiis. Et Clément V,
dans le concile de Vienne , chap. ne in agro , §./j/!-
cimus , comprend dans cette défenfe les prieurés
conventuels & les offices clauflraux.
L'ufage étoit déjà changé à cet égard dans le
temps du concile de Trente , puifque ce concile
ordonne que les bénéfices réguliers ne foient don-
nés qu'à des réguliers , ou qu'à des clercs qui
foient tenus de faire profeffion dans l'ordre dont
dépendent les bénéfices. /^fi:;ù/jri<z bénéficia in tiiu-
lum regularibus profcjjls providei confueta religiofis
tantiim illius ordinis , vel Us qui habitum omnino juf~
cipere & profejfiûnem cmittere teneantur , 6' non aliis
conj'erantur. Scff. I4,cap. lo. Suivant la difcipline
moderne de l'églife de France , le pape peut con-
férer non feulement les cures régulières , les pla-
ces monacales , les offices claufiraux , mais les ab-
bayes mêmes , à des ecclêfiaftiques féculiers oui
ont deflein de faire profeffion.
Il paroitroit que les ordinaires devroient avoir ,
comme le pape , le droit de conférer les bénéfices
réguliers aux ecclêfiaftiques féculiers qui veulent
fe faire religieux ; il n'y a aucune loi qui le leur
interdife. Fagnan rapporte une déclaration de li
congrégation des cardinaux , qui les y autorifç
expreffément, en exceptant néanmoins les bénéfi-
ces réguliers auxquels font annexés quelque di-
gnité ou quelque adminiflration. Ce célèbre cano-
uifte affiire de plus , qu'ils font en poflefilon de
conférer ainfi les bénéfices réguliers en Italie , en
Efpagne , dans les états du duc de Savoie ; cepen-
dant on n'admet en France les provifions des béné-
fices réguliers avec la claufe Pro cupiente profiteri ,
que lorsqu'elles font émanées du pape.
La jurifprudence du parlement de Paris fur ce
point , eft conftatée par fon arrêt du 7 février
1634. Celle du grand confeil n'eft pas moins conf-
tante à cet égard. Antoine Pujol eft admis au no- .
viciât le 13 janvier 1682 dans l'ordre de Cluni ; il
obtient le lendemain, du prieur, des provifions
pour l'office clauftral de camérier du prieuré d«
V v vv jj
7o8 PRO CUPIENTE PROFITER!.
Tours. Louis Saiilier fe fait pourvoir en cour de
Rome le 19 février fuivant , avec la claufe Pro cu-
piente profiteri. L'affaire s'étant engagée au grand
ccnfeil entre les deux pourvus du bénéfice , il
intervint arrêt, le 7 août 1683 , qui maintint le
pourvu par le pape.
La même chofe fut encore jugée au grand con-
feil par arrêt du 14 mars 1722. Par cet arrêt, un
prêtre fécuHer pourvu en cour de Rome du
prieuré-cure de Courbcrie , ordre de faint Au-
guflin , diocèfe du M.ms , fut maintenu préfèra-
biemcnt à un autre féculier que l'abbé y avoit
nommé antérieurement avec la même claufe, &
qui non-feulement avoit deiTein de fe faire reli-
gieux, mais même avoit commencé fon noviciat
dans la cure où on l'avoit envoyé, après lui avoir
donné Ibabit de l'ordre.
De tous les collateurs du royaume;^ il n'y a
que les commandeurs de Tordre de Malte qui pv.]''-
fent donner des bénéfices de leur ordre a des fé-
culiers , à la charge d'y faire profelTion dans Tan ;
mais ils ont obtenu fur ce fujet des bulles des pa-
pes, & ils jouirent de privilèges extraordinaires ,
qui ne leur font point communs avec les autres re-
ligieux.
Le pape ne peut être obligé à donner des pro-
vifions avec la claufe Pro cupiente profiteri. Ce font
des a61es, non dejuflice , mais de pure grâce de
fa part.
C'eft une queHion de favoir de quel temps il
faut dater l'année ou les fix mois accordés par le
pape , à ceux qui font pourvus de cette manière
pour faire profeflîon. Les auteurs ont été partagés
fur ce fujet ; les uns ont prétendu qu'ils dévoient
fe compter du jour de la provifion , & les autres
feulement du jour de la paifible poiTeflîon. Gil-
bert ne décide rien fur ce fujet. 11 y a , dit-il , tome
i de fes inflitutiOns , titre 234, « fur cette matière,
>j des raifons pour & contre , qui forment une
j> diverfué, non-feulement de fentimens , mais
3> encore de jurifprudence , & qui obligent ceux
3> qui fe trouvent dans le cas , à fe conformer aux
»> ufages reçus dans les provinces ».
D'Héricourt , dans fes lois eccléfiaftiques , cha-
pitre de l'âge & des qualités requifes pour pofféder
les bénéfices , n". 25 , fetnble décider que l'année
doit fe compter du jour des provifi >ns. « Quand
■)■» on donne des provifions d'un bénéfice régulier
5> à un clerc féculier , à condition de fe faire reli-
») gieux dans les fix mois; s'il manque à exécuter
j> la condition , le bénéfice devient vacant & im-
u pétrable dés que les fix mois , à compter du
j> jour de la provifion , font expirés. Il y en a
3) un arrêt du 11 mars 1647, rapporté dans la
n deuxième centurie de Soëfve »».
Lacombe , au contraire , décide dans fon re-
cueil de jurifprudence v^rbo , Pro cupiente prefi-
xtrt, que l'année ne doit fe compter que du jour
de la paifible po^Teffion. C'eft ainfi qu'il s'exprime
fur c« (v.jeî : u Un féculier pourvw en cour de
PRO CUPIENTE PROFITERT.
» Rome d'un bénéfice régulier , Pro cupiente profit
" leri , doit faire profeificn dans l'an de Ja paifible
') pofleffion , à peine de nullité des provifions ,
» fuivant la fignature, qui porte: Sec/is prcejens
» grjtia/îi ipfo jure nuUû. Ainfi jugé par arrêt du
3> grand confeil au 7 août 1741 ».
Ce dernier icntiment e't celui que nous fuivons
de préférence; il n'eft pas moins autorifé parles
srréts que le premier. Les bénéfices qui exigent
un certain ordre dans celui qui en eft pourvu ,
peuvent être comparés , par rapport à la quefiion
dont il s'agit ici, aux bénéfices réguliers qui exi-
gent la profellion religieufe. Cependant l'année
accordée à un titulaire pour fe faire promouvoir à
l'ordre que demande fon bénéfice , ne commence
.1 courir que du jour de fa ) lifible pcfTeffion ;il n'y
a point là-defliis de dilîkulié. Pourquoi ne pour-
roit on pas dire de même que l'aniiée qui efl ac-
cordée à un pourvu avec la claufe Pro cupiente pro-
fiter! , ne commence à courir que du temps de fa
paifible poffeffion ?
Encore faut-il , pour que cette année doive fe
compter du moment de la paifible pofiiefiion , qu'il
n'ait pas été empêché d'exécuter la condition tous
laquelle il a-été pourvu du bénéfice , ou qu'il n'ait
point obtenu un refcrit de prorogation de temps.
Lacombe , dans l'endroit déjà cité, enfeigne que
le terme fatal ne courroit pas contre lui, u s'il y
» avoit quelque empêchement ou refus des reli-
» gieux du monaftere , qui fût conftaté «. Duper-
rai , dans une note qu'il fait fur le n°. 25 du
chapitre de l'âge & des qualités requifes pour pof-
féder les bénéfices des lois eccléfiafiiques , obferve
" qu'il y a des arrêts qui ont jugé , que quand
» il y a des empéchemens , le décret, quoiqu'irri-
»> tant, n'a point lieu, comme fi \q cupi:ns pra-
» fiieri avoit fait des fom mations aux religieux cîu
» monaftere d'où dépend le bénéfice , ou s'il avoit
» eu un refcrit de prorogation de temps >'. Et la
note en réponfe à l'obfervaiion de Duperrai, con-
vient de la vérité de ces maximes. « On n'eft
» point refponfable, y eftil dit , de n'avoir point
» exécuté une condition , lorfqu'on a fait tout ce
» qu'on a pu pour l'exécuter , & qu'on en a été
» empêché par un tiers ; on quand celui qui a
» mis la condition & qui avoit le pouvoir de pro-
» roger le temps pour l'exécution , a lui-même ac-
» cordé un nouveau délai ».
Mais il ne fuffit pas que le pourvu avec la claufe
Pro cupiente profiteri , ait éprouvé un refus quel-
conque du premier ftipérieur auquel il s'cft pré-
fenré , il famt qu'il ait fait toutes les diligences con-
vt-nables pour être reçu , qu'il n'ait jr^oini tenu a
lui qu'il ne l'ait été , Ci qu'il ait foin de faire conf-
tater le refus qu'on lui a fait de l'admettre. Quand
le refus n'eft point motivé eu fondé fur de juftes
raifons , on n'y a aucun égard ; l'admiflion a la
profeffion religieufe eft, dans ce cas , un aéle de
juftice dû à c«lui qui eft pourvu du bénéfice ,
PROCURATION.
& qui ne doit pas d Jpendre du caprice d'un fupè-
rieur.
Quand nous difons que le temps accordé par le
pape pour faire profefiion , ne doit Te compter que
du jour de la po/TefTion paifible , cela ne doit s'en-
tendre que du cas oh le pape n'auroit pas inféré
ceae clauCe exprcffe , que ce temps commencera
à courir du jour des provifions. Si des provifions
contenoient une pareille claufe ,1e temps accordé
pour faire profelîion commenceroit à courir du mo-
ment oii elles ont été expidiées: des provifions de
cette efpèce font une pure grâce du pape ; & celui
qui accorde une grâce y met les conditions qu'il
juge à propos. ( Article de M. l'abbé Laubry ^
avocat au parlement ).
PROCURATION. CeA un afle par lequel une
perfonne donne à quelqu'un le pouvoir d'agir pour
elle, comme elle pourroii faire elle-même.
On appelle mandataire ou procureur confliiué ,
celui qui eft chargé de la Procuration d'une per-
fonne.
L'engagement du mandataire ou procureiT conf-
titué le forme par l'acceptation ou par l'exicution
qu'il fait de la Procuration.
Il y a différentes fortes de Procurations ; les
unes font générales , les autres fpéciales : les pre-
mières s'appliquent à toutes les affaires du confli-
tuant , & cependant elles ne comprennent ordi-
nairement que les afles d'adminiflration : les au-
tres n'ont d'effet que pou-r l'affaire qui y eft expri-
mée (i).
(i) Fermuli d'une Procuration générale & fpiyulc.
Pardivant les notaires , &;c. fut préfent Louis, &:c le^juel
a fait &: (.onflituc fon procjreur gênerai & fpccial... auquel il
donne pou k-oii Je pour lui &: en (on nom rtgir &: adir.inif-
trer tous :cs biens &: ait lires , préfens & à venir , &: en tece-
voir les t»;venu$ , foit loyers , fermages , arrérages de rentes
ou autrement , recevoir toutes les fommcs niobilicics c[ui
lui font Â: pourront ctre dues , de quelt]ue nature cjue ce
foit & puiffe être , même recevoir les l'ouïmes qui feront
ordonna ètrepayé'^s par fa majeilé , foit pour penfions , gra-
tilications , appoiiUcinens ou autrement ; comme auiîi rece-
voir tous rembourfeinens qui pouiroitnt être offerts ; rendre
& remettre tous titres & pièces ntceflaircs ; comptée avec les
dtbiteurs , fenviicrs & autres redevables dudit lieur confti
luant; former d bats ic arrêter leurs comptes ; enrecevoi les
reliquats 5 du reçu du tout donner quittances &.• décharges
valables; à refus de payement, faire toutes pourfuites , con-
traintes ^ diligences nécellaitcs , tanc par i,ii/îe-exécuroires
de leurs aieubles , que failîe réelle d'immeubles , donner
main-levée, pourûiivre jufqu'à fin delditts failles.
Comme aullî ledu iieit'' con(îitua.Tt d jnn^ po^ivoir audic
/îeur procureur d'affenner & renouveler les baux de fss b-'^ns
à tell-'s perfonnes , m yeinant les prix, tempi , chargo?
davcs &: conditions qu'il avifera , f.ùre paflTc: tincs nouvéls
&: I fCoanoi^Fances -les rentes appartenantes au.iit ùeur conîti-
luant , &: les paflei Ac celles qu'il doit.
Recueillit toutes fucccHions qui pourroîent lui écheoii
purement ic fiuiplenient , ou par bénéfice d'inventaire ;
faire procéder à fous procèsverbux d'appolîtion de fcellé ,
JnvCi.taitc ii païuge , convenir d'c ffiriers , prendre com nu
nication du tout: vS: , h ledit procueur 'e juge à propos
renoncer à icJles fuccertions , accepter les lots qui écberroôt
audiçfieurconiUtuant, payer fou ce ou k recevait , acceptei
PROCURATION. 709
AlnH celui auquel on a donné une procuration
générale , peut , i". bailler à ferme ou à loyer les
biens du conflituant ou les faire valoir par fes
mains : mais les baux ne doivent point excéder le
temps ordinaire, qui eft au plus de neuf ans ; ceux
qui feroient faits pour un temps plus long , tien-
droient de l'aliénation , & excéderoient par confé-
quent les bornes d'une adminiftration.
a°. Par une Procuration générale , le procureur
conftituc eft autorifé à traiter avec des ouvriers
pour les réparations qui font à faire aux biens du
conftituanr.
3". Il efl pareillement autorifé à acheter les cho-
fes néccffaires pour l'exploitation des biens du
conftituant qu'il fait valoir par fes mains.
4". Il peut recevoir les deniers qui peuvent être
dus au constituant, & eii donner des quittances
toutes donations & legs qui pouttonc être faits audit fie-ur
conlliruanr.
Pourfujvre toutes les inllances qu'il a ou aura ci après ,
tant en demandant que dcfeniant , en tels tribunaux , contre
tiillc-s perfonnes , &: pour quelques caufes que ce foit &: piiillc
ê.ie , &: ce julquà fcntence oc airéi dé'înitift ; les meare i
éxecution, tranùger , traiter &; compoTet des droits dudic
fieut conllituant , pour tels prix , chaigts , daufes Se condi-
tions que ledit fieur procureur jugera à oiopos.
faire tous payemens jjour ledit lieut conllituant; requé-
rir Se faire toutes fubrogations ic déclarations re(»uifes ôC
n^c;llaires avec ou fans garantie ; retirer les pièces julliHcati-
vcs des fommes qui feront payées.
Emprunter de telles peifjnnes qu'il avifera, par billets,
promelfes , obliga.ion , con'uicuiions Si autrement , jufqu'à
la fommede... même vendre, ccdec & tranfporcer aufli à tel-
les perfonnes, moyennant les prix , chatges , claufes & con-
ditions qu'il avifera , une maifon fife à... appartenant audic
fieur conflituant; recevoir le prix de ia^-iite vente , ou en
accorder teuiies & d. 'ais , 5c à la garantie des Ibmmcs qui
pourront être empruntées , &: de ladite vente ; obliger l;dic
fi;ur conftituaiu &i tous fes biens ptéfens ôc à venir ; & fur
le tout plaider , &c. oppofcr , ôcc. appeler , &c. élire domi-
cile , fiiDllituer un ou plutieurs prccureuis, en tout ou partie
du préfent pouvoir ; les révoquer , en con!lituer d'autres. Ce»
prélentes demeurant toujours valables jufqu'i révocation d'i-
cekes , nonobftant furannaiion; &: à l'effet de tout ce que dcf-
fus , palltr tous contrats & autres a.tes qu'il appatti^îndra ;
promettant ledit conllituant d'avoir le tout pour agréable ,
&: le r<<tirier quand il en fera requis : obligeant. Fai: &
paffe , 6:c.
Formu'e d'une Procuration fpccia'e four fiire un emprunt»
Pardcvant les notaires , Sec. furent préfens Nicolas..., Se
Marie,... la femme , de lui autorifce à l'effet qui fuir, de-
meurans.... leiquels ont fait & coniHtué leur procureur...
auquel ;'■: donnent pouvoir de pour eux &: en leurs noms ,
en^pru.'-er d'une ou plufieurs perfonnes jufqj'.i la (omaie de
hi it ni'He livres , pat obligation ou conliitution , pour em-
ployer... en cis de conflitution ., garantir, tant en principal
qu'arr.ijges , la tente qui fera conftituée ; 6" en cjs d'obli-
gation , pou.ettre de payer dans le temps convenu ; &: dans
les dfux cas , obliger foiidaiienient lefdits con iituans, fous
les renonciations requiles , 3c tou^ leurs biens , meubles &
iiuiirf'.îliles , préfens & i ve^ir- "^ ipccialement une inaifoa
fife à- Paris... à eux appartenaux ; élire domicile, palier à ce
fujec le,' obligatioiis ou conttirutions qu'i', avifera ; & faire
pour Itsp^yemens des arréi,-iges de la rente qui pourra être
conili[u:e, toutes délégations fut les loyerj de ladite mai-
fon , 3c géuéialeinent , ôcc.
710 PROCURATION.
valables aux débiteurs ; & fi ceux-ci étoient en de-
meure ou refufoientde payer , il pourroit les faire
contraindre au payement , Tous le nom du confti-
tuant , en vertu des titres exécutoires qui feroient
entre fes mains.
5°. 11 peut auffi , fous le nom du conftituant ,
former des demandes en juftice pour faire con-
damner des débiteurs contre lefquels il n'y a point
de titre exécutoire : il eft de même autorifé à inten-
ter , fous le nom du conftituant , toute a6lion pof-
feflbire pour s'oppofer au trouble apporté à la pof-
feffion du conftituant: il peut pareillement s'oppo-
fer à un décret pour la confervation des droits du
conftituant , & former des demandes pour faire
pafler titre nouvel.
Toutes ces aâions étant des chofes qui appar-
tiennent à l'adminiflration des biens , la procura-
tion générale donne le pouvoir de les former &
de les poiirfuivre , fans que le conrtituant puifl'e
être admis à défavouer les procureurs Se les huif-
fiers quefon procureur conftituéen a chargés.
Mais s'il s'agiflbit d'une demande qui ne peut
point être confidérée comme faifant partie des af-
faires courantes & ordinaires du conftituant , le
procureur conftitué dcvroit , pour la former , pren-
dre un pouvoir fpécial.
Il faut d'ailleurs obferver que quelque étendue
que foit une Procuration générale , elle ne peut
point s'appliquer aux avions criminelles qu'on in-
tente par la voie de plainte. L'article 4 du titre 3
de l'ordonnance du mois d'août 1670, veut que
tous les feuillets d'une plainte foient fignés par le
plaignant ou par (on procureur fondé de Procura-
tion fpéclale.
6'. Tout alnfi qu'un procureur conftitué peut ,
en vertu d'une Procuration générale , former des
demandes judiciaires fous le nom du conftituant,
il eft pareillement autorifé à propoferdes défenfes
contre les aflions mal fondées qui tendent à faire
condamner le conftituant à quelque payement,
&c. & il peut acquiefcer aux demandes contre
lefquelles il n'a rien de folide à oppofer.
7". En vertu d'une procuration générale ,1e pro-
cureur conftitué peut employer les deniers de fon
adminiftration à payer les créanciers du confti-
tuant.
8". Comme une Procuration générale ne donne
au procureur conftitué que l'adminiftration, &non
la difpofvtion des biens du conftituant, il faut en
conclure que le pouvoir que renferme une telle
Procuration , fe borne aux aliénations qu'exige
l'adminiftration , & ne s'étend pas aux autres.
9°. Le procureur conftitué peut hypothéquer
pardevant notaires les biens du conftituant , aux
obligations dépendantes de fon adminiftration ,
telles que font celles qu'il contrarie envers des
ouvriers , pour réparer une maifon , pour faire va-
loir une métairie, &c.
Il peut même , en pareil cas , donner en nanti/Te-
ment les effets qui peuvent être entre fes mains '
PROCURATION.
fur-tout fi le conftituant étoit dans l'ufage d'em-
prunter fous gages.
Mais fi le procureur conftitué empruntoit , en
vertu de fa Procuration générale, une fomme con-
fidérable qui excédât les bornes de fon adminiftra-
tion ou dont l'emploi ne feroit pas juftifié, il iroit
au-delà de fon pouvoir, & il n'obligeroit ni la
perfonne ni les biens du conftituant.
10°. Une Procuration générale autorifé le pro-
cureur conftitué à accepter les donations qui font
faites au conftituant. L'article 5 de l'ordonnance
des donations du mois de février 1731 porte , que
Us donations entre-vifs ne pourrcnt engager le dona-
taire , ni produire aucun autre effet que du jour quelles
Auront été acceptées parle donataire ou par fon pro-
cureur général ou fpécial.
La Procuration générale autorifé pareillement le
procureur conftitué à recevoir la délivrance des
legs , foit particuliers, foit univerfels , qu'on a faits
au conftituant.
Mais il en feroit autrement d'une fuccefllon qui
viendroit à échoir au conftituant ; le procureur
conftitué ne pourroit pas l'accepter en vertu de fa
Procuration générale.
La raifon de différence eft fenfible : l'acceptation
d'une donation ou d'un legs même univerfel ne
peut jamais nuire au donataire ni au légataire. Car
quoiqu'un donataire ou légataire univerfel foit
tenu des dettes, ce n'eft que jufqu'à concurrence
de ce qui lui a été donné ou légué: ainfi il peut
toujours fe faire décharger des dettes en abandon-
nant la donation ouïe legs: mais il en eft autre-
ment de l'acceptation d'une (ucceffion ; celui qui
fe rend héririer contraéle l'obligation de payer
toutes les dettes du défunt , quand même elles
excéderoient la valeur de la fucceftion. On doit
donc préfumer que le conftituant n'a point en-
tendu , en donnant une Procuration générale , que
le procureur conftitué pourroit lui faire contrafler
des obligations indéfinies , telles que celles qui
réfultent de l'acceptation d'une fucceffion. Ainfi,
dans le cas oli le procureur conftitué auroit fait
afte d'héritier au nom du conftituant , celui-ci fe-
roit fondé à le défavouer, & pourroit renoncer à
la fuccelTion , en rendant compte des chofes dont
fon procureur conftitué fe feroit mis en pofleflion.
Il faudroit décider différemment , fi le procureur
conftitué s'étoit mis en poffeflion des biens de la
fucceffion,auvu &au fu du conftituant: celui-ci fe-
roit alors cenfé avoir fait aâe d'héritier lui-même ,
& avoir donné à fon procureur un pouvoir fpécial
tacite , d'agir conféquement à cette qualité d'hé-
ritier.
ix". Une Procuration générale , quelqu'étendue
qu'elle foit , ne peut point autorifer le procureur
conftitué .n difpofer , par donation, d'aucune des
chofes dont on lui a confié l'adminiftration. Il eft
évident qu'il n'y a que le propriétaire d'une chofe
qui foit en droit de la donner.
Il fuit de-là , qu'un procureur conftitué ne peut
PROCURATION.
pas , fans un pouvoir fpécial , faire une retnife gra-
tuite des droits qui appartiennent au conftitnant ,
parce qu'une telle reniife ei\ une véritable do-
nation,
Cette règle reçoit néanmoins niielques excep-
tions ; il y a des remifeî qu'on peut regarder com-
me dépendantes de l'adminirtration de celui qui a
une Procuration générale. Telles font les remifes
que des créanciers font à leur débiteur par un con-
trat d'attermoiement , pour ne pas perdre la totalité
de leurs créances : telle cfl aufli la remife que le
procureur conftitué fait d'une partie des droits fci-
gneuriaux à uns perfonne qui eft lur le point d'ac-
qiiérir des héritages dans la mouvance d'une fei-
gneurie dont il a Tadminirtraiion. Ces fortes de
remifes , étant faites pour l'intérêt du conflivuant,
elles n'excèdent point les bornes de l'adininillra-
tion.
Le conftituant eft engagé envers le procureur
conlVitué , aufli-tôt que celui-ci a accepte la com-
mifTion ou qu'il a commencé à l'exécuter ; &. le pre-
mier eft obligé d'approuver & de ratifier tout ce
que le fécond a fait en vertu de la Procuration qui
lui a été donnée.
Relativement aux droits auxquels les Procura-
tions font affujetties par les réglemens , on dillin-
gue celles qui font données en matière eccléGaf-
tique pour raifon des bénéfices , de celles qui font
données en matière laïque.
Les Procurations données en matière eccléfiafti-
que, pour prendre poffeffion de bénéfices ou digni-
tés , ou pour s'en démettre ; celles qui portent réfi-
gnation ou rétroceflîon , ou qui font conçues en
des termes qui peuvent difpenfer les réfignataires
de pafier d'autres aùes pardevant notaires , pour
parvenir à l'obtention des provifions , font com-
prifes dans la première fedlion de l'article premier
du tarif du 29 feptembre 1722 , & le droit de con-
trôle en eft fixé à cinq livres en principal.
Les Procurations données pour compromettre ,
requérir , réfigner , céder ou rétrocéder un béné-
fice; celles qui ont pour objet de notifier les noms,
titres & qualités des gradués , ou de confentir créa-
tion ou extinflion de penfion , enfemble les révo-
cations de ces Procurations, font comprifes dans
la troifième fefiion du même article premier , qui
en fixe le droit de contrôle à vingt fous.
Ces difpofitions ont été confirmées par les
articles 4 & 6 de l'arrêt du confeil du 30 août
1740.
On vient de voir que le droit de la Procuration
qui porte réfignation , diffère de celui de la Procu-
ration donnée pour réfigner. La raifon en eft, que
la première remet direâement le bénéfice entre
les mains du collateur , & que la féconde doit né-
ceiTairement être fuivie d'un 3,àt de réfignation de
la part du procureur fondé.
Par une déclaration du 14 février 1737, enre-
giftrée au parlement le 13 mars fuivant , le roi a
réglé la forme dans laquelle les Procurations p«ur
PROCURATION. 711
réfigner des bénéfices doivent être faites (i).
L'article 74 du tarif du 2^ feptembre 1722 , rè-
(i) Voici ççtu Iç'u
Louis , &:c. Siluc. I.a multiplication des fraudes vC des abus
qui s'ûoient glillesdans les csiîgnations en faveur , depuis
que 1 ufage en avoit cti intioduic dans notre royaume, obli-
'^:i le roi Henri II à y apporter les remèdes convenable; par
ion cdi; du mois de juin 15^0. Ce fut dans cette vue qu'il
ordonna , entre autres chofes , que les Procuran'ons pour ré-
ligner lesbjnihces ne pourroienc être reçues par un notaire
Lui , & fans la piéfence de deux témoins connus & domici-
lia» , qui ne fulTcnt ni, domeftiques ni païens ou a!lil-s juf-
qu'au degré de coufin-germain inclufivement , foit du réfi-
gnant ou du rcfignataire. Le feu roi, notre très-honoié fei-
gneur &: bilaïeul , a renouvelé ôc même étendu les difpofi-
tions d'une loi fi nccelTaire , par fa déclaration du mois d'oc-
tobre i6.\6 , & par fon cdit du mois de d; ccmbre iCyi ; mais
il munqujit encore quelque chofe à la peifedion de ces lois ,
puiiqu'cn piefcrivant des règles pour les Procurations qui
lont reçues pa: un notaire avec dis témoins , ellesii'avoient
tien déterminé par rapport aux Procurations qui font palîèes
paidevant deux notaires, où il n*e(l pas d'ufage d'appeler
deux témoins ; Se ayant rcfolu de fuppléer à cette omiiiion ,
nous avons confidcré que les ré/lgnations fe faifant ie plus
louvcnt dans la penfée de la mort, & étant expofées aux
mêmes furprifes que les difpofitions de dernière volonté, en
ne pouvoir y pourvoir d'une manière plus lure qu'en ren-
dant la forme des Procurations pour réfigner des bénéfices,
prefque femblable à celle que nous avons autorifée par notre
ordonance du mois d'août 175 î , pour les actes à caufe de,
mort qui font reçus par des notaires ; nous obligerons par-
ia ceux qui recevront les Procurations pour réfigner , à y ao-
poner la même attention , pour connoitre l'état du réiignant
(Je lui taiie expliquer fa volonté en kur préfence , que loif-
qu'il s'agit de s'alliircr de l'état d'un tel^ateur , & de lui en-
tendre prononcer fes difpo!ition$. Et comaie il arrive fou-
vent que les démillions pures Se fimples font une efpcce de
réfignation fccrète en faveur de celui qui en eft l'objet, &:
que les permutations de bénéfices , qui renferment toijours
une rciignacion réciproque, font a'jfli fufcepiibles de diffé
tens genres de fraudes qu'il efl important d'empêcher , nous
avons jugé à propos d'affujettic les unes Scies autres à l'ob-
leivation des règles que nous établirons par notre préfente
déclaration. A cet caufes , &c.
Akticle I. Les Procurations pour réfigner des bénéfice»
ne pourront être faites que par des adles pafles en préfence de
deux notaires, ou en préfence d'un notaire avec deux té-
moins au moins de la qualité qui fera ci-apii; marquée, & il
fera fair mention dans lefdirs adcs , de l'état de fanté ou de
maladie dans lequel fera le réfignant , le tout à peine de
nullité.
2. Lefdits notaires, ou l'un d'eux, écriront l'aL^e de Pro-
curation , fuivant la déclaration que le réfignant leur fera de
fes intentions , & lui en feront enfuite li le<Sure ,de laquelle
il fera fait une iBcntion exprefle ; aprèi quoi VxCti fe:a figné »
tant par le réfignant que par les deux notaires, ou par le no-
taite & les témoins; & en cas qu: le réfignant déclare qu'il
ue peut fignet , il en fera fait aufli mention ; le rout à peine
de nullité.
5. Ne pourront être pris pour aiTifter auxjits ades que des
témoins connus S< domiciliés, qui feront â£;és au moins de
vingt ans accomplis , & qui ne foient ni parens ni alliés du
réfignant ou du réfignaraire, jufqu'au degré de coufin-ger-
main inciufivcment , ni ferviteuis ou domertiques de l'un ou
de l'autre. VouIoih en outre , conformément aux articles 40 ,
41 , 41 & 4+ de notre ordonnance, concernant les tellameni ,
qu'il ne puilfc être admis dans lefdits ades qu: des témoin? qui
fâchent & puilTent figner, & qui foient mâles , régnîcoles , Se
capatdes d'effets civils , fans que le» réguliers , novice» on
711 PROCURATION.
gle le droit de contrôle qui doit étte perçu pour
les Procurations hmplcs données en matière laïque.
Voyez ce quon a dit fur ce lujet à l'article Con-
trôle.
On appelle Procuration ad rejîgnandum , un aâe
par lequel le titulaire d'un office donne pouvoir de
le réfigner ou rtniettrc entre les mains du roi , M.
le chancelier ou autre coUateur , pour en difpofer.
Voyez les articles Office & Contrôle.
On appelle droit de Piocuration , un droit dont
les éviques &. les archidiacres ont la jouiflance, &
qui coniilie à fe faire loger, nourrir ik défrayer,
eux ik. ceux de leur fuite , pendant tout le cours de
leurs vifites , lorfqn'ils en font en perfonne.
Fcvret rapporte l'crigine du droit de Procura-
tion , à ce que , dans les premiers temps du chrillia-
nifme , les évéques employoient les revenus ec-
j"rofcs de quelque or.lie que ce foie , ni les ck-rcs , ferviteurs
ou lioiuelliques du nonire qui recevra li Procuration , puif-
fent être pris pour umoir.s ; le tout à peine de nullitc.
4. Voulons, conformément à i'atticle 48 de notrcdite or-
donnance , que ceux derdits notaires ou témoins qui auront
(igné leldiies Procurations fans avoir vu le rélignant & l'avoir
entendu prononcer &: expliquer Ces intentions, foientpour-
fuivis exiraordm.iircment à la icquêtede nos procureurs, cuin-
me pour cii ne de f lux.
<, . II reliera minute defdites Procurations , à peine de nul-
lité.
6. la difpofiiion des quatre articles précédens aura lieu
pareillement pour les Procurations Se aftes qui fe font à l'eC-
fecde permuter des bénctices , & pour les aâes de démillion^
putes & iimp'es.
7. N'entendons au furpfus rien innover par ces préfentes ,
fur les règles, conditions & formalités établies par ledit cdic
«le 1 5 s o î &■' autres ordonnances , édits &: déclarations po!îé
ricurcs ; tou'es Icfquelles lois continueront d'jtre exécutées
félon leur forme & teneur Si donnons en mandement, &c.
Forrriu'e d'uie Procuration conformément à la déclaration
qu'on vient de rapporter.
Pardcvant les conftiillers du roi , notaires au châtelet de
Paris , foulligné , fut préfenr meflire Joreph-prançois R-. , I
prêtre... demeurant... ledit lieur R. étant en l'anté , allant &
vaquant à fes aftaires , fuivarit qu'il eii apparu auxjiis no-
taires, s'é ant tendu en l'étude de l'un d'eux , où fon cen-
fiere elt venu , y avant éré mandé à l'ciTcr des préfenres ,• le-
quel IleurR. a déclaré que fcn intention eft de fe démettre
de la chapelle de... érigée en l'iglife de... dans la ville de...
( ou cure , ou prieuré , ou csivenrualité , qu'il faut dé'igner )
dont il elt pourvu ; en conféquence , ledit fieur P. a fait ic
coniHtué pour fes procureurs générauv &: fpéciaux M. & N. ,
auxquels il donne pouvoir de pOur lui & en fon nom,rén-
frner & remetrre es mains de notre faint père le pape , mon-
leigneur fon vice-chancelier , ou atitres ayant à ce pouvoir ,
ladite ch.ipclie de... en faveur du (ieur Etienne L. , clerc
tonfuré du diocéfede... & non d'autre; contentant que tou-
tes provilions lui en foienr expédiées , fcellées & délivvé;s ;
jurat^c& affirmant ledit (ieur R. , qu'en ces préfentes n'clt
intervenu ni interviendra aucune iimonie ni autre conven-
tion illicite*!.' contraire aux difpofxtions canoniques ; pro-
mettant , &c. obligeant , &c. Fait & paffc à Paris en l'étude
dudit... notaire , le... mil fept cent. .
Sur les... h;ure« du matin ou de relevée, &: a iTgné après
que ces préfentes ont étel.ies audit fieur R. par l'un defdits
notaires, l'autre préferu, ain/l qui! ell dit en .'adiré minute
defdites préfenres , qui ont été fignèes.dudit R., & demeurées
audit... notaire.
PROCURATION.
cléfiafliques à faire des charités fi nombreufes , que
fouvent il ne leur reftoit plus de quoi vivre. Ainfi
il éioit jufte qu'on les défrayât lorsqu'ils vifitoient
leurs diocèfes , puifqu autrement ils n'euflent pas
pu les vifiter.
Quoique ie motif qui a fait établir le droit de
Procuration ne fubfifte plus , ce droit ne laide pas
d'être dû par toutes les églifes vifitées , même par
les cures à portion-congrue , aiafi que l'a jugé un
arrêt du parlement de Paris du 30 août 1678 , rap«
porté dans les nouveaux mémoires du clergé.
Obfervez néanmoins que cette décifion ne s'ap-
plique point aux cures des exempts. L'article 3 de
l'édit de décembre 1606, l'a ainfi réglé.
Les maîtres d'école & les autres laies fujets à la
vifite des évêques ou des archidiacres , font pareil-
lement exempts du droit de Procuration.
Il y a dans la bibliothèque de Bouchel , un arrêt
de règlement, rendu pour le diocéfe de Meaux en
1567, qui a jugé que le droit de Procuration fe
payeroit en argent ou en vivre , au choix du
bénéficier.
D'autres arrêts ont défendu de percevoir ce droit
en argent.
Au furplus , c'eft la poflefîlon & l'ufage qui
règlent la qualité & la quotité du droit de Procu-
ration.
L'article 6 de l'ordonnance d'Orllans , veut que'
le droit de Procuration fe prenne li modérément,
que perfonne n'ait fujet de s'en plaindre.
Les conciles tenus à Touloufe & à Londres en
843 & 1341 , ont réglé que quand l'évêque vifite-
roit plufieurs églifes en un même jour, il ne feroit
dû qu'un feul droit de Procuration.
Et un capitulaire de Charles-le-Chauve, de l'an
844, a décidé que les églifes feroient exemptes
de ce droit pour ane féconde vifite dans la même
année. '
C'eft devant les juges féculiers qu'il faut fe pour*
voir relativement aux conteftations que peut occa-
fionner le payement du droit de Procuration. Le
juge d'églife ne pourroit pas , fans a,bus , connoitre
de ces conteftations.
PROCUREUR. C'eA celui qui a pouvoir d'agir
pour autrui, qui eft fondé de la procuration d'un
autre pour faire quelque chofe pour lui. Voye^fur
cette efphe de Procureur Us articles MANDAT &
Procuration.
PROCUREUR JD LITES ou Procureur
POSTULANT, oufimplement Procureur. C'eft un
officier établi pour agir en juftice au nom de-ceux
qui plai lent dans quelque juridiélion.
L'établiiTement des Procureurs eft fort ancien. Il
y en avoir pour le châtelct , en particulier , dés l'an
1327, comme le prouvent des lettres de Philippe
VI , du mois de février de cette année, qui défen-
dent à tout particulier d'être en même-temps avo-
cat S: Procureur.
11 y avoit auffi des Procureurs au parlement en
1341.
PROCUREUR, 5.'c.
i^4T. On voit que cette année ils înftitiièrent cn-
tr'eux une confrérie de dévotion , au fujet de U-
queile ils firent un traité avec le curé de Sainte-
Croix.
Dans l'origine , le nombre des Procureurs de
chaque fiége n'étoit j-^as limité parmi nous; Je juge
en recevoir autant qu'il jugeoit à propos. On ie
■* plaignit au chàrelet que le nombre des Procureurs
étolt excellif ; ce(ï pourquoi Charles V , par des
lettres du 16 juillet 1378 , ordonna que le nombre
ée ces officiers feroft réduit à quarante ; mais
Charles VI, par des lettres du 19 novembre 1 393 ,
ordonna que le nombre des Procureurs du châtclet
ne leroit plus fixé à quarante , & que tous ceux qui
voudroient exercer cet emploi pourroient le faire,
pourvu que trois ou quatre avocats notables de
Cette cour , certifiaflent au prévôt de Paris qu'Us en
étoient capables.
Le nombre des Procureurs au parlement s'étoit
auffi multiplié à tel point , que Charles VI, par des
lettres du 13 novembre 1403 , donna pouvoir aux
prcfidens du parlement de choifir un certain nom-
bre de confcillers de la cour, avec lefquels ils di-
minueroient celui des Procureurs ; il leur ordonna
de retrancher tous ceux qui nauroient pas les qua-
lités & capacités requifcs ; mais il ne fixa point le
nombre de ceux qui dévoient être confervés.
Louis XII, en 1498, ordonna pareillement que
le nombre des Procureurs au parlement feroit ré-
duit par la cour, & que les autres juges feroient la
même chofe, chacun dans leur fiége.
Mais ces projets de rédu6lion, renouvelés en-
core fous François premier & fous François II , ne
furent point exécutés ; & le nombre des Procureurs
augmentoit toujours, foit parce que les juges en
recevoient encore malgré les défenfes , foit parce
qu'une infinité de gens fans caraéiére fe mèloieiu
de faire la profefiion de Procureur.
Il arriva néanmoins un grand changement à leur
égard. Henri II avoir , par des lettres du B août
1552 , permis aux avocats d'Angers d'exercer l'une
& l'autre fonflion d'avocat & de Procureur, com-
me ils étoient déjà en poiTeffion de le faire : cet
iifage étoit particulier à ce fiége , mais l'ordonnance
d'Orléans étendit cette permiifion à tous les autres
fiéges ; elle ordonna même qu'en toute matière
pcrfonnelle qui fe traiteroit devant les juges dus
lieux, les parties comparoitroient en perfonnes ,
pour être ouïes fans aflifiance d'avocat ou de
Procureur.
Dans la fuite, Charles IX confidérant que la plu-
part de ceux qui exerçoient alors la fonélion de Pro-
cureur dans les cours & autres fiéges , étoient des
particuliers fans carai^ère , reçus au préjudice des
défenfes qui avoient été faites , ou qui avoient fur-
pris de Henri II des lettres pour être reçus en l'état
de Procureur, quoiqu'ils n'eufTent point les quali-
tés requifes , 11 révoqua , par un édit du mois d'août
1561 , & annula toutes les réceptions faites depuis
^559: il défendit à toutes fes cours Se autres jug«s
Terne XIIJ^
PROCURE UR,&c. 715
de recevoir perfonne au ferment de Procureur , Sc
ordonna qu'advenant le décès des Procureurs an-
ciennement reçus , leurs états demeureroicnt fup-
primés ,& que dés Icrs les avocats de fes cours &
autres juridiéiions royales, exerceroient l'état d'a-
vocat & de Procureur enfemble , fans qu'à l'avenir
il fût befoin d'avoir un Procuretir à part.
Il feroit à defuer que l'édit de Charles IX , doni
on vient de parler , x\em poinr été révoqué ; car ce
feroit un grand avantage pour les peuples, que
l'inflruélion de la procédure fût cov.fiic aux avocats.
On fait que le fuccès d'une affaire dépend fouvenc
de la manière dont on la commence ; il feroit donc
à propos que laconteftation lût dirigée, dans l'ori-
gine , par un avocat plutôt que par un Procureur ,
qui, par état , n'eft point obligé à l'étude du droit.
D'ailleurs l'avocat, en intlruifant la procédure,
conno'uroit mieux la caufe qu'il doit plaider; le
particulier n'auroit affaire qu'à une perfonne , &,■
ce qui eft bien plus important encore , l'avocat,
qui a néceffairement l'honneur & l'efrime publi-
que en vue dans fon travail , n'uferoit prefque ja-
mais de ces chicanes ou fubtiiités qui compofent
toute la fcience de la plupart des Procureurs , & par
le moyen defquelles ils favent fi bien, pour leur
profit, & à la ruine de leurs parties , multiplier les
a<ftes , & éternifer les procès.
Aujourd'hui les Procureurs font établis par-tout
en titre d'office , excepté dans les juridiélions con-
fulaires , où il n'y a que de fimples praticiens , qu'on
appelle poffulans, parce qu'ils font admis à poAuler
pour les parties ; encore ne font-elles pas obligées
de fe fervir de leur miniftère.
Pour être reçu Procureur il faut être laïc ; ce qui
eft conforme à une ancienne ordonnance donnée
au parlement de la Touffaitits en 1 2S7 , qui reftrci-
gnit aux feuls laïcs le droit de faire la fondion de
Procureur,
Tout afpirant à l'état de Procureur doit être âgé
de vingt-cinq ans , à moins qu'il n'ait des lettres de
difpenle d'âge. Il ne doit d'ailleurs être reçu qu'a-
près information de fes vie & moeurs , & après
avoir été examiné par le juge fur fa capacité.
Le ferment que les Procureurs prêtent à leur ré-*'
ccption , & qu'ils renouvellent tous les ans à la rcn» ,
trée, eft de garder les ordonnances , arrêts & récle-
mens. Leur habillement pour le palais eft la robe k
grandes manches & le rabat.
Aux fiéges des maîtres particuliers , éleélions ,
greniers à fel , traites foraines, confervations des
privilèges des foires ; aux jufticcs des hôtels & mai»
fons de ville & autres juridiflions inférieures. Se
dans toutes les juftices fe'gneuriales , les parties ne
font point obligées de fe fervir du miniftère des
Procureurs , quoiqu'il y en ait d'établis dans plu-
fieurs de ces juridiilions : les parties font ouïes à
l'audience, vingt-quatre heures après l'échéance de
l'aftignation , & jugées fur le champ ; mais comme
la plupart des parties ont befoin de confeil pour fc
défendre , elles ont ordinairement recours à un
714 PROCUREUR, &c.
Procureur , lors même qu'elles ne font pas obligées
de le faire.
Dans tous les autres tribunaux, le demandeur
doit coter un Procureur dans fon exploit, & le dé-
fendeur , qui ne veut pas faire défaut , doit aufli en
conftituer un de fa part.
Les Procureurs doivent avoir un rcgifire pour
enregiftrer les caufes , & faire mention par qui ils
en font chargés.
Ils font auffi obligés d'avoir des reglftres féparés
en bonne forme, pour y écrire toutes les fommes
qu'ils reçoivent de leurs parties ou par leur ordre,
& les repréfenter & affirmer véritables toutes les
iois qu'ils en font requis, à peine , contre ceux qui
n'ont point de regiftres ou qui refufent de les re-
préfenter & affirmer véritables , d'être déclarés
non-rccevables en leurs demandes & prétentions
<ie leurs frais, falaires & vacations.
C'eft ce qu'ont réglé différens arrêts. Papon ,
liv. 6 , tit. 12 , nomb. 8 , en cite un du premier fé-
vrier 1547» par lequel il prétend avoir été jugé,
•qu'un Procureur ne peut rien demander à fes
tfliens , s'il n'a un regiftre de recette , & que, hors
ce cas , fon affirmation n'eft pas même recevable.
Bouchel , bibliothèque civile , au mot Pro-
cureur , dit, en rapportant un arrêt du 9 février
1613 , qu'il avoit été précédemment jugé contre
mie veuve Morlot , que les Procureurs , leurs veu-
ves & héritiers , n'étoient pas recevables à deman-
der leurs frais & falaires , s'ils ne juftifioient de
leurs regiflres.
Ceft ce qui a encore été décidé en 1674. Phili-
bert Chibert , Procureur au parlement , avoit oc-
cupé , en diverfes inftances, pour André deSailly.
Jacques Marie ayant fuccédé à fon office & à fa
pratique , trouva qu'il étoit dû par le fieur de Sailly
plufieurs fommes de deniers , pour procédures ,
débourfés & vacations. Il en envoya le mémoire
au même fieur de Sailly , & fur le défaut de paye-
ment, il le fit affigner à la cour, où il obtint par
défaut , le 17 juin 1662 , un arrêt de condamnation
contre lui , à la charge néanmoins de déduire ce
qui pourroit avoir été payé , & d'exhiber à cette
fin le regiftre du défunt.
Cet arrêt fut fuivi d'une taxe , d'un comman-
dement , & de la faifie-réelle de la terre de Sailly.
Les chofes en cet état , le fieur de Sailly vint à
■mourir. Sa veuve renonça à la communauté , & les
cnfans à la fucceffion. Mais un créancier s'oppofa
a la faifie-réelle , & , prétendant que Chibert avoit
été entièrement payé , il fit fommation à Marie de
repréfenter le journal de celui-ci.
Pour établir la néceffité de cette repréfentation ,
î] difoit « que toutes les perfonnes publiques , qui
« avancent ou qui reçoivent quelques deniers dans
M le commerce de leur profeffion, font obligées
» d'avoir des regiftres qu'il n'étoit pas à pré-
« fumer que Chibert n'eût point tenu de livre
9 journal ; que tous les Procureurs ne manquoient
9 pas d'en avoir : que c'étoit une néceâité indif-
PROCUREUR, &c;
5> penfable dans le grand nombre d'affaires quj
» leur paflbient par les mains que d'ailleurs,
» fi on n'obligeoit point un Procureur à tenir re-
» giftre de fes reçus, il pourroit demander aux
>» parties des vacations déjà acquitées parce
»> que fouvent les plaideurs ne prennent pas k
') précaution de tirer des quittances des Procu-
j> reurs 1».
On répondoit pour Marie, que de prétendre
qu'un Procureur fîit obligé d'avoir un livre jour-
nal , c'étoit une nouveauté qu'on vouloit introduire
fans néceffité. « 11 fuffit ( continuoit-on ) qu'un
» Procureur ait les pièces d'un procès entre les
» mains , pour en tirer la conféquence que fes va-
» cations lui font dues. A l'égard des débourfés,
n quaud ils font payés par la partie, on en tient
» note au bas des aéles. Voilà tout le regiftre dont
1» un Procureur a befoin , ôc Marie n'en a point
» trouvé d'autre dans la pratique qu'il a acquife ;
» cela eft prouvé par fon contrat »,
On ajoutoità ces réflexions , que toute la famille
du fieur de Sailly avoit reconnu la dette dont il
s'agiffiait.
Mais par arrêt rendu à la grand'chambre le 6
mars 1674 , il a été dit qu'avant faire droit fur la
demande du créancier oppofant , Marie, Procu-
reur, feroit tenu de repréfenter, dans huitaine»
pardevant le confeiller-rapporteur, les regiflres de
recette de défunt Chibert, & de les affirmer véri*
tables.
La jurifprudence , confirmée par cet arrêt, a
été érigée en règlement par un autre du 28 mars
1692 : « Les Procureurs ( porte celui-ci) feront
» tenus d'avoir des regiflres en bonne forme , d'y
» écrire toutes les fommes qu'ils rcçoivem^ de leurs
» parties ou par leur ordre , de les repréfenter Si.
w affirmer véritables , toutes les fois qu ils en fe-
i> ront requis ; à peine contre cenx qui n'auront
n point de regiflres , ou qui refuferont de les re-
" préfenter & affirmer véritables , d'être déclarés
>» non-recevables en leurs demandes & préten-
» lions de leurs frais , falaires & vacations >».
Il exifte deux arrêts femblables du parlement de
Bretagne : le premier , du 15 février 1683 ; & le
fécond, du 19 juin 1698. Ils font rapportés par Sau-
vageau , dans fes obfervations fur la coutume de
cette province, tom. i , art. 102.
Le parlement de Rouen a pareillement adopté,;
par un arrêt du iç décembre 170'î , la difpofition
précife & littérale du règlement du 18 mars
1692 ».
Le miniflère des Procureurs confifte à poftuler
pour les parties , c'eft-à-dire, à occuper pour elles;
en conféquence, ils fe conftituent pour leur partie
par un a^e qu'on appelle a£le d'occuper ; ils fe pré-
fentent au greffe pour leur partie; ils fournifTent
pour elles des exceptions, fins de non-recevoir,
défenfes , répliques & requêtes ; ils donnent copie
des pièces néceffaircs , font les fommations pour
plaider, font fignificr les quaiités, lèvent les juge;
PROCUREUR, &c.
^ens , les font fignifier ; & en général , ce font eux
qui font , entr'eux , les fignihcations , qu'on ap-
pelle expéditions de palais , ou de Procureur à Pro-
cureur,
A l'audience, le Procureur aflirtc l'avocat qui
plaide la caufe de fa partie,
L'ufage a aufTi introduit que les Procureurs peu-
vent plaider fur les demandes où il s'agit plus de
fait & de procédure que de droit.
" Dans les inftanccs & procès, ce font eux qui
mettent au greffe les produâions, qui font les
produdions nouvelles & autres écritures de leur
miniftère.
Plufieurs feigneurs hauts- jufticiors ont tenté dif-
férentes fois d'établir, qu'ils avoient le droit de
nommer les Procureurs qui doivent poftuler dans
îeurs juftices : mais on n'a écouté que ceux qui
avaient à cet égard une concelfion particulière du
roi, ou une poffeflion très ancienne , qui faifoit
préfuraer un -titre légitime. Ceft ce qui réfulte de
divers arrêts , & figulièreoieijt de trois qui ont
été rendus au parlement ds Paris le £7 mai 1758 ,
îe 16 décembre 176$, & le 11 avril 1780.
Dans l\fpèce du premier, il s'agiflbitde favoir
fi M" Trichct 5 avocat , pouvoir , en vertu de fa
iîmple matricule , faire Ips fondions de Procureur
& d'avocat à Dainmârtin, feigneurie appartenante
à M. le prince de Condé»
Le iei?,neur & les Procureurs du lieu confcn*
toiem qu'jl y exeri,^r fon minifière d'avocat , mais
•ih pr^'cndoient nu'il ne pouvoit y faire les fonc-
tions de Procureur , fans avoir obtenu des provi-
sions comme ctlies que M. le prince de Condé leur
avoit accordées.
L'avocat général , qui parla dans cette affaire ,
obferva que, dans h thefe générale , les avocats
leçus au parlement pouyoie.ijt exercer leur minif-
tère, & en même temps poftuler dans les juftices
feîgneuriales ; mais il établit que cet ufage ne s'ap-
pliquoit point aux juftices dans lefquelTes les feî-
fneurs avoient le droit d'inftituer des Procureurs.
I comme il paroiflôit que les feigneurs deDam-
»iartin étoient en poffeflion depuis deux fiècles ,
éç donner des provifions aux Procureurs, comme
aux autres officiers de la juftice , la cour, par l'arrêt
cité du 27 mai 1758, débouta M* Tricher de fa
yrétention à être admis à poftuler à Dammartin ,
fauf à lui à y exercer fon miniftére d'avocat.
Dans refpèce de l'arrêt du 16 décembre 1768,
le parlement infirma nne fentence , par laquelle il
étoit ordonné qu'un Procureur quivouloit poftuler
dans la juftice dunfeigneur, fe retireroit parde-
vers le feigneur , pour obtenir de lui les provifions
néceffaires pour cet effet, & l'arrêt odonna que le
Procureur feroit autoriféà poftuler dans cette juf-
tice , information préalablement faite de fes vie ,
mœurs & capacités
Dans l'efpete du troifième , il fut jugé en faveur
de M^ Bourlant , Procureur à la fénéchauffée de
Curai j contre le baron de Sommiers , que ce Pro-
PROCUREUR,&c. 71$
curetir pouvoit poftuler dans la U'ftîce c'e Scir.«
mière , fans être obligé de demander , pour cet
effet, aucune permiflion.
Les Procureurs ne font garans de la validité de
leur procédure , que dans les décrets feulement ,
& cette garantie ne dure que dix ans.
Dans les autres matières, s'ils excèdent leur pou-
voir, ils font fujets au défaveu.
Ainfi , quoique le Procureur chargé d'un exploit
puiffe faire, au nom de la partie pour laquelle il
occupe , toutes les procé«Iures qui conviennent à
la demande formée par cet exploit , il ne doit pas ,
fans un pouvoir particulier, former de nouvcll.s
demandes , ni augmenter , ai diminuei celle qui
eft portée par le même exploit ; autrement il pour-
roit être défavoué.
Il en feroit de même , (î, fans un pouvoir fpé-
cial , il intervcnoit dans une affaire , s'il prenoit le
fait & caufe de quelqu'un , s'il faifoit des offres »
s'il dontîoit un confentement préjudiciable à fa
partie , s'il s'infcrivoit en faux, s'il paffoit un com-
promis , s'il interjetoit un appel,' s'il prenoit des
lettres de rcfcifion contre un aâe , &c.
Lorfquun Procureur fait quelque procédure
contraire aux ordonnances & réglemens , on la
déclare nulle , fans aucune répétition contre fa
partie.
Un Procureur eft obligé d'occuper pour fa partie
juf4u'à ce qu'il foit révoqué. Cette révocation peut
avoir lieu toutes les feis qu'une partie le juge à
propoSo Mais la partie qui révoque fon Procureur
doit non-fculcment en conftitucr un autre , il faut
encore qu'elle notifie la révocation de l'ancien &
la conftitution du nouveau aux parties adverfes ,
finon, tout ce que ces dernières (ignifieroient au
Procureur réyoqué feroit valable.
Quand une partie vient à décéder , le pouvoir
de fon procureur eft fini; il lui faut un nouveau
pouvoir des héritiers , pour reprendre & occuper,
pour eux.
Lorfque c'eft îe Procureur qui décède pendant
le cours de la conteftation , on aflîgne la partie en
conftitution de nouveau Procureur.
* Le ç août 1784 , il a été arrêté au parlement
de Flandres , les chambres affemblées , qu'un Pro«
çureur qui a fait afligner des témoins à la requête
de fa partie , eft tenu en fon nom de payer les fa-
laires que le commiffaire-enquêteur leur a taxés »
parce qu'il a dû , ayant de les faire afligner , fe faire
donner, par fon client , les f6n4s néceffairçs pouc
acqîiiter leurs voyages *<.
Un Procureur a-t-il hypothèque pour fes frais i
fal?ires , débourfés , vacations , &c. du jour de la
procuration qui lui a été donnée , ou feulement du
jour qu'ils ont été liquidés ? Cette queftion s'eft
préfentée au parlement de Paris dans l'efpéce fui-
vante ;
M^ Maupaft avoît été Procureur de M. le duc de
Gefvres , fie avoit occupé pour lui dans toutes fes
affaires. La date de la procuration donnée à M";
X X X X Ij
7ï«? PROCUREUR, ôrc;
MaiipaH: , eft de 1716'. M^ Maupaft a formé, eh
1739, ""^ demande en payement de Tes frais,
avances & falaires , contre M. le duc de Gefvres.
Un arrêt de 1741 a liquidé fes créances à la femme
de trois mi!!e & quelques cents livres, & a con-
damné M. le Duc au payement du montant de
cette fommc. A M*" Maupafta fuccédé M' Ravifi ,
qui , nonobflant l'arrêt de 1741 , n'a pas été payé :
il y a eu un ordre de créanciers ; le Procureur a
été colloque dans l'ordre des créanciers en 1759.
Cependant M^ Ravifi , oncle, n'étoit pas encore
payé du montant de fes créances , lorfqu'il eft dé-
cédé. A fa mort , M" Ravifi , neveu , légataire uni-
verfel de Ton oncle , ayant trouvé cette créance
dans fa fucceffion , s'elî pourvu contre M. le duc
de Gefvres fils, & les créanciers de M.fonpére,
pour obtenir le payement de fa créance. Alors s'eft
élevée entr'euxla queftion de favoir , à quelle date
devoit remonter l'hypothèque du Procureur pour
le rembourfement de fes avances ; fi c'ctoit à celle
du jour de la procuration qui lui avoit été donnée ,
ou à celle du jour de l'arrêt de liquidation du mon
tant de fes avances , frais & vacations,
M" Ravifi , défendu par M. Hutteau , a foutenu
que l'hypothèque devoit remonter à la date de la
procuration; il a cité, à lappui de fa préteiuion, trois
arrêts qui l'ont ainfi jugé ', un de U troifùme chatnbrt
des enqiiiies, rendu, confultïs clajjlbus en 1672;
Vautre , du 14 mars 1750 ; «S» le dernier , de iT'^g.
Les créanciers de feu M. le duc de Gefvres ,
«îéfendiis par M. Scionnet , & M. le duc de G.:f-
vres fils , défendu par M. Doulcet, ont préten-
du que l'hypothèque ne pouvoit avoir lieu que du
jour delà demande, ou de la condamnation ob-
tenue ; qu'il étoit ridicule de la faire remonter plus
haut, n'ayant pas d'objet avant les frais faits,
dont on a demandé le payement , & obtenu la con-
damnation.
On a répliqué pour M* Ravifi , en citant
l'exemple du pupille qui a hypothèque fur les
biens de fon tuteur , du jour de l'acceptation de
la tutelle , pour les fommes dont le tuteur peut
être redevable , au moment de la reddition de
fon compte.
Sur ces plaidoiries contradiâoires eft intervenu
arrêt le 5 février 1782, qui a ordonné que les
parties de M"" Scionnet feroient tenues d'employer
& coUoquer la partie de M"" Hutteau ( Ar Ravifi )
dans l'ordre & contribution des créanciers de feu
M. le duc de Gefvres, gouverneur de Paris, à
l'hypothèque du 23 mai 1716 , date de la procura-
tion générale , & ce pour toutes les fommes en
principal , intérêts , frais & mifes d'exécution , dus
à la partie de M^ Hutteau , tant pour vacations &
deniers débourfés , que pour frais 6c falaires , & a
condamné les parties de M" Scionnet aux dépens
envers celle de M* Hutteau ; ceux faits entre les
parties de M*" Scionnet 6c de M*" Doulcet , com-
penfés.
Lorfqu'Hne partie obtient une cendaranation
PROCUREUR, &c;
de dépens que le Procureur a avancés, il peut en de*
mander la diftraélion , & , dans ce cas , les dépens
ont la même hypothèque que le titre.
Suivant la jurifprudence du parlement de Paris,"
il eft' défendu aux Procureurs de retenir les titres
& pièces des parties , fous prétexte de défaut de
payement de leurs frais & falaires ; mais on ne
peut les obliger de rendre les procédures, qu'-'s
ne foient entièrement payés.
La déclaration du 11 décembre 1597, porte,
que les Procureurs , leurs veuves & héritiers ne
pourront être pourfuivis ni recherchés , direfte-
ment ni indireflement , pour la reftitution des facs
6i pièces dont ils fe trouveront chargés cinq ans
avant l'a^lion intentée contr'eux, lefquels cinq ^ns
paffés , l'avion demeurera nulle , éteinte , & pref-
crite ; l'arrêt d'enregiftrement du 15 mars 1603,
porte, qu'ils feront pareillement déchargés, au
bout de dix ans , des procès indécis & non jugés ,
de ceux qui font jugés au bout de cinq ans , 8i lUe
leurs veuves ou autres ayant droit d'eux feront dé-
charges au bout de cinq ans , après le décès des
Procureurs, des pro' es , tant jugés qu'indécis.
Les procédures qui font dans l'étude a'un Pro-
cureur , forment ce qu'on appelle fa pratique ; c'eft
un effi;t mobilier que les Procureurs , leurs veuves
Si héritiers , peuvent , de droit commun , vendre
avec l'office ou féparément.
* M.\is il en eft au rement au parlement de Paris.
Les abus qui sintroduifoient depuis quelques an-
nées dans la vente des offices & pratiques des Pro-
cureurs, ont do^'nélieu, en 1763 , à une délibé-
ration de la communauté , dans laquelle il a été
arrcré, 1°. que les objets que les Procureurs ou
l-jurs héritiers voudroicnt mettre en réferve, feront
eftimés comme le ref!e de la pratique . & ne pour-
ront être vendus au deffous de l'eftimatioir, %°. que
les Procureurs, afluellement en titre, ne pourroient
acquérir un fécond office pour le revendre.
Cette délibération ayant été ptéfentée à la cour
pour y être homologuée , il eft intervenu le 10 juin
1763 , arrêt qui l'homologue ; « & faifant droit fur
» les conchfions de M. le Procureur général du
" roi . ordonne que les procureurs , aéluellemcnt
» en titre , ne pourront vendre ni acquérir, foit le
» titre , foit la pratique d'aucun de leurs confrères ,
'» conjointement ni féparément , même fous le
" prétexte de revendre le titre ou la pratique :
») comme auffi que les Procureurs , actuellement
» en titre , ne pourront vendre ni donner , ou au-
3) trement difpofer de leurs pratiques ou de partie
» d'icelles en faveur de quelques perfonnes , les
« acquérir féparément du titre defdits offices , le
» tout fous peine de nullité des contrats. Ordonne
» pareillement qu'en cas de décès d'un Ptecurcur
» à la cour , fes veuve , enfans , héritiers , ou
» ayans-caufe, ne pourront vendre les titres des
j» offices ni les pratiques , féparément l'un de l'au*
>» tre , fous pareille peine de nullité des contrats :
n à l'effet de quoi , audit cas de décès d'un Procu-
P R O C U R E U R , &c.
i> reur à la cour , (on fucceffeur à l'office ne
»» pourra être reçu , & les procureurs à la cour
>» ne pourront lui donner Vadmittatur ^ qu'il n'ait
» juAifié de fon contrat d acquifition , & qu'il n'ap-
»> paroiffe par icelui que le titre de l'ofRce & la pra-
» tique, fans rèfervc ni exception quelconques,
» ont été vendus conjointement & à la même per-
» Jonnt. Ordonne pareillement qu'en cas de vente
» defdits offices fur faifie-réellc , le Procureur qui
» fera dépolTé é ne pourra vendre ni difpofer de
» tout, ni de par:ic de fa pratique, en d'autres
»' mains qu'en celles de l'adjudicataire , 6c ce , fur
» le pied que l'eftimation en fera ou en aura été
» faite par les Procureurs de communauté : or-
» donne qu'en cas de contravention au préfent
» arrêt , les Procureurs de communauté feront te-
* nus d'tn donner avis au Procureur gênerai du
» roi , pour par lui fe pourvoira la cour, & faire
»> prononcer la nullité des contrats , & être , en
»» outre, les contraiflans condamnés à telle arnen-
» de ou telle autre peine qu'il appartiendra. Or-
" donne que l'arrêt fera imprimé, lu & publié; ^ ;
» a cnjoiru aux Procureurs de communauté , ainfi
» qu'aux officiers de la Bazoche , de veiller à ce
» qu'il n'y foit contrevenu " *.
Les Procureurs ne peuvent être cautions pour
leurs parties; ils ne peuvent prendre le bail judi-
ciare,, ni fc rendre aijudicataire des biens dont
ils pourfuivent le dccet , a moins qu'ils ne (aient
créanciers de leur c'if , & pourfuivans en leur
nom , fuivant le règlement du parlement du 22
juillet 1690.
Quand \in Procureur fe trouve en même- temps
chargé de d- fendre ks intérêts du mari & de la
femme , il ne doit p is faire une double procédure ,
ni agir pour chacun d'eux féparément. Le parle-
ment de Paris l'a aiufijugé par arrêt dn 23 o^lobre
i7^4- - ,, .
Suivant l'édit des criées de 155 i , les enchères
des biens dont on pourfuit l'adjudication en juflice ,
ne peuvent fe faire que par le miniftére des Procu-
reurs. Voyir\ ce qut noui avons dit Jur cet objet à
V article ENCHERE.
On a prétendu que les Procureurs étoient inca
pables de recevoir des donations univerfelles de
la part de leurs cliens, durant le cours d'un procès ;
mais il y a des exemples que de telles libéralités
ont été confirmées : ainfi la validité des legs ou
donations de cette efpécc dépend des circonftances
qui peuvent écarter les foupçons de fuggeftion.
Ily a à cefujet un arrêt famt^ux du 22 juin 1700 ,
qui confirma un legs univerfel , valant plus de
cinquante mille écus, que la dame Buat avoir fait
par un reflame-t olographe , trois ans avant fa mort,
à M^ François Pilon, fon Procureur au châtelet.
Après la prononciation de l'arrêt , M. le premier
prédident du Harlay dit, que la cour avertiffoit le
barreau , qu'en confirmant la difpofjtion faite au
profit de Pilon , elle n'entendoir pomt autorifer les
donations faites au profit de perfonaes qui ont l'ad-
PROCUREUR, ^0 717
minlftratlon des affaires d'autrui ; que la dêcifion
de ces caufes dépendoit des circonftances du fait ;
que ce qui avoir déterminé la cour, dans l'efpêce
particulière , à confirmer le legs , étoit la probité &
le défintéreflement de François Pilon , reconnus
dans le public.
Quelques auteurs ont prétendu que la profef-
fion de Procureur dérogeoit à la nobleli'e : mais
cette opinion n'eft tout au plus fondée qu'à l'égard
des Procureurs des fiéges inférieurs ; quant aux
Procureurs des cours iouveraines, nos meilleurs
auteurs font d'avis qu'ils ne dérogent pas, C'eilainfi
que l'ont penfé Balde , Budée , Tiraqueau, Pithou ,
Guy pape , la Rocheflavin , Zypœus , Chriftin ,
Deghewiet, &c.
Il y a même une déclaration du 6 feptembre
1 500, obtenue par les Procureurs de la chambre des
comptes de Paris , qui porte qu'ils ne dérogent
point à la ncble/Te.
C'efl auffi ce qui rêfulte de divers arrêts que lesf
parleraens de Touloufe , de Bordeaux & de Bre-
tagne ont rendus en faveur de plufieurs Procu-
reurs exerçant dans ces cours.
Par arrêt rendu au confeil d'état du roi le i ç mai
Ï764, fa majefté a déclaré que les fonds que les
comptables étoient dans l'ufage de remettre à leurs
Procureurs des comptes pour acquitter leurs dé- ,
bets , ne feroicnt à l'avenir regardés que comme
un dépôt de confiance , pour raifon duquel ces
comptables ne pourroient acquérir leur libération ,
ni aucun privilège ou hypotlièque pour la refti-
tution , dans le cas où les mêmes Procureurs n'au-
roient pas porté ces fonds au tréfor royal , & fe-
roient devenus infolvables.
PROCUREUR DU ROL C'eft un officier qui
remplit les fondions du miuiilère public dans
une juftice royale, telle qu'un bailliage, une pré-
voie , OLQ.
L'établiffement des Procureurs du rot eft fore
ancien : il y en avoit dès le treizième fiécle, com-
me le prouvent les regiflres du parlement.
En entrant en charge , ils dévoient prêter fer-
jnent de <aire juiiice aux grands & aux petits , ik à
toutes fortes de per.onnes de quelque condition
qu'elles fuîlent , & (ans aucune exception ; qu'ils
conierveroient le*» droits du roi, fans faire préju-
dice à perfonne; enfin, qu'ils ne recevroient ni or
ni argent, ni aucun autre don , quel qu'il fijt,finoa
des chofes à manger ou i boire ,6i en petite quan-
tité ; de manière que , fans excès , tout pût être con«
fommé en un jour.
A chaque caufe qu'ils pourfuivoienr , ils dé-
voient prêter le ferment , appelé , en droit , c4-
lumnite.
Lorfqu'ils prenoientdes fubilituts , c'êtoit à leurs
dépens.
Ils ne pouvoienr pas orcuper p'nir les parties,
à moins que ce ne {m }^o\\x leurs jr^rcns.
Philippe V . par (on ordonnance du 18 juillet
13 18, fupprima tous les Procureurs du roi , à !'»•
7i8 PROCUREUR, &:c:
ception de ceux des pays de droit écrit ; & il or-
donna que, dans le pays coutumier , les baillis
foutiendroient fes caufes par l>on conjeil quils pren-
draient.
Le Procureur du roi ne devoir faire aucune pour-
fuite pour déltis & crimes , qu'il n'y eût informa-
tion & fentence du juge.
Il ne pouvoir pas non plus fe rendre partie dans
quelque caufe que ce fût, à moins qu'il ne lui fût
ordonné par le juge en jugement , & parties
ouïes.
Les Procureurs du roi qui quittoient leur char-
ge , étoient tenus de refter cinquante jours , depuis
leur démifïïon , dans le lieu où ils exerçoient leurs
foiiâions , pour répondre aux plaintes qu'on pou-
voir faire contr'eux.
Il y a préfentement des Procureurs du roi, non-
feulement dans tous les fiégcs royaux ordinaires ,
mais aufiTi dans tous les fiéges royaux d'attribution
ik de privilège.
Ils font fubordonnés au Procureur général de la
cour fiipérieure à laquelle reflbrtit le tribunal où
ils font établis; c'eft pourquoi, quand on parle
d'eux dans cette cour , on ne les qualifie que de
iubftitus du Procureur général , quoique la plupart
d'entr'eux aient eux-mêmes des fubftituts ; mais ,
rians leurs fiéges , ils doivent être qualifiés de Pro-
cureurs du roi.
Nous allons rapporter les principales difpofi-
tions des ordonnances & réglemens relatifs aux
fonâions & aux obligations des Procureurs du
roi (i).
(j) La Lorraioi a fur cette matière une loi particulière dans
V ordonnance du duc Léopold, du mois de novembre J707, Le
titre qui concerne les Procureurs du roi contient les difpojitions
Juivnntes :
Article i. Nos Procureurs porteront la parole pour nous
es audiences , & concluront es procès èfquels bous aurens
intérêt , ou les communautés , corps de métiers , les mineurs ,
ou le public.
2, Il en fera de même en matière de différends d'officiers
de jufticc , pour leurs droits &c fondions ; comme auflî pour
îes préféaaces , privilèges de noblefle , franchifes , & tout ce
qui peut concerner la police, l'ordre public, &: l'état des
pcrfonnes.
5. Ils auront droit pareillement de conclure «n toutes
affaires cfquelles il s'agira de l'entérinement de lettres de
nous obtenues, foit qu'elles foient principales, foit inciden-
tes, à l'exception de celles qui feront fondées feulement
fur dol réel entre majeurs , pour léfiea d'outre moitié de
jufte prix.
4. Les déclinatoires , demandes en renvois , appels d'in-
compétence , conHits &: différends de juridiûion, ne pour-
ront être jugés fans leurs conclufions , qui feront auffi nécef-
fairesfur les requccesà findeparearij.
5. Ils auront auffî communication de» procès concernant
les fucceltoni vacantes & abandonnées , pour y conferver
notre droit, encore qu'elles foîent défendues par les cura-
teur; en [icre , ou autres à ce commis.
6. Les off.ciers ne pourront être reçus , C leurs provîlîcns ,
difpenfes , certificats , &: autres titres, ne font communi-
qués à nos Procureurs, pour y donner des conclufions, foit
fiéparatoires, fois définitives.
PROCUREUR, «rc*
Ces officiers font tenus de veiller à l'obfervatîori
des loix & ordonnances du royaume. Ils adreffent
-.Nos Procureurs feront parties neceffaires dan. tous le*
ptaces de gtand criminel , qui ne pojtfont s'inlltuire qu'à
leurrcquête.oubien à leur adioaition, s il y a p.ntic ci-
vile. Hen fera de même des attaires d'injures, lorfqu'elles
ferotit atioces , & des excès &c voies de fait , iorf .u'ils leiont
qualifiés & qu'il y aura rapport de chirurgiens , lequel leur
fera mis eatre les mains , li c'eil pour plaider à l'audience
finon fera joint au procès, *
8. Ordonnons que coui les procès , même inftruits au petit
criminel , èfquels le délit ieta difppfé à quelque amende
excédaat l'amende coutumière de plainte , ou même à con-
damnation d'aumône , leur feront communiqués , pojr y
donner leurs conclufions ; mais Ci les procès fonr civiJifts ils
pourront être juges f^ns conclufions.
5. La taxe de nos Procureurs es commiflions fera toujours
réduite aux trois quarts de celle du commiffaiie , de quelque
qualité qu'il foit , es commiflions qui feront faites à la c:m.
pagne ; & aux deux tiers, es cemmitfions en vil'e 5 à charte
titanmoins que latfqu il y aura partie civile èfdites comiûif.
lions en ville , comme informations , récollemens & cen^
frontations , ils auront feulement le droit de leurs conclu-
lions au bas de chacun acie ou procès-verbal auquel il$ m^
ront conclu, à raifoii du tierj des épices , s'il intervient ju-
gement; finon à raifbn d'un franc pour chaque conclulion es
bailliages , huit gros es prévôtés & juftices inférieures.
I a. Ils nç pourront aflifter aux vues ni defcentes de lieux '
ni es enquêtes faites à la campagne , mêmç es affaites èfquelle»
les mineurs ou les communautés auront intérêt , lorfque les
uns ôcles autres feront défendus, à moins que l'une & l'autre
des parties n'y confeuteat par éctir , fans préjudice néani
moins de celles èfquelles il s'agira de la confervation de notre
domaine , ou d'un abornement de finages entre deux ou plu«
fieats communautés voifines.
II. Nos Pfocurcurs n'auront aucune cofnmunication des
demandes intentées en réparation de trouble , & au poflef-
foire purement civil entre perfonne» non privilégiées ; Se
dans les affaires de communaurés portées à l'audience, èfquel»
les ils ont droit de condute , ils ne pourront prendre un don*
ble droit de conclufions , ni ptendte aulTi aucun droit de conv
feil i pour quelques affaires que ce foit.
II. Ils ne pourront taxer aucunes aniendes ; mais la taxe
en fera faite à leur réquifitlon par les juges.
Ij. EnjoignoDsànos Procureurs dans les bailliages , qui
ont dtoit déjuger les affaires de gturie , de faire toutes ré^
quifitions péceffaites pour maintenir l'prdre des juridiûionst
& revendiquer les caufes de jufiice ordinaire, qui pourroienr
être portées en grutie, ic réciproquement fani aucune faveuc
ni connivence , à peine d'en répondre en leur propre 6C
privé nom.
14. Laiffons à la prudence de nos juges d'ordonner la
communication à nos Procureurs, des caufes qui csncetnene
qijelque point de coutume itrportant, fur-tout es matières de
teftament , retrait lignagcr , ou autres femblables , même eii-
tre majeurs.
i;. Les avocats fetont tenus de ccmmuniquer à nos Pre*-
cureurs les caufes fujettes à communication , vi|igt-quatte
heures au moins avant l'audience , Se leur mettre les pièces
entre les maiu: , pour en faire leurs extraits.
16. Nos Precureurs 9e pourront être intetrompus en plai<
dant , ni les affaires appointées lorfqu'ils feront en état d'y
parler , finon après avoir été entendus , s'ils le requièrent.
17. Les greffiers feroHt tenus de faire mention , en rédi-»
géant les fentences , des réquifiiions que nos Precureurs
trouveront à propos de faire pour notre intérêt ou celui i\\
public , foit que nos juge; y faffent droit ou non,
iS. Nos Procureurs es petits bailliages & fièges bailli^geri
jouiront de la faculté de poltulet poui Icîf artiçs , mais n'jiij
PROCUREUR, &c.
chaque nouvelle loi aux fiéges de leur reùoit»
pour qu'elle y ibit lue & publiée j 6c les Procu-
f oat voix délibéraclve es afifairc* où nous n'aurons aucun in-
térêt , (Inon dans les (irgcsoù l'accribution de la voix délibé-
racivc leur aura ccé faicedancicnnecc, ou parl'édit de créa
tion desotHces , â-cbaige, en ce cas , de ne pouvoir polluler ;
ifqueli lîégei il* prendront tang comme auparavant , (i aucun
ils ont eu , quand ils voudront faite fondion de juges , (Inon
du jour de leur réception ■, 6c à charge qu'ils n'auionc aucune
part dans les droici d'aiidicoce , ijuand même ils y aiïîite-
ront comme juges.
19 Ili ne pourroKC moater et Héges des juges, &.' dcfcen
ite i leur place ordinaire en la même audience, pour éviter
l'indécence ;& feront néanmoins appelés par les juges, en
cai de contrariété d'avis , préférablement aux avocats ic pra
«iciens du liège , ht affaires èrquclies ils ne prendront aucun
laterct.
20 Ils auront un lîége réparé au pied des ju^es , dans le
f arquet ou à côté , félon la difpolîtion du lieu.
ftio lUauron; un cegiilre en bonne forme , pour recevoir
les dénonciations de partie*, qui feront circonitanciccs &
fi^néet.
2t.. Ils ne feront tenus d'attendre des dénonciateurs pour
faire punit les criiuet , quand les prévenus feront arrêtes en
âagcaat délit ou à la clameur publique, ou quand il y auia
évidente famé ou tenommée»
i). Ne pourront compofer avecles accufés avant ou apiès
i'aecufatien , â peine de conculfion.
24. Ils feront tenus d'en voxef de fix. mois en Q.x mois, à
notre Procureur général ea notre cour fouveraine , un éiac
des procédures criminelles qui feront pendantes en leur fiége ,
en y exprimant le titre de l'accufation , &: les procédures qui
auront été faites pour l'inllruéi^ion.
iç. En cas d'abfence, maladie ; ou légitime empêchement,
leurs fondions feront fupplées par le plus ancien avocat du
fiége, i l'exception des lieux où il y aura un fubltitut en
titre d'office.
1^. Ils auront droit d'aflîfter aux afTemUlées de police &:
aux délibérations des hotels-dc-ville du liet] de leur établi!-
fcisent, avec place honorable , ic feront toutes réquifuions
néceffaires pour le bien de notre fervice fie celui du public ,
fans rien innorer en la forme établie à cet égard en notre
ville de Nancy.
17. Ils auront droit de faire les tuteles , curatelle? , éman-
cipations , inventaire de bien de mineurs , & autres fondions
pareilles, dans les lieux où les cbuiumes leur défèrent cette
prérogative ; à charge qu'ils fe fervitont du miiiiltére des
greffiers ordinaires, qui feront obligés de tenir des regiftrcs
des affaire» tutélaire» , fcparés des autres matières.
28 Déclarons Je règlement fait le ai décembre Itf j j , pour
J'exercice de juridiâion tutélaire au bailliage de Nancy , com-
mun pour toii% les lièges cfquels nos Procureurs ou ceux des
feigneurs jouifFent de cette prctogative ; 6c en conftquence ,
ne pourront ouïr le» comptes de tutclc , fauf à y aflîfter
feulement, ni faire faire pardevant eux les décrets des biens
des mineuts , lefquds feront faits de l'autorité des juges.
19. Ils appoferoi t le fcelléè» maifons mortuaires, incon-
tinent après la mort de» perfonnes décédées , quand il y aura
des enfans mineur» , loifque le» futvivans n'emporteront
point tous les meuble» , (oit en vertu de la coutume , foit en
vertu du conitat de mariage qui aura été paifé ; &: requerront
feulement cette appofition èi lieux où il n'y aura que des hé-
litiers prcfomptifs , majeurs & abfens , de même qu'es cas
d'aubaine, de déshérence, main-morte ,bâtaidife, &i autres
droirs de pareille nature.
30. Les fondtions cideflii» feront exercées par nos Procu-
teurs es bailliages , fur le» biens des perfonnes feulement qui
7 font )ufticiabTe» en première inftance ; & Je même droit
«pf artiiBdtii 4yx fubftilUH de nos piévôt» li Procuieurs d'of-
PROCUREUR, &c. 719
teurs fifcaux de ces fièges doivent certifier les Pro'
cureurs du roi de cette ledtiiie & publication. C'eii
ce qui rélulte de divers réglemens , & particulière-
ment d'un arrêt du 22 juillet 1752.
L'article 5 de l'ordonnance de Moulins veut que
les Procureurs du roi faflent , chaque année , un
état des ordonnances mal obfervées , & qu'ils l'en-
voient aux Procureurs généraux des parlemens ,
avec le détail des caufes de cette négligence, afia
qu'il y foit remédié.
Suivant les ordonnances de Moulins & deBlois,
les Procureurs du roi font obligés de veiller à la
Confervation du domaine & des droits de fa ma-
jefté, & d'empêcher qu'il ne foit fait d'autres levées
tîce des feigneurs, chacun à leur égard, fur les biens des
perfonnes qui font foumifes à leurs juiididions.
ji. Dans les lièges où nos Procureurs exercent la juridic-
tion tutélaire, loriqu'il s'agira de faire inventaire des biens
de uiiiieurs , en cas de décès des pères ou mères,- fi le furvi-
vant excipe qu'il n'y a point d inventaire à faire , foit à caufe
de la difpoluion de la coutume , attributive des meubles au
furvivant , foit par les conventions du contrat de mariage ,
donation, ou autie titre authentique qui fera repréfenté; il
en lera dteffé un procès-verbal fomma:re , pour lequel ils
pourront fe taxer un droit modique ; après quoi ils fe retire-
tont fans faire inventaire. Ce que nous déclarons commun
pour les juges mêmes, lorfqu'il leur fera repréfenté des Pro-
curaiiuns en bonne forme des héiitiers ablens majeurs , pour
inventorier Se partager les effets à l'amiable.
}i. Les appellations des adts & otdonnances de nos Pro-
cureur» en fait de jurididion tutélaite , feront portées & re-
levées en notre cour fouveraine ; & celles des fublHruts de»
prévôtés & judiccs feigneuriales feront relevées en nos htU-
liages & fieges bailliagers.
}}• Lorfqu'cn cas d'abfence , maladie , ou légitime empê-
chement de nos Procureurs, leurs fondions feront fuppléée»
par le plus ancien avocat du liège, il fera tenu de leur re-
partager la moitié des émolumens en provenant , pourvu que
lefdites fondions foienr faites en ville & dans rétabliffement
du liège; mais hors d'icciui , le tout appartiendra à l'ancien
avocat.
34. Les înftaBccs &: procès qui devront être communiqué»
à nos Procureur» , leur feront mis es mains par le greffier,
aufli-tôt qu'ils feront en état , pour y donner leurs conclulion»
dans trois jours au plus tard , & les reiiietcre enfuite au greffe,
en le failant déchatger fur le regilhe ; & li les greffiers y
avoient manqué , les rapporteurs fer«int tenus de le faire.
Détendons a nos juges de juger aucuns procès de cette qua-
lité fans condufions de nos Procureurs , d peine d'en réoon»
dre en leur pur & privé nom , même de nullité s'il échct
en certains cas , ic de tous dépens , dommages & intérêts.
5 ç. Ils tiendront la main à ce que toutes nos ordonnance»
foient gardées &: exécutées , publiées & regiflrées où befoin
fera. A l'eflet de quoi ils feront tenus de les envoyer dans le»
prévôtés, ainfi que les réglemens de nos compagnies fouve-
raines, & fe faire rendre compte par les fubllituts des prévô-
tés , de TenregirtrerHent & publication qu'ils en auront fait
faire , dont fera envoyé ade de publication ^ ce qu'ils feront
auffi de leur part à l'égard de nos Procureurs généraux.
36. Toutes expéditions de juftice fe feront gratuitement
&: fans frais , foit en première inlîance , foit en caufe d'ap»
pel, foit es affaires civiles ou criminelles, pour nos Procu-
reur» , lorfqu'ils agiront d'office ; à charge néanmoins que
s'ils obtiennent condamnation de dépens, ils feront toute»
diligences pour les tecouvrer fur les parties condamnées , fie
payeronr, en cas de recouvreiacnt , le» frais defdites expédia
lions , dvnt ils fctoat tenu» de rcndie cvnaptc j j'il écbet.
7io PROCUREUR, &c.
de deniers , que celles qui font autorifées par des
édiis on ordonnances du roi.
Ils doivent , conformément à Tédit du mois de
juin 1666 , empêcher qu'il ne fe faffe des aiTeni-
blécs illicites , ni aucun établiflcment de congréga-
tion , communauté ou confrairie , fans lettres-pa-
tentes du roi dûment vérifiées.
Ils font tenus de veiller à l'exécution des ordon-
nances concernant la difcipline du palais. C'eft
pourquoi leurs conclufions font néceffaires lorfque
les juges veulent ordonner quelque chofe au fujct
de cette difcipline, ou changer l'ordre & l'heure
des audiences. C'eft ce qui réfulte de deux arrêts
des premier février 1694 6c 22 juillet 1752.
S'il arrive que quelques officiers dufiège s'écar-
tent de leur devoir , le Procureur du roi doit les
exhorter, avec prudence & ménagement , d'y ren«
trer; & fi fes remontrances ne produifent aucun
effet, il doit informer k Procureur général, pour
<|u'il y pourvoie.
L'article 14 du titre 24 de l'ordonnance du mois
de novembre 1667, charge les Procureurs du roi
d'avertir les Procureurs généraux , des contraven-
tions qu'un juge peut commettre contre les difpo-
fitions relatives aux follicitations auxquelles il eft
autorifé dans les procès que lui ou fes parcns peu-
vent avoir dans la juridiâion où il eft atraché.
Les Procureurs du roi ne peuvent aflifter à la
vifite ni au jugement d'aucun procès , foit civil
ou criminel ; mais ils ont le droit d'entrer , quand
ils jugent à propos , à la chambre du confeil , pour
y faire les remontrances & les réquifitions qu'exige
leur minirtére; & après que leurs concluions font
prifes , ils doivent fe retirer, pour qu'il en foit
délibéré par la compagnie. Cela eft ainfi ordonné
par différentes lois ; telles que les ordonnances de
juillet 1493 , novembre 1507, OiSîobre 1535 ; l'^^it
«le mars 1551 ; l'ordonnance du mois d'août 1670 ;
l'édit de février 1705 , & le règlement du 22 juillet
1752, rendu pour Tours, dont l'article 7 porte ,
que dans le cas oïi la préfence des gens du roi
fera néce/Taire , celui qui préfidera fera tenu de
leur donner audience, & le greffier d'écrire les
réquifitions & remontrances qu'ils feront , foit à
la charnbre du confeil , foit aux audiences , ou
ailleurs.
L'article 8 du même règlement veut que, confor-
mément à l'ufage , les gens du roi faffent leurs ré-
quifitions à la chambre du confeil, debout , der-
rière le barreau , «linfi qu'ils le font à l'audience.
Suivant l'ordonnance d'Orléans , le Procureur
du roi eft tenu de s'informer exaétement des vie &
mœurs des officiers qui doivent être rt^Çus , & ad-
miniftrer les témoins néceffaires à cet effet.
Il doit pareillement veiller à ce qu'il ne foit
teçu aucun avocat qui n'ait pas rempli les for-
malités prefcrites par la déclaration du 3 avril
1710.
Le Procureur du roi eft obligé de tenir différens
regiftres : dans l'un , il doit enregiftrcr les caufes
PROCUREUR, &c:
qui concernent l'intérêt du roi , ou celui du public;
ou les droits de la juridi'flion à laquelle il eft at-
taché.
Dans un autre , doivent être enregiftrées les
caufes criminelles.
Dans un autre , les dénonciations ; & dans un
autre , les conclufions concernant les affaires qui
lui ont été communiquées.
Toutes les caufes qui peuvent être pourfuivies
à la requête du Procureur du roi , doivent lui erre
communiquées, lorsqu'elles font pourfuivies à I4
requête d'une partie civile.
On doit pareillement lui communiquer toutes les
caufes qui peuvent intéreiïer le roi , l'égtife ou le'
public , & celle où il s'agit de l'obfervation des or-
donnances ou de l'interprétation d'une coutume»
C'eft ce qui réfulte d'un grand nombre de régle-
mens , tels que les arrêts rendus au parlement de
Paris les 28 mars 1557, 18 juillet i6.;8 , 23 juin
1649 ' ^ 7 f^pti^iibrc ï66o ; l'édit du moii de juin
1661 ; les arrêts de la même cour des 3 fcp-
tembre 1667, i2mai 1671 , 31 août 1689, 8 juia
1714, &c.
L'arrêt de règlement du 30 juin 16^9, rendu
pour Angoulême , veut que les gens du roi aient
communication de toutes les affaires concernant le
domaine de fa majefté , le fonds des biensde l'égli-
fe , de l'œuvre 6c fabrique des paroifTes ; les répara-
tions des églifes ; les droits honorifiques & les bancs
dans réglife ; les legs faits au profit de l'églife ,
quand il n'y a ni adminiftrateur ni marguillier qui
foit partie; les dîmes, & les droits de juftice , de
corvée & de banalité ; les réglemens relatifs aux
arts 6c métiers ou à la police, & les réceptions
d'officiers.
Le même règlement veut que l'on communique
pareillement aux gens du roi, les caufes 6c procès
où les communautés, tant laïques qu'ecclèfiafti-
ques , font parties pour raifon de la propriété de
leurs biens.
Ils doivent auffi, fuivant ce règlement, avoir
communication des affaires concernant les ent-e- ,
prifes ou ufurpatlons qui tendent à gêner le paf- -
fage fur les grands chemins royaux , & ils peuvent
bftifîer aux defcentes ôc vifiteS qui fe font à ce
fujet.
Cette loi veut encore que les affaires concernant ,
l'état des perfonnes , les (^éparations de corps d'en-
tre mari & femme , les infcriptions de faux , & les
déclinatoires foicnt communi«[uésaux gensdu roi,
6c qu'ils puiffent aftfifter , fans frais , aux baux des
domaines , ainfi qu'aux inventaires .tant des biens
des receveurs de ces domaines , qu'à ceux des mi-
neurs qui fe font par autorité de juftice avant qu'il
y ait des tuteurs ou curateurs.
L'arrêt du 22 juillet 1752, rendu pour Tours,"
porte, que les juges ne pourront faire aucun rè-
glement, en g^énéral, fans le communiquer aux gens
du roi. . ^ ,;
Les lettrés de bénéfice d'âge , d'émancipatian , •
dç
PROCUREUR, 5cc.
de bénéfice d'inventaire , de répit , de naturalité » '
de légitimation , d'anobliffement & de réhabilita-
tion , ainfi que toutes les procédures qui fe font
fur ces- lettres , doivent être communiquées tu Pro-
cureur du roi , conformément à un arrêt du parle-
ment du 7 feptembrc 1 660 , & à un édit du mois de
de juin 1661.
11 a été aulTi ordonné par divers arrêts, que
les commilîîons émanées du confeil ou des cours
fupérieures, feroient communiquées au Procureur
du roi , & enregiftrées fur fes conclufions.
Suivant l'ordonnance de Blois , les Procureurs
du roi doivent affi/Ter aux fcellés & inventaires qui
ont lieu dans les cas d'aubaine, confîfcation bâtar-
dife ou déshérence (1).
Les nominations de tuteurs & curateurs à la per-
( i ) Les receveurs du do.naine dans U province de Bretagne
tyant prccendu , contre les Procureurs du roi de cène province ,
qu'Us avaient: droit de faire faire en leur nom ,pjr tel Procu-
reur quils jugeoient à propos , les pourjuites nécejfaires en cas
d'aubaine , de bdcardife , ou de déshérence , bf quils pouv:^i;nt
faire faire la leve'e desfccUcs , l'inventaire 6* l.i vente des meu-
bles ,fitns que les Procureurs du roipuffent y ajjijler , le par-
lement de Rennes a rendu fur cette conrefiatioa , le ri avril
I7i 3 , an arrêt de règlement qui contient lis difpofitions fui-
fan tes :
Article I. Fait d^fenfes à qui que ce foit de troubler
les fubllitucs du Procureur gcnéral aux lièges royaux dans les
fondions Je leurs charges ; ce faifant , les a maintenus dans
le droit & dan? la poflellîon rie faire toutes les pourfuites né-
cefTaires dans les rucceflions échues à fa niajefté par droir
d'aubaine , hâtardife , déshérence , &c. faire appofcr & lever
les fcellés , procéder en leur préfence à l'inventaire & vente ,
au bail des fruits & adjudications des meubles, fauf aux re-
ceveurs généraux des domaines, leurs commis ou prcpofés ,
à y affilier , û bon leur femble; à laquelle fin lefdits fublU-
turs dénonceront la vacance , l'inventaire &: Ja vente , aux
commis ou prépofés des receveurs généraux fur les lieux ;
ou , s'il n'y en a point , au receveur général à fon donîicile.
2. Fait défenfes aux fubltituts de faire créer des curateurs
aux biens vacans , & ordonne qu'ils feront toutes les pour-
fuites en leur propre nom , le plus promptenient que faire fc
pourra , à faute de quoi les receveurs généraux des domaines
pourront les interpeller ; & même , en cas de refus ou de
négligence marquée de leur par: , demander à être fubrogés à
les faite.
3. A maintenu les receveurs généraux des domaines dans
leurs fondions , fuivant }es éàics &: déclarations de (a niajelîé ,
arrêt» & réçlemens de la cour, &; fait dîfenfes i qui oue ce
foit de les y troubler ; ce faifant , ordonne que danj le délai
fixé pour le ccnttiMedc la vente des meubles, le greffier qui
en recevra le prix, fera tenu de le temetire au bureau des re-
ceveurs généraux , à la d-éduûion .!-■ tes vacations Se de celles
du fubftitut , pour leur affillince , & du Procureur ancien
des créanciers, s'il y en a. Que huitaine après le bail des
fruits , Se quinzaine aptes l'adjudication des fonds defditcs
fuccefiîons, le fubltitut dénonre;i au commis ou prép' fé r* s
receveurs généraux , le nom dei adjuJic.itaircs ix: le prix de
leur adjudication , pour en faire îe recouvrement.
4. Ordonne que les receveurs généraux ferons tenus de
. payer, fans délai , auv fub/tituts le moniancde leurs vaca
lions & frais de pourfuites, fuivant l'exécutoire qui Itur en
fiera décerné par les juges des lieux ; & aux créanciers le
montant de leurs crédits, fuivant l'ordre qui aura été réglé
«ntre eux^ quoique ce foit jufqu'à ccncurtencc des deniers
qui auront été rerais à leur bureau , à la déduction d«s droits
^ui leur font attribués par let cdus bc déclacationi,
Tomt XIll,
PROCU REUR,&c. 72!
fonne des mineurs , des prodigues ou des infenfés »
Si: les de/îitutions de cei tuteurs & curateurs, doi-
vent fe faire en préfence du Procureur du roi ou
du Procureur fifcal dans les juflices feigneuriales.
C'eft ce qui réùilte de différentes lois , telles que
l'édit du mois de juin 1661 , & les arrêts de règle-
ment rendus au parlement de Paris ks 14 juiil. t
1640, 22 juin 1688, 31 août 1689, 8 juin 1714,
& 20 décembre 1724.
Lorfqu'il furvient quelque conteflation fur les
liftes des parens ou autres , préfcniées pour l'élec-
tion d'un tuteur ou curateur, elles doivent étie
arrêtées par le Procureur du roi. L'arrêt de règle-
ment rendu pour Tours le 22 juillet 1751 , l'a ainfi
décidé.
Suivant les arrêts de règlement des 3 feptembre
1667 & 5 feptembre 1703 , les cauîes fujettes à
communication , doivent être com.muniquées au
parquet, & non à Ihotel du Procureur du roi.
A l'égard des dftes d'inftru£lion de la jurididion
volontaire , le Procureur du roi petit y donner fts
conclufions en fon hôtel , ou en l'hôtel du ju^e ,
pour ceux qui s'y font , & auxquels le Procureur
du roi affifle.
L'article 19 du titre 25 de l'ordonnance crimi-
nelle du mois d'août 1670 , enjoint au Procureur
du roi de pourfuivre fans délai ceux qui font pré-
venus de crimes capitaux ou qui méritent peine
affliètive. Et cette pourfuite doit avoir lieu , dans
le cas même où la partie offenlée a tranfigé avec
l'auteur du crime.
Lorfqu'il y a une partie civile & que le crime
eft de nature à mériter peine affliJlive, le Procu-
reur du roi doit intervenir & fe joindre à la partie
civile.
Diflérentes lois ont défendu aux juges , aux Pro-
cureurs du roi , aux Procureurs fifcaux des juftices
feigneuriales & aux feigneurs de ces juflices à qui
les amendes & confifcations appartiennent , de
faire aucune compofition relativement aux crimes
dont ils font obligés de prendre connoiflfance , à
peine, contre les officiers qu'on vient de nom-
mer , de privation de leurs charges & d'autres pei-
nes exemplaires , & contre les feigneurs, de pri-
vation de leurs juftices.
Dans le cas d'une accufatîon calomnieufe , Je
Procureur du roi peut être condamné aux dépens,
dommages & intérêts des parties, & même à pli;s
grande peine , s'il y échet.
L'article 3 du titre 14 de l'ordonnance crimi-
nelle , autorife les Procureurs du roi à donner des
mémoires au juge pour interroger un accufé, tant
fur les faits portés par l'information qu'autres , &
le juge fait de ces mémoires tel ufage qu'il trouve
à propos.
Le Procureur du roi peut interjeter appel des
jugemens rendus en matière criminelle ; & , dans
ce cas , i'accufé prifonnier ne peut pas être élargi ,
quand même il auroit été abfous par le jugement,
Suivant un arrêt de rcglement du 3 feptembre
Yyyy
721 PROCUREUR,&c.
1667 , le Procureur du roi eft obligé de veillera
ce que les f^igneurs f'afTent noiirrir les enfans trou-
vés dans leiira juliices , Se il doit taire les pourCuites
nèceffaires à cet é^ard.
La décl;:iation du 25 février 1708 , veut que le
Procureur du roi fe fafTe remettre tous les trois
lîiois , par les curés du redort » un certificat de la
publication de l'édit de Henri 11 du mois de février
^556, concernant la grofl'cfic des filles & des
veuves.
L'article 3 de Tédit du. mois de mars 1697, en-
joint au Procureur du roi de taire faifir les revenus
des curés oi autres prêtres qui marient des perfon-
nes qui ne font pas de leurs paroiffes, fans le con-
fe ircmeat de 'eur propre curé.
Deux arrêts du parlement de Paris des 18 no-
vembre 1662 8c 7 leptcmbre 1701 , ont ordonne
que les Procureurs du roi feroient tenus de fe faite
r. mettre des extraits des tertaniens & autres adts
contenant des difpofitions pieiifes ou en faveur des
pauvres, aiilTi-tôt que ces teftamens ou a61es au-
roient eu lieu.
Suivant l'ordonnance d'Orléans , celle de Blois ,
& l'editdu mois d'avril 1695,1e Procureur du roi du
bailliage ou autre fiége rcflortifTant nueinent au par-
lement, doit veiller à ce que les eccléfiafliques qui
pofsédent des bénéfices à charge d'ames , y réfi-
dent exa<Bement, & à ce que les titulaires des bé-
néfices faiTent exa61eme!u acquitter le fervice ainfi
que les aumônes dont ils peuvent être chargés, 6c
entretiennent en bon état les bàtimcns qui font à
l;ur charge : en cas de négligence de la part des
bénéficiers , le Procureur du roi peut faire faifir
jufqu'à concurence du tiers du revenu de leurs bé-
néfices, pour être employé à ces oLjeis , ou dif-
tribué , à l'égard de ceux qià ont négligé de réfider
trois mois après l'avertifTement qui leur en a éié
fait, aux pauvres des lieux , ou appliqué à d'autres
auvres pics , félon que les fupérieurs eccléfiafli-
ques en auront décidé.
L'article 21 du même édit de 1(^95 , veut que
«uand les eccléfiafliques qui jouiflent des dîmes
dépesdantes de leurs bénéfices , & fubfidiairement
ceux qui pofsédent des dîmes inféodées , négligent
d'entretenir en bon état le chœur des églifes pu-
roiiTiales dans l'étendue defquelles ils perçoivent
des dîmes, 8l d'y fournir les calices , livres c< or-
iv.mens néceffaires, lorfquc les revenus des fabri-
ques ne fufEifent pas pour cet cfftt , le Procureur
du roi du bailliage ou autre fiége reffortiiTant nù-
iTient au parlement , y pourvoie avec foin , & qu'il
fafî'e exécuter pnr toute voie, même par faifie &
adjudication des mêmes dîmes, les ordonnances
que les archevêques ou évêques ont pu rendre
au fuiet de l'entretien & des orncmens dont il
s'agit.
Suivant l'article 17 de la mêinc loi , les Procu-
reurs du roi & ceux des feigneurs font obligés de
veiller à l'exécurion des ordonnances que les évé-
^ues ouïes archidjaues rendent dans le cours de
PROCUREUR,&c.
leurs vifites au fujet des comptes de fabriaues , &
particulièrement pour le recouvrement & l'emploi
des deniers en provenans ; & de faire avec les nur-
guiUiers , & même feuls , à défaut de ceux-ci ,
les pourfuites néceflaires à cet égard.
Les Procureurs du roi doivent veiller à ce que
les juges inférieurs remplifTent leurs obligations ,
en rendant la juflice , en pourfuivant la punitioa
des crimes , & à ce qu'il y ait dans les jufîices fei-
gneuriales des prifons sîires.
Quand il n'y a point de prifons dans ces jufîices,
ou qu'elles font en mauvais étst , le Procureur du
roi ei\ obligé, conformément à l'arrêt de règlement
du parlement de Paris du premier feptembre 1717,
d'en faire conftruire, ou de les faire rétablir aux
dépens des feigneurs.
Les Procureurs du roi font aufli obligés de veiller
à ce que les officiers, tant d'églife que des hauts-juf-
ticiers , n'entreprennent point fur la juridiélion qui
appartient aux officiers du roi.
lis font pareillement obligés de veiller à ce que
les avocats , les procureurs , les notaires , les gref-
fiers , les huiifiers & les autres rainiftres de la juf-
tice n'abufent point de leurs fonélions , & ils doi-
vent pourfuivre ceux qui fe rendent coupables de
quelqu'exaélion ou prévarication. C'efl ce qui ré-
fulte de différentes lois.
Les exploits faits à la requête du Procureur du
roi dans les affaires , tant civiles que criminelles,
où il efl feul partie pour l'intérêt public, font
exempts du droit de contrôle. C'efl ce qui réfulte
de différentes lois & réglemens , tels que les dé-
clarations des 21 mars 1671 , 8^23 février 1674,
les arrêts du confeil des 17 janvier & 30 mars
1670, 13 juin 1672 , 12 décembre 1676, & 29 mai
1685 , & l'arrêt de règlement de la cour des aides
de Paris du 6 feptembre 1782(1).
( I ) Fcif i ce dcrn'i.r arrêt :
l.ouis , par la grâce de Dieu , roi de France & de Navarre ,
au premier des Iniifliers de notre cour des aides à Paris, ou
autre noire huilîier ou lergent fur ce requis , favoir faifons ,
'que , vu par nofreditc cour la requête préfentce par notre
l^tocurcut général, expofîtive que les dtclarations des 1 1 mars
1671 & ij février 1677, & pluiieurj réglemens du confeil »
notamment ceux des 27 janvier & jo mars 1S70 , l; juin
1671 , Il dccemlre \6~(> & 29 mai iSKj , ont contitn-é
l'exemption des droits de contrôle , petit- fcel, & auttes nés
droits , conflaniment accordée aux a6tes & exploits laits à la
requête de nos Procureurs généraux & dekurs fubiHtuts ,
pour 1 iiirtruftion & jugement des affaires tant civiles que
ctiminclles , èfquelles i's font feuls parties; que cette exemp-
tion a été conErmée plus récemment encore par un règlement
du 6 janvier i 767 , qui «> dif('enfc du payt- ment des droits de
>j contrôle , pctit-fccl , greffes & droits réfervcs , tou* exploits
>j & aûes de procédure à la requête du miniltère public,
» dans les affaires cii il ell feul partie , fauf au fermier Ik a
" fes prépolés , à (e procurer, par voie de contrainte , le
» payement defdits droits , par ceux qui auront été condani—
« niS par des dommages-intérêts , rellitutions, amendes ou
.1 dépens ". Que cependant il rei^oit jcuinclicment des plair»
tes de la plupart de les fubdituts aux lîéjes dHrellortdc nette
. dite cçuï , de te ^uç Içs tçiriniij dç Vincent René les coo
P R O C U R E U R , &:c.
Les Procureurs du roi ne peuvent , fans l'avis &
îe conleil des avocats du roi, intenter aucun procès
traignenc au payement defdits droits , à raifon des exploits
<!■.■ revendication qu'ils romfairedts eau. es, qui éiant >ie la
co np!tence de ces lièçes , font poittes en d auttes juiidic-
tiûtis & des fentences ^jui t'ont droit fui- leurs demandes : qu'il
paraît que , pour julitier la perc-ption des droits fur leiaits
a.tes , les commis de Vincent René le fondent luv les termes
de la dé-ciiiiton d'-ià cirée, da ij fcinicriS77, laquelle
porce : « demeureront excn^.pts les exploits laits à la requête
» de nos l'rocureurs généiaux ii de leurs fublUtuts, proino
»» teurs ecclélîaltiques & Procjieurs tiùaux , concernant 11
» police, pour parvenir aux condiinnations contre les con
» trevenans aux ordonnances d'iccllc » : que de ces termes
les com.nis de vincent René concluent que les aftes faits à la
re juétc de nos Procureurs gcnétaux ne doivent jouir de
l'exemption de nos droits , que loifqu'ils lont relatifs à la
police ; &: les demandes en revendication d'affaires ne con-
cernanc pas , félon eux, la police , mais rintéréi paiticulier
des lièges , ils en infèrent que les ai^es relatifs à ces fortes
de demandes , doivent acquitter nos droits. Qu'il ell facile
de faire fen:ir le vice de ce raifonnement. D'abord la décla-
ration du i} février 1S77 contient à la vérité la difpofition
dont les termes viennent d'être rapportés ; mais à la fuite de
CCS termes , on lit ceux-ci : ec demeureront pareillement
w exempts les actes fai:s pour Vinflruftion Se jugement des
>i afFaires tant civiles que criminelles èfquellej nos Procu
» reurs généraux ou leurs fuhdicuts , promoteurs ecclélîalH-
» ques à: Procureurs fifcaux feront feuls parties ». Ces ter-
mes lont trop clairs pour admettre la moindre interprcration.
31 en réfulte, que, fans diftindtion d'aucuns actes, tous
ceux auxquels nos Procureurs généraux , ou leurs fabllituts
font feuls parties , doivent être exempts de nos droits. C'eit
ainfî que s'en expliquent les rcglemens cités. Celui du 17
janvier iS/e porte : « quant aux atfes faits à la requête de
» fes Procureuis , veut & oidonne f» majellé qu'ils foient
53 contrôlés , fans pour ce payer aucun droit ». Celui du i .
mars I670 porte : >> Seront exempts du payement des droits
» les exploits faits à la requête des Procureurs de fa m ijeilé ,
» pour l'infirucJion &: jugement des aftsires , tant i;;Vi'Mque
»> criminelles , où ils feront feuls parties ". Lçs mêmes ter-
mes fe trouvent dans la déclaration du ii mars 1*71. On les
trouve dans les réglemens des ij ju'miSjz, 12 décembre
I67Ï&29 mars i SS^- : eniin on les trouve dans ce ui du 6
janrier 1777, dont le texte efl: copié ci-delTus. Ainfi il faut
dilfinguer deux difpofitions dam la déclaration du i; février
K77, l'une qui exempte de nos droits les ades relatifs à la
police , l'autre «jui en exempte tous actes en affaires , tant
civiles qu^ criminelles , èfquelles le niinirtêre public e!} fcul
partie. En fécond lieu, l'oidre des juridictions fait partie de
la grande police , & les cours font fpécialement chargées de
veiller au maintien & à la confervation i.e l'autorité de cha
cune , d'y faire exécuter les lois relatives aux objets de leur
compétente parles relfoitiflans d'icelles ,& d'empêcher les
parties de fe choifir elles-mêmes des tribunaux &: des juges;
ainli les fubIHtuts de nos Procureux généraux, en revendi-
quant les caufes portées en d'autres tribunaux que ceiix où
elles doivent être porrées , exercent une fonction de police
eflentielle .S:^qui tient au grand oidre de l'adminillration de
la juftice. D'ailleurs le motif des prépofés de Vincent René
^ondé fur ce que les demandes en revendication d'^lTaires ne
concernent que l'intérêt des (îcges , ell odieux à l'égard de
toutes les juiidittions , Se s'applique d'autant moins aux
lièges du reilbrtde notredite pour , qu'il ciè notoire, que tou
tes les caufes s'y jugent fommairemcnt & fans frais. Que s'il
ctoit vrai que les feuls ades relatifs à la police particulière
fufient exempts de nos droits, il n'y auroic en affaires civiles
aucun des ades faits à la requête de fes fubftituts qui pût
juuir de l'exemption, puifqu'il ell encore notoire que cçs
PROCUREUR>&c. 7M
en matière civile, à peine d'en répondr» en leur
propre & privé nom ; tk en général ils font tenu»
de communiquer aux avocats du roi toutes les af-
faires qui concernent le feivice de fa mrijeflé, s la
rjferve de celles dont l'adrelTe leur efc fdite en par-
ticulier. C'eft ce qui réfulte de diiTérentes lois 8c
réglemens , t Is que Tédit de mars 1498 , les arrêt.<:
iiu parlement de Paris des 29 novembre iy-)C) , 2
juin 1623 & 6 juillet 1706, & l'arrit du co.nfeil
du 20 avril 1624.
Réciproquement , les avocats du roi ne peuvent,
dans les afTemblèes qui ont lieu pour le fervice de
fa majelîéeu du public , faire aucune remontrance,
on requérir aucune chofe, qu'après en avoir déli-
béré avec le Procureur du rei (i).
f.ibftitu-s n'ont aucune infpedion fut les faits de cette po«
lice. Enhn, que,ti la prétention des commis de Vincent
René pouvoit avoir lieu , ce feroit en vain que les (îèges dit
reffotc de notredite cour Se notreJite cour cUcmcme (c-
roient autorifés par les plus anciens réglemeris à revendiquai:
&: à évoquer les affaires de leur comp.-terice porrées en d'au-
tres tribunaux , parce que l'affujettifiement aux droits r.t!-
len-.iroit le zèle de fes fub'.Htuts , qui d'ailleurs ne voudronc
pas avancer des frais dont il» ne pour; ont efpèrer le rembcur-
fenicnt, attendu qu'il ne s'adjuge jamais d'e dpens dans If s
affaires où le miniilcre public elt feul partie , ic i s préfère -
roient faas doute d'abandonner les affaires & dehs laifler
déci.^erj-ar les tribunaux qui en feroient incompctemmenc
laids. A CCS caufes ,requéroit notre Procureur général , qu'il
piùt i notredite cour ordpriner , ôcc. Oui le rapport de M",
Louis-Achilles Dionis du Sé,our , confeiller : Et tout confi-
déié , notredite cour ordonne que les décorations des it-
mars 1Û71 & 2,' février l6;j. Se autres réglemens confor-
mes , feront exécutés félon leur fonne ôc teneur ; en confé-
quer.ce , que tous exp'oits , fen.ences &; autres ades, tant
en affaires civiles que criminelles, éfquel'cs les fubTiituis de
notte Procureur général feront feuls pauies , Se notamment
les ades relatifs aux demandes en revendication d'affaiiei
quelcorques, formées à la requête de feldits fub/lituts , con-
tinueront d'être exempts de tout drcits de contiôle, petit-
fcel , g;efîe Se autres nos droits ; fait défenfes à tous commis
& prépofés i la perception defdits droits , de les exiger defdits
fufcftituts à l'éga.d defdits ades , à peine d'être pourfuivis fui-
vant l'exigence du cas ; ordonne que le p:c('ent arrêt feri
lignifié à Vincent René , pour <ju'il ait à s'y conformer &: y
faire obéir fes commis 5: prépofés , imprime , Se coi-iei col-
lationn.'es d'icel'ui, envoyées aux tièges du reffort de nôtre-
dite cour , pour y être lu , publié & regillré , l'audience te-
nant; enjoint aux fubfhituts de notredit Procuicur général
d'y tenir la main , &: de certifier notredite cour de leurs dili-
gences au mois. Si te mandons, &:c,
(1) En prononçant fur une conteflation qui s'êtoit élcvc'e en-
tre divers o^ciers Je la Ji.iéchaujja 6* fiège prîfiiid de Ren-
nes , le parlement iî Eret^s^m a rendu , It i\ coût I740 , reU-
tlvement aux fonciitns des avocats &" Procureurs du ni , iy des
gre'Jicrs civil û* criminel de ce filgt , l'an et dt reniement
que nous allons tranfcrlr:.
Entre ccuyer Jean-Jacques Boflard , fieur Diiclos , &: no-
ble &: difcret mefiire Marie-Claude At'guffc Boflaid , cha-
noine de Vannes , ayant repris au lieu 8c pl.ice d'écuyer
Jean-I-rançois RotTard , lîeur Duclos , &; maître Joachim
Blain , fieur de Saint Aubin , confei 1ers , avocats du roi au
préfidi.Tl de Rennes, demandeurs en requête & Icttie» de
comniiiiion du ^y décembre 1712 , d'une part, Se médite
JeanZachaiic Anger , licur du Cfialonge , maîttç à la cham-
bre des comptes de Patis , fils & héritier de défunt mefl; c
Jean François Anger, lieut du Clulonpe, vivant, maictc i
Y y y y ij
714 PROCUREUR,&c.
Les cahiers 8c mémoires dertinés pour le Procu-
reur g.-néral doivent être dreffés par avis commtin
I.i chambre des comptes de Paris , Se avant fubllitut du Procu-
reur gciicral au pvélidial de Rennes , ayant repris le prccts
en fon lieu & place, &: en cette qualité dcfendeur ; & ledit
Blain , demandeur en requête du 2 décembre 1714, afin de
rapport d'arrêt du I7 novembre de la même année ,& Blaife-
rrançois-Marie Bonnefcuelle , ccuyer, fieur de la Roche-
Durand , confeiller fecrétaire du roi. & fubiUiut de M. le
Procureur gcnéral du roi au ficge prélîdial de Rennes , dé-
fendeur ; & leldits Boffard & Blain , demandeurs en requêtes
«îes 1^ janvier , iS Si 17 fcvrier lyij ; la première , à fin de
faire déclarer commun avec eux l'arrêt du ç mai 1^90 , & la
féconde, à fin d'exécution des arrêts des rj juillet i6}<5 &
iS novembre 1644 , aux termes de l'arrêt du a décembre
17I7 : & maître Louis-Anne François Farault , fieur de la
Ville Pauvre , greUîer civil du prdidial de Rennes , dcfcn-
d ur; & lefdiis Bod'ard 5c Blain, dcmanJeutj en requête &
lettres de commillion du M décembre 171A; 5: ledit Bon-
nercuellc , défendeur, & Icfdits Bollard «c Blain, deman-
deurs en autte requête & lettres rfe commilfion du 17 o;^o-
bre 17-7, & maître Michel rJoultrenicr , confeiller du roi,
jujje ciiniiacl de Rennes, d. fendeur ; Ôc ledit de Saint-
Aubin B'ain , dcmanleut m requête du i) décembre 1718,
& ledit Bonnefcuelle , défendeur , &: ledit Baia, deman-
deur en autre requête ilu ;6)ui.let 1730, &: ledit F.iraiilt ,
détendeur, & iiiaitre Toulfaint Pierre Barre , confeiller X-
avocat du roi en la féncchaullce & ficge prélîdial de Rennes ,
demandeur en requête du 19 dkeinbre 1757, à fin d'inter
vcntion , & en autre requête lu 8 mai 1758 ; Se lefJits An-
ger &c Bonnefcuelle , défendeurs ; S IcLdits Blain & Barre ,
demandeurs en requêtes des 11 mai I7j8 Je 21 novembre
dit an 1758; ^ ledit Bonnefcuelle , défendeur, & ledit
Elain , demandeur en requête du 14 novembre l/jS , &
ledit Anger, défendeur, &: lefdits Blain & Barre, deman-
deurs en requête êc lettres de commi/non du premier décem-
bre i7j8 , 6c maître Pierre de JoUivet , greffier en chef ci-
vil & d'office du prélîilial de Rennes, détende'ir, &: jnaîire
Jacques Ancelin, gretricr criminel du llége préfidialde Ren-
nei , ayant repris l'inlfance au lieu &: place de fon feu père ,
aulfi défendeur auxditcs requêtes &: lettres de commilEon ; &
le-dit Bonnefcuelle, demandeur en requête du j février 1755),
& lefjits Blain 6c Barre , défendeurs oc demandeurs en re
<;urte du 27 février 173^, & ledit Bonnefcuelle , défendeur,
ùc Icfdits Blain & Barre , demandeurs en requête du i<; juin
J7J9, & leldits Anger , Bonnefcuelle , Doultremer , Jolli
vet Se Ancelin , défendeurs , Se ledit Bonnefcuelle , deman-
deur en requête du iç juin I740 . à fin d'oppofition aux ar-
rêts des ij juillet i7j6,2S novembre 1^44, Se 1 décembre
1717 ; & Jefdirs BJain 3f Barre, défendeurs, & ledir de
Bonnefcuelle, demandeur en autre requête du 16 juillet
1740 , & lefJits Blain Se Barre , défendeurs , d'autre parc.
Vu par la cour. Sic.
La cour , faifant droit fur Je tout , dans les requêtes &:
Jettrcs de commiiîion des 19 décembre i7ai, ij décembre
i-:iG , 7 février i7{ i , 17 octobre «737 , & premier décem-
bre I7-! 8 ; & dans l'intervention dadit Barre de* ip décembre
1757 & 8 mai 17,8 , fans s'afrêrer à fa requête du 1 décembre
1714, dont ledit Blain efl débouté , ayant aucunement égard
aux requêtes des I ^ janvier , 16 & 17 fcvrier 171^, 23 mai
1718, limai, 2; & 24 novembre l7}8 , 5 &: 1^ février,
& 15 juin 1739, 15 juin & 25 juillet 1740, Et faifant droit
fur les conclulîons uu Procureur général du roi , a débouté
iedit Bcnnefcueile, fon fubiHtut au iîège prélîdial &: féné-
chaufTée de (tennes , de fon oppoiition aux arrêts des »9 juil-
let 1636', 28 novembre 1^44, & 1 décembre I717 , Se l'a
condamné en l'amende de I ço liv. , moitié au roi , moitié aux
parties; a déclaré lefdits arrêts'exécutoires & communs avec
lui j au preiît dcfftits £Jain it Barre ; ilYOcacs du roi^ ordgnne 1
P R O C U R E U R . &:c.
des avocats & Procureurs du roi ; & ceux-ci ne
peuvent faire feuls les dépêches ou réponfes qui
qu ils feront bien Se dûment exécutes ; lavoir , ceux de 1544
Se 1717 en leur entier , Se celui de ifij 6 en ce qui n a pas
été modifié pat celui de 1^44.
Ce faifant , ordonne que lefdits avocats Se fubftituts s'af-
fembleront au parquet dudit fiège aux jours ordinaires , à
fept heures du matin en été , & à huit heures en hiver , &; â
d.'ux heures de relevée, pour y examiner & délibérer entre
eux à la pluralité des voix , tous procès civil' Se criminels ,
de quel ]ucs efpêces 5e natures Se pour quelque maiicre que
ce foit , lotfqu'ils feront en état de recevoir ccnclufions défi-
nitives ou tenant lieu de définitive» , les intcrrogatcires de»
prifonniers & autres accufés , élargil^nnent d'iceux ^ règle-
ment à l'extraordinaire ; comme aujfi les movens de faux ,
mariages conteltcs , impunifTep.iens d'aveux, déshtrences ,
aubaines, main-levées , furfcances des faihes appofées a re-
quête dudit fubftitut. Se atjtres matières concernant le do-
maine du roi , Se généralement toutes celles ou le ii)i , le pu-
b'ic, les églifes , communautés, généraux des paroifTes, le»
mineurs non pourvus de tuteurs , les fermiers généraux Se
particuliers des droits d'oûrois, d'entrée Se Ibttie , impôts
Se billots Se devoirs de la province, auront intérêt , foit que
lefdits procès & affaires foient jugés au corps du fiege , au
quartier par le fénéchal , juge-criminel feuJ , ou prévôt, ou
par l'un des juges dudit prélidial.
Ordonne que lefdits avocats Se fubftitut y donneront con-
dulions furie-champ, fi faire fe peut ; ou , en cas de lon-
gue occupation , ils s'en chargeront tour à tour, à commen-
cer par le premier avocat du roi , enfuite le fubftitut Se le
fécond avocat , pour en faire rapport à la première aflem-
blée , &: être les vacations partagées entre les préfidens 5c aifif»
j tans feulement ; moitié audit fubftitut , Se l'autre moitié
1 auxdits avocats ; Se en l'abfcnce de l'un defdits avocats, lei
deux tiers audit fublHtut, Se l'autre tiers à l'avocat préfent;
Se en l'abfence du fubftitut , également entre lefdits avocats.
Ordonne que lefdits avocats Se fubftitut auront un regiftre
par eux chiffré Se milléfimé, fur lequel ils enregilUeront Se
parapheront leurs conclulions , Se inférèrent par jour Se
féance les noms àes prélens qui auront rapporté ou affifté ,
Sedesabfens, pour y recourir, Se leur fait défenfes de con-
clure ailleurs qu'audit parquet.
Maintient ledit fubftitut à conclure feul aux dations de
tutèles , curatelles , émancipations , décrets de mariages ,
main levée» de fucceffions ; à percevoir feul les vacations
pour réceptions d'oificiers, s'il n'y avoit conteftation ou op-
pofiiion touchant lefdites matières ; auquel cas, les conclu-
lions feront de-libérées , Se les vacations partagées en la forme
Se manière ci delFus ordonnée.
Ordonne que ledit fubftitut fîgnera feul les concîufîcns.
Se qu'elles feront intitulées en fon nom ; Se qu'en cas d ab-
fence ou déport , elles feront (ignées par l'ancien defdits avo-
cats , qui les intitulera en ces termes : Nous requérons , nout
confimans-poMr le roi; defquels termes lefdits avoca-rs fe fer-
virontauffi dans toutes les concluGons qu'ils donneront aux
audience.'.
Que les avocats du roi defcendront exdufivement Se pat
préférence audit fubftitut, aux prccês-verbaux Se conimifTîons,
foit en ville ou en campagne , même en matière de devoirs
Se autres , lorfqu'eNes auront été ordonnées aux audience»
publiques ou particulières, foit qu'elle» feroient tenues pail-
le corps du (îège , ou par le fénéchal Se juge criminel feuls ;
qu'à cette fin, lefdits avocats defcandront en tour, à com-
mencer par l'ancien ; que dans toutes les autres defcente»
qui n'auront point été ordonnées auxtUtes audiences, ledit
fubftitut defcendra feu! , à l'exciufion defdits avocats ; Se
qu'en cas de déport , abfence , récufation, ou autre légitime
empêchement , lefdits avocats Se fubftitut fe fubftitucront ré-
ciproquement j lef^uçls déports ils feront tenu» de fignerfut
P R O C U R E n R , &c.
5'*écrivent en conféqucnce d\)ne dJ:'M ératlon du
fiégc , ou de conclurions priles par avis commun.
les rcgiltre» des greffes, dont les greffiers civil & criminel
donneront avis Iur-!e-champ auxdits arocats & fubRitut.
Fait exprelfes défenfes audit fubftitut de nommer ou com-
mettre pour lefiites defcentes , que fur le déport defdits avo-
cats , ou en cas de leur abfence , lefquels leront tenus d'ac-
cepter ou refuTer la commiffion lut le regilUe des gretiiers ,
tant civils que criminels, dans les vingt quatre heures de
l'avis qui leur fera par eux donne.
Feutra feul commettre dans les cas de déport ou abfence
defdits avocats.
A niaintf na ledit fublHtut au droit d'exercer les charges de
Procureurs d'offices des juridiûions tombées en régaie ou ra-
chat fous l'étendue de la fénéchauflee de Rennes , fit de com-
mettre à l'exercice d'icelles , avec défenfes auxdits Blain &
Baire de l'y troubler.
Ordonne que lefditt avocats porteront la parole à toutes
audiences civiles & criminelles, foi: qu'elles feroient tenues
par le corps du ficge , les fénéchal &: juge criminel feuls , &
lois de la préfcntation & entérinement des lettres de grâce,
dont ils requerront la lecture aux audiences , ainù que des
mandemens ou provifions de rous officiers que ledit fublli-
tut l'cra tenu de leur remettre le jour précédent au parquet ,
ainfi que de tous édits , déclarations du roi , arrêts &.' regle-
jnensdeJa cour , dont il conviendra de faire l'enregiltrc
ment ou publication.
Qut toutes les caufes comtnunicables feront portées au
parquet avant les audiences, pour être les concliilions déli-
bérées avec le fubftitut à la pluralité des voix ; & qu'en cas
d'.ibfence de l'un d'eux , l'avis de l'avocat du roi qui portera
h parole , prévaudra, ainfi que celui du fubflitui , dans les
conclufions lur procès par écrit , en l'abfence de l'iin defdits
avocats ; paice que néanmoins ledit avocat qui portera la
parole , pourra , fuivani l'exigence des cas & fur des raifons
nouvelles , fe déterminer par fon avis feul.
Que l'ancien avocat du roi précédera le fubflitut au par-
quet, aux audiences , à la chambre du confeil & ailleur5 ;
qu'il fe tiendra debout lorique ledit ancien portera la pa-
role; ce qui aura pareillement lieu , lorfqu'en l'abfence du
premier avocar, le fecend portera la parole ; &: lorfque ies
deux avocats feront préfens, le fubftitut précédeta le fécond.
Ordonne que ledit fubftitut intentera & fuivra toute action
criminelle , à la charge d'en donner avis auxdirs avocats , &r
''d'en conférer avec eux à la première aifemblée du parquet;
qu'il fera feul toutes procédures & inltruiftions civiles & cri-
Hiinelles , 'ans que lefdirs avocats puillent les faire qu'après
rrois jours d'abfence , ou déport dudit fublHtut , letjuel ,
avant de s'abfenter , lera tenu de remettre en farmoi.e du
parquet, dont lefdits avocats & lui auront chacun une clef,
«ous procès & toutes piocédures civiles & criiiun;!les par lui
commencées , pour être continuées par lefdits avocats , &c lui
ccre reiiiifcs à fon tour , fi elles ne font parachevées ; d-fend
audit fub!ticut de donner conchilîons aux procès & affaires
•ù lefdits avocats en auront donné.
Ordonne qu'aux affaires célèbres & criminelles, & où il
y auroit péril dans la demeure , les greffiers avertkont l'un
tlcfdits avocats, à commencer par le plus ancien , lorfque le
fubftitut fera abient de la ville , pour defccnJre fur le champ.
Ledit fub;Htut aura unrcgi;^te pour recevoir feul 8c faire
écrire les J^nonciations qui lui feront faites , fuivant l'ordon-
nance de 1670.
Que dans tous procès ou le roi & fcn domaine aurons in-
térêt , lefdits avocats feront feuls les écrits Se requêtes , & le
ftbrtitut les inventaires de produclfons &: imhu^Uon , Se que
les conclufions feront délibérées au parquet , & les épicei
partagées entre e'ix à la manière ci devant réglée.
Que le lubilitut aura feu! les vacations du ferment Jet
commis des fermes du roi j ou des états de iapiovincç.
PROCU REUR,<l'c. 715
DliTérentes lois & rj-^itmens ont décidé que
tontes les conclufions civiles , nié:ne dans les af-
Condamne ledit fubilitut de rapporter auxdits Blain, Au-
bert , Barre &i. BolTard , la fommc de zso livres par chacun
a.i depuis fon inftallation en Cou ofSce , pour leur portion
des vacations des concluions aux mitières jugées communes
entre eux par le ptèfcnt arrêt , juûju'au joiit de la (îgnitîca-
tion d'icelui , a propoitioa qu'ils y fo:u fondes, dédudioa
fai:c des vacations touchées par ledit Blain pour l'exercice
de la jutidit\ion de faint Meiaine , tombée en régale ea
l'année 1714, &: pour les proccs-vetbaux oii ledit Blain a
aUilté les 31 janvier fie 11 juillet Ï7}i ; li mieux n'aime ledit
fubftitut qu'il foit procédé à fes frais par un commilfaire de
la cour , au calcul des vacations à eux appartenantes , fut le
vue des fip Jr;ces & minutes des greffes civil & ciirainel du
fiège pr 4'^K Se fénéchaulfée de RenneSj
Coni .^e pareillement ledit Anget de rapporter audit
Blain l„*45mme de loo livres par chacun an, pour les mê-»
mes caufes , depuis l'inftallation duJit Blain en fon office «
juiqu'au jout qu'a été pourvu ledit Bonnefcuelle , Si aux dé-
pens en ce que le fait le touche.
Et dans les requêtes defdits BolTard Se Aubert vêts ledit
Anger , fie dans celle dudit Blain vers ledit Doultremet ,
Jollivet Se Anceliti , & fur toutes les autres demandes des
parties , les a renvoyées hors procès , dépens compenfés ,
vacations, extrait ôc retrait payables une heure par ledit An-
get, la moitié du fu'plus par lefdits Bofl'ard , Blain, Aubert
£c Barre , l'autre moitié par ledit fubllitut.
Et faifant pareillement droit fur les conclufions du Pro-
cureur g- néral du roi , la cour enjoint & fait coiiimandemer.t
aux gteHîers civil & ciiminel de ladite fcnéchaulfte & liège
préfidial de Rennes , de tenir leurs greffes ouverts en hiver
depuis huit heures du matin jufqu'i midi , & depuis deux
jufqu'à fix du foit , & dans l'été , depuis fept heures du ma-
tin , S: d'y avoir des commis en nombre fuififant, pour déli-
vrer aux Procureurs Se aux parties toutes les expéditions re-
quifes , requêtes, procès-verbaux Ôc autres , de quelques na-
tures & efpèces qu'elles foient.
Leur cnioint de portet ou faire porter par leurs commis au
parquet, les requêtes, procès, & toutes affaires tant civiles
que criminelles , auxquelles lefdits avocats Se fublitut doi-
vent prendte conclufions , pour l'un d'eux s'en charger fur
un regilhe que lefdits gtelfiers feront tenus d'avoir à cette
tin , fans qu'ils puilfeu: les portet ailleurs qu'au parquet , à
peine de demeurer perfonnel'ement reCponfables des vaca-
tions qui feroient pet^ues au préjudice defdits avocats ôc
fubllitut.
Fait auS défenfes aux fénéchal , alloué, juge criminel ,
& autres juges & oSciers dudit prjfidial , juge prévôt , d'en-
voyer les procès & afFaires , ôc aux Procureurs de les porter à
conclure ailleurs qu'au parquet , fous les mêmes peines que
delflis.
Ordonne que l'ariêt du 8 août 1759 fera bien & dûment
exécute; ce faifunt, que le gretfiet civil portera à la pre-
mière audience du fiège , fur le regilhe d'icelle , les appofi-
tions de fcellés, le jour des procès-verbaux, avec les noms âc
les domiciles d»s décèdes, & marqu'era s'il y a drs mineurs â
pourvoir , à peine de répondre petfonnellement de tous dé-
pens , dommages Se intérêts.
Otdonne aux greiliers civil Se criminel d'inférer, confor-
mément à l'aiticlc î du titte iS de l'ordonnance de 1^57 , fut
un plumitif , les fentenceJ ôcjugcinens qui interviendront à
chaque audience , fur lequel ils inféreront le nom des avo-
cats ôc Procureurs , avec défenfes à eux de mettre a l'avenir
aucunes fentences ou jugemens fur de fimples cèdules oïl
cadetnes , lequel plumitif fera paraphé à 1 ifiue de chaque au-
dience , ou dans le même jour , pat celui qui aura prélidé.
Enjoint auxdits greffiers , conformément aux précéJens ré-
^lemens , de reprêfenicr auxdits avocat â^ fubllitut , t9u(cs
7i6
PROCUREUR ,&c.
faires criminelles & dans celles qu'on jngeoit à
l'auciicnce , dévoient être priles au parquet par
avis commun.
fois qu'ils le reiiiier.onc , lefJiis phnnitifs , niinuces dts fon-
ttnces , procJsvcrbaux , regidres , toutes procédures civiles
& criminelles , dont ils prendront comniunicïiion fans dé-
placer ;&:, en cas de lefus, lefdics avocats & fubllitut pour-
ront en dreffcr leur procès verbal , ùir lequel fera fait d;oit ,
ainlî qu'il appartiendra.
Enjoint au greffier ciirninel d'avoir un tegiftte , fut lequel
il fera tenu d'inférer tourcs les procéaures criminelles f;ui fe-
ront F.iites, les r.-iiiontrances , dénonciations , & principale-
ment tous les inventaires de dépôts de hatdes , tn unies &C
efteis, faits dans Ton grciie , &c généralement tout ce qui
concerne l'iullrutlion & fuites, les noms des à<^ÊÙÈ, la date
des jugcni'.-ns , foit interlocutoires ou déHnitim^B |uel rc-
girtre fera nrrcté ic (igné par le juge criminel à RgBf le cha-
que mois , ou autre juge en fon abfence , Se pat Ic^biiitut ,
ou l'un dcfJits avocats en (on .ihfence.
Enjoint paieillemcnt audit gieflier criminel d'avoir un re-
gillre fur leijiitl il marquera toutes les fommes q'i'il recevra
pour l'inlhudion Oc jugement des inîlances criminelles ,
Ibitparlcs mains des parties , procureurs ou autres, dont il
fera néanmoins tenu d'en donner des quittances , avec dé-
fcnfes à lui &: à fes commis d'exiger aucunes autres fommes
au delà de celles dont il aura iiiar,.jué &" donné des quittances,
à peine de concuflion ; lequel regillre fera arrête & ligné
«omme il e'I porté ci-cievant.
Fait défenfes au même greffier de donner aucune commu-
nication ou copie des procédures criminelles , à peine d'être
procédé extraordinaircment contre lui.
Fait coinmanJenient aux greffiers civil êc criminel de fc
charger de la recette des épices , d'infcrer exactement Se par
jour fur le regillre de recette les dates de toutes les lenten-
ees rendues fur le: conclulîons arrêtées & délibérées au par-
quet, &.' d'y faire mention de la taxe , épices 6c vacation ,
pour s'en charger en cas de retrait defdits jugemens , &:
compter au parquet de trois moij en trois mois du produit
delViites conclulîons.
Ordonne que le receveur dîs deniers communs dudit fiège
en rendra compte dans quinzaine , du jour de la publica-
tion du préfent arrêt , & continuera de le taire de fix mois en
flx mois pardevant le fénéchal ou autre juge en fon abfence ,
deux confeillers dudic (ïége , qui feront à cette fin commis ,
l'un defdits avocats Se fubilitu:: , îefquels ligneront l'arrêté
dudit compte.
Ordonne au receveur des épices de fournir au parquet ,
conformément aux précédcns arrêts &: réglemens , les bois ,
bougies à: autres commodités néceflaires , fur les londs à ce
deliinés.
Ordonne aux huilTiers dudit fiége d'avertir les avocats &
fubflitut au parquet, lorfque les juges feconr près dallera
l'audience , & de les y conduire.
Fait expreiles d- fenfes aux greffiers &: à leurs commis d'exi-
ger des Procureurs ou leurs parties aucune fonime , fous
prétexte de vu , fas-on^ retra't&.' expédition des jugemens &
lentences , aa delà de ce q'ti fera marqué au pied de chaque
niinute ou grolTc , à peine de concuflion.
Ordonne qu'il fera fait au parquet état des caufes cosnmu-
ijicables pardevant lefdits avocats &: lubilitut , à laquelle fin
les avocats & Procureurs qji en feront chargés feront tenus
de s'y trouver après les audiences des jeudi & famedi de
chaque femainc , fc q'i'un Jfs hui/îiers dudit liège fervira
audit parquet les rôles des cniifes.
Enjoint aux Procureurs d'informer lefdits avocats & fubftî-
tut, des contraventions qui pourroient être faites à l'exécu-
tiot! du préfent règlement , pour en informer le Procureur
général du roi , & y ctte pourvu ainfi qu'il appartiendra,
pidonne <jue Je préfcptaiTct fera lu & publié au.\ auJien-
PROCUREUR, &c.
Suivant v.n arrêt du parlement de Paris du 6 miî
1687, le Procureur du roi peut prendre feul , 8c
fans en communiquer aux avocats du roi , les con-
clufions pour admettre des moyens de faux, & per-
mettre d'en informer, lorfqu'elles font prifes iépa-
rément d'une inftance ou procès ; mais fi en voyant
un procès , on eftimc qu'av.nnt faire droit il y a
lieu d'informer des moyens de faux, les conclu-
ions fe prenant alors fur le vu de tout le procès ,
le Procureur du roi doit en communiquer aux
avocats du roi.
L?s conclurions fur les compétences & fur l'é-
largiffement des accufés priibnnicrs doivent aufïï
être prifes par avis commun au parquet. Cela eft
ainfi ordonné par divers arrêts.
Lorfqu'il y a diverfiré d'avis entre le Procureur
du roi iîc les avocats du roi , Topinion du Procu-
reur du roi doit être fuivie dans les procès par
écrit; mais dans les procès d'audience, l'opinion
cet, tant civiles que criminelles duJit fiège &: fénéchauffée ,'
en prélence de maître llerthou, confeilleri cette fin commis,
& enregiilré dans lefdits gieflres , à ce que perfonne n'en
ignore. Fait en parlement , à Rennes , le 15 aoijt 1740.
Signé , LE CLAVIER.
La mÎKie cour a rendu , /« i } décembre ryyj , relaihemert
J la police ij à la dij'cipime du parquet de lafcmchauffée^f
fitf;e préfid\dl de Rennes, un autre arrêt de règlement, dont
void le dîfpojUif :
La cour , faifant droit fut le tout &: fur les cotcIuIjobs
du Procureur général du roi , oidonne que les anèts de ré-
glemens des ç mai IS50 & I) aoijt 1740 feront exécutés fui",
vaut leur forme & teneur ; a Jiomologué la délibération des
juges de la ft-néchaufTée de Rennes , du 24 mars 1770, ÔC
leur fentence du to novembre 1777 ; o-donne qu'elles fe-
ront bien Se diimeiu cxécuttc; dans toutes leurs dilpofitions ;
fait défenfes à. Jacques , Procureur en ladite fenécfiaulk-e de
Kenncs , &: à fes confrères , de fe préfenter au parquet de»
gens du rai , autrement qu'en robes, rabats, &: avec d.^»
C nce ; leur enjoint de porter aiidit parquet , dans l'heure qui
précède les audiences, toutes les ciufes fufceptibles decom.
inunication ; leuc ordonne de fe trouver ludic parquet, ou
de s'y fa're repréfcnter après les audiences des jeudi & fa-
medi de chaque femaine , pour y faire devant lefdits gens
du roi état des caufes communicables , à laquelle finunhuif-
fier du fugc en fervira les tolcs , defquelles il fera évocation ;
fait dtfenfes de plaider , faire ou lailler plaider aucunes eau-»
fts fufceptibles de communication au parquet , dontpiéala-
blement l'état n'y aura pas été fait \ d'admettre , de prof ofer ,
& aux gretTiers d'enregiitrer ou faite enregiflrcr aucuns expé-
dieas fur les conclufions des gens du rai , dans les marieres
communicablcs , ou dans les caufes aux qualités i4elquelles
le fuMHtutdu Procureur général du rcii en ladite iénéchauf-
féc j fe trouvera intéreffé ou fera partie, que lefiits expé-
diens ne foîent fignés de tous les Prccurcurs en caufe, ôc
vifés de l'avocat du roi qui tiendra l'audience. Ordonne au
furplus que le préfent arrêt fera lu à l'audifence , enregiftr»
aux grefièsde la fénéchauflée & iîège préûdiil de Rennes , 5c
infcrit fur le regiftrc de la communauté des Procureurs audit
fiège , à la pourfuite 6c diligence des gens du roi de ladite
fenéchaufllc. Fait en parlement , ce t î décembre I ; 79.
Signé, L. C. PICQUET.
Enfin , par un troijl'eme arrêt de règlement du 10 ûvril 17S1B ,
le parlement de Bretagne c ordonné que ceux qu'on vient ({$
r^Pfortçrferoiin: bien fa* diumnt Cfféçutés,
PROCUREUR, &c.
de l'avocat du roi , chargé de porter la parole ,
doit préraloir. C'eft ce qui réfulte de divers ré-
gie m en s.
L'ancien des deux avocats du roi a le droit de
choifir & de porter la parole dans les caiifes d'an-
dieiice qu'il juge à propos, Si. après lui le fécond
avocat du roi : quant aux procès par écrit Air Icf-
quels il y a des concluions définitives à donner ,
ils doivent être également diftribués entre les avo-
cats du roi & le Procureur du roi , fuivant un ar-
rêt de règlement rendu pour Guéret le 5 feptcni-
bre 1703.
Par un autre arrêt de règlement du 14 août
1624, rendu pour Poitiers, il a été ordonné que
les conclurions , tant dar s les caufes d'audience
que dans les procès par écrit, feroient toujours
priles au nom du Procureur du roi. Ainfi , lotf-
qu'im avocat du roi porte la parole , Tes conclu-
fions doivent être énoncées en ces termes : Oui
M . . , . avocat du roi , pour le Frocirtur du roi.
Quand le premier avocat à\.\ roi porte la pa-
role , le Procureur du roi & le fécond avocat du
roi doivent fe tenir debout , & ôter leur bonnet
quand il ôtele fien. Le fécond avocat du roi doit
pareillement être debout quand le Procureur du
roi porte la parolt ; mais quand le fécond asocat
du roi parle, le premier avocat du roi & le Pro-
cureur du roi font difpenfés de fc lever. Divers
arrêts l'ont aiufi décidé.
Par un autre arrêt du 2.2 décembre 1762 , le par-
lement de Paris a jugé que lorfque dans les fièges
oii il n'y avoit qu'un avocat du roi , il portoit la
pirole , le Procureur du roi devoit être debout ,
ck ôter fon bonnet quand l'avocat du roi ôtoit le
fien.
Eniin par arrêt du 17 janvier 1779 , rendu entre
Is Procureur du roi au bailliage & fiège préfidial
de Provins , & l'avocat du roi au même fiège , le
même parlement a fait le règlement qu'on va rap-
porter : —
<i Notredite cour faifant droit fur les différentes
" demandes des parties, enfemble fur les conclu-
» fions de notre Procureur général, ordonne que
» les arrêts & réglemens de notredite cour concer-
" nant les fonfiions des fubflituts de notre Pro-
'> curcnr ghiéral 8: nos avocats des bailliages &
>' fénéchauffics du reïîort de notredite cour , fe-
« ront exécuté? au bailliage de Provins ; en confé-
w quence ordonne premièrement , que !a partie
»> de Sionnert , en fa qualité de notre preniier avo-
" cat , précédera ia partie de Mitantitt ik fes fuc-
î» cefTeurs , tan: aux audiences , au parquet , qu'aux
>» afiemblées & cérémonies publiques & rencontres
»> particulières ; que lorfuue la partie de Mitantîer
>' fe trouvera à l'audience, elle fera tenue de fe
w lever & tenir debout lorfque ladite partie de
« Sionneft portera la parole , 8c d'ôter fon bonnet
M lorfque ladite partie de SionneH ôtera le fien.
»> Secondement, que lefdites parties de Sionnefl
« et de Mltandcr feront tenues de s'ademblcr au
PROCUREUR,&c. 717
» parquet ou à la chambre du confeil , hors le
" temps du fervice des officiers du fièf-e , les
» jours d'audience , en robe , avant l'ouverture
" dcfdiies audiences , ou autres jours dont elles
" conviendront, pour y recevoir les communica-
» lions des avocats &. Procureurs , & conférer
" tant fur les affaires qui requerront célérité, que
» fur les procès par écrit Ôc les caufes d'audience ,
" oîi nous , le public & les communautés feront
" iiuéredès. Troii'iémement , que les qualités des
" jv'.gemens rendus à l'audience fur les conclufions
" de la partie de Sionncft, feront conçues en ces
» termes: Ouï RouJTcUt pour le Procunur du roi :
" dans lefquels jugemens pourront être inférés les
" plaidoyers de la partie de Sionneft , fi les par-
" tics la requièrent. Qu:\irièmement, que les édits ,
" déclarations , arrêts & réglemens qui feront en-
» voyés au fubffitut de notre Procureur général ,
'■> leront par lui portés au parquet ou chambre du
" confeil ,&. remisa notre avocat pour en requé-
" rir l'tnregîilrement & publicarion à l'audience.
" Cinquièmement , que l'enregidrsment des fubf-
» liauions , donations , teftamens , féparations de
" biens, aveux & dénoinbreinens Zi. tous autres ,
» qui par leur nature devront é;re faits & publiés
» a l'audience , y feront requis & confentis par la
» partie de Sionnert , en fa qualité de notre avo-
" cat. Sixièmement , que le fiibftitut de notre pro-
»> cureur général donnera feul fes conclufions fui'
» les adjudications des biens des mineurs, abfcns
» & autres , où les conclufions du minifière pa-
» blic font néccffaires , «3t fignera feul les procès-
» verbaux d'adjudications. Septièmement , amo-
" rife ledit fub.Oitui, en fa qualité de i'ubflirut de
» notre Procureur général , à fe charger au greffe ,
'> en la manière accoutumée , de tous les procès
" civils Se criminels fujets à communication , à la
» charge de ne donner les conclufions définitives,
» qu'après avoir pris l'avis de la partie de Sion-
» nefl, lorfqu'elle fe trouvera au parquet. Huitiè-
» mement , ordonne que dans le cas d'avis con-
» traire, celui de notre avocat prévaudra dans les
» caufes d'audience, & celui du fubditut de aotre
w Procureur général dans les pro:ès par écrit. Neu-
•>■) viémement, que ledit fubflitut ne pourra for-
» mer aucune aèVion civile, confentir l'élargiffe-
" ment provifoire ni définitif d'aucuns prifor,-
)» niers , accorder main - levée de faifies oppofi-
»> lions (aires à fa requête fijr biens vacans , par
)) confilcation, aubaine, déshérence , bâtardife ou
» autreéneuf , fans l'avis de ladue partie de Sion-
» ned , en fa qualité de notre avocat. Dixièmc-
)j ment, que le (ubftitiit de notre Procureur gé-
!5 neral pourra prendre feul des conclufions fur
» les réceptions d'ofhciers , greffiers, principaux
jj commis de greffes, notaires, procureurs , huif-
n fiers , 6c autres officiers du 'Orps dui'it bailliiiae
)) Ôc des judices reffortiffantes audit bailliage ,
» foit qu'ds y ("oient re^;us à la chambre du confeil
» ou à l'audience , fans l'avis de ladite partie de
7^8
PROCUREUR, &c.
» Sionneft , & en cas de contrariété d'avis , celui
»♦ du fiibflitut de notre Procureur général prévau-
»> dra,faufà la partie de Sionnefl à requérir la
» réception & inftallation lorfqu elle fe fera à l'au-
J' dience. Onzièmement , que ledit fubftitut ne
■»' pourra non plus faire aucunes dépêches & répon-
" les qu'après avoir pris l'avis de notre avocat ,
« lefquelles feront écrites en conféquencedes déli-
« bérations du fiége ou des conclufions prifes par
» avis commun. Douzièmement, qu'il ne pourra
» interjeter appel , ni intenter aucun procès con-
" cernant le doinaine , fans en avoir communiqué
»» à notre avocat. Treizièmement, que ledit fubfli-
" tut fera les requêtes , inventaires de produflions
5> qu'il conviendra faire, & notre avocat les aver-
J) tiflenïens , contredits ik falvations. Quatorziè-
»> Biement , que les conclufions qui fe donneront
" en commun feront écrites G: figntes par ledit
'> fubftitut , par lui regirtrées fur un rcgiflre qui
» fera dépofe dans une armoire, dont ledit fubdi-
'> tut & notredit avocat auront chacun une clef,
" & les procès & conclufions remis enfuite au
» greffe. Quinzièmement , que les épices des con-
« clufions qui doivent être prifes par avis com-
» mun , feront auffi arrêtées par avis commun ,
» taxées au bas des conclufions , & partagées ,
ï> favoir , les deux tiers audit fubflitut , & l'autre
»» tiers à notre avocat ; & dans le cas où l'office de
»> notre fécond avocat du roi feroit rempli , la moi-
» tié defdites épices appartiendra audit fubflitut ,
" & l'autre moitié à nos deux avocats pour les
î» partager chacune par égales portions. Seizième-
'> ment , ordonne que le fubflitut de notre Pro-
i) cureur général donnera feul les conclufions
j» fur l'entérinement des lettres de terrier , de bé-
» néfice d'inventaire, curatelle aux biens vacans
j) & déguerpis, envoi en pofTeflîon defdits biens
» fubflitués, homologation de partage des biens
3» d'abfens , envoi en pofleffion defdits biens , vé-
» rification d'aveu & dénombremens , & dans
j) tous les autres aéles , ordonnances Se jugemens
« qui fe rendent dans la maifon du juge, & per-
» cevra feul les épices defdites conclufions ; donne
j> a61e à la partie de Sionneft de fes offres , de
» remettre entre les mains du greffier du bailliage
V de Provins, lafomme de 29 liv. qu'elle a reçue
3» pour les épices defdits objets; ordonne en con-
>» féquence que ladite fomme fera rétablie entre
7> les mains dudit greiîier. Ordonne que le prc-
■)} fent arrêt fera imprimé, publié & afiîché en
s* l'audience , & infcric fur les regiilres du par-
» quet du bailliage & fiège préfidial de Provins ,
»» aux frais des parties requérantes ; furie furplus
» des demandes , fins S», conclufions des parties,
î) les met hors de coi"^ , tous dépçns eompenfés.
s» Si mandons , &c. j>.
Dans le cas d'abfence , maladie , récnfation ou
autre empêchement du Procureur du roi , fes fonc-
îioqs doivent être remplies par le premier avocat
PROCUREUR, &c.
du roi, & à défaut de celui-ci , par le fécond avo-.
cat du roi.
Et réciproquement , dans le cas de maladie ou
autre empêchement des avocats du roi , c'eft au
Procureur du roi à remplir leurs fondions.
Dans le cas d'abfence ou d'empêchement des
juges d'un fiège , les fondions de ces officiers, de
quelque nature qu'elles puiffent être, font dévo-
lues au procureur du roi, à moins que fon minif-
tère ne foit requis ou intéreflé. C'eft ce qui réfultc
de divers arrêts Se règlen)ens. Le dernier efl in-
tervenu fur le réquifitoirc du Procureur général du
roi au parlement de Paris, le 4 janvier 1785 , en
faveur du Procureur du roi du bailliage de Con-
creffault (1).
PROCUREUR FISCAL. C'eft un officier établi
dans une juflice feigneuriale , pour y défendre &
foutenir les intérêts du public & du feigneur , 6c
pour y faire les fon(51ions que remphilent les Pro-
cureurs du roi dans les juftices royales. Voyez
Procureur du roi.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU ROL C'eft le
titre que porte un officier principal, qui a foin des
intérêts du roi Si. du public dans l'étendue du refr
fort d'une cour fouveraine.
(i) Voici le difi'ojinf di ce dernier arrh.
La coui' ordonne qu'en l'abCence ou empêchement dei
officiers du bailliage de ConcrclTaulc, les fondions defdits
ohHciers, de quelque nature qu'elles puiflent être , feront te
demeureront dcvolues au fubllituc du Procureur général du
rci audit fiège , dans tous les cas où fon miniltère ne fera ni
requit , ni intércfTc ; en confcquence fait dcfenfes aux ^ra-
djès &: praticiens du bailliage de ConcrefTaulc , &: aux offi-
ciers des fièges voilins , de olonner des certificats Sx. de Jéga-
Hfet les (ïgnatures des netaites , & autres ades , dans l'é-
tendue du reflort dudit bailliage ; comme auffi fait dcfenfes
auxdits gradués &: praticiens des'immifcet en manière quel-
conque dans les fondions des officiers dudit fiège , fous pré-
texte d'abfence ou empêckement de leur part , fi ce n'eft
dans le cas où le miniftère public pourroit être requis ou in»
térelTé; lefquelles fondions , audit cas, ne pourront être
exercées que par l'ancien des gradués , &: à défaut de gradués ,
par l'ancien des praticiens ; ordonne que l'article II de la
didaraiion du 9 avril i??^, fera exécuté fclon fa forme &
tcneut; en conféquencc que les curés des paroifTes fituces dan*
retendue du teflbrt du bailliage de Concrcflault , feront te-
nus de faite patapher les tegifhcs des bjptèmes, mariages flc
fépultutes defdites paroiffes, par le lieutenant général , & «n
cas d'abfence , par le premier officier dudit fiége , fuivant
l'ordre du tableau , finon par le plus prochain juge royal
qui aura été commis à cet effet, au commencement de cha-
que aiinée , par ledit lieutenant général ; fait dcfenfes auxdits
curés de les faire parapher p'ar lefdits gradués & praticiens ,
fous les peines portées par'l'artîcle XXXIX de ladite déclara-
tion du 9 avril 1736 ; fait pareillement défenfes auxdits gra-
dués êc ptaiiciens de parapher lefdits regiftres, fous telles pei-
nes qu'il appartitndra ; enjoint au fubftitut du procureur gé-
néral du toi au bailliage de ConcrefiTault , de veiller à l'exé-
cution du préfent arrêt , lequel fera imprimé , public &: affi-
ché par-tout où befoin fera, & notamment dans la ville de
ConctefTault & dans les Paroifles fituées dans le reflbrt di4
bailliage de ladite ville. Fait en parlement , 8rc.
5ifnc,DUFRANC,
u
PROCUREUR, &c:
Le roi ne plaide point en fon nom, il agit par
fon Procureur général.
Ce magiftrat eft chargé de tenir la main à ce que
la difcipline établie par les ordonnances & régle-
inens, loit obfervée.
11 eft affis au milieu des avocats généraux , foit
par dignité , foit pour être plus à portée de prendre
leur confeii.
Lorfqu'ils délibèrent entre eux au parquer de
quelque affaire par écrit , &. que le nombre des
voix eft égal , la Tienne eft prépondérante ; enforte
qu'il n'y a point de partage.
^ Les avocats généraux portent la parole pour lui ,
c'eft-à-dire a fa décharge ;,ils ne font cependant pas
obligés de fuivre fon avis dans les affaires d'au-
dience , & ils peuvent prendre des conclufions
différentes de celles qu'il a prifes.
Il arrive quelquefois qu'il porte lui-même la pa-
role en cas d'abfence ou autre empêchement du
premier avocat général, & par préférence fur le
îecond & le iroifième, auxquels, à la vérité , il
abandonne ordinairement cette fonétion , à caufe
de fes graiides occupations.
Comme la parole appartient naturellement aux
avocats généraux, la plume appartient au Procu-
reur général ; c'eft-à-dire , que c'eft lui qui fait
toutes les réquifiiions, demandes, plaintes ou dé-
nonciations qui fe font par écrit.
C'eft lui qui donne des conclufions par écrit dans
toutes les affaires de grand criminel , & dans les
affaires civiles appointées , qui {om fujettes à com-
munication. '
Les ordres du roi pour la cour, les lettres-paten-
tes ou clofes , les ordonnances , les édits & les dé-
clarations s'adreffent au Procureur général , qui
peut en tout temps interrompre le lervice , pour
apporter à la cour les ordres du roi. C'eft pour-
quoi la porte du parquet qui donne dans la grand'-
chambre du parlement de Paris , doit toujours être
ouverte.
Les ordonnances chargent fpécialement le Pro-
cureur général au parlement de Paris , de veiller
â ce que les évcques ne s'-.rrétent dans ceme capi-
tale que pour leurs aiTaires.
Les enregiftremens d'ordonnances, éJits, décla-
rations & letrres-paten'Lf , ne fe font qu'après
avoir ouï le Procureur ^ ; :éral ; & c eft lui qui eft
chargé, par l'arrêt d'enre^'^rement , d'en envoyer
des copies dans les bailli"" jes & fénéchauffées, &
autres fièges du reffort c'v îa cour.
Dans les matières de droii public , le Procureur
général fait des réqu fitoires , à l'effet de prévenir
ou faire réformer le» abus qui vieriiicnt à fa con-
Boiffance.
Les Procureurs du roi des bailliages & féné-
chauffées n'ont envers lui d'autre titre que celui
de fes fubftituts ; il leur donne ! :s ordres conve-
nables pour agir dans les chofes qui font de leur
miniftère,& pour lui rendre compte de ce qui a
été fait.
PRODIGUE. 719
Aux rentrées des cours, c'eft le PrCcareur gé"
néral qui fait les mercuriales , tour à tour avec /*
premier avocat général.
Les Procureurs généraux ne doivent point avoir
de clercs ou Secrétaires qui foient Procureurs ou
folliciteurs de procès; il ne leur eft pas permis de
s'abfenter fans congé de la cour j ils doivent fai:e
mettre à exécution les provifions , arrêts & appoin-
temcns de la cour ; ils ne doivent former aucune
demande en matière civile , ni accorder leur in-
tervention ou adjonflion à perfonne, qu'ils n'en
aient délibéré avec les avocats généraux ; ils doi-
vent faire mettre les caufcs du roi les premières
au rôle.
En matière criminelle , dès qu'ils ont vu les
charges & informations , ils doivent, fans délai ,
ùonncT leurs conclufions : après l'arrêt ou juge-
ment d'abfolution , ils doivent nommer à l'accufé
le délateur ou le dénonciateur , s'ils en font re-
quis. Les ordonnances leur défendent non-feule-
ment de donner des confeils contre le roi , mais
même en général de plaider ni confulter pour les
parties , quand même le roi n'y a pas d'intérêt ; ils
ne peuvent aftifter au jugement des procès civils
ou criminels de leur fjège; ils doivent informer
des vies, moeurs & capacités des nouveaux pour-
vus qui font reçus à la cour , & être préfens à
leur réception , tenir la main à la confervation &
réunion du domaine du roi , empêcher que les
vaffaux & Cujets ne foient opprimés par leurs fei-
gneurs , & qu'aucune levée de deniers ne foit faite
fur le peuple fans commiffion ; ils doivent avoir
foin de la nourriture, entretien & prompte expé-
dition des prifonniers , & pour cet effet vifiter fou-
vent les prifons.
PRODIGUE. Il n'eft perfonne qui ne connoifte
la fignification de ce terme ; les individus à qui il
s'applique fe multiplient tous les jours. Le luxe &
la corruption des mœurs , qui fe font gliffés dans
toutes les claffes de la fociété , forcent , à chaque
moment , des parens alarmés de recourir à la juf-
tice , pour mettre un frein à la prodigalité.
Ce frein eft 1 interdiélion ; M. Montieny en a
parlé fous ce mot d'une manière auffi precife que
lumineufe. Ce que nous allons en dire ne doit être
regardé que comme un fupplément ; & pour qu'oa
puiffe mieux le rapprocher de l'article avec lequel
il ne doit faire qu'un tout , nous le rédigerons dans
le même ordre qu'a fuivi M. Montigny.
§. L Du ^cnre it prodigalité qui conduit à Vînter-^
dïBion,
L« célèbre Cochin nous a laiffé fur cette ma-
tière des réflexions que Denifart s'eft appropriées
fans fcrupule , mais qui ne méritent pas moins
d'être ici retracées.
« Rien n'eft plus précieux à l'homme que la li-
»» berté , que le droit de difpofer de fa perfonne ,
n de fes biens , & de tçut ce qui lui appartient ;
7^0 PRODIGUE.
j) C'.A v.ne. efpèced'inluimanité que d'enlever à un
» ci;oyt:n une faculté qui doit lui être fi chère.
}> Mais il eft dos circonAances où la loi eft obli-
» gce de prendre des précautions qui gênent cette
» liberté naturelle, & c'eft l'intérêt même des ci-
» toyens qui lui infpire les mefures qu'elle paroît
» prendre contre eux.
" Ainfi , dans le premier âge de l'homme , la
>5 loi TaiTervit à fes parens, à fes tuteurs & cura-
j» teurs , & lui interdit toute dirpofition , dans la
» crainte que fa foiblefle Se fon défaut d'expérience
n ne le précipitent dans des malheurs dont il ne
3» pourroit jamais fe relever,
« Dans un âge plus avancé , la loi ne le perd
» point encore de vue ;& en même-temps qu'elle
3> femble ne point mettre de bornes à fa liberté ,
J5 elleobferve cependant l'ufage qu'il en fait faire;
3j & fi elle le vou s'écarter , par foiblefle d'efpyit
»> ou par la violence de fes paflions , des routes
3) que la fageffe la plus commune femble tracer à
3> tous les hommes , alors elle reprend fon pre-
j) mier empire , elle le retient par de nouveaux
î> nœuds, ou, fans le dépouiller entièrement de
« fa liberté , au moins elle empêche qu'il n'en
« abufe jufqvi'à un excès qui lui devicndroit fu-
« nefte.
» La raifon en eft , que nous ne fommes que les
}> adminiflratcurs de nos biens , & que la loi , qui
j> nous en confie le gouvernement , fe réferve
» toifjours l'empire abfolu qui lui appartient , pour
j) étendre ou rcHerrer notre pouvoir , fuivant les
i> vues que la fageiïe lui infpire , & qui n'ont ja-
î3 mais pour objet que notre véritable intérêt.
» De là font nées ces diiTêrentes précautions que
î> la loi prend contre des majeurs, pour empêcher
î) qu'ils ne diflipent leurs biens lorfqu'ils paroif-
»> fent incapables de les conferver ; les uns font
») abfolument interdits de toute difpofition , les
»i autres ne le font que par rapport à l'aliénation
M des fonds ; aux autres , on donne un fjmple con-
» feil, fans l'avis duquel ils ne peuvent contrac-
»» ter ; il y en a qui ne font gênés que dans un feul
S) genre d'aâion , par exemple , à qui on défend
3> d'entreprendre aucun procès fans l'avis par écrit
3j d'un avocat qui leur eft nommé. Le remède
» change fuivant les circonftances , & c'eft la na-
3» ture de chaque affaire qui règle la manière dont
» on doit pourvoir aux befoins de ceux à qui ces
sr fecours font néceffaires ».
11 n'y a point de règles précifes fur le degré au-
quel doit être porté le dérangement, pour provo-
quer Tinterdidion proprement dite. D'Argentré ,
fur l'article 491 de l'ancienne coutume de Breta-
gne , & iM. de Perchambault fur l'article 5 18 de la
nouvelle , font entendre que l'ufage de cette pro-
vince eft d'interdire tout homme qui a diffipé fol-
lement le tiers de fon patrimoine : mais cet lîfage ,
s'il exifte encore , eft purement local ; par-tout
«illeurs , c'eft à la prudence du juge à arbitrer ,
d'après les circonftances , fila perfonne qu'on lui ,
PRODIGUE.
défère comme Prodigue , doit être regardée comme
telle dans le fens de la loi.
Dans l'efpèce du célèbre arrêt du 12 avril 1734,
M. Laverdy , défenfeur du marquis de Menars ,
dcmandoit quels traits de prodigalité on avoit à
reprocher à fon client. « Il a lui-même , difoit-il ,
» mis un frein à fa diilîpation ; en fe mariant, il a
» commencé par fubftituer le marquifat de Menars
» en faveur de fss enfans ; tous les autres biens
» exiftent fans aucune efpèce d'aliénation: on ne
» cite aucun trait de diftïpation. Enfin eft il obéré ?
V Les lois veulent qu'on n'interdife que celui ^ui
» r.eque tempiis , ne que fine m expenfarum habet , & ,
» comme dit d'Argentré , celui qui irientem de re
11 fuâ dim'nucrit. Sur quel fondement la rnarquife
») de Menars peut-elle donc demander l'interdic-
r> tion de fon mari ? Elle apporte en preuve d'in-
» capacité & de foibleffe d'efprit , deux billets qui
» lui ont éié furpris .... Mais la voix des confeils
1) n'étoit-elle pas un tempérament qui devoit avoir
» la préférence? Et les neuf parens qui ont voté
» en dernier lieu pour cet expédient , n'ont-ils pas
» en cela confultê le véritable intérêt des parties ^
» Les deux furprifes qu'on a faites au marquis
» annoncent clairement qu'il pourroit être dange-
» reux de l'abandonnera lui-même. Avec la pré-
)) caution des confeils , la fureté du marquis & de
» fa fortune eft folidement établie, & il n'a plus
» rien à redouter de la foiblelfe de fa vue ; car ce
n font fes yeux , & non fon efprit , qui ont été
» fi étrangement abufès lorfqu'il a figné deux obli-
» gâtions , l'une de 20003 livres, & l'autre de
j> 20005 livres , ne Croyant reconnoîrre que deux
» billets , l'un de 90 livres , & l'autre de 80 liv. ".
M. le Normant répondoit : <« Le marquis de
M Menars a été interdit dès le 4 mai 1700, & il a
» inutilement tenté de fecouer le joug en 1723-.
» Deux des parens qui fe déclarent aujourd'hui
» en fa faveur , difoient alors , que T/unneur allant
» avant tout , il fallait non-feulement fonder à la
» filreté des biens , mais s'affurer de fa perfonne. Il eft
» bien certain que cène fut point la foiblefte de
» fes yeux qui le plaça , à ces époques , dans les
») liens de l'interdidlon, mais un oubli général de
» tout ce qu'il fe devoit d'égard à lui-même Se à
n fa famille, & fur-tout fon inconcevable facilité
n à figner tous les papiers qui lui étoient préfen-
V tés/Mais ce qui eft antérieur à fes premières in-
» terdiflions, peut-il fonder une interdiflion qui
>» leur eft poftérieure ? Non fans doute, s'il étoit
» pofûble de foupçonner que le marquis ait pu fe
» corriger; mais ces deux billets qu'il a fignés ft
» aveuglement, ne prouvent-ils pas que la même
M foibleffe , non pas d'yeux , mais d'efprit , fubfifte
)> toujours ? Si les mêmes dangers font toujours à
M craindre , ne doit-on pas prendre les mêmes
)» précautions ? Et ces précautions deviennent d'au-
» tant plus indifpenfables , qu'il s'en faut bien que
» les compagnies qu'il voit le mettent à l'abri des
n furprifes qui peuvent ruiner fa fortune &. corn^
PRODIGUE.
« promettre fa perfonne. Il n'eft point d'homme
» chez lequel brille encore une lueur de raifon ,
j> qui n'eiàt pu fe garantir du piège des billets ,
j> &c. »>.
Sur ces raifons , arrêt intervint , par lequel le
marquis de Menars tut interdit & mis fous h cu-
ratelle de fa femme.
En général , on peut dire qu'en cette matière la
diflipation ne doit pas é:re auill grande lorfqu'elle
efl jointe à une certaine foiblelTe d'efprit , que lorf-
qu'elle forme le feul titre de la demande en intcr-
diélion.
Il eft pareillement certain que les excès auxquels
îl faut qu'elle foit portée pour déterminer la juf-
tice à priver un homme de fa liberté , doivent
être plus confidérables & plus crians de la part
d'un père de famille, que d'un fimple particulier.
Celui-ci eft , dans toute l'énergie de ce mot , mairre
de tout ce qu'il poiTède ; il ne <\oh rien à fes colla-
téraux , point d'alimens pendaut fa vie , poi^.t de
fucceiîion après fa mort. Auffi a-t-il été un temps
où ils étoient non-recevables à pourfuivre fon in-
terdiflion. Il y en a un arrêt du 2 août 1600 , rap-
porté par le Grand fur l'article 95 de la coutume
de Troies. La condition d'un père de famille eft
bien différente ; fon patrimoine n'eil proprement
pas à lui , la nature & la loi le def^inrtu à fts en-
fans , elles les regardent en quelque forte comme
fes co-propriétaires ; & à fa mort , c'eft moins une
fucceffion, qu'une continuation de proprié;é qu'elles
leur défèrent (1). S'il méconnoît les obligations
facrées que lui impofe le titre de père , s'il facrillc
les iniéréts de fes en fans à fes paflîons , il n'y a
point à balancer , le juge doit prononcer fon in-
terdi(îïion , & lui dire , comme faifoit anciennement
le préteur romain : Quando tua bona pattrna avita-
que nequitiâ tuâ difperJis , libcrofque luos ad eo^afla-
tem perducis , ob eam rem tibi eâ re commercioque in-
ttrdico (2).
§. II. Des formalités nkeffaires à rinterdiFilon d'un
Prodigue.
Il y a en Flandres quatre coutumes qui ne per-
mettent de pourfuivre l'interdiâion d'un Prodi-
gue qu'en vertu de lettres royaux. Ce font Lille ,
litre 4 , article 9 ; chàtellenie de Lille, titre 15,
;iriicle 10; Douai, chapitre 7, article 9 ; gouver-
nance de Douai, chapitre 12, article 8.
On a foutenu depuis peu au parlement de Flan-
dres, que ces difpofitions étoient de droit co?n-
mun. Le fjeiir Colpin père, négociant à Valen-
ciennes , avoit été interdit par fentence des prévôt
& échevins de cette ville du 11 décembre 1773.
Il s'en rendit appelant au parlement de Flandres ,
& allcgua entre autres moyens le défaut de fes en-
gins d'avoir pr*s des lettres à la chancellerie prés
(l) L. 1 1 , D. J*» liberis tr pojihvm'is. !.. i , parag, 12, £).
de fuccejforio ediclo,
{i) Pdulus , recept-fentint, lib. J , tic 4 , parag. 7,
PRODIGUE. 751
la cour. 11 n'appartient , difoit-il , qu'à l'autoritS'
fouverainc de changer l'état que la nature ou la loi
nous donnent. L'incapacité du mineur ne peut être
levée par le juge , qH'en vertu de lettres de Béné-
fice d'âge ( voyez ce mot ) ; pourquoi donc la
capacité naturelle &. légale d'un majeur pourroit-
elle être anéantie fans lettres de curateU<:iWz(\.-\ï
pas de principe que c >nirariorum cadem ijl ratio ?
Ce moyen étoit à peine fpécieux : voici la ré-
ponfe que j'y ai faite pour les intimés. C'efl un
principe confiant , qu'on ne doit point ajouter aux
lois ni aux coutumes , des formalités qu'elles n'ont
pas prefcrites. Tout eft de rigueur dans cette ma-
tière ; vouloir retrancher quelque chofe de la loi ,
c'e/l attenter à fon autorité ; vouloii- y fuppléer,
c'efl infulter à fa fageffe Se à fa prévoyance.
Cette feule réflexion efl décifive pour les inti-
més. Il n'y a pas un mot dans la coutume de Va-
Icnciennes , qui fa/Te feiatir la nécefTîté de prendre
des lettres Cn chanceli rie, l.oriqu'il eft queflion
d'interdire un majeur nui abufe de fa liberté : il cA
donc inutile de recourir à cette forme par rapport
aux citoyens dont la perfonne eft foumife à la cou-
tume de Valenciennes. Ce feroit multiplier les frais
fans objet & fans fruit.
Cette conféquence acquiert un nouveau degré
de lumière, lorfqu'on jette les yeux fur le décret
d'homologation de la coutume de Valcnciennes ;
voici , entre autre chofes , ce qu'il porte : « Avons
Il interdit & défendu , interdifons & défendons
» par ces préfentes à tous nofdits fujers & manans ,
)> & autres qui auront ci-après caufes ou procès
)> pardevant nofdits prévôt , jurés S: échevins , de
» recevoir & admettre en caufes & matières à dé-
}■> mener & intenter pardevant eux , a'Jtres coutu-
» mes & ufages que ceux ci-deffus écrits ».
D'après cela , il eft impofTible de concevoir com-
ment l'obtention de lettres de curatelle , fur laquelle
la coutume garde le plus profond filence , pourroit
être regardée à 'Valcnciennes comme une formalité
eifentielle & un préalable néceffaire à l'interdiâion
d'un majeur.
Si du moins le droit commun exigeoit cette for-
malité , on pourroit , on devroit même s'y confor-
mer à Valenciennes , comme ailleurs ; mais le droit
commun eft auffî muet là-de/Tus que la coutume de
■Valenciennes , & il eft par-tout d'un ufage conf-
tant de regarder comme véritables & régulières
les fentences d'interdiflion prononcées fans lettres
de chancellerie. Quatre coutumes , il eft vrai , en
difpofent différemment; mais quatre coutumes ne
forment pas une loi générale , fur-tout dans une
matière qui n'appartient pas fpécialement au droit
coutumier.
Faut-il une nouvelle preuve de ce que nous avan-
çons .•' En voici une fans réplique. Le recueil des
édits & réglemens pour la Flandre , imprimé en
1731 par ordre de M. d'Agueffeau , nous offre ,
page 100 , « un tarif des droits du fceau & des
» taxes des lettres qui fe fcellent es chancelleries
Z zz z i^
7p PRODIGUE.
n prés les cours de parlemens & autres cours fu-
« pérleures de ce royaume , en confèqueace de
v l'édit du mois d'avril 1672 ". Ce tarif aété enre-
giftrè à la cour le 26 juin 1681. En 1770 , il en
a été fait un femblable , mais beaucoup plus étendu ,
pour la chancellerie établie à cette époque prés le
parlement de Nancy (1). Or, dans l'un & l'autre
tarif, on ne trouve rien , abfolument rien de rela-
tif à l'interdiction. Il ne faut donc pas de lettres de
chancellerie pour interdire un majeur.
Enfin, c'eftce que la cour elle-même a jugé par
arrêt du 14 août 1779, au rapport de M. Delvi-
gne. Le fieur Bodhain d'Harlebecque , gouverneur
de la ville de Marchiennes , étoit appelant d'une
fentence de l'official , juge ordinaire de Cambrai,
qui l'avoit conft tué en curatelle. Il comba toit
cette fentence par différentes raifons , & notam
ment par le défaut de fcs adverfaires Je s'être
pourvus préalablement de lettres royaux. Mais ni
ce moyen que 'on pre riier difenfeur avoit em-
ployé j ni li-S a.itres que j'y ai ajoutés , n'ont été
t\ aucun effet. La cour a déclaré le fieur d Harle-
Lecque bien & valablement interdit.
Ces raifons ont eu tout le fuccès qu'on devoir
en att..ndre. Par arrêt du 17 juin 1780 . rendu à
la féconde cham.)rc , au rapport do M. Durand
d'Elecou.t, le parlement de Flandres a ordonné,
avan. faire droit fur l'appel delà fentence d'inter-
didion , qu'il feroit , i". tenu par le rapporteur
procès-verbal de l'état du fieur Colpin père ; a",
fait devant le même magiftrat une nouvelle aflem-
blie de parens ; 3°. informé des faits de diffipation
articulés au procès , dépens réfervés. Par-là, on a
préjugé bien clairement , que l'omiffion des lettres
de curatelle n'avoit aucunement vicié la procédure.
Pour qu'une interdiâion foit valable & produife
tous les effets que les lois en font réfulter , il faut
qu'elle foit prononcée par un juge compétent L'ar
ticle 21 du chapitre 60 des Chartres générales de
Hainaut, contient fur ce point une difpofition par-
ticulière. Voici comme il cft conçu : « Lui ap.'ar-
a) tient encore ( au grand bailli de la cour fouve-
3J raine de Mons ) , & à nul autre juge de notredit
»> pays , de prendre en fa proteftion & curatelle ,
5> les Prodigues , furieux , débiles de feos , muets
» & autres femblabics , auffi leurs biens & reve-
3> nus, y commettant tels tuteurs , curateurs ou
j> manbours qu'il trouve convenir , à charge de
3» par eux lui en rendre compte, ou à fon commis ^.
Le grand bailli efl repréfenté , dans le Hainaut
François , par les juges royaux ; & ils exercent ,
chacun dnns fon reiïort , le droit exclufif que les
Chartres publiées longtemps avant leur création,
attribuoient à cet o^c er fouverain , d'interdire &
jnettre en curatelle les habitans de cette province.
5i les prévôt & échevins de Valenciennes jouiffent
<du mcme droit , c cff par deux raifons qui ne con-
viennent à aucun autre juge municipal du Hainaut ;
(0 Voy«z À'i(i|iclçCHA;SGiUEni£, )
PRODIGUE.
la première, qu'ils font dans une poffeffion conf-
iante & confacrée par la volonté expreffe du fouve-
rain , de connoître des cas réfervés aux juridiâions
royales; la féconde, que les Chartres générales
n'ont aucun empire à Valenciennes dans les ma-
tières perfonnelles. Voyez les articles ECHïviK ,
Magistrat, & Valenciennes.
Tous les auteurs conviennent que l'interdiâion
ne peut être prononcée que par le juge domici-
liaire , & cela ne peut être fufceptible d'aucuti
doute : c'eft toujours la loi du domicile qui déter-
mine la condition des hommes ; il n'eft donc pas
pcffiblc qu'une autotité étrangère imprime à une
pcrfonne une qualité qui change univcrfcHemcnt
fon état.
Mais l'acquiefcement donné par une perfonne
reconnue pour Prodigue , à la fentence d'interdic-
tion d'un fiége étranger , couvre-t-elle ce défaut
de pouvoir , &. forme-t-elle obftacle à l'appel qu'on
pourroit en interjeter comme de juge incompétent ?
Cette queftion a été jugée par l'arrêt déjà cité du
14 août 1779 ; en voici l'efpèce :
Le fieur Bodhain d'Harlebecque, ayant fait quel-
ques dépenfes exceffives , futpreffé par fa mère 8c
fes autres parens de fe laiffer interdire pour quel-
que temps : après beaucoup de follicitations , il y
confentit , fous la réferve de reprendre fon état de
liberté après qu'on auroit mis ordre à fes affaires ;
& en conféquence , il fut rendu par l'official , jugs
ordinaire de Cambrai , une fentence du 27 oflobre
1777 , qui le conftitua en curatelle. Sa mère mou-
rut peu de temps après ; la fucceffion qu'elle liri
laiffoit, le mettant à même de réparer une grand*
partie des brèches qu'il avoit faites à fa fortune , il
donna , le 2 avril 1778 , une requête en mainlevée
de fon interdiéïion. Ses parens s'étant oppofés à
cette demande, il intervint une fentence du 24
juillet fuivant , qui ordonna quelques préliminaires
à l'inftruâion complctte de la caufe. Le fieur
dHarlebecque appela dabord de cette fentence &
de celle du 27 oé^obre 1777, tant comme de ju^e
incompétent quautrrment ; mais dans la fuite il fe
reftreignit à l'appel d'incompétence, & fe réferva
de fuivre , quand & où il jugeroit à propos , l'effet
de celui qui concernoit le fond. J'étois chargé de fa
défenfe; voici le précis des moyens que j'ai em-
ployés pour établir l'incompétence de l'official de
Cambrai.
Il eft confil^ant que le fieur d'Harlebecque n'étoic
point domicilié à Cambrai lors de la fentence da
27 oâobre 1777, qui l'a privé de fa liberté. C^â
ce que prouve , i". un certificat du tréforier de
cette ville , « portant , que M. d'Harlebecque, ci-
■» devant domicilié en ladite ville , a ceffé d'être
y» impofé & d'être compris d ns les rôles de capi-
» ration, à commencer à l'année 1774, ayant
w quitté la ville de Cambrai , pour faire fa réfidence
» en celle de la père au mois de feptembre 1773 "•
2°. Les maire & échevins de la Fère déclarent par
a^es des,,,, feptembre 1778 Ôc 23 janvier 1779 ,
PRODIGUE.
*) que le fieur d'Harlebecquc eft domicilié en cette
» ville, fans aucune iineiruption , depuis le mois
» de leptembre 1775 »& qu- comme tel il a été
1» exaâement compris dars les rôles de capita-
« tion , &c. ». 3". Le bailliage de la Fère a rendu ,
le II décembre 1777, une Icntence portant refus
d'enregiflrer, fdire lire & publier la fentcnce d'in-
terdidion du fieur d Harlebecque , p>»r la raifon que
cette fentence eft émanée d'un juge incompétent ;
<i le fieur d'Harlebecque n'ayant pas perdu le do-
Tt micile qu'il avoir acquis à la Fere depuis plu-
)» fieurs années , & où il étoit dom ci ié lors de
i> ce;re fentence , n'ayant fait qu'une abfence de
» quelques mois, & un fi^jour fembla'.>le à Cam-
» brai & ailleurs ». 4'. M. R. , confeiller à la
cour , l'un des principaux adverfaires du fieur
d'Harlebecque, lui écrivoit le 26 juillet 1777,
trois moisava/it la fe;.t. nce d'intcrdiilrKon: « Per-
I» fonne de nous n'ignore que vous avez une mai-
» fon à Cambrai , dont vous êtes propriétaire, &
»> que vous avez habitée autrefois ; mais nous fa-
»j vons tous en même temps que vous avez cefle
î> de Thabiier , pour la louer, &. prendre un do-
i> micile hors du reiTort du parlement de Flandres ,
ï> & que par-là vous avez ceifé d'être fon jufticia-
» ble Se de pouvoir y être attrait par aflion per-
3} fonnelle ».
On oppofe ua afle que le fieur d'Harlebecque
a paffé au greffe de 1 hôtcl-de-ville de Cambrai le
îo août 1777. Mais que porte cet afle ? Que le
ileur d'Harlebecque , demeurant a la Fère , renonce
au domiùlt qui', a tn Cette dernihe ville , pour le
prendre & tenir judit C.nnbrai ^ en fa maifon rue
Notre-Dame. C'itte déclaration prouve inv.ncible-
ment qu'au temps de fa date le fieur d'H.-trlebec-
que étoit vraiment domicilié à la Fère; il on ne
peut la confidérer que fous deux a([;e<3s , ou
comme une marque de l'intention du ficurd Har-
lebecque de transférer fon domici'e de la Fére à
Cambrai , ou comme une fimple foum.ffion de fa
part .1 la juridiâion du juge ordinaire de cette der-
rière ville. Or , fous lun & l'autre point de vue ,
il ..ft impoflible que cet ai^e ait produit l'effet qu'on
a voulu en faire réfulter.
1". Cet a6h; , confidéré comme une déclaration
du fieur d'Harlebecque de vouloir transférer fon
domicile à Cambrai , n'a pu le rendre justiciable de
l'official de cette ville , parce qu'il n'a point été
fuivi , de fa part , d'une tranflation réelle & effec-
tive de fa demeure de la Fére à Cambrai. Domici-
lium Te & ftfjo conjlituitur i non nudd contejlaiione.
V, 20, r>. ad mttnicïpalein.
a°. Ce même ade , confidéré comme une fimple
foumilîïon du fieur d'Harlebecque à la juridit^ion
ordinaire de l'official de Cambrai , n'a pu attribuer
à ce j .!gc un pouvoir fufîîfant pour l'interdire. Tout
ce qui a trait à 'rr condition d'un homme , à fa capa-
cité de contraiSer , d'aliéner, de participer aux
effets Qtuinaires de la vie civile , ne dépend aucu-
neoient de fa volonté ', ç'eft la loi ftule qu'il faut
PRODIG t/E.
735
écouter fur ces matières. S:irnus jura noflra noUt
prejudicium générale cuiqtiam (.ircd conaitionem ^neque
ex confejjioribuj ^ nequc ex fcripturâ. L. 2t , C de
ûgricolis-. u On ne peut , dit Boullenois fur Ro-
» demburg , tome 2, page 374 , on ne peut ''oa^
» ner par convention à une perfonnc un état per-
»» fonnel & public, que ne lui donne pas la loi >♦..
Ainfi un majeur ne peut de lui-même îe réduire à
l'état de mineur ; un citoyen ne peut valablement
flipuler qu'il fera réputé mort civilement ; & , par
la même raifon, un homme qui jouit de tous ies
droits ne peut defcendre de lui-même au rang des
interdits, ni par conféquent confentir qu'un juge,
auquel fa perfonne n'çfl nullement foumife , lui
imprime cette qualité.
Si une inierdiflion n'avoit d'effet que relative-
ment à celui contre qui elle eu prononcée, oa
pourroit , au moins dans les provinces qui ont
confervé l'ufage des prorogations de jurididlion
introduites par le droit , on pourroit être interdit
par un juge étranger auquel on fe feroit fournis à
cette fin. Mais l'effet d'une interdiâion n'efl jamais
circonfcrit dans des bornes fi étroites , il s'étend à
toutes les perfonnes qui peuvent avoir la moindre
relation avec la perfonne qu'il s'agit d'interdire. Un
juge qui interdit un majeur , eft cenfé dire au pu-
blic : « Je vous défends de contraéîer dorénavant
» avec cet homme , je veux que vous le confîdé-
» riez à cet égard comme n'cxiflant plus , je ré-
»» pands dans toute fon exiflence civile un venin
i> qui va vicier tous les engagemens qu'il pourroit
H former avec vous ; défiez - vous donc de lui ;
» fanum hahtt in cornu^ caveto ». 11 eft fen/ible qu'un
aÂe auffi étendu & aufli important de la juridiâion
civile , ne peut être exercé par un juge qui n'au-
roit qu'un pouvoir précaire & momentanée fur la
perfonne du majeur qu'il feroit quefiion d'inter-
dire. }\ fai t, pour porter à ce point l'exercice de
l'autorité coiitiét aux magiftrats , une juridiflion
naturelle , fiable & permanente , qui n'appartient
Si ne peut appartenir qu'au juge du véritable do-
micile.
Cette affaire paroît avoir intrigué beaucoup les
juges. Un arrêt du 10 avril 1779 a d'abord ordonné
au fieur d'Harlebecque de contefler à toutes fins
&£ de prendre des conclufions au fond. Mais le
fieur d'Harlebecque n'en a voulu rien faire j il a
perfifié à demander droit féparément fur (on ap-
pel d'incompétence , fe fondant fur l'article 17
du chapitre i*' du flyle du parlement de Flandres a
conforme à l'article 3 du titre 6 de lordonnance
de 1667. \Jn fécond arrêt du 22 mai fuiyant lui
enjoint de fatisfaire au premier, à tel péril que de
droit , S< ce dan^ le mois de la fignificj.tion qui lui
en feroit faite péremptoirement. Le fieur d'Harle-
becqu': s'éiant tenu purement & Cmplement à ce
qu'il avoit dit auparavant , il eft intervenu arrêt le
14 aoiJt de la même année , qui l'a déclaré bien de
valablement conftitué en . uratelle.
On a dit au mot Interdiction , qu'il n'eft pa»
734
PRODIGUE.
toujours d'ufage d'entendre les Prodigues avant
de les interdire. Cette formalité eft cependant pref-
crite par les coutumes de Lille , de la châtellenie
«le Lille, de Douai & de la gouvernance de Douai ,
aux endroits cités plus haut. Elle l'eft également
par l'article 520 de la coutume de Bretagne , dont
voici les termes: « En déclaration de prodigalité,
« & interdiiîîion de biens , fi le défendeur prétendu
î> Prodigue défaut à rajournement à lui donné ,
» ou s'il compare , & que la caufe traîne en con-
» teflation & en longueur , le juge, &c. ». D'Ar-
gentré fur cet article , qui étoit le 492 de l'an-
cienne coutume , dit qu'en difpofant de cette ma-
nière , les rédaéteurs ont profcrit l'opinion des
doéleurs Angélus , Jafon 8c Décius, qui non piitant ,
dit-il , ad dtciiirationeni prodigaUtatis , nice[Jaria/n
efje vocationein Prodigi , quia , inquiunt , Prû,iigi irn-
pcdire non poffunc ne eis bonis interdicctw. On voit
que ces doéleurs fuppofent ce qui e(l en qusilion :
fans doute un homme vraiment Prodigue ne peut
pas empêcher qu'oc ne l'interdifc , mais il peut
faire voir qu'il n'eft pas tel; il peut juftifier, par
des raifons très-légitimes , des aÔes qui , au pre-
mier abord , femblent porter l'empreinte de la pro-
digalité ; & cela feul ne fulllt-il pas pour qu'on ne
puifle paà l'interdire fans l'entendre ? C'eQ la ré-
flexion de d'Argentré. ^u<^io, inquarn , affurnptum
de ^rodi^o , fed quonùnhs talis pronuncietur & judi-
cetur ûbjiflere potefl & dcfenfiones affeue ; 6" caufas
AlienalLonurn jufias & nectjfarias proùare , 6' débita ,
& cafus ; & verb multi quoiidic probant & abfolvun-
tur. Au refle , nous voyons dans Chri/Hn , tome
I , décifion 182, que le grand confeil de Malines a
plufieurs fois réprouvé l'opinion des dofleurs coa
tre lefquels s'élève d'Argentré. Ce tribunal a ce-
pendant jugé , comme l'attefte le même auteur, &
cela par arrêt rendu la veille de pentecôte 1526 ,
que l'interdiélion provifionnelle peut être pronon-
cée fans entendre la perfonne accufée de prodiga-
lité. J'ai eu plufieurs fois ocoafion de remarquer
que tel eft auln l'ufage de la gouvernance de
.Douai ; j'y ai fait moi-même rendre plufieurs fen-
tenccs qui l'établifTent formellement , en forte que
la difpofition de la coutume de ce fiege eft limitée
à l'interdiiSliGn définitive.
Le défaut de conclufions des gens du roi annul-
leroit il une fentence d'interdiélion ? Le fieur Col»
pin père a foutenu l'affirmative dans la caufe dont
on a parlé ci-devant , & il a prétendu faire annul-
1er, fur ce fondsment, la fentence des prévôt &,
échevins de Valenciennes , dont il étoit apelant.
J'ai oppofé deux raifons à ce moyen :
1°. 11 eft vrai que , régulièrement , les juges
prennent des conclui'.ons de la partie publique
dans les matières d'interdiâion ; mais cette règle
a fes exceptions comme toutes les autres, & cer-
tainement, s'il en faut excepter un cas, c'efr bien
celui où le défaut de partie publique dans un fiège ,
en rend rexécution métaphyfiquemenr impoffible :
çr , il n'y a point d'officier dans le corps municipal •
PRODIGUE.
de Valenciennes qui foit prépofé pour donner des
cojiclufions dans les caufes relatives ,foit à l'état ,
foit à la fortune des particuliers. Leprévôt-le-comte
ne conclut ou plutôt ne femonce que dans les ma-
tières criminelles & de police ; le procureur-fyndic
ne prend communication que des affaires concer-
nant les domaines Se oélrois de la ville ; le maieur
n'exerce la conjure que dans un très petit nomiîrc
de cas fixés par la coutume & par quelques réi'le-
mens particuliers; perfonne ne conclut dans les
caufes purement perfonnelles & civiles. Tel eft
l'ufyge; peut-être eii-il abufif , mais il eft trop an-
cien pour qu'une fentence qui y eil conforme piaffe
être annuUée fous ce prétexte. La cour peut le ré-
former pour l'avenir; mais , à l'égard du paffé ,
tous les adles auxquels il a fervi de bafe , doivent
fubfifter : c'eft le vrai cas de la loi barbaiiui , D. de
cfficia p rat cris (i).
2°. Dans les tribunaux même où il y a des ofli-
cîers établis pour conclure dans les matières civiles ,
le défaut de communication aux gens du roi ne
feroit pas un moyen de nullité contre une fentence
d'interdiftion. Cela eft fi vrai, qu'on ne pourroit
pas faire retracer par requête civile un arrêt rendu ,
foit contre un mineur , foit contre un interdit , fans
conclufions du miniftère public, a Cette maxime,
» dit JouiTe ,pei,n fe tirer de l'article 36 d-:. r-re des
» requêtes civiles du projet de l'ordonnance de
» 1667 , comparé avec l'article 35 de la même or-
» donnance, oii on voit que le moyen de requête
» civile établi par le projet pour défaut de commu-
» nication aux gens du roi, à l'égard des caufes
■» où il y a des mineurs intéreffés , a été retranché
» lors de la rédaftion de eet article w.
On fe rappelle que l'arrêt intervenu fur css rai-
fons le 17 juin 1780 , a préjugé, par un avant
faire droit, que la fentence dont il s'agiffoit n'é-
toit pas nulle. J'aurois pu ajouter à mes moyens ce
paffage de Serpillon , page 1546: « Le défaut de
» communication d'un procès aux gens du roi ,
» ne fait pas une nullité dans la fentence rcncua
i> par un juge fujet à l'appel , parce que ce défaut
» peut être réparé pardevant le juge fupérieur,
» C'cfl ce qni fut jugé au parlement de Dijon à
l'aufeliencc de relevée, le 10 janvier 1738 , entre
la comtefTe de Louerme & le fieur Vtrdin :
jj Diffon plaidoit pour la comteffe de Louerme ,.
appelante d'une fentence du bailliage de Châ-
tillon , qui l'avoit condamnée par défaut , fans
conclufions des gens du roi ; il demandoit la
caffation de la fentence : la cour n'y eut point
n d'égard ; elle prit les conclufions du fubflitut, &
» confirma la fentence ,avec dépens.
Il faut cependant convenir que , dans la tbèfe
générale , il y auroit bien de l'imprudence de la
part d'î-in juge de prononcer uae iorci-dif^ion fans
entendre la partie publique. Un règlement du coîi-
feil du 6 mai 168^1 , enpegiliré au parlement de
(l) \ cyez les airicies iiRREUK & 1CK0RANÇ2.
PRODIGUE.
Flandres le 13 juin fuivant, porte, que Ton commu-
niquera au procureur-général de cette cour les af-
faires « où les mineurs & autres perfonnes qui , en
» termes de droit, font coinparéts aux mineurs ,
>» auront intérêt, & lorfqu'il s'agira de l'état des
« perfonnes ». Ce règlement ne porte point la
peine de nullité ; mais l'article 40 des lettres-pa-
tentes du mois de mai 1706 , rendues pour le con-
feil provincial qui exifloit alors à Valenciennes ,
déclare qu'il fera exécuté en ce fiège , " à ptine de
» nullité des jugemens qui auront été rendus fans
» conclufions dans les procès ou',elles doivent être
» données , fuivant ledit règlement )>.
§. III. Des perfonnes qui peuvent provoquer Vinter-
ainion d'un Prodigue.
Nous n'aurions rien à ajouter ici à ce qu'a dit
fur ce point l'auteur de l'article Interdiction ,
fi, dans la caufc du fieur Colpin père, dont nous
avons déjà parlé , on n'avoit élevé , pour la pre-
mière fois fans doute , la qu^ftion de favoir (i un
fiis ert recevableà provoquer 1 interdiâion de (on
père. Le fieur Colpin foutenoit la négative, & fe
fondoit fur les lois qui défendent au fils d intenter
contre l'auteur de fes jours une de ces aifîions que
le droit romain qualifie de famcufes. La rcponfe
que j'ai faite à ce moyen a été confacrée par l'ar-
rêt ; la voici :
Il eft vrai qu'un fils n'efi pas recevable à pour-
itiivre (on père par une a£lion qui pourroit impri-
mer fur lui le fccau du déshonneur & de l'infamie :
mais où les confeils des appelans ont-ils vu que la
demande en interdiélion fût de ce genre .^ où ont-
îls vu qu'un homme imerditfût privé de l'honneur
& réduit dans la clafTe des perfonnes infâmes ?
Les lois I , 2 6c 4 , <^<f curatorihus , décident qu'un
fils peut être nommé cura.eiir à 1 iiuerdidion de
fon père ;& on voudroit qu il ne pût pas provo-
quer CQtte interdi6fion !
Les femmes ne font pas pliiS recevabhs à inten-
ter des 2£iïor\s fameujes contre leurs maris, que
les enfans contre leurs pères. C'eft ce qui rèfulte
particulièrement de la loi 2 , D. de aâione rerum
/imotarum. Cependant on voit tous les jours des
fenrmes agir en juftice pour faire interdire leurs
maris , & tous les jours les tribunaux accueillent
ces fortes de demandes. Dans la foule des airéts
que nous pourrions en cirer, on remarque fur tout
celui du 17 avril 1734 , par lequel le parlement de
Paris a interdit le marquis de Menars fur la pour-
fuite de fa femme (i).
Du refîe , l'ufage nous difpenfe là-defTus de
toute efpèce de preuves. Rien 'de plus ordinaire
flans les tribunaux , que d'y voir des enfans ,ef'
frayés parla perfpeiStive d'un avenir malheureux ,
(1) Lf parlement de Parij vienc cncoa- di juger la nicnie
thofe. l 'arrêt eft de 1781.0» Ic trouve dans Je tpmen de
li Ct{e:ti des cribunwx.
PRODIGUE. 755
demander que la juftice arrête le cours des di/Tipa-
tionâ de leur père , & lui jette , au milieu de i'a-
bime dans lequel il s'eft plongé , une planche qui
puiffe fauver quelques débris de fa fortune. Il n'y
a d'ailleurs aucun texte dans tout le droit civil ou
coutumier , qui leur ôte cette faculté ; nous trou-
vons au contraire dans une de «os coutumes , dans
celle de Bretagne , une difpofition qui la leur ac-
corde expreffément. Voici ce qu'elle porte , arti-
cle P9: « Nul ne peut être déclaré Prodigue, &
» on ne peut interdire l'adminiftration des biens à
M aucun , fors qu'à rmftar.ce & requête de fa
M femme , enfans ou autres prochanis héritiers
j' préfomptifs ".
Eh ! comment feroit-il poffible qu'un enfant ne fût
pas recevable à requérir finterdiéfion de fon père
A qui donc accorderoit-on ce droit .' Seroit-ce aux
collatéraux exclurivcmenr .'' Mais tous les auteurs
ne nous difenî-ils pas que dans ces matières un
collatéral eu. toujours regardé en jufiice d'un œil
défavorable ? Scroit-ce à d-.s étrangers ? Mais un
étranger eft ablblument non-recevabie, fuivant un
arrêt du 3 fe{-tembre 1763 , rendu fur les conclu-
fions de M. l'avocat général Séguier.
§. IV. De ceux qui peuvent être nommés curateurs
à fintcrdiElion , & de l:urs devoirs.
On a établi au mot Interdiction , qu'une fem-
me peut être nommée curatrice de fon mari , foit
furieux, foit imbéciUe , foit Prodigue. 'S'oici un
arrêt rendu dans la coutume de Valenciennes, qui
confirme cette affertion pour le cas où rinterdi(51ion
eff fondée fur la démence.
Le fieur Philippe-François Leju/îe, négociant à
Valenciennes , étant tombé dans un état d'imbécii-
lité , le fieur Antoine Lejufte, fon frère , préfenta
requête aux prévôt & échevins , pour être nommé
curateur , & obliger la damcLejufie, fa belle-fœur
de lui communiquer fon contrat de mariage & les
autres titres qu'elle pouvoir avoir en fa poffeffion.
La dame Lejufte ayant défendu à cette demande
il intervint fentence du 5 avril 1764, qui la ren-
voya des fins & conclufions de fon beau-frère , &
l'autorifa à gérer toutes les affaireî de la commu*
nauté d'entr'elle &. fon mari , même à efler en juge-
ment lorfqu'il en feroit bcfoin. Le fieur Antoine
Lejufie appela de cette fentence; mais elle fut con-
firmée par arrêt du parlement de Flandres du 30
mars 1765 , au rapport de M. Hennet.
L'arrêt du 17 avril 1734, que nous avons déjà
cité , a jugé la même chofe pour le cas où la prodi-
galité eft le fondement de i'interdiétion. Le mar-
quis de Menars prétendoit cependant qu'il y avoit
une différence eflenticlle entre ce cas & le précé-
dent. « Peut-on, difoit M. Laverdy, fon dcfen-
» feur, propofer, de fang froid , d'affujettir un
V mari fexagénaire à une jeune femme qui ne con-
» noît que les amufemens du monde? Ne feroit-
» ce pas condamner le mari à être le refte de (qs
73<^ PRODIGUE.
j> jours le plus malheureux des hommes? Chei
5) les Romains , un père imbéciUe & fou pouvott
j» bien être mis fous la curateHe de fon fils , parce
j» que le fou 6c rimbécilie n'oat point de volonté;
« & encore, dans ce cas, le père n'étoit-il mis
» fous fa curatelle , que lorfque le fils , par fes
») refpeâs & par fa conduite irréprochable , avoit
») mérité cette conriance i fi tam probus fit , dit
« la loi. Mais il n'en étoit pas de même du père
»» Prodigue. Jamais le Prodigue qui a connoifTance
>» & volonté, n'a été aflujetti à celui dont il étoit
« le chef. En partant d'après des principes fi fages,
» comment eft-ce que le mari feroit fournis à fa
« femme »> .''
» La loi romaine , répondoit M. le Norraant ,
» défcnfeur de la marquife deMenars, ne peut
« avoir aucune forte d'application à lefpèce dont
I) il s'agit. Quelle conformité y a-t il en effet entre
« la puiilance paternelle , & celle d'un mari fur fa
» femme? La puiffance paternelle produit un vé-
« ritable efclavage , puifque le fils, qui y eft fou-
V mis n'acquiert rien qui ne foit pour fon père : la
»> femme eu compagne de fon mari, Se n'ert pas fon
» efdave ; ce que le mari acquiert eft pour elle &
V pour lui ; tout eft ccnfé le fruit d'une coUabora-
» tion mutuelle. Le mari eft chef d'une fociété
I» commune; il la gouverne en maître , mais il la
» gouverne pour fa femme & pour lui.^— S'il to.Tibe
m dans le dérangement, & que le dérangement
» procède d'une caufe qui mérite qu'on lui ôte
») jufqu'au pouvoir qu'il a fur lui-même , alors la
n femme n'eft point obligée de fubir un joug
■» étranger ; c'eft à elle à gouverner la chofe com-
p mune , & elle ne pourroit être foumifeà l'au-
j> torité d'un tiers, qu'elle n'eût donné lieu, par
« fa conduite , de l'interdire elle-même. — Mais
M le droit qui appartient à la femme par elle-mênre,
» elle l'exerce encore à plus jufte titre quand elle a
V des enfans. Qui défendroit en effet l'intérêt des
>♦ enfans , fi ce n'étolt leur mère ? La tutelle ne peut
1» lui être refufée fans des motifs néceffaires d'ex-
» clufion. Il y a bien moins de prétexte de lui re-
•> fufer la curarelle, pour laquelle fe joint aux in-
n térêts des enfans , celui de la femme elle-mêmç ,
» & le droit inconteftable qui lui appartient d^ns la
m communauté. — Mais "fi les lois romaines font ab-
V folument étrangères à une curatelle ouverte en
« pays coutumier , il fe trouve dans le pays coutu-
» mier des textes qui s'en expliquent clairement, 8t
M qui ne font contredits par aucun autre. L'article
9) <; 3 1 de la coutume de Bretagne , porte : quelfi un
I» homme tjl déclaré mal ufant d* fes biens , il lui
« fiera donnéadminifirateur pour gouverner ou adminif-
(, trer fts biens fô' aura la femme du Prodigue ledit
V gouvernement 6- adminifiratian ,fi elle fe trouve ca-
p pable pour adminifirer lefdits bieris ; autrement Us
V feront baillés à autres d: fes pareils ^ui feront
t» trouvés Jufifans pour le faire V.
fat l'arrêt cité, la Marquife dç Menars fut dé-
PRODIGUE.
clarée curatrice , & on nomma un confcll à l'interr
di61ion.
On voit , par les défenfes refpcflives des parties ,
que dans cette affaire on convenoit , d'un côté ,
comme de l'autre , qu'un fils ne peut être nommé
curateur à l'interdiftion de fon père , lorfqu'elle
eft fondée fur la prodigalité. 11 y a cependant des
auteurs qui foutiennent le contraire , & ne met-
tent à cet égard aucune différence entre le père in-
fenfé 8c le père Prodigue; tels font d'Argentré fur
l'article 495 de l'ancienne coutume de Bretagne,
& Voet , en fon commentaire fur le digefte , livre
17 , tit. 10. Mais cette opinion nous paroit détruite
par le texte même fur lequel ils la fondent. La loi
I , §. I , D. curaioribus , porte , que , fuivant l'an-
cien droit , la curatelle ne pouvoit jamais être dé-
férée au fils de l'interdit. Curatio aute/n ejus cui bonis
interdicitur , filio negabatur permittenda. Mais ,
ajoute-t-ellc, il y a un refcrit de l'empereur Plus,
qui permet de nommer le fils dont la conduite eft
irréprochable , curateur à l'interdiélion de fon père
furieux : fed extat dïvi PU refcriptumfiUo potiiis cU"
rationem pcrmittendam in pâtre furiofo ^ fi tam probus
fiit. Il réfulte clairement de-là , que l'ancien droit
n'a été corrigé qu'à l'égard du père furieux ou in-
fenfé ; il fubfifte donc dans toute fa force par rap-
port au Prodigue. La loi 2 confirme cette conft-
quence : elle autorife pareillement le juge à nom-
mer le fils curateur de fon père ; mais elle ne parle
que dn cas où l'interdiâion eft fondée fur une in-
capacité abfolue. Sed & aliis dtibit proconful cura-
tores qui rébus fuis fuperejfe non poffunt , vel dari
jubebity nec dubitabit filium quoque patri curatorem
dari, La loi 4 ajoute, qu'une mère /ânVi(/<r ne doit
point avoir d'autre curateur que fon fils: furiofg,
matris curafio ad filium pertinet (i). Pourquoi ces
trois textes ne rouleroient-ils quefur l'intefcliflion
caufée pour fureur ou démence , fi leur décifion
devoir également avoir lieu dans le cas de la prc*?
digalité ?
11 s'élève quelquefois des conteftations entre des
collatéraux , fur le point de favoir à qui d'entr'eux
fera déférée la curatelle d'un interdit. Brillon nous
a confçrvé , au mot curateur , la note d'un arrêç
célèbre , rendu {\it un différend de cette efpèce :
)» Le roi ayant renvoyé au parlement le jugement
» de la conteftation entre M. le prince de Condé
»> & M. le duc d'Enguien d'une part , 6c madame
1» la ducheffe de Nemours d'autre , touchant la
» queftion de la curatelle de M. l'abbé d'Orléans ,
M leul enfant de la maifon de Longueville ; la cour
» confirma la nomination faite de M. le prince &
M de M. le duc pour curateurs, à l'exclufion de ma-
M dame de Nemours , qui prétendoitêtrenomméç
(i) Il y a dans Boniface un airèt du parlement d'Aix, di|
IX novembre 1É57, qui ell conforme à cetcedilpofition. La
Peyrere en rapporte un autre rendu au parlement de Eor»'
deaux le 5 janvier 1701 , qui juge« que le fils cur<!ieur de fa
» mc-re tombce en dtmeact ^ n'écoii f ai obligé de fc faire
>} acuilet -f
curatricç
PRODIGUE.
♦> curatrice pour les biens paternels, auxquels elle
ï) étoit l'abile à fuccéder. M^ Baille plaidoit pour
» madame de Neinours ; M"" Robert pour M. le
»> prince.
y> M. Talon, dont les concluions furent fiii-
» vies par l'arrêt, répondit ainfiaux trois exemples
» propofés de la part de madame de Nemours ,
» pour montrer qu'il n'étoic pas nouveau de don-
» ner même la tu:elle à d'autres femmes que la
» mare & l'aïeule.
V Le premier exemple étoit que le roi , immé-
w diatement après la mort de madame de LoHgue-
» ville, avoit partagé la curatelle de M, l'abbé d'Or-
» Icans , entre M. le prince pour les biens mater-
j) nels, & madame de Nemiuirs pour les paternels,
f> &c par conféquent que ce que le roi avoit tait ,
» pouvoir fervir d'exemple. M. Talon répondit
j» que l'autorité du roi , qui e/1 au-dc/Tus des lois,
ï» étant le leul fondement de ce qu'il a fait en cette
» rencontre , on n'en devoir tirer auciuie confé-
j> quence, parce que la cour cftabfolument obligée
j> de fuivre les lois , quoiqu'elle juge fouveraine-
n ment de leur exécution.
» Le deuxième exemple éroit, que madame la
« duchefle d'Aiguillon avoit été nommée tutrice
n de MM. le marquis & l'abbé de Richelieu, quoi-
« qu'ils euffent leur mère, madame de Pontcour-
» lay , Se que pour elle, elle ne fût que leur tante.
« On répondoit que la mère s'étant excufée de
î> la tutelle, &, conjointement avec toute la fa-
ï> mille , ayant prié madame d'Aiguillon de l'ac-
ï) ceprer , ce confentement univcrfel de la famille
» étoit l'unique caufe de la tutelle de madame
w d'Aiguillon.
j> Le troifiéme exemple étoit à peu-près fembla-
» ble dans la maifon de Coëtlogon en Bretagne.
» La cour, où la conteftation fur la tutelle avoit
» été renvoyée , avoit confirmé de la même ma-
>) nière le choix de la famille , & la nomination
« d'une femme pour tutrice ; mais , dans l'efpècc
>f préfente , tous les parens avoient nommé M. le
« prince & M. le duc pour curateurs.
j» L'arrêt permit néanmoins à madame de Ne-
n mours , de nommer de fa part un avocat, qui
n aflTifleroit , pour la confervation de fes intérêts ,
ï> dans le confeil de la curatelle w.
Les devoirs du curateur d'un interdit (ont régu-
lièrement les mêmes que ceux du tuteur d'un mi-
neur. De-là , l'obligation que lui impofe la loi
dernière, §. 5 , & l'authentique fuivante, C. de
turaioribus , de prêter ferment , de faire inven-
taire, & de donner caution. La coutume de Douai,
chap. 7 , art. 9 , & celle de la gouvernance de
Douai , chap. 12 , art. 8 , portent, que « ne font les
« curateurs des interdits tenus bailler caution , fe-
» ront néanmoins fubmis de faire inventaire des
îj biens de ladite curatelle , Se prêter le ferment
» en tel cas pertinent ». Cette difpofition forme
aujoufd'hui le droit commun de tous les pays cou-
lumiers.
Tome XIII,
PRODIGUE. 737
La coutume de la châtellenie s'en eft un peu
écartée ; elle décide , rit. 15 , art. 10, que « ne font
» les curateurs commis, renus bailler caution , ne
J) faire inventaire des biens, mais (uftit faite le
» lerrnent en tel cas pertinent ».
En Hainaut , & même à Venlenciennes , la fem-
me qui ell nommée curatrice à l'inrerdiffion de foa
mari , ou plutôt qui eft autorifée n régir & adminif-
trer la coinnuinauté au lieu & place de ce dernier,
n'eft point non plus obligée de faire inventaire. Tel
eft 1 ufage conftant de la province , & il a été con-
firmé par un arrêt du 30 mars 1765 , dont nous
avons déjà rapporté une difpofiàon.
§. V. Des effets de l'interdiélion d'un Prodigue.
Un homme déclaré Prodigue & interdit cotrj me
tel , peut-il encore fe marier ? L'affirmative ne fouf-
fre aucun doute. L'interdiclion ne porte que fur les
biens , elle n'a point d'effet fur la perlonne même ,
& par conféquent elle ne peut vicier un engage-
meut qui n'eft en foi que perfonnel.
Mais fi le mariage en lui-même ne peut être at-
taqué , ne peut-on pas toucher aux conventions
qui l'ont précédé ? doit-on laiffer jouir la femme
de tous les avantages que lui a promis le Prodigue
qu'elle a époufé ? peut-elle même fe maintenir lé-
gitimement dans tous ceux que lui accorde la cou-
tume du lieu ?
Voët fur le digeile , liv. 23 , tlt. i , ne fait point
difficulté de dire que ce mariage efl radicalement
nul , quant aux effets civils. Il paroît vraiment
fort f]ngulier qu'on puiffe aliéner ou du moins
charger fon bien par la voie du mariage , tandis
qu'on cft déclaré incapable de faire 1 un ou l'aune.
Cependant on ne peut fe cacher qu'il y a dans
cette opinion bien de la dureté, & même de l'iu-
conféquence. Laiffer à un Prodigue la faculté de
fe marier, & lui interdire le droit d'affurer à fon
époufe le fort qu'elle a droit d'attendre de fa condi-
tion , n'eft-ce point fe contredire? n'eft-ce point
lui rcfufer réellement ce qu'on a l'air de lui per-
mettre ? n'eft-ce point détruire cette maxime fi gé-
néralement reconnue , que la concefflon de la rîa
emporte la concefllon des moyens néceffaires pour
y parvenir (^i) •
Le mariage d'un Prodigue ne mérite certaine-
ment pas moins de faveur que celui d'un homme
qui , fans être totalement infenfé, eft abfolu-
ment incapable de gérer fes affaires. Or , jamais
on ne s'e avifé de contefter les effets civils d'u:i
mariage de cette dernière efpèce : on prend feulç-
mcnt un tempérament pour empêcher que l'inter-
dit n'accorde à fon conjoint des avantages qui ex-
cèdent le taux auqusl la condition des parties de-
mande qu'on les porte. Fevret, liv. 5 , chap. 3 ,
n". 37, dit , après M. Servin , dans fes arrêts , tome
(I) Cui jutifdiclio data eft , ex quoque conccITa elTc viden-
tur fine quibus jufifdiAio C.vplicari non potuir. L. * , E>. dt
juriJdiiliQiiit
738
€RODIGUE.
2 , qu'en ce cas le juge doit réduire les conventions |
matrimoniales fur le pied réglé par les coutumes |
des lieux , ou auireinent , ainji qu'il fe doit pj.r
raifon.
Ces dernières paroles font remarquables, fur-
tout relativement aux coutumes qui contiennent,
foit fur la communauté , foit fur les gains de fur-
vie , des difpofitions qui s'écartent du droit com-
mua. Celle de Douai , par exemple , établit entre
ics conjoints une communauté univerfelle de tous
biens, tant immeubles que meubles, & en rend
propriétaire le furvivant avec enfans : mais comme
il eft d'ufige , fur-tout lorfque la fortune n'eft pas
tgale de part & d'autre , de corriger cette difpofi-
tion par le contrat de m;iri3ge , & de la réduire
aux termes du dtoit commun coutumier , il n'ei^
point douteux que fi un homme interdit pour caufe
de prodigalité , époufoit dans cette coutume une
femme qui ne lui apponât point une fortune pro-
portionnée à la fienne , ou qui du moins ne com-
pensât point ce défaut par quelqu'autre avantage
réel , on ne fijt fondé à demander la réduction de
jfes droits nuptiaux , conformément à l'ufage le plus
"ordinaire & à la condition des parties.
Nous trouvons dans Bafnage un arrêt du parle-
ment de Normandie , qui porte aflez loin le princi-
pe , qu'un Prodigue ne peut accorder àfonépoufc
lin avantage un peu extraordinaire fur les biens
dont la difpofition lui eft interdite. Voici de quelle
manière s'explique cet auteur : «Par arrêt du 15
» mai 1671, au rapport de M. du Houley , il fut
7> jugé que celui qui étoit en curatelle en fe ma-
« riant, n'avait pu obliger fes immeubles à la con-
» fj2,n3tion de la dot, mais feulement fes meubles
» dont il avoit l'adminirtration : voici les cir-
•31 confiances du fait. Jean Trevet , fieur de Se-
at nonville , fut mis en curatelle en l'année 1649 '
a» mais en l'année 1665 , on lui laîffa l'adminiAra-
•» tion de fon revenu & de fes meubles , à la char-
» OQ qu'il ne pourroit aliéner fes immeubles que
» par l'avis de deux parens : depuis , par fon con-
» trat de mariage fait , en l'abfence de tous fes
5» parens , avec la demoifelle Savinairc de Mazem-
3> guerbe, il confelfa avoir reçu une fomme qu'il
ï? avoit confignée fur fes biens pour être la dot. Le
7> fieur Trevet, confeiller au préfidial de Rouen ,
» qui s'étoit oppo''c à ce mariage , n'ayant point de
Yi caufes valables d'oppofition, fut obligi de s'en dé-
» fider. Après le décès dudit Jean Trevet, fa veuve
« demanda fa dot à François Trevet, fiisdupre-
yy mler lit , qui s'en défendit , parce que (on père,
M étant en curatelle , n'avoit pu aliéner ni hypo-
M thèquer fes immeubles que par l'avis de deux
T parens qu'on lui avoit nommés ; on s'étoit bien
3. gardé de les appeler , parce qu'en efl'et on n'a-
■» voit rien payé. La femme difoit , au contraire ,
» qu'elle n'avoit pu y appeler les deux parens
» nommés par la reftri6lion , parce que l'un étoit
» décédé lors du contrat de mariage , &. l'autre ,
9» (^ui étoit le fleur Trevet > confeiller , étoit oppo-
PRODIGUE.
» fant ; qu'il feroit rigoureux de lui faire perdre fi
» dot , fon mari ayant reconnu devant les tabel-
» lions quil l'avoit reçue; qu'ayant été capaMe
» de contrarier n)ariage fans le confentement de
» fes parens , il avoit aulli éré capable de confentir
» les payions ordinaires dans les contrats de ma-
» riage , & par conféquent de s'obliger à la confi-
» gnation de la dot, qui ell la principale. Néan-
» moins il fut jugé que Trevet n'avoit pu engager
» fes immeubles par une conceifiou faite en l'ab-
» fence de fes parens , fauf à la femme de prendre
i> fa dot fur les meubles i'.
Le Prodigue interdit pent-il tefler } Nous ne ré-
péterons pas ici ce qu'on a dit a ce fujet au mot
Interdiction. Nous ajouterons feulement qu'il
a été rendu dans les tribunaux des Pays-Bas , des
arrêts conformes à quelques-uns de ceux qu'on a
cités à cet article. Afande , liv. 4, tit. premier,
decifion 3 , en rapporte un du confeil fouverain de
Frife , du 27 octobre 1626 , qui confirme le terta-
nient d'un Prodigue , par la raifon qu'il ne conte-
noit que des diipofiiions fages & raifonnables.
Grœneweghen fur les inflitutes , liv. 2 , tit. 1.2 ,
§. 2 , affure que la même chofe a été jugée au con-
leil de Hollande : Itd quoque in HoLlundice curidju-
dic.itum intdUxi. M. Pollet , partie 3 , n°. 125 , nous
fournit un arrêt fcmblable du parlement de Flan-
dres. « Marguerite "Wniemet , dit-il , avoit fait une
i> donation entre-vifs de tous les biens dont elle
» pouvoit difpofcr au profit des enfans de M" An-
» toine Taifne de Boudet , confeiller au bailliage
M d'Ipres , fes neveux & nièces. Elle avoit deux
»> frères , Guiflain & François "Wiilemet ; François
n avoit été conftitué en curatelle un an avant la
» donation. Quelque temps après , François Wil-
» lemet , fe fentant atteint d'une maladie mortelle ,
>j fait fon teflament , par lequel il difpofe de fes
>» biens en faveur des enfans de fon frère Guif-
» lain. Après fa mort, Taifne, au nom de fes en-
n fan», s'oppofe à l'exécution du teftament , fou-
» tient qu'il doit être déclaré nul , & emploie la
■>■> difpofition du droit. Les officiers du bailliage
» d'Ipres, juges de la première infiance , débou-
H tèrent Taifne de (on oppofition : appel à la cour.
}) Par arrêt du 19 juillet 17 10, il a été dit mal ap-
» pelé , & que la fentence fortiroit effet. La cour
» n'a point douté que la novelle 39 de Léon ne fût
» autorifée par l'ufage , & elle a jugé que le défunt
M avoit prudemment difpofé de fes biens en faveur
» des enfans de fon frère Guillain, pour les ré-
n compenfer des biens dont ils étoient exclus avec
>» leur père par la difpofition de Marguerite "Wille-
n met leur tante n.
11 y a cependant quelques coutumes qui exi-
gent , pour la validité du teflament d'un Prodigue ,
que celui ci obtienne du juge une autorifation de
le faire. Telle eft celle d'Anvers, tit. 46 , art. 8 ,
C'eft auffi ce que portent les Chartres générales de
Hainaut, chap. 160, art. 22. Le grand-bailli, difent-
elles , a feul le pouvoir « d'autorifer telles perfo»:
PRODIGUE.
» nés , prlfes en fa prote^lion &. curatelle , à paffer
». avis & partage au profit de leurs enfans , d'alié-
» ner une partie de leurs moyens quand la nécef-
ï> iité le requierr , & faire tous tels autrfs aSies
»» que par avis & confeil des tuteurs & plus proches
•» parens fera trouvé expédient ».
Il faut bien diiVinguer dans cet article ce qui eft
propre à chaque efpéce d'interdiflion : ainfi on ue
doit pss conclure de ces termes, autoiifer telles
pirfûnnes à pdJJ'er avis &> p.irtuni au profit de leurs en-
ftns . que les juges puirtent autorifer les parens &
les curateurs d'un furieux ou d'un imbécille , à
faire en Ton nom le partage de fes biens entre fes
enfans : on peut bien contrafter par le miniftère
<3'un étranger , mais pour teAer valablement , il faut
le faire foi-mème : Tejlamentum non débet pendire ex
aliéna voluniate. Il faut donc reflreindre aux Pro-
digues la faculté que le texte cité accorde aux in-
terdits de pajjer avis & partage au profit de leurs en-
fans, moyennant une autorifation judiciaire & un
avis de parens.
Il y a cependant un cas où on peut , en Hainaut,
difpofer, même à caufe de mort, des biens d'un
furieux ou d'un imbécille, pourvu que ce foit entre
fes enfans ; c'efl lorfque fon conjoint vit encore :
alors les Chartres générales permettent à celui ci
de faire de fes biens & de ceux de l'interdit, une
feule & unique mafie , & de partager le tout en-
tre leurs enfans communs. Voici ce que porte l'ar-
ticle 19 du chap. 31 : <« Si l'un des conjoints étoit
» débile d'entendement , ou muet , ou en tutelle
»» & curatelle , l'autre , par confentement des pa-
» rens ou communs amis, deux de chacun coté ,
« pourra faire & pafier avis & partage à leurs cn-
» fans & génération d'iceux , comme deiTus ,
»> moyennant le confentement &. autorifation de
»> notre grand -bailli de. Hainaui- ». Cette excep^
tion au droit commun n'eft fondée que fur la con-
fiance du légiflatcur dans Tafteélion parternelle ; on
ne doit donc pas l'étendre au delà de fes termes
précis.
Les créanciers d'un Prodigue ne peuvent , dans
les pourfuites qu'ils font pour obtenir payement
de leurs dettes , s'adreiTer qu'à fon curateur. Du-
fail rapporte un arrêt du parlement de Bretagne du
19 août 1574, qui déclare nulle une faifie-réelle
pratiquée fur le Prodigue même.
On a démontré, au mot Interdiction, qu'on
re doit pas, au préjudice des tiers , donner , à la
fentence qui interdit un Prodigue , un effet rétroac-
tif aux premières procédures. Cette opinion eft con-
firmée par les articles cités plus haut , des coutu-
ines de Lille, de la châtellenic de Lille , de Douai ,
& de la gouvernarjce de Douai ; ces lois veu-
lent que le juge pourvoye » pendant le litige , fur
« l'interdidion de non aliéner fes biens par ladite
» perfonne, félon que fera trouvé fommairement
M la matière y être dlfpofce » ; ce qui ûippofe bien
clairement que le Prodigue appelé en jufticepour
(e toir interdire , n'eft point , par cela fcul , déclaré
PRODIGUE. 7:9
de plein droit incapable d'ahéner fes biens peu'
dant linflruâion de la caufe.
La coutume de Bretagne en difpcfe à peu près
de môme. Voici ce qu'elle porte, article Ç20 :
» En déclnrr.tion de prodigalité & interdiâion de
» biens, fi le d-fendeur prétendu Prodigue, défaut
)> à l'ajournement à lui donné, ou s'il compare,
5) & que la caufe entre en contedation Si en lon-
» gueur , le juge, information fommaire préala-
» blement faite, pourra ordonner que l'état du
» procès fera banni » , c'eft à dire publié.
Article 52.1. u Et fera la banni: (publication)
» faite au marché prochain , & à la paroi/Te du
ji domicile de celui qui eft appelle en prodiga-
» lité 5 & attachée au porte & lieu public dudir
» marché , ou porte d'églife pa''Ochia!e , & après
5) rapportée & certifiée en jugement à jour d'au-
1) dience.
Article 521. « Et s'il y a aucun qui contraâe
» avec lui depuis le ban , & lui baille aucune
i> chofe , & il foit depuis prouvé & déclaré m.al
j> ulant de fes biens , il le perd , 6c fera le contrat;
» de nulle valeur ».
On ne peut rien , comme on voit, de ph:s op-
pofé que ces articles au fyftème d^ ceux qui font
remonter de plein droit l'effet de la fentence d'in-
terdiiQion , au moment où les procédures ont com-
mencé. Voici cependant im arrêt qui a adopté ce
fyllême ; nous le tirons du journal des caufes cé-
lèbres de M. Defeffarts , année 1775 , tome 4,
caufe 1 1.
Le fieur Cab jouiffoit d'une fortune honnête
dans le Rouffillon. Après plufieurs années diin
mariage heureux avec une femme laborieufe &
économe , il oublia qu'il étoit père & époux , Se
fe trouva , en peu de temps , écrafé de dettes. Sa.
femme , alarm.ée , affembla fes parens , & tous fu-
rent d'avis qu'elle devoir demander l'interdiélion
de fon mari. Elle forma cette demande par une re-
quête, & le juge l'autorifa à le faire affigner. Le
fieur Cnb fe voyant près de perdre fa liberté, pro-
fita de l'intervalle de l'ajournement à la fentence ,
pour vendre une métairie , qui étoit le feul bien
fur lequel fa prodigalité n'eût pas étendu fes ra-
vages. Après l'interdiâion prononcée, la femme
atttaqua le contrat de vente. Il eft libre fans doute,
difoit-elle , à un majeur de vendre fon bien : mais
cette liberté , qui eft l'apanage de tout citoyen ,
ne doit-elle pns être fufpendue dans un père de
famille , qui s'efl mis dans le cas de la voir attaquer
par une demande en interdiflion ^ L'interdiélion eft
une planche que la loi jette au diffipateur , au mo-
ment de (on naufrage : lui efl-il permis de la re-
pouffer , quand elle la lui préfente ? L'interdic-
tion efl encore une dernière reffource que la loi
accorde à ceux qui ont intérêt de fauver quelques
relies d'une prodigalité outrée : or , ce remède
falutaire au Prodigue pour qu'il ne confonimc pas
fa ruine, & ce fecours , néceilaire à ime mère & à
des eafans, pour n'en être pas les viiSirnes, de-
A a a a a ij
740 PRODIGUE.
Viendroiert inutiles , fi , lorfque la requête efl pré-
fentce au juge , l'alTemblée de parens ordonnée , le
Prodigue n étoit pas àt\h lié par cette procédure
préparatoire. Il n'eft pas douteux qu'irrité des chaî-
nes qu'on lui forge , il ne fe porte d'autant plus à
les rendre vaines , qu'il fe livre à la fois & à fon
penchant de diffiper , & à la fatisfaftion de fe ven-
ger. — Le mal viendra donc du remède , le défef-
poir de la reflburce ? C'eft à-dire , qu'en faifant
tous fes efforts pour arrêter fon mari au bord du
précipice , ce (éra fa femme elle-même qui l'y aura
jetéj elle fera coupable d'avoir averti un créan-
cier avide , afin qu'il profitât des derniers momens
de liberté. — Ainfi , les lois n'auront point de force
ni d'effet contre le Prodigue, s'il lui eft poflible
d'en éluder l'exécution: il fera au contraire d'an-
gereux de les invoquer; elles le précipiteront dans
le dernier des défordres ; elles lui tendront la
main , & ce fera cette main qui achèvera fa ruine.
— Ce n'eft pas au mort qu'il/aut des remèdes , mais
•au malade. Que la dernière vente foit exécutée ,
la prodigalité eft confommée , tout eft fini. Plus
de befoin , plus d'urilité du remède de l'interdic-
tion. Le mari eft comme mort pour fa femme &
fes enfans ; fon obligation naturelle de les nourrir
eft éteinte ; il n'y a plus lieu pour lui , ni au re-
pentir , ni à l'amendement. Et on ofera foutenir
qu'il n'y a de frein pour cette liberté meurtrière
de vendre, que lorfqu'elle a frappé fes derniers
coups. — La prodigalité eft une efpèce de démen-
ce ; difons plutôt, avec les lois, de fureur. Nous
Avons néanmoins que les engagemens faits par un
infenfé Se un furieux, font nuls avant même que
leur perfonne foit interdite \ & que les engagemens
du Prodigue ne font rejetès qu'après fon interdic-
tion ; mais au moins faut-il que le Prodigue s'arrête
dàs le moment qu'il eft averti que la jtiftice eft
f /ifie du compte qu'il doit lui rendre de fa conduite.
£t lorfque la loi , qui veille fur lui , commence à
s'élever en fa faveur , ne faur-il pas qu'elle en im-
pofe à ceux qui pourroient être capables d'abufer
encore de fa foihlefte.^ — C'eft Thommage que
tout citoyen doit à l'empire de la loi , & au tribu-
nal chargé de fon exécution. De-là, la défenfe de
tien innover pendant Tinftruélion des procès ; l'obli-
gation de rétablir ce qui a été innové, & la peine
contre une réfdknce opiniâtre. Les règles doivent
être plus févèrcs en faveur d'un Prodigue, parce
qu'il ne s'agit pas de faire rentrer des diffipations
déjà confommées fans relTource, mais d'arrêter le
coiirs de nouvelles qu'il peut faire encore. Or , fi
le Prodigue jouit de fa capacité lors même qu'on
procède pour l'en priver , il eft évident qu'il n'en
îera que plus déterminé à en faire un mauvais ufa-
ge. — Les lois prononcent la nullité des aliénations
faites en fraude des créanciers ; c'cft , à plus forte
raifon , le cas d'un mari , d'un père pourfuivi en
interdi'^lion. Sa femme , qui eft déjà fa créancière
pour fa dot, le devient alors avec fes enfans pour
leur fub-Qftance ; le diffipateur devient , lui , créan-
PRODÏGUE.
cier fur luî-mêmc pour cette même fubfîftanccj
qu il a raite pe _
tance , eft en fi-aude de l'obligation civile de fournir
aux charges du mariage, & de l'obligation natu-
relle de nourrir fa femme, fes enfans, & de fe
nourrir lui-même. Quoi de plus facré & de plus
privilégié qu'une obligation impofée par le droit
naturel i — Mais ce n'eft pas iur le fieur Cab que
doit tomber le reproche ik l'odieux de cette fraude :
un Prodigue a-t-il l'ufage de fa raifon.'' C'eft fur
l'acquéreur & fur le notaire qui a été fon complice.
Cette vdrité eft démontrée par Vzâ.<t de vente Se
par les circonftances qui l'ont précédé. — Dabord
ce fut le i6 août que l'intimée prèfenta requête au
juge pour demander l'affemblée des parens aux
fins de l'interdiélion : elle demanda en même-temps
des défenfes contre fon mari de la maltraiter, fous
peine de prifon. Cette requête , avec Terdonnance
conforme, fut fignifiée à fon mari le 25 fuivant ;.
& les parens furent aftlgnés pour fe trouver àl'af-
femblée indiquée au 2.7. Il faut remarquer aue le
notaire qui a reçu l'a.fîe eft un des parens, & que
fon affignation eft auftl du 25. — L'afle de vente fut
fait le 27. Ainfi le mari favoit depuis deux jours
qu'on pourfuivoit fan interdidion , & le notaire
le favoit également. L'acquéreur ne pourroit af-
firmer qu'il fût le feul qui n'en fût pas infiruit. La
précaution qu'il a prife de faire dater l'aéîe , non-
feulement de l'année & du jour, mais encore de
l'heure où il fut paffé , dévoile le concert qui a ré-
gné entre lui & le vendeur. —Il y a des coutu-
mes & même des ordonnances qui enjoignent aux
notaires d'exprimer qu'un contut a été fait avant
ou après midi ; mais aucune n'exige l'heure pré-
cife , s'il n'y a quelque raifon pour le faire. A.
moins que le notaire dont il s'agit ne tût dans cet
ufage , il eft évident que l'expreffion de cette
date inufitée de l'heure , eft bien fufpeae. Quel a
été le but de cet officier en prenant cette précau-
tion } Il favoit que l'affemblée des parens étoit
marciuée au 2.7 après midi; il vouloir que la vente
parût avoir été faite le matin , & qu'elle eût précède
l'alTemblée des parens , dont les avis dévoient dé-
cider l'interdiâion. N'eft-ce pas ici le cas dapph-
quer l'axiome, nimia pmcautio dolus ? -— D adlcurs
il eft aifé de fe convaincre par la feule leiture de
l'aéle , que la vente eft toute favorable à l'acheteur ,
& préjudiciable au vendeur. L'acheteirr , pour une
créance de 1000 livres , acquiert une métairie en-
tière pour le prix de 3500 liv. , moyennant 1064
vres , pour le payement de laquelle fomme il
rend encore le terme d'un mois. Le vendeur le
h
pren
dépeuille de la propriété de cette métairie pour
cette créance de 1000 livres qu'il auroit pu liqui-
der ou au moyen de fon revenu , ou en vendant
quelque partie détachée. ïl eft évidem que 1 acqué-
reur Veft joué de la facilité du vendeur. Il eft en
effet furprenant qu'un corps d'héritage , compoLe ,
PRODIGUE.
fuivant r?i^a, de terres cultivées & înciilfes , as
bois, prés, vignes, niaiians , bergeries, tant au
terroir de TaïUet qu'acx autres terroirs voifins,
qui fourniiTent encore uns étendue de terrein en
p.hurages , ne vaille que 3500 livres. Quoi qu'il
>- n foit , de ce que la vente ii'étoit pas nécefTaire ,
de ce que cette vente a été faite preique à l'inllant
d; i'interdiiSion , il réfulte évidemment que l'acqué-
reur a féduit le vendeur , qu'il a profité des der-
niers momens qu'il croyoit que ce Prodigue avoit
encore de libres , 6c du dérangement de la raiibn ,
pour lui enlever une métairie qui éioit fans doute à
la convenance. — Sur ces motifs, le confeil fou-
verain de RouffiUon déclara, conformément aux
conclufions de M. Cappot , avocat général , l'aéle
tic Vvjntc nul , Se les offres que la femme avoit
faites de rembourfer les fomraes que l'acquéreur
avoit lég^itimement payées , bonnes & valables.
îl n'eft point douteux que cet arrêt n'eut jugé
tout autrement , û la collufion &. la fraude n'avoient
p?.s été établies par des préfomptions auHî fortes •
car, dans la tiièié générale, les principes fur lef-
quels fe fondoit la dame Cab , étoient infoutena-
biss : il ne failoit même , pour les détruire , que lui
oppoler l'exemple de la vente faite par un débi-
teur en fraude de lés créanciers. 11 eu certain , en
effer , que cette vente ne peut être déclarée nulle
que dans le cas où l'acquéreur a été inlîruit , non-
ieulement de l'état des affaires du vendeur , m.iis
encore de fes intentions frauduleuses, Se que par-
lât il s'en ell rendu complice. La loi io,§. 2, 3 ,
4 5 5 ' ^- 1^^ ''^ fraitJem crediturum , en contient
des dirpofuions expreiTes.
Quelques auteurs , 3 la tête defquels eft le pré-
fident Favre, ont été plus loin encore que l'arrêt
dont nous venons de rendre compte ; ils ont pré-
tendu qn'orj devoit déclarer nulles les aliénations
faites par les Prodigues , même avant qu'ils fuffent
pourfuivis en interdiction, lorfque leur prodigalité
Cioit notoire. Ces auteurs fe font fondés furïa loi
\ ,D.de citrn'onbus , Si fur la ioi 8 , D. pro ewpiore.
Lsur opinion paroîi même avoir été adoptée par
lin arrêt que BriUon rapporte en ces termes : ^^ \5n
5> fils majeur , qui avoit le bien de l'on père , mais
» s'étoit obligé , dans les premiers fix mois de fa
« majorité , à pîus eue la valeur de fes biens , tant
>7 envers des marchands qui avoient fourni des
« dentelles pour des fommes exceffives , qu'autres
>i marc'.iandifes qui ne c onvenoient pas à l'état de
5> ce l'eune homme, fils d'un mouleur de bois, a été
j> déchargé de toutes ces dettes, dont partie en let-
^ T> très de changes : les lettres de refcifion prifes par
3> la mérc ont été entérinées , quo-icfu'clle n'eût
j> fait interdire ion hls qu'après les dettes créées.
•>■> J'ai trouvé cet arrêi fans date da.ns les notes ma-
» nui'ciites de feu M. Stcouffe v.
Cet arrêt , s'il cft exaéleiw.ent rapporté . & l'opi-
nion qu'il a fuivie , n'ont aucun fondement fcl'de.
La loi I , D. t/< curntorïb'.n , porte à la v^ri'^é , que
le Prooi^ne eli interdit par là loi des douze tables,
PRODIGUE.
74Ï
//•.7.-' âuoitàm tnhuhi'urn Prod'igô iircrdicifi/r honorun
faorum iidnùnijlratio ; wixs cela ne fuppofe pas que
l'interdiccion 5'opère de plein droit, par le feul fait
de la prodigalité, fans déclaration préalable du
juge. On ditfouvent: telle loi condamne à more
celui qui commet tel crime; veut-on dire par là
qu'il ne faut point de jugeinent pour infliger la
peine de mort au coupable du crime dont on veut
pnrler.' Non affurément, la loi ne s'occupe que du
point de droit , c'ert au juge , qui eft fon miniftre ,
à en fîire l'application au fait qu'on foumet à fa
dé^ifion. Eh l quelle loi pourroit marquer dans la
fpéculat'.on l'inltant précis oti la raifon finit & la
prodigalité commence , où l'homme qui jufqu'à ua
certain temps n'a fait, en difpofmt de fes biens ,
qu'exercer une faculté naturelle &. légitirse , de-
vient tout-à-coup un dilTîpntejr criminel, où enfin
ce pèie do famille , qui n'avoir contraété des dettes
que pour fon commerce ou fa lubfifiancc,en forme
uniquement pour les paffions honteufcs qui fe font
emparées de ibn cœur , & les porte k ce point d'ex-
cès , qui doit donner lieu à l'interdiéiion ?
La loi S , D. pri> cmptore, n'eft: pas plus décifive.
L'argument qu'on en rire ne roule que fur uns
mran'aifc interprétation de fon texte, &fe rétorque
même contre les auteurs q_ue nous combattons.
V^oici comme elle eft expliquée dans un mémoire
rapporté par Brillon , tome 3, page 839; « \Jn
■)■> particulier achète dss efclaves ; il en paye le
» prix comptant. Il fait que celui qui lui vend ces
11 efclaves doit diff;pcr r.uffi-tôt l'argent. Eft-il ac-
11 quéreur de bonne fol ? Oui, Tans doute , répond
5» le jurifconfulte Julianus : comment peut-on ac-
11 cufer de mauvaife foi un homme qui acquiert
11 du véritable fc'gneur, du véritable pr©priétaire?
« Mais il ajoute cette exception , à moins , dit-il ,
1) qu'il n'eût acheté ces efclaves d'un Prodigue ,
11 d'un débauché , à luxuriûjo l'y protini/s fcortj dû-
11 turo pecuniam ; alors , dit le jurifconfulte , cette
11 vente ne vnut rien ; il n'eft plus acquéreur de
11 bonne foi , non ufn capiet ». Oppoibns à cette
traduftion infidelle , les propres termes de la loi r
Si quts cîim feint vendltortm flaiiiv pecuniam con-
fwnpturam , fcrvos ab eo emijjet , plcrique refjwnde-
lunt tutn r.ih'dhomminiis bomz fi l i emptorem cjji ; id-
que veriiir efi. Q^uomodo enim rnalâ fidc cmi.'Je videtur
qui à domino émit ? tfISl FORTE ET is qui à luxe
riofo & protlnhs fcoTto daturo pecuniam , Jèrvos eme-
rit , non ufu c piet. Qui ne voit que les mots , nifi
forte & , ne font pas ici employés par forme d'ex-
ception , Si. qifils confirment au contraire la pre-
mière propofition de la loi .-' Que dit le jurifcon-
fulte Julien } " Comment, ce f(»nt fes termes , corn-
j> ment réputen.'it-Oïi de mâuvaife foi celui quT
)> achère du vrai propriétaire } h moins qu'on ne
)) veuille fouienir que ceUji qui achète d'un diiîî-
V pa?eur & d'un civbauché, ne puiffe pas pref-
11 crire». Il ert évi>1enî qu'ici le jurifconfulte com-
pare & identifie les deux cas dont il parle. Dans Ig
premier , il décide qu'on achète valablement, quoi-
74t PRODIGUE.
qu'on paye le prix à iin honime qu'on fait de-
voir le confumer de fuite en folle dépenfe : dans
le fécond , il adapte la même décifion à celui
qui Compte à un homme perdu de mœurs, les
deniers d'une acquiiition. C'eft ainfi que l'a enten-
du Voet fur le digefte, titre de aleatorlbus , n". 4 ;
& pour peu qu'en fafîe attention au véritable iens
des mots nifi fonè & , on fera convaincu qu'il n'eA
pas pofïïble d'interpréter autrement la loi dont il
s'agit ; ces mots font encore employés avec la mê-
me fignification dans la loi 7 , %. dernier, D. de
fuppel'eBUc lepata , & dans plufieurs autres textes
rapportés par Parladorius , rerum quotidiunjrum ,
llb. 1 , cap. 7, /i*. 13.
Au refte, rien ne prouve mieux , du moins par
rapport à nos ufages , la vérité de notre opinir-n ,
que la nécefîité reconnue partons les auteurs mo-
dernes & confacrée par plufieurs anéts folemnels ,
de publier les fentences d'interdiâion , pour les
faire opérer contre les tiers qui pourroient con-
traflerdans la fuite avec les Prodigues interdits.
Les auteurs qui étriblifTent ce point font Rodcm-
burg , de jure conjuïjum , titre 3 , cliap. i , n°. 17 >
Van-Leuwcn , cenfura forcnfis ^ partie i , livre ' >
cliap. 16; Oroùws, m jnuduHio ûd 'junf prude ntU'"-
Holla'rdiat , livre i , chap. 11 ; CIniftin fur la coi-i-
rume de Mnlines , titre 19 , article 29; Paul Voei
fur les inftitutes , titre de curjtorièus\ §. 3 , Jea"
Voet fur le digefle , au même titre , n". S ,8ic, &c.
A l'égard des arrêts , il y en a un du parlement
de Normandie du 3^ janvier i')Ç7 , dont voici le
difpofitif : " la cour ayant égard aux conclufions
») du procureur général dti roi, &: pour éviter aux
» abus & inconvéniens qui adviennent fouvent à
j> raifon des curatelles , a ordonné quêtons aâes
ï) d'interdi^lions & cinarelles feront dorénavant
>» fignés par les païens ayant affifté à la déiibéra-
» tion d'icelles , & qui en ont été d'avis : & lefdits
j> aftes publiquement lus & publiés tant es afllfes
3j des juridictions que es prcmes des églifes , &
ï7 ifîiie des méfies paroiffiales , même es prochains
M marchés des lieux cù les interdits font demeu-
» rans , & affichés , tant aux portes defdites églifes
j> qu'aux principaux pofteaux dcfdits marchés :
» enfembie leurs noms & furnoms écrits en ta-
31 bleaux qui feront affichés aux tabellionnages des
j) villes & lieu du domicile de l'interdit , en la
5) forme prefcrite pour les lettres de féparation
» quant aux biens des femmes d'avec leurs maris ,
« fur peine de nullité ».
On a rapporté au mot Interdiction , plufieurs
autres arrêts femblables ; à la vérité , ils ne s'exé-
cutent pas à la rigueur dans les deux points ou'ils
prefcrivent, qui font la publication & la notifica-
tion aux notaires des fentences qui portent inter-
diâion de Prodigues ; mais au moins on peut af-
furer qu'il n'y a pas dans le royaume une feule
province ©à l'on n'obferve exaâement l'une ou
l'autre des deux formalités.
Un homme interdit pour caufe de prodigaliré
PRODIGUE.
peut-11 fervir de témoin fur un fait dont la vérité
a donné lieu à une enquête .- Le parlement de Tou-
loufe a jugé pour l'affirma-ive par arrêt du i z fep-
tembre 1630, après partage porté de la première
chambre des enquêtes a la féconde. M. d'Olive
nous retrace en ces termes les motifs de cette dé-
cifion : a C'eA une règle infaillible , que quiconque
» n'ert point prohibé par la loi de porter témoi-
" gnagc, peut rendre cer office aux occafions qui
» fe préfcntent (i). Or i! n'y a point de texte dans
» le droit qui porte cette prohibition générale pour
" les Prodigues. Il eil bien vrai que la loi les exclut
» d'être témoins aux tefiamens; mais de là il ne
» s'enfuit pas qu'aux autres a£ies leur témoignage
» dcive être rejeté. Cela fe voit par l'exempfe des
'> femmes, qui, étant exclufes des témoignages
» tefi:;mentaires , font néanmoins admifes à dépo-
» fer aux autres afE^.ires civiles ou criminelles.
" Auffi efi-il évident qu"il y a grande différence
» entre ces deux genres de témoignages: l'un ne
" regarde pas feulement la preuve , maiî auffi la
" folennite de laquelle les tefiamens font tous
" pleins ; mais l'autre ne tend qu'à la preuve & à la
» découverte de la vérité N'importe de dire
" que dans notre droit les Prodigues font compa-
» rés aux furieux ; fi les lois ufent de cette compa-
» raifon, elles ne s'en fervent que pour le regard
» des bien»;; ce que nos jurifconfultes montrent
» évidemment , lorfqu'ils difent que les Prodigues ,
» (juod ad hona ipforum pertimt , furiofum faclunt
» exitum (2). En cela certes ils font femblables
» aux infenfés, puifquils ne font pas plus capa-
» blés qu'eux de conferver leurs moyens & de
» régler leurs affaires domefliques. Mais pour le
» furplus il n'y a rien de commun entre eux. La
'> fureur efl un dévoiement du fang & de la raifon ,
»» un pervertifTement de la partie fupérieure de
" l'ame, un "entier aveuglement de l'efprit , qui
» cfl la lumière de l'homme , mtntis ad omnja cœci'
» tas y dit Cicéron ; fi bien que ceux qui font afHi-
» gés de cette maladie ne peuvent produire aucun
» afle de connoifTance ni de difcours , & parcon-
" fequent ne font pas en état de porter rémoi-
» gnage. Mais il n'en va pas de même des Prodi-
" gués; ils ont les fondions de l'entendement li-
» bres & entières, ils connoifTent & raifonnent ,
» ils difcernent le vrai d'avec le faux, & il arrive
» fouvent que la nature, auffi Prodigue envers
I» eux de fes grâces, qu'ils le font envers les au-
n très de leurs biens , les partage fi avantageufe-
» ment dts richeffiis de l'efprit, qu'ils fe font au-
>> tant admirer par leur doftrine Ôc par leur élo-
» quence , qu'ils fe rendent déplorables par la
» mauvaife conduite de leur fortune. Que fi le
» jurifconfulte déclare qu'ils n'ont point de vo-
» lonté (3) , cela veut dire que la loi , confidérant
(i) r,. I , parap. i ;1.4 & 5 , D. di ufîibus , TiO,dlt 53,
(1) L. rz , (Je tutoribus (y curatoribus iatis,
(5) L. 41, D. it rigiUisjuiit,
PRODIGUE.
f» que !a paflGon oui les maîtrife les porte évîdem-
■» ment à la diflîpation de leur patrimoine, les
>» prive , pour leur profit , de l'ufage de la volonté ,
w en leur inrerdifant la liberté du commerce , Se
" les déclarant incapables de paiTcr des contrats,
» qiîi font des aâes volontaires. Mais delà il ne
« s'enfuit pas qu'ils ne voient & ne connoiflent
» diilintSement les chofes qui fe préfentent à leurs
» yeux, & qu'ils ne foient capables d'en faire un
» véritable rapport. Car fi leur volonté eft inipar-
>i faite , ce défaut ne leur arrive pas , comme aux
» furieux , de ce que cette puifTance aveugle n'eft
" point éclairée de l'entendement; mais c'ert d'au-
» tant qu'elle eft dépravée par la violence de la
" palîion , qui la précipite dans la recherche des
» objets agréables & voluptueux ; quoiqu'ils lui
»> paroifTent , par la lumière de l'intellefl , in-
J> inHes & dommageables Enfin il ne fert
» point de dire que les mœurs des Prodigues font
» corrompues ; car cela peut bien venir en confi-
" dération lorfqu'il faut balancer les preuves , &
J> quand un pareil nombre de témoins produits
" de toutes parts , met en pein^ les juges de trou-
» ver la vérité; en ce conflit de témoignnges , 11
" ed certain que la foi d'un homme tempérant &
" fage , qui conduit bien lés affaires, donnera le
» trait à la balance , Si fera pencher les juges de
« fon côté. Mais delà on ne peut point iuYérer ,
J» que pour rejeter la dépofiticn d'un homme, on
>v puifie prendre un objet valable de la dilfolution
« de fes mœurs, faon qu'elles fe trouvent con-
» vaincues de crime par fentence du juge: ce qui
» ne peut être attribué aux Prodigues , que la
« juflice , qui ne àcfne que fubvenir à leur foi-
3t bleffe , ne met point au nombre des criminels ,
» mais déclare feulement atteints & affolés d'une
» paffion qui , fans le fecours que les lois leur
«donnent, les porteroit bientôt à leur einière
i) ruine , au préjudice du public, qui prend part
3> aux intérêts des particuliers ».
Lorfquele juge ôte au Prodigue qu'il interdit
l'adminiftration de (ei biens & la perception de
jTes revenus , il eft d'uf^ge qu'il lui afligne une pen-
llon alimentaire. Il s'eft éLvé à ce fujet une diffi-
culté entre le fieur d'Hariebecque , dont on a déjà
pai;lé , & f ;n curateur. On fe rappelle que le pre-
mier s ecoit pourvu le 2 avril 1778 devant ioffîciai ,
juge ordinaire de Cambrai , en main-levée de fon
interdit. on ; il avoit joint à cette demande celle
d'une penfion alimentaire de 6000 livres , pour
lui être payée par provifion. Ses parens , affignés
fiirluii âc l'autre objet, s'opposèrent à la main-
levée de (on interdiction, mais conlentirent qu'il
lui fut adjugé fur fes biens une penfion alimen-
taire de 4000 livres, dans laquelle feroit compris
le produit de fon gouvernement de Marchiennes.
Quelque temps après, le ficur d'Harlebecque in-
terjeta appel au parlement de Flandres de la Tcn-
tcnce quil'dvo r interdit, & demanda par provifion
le décrétemcnt de l'offre q^ue fes adverfaires lui
PRODIGUE. 745
avoîent faite en première inftance d'une penfion
alimentaire de 4000 liv. Ce décrétemcnt fut pro-
noncé par arrêt '.endu en vacations le 24 oélobre
1778 , au rapport de M. Vanrode. Le 16 novembre
fuivant , le iîeur d'HaiIebecque fit fommation à
fon curateur de lui payer b fomme entière portée
par l'arrêt. Le curateur fc pourvut au parlement ,
& y furprit un arrêt fur requête du 27 fuivant ,
par lequel la cour dcclaroit , en interprétant celui
du :z4 oâobre , que la penfion alimentaire dont il
s'agiffoit ne devoit courir que du jour de cet arrêt ;
qu'elle n'etoit payable que par quartiers , mais
toujours d'avance ; qu'on devoit y imputer le pro-
duit du gouvernement de Marchiennes ,& que ,
moyennant cette 'interprétation , la fommation faite
au curateur venoit à ceiTcr. Le fieur d'Harlebecque
a formé oppofition à cet nrrét, & a demandé qu'il
fût dit que la penfion à lui adjugée courroit du
jour de la demande qu'il en avoir faite en première
infiance , ou au m.oins du jour de l'offre que lui en
avoient faite iés adverfaires, & que le curateur fe-
roit chargé du recouvrement du produit du gou-
vernement de Marchiennes. De fon côté , le cu-
rateur a loutcnu , 1°. cju'on ne pouvoir fe pour-
voir par oppofition contre un arrêt interprétatif ,
mais feulement par révifion ou requête civile : 2.".
que la penfion ne devoit courir que du jour de l'ar-
rêt qui l'avoit adjugée , parce que non \ivitur ia
prareritum : 3°. que le fieur d'Harlebecque avoir
toujours , même depuis fon interdiélion , reçu lui-
même le produit de fon gouvernement : 4°. que le
fieur d'Harlebecque avoir emprunté 1200 livres
d'un particulier de Cambrai dans le courant dit
mois de juin 1777. Sur cette conteflation , arrêt
du 16 janvier 1779 ' ''^ rspport de M. Delvigne ,
qui reçoit le fieur d'Harlebecque , que je défen-
dois , oppofant à l'arrêt du 27 novembre précédent ;
ce faifant, déclare qua la penfion alimentaire dont
il s'agit ,a couru depuis Ici avril 1778, jour de
la demande qu'il en a forsuce ; que le produit du
gouvernement de Marchiennes devra y être im-
puté ; mais que le curateur fera tenu d'en faire le
recouvrement , en lui fourniffant , par le fieur
d'Harlebecque , les titres néceffaires pour cette
perception ; condamne , fuivant ce , le curateur à
payer au fieur d'Harlebecque les trois quartiers
échus & le quartier courant de fa penfion alimen-
taire , fauf à en déduire les 1200 livres empruntées
par le fieur d'Harlebecque, en cas de répétition
de la part au préteur, fur les deniers de la cura-
telle ; condamne le curateur aux dépens en fa
qualité.
§. 'VI. De la maîn-levée de rinterdi (l'ion d'un Pro^
digue ,
Quel<^.ies auteur* ont cru que les Romains fa«-
(o\çnt ceffer rin'erd.Tiion de plein droit, dés que
le Prodigue changeoit de conduite Si revenoit à
réfipifcence ; ils fe fcnt fondés fur ia loi i , D. </f
curaioriùus , qui port* : Tandiù- erunt ami>9 ii cura-
744 PRODIGUE.
tione , quandiu vd furiofus fariitatem , vel ille fanos
mores receperit. Quod fi evencr'u , ipfo jure de/înunt
ejje in potejlate curatcnim. Mais cette loi ne ciirpenfô
pas l'interdit qui veut fe faire relever de ("on in-
lerdiiSion , de faire juger qu'il a réellement changé
de conduite ; & tout ce qu'on peut en inférer , c'eft
qu'il iort de curatelie aulfi-tôt qu'il a obtenu une
fentcnce qui le déclare revenu de fes égaremens ,
quand même cette (emencc ne le rétabliroit pas
expreffément dans fon ancienne liberté.
Quoi qu'il en foit , la plupart des auteurs , tels
que Balde , Ranchin fur la queflion 260 de Guy-
pape, Peueze fur le code , Ciiriflin fur la coutume
de Malines , Voet fur le digefte , ont pcnfé qu'il
falloit une fentcnce pour lever l'iihcrdi^lion ,
comme pour la prononcer ; « ce qui e(1 fondé , dit
n Furgole , fur la règle, n'ihil tam naciiralc tjl quàm
j> eo gcncre qniJve dij/'olvire , tjiio colU^^.Hum ejl , liv.
S' 3^ , D. de regulis juris ; & cette opinion paroît
3> plus conforme à nos maximes : car nous tenons
3> que les difpofitions des fentcnces doivent fubfif-
»j ter jufqu'à ce qu'elles aient été retracées juridi-
i> quement. Ce parti paroît même le plus raifonna-
j) ble 6i le plus fur pour éviter les embarras & les
j> difcuffions dans Icfquellcs il faut entrer, foit
»> pour déterminer le délai , foit pour faire la
n preuve de la réfipifcence après la mort de l'in-
» terdit, pour favoir s'il nvoit fait un bon ménage
<c pendant un temps ûilKuntpour le faire rentrer
j> dans fes droits, &. lui faire reprendre la faculté
>» de tefter, que l'interdiflion lui avoir fait perdre ".
On a prétendu que la curatelle d\in Prodigue
devoir s'éteindre de plein droit par fon mariage , &
cela , parce que la tutelle d'un mineur s'éteint com-
munément de cette manière. Voici un arrêt qui a
profcrit cette opinion fingulière , &qui en même-
remps confirme quelques - unes des propofitions
établies ci-devant. C'efl Brillon qui le rapporte:
(c Le 10 juin 1717, arrêt du grand confeil , qui,
>) conformément aux conclufjons de M. l'avocat
»> général de S. Port, confirme une fentencede la
» prévôté de rhôtel , par laquelle le demandeur
y d'une fomme de 1800 livres par lui prêtée au
31 fieur Vido , interdit pourcaufe de prodigalité,
3> fut débouté de fa demande , la fentence confir-
>» mée avec amende & dépens. On n'opina même
3> pas, Plaidatis M''" Sar.izin pour l'appelant , M^
») Cochin pour l'intimé. Le moyen de l'appelant
î> étoit fondé fur un arrêt de règlement de 1614,
î> qui ordonnoit que les fcntences d'interdié^ion
« fcroient publiées à l'audience. 2". Il difoit que le
î» fieur Vildo avoit depuis été marié, & qu'il étoit
ji en poffeffion de fon état. 3". Il cita la loi i , D.
» de curatoribus , où il eu Uit que quand le furieux
w a recouvré la raifon , & le Prodigue fiinos mores ,
« il peut valablement contracter. Mais on répon-
» doit que le règlement de 1614 nétoit pas ob-
» fcrvé , & qu'il fufHfoit que la fentence fût figni-
« fiée au fyndic des notaires ; ici elle l'avoit été
ft aux 113 notaires de Paris. En feçpnd lieu, le
PRODIGUE.
» Prodigue peut fe marier ; s'il faifoit des avanta-
» ges trop grands à fa femme , on les réduiroit ai
'.1 hgitimum modum. Mais cette fentence d'inter-
» di6lion a été tellement exécutée , qu'il a eu fnc-
» ceflivement trois curateurs. 3°. La loi cirée eft
>» bonne dans le cas de la fureur , ou bien pour
» autorifer celui qui a été Prodigue , à demander la
» levée de fon interdi6îion ».
Ce que décide cgi arrêt par rapport au mariage
du Prodigue, eft conforme à l'article 11 du chapi-
tre 7 de la coutume de Douai, à l'article 10 du
chapitre 12 delà coutume de la gouvernance de
Douai , & à Tariicle 12 du titre 15 de la coutume
delà ciiàtoUenie de Lille.
Ces mêmes articles exigent pour la main-levée
de la curatelle , une formalité qui répond à celle
qu'elles demandent pour la prononcijtion du dé-
cret même d'interdiin;ion. Voici comme ils font
conçus: a Telle perfonne conflituéc en curatelle
» ne peut être déchargée d'icelle par mariage oa
» autrement , n'eft pas lettres-patentes en forme
>» de léJiabilitation dûment entérinées ... a ce évo-
» qués lefdits curateurs ou autres , fi meflier eft ».
Il y a dans Bafnage un arrêt fort remarquable
fur une efpècc où on arguoit de coUufion & de
fraude , la main-levée qui avoit été accordée à un
Prodigue , de fon interdiâion : « Jacques Coty ,
» huilîier à la cour , ayant mal-à-propos reçu une
» caution , Robert Coty fon père , par l'avis de
» Richard Coty , procureur à la cour , fon frère ,
» & de fes autres parens , le fit mettre en cura-
» telle. Après la mort du père , Jacques Coty pria
» les mêmes parens de le reftituer contre cette eu-
» râtelle ; Se s'en étant rendu appelant du confen-
)» tement des mêmes parens , la CHratelle fut caf-
ji fée par arrêt du 21 février i67i.Le 20 mars
» fuivant , fe voyant fans enfans , il donna le tiers
» de fon bien à Richard Coty fon oncle, a/ec
» rétention d'ufufruit durant fa vie. Bonaventure
» Benoît , dont le fils avoit époufé la fœur de
» Jacques Coty , & les enfans de laquelle étoient
» fes préfomptifs héritiers , ayant eu connoiiîancs
" de cette donation , obligea le donateur de paffer
» une procuration à fa mère pour la révoquer ,
j> & par cette même procuration il lui donnoii
M pouvoir de vendre (on bien. En vertu de cette
M procuration , la mère fit fignifier wxxq révoca-
» tionau donataire; mais, quelques jours après ,^
» Jacques Coty envoya à fon procureur une dé-
j> claration fignée de lui , qui contenoit qu'on lui
» avoit fait figner cette révocation par furprife, &
•>•> qu'il confentoit l'exécution de la donation , «n
j) conféquence de quoi le procureur acquiefça au
11 procès. Benoît fit paroître depuis une déclaration
n contraire ; mais on reconnut qu'elle avoit été
» fuggérée par lui au donateur lorfqu'il étoit ma-
» laderla cauf« ayant été de rechef portée aux re-
» quêtes du palais, on ordonna que la première
)) fentence feroit exécutée ; dont Benoît ayant ap*
» pelé. Si Jaçi^ues Coty étan mort , Maunoury ,
PRODIGUE.
* Ton avocat , reprochoit à Richard Coty , dona-
î» taire , qu'il avoir extorqué par adreffe cette do-
« nation de fon neveu ; & bien que lui-même
« l'eiJt fait mettre en curatelle , comme étant un
») ivrogne & un efprit foible , pour avoir lieu d'cxi-
»» j^erce don & le rendre capable de dominer, il
« ï^voit foUicité les parens de le repiettre en li-
» berté, ayant lui feul pourfuivi l'arrêt, & l'inrer-
» dit n'ayant pas même comparu pour demander
» fon rétablilVement ; 8t qu'auffitôt après cette in-
» terd.dion levée , il en avoit furpris cette dona-
•'* tion , qui ne pouvoit être foutenue , ayant cié
»> faite par un interdit au profit de celui qui avoit
" furpris l'arrêt qui le rétabliflbit , lequel pat con-
»» féquent n'étoit point confidérable , puifque c'é-
>» toit l'ouvrage feul du donataire ; & fi la cour
« avoit fu qu'on ne vouloir reAituer cet imbécille
»> que pour le rendre capable de donner, elle n'au-
» roit pas approuvé la furprife qu'on avoit faite à
»> fa religion. — Je répondois pour Coty , dona-
»» taire , que cette curatelle étoit nulle dans fun
" principe , parce qu'elle étoit fans caufe , l'inter-
" dit n'ayant jamais fait de mauvais ménage, ni
»» contracté aucune dette ; la feule faute qu'on lui
» avoit imputée étoit d'avoir reçu une caution ,
» dont pourtant il ne recevoir que ce préjudice ,
" qu'il falloit avancer d^; l'argent : les appelans
»> avoient mauvaife grâce de blâmer l'arrêt qui le-
»> voit la curatelle , puifqu'eux mêmes s'en étoient
» fervis, ayant pris une procur-ition de cet inter-
» dit pour aliéner & vendre (bu bien , & pour ré-
» voquer cette donation ; il étoit donc capable
>» d'agir par leur propre aveu ; que i'ils ne l'euf
» fer.t pas jugé tel , au lieu de fe rendre fes pro-
» cureurs pour lui fare exercer routes les aélions
J> d'une perfonnc libre & capable, ils auroient dû
« affembler les parens à l'effet de le reinettre en
>» curatelle , & lui donner un curateur {oits le nom
I» duquel ils auroient pourfuivi la cafiation di^ ce
» don. Après tout , cette donation étoit fi favora-
»» ble , que quand même il feroit demeuré dans
»» fon interdiéîion, elle pourroit fubfirter. — Par
it arrêt de la grand'chambre du 18 mars 1672, la
» donation fut coniirmée ".
Un arrêt du parlement de Paris du 2.4 mars
178 1, rapporté au tome 2 de la gazette des tribu-
naux , a décidé qu'un interdit pour caufe de pro-
digalité peut demander la main-levée de fon in-
« terdi<Sion , fans être afîlfté de curateur , & que
cette demande doit être portée non pas d'em-
blée au tribunal fupêrieur qui a confirmé la f'en-
tence d'interdiélion , mais devant 1« juge du domi-
cile de l'interdit.
P'oye^ Us auuus cités dans cet article , & au mot
Interdiction. Voyez aulTi Autorisation ,
Biens , Décret , Légitime , Notaires , Nul-
lité , Succession , Substitution , Tuteur ,
Testament , &c.
( yinicle de M, Merlin , avocat au parlement de
Flandres ).
Tome XIII^
PRODUCTION. 745
PRODUCTION. Ce font les titres & écritures
qu'on produit dans un procès.
L'arrêt du 3 feptembre 1667 , fervant de règle-
ment général pour les procédures qui fe pourfui-
vent dans le reifort du parlemeut de Paris , porte ,
que toutes les Productions des parties pajferont par le
greffe , & feront remifes au greffier garde-facs , qui fera
tenu de les enregiflrer fur un rcgifire fur lequel chaque
offcier des figes préfîdi.iux , bailliages & autres jufli'
ces royales , même des jujîices fubalternes , s'' en char-
gera , 6" mettra fa fignature à côté de Venregiflrement
du fac , qui fera rayée lorfque le rapporteur l'aura re-
mife au greffe ; 6* que le greffer en demeurera chargé ,
j'i/ n appert que quelque offcier en fait chargé fur le
reoiflre par fi fignature qu'il aura appofée.
Cette néceflité de produire par la voie du greffe
a lieu , non feulement dans les appcintemens de
conclufions , mais auffi dans les appointemens en
droit & auconfeil, & même dans les appointe-
mens à mettre , du moins dans les cours. Mais
lorfque les procès appointés à mettre fe difîribuent
nommément à un des juges préfens , nommés par
la fentence d'appointement , ainfi que cela fe pra-
tique dans les bailliages & fénéchaufTées , on ne
les produit point au greffe , on les remet au rap-
porteur nommé par le jugemcnr.
Au refte , ce qui vient d'être dit ne regarde que
les Produ£li©ns principales , & non les Produfiions
nouvelles : car il fuffit de produire ces dernières
entre les mains du rapporteur. Il en eA de même
des écritures qui fe font depuis que le procès efl
diflribué ; ces procédures ne fe remertcnt point
au greffe , mais au rapporteur chargé du procès.
On appelle Produdion principale , celle qui a été
faite devant les premiers juges ; & quand on a de
nouvelles pièces à produire devant le juge d'appel »
on fait » par requête , une produdion nouvelle.
Toutes les Productions qui fe mettent au greffe
doivent être accompagnées d'un inventaire des
pièces produites. C'efl la difpofition ds l'article ij
de l'ordonnance du 3 janvier 1528, qui porte , que
les procureurs des parties feront tenus de faire inven-
taire des procès qu'ils produiront pardevant les juges ;
ô" défend aux greffers de les recevoir fans cet inventaire.
L'ordonnance de 1535 , chapitre 3, article 24,
veut auffi , que dans les procès par écrit il foit fait in-
ventaire des pièces que chacune des parties aura pro'
duiles , & d( nt elle entend fe fervir pour le jugement
du procès; 6c l'article fuivant défend pareillement
aux greffiers de les recev®ir fans cet inventaire ; ce
qui eft encore répété dans l'article 14 du chapitre
i8 de la même ordonnance.
Quand on produit fur l'appel avant rappointe*
ment de conclufion , on ne met au greffe que l'ia-.
ventaire de Produiftion de la caufe principale.
Cet inventaire doit contenir une defcription
fommaire des pièces que la partie produit ; ces
pièces doivent y être expofées dans le même or-
dre qu'elles ont été produites. Les procureurs doi-
vent auffi y e^tpofer pour quelle fin ils produifenj
Bbbbb
74<î
PRODUCTION.
chaque pièce , ce qu'elle contient , & rindafliGn i
qu'ils en tirent ; ce qui fcrt , tant pour étnblir le
droit de la partie , que pour inftruire la religion
du juge ; miis il ne doit contenir aucune raifon
de droit. C'eft ce qui rèfulte de dlftérentes lois ,
telles que l'ordonnance du mois d'avril 1458 , l'or-
donnance de 1507 , & l'ordonnance de 153$-
Les pièces produites dans cet inventaire doivent
être cotées par lettres A , B , C , &c. tant dans
l'inventaire que fur le dos des pièces produites.
Cela eft ainfi prelcrit par l'ordonnance du mois
d'août 1539.
Faute de contredire les Productions dans les dé-
lais de l'ordonnance , on en demeure forclos.
PRODUIT. On appelle aHc de Produit , l'aûe
qu'on fait fignifier pour déclarer qu'on a mis la
Produ6iion au 2,refFe (1). Voyez Production.
PROFESSEUR. Celui qui profeffe , qui enfeigne
quelque fcience , quelque art dans une univeifue ,
dans un collège.
Les Profefleurs , dans nos univerfités , enfci-
gnent la grammaire & les humanités , en expli-
quant de vive voix les auteurs claffiques , & en
donnant à leurs écoliers des matières de compofi-
tion , foit en vers , foit en proie , qu'ils corrigent ,
pour leur montrer rapplicatlon des règles. Ceux
de philofojjhie , de droit, de théologie 6c de méde-
cine, dirent des trait>:s que copient leurs audi-
teurs , auxquels ils les exfiliquent eniuite.
Dr.!is l'univerfirè de Paris , après un certain
nombre d'années d'exercice , les ProfetTeurs font
honorés du titre rïe-ncrite , & gratifiés d'une pen-
fion , qu'ils touchent même après avoir quitté leurs
chiires ; récompenfe bien jufte, & propre à exciter
l'émulation.
Il n'y a pas encore long-temps que les Profcf-
feurs étoient payés par leurs écoliers; mais en
1719 , le feu roi a afligné aux Profefreurs , des
honoraires fixes , 5c a , par ce moyen , procuré à
fes fujets rinflruâ;ion giatuiie , du moins dans l'u-
niverfité de Paris.
Voyez les articles Collège & Université.
PROFESSION MONASTIQUE. C'eft la prd-
jnefTe folenneUe & publique que font les perfon-
ries qui embrafTcnt la vie rellgicufe, d'obferver les
règles de l'ordre dans lequel elles entrent.
Il y a cinq cliofes à confîdérer par rapport à la
ProfefTion monaflique : 1°. qui font ceux qui peu-
vent la faire : 2'. quelles perfonnes peuvent la
recevoir: 3". quelles en font les conditions 8c la
forme , tant intrinsèque que probante : 4". à quels
i'uges appartient le pouvoir de connoîcre de fa va-
idité ou nullité : 5". quels font le terme & la forme
(1) Formules d'un aclt de pro luit.
Maîae.... procureur de.... appelant, déclare à maître....
procureur de. .intimé , que pour fatisfaire à l'aiiér d'aupoin-
reaiencaii conleil du... il a cejourd'hiii produit au gretfe de
îa cour, à ce qu'il n'en ignore ôc ait à faire le feaiblabJe ,
£non forclos , àom ade.
PROFESSION MONASTIQUE.
dans Itfquels on doit fe pourvoir contre une Pro-
tcfilon , pour la faire déclarer nulle.
§. 1. Qiii font ceux qui peuvent faire la Profejfion mo«
rtjjîique.
I. La première qualité requife pour faire vala-
blement Profeflion , eft d'avoir l'âge que les \%.s
exigent fur cette matière.
L'article 10 de l'ordonnance d'Oi'léans avoit
fixé cet âge à vingt-cinq ans pour les mâles, & à
vingt pour les hlles ; mais le cencile de Trente
l'ayant remis à feize ans pour l'un & l'autre fexe ,
l'article 28 de l'ordonnance de Blois adopta cette
règle , & elle fut obfervée dans tout le royaume
jifqu'au mois de mars 1768. A cette époque , le
leu roi crut « qvf il étolt de fa fageffe , en fe éfcr-
I) vant d'expliquer encore fes intentions après dix
» années , d'éprouver un terme mitoyen entre
» ceux qui avoient été fucceffivement prefcrits ,
» 8c qui ne fût ni affez rc culé pour éloigner du
» cloître ceux qui y feroient véritablement appe-
>7 lès, ni aflez avancé pour y admettre ceux qu'un
» engagement téméraire pourroit y conduire ».
En coni'èquence , il donna un édit qui fut enre-
giAré dans toutes les cours , 6c dont les deux pre-
miers articles font conçus en ces termes r
u Aucun de nos fujets ne pourra , à compter du
» premier avril 1769 (i) , s'engager par la Pro-
» tcfTion monaflique ou régulière, s'il n'a atteint,
») à l'égard des hommes , l'âge de vingt-un ans ac-
» complis ; à l'égard des filles , celui de dix-huit
i> ans pareillement accomplis , nous réfervant ,
» après le terme de dix années , d'expliquer de
» nouveau nos intentions à ce fujet.
I) Faifons en conféquence très-exprefTes inhibi-
" lions & défenfes à tous fupérieurs & fupérieures
" des monaftèras, ordres & congrégations, chapitres
M & communautés r.'gulièrcs, de quelques quali-
» tés qu'elles puiiTent être, & à tous autres , d'ad-
j> me'tre , fous aucun prétexte , nofdits fujets à
» ladite Profefîion , avant l'âge ci-deflus prefcrit.
» Voulons que les Profeffions qui feront faites
" avant ledit âge foient déclarées nulles & de nul
5) enet par les juges qui en doivent connoitre ,
» même déclarées , par nos cours de parlement,
» ruUemcnt & abufivement faites , fur les appels
5> comme d'abus qui pourroient être interjetés en
V cette matière par les parties intérefTées ou par
» nos procureurs généraux. Voulons que ceux ou
M celles qui feroie- t lefdites Profefîîons avant ledit
» âge , foietit Si demeurent capables de fuccefiion ,
» ainfi que de tous autres effets civils >'.
Ces difpofjtions r'étoient que provifoires dans
le principe ; mais elles ont été rendues définitives
& érigées en lois perpétuelles par les lettres- paten-
tes du 17 janvier 1779.
(i) Cet é lit n'a été snregiitrc su pailer.,eiu de t-1 indres
que le ^ mars I770; en conféquence , l'arrêt d'fntegiftre-
meut de cette cour ordonne (ju'il n'aura liçu <ju'à compter du
piSii\içc aviii ^7_lU
PROFESSION MONASTIQUE.
D'Héricourt fait, fur l'article 28 de lordonnance
deBlois , une obfervation qui s'applique d'elle-
même aux lois nouvelles dont nous venons (le
rendre compte : u Comme l'heure de la naiiT:mce
» des eufans , dit-il , n'eft point marquée dans les
» regiAres de br.ptêmes , en ne doit les admettre
» à la Profe/Tion religieufe , qu'après que le der-
»» nier jour de leur feizlëme année s'eft écoulé
« tout entier. C'eft ce qui efl décidé par un arrêt
»» du parlement d'Aix du 11 avril 1680 , qui dè-
M fend aux religieux , fous p;;ine de faille de leur
" temporel , de recevoir à la Profeffion monal^i-
»» que avant que le profès ait feize ans accomplis.
»» Cet arrêt a été rendu à l'occafion de François
« Pelicot , qui étoit né le 8 mars de l'année 1627 ,
" & qui avoit fait ProfcHion dans Tordre de la
» fainie Trinité le o mars de l'année 1643 "• O"
trouve dans le journal du palais le plaidoyer de l'a-
vocat généra! qui porta la parole dans cette caufe ;
il contient une favante dilfertation fur la maxime
qu'établit ici d'Héricourt.
Un arrêt nu parlement de Paris du 8 avril 163 i ,
rapporté par Auzaner fur l'article -^37 de la cou-
tume de Paris , a déclaré nulle une Profeflîon faite
publiquement avant l'âge prefcrit , & réitérée de-
puis par un aâe fecrct.
II. La fureur, la démence ou l'imbécilité, font ,
tout le temps qu'elles fubfilîent , des obflacles in-
vincibles à la ProfclTion de celui qui en efl itteiiit.
C'eft la difpofition exprc'fTe de la décrérale fient
ténor , de res^ularibuu La feule exception qu'elle y
apporte eft que la Profcflîon deviendroit valable
par la ratification que le furieux, l'infenfé ou l'im-
bécille en (exo'it dans un intervalle lucide, nifi
•poflqttàm mentis fucefadus e(l compos , fvoniancâ vo-
duntaie Pn^feJJîoncm fecerit monazhaLm.
Cette loi canonique eft puifée dans la raifon
même. C'eft un principe inconteftablc , que tout
vœu doit être l'ouvrage de la volonté, & d'une
volonté éclairée parla raifon , par la connoiflance
du facrifice auquel elle fe foumet. Dieu ne reçoit
que les offrandes du cœur , c'efl-à-dire delà vo-
lonté: tout autre hommage eft indigne de la ma-
jefté fouveraine.
Mais peut- on conclure de là , que la feule fci-
blefTe d'efprit rend incapable de faire ProfefTion ?
M. Courtin foutenoit l'affirmative dans la caufe de
frère Lelièvre , religieux de la cong-égation de
France , qui réclaraoit contre fes vœux. Qu'on
jette un coup-d'œil , difoit il , fur la conduite du
fieur Lelièvre , fur ces lettres qu'il a pris la liberté
d'écrire au roi & à toutes les perfonnes en place :
on y voit un caraiflère de naïveté , de Cmplicité &
ele niaiferie, qui décèle l'ame la plus foible , la
tête la moins réfléchie , & qui approche le plus de
l'enfance. Si on ny remarque pris wno. raifon alié-
née , on y voit une raifon naiflante , & dont on
n'apperçoit que la première aurore. Il eft à trente
ans dans l'état où on eft à dix. S'il a la candeur &
'innocence de cet âge , il en a la foibleÛe & la
PROFESSION MONASTIQUE. 747
pufillanimité ; en un mot , ce n'eft autre chofe
qu'un grand enfant , & un enfant fort fage & fort
tranquille. Il eft donc évident que fon état eft vé-
ritablement l'état de l'enfance; un état fort appro-
chant de l'imbécilité. Ce n'eft pas une raifon ren-
verfée ; c'eft une raifon qui ne fait encore que ger-
mer. Il ne dira rien contre le bon fens , mais il ne
pourra s'élever jufqu'à la combindifon de deux
idées. Non-feulement , comme le diloit l'abbé de
fainte Geneviève dans une lettre à M. le lieutenant
de police, il n'a ni vice , ni vertu, mais il en eft
incapable. N'ayant donc pas le difcernement né-
ceffaire pour (e décider par lui-même fur un enga-
gement aufîî important que des vœux irrévocables ,
il n'a pu y être pouffé que par des impreflions
étrangères. Ainfi s'expliquoit le défenfeur du fieur
Lelièvre.
M. l'avocat général de Saint-Fargeau , qui porta
la parole dans cette caufe , remarqua d'abord qu'il
étoit difficile d'apprécier le degré d'intelligence de
l'appelant comme d'abus. Sa conduite , dit ce ma-
gillrat , nous prefente tantôt des défauts de péné-
tration , tantôt une forte d'adreffe; tantôt de l'in-
certitude , tantôt une volonté fixe, perfévérante ,
inflexible ; tantôt une facilité furprenante , tantôt
une étrange opiniâtreté ; tantôt des inconféquen-
ces , tantôt un fyftéme fuivi , tantôt une fimpliciré
qui fe.mble pufillanime , tantôt une hardiefte fupé-
ricureà tous les dangers.
M. de Saint-Fargeau fit enfuite la leflure d«
quelques-unes des lettres de Lelièvre , & ajouta :
Uo tour cela on peut conclure que René Lelièvre
eft un homme qui , fans être véritablement raifon-
nable , n'a point perdu la raifon ; un hcaime dont
le coeur eu plus foible que l'eTprit ; un homme dont
l'entenden'.nt eft entier, quant à fes facultés ,
quoiuue les bornes en foient étroites ; en un mot ,
un honnne capable de vouloir, de penfer , de fe
déterminer par lui-même, quoiqu'il faffe de cette
faculté un ufagepeu judicieux.
S'il eft encore tel , ajoutoit M. l'avocat général ,'
que nous le dépeignons, après taifit de traverfes &
d'aventures étranges , après que fon imagination
s'eft cchaufTèe de plus en plus fur des projets ar-
demment deCrés , fans être remplis; enfin après
que foa efprit s'eft agité long-temps dans un vide
affreux , & s'eft , pour ainfi dire , ufé lui-même
s'il lui refte encore aujourd'hui une intelligence
commune , une raifon fufîifante ; avant ce qui a
pu les affoiblir , il devoir avoir du moins un efprit
ordinaire , & par confèquent la faculté de donner
ua confentement valable.
Quand il a fait fes vœux , il étoit en pofTcflîon
de tous les droits attachés à l'état d'un homme dont
l'cfprlt n'eft point altéré ; il n'étoit point interdit ;
on n'avoi: fait aucune procédure pour conftater
qu'il fût Imbécille. Ce feroit aller contre toutes
les lois , contre tous les principes , que de l'admet-
tre maintenant à prouver par témoins cette imbéci-
lité fuppofée, 11 étoit tçl que mille autres, quand
748 PROFESSION MONASTIQUE.
il a fait Profeffion ; mille autres peut-être feroient
bientôt tels que lui ; mille autres affefteroient la
même foiblefl'e d'efprit qu'il prétexte , fi le fuccés
de fa tentative leur donnoit jour à cfpérer que ,
pour s'affranchir de leurs liens , il leur fuffiroit d'ar-
ticuler, en termes vagues, fans faits pcfuifs de dé-
mence ou d'imbécilité , une foibleffe d'efprit fup-
pofée , & d'avoir des témoins tout prêts à en dé-
pofer.
Sur ces raifons , arrêt intervint à la grand'cham-
tre du parlement de Paris, le i6 avril 1764, par
lequel il fut dit , conformément aux conclufions de
M. de Saint Faigeau , qu'il n'y avoit point d'abus
dans les vœux de Lelièvre.
III. La néceffué du consentement libre & éclairé
de celui qui fait Profeffion, amène la conféquence,
que des vœux faits par un motif de crainte capa-
ble d'ébranler une peifonne conOante , telle que
peut être la crainte de la mort ou de mauvais trai-
temens , doivent être annuUês , à moins qu'ils
n'aient été fui vis d'une ratification , foit expreffe,
foit tacite, La dêcrétale , perlatum , de his q kz vi ,
metûfcjue caufd fiunt , le décide ainfi formellement.
« Pour connoître , dit d'H^ricourt , fi la crainte
»> a pu rendre un vœu nul, il faut confidérer quel
» eA l'objet de cette crainte , la qualité de la per-
M fonne menacée , fon âge , fon fexe , la foibleffe
« ou la force de fon efprit & de fon tempérament.
•» La cramte de la mort & de quelque traitement
» cruel , de la perte de l'honnei r ik dix bien , peut
» ébranler les perfonues les plus confiantes. Une
» crainte moins forte peut émouvoir desperfonnes
»» plus foibles , & rendre leur Profeffion en quel-
») que manière involontaire. Si une mère répète
j) fouvent à fa fille qu'elle l'a deftinée pour le
>» cloître ; fi elle lui fait des reproches & des me-
ï» naces , parce qu'elle n'embraffe pas l'état reli-
•> gicux ; fi elle lui donne des marques d'une indi-
»> gnation qui ne fe paffe point jufqu'à ce qu'elle
»» foit entrée dans le monaftère ; fi, dans le cours
« du noviciat , elle lui fait fentir qu'elle la rendra
« malheureuse en cas qu'elle rentre dans le monde ,
»> il n'y a rien qu'une fille ne faffc pour éviter les
»> combats contin.iels qu'il faut qu'elle foutienne
i> contre fa mère ; & l'envie d'éviter cette con-
») trainte l'engage à faire des vœux fans la liberté
M néceffaire pour le choix d'un état fur les obliga-
« tions duquel on ne fauroit trop faire de ré-
») flexions , même quand on l'embraffe par un fen-
»> timent de piété ».
La jurifprudence des arrêts a confacré ces prin-
cipes à l'égard des fous-diacres qui réclamenf con-
tre leur ordination; & il en eft abfolument de
même par rapport à la Profefîion rcligieufe. Un ar-
rêt du I a décembre 16156 , rapporté au journal des
audiences , a jugé qu'il n'y avoit point d'abus dans
la fentence qui avoit relevé le réclamant , parce
qu'il y avoit preuve que le père avoit menacé fon
fils pour l'obliger d'être fous-diacre. Des menaces
font donc fuffifantes pour opprimçr la liberté d'un
PROFESSION MONASTIQUE.
enfant qu'on deftine à l'ordination ou au cloître;
Toute impulfion qui vient des parens a un pou-
voir auquel il eft difficile de rélifter. Nous obéif-
{or\^ à un père & à une mère en \cnant .nu monde; la
nature & la religion nous accoutument à plier fous
leur moindre volonté : comment réfifter , iorf-
qu'avec des paroles dures ils nous preTcrivent des
ordres dont l'exécution nous paroît toujours un
devoir.
Un arrêt rendu de nos jours , le 3 feprembre
1759 , a pareillement decJaré qu'il o'y avoit point
d'.ibus dans une fcnteace de l'olficial de Paris , qui
admertoit le fieurlîoure; :/ prouver, tant par titres
que par témoins, les menaces & les mauvais trai-
r^mens qu'il foutenoit avoir été employés pnr Ton
père pour !e faire enrrcr dans les ordres facrés.
« Sous quelque afpeâ qu'on envifage la vie de
» Tabbé Bouret ,difoit M. Boiffou, fon défenfeur,
') on trouve des exemples de la crainte la plus
» grave Dans les premières années , on fait ufage
» de la fédutlion , on lui offre des bénétices , on
»» lui promet des dignités & àcs richeffes. Parvenu
» à un âge plus mûr , on l'enferme dans un fémi-
»» naire, on lui interdit toute communication : on
» le prefit de fe faire tonfurer; il le refufe. L'abbé
» Bouret ne l'a été qu'à dix-neuf ans ; il n'a été
" fous-diacre qu'à vingt-quatre ans & demi ; on
" peut juger , par le retardement de ces ordina-
» tions , combien fa réfiftance étoit forte.
» Il tombe malade ; on eft obligé de lui faire
» voir le jour : mais la maifon paternelle , loin
» d'être pour lui un afyle de tranquillité, devient
» un féjour encore plus dur que le féminaire; me-
» naces d'exhérédation , paroles dures , prêtre ou
M moine, c'eft le refrein de la famille ; coups ,
)> mauvais traitemens , humiliations les plus affli-
» géantes , exclufion de la table paternelle; on
» met le comble à ces duretés par une expulfion ;
■>■» l'abbé Bouret eft chaffé par fon père , il eft re-
'^ tranché de la famille : il commence à éprouver
" l'effet de la menace que fon père lui avoit faite
» de ne plus le reconnoître pour enfant. Il efpère
r> trouver un afyle chez un oncle ; tout eft contre
» lui ; il a à y foutenir les mêmes affauts : de con-
» cert avec le père , on lui fignifie , avec un em-
» pire auquel on ne réfiftc pas , qu'il faut à tel
)> temps être fous-diacre : on le reconduit pour
» huit jours au féminaire. Nouvelles plaintes por-
)» tées par l'abbé Bouret , jufqu'à fon confeffeur ;
») tout eft inutile ».
Tels étoient les faits articulés par l'abbé Bou-
ret. Les parties étant revenues après l'arrêt à l'offi-
cialité, & les preuves s'étant trouvées conc\u:\mss^
l'ordination fut déclarée nulle , & le réclamant
reftitué au fiècle , par fentence contradidïoire du 9
février 1760 . rendue fur délibéré.
On trouvera ci-après , n°. 8 , un arrêt célèbre
fur la queftion de favoir fi on doit laiffer fubfifter
une Profeffion qu'un foldat défcneur a faite pour
PROFESSION MONASTIQUE.
fe Oèrober aux peines prononcées contre le délit
dont il cft coupable.
Peut-on prouver par témoins les faits de crainte
6c de violence qu'on allègue contre une ProfeiTion r
Il y a dans la colleélion de Denifart ho arrêt du
29 mai 1746 , qu'il dit avoir décidé pour la néga-
tive ; mais c'eft une méprife. Il eft vrai que cet
arrêt a déclaré abufives les fentences de lofficial
de Langres , qui avoit admis un religieux récla-
mant à la preuve tfcftimoniale de fes faits de con
trainte, & anntiUé, en conféquence de cette preu-
ve , les vœu.: qu'il avoit prononcés : mais il fe
trouvoit dans cette efpèce une circonftance parti-
culière & décifive ; les appelans comme d'abus ,
I) repréfentoient plufieurs letrrcs recouvrées de-
« puis la preuve teftimoniale admife , par lefquel-
» les le réclamant avoit tenu \m langage abfolu-
» ment oppofé aux faits confignés dans fa requête
» en réclamation >»,
D'un autre côté , Denifart cite deux arrêts des
3imaii69i 8f 19 juin 1702 , comme ayant jugé
que la preuve teftimoniale peut avoir lieu en ces
matières ; en quoi il fe trompe encore. Ces arrêts
font rapportés au journal des audiences dans l'or-
dre de leur date , & on y voit clairement qu'ils
n'ont rien moins décidé que cela.
Denifart ert plus exnél dans la citation d'un autre
arrêt du 8 août 1746 , par lequel il fut dit n'y avoir
abus dans une fentence qui avoit admis la preuve
teftimoniale des faits de violence articulés par le
fieur Chabot , cordélier , qui avoit un commencement
de pntivc écrite.
Au refte, la queftion en général dépend des prin-
cipes établis au mot Preuve , & ci-après , §. 3 ,
n". I,
IV. Le confentement du père & de la mère efl-
il néceffaire à la Profeffion d'un enfant ?
Si cet enfant eft majeur, la négative efl in con-
teftable ; voici néanmoins une efpèce dans la-
quelle un juge inférieur a penfé tout autrement.
Maric-Vtéloire de Liancourt , fille majeure de
Charles - François de Liancoiirr, garde - magafm
d'artillerie à Charlemonr, vouloit fe faire Récollec-
tine à Givet. Son père s'y oppofoit. Sur les contef-
tations qui fe font élevées entr'eux à ce fujet , il
eft intervenu , le 30 avril 1781 , une fentence de
la prévôté de Givet, qui porte :
» Nous avons permis 8». permettons au fuppliant,
ï> & en tant que de befoin !',uuorifons , à placer
j> ladite de Liancourt, fafiile, foit au monaflère
j» des Daraes de Flifpré , près de cette ville , foit
»> au monaftère des Dames-d<?s-Prés de Douai ,
» foit des Dames de Saiut-Sepulchre de Charle-
»> ville , foit aux Dames de Saint-Pierre de Reims ,
« au choix de ladite de Liancourt, fi mieux n'ai
« me cette dernière, demeurer dans la maifon de
» fon père, & pour le temps de fix mois, à l'ex-
^> piration defqucls ladite de Liancourt fera libre
5» de rentrer dans le couvent des religieufes R-col-
« leftiQes de cette ville , s'il n'arrive caufe d'oppo-
PROFESSION MONASTIQUE. 74.,
» fition au contraire : ordonnons en conféquence à
» la fupérieure dudit couvent des Récolieâines de
» Givet , de remettre ladite de Liancourt entre
» les mains de fon père ; à quoi faire ladite fupé-
» rieure & religieufes , & couvent defdites Récol-
•' leflines , feront contraintes par toutes voies dues
» & raifonnables ".
Appel , au parlement de Flandres , de la part de
Marie-'Viâoire de Liancourt. Après une inftruc-
tlon contradiâoire , arrêt du 23 novembre 1781 ,
au rapport de M. Plaifant-du-Château , dont voici
le difpofitif :
» La cour a mis & met l'appellation & la
»» la fentence dont a été appelé au néant; émen-
» dant, déclare l'appellante libre de prendre le
» voile & de fe faire religieufe dans tel couvent
» qu'elle trouvera convenir ; condamne l'intimé
» à payer à l'appellante une fomme qui ne pourra
»> être plus forte que de 500 liv. pour chaque an-
» née de penfion du noviciat , dans le couvent
j) qu'elle aura choifi ; Si en outre , iwe penfion
» viagère, qui ne pourra excéder la fomme de
» 150 liv. annuellement; condamne l'intimé aux
» dépens, tant des caufes principales que de celle
M d'appel w.
Mais lorfqu'il eft queftion de la Profeffion d'un
mineur , le confentement de Con père & de fa mère
n'eft-il pas e(Tentiel à la validité des vœux qu'il pro-
nonce ? Il eft certain qu'il ne faut point de leur part
un confentement formel , & que leur approbation
tacite fuffit pour rendre inattaquables de ce chef les
vœux de leur enfant. C'eft ce qu'a préjugé un arrêt
du 7 février 1707 , rapporté au journal des audien-
ces , & dont on parlera ci-après » §. 3 , n'^ 4. Une
religieufe attaquoit fa Profeffion par chux moyens ,
dont l'un étoit le défaut de confentement de fou
père. M. l'avocat général /oly de Fleury, qui
portoit la parole dans cette caufe, pulvérifa ce
moyen en peu de mots : « A l'cgard du père , dit-
» il , 1°. il ne fe plaint point : 2". on a bien vu
» rendre à un père des cnfans avant la Profeffion ,
» quiind il les revendique ; mais jamais on n'a jugé
» la Profeffion nulle ». Le parlement de Provence
a décidé la même chofe, fuivant Denifart , en dé-
clarant , par arrêt du 26 janvier 1-30 , « n'y avoir
)» abus dans la Profeffion de Claude Jouvin, âgé
» de dix-fept ans , dans l'ordre des capucins. Ce
» Jouvin avoit prononcé fes vœux hors de la pré-
» fence & fans le confentement p^r écrit de fon
» père ; & ce père , attendri par les regrets de fon
» fils , avoit appelé comme d'abus de fa Profeffion.
I) Il citoit le chapitre 30 des nombres , les capitu-
}> laires de Charlemagne Chopin , Henrys . Boni-
» face , &c. Mais parce que Jouvin père avoir eu
H connoiflance & du noviciat & de la Profeffion
>» de fon fils , fans s'y oppofer ; qu'il avoit envoyé
M fa iemmc pour affifter à la cérémonie & fournir
» de fa part tout ce qui étoit néceftaire pour cette
» dépenfe , l'arrêt jugea la Profeffion valable ».
750 PROFESSION MONASTIQUE.
Refteà favoir fi le défaut de confentement , mè-
ine tacite , du père & de la mère du profés mineur ,
feroit un moyen de nullité contre fa Profcffion.
Les cap'.tulaircs de Ciiarlemagne (i) femblent dé-
cider la queftion pour l'affirmative, en défendant
de donner l habit religieux aux enfans fans le con-
fentement de leurs parens. L'article 19 de l'ordon-
nance d'Orléans ne paroît pas moins précis : " Dé-
3> fendons , porte-t-il , aux pères & mères, tuteurs
» & parens, de p:rmettre à leurs enfuns ou pupilles
« faire ProfelTion de religieux ou religicufes ,
« qu'ils n'aient , favoir , les mâles, vingt-cinq ans ,
M 6c les 611es vingt-ans n. Il eft vrai que l'arncL"
3.8 de l'ordonnance de Elois a changé celle d'Or-
léans, en iîxant à feize ans l'âge requis pour faire
Profeffion; mais ce changement n'a point donné
d'atteinte aux droits des pères & des mères , relati-
vement à la iiéccflué de leur confentement.
« Je ne comprends pas au rcfte , dit Denifart ,
») comment on peut agiter férieufcment la qu;f-
» tion de favoir îi un enfant peut défobéir à fon
» père, Si (e faire moine contre fon gré ; une pa
» rcille queOion paroîtra toujours dcraifonnable à
« tout homme fenfé. Les plaintes & lesoppontions
j> des pères font d'autant plus favorablci, qu'on
>» n'entend, dans les cloîtres 8c dans les tribunaux ,
j) que des g:miiTemens & des réclamations contre
î) des vœiix forcés ; &l comme on ne doit pas
» prendre pour vocation le caprice ou le dépit
» d'une jeune pcrfonne fans expérience , on doit ,
» en ce cas, donner beaucoup aux droits de la
j> puiffance paternelle. Les lois romaines attri-
»> îjuoient aux pères un pouvoir immenfe fur leurs
j> enfans, £{ ce tribunal dome^^Hque étoit fouverain
j> à cet égard : mais (i cette pui/rance eft modérée
« par les règles humaines du chriflianifme , elle
» n'eft pas abfolument abrogée ; rien ne bleflTe
»> plus cette autorité que de foutenir qu'un enfant
» fe puifTe choifir un état fans le confentement de
j> fon père. Un mineur eft incapable des moindres
« aftes de la vie civile ; pourquoi pourroit-il nè-
>i gliger l'autorité paternelle pour le plus important
« de tous les engagemens ^ Comment concevoir
»♦ qu'il peut renoncer à tout par le vœu de pau-
>» vreté , & immoler fes fens à la loi d'une conti-
j» nence perpétuelle , lorfqu'il ne connoît fouvent
» pas ce que c'eft que continence , & combien
« la nature réfifte à fes vœux ? Pourquoi l'autorité
M des pères ne fervira-t-elle pas de frein , en ce
M cas-là, à l'indocilité des enfans, qui, fous pré-
ti texte de fe donner à dieu , s'imaginent qu'il leur
•n eft permis de défobéir à leurs parens ^ On ne
» trouve que trop de fupirieurs dans les maifons
j) religieufes , qui , par des vues intéreflees , en-
j} trcnt dans ce commerce d'iniquité , & qui accep-
» tent des viétimes fans fcrupule. Ils ne m.anquent
» pas de dire que , quand dieu parle , c'eA un
I) crime d'écouter la voix de la nature i que l'aut©-
(0 Lib. i.cap. sî & ieI,cdic.BaIui.
PROFESSION MOrjASTIQUÉ;
»> rite des pères devant fléchir fous la fienne , il ne
» faut plus écouter leur volonté : mais le chriftia-
» nifme n'eft point une vertu farouche , qui étouffe
» les fentimens de la nature ; le defir de fe confa-
» crer à la condition de religieux, n'eft fouvent
» qu'une ferveur paffagère : fera-t-il temps de fe
» repentir, lorfque le fang venant à bouillonner,
» il infpirera de cruels efforts pour fecouer ua
» joug infupporrable ? &c. &c. ècc. >».
Diftèrens arrêts ont adopté cette opinion. Néron,
fur l'article cité de l'ordonnance d'Orléans, en
rapporte trois en ces termes : « Il y a , dit- il , pUi-
j> fleurs arrêts de la cour par lefquels il eft prohibe
» de recevoir aux monaftéres , des enfans de fa-
» mille , fans l'autorité & confentement des pa-
j> rens , & entr'autres un contre les jéfuites , au
» profit de M. Airault , du 20 mai 1587 ; un autre
» contre les feuillans pour M, Jean Laurens, pro-
5> cureur au bailliage Si. fiége préfidial de Chartres,
)> du 2 août 1601 , & pour M. Ripault, préfident,
» contre les capucins, du 14 mars 1604 »>. Gillet
rapporte les mêmes arrêts dans fon plaidoyer pour
le fieur & la dame Vernat , mais il les date différem-
ment ; il dit que le premier eft du 20 mai 1586,
le fécond du 1 aoiit 1601 , & le troifiéme du 14
mars 1602. « Ces trois pères, ajoute-t-il , deman-
» dolent leurs fils ; on leur avoir donné l'habit fans
3) leur confentement. Les jéfuites, les feuillans,
» les capucins furent condamnés à ôter à ces
î) trois novices l'habit régulier , 6c à les rendre à
)> leurs père en habit féculier , avec défenfes de rcr'
» cevoir à l'avenir des enfans fans le confentement
» de leurs pères. Une obfervation confidérable à
» faire dans cet endroit , eft que ces trois arrêts
» font poftérieurs au concile de Trente & à l'or-
)» donnance de Blois, & que les enfans étoicnt
5> âgés de 17 a 18 ans. C'eft une circonftance re-
)) marquée dans les notes fur la conférence des or-
» donnances , à côté de celle de Blois , où ces trois
» arrêts font rapportés , pour marquer que l'ordon-
» nance de Blois , qui permet de faire profeffion
n à 16 ans accomplis, ne doit s'entendre qu'avec
» le confentement des parens. De même qu'encore
M que les filles puiffent fe mariera 12 ans, & les
» mâles à 14, les mariages ne laiffent pas d'être
)» nuls, lorfqu'ils font contra6\és en minorité fans le
» confentement des pères & des mères; c'eft-à-dire,
5> que la puberté canonique pour l'émiffion des
j> vœux, non plus que la puberté civile pour le
n mariage, n'eft qu'use capacité naturelle qui fup-
)» pofe toujours le confentement des parens ».
Le parlement d'Aix a rendu , le 1 1 avril 1680 ,'
un arrêt conforme à ceux du parlement de Paris ,
que nous venons de citer. Il fait , comme on le voit
au journal du palais , « inhibitions & déienfes à
» tous les fupérieurs & fiipérieures des ordres re-,
» ligieux de la province , de donner l'habit de noi
» vice, à l'avenir, à aucun fils de famille, fans
« l'autorité & confentement de fes père & mère , ..^
» à peine de faifie de leur temporel ».
PROFESSION MONASTIQUE.
Denifart dit que le châtc'et , « par fentence ren-
»» dne le famedi 30 août 1760, a non leiilefrienf
» admis roppofition formée par un père à remif-
w fion des vœux de fa fille, âgée de vingt-trois
» ans , qui vouloit fe faire cordelière , & qu'il re-
» vendiquoit, mais a ordonné à cette fille de rc-
« tourner chez lui , avecdéfenfes d'en fortir avant
>» lâge de 2,5 ans, 8c a condamné le couvent aux
>» dépens ».
D'un autre côté , que ne dit-on pas pour foute-
nir qu'un enfant mineur peut s'engager dans le cloî-
tre malgré fon père & fa mère ? On cite d'abord ces
textes de l'évangile : « Celui qui aime fon père ou
» fa mère plus que moi , eft indigne de moi. Qui
» arn^t patrem aut inatrem pdus quàm me , non ejî
n me di^nus. — Celui qui vient à moi fans haïr
» fon père, fa mère, fa fen-.me , fes enfans,
» fes frères, & même (on ame ( c'eft-à-dire, fans
r faire comme s'il l«s haïlToit , lorfque leurs inté-
55 rets fe trouvent oppofés à ma gloire & à ruon
»» fervice) , celui-là ne peut être mon difciple. Si
5> (juis venu ai 1. e , 6* non odit pat'em & tnjtrcm &
jy 6* uxorem & fiiws & fratres , imà & animam ftusm ,
3> non potijl difcipuhts rtifus ejje — Ceux qui ont
îJ dit ?, leur père ou à leur mère , nous ne vous cor.-
To noiiTons pas , ont été juftes, & fe font confor-
« mes à mes commanderaens- Qwi dixerunt patri
î> aut mat ri , non nov'imus -vos , ju'Ji cuftodientrit ani-
y> mam meam :». On ne doit donc plus- connoître
leur voix ni leur pouvoir , quand ils s'oppofent
aux ordres de dieu. En effet , c'eft de lui que les
pères empruntent l'autorité qu'ils ont fur leurs en-
fans ; ils ne \cy.&rcQni que fubordinément à lu;.
Il efl donc jufle qu'ils fe taifent quand il fait en-
tendre fa voix , & que leur pouvoir ceffe quand il
commande. C'eft ce que faint Arabroife exprime
en ces termes : Si obfeqiiium varentibiis ^xhibcndum
ejl , (jujnto magis autor'i parentum. Saint Jérôme
va bien plus loin dans cette fameufe cpître par la-
quelle il exlicte Héliodore à retourner dans la fo-
litude qu'il avoit quittée. Si votre fils, dit-il , fe
pend a votre cou pour vous retenir , fi votre mé^e
épîor.'e, les cheveux épars, & déchirant fes habits,
vous montYQ les mamelles qui vous ont allaité; fi
votre père fe couche fur le feuil de la porte jpalfez-
lui fiir le ventre, venez, d'un air ferein & avec des
yeux fe-.s, : ous r;inger fous letendart de la croix;
la véritable piété confiée à être cruel en cette ren-
contre. — les conciles viennent à l'appui de ces
autorités. Celui de Tolède, celui de Tibur & plu-
sieurs autres décident expreffément en faveur de
la liberté «^'es enfans pubères. Putllj fi ûntè 12 j.7-
nos (ziJtis jponte faâ facrum fihi velamen ajfurnrjdrit ,
po£iint fîatim parentes ejus vel tutores id faEium irri-
tum facere Si verb in fortiori cetate aiolejccns fer-
•vire deo e!f^> it , non ejl piMe^as parentibtts prohibendi.
Si quelque»; autres conciles femblent étendre juf-
qu'à ce point l'autorité paternelle , ils ne s'enten-
<]ent que des enfans qui font au deffous de l'âge de
puberté , ou qui ont été , ibit enlevés par violence
PROFESSION MONASTIQUE. 751
de la maifon de leurs parens, foit aveuglés & f i-
diits par des manœuvres feciétes; Scjamais ils
n'ont reçu la moindre exécuàon hors de ces ca?.
— Si des lois divines & eccléfianiques , on pafie
au droit civil & purem.cnt humain , on y rernai-
qi:era le même efprit. Le préfent que nos pères &
nos mères nous font d'une vie temporelle & rem-
plie de misères, peut-il leur donner le droit de nous
empêcher d'en acquérir une infiniment plus pre-
cieufe , & dont celle-là ne doit être que le pafTag-- }
Nous ne recevons d'eux que des biens terrefires ;
il efi donc jufie que leur puilTance foit bornée aux
cliofes de la terre , & qu'elle expire au pied des
aurels. On ne permet pas aux pères de dévouer
leurs enfans à la vie monafiique , lorfqu'ils ne s'y
offrent pas eux-mêmes : or, n'y a-t-il pas même
ra'.fon pour qu'ils ne puifTcnt en arracher ceux qui
veulent s'y confacrer:- Il n'y a ni plus de jtiiîice ni
plus de faveur dans un cas que dans l'autre : fi
dans le premier on immo'e a dieu une viâime qui
fe refufe & dent il rejette l'offrande ; dans le fé-
cond , on lui en enlève une qu'il a demandée. Si
les uns enferment dans le cloître des âmes rem-
plies de l'amour du monde, infenfible aux douceurs
de la vie religieufe, les autres retiennent dans le
ficelé des âmes céleftes que le mauvais exemple
peut corrompre. — C'efi pour cela que l'empereiir
juflinien , dans la novelle 123 , au-deflus de la-
quelle il feroit inutile de remonter , défend expref-
fément aux pères de s'oppofer à la ProfefTion re-
ligieufe de leurs enCsins ; interdicimus autem paren-
libiis filios fuos , monafticam vitam eligenies , â vene-
rahilibus monafleriis ablhahere ; & comme les reli-
gieux étoient alors habiles à fuccéder , il ajoute
que cela n'efl: pas une caufe d'exhérédation , parce
qu'on ne peut pas regarder comme une défobéif-
fance , la réfiftance louable d'un fils dans une ma-
niaiière auffi imporrante. — La chofe doit foufî'ilr
encore moins de difficulté p.irmi nous , puifque
nous avons re/lreint, dans des bornes fort étroites ,
la puifTance que les Romains donnoient aux pères
fur leurs enfans. — D'ailleurs, s'il eft permis aux
enfans de fe marier a un certain âge malgré leurs
païens , à plus forte raifon doit- il leur être permis ,
niême avant cet âge, de fe faire religieux : par Je
mariage , un fils donne à fon père de.s héritiers , au
lieu que par la Profefîîon il le laiffe maitre de fes
biens , & libre de fe choifir tels héritiers qu'il lui
plaît. Un enfant qui fe marie malgré fes parens,
n'a pour excufe que fa paflion &. fon caprice ; au
lieu que celui qui eft appelé à la vie religieufe ,
a pour raifon la néctfTite & l'importance de io^
falut , qui (è trouve attaché à cette condition.
C'eft en propofant ces réflexions , que M^ Erard,
dans le dernier fiècle , a obtenu, pourlademoi-
fclle Vernat, un arrêt qui lui a permis de faire
Profeffion malgré fon père Scfa mère. Cet arrêt eft
rapporté au journal du palais, fous la date du 13
juillet 1686. L'appel étoit d'une ordonnance du
, lieutenant particulier de Lyon , en vertu d« ^-
751 PROFESSION MONASTIQUE.
quelle cet officier avoit interrogé la demoifelle
Vernat fur la vocation : après une plaidoirie folem-
re'le , « la cour a mis l'appellation & ce au néant ,
») éireiulant, évoquant le principal, & y faifant
»> droit, fans s'arrêter à roppofition des parties de
» Gillet, ordoni:e qu'il fera palTc outre à la Pro-
>» feffion , en cas que la fille en foit trouvée capa-
1» ble par Tarchcvêque de Lyon ou (on grand vi-
« caire ; fera payé à la partie d'Erard 400 liv. pour
« fa penfion viagère. Se aux religieufes la fomme
1» de 1000 liv. , favoir , 400 liv. pour les penfions
»» du noviciat , & 600 liv. pour les frais de la vê-
»» ture & de la Profeflion ».
11 ne faut cependant pas regarder cet arrêt
comme décifif fur notre quertion. Deux circonf-
tances , comme le remarquoit M* Erard , tiroient
la demoifelle Vernat de la thèfe générale. La pre-
mière étoit qu'elle touchoif prefque à la majorité :
elle étoit dans fa vinjt-cinquième année ; « c'efl ,
» difoit-on , un âge ( u la raifon doit être formée ,
M & où un fille eft capable, fi elle doit jamais
« l'être, de choifir l'état oîi elle veut vivre.... Dans
») les ehofes favorables, & fu;-tout dans le fpiri-
*> tuel , il fuffit d'avoir atteint le premier jour de
i> Tannée, pour être réputé avoir l'âge qui eft re-
»» quis : c'ert pour cela que, pour fe pouvoir en-
*> gager dans les ordres facrés , il fufht d'avoir 24
») ans un jour , & tout de même pour poiTéder tou-
« tes fortes de dignités eccléfiartiques féculières ou
« régulières , annus inceptus habeiur pro compléta ».
— La féconde circcnfiance ttoit, qu'on ne ie trou-
voit pas dans l'efpèce d'une fille qui fe iut jetée
dans un monaflère à l'infçu & contre le gré de fes
parens. « Le père & la mérc de Marie Vernat , di-
» foit Nr Erard , ont confenti au choix qu'elle a
»» fait , & de la vie religieufe , & en particulier du
»> monaftère de Saint-Pierre de Lyon. Elle a atten-
«» du ce confentement pendant huit années, & elle
>» n'y eft enfin entrée qu'avec leur permiffion ; ce
5) font eux-mêmes qui l'y ont préfentée , qui ont
>» prié pour l'y faire recevoir , qui l'y ont inuallée..
» Il eft vrai que , fan^ fujet, ils ont depuis changé
j> defentiment; mais leur fille eft elle obligée de
» fuivre leur inconfiance ? Y a-t-il quelques conci-
» les, quelqu'ordonnance qui difent que quand
■m un fils a une fois embraiTé un état avec l'appro-
M bation de fes parens , ils peuvent changer , fui-
» vaut leur caprice, & qu'après qu'ils l'ont eux- [
» mêmes préfenté à l'autel, il leur foit permis de
S7 l'en tirer malgré lui ? Le facrifice eft accompli
v> de leur part dés le moment qu'ils ont offert
f» leur fils , & qu'il eft entré dans le monaftére de
» leur confentement. Les temps de probation ,
M pendant lefquels on diffère, ou de lui donner
» l'habit , ou de lui faire faire fes vœux , ne font
M point introduits en leur faveur , ni pour leur
» donner le temps de fe repentir; ils ne font in-
•n troduits qu'en faveur du religieux feul , & pour
» éprouver fa perfévérance , & non pas celle de
« fes parens M.
PROFESSION MONASTIQUE.
Quel parti prendre donc fur la queftion géné-
rale que nous avons à réfoudre ? Il n'y en a point
d'autre que de dire avec d'Héricourt , qu'à la vérité
') les enfans ne doivent point embraftcr l'état re-
» ligieux fans le confentement de leurs pères & de
» leurs mères , & cependant fi un jeune homme ou
» une jeune fille, étant parvenus à un âge mijr,
i> comme de 20 ou 2,2 ans, vouloient s'engager dans
» un monaftére ,fans qu'il parût aucune féduilion
)» de ceux qui le gouvernent , on n'auroit point
» d'égard à l'oppofiiion des parens , qui n'ont pas
» le droit d'empêcher leurs enfans de fe confacrer
» au feigneur. ... Le feul moyen de concilier les
w arrêts, qui font juftes chacun dans leur efpèce ,
»» eft d'admettre cette diftinélion »;.
Quelquefois, dit le même jurifconfulte , « on
)) ordonne que la novice fera tirée du couvent , &
r> mife, par forme de féqueftre, dans urt lieu où ki
>» parens pourront la vifiter.... On a même pouffé
» fur ce point la jurifprudence , jufqu'à ordonner
» que des filles qui étoient entrées dans des mo-
» naftéres, du confentement de leurs parens , &
»> qui avoient fait Profeflion au préjudice des d^-
» fenfes du juge laie , obtenues par leurs pères ou
» par leurs mères qui avoient changé de delTein ,
» feroicnt mifes dans une maifon bourgeolfc, &C
» entendues par des perfonnes nommées à cet
>» effet , avant que de prononcer fur l'appel comme
I» d'abus interjeté de la Profeflîon ».
U y a plufieurs arrêts qui confirment cette afler-
tion. Chopin , dans fon monafiicon , livre i , tit. 2 ,
n°. 4, en rapporte un bien remarquable, rendu
en faveur d'un père hérétique apoftat. Etant encore
catholique, il avoit mis fa fille en religion , & lui
avoit fait donner le voile avec les cérémonies or-
dinaires. Depuis le noviciat , il s'étoit fait luthé-
rien , & fa fille ayant fait Profeflion fans fon con-
fentement, il voulut la retirer du cloître , & la ma-
rier. Dans cette vue, il interjeta appel comme
d'abus de la Profeflion ; & par arrêt interlocutoire
de la grand'chambre , il fut ordonné qu'avant faire
droit la fille feroit ouïe pardevant le plus prochain
juge royal des lieux, & que pour cet effet elle fe-
roit mife hors du couvent, & demeureroit, pen-
dant un certain temps , comme en féqueftre dans
la maifon d'une honnête bourgeoife.
On trouve dans le journal du palais un arrêt du
parlement de Bordeaux, qui juge de même. Voici
les termes dans lefquels il nous eft retracé :
i> Françoife Gonflant , de la ville de Limoges
1» (majeure de 25 ans), ayant témoigné qu'elle avoit
» deffein d'entrer dans le monaflère des religieufes
» de Saint- Alexis , de la même ville , Marguerite
»> Daniel , fa mère , y donna fon confentement. Il
» fut paffé , avec la fupérieure , un contrat par le-
n quel elle conftitua une aumône dotale à fa fille
j» majeure. Cette fille ayant pris l'habit de reli-
)» gieufe , la mère change de volonté ; elle veut
» l'empêcher de faire Profeffion ; & dans ce def-
» fein t elle fc pourvoit ^ardevaat le fénéchal ,
s qui
PROFESSION MONASTIQUE
« qui lui donne fon ordonnance , portant défen-
» ies de procéder à la Prof«(fion de fa fille ; & que
M cependant elle feroit fequeftrée , pour (avoir fa
5> volonté. La fupérieure du monaftère interjette
M appel de cette ordonnance , & en mémc-tcmps
>» prefente fa requête à M. l'évéque de Limoges ,
» qui permet de faire faire Profefùon à cette fille.
» Elle fait Profelîîon. La mère interjette appel
» comme d'abus , tant de l'ordonnance de M. l'cvé-
» que de Limoges , que de la Profelîîon de fa fille ,
»> faite en conséquence.... ( Par arrêt du 14 juillet
" ^673 ) , la cour a mis 6c met l'appel de Tap-
» pointement du fénéchal au néant ; ordonne qu'il
') fera exécuté, Se que la fille fera fequeftrée &
M ou'ie par fa bouche, pour, ce fait, être fait
« droit, tant fur Tappel comme d'abus, que fur
w les autres conclufious des parties ».
Le recueil que nous venons de citer nous four-
nit encore une fentence des requêtes du palais du
12 mai 1685 , dont il cft à propos de rendre compte.
Jean-Baptifte Gotli, duc d'Epernon , Si. iVIargnerite
d'Etampcs de Valence, fon époufe , n'ont eu de
leur mariage que deux filles. L'aînée mourut à
l'âge de dix-fept ans , fans avoir été mariée ; l'au-
tre , Elifabeth-Regine, étoit novice dans le prieuré
royal de Haute-Briére , âgée de quinze ans fix mois,
lorfque fa fœur décéda. M. & madame d'Epernon ,
qui avoient figné l'aéle de noviciat , réfolurent
fix moi# après de la faire revenir dans leur maifon ,
pour prendre la place de fa fœur & les confoler
de fa mort. Elle y confentit dès la première pro-
pofition qu'ils lui en firent; mais enfuite elle parut
avoir changé de fentiment. Les religieufes fom-
niées de la rendre, en firent refus , Se s'appuyè-
rent fur la réfiftance apparente de leur novice.
Cette contertation donna lieu à deux queftions : la
première , de favoir fi le père & la m#re d'une fille
âgée de quinze ans , ayant confenti qu'elle prît le
voile de novice, pouvoient, après fix mois de no-
viciat , l'obliger à revenir dans leur maifon ; ou fi
cette novice devoit demeurer dans fon monaflère
jui'qu'à ce qu'elle eiit atteint l'âge de la Profcfiion ,
pour fe déterminer elle-même à l'état qu'elle vou-
droit fuivre. La féconde queftion étoit de favoir fi
les enfans mineurs de 15 ans peuvent faire Profef-
fion monafiiqucfans le confentementde leurs pères
& de leurs mères. La caufe plaidée à la féconde
chambre des requîtes du palais , fentence eft inter-
venue , « qui ordonne qu'avant faire droit au prin-
» cipal fur les demandes des parties , la demoi-
» fellc d'Epernon fera transférée du prieuré de
»> Hautc-Brière dans cette ville de Paris , à la
» communauté féculiére de la dame de Miramion,
i) par M de Longueil , doyen de la chambre, affifté
» de deu.Y des plus proches parens de la fille, pour
M demeurer dans cette communauté, par forme
M de fequeitre , pendant fix mois , pendant lefquels
M (on père & fa mère la pourront voir ».
Denifart nous a confervé un arrêt plus récent,
quï prononce à peu - prés de la même pianiére :
Tome Xllh
PROFESSION MONASTIQUE
/ ^ >
« Bénigne Mol ayant voulu , du confcntement de
3> fa mère , mais malgré l'oppofition de fon père ,
» avocat aux confeils, fe faire religieux Béncdic-
» tin , iemence. des requêtes du palais intervint
" le 4 juillet 1721, qui lui ordonna de pafler fix
» mois chez (on père en habit féculier : mais fur
» l'appel, il fut orAonnh , par arrêt rendu furies
» conciufions de M. l'avocat général d'AguefTcau ,
» le 18 mai 1712, que ledit Mol fe rctireroit ,
)7 pendant fix mois , dans une communauté fécu-
» Hère ou régulière qui feroit convenue , dans trois
» jours, palIé lequel temps ,1a cour nommeroic
11 une maifon , & que le père y payeroit la pcnfion
» de fix mois ; après quoi le fils feroit libre de pro-
» noncer fes vœux fans nouvel arrêt ».
Denifart ajoute , que , « tout récemment , il a
» été ordonné que la demoifelle Dacier (ero't
» rendue à fon père , pendant un certain temps ,
» par les filles de Sainte- Marie , établies à Paris,
>i près la Bafiille , chez lefquelles elle vouloit pro-
» noncer des vœux malgré lui ».
V. L'évéque peut-il empêcher un eccléfiafiique
de fou diocèfe d'entrer dans un monafiêre , & d'y
faire Profefllon .Ml y a dans le décret de Graneri
un canon qui décide formellement pour la néga-
tive (i).
VI. Faut-il ètl-e régnicole pour faire Profeflion
en France .' Il eft certain que , dans rexaflitude
des principes, cette qualité n'eft point nécelTaire ;
mais des raifons d'éiat ont fait porter des lois aui
l'ont rendue telle. Un édit du mois de janvier 1 6S r
défend à tous fupérleurs des maifons religieufes ,
tant d'hommes que de filles, de recevoir à l'ave-
nir des novices , & d'admettre aucun religieux
ou religieufe , pour demeurer dans leur mcnnf-
tère , qiii ne foient fujets du roi , fous telle peine
qu'il appartiendra; &veut en outre qu'on ne pui/?e
choifir ni comiuettre aucun féculier ou régulier ,
pour gouverner les monafières de filles , qui ne
foient pareillement fujets de fa majefié.
Cette loi fut alTez long temps mal obfervée. Le
parlement de Metz tenta, en 175 1 , de la faire
revivre par un arrêt du 8 janvier, portant qu'elle
feroit exécutée félon fa forme & teneur , & qu'en
conféquence , tous les religieux étrangers qui (^
trouvoient dans le refiort de cette cour , feroient
tenus de fortir , dans deux mois, du royaume.
Cet arrêt fit beaucoup de bruit. L'impératrice
reine, ufant du droit de réciprocité, ordonna, par
un placard du 17 aovit 1752, adrefi'é à tous les
tribunaux des Pays-Bas-Autrichiens (2) , que doré-
(i) Si quis horum in ecclelîâ fu.î fub epilcopo populuin re-
tinet , & ra:cula!iter vivit , fi afflatus fpiritu fanilo in aliquD
mcnideiio , vel regulaii canonià falvate fe vo.'uerit : qui»
Icge privatâ ducitur , nulJa ratio exigic ut à )cge pubJic.x
con.liinga^tur... S'piiitus dti lex ell, qui fpiritu dei aguntur ,
legc dei ducurtjr : &: quis eft qui fpiritui fanûo pollit digne
leliliete ? Quifqui: igitur hoc fpiritu ducitur , etiani epifcopo
ftio comradicenie , eat , libet ncflâ amoticate. Canon ■,iu^t
funt , caufd 15 , ruxflion' i.
(i) Plïic^ri^s 4e Br»b«)f î wme 8 , page 24.
C c c c c
754 PROFESSION MONASTIQUE.
«avant on ne pourroir, clans fcs étnts , admettre
aucun rujet François à la Proftflîon religieufe ,
ni prépofer aucun féculier ou régiilier de la
même nation à la direftion des monaftères de filles.
C'eft ce que portent les art. 3 & 4 de cette loi. L'art.
5 permet aux religieux François proies de refter
clans leurs mnifons jufqu'à nouvel ordre, nonobf-
tant l'arrêt cité du parlement de Metz , attendu
qu'il n'a point eu d'effet dans les autres cours fou-
vernines de France , à caufe de la tolérance réci-
proque qui avoir eu lieu jufqu'alors entre les deux
couronnes , <iir l'exécution de ledit du mois de
janvier 168 1.
L'exemple de cette princeffe engagea le minif-
lère François à prendre de nouvelles précautions.
Par l'article 3 de l'édit du mois de mars 1768, le
roi a défendu à tous les fupérieurs des ordres , con-
grégations & communautés régulières du royau-
me , d'admettre à la Profeffion les étrangers non
naturalifés, même de leur accorder des places mo-
nacales, de les agréger ou affilier à leur ordre,
congiégation, ou communauté, le tout fans avoir
préalablement obtenu des lettres de naturalité, dû-
ment enregidrées-, dont il feroit fait mention dans
les afles de Profefnon , réception , agrég-'.f'on ou
affiliation , h peine de nullité , & de corredion ar-
bitraire des fupcrieurs. Le roi défend par le même
article de recevoir , dans aucune maifon reli-
gieufe, ceux de fes fujets qui aurolent fait Profef-
fion dans des monaftères fuués hors des pays de
fon obéiflance. L'arrêt d'enregiflrement de cet édit
au parlement de Douai , porte , que l'article 3 , en
ce qui concerne la néceffité d'obtenir des lettres de
naturalité , ne pourra être exécuté à l'égard des re-
ligieux & religicufcs des maifons uniquement fon-
clées pour les étrangers dans le reflbrt de la cour ,
tufqu'à ce qu'il ait plu au roi de déclarer définiti-
vement fa volonté à ce fujct,
VII. L'engagement d'un foldat dans les troi'pes
du roi, efl-il un obftacle à la légitimité des vœux
en religion .'' Cette queftion n'eft traitée dans aucun
«le nos livres. Elle s'efl préfentée, & probablement
pour la première fois, dans la célèbre affaire de
Quoinat , jugée au parlement de Paris le 19 dé-
cembre 1769.
Jean-Henri Quoinat, étoit fils de Henri Quol-
jiat , d'abord marchand près le palais . & enfuite
Icelleur de la grande chancellerie. Il naquit le 9
février 1729 , & fut , dès l'âge le plus tendre , appli-
qué au commerce de fon père& de fa mère. A treize
ans , fon père lui obtint le brevet de marchand. 11
travailla quelque temps avec affiduité & avec fruit.
Mais quand il eut atteint l'âge des pallions, fes
mœurs commencèrent à changer. En 1744 , il s'en-
gagea deux fois dans les troupes , & deux fois il fut
dégagé par fa f.imille. Il paffa du fervice à l'abbaye
de la Trappe ; fon père l'en fit fortir : mais, au lieu
de revenir dans la maifon paternelle, il reprit le
T.nrîi des armes, & fit la campagne de Fontenoi.
ilacheté de nouveau , il «ntra dans l'ordre de fainte
PROFESSION MONASTIQUE.
Geneviève, & en fortit après un noviciat de dix"
mois. Il demanda alors qu'on lui fît une pacotille
pour aller en Guinée à la fuite du marquis cie
Conflans. La pacotille fut faite, & il ne partit point ;
il s'engagea même pour la quatrième fois , & a'U
joindre Ion régiment qui étoit à Mons. Il y refia
treize jours, pendant lefquels on ne lui fit point
prendre l'habit de foldat; on ne le fit point pafl'er
fous les drapeaux; on le laiffa vêtu de l'habit noir
qu'il avoit a Paris lors de fon engagement; fes ca-
marades l'appeloient , à cette occafion , m->nfi-ur le
commijf.iire. Cette plaifanterie lui déplut ; il déferra,
vint à Paris, entra , en 1748, au couvent des Pré-
monttésdela rue Haute-Feuille, &, après quel-
ques arrangemens pécuniaires entre l'ordre Se
Quoinat père, il fit Piofeffion le 3 juillet 1749-
Le 18 août fuivant , le congé fut accordé, 6f la
peine de la défertion remife. Le nouveau religieux
manifella bientôt le regret de s'être lié par des
vœux. Le 17 avril 1753 , il fit à Rouen un aéle de
prcteflation , & le 25 mal fuivant , après quelques
aventures dont le détail efl inutile, il fut arrêté en
vertu d'une lettre de cachet , & conduit dans la
maifon de force de Saint-Venant en Artois , d'où
il ne fortit que pour interjeter appel comme d'abus
de l'émiflion de fes vœux ; appel qui fut reçu par
arrêt du 5 juillet 1768 , & fur lequel il nr intimer
fon père , les prieur & :religicux de l'abbaye de
Dilo,à laquelle il avoit été incorporé , 'le pro-
cureur général de l'ordre de prémontré , & le
fieur Quoinat , lieutenant général du bailliage de
Manies.
La caufe portée à l'audience de la grand'cham-
bre , M. le Blanc , fon défenfeur , alléguoit quatre
moyens de nullité : 1". le défaut d'exifiencc légale
de l'ordre de prémontré dans lequel il s'étoit en-
gagé : 2". la trop courte durée du noviciat qui
avoit précédé fes vœux : 3°. fa qualité de foldat lors
de fa Profeffion : 4''. la crainte dont il étoit agité
dans le même temps, d'être pourfuivi par fon ré-
giment , & condamné à la peine de mort attachée
au crime de défertion.
Les deux premiers moyens tomboient d'eux-
mêmes. 1°. L'exiflence de l'ordre de prémontré en
France a été reconnue par plufieurs lettres paten-
tes , réitérées prefque de règne en règne depuis
Louis XI en 1475 ' ju^'q"'^ ^^"'s XIlI en 1617 , &
qui toutes ont été enregifirées. 2". Il eft vrai que
le noviciat du fieur Quoinat n'a duré que quatorze
mois , & que , fuivant les ftatuts de l'ordre , il de-
voir être prolongé pendant deux années. Mais ces
fiatuts ne font pas enregiftrés , & par conféquent
l'ordre de préinontré rentre dans la règle générale,
qui n'exige qu'un an; d'ailleurs ces mêmes ftatuts
permettent en général de difpenfer de tout ce
qu'ils prefcrivent , & dans le fait , il eft d'ufage que
quand l'année eft révolue, le général fixe l'inftant
de la Profeffion. _ _ .
A l'égard des deux autres moyens, ils méritoient
plus d'attention. Expofons-les en détail.
PROCESSION MONASTIQUB.
Pour établir le premier , c'eft-à-dire , pour faire
"voir que fa qiialiié de foldat au moment de fa
ProfelFion , en avoit erapcché la validiré , le Heur
Qiioinat difoit que , par fon engagemenc , il avoit
alicné, au proHt du roi , fa liberté & fa volonté ;
que conféquemmcnt il n'avoit pu offrir & donner
à Dieu Tiine ni l'autre. Un foldat d 'fertcur , ajou-
toit-il , cû , tant qu'il perfifte dans fa défertion , en
crat de rcbcllion contre ion fouverain : or , un
homme qui eil aLtuellement dans les liens d'un
crime auffi atroce , & qui y perfévére , eft-il dans
le cas d'offrir des facrifices à la junice divine, &
peut-elle les accepter , fur-tout û ce prétendu fa
crihce n'eft qu'une fraude de plus , & un artifice
pour peri-^verer dans la révolte & en éliider la
peine ? Les fimples lumières de la raifon ûiilifcnt
pour faire appercevoir l'abfurdité impie de cette
propofuion .... Un foldat défeitcur n'efl en état
de prononcer les paroles & dobfervcr les cérémo-
nies extérieures, que parce qu'il commet dans ce
moment même le crime dont il efl coupable. S'il
étolt fous le drapeau, comme il s'eft engagé envers
fon roi d'y reiter , & comme toutes les lois divines
& humaines auroient dû l'y retenir , feroit-il , à
plufieurs lieues de fon régiment & de l'endroit où
il doit fon fervice militaire , occupé à prononcer
une formule de vceux monaAiques ? Ce n'ell donc
que par le moyen du crime qu'il a commis ik. qu'il
commet aéluellement, qu'il faità Dieu uneoffiande
de ce qui ne lui appartient plus: & on veut que
Dieu reçoive ce inonfirueux facrifice ! Si Dieu ne
l'a pas reçu , fi Dieu n'a pu le recevoir, il eft donc
nul Si n'a pu produire aucun effet.
Ces raifons ont été combattues , & , à ce qu'il
nous ferable , détruites par une ccnfultation fignée
de MM. Cellier , de Lambon , Boudet , Gerbitr &
Tronchet. L'engagement volontaire dans les trou-
pes , difoient ces jurifconfultes , eft un véritable
contrat entre le prince & le foldat. Le prince s'o-
blige de nourrir & entretenir le foldat ; celui-ci
promet de combattre pour le prince , Si d'expofer
fa vie pour fon fervice. Cet engagement eft pure-
ment reLîtif entre les deux contraclans ; les officiers
intermédiaires ne font qu'exercer l'autorité du
prince. Tout tiers eft étranger, & ne peut en de-
mander ni la diiTolution ni l'exécution. Ce con-
trat, en cas d'inexécution de la part du foldat, le
foumct à l.î peine de mort: mais le roi feul , ou
ceux qu'il a chargés de le repréfenter à cet effet,
ont droit de requérir, de pourfuivre , de pronon-
cer Se de faire exécuter cette peine. Tous les enga-
gcmens du foldat, & les incapacités qui en réful-
tent, font donc relatifs au roi. Si le foldat déferre ,
le roi a le droit de le poutfuivre par-tout, même
dans le fein de la communauté où il auroit fait des
vceux depuis fon évafion , pour le livrer au fup-
plice; comme un aftaffin n'en eft pas préfervé ni
parla Profeftion monaftique, ni par la promotion
aux ordres. Le roi n'a donc aucun intérêt à cette
^rofeffion , qui ne le prive pas de fes droits ; nuis
PROFESSION MONASTIQUE. 755
îl a intérêt à la défertion qui l'a précédée , & dont
le crime n'eft effacé par aucun ade , par aucun
engagement religieux , quelque faint , quelque
facré qu'il puiffe être. Ainfi le roi conferve tou-
jours le droit de pourfuivre le déferteur dans quel-
que afyle qu'il fe retire , de l'en arracher Se de le
faire conduire au fupplicc. Mais la validité des
vœux eft indépendante de ce droit, parce qu'elle
ne lui porte aucun préjudice. Et fi le déferteur s'cft
fait religieux , s'eft fait prêtre , on le punira, tout
religieux , tout prêtre qu'il eft. Ne pourroit-on pas
même dire , qu'à la rigueur , le roi pourroit faire
grâce au religieux déferteur , en exigeant de lui
qu'il achevât le temps du fervice qui lui denieuroit
à remplir lorfqu'il a déferté ? Il eft vrai que dans
les moeurs aéluelies la Profeflion religieufe eft in-
compatible avec les armes ; mais cette incompati-
bilité n'eft pas dans la nature des cliofes. Pendant
plufieurs fiècles , les religieux ont dû & ont fait le
fervice militaire ; ils n'en font point difpenfés par
la loi divine ; c'eft un fimple règlement de difci-
pline eccléfiaftique auquel nos rois ont bien voulu
déférer par refpeft pour la fainteté de l'état reli-
gieux. En ce cas , le temps de fon fervice achevé ,
& même celui qu'on jugeroit à propos d y ajouter
en punition de la défertion , on renverroit le reli-
gieux dans le cloître où il auroit fait ProfclTion. En
un mot , l'engagement contrafté avec le prince eft
un obftacle à l'exécution de celui qui eft contraflé
poftéricurement avec Dieu. Mais dés que le droit
du prince eft rempli , le fécond engagement re-
prend toute fa force . & , ne trouvant plus d'obfia-
cle légitime , doit être exécuté dans toute fon éten-
due. L'engagement dans les troupes fait donc , fi
on veut, un empêchement prohibitif à l'émiffion
des vœux, mais il ne fera pas un empêchement diri-
mant. Ces fortes d'emyêchemens ne s'établificnt
point par le fimple raifonnement , mais par une lot
formelle. Or il n'y a point de loi qui prononce la
nullité des vœux du foldat. S'il n'y a point de loi,
il n'y a ni incapacité abl'olue , ni nullité radicale.
Mais , dira-ton , fi la loi lie le foldat à fon fervice ,
fous peine de la vie , il ne peut pas faire ces vœux
en religion , puif^u'ii ne peut les faire qu'après
avoir quitté ce fervice , auquel il eft attaché par
une loi fi févère. Cette objeélion confond deux
chofes bien différentes ; la peine de mort & la
nullité des vœux. Le foldat ne fera pas puni de
mort pour avoir fait des vœux , mais pour avoir
déferté ; & s'il fubit la peine , il mourra religieux ,
pour expiation du délit commis avant l'émiflion des
vœux. Ainfi les obje<51ions qu'on peut faire ne font
que prouver de plus en plus qu'il n'y a point de
loi qui prononce la nullité des vœux du foldat dé-
ferteur. Or , il n'eft ni jufte , ni régulier de fup-
pléer une nullité. Refte donc à favoir s'il y a des
empêchemens prohibitifs. Mas quand il y en au-
roit , qui peut les faire valoir ? Le roi eft définté-
refle par le congé qu'il a donné au fieur Quoinat ;
il ne peut donc plus le re'vendlquer. Le réclamant,
C c c c c i j
7 5 ^ PROFESSION MONASTIQUE.
de Ton côté , ne peut pas fe faire un titre de fa pro-
pre faute ; d'ailleurs la nullité dont il excipcroit
feroit relative au roi : mais il n'eft pas chargé de
ftipuler les intérêts du roi , qui d'ailleurs n'en a plus.
Tels font les principes & les raifonneinens par
lefquels on a , non pas combattu , mais pulvérifé
le moyen que le fieur Quoinat prétendolt tirer de
l'on engagement lors de fa Profeffion. Sans doute
il eft peu de vrais jurifconfultes qui n'en fentent
la jufteife , & il eft bien étonnant qu'on ait entre-
pris de les critiquer dans un ouvrage qui d'ailleurs
a mérité l'eflime dn public (i). Tout ce qu'on leur
oppofe fe réduit à dire que le fieur Quoinit étoit
dans un état de crime au moment où il a prononcé
des vœux : mais oùa-t on vu que perfonne fût re-
cevable à alléguer fa propre turpitude, &à s'en
faire un rempart contre l'exécution d'un contrat
qui n'a en foi rien d'illégal ? Un fils de famille mi-
neur contraire un mariage , ou embrafle la vie
clauflrale à l'infçu & fans la participation de fon
père; fera-t-il écouté lorqu'il viendra, fous ce
prétexte , demander la nullité de l'un ou de l'autre
engagement? Non , fans contredit ; pourquoi donc
le loUlat fcroit-il mieux accueilli en réclamant con-
tre des vœux qu'il a formés en fraude des droits
du roi ? Pour nous rapprocher davantage de notre
efpèce , oferoit • on dire c[u'un mari fût moins
obligé d'habiter avec fa femme , qu'im militaire ne
i'cfl de lervir le prince ? Cependant , qu'un mari
faffe Profeffion dans un ordre religieux , fa femme
feule aura droit de le réclamer ; toute aé^ion qu'il
intenteroit lui-même en nullité de vœux , feroit
rion-recevable ; & cela tû fi vrai , que fi fa femme
venoità mourir avant qu'il n eût été dépouillé juri-
diquement de l'habit monachal , il feroit tenu de
pafTer le rede de fa vie dans le cloître. C'efl la dé-
cifion expreffe du chapitre 10 , aux décrétales, de
converfione cunj-jguorum , & elle reçoit ici une
application direéle & entière.
Concluons donc , qne fi la caufe du fieur Quoi-
nat avoir été réduite au fc 1 moyen qu'il faifoit
réfulter de fa qualité de foldat lors de fon engage-
ment dans le cloître , le fieur Quoinat eût dû per-
dre & eût effectivement perdu fa caufe ; mais il lui
en refloit un autre qui a déterminé les juges en fa
faveur, c'efl le défaut de liberté fufîifante peur
faire des vœux folemnels , que produKoit néceffai-
rement fon état de défcrteur.
En effet, difoit (en défenfeur , fans parler de la
fauffe prévention où fon père l'avoir jeté , que le
cloître eft un afyle inacceffible à la puiflancc fécu-
liére ; auQ pouvoit-il faire de mieux pou; éviter
la rencontre de fon réginaent , que de refter dans
un lieu où il étoit ignoré de toute la terre , & où
on ne fe feroit jamais avifé d'envoyer fon fignale-
ment ? Sa Profeffion n'eft donc pas feulement le
fait de fa crainte , elle en eftl'effet indifpenfable.
ti) Voyez le tome 14 de Ja preuiière cpo<jiie du journal
dcj ciufes alèbies.
PROCESSION MONASTIQUE.
— A ce mot, la caufe femble finie ; il étoit écrit é
Rome , en lettres d'or, fur des tables d'airain tou-
jours préfentes aux regards du public: « Je ne don-
11 nerai ni approbation ni effet à ce qui fera fait
>• par principe de crainte (i) ». Notre religion,
beaucoup plus fainte que l'édit du préteur , nous
apprend que Dieu n'accepte de facrifices que ceux
qui font parfaitement volontaires Il n'y a que
deux manières d'éviter la peine de défertion ; l'une
de fait, en fuyant ou en fe cachant ; l'autre de
droit , en obtenant le pardon ou la rémiffion du
délit. La crainte va d'abord au fait , & s'embarraffe
peu du droit , parce qu'il pourroit arriver qu'on
fût mort avant d'avoir obtenu grâce de la vie.
C'eft ainfi qu'a procédé le fieur Quoinat. Il a corn»
mencé par chercher fon falut dans la fuite & dans
la retraite , en attendant qu'il le trouvât dans le
congé du régiment, ou dans les lettres du prince.
Il a préféré le couvent à la maifon paternelle,
comme une retraite plus douce , plus fecrète &
plus fûre ; &, frufïré de la grâce & du congé qu'il
efpéroit , il a mieux aimé franchir le pas de la Pro-
feffion , que de roder dans le monde , aux rifqucs
d'être découvert ou trahi. — Ses vœux (ont donc
radicalement nuls , comme involontaires & pro-
noncés uniquement dans la crainte de la mort. Ils
étoient hors de fon intention , Ôi feHlcment dans
fes reffources & dans Tes moyens : réduits à leur
véritable objet , ce n'eft que le vœu de ne pas mou-
rir par le dernier fupplice dont on punit les défer-
teurs. Ils font par conféquent inutiles pour tout
autre effet ; & il eft révoltant de vouloir en profi-
ter contre fon intention , pour le retenir en fervi-
tude après le péril paffé .... La bonne foi , qui eft
l'ame des contrats, ne prend droit que As c^wx
auxquels préfide la liberté ; elle répugne à profi-
ter de ceux où elle apperçoit l'influence de la
crainte. Quelque grande que foit l'importance du
fervice militaire pour la patrie, les Romains por-
toient le fcrupuîe jufqu'à dégager & congédier à
l'inftant un foldat qui ne fe feroit enrôlé que par
la crainte d'une accufation dont il auroit été pré-
venu (2). Ce fentimcnt d honneur avoir pnfTè en
loi chez eux , comme il a paffé chez nous , à leur
exemple. La loi qui ordonne la reftitution en en-
tier contre les aétes faits par la crainte , n'examine
pas d'où procède le péril ; fi ceux à l'inftigation de
qui ou avec qin on a contra(5]é , en font auteurs , nî
même s'ils en avoient connoiffance. Elle fait abf-
traiflion de la bonne & de la mauvaife confcience j
leur ignorance ne leur fert de rien L'adlion don-
née contre eux eft plutôt réelle que perfonnclle.
C'eft affez de faire voir qu'on étoit dans un état de
violence & de crainte, & que ceux à qui on s'a-
dreffe ont pardevers eux le profit du facrifice ,
Ci L. i f T). quoi metùs ciufâ,
(i) ÇwiJ metucnmhns in quo jam reus fuerat poiulatuj ;
nomeri rpi'ntia: dédit , JîmmfacramcntO Jiiycnius e/?. L. l« ,
]),de reimili:ari.
PROFESSION MONASTIQUE.
quolqu ils foient exempts de crime &. de mauvaiTe
foi (i).
Mais , difoit-on , il faut diftinguer entre la crainte
qui pince un homme dans rahern^tive inévitable ,
ou d'être expofé à la mort , ou de fsire Profeffion ;
& celle d'un homme qui , quoiqu il foit en piril
de mort , a cependant , pour l'éviter , d'autres
moyens que celui delà Profeffion religieufe. D.ns
le premier cas , il y a lieu à la rcftitution , parce
que la Profeflion rellgieule étant le (eul moyen
pour éviter la mort, il n'y a point eu de liberté
dans le clioix qu'on en a fait. Dans le fécond , au
contraire , les plaintes du réclamant ne peuvent
être écoutées , parce qu'en choififlant au milieu de
plufieurs partis qui font ouverts , celui qu'il a re-
gardé comme le plus fur , ou comme le plus con-
forme à fon goût, il n'a fait qu'exercer un afle de
volonté. Il a fait un choix qu'il ttoit libre de ne
pas faire ; il s'eft déterminé de lui-même pour une
réfolution plutôt que pour une autre qu'il étoit
également en fon pouvoir de prendre. Il n'y a donc
pas de reditution pour lui , d'après la dosfîrine de
Cabaffiitius 6c de Fagnan. — Or , conrinuoit-on ,
le fieur Quoinat , au moment de 1 émiffion de fes
vœux , étoit coupable envers l'état ; fa tête en de-
voir répondre. Mais combien d'autres moyens pou-
Vûitil choifir pour fe fouftraire au glaive vengeur
qui le menaçoit ? Il pouvoit palTer en pays étran-
ger, entrer dans un autre régiment , fe traveflir ,
s'txiler au fond de la province la plus reculée ,
s'enfermer 8c ne pas fe montrer , Sic.
Cette objeélion n'étoit qu'un purfophifme. Le
flenr Quoinat craignoit, en prononçant fes vœux,
le fupplice qu'il avoit mérité. Il avoit , fi on veur ,
plufieurs moyens de l'éluder. La cérémonie de la
Profeffion religieufe en étoit un. Celui là lui a paru
plus prompt & plus commode, il l'a choifj. En efl-
il moins vrai que c'eft la crainte de la mort qui a
été le principe de fon engagement ? En eft-il moiîs
vrai que ce n'eft pas l'intentinn de plaire à Dieu
qui l'a infpiré ? En eft il moins vrai qu'il n'a re-
gardé fes vœux que comme une clef oui lui ou-
vroit un afyle où il étoit probable que les pour-
fuites delà juftice humaine ne pénétreroicnt pas ?
En eft-il moins vrai enfin que c'eit la crainte qui
a diflé le contrat , que Dieu n'a point accepté un
afle involontaire , que par confétiuent il n'y a point
d'afle , & que le vœu efl nul ?
Mais , difoit-on encore , il faut dlftinguer la
crainte d'une peine juftement mériréc, & la cr-iinte
d'un péril injufie. Quand un homme ne fe d -ter-
mine à un a61e que pour éviter une peine dont il
s'eft rendu digne , cette crainte n'empêche pas que
l'afte ne foit réputé abfolument libre & valable.
Ainfi,par exemple , un eccléfiaftlque eft tombé
dans un délit grave ; fon évéque lui propofe l'al-
ternative , ou de réfigner fon hinéfice , ou de fe
voir nourfuivi juridiquemenr. S'il prend le parti de
l (ij L. 5 , p.iag. i , &: 1. I4,parag. ) , D. q^ojmciuicaufd.
PROrESSION MONASTIQUE. 757
la réfignation , elle efl fans contredit à couvert c!c
toute atteinte. lien eft de même du marin2;e d'un
liomme qui a abufe d'une fille , & qui feroit ,
comme c'étoit autrefois Tufage , condamné à Té-
poufer ou à être pendu. Or , de fon aveu , le fieur
Quoinat fils avoit mérité la mort comme défer-
ttur ; 8f fa crainte procédoit d'une jufte caufe :
quand donc il n'auroit fait Profe/fion que peur
éviter le dernier fupplice , cette Profeffion n'en
feroit pas moins réputée libre & volontaire.
Pour répondre à cette objeélion , il faut difiin-
gucr en quelles circonftances la crainte emporte la
nullité des aé)es où elle fe rencontre.
Ou l'aéle dont il s'agit eft la fuite de quelque en-
gagement qui a précédé , ou c'eft un a£le que per-
fonnen'a droit d'exiger.
Au premier cas , c'eft un a6ie de juftice ; par con-
fequcnt a61e valide 8c irrévocable , quel qu'en ait
été le principe. Quand on ne fait que ce qu'on
doit, encore qu'on le fafle par contrainte ou par
furprife, il ne fauroit y avoir lieu au regret ni à la
reftitution en entier. La droite raifon ferme les
yeux fur cette première efpèce ; 8c quoiqu'el'e
n'approuve pas toujours In manière , elle laifte
liibfifter la chofe. Ainfi la réfignation qu'un évêquc
arrache , par la crainte du châtiment, à un bénéfi-
cier indigne , ne laifie pas d'être valable , quoi-
qu'elle ne foit pas libre. L'honneur de la rel'î^ion
exige que fes miniftres ne foient ni tachés ni fuf-
peàs : en réfignant par contrainte , 11 ne fait que
ce qu'il auroit dîi faire de Ini-mème , & ne perd
que ce qu'il auroit fallu qu'il perdît d'une manière
plus honteufe. Par la même raifon , le féduâeur
d'une fille, dans le temps où il falloir époufer on
être pendu , n'auroit pu attaquer fon mariage de
nullité , foiis prétexte qu'il ne s'y étoit déterminé
que pour éviter la corde. Si le mariage n'étoit pas
dans fon intention , il devoit y être ; 8c le gibet
ne tiroit de fa volonté que ce qui devoit en fortif
par juftice.
Mais il n'en eft pas des né^es par lefquels on con-
trafte un engagement , comme de cenx par lefquels
on exécute un engagement contraélé. Ceux-là doi-
vent être exempts de toute contrainte : ceux-ci en
font fiifceptibles . au moins de celle qui eft impo-
fée par l'autorité publique. On ne fait aucun tort
au couoable , en le forçant de défintéreffer la par-
tie founî"rante. Entre gens égaux , la feule manière
de défintérefler une fille qu'on a féduite , eft de
répoufer. Mais la vengeance Se l'indemnité n'ap-
paiticunent qu'à l'ofFenfé; & il ne peut y avoir de
jufte violence , que celle qui eft employée pour
lui procurer fatisfaétlon. Quelque peine qu'ait
méritée te coupable , ceux à qui fon crime eft étran-
ger ne peuvent mettre à profit fon néril , ni le
rançonner pour u" fait dont ils ne fouftrent aucun
préjudice C'eft piéciiement l'erpèce de la loi 7,
§. I. D. quua metûs cjufa. Un homme eft fiirpris
en adultère , ou en quflque autre flngrant délit ;
ceux qui le furprenneni exigent de lui une obliga-
7 «1Î5 PROFESSION MONx\STIQUE.
tion , & il y foufcrit pour n'être pas dénoncé.
Quoiqu'il n'ait pris cet engagement que pour évi-
ter une peine méritée , la loi veut qu'on vienne à
fon fecours , & qu'on rétablille les chofes en en-
tier, parce que c'eft un abus de la part d'un tiers
tle tourner à fon utilité les fautes d'autrui. Ce rai-
fonnement eft , dit - elle , contraire aux bonnes
mœurs. Mala rnore gejlum ejl.
La défertion du fieur Quoinat fils étoit bien un
délit capital ; mais ce délit n'intérefToit que h pa-
trie & le régiment: c'étoitun fait indifférent pour
fon père & pour l'ordre de prémontré. En défer-
lant , il ne les avoit point ofTenfés , il ne leur avoit
fait ai;cun tort. Il ne leur devoit donc aucune fa-
tisfa(Sion. La peine de mort qu'il avoit encourue
n'étoit due qu à l'état. Ils n'auroient pu , fans
çrim.; , ni le punir eux-mêmes , ni le livrer. Il ne
leur étoit du aucune récompenfe de leur fecret. Ils
n'ont donc pu , fous aucun prétexte, pr >fiter de fa
faute Se de fon péri! , pour lui ôter la vie civile &
Lt liberté par une Profellîon forcée. Quand ce fe-
roit par religion qu'ils l'auroicnt contraint d'être
religieux , ce fanatilme n'en f eroit pas plus toléra-
ble. D;eu ne reçoit point ce qu'on lui offre par
un crime; c'eft l'outrager, que xle l'honorer aux
dépens d'autrui. Ce jeune homme n'étoit point en
leurdifpofuion , £t ils n'ont pu l'immoler malgré
lui.
Ces raifons étoient trop décifivcs pour ne pas
faire pencher la bnlance en faveur du fieur Quoi-
nat fils. Par arrêt du 19 décembre 1769, fur les
conclufions de M. Séguier , avocat général , il fut
<lit qu'il y avoit abus dans l'émiffion & l'admiffion
<le fes vœux ; le père fut condamné à lui rendre
compte de la communauté qui avoit exiffé entre
lui & la feue dame Quoinat fa femme ; il fut con-
damné en outre, folidaircment avec les religieux
de préraontré , à dix mille livres de dommages-in-
térêts envers le fieur Quoinat fils ; l'arrêt déclaré
commun avec le fieur Quoinat , lieutenant général
du bailliage de Mantes. Faifant droit fur \ss con-
clufions de M. le procureur général, il fut faitdé-
fenfes à tous fiipérieurs de maifons religieufes , de
plus à l'avenir recevoir au noviciat & admettre à
à la Profefîion aucune perfonne engagée au fervice
du roi.
Ces défenfes ne portent point la peine de nul-
lité , & cependant la Profciîîon dont il s'agit eil
déclarée nulle. Cela prouve bien , comme on l'a
dit plus haut , que l'empêchement que produit en
cette matière la qualité de foldat , ne peut être que
prohibitif, & que l'arrêt n'a eu d'autre bafe que la
crainte de la mort , qui avoit é'iàh les vœux du
fieur Quoinat fils.
Vill. Il y a pUificurs canons qui défendent de
recevoir à la Profeilion rellgieufe les perfonnes qui
ne s'y préfeutent que pour échapper aux pourfui-
tes de leurs créanciers. On ne pourroi: cependant
pas annuUer des vœux faits au pféjudice de cette
PROFESSION MONASTIQUE.
défenfe (i). Il a même été jugé que les créanciers
d'un débiteur n'étoient pas recevables à s'oppofer
à fa Profeffion , fous prétexte qu'en demeurant
dans le monde il lui écherroù des fucceffions avec
lefquelles il pourroit les faiisfaire. Ecoutons Baf-
nage , article 278 : u Loyfet , apothicaire , étant
» fort endetté, & ne lui refiant d'autres biens que
)) la feule efperance de fuccéder a fa mère , riche
V de 1200 livres de rente, voulut faire Profeffioa
» de religieux jacobin , pour faire paffer la fuccef-
» fion de fa mère à fes enfans : quelques i»rens qui
n l'avoient nommé tuteur & qui étoient garants de
» la geftion , s'opposèrent à fa Profeffion , allé-
>» guant que les canons défendoient de recevoir
» moine celui qui n'embraffoit ce genre de vie
» qu'en fraude de fes créanciers; néanmoins les
» parens furent déboutés de leur oppofition par ar-
»> rêt de la grand'chambre du 6 février 1643 ' P^^'"
» dant Eufiache pour les parens , & Chrefiien pour
» les jacobins ».
IX. Outre les qualités dont nous venons de par-
ler , il faut , pour être admis à la Profeffion monaf-
tique, avoir les connoiffances, les mœurs , le ca-
rauère , Is tempérament qu'exigent , foit les exer-
cices , feit les audérités de la vie claufirale. M-.is il
en eft de tout cela comme de n'être point endetté
Icrfqu'on entre dans un monafière. Un homme
ignorant, débauché ou infirme , qui auroit pro-
noncé des vœux folennels , feroit auffi valablement
engagé que s'il étoit infiruit , vertueux &. bien
confiitué.
11 a été rendu à ce fujet quatre arrêts rem.arqii;i-
bles : le premier du 16 juin 1626, le fécond du
(1) Cette propclîcion nous paroît inconteftable ; cependant
nous trouvons dans Der.ifart, au motVcEUX , un arrêt qui,
d.ins un cas où on auroit pu la confacrer fur le-chanip,a réfec-
vé d'y faite droit après un examen ultérieur. Voici comme
s'explique cet auteur, «Dans l'ancienne difcipline autoiriféc
» pac les empereurs &: par quelques conciles , un homme
» revêtu d'une qualité publique , & ceux qui avoient àes
» dettes dans le fiècle, ne pouvoient pas entrer dans un
»j nnnartère fans une difpenfe expreffe du prince. Il y a dans
M la règle de faine François un (tatut rapporté dans les mé-
« moires du clergé , luivant lequel un moine qui 4 des
» dettes dans le fiècle ne peut être admis à la profeiTion. Ea
» confcquence de ce liatut , une featence du ncfinicoire des
»j rècollets déclara nuls les vœux d'un récollet nommé U
« Chair, parce qu'il étoit entré au noviciat chargé d'une
31 dette de deux cents livres , qui ne fe découvrit qu'après
u fa Profeffion. Y ayant eu appel co nmc d'abus de cette
o fentence , le parlement, qui ne connoit point le tribunal
» du dètîniroiie des rccollets, ordonna, par un premier ar-
» rct, qu'ils feroient mis en caufe ; n'ayant pas coaiparu , un
» fécond arrêt, rendu le premier juillet 174^, a déclaré qu'il
» y avoit abuj dans cette fentence : néanmoins la cour a ré-
>j fervé IzB moyens du fond »,
Des ciiconftances particulièreJ ont fans doute donné lieu
à cette ri'ferve, car deux ans auparavant, le 15 juin 174+ ,
la cour avoit confirmé , fans balancer , une Profeffion contre
laquelle le réclamant faifoit valoir une fentence de l'official
de Meaux , antérieure à l'émiffion de fes voeux, qui faifoit
défenfes aux religieux de les recevoir ,_/£)«; Us piines de droit ,
attendu Vopfojuini de fes créantier}.
PROFESSION MONASTIQUE.
8 juillet 1636 , le troifième du 14 mars 1697 , & le
quatrième du zo août 1706.
Dans l'efpéce dn premier, le provincial & le cor-
reâeur des minimes du PieiIîs-lés-Tours avoient dé-
claré nul le vœu d'un de leurs frères convers qu'ils
prérendoient attaqué de l'épilepric ; le frère convers
interjeta appel comme d'abus de leur lentence ; ik
la caufe portée à la grand chambre , M. l'avocat
général Talon fit voir que ce jugement étoit abu-
hi , 1". en ce qu'il n'appartcnoit pas aux provin-
ciaux des ordres d'annuiler des vœux; 2^. en ce
uue le fait de répilepfie n'étoit pas ûiffifamment
jiiilihé ; 3°. « en ce qu'ils avoient eu l'an de proba-
» tien Ordonné par les anciens conciles pour re-
» connoître le frère lai & fonder les forces de
>3 (on corps & de fon efprit ; que pendant tout ce
>' temps n'ayant rien trouve à redire en lui , ils
" avoitnt tprr de s'en plaindre ; que l'auftcrité des
» jeûnes Se veilles pouvoir avoir caufé cette indif-
» pofition ». Par l'arrêt cité, il fut dit, « qu'il
5> avoit été mal , nullement & abufivement or-
" donné , procédé , exécuté par eux , d'avoir dé-
*t claré le voeu du religieux frère lai , neuf mois
>» après Ta ProfelTion , nul : leur enjoint de le re-
» prendre chez eux & lui rendre (on habit, &
»> ians dépens ; & après la prononciation , M. le
» premier préfident, de l'ordonnance de la cour ,
»' dit au corredleur des minimes li préi'ent , qu'ils
" le traitafifent charitablement.... L'arrêt fut donné,
» nonobdant que , par les règles des pères minimes
" quand aucun religieux eft entaché de lèpre ou de
»> mal caduc , quand il n'a rien dit lors de la Pro-
" felllon , fon vœu foit nul ». Ce font les termes
du journalifte des audiences.
Le lecond arrêt a été rendu au parlement de
Touloufe , « en la caufe de Galaud , religieux de
>» la congrégation de la doûrine chrétienne, le-
" quel ( dit M. d'Olive ) , pour être travaillé de
» la maladie des hemorrhoïdes avoit obtenu un
" refcrk du faint père, portant annullation de (es
« vœux , & enfuite l'avoit fait exécuter par les
» commilTaires délégués. L'arrêt fut donné après
" partage fait à raïKlicnce & vi'lé au confeil , par
J) lequel la cour déclara en la fulmination du ref-
« cnry avoir abus , & relaxa RufTat de la de-
ï> mande de la penfion de 80 livres que l'impé-
s> trant, avant qu'il fût religieux , s'étoit réfervèe
» en réfignant fon bénéfice à RufFat ■>.
Parle troifième arrêt, « il fut jugé , dit Bril-
« Ion , fuivant les concluiions de M, l'avocat gé-
ï' néral d'Aguefieau , que le nommé frère Julien
ï» Contard, jacobin du Mans, qu'on accufoit de
>» tomber du mal caduc , autrement épilepfie , &
j> qu'on vouloir , fur ce prétexte , expulfer de fa
« communauté , y feroit maintenu ».
Le quatrième arrêt nous cft retracé en ces termes
par d'Héricourt: « Frère le Couturier, religieux
« doaiinic^in , ayant obtenu un bref qui le rele-
» voit de fes vœux fous prétexte d'épilepfic ; ceux
i) qui avoient intérêt d'empêcher qu'il ne rentrât
PROFESSION MONASTIQUE. 759
» dans le fiècle interjetèrent appel comme d'abus
" de ce bref. On fit voir en plaidant fur est appel
" qu'il n'y avoit point de canons ni de loii qui
'» mifient l'épilepfie au nombre des moyens qui
» rendent la Profeir.on nulle , quoiqu'il y ait des
» ordres réguliers dans lefquels il e(i défendu par
»> les flatuts de recevoir des èpileptiques. L'arrêt
» qui intervint le 30 août 1706, dit qu'il avoit été
j) mal , nullement , abufivement impètré & exc-
» cuié ».
X. Enfin ce qu'il y a de plus efientiel pour faire
Proteffion , eft d'être vraiment appelé à la vie re-
lisieufe.
Les lois canoniques & civiles ont pris à ce fujet
des précautions particulières pour les perfunnes du
fexe. Le concile de Trente, fefilon 25 , chapitre
17, ordonne que les fupérieures dus monaflères
des filles ne pou; ront admettre aucune novice à la
Profellion , qu'après que l'évèque , ou fon grand
vicaire , ou quelque autre député de fa part , au-
ront examiné fi celle qui veut s'engager dans ua
état fi faint en Cv;nnoît toutes les obligations ;fi ells
ne fe propofe d:ms ce choix que des vues de
piété ; fi elle n'efl point contrainte par fes parens ,
ou féduite parles relig'cufes. Le concile ajoute qi:2
la fupérieure qui aura manqué d'avertir l'évèque
un mois avant chaque Profeffion , fera punie par la
fufpenfe de fes fondions.
L'article 28 de l'ordonnance de Blois a adopté
cette difpofition , mais fans confondre , comme l'a-
voir fait le concile de Trente , les monaftères
exempts avec les monaftères fournis à la juridic-
tion éjDifcopale. En voici les termes : « 'Voulons
» que les abbeff^s ou prieures , aup?ravant que
» faire bailler aux filles les habits de profefie pour
» les recevoir à la Profefijon , feront tenues un
» mois avant avertir l'évèque , fon vicaire , ou fn-
V pcrieur de l'orJre , pour s'enquérir par eux ou in-
» former de la volonté deî'dites filles , & s'il y a
» eu contrainte ou induélion, &leurfaire entendre
»» la qualité du vœu auquel elles s'obligent 7>.
Ces mots, ou fnpérieur de f ordre ^ annoncoienc
clairement que le légiflartiir avoit entendu' attri-
buer aux fupérieurs réguliers des monafières qui
étoient en congrégation , le droit d'examiner les
filles qui fe préfenteroient à la Profefllon reli-
gieufe. Mais il a été dérogé à cette loi par une dé-
claration du 10 février 1742, rendue fur les re-
montrances du clergé. Voici ce qu'elle porte : « Ar-
11 ticle I. Aucunes filles ou veuves ne pourront
» être admifes à la Profefilon 8c à l'êmifiion des
» vœux folennels , même dans les monafières
» exempts ou fe prétendant tels, fans avoir été au-
» paravant examinées par les archevêques ou évê-
5) ques diocéfains , ou par des perfonnes commifes
» de leur part , fur la vocation defdites filles ou
» veuves , fur la liberté & les motifs de l'cngagc-
}» ment qu'elles font fur le point de contraéîer.
» Faifons très-exprefi"es inhibitions ik défcnfes à
ji tous fupérieurs ou fupérieures, de quelque mo-
700 PROFESSION MONASTIQUE.
»» naAère que ce puiiïe être , d'en admettre aucune
» à la Profcflîon fans qu'il ait été procédé audit
»> examen , ainfi qu'il a été dit ci-delîus ».
§. II. Quelles font , dant les manajlères , les pcr-
fonnes qui peuvent recevoir les novices à la Pro-
fejjion.
I. Comme le religieux s'engage & fe donne au
Tnonaftére , il faut que le monaflére le reçoive,
l'accepte, & l'adopte, pour ainfi dire , au nombre
de fes cufans. Cette adoption oblige la maifon à le
rendre participant des droits de l'ordre , à lui com-
muniquer fes privilèges, à lui fournir non-fcuie-
mcnt la nourriture fpiricueile pour le falut de famé,
mais encore toutes les chofes néceffaires à la fub-
/Jûa«ce du corps , foit en fanté, foi t en maladie,
jeune on vieux, robufte ou valétudinaire , propre
à rendre fcrvice ou inutile à toutes foni^ions ; il
acquiert fur le njonaftèrc un droit qui ne peut plus
lui être ûré.
Or , pour lui donner ce droit , il faut une auto-
rité légitime, qui donne le pouvoir d'accepter la
donation que le religieux fait de fa perfonne , &
d'engager la maifon au religieux. Nece£c e^i ut nci-
yiaiur nb co qui jus habet incorporjndi relii:;ioni ,
dit l'abbé de Palerme fur le chapitre 4 , aux décré-
ales , ejui clerici vel vovcntes.
Pour cela, il y a deux chofes à confidérer , fa-
voir, l'admiffion du novice à la Profedion , îk la
réception fclcmnelle à la Profenion même.
II. Sur le premier objet , la règle générale eft ,
que le fupérieur ne peut admettre un novice à la
Profeiïion fans le confentement de la plus grande
partie du cliapitre conventuel : elle ic/ulte de
î'obligstion réciproque du contrat fynalagmanque
qui fe pa/Te entre le religieux & le monaitére, &
elle a été confirmée par phifieurs arrêts. Expilly,
chapitre 27 , en raporte \\n du parlement de Gie-
Tioble du 14 août 1546, qui déclare que le con-
fentement de la communauté eft nécelTaire pour
l'admiflion des novices à la Profelfion, nificonfue-
tudo fil in corirarium. u La règle ordinaire, dit Bril-
»> Ion , s'il n'y a ftatut particulier du contraire , ei\
w que l'abbé ne peut recevoir la Profelfion d'un
5> religieux fans l'avis & confentement des autres.
»> Arrêt du parlement de Bordeaux , rapporté par
ï> Boërius,décifion 260 «.Le même auteur ajoute,
d après Bouchel : u Le 16 décembre 1603 , au rôle
») de Vermandois , il a été jugé qu'un novice ne
ï) peut être reçu profès en un monafière , û tous
j> les religieux & l'abbé n'y confentent ». Brillon
cite encore un arrêt du grand-confeil du 10 dé-
cembre 1657 , qi;i ordonne que « l'abbé de iMon-
t> tierncuf admettra les novices à Profenion , après
« que , par délibération capitulaire , il aura été
»» réfolu de les >• admettre à la pluralité des voix ».
Cette rèjje n'eft cependant pas univerfellement
obfervée. Des ftatuts & des ufages particuliers y
ont apporté des exceptions en faveur de quelques
abbés, [
PROFESSION MONASTIQUE.
Un arrêt du 5 février 1598 , rapporté par Bou^
chel dans fa bibliothèque canonique , a jugé que
l'abbé de Saint- Jean des Vignes, deSoiiïons, n'a-
voit pas befoin du confentement de ks religieux
peur admettre les novices à la Profeffion,
Ces exceptions font m^jîîe autorifées par le droit
eccléhaflique. Le chapirrey? ad folum , dans le texte
de refrulanbus , les confirme bien clairement , en
etablilfant que quand la réception appartient à l'ab-
be feul , les religieux ne peuvent admettre un no-
vice à la Profeffion pendant la vacance du fiége ab-
batial; mais que quand la réception appartient con-
jointement à l'abbé & aux religieux, ces derniers
peuvent recevoir la Profeffion du novice pendant
la vacance de l'abbaye. Si ad folum abèatem peni-
neat creatio monachorurn , eo dnfundo , nequibit novus
monachus à conventu creari ; a'.iàs poierit fi eorun
creatio fpct1.it infimul ad lurumque.
Sur la quefiion de favoir fi"les abbés commen-
dataires ont, en cette matière , les mêmes droits
que les abbés réguliers ; voyez les articles CoM.
MENDE & Prieur conventuel.
111. A l'égard de l'émiffion des vœux , elle doit
être faite entre les mains de l'abbé , ou d'un autre
fupcrieur , qui foit regardé dans l'ordre comme
ayant un caraâère^pour engager la communauté
envers celui qui fai't Profe{T:on.
Cette fonction n efi pourtant pas tellement atta-
chée à la pcrfonns du fupérieur, qu'il nepuiffela
communiquer , & en cela elle diffère de l'exercice
de l'ordre dans la perfonne de levéque. Si l'ab-
fence,la maladie , ou quelqu'autre empêchement
du lupérieur, ne lui permet pas de recevoir la Pro-
feffion , il peut commettre & déléguer un des re-
ligieux pour la. recevoir à fa place ; mais il faut que
le religieux délégué ait un pouvoir exprès, un
mandat fpécial , une délégation particulière pour
cet effet. C'eft ce que penfent l'abbé de Palerme,'
le fpéculateur fur le chapitre ad apofîolicam , dt
regulanbus i Jean Faber fur l'authentique ingrejjî ^
C. de facro-fiandi ecclefiiis ; & c'eft ce qu'a jugé un
arrêt du parlement de Grenoble , rapporté par Ex-
pilly , chapitre 26.
On .T élevé à ce fujet la queffion de favoir fi la
délégation devoit toujours être juftifiée par écrit,
& s'il falloir néceffairement en faire mention dans
l'aâe de Profeffion ; & il a été jugé , dans le cas
particulier dont nous allons rendre compte, que le
défaut de ces deux formalités ne rendoit pas les
vœux nuls.
Nicolas Grégoire , fils d'un vigneron d'Argen-
teuil , avoit fait Profeffion , le 15 août 1699, dans
le couvent des feuillans de la rue Saint-Honoré.
Ses vœux avoient été reçus par le père dom Juan
de Saint Martin , prieur du couvent des Sainis-^n-
ces , appartenant au même ordre, rue d'Enfer; &
il n'étoit point fait mention dans l'afte , que celui-ci
eiit une délégation du père général ou du provin-
cial. Le 10 novembre fuivant , frère Grégoire prér
fenta requête à l'official de Paris, demanda que fa
Profcîlion
PROFESSION MONASTIQUE.
Profeffion fût déclarée nulle. Le ii août 1700,
fentence intervint , qui le débouta de fa demande
es nullité , & néanmoins ordonna que quand le
père général ou le provincial ne recevroient pas
eux-mêmes les Profeflions , ils donneroient des
commiflîons par écrit à ceux qu'Us délégueroient
pour les recevoir ; qu'il en feroit fait mention dans
la cédule du profès & dans l'aâe qui en fetoit inf-
crit au regiflre , & que Toriginal de la commiffion
refteroit attaché à la cédule , pour être gardé dans
le dépôt ordinaire du couvent.
Frère Grégoire appela comme d'abus de cette
fentence; elle eft abufive , difoit.-il, en ce qu'elle
confirme une Profeffion eflenticllement nulle , puif-
qu'elle a été reçue par une perfonne fans pouvoir ,
fans caraâère , fans autorité , & fans délégation
de ceux qui, par les faints décrets 6c les confti-
tutions des feuillans , ont l'exercice de ces fortes
«l'aâes.
On répondoit que le père général avoit donné,
au prieur du couvent des Saints- Anges, un pou-
voir verbal de recevoir les vœux de frère Gré-
goire ; que ce pouvoir pouvoir erre confidéré com-
me un pouvoir par écrit, puifqu'il étoit annoté
dans le regiftre du père général , où fon fecrétaire
écrivoit tout ce qui fe paffoit dans l'ordre pendant
fon adminiftration.
Frère Grégoire répliauoit : S'il étoit vrai que le
père général eût donne un ordre verbal au prieur
des Saints-Anges , pour recevoir les vœux de l'ap-
pelant, il en auroit été fait mention dans l'aéie de
Frofeffion , puifqu'il eft d'un ufage ordinaire , que
quand on fait un aifte en qualité de délégué, on y
exprime le titre de fon pouvoir. — ~ Ce qu'on
nomme regiftre du général, n'eil point un regiftre
public, il n'eft pas même figné delui;c'eft une
efpèce de journal de ce qui fe pafTs pendant fon
adminiftration, pour en pouvoir rendre compte à
l'ordre affemblé ; c'eft un mémorial écrit de la main
de fon fecrétaire, contenant le détail d'une infinité
de chofes particulières , qui ne peuvent être com-
muniquées à perfonne; mémorial, qui , par cette
raifon , n'eft point authentique , qu'on ne peut obli-
ger l'ordre de laifler compulfer , & qui fe fupprime
ou fe remet entre les mains du fucce/Teur du gé-
néral , pour Tinftruire des affiiires & du gouverne-
ment de l'ordre. — Enfin , faut-il d'autres preuves
de l'abus & de la nullité du prétendu pouvoir ver-
bal qu'on dit avoir été donné au prieur des Saints-
Anges , que la féconde partie de la fentence dont
eu appel , qui condamne , comme contraire aux
faints décrets, le procédé des feuillans ? Si ce qui
s'eft fait étoit canonique, étoit il befoin de cette
»* efpèce de règlement? Si au contraire ce qui s'eft
fait eft abufif , pourquoi ne pas annuller une Pro-
feftîon reçue par un homme fans pouvoir, ce qui
eft le plus grand de tous les défauts ?
»> Nonobftant toutes ces raifons , dit Augeard ,
»» U cour, conformément aux conclufions de M.
w l'avocat général le Nain , a déclaré qu'il n'y avoit
Tom< XIII.
PROFESSION MONASTIQUE. 761
I'» abus, par arrêt du 7 mars 1701; a fait aux feuil-
» lans les mêmes Injonctions que celles portées par
. » la fentence , & a ordonné que l'arrêt feroit tranf-
»> crit fur leur regiftre ».
IV. La Profeflîon qui feroit faite entre les mains
d'un fupérieur interdit de fes fonélions , feroit
nulle. Il y a dans le journal des audiences , un ar-
rêt du 28 juin 1641 , qui paroit l'avoir ainfi dé-
cidé , en mettant hors de cour , fur l'appel comme
d'abus d'une fentence qui avoit jugé de !a forte.
V. » Un abbé , pendant le litige , reçoit un reli-
» gieux à Profeflîon, qui fait au monaftère toutes
» les fondions ordinaires des religieux, même y
» eft élu & nommé fous-prieur. Arrive , que , par
» arrêt , l'abbaye eft adjugée au co-litigant , le-
'» quel , aufll tôt après fa poireffion prife , deftitue,
>> de fon autorité, le fufdit religieux, & lui lève
» l'habit. Il appelle comme d'abus , & fe plaint
» de l'injure qui lui a été faite ; qu'ayant une fois
» reçu Ihabit , on ne le lui pouvoit plus ôter ; que
5> fa Profeflîon l'avoit rendu enfant de la maifon ,
» de laquelle on l'avoit déjeté injurieufement ;
H qu'il s étoit , parrémiflîon de fes vœux, donné
'» à dieu , & non à celui qui tenoit rang d'ahbé
»» quand il fit profeflîon ; que comme il s'ètoit obli-
)» gé à la religion , la religion s'étoit obligée à lui.
»» Que ce lien étoit réciproque, qu'il n'avoit pu
» être diffbus. Sur ce , arrêt du parlement de Paris
» le 5 juillet 1 599 , par lequel il fut dit , mal , nul-
» lement & abufivement procédé , & que l'habit
» feroit rendu au religieux ». Fevret , livre ç , cha-
pitre 3.
§. III. Des formalités, fait intrinsèques , fait pro^
hantes , qui doivent précéder & accompagner la.
ProfeJ/ion.
I. La Profeflîon ne peut être valable , qu'autant
qu'elle eft précédée d'un noviciat, qui doit durer
un an , & pendant lequel le novice doit aflîfter,
fans la moindre interruption, à tous les exercices
du monaftère, & obferver la règle de l'ordre avec
la même exaâitude que s'il étoit religieux. On a
rapporté au mot Novice quelques arrêts qui jufti-
fient cette aflertion.
René Lelièvre s'en faifoit vn moyen dans l'ef-
pèce de l'arrêt du 16 avril 1764; mais comme fes
allégations n'éteient appuyées d'aucune preuve par
écrit, on n'y eut aucun égard. Ce qu'a dit à ce fujet
M. l'avocat-général de Saint-Fargeau , mérite d'être
ici placé.
M La Profeflîon de Lelièvre ne poiirroit - elle
point être attaquée par le défaut de noviciat ? Deux
conditions font requifes : la durée d'un an , & la
continuité des exercices & des épreuves. On ne
peut obie(5ler le défaut de la première au noviciat
de Lelièvre : la féconde a-t-elle été obfervée ? Ses
allégations à cet égard font démenties par les re-
giftrcs de la congrégation. On y voit que dans
les aflemblées où on délibère fur le choix des
fujets , Lelièvre a réuni l'unanimité des fuffra-
Ddddd
76i PROFESSION MONASTIQUE.
geç , que tous les juges immédiats de fa vocation
ont penfé qu'il avolt latisfait aux épreuves nécef-
faires. Il n'eft point poifible de fe figurer que , dans
«ne communauté religicufe , qui jouit de l'eftime
publique, il ne fe fût pas trouvé nne feule voix
qui s'élevât pour réclamer Tobfervation d'une rè-
gle auffi facrée que celle de l'exaâitude aux devoirs
du noviciat. Cette unanimité de fuffrages eft une
préfomption bien forte que Lelièvre a rempli , du
moins aux yeux des homm?s , les devoirs de l'état
de novice.
» Cependant , comme ces aâes émanent de ceux
mêmes qui s'en fervent pour fe justifier , nous ne
les regarderions point comme une preuve abfolue ,
fi quelque preuve oppofée venoit les combattre.
Mais , loin qu'aucune preuve acquife ébranle la foi
des afles , leur langage eft confirmé par le filence
qu'a gardé , pendant long-temps fur ce point , l'ad-
verfaire des chanoines réguliers. Ce n'eil que de-
puis peu qu'il a propofé l'allégation dont il de-
mande aujourd'hui à faire preuve , Si , dans la vé-
rité , il eiu eu , pour réclamer contre fa profef-
fjon , un motif auflî légitime que celui de défaut
d'épreuve pendant l'année du noviciat, efl-il à
croire qu'il ne l'eût pas propofé dès le premier mo-
ment ou il a cherciié des moyens de revenir con-
tre fes vœux ? On ne cherche pa> des moyens foi-
bles & douteux, quand on en a de décilifs : quel-
que borné que pût être fon efprii , le défaut d'exer-
cice , pendant fon noviciat , écoit une chofe aiTcz
fenûble , pour quM pût fe la rappeler. Il n'en par-
loir point pourtant dans fon premier mémoiie,
drefTé en 1757 , ni long-temps encore depuis , dans
des lettres où il répétoit fans celfe tout ce qu'il
croyoit favorable à fon fyftéme d'indépendance ».
D'après cela, M. de Saint - Fargeau foutenoit
qu'il feroit dangereux d'autorifer , fans un commea-
cement de preuve par écrit, un religieux à mettre
en fait fa propre turpitude & le crime de fes fupé-
rieurs ; à combattre les préfomptions de droit & la
foi duc aux kSïes par des déportions peut - être
achetées. Il ne faudroit donc, pour pouvoir bief-
fer l'honneur des corps religieux, enfreindre l'ob-
fcrvation d'un engagement facré , troubler le repos
des familles , que s'affurer de quelques faux té-
xnoins>
» La preuve teflimoniale continuoit ce magif-
îrat , toujours fufpefle à la jurtice , n'eft point ad-
mife dans les queftions d'état , fans un commence-
jnent de preuve par écrit. On ne la permet que
pour achever d'établir une vérité qui a déjà une
bafe fixe , & à laquelle il ne manque qu'un déve-
loppement plus complet. Défende caufarn tuam inf-
trumcniis & argumtntis quibus pote/! ; joli enim tcjfes
mi ingenuitatli probaùonem non fufficiunf. L. a , C.
dt teftibus.
■n Cette loi , reçue dans nos mœurs comme rai-
fon écrite , u'eft pas moins fiifceptible de s'appli-
quer aux queftions fur l'état religieux , qu'aux quef-
»ions fur l'état civil ; & les unes & les autres font
PROFESSION MONASTIQUE.
trop importantes , pour en abandonner la déclfion*
à la foi des témoins. Dans les unes comme dans
les autres, la preuve teftimoniale feroit trop pé-
rilleufe à autorifer fans un commencement de
preuve par écrit. A plus forte raifon doit- on la re-
jeter , dans les unes comme dans les autres , quand
on veut s'oppofer aux adles. C'eft aux aâes établis
pour conftater l'état des hommes & l'état des reli-^
gieux, qu'il appartient d'en décider, quand d'au-
tres aâes ne balancent point leur autorité. Il y a
moins d'inconvéniens de compter peut-être troj^
fur la foi des aâes , que de trop hafarder fur la foi
des témoins ».
De-là, ce magiftrat conclut qu'on ne pouvoit
pas accorder à Lelièvre la preuve teftimoniale
qu'il demandoit du défaut d'exercice pendant fon
noviciat,
Lorfque le défaut d'aftîftance aux exercices du
monaftère a pour caufe la maladie ou l'abfence du
novice , emporte-t-il nullité de la Profeflîon ? Voici
ce que répond M. l'avocat- général Portail , dans
fon plaidoyer du 11 janvier 1706, rapporté par
Augeard : « Les canoniftes n'ont jamais regardé
» comme une interrupution la maladie du novice ;
» fi elle le met hors d'état de remplir les devoirs
» de fa règle , elle ne l'empêche pas de s'en inf-
» truire & de les connoitre ; on peut même dire ,
» c^u'environné alors d'une calamité nouvelle , il
» éprouve bien mieux s'il eft propre au genre de
>» vie qu'il veut embrafl*er ; & lorfqu'aprés cette
» rude épreuve il perfévèrc dans fes premières ré-
» folutions, on trouve dans cette perfévérance un
>i cara6ière plus certain d'une vocation parfaite »
» que la pratique de toutes les auftérités du cloî-
M tre. — ■ A l'égard de l'abfence , on a toujours dif-,
» tingué celle qui eft fondée fur une caufe jufte Se
» néceflaire , 6* de licenùâ fuvenorum,d^i\QcX2.h-
11 fcnce purement volontaire. Le noviciat n'eft pas
» interrompu lorfque l'abfence eft autorifée du fu-
» périeur, parce qu'alors le novice , quoiqu'abfent,
» lui demeure toujours fournis, & c'eft princi-
» paiement dans cette foumiflîon que confifte l'ef-
» fence du noviciat. — Ces maximes fe trouvent
M autorlfées par les conftitutions de l'ordre des au-
» guftins , & par deux arrêts, l'un rapporté par
» Dufrefne , liv. 5 , chap. 17 , l'autre par Soefve,
» partie 11, centurie a , chap. 85 ».
On ne peut pas dire que l'arrêt rendu fur le
plaidoyer , dont ces réflexions font extraites , les
ait confirmées pofitivemcnt , parce qu'il y avoir,
contre le religieux réclamant, une fin de non re-
cevoir , qui uiffifoit feule pour le faire débouter.
Mais , peu de temps après, le 30 août de la même
année , il eft intervenu un autre arrêt, par lequel
il a été jugé en thèfe , que la maladie qui furvient
au novice pendant fon -innée d'épreuve , ne doit
point être regardée comme une interruption, ni ,
en conféquence , annuller les vœux. M, Portail
rcmpliftbit encore dans cette afTaire les fondions du
miniftère public : « Le défaut de noviciat, difoUU,
PROFESSION MONASTIQUE.
»> ne peut pas non plus être allégué ; il y a eu une
J» année de probation ; que l'intimé l'ait paffée
>» dans l'infirmerie , ou dans l'exercice des aufléri-
»» tés, il n'importe.
II. La formule des vœux folemncls n'eft pas la
même dans toutes les communautés : dans quel-
ques-unes , le religieux promet de garder la pau-
vreté, la chafteté & l'obéiflance : dans d'autres ,
qui font gouvernées par la régie de faint Benoît,
le profés promet la converfion des mœurs & la
fiabilité fous la règle de faint Benoit , félon les
ufages de la congrégatien dans laquelle il s'en-
gage. _
Mais quelle que foit cette formule, elle produit
toujours le même effet par rapport aux nouveaux
engagemens que contrarient , & le changement
d'état qu'éprouvent ceux qui font des vœux de re-
ligion. C'eft ce qu'établifToit M. l'avocat -général
Fleury dans fon plaidoyer du 7 février 1707 , en
traitant la queflion de favoir fi les religieufes de la
préfentation d'Aire, qui, jufqu'alors, n'avoient
point fait vœu de pauvreté , pouvoicnt être regar-
dées comme exiftantes en monaflère. « Si on ju-
»» geoit , difoit-il, cette communauté fuffifamment
» autorifée , la forme des vœux folemnels de chaf-
>» teté , obéiffance & réfidencc perpétuelle, les
» attachant pour toujours au monaftère , les fépa
» rant du fiècle , les conftitueroit dans l'état reli
» gieux; & le défaut d'émiffion de vœu de pau-
» vreté feroit un abus qui ne rendroit pas la Pro-
» feflîon nulle , fuivant le fentiment de M^ René
»> Chopin , en fon traité de monajl. liv. 3 , tit. 3 ,
» «". 8 ; ce feroit un abus à réformer, mais un
»> abus qui ne pourroit dégager la profeffe du vœu
" qu'elle auroit fait folemnellement à la face des
» autels, pour lui donner lieu de troubler des h-
n milles ; & c'eft ce qui a été jugé par un arrêt ren-
»> du à la quatrième chambre des enquêtes , le 6
» feptembre 1762 , rapporté par M' Maillard fur
I» la coutume d'Artois, art. 149, n°. ^ , où on a
»> jugé qu'une religieufe du monaftére dont il s'a-
>» git , de la Préfentation de la ville d'Aire , étoit
»» morte civilement, & n'avoit pu, après fa Pro-
» felTion , faire une donation & un tQÛimGnty au
» profit de fon frère ; qui ont été déclarés nuls ».
III. Eft-il effentiel que les vœux foient pronon-
cés folemnellement, ou doit-on les préfumer , &
en faire réfulter un engagement véritable , lorf-
qu'un homme , fans avoir fait Profelfion expreffe,
a néanmoins porté l'habit de profés, vécu comme
profés , obfervé la règle des profès? en un mot,
leconnoît-on parmi nous la Profefïîon tacite ? C-Jtte
queflion efl importante , & mérite quelques détails.
Nous ne pouvons la mieux traiter , qu'en préfen-
tant ici la fubrtance du plaidoyer de M, d'Aguef-
feau , du 14 mars 16^7.
Dans la première ferveur de l'établiffemenf des
monaftères , on ignoroit la diftinflion du vœu lim-
pl^ & du vœu folemnel , de la Profeffion exprefle
& de la Profcflion tacite ; on ne croyoi; pas qu'nJîp
PROFESSION MONASTiQUE. 765
carémorii- exrérie'.ire piJt refTerrcr plus étroite-
ment les nœuds qu'un folitaire conirade avec dieu
racme.
Le relâchement paffa dans les deferts , comme
il étoit déjà entré dans l'églife. On reconnut bien-
tôt qu'il falloit fixer l'inconftance naturelle aux
hommes, par des engageraens extérieurs ; on con-
fidéra que ces fortes de cérémonies avoient deux
utilités également effentielles , l'une de rendre les
hommi^s plus attentifs aux fuites & aux confé-
quences du vœu qu'ils faifoient , l'autre de donner
une voie sûre par laquelle on pijt les convaincre
de leur infidélité.
Saint Bafde, patriarche des moines de l'orient,
défira le premier cet établiffement falutaire. Il mar-
que dans les canons 18 & 19 de fa letrre à Amphî-
loque, qu'il étoit à fouhaitcr qu'on n'admît, ni témé-.
rairement , ni en fecret , les ProfciTions des vier-
ges qui fe cenfacroient à dieu , & qu'on ne lé»
reçût qu'après les avoir éprouvées pendant un cer-
tain temps, & infcrit leur nom dans un regiftre
public. Dans le canon fuivant, il défire qu'on diïe
un pareil règlement pour les hommes, & que la
Profeffion foit publique , certaine & apparente.
Le chapitre 2 de la novelle 5 de l'empereur
Juflinien , défend aux religieux de donner l'habit
aux novices qui fe préfentcnt ; il veut qu'on exige
d'eux trois ans d'épreuve conrinucUe , & qu'enfin-,
après cette longue expérience , on leur donne l'ha-
bit du monaftère dans lequel ils font entrés; céré-
monie qui tenoit lieu d'une Profelfion folemnelle,
& qui , comme elle, étoit un frein capable de
réprimer la légèreté des novices , ik de leur rap-
peler fans ceffe la mémoire de leurs premier»
engagmens.
Saint Benoît entra dans le même efprit : on re-
marque même que ce fut lui qui impofa la nécef-
fité de faire une Profeffion , non-feulement ex-
preffe , mais par écrit , qu'on devoit dépofer fur
l'autel au moment de la cérémonie , & conferver
cnfuite exaflement dans le monaflère. Saint Ifldore
de Séville fuivit les mêmes principes dans fa régie ,
& ils ont été adoptés dans Id concile d'Orléans
de 549 , par beaucoup d'autres du même-temps ,
& par le quatrième de Tolède , qui a été inféré
en partie dans la compilation de Gratien.
Cet ufage fut reçu univerfellement en France."
On remarque dans les formules que Baluze a fait
imprimer à la fin des capitulaires (i), que tous
les aéles qui regardoient la cérémonie de la Profef-
fion , avoient une formule certaine ; la demande
pour être admis à prononcer des vœux ; la réponfe
du fupérieur; l'obligation du religieux , par laquelle
il confommoit fon facrifîce.
Dans la fuite , l'inexécution de ces fages régler
mens ayant fervi à plufieurs moines infidèles , de
prétexte pour colorer leur apoflafie du défaut de
preuve de leur Profeffion , quelques conciles &
0) Tonv« 1 , pige 574 , J7J , 57^> 577-
P d d d 4 (j
7^4 PROFESSION MONASTIQUE.
pîufieurs papes fe crurent obligés d'autorifer la Pro-
feffion tacite , & de regarder la fimple vêture de
l'habit après Tannée de probation , comme une
preuve de l'acquiefcenient donné par yn religieux
à fon état.
On trouve quelque preuve de cet iifage dans le
concile de Frèjus, di dans celui de Wormes , du
huitième fiècle ; & on voit, par les décrétales 22
& 23 du titre de res^ularibus , qu'il étoit tout-à-fait
établi dans le douzième fiècle. La clémentine 2 du
même titre, en contient pareillement une déci-
fion formelle , tirée du concile de Vienne.
Il paroît cependant que dans ces temps même
les Profeffions tacites étoient plutôt tolérées qu'ap-
prouvées. Le concile de Londres de 1 168 , impofe
des punitions févères aux fupérieurs qui n'obli-
gent pas les. novices à faire Profeflîon immédia-
tement après l'année de probation. 2". Le chapi-
tre 28 , au fexte , de eUR'ione , & la clémentine i ,
de flatu monachorum , excluent perpétuellement de
toutes les fonfiions & dignités d'un ordre , ceux
qui n'y ont point fait ProtefTion exprefle. 3". Le
concile de trente Trente , feffion 25 , chapitre 16 ,
oblige expreffément les (upérieurs à renvoyer les
novices après l"an de noviciat , ou à leur faire faire
Profeflion. 4°. Les conciles provinciaux tenus à
Tours 8c à Bourges depuis le concile de Trente,
veulent qu'il y ait , dans tous les monaftères ,
des regifttes où les Profeflions foient écrites.
De-là, trois conféquences ; la première, qu'an-
ciennement les Profelîions tacites ont été réprou-
vées ; la féconde , que dans la fuite on les a tolé-
rées ; la troifième , que l'efprit de la difcipline pré-
fente paroît leur être entièrement oppofé.
Il nous refte à marquer , en peu de mots , quelles
font les maximes de notre jurifprudence fur ce
point. Si nous confultons nos ordonnances , celle
de Moulins , les déclarations données en confé-
quence , l'ordonnance de 1667 ( & l'édit perpétuel
de 161 1 dans les Pays-Bas) , condamnent indirec-
tement la Profeflion tacite, en excluant toute
preuve par témoins.
Si nous nous attachons aux arrêts , nous n'en
trouvons aucun qui ait jugé formellement cette
queftion dans chacun de fes points. En effet, on
peut confidérer deux chofes dans les religieux ;
1°. l'abdication générale de tous les effets civils ,
la renonciation aux fucceffions , la privation de
toute communication des droits établis en faveur
des féculiers. 2°. La qualité de ce même religieux,
par rapporta l'intérieur du monafière , par rapport
à (on eut en foi , indépendamment des relations
qu'il peut avoir avec fes concitoyens.
Nous trouvons fur le premier point deux fortes
d'arrêts. Les uns , comme celui de 1588 , rapporté
par Chopin, celui du 28 juin 1603, inféré dans
le recueil de M. le Prêtre , celui de Chriftine Haro ,
qu'on trouve au journal des audiences fous la date
du 16 juiUlet 1657 , un autre du parlement de Pro-
PROFESSION MONASTIQUE.
vence du 16 mars 1674 , rapporté par Boniface J
ont admis aux fucceffions, des perfonnes qui
avoient pafTé une grande partie de leur vie dans ua
nionaftère en habit de profès , parce qu'ils en
avoient quitté l'habit , & ne paroiffoient point avoir
eu intention de le porter toujours.
Les autres, au contraire, les ont déclarés inca-
pables , foit par le long-temps & le trouble que
cela apporteroit dans les familles ; foit parce qu'ils
avoient eux-mêmes écrit plufieurs fois à leurs pa-
rens , qu'ils avoient fait Profeflion ; foit parce qu'ils
portoient aâuellement l'habit de religieux dans le
temps de leur demande ; foit enfin parce qu'on les
avoir ordonnés prêtres à titra de pauvreté, en qua-
lité de religieux. Tels font les arrêts de Marillac,
rapporté par Chopin ; de Marie de Lefpine du 27
aoijt 1558, rapporté par Bouchel en fa Bibliothè-
que canonique ; de Claude Sain du 27 juillet 1627,
inféré dans le journal des audiences ;de l'Hermite
la Noue des 27 février 1633 , 28 juin 1634, &
30 juillet 1637, de Guyon de Saugnat , rendus au
parlement de Touloufe le 17 avril 1567, & rap-
portés par Papon, livre i , tit. 10, n°. 7.
Pour ce qui eft du fécond point, c'eft à-dire de
la qualité de religieux en foi & uniquement par
rapporta Ton état pofltif, nous ne trouvons point
de préjugé précis. Nos auteurs , tels que Chopin ,
Coquille , Bouguier & d'autres , difent que les
cours ne reconnoiffent point de Profeffion tacite ;
1°. parce qu'elles font contraires aux anciens ca-
nons ; 2°. contraires indireftement à l'ordonnance
de Blois ; 3°. contraires au bien public; 4°. capa-
bles de rendre les vocations douteufes, & l'état des
familles incertain.
Ici , M. d'Agucffeau rend hommage à ces ma-
ximes, & foutient néanmoins qu'elles ne doivent
pas influer fur la déciûon de la caufc dans laquelle
il parle.
Il s'agiiToit , dans celte caufe , de favoir fi Julien
Coutard , qui juftifioit par écrit avoir porté dix-
neuf années entières l'haljit de frère convers domi-
nicain , fans faire de Profeflion folennelle , pou-
voir être expulfé par fa communauté , ou la forcer
à le retenir & le traiter fraternellement. M. d'A-
gucffeau fe déclare pour ce dernier parti.
L'intérêt public, dit-il, doit, à la vérité, faire
rejeter les Profeffjons tacites ; mais auffi le même
intérêt public ne demande-t-il pas qu'une commu-
nauté qui a reçu un homme , qui lui a donné l'ha-
bit de fa religion , qui l'a fait paffer par l'épreuve
du noviciat , puiffe être cohtrainte , non pas à le
regarder comme un profès véritable , mais à lui
accorder la grâce d'une Profeflion folennelle ? Sera-
t-il jufle qu il ait effuyé toutes les rigueurs du no-
viciat, qu'il ait eu la perfévérance d'aller jufqu'à
la fin de ce terme, & qn'enfuite, après avoir de-
meuré dans un ordre, fur la foi des conflitutions
qui lui accordent une Profeflion tacite (1) ,il puiffe
(i)Les ftatui» des dominicains pottcat : CompUto auttm
PROFESSION MONASTIQUE.
en être exclus fans aucune raifon qui ait précédé
ou accompagné fon uoviciat , par un pur caprice ,
& par le feul changement de volonté de la part des
fupérieurs ?
On vo.t clairement que cela réfifle à l'équité na-
turelle : ce n'eft pas tout encore ; cela réfifte pré-
cifémentaux conitituMons canoniques. Les conci-
les de Londres & de Trente, cités plus haut, veu-
lent qu'aufii-tôt après l'année du noviciat finie on
renvoie le novice, ou qu'on le reçoive. L'arrêt du
16 juillet i6s7 ordonne inéme l'exécution de ces
lois ; donc , fi on ne renvoie pas le novice , il eft
admis pour être reçu. On n'autorife point par-là
les Profeffions tacites , au contraire on les détruit.
La feule objection eft que l'engagement doit
être réciproque ; Ôc que comme le monaftére ne
pourroit contraindre le religieux à demeurer dans
Ion fein , le religieux ne peut aufli forcer le mo-
naftère à le recevoir.
Mais il y a une grande raifon de différence entre
l'un & l'autre. Le rnonaftère ne facrifie qu'une part
dans fa fociété. Tout ce qu'il fait en faveur de celui
qu'il reçoit , fe réduit à admettre un affocié , un
compagnon de fes jeiines, de fes exercices , de fes
travaux. Le religieux facrifie fes biens , fa fortune ,
fa liberté , & fouvcnt fa vie même.
Auiîi Dumoulin , fur la clémentine eos qui , dif-
tingue-t-il bien prccifément le rnonaftère du no-
vice. Il établit que toute Profeffion tacite ejl oJiofa ,
efljîrïât incerpntanda , refpeSu ipfius ïngrejji. Mais ,
par rapport à la communauté , il convient que la
maxime de droit canonique peut être exécutée :
Tranfeat , dit-il , refpelîu eorum c^ui perm'ittunt habi-
tum indifiinflum , ut non pojjlnt expellcre quern fie
admiferunt.
Ces raifons ont déterminé la cour en faveur du
frère Coutard. Par arrêt du 14 mars 1697 , on dé-
clara qu'il n'y avoit point d'abus dans la fcnience
dont les dominicains étoient appelans , & qui leur
ordonnoit de recevoir le frère Coutard à la Profef-
fion folennelle après un fécond noviciat. L'arrêt va
même plus loin , car il fuppofe le frère Coutard
déj.'i engagé , & le déclare mort civilement. Voici
comme il eft conçu : « La cour déclare qu'il n'y a
» abus ; enjoint aux religieux dominicains de la
j) ville du Mans de recevoir la partie de HslTard ,
« & de le traiter charitablement , ainfi que les frè-
» res laïcs , fans néanmoins que la partie de Hof-
M fard puifte ci-après prétendre à aucune fucceffion
« & partage , ni intenter d'aélion pour efiéts ci-
« vils ».
Le même arrêt , renouvelant les difpofitions du
concile de Trente & celles de l'arrêt du 16 juillet
1657 , « enjoint aux provinciaux & fupérieurs des
» monaftères de Tordre de faint Dominique , de
» recevoir à la Profelfion ceux qui en auront été
» jugés capables , & de renvoyer de leurs niaifons
«nno p'.i'> ri^inis , fi nul-j faElafu proujiatio , nie ipfe exire ,
nec rtligio pQt(Jl eum expilUre»
PROFESSION MONASTIQUE. 76^
» ceux qu'on n'aura pas eftimé devoir être reçus
» après l'année du noviciat , faite félon les faints
n décrets & conftitutions canoniques .-ordonne que
» le piéfent arrêt fera fignifié à tous lefdits provin-
» ciahx& fupérieurs des couvens fitués dans le rcf-
» fort , à la requête: du procureur général du roi ».
IV. Les ordonnances de Moulins Se de 1 66y ont
pris des précautions particulières pour afturer l'état
des religieux , & empêcher qu'il ne s'élevât des
doutes lur la réalité des Profeflions folennelles. La
déclaration du 9 avril 173^ , enchérilfant fur les
diipofitions de ces lois , a prefcrit ce qui fuit :
Article 25.» Dans les maifons religieufes il y
» aura deux regiftres en papier commun , pour
» infcrire les aétes de vêture, noviciat & Profef-
» fion , lefquels regiftres feront cotés par premier
» & dernier , Se paraphés fur chaque feuillet par
» le fupérieur ou la fupérieure ; à quoi faire ils
» feront autorifés par im aéle capitulaire qui fera
» inféré au com.mencement defdits regiftres.
Article 26. » Tous les adles de vêture , noviciat
» è>i Profeffion, feront infcrits en françois fur cha-
» cun defdits deux regiftres , de fuite & fans au-
» cun blanc , & Icfdus aéles feront fignés fur lef-
» dits deux regiftres par ceux qui les doivent figner,
» le tout en mén:e-temps qu'ils feront faits ; & en
» aucuns cas lefdits aéies ne pourront être infcrits
» fur des feuilles volantes.
Article 27. » Dans chacun defdits aâes , il fera
» fait mention du nom & furnom , Se de l'âge de
» celui ou de celle qui prendra l'habit ou qui fera
» Profelfion ; des noms , quahtés & domiciles de
» fes père i^i mère , du lieu de fon origine , Se du
» jour de l'ade , lequel fera fjgné fur lefdits regif-
»> très , tant par le fupérieur ou la fupérieure , que
» par celui ou celle qui prendra 1 habit ou fera Pro-
» feftion , enfemble par l'évêque ou autre perfonne
» cccléfiaftique qui aura fait la cérémonie , & par
» deux des plus proches parens ou amis qui y au-
» ront affifté.
Article 28. » Lefdits regiftres ferviront pendant
» cinq années confécutives , & l'apport au greffe
» s'en fera, favoir, pour les regiftres qui feront
» faits en exécution de la préfente déclaration ,
" dans les fjx femsines après la fin de l'année
» 1741 , enfuire de cinq ans en cinq ans ; fera au
» furplus obfervé tout le contenu aux articles 17
» & 18 ci deffus fur l'apport des regiftres, & la
» décharge qui en fera donnée au fupérieur ou
» fupérieure.
Article 19. » Il fera au choix des parties intéref-
» fées de lever des extraits defdits a^^es fur le r«-
» giftrc qui en fera au greffe , en payant au greiHer
» le falaire porté par l'article 19, ou fur le reaiftre
M qui reftera entre les mains du fupérieur ou fu-
n péricure , qui feront tenus de délivrer lefdits
» extraits 24 heures après qu'ils en feront requis ,
w fans aucun falaire ni frais , à la réferve du papier
» timbré feulemec t.
766 PROFESSION MONASTIQUE.
Article 31. » Les grands-prieurs de l'ordre de
» faint Jean de Jérulalem feront tenus , dans l'an
» &. jour de la Proteffion faite parnos fujets dans
« ledit ordre , de faire enregiflrer l'afle de Pro-
» feffion ; & à cette fin enjoignons au fecrétaire
« de chaque grand - prieuré d'avoir un regiftre
îj dont les feuillets feront cotés par premier ëtder-
« nier , ik paraphés fur chaque feuillet par le
»» grand-prieur, ou par celui qui en remplira les
« fonctions en cas d'abfence'ou autre erapéchc-
« ment légitime , pouh y être écrite la copie des
w aélcs de ProfeiTion & leur date, & faéle d'enre-
« giftrement figné par le grand-prieur ou par ce-
« lui qui en exercera les fondions , pour être dé-
»» livrés à ceux qui le requerront; le tout à peine
« de faifie du temporel >».
Il ne faut pas croire que toutes ces formalités
appartiennent à l'cflcnce des vœux , &. foient re-
quifes à peine de nullité de la Profeifion. Voici
quelques arrêts qui aideront à les apprécier.
Nicolas Grégoire , dont nous avons déjà parlé ,
aj'outoit au moyen d'abus expofé ci-devant , §. a ,
n. 5 , le défaut d'afle qui conftatât légalement fa
Profcffion. Point d'affiftance des témoins , point de
fignature du fupérieur qui avoir reçu fes vœux ,
point d'infcrlption fur le regiftre de la commu-
nauté i fimpie rédatlion fur une feuille volante
fignéede lui feul , & que le monaftère avoit été
abfolumcnt le maître de fupprimer.
La preuve juridique de l'émilfion des vœux ,
difoit-il , ne peut être faite que par un regiftre en
bonne forme , où Tafle en foit infcnt & figné , 1°.
par celui qui fait Profeffion ; 2". par celui qui la
reçoit ; 3". par deux témoins qui doivent y affirter.
Ceft ladirpofition des ordonnances de Moulins &
de 1667. L'objet de ces lois a été non-feulement
d'exclure la preuve par témoins dans les queftions
d'état mais encore d'affurer & de fixer irrévoca-
blement l'état des hommes , en les engageant d'une
irianïère fi folide , qu'ils ne fuffcnt pas les maîtres
d'en fupprimer la preuve. — Qu elt-ce qu'un vœu
fûlennel ? C'eft un facri6ce d-;; nous-mêmes que
nous faifons à Dieu, une oblation qui s'accepte par
fes miniftres , entre les mains defquels fe fait le
ferment , qu\ , d'un côté , lie le religieux au mo-
raftère, & de l'autre engage le monaltère au reli-
gieux (1). Ceft ua contrat fynallagmatique entre
le profès d'une part, & le monaftère de l'autre;
celui-là renonce à fes biens temporels , & promet
l'obéiflance à fes fupérieurs. En même-temps les
fupérieurs s'obligent à lui donner tous les fecours
dont il aura befoin , à lui fournir les chofes nécef-
fairesàla vie ; & ce contrat fe forme, comme
tous les autres , par le concours mutuel de deux
volontés déclarées en la forme prefcrite par les
ordonnances. — Or, peut-on dire qu'il y a eu ici
(i) Obliginturper Profeffionem cmiffam paii-er & accep-
lam ai obfervafltiain reguiaicni. C*£, adafolîiliçam^ de re^u-
PROFESSION MONASTIQUE.
uneacceptationjvalable & un engagement fuffifant?
Où eft l'acceptation du monaftère f où eft fon cn-
gigement envers l'appelant, lorfquc l'afte qui con-
tient la donation de la perfonne du profès fe
trouve rédigé feulement fur une feuille volante ,
non fignée de celui qui a reçu fes vœux , & au pou-
voir de fes fupérieurs ? Quel moyen auroit ce mal-
heureux , fi , devenu caduc , accablé de vieilleffe &
des infirmités qui accompagnent le grand âge, il
étoit chaflé par fes confrères & abandonné à toutes
les rigueurs de la pauvreté? Quelle preuve pour-
roit-il rapporter de (on état & de l'engagement du
monaftére envers lui ?
Les feuillaiis répondoient , qu'il n'avoir tenu
qu'au frère Grégoire que fon aâe de Profeiïlon fût
infcrit fur le regiftrc public ; qu'on le lui avoit of-
fert plufieurs fois, & qu'on le lui oflroit encore ;
que d'ailleurs ce défaut n'altèroit nullement la vé-
rité des vœux ; que les ordonnances, en prefcrivant
la néceffité d'avoir un regifire pour y infcrire les
ProfelTions, n'avoient pas prononcé la nullité de
celles qui n'y feroient pas infcriies ; que l'elTence du
vœu ne confiftoit pas dans cette infcription , mais
dans le confentementdu profès , mais dans le fer-
ment folennel qu'il faifoit à Dieu d'obferver les
règles de Tordre , de vivre dans la pauvreté, de
garder la chafleté , & de demeurer fous lobéiflance
de fes fupérieurs.
Sur ces raifons , l'official de Paris débouta ,
comme on l'a dit plus haut , le frère Grégoire de
fa demande à fin de nullité de fes vœux , 6c « or-
)) donna aux pères feuillans d'avoir un regiftre re-
» lié en bonne forme , dont les feuillets feroient
» cotés & paraphés par premier & dernier par le
}) fupérieur du couvent de faint Honoré , lequel
»» regiftrc feroit approuvé par un a61e capitulaire ,
» pour y être les aâes de vêture & de PrQfeffion
» fans aucun blanc ; lefquels aâes feroient à l'inf-
n tant fignés du fupérieur , du novice ou profès ,
» & de deux de fes plus proches parens ; que le
n regiftre feroit préfenté à Grégoire pour y infcrire
» & foufcrire l'aâe de fa ProfeiTion , fuivant les
» conftitutions de la congrégation des feuillans ;
» & en cas qu'il en fît refus , que cet a£le feroit
}j infcrit & foufcrit dans ledit regiftre par celui
i> qui avoit été commis par le père général poiir
i> recevoir l'émiffion de fes vœux, & de deux té-
M moins, & qu'il y feroit fait mention de la com-
» munication du regiftre faite à Grégoire , ou de
» fon refus w. On a rapponé plus haut les difpofi-
tions de larrét intervenu fur l'appel comme d'abus
de cette fentence.
La queftion jugée par cet arrêt fe renouvela en
1706. Un religieux auguftin avoit fait Profeflîon le
2 feptembre 1685; on s'étoit contenté d'en faire
une fimpie mention fur le regiftre du couvent ,
fans y faire figncr le profès ni aucun religieux de
la maifen. On avoit appelé un notaire & deux té-
moins pour dreffer procès-verbal de cette Profef.
1 fion. Le religieux avoit (igné feul avec un des deux
PROPFSSÎON MONASTIQUE.
témoins. Le notaire & l'autre témoin n'avoient
point figné. Ce moyen & quelques autres ayant
déterminé l'official de Reims à déclarer Tes vœux
nuls par fentence du 1 1 avril 1698 , Tes parens en
interjetèrent appel comme d'abus ; & après que la
caufe eiJt été plaidée folennellement , M. Portail ,
alors avocat général , s'expliqua en ces termes :
M Le défaut de formalités dans les aftes rapportés
» pour établir la Profefiîon de l'intimé , n'eft d'au-
» cune confidiraiion , dès que cette Profeffion eft
»»• devenue certaine par le procès-verbal du no-
» raire , figné de l'intimé, & qu'on peut regarder
» comme un certificat non fufpedl de fa part , par
>' Tes reconnoiiiances, qui fe trouvent écrites dans
» fa fupplique au pape , & dans fon interrogatoire
>» devant l'official de Reims , & par l'aveu qu'il en
» a fait publiquement a l'audience.
5' D'ailleurs , il efl prouvé par ^un compulfoire
>» des regiAres du couvent des auguftins de la ville
» de Reirns , que les autres acfes de Profeffion font
» dans la même forme que celui de l'inumé; fi on
» donnoit atteinte à fa Profeffion fur ce fonde-
» ment, ce feroit ouvrir les portes du cloître à une
» infinité de religieux qui ne font pas engagés aii-
» trement que lui ; il eft feulement important de
« remédier à ce dèfordre , & de faire une loi pour
» l'avenir ».
En confi-quence , par arrêt du 11 janvier 1706 ,
« la cour dit qu'il n'y a abus , & , faifant droit fur
» le réïjU'tlroive du procureur général du roi, en
» joint aux fuplrieur & religieux du couvent des
» augurtins de Reims , 6i. à tous autres fupérieiir &
'> religieux des monallères , de tenir des regiifres
» des vêtures & Pro^effions des religieux , confor-
') mément aux articles 15 Se 16 du vingtième tiire
I» de l'ordonnance de 1667 ,& particulièrement de
>i faire figner les aftes des vêtures Se des Profef-
JJ fions par les novices , les fupérieurs , 6c par
» deux des parens ou autres pen'onnes qui auront
» été préfentes aux vêturts & aux Proteffions. Et
» fera le préfent arrêt infcrir dans les regiiires du-
î> dit monaiîère des auguftins de Reims , & par-
3) tout oii befoinfera".
La même difficulté fe préfenta l'année fuivante ,
mais dans des circonflanccs particulières. Sœur
Elizabeth le Roux , religieufe de la Préfentation de
la ville d'Aire, avoir quitté fa maifon & apoftafié.
Elle attaquoit fa ProfeiTion par deux moyens ; l'un
ctoit b défaut de fignature , tant de fa part que de
celle de la fupérieure & des témoins. L'autre étoit
fondé fur ce que le monaflère ne rapportoit point
les titres de fon établiffement. M. l'avocat général
Joly de Fleury démontra d'abord la néceitité à'o-
tliger les religieufes à juftifier leur exiflence lé-
gale en titre de monaflère , & , paffiint enfuite à
l'état de la réclamante , il s'expliqua de cette ma-
nière: « Nulle fjgnature de la fille , nulle figrrature
m de la fupérieure ni des témoins ; rien de plus
V contraire à nos ordonances. On ne peut donc
s» douter qu'il n'y ait de l'irrégularité pour le pafle ,
PROFESSION MONASTIQUE. 767
» & qu'il faudroit la réparer pour l'avenir. Cepen-
" dant cela ne préjudicieroit point à l'état de la
» fille , fî c'étoit l'ufage , 8c fi tous les aéles du re-
» giftre ttoicnt de même ; car elle ne fe défend pas
» en difant qu'elle n'a pas fait profeffion com.me
» les autres religieufes i mais que toutes les reli-
" gieufes ne font point véritablement Pfofeffiofî.
» Or elle fe met dans la même efpèce que les au-
" très; Se fi toutes les autres l'ont faite de même ,
j> comme les formalités font pour affiirer la vérité ,
J» lorfque la vérité paroît par le propre aveu de la
» personne , la formalité ert inutile ; inutile de fla-
» tuer pour l'avenir , cela préjudicieroit pour l'état
" du monaflère. Mais pendant cet interlocutoire
» la fille efl dans le public , il y a danger du fcan-
» dale ; il faut donc , en attendant la preuve de
)> l'exiiieriCe Ivgale des religleui'es de la Préfenta-
» tion , lui enjoindre de fe retirer dans un mo-
» naflers qui lui fera indique par l'évêque de
» Saint-Omer , jufqu'à ce qu'autrement il en ait
» été ordonné ».
Nous voyons dans le journal des audiences , que
ces conclufions ont été fuivies par arrêt du 7 fé-
vrier 1707. Il eft pareillement rapporté par Rouf-
feau de la Combe avec les deux précédens , Se cet
auteur en tire la conféquence fuivante: « Il faut
" tenir pour maxime , que toutes les fois que des
)» aétesde véture ou de Profeffion fe trouvent n'a-
» voir pas été fignés par le religieux quia pris Iha-
" bit & qui a fait Profeffion , lorfque fon engage-
" ment a été conftant & public, lorfqu'on ne peut
» pas répandre d'équivoque & de foupçcn de
" fraude fur fa Profeifion , comme il arrive lorf-
" quelle a été fuivie d'une Profeffion qui affi;;e
" l'état du religieux ; on ne doit point l'admettre à
n réclamer , fous ce vain prétexte , contre fon
n état , Si. à fe dégager contre la foi de fon enga-
» gement S'il en étoit autrement , les monaftères
» Se les religieux feroient les maîtres de porter le
» trouble dans les familles quand bon leur fem-
j> bleroit ».
Si cependant au défaut de fignature fe joi»noit
un défaut de preuve que l'aéle de Profeffion fût
l'ouvrage de celui qu'on prétend être religieux , il
faudroit regarder fes vœux , finon comme nuls
au moins comme non exiftans. L'auteur de la bi-
bliothèque canonique , tome 2 , page 269 , dit
qu'on l'a ainfi jugé par arrêt du parlement de Paris
en faveur d'un religieux de Saint-Denis. Ceft aufti
l'efpéce Se la décifion d'un arrêt célèbre du 7 fep-
tembre 1763 , rendu au grand confeil entre l'ordre
de CbirvauxSe la dame de Launay.
Balthazar Caftille étoit entré , le 16 juillet 1713 ^
au noviciat de l'abbaye d'Orval , ordre de Clair-
vaux, diocéfe de Luxembourg; le 19 oflobre do
la même année , il avoir pris l'habit , Se on préten-
doit qu'il avoit prononcé des vœux le premier no-
vembre 1717. On ajoutoir, qu'il étoit refté dans
ce.te abbaye jufqu'en 1725; on rapportoit même
quatre pièces pour le prouver, Les deux premières
778 PROFESSION MONASTIQUE.
étoient des délibérations capitulaires des 14 mai
1721 & 3 août \y^^ , auxquelles il avoit alTiftc en
qualité de religieux , & qu'il avoit fignées en cette
forme , £. Balthafar CajlilU , clerïcus. La troirième
étoit un extrait e-oUationné du procès-verbal d'une
vifite faite dans Tabbayc d'Orval par l'abbé de
Clairvaux ,[631 juillet 1722. La quatrième étoit
un jugement prononcé contre Baltnafar Cafliile ,
nouvellement fugitif, par le commiffaire apoftoli-
que , dans le cours de fa vifite , commencée le 14
feptembre 1725.
Caftille ayant ainfi abandonné îon cloître , fe
retira à Paris, s'y fit connoîtte avantageufement
par fon travail dans le commerce , & époufa , le 6
octobre 1744, Catherine Michelle Peuchet , avec
laquelle il vécut en paix jufqu'en 17^0. A cette
époque , Caftille fut arrêté 6c conduit à Orval , en
vertu d'un ordre du roi obtenu par l'abbé de Clair-
vaux , & il y mourut dans un cachot le 27 mars
175 1.
Son époufe ne fut pas mieux traitée que lui : en-
fermée d'abord à fainte Pélagie , elle n'en fonit
qu'après une captivité de trois ans. Alors fe pré-
fenra pour l'époufer un jeune homme nommé de
Launay , à qui elle n'apporta pour dot que fes mal-
heurs & l'efpérance de s'en faire indemnifer.
Le 30 avril 1762 , les deux époux donnèrent re-
quête au châtelet , & firent aiïigncr les abbé &: reli-
gieux de la filiation de Clairvaux, dans la perfonne
de leur procureur général à Paris. L'abbéde Clair-
vaux fe préfenta fur cette afllgnation , comme fu-
périeur immédiat de l'abbaye d'Orval , & fit évo-
quer l'affaire au grand confeil. Là , il prétendit que
Caftille étoit moine , qu'il s'ctoit rendu coupable
du crime d'apoftafie , que fes fupérieurs l'avoient
jugé, que la dame de Launay ne pouvoir pas être
recevable à critiquer les ordres donnés par le roi
pour afliirer l'exécution d'un jugement émané d'une
autorité légitime. Il rapporta même le parchemin
fur lequel , difoit-il , " Balthafar Caftille a écrit de
»» fa propre main les vœux qu'il a prononcés , &
» qu il a dépofé fur l'autel , après y avoir appofé
" un figne de croix, conformément à la règle de
» faint Benoît & à l'ufage de l'abbaye d'Orval ....
" La dame de Launay , ajoutolt-il , feroit-elle fon-
« dée à révoquer en doute l'écriture de l'adle de
« ProfefTion ? Au premier afpeâ, cette écriture pa-
»» roît être la même que celle mife au bas des ac-
i» tes capitulaires de 1721 & 1722, qu'elle recon-
" noît ; d'ailleurs , la dénégation verbale qu'elle en
>» a faite n'a point d'objet réel, foit parce que le dé-
■>* faut de formalité n'annuUe pas un a£le de Pro-
>• feflion , foit parce que cet a61e de Profeffion n'eA
j> point une pièce ifolée , & qu'elle eft foutenue
« de l'infcription fur les regiftres , d'une réfidence
>> pendant l'efpace de plus de dix années dans la
» maifon en qualité de religieux, &d'iine identité
» de perfonna , prouvée par l'identité du nom ,
» de rage , & de l'origine. Toutes ces preuves
3»- raffemblées ne laiflent aucune obfcurité ».
PROFESSION MONASTIQUE.
^ Le défaut de fignature eft une nullité radicale;
répliquoit la dame de Launay. L'engagement du
religieux n'eft réel qtie par fa volonté expreffe de
le contraâer. Sa volonté ne peut être certaine que
par un écrit où il l'ait manifeftée. Cet écrit, qui ren-
ferme fon confentement , ne peut avoir aucune cer-
titude , s'il n'efl au moins figné de lui. Ce n'efl
point la formule de l'afle de Profefîion qui fait fon
engagement, c'efl la fignature qu'il appofe à cette
formule ; c'eft-là l'exprefTion de fa volonté ; c'cf^-là
le lien qui l'enchaîne aux yeux des hommes. Sans
cette fignature, cette formule ne lui appartient pas
plus qu'à tout autre , ou plutôt elle ne renferme
l'engagement de perfonne. Qu'elle foit écrite de fa
main , qu'elle ne le foit pas, cette circonflance eft
indifférente pour î'exiftence de l'engagement &
pour fa preuve. Le religieux a pu l'écrire comme
un projet , comme un modèle , avec l'intention de
la prononcer & de la figner , ou fans cette inten-
tion ; il a pu l'écrire dans un moment de ferveur ;
& bientôt après , confidérant les fuites de ion fa-
crifice, il aura refufé de le confommcr. Mais, en
un mot , de quelque manière qu'il l'ait écrite , cette
formule n'a pu devenir fa Profeftîon qu'au moment
qu'il l'a fignée. Les a6fes les moins importans , les
engagemens les plus légers, font nul? &. fans au-
cun effet , s'ils ne font munis de la fignature des
àcnx parties qui contraient , ou de celle des offi-
ciers publics qui fignent pour elles : & l'engage-
ment en religion pourroit-il être réel & jugé tel,
lorfqu'on ne voit pas l'exprsfflon de la volonté du
religieux dans la formule de cti engagement ? Il
n'y a réellement pas d'autres moyens de certitude
dans cette matière.
Auffi les lois des princes , celles de l'églife , les
lois étrangères, comme les lois nationales , les
lois même propres à l'ordre deCîteaux, fe réunif-
fent pour exiger cette fignature, comme la feule
preuve authentique d'une Profelfion réellement
confommée. Les canons du concile de Tours, tenu
en 1 583 , du concile de Bourges , tenu l'année fui-
vante , exigent cette fignature. Per abbatem ipfum-
que voventcm ,Jîgnan mandamus , porte le con-
cile de Tours ; Se le concile de Bourges , plus at-
tentif encore , veut qu'il y ait entre les mains de
l'évêque un regiftre où les Profeffions foient infi-
nuées.
La règle de faint Benoît , qui eft la loi de l'ab-
baye d'Orval , renferme les mêmes difpofitions.
Novitius Jignumfaciat.herïtuQÏ de Cîteaux , livre
6, chapitre 4 , les renouvelle & les confirme : il
ordonne que la Profefîion foit écrite fur un papier
( car le parchemin prête trop aux altérations ) , &
fignée de la propre main de celui ^ui fait fes vaux ,
avec fon nom&' furnom. Enfin le décret folennel du
chapitre de Cîteaux , en 1672 , exige expreffément
la fignature fur la formule de ProfefTion , ad calcem
formula Profejfwnis fuhfcripta à novitiis profittnti-
bus ; & de plus , « ordonne qu'il f©it tenu dans
chaque
PROFESSION MONASTIQUE.
*> chaque inaifon un regiftre fiir lequel foient por-
» tees toutes les Profelfions qui feront foufcrites
J> en outre de l'abbé ou autre qui les recevra, des
» parens & des témoins t).
Après des lois fi précifes , fi folennelles , une
formule qu'on prétendoit écrite par Balthafar Caf-
tille , & qui n etoit fignée ni de lui ni de perfonne ,
pouvoit-elle être regardée comme une vraie Pro-
itflion ? Sachant écrire , auroit-il fait une fimple
croix ? Ayant écrit tout l'aile , & voulant réelle-
ment faire Proftflîon , n'auroit-il pas appofé à cet
a61e , par fa fignature , le fceau , le caraflère , le
feul témoignage de fa volonté? Cetade, tranfcrit
fur le rtgiftre , n'y avoit pas été figné davantage.
Efl-ce ainfi qu'on enchaîne des hommes par d'in-
diffolubles liens ? Loin de nous , difoit-on , ces
étranges hypothèfes oi; on fe joue ainfi de la li-
berté humaine , au point de la faire dépendre du
plus informe des asfles , ou plutôt d'un écrit qui
n'eft pas même un aile. La toi, les tribunaux ne
connoiffent ni les préfomptions, ni les conjedures ,
il leur faut des preuves, & ici on n'en apperçoit
aucune. Encore une fois ; une formule de vœu ,
écrite dans un moment de ferveur , fi on veut , ou
d'aliénation , ou de furprife , ou d'erreur , n'cfl
point un engagement , tant que , par défaut de
fignarure, elle efi rcftée fimple projet ; & de cette
formule à l'engagement formé & prouvé par la
fignature feule , il y a la même diftance que du no-
viciat à la ProfelTion.
Ainfi parloit le dèfenfeur de la dame de Launay.
M. de la Briffe , avocat général , mit fes raifons
dans un nouveau jour. Si Balthafar Caftille , dif:;it
ce magiftrat , fe préfentoit aujourd'hui devant
vous , non pas pour réclamer contre la validité de
fes vœux, mais pour nier qu'il eût fait ProfelTion ;
fi , pour l'en convaincre , les religieux lui reprc-
fcntoient un aâe qui ne fût figné de perfonne, un
regirire qui ne fût figné de perfonne , pourriez-
vous le précipiter dans le cloître? Quand il con-
viendrort qu'il a écrit de fa main une formule de
vœux, que pourroit-on en conclure ? Qu'il a pro-
noncé des vœux , qu'il eft religieux ? Mais l'aiîle
qu'un particulier copie fans le figner , ne l'engage
point à l'exécuter. C'eft , diroit Cailille , parce que
j'ai écrit cette formule de ma main fans la figner ,
parce que ni moi ni perfonne n'avons pas plus
ligné fur le regiftre , qu'il eft évident que je n'ai
jamais fait Profeffion ni faitufage de cette for-
mule , puifque la règle même & les lois fpéciïles
de l'ordre me prefcrivoient , à moi qui aurois
voulu l'embrafTer , à vous qui m'y auriez reçu , de
la figner. Mais fi Balthafar Cailille fe préfentoit
comme forti du monaftère depuis vingt-fixans,
comme marié publiquement depuis lept ans, pour-
riez-vous , fur de tels aiHes , déclarer fon mariage
nul, fon union facrilége, & ne voir en lui qu'un
apoftat ? — On oppofe i'ufage particulier de l'ab-
baye d'Orval : mais quelles font les preuves de
cet ufage abufif ?.... D'ailleurs , on convient qu'il
Tome XIII.
PROFESSION MONASTIQUE. 76^
a fini en 1716, & qu'à cette époque on a obligé
tous les nouveaux profès de l'abbaye d'Orval de
figner les aéles d'émiffion de leurs vœux. D'après
cela, pour que la Profeffion de Caftille eût quel-
que ombre de certitude, il faudroit donc être sûr
de fa date. Si cette formule de vœux eft d'un temps
pollerieur à 1716 , Caftille ne s'efl donc pas en-
gagé ; car alors on fignoit tous ces adtes. Or , la pré-
tendue date de 1 714 eft en chiffres dans la formule
qu'on rapporte ;& de ces chiffres , les deux unités
offrent une forme fingulière , 6c qui femble ne fe
trouver dans les deux que parce qu'elle eft nécef-
faire à l'autre ; fans quoi on liroit peut être 1724.
Elle eft placée dans un endroit où le parchemin eft:
viiiblement gratté & corrodé ,& où on lit encore
le nom de l'abbé qui devoit exifter alors. — Li
durée même du fejour de Caftille dans l'abb.Tye
d'Orval , n'eft donc pas certaine , & la poffeft*iOfi
de dix années , dont les religieux fe font un moyen ,
leur échappe encore par l'altération vifible de
cette date fi importante.
Par arrêt du 7 feptembre 1763 , rendu après
une piaidoierie de huit audiences âc un délibéré ,
le grand confeil , vengeant à- la fois les outrages
faits à Balthafar Caftille & à fon époufe, & jugcanc
par conféquent que le premier n'avoir point été
religieux , « condamne la partie de Doulcet( abbé
" de Clairvaux ) ù 30000 1. de dommages intérêts
>» envers Catherine-Penchet , l'une des parties de
» Gerbier ; condamne en outre ladite partie de
» Doulcet à pareille fomme de 30000 1. de doni-
" mages-intérêts envers les parties de Gerbier , fti-
'» pulant pour Reine Michclie Caftille ; de laquelle
» fomme de 30000 1. fera fait emploi au profit de
'» ladite Reine Michelle Caftille. Faifant droit fur
>' les conclufions du procureur général , ordonne
» que l'abbé de Clairvauxik tous les fupérieurs de
>' l'ordre de Cîteaux feront tenus de faire exécuter
» la définition du chapitre général dudit ordre de
» l'année 1672 , au fujet des fignatures fur les re-
» giftres & au bas des aétes.d'tmùfion des vœux ,
" tant des novices que du fupérieur qui reçoit les
» vœux, 6c des témoins : ordonne pareillement
» que les ai^es d'émiflion des vœux qui feront mis
» fur l'autel par les novices , (eront écrits furpa.^
'» pier,& non fur parchemin, 8c que les dates
n des jours , mois 8c ans defdits aftes , feront
'> «crites en toutes lettres 6c non en chiffres : per-
» met aux parties de Gerbier de faire imprimer le
» préfent arrêt aux frais de la partie de Doulcet,
5> jufqu'a concurrence de cent exemplaires : con»
j> damne la partie de Doulcet à tous les dépens ».'
'V. On peut conclure de tout ce que nous avons
dit jufqu'à préfent, que la Profeffion monaftique
ne pourroit pas fe prouver par téraoins. C'eft ea
effet ce qu'a jugé un arrêt du parlement de Greno-
ble du 7 avril 1661 , entre le feigneur du Puy-
faint-MartJn , & le baron de la Garde : on voit
dans Chorier fur Guy-Pape , page 18' , 6c dans
Baffet , tome 1 , livre i , titre ^ , cî.aoitre ao , qu'ij
E e e e e
770 PROPESSION MONASTIQUE.
a été rendu au fujet d'une Profeflîon dans Tordre
de Mahhe. Bardet en rapporte un femblable du
parlement de Paris , en date du 4 décembre 1629.
Cette jurifprudence admet cependant Quelques
exceptions. Voyez les articles Légitimité, Ma-
riage , Etat, Filiation , Nom : les principes
font les mêmes fur ces matières que fur rémilTion
des vœux.
§. IV. y4 qui appartient le pouvoir de connoître de
la validité ou nullité des vœux monajliques ?
Cette queftion doit être confidérée fous deux
rapports , favoir , des juges laïcs aux juges d eglife,
& des juges eccléfiaftiques féculiers aux fupèrieurs
réguliers des monaftères,
1. Le vœu folennel intéreffc autant l'état que
réglife, 6c, par cette raifon , il devroit être fou-
mis à l'autorité fimultanéc des tribunaux féculiers
& des juges eccléfiafliques. Cependant , comme le
lien fpi rituel 6l l'obligation de confcicnce qu'il
renferme , en font le principal , & que fes ii>fluen-
ces fur les eflets civils n'en font que l'accefToire , il
a paru jufte d'en lailTer la connoiiTance à l'églife.
On fait d'ailleurs que la diftinélion du vœu funple
d'avec le vœu folennel , & la perpétuité de celui-
ci , ont été établies dans un temps où la puiffance
eccléfiaftique étoit fort étendue ; & on font qu'une
fois faifie d'une juridi<51ion entière fur ces objets ,
elle a dû la conferver fans peine & fans ellorts.
Les ordonnances mêmes de nos fouverains la lui
ont toujours confirmée. Celle de 1539 y eft pré-
cife, & l'aràcle 54 de l'édit de 1695 en renouvelle
ccpreflément la difpofition. Voici comme il eft
conçu : « La connoiflance des caufes concernant
M les facremens , les vœux de religion , l'office di-
» vin , la difcipline eccléfiaftique , 6c autres pure-
f> ment fpirituelles , appartiendra aux juges d'é-
» glife. Enjoignons à nos officiers ècmème à nos
)> cours de parlement, de leur laiffer 6c même ds
j) leur renvoyer la connoiflance des affaires de
n cette nature ».
Il y a cependant un cas où les cours fouveraines
peuvent en connoître; c'eft lorfqu'il y a un appel
comme d'abus porté devant elles : ceci arrive
quand il fe trouve dans la Profefîion des nullités
fondées fur les canons ou les ordonnances ; car les
officiers laïcs font les protefteurs des uns , 6c les
exécuteurs nhs des autres. Auffi l'article cité de
l'édit de 1695 ajoute-t-il à fa difpofition l'excep-
tion fuivante : «hSi ce n'eft qu'il y eiJt appel comme
« d'abus interjeté en nofdites cours de quelque
y> jugement, ordonnance ou procédure faite fur
« ce fujet par le juge d'églife ».
François le Jariel s'étant pourvu à l'officialité
du Mans contre les vœux qu'il avoit prononcés
dans l'ordre de faint Benoît avant l'âge de feîze ans ,
fut déclaré non-recevable dans fa demande en en-
térinement du bref qu'il avoit obtenu à Rome. Il
interjeta appel comme d'abus de la fentence, 6c le
7 juillet 1682 , il obtint, furies condufions de M.
PROFESSION MONASTIQUE.
l'avocat général Talon , un arrêt qui porte : « La
» cour.... dit qu'il a été mal , nullement 6c abufi-
V vement procédé , ftatué 6c ordonné ; déclare
» nulles les deux Profeffions de l'appelant faites
» contre les ordonnances , en conféquence le rend
)» capable des effets civils ». Les agens généraux
du clergé fe font pourvus en cafl'ation contre cet
arrêt; leur moyen étoit que le parlement devoir
fimpiement dire qu'il y a abus, fans aller julqu'à
déclarer les vœux nuls. Sur leur pourfuite , le
confeil a rendu, le 3 juillet 1685, un arrêt dont
voici le difpofitif : « Le roi en Ton confeil, faifant
» droit fur le tout, a caffé 6c annullé, cafle &
» annulle ledit arrêt du parlement de Paris du 7
" juillet 1682 , en ce que par icelui ledit François
» le Jariel eft rendu capable des effets civils ; fait
I» fa majefté dêlenfes audit le Jariel de fe fervir
» dudit arrêt en ce chef, fauf à lui à fe pourvoir par
» appel fimple pardevant les juges fiip'rieurs ec-
» ciefiaftiques , fur la prétendue nullité de fes
i> vœux , ainfi qu'il avifera bon être : enjoint fa
» majefti auxdits juges eccléfiaftiques de juger ledit
» appel conformément à l'article 28 de l'ordon-
» nance de Blois , 6c au furplus fera ledit arrêt
» exécuté félon Ta forme 6c teneur ».
Il y a, fans contredit, trop de fubtilitê dans
cette décifion. « Je ne vois pas , dit Denilart , fur
» quel fondement un arrêt qui avoit déclaré nuls
j> 6c abufifs des vœux faits avant feize ans , contre
» la difpofition des ordonnances , a pu être caffé ;
)) puifque dès que le roi peut , par fes ordonnan-
» ces , empêcher que des vœux ne foient faits
» avant un certain âge , le parlement , à qui l'exé-
» cution des ordonnances eft confiée , peut 6c doit,
» par une conféquence néceffaire , déclarer nuls
» Ik. abufifs les vœux faits prématurément avant
» l'âge prefcrit par les ordonnances i>.
L'édit ùa mois de mars 1768 confirme cette opi-
nion , 6c l'érigé en loi expreffe : « Voulons , porte-
» t-il , que les Profeffions qui feront faites avant
» ledit âge , foient déclarées nulles 6c de nul ef-:
j) fet , par les juges qui en doivent connoître ,
» même déclarées par nos cours de parlement nul'
Il hmeni & abufivement faites , fur les appels comme
» d'abus qui pourroient être interjetés en cette
» matière ».
On remarque le même efprit dans deux arrêts
du grand confeil des 7 avril 1700 6c 6 juin 1706.
La nommée RoncKivolle fe prétendoit religieufe
profeffe de l'abbaye de Salles , dépendante de
l'ordre de Cluni. Une ordonnance des fupèrieurs
réguliers, du 14 feptembre 1699 , ayant déclaré
fa Profeffion nulle , elle s'en rendit appelante
comme d'abus. De leur côté , les religieufes de Sal-
les 6c le procureur général de l'ordre de Cluni in-
terjetèrent un femblable appel d'une ordonnance
du vifiteur du 3 1 mai précédent , qui avoit commis
un certain Don Perreau , pour recevoir la Profef-
fion de la RonchivoUe , enfemble de tout ce qui
s'en étoit enfuivi. Par le premier des arrêts cités ,
PROFESSION MONASTIQUE.
le grand confeil , « en ce qui touche l'appellation
»> de la Ronchivolle , dit qu'il n'y a d'abus ; & en
« ce qui touche les appellations des religieufes de
j> Salles & du procureur général de l'ordre de
» Cluni , dit qu'il y a abus ».
Au mois d'avril 1706, la Ronchivolle obtint
en cour de Rome un bref appellatoire de l'ordon-
nance du 14 feptembre 1699: les religieufes de
Salles appelèrent comme d'abus , tant de l'obten-
tion que de l'exécution de ce bref. Il forme , di-
foient-elles , un attentat à l'autorité des cours fou-
yeraines; on ne peut fe pourvoir pardevant les
juges d'églife ni à Rome pour faire juger de nou-
veau ce qu'elles ont déclaré abufif. La Profeffion
de la Ronchivolle eft déclarée nulle par l'arrêt du
7 avril 1700 , il ne refte donc plus rien à juger.
On répondoit pour la Ronchivolle : Que de-
mande-t-elle ? Qu'il lui foit permis de prouver par
les voies de droit que fa Profeffion eA valable ;
l'arrêt n'a rien préjugé à cet égard. A la bonne
heure qu'il y ait abus dans l'ordonnance du vifi-
teur , & qu'il n'y en ait point dans l'aftc qui caffe fa
Profefiîon ; il ne fuit pas delà que fa Profeffion
foit nulle. Elle a été reçue par don Perreau , qui ,
en qualité de prieur , avoit un pouvoir fuffifant ;
celui que le vifiteur lui a donné étoit inutile. L'ar-
rêt a jugé feulement que cette ordonnance , dont
le prieur n'avoit pas befoin , emportoit avec elle
un caraâère de contravention ; mais il n'a pas en-
rendu priver fœur Ronchivolle de l'appel fimple.
Il faudroit qu'on montrât une demande précife ,
un appel comme d'abus formellement interjeté de
fa Profeffion. Or , perfonne n'avoit interjeté cet
appel ; la Profeffion eft reftée dans fon entier ; le
grand confeil n'étoit pas en état d'y ftatuer , non-
leulement parce qu'il n'eft pas juge de ces caufes
purement eccléfiaftiques , mais parce qu'il n'y
avoit pas de demande.
M. Benoît de Saint-Port , avocat général , dit :
M Le point décifif eft que , lors de l'arrêt de 1700 ,
» les religieufes étoient appelantes comme d'abus
« de l'ordonnance du vifiteur, & de ce qui s'en
'> étoit enfuivi; or, la Profeffion étoit ce oui avoit
» fuivi, & ce qui par conféquent étoit compris
» dans l'appel comme d'abus. Si le confeil avoit
M dit qu'il y a abus dans l'ordonnance du 30 mai ,
M on pourroit infmuer que le confeil n'a pas jugé
» la Profeffion ; le confeil prononce, en ce qui tou-
y> che les appellations , le confeil dit qu'il y a abus,
M c'eft-à-dire dans l'ordonnance &. dans la Profef-
« fion. D'ailleurs , cette Profeffion étoit radicale-
>> ment nulle ; il n'y a point d'émiffion de vœux ;
» il faut qu'elle foit écrite fur le regiftre de la com-
w munauié. Après une meffie conventuelle , on
M fait un procès-verbal d'une Profeffion êmife ;
« c'eft-là la forme. Le confeil peut bien penfer
ï> que s'il n'y avoit pas eu un appel comme d'a-
» bus , nous n'aurions pas manqué de l'interjeter
» d'office 11.
Sur ces réflexisns , arrêt du 6 juin 1706, qui
PROPESSION MONASTIQUE. 771
dit qu'il y a abus dans l'obtention & exécution du
refcrit; condamne la Ronchivolle aux dépens. On
trouve dans Brillon tous les détails de cette affaire.
Quelques auteurs prétendent que les cours fou-
veraines font tellement reftreintes , en cette ma-
tière , au feul pouvoir de dire qu'il y a ou qu'il n'y
a {as abus, qu'elles ne peuvent , en confirmant de
cette manière une Profeffion , enjoindre aux reli-
gieux dont elles profcrivent la réclamation , de fe
retirer dans fon couvent; c'eft ce que penfe entre
autres le célèbre d'Héricourt. Après avoir cité l'ar-
rêt du confeil du 3 juillet 1685 ' rapporté plus
haut, il ajoute: « C'efl pourquoi quand il y a un
» appel comme d'abus d'une fentence d'officialité,
» qui déclare nulle une Profeffion , le parlement
» ne peut rien faire autre chofe , que de dire qu'il
" y a abus , fi la fentence efî abufive , & renvoyer
» les parties devant le juge eccléfiaflique , pour
» obliger le religieux à rentrer dans fon cloître ».
Cette doflrine a même été fuivie au parlement
de Paris lors de l'arrêt du 11 janvier 1706 , dont
nous avons rendu compte ci-devant , d'après Au-
geard. « Il faut remarquer , dit cet auteur, que la
» cour n'ordonne point que frère le Loyal ren-
i> trera dans fon couvent , quoique l'avocat de»
" appelans l'ait demandé avec inrtance après la
'» prononciation de l'arrêt. M. le premier préfjdent
" de Harlay dit que l'édit de 1695 , concernant la
" juridiflion eccléfiaflique , ne donnoit pouvoir
» aux juges laïcs que de juger l'abus , & qu'il fal-
'> loit le pourvoir pardevant le juge eccléfiaflique,
» pour obliger le religieux de rentrer dans foa
» cloitre )>.
Il y auroit bien des chofes à dire fur cette jurif-
prudence : nous nous contenterons d'obferver
qu'elle n'efl plus fuivie. Dés le 30 août 1706 , c'efl-
à-dire fept mois & demi après l'arrêt que nous
venons de rapporter , il en elt intervenu un autre ,
dont nous avons déjà parlé , §. 1 , n^. 8 , & qui
porte : « Notredite cour , faifant droit fur l'appel
» comme d'abus , dit qu'il a été mal , nullement &
j) abufivement impètré & exécuté ; en conféquence,
» fans avoir égard à la requête de la partie de Lor-
3) delot ( religieux réclamant ) , lui enjoint de re-
)i tourner à la maifon où il a fait Profeffion , pour
» y vivre fous l'obéifTance de fon fupérieur , &
» fuivant la règle ».
Denifart nous en fournit un autre rendu le ij
juin 1744 fur les conclufions de M. l'avocat géné-
ral Gilbert, par lequel la cour a déclaré qu'il y
avoit abus dans une fentence de l'official de
Meaux , <t & a renvoyé le réclamanti dans (on
" couvent, pour y vivre fous l'obéiffance de fes
» lupérieurs, avec injonftion au gardien de le re-
» cevoir,fauf au fupérieur majeur à indiquer un
->:> autre couvent , s'il le jugeoit à propos ».
L'arrêt du 16 avril 1764 , que nous avons déjà
cité , ne dit pas feulement qu'il n'y a point d'abus
dans les vœux du génovéfain Lelièvre , il lui en-
joint encore « de fe retirer, dès le lendemain de
E e e e e ij
771 PROFESSION MONASTIQUE.
>) h fignification de l'arrêt , dans rintérieur de la
» niailon régulière de fainte Geneviève ne Paris ,
ri pour y vivre dans l'obCervance de la règle &
»> fous l'autorité de fes fupérieurs ; à la charge par
>) eux, fuivant leurs offres , de le traiter charita-
î) blement & fraternellement , d'en certifier la
3> cour de trois mois en trois mois , & de ne le
» pouvoir transférer dans une autre maifon , juf-
ï5 qu'à ce que par la cour il en eût été autrement
3> ordonné )>.
Un autre arrêt du 6 feptembre 1770 , dont on
parlera ci-après, en déclarant qu'il n'y avoir abus
dans les vœux de frère Belavoine, religieux Feuil-
lant , lui a pareillement enjoint de fe retirer dans
fon monaftére.
Ces quatre arrêts ne font môme que renouveler
l'ancien ufage. Fevret rapporte im arrêt du 24 fé-
vrier 1624 > " donné fur les conclufions de M.
» l'avocat général Servin , par lequel il fut dit
V qu'il avoii été mal , nullement & abufivement
» fulminé , expédié & prononcé , tout ce qui
>» avoit été fait , calTé , 64 ordonné que le religieux
I' feroit réintégré en fon monaflère , pour y vivre
V félon fon vœu & Profeffion monaflique ".
On trouve da.is le même auteur un arrêt du 6
février 1645 , qui , en prononçant fur une difpenfe
de vœux accordée à fœur Louife d'Anthail , <« dit
r qu'il a été m.il , nullement & abufivement exé-
« cuté , difpenfé & procédé : ordonne que ladite
« d'Anthail fera conduite aux Magdelonnettes du-
3> dit Paris, pour y finir fes jours ".
Fevret ajoute que « les cours fouveralnes , fur
5) les appellations comme d'abus émifes par les
» parens , de la fulmination des refcrits obtenus
») de Rome par les religieux qui défirent pourfuivre
M lacaff^tion & annuUation de leurs vœux, pro-
r noncent leurs arrêts le plus fouvent en cette
» forme : qu'en ce qui concerne la fulmination du
» refcrii dijpenfatifdu vœu > il a été mal & abujlve-
» ment exécuté , difpenfé & procédé^ & que Us reli-
» gieux front conduits en leurs monafleres & rendus
M à leurs fupérieurs Ji.
Il y a un cas où les juges laïcs , même inférieurs ,
connoifTent indiftinâement de la validité ou nul-
lité des vœux mona<!iques : c'ert , comme l'or-
donne l'article 24 de ledit de 1695 , lorfqu'il u s'a-
« git d'une fucceflîon ou autres effets civil*, à
ï) l'occafion defquels on traite de l'état desperfon-
ji nés décédées , ou de leurs enfans ".
II. Sur la queflion de favoir à quelle forte de
juge eccléfiaftique appartient la connoifi^ance de
la validité eu nullité delà Profeffion religieufe , il
faut difiinguer fi cette Profeffion eft attaquée par
celui même qu'on prétend l'avoir faite , & qui
par conféquent veut rentrer dans le fiècle , ou fi
au contraire ce font les chefs ou les membres du
monaftère gui le fouticnnent mal engagé, & veu-
lent le faire fortir du cloître.
Dans le premier cas , l'inftruiSion & le juge-
ment du procès appartiennent conjointement, &
PROFESSION MONASTIQUE.
à Tofficial du diocèfc 011 le nionaflère eft fitué , &
au fupérieur régulier du profês réclamant. Ceft la
difpofition expreffe du concile de Trente , feâîon
25, chapitre 19 , «/^ regularibus ; en voici la tra-
duciion :<( Tout régulier qui prétendra avoir pro-
» nonce des vœux,foit par crainte & violence,
» foit avant l'âge^ requis , ou qui élèvera quelque
" autre conteftation femblable, & qui voudra dé-
" pofcr l'habit religieux pour quelque caufe que
» ce foit..„ , ne fira point écouté.. ., s'il ne déduit
» fes raifohs devant fon fupérieur & l'ordinaire ».
Quoique le concile de Trente n'ait point été
reçu en France quant à la difcipline , on ne laiife
pas d'y ohfcrver ce règlement ; & il n'y a aucun
exemple bien conftaté , qu'on ait autorifé une pro-
cédure en cette matière par le fupérieur régulier
fenl.
En 1631 , le provincial des cordeliers de Laval
déclara nul le vœu fait par un de fes religieux
avant l'âge de feize ans, & lui permit de rentrer
dans le monde. La mère & quelques antres pa-
rens du profès en appelèrent comme d'abus ; &
par arrêt du 6 mars 163 1 , « les parties furent mi-
» fes hors de cour & de procès, fans néanmoins
» que l'arrêt pût être tiré à conféquence pour ce
» qui eft de la juridiftion ». Ce font les ternies du
rêda6)eur du journal des audiences.
En 1635 , François Gugnay , religieux de l'or-
dre de Prèraontré, obtint du délégué de fon géné-
ral une fentence qui déclaroit fa Profeffion nulle
& le re/lituoit au fiècle. Ses frères interjetèrent
appel comme d'abus de ce jugement ; & après que
les avocats des parties eurent développé leurs
moyens , M. l'avocat général Talon obferva que
la caufe de l'intimé paroiflbit bien fondée au prin-
cipal, mais que dans la forme il y avoit deux dé-
fauts efiTentieîs ; que d'abord , on n'avoit ni affigné
ni entendu les plus proches parens , « lefquels
» ont grand intérêt que celui qui une fois cft en-
» tré en la religion, & qui par ce moyen a quitté
» fes droits héréditaires , ne rentre pas au fiècle
» pour y bouleverfer les famille? ...» ; qu'en fé-
cond lieu , « s'il ètoit permis aux fupérieurs d'un
» ordre de déclarer nuls les vœux de leurs reli-
n gieux , ainfi que bon leur fembleroit , cela fe-
n roit d'une conféquence fort périlleufe , & pour-
» roit caufer un grand défordre en toutes les fa-
i> milles qui ont des enfans ou des parens en reli-
w gion ». Par arrêt du 12 juillet 163^ , la cour,
dit Bardet , déclara « qu'il avoit été mal , nullement
» & abufivement procédé & ordonné ; fauf à l'in-
»> timé à f e pourvoir ainfi qu'il verra être à faire
» par raifon , f>it pardevant roff.cial ou autrement y
» & fauf à fe fervir des ades & preuves déjà faites
» au procès ». Cet arrêt n'eft , comme on voit ,
ni conforme, ni contraire au concile de Trente :
il laifle indécis le point de difcipline que cette af-
femblèe a réglé d'une manière pofitive.
Il y a dansBriUon un arrêt du grand confeil du
4 feptembre 1721 , qui eiî plus précis: Anne-
PROFESSION MONASTIQUE.
» UiTulc Maillet fut reçue le 6 juin 1701 dsns
M l'abbaye de Villancourt, pour fille de chœur ,
« pour faire fes vœux de Profeiîxon le lendemain ,
» pour y vivre & mourir comme les autres reli-
» gieufes. — En 17 11, elle fortit de cette maifon
» religieufe , fur le fondement qu'elle n'avoit ja-
w mais fait de vœux ni de Profeflion dans l'ordre,
M Si. demanda à rentrer dans la fiicceffion de Ton
« père & de fa mère. — Quatre mois après, cette
»> demande fut portée pardevant le juge royal
M d'Abbeville, L'abbefîe de Villancourt rendit
« plainte au fupérieur régulier contre Anne-Urfule
» Maillet , entre autres de la fouftradion de {on
w a61e de Profeilîon. — Le fupérieur régulier in-
» forme contre elle , 8c la décrète de prife de
»• corpj. — Appel comme d'abus de cette procé-
r> dure au grand confeil. — Les gens du roi con-
»» clurentà ce qu'il fût dit qu'il y avoir abus fur
5> deux principaux motifs ; le premier , en ce que ,
M fi les fupérieurs réguliers connoiiïbient de la
»» validité ou exiftence des vœux de leurs reli-
M gieux , ils feroient juges dans leur propre caufe ;
n le fécond , en ce qu'il y auroit entreprife fur la
» juridiiSlion des ordinaires , & oppreiîlon des
») fojets du roi. — Ainfi jugé par arrêt du grand
V confeil du 4 feptembre 1711».
Dans le fécond cas , c'eft-à-dire , lorfque c'eft
le monaflère qui veut expulfer le religieux mal-
gré lui , la quetîion efl fujette à plufieurs difficul-
tés qui font très-bien expofées par Fagnan fur le
chapitre nulius , aux décrétales de regularibus.
Le concile de Trente, dit il , n'ordonne l'ad-
joni^ion de l'ordinaire au fupérieur régulier, que
pour juger les réclamations des religieux qui pré-
tendent n'être point engagés valablement ; & on
peut d'autant moins étendre fa difpcfition au cas
d'un religieux qui charche à fe maintenir forcé-
ment dans un monaftère , qu'elle contrarie vifi-
blement les principes du droit commun. En effet ,
un fupérieur régulier n'a pas befoin du concours
de l'évèque pour admettre un novice à la Profef-
{jon ; pourquoi ce concours feroit-il néceifairc
lorfqu'il s'agit d'expulfer un homme qui a fait une
ProfefTion nulle ? N'eft-ce pas une règle de droit,
que chaque chofe fe dilTout par les mêmes caufes
qui lui ont donné l'être .'' D ailleurs, il eft certain
qu'une ProfeiTion nulle doit toujours erre confi-
dérée comme non avenue , & que celui qui l'a
faite n'eft pas d une autre condition que s'il n'a-
voit prononcé aucun vœu : c'eft le concile de
Trente lui-même qui nous l'apprend, fe61ion a 5 ,
de regularibus ^ chapitre 17 '■ ProÇeJJio auiem anteà
fa&J fit nulla , nuliamque inducat obligationem ad
alicujus reguliZ , vel rdigionis , vel ordinis obferva-
tionem , aut ad alios quofcuriKjue effedui. Or , on eft
obligé de convenir que le fupérieur régulier peut
expulfer, fans la participation de l'évèque , le no-
vice qui n'a point encore fait ProfefTion ; il peut
donc en ufer de même par rapport au novice qui
a fait une ProfeiTion nulle. Telle eft au refte Topi*
PROrESSîON MONASTIQUE. 775
nion du célèbre Navarre , confeil §7 , de regu-
laribus.
Néanmoins, continue Fagnan , il faut dire que
le fupérieur régulier ne peut annuller , fans le
concours de l'ordmaire , la Profeffion d'un reli-
gieux qui ne réclame pas. Il eft de principe , qu'une
loi nouvelle, qui ei\ favorable par elle-même, 6c
qui ne fait que remettre en vigueur le droit ancien ,
doit être appliquée aux cas femblables à ceur
qu'elle a prévus. Or , 1°. point de doute que la
difpofition dont il s'agit ne foit digne de la plus
grande faveur, puifqu'elle tend à rendre plus dif-
ticile l'expulfion d'un religieux qui a cru de bonne
foi s'engager pour toujours dans un monaftére.
2", On ne peut également difconvenir qu'elle ne
foit conforme à l'ancienne difcipline de l'églife ;
témoin le concile tenu à Meaux en 84^, fous le
pape Sergius II , qui fait les plus exprefles défen-
fes aux fupérieurs réguliers d'expulfer leurs reli-
gieux fans la participation de l'évèque diocéfain :
C/t monachus de monajlerio fine confultu , vel prtzfen-
tiâ epifcopi aut vicarii ejus ad hoc regularittr dedufîus
non ejiciatur, cujus difpofiiione & autoritate de cetera
VI ta & converfaùo ejeHi , ne perdit us perpétua fi^t , fi
aliquû modo falvari potefl , ordinari débet atque de
cerni (1). 3". Enfin il eft inconteftable qu'il y a
pour la nécefTité de l'adjonâion de l'ordinaire ,
une parité abfolue de raifon entre le cas du reli-
gieux qui réclame contre fa Profeflion , & le cas
du religieux qu'on veut chafler malgré lui. Cette
adjonction eft requife dans l'un , parce que le fu-
périeur régulier eft fufpea, tant à caufe de l'inté-
rêt de l'ordre , qu'à caufe du fien particulier, & de
la part qu'il eft cenfé avoir eue à la ProfeiTion du
léclamani. Elle eft néceftaire dans l'autre, parce
que les monaftéres font naturellement portés à
fe défaire des membres qui leur font inutiles & à
charge , foit par une fanté foible & languiffan'* ,
foit par un caraâère rebelle.
Fagnan ajoute que cette opinion a été adoptée
par la congrégation des cardinaux interprètes du
coneile dt Trente, & que le pape Urbain VIII l'a
approuvée affez clairement par fon décret du ic
janvier 1636.
Elle eft^ pareillement reçue en France. Un des
moyens d'abus que fit valoir M. l'avocat général
Talon lors de l'arrêt du 16 juin 1626 , rapporté
ci-devant, §. i , n°. 8 , étoit, qu'il a n'apparte-
)> noit pas aux provinciaux des ordres de difpen-
1» fer les religieux des vœux par eux faits, & les
»» déclarer nuls ; mais qu'il falloit fe pourvoir au
» pape, obtenir commiffion adreftante à un évê-
I» que des lieux , pour informer de l'état de la per-
» fonne du religieux; qu'autrement il feroit dans
» leur pouvoir de chalTer quand ils voudroient
» ceux qui ne leur feroient point agréables, ce
» qui iroit à troubler l'état des familles par des
(i) Cap. 55, tgme 3 , concilier, part, i, feff, j, pas»
JJl ,C0l. Il
774 PROFESSION MONASTIQUE.
i> demandes de partages & de fucceflions ».
Jl paroît cependant que Tordre de Cluni a là-
dcffus des ufages & des privilèges particuliers. C'eft
ce qu'annoncent trois arrêts du grand confeil rap-
portés par Brillon. Le premier eft du lo décembre
1657. Il s'agiflbit de la validité de la Profeffion que
le nommé Confiant avoit faite dans l'abbaye de
Montierneuf. Les religieux l'attaquoient par appel
comme d'abus , fur le fondement qu'ils n'avoicnt
point été appelés capitulairement à la réception du
novice. Dom Claude de Beaulieu , procureur gé-
néral de l'ordre , intervint , & conclut , « à ce que ,
» faifant droit fur fon intervention , la connoif-
» fance des chefs du procès concernant la difcipline
» & obfervance régulière, fût renvoyée pardevant
« le fupérieur général, pour y être fait droit fuivant
» les faints décrets , régies & conftitutions de l'or-
« dre )>. Telle étoit la demande ; voici l'arrêt : « Et
w ayant aucunement égard à l'intervention & re-
M quête dudit de Beaulieu , notre confeil a ordonné
»» & ordonne que fur l'appel interjeté de la Pro-
» feiTion dudit frère Confiant , les parties fe pour-
n voiront pardevant ledit abbé de Cluni , leur fu-
>» périeur ?>.
Le fécond arrêt cft celui du 7 avril 1700 , que
nous avons déjà cité. La fœur RonchivoUe étoit
appelante comme d'abus d'une ordonnance des vi-
caires généraux du cardinal de Bouillon , abbé de
Cluni , qui avoit déclaré fa Profeffion nulle. Par
l'arrêt, il fut dit qu'il y avoit abus.
Le troifième arrêt cft du 12 mai 1703. Le frère
Fournier avoit fait, dans l'abbjye de Montier-
neuf, une Profeffion qui étoir attaquée par une
partie de la communauté. La caufe portée au grand
confeil , dom Picbufibn intervint , & en demanda
le renvoi pardevant les fupérieurs majeurs de l'or-
dre. L'arrêt dont il s'agit , « fans avoir égard à l'in-
M tervention de la partie de Cointreau ( père de
1» frère Fournier ) , ayant égard à celle de la partie
» de Brillon ( dom Rcbufibn ) , a renvoyé ks par-
i> lies de Chevalier ( les religieux ) oppofans , &
1) de Chardon ( frère Fournier ), pardevant les
» fupérieurs majeurs >?.
Prenons garde pourtant d'étendre ces arrêts hors
de leurs véritables efpèces. Ils avoient tous pour
objet des Profeffions contre lefquelles on n'allé-
guoit que des nullités fondées fur les confiltutions
de l'ordre de Cluni ; & c'eft-Ii le feul motif que
leur prête Brillon. Voici comme il s'explique fur
celui de 1657: " Comme , outre les formalités
M marquées par le concile de Trente & par l'or-
» donnance de Blois , pour rendre une Profeffion
j) valable, il y a dans les conftitutions des ordres
» reçus en France , des décrets irritans , des clau-
n fes'fans lobfervation defquelles il eft inipoffible
V que la Profeffion fubfifie , c'eft aux fupérieurs à
t> connoîtrefi leurs réglemens ont été exécutés; ils
»> font en cela les juges nécefiaires ; de là, la dif-
» pofition de l'arrêt du 10 décembre 1657 , qui
PROFESSION MONASTIQUE.
M leur confie l'examen de leurs propres confiltu-
» tions, & l'exécution de leurs ftatuts ».
Dans l'efpèce de l'arrêt du 7 avril 1700 , <( U
'> quefiion , dit le même auteur, étoit de favoir fi
" le juge régulier avoit pu déclarer une Profeffion
n nulle. Le moyen de décifion fut que dans la
» Profeffion de la fœur RonchivoUe il y avoit un
» vice radical , qui provenoit de l'inobfervation
') des chofes prefcrites par les fupérieurs ; il y
» avoit dans leur ordonnance un décret irritant ;
') ils prefcrivoient des claufes fans l'exécution
» defquelles la Profeffion ne pouvoit fubfiftcr :
» c'étoit donc à eux à connoître fi leurs réglemens
» avoient été obfervés >»,
M. l'avocat général Benoît de Saint-Port s'expli-
quoit àpeu-près de même lors de. l'arrêt du 11
mai 1703.11 obfervoit d'abord qu'il n'y avoit point
d'appel comme d'abus de la part des religieux de
Montierneuf, qui attaquoient la Profeffion de
frère Fournier, & qu'ainfi , aux termes de l'article
34 dé l'édit de 1695 , il n'étoit pas poffible que le
grand confeil en connût ; après quoi il ajoutoit :
" A la vérité, fi nous trouvions de ces nullités
» qui pufi!ent rendre nécefl"aire une appellation
» comme d'abus , & que les parties négligeafient
» de l'employer , alors nous fupplérions à la
3j forme, &: notre miniftère nous engageroit d'in-
» terjeter cet appel cemme d'abus : mais que
» voyons-nous.^ De fimples nullités, des inob-
» fervations de ftatuts ; tous les faits tombent dans
V le cas de la difcipline régulière ».
Il faut obferver que dans tous les cas où le fupé-
rieur régulier & l'official doivent procéder con-
jointemerît , celui-ci pourroit le faire feul , fi l'autre
refufoit de fe joindre à lui. M. d'Agucfieau établit
formellement cette maxime dans (on plaidoyer du
28 mars 1697, 8c l'appuie fur un arrêt rendu le 14
du même mois , conformément à fes conclufions.
§. V. Quels font le terme 6» la forme dunt kfqutls on
doit fe pourvoir contre une V rofeffion monaflique ?
I. Suivant le concile de Trente , feffion i<^ , dé
reguLribus y chapitre 19 , toute perfonne de l'un
ou de l'autre fexe qui veut faire déclarer fes
vœux nuls , foit parce qu'elle n'eft entrée dans le
monaftére que par un motif de crainte , foit pour
avoir fait Profeffion avant l'âge requis , ou pour
quelque autre raifon , doit propofer fes moyens
de nullité à fon fupérieur & à l'official diocéfain ,
dans les cinq ans , à compter du jour de fa Profef-
fion. Tous ceux qui ont laiffé paflTer ce temps fans
avoir obfervé cette formalité , ne doivent point
être écoutés ; leur filence eft regardé comme une
ratification qui forme une fin de non-recevoir in-
furmoniable.
Cette difpofition a été adoptée par les conciles
provinciaux de Rouen en 1^81 , de Tours en
1583 , de Bourges en 1584, Si d'Aix en i^S^.
« H femble , dit M. l'avocat général de Saint-Far-
PROFESSION MONASTIQUE.
»» geau , page 36 de fon plaidoyer , dans la caufe
» de René Leliévre , qu'elle ait été introdiHte à
ï» l'exemple d'une loi romaine , qui dcfendoit ,
»» après cinq ans , d'élever des queflions fur l'état
« des morts ; les religieux , dès le moment de
»» leur Proteffion , étant cenfés morts au naonde ,
» on a penfé qu'au moins, après cinq ans, ils ne
î) dévoient plus être libres de fortir des tombeaux
» où ils fe (ont enl'evelis , pour mettre le trouble
M dans la fociété dont ils font difparus ". Cette idée
efl plus ingéaieufe que folide: ce n'étoit qu'en fa-
veur des morts , & jamais à leur préjudice , que la
loi romaine , dont parle M. de Saint Fargeau , éta-
blilToit la prefeription de cinq ans. Voyez l'article
Légitimité.
Quoi qu'il çn foit , la dlfpofition du concile de
Trente a été reçu en France , & elle y efl obfcrvée
religieufement. On a prétendu qu'elle devoir être
reftreinte au cas oij la nullité de la Profeiïlon pro-
venoit d'un m.otif de crainte ou de violence ; mais
cette rellriflion étoit contraire à la lettre même du
texte que nous avons cité , & elle a été profcrite
par quatre arrêts des 3 i mars 1626, 11 août 1640,
22 mai 1647, ^ 7 "'^i 1658, que rapporte Fe-
vret , liv. 5 , chap. 3.
Le concile de Trente a prefcrit la forme dans
laquelle on doit faire la réclamation dans les cinq
ans. Il faut, dit il, qu'elle foit portée devant le
fupèrieur régulier & l'ordinaire, caràm fnpcriore &
ordinariù. Il ne fiiffit donc pas , pour interrompre la
prefeription , de faire, dans les cinq ans , une iim-
ple proteftation devant notaires, a Le mardi 6 fé-
j> vrier 1586 , dit Brillon , la cour décida qu'une
» réclamation faite par forme de proteflations , &
j) pardevant notaires , dans les cinq ans de la Pro-
» feflion , n'étoit pas fuffifante pour fuppléer la ré-
» clamation judiciaire, lorfque ces proteftations
» n'étoient point venues à la connoiiTance des pa-
« rens par aucune fignification ou fommation ».
M. favocat-général Portail a établi la même chofe
dans fon plaidoyer du 11 janvier 1706, rapporté
par Augeard. La raifon de déciJer de la forte, eîl
que les réclamations fecrètes peuvent être anti-
darées, & que d'ailleurs tout religieux pourroit en
faire une dans un moment de chagrin , pour l'em-
ployer ou la fupprimer félon qu'il fe trouveroit
difpofé dans la fuite, ce qui tiendroit la fortune de
fes parens dans une incertitude perpétuelle , & ex-
poferoit les familles à des troubles qu'il ne feroit
jamais poflîble de prévenir.
Il y a cependant un arrêt du parlement de
Dijon du :^ mars 1657, qui a mis hors de cour ,
fur l'appel comme d'abus interjeté d'une fen-
tence de l'official d'Autun , par laquelle une re-
ligieufe , qu' n'avoit réclamé dans les cinq ans
que de cerre manière clandfftine, avoir été refti-
tuée au fiècle. Mais , comme l'oàferve Fevret , une
pareille décifion ne doit pas être tirée à confé-
quence, ni l'emporter fur l'intérêt public. Elle eft
PROFESSION MONASTIQUE. 77^
I d'ailleurs d'autant plus furprenante , que le parle-
' ment de Dijon lui-même avoir précédemment jugé
le contraire dans bien des circonflances plus favora-
bles au réclamant. Ecoutons Fevret : « Jean Bercer
'> ayant pris l'habit de novice au couvent des ja-
» cobins de Langres , fortit du monaflère avant
)) d'avoir achevé l'année de {on noviciat. Nénn-
»» moins il eft admis à la Profeifion , puis il récla-
" me contre fon vœu dans les cinq ans , par aâe
" figné de fa main, qu'il fait feulement intimer au
» fupèrieur du monaflère , fans avoir obtenu au-
') cun bref de fa fainteté : il demeure encore dans
)» le monaflère fix ans après le quinqueunium cx-
» pire , 8c fept ans après ra6te de réclamation ,
» portant l'habit & vivant en religieux. A la fin ,
" il obtient un bref adrefls à l'archevêque de
■>■> Lyon , qui procède à la fulmination d'icelui ,
^i annuUe le vœu , pour n'avoir été l'an du noviciat
» continué , 6c permet à l'impétrant de prendre
» l'habit féculier. En conféquence de ce jugement,
» Berger intente adion pour faire déclarer ouvert
» un hdéicommis qu'il difoit avoir été fait à ion
» profit , 6l à lui échu pendant qu'il portoit l'habit
i> de religieux , dont étant débouté par fentence
i> du bailliage de Bourg en BrefTc , la cour confir-
» ma ledit jugement, ayant par-là préjugé que le
» refcrit dudit Berger l'avoit pu habiliter ad fpi-
■>■) r'itualïj , 6c non point ad temporalia , & qu'en-
■>■) core que perfonne n'eût débattu , foit par voie
» d'appel comme d'abus , ou autrement , fon Te{-
11 crit, toutefois ^J/^/n/Jor,î//(î , l'incapacité qui af-
» fedloit fa perfonne n'étoit pas levée ».
La doârine adoptée par cet arrêt, par celui du
6 février 1680 , & par M. Portail , efl fans doute
très-fage 8c trés-judicieufe. Cependant elle paroît
avoir été combattue par deux magiflrats célèbres
& l'arrêt du parlement de Dijon du 2-3 mars 1657
n'efl pas le feul qui l'ait rejetée.
Le 19 juillet 1631, M. l'avocat- général Talon ,
portant la parole dans la caufe d'une religicufe
qui avoit fait Profeffion en 1623, & ne s'étoit
pourvue judiciairement qu'en 1630, difoit que
» l'iniimée avoit fuffifamment réclamé dans les cinq
» ans, par les moyens de la proteflation qu'elle
>» en avoit faite en 1628 pardevant notaires 8c
» témoins. Cetade, ajoutoit-il, efl un aéle public,
j> par lequel elle a témoigné le regret & le dé-
»» plaifir qu'elle avoit de fe voir tenue par force
" & enfermée dans un couvent; Qi. il efl certain
» que fi elle avoit pu dès-lors , elle auroit aufli
» bien envoyé à Rome, comme elle a fait depuis.
» Ayant donc fait tout ce qu'elle a pu , on ne
5) lui peut rien objefler. Au principal , il y a com-
» mencement de preuve de violence , force 8c au-
ji très mauvais traitemens, exercés envers l'inti-
» mée , tels qu'on n'auroit pu le croire. Four c^t
» eôet, il y a lieu de mettre , fur l'appel comme
» d'a'iusjles parties hors de cou's 8c de procès , Se
» permettre à l'ofHclal li con'inusrion de l'cxécu-
» tion de fon refcrit». L'airêt intervenu le même
77^ PROÎ'ESSION MONASTIQL'E.
jour , a adopté ces conclufions : il eft rapporté par
Bardet.
Le 19 juin 1702, M. l'avocat-général Jofeph-
Omer Joly de Fleury , difoit que « deux circonf-
ï» tances avoient quelquefois obligé la cour de
» s'écarter de la prefcription quinquennale ; l'une ,
« fi le religieux qui allègue la violence a protefié
w pendant les cinq années par une proteflation au-
« thentique; l'autre , s'il a agi véritablement auflî-
i> tôt que la force & la violence ont cefle. Dans
»» ces deux cas , la cour a quelquefois écouté les re-
« ligieux , & a jugé que leur proteftation proro-
») gcoit_ l'aâion , & rendoit la partie recevable à
ï) juftifier la nullité de fes vœux. Mais fi le reli-
»> gieux a négligé de fe plaindre, il ne peut plus
j) être écouté. — En appliquant ces principes à Itf-
ï> pèce de la caufe, la ProfefTion de la fœur de
« Méré eft de 1688 , elle a réclamé en 1690 , elle
») a obtenu un refcrit dans la même année. En
» 1692, elle a encore fait une féconde prote/la-
j> tation; ces aéles ne peuvent être fufpects, ils
î> font partes pardevant notaires : mais ce qui en
i> uffiire la date, c'eft la fîgnification qui en a été
ïi faite à l'abbefle en 1690. Inutile de dire qu'il n'a
» pas été infinué; comme fa date cù. coudante,
») on ne peut la révoquer en doute. D'ailleurs la
y» néceflîté de l'infinuation n'eft que pour empê-
»> cher l'antidate ; ici on ne peut en préfumer Le
« concile de Trente , qui veut que la caufe foit
•> portée en juflice, n'cfï pas la loi de ce royaume ,
« les arrêts n'ont point defiré cette nécefTité ; il y
»> en a plufieurs, entr'autres celui du 25 janvier
3> 1700.
Nous avons dit plus haut que la Profc/Hon mo-
raftique ne peut pas être prouvée par témoins ; &
comme 11 eft de principe que unum quodque eodem
gentre dijfohhur tjuo coUigatum ejl , il faut, parla
même raifon , tenir pour maxime, que la réclama-
tion doit être jurtifiée par écrit , & qu'il y auroit
abus dans le jugement qui en adtnettroit la preuve
par témoins. « Ce fut, dit Fevret , la raifon pour
M laquelle Albert Lubert , fieur du Grommeraur,
» ayant émis appel comme d'abus d'un jugement
»i donné par les commiflaires délégués par refcrit
ty de fa fainteté, contenant que fesur Françoife
M Lubert , religieufe au couvent des jacobines de
» Châlons - fur - Saône , prouveroit , par témoins ,
u comme elle avoit réclamé contre fes vœux dans
»> les cinq ans du concile ; depuis, la cour de parle-
» ment de Dijon , par arrêt d'audience du 22 mai
s> 1645 ' ^'^ ^"^''^ avoit été abufivement appointé
j) & procédé ; cafla tout ce qui avoit été fait ,
») & condamna l'intimée en l'amende & aux dé-
» pens".
La prefcription établie par le concile de Trente
eft fi exaâement obfervée en France , qu'on y re-
garde comme abufifs. les brefs obtenus en cour de
Rome pour s'en faire relever. C'eft la doflrine de
tous nos auteurs , & elle a été adoptée , i ". par l'ar-
rêt du 3 1 raarj 1^26 , que nous avons déjà cité j ag-
PROFESSION MONASTIQUE.
par un autre du 9 juillet 1668 , rapporté par SocfVe
& dans le journal des audiences. On en trouve
cependant deux dans le recueil de M. d'Olive, qui
paroilTent avoir jugé le contraire j ils font des 12
avril 1633, & i4décembre 163 t. Mais, comme l'ob-
ferve M. Olive lui-même , les refcrits du pape , fur
lefquels il s'agilToit de prononcer , étoient plutôt des
lettres de fécularifation émanées de la pleine puijjhnce
du faint Jléqe , que des brefs d'annullation de vaux
procédant d'une jujle caufe de forte que de tous
côtés la provifion ctoit gracieufe. D'ailleurs, ces ar-
rêts ont déclaré les religieux qui avoient obtenu
ces difpenfes , non-recevables à réclamer les biens
dont leurs pères & leurs mères avoient difpofé
avant leur fécularifation.
11 y a cependant un Cas où on admet , même
' après cinq ans, les demandes en nullité de vœux ;
c'eft lorfqu'on a employé la violence pendant tout
ce temps , pour empêcher le religieux de former fa
réclamation. La preuve en réftilte , de ce que les
brefs de reditution contre le laps de cinq ans , font
énonces dans les tarifs des droits attribués aux ban-
quiers-expéditionnaires , arrêtés au confeil royal
des finances en 1673 ^ 1691.
U palTe même aujourd'liui pour confiant, que les
cinq annéesne doivent courir que du jour que la vio-
lence a cefle. « C'e(ï , dit Denil'art , Tefpèce de deux
» arrêts récens; l'un a été rendu dans l'afLire de
M la demoifelle de Lufignan , qui n'avoit protefté
» que le 28 février 1744, quoiqu'elle eût fait fa
j» Profeflîon le 10 février 1727; l'autre, du n
»> juillet 1755, a été rendu à la grand'chambre,
» fur les conclufions de M. l'avocat-général Joly
>» de Fleury , dans l'affaire de la demoifelle La-
»» mare , qui avoit fait profeffion à Longchamps le
» 30 janvier 1736, Se qui n'avoit préfenté fa re-
» quête en nullité de vœux que le 2 feptembre
» 1752 ».
Le défaut de réclamation dans les cinq ans ne
peut pas non-plus être oppofé à celui qui n'a ni de-
meuré dans le monaftère , ni porté l'habit religieux
pendant ce temps. Ceft du moins ce qu'établit M.
d'Aguefîeau dans fon plaidoyer du 28 mars 1697.
« S'agit-il d'un religieux, dit ce magiftrat , qui,
» après avoir demeuré plus de cinq ans dans 1 ob-
M fervation de fa règle, veuille détruire, par fon
V ÎHconftance , un ouvrage que fa Profeflion a
» commencé, & que fa perfévéranceaconfommê?
H En ce cas , fa caufe nous paroîtroit très-douteufe."
j> Mais ici , il s'agit d'un homme qui ne s'eft jamais
» cru valablement engagé, qni, n'a demeuré que
» deux ans, depuis fa profeffion, chez les capucins,
M qui a effacé par-là cette fin de non-recevoir qu'on
» auroit pu tirer de fa perfévérance pendant cinq
» ans, s'il avoit toujours confervé fon état. Nous
» n'avons garde d'approuver fa conduite ; au con-
» traire, elle mérite d'être condamnée. Il falloit
n refpeéler au moins l'ombre & l'apparence d'une
» Profeffion folemnelle , & faire en 1689 ce qu'il
Il a fait depuis çn 16^^ , recourir à l'autorité de
« l'églife,
PROFESSION MONASTIQUE.
M régUfe , pour le délier ou prendra la voie d'ap'
» pel comme d'abus. Mais cependant rien ne dé-
» truit davantage cette fin de non-recevoir , qu'une
» réclamation , tacite à la vérité , mais très-réelle ,
» d'un homme qui , ne fe croyant point lié , rentre
« dans le fiècle , fans que jamais les capucins aient
» fait aucune diligence pour l'obliger à revenir
« dans le cloître ».
On trouve dans Brodeau , lettre C , §. 8 , un ar-
rêt qui confirme cette opinion : « Pierre Regnault
M ayant fait Profefllon à l'abbaye de Charroux ,
» âgé feulement de quinze ans , fans noviciat, par
« force , pour obéir au commandement de fon ab-
» bé, clandeftinement en la chambre de l'abbé,
» proche parent , pour avoir la capacité de tenir un
» bénéfice régulier, dont Abel Regnault fon père
>» avoit joui fous fon nom, n'avoit fait aucune fonc-
» tion de religieux , ni demeuré dans l'abbaye de»
>» puis fa Profeffion , mais dans la maifon de fon
n père, qui lui avoit fait prendre les armes & en-
» rôle dans une compagnie , & fait autres ades
I» femblables pendant quinze ans entiers , n'y ayant
» eu aucun aâe capitulaire , oii il fût dénommé
■M en qualité de religieux profés : ce qui rendoit
« indubitable le refcrit par lui obtenu en cour de
» Rome pour faire déclarer nulle fa Profeifion ;
>» & fut ainfi jugé par arrêt du mardi matin 8 avril
»♦ 162Ç , plaidans M. Talon & M. Noël Buffet,
» conformément aux conclufians de M. l'avocat-
« général Servin ».
Le plaidoyer de M. de Saint-Fargeau , dans la
caufe de René Lelièvrc , contient quelques ré-
flexions qui modifient ce que nous venons de dire.
» Sans prétendre, dit ce magiftrat, adopter ou re-
« jeter abfolument (la décifion de M. d'Aguef-
» feau), nous nous bornerons à obferver que,
» s'il eft aucun cas ©ù la réclamation de fait puifTe
w fuppléer à la réclamation juridique , cela ne fau-
« roit être admis avec trop de réferve. Autrement ,
•n l'indocilité d'efprit , la corruption du cœur , le
» dérèglement delà conduite, l'apoftafie elle-mê-
>» me, paroitroient, à des religieux inconftans &
» corrompus, autant de moyens offerts, autant
« d'inftrumens faciles à mettre en œuvre , pour
« brifer un joug qui leur feroit devenu odieux ,
» quoiqu'ils fe le fuffent légitimement impofé ».
La réclamation dans les cinq ans ne feroit d'au-
cun effet , fi le religieux qui l'a loïmko. laiflbit
écouler un temps confidérable fans en pourfuivre
le jugement. D'Héricourt le décide ainfi dans fes
lois eccléfiafliques, & le parlement de Touloufe
a jugé de même par arrêt du mois d'avril 1665.
Dans cette efpêce , la dame Dumas de Cafîellane
avoit fait Profeflion en 1641, & dûment réclamé
en 1643 ; {on père , qu'elle avoit fait affigner pour
voir déclarer fes vœux nuls , étoit mort en 1647.
Jufque-là , elle n'avoit fait aucune pcurfuite ulté-
rieure ; elle garda encore le filence pendant neuf
ou dix ans. Au bout de ce temps , elle obtint fen-
tence qui la reftitua au fiècle : mais fu .'l'appel com«
Tomt Xîll.
PROFESSION MONASTIQUE. 777
me d'abus qui fut interjeté de ce jugement, le
parlement de Touloufe le déclara abufif. « Les vrais
I) motifs de l'arrêt , dit M. de Catellan , furent.....
» que véritablement la violence étoit ici établie ,
» mais qu'elle avoit été couverte , & la Profeflion
» tacitement ratifiée par le filence gardé plus de
» cinq ans après la mort du père, depuis la mort
» duquel la plupart des juges convinrent qu'il ,
» falloit compter les cinq années que donne le
» concile ; mais qu'après cinq années , à compter
» au-delà, on étoit bien précifément dans le caî
» du chapitre , infinuantc , qui clericL vel virgines vo-
n ventes matrimonium contrahere pojfint coac-
» tionern , Jl qua fuit ^ patientïa & per/everantia(e-
n quentis lemporis profugavit , parce qii alors en
» peut dire , comme dit , dans un cas néanmoins
» bien différent , le chapitre de frigidis & maleficui-
» tis , proclamare potuit , cur quaindiù tacuit ? Ainfi
M on trouva que cette intimée avoit rompu &
» gardé le filence à contre-temps pour fon deffein ,
» qu'elle avoit parlé lorfqu'elle pouvoir encore fe
» taire , & qu'elle s'étoit tue iorfqu'il étoit nécef-
» faire de parler. Il ne parut pas jufie que d'auffi
» petites & foibles raifons que des infirmités &
» une contagion paffagére , puflent lui fervir d'ex-
» cufe à ne point faire une chofe aufll effentielle
» & aufli aifée , que de parler fit de réclamer , dans
» les cinq ans après la mort du père; ni que la
» plainte formée , les affignations données , les au-
» dirions faites , euffent pu proroger le temps au-
» tant qu'il le falloit pour la prétention de l'inti-
» mée ; tous ces aéles , pris comme un commen-
» cernent d'inftance , ayant été périmés dans trois
» ans , & tout au plus n'ayant pu faire autre chofe
)> que de gagner par l'interruption du laps de cinq
11 ans , s'ils avoicnt couru dès-lors , cinq autres an-
» nées. Ainfi , malgré toutes ces confidérations ,
11 on crut que la ratification tacite la plus {onc étoit
» le filence de cinq ans non interrompu , de quel-
» que violence 8c de quelque plainte que ce iï-
» lence eût été précédé , & qu'on ne peut en juger
» autrement après que le concile a dit que la Pro-
» feflion , même faite avant l'âge ou par force , eft
» confirmée par le feul filence de cinq ans , &
» que l'ordonnance de 1629, article 29, a vouhi
» que l'habit de religieux porté dans le monaftère
» pendant cinq ans , tînt lieu de Profeflion. Et
» comment, fi l'habit porté en filence fupplée à
» des vœux & les fait prêfumer faits , ce mênnr
» habit , porté dans un pareil filence durant autant
» rie temps , ne les fera-t-il pas préfumcr rari-
j» fiés » ?
L'annotateur de Fevret foutient, d'après Bar-
bofa , de potejîateepi/copali , alleg. 104, /z°. 16 , que
le laps de cinq ans ni la ratification môme exprefie ,
n'opèrent rien contre ceux dont la Profeflion efl
nulle pour caufe d'incapacité perfonnelle & fondée
en droit; « ils peuvent toujours réclamer, dit-il ,
» Si la religion les peut toujours expulfer. >» D'Hé-
ricourt conhrm & expplique cette maxime : u lorf-
r {'jf
77S PROFESSION MONASTIQUE.
n que rempêchement qui a rendu la profefîlon
I» nulle , vient de ce que la perfonne étant déjà
n liée ne pouvoir s'engager dans l'état religieux ,
j) tant que cet empêchement fubfifte, on peut ré-
»> clamer, même après les cinq ans. Ainfi un hom-
•> me marié doit toujours retourner avec fa femme ,
PROFESSION MONASTIQUE.
» point compris cette matière ; qu'il n'étoit point
V ordinaire de prendre de tels refcrits , & qu'on
» avoir toujours jugé qu'ils étoient inutiles par plu-
)> fieurs arrêts dont un entr'autres, de l'année 1 63 1,
» étoit rapporté dans les plaidoyers de le Maître ;
5> que s'il y avoit eu d'autres arrêts contraires , ils
î» quoiqu'il y ait dix & vingt ans ou plus qu'il fe 1 » n'étoient pas intervenus fur ce défaut de refcrits.
» foit engagé dans l'état religieux »>.
îl. Jufques ici nous avons parlé des refcrits
qu'obtiennent à Rome les religieux qui veulent ré-
clamer contre leurs vœux; nous avons même cité
quelques plaidoyers de M. l'avocat général Talon ,
^ans lefquels ce maglftrat a foutenu que les ofK-
ciaux & les fupérieurs réguliers ne pouvoient , fans
ces refcrits, prononcer fur les demandes en nullité
de Profeflion mcnaftique. Examinons maintenant
quel eft à cet égard l'efprit de l'églife & notre ju-
rifprudence.
Voici ce que dit la deflus d'Hcricourt : « Cette
f> formalité (d'obtenir des brefs en cour de Romj)
jj n'eft prefcrite par aucune ordonnance ni par au-
1) cune ordonnance , ni par aucune loi cccléfiafti-
î> que ordinaire du diocefe Cette jurifpru-
» dence , qui eft confiante au parlement de Paris,
u eft fondée fur ce qu'il ne s'agit point, dans ce
» cas , d'obtenir une difpenfe d'un vœu , mais de
w déclarer qu'il n'y a point de vœu qui ait lié va-
•n lablement celui qui réclame v.
Fagnan , fur le chapitre nullus , aux décrétales de
regularibus , aft"ure que les évêques d'Italie en ufent
de même ; & quoiqu'il y ait en France quelques
auteurs , tels que Fevret & Vedel , qui regardent
cette pratique comme irrégulière , elle n'a pas laifte
d'être confirmée par un grand nombre d'arrêts.
Dans une efpèce rapportée au journal des audien-
ces , où il s'agiftbit entr'autres chofes de favoir fi
l'official de Paris & le délégué de l'abbé de Sainte-
Geneviève avoient pu connoître , fans refcrit de
Rome , d'une demande en nullité de vœux ; « M.
3J l'avocat général de Harlay, dit qu'il n'y avoit
« que la queftion du refcrit à laquelle on dût,
» s'arrêter , les autres propofitions ne méritant
r> point d'être examinées , parce qu'elles étoient
« faciles à décider ; qu'elles étoient même préma-
» turées , & qu'il ne s'agiftbit point du fond
« Qu'à l'égard de la véritable queftion , les évê-
« ques étoient les ordinaires , & avoient leur juri-
» diâion dans leur diocèfe , comme le pape dans
» le fien ; que ce feroit contrevenir aux libertés
>» de l'églife gallicane , que de leur vouloir re-
» trancher; que les rois les y avoient toujours
V maintenus ; qu'il étoit néceffaire de les appuyer
j) dans l'exercice de ce droit , & que les plus faints
papes n'avoient point contrevenu à cela , lef
}>
j» quels ne s'étoient voulu attribuer aucune r.uto-
» rite fouveraine fur les fujets des princes , inf-
» iruits par ce pafTage de l'écriture , re^cs gentiuni
3) dominantur eos .ves'auiem nonficÇ^WQ dans le tit.
» des décrétales de regularihus , les papes , par leurs
s» réfervations des caufes majeures, n'y avoient
>» mais fur des circonftances particulières ». — Sur
ces raifons , arrêt eft intervenu le 3 1 mai 1691 , qui
a déclaré qu'il n'y avoit abus , & a condamné l'ap-
pelmt à l'amende & aux dépens.
Ducafle , juridiction eccléfiaftique ; partie 2 ,
chapitre 6 , remarque un cas où la décifion de
cet arrêt ne pourroit pas être fuivie. C'eft , dit-il,
lorfque le religieux a laifle pafler cinq ans fans
réclamer : comme alors il ne peut le faire qu'en
alléguant une continuité de violence , & que par
conléquent il a befoin du fecours de la reftitution
en entier contre le laps de temps , il faut qu'il foit
difpenfe par une autorité fupérieure à celle de
l ordinaire, de la loi du ^«f/zj«e/initt/», établie par
I le concile de Trente.
m. Il s'eft autrefois gliffé , dans la forme de l'im-
pétratjon des brefs , des abus contre lefquels les
cours ont été obligées de févir. Nous avons à ce
fujets trois arrêts remarquables ; deux du parle-
ment de Paris , & l'autre de celui de Dijon.
Le premier a été rendu le 26 février 1624 , fur
les conclufions de M. Servin. Voici ce qu'il porte :
» La cour fait très-expreffes inhibitions &
» défenfes , tant à l'official de l'archevêque de Pa-
» ris, qu'à tous autres officiaux , de procéder par
» aucune information ou enquête fur la requête à
5> eux préfentée par les religieux , pour obtenir fur
JJ cette requête des brefs déclaratoires de riullité
» des vœux , ains leur pourvoir par les voies de
>i droit , à peine de tous dépens, dommages & in-
» téréts, « Cette procédure étoit vlfibleraent con-
traire à la pragmatique & au concordat , qui veut
lent que les caufes foient jugées fur les lieux.
Le fécond arrêt eft du 3 juillet 1641. Un parti-
culier avoit fait Profeflîon chez les carmes déchauf-
fés , fous la condition que la foibleffe de fon efto«
mac lui permît l'abftinence de chair. Quelques an-
nées après , il obtint de la congrégation des cardi-
naux des réguliers , un refcrit qui le relevoit de fes
vœux , & il le fit entériner par l'évêque de Poi-
tiers. Sur l'appel comme d'abus qui fut interjeté
de la fentence d'entérinement , il démontra affer
clairement la nullité de fa Profeftion ; mais , dit
le réda^eur du journal des audiences , « M.l'avo-
» cat-général Talon n'ayant pu adhérer à ces rai-
» fons, à caufe de la nullité du refcrit, qui ne
» pouvoir pafter parmi nous que pour un fimple
J) avis , ayant été décerné par des perfonnes qui
» n'ont aucune juriHiflion, la cour dit qu il avoit
5> été mal , nullement & abufivement procédé ,
» ordonné & exécuté par l'évêque de Pomers ;
V évoquant le principal , & , avant que d y taire
» droit, ordonna que l'iotimé fe pourvoiroit dans
PROFESSION MONASTIQUE.
i» fix mois pardeyers le pape , pour lui être pour-
« vu, ainfi que de raifon , fans dépens ».
Le troifiéme arrêt eu du 4 août 1703. 11 ordonne,
qu'à la diligence du procureur-général du roi , exaÛe
recherche & perquijîtion fera faite des décrets que les
cardinaux de la congrégation des réguliers avoient
répandus depuis peu dans la province de Bour-
gogne, contenant commiiTion aux ordinaires d'in-
former fecrètement des faits articulés dans les fup-
pliques préfentées au pape par des religieux rccla-
mans, d'entendre même les fupérieurs des mo-
naftéres où ces religieux avoient fait leur Profcf-
fion, pour envoyer enfuite ces procédures à Rome,
& y joindre leur avis , afin qu'on pût juger plus
fainement fi le bref de difpenfe ou de reftitution
contre les vœux devoit être accordé ou refufé.
Le réquifitoire fur lequel cet arrêt a été rendu,
expofe , d'une manière très-lumineufe , les raifons
qui nécefiîtoient la fuppreffion de ces refcrits. En
Toici les termes : « Il femble , du premier coup-
» d'œil , que c'eft; une infcruflion fommaire qui, ne
» paroiffanr point au dehors & n'étant farte que
" pour diffiper ks doutes & éclairer la religion des
» cardinaux de la congrégation des réguliers , on
« ny fauroit rien découvrir qui foit capable d'ex-
» citer le miniftère public ; nea.imoins , pour peu
» qu'on donne d'attention à pénétrer les motifs de
» cette conduite , voilée du fpécicux prétexte de
" ne pas ouvrir trop légèrement la porte des cloî-
»> très , on remarquera facilement qu'elle renferme
» un piège finement dreffé , &: un déiour ingé-
»» nieux pour frayer des routes & introduire des
» maximes entièrement oppofées aux libertés de
» l'églife gallicane. — Il eft certain qu'en France
M nous relpeftons la puiflance du pape, & que nous
« le reconnoiflbns comme le chef yifible de l'égli-
» fe , & le père commun des chrétiens : mais nous
5> n'avons jamais reconnu le pouvoir ni la juridic-
>» tion des congrégations qui fe tiennent à Rome ,
" & que le pape peut établir fuivant qu'il le juge
>' à propos. Les décrets de ces congrégations n'ont
" point été reçus ni autorifés dans le royaume ; &
>» toutes les fois qu'on en a préfenté dans les affai-
» res contentieufes , comme de nullité de voeux ,
» de tranflation de religieux , & autres de cette na-
w ture, on n'a jamais héfité un moment à les rejeter
» & à les déclarer abufifs, fauf à ceux qui les avoient
« tenus à fe pourvoir par les voies ordinaires à
« la chancellerie où les aftes font expédiés fous
» le nom du pape , dont nous révérons la per-
») fonnc , comme le centre où réfîde l'autorité légi-
j) time. L'application de ces principes décide (on-
»> verainement que les refcrits émanés de la con-
») grégation des réguliers bleflent nos ufages , aufiî
Il anciens que la monarchie, & qu'il n'eft pas per-
« mis au procureur général de difiimuler une pa-
>» reille entreprife. — Mais fi ces refcrits font dé-
» fe61.,eux, parce que la fourcc nous en eft étran-
*» gère & inconnue, & que l'afTemblée où ils ont
w été fortnés n'a point de cara<îlère, l'exécution
PROFESSION MONASTIQUE. 779
'> en eft encore plus odieufe , puifqu'elle renverfc
» les privilèges de la nation , & l'ordre obfervé
» pendant plufieurs fiédes, & confirmé par la
» pragmatique , par le concordat , & par le con-
» cile de Trente. — Ces refcrits ordonnent que
» les évêques procéderont à des informations fe-
» crêtes , qui ont fans doute beaucoup de rap-
» port à celles qu'on a coutume de faire à l'inqui-
» fition , tribunal d'un établiflement moderne , où
'» la juftice eft arbitraire & de pure politique , 5c
» où il e^ aufli aifé d'abfoudre le coupable , que
» de condamner l'innocent. — On prefcrit encore
» aux évêques de donner leur avis & de l'en-
» voyer avec les informations fecrètes à Rome ,
» pour y juger les fnjets du roi : cependant nos lois
» les plus inviolables défendent précifément de
>i traduire les François hors de leur patrie , & veu-
5) lent que le pape délègue des commiflaires en
» France , pour y examiner & décider les caufes
n eccléfiaftiques. — D'ailleurs , ces procédures fe-
» crêtes deviennent illufoires , puisqu'on ne fau-
» roit y avoir aucun égard après l'expédition du
»i bref, & que, pour parvenir à l'entérinement,
)> il faut les réitérer dans les formes prefcrites par
» le dernier concile écuménique & paries ordon-
M nances. — On peut ajouter que cette méthode
» extraordinaire expofe un religieux à être jugé
») trois fois pour le même fait , à fubir deux jugc-
» mens particuliers & clandeftins , & une fentence
« publique. Le premier jugement particulier &
5) clandeflin eft porté par l'êvêque fur les informa-
M tions fecrètes qu'il fait lui feul. La congrégation
» des réguliers en rend un fécond à Rome , après
» avoir vu celui de l'êvêque & ces mêmes infor-
» mations fecrètes ; & la troifième fentence , qui
» eft authentique , intervient fur les procédures
» folemnelles inftruites par l'êvêque & par le fupé-
>» rieur du monaflère , commifTaires naturellement
>» délégués par le concile. Cette multiplicité & ce
" mélange de jugemens clandefiins & publics dans
»» une même caufe , ne fauroient être confidérés
» que comme une efpèce de monflre dans l'ordre
V judiciaire des matières canoniques , & comme
» un moyen propre à multiplier les longueurs &
j> les frais inutiles. Enfin fi on lai/Toit les évêques ,
1) qui tiennent leur dignité & les attributs de leur
j» caradlêre immédiatement de Jéfus-Chrift , dans
» la dépendance d'une congrégation qui n'a jamais
« été reconnue , & qui eft d'une inftitution pure :
» ment humaine & volontaire ; ce feroit leur im-
r> pofer une fervitude fâcheufe , avilir leur rang,
» & violer les règles les plus folides de la difci-
» pline. — Il n'eft pas difficile de démêler que cette
« nouveauté n'a été hafardée que dans la vue , fi
» elle étoit fuivie d'une tolérance paifible , de s'en
» faire un titre pour fe difpenfer des formes ordi-
» naires , & d'affujettir les François à des pratiques
» ultramontaines. — Le procureur général , qui eft
» chargé de la manutention des lois & des ordon-
w nances, ne fauroit s'oppofer avec trop de vi-
Fffffij
7So PROFESSION MONASTIQUE.
5> gueur à cet abus , ni marquer trop de zèle pour
j* arrêter le cours & rexécution de ces fortes de
» refcrits , fi contraires au moeurs & à la police
i> générale du royaume ; & pour apporter le re-
j> mède convenable à cette plaie naiffante , il a re-
" quis , qu'à fa diligence , exaéle recherche & per-
« quifition foit faite des refcrits émanés de la con-
» grégation des réguliers , & envoyés aux évéques .
M de la province ; enjoindre à ceux qui ont obtenu
» CCS refcrits, ou auxquels ils feront adreffés , de
>» les remettre inceffamment au greffe de la cour ,
3J pour être communiqués audit procureur-géné-
ï» rai , & y prendre eniuite telles conclufions qu'il
« appartiendra ; cependant , que très-expreffes in-
3> hibitions & défenfes foi-ent faites aux évêques
3> de la province de les recevoir & de les exccu-
» ter , & que l'arrêt qui interviendra fera envoyé
»» dans les bailliages & fièges royaux du reflbrt ,
» pour y être lu , publié & regiftré en la manière
» accoutumée ».
IV. Il efl d'ufage que le religieux réclamant
faffe affigner fur la demande en nullité de vœux ,
ceux de fes parens qui font direflement intéreffés à
ce que fa Profeifion fubfifte. Il n'y a cependant au-
cune loi civile ni canonique qui prefcrive cette
formalité. Se par conféquent il eft à croire que
l'inobfcrvation n'en feroit pas regardés comme
abufive. Dans l'efpèce de l'arrêt du mois d'avril
1665 , rapporté au nombre I , de ce paragraphe , le
frère de la dame deCaflellane la lui oppofoit com-
me un moyen d'abus ; voici ce qu'elle répondoit :
î> <c Une religieufe par fa profeftion & fes vœux ,
î> n'efl engagée qu'à dieu , dont les intérêts & les
3) droits réfident en la communauté qui l'a reçue
)) & à laquelle on laifie le foin de les ménager &
5> de les défendre. Ainfi on n'a point dû appeler le
» frère , qui n'y a qu'un intérêt bien moins con-
3» fidérable en comparaifon , & , à regarder la vraie
j) importance des chofes , un intérêt d'ailleurs ac-
3> cefibire , Si. qu'on nomme un intérêt per confe-
j) qucnnas ; tout comme , félon nos arrêts , les fei-
» gneurs ne font point appelés à l'entérinement
» des lettres de grâce , quoiqu'inféreffés aux con-
3> damnations, & tout comme les fubflitués ne font
-ji point appelés dans des procès où il s'agit de la
5? validité ou invalidité des mariages, & dontrévè-
5> nement peut fervir d'obflacle ou d'ouverture à
j> la fubfiitution ; auiB la chofe a été nommément
3) décidés de même Jans le cas tout pareil d'un
5) frère non appelé à la Aihnination du rcfcrit ob-
» tenu par la fœur qui réclamoit contre fes vœux.
3) C'étoit la dame 1- Breton de la Ramade ; 6c
■)} par arrêt du 30 msrs 1651 , il fut déclaré n'y
;> avoir point d'abus dans la fentence de l'ofHcial
» de Montauban , qui avoit fulminé le refcrit fans
» appeler le frère »,
Mais fi le défaut d'aHigner les parens fur une
demande en nullité de vœux , n'eO pas un moyen
(affifant pour faire dfvlarcr ces fortes de procédu-
3e* abufives , au moins ne peut-on refufer aux pa-
PROFESSION MONASTIQUE.
rens le droit d'intervenir d'eux-mêmes , pour prou-
ver qu'il n'y a eu ni féduftion , ni violence, ni
nullité dans la Profeflion. Ils peuvent même, fans
s'être rendus parties devant les juges d'églife , in-
terjeter appel comme d'abus des jugemens qui dé-
clarent les vœux nuls.
On a élevé à cette occafion une difficulté dont
la décifion eft importante. C'eft de favoir û lorf-
qu'une Profelîion a été jugée nulle contradiéloire-
ment avec le père & la mère du reclamant, les col-
latéraux font recevables à appeler comme d'abus
de la fentence qui reftitue celui-ci au fiècle ? Un
arrêt du 11 juillet 1736, rapporté par Dénifart,
a décidé qu'ils ne le font pas. C'étoit dans la caufe
du fieur de Bourneuf , contre le fieur & la dame de
Bonvoufl , appelans comme d'abus d'une fentence
de l'ofHcial de Séez , du 1 1 décembre 1734.
» Cependant , ajoute Dénifart , comme il ne
5> dép.ind pas du père & de la mère de changer l'état
» de leurs enfans , s'ils fe prêtoientcollufoirement
M à la réclamation des vœux d'un de leurs enfans ,
» les collatéraux feroient recevables à intervenir...
» C'efl ce que nous apprend un arrêt rendu à
>j la grand'chambre , en 1727 , dans l'affaire de
» Guillaume Langelard , religieux ai;guflin de la
» ville de Bourges. Il pourfuivoit la réjlamation
» contre fes vœux , fur le fondement des violences
» de fon grand -père maternel; le père en étoit
5> convenu par ade devant notaires le 21 mars
») 1718. La demoifelle Catherine Langelard, fœur
•>y du réclamant, s'oppofoit à fa demande en refli-
» tution au fiécle , & elle réufTu >».
L'arrêt du 30 août 1706, que nous avons déjà
cité plufieurs fois , a jugé quelque chofe de fembîa-
hle. François le Coufluricr demandoitla nullité de
fa Profcffion. Sa mère ne s'y oppofoit pas, fon
père étoit mort, fon couvent gardoit lefilence;
André le Couflurier, fon oncle , a feul appelé com-
me d'abus de l'obtention du bref & de l'ordon-
nance de l'official de Chartres , qui admettoit la
preuve des faits allégués par le réclamant; &, com-
me ou l'a vu plus haut , cet appel a été accueilli par
l'arrêt cité.
Le journal du palais nous fournit deux autres dé-
cidons de la même efpèce. Frère Baillard avoit ob-
tenu, du confeotement de fon père & de fon frère ,
une fentence qui le reflituoit au fiècle. Sesfœurs,
qui n'y avoient pas donné le même confentement ,
& à qui elle portoit préjudice , en interjetèrent
appel comme d'abus; & par arrêt du parlement
d'Aix du 15 décembre 1670, cette fentence fut
déclarée abufive.
Clément Martin fait ProfefTion dans l'ordre des
capucins en 1639; il quitte l'habit en 1646 , 8i ,
après avoir fuivi les armées du roi pendant fix
mois , il revient dans fa maifon de Profeflion , où il
efl favorablement reçu. 11 y demeure trois années,
après lefquelles il déferte une féconde fois. Se
pourfuit la réfolution de fes veux , en conféquence
d'un hiet qu'il avoit obtenu du rice-légat d'Avi-
PROFESSION MONASTIQUE.
gnon, fondé fur la crainte & la violence. Le bref
€ft entériné par fentence des commiffaires apofto-
liques , & l'impétrant rétabli dans le fiède. En
1654, il contracte mariage avec la nommée Made-
leine Richelmy , dont il eut un enfant. La mère
& l'enfant décédés, il fe remarie avec une autre
femme , qui mourut aufli quelque temps après ,
fans lui laiffer aucua enfant. Les chofes en cet état,
JeanBaptifte Voulonne , parent de Madeleine R.i-
chelmy , interjette appel comme d'abus delà fen-
tence des commiffaires apoftoliqnes. L'appel porté
au parlement d'Aix, on examina trois queftions.
La première , i\ l'appelant comme d'abus , parent
fort éloigné de la première femme de Clément
Martin , étoit recevable à attaquer un jugement au-
quel tous les autres parens plus proches avoietit
acquiefcé. La féconde ,Si ce jugement étoit nul &
abufif , pour avoir été rendu fans qu'il parût aucune
réclamation par écrit dans les cinq ans. La troifiè-
me , fi on pouvoit obliger Clément Martin de rear
trer dans fon monaftère après fes deux mariages.
M. l'avocat général de Saint-Martin démontra l'af-
firmative de ces trois queflions , & fes conclufions
furent fuivies par arrêt du 18 mai 1679.
On juge tout autrement à l'égard de ceux mêmes
d'entre les parens qui ont conlenti à l'annulation
des vœux du réclamant. Voyez les mots Abus &
Nullité.
V. Celui qui fe préfente à la juftice eccléfiafti-
que pour être relevé de fes vœux , doit être revêtu
des habits de fon ordre , & demeurer afluelleraent
dans fon monaftère ; autrement , dit le concile de
Trente, bien loin de l'écouter, on doit le punir
comme apoflat. Quod Jî anteà habitum fpontè dimi-
ferit, nullateniis ad allegsndam quamcumque caufam
admittaïur , ftd ad monajlerium redire cogatur , &
tanquàm apoftaia puniatur.
11 y a dans les mémoires du clergé un arrêt
du parlement d'Aix , du 14 mars 1679, qui or-
donne qu'un religieux réclamant demeurera dans
le cloître , même pendant l'appel d'une fentence
de l'official qui avoit prononcé fur la demande en
nullité de fes vœux.
VI. Nous avons parlé au mot LÉGITIMITÉ , des
mariages que contraftent quelquefois des religieux
avant qu'il ait été fait droit fur leur réclamation.
Aux arrêts que nous y avons cités à ce fujet,il
faut en ajouter un autre que M. de Cateiian nous
retrace en ces termes : « La dame d'Aubuflb|i de
j» la Feuillade s'étoit mariée au préjudice d'une
» appellation tomme d'abus, dans des circondan-
» ces bien défavantageufes. L'otîicial & le fupé-
» rieur de l'ordre avoient été partagés en avis.
« L'avis de l'ofRcial étoit d'ordonner une plus am-
V pie preuve ; celui du fupérieur, de fulminer &
j) reftitucr. La dame d'AubuiTon , prenant l'avis
j> du fupérieur pour fentence , avoit voulu con-
7) trader mariage. La dame de Millars , fa fœur ,
» utérine, avoit relevé appel comme d'abus de la
» prétendue fentence , apréï lequel le mariage fut j
PROFESSION MONASTIQUE. 781
» contrarié par la dame d'Aubuffon , attaqué par la
» dame de Millars, & confirmé par arrêt du par-
» Icment de Touloufe en 1646».
VU. Vedel fur Cateiian rapporte un arrêt de la
même cour du 24 mars 1722 , par lequel il a été
jugé , « qu'après le décès du religieux réclamant ,
» on étoit non-recevable à quereller fon état , & en
» l'appel comme d'abus relevé de l'exécution du
» rel'crit du pape, qui le fécularifoit , quoiqu'il
» y eût des moyens d'abus pertinens contre ce ref-
» crit , & qu'il portât préjudice aux parens du re-
M ligieux , qui avoient déjà recueilli Ja fuccefllon
j> dont la difpute faifoit la matière du procès».
Cette décifion cCt conforme aux principes que nous
avons établis à l'article LÉGITIMITÉ. On peut en-
core voir là-de(Tus le plaidoyer de M. l'avocat-
général de la Molle , du 11 avril 1680 , inféré datis
le journal du palais ,& l'arrêt du 22 juillet 1718,
rapporté par Denifart au mot Vœux.
VIIL Le défaut de défenfe valable , que l'article
y^ du titre 35 de l'ordonnance de 1667 place au
nombre des ouvertures de requête civile pour les
mineurs , peut-il être allégué par un religieux qui,
ayant réclamé pendant fa minorité contre fa Pro-
feflion , a été déclaré mal fondé & renvoyé à {on
monaftère .''
Cette queflion eft intéreffante; voici un arrêt
qui l'a jugée pour la négative.
Le frère de Belavoine , après avoir fait Profef-
fion dans le couvent des feuillans de la rue Saint-
Honoré à Paris , interjeta appel comme d'abus de
fes vœux , fur le prétexte que fon père l'avoie
contraint à les faire par des menaces & des vio-
lences. Pendant que la caufe s'inflruifoit, il écri-
vit à fon père une lettre où il lui demandoir par-
don de fes égaremens , & reconnoilToit n'avoir
fait fes vœux que par légèreté. Quelques jours
après , il alla trouver le procureur de fon père , &
lui donna un défiftement de {on .ippel comine
d'abus. Le père fe hâta de demander a&.s de ce
défiftement , & l'obtint par défaut. Le frère de
Belavoine forme oppofitionà l'arrêt , & cependant
s'enfuit dans le Languedoc. Le 6 feptembre 1770,
il intervint arrêt contradiffoire, qui donna aéie au
père du défillenient de fon fils ; en coniequence ,
déclara n'y avoir abus dans la Profeflion de celui-
ci , & lui enjoignit de fe retirer dans fon couvenr ,
dépens compenfés.
Cet arrêt ne fut point fignifîé au t'rère de Bela-
voine. C'eft ce qui l'engagea en 1775 , ^pfès la
mort de fon père , à prendre des lettres de requête
civile pour le faire retracer. Son unique moyen
confiftoit à dire qu'il avoit été mal défendu , &
qu'il étoit mineur lois de l'arrêt. Il prcuvoi: ia
minorité par fon extrait debaptêm.e, & le défaut
de défenfes par la produâion d'une lettre de fon
père , dont il n'avoit point fait nfage dans fon
appel comme d'abus , Se qui contenolt les mccjc^s
les plus fortes pour le foicer àprouoocerfesvœyi.
jBi PROFESSION MONASTIQUE,
M" Langlois parla en fa faveur pendant trois au- j
diences. '
M'^ Vermeil, pour la veuve en féconde noces du
fieur de Belavoine, tutrice des enfans qu'il lui
avoit laifles , foutint , i°. que la lettre étoit fauffe ;
ce qu'il appuya de plufieurs préfomptions très-
fortes ; 2°. qae quand même elle auroit été vraie ,
elle n'auroit pu former un moyen de requête ci-
vile , parce que le frère de Belavoine ne pouvoir
être confidéré comme mineur relativement à fes
vœux. S'il étoit réputé majeur pour faire Profef-
fion , il l'étoit également pour réclamer contre fa
Profeflîon. La preuve en réfulte de ce qu'au temps
où l'âge de feize ans fuffifoit pour l'émiffion des
vœux , les cinq ans prefcrits pour terme de la ré-
clamation , étoient écoulés à vingt-un ans ; ainfi le
mineur, parvenu à ce dernier âge , étoit regardé
comme capable de ratifier & de couvrir , par un
confentement tacite , les nullités qui pouvoient fe
trouver dans l'émiffion de fes vœux. Donc la pref-
cription qui a lieu en cette matière court contre les
mineurs ; donc ceux-ci doivent, à cet égard , être
confidérés comme majeurs ; donc ils peuvent fe
défifter des demandes en nullité qu'ils forment con-
tre leurs vœux ; donc ils font réputés capables de
fe défendre valablement; donc enfin ils ne peuvent
fe prévaloir du moyen de requête civile que l'or-
donnance accorde aux mineurs non valablement
défendus. C'eft d'ailleurs ce que la cour a déjà pré-
jugé dans cette caufe. Le frère de Belavoine , en
demandant , par fa requête introduâive , d'être
reçu appelant comme d'abus de l'émifiion de fes
vœux , avoit conclu à ce qu'il plût à la cour lui
nommer un tuteur fous l'autorité duquel il pût pro-
céder. La cour a reçu fon appel comme d'abus ,
pazii ne lui a point nommé de tuteur ; ainfi elle l'a
PROFESSION MONASTIQUE.
regardé comme capable de foutenir fes droits eu
juftice , & par conféquent comme majeur relative*,
ment à fa Profeflîon.
M. Joly de Fleury , avocat-général , qui porta
la parole dans cette caufe , a dit que les préfomp-
tions de faux qui s'élevoient contre la lettre pro-
duite par le frère de Belavoine, étoient três-fortes ;
mais que des préfomptions ne pouvant feules fervir
de bafe à un arrêt, on devoit regarder la lettre
comme vraie, jufqu'à ce que le contraire eût été
prouvé par comparaifon d'écritures ; que cependant
cette vérification étoit inutile , parce que le frère
de Belavoine ne pouvoit invoquer en fa faveur
l'article 35 du titre 35 de l'ordonnance , & qu'on
devoit le confidérer comme majeur à l'égard de fa
ProfefTion.
C'efl pourquoi M. l'avocat-général a efKmé qu'il
y avoit lieu de déclarer la partie de M^ Langlois
non recevable dans fa requête civile , & de la con-
damner à l'amende & aux dépens.
Arrêt du 25 mai 1778 , conforme à ces con-
clufions.
Foye^ Van-Efpen , jus ecclefiaflicumuniverfum;
Fevret , de tabus ; Faganus ad decretales ; U dîBion-
njire des arrêts ; Augeard ; d'Héricourt ; Sancke^ ,
de matrimonio ; Tonduri Sanlegerii quaeftiones ca-
nonicae ; les conférences de Paris & d'Angers fur U
mariage ; Us arrêts de Mongefl ; les journaux du palais
& des audiences ; les définitions du droit canonique ;
la colleâion de Denifart; la jurifprudence canonique
de Roujfeau de la Combe , &c. Voyez auflî Monas-
tère, Abbé, AsBAyE, Religieux, Novice,
Vœu , Empêchement , Incapacité , Mariage,
&c. ( Article de M, lâsRLlN , avocat *u parle-
ment de Flandres ).
Fin du Tome XUh
BiBUOTHECA
a\/iensis
A )
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La Bibliothèque
Université d'Ottawa
Échéance
The Library
University of Ottawa
Date due
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